UNIVERSITE de PARIS 1. PANTHEON -SORBONNE
U.E.R. d'HISTOIRE

CENTRE de RECHERCHES AFRICAIN.ES
THÈSE
pour le Doctorat de 3~ Cycle
-
CONSEIL AFRICAIN ET MALGACHE.
,
. DOUR l'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
Présentee
CT
Q~OUGOU
C. A. M·l· S. M ~\\ -\\~~~
Arrivée 1. 9. .1:\\1:'\\
' ..• ~. •
JEnregistré sous n° f·O.~· ~ .~";.." .
ROKHAYA
A-ti;--
sous la direction de Monsieur le Professeur Jean DEVISSE
-
e .
e _
Le ROYAUme du BAWOL du XVleau XIXeSiècle
Pouvoir Wolof et Rapports avec les populations SEREER
- - .... - -
DECEMBRE 1983

Mes remerciements vont à tous ceux qui,
par leurs aides et conseils, m'ont per-
mis d'achever ce travail.

UNIVERSITE DE PARIS l PANTHEON - SORBONNE.
U.E.R. D'HISTOIRE
THESE DE IIIè CYCLE DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
" LE ROYAUME DU BAWOL DU XVIè AU XIxè SIECLE"
Pouvoir Wolof et rapports avec les
populations Sereer.
ROKHAYA
FALL
--
sous la direction de
Monsieur JEAN DEVISSE
Année scolaire I982 - I983.

1
PARTIE
INTRODUCTIVE.
Chapitre Premier
Présentation de la région et cri tique des s OUL ce~
Après un mémoire de ma!trise sur "l'étude du pouvoir r oy~l
dans le royaume du Kajoor du XVlè au XVlIIè siècle~ nous avions

oriente
nos recherches futures sur l'évolution de ce mArne pouvoir
royal au XIxè siècle. Cependant, un travàil effectué en D.E.A.,
sur "essai de recherche sur la mise en place du peuplement dans
la région du Kajoor IBawol", nous détourna complètement de cet te
orientation première, d'autant plus que le Kajoor fait partie des
royaumes wolof les mieux connus.
La recherche s ur la mise en place du peuplement ne nous
permit pas d'aboutir à une conclusion solide sur la question, mais
elle eut le mérite de révéler une piste de recherche possible.
En effet, elle a montré que le Bawol, généralement considérée
comme une région wolof, a longtemps été peuplé de Séreer et que
m~me si les wolof y sont aujourd'hui plus nombreux, les Séreer y
ont été largement,majoritaires pendant un certain temps.
Malgré cela, cette région a été depuis le milieu du XVlè
siècle, sous la domination d'un pouvoir wolof, et ce,
jusquevers
la fin du XI~è siècle, avec la conquête coloniale et le démantè-
lement des monarchies sénégambiennes.
A partir de cette constatation,
le Bawol prenait à nos yeux,
une importance capitale. En effet, bien qu'il n 'y ait pas de r e-
lations antagoniques entre wolof et Séreer au Sénégal, on ne
peut s'empêcher de déceler un certain mépris, une espèce de s en-
timent de supériorité du wolof à l'égard du Séreer. Le ~emier
se considère V.olontier
comme plus "évolué" ou plus "civ:'lisé"

UNIVERSITE DE PARIS l PANTHEON - SORBONNE.
U.E.R. D'HISTOIRE
THESE DE IIIè CYCLE DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
" LE ROYAUME DU BAWOL DU XVIè AU XIxè SIECLE"
Pouvoir Wolof et rapports avec les
populations Sereer.
ROKHAYA
FALL
--
sous la direction de
Monsieur JEAN DEVISSE
Année scolaire I982 - I983.

2
que le Séreer, qui,
souvent, est qual if ié d '~homme de la brousse".
Il est certain que ces considérations sont en train de dispara!tre,
avec la formation de la nation séné9alaise, mais la recherche de
leur origine peut s'avérer intéressante, dans la mesure oG elle
pourrait expliquer certains événements de l'histoire de ces deux
peuples. C'est pour cette raison que le Bawol, p eti t royaume p eupl·,
de Wolof et de Séreer, a attiré notre attention.
L'on essaiera d'abord de voir comment s'est consti tué l e
royaume du Bawol, ensuite,
l'évolution suivie par le pouvoir pol~­
tique détenu par la n ationali té wolof et, dans cette évolution
on verra ses rapports avec la population séreer.
S'il y avait des
rapports antagonistes,
nous essaierons aussi d'en connaître l es
causes.
Nous ne ferons pas une étude exhaustive du pouvoir p oliU,c:\\'c
wolof et de son évolution,
dans la mesure où l'organisation du
pouvoir dans les pays vJolof est sensiblement:. pareille dans tous
les royaumes dominés par ces derniers.
D'autres historiens en cr;t
fait l'étude, et hous ne voudrions pas faire des répétitions, en
entreprenant l'analyse des institutions politiques, administra-
tives et sociales wolof.
C'est ~ travers des événements historiques donn~s (dislo-
cation du Jolof, annexion du Bawol par le Kajoor et pénétration
française), que nous montrerons les transformations subies par
le pouvoir politique.
Les relations entretenue~ par le pouvoir central du Bawol
avec les Français seront largement abordées;
i l ne s'agit nul-
lement de faire l'histoire des Européens en Afrique, mais plut8t

d'analyser les ~ypcs de rapports qu'il y avait entre ces dernic!"
et les populations qui nous intéressent. Avant d'ahorder toutes
Avant d'aborder toutes ces questions,
nous ferons d'abor"
une br~ve critique des sources utilis~es pour ce travail, ensuit
un rappel historique de la période précédant le milieu du XVI::
siècle.
A. LE PROBLEME DES SOURCES.
L'étude de 1 'histoire des sociétés de l'Afrique f'Joü-e pcs,~
toujours des probl~mes au chercheur. Ce dernier se trouve con-
fronté dès le début de son travail à une question fondamentale
en matière de recherche: celle des sources.
L'absence de documents écrits par les Africains eux-m~mes cons-
titue déjà un premier écueil auquel il doit faire face.
Pour mener à bien son travail,
il doit non seulement se
tourner vers les écrits des suropéens sur l'Afrique, malS encc:..:
sur les informations orales qu':L 1 peut recu ei 11 ir au niveau de:::
populations africaines qui,
si elles n'ont pas consigné leur
histoire par écrit,
n'en ont pas moins conservé les événements
marquants qui peuvent servir à sa reconstitution.
Nous avons été amené à utiliser deux types de documents
des sources écrités
et des sources orales.
La documentation écrite concernant l 'histoire du Bawol
n'est pas très riche.
Bien que ce fait ne soit pas propre au Ba-
wol,
il Y est quand m~me plus accentué dans la mesure 00 l'impor-
tance de ce petit royaume a du ~tre moindre a ux yeux des Européen::

compar~e au Kajoor ou au Waalo.
Cependant, ù t ré.lVcr s
les réci l: sues v oyaCJcur s q"!:.:i , dC[)lLi.,
le xvè siècle, fréquentent les c~tes sénégambiennes, on trouve
quelques fois des informations intéressantes, ayant trait au
Bawol. Pour le XVIè siècle,
nous avons surtout les relations de
voyages des Portugais: Fernandes en 1506, Francisco d'Andrade
en 1582, Almada en 1594, ainsi que le récit d'un Anglai
: Richard
Rainaldo en 1591.
Tous ces documents n'abordent ~as directement l'histoire
du Bawol, ~ais, par la descr iption du contexte poli tique des r é-
gions c~tières, des moeurs et coutumes des populations, ils cons-
tituent n~anmoins des sources importantes pour l'histoire de la
région, quand on arrive à localiser géographiquement les lieux
qu'ils décrivent.
Le XVlIè siècle est une période où, du fait de la diversité
des nations europ~ennes qui fréquentent les c~tes sénégambiennes,
et de l'importance du commerce de la peti te côte,
nous avons u n
tlombre assez cons,idérable de récits de voyage. Les articles d e
Guy THILr·'IANS et de NIZE ISABEL DE fJl0R/\\ES dans les Bulletins de
l'I.F.A.N.
nous ont permis de retrouver un grand nombre de textes
écrits au XVIIè siècle" sur le commerce qui se faisait sur la
côte. Récits de voyage (Francisco de Lemos Coelho), oeuvre de
compilation
(O. Dapper), relations de voyage de Lazaristes f ran-
çais, de capucins espagnols ou français,
ces textes nous resti-
tuent l'ambiance commerciale des points de traite de la petite
c~te au XVIIè siècle. Contrairement à la période précédente, l cs
textes du XVII~ siècle donnent des informations précises portant
sur le Bawol et son s ouvera5-r1.
Pour le XVIIIè si2cle,
les renseignements dont nous à ispo.:::·_~, ..

portent rll.1tAt. SUl- le cnl1lincrr:c:, de::; c()lll]>l~o.i.r;.. de SainL l.olli:~ cL
,...
de Gorée. Ces informations se trouvent dans la série CO des a r-
chives nationales de France. L'histoire interne des rov~umes n'!
est cependant abordée que sous l' ang le des relat ions de ces cl er-
niers avec le commerce européen.
Le XIxè si~cle offre quant ~ lui une masse de documents
d'archives, mais concernant surtout la seconde moitié du siècle.
Pour la première moitié du siècle, les documents d ' archives sont
assez rares. Cela s'explique par le fait que toute l'attention
des Français était plut8t portée vers le l"Jaalo., du fait de l 'ex-
périence de la colonisation agricole qui y était tentée.
En dehors des documents d'archives, nous avons aussi l'important
article de PINET LAPRADE sur les Séreer, publié en 1865, dans la
Revue r~aritime et Coloniale. Pour les besoins de la conquête,
Pinet LAPRADE a fai t un effort de recherche au niveau des po::;u-
lations séreer, dans le but de mieux connaître leur histoire, ct
leur organisation po lit iq1.\\e et socia le. Sa "not ice sur les Séreel" Il
e~t dans ce sens, une source de renseignements importants.
Nous avons enfin PL! consull:er les ouvrages d'auteurs c c:n-
temporains qui ont travaillé sur la région sénégambie~ne.
Les nonbreux ar'cicles de BCC'CSR et I,;APTIl,;, publiés d ar,lS les 0 u.'.-
letins de l'IFAN nous ont été d'une grande utilité, parmi ceux-c~,
l'excellent article sur "1(~s Teen du 3a"'Jol : essai de chroncloç::î.eT:
témoigne d'une enqu~te ninutieuse sur le terrain, et d'un ~rand
effott de L-echerche dans les archives. Les thèses de Jean BOUL~C;'
sur la "Sénégam0ie ci li XV'?- au début du XVIlè~ siÈ::cle i' et Boubaca.':·
BARRY sur' "le royaume du \\:laa 10 ", par les ana J. yses cr i L iques Cl L' 'c l:i
font sur les événements ayant marqué l' histoire interne des

royaumes sénégambiens, ont con:,t i t u-:" l)our nous un canevLl.~: d 8
travail important.
Bien qu' ils ne soient pas tr ~:s nombreux,
les quelques cl c-
cuments écrits que l 'on poss~':cJe SUl:' le Cawol peuvent rnalCJL-é t c;;t
représenter des instruments de travail non négligeables.
Les
récits de voyages et les documents d'archives doivent cependant
~tre analysés d'une mani~re critique, dans la mesure o~, tr~s
souvent,
ce sont des appréciations faites non seulement par des
éléments extérieurs aux sociétés considérées, mais encore par
des auteurs dont la préoccupation première était surtout le com-
merce. Ce sont donc principalement des renseignements liés ~
l'attitude des populations vis ~ vis des activités commercialc?
c8tières que nous avons le plus souvent.
Pour combler cette lacune sur l'histoire politique internc
du Bawol,
nous avons essayé de nous referrer aux sources orales.
2. Les sources orales.
- - - - - - - -
L'examen de cette source de documentation révèle un f a:Lt
tr~s important; c'est l'existence d'une conscience historique
des Africains. M~me si l'Afrique Noire n'a pas écrit son histoi~r:
une grande partie de celle-ci n'en est pas moins conservée. La
ferveur et la passion que nous avons lu dans les yeux de certains
de nos informateur s
lorsqu' ils évoquent l ' histoire de leur r ég le', l': ,
témoignent de l'importance qu'ils accordent à celle-ci.
Pour les royaumes nord-sénéganbiens
(1.';]aalo -
Kajoor -
0(,1,:):
nous disposons de deux types de sources orales
: celles qui 0 nt
été collectées et publiées par d'autres chercheurs, ensuite les
informations que nous avons pu recueillir nous-m~mes auprès des
Bawol-Bawol.

, !
Concernant les sources urales qui ont ~té publi~es, c 'e~L
surtout l'histoire des Wolof qui y est abordée.
YORO JAW figure
d'autorité dans ce domaine.
Son histoire des Wolof, consign6e ::Q~S
des cahiers, a 6té publi6e par llenri Gaden et Rousseau. Cependant,
bien que ces publication soient d'une valeur inestimable pour q1..!~_
veut faire un trav~il sur l'histoire des wolof,
la dispatition des
cahiers,
sources de premi~re main, est une grande perte pour les
chercheurs sénégalais.
En effet, mêDe si les auteurs èes publica-
tions sont animés d'un souci d'objectivité, certaines interpréta-
tions qu'ils ne manquent pas de faire,
peuvent toujours être source
de déformation de la pensée de Yoro Jaw, d'autant plus qu'étant
étranger à la société wolof, c'est une vision extérieure qu'ils
en ont.
Toutes les autres publications de sources orales sur les
Wolof reprennent à peu de détails pr~s les informations de Yoro
Jaw, et n'apportent en définitive aucun élément nouveau.
- 'Dans le but de recuei Il ir des données nouvelles tant sur
l'histoire des sotiétés wolof que sur celle des Séreer du Bawol,
nous avons effectué une série d'enquêtes dans plusieurs villa~es
de l'ancien royaume.
Cependant, bien qu'elle n'ait pas été inutile puisque nous
ayant éclairé sur certains points concernant la vision que les
Wolof avaient sur les Séreer et réciproquement,
cette tentative
s'est avérée décevante. C'est comme si l'histoire des royaumes
nord-sénégambiens se résumait ~j. ce que Yoro Ja\\'i a écrit dans s cC::'
ses cahiérs.Aucun élément nouveau important n'èst venu s'y ajouter,
et on a l'impression de se trouver devant des sources orales c 0-
difiées.
Par ailleur~, il nous a été tr22s difficile de faire remonL,ê'
les souvenirs de nos informateurs au de12 du Xlxè siècle.
Sn

dehors des renseignements de Yoro Jaw sur les époques pr~céde[ll:L's,
(XVIè, XVIIè, XVIIIè siècles), ce sont surtout les événements re-
latifs aux conflits liés à la pénétration française qui sont évo-
qués. Les événements de la p6riode mouvementée du milieu du XIX~
siècle ont pratiquement occulté tous ceux des périodes précédent2~.
Cependant,
si du ceté des Wolof,
les renseignements sur
l'histoire portent essentiellement sur les événements politiques
et l'action de la classe dirigeante,
i l est possible de faire un
travail intéressant sur les Séreer. Là,
les repères chronologiques
ne sont pas uniquement obtenus à partir du règne de tel ou tel
chef politique, mais plutet à partir de la fondatioll des villages
et des événements ayant marqué la vie, de la communauté villageoise
L'histoire de la société ne s'y résume pas à l'histoire politique
royaume.
Si l'on pouvait faire une enqu~te systématique de toutes
les fondations de village, on arriverait sûrement à une plus grandé.
compréhension de l'histoire des régions séreer du Bawol.
f'lalheureusement,
les moyens: matériels nous ayant fait défaut
nous n'avons pu nous rendre que dans quelques villages: Jaak,
Ngundiaan,
Ngoy, Nderep et Tuul.
~,>,
B. CADRE GEOGRAPHIQUE DU' BAI:JOL.
---------------------------
Le Bawol, bien qu'étant un royaume de modeste superf icie,
a une frontière avec quatre' ,autres royaumes sénégambiens : au n oro,
i l partage une longue frontière avec le :<ajoor, au sud,i1 y a l e
royaume séreer du Siin, au sud-est,
le Saalum, et à l'est nous
avons le royaume du Jolof.
Cette situation 'J60<]L"ëlph:Lquc a faj_t du 8a\\,/0J.,
un royaume .---" \\ 1
""-"
,-'
i l y eut de nombreux brassaC}8s ethniques.

l'Océan.
Comme presque tous les roayumes du nord de la Sénégambi~,
le relief du pays Bawol est plat. C'est une région de plaines,
présentant n6anmoins quelques particularjt6s ~
l'ouest et au sud-
ouest.
En effet, à l'ouest,
le massif forestier de r'ldiass et l es
reliefs de la "falaise" de Cees, offrent un contraste avec la pl2.-
titude des terres du centre du ~ays •
Au sud-Ouest,
la région qui
.c'
,
COn.Llne 2. la mer est le domaine d'une
végétation constituée d'arbres géants et qui donne l'image d'u~e
région foresti~re. Ces particularités du reliefs sont importantes
à not2r, car plus ici que partout ailleurs,
le site géographique
des provinces a joué un rele non négligeable d ans les relations
entre les différentes populations.

c. Le prooessus de peuplement de la région
-Le Bawol est généralement considéré comme un pays Wolof;
Cependant, bien que ces derniers y soient très nombreux, une autre
nationalité dont l'importance numérique n'est pas à négliger, ré-
side elle aussi dans la région a ce sont les Séreer.
Jean Marc Gastellu dans sa thèse sur l'égalitarisme écono-
mique des Séreer du Sénégal", s'appuyant sur les chi~~res extraits
du rapport Rooache (1903),a~~irme qu'au début du XXème siécle, les
et Wolo~ du Baol étaient à peu près équivalente~
ré ion ?
La reoherche d'une
considerer
toute la région de
o'est à dire celle de
EJjl. e~~et/comme
le souligne Boubacar Barry a " i l ,semble que la langue Wolo~ ait
eu pour foyer d'<?rigine,
le Waalo',':qui est considéré comme le ber-
ceau de la civilisation Wolof" (2).
Lors de nos enquAtes, nos in~ormateurs Séreer n'ont pas manqué eux
non plus de nous dire que le ~oyer d'origine des Séreer était la
vallée du fleuve Sénégal.
Essayons donc de yojr quel a
été le rale de la vallée du Sénégal
dans le peuplement de la Sénégambie. ?
(1) Jean Marc Gastellu a "l'égali tariwme économique des sérer du
Sénégal" O.R.S.T.O.M
1981,
P. 299'
(2) Bou~bacar Barry
:
"Le royaume du Waalo -
le sé.né.gal avant
la conquête" F. MASPERO
PARIS 1972 P. 23.

1) Le raIe de la vallée du fleuve Sénégal dans le peuplement de
la Sénégambie.
Presque toutes les sources se rejoignent pour un point
consernant le peuplement de la Sénégambie (particulièrement le nord
et le centre), la vallée du sénégal semble avoir été le premier
fuyer de peuplement.
Dans les traditions rapportées par Yoro Jaw et que
Gaden publie dans la chronique du Fuuta Sénégalais,
les six migra-
tions dont i l est question sont Toutes venues aboutir dans la vallé.
dU fleuve.
Dans la légende de Njaajan Njaay,
rapportée par Yoro Jaw
ou bien par Amadu Waad,
le fleuve joue aussi un rôle important.
Aùtérieurement à Njaajan, mus avons aussi le premier roy-
aume connu de la Sénégambie, en l'occurence le Tekrur que l'on
situe sur la vallée du Sénégal.
Ainsi donc,
le fleuve semble avoir
~_Ylbtitué un facteur
de fixation de populations. La traditon rapportée par Yoro Jaw parle
#
"six migrations venant de l'Egypte, et auxquelles la Sénégambie
doi t
son peuplement" (1 ')
La principale de ces migrations est celle qui fonda la
dynastie des d~go. Amadu Wad4situe (2) leur règne vers le Xème
si.ècle. Selon Yoro Jaw,
"on affirme que la migration qui donna nais-
sance à l'empire des dya-ogo,
cQmp~n~i~ des blancs romains et ara-
bes, peut-Atre berbères et une majorité de noirs, et qu'elle amena
avec elle de magnifiques chevaux, des troupeaux de boeufs et de chè·
vres.
(1)
(1) SIRRE ABBAS, SOW • "chroniques du Fouta sénégalais" collection dl'
la revue musulmane P. 123.
(2) Wade, A.
B.1.F.A.N. Ser.B, N°), 1964

12
" les Dye-ogo 80nt les plus anciens chefs dont le souvenir Re
soit conservé, tant au Fouta qu'en pays Wolof. Ils auraient été
Peul et blancs et le clan qui se nomme Dyag au Sénégal, Tyao chez
les Sérères, et D~a au Fouta leur devrait son origine"(l).
De nombreuses autres migrations suivirent celle Ides Dya-
ogo, mettant en place d'autres peuples tels que les Soninké,
les
Sosé et les Séreer.
L'on retrouve dans cette version du peuplement de la vallée, un
des traits caractéristiques de toutes les traditions des peuples
islamisés,
traditions qui ont été forgées après leur adhésion à
l'islam 1 c'est le fait de vouloir se rattacher, du fait de leur
appartenance à l'islam, à une origine Arabe.
Cependant, cette tradition a le mérite de mettre en place,
les dif-
férentes populations que l'on rencontre actuellement dans cette
région de la Sénégambie. Comparée aux autres sources orales(des
enquAtes que nous avons men~dans certains villages du Bawol),
nous avons deux constantes 1 la présence des peuples Soninké, Sosé,
Séreer et p·ï.l,lainsi que la présence du fleuve et son rôle de fixa-
teur de populations.
Outre Yoro Jaw,
la vallée du fleuve est aussi présentée
comme un endroit où se développent très tôt de petites principau-
tés. Dès le XIème siècle, l'écrivain El Békri nous en cite plusieur
Sanghana, Tékrur ~ Silla.(2'.
Toutes ces villes sont situées sur le fleuve Sénégal.Une s~ule '.
d'entre elles est située sur le bas-Sénégal, dans l'actuel pays
Wolof. C'est
la ville de Sanghana;les autres sont en pays Tu-
kulër.
(1) GADEN,HENRI , " Légendes et coutumes Sénégalaises" Cahier de
'Yoro Jaw. ")(Trl'i1 Je. 1.... R&""e.- d'~....... ~~...e.- er ,I.e ~4"(",,,C. , l'hl, P."
(2) ABOO-OBEID-EL BEKRI 1 "Description de l'Afrique septentrionale"
traduite par Mac Guckin de Slane.P.J24

El Békri ne nOU!l dit pl'l~ qui sont ce!! habitaRte de Sanghana. Nou~
savons seulement que ce sont des Noirs.
Au Xlème siècle r on note tout au long de la vallée du fleuve
.Sér
gal, l'implantation de populations noires, qui semblent~y être
installées depuis aSBez longtemps,
si l'on condidère la manière
dont El Békri parle d'eux.
"immédiatement après Sanghana,
et do.~",
la direction du Sud-Ouest,
se trouve la ville de Tékrour,
située
sur le Nil,et habitée par des négres qui naguère étaient paëns co
m& les autres peuples"(l).
les données de farchéologie dans cette région montre
aussi qu'elle a été habitée depuis longte~ps. En effet, le sonda~
effectué à Sintiu Bara (-près de Matam), a révélé une zone de tert
archéologique que l'on attribue aux séreer. Ce sont des cultures
de très belles céramiques et de beaux objets. Le tout est daté dl]
VI ème siècle par le C14
(~).
L~ vallée du fleuve Sénégal est donc habitée au moine
depuis le VI ème siècle,
la présence des séreer y étant attestée
par les sondages. Il faut noter aussi.que/c'est de la vallée du
fleuve sénégal que la
légende fait venir Njaajan NJaay qui est l~
supposé fondateur de "l'empire wolof". La région du fleuve a ainsi
constitué pendant une certaine période, un point d'attraction de
populatio11.ll.
Cependant,
cette région va connattre des buukverse-
ments sociaux et politiques à partir du XI ème siècle.
(~) Abou Obeid El Bekri
:
op. cit
p. )24
(~) renseignements donnée par Mr Jean DEVISSE.

L'empire Almoravide prend son' essor par suite dl!
,,,. ..
de~tln . de l'empire du Ghana. L'islamisation gagne les populations
du fleuve. C'est vers cette période que l'on fait remonter les
mouvements de populations allant de la vallée du Sénégal vers le
sud.
De nombreux auteurs parlent des t"'IlYJds
mouvements de
populations qui eurent lieu en Sénégambie à partir du XIII ème siè-
cIe. Charles Becker parlant de l'histoire du peuplement du Saalum,
si tue les "premières implantations des séreer venus du
ruuta",
vers le XII ème - XIII ème siècle (1)
Rousseau dans son "étude sur le toubé" note : "la date
de 1200 environ,
paraIt être d'une importance exceptionnelle dans
l'histoire du sénégal et marquer de grands mouvements de population~
qui nous restent inconnus dansn leurs causes"
(2)
Si l'on ne peut dire avec certitude
,velles ont été
les causes de ces déplacements de populations,
on peut quand même
avancer le fait qU'ils aient eu un lien avec le mouvement almoravide
du XI ème siècle.
Les XII ème et XIII ème siècles ont été retenus comme
période des grands déplacements de
populations du
hord
vers le
sud, mais i l est probable que ces déplacements aient été amorcés dè~
la fin du XI ème siècle. Malheureusement les recherches archéologiqe'
n'.étant pas encore effectuées dans la région qui nous préoccupe,
i l nous serait très difficile d'apporter des données matérielles
exactes. Néanmoins, nous allons èssayer de voir comment s'est effec-
tuée la mise en place de ces populations dans le Bawol.
(Ii,) Becker,C. Revue Sénégalaise d'Histoire, N° 2, 1982, P.2
(2) Rouss~au, R. :. B.C.E.H.S. de L'A.C.F. N° 3, 193I, P.345

15
2 -
La mise en place les populations dans le Bawol.
-
a) Les installations sosé et séreer.
Nous avons déjà
noté la présence de di~~érentes nationa-
lités dans la région s sosé, séreer, pél
et wolo~. Il semble que
les premiers occupants de la région ~rent des sosé. Tous n05 in~or-
mateurs sont unanimes sur cette question. Pour illustrer cette af-
~irmation, ils parlent de l'existence de beaucoup de puits sis dan~
la région et qui ont,
creusés disent-ils, par les sosé (une branch
du groupe Mandé); c'est le cas du puit de Sanjara.(1)
Les traditions villageoi~e~
indiquent aussi de nombreux
autres puits,tels que celui de ·cenjeng" à Mboyene, dans l'ancien-
ne province du Ndaden,
celui de nNda~e Naan·, dans l'un des plus
vieux villages de Nd~d~n • Les in~ormateurs citent également des
1 ieux de sépulture où seraient enterrés d' ancien'~ che~s sosé 1
ce sont les Mbanaar. Ces sépult~~5
sont situées dans des villages
qui ont été ~ondés par des sosé. La plupart de ces viliges ont
disparu, mais leur souvenir s'est conservé dans la mémoire des ha-
bitants de la région. Ils les appellent les "gent sosé",
c'est
à dire, villag~ de sosé ,disparw.
Plusieurs Mbanaar de che~s sosé sont ainsi localisés dans
les provinces du Gewul, du Salaw, du Ndaden et du Laa. Celà laisse
supposer que les sosé ont d'abord occupé cette région du Bawol
les parties nord, orientale et centrale. Conce~nant la partie
oc-
~pée actuellement par une majorité de séreer, les traditions villa-
~oises recueillies par Charles Becker mentionnent certaines traces
de passage laissées par les Bosé, mais pa;
d'une manière aussi :four·
nie que pour les régions précédentes s Géwul,
sa1aw{ provinces du
nord).
(1) Becker, C.
E:hquêt es effectué'es dans les villages du Bawel
(eemmunicatien personnelie)

Paul Pellil'!l8ier l'!Ie base lui aussi sur l'existence de ces puits
et sur les traditions mentionnant les "gent sosé". pour at't'irmer
que la région a été occupée en premier par ces derniers.
(1)
Devant une absence de t'ouilles archéolokiques dans la
région, nous nous appuyons sur ceS
do",,'rie.~ pour dire que le peupl
ment du Bawol a d'abord été le t'ait de populations ~sé.
Cependant, i l t'aut souligner que les sosé se sont surtout~
installés dans las régions nord,
or'ientale et centrale et qu' i 15
ont con~titué dans la partie occidentale et méridionale du Bawol ,
A
un . peUPlement aSl'!lez lache.
On ne peut dire
Q.vec certitude,
la
période d'installatinn des sosé au Bawol,
on sait seulement qu'à P'
t i r dû XI ème siècle, par sui te d'évènements dont nous avons déjà
parlé, une seconde vague de populatiom venant du nord e~t descendu
dans la région 1 ce sont les séreer.
La question que l'on se pose est celle de savoir,
si à leu
~rivée dans la région du Bawol, Bosé et séreer
avaient trouvé une
population autoqhtone ?
Dans la monographie de
ft O(.Qche publiée en 1904 (2),
ce de
nier s'appuyant probablement sur les sources orales recueillies au
Bawol m~me, t'ait mention d'une population appelée "Nones" et qui
parait-il serait la seule population autochtone de la région.
Ces derniers sont actuellement considérés comme des séreer
et habitent dans la région située autour de la t'alaise de Kees,
du
Mont Roland et de l'actuel Puy t, D' apl'è>
lQ .monographie,
ces p pu-
lations auraient été repoussées dans cette région par lesséreer.
(1) Paul Peliseier l
"les paysans du S énégalr
les ci viliea tions a~'
aires du cayor à la casamance" C.N.R.S 1966
: IG. 296.

Cependant, bien qu'ils parlent un idiome particulier,
les Noon eux mAmes se considèrent comme des s~reer. Nous pensons
donc qu'ils ne forment pas me na tionali té différente des s éreer,
mais qu'ils font
p;artie de l'ensemble de ce peuple, qui d'ailleur~
,
'''<',est subdivisé en plusieurs groupes assez particularisés à
l'inté--
'l.ltur du Bawol 1 Noon,
~o.ate."., J egem, .ilobaas.
Si donc,
comme le suggère Rocache,
les Noon sont les
populations autochton~~
de la région,
i l faudrait en déduire que
contrairem~nt à toutes les théories émises à propos d'une immigratic
des séreer de la vallée du Sénégal vers le sud de la Sénégambie,
CE
"erniers,
(du moins un des nombreux sous-groupes séreer) ont toUjOll
vécu dans la région. L'état de nos recherches ne nous permet pas dE
nous avanoer vers cette thèse, qui ,si elle s'avérait exacte, remet-
trait en cause la plupart des théories émises à propos du peuple-
ment de cette région de la Sénégambie.
Nous signalons seulement que la plupart de nos infor-
mateurs Séreer nous ont affirmé que le berceau originel de leurs
anc~tres étai t la vallée du fleuve Sénégal, Otl ils ont vécu aux
côtés des Tukulër.
Les sources parlant de l'époque de la mise en place
de la population, ne mentionnent à aucun moment la présence des
Wolof dans la région à cette pér~ode. Cependant, nous savons que
ces derniers sont actuellement très nombreux au Bawol, et ont eu
à mettre sur pied une organisation politique dans la région.
Comment sont-ils arrivés au Bawol,
et comment s'est déroulé le
processus de leur installation?

18
B. L'~mergence des Wolof.
La première apparition du peuple Wolof' dans les sources
écrites date du milieu du XVème sècle. C'est Alvise Da Mosto, visj
tant la région Sénégambienne en 1455,qui mentionne pour la premièr
f'ois le nom du peuple des "Jalof'o".
A ':quelle époque remonte cette présence Wolof' dans la ré-
gion ? Il serait très dif'f'icile de le dire avec exactitude.
L'ethnie et la langue Wolof' seraient apparues d'après les sources
orales, avec Njatéan Njaay que la légende identif'ie au f'ondateur de
l'empire du Jolof'. Un des problèmes majeurs de cette légende est
celui de la datation. Ainsi,
si Amadu Wadd situe le régne de Nja~a
Njaay entre 1186 et 1202, Yoro Jaw lui,
le place entre 1212 et 125
Boubacar Barry dans son article sur la "chronologie dans la tra-
dition orale du Waalo" (1),
est arriv~ à évaluer une durée moyenne
de régne des Brak du Waa10,
et a ,estimé cette durée à neuf' ans.
Partant de là, ~l est parvenu à situer le régne de Nj~an Njaay
dans le Waalo entre 1349 et 1358.
Vincent Monteil,
commentant la "chronique du Waalo" d'A-
madu Wadd af'f'irme l
"la f'ormation de la langue et de l'ethnie de."
Wolof'
ne remonterait qu'à la f'in du XIIème siècle ou au début du
Xlllème sièc1e.C'est alors seulement en ef'f'et, que Selon Amadu Wadd
les gens de Mengeny,
ceux du Siin et du Waalo,
sous la direction
de Njajan,
composèrent un dialecte qui est la langue des Wo10f'''(2)
Cependant le Jolof' est aussi mentionné dans une source
,
..
'.
exterieure Al'aire Sénégambienne : Ce sont les sources orales de
l'histoire du Mali.
(1) BOOBACAR BARRY l
"la chronologie dans la tradition orale du
Waalo- essai d'interprètation"
Af'rica Zamani, Yaoundé, n03,1974
'(2') Wade, A.
: I(J64,P. 454

Djibril Tamsir Niane, dans " S ounni fi t ta 0\\1 l'épopée Mandi n~H>" •
nous dit que d'après les sources orales de l'histoire du Mali,
Soundiatta aurait eu une victoire sur "le Jolof'i Mansa",c'est-à-
dire le chef' du Jolof'(l);
or,
selon ces mêmes sources, Soundiatta
aurait régné sur le Mali entre 1212 et 1255.
De quel chef' du Jolof' s'agit-il? I l est très dif'f'icile de le dirl
et nous ne pouvons pas trancher la question.
Nous nous bornerons seulement à af'f'irmer que, si ce n'est
pas Nj~an Njaay qui régnait sur les Wolof' du temps de Soundiatta
ce de~nier a certainement eu af'f'aire à un autre chef' de la région
qui nétait pas à la tête d'une entité politique aussi vaste que
la f'uture f'édération du Jolof', mais qui était quand même composée
de Wolof'.
Toutes les
5GurCeS orales de la Sénégambie Wolof' sont
unanimes sur un point s le premier ancêtre des Wolof' est Nj~an
Njaay ; d'ailleurs le terme "Wolof' Njaay", qui signif'ie qu'un
Wolof' authentique doit avoir pour nom Njaay,
est passé dans le lan
gage courant.
d~
Cependant comme le souligne Pélissier, i l est dif'f'icile '
que le peuple et la langue Wolof' soient nés ex-nihilo avec llem-
pire du Jolof'.
Il f'aut dit-il que" le premier empereur du Jolof' ait eu autour
de lui, un noyau cohérent de f'idèles que l'on peut tenir pour les
plus authentiques parents des Wolof',
pour encadrer et assimiler
les populations conquises, Sérer notamment.(2)
Dans ses enquêtes à l'intérieur de la région du Kajoor, Pélissier
af'f'irme que nombres d'entretiens, en particulier avec les descen-
dants les plus directs des griots des Dammels du Kajoor,
l'ont
-
(TT Niane, D.T.
1960, P. 152. 153.
'(2). Pél:Lssier,p
1966, P. 104

20
oonvainou que lee"vrais Wolof.
(rn8i~ ile ne 8e disaient ni no PfU'-
laient Wolo~), c'est -à-dire une petite minorité promue au rang
d'aristocratie par son che~, sont originaires de Mauritanie,
et
sont venus du Houl, que la tradition identi~ie à l'Adrarl1 (1).
Cette thèse se tient logiquement,
car comme nous l'avons
déjà souligné, la vallée du ~leuve Sénégal semble avoir été le prp·
mierfoyer de peuplement de la Sénégambie Nord et centrale
; or,
selon les m3mes sources,
le premier ~oyer de peuplement Wolo~, la
région d'où le plus grand nombre de Wolo~ sont issus, c'est le bas-
Sénégal, près de l'embouchure ; là où prendra naissance le royaume
du Waalo, premier royaume Wolo~ de la Sénégambie.
Si l'on tient comp~ des sources orales ~aisant venir les
anc3tres des Wolo~ de l'Adrar Mauritanien, et si l'on situe géo-
graphiquement le premier royaume Wolo~, la thèse de Pélissier est
valable.
L'on ne doit pas non plus s'étonner que tous les Wolo~
~assent
s'explique par Ip
l'unité du peuple Wolr
I l ne ~~ pas perdre de vue aas
de l'histoire,
les
Wolo~ ont dû assimiler beaucoup
Ces derniers se
considèrent actuellement comme des Wolof,
et ne peuvent ~aire re-
monter leur origine qu'à partir de Nj~an Njaay. C'est pourquoi
d'ailleurs,
i l est courant d'entendre dire au Sénégal qu'il n'y
a pas de vrai Wolo~, et que ceux qui se disent Wolo~ actuellement
sont nés du croisement de plusieurs ethnies. L'explication de cett~
a~~irmation populaire se retrouve dans le récit du mythe du héro
~ondateur de"l'empire du Jolo~l1.
- .,:pu
, (1) Pé'lissier, P.
: 1966, P.104

D'après Amadu Wadd,
" le ciialente qui
est la lanB"le de!'! Wolof''' n
~t~ compos~ sous Nj~an Njaay, qui est le supposé ancêtre de tous
les Wolor; or, dans le texte du mythe de Nj~an Njaay,
toutes les
autres populations 1 Séreer, Pël et Tukulër,
sont d~jà en place,
et ce n'est qu'après que Nja~an eut pris le pouvoir, qu'apparurent
les Wolor.
L'interprétation de ce mythe re. . t ainsi en ~uc.~ti""la thè~
de P~lissier qui rait venir les Wolor de l'Adrar Mauritanien.
Ces derniers sont originaires du Nord de la Sénégambie et les ror-
mations politiques qui y ont vu le jour (~'d~ration du Jolor ~ar
exemple),
sont non pas l'oeuvre de gens venus d'ailleurs, mais cell
des populations autochtones. Un autre problème peut aussi être pose
à partir de l'interprétation de c~ mythe 1. cé1~i de la langue Wolo~
comme langue des dominateurs. En erret. d'après le mythe, la compo-
sition de la langue Wolor s'est raite corrélativement à la prise
du pouvoir par Njaqjan. Dernière née de toutes les langues parlées
dans la région,;(Séreer, pël, Sosé) le Wolor s'y impose malgré tout
probablement à cause du rait qu'il était la langue des détenteurs
du pouvoir politique.
L'~mergence du pouvoir politique Wolor au Bawol, s'est
raite d'ailleurs d'une manière très lente. Cela s'explique par le
rait que là, lJessentiel du pouvoir gravite auto~r de la terre;
c'est le Laman, (mattre de la terre) qui déti*nt pratiquement tous
les pouvoirs 1 juridique, religie ,et politique.Or, nous savons paT
le biais de l'interprétation du mythe de NjB4Jan Njaay, que le pou-
voir politique Wolor a été essentiellement un pouvoir aristocratiqll
Njaéan n'a jamais été présenté comme un détenteur de pouvoir terrip
D'ailleurs le vocabulaire Wo1or a emprunté le terme Séreer de "Laftle
pour d~signer les maîtres de terre.

Le Bawol ~tant une r~gion o~ les S~reer,tr~e nombreux ee eont or-
ganisés autour des Lamanats, nous y avons donc une juxtaposition
de pouvoir 1 le pouvoir politique, détenu par l'aristocratie Wolof,
et le pouvoir terrien détenu par les Laman Séreer.
Lee Wolo~ ont très vite compris que) pour bien asseoir leur dominati
politique, i l leur ~allait nécessairement faire la conquête du pou-
voir terrien. C'est ce qui explique les nombreux heurts qu'il y ellt
surtout au XVII ème siècle,entre les Tee~ Wolof et les Laman Séreer.
L'installation massive des Wolof dans le Bawol s'est fait
certainement durant la période où celui-ci était dans la mouvance
de la fédération du Jolof. Ce peuplement Wolo~ est essentiellement
looalisé dans le Nord et le centre de la région,
tout le Sud étant
occupé par les Séreer.
Ainsi donc, dans cette région du Bawol nous avons la présence d'unp
minorité de populations Sosé disséminées à travers le territoire,
de populations Séreer et Wolof (les deux plus nombreuses)
et à
l'est, aux confit:1s du Ferlo, nous avons des campements Pël.
Cette grande diversité dans le peuplement a fait du Bawol, une régit"'
où i l y eut beaucoup de brassages ethniques.
La specificité du Bawol par rapport à son voisin du Kajoor,
résidp.
dans ce ~ait.Très souvent, l'on a tendance à englober l'histoire
du Bawol dans celle du Kajoor, arguant du fait que les deux royaump
ont eu à s'unir autour d'un même souverain à plusieurs reprises.
Il ne faut cependant pas oublier un fait fondamental:
le Kajoor
est un royaume où une aristocratie Wolof domine une population
majoritairement Wolof,
tandis qu'au Bawol nous avons une aristocrat
Wolof dominant une population qui.,jusqu'au début du XXème siècle
était à majorité Séreer, même si les Wolof y étaient numériquement
non négligeables.

A.lui seul,ce ~ait inclut des di~~érences entre les deux royaumes.
En e~~ett i l est à peu près certain que la politique d'un monarque
à l'égard d'une population à majorité Wolo~, di~~ère de celle qu'j'
pratique dans un royaume où des provinces entières étaient peuplée-
uniquement de Séreer.
MArne si Séreer et Wolo~ sont culturellement très proches, la signi·
~ication du pouvoir politique et la manière de percevoir ce derniel
ne coincident pas ~oreément chez les uns et les autres.

Chapitre II
Rappel Historique 1 La ~ormation du Royaume du Bawol
Le Bawol n'apparait dans les sources écrites que vers la
~in du XVIème siècle. C'est Alvares D'almada qui en parle le premip
"Au dela de la c8te, le ~ils Ele Budomel posséde beaucoup de liques
dans l'intérieur,
jusqu'à con~iner par le royaume de BaIa avec le
royaume de Broçalo"(1).
D'après le contexte, le royaume de BaIa doit ~tre celui du Bawol
puisque le texte dit qu'il séparait le Kajoor du Saalum.
Si la première apparition du Bawol dans les sources écrites ne datp
que de la :fin du XVIème siècle,
les sources orales Ele leur côté,
lp
mentionnent-et :font remonter son existence bien avant la dislocatio
du Jolo:f.
Nous avons ainsi toute une liste de noms de ."souverains"qui parai t-
auraient régné sur le Bawol avant Amari Ngoné Sobel.
Le problème qui se pose est celui de savoir si
ces di:f~érents "SOli
verains ont été à la t~te d'une entité politique centralisée, ou
bien si chacun d'eux a,eu à diriger à une époque précise une partjp
de la régi on du Bawol ?
Y'a t-il eu avant le milieu du XVIème siècle (date de la dislocatir
du Jolo:f), un pouvoir politique centralisé dans le Bawol ?
Bien que cette période de l'histoire du Bawol soit très di~~icile
à étudier,
(aucun document écrit n'en parle,
et les sources orales
ne sont pas très riches), nous allons essayer de voir d'abord,
la
manière dont ces populations s'étaient organisées à l'époque, pour
pouvoir en tirer ce qui certainement a d~ servir de base à l'appa-
rition d'un pouvoir monarchique.
(r) Alvares D'Almada, A. : 1596

A. Les t'ondements du pouvoir politique
Jusqu'au milieu du XVIème siècle,
la région du Bawol a
été gouvernée, si l'on en croit les sources orales, par une seule
"dynastie", celle des Wagadu.
Cette t'amille serait d'origine Soninké ou Mandingue,
et se rattachp
rait à l'empire du Ghana.
Le premier souverain mentionné par les sources orales et qui aurait
~
"
régné sur le Bawol, porte le nom de Khaya-Manga, ce qui rappelle le
titre des chet's du Ghana.
.
~
Peut-on dire qu'à l'époque de Khaya-Manga,
i l y a eu un pouvoir po-
litique centralisé dans cette région?
Il est très dit't'icile de t'aire une telle at't'irmation, car d'une par
nous n'avons aucune trace de sources écrites permetta~t de t'aire de
recoupements,et d'autre part, l'analyse des quelques indications de
sources orales ne peut pas conduire à une telle at't'irmation.
Nombre de nos int'ormateurs nous ont dit que les premiers souveraine
du Bawol portaient le titre de Laman ; " c'est après que l'on a
commencé à les appeler TeeW, mais ils ont d'abord été des Laman"(l)
Or,Laman est un terme qui signit'ie,le gérant de la terre.
Le Laman est le premier chet' d'une t'amille lignagère à s ' ê t r e ins-
tallé dans un endroit de la brousse,qu'il a préalablement dét'riché
par le t'eu. C'est lui que l'on appelle aussi le "Borom daay",
lit-
téralement,
cela signit'ie le propiétaire du t'eu de brousse.
Nous ne reviendrons pas sur le problème de la propriétè t'oncière
dans le Bawol.Abdoulaye Bara Diop l'a remarquablement bien analysé
dans sa thèse. C'est donc d'une manière assez sommaire, et dans se.'"
grandes lignes seulement que nous aborderons ce problème.
(1) JOGOMAAYJEEY 1 Int'ormateur. 14.02.81.

26
1) La position sociale du laman au sein de la communaut~.
C'est le fait d'avoir dé~riché la terre par le feu
et de s'y ~treinstallé en premier/qui donne au lèman, d'abord
..
che~ de ~amille lignager~
ou clanique un droit de gérance du do-
d;li..\\"&'
maine·par ce ~eu. Il sera ainsi appelé à répartir les terres aux
di~~érents che~s de ~amille composant le lignage.
"-
Ainsi donc, à ses ~onctions de che~ de ~amille ligna~ere
qu'il devait surement excercer avec les anciens du lignage,
le Ian
a vu s'ajouter celui de gérant du domaine ~oncier.
A chaque che~ de ~amille, i l donnait l'autorisation
de dé~richer par la hache,une partie du domaine que le ligange a-
vait acquise en la délimitant par le ~eu. Ces che~s de ~amille é-
taient appelés les "Borom Ngajj",
c'est à dire les détenteurs du
d roi t de hache.
En dé~richant
l'espace qui leur a été attribué par
laman,
les "Borom Ngajj" acquéraient un droit d'usage sur cette
terre. Elle ne leur appartenait pas, mais ne pouvait pas non plu~
leur être reprise tant qu'ils la cultivaient.
Avant leur installation, ils devaient verser au Iam~
le droit d'établissement appelé "Ndalu",
et apr~s chaque recolte,
ils lui donnaient un "cadeau",
sorte d'hommage qu'ils lui rendaip
en signe de reconnaissance ; en ef~et, le laman en tant que chef
de lignage, "assurait la fertilité sur les terres par les of~ranr'
et les sacri~ices ~ait en ~aveur des divinités"(l).
Nos informateurs quaIi~ient ce cadeau provenant de l
récolte du détenteur du droit de hache,
de très symbolique; une
(1) Di.p, A.B.
: 1981, P.122

27
gerbe de mil disent-ils. lino premtore const....t.tion s'impose
r
c'('~t
l'existence d'une di~~érentiation interne au sein même de cette
oommunau té ligna~,.e.
Le laman ,
le plus souvent l'aîné du groupe es t
choi s j
comme représentant' du lignage
or,ce lignage est nécessairement
titulaire de loi et de règles qui le régissent,
et à cet e~~et, iJ
devient une personne morale.
Le laman est donc le réprésentant de cette personne
morale,
devant ~aire respecter les règles du lignage. Il détient
mnsi le pouvoir judiciaire,
car à chaque ~ois qu'il y a litige au
~n de la communauté, c'est à lui que l'on s'adresse. Il y a donc
dès le début, une di~~érence de statut entre le laman et les œm-
bres de la communauté. A celà s'ajoute le fait que tous les autres
mefs de famille lui versent non seulement un droit d'établissement)
mais aussi une redevance annuelle prélevée sur leurs récoltes.
Ils occupent alors une postion de subordination par
rapport au laman et à sa famille. Même si les redevances versées
au laman sont symboliques,il n'en demeure pas moins qu'elles cons-
tituentJaussi ~aibles soient-elles, un surplus veanant s'ajouter ~
ses avoirs.
La deuxième constation c'est que les terres délimit~p­
par le ~eu étaient souvent très ~stes, et ne pouvaient
être entip-
rement utilisées par une seule communauté lignagère. Cette dernipr'
pouvait donc, non seulement y pratiquerl'alternance de culture et
de jachère, mais encore par l'intermédiaire du laman,
en attribuer
à des familles étrangères au lignage, désireuses de s'y installer.
(1) DIOP A.
B f
113'81
P.
122
7
(2) DIOP A.
B f
l':t g ~ ,
P.
123

Ces dernières "versaient alors au laman des redevanc/>
plus élevées que celles des f'amilles de la communauté d'origine"
Le lamanat qui originellement n'était constitué que
d'une f'amille lignagère, va s'agrandir,du f'ait de l'arrivée d'indi
vidus n'ayant souvent pas de liens de parenté avec ses membres et
évoluer vers ce que Abdoulaye Bara DIOP appelle "La communauté te~
toriale"(2).
Le laman qui,au début se trouvait à
la tête d'une faro
le lignagère,
se
retrouve dès lors,
chef' d'une communauté territ(
riale. Il est évident que les dif'f'érentes f'amilles venues s'instaJ
ultérieuremnt sur les terres du lignage,
occupent une position de
subordination vis à vis des membres de cette dernière.
On devine aisément qu'étant les premiers venus,
les
membres du lignage f'ondateur,
4e sont appropriés les meilleures t(
res,
les nouveaux venus se contentant du reste. Sur le plan éconor
que donc,
la position de ces derniers ne pouvait pas être égale R
celle du laman,. car d'une part,
cell.4~ -ci occupait les meilleures te'
res, acquérant ainsi une possiblibé
de rendement plus élé vé,
d'~
tre part,
les redevances perçues par le laman constituaient un 511'
plus venant s'ajouter à
;,~
propre récolte.
Il f'aut aussi l'\\Or~,· qu'un groupe de personnes vivant
ensemble, met en place des lois qui le régissent et réglementent
la vie de ses membres,
et que tout autre groupe ou individus venn·
~vre avec lui, se soumet nécessairement à ces lois et règles.
Il se Y:'ée ainsi au niveau de cette communauté terri t

riale, une dif'f'érenciation a11 san
de ses membreb
• Le laman etc:;a
(1) DIOP A. B r ' 9 t. ,
P.
122
( 2) DIOP A. B r i ' og l ,
P.
12)

famille,
par les avantages économiques dont ils bénéficient et Ip
raIe du chef de communauté du premier,
occupent alors une positior
privilégiée/dans cette organisation territoriale qui,progressivemp
va devenir une organisation politique.
Et là, nous rejoignons Abdoulaye Bara Diop quand il
dit que "la propriété foncière constitue la base du pO\\1voir poli-
tique chez les wolof"(l)
En effet,
l'histoire montre que les ruturs souverain~
du Bawol sont tous issus des familles des anciens laman. Les sour r
orales le oonfirment d'ailleurs, quand elles identifient tous les
anciens laman à des
tee~.
Il est cer1Bln que ces derniers n' ot1t pas tous été tee-r
du moins les
premiers d'entre eux. Le terme de
tee~ serait
probablement apparu avec un renforcem~nt
du pouvoi r poli tique.
L'élément essentiel dans la naissance du pouvoir polj
tique dans cette région est la terre. C'est autour d'elle que s'or
ganise d'abord la vie familiale,
ensuite celle villageoise puis
œgionale. C'est donc vers cette
organisation du domaine foncier ~
i l faut se tourner pour connattre la base du pouvoir politique.
2) ~onséquence de l'organisation "lamanale"zun pouvoir politique
i
dif'rus.
Si le lamanat contient en son sein tous les éléments
constitutifs d'un pouvoir politique,
i l n'a certainement pas à ses
débu~engendré l'émergence d'une organisation politique centralisp
L'existence d'une multiplicité de familles lignagere~
même si la plupart d'entre elles
avaient des liens de parenté,
entraîne la :formation de plusi.eurs tenures foncières.

7,:
Chaque lignage ou segment de lignage nomme son proprp
laman et organise sa Vie autour de ce domaine ~oncier. La région ~
présente alors comme une juxtaposition de "lamanats" ou chaque chf'
de lignage, du ~ait de sa position sociale,
joue un rôle e~~ectif
de che~ politique.
Il est très di~~icile de reconstituer tous ces lamana
car la traditinn n'a retenu à chaque ~ois que le nom du laman,
chf'
du lignage mère. Ce qui apparaît très clairement à travers les
in~ormations reçues au cours de nos enqu~tes sur le terrain, c'e~t
l'existence d'un grand laman,
chargé de régley
les problèmes et
les litiges ~onciers pouvant survenir entre les lam.~d& la région.
Cependant,
l'autorité politique du grand laman sur se
pairs n'a pas dû ~tre très grande, dans la mesure où ces dernier~
restaient maîtres sur les terres qu'ils géraient. EI) ef'~et, comme
le souligne AUoulaye Bara Diop,
"les grands laman, qu~ se transf'or
meront en souverains,
ont été choisis au départ, par leurs pairs,
à cause de leur sagesse,
ùe leur sens de la justice, pour arbitrp
les litiges ~onciers f'réquents du rait d~ l'incertitude des limttp
tracées par le ~eu" (1)
Théoriquement,
c'est un rôle d'arbitre qui était dévo
lu à ces premiers che~s ; mais la position sociale de ces dernier~
et les privilèges économiques qui en découlaient,
en ~eront poten-
tiellement des éhe~s politiques. Ce pouvoir politique reste malgré
tout très décentralisé dans la mesure où chaque laman avait les mp
mes pouvoirs à
l'intérieur des· terres qu'il gérai t,
et ce n'es t
ql!
cas de litiges avec d'autres laman qu'il en ré~érait au grand. TJ
est m~me certain que rautot'ité du grand laman ne s'étendait pas su
tous les lamanats. Les séreer
de la côte,
les "sercos" dont parle
(1) DIOP ABD OULA YE BARA
I~ S'\\
p.
126
1

Valentim Fernl"des,ne Remhlent pAR relever r'le son autorité,
mAi~
plut5t de celle du mattre de terre de leur lamanat
l
"ils n'ont
ni roi, ni seigneur particulier, honorent l'un d'entre eux plus qu P
l'autre,
selon les qualités
.et les conditions des hommes entre
eux ".
(1)
B -
Le Bawol et la ~édération du Jolo~.
1) Les premiers souverains du Bawol.
Une seule ~amille ~ernelle, en l'occurence celle des
wagadu ,
semble avoir détenu le "pouvoir politique" dans le Bawol,
depuis la ~ormation des lamanats,
jusqu'au X\\~ ème siècle.
Comme nous l'avons déjà souligné,
cette période de
l'histoire du Bawol est très obscure, à cause de la rareté des sour
ces. Les voyageurs européens du XVème siècle et début du XVIème
s~
cIe ne semblent pas avoir été en contact avec les dirigeants politj
ques de la région. Alvise Da Mosto qui visite la c5te sénégambiennp.
en 1455 ne parle pas d'eux. Il mentionne seulement l'existence du
peuple séreer sur la c5te au sud du Cap vert. Valentin Fernandes
parle aussi des "séreer ", dont le pays est voisin avec "Bezeguichp
\\\\ Les séreer et les Barbecijs, dit-il, ne sont pas soumis au roi de
~anaga, et n'ont ni roi, ni seigneur particulier, honorent l'un
d'entre eux plus que l'autre selon les qualités et les Con~tions de~
hommes entre eux et ils ne veulent pas consentir à accepter un sej-
gneur •••••• "
(1)
A aucun moment,
on ne parle du royaume du Bawol,
cornmp
(1)
V.
FERNANDES
..
1506. 1510 J P. 87

Da Mo!'tl!l l 'ft t'ai t à propo~ du Kajoor. Celà ll!lt~se supposer que 1(.~
~
limites du Bawol n'atteignaien~ pas la côte. La région que l'on
appelait Bawol à cette époque se réduisait certainement à
la parti~
septentrionale, centrale et orientale.
C'est dans cette partie,plus à
l'intérieur des terres,
que se situaient les domaines relevant de l'autorité des dit'férent~
laman wagadu,
et c'est la raison pour laquelle,
les premiers voya-
geurs Portugais qui parcouraient les côtes sénégambiennes n'en av-
aient pas fait état.
Ils n'avaient rencontré que les peuples séreer
instaJ
lés sur la côte,
et qui à cette époque ne relevaient pas encore de
l'autorité de Lambaay. Jean Boulègue identifie ces "séreer" aux
Sa-afen et auje~\\'Tl
: "ces sércos"devaient appartenir aux groupe~
appelés aujourd'hui dieghem et safen, différents de ceux du Sine,
surtout les seconds, et qui habi tent des régions si tuées au nord d11
Sine,
touchant le littoral "(1). Il e~ probable et m~me certain
que ces séreer'
~e la côte,que les sources Portugaises mentionnent
dans la région, aux XV: i:~et XVI ème si ècle, soient les actuels SQQ,\\Q.(.Y,
et m~me 30obQ~. En eft'et, les différents auteurs portugais
indiquent à chaque fois, que ce peuple séreer n'est soumis à aucun-
seigneur et s'élève farouchement contre les tentatives de domina-
tion des rois voisins.
Valentin FERNANDES n'a d'ailleurs pas manqué de le
souligner, à propos des vélleités du Buurba Jolof à l'égard de ces
séreer.
"Le roi de ~anaga de nombreuses fois.,a tenté d'entrer dans
ce pays pour l'assujetir et toutes les fois,
i l a été vaincu par
eux tl (2). Nous verrons plus loin que la résistance de ce peuple à
(1) BlI>ulègue,. J.
: 1968, P.40
(2) Fernandes, V. 1 1506.1510, P.27

l'égard de toute domination a continué sous différentes formes,
et delà jusqu'à la conquête coloniale.
Ceux que l'on appelle les teeti au Bawol,avant la SeCQl
de moitié du XVIème siècle n'ont en fait
~u sous leur autorité"
qune partie de la région,
c'est à dire celle située en dehors de IR
'.
"
partie
Cotière et méridionale. Le premier laman sosé, ~ Khaya-MangR
qui est le supposé fondateur de la dynastie wagadu était installé
dans la province du Salaw, au Bawol central. Son "Mbanaar" se troll-
ve à Gninguène. I l a été le premier Laman de la :famille "meen"
wagadu.
I l :faut signaler que certaines sources le ratta-
chent à une autre famille "meen" qui deviendra plus tard une famil
princière
z les geej.
Cependant,
cette position se comprend aisément, quand
on sait que les Geej sont devenus au XVIllème et XIXème siècle,
IR
plus puissante des famille s "meen" du Kajoor et du Bawol.
Rocache, de qui nous tenons ces renseignements, a écrit sa monogrR
phie du Bawol a~ début du XXème siècle, à une époque où la prépon-
œrance des Geej était encore présente dans les esprits. Son in~or-
mateur,
même s ' i l n'était pas de cette famille,
en était certaine-
ment très lié,
et a vQulu donner un caractère plus ancien" donc pl l~
légitime aux yeux d'un étranger, à cette :famille garroi, qui en fë;
n'a ac~édé au pouvoir politique que vers la fin du XVII ème sièclp
SolA.ignons seulement, que du fait de l'abondance des t
res à cette époque,
certains segments du lignage wagadu se sont p,
bablement écartés de ce dernier et sont allés s'installer sur d'au
tres terres,
tout en gardant des liens avec le lignage mère,
recoT'
naissant par là leur subordination par rapport à elle. Le titre
de laman rev&nait
chaque fois,à l'âiné de la branche mère du 1i-
gnage. Le laman était donc,
non seulement le chef de la communau-

t~
~]i r~sidajt sur les terrA~ qu'il ~érAient directement. mAi~
encore,il avait un droit de regard sur ce qui se passait sur les 81
tres petits larnanats fondés par des segments de son lignage.
en ce
sens que c'est à lui que revenait le droit de régler les conflits
pouvant survenir entre eux. Il était alors le grand laman.
Du fait de sa position sociale et des privil~ges éconr
miques qu'il retirait de ses fonctions,
le grand laman,
ehef de
territoire était potentiellement un chef politique.
Cependant,
on ne peut pas affirmer qu'à cette époque,
ce pouvoir qui gravitait autour de la propr~é foncière était cen-
tralisé, dans la mesure où les autres laman étaient leur propre
rra!tre sur les terres qu'ils géraient,
et ce nétai t
qu'en cas de li h
ges graves qu'ils s'adressaient au grand laman. Mais toujours est-
i l que dans cette organisation de la propri~té foncière,
on trouve
tous les éléments constitutifs de l'état.
Le pouvoir monarchique qui s'installera plus tard dan~
le royaume du Bawol, y trouvera son principal fondement.
Le :fait que les futurs teeti du Bawol soient les descer
dants de ces premiers gérants de lA terre explique
la tendance quI
les populations de la région à qualifier ces dernieps de tee~.
Nous avons ainsi une liste de noms de "s ouverains" ('!TIf
nous livrent les sources orales. Ces "souverains" sont tous issus
de la famille maternelle wagadu,
selon les m~mes sources.
Il est cependant tr~s difficile de faire un tableau
chronologique de la liste de ces souverains, dans la mesure où au Cl1 r,
œte, ni aucune durée de règne ne nous est proposée.
Charles Becker a, essayé,
dans son article sur les "tee;\\'clu Bawol,
essai de chronologie", de fai re unf' lis te conj ecturale de ces Il S OlJ-
verains wagadu. Malgré son importance,
la liste ne nous permet pas

dater, m@me d'une
façon approximative, les ~huts de l'orgnni.sation
lamanale. Elle ne nous donne pas non plus des ~l~ments d'~claircisse-
ment sur le mode de transmission du pouvoir. On peut n~anmoins voir
sur le tableau synoptique que présente Charles BECKER, et sur sa pro-
pre liste de synthèse, la pr~dominance de l'~lement sosé, au niveau
des premers règnes.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES TEEN DE LA DYNASTIE WAGADU (pr~sent~ par Charles
BECKER.
liste 1 G 296
liste Kani 8amb
liste Yoro Djao
Liste Nderep
Khaya Manga
Khaya Manga Eama Diate
Kant-;;ye Diate
Tiedjile Sinh-S=
Khakhnam Nafar
Bargal Diatta
l<:hakhnome Nafor
Biram Khakhnam
Hassa Siwo
Biramme Khakhname!
!
Mbatatou Ndaly
Ha Diouf
Ntasse LeI
!
Mbatatou Ndah
Dioly Badiane
Ndambaou Tel(feme)
Sambel Ngom
Djana Bob
Ha Mdambaou ?
Djinack Djabam
Filane Diome
Deir.lba Guèye
Felane DiClm
Boure Fara Cop
1'1a Fane Thiaw
Diane Bob
Guidiane Diouf
Gnasa Marone
N!âng t~aram
Djanack ou Djina-!
que Djalane
!
Demba Gneye
Kharlonne Diome
'?oure Fara-Kome
Mb~gane Ndour
Guidi3ne
!
Fambi Langar Ngom
Fambi Langar Ngom
Fambi Langar Ngom! Fambi Langar
Tambel Faye
Demba Gueye
1 ~lafane Thia'!1
Ndambao LeI
Boure Faragal
Boure Diouf
Djanah Bob
Mbegane Ndour
Diana B~b
Djinack Diala Di
Couly Djigane
Thielkha I1arone
Sobel Ndiaye
Niokhor Ndiaye
Niokhor r,l~ iR:\\''''

Liste conjecturale proposée par Charles Becker(:
T. Khaya Mangha
141. Deroba GUèye
2. Kantay Diata
15. Felam: Diem
3. Mbargan Diata
16. Mafan Thiaw
4. Khakhman Nafer
17. Fambi Langar tfgem
5. Biram KhakhnallD
18. Massamba Fambi NgeID
6.- Mbatatow N'dakh
19. Bouré Fara Ke1J) Diouf
7'. Mbatatou Ndali
20.Djlimak Djalan Diouf
8. Ntasé Le]
2T. Guidian Diouf
9. Ntlamba.: I.e]
22. Kuli Djigan Diouf
10. Ma N'dambae
2'3. ''"/Tambel Faye
II. Tiedji]elll .
2'4. Mbégan N'dour
12. Diely Badian-e
2)5 • Diana Bob
13. N'iasa Mar.ne
2'6. In okher Ndiaye
(1), Becker,C.
B.F.A.N. ser.- B n03, 1976,P. 458-

A partir de Demha ~Ieye, ]es patronymes s~reer Ap-
paraissent sur la liste. Si la famille lignagère Wagadu,
fondatr"
de la dynastie Wagadu est d'origine soninké ou mandingue,
elle f'1
ensuite fortement métissée,
probablement par le biais des allian(
matrimoniales avec les séreer installés sur les terres du lignaP."
La liste de Becker montre très clairement le métis~r
ge opé~é au sein des ~gadu. Au début, i l n'y a aucun
-
patronyme
séreer, mais à partir de Tiedjilen,
on reconnaît très nettement 1.
totronymes séreer. Nos inforllllteurs le confirment d'ailleurs 1
lor~1
ils nous parlent de ces "souverains".
"Les premiers lamans dont
~us ai parlé, les Fambi langar Ngom, Jinack Jalan Juuf, Mafaan c~
Buré Fara Kop,
étaient tous des séreer"(1). affirme le vieux
J ogomar.y Jeey.
Comme nous l'avons déjà souligné plus haut,
i l est (
tain que le terme de
teen n'est pas appanl dès l'existence nes
~ers laman. Au cours de nos enq~êtes, nous avons essayé de savai'
ce que recouvr~it ce terme. Malheureusement la plupart de nos in·
formateurs n'ont pas pu nous l'expliquer;
certains ont tenté de
le faire,
mais i l apparaît nettement que, dans la plupart des caf'
ce sont des explicat~ons fantaisistes. Voici,
ce qu'un de nos in-
formateurs,
le vieux Waaly Mbaay nous dit à propos de la signifi-
cation du terme teefl :
" Tee?r est un mot wolof qui signifie pou. Tout ce qui est mauva;"
dans le Bawol,
c'est le tee~ qui doit le chercher, pour~ sortir
du royaume,
comme on ferait avec des poux sur une tête "(.2,.).
L'explication vaut ce qu'elle vaut, peut-être même
est -
ce une explication forgée après coup; mais ce qui est à re-
tenir,
c'est le fai.t que teetl soit un terme wolof.
(1) Informateur
J. Jeey, 14.02.1981
(2) 1nfermateur : W. Mbaay, 28.01.1981

L'apparition du terme coinciderait donc avec l'émergence du pou-
voir politique Wolo:f dans la région.
Or, nous savons que les Wolo'
se sont installés dans la régi.on vers la :fin du Xlllème siècle et
le début du XIVème siècle.
Par ailleurs, nombre de nos in:formateurs nous ont a:f:firmé que le
premier Tee~ du Bawol, est Demba Geey, soit le 14ème sur la liste
reconstituée par Becker.
"Tee1r Demba Geey est le premier Teelt" du Bawol, nous dit Mor Mbaay,
cela tout le monde le sait".(l)
A Ngoy, un de nos informateurs, Alui Puy,a:ffirme que"Demba Geey
est le fondateur du Bawol,
c'est lui le premier _t~~ D'ailleurs,
lorsque l'on parle du Bawol,
on dit toujours Bawol Demba Geey"(2)
Demba serait donc vraisemblablement,le premier souverain à avoir
régné sur le Bawol avec le titre de Tee1i.Tous ses prédécesseurs
portaient celui de Laman.
Yoro Jaw dans son récit de "légende de Ndiadiane ndiaye et de la
:fondation duDjolo:f", mentionne le nom d'un Demba Geey, qui dit-il,
sera"futur Tenye du Baol"(3)
S'agit-il du m~me Demba Geey ?
On serait tenté de le croire,
malgré les maigres indices dont nou~
disposons. Nos informateurs disent que Demba Geey était Wolo:f
Or, les patronymes des di:f:férents souveraLns qui le précédent sur
la liste ne sont pas des patronymes Wolo:f.
Demba aurait donc été le premier Tee~ Wolo:f du Bawol.
Dans le récit de Yoro Jaw, Deroba Geey serait originaire du Waalo
où son père :faisait partie des"six intendants du Laman Dyao".
Plus tard,
le même Demha Geey deviendra le beau :frère du Buurba
Jolo:f Nj84ian Njaay. 1
r
(1) Inf'brmateur , MOR-'MBAAYr15.
02 .1981
(2)
Int"ormateur , ALUI puy r '2. 03 • ai'l
(3) GADEN) H~
, "''112. • r.131

-
~
Ce dernier aurait ~pousé ~a soeur Maram-i-doyé-guey.
Tee~ Demba Geey serait ainsi contemporain de Njagan Njaay, qui
l'aurait placé à la t~te du Bawol.
Dans les enqu~tes que noue avons effectuées au Bawol, nos infor-
mateurs ne précisent pas que Demba Geey venait du Waalo,
comme le
fait Yoro Jaw ; ils disent seulement que Demba a été le premier
Tee'h du Bawol,
et qu'il étai t
de "meen" Wagadu.
Cette dernière affirmati.on semble ~tre en contradiction avec le
récit de Yoro.Jaw. En effet, si l'on suit de près le texte de ce
dernier,
on remarque que Demba Geey n'était pas de "meen" Wagadu,
mais qu'il :faisait plut8t par~ de la famille maternelle Wegej.
Parlant de la famille de Nja~an au Jolof, Yoro Jaw dit qu~ Maram-i-
doyé-guey soeur de Demba,
eut trois en:fants avec le Buurba
z Saré
Njajan, Tyukli Njajan,
et une fille nommée Geè''j; Njajan.
" celle-ci
dit-il,
:fut la souche de la famille mène princière Oueguedye,
du
Cayor et du Baol"(1).
A moins qu'il ne soit seulement le demi frère de Maram-i-doyé-
Guey, auquel cas,
i l pourrait appartenir à une autre famille meen,
Demba aurait donc été un Wegej. Cependant Yoro Jaw lui même, dans
un autre texte,
sur "Généalogie de la famille mène princière Oua-
gadou du Cayor et du Baol"
, place Demba Geey parmi les membres
de cette famille meen.
Ou bien i l y
a un oubli de précision de sa
part, ou bien, Demba serait e:ffectivement un demi :frère de Maram-j-
doyé- Guey,
et aurait été de meen Wagadll.
Nous croyons que le Demba Geey mentionn~ par Yoro Jaw,et celui dont
parlent nos informateurs ne font qu'un.
Le nom de Demba est resté attaché à celui du Bawol (Bawol Demba Gep
dans la mesure où c'est probahlement avec lui qu'est appanl le
terme de Tee?r.
(1 )H. GADEN :~<Jlt
P.1 JJ

Le règ'!le de Demba ;Geey doi t
avoir coincidé oxu.-Ia période de li entré.
du Bawol dans la ~édération du Jolof.
Il est à peu près certain,bien que les sources orales n'en disent
mot, que le raIe de la violence dans cette main-mise du Jolof SUy
le Bawol n'a pas été négligeable.
2°. He Bawol dans la mouvance du Jolo~.
Nous n'avons aucune source ,.abordant d'une manière c lairf>,
le processus d'intégration du Bawol au sein de la ~édération du Jo-
lo~.Yoro Jaw a~~irme que cela s'est fait par la soumission des chef
du Bawol émerveillésp~le pouvoir mystique de Nj~an et par sa gran-
de sagesse. "En résumé,
di t Yoro Jaw,
le nouveau roi reçut les sml-
missions accompagnées d'un tribut égal, des che~s des di~férents
pays qui t'ennère!lt-:l'empire du Djolof et qui sont
r
le Oualo,
le
Thlj olof,
le Cayor~ le Baol , le Sine, le Saloum, la province du ron.-
ta limitrophe du Oualo,
et appelée aujourd'hui Dimar et les pro-
vinees du Bambuuc voisines du grand désert de Ferlo, qui sépare
ce pays du Djolo~".(1)·
Nous doutons cependant que l'acceptation de NjaAùan comme souve-
rain de toutes ces régions se soit :faite sans heurts avec les pOpll-
lations locales.
En ef~et si Demba Geey,
beau-~rère du Buurba Nj a.q1an , originaire du
Waalo, a réussi à ~tre accepté au Bawol, où i l était étranger, il
est certain que cela n'a pas dû être facile
; et comme nous le di-
sions plus haut, la violence a dû y
jouer un rôle, non seulement
(1) H.GADEN: <t'Jtt , P.133

I l :faut cependant ~olll tgner <lue cette autori té dll Ruurba
a été tràs tôt remise en cause par les laman.
Rocache qui tire ses int'ormations des sources orales de la région
at't'irme que l
"
Plusieurs prédécesseurs d'Amari Ngoné Sobel s' é -
bûent révoltés contre la suzeraineté du Baurba Djolot'
et avaient
essayé de reconquérir leur indépendance, mais ils :fUrent vaincu5
à chaque tentative n (1).
~
Nous
n'avons pas de renseignements précis sur les dit't'eren'
chet's qui ont eu à s'opposer au roi du Jolot', mais i l est certain
qu'ils ont dû prot'iter des dift'icultés traversées par l'autorité
centrale de la "t'édération",
(problèmes de succession par exemple)
pour consolider petit à petit leur pouvoir au détriment de cette
dernière.
Le pouvoir du Jolot' s'appliquait essentiellement au
Bawol dans l'une de ses t'onctions:
l'appareil t'iscal.
Les sources orales ne mentionnent pas le montant de l'imp~t
mais uniquement sa nature
: "Le Bawol amtnai t
des cordes (écol"Ce de
Baobab),
comme "lukkët" au Buurba J olot'''
(2.).
"Nous, Bawol-Bawol, amenions chaque année à la cour du Jolot' du
pain de singe
't'ruit de Baobab)
comme redevance"
(:3)
Si l'on en croit ces sources,
la t'iscalité dans -l'empire du Jolof"
était vraiment sommaire et cela d'ailleurs depuis le milieu du XVèfTl'
siècle,
comme l ' a signalé
AlvisC2. Da Mosto :
" Le roi n'a pas
certain revenus de dace et gabelle (4).
L'on peut cependant, se demander si la nature et le montant de
cet impôt sont restés les mêmes,depuis la t'ormation de l'empire
du Jolo:f.
( 1) A•s •
: l G'. 2'96
._-. _ ..-
.--
(2') Informateur
J. J:eey, 14.02.1981
(3) Inf.rmateur : W. Mbaay, 28.01.1981
(4) Da M.st., A. : 1895, P.76

A
Il semble en et't'et que,cet impot fitait plu!'l suhRtantiel À. !'leR ori{'
et que c'est par sa remise en cause, que les laman du Bawol en
sont arrivés à ce stade o~ il est devenu vraiment symb~ique.
"Ce ne :fut que sous le teigne Bouré Fara Cop qu'ils obtienrent
les avantages suivants
:
-
le teigne ne t'ut plus nommé par le Baurba , mais par nn cor,
présidé par le Djaraf
Baol.
-
le tribut devint purement nominal et ne consista plus que
dans l'envoi annuel
de quelques poignées de terre du pays et
Il
d'écorces de Baobab.(1)
A partir du moment o~ la t'iscalité, biais par lequel son
autorité s'exerçait sur la région t'ut considérablement réduite,
lp
pouvoir politique du Jolot' usa de la violence pour maintenir sa
domination sur les régions qui dépendaient de lui-.
C'est cette situation que'
Da Mosto décrit lors de son voyage
~ Sénégambie. Bien qu'a cette époque, le souverain du Jolot' "fût
tr~s t'aible, le pillage et les présents des autres 1aman lui per-
mirent de rester ~ la t@te du royaume.
"Ce roy,
dit A1vise Da Mosto,
se maintient encore de pillages
qu'il t'ait de plusieurs esclaves sur le pais,
comme sur ses voisir
I l est regrettable que nous n'9_yons aucune trace de SOlIr"''''''
orales ou de documents pouvant nous permettre d'analyser d'une
mani~re plus exhaustive le processus de transt'ormation de ce POtl-
voir des maîtres de terre en pouvoir politique.
Nos enqu~tes sur le terrain n'ont ri.en donné, mais nous penson~
(r) A.S. : IG. 2'96
(2') Da ~.6tO, A. : 1895, P.78'

1,1
qu'ultérieurement, avec des moyens plus é~abQrés,nous pourrons
faire un ben travail dans ce sens.
A l'étape actuelle de nos recherches, n.us peuv@ns seule-
ment avancer l'idée que: si dans la région du Bawol, il y avai
en place tous les éléments censtitutifs d'un pouvoir politique
avec l'organisation lamanale, celui-ci ne tr~uvera son renfor-
cement que lors de la domination du Jœlof, domination qui a in-
troduit la vielence dans les rapports sQciaux.
C'est par le biais de cette m@me vialence que tous les royaumes
gravitaient autour de l'orbite du Jolof retrouveront leur indé-
pendance, prov0quant ainsi l'éclatement de ce dernier.
JO) Eclatement du Jelef et indépendance du Bawol,
La présence portugaise sur les cites atlantiques à pa)
tir du XVème siècle, engendra un grand bouleversement dans l'es-
pace géopelitique Sénégambien, dans la mesure où, elle permit Il
richissement des régions cltières, au détriment de celle du JoIe
où se trouvait le p.uvoir central.
Très:t8t, les princes commandant les royaumes de la côte ont con
pris l'interêt qu'ils pouvaient tirer de ce commerce, et de ce
fait, ils traitèrent directement et à leur profit avec les premi
EurGpéens.
Les commerçants Portugais ne rencontraient pratiquemen
pas le Buurba Jelef ; ils ont toujeurs eu affaire aux chefs des
régions côtières qui, disent-ils représentent le grand r~i.
cependant, même si théoriquement ils représentent toujours le B~
ba Jolef, les liens qui les unissent à ce grand roi sont très l~
et ils sont devenus presque autonomes à l'égard de ce dernier.

Ils prennent l'initt~tive de commercer avec les Europépn~
que le Buurba ne pouvait ~aire en raison de son éloignement des
cates atlantiques.
Les grands laman, devenus e~f'ectivement les chef's politiques de~
régions où ils représentai.ent le roi du Jolof', par le biais de
ce nouveau traf'ic,accroissent leur pouvoir au détriment de celui
du centre.
Valentin Fernandes, voyageant sur la cate au début du XV1
siècle, a~f'irme que J "Lorsqu'arrivent les ca~avelles des chrétjp
et qu'un seigneur veut acheter des chevaux, aussi tat le di t
sei gr'
descend dans le premier village qu'il trouve aussi bien ami qu'eT'
nemi et ramasse des hommés et des f'emmes en nombre su~f'isant•••..
Et i l les achète (les chevaux) moins pour la guerre que pour son
honneur"(1).
Ainsi, à travers les relations de voyage de ces premiers EuropéPT
sur la cate, Al vise Da Mos to en ll~l.j 5, Valarté en 1448, D .Gomes pn t
1456 et 1l.j60, Fernandes en 1'506-1510) 9n voit nettement que If' l,
par sui te de ce traf'ic entre l'Europe et les états d8tièrs 1
tnp""
une période dif'f'icile.
A cela s'ajoutent une crise de succession dans les années 1487-1 'i
et une invasion des pët
de Koli Tenguela au début du XVI ème ~i r."
La dislocation déf'initive du Jolot' n'aura cepandant lieu que be8'
coup plus tard dans le coura
du XVIème siècle.
Quels ont été les t'acteurs déterminants dans l'éclatement
cette crise politique qui. a provoqué la séparation des royaume~
(1) Fernandes;V.
: ' 1506. 15 \\CI, P. 2 l
,

pour asseoir l'autorité (lp DemhA en tAnt flue chet"
des lAman,
bénéf'iciant de tous le!'> privilèges que ces derniers avaient au
niveau des communautés,
ma.is aussi en tant que chef' politique re-
présentant le grand chef du .Jolot' dans la région.
Le raIe de la violence comme moyen de consolidation et
d'extension de la domination politique à
cette époque/n'apparaît
cependant pas dans les sources orales.
Ces dernières ne le reconnai tront qu'au moment de l ' écla tement (Ill
Jolof'.
Le premier élément que l'on peut tirer de cette main mise du Jol()f
sur le Bawol,
est la perte d'une partie de l'autorité des dif'fere~
laman de la région. En ef'f'et, à partir du moment où le Bawol entrp
dans la sphère politique du Jolof',
ce ne sont plus les martres de
1
terre des dif'f'erents lamanats de la région qui choisissent le
grand laman,
mais le Buurha Joloi' lui-m~me.
Dès lors,
ce grand laman, qui ordinairemen~
n'avait qu'ur
f'onction d'arbitre et exceptionellement de juge, devient le repr~-
sentant d'une autorité extérieure à
la région, dont le pouvoir ne ~
s'exercer sans coerti tion
, pnisqlle n'ayant pas toujours les même~
intérêts que les populations à
la t~te desquelles i l se trouve.
La f'onction de grand laman change alors de sens,
dans
la
mesure où,
ce dernier s'intéresse désormais non plus uniquement 8
la gestion des terres,
mais encore à l'administration des personn p
Il devient le percepteur de l'impat que tous les laman du Bawol
devaient au Buurba Jolof',
et,
certainement l'exécuteur des sancti0
de celui-ci à l'égard des maîtres de terre récalcitrants.

reR'rollpé~ Allt01Jr 011 .T01or ?
Le premier élément que l'on peut avancer est un facteur extern~
et nous l'avons déjà évoqué:
c'est le commerce atlantique quj,
en permettant aux chefs des régions côtjères de faire des échp, .... "
avec l'Europe, a contribué à
l'enrichissement économique de ce~
derniers,au détriment du roi du Jolof.
Cependant bien que ce commerce ait été un des facteur moteurs
du bou:kversement de l'espace poli tique du Jolof, un autre élém p ,
est à rechercher à
l'intérieur des royaumes qui compos~ient c~t
"empire".
Nous prendrons en exemple le Kajoor et le Bawol :
Dès le XVème siècle,
la relation de Da Mosto, avec tout-
le cérémonial de la cour du chef' du Kajoor, montre qu'en fai t,
sur le plan interne,
cette région bénéficie d'une certaine aute-
.
nomie. Le chef du KaJoor,
"Budotr1el" , agit avec'
Da Mosto en
véri table monarque, ayant tou te ,la souveraineté nécessaire cane''''
nant les affaires de sa province.
Cette si tuation s'accentue en même temps que le, commerce atlant i
aboutissant à une position d'autonomie effective du Ka7oor,
bi~~
qu'il continue à verser au Buurha Jolof le tribut annuel.
La puissance naissante de la province du Ka,J .Jor,
lui permettai t·
~
elle de se liberer toute seule de la domination séculaire dll
J olof ?
I l serait difficile de le dire,
et c'est là qu'intervient l'él""
interne ayant joué en faveur des régions du KaJoor et du BaKol.
~'n effet, comme nOlIS l'avons déjà signalé, plusieur t PY1 ~
\\
tives avaient été faites par les Teen' du Bawol pour se liberp.r "
Jolofj
elles avaient toutes échoué.

Les grands laman du Karoor pt ci" Hawol,
par le biai s de la vi 01 ~nr."
et le commerce atlantique aidant,
~'étaient constitués en véritablr
"aristocraties".
Nous savons qu'au Sénégal,
et,
cela est valable .jusqu'à prés,ent
les liens de parenté sont très importants,
sinon même sacrés.
Decce Fu NjogU, ~rand laman dS Paleen Deed au Kaloor,
en épousant
Ngoné Sobel, soeur du Tee'" Noxor N,jaay du Bawol, allait creer les
liens qui uniront pour longtemps les deux royaumes.
Par cette alliance matrimoniale,
les régions avaient trouvé une
base légitime d'alliance pour s'attaquer au Buurba Jolot' et se
libérer de sa domination.
Outre le commerce atlantique,
c'est donc cette poli tique d' allii'lnf'·
qui a permis aux chet's du KaJ oor et du Bawol d'obtenir la puis!"oanf'>
nécessaire pour se libérer du Jolot'.
L'éclatement du Jolot' donne lieu à de nombreuses contreverses
.
quant à la date et't'ective oi'!
1I:.~ se t'it.
Yoro Jaw,
sans autre int'ormation sur la méthode de datation utili~~
le situe en 1549.
Plusieurs autres dates ont été proposées, notamment par le père
Labat qui donne celle de 1566, et Chambonneau qui dans son "traj~6
.J
de l'origine des negres dl! Sénégal" publié par C.I.A. Ritchie
évoque cette période en disant: "Jay ouy dire à des nègres qu'il
n'y a pas encore six vingts ans que tous ces roiaumes n'estoient
qu'un que l'on nommait Gulo1ot'''(1). La date de l'indépendance
se situerait là, après 1550.
, (1) Ritchie, C.I.A.
: B.I.?A.N. 3er.B, N°!, !968, P.323

l,
Charles Becker dans les "Tep.~ du Baol s es~aj de chronologie",
!l'appuyant abondamment 1'IUI'
tes
sources Portugaises, avance la OH!"
de 1520.
Nous ne pouvons pas donner une date précise à propos de l'éclatemp,
du Jolof', l).éanmoins, nons pensons que l'analyse de la situation
des régions côtières à partir du milieu du XVème siècle, permet
d'af'f'irmer que ces royaumes connaissent une autonomie r~elle et
inaugurent à parti~ de ce moment une véritable politique d'indé-
pendance dont la bataille de DQnki ne sera que l'aboutissement.
I l f'aut signaler aussi que cette indépendance ne fut pas l'oeuvrp.
du seul royaume du K~Toor, comme on a
tendance à le souligner,
mf'~~
du KaJ oor allié au Bawol.
L'af'f'irmation du KaJoor comme le royaume le plus puissant aprè5
l'éclatement du Jolof',
a compétement éclipsé le rele joué par
les Bawol-Bawol dans la libération.
Nombre de nos informateurs nous ont af'f'irmé que si Amari
Ngoné Sobel a pu obtenir l'indépendance,
c'est grâce à l'aide
des Bawol-Bawol.,
Certains m~me vont pIns loin, di~ant que Amari est parti du Bawal
vers le Jolof',
sur les ordres de son oncle. II Quand Amari partait
au J olof', af'f'irme J ogoma 13.:" Jeey,
c' étai t
sur les ordres de son on~ l e
Noxor Njaa.y qui était TeeJr du Bawol à l'époque
j
c'est ce dernier
qui l'a envoyé au Jolof'. En ce temps là, tout appartenait au ~~urh?
Jolof' et c'est Amari qui amenatt le tribut de son oncle"(1).
Cette position se comprend aisément,
car si Amari ~tait A100r par
son père,
sa f'amille maternelle était originaire ml Bawol, il
pouvait donc se réclamer autan du KaJoor que du Bawol.
(I;} 1nfermateur : J. Jeey, 14.02.1981

QllOi.
<1'" i l en ~oi. t,
on peut retenir en dernière analyse
que,si la violence par le-biais de la domination du Jolo~ sur le
Bawol a permis le passage des grands laman simples maitres de
terre en détenteurs de pouvoir politique,
le commerce atlantique
a consolidé ce pouvoir politique en établissant de nouvelles
relations commerciales avec les che~s de la région, leur donnant
ainsi des moyens d'enrichissement.
La lutte commune pour l'indépendance,
entreprise par le K~Joor et
le Bawol sera
'"a l'origine du ren~orcement de l'inrluence des wo10
dans le royaume du Bawol où,comme nous l'avons dit plus haut,
les
S éreA étaient très nombreux.
Par l'alliance de la "famille Wagadll du Bawol à celle des Faal wo]"
de Paleen Deed,
les prétentions des wolor à la tête du pouvoir
se trouvent légitimées
; c'est ainsi que dès l'éclatement du Jolof
le KaJoor va utiliser cet argument pour annexer le Bawol.

là Partie
LE BAWOL DU MILIEU DU XVlè SIECLE A L'AVENEMENT DE
LATSUKAABE FAAL ( FIN DU XVllà SIECLE ) :
PERIODE D'ORGANISATION ET DE CONSOLIDATION DU POUVOIR
POLITIQUE.

CHAPITRE l
L~apparition d'une nouvelle dynastie 1 ooneéguenoe de
l'annexion du Bavel par le Kaloor.
-
La fa.ille FAAL prit le pouvoir au Bavol après la
dislocation de la fédération du Jolof. C'est à partir de cette
période, que l'on
si tue
généralement dans le oourant de la pre-
mière moitié du XVI ème siècle,que se sont misent en place les
institutions du pouvoir polit~que au Bavol.
Ce sont ces mêmes institutions que les Français trou-
veront et déoriront au XIX ème siècle, bien qu'elles aient subi
de no.breuses transformations.
Si l'alliance de la famille pateruelle des grands Lama
du Xajoor aTeo oelle des familles maternelles des laman du
Bavol a permis à ces deux royaumes de se libérer de la dominatio
du Jolof, elle a aussi eu des conséquences au niveau de la con-
oeption de la transmission du pouvoir au Bavol.
Nous essaierons de faire d'abord le point sur la si-
tuation de ce royaume après l"olatte.ent du Jolof, ensuite nous
ferons l'analyse des évènements survenus vers la fin du XVIème
siècl., avant d'aborder les problèmes internes causés par la
prise du pouToir politique par les Wolof dans le Bavol.
A - Le Bavol après ~'écla~ement duJolof.
La disparition du Jolof en tant qu'entité politique
regrClUpant la plupart des royaumes
sénégaAllbiens,
n'a pas eu comme conséquence immédiate, la tusioa~du Kajoor et
du Bavol. Ce dernier est d'abord resté, comme le disent les
""-
sources ora1es, sous l'autorité du grand laman no~or N Jaay.
C~ n' •• t qu'après sa mort qu'Amari N'goné, conformé-
ment à la tradition' he.ri ta.
des fonctions de son oncle.
dont celui de
'"
Teen du Bavol.

"-
OB ne sait rien sur le règne de Noxor N'Jaay après l'in-
d~pendanoe du royaume. Les sources orales ne nous disent pas
s ' i l a fait des innovations après la libération, s ' i l y a eu
renforcement de son pouvoir ou non.
Du c8t~ des sources écrites, seul Almada mentionne son
nom dans son "tratado breve dos rios de GUiDé" 1 "Au temps où
y régnait ua roi appelé Nhogor,
très ami des nItres, i l y eut
sur cette côte une telle famine causée par les sauterelles,
que l'on vendait les esclaves pour un de.i algueire de milou
de haricots" (1)
Nous avons donc pour seule indication oonoernant ~oxor
NJ~ay, ses relations avec les Portugais et la famine qui a eu
lieu durant son règne.
Jean Boulègue, s'appuyant sur l'évocation de oette fami-
ne, en tire la o.Dolusion~suivante 1 "Une lettre écrite en
1542 par Jorge Vaz, escrivao da fertoria de .antiago fait état
d'une grande famine sur la côte de guinée pour les années 1541-
1542.
I l Y a des chances d'autant plus fortes pour qu'il s'agis-
se de la mame famine, que c'est vers cette période qu'Amari
vint au pouvoir au Xajoor, et donc que Niokhor r~gnait au Bawol.
OB peut aTanoer comme probabilit~, que la famine se rappor-
tant à SOn règne, Niokhor régnait encore sur le Bavol en 1542" (2
Almada a ~crit .ur "Traxado Breve ft en 1594, mais i l relate
souvent des évB~ements qui se sont passés bien avant cette date,
nous pouvons donc considérer avec Jean Boulègne,que la famine
dont parle Jorges Vaz et celle de Almada
~ot"\\t le:'.' .Im.
(1)
Andr~ ALVARES D'ALMADA - 1594
(2)
Jean Boulè~e
- 1968
p. 222

:)2
Ainsi, en 1542, le Bavol 4tait gouvera4 par le Teed
"'"Noxor Njaay qui d'après les sources o~les, ~ait partie de la
dynastie des WAGAD.'-' , celle qui jusqu'alors avait t'oumi les
grands Lamans, dirigeants du royaume.
Cependant, malgr4 son importance, cette date ne nous
permet pas de dire avec exactitude l ' a. .4e de la prise du pouvoir
par AMARI N'GONE SOBEL. En et't'et, nous savons par les sources
orales que ce t'ut pau de temps après la dislocation du jolof
que le TEEN NaxOR
mourut et qu'il :rut remplac4 au Bavol par
son neveu AMARI NGORE. Néanmoins, i l est très dit't'icile de don-
ner des dates pour ces 4vànements, compte tenu de la rareté des
sources à cette p4riode.
L'arriv4e d'AMARI NGONE à la tate du BLwol a proba-
1
blement eu lieu dès le début de la seconde moiti.
4u XVIème
siècle. En et'~et, mIme si la dislocation du Jolot' a eu lieu
plus t&t que la date de 1549 proposée par YORO JAW, ce n'est
que bien après, que le Kajoor et le Bavol~~,t atre réunis par un
mame souverain, dans la mesure où,en 1542, 1.
...
~~ -
NOXOR était
encore à la tate du Bavol , et l'on ne connait pas la date de
sa mort.
Avec l'avènement d'AMARI NGONE SOBEL, le Bavol entrait
dans une nouvelle phase de l'histoire politique o
En ef~et, à la lumière des sources ora1es, nous sa-
vons que depuis la constitution des lamanats, une seule famille
ma ternelle, celle des \\t.!A. "".b~~, a d4tenu le pouvoir poli tique
par le biais de la t'onction de grand Laman.
Le rale jou4 par les familles paternelles ne semble
pas avoir 4t4 très d4terminant dans la transmi.sion du pouvoir.
La liste des TEEN WAGADU
4tablie par Charles Bècker,l par la
diversit4 des.patronymes qu'elle comporte)moDtre que le choix
des grands Laman se ~aisait piut8t en tenant compte de la famille
maternelle.

' )
"
Tout.~ois, i l est à souligner que,pre.que tous les
....
Teea d. cette li.te ont des pa tt"On,...•• séreer, c. qui mont re que
ju~qu'au XYlème siècle, le pouvoir politique a 'té d'tenu au
Bavol par les Sereer.
La prise du pouvoir par AMARY NGONE, de famille pater-
nelle Wolof dans ce royaume, constitue un fait très important
sur 1. plan politique 1 .n .ffet, ~ partir d. c. mom.nt, un
autre évèa•••at va être introduit dans 1. proc.saus de trans-
mission du pouvoir 1 la famille maternelle garde toujours son
importaDC., -ais c.lle de la famille pat.rn.ll. augm.nte consi-
.rablemeat, dans la mesure o~,tout Teen doit dorénavant Atre de
patronyme Faal.
On assiste alors à
la maia mis. d.s Wolof sur le
royaume Séreer du Bavol. C'est ~ partir d. cette période que
l.s Sér••r
oat perdu ~pouvoir politique, car avec c.tte nou-
v.ll. obligation. i l est évident que pour y préteadr., i l fal-
lait néc.ssair•••at avoir des asc.ndants Wolof.
Cèp.ndaat, i l n'y a pas eu de réactions immédiates
au sein du royaume. Celà s'explique par la position d'Amari
NGONE, qui par sa mère était Séreer . t originaire du BAWOL,
..,-
et d. surcrot t a.veu du dernier T.en NOXOR NJAAY. S.s préten-
tions étai.nt donc légitimes.
AinSi, ~ p'artir d'une période que l'on ne peut dater
avec exaotitud. compte tenu de la rareté des doouments, mais
que l'on situ. v.rs la seconde moitié du XYlème sièole, le
Kajoor et le Bavol se sont trouvés sous l'autorité d'un même
souv.rain.
I l est ~ noter néanmoins queJce ne fut pas une main
mis. complèt. du Kajoor sur le Bavol, dans la mesure où~ce n'est
que le souv.rain qui
occupe à la fois des fonotions dans les d·
royaumes, mais que tous les autres post.s>politiqu.s et adminis-
tratifs du Bavol lui-mAme sont entre les mains d.s natifs du pay

Les deux royaumes ont un mime souverain, mais i l . ' y a pas de
tbsion entre eux. Chacun garde son autonomie.
Le Savol,après une brève période faisant suite à l'é-
clatement du Jolof, se retrouve ainsi dans une autre sorte de
confédération, mais cette fois ci avec son voisin du nord 1
le Kajoor.
Dès SOB accession au pouvoir, Amari jette les bases
d'une organisatioB politique qui pour longte.ps allait conser-
ver eB place, la ·dynastie W qu'il a ainsi cré. en cumulant le
command.m.nt dans les deux royaumes.
C "ést dans ce cadre qu'il crée le titre de Calaw
qu'il attribue à son neveu et petit fils Ma Malik Coro Njigen.
Ce dernier ~ait partie de sa famille mat.rnelle qui
.st c.lle d.s WAGADU. I l est le ~ils d. sa soeur et de son pro-
pre fils Massamba Tako. Tanor Lat Soukabé Faal explique ce ~ait
.n évoquant 1. désir qu'avait Amari de fair. bénéficier sa
~amill. • •••n· d. pouvoir (1).
Un. fois de plus, on voit l'importance du matri-
lignage dans ces anciens royaumes sénégambiens.
La nomination d'un CaLaw ~'est à dire d'un héritier
présomptif de ·m••n" Wagadu par Amari NGONE SOBEL nous permet
d. voir un c.rtain nombre d. problè•• s que le grand Dammel-Tee~
lui .am. n'a pas ~nqué de cern.r
et qui lui ont dicté sa con-
duit •• En . f f . t , BOS in~ormateurs (2) nous disent qu'Amari a eu
d.ux ~ils 1 Massamba Tako et Lat Ndela Parrar.
_ _ _ _ _ _ _ AMARI NGONE SOBEL
Epouse 1
Epous. 1
Ndela Paraar
Tako Tuga
meen 1 Ge wu l
..e.n • Muyo)'
Mas samba .Tako
Lat Nd.la Paraar
(Muyoy)
(G.wul)
.\\
\\
(1)
TaBor Lat Soukabé Faal 1 "recueil sur la vi. des Damel"
(2)
S~At;f\\ '=''1 -rl<lLL (.2.(,.n.g\\~ :'7J,,~(;W\\o.Q.y y;..y'l \\14 .p.'!. 81)
BIFAN ser B n O l, t~H

(~ ,
Ma.samba Tako •• ~ du mIme meen que Decce fU Njogu, père d'Amari
I l peut donc,sans probl~mes,prét.ndre à la succession de son pè~
re au Xajoor, mais non au Bavol, puisque sa mère n'en est pas
originaire, et i l n'y a
jamais eu de grand Laman appartenant
au meen œuY0Y- dans ce royaume.
Lat Ndela Paraar lUi,est de meen Gewul, une famille
qui, bien qu'4tant du Bavol, plus précisément de Paraar dans la
province de Xaba, ne peut pas, selon la tradition,Atre à la tat~
du pays.
Aucun des fils d'Amari Ngoaé Sobel n'était en défini-
tive "apte- à cu.uler les titres de Dammel et de Teen ; c'est
la raisoD pour laquelle, ce dernier s'est rabattu sur son petit
,.
~ls Mamalik Coro, de meme meen que lui, et qui pouvait, tant
au Xajoor qu'au Bavol, prétendre au pouvoir.
J
C'est pour ces raisons objectives, qU'ilfa nommé
Calav du Bavol, au détriment de son fils Lat Ndela Paraar qui
a eu le titre de Barjaak. Certains documents (1) font de Lat
Ndela Paraar un Tee~, mais nous ne pensons pas qu'il ait régné
sur le Bavol.
En e~fet, tous nos informateurs n'ont retenu
de Lat
Ndela Paraar, que son titre de Barjaak, et ils affirment que ce
dernier n'a jamais été Teek, parceque de "meen" Gevul, i l ne
pouvait pas prétendre à ce titre. Selon Jogomany Jeey 1 "Ce Ndelé
NJaay a été un graDd roi du Bavol, i l est le fils de Lat Ndela Pé
raar, mais ce dernier n'~tait pas Tee~-. (2)
(I) A.S.
: l
G. 296 _et Becker,C. B.I.F.A.N. Ser.B,N°) 1976, }
(2) Informateur: Jeey, J. : 14.02.1981

L .s so.rces orales sont cat'goriques sur c. point 1
Lat Nd.la 'tait Barjaak et non T•••• I l .st d'aill.urs ~tonnant
q•• Yoro Jav qui r.late avec pr~cision l.s probl~••s de la suc-
c.ssion d'Amari, •• parle pas de Lat Nd.la, car si o. dernier
poUYait prét.ndr. au titre de Teek, i l n'aurait pas manqu~ de
participer ~ la lutte, avec le souti.n de sa ~amill. "me.n".
Toujours dans le cadre du re~orce....-td. son pouvoir,
Amari allait doan.r la fonction de JaY~~ Bavol ~ une famille
qui lui ~tait apparent~e 1 la famille d. KIr mayunger.
La ~onction de JarQAf Bavol, contraire••nt au titre
d. Calav .st ant'rieure ~ la domination d"Faal. Ell. a ~t~ crée
pa'2::'les anci.ns Laman
du Bawol, dans le but de servir de contre·
pouToir l
l'autorit~ du grand Laman.
Path' Diagne écrit que l
"
Le diaraf Bawol :fut à l'o-
rigine choisi dans deux familles
1
l.s meen Bal-Bal et Sab
plus tard la ~onction s.ra confi~e à des lign~es patrilin~aires
ou g.tro. (1.)
C'est un. fonction très important., puisque non seule-
m.nt c'.st 1. Jaraa~ Bawol qui nommait le Te.k aT.C l'avis des
Kangam.s, mais en plus, i l pouvait 1. d~pos.r si besoin ~tait.
DADS les périod.s d'inter-règne c'est lui qui r ••plissait les
fonctions de Te.k.
En attribuant ce poste à un. famille alli~e ~ la
sienne, le grand Dammel Te.k a voulu
s'allier 1. contre pouvoir.
(1)
Diagne, P.
1967, P. 280

Xl est à remarquer que, contrairement au Kajoor où
i l a tout siaplement cr~e un autre poste (celui de Javri~ M'Bul)
pour contrebalancer celui du Laman Jamatil qui jouait le r&le
de contre pouvoir, au Bavol, Amari a agi avec plus de subtilité.
Tanor Lat Soukabé Faal a~~irme que c'est " son cousin
Manginak Diou~ qui ~t d~sign~ comme premier ministre du BavaI
ou Jarqa~ Bavol " (1).
Les sources orales (2) qui relatent ~ guerre d'ind~-
pendance menée par le Kajoor et le Bavol parlent du rale impor-
tant Joué par ~nginak Catt JU"~, cousin d'Amari. Le Brasseur, da
"détails hi.toriques et politiques" parle d'un nommé "Manguénou-
kat" capti~ d'Amari qui joua un rale déterminant pour la libéra-
tion du K..joo~Bavol.
Nous pe•• on. que "Manguenoukat" et Manginak repr~sen-
U1\\c.
tentUDa~m'me per.onne. Le Brasseur le
présente comme un
"Jaam" d'Amari, -ais i l ne ~aut pas prendre le met capti~ à son
.ens propre. En e~~et dans la société sénégalaise, les cousins
ont souvent des relations à plaisanterie, et c'est dans ce cadre
qu'Amari appelait son oousin Manginak Catt, son "Jaam".
C·.••• t à partir de cette période quo les Juu~ ont com-
meneé à ocouper le poste de Jaraa~ Bavol. D'apr~s los in~ormation
que nou. donne Jogomaay Jeey, c'étaient des Séreer, descendants
d ' h ancien grand Laman du Bavol J le "Tee1r Jilak Jaalan Juu~".
Tout comme pour le titre do ~ee~, on assiste à un ren-
force. . .t de l'importance du ~geko" (~amille paternelle) dans
les autre. ill.ti tutions 1 le Jara'Qf Bavol qui a toujours ~té
choisi dan. deux ~amilles "moen" (Bal Bal et Sa.), eet désormais
(1) Tan.or I,. Faal
-
1'3 1· !~ . 1 P. \\ 2. 5
(2) JogomQ~Jeey - 14/02/81
Sexx M'Baye - 22/01/81.

On note donc une tran.fGr-at~on progr••• ~v• •ur le mode
de traDsmi.sioD du pouvo~r polit~que qu~ jU8qu'alor8,accorda~t
une grande place, 8~non l'exclu8ivit',au _atrilignage de8 cand~dat
Avec A_ari Ngon' Sobel, i l y a une bilin'arit' qui s'in8talle 1 la
famille . . ternelle aU88~ bien que celle paternelle prend de l'~m­
portance.
Ainsi au Bavol, où ~l n'4tait accept' qu'à caU8e de 8a
ra_ille materDelle, Amar~ a 8U consolider son pouvoir en attr~­
buant à une ramille qu~ 4ta~t all~4e à la 8ienne, le 8eul poste
par le biais duquel, 80n pouvoir de Tee~ eutpu 'tre remis en cau-
se. En erret, seul le Jaraaf Bavol, repr'sentaat de. JambuUrs du
royauae pouvait de.tituer le Tee~. Sou. la domination du Jolof,
Le teek,bien qu'ayant un grand pouvoir, deYait quand mame tenir
compte de l'existence du Jaraaf, 'lu non pas par lui, mais par
les autre. Laman du royaume.
Dès l'instant où le ch~ix de ce contre-pouvoir qui
constitue la .eule arme des Bavol-Bavol vis à vi. de la puissance
du Teek, pa.se dans les prérogatives de ce dernier, la fonction
perd un pe. de .on efficacit4, m'me . i elle n'e.t pas vidée de
SOR sens.
Le début de la seconde moiti' du XVI ème siècle au
Bavol comme nous venODS de le voir, est une période de restruc-
turation du pouvoir politique. Le règne d'Amary Ngon4 Sobel a
coin4id' avec une ·_,4poqde. ·où le monopole portugais sur le commer-
ce .atlaDtique commence à d'cliner,en faveur d'autres nations euro-
p'enne. 1 Fran9ai. - Anglais - Hollanda~ ••

A
Amari, en étant à la tlte de deux royaume. cotiers,
bénéficie de ce commerce, et allait ainsi devenir l'un des sou-
verain. les plu. puissants de cette cate sénégambienne.
Au Bavol, toujours dans le cadre de cette tentative
de reaforce. .t
de son pouvoir politique, i l commence une res-
tructuration du domaine fonoier. Comme nous l'ayons déJà souli-
gné, au Bawol, c'e.t autour de la terre que s'organi.e toute la
vie, et c'est oe qui explique l'importance, qu'avaient les Laman
~uxquels était ooafiée la gestion de ces terres.
A ces fonotions de gérant de la terre, le laman ajou-
tait oe1le. judioiaire
et religieuse, dans la mesure où i l é-
taitdhargé de régkr
les litiges survenant entre les membres
de la communauté territoriale, et d'assurer par des sacrifices,
la fertilité de. terres. I l était e•. ~. .e, une sorte de chef
local.
Amari Ngoné va donc essayer de récupérer ce pouvoir~
en créant de toutes pi~ces, un grand 1amanat 1 cest celui de
Nderep, ua village de la province de Lambaay, dan. le Bawo1
oentral. Le. terres relevant de ce lamanat étaient tr~vastes
et englobaient uae grande partie du Bawol. Selon Jegomaay jeey,
"Le laman de Nderep est le premier de tous le. laman
du Bawol.
Le feu de brous.e qui a délimité .es terre. a brulé jusqu'à
Tukaar, en.uite jusqu'àu~Jolof ". (1)
Toute. les terres du Bawol eentral relevaient donc de
ce nouveau la.au.t, dont le chef était un séreer. Les descendants
(2) de ce laman de Nderep a~~irment toujours que c'est Amari
Ngoné Sobel qui leur a attribué le domaine et qu'en retour, ils
ont accepté de participer à toutes les intronisations des fUturs
Teeà_. C'est le rite du puits de Nderep, lieu où tout nouveau

60
Teek devait .e re.dre,aCin d'y ••bir une .orte de te.t dirig4
par le. de.cendant. de M'Baa.an Seen, pr.mi.r laaaa de Nd.rep.
Amari _8On4 n'a pa. perdu d. Tae la .p'citicit' du
Bavol qui, contrairement au Kajoor, avait un. pepulatioD à ma-
jorit4 .'reer, .'ayant pa. n'c •••airement le • • • • • • conc.ptions
que 1 •• Wolof en ce qui concerne le pouvoir.
O'e.t pourquoi, pour ne pa. tavoriser une r.mi.e en
cau•• de .OD poavoir par les s'reer, i l a fait en .erte qu'une
partie de. croyance. et rite.de ce. dernier• • •ient perçu. au
trav.r. du Douveau pouvoir.
o ·'e.t dan. ce .ens qu'il a fait du laman Nderep, le
chef de toua le. autr.s laman, r.conduisant aiRsi, l'ancienne
Cormule de graad laman.
La .ipification du rite du puits d. Nclerep va dans
ce seos. En .CCet, le laman.n paya sereer e~non seulement le
g'rant d. la terre, mai. au.si par l.s aacrific•• , i l doit gara,·
tir la C.rtilit' des terres et la pn~p4rit4 de toua ceux qui
rel.vent de aGD domaine. Le rfte dapuits de Nder.p, ' t a i t une
c4r'monie au cours de laquelle, le pr'tendaDt au titre de tee~
... ,"-tait· en pr'aence du ,laman qui, ell. illterrog.aat l.s forces occul-
té. pouvait dire l
la population,si le pr'teadaat serait un roi
dont le r.gne serait pai.ible et accompagn4 de prosp4rit' ou non.
.... 111
t'I
{1".0'-"..., ..)
( 1 )
Jogoaay .1eey l
'" .w •• 0
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(2) Lami..e •••n
1~.02/81
(I1\\~O'ft\\o.te.u. ..)

61
.
Il Y a dODO to~ours ua to.d oommua qui demeure 1
le teel, au••i
bien que le lamQWdeTait th4orique.eutltre en
.e.ure dla••urer la ~ertilité dea terre. et la pr••p4rité du
pay••
Par
_."li-:
compromia aveo lea populatioa. .4reer du
royaume, Amari r4u. ait à aa a e oi V'
.on pouvoir et à créer pour
un tempe une .tabilité politique dana la région. Cependant, dès
.a mort, le. problèmea allai.nt .•urgir, abouti.sant à la sépara -
tion du Kajoor . t du Bawol, chao'Wl ayant à aa t l t . , un aouv.rain
autom.o•••
B - La ori.e politique .ntre le Bavol . t le Kajoor •
.Au lendemain d. la mort dlAmari, u •• oriae grave
allait .ecouer 1 •• d.ux royaum•• qu'il avait r4u•• i à gouv.rn.r
.n •••• te.p•• On ne oonnait pa~ la date exaot. d. la mort d'A-
mari, Yor. Ja~ la situ• •n 159), mai. au••i
bien la relation de
Franci.co d~!Andrade,que le voyage d. Qiohard Rainold., tous d.ux
J....
publi4. par
Boulègu., n. perm.tt.nt pas cle dat.r la mort
d'Amari •• 159).
En .t~.t, déjà .n 1582, F. D'andrad. 4criTait 1 ft Le
cap vert •• trouve par quatorze d.gré• •t
d.mi . t torme une pointe
hors d. la t.rr. t.rm• • t du royaume d. Yalofoa, dont 1. roi est
actu.ll . . . nt Chilao
héritier d. 80. oncle Guodumelo ••• (1)
Richard Rainolda
lUi,noua cite lea Doms dea deux
80uveraina du kajoor et du Bawol .n 1591, lora de son voyage.
Le t.xt. d'Andrade a lui aeul nOU8 perm.t d. dire qu'en
1~82, déjà Amari 4tait mort, puiaque ·chilao·, .on héritier était
au pouvoir.

1" -,
. ) r
X~ nous est tr~s di~~ioi~e de donner une date exacte
de ~a disparition du pre.ier dammel-teek, A cause de la rareté de
doca.ents, oependant, on peut avancer l'id4e que cette mort eu li
vers les ADn'es lS70, dans la mesure où l~,sources orales attri-
buent UJl lOB« regae à Amari 1 une quarmaine d'aDD4es selon
Tore J'av.
La orise qui seooua le XaJoor et le Bavol eut-elle
lieu imm'diate.ent après la mort d'Amari.
ER plus des sources orales, nGUS avons ua certain
nombre de doc. .eats ~crits, concernant ~a succession d'Âmari.
Cepandant, tous .e sont pas très c~airs et ne permettentpas tou-
jours une restitution sans ~quivoque de la situSion.
La prinoipale source est Toro J'av, qui a~firme qu'à la
.ort d'Amari, le KaJoor revint à Mass_ba 'l'ako, fils du dammel
Teea, et le bavo~ à Mamalik Coro Njingeea, petit fils et neveu
d'Amari.
Apre. quelques années de règne, Mamalik voulut s'em-
parer du Xajoor, et envahit ce pays , cependant bien qu'il ait
tu' Massamba Tako son père, i l ne put r~gner sur le XaJoor,
emp4oh~ ....oela par 'ses demi-frères Maxur~ja)Biram Mbanga et
Dav Demba.
Du e8t4 des sources écrites, Almada, dans son "trata-
do breve-, 'veque lui aussi la situation à la mort d'Amari 1".
I l (Amari) eut un fils, appelé de son vivant Amad Mali,ue ,
(Il' Boulègue, JI.
: B.I.r.A.N. Ser.B, N°I- 2, 1967, F.71

6 . . . . oh.z .ux i1 .'ya pa. de titre de princ. sau~ o.lui de roi,
i1 1e proc1ama •• son vivant roi d'Enoa1hor qui e.t le coeur des
royaumes des Jal.~os et celui-ci y ré.ida touJour••
Aprè. la .ort de son père, ayantijb ~il.,nommé Chilao,il 1 procla-
ma roi d. LamltI.f4., celui-ci !i5e tr.u..e à gouverner oe que ~ou vt.r •.
son <yQf~"-t'~", Badwa.l, après avoir ~ait .on père roi d'encarhor (1
I l faut .ignaler qu'Alamada a éorit son -tratado-en
1594, mai. il y déorit d~ situations par~oi8 antérieures à cette
date, tell. par exemple la mort d'Amari qui o.rtainement a eu
lieu avant 1594.
Plus loin, Almada écrit 1 -o'est le roi Budomel,le plu~
pui.saat de oette oôt., quoique mainteaaat i l ait son royaume
diTi.é en deux parties, comm. i l a déjà été dit, acoordant en tou
l'obéi ••ance à .on père (~).
De
.on oôté, Richard Raynclds, .n 1591, décrit la si-
tuaticn .uivante -la rive sud du ~leuve Sénégal sur la côte, jusqu'
à Pal.erin constiVm. un seul royaume nègre. Le roi .'appelle Melik
Zamba. Nous arrivâmes le 14, dan. la rade de Porto Dially, qui est
un autre royaume. Son roi .'appelle Amar Malek, ~il. de l'autre
roi Meleok Zamba -. (1)
J,b.qu'ioi, oes trois versions se recoupent et décrivent
à peu près la ml.e .ituation, excepti •• faite de la généalogie de
Amat
Malik,qu'almada ~ait passer pour le fil. d'Amari, alors que
le• •ouroe. oral•• et Richard Raynold. di.ent bi.n qu'il est le
fLl. de Ma......ba Tako.
(l) Almada
1594
(2) BQulè~e, ;J. Marquet,R.
B.l.F.A.N. Ser.B, N°l, 191'1, P.8

Analysant les deux textes de Almada et de richard
Raynolds, Je&l1 Demlègue,propose une autre version de la succession
d'Amari 1 MAprè·a,·la mort d'A...ri, Mamalick aurait h4rlt4 de tous
ses états coJl:form4ment à la volonté dugrand dammel, et aurait
r4gae'.b certain temps.
'Ce serait la situation d40rite par Almada,
et l'OR compre.d que la tradition (:favorable à Massaaba) ait pas-
214 cette période s.us silence.
Massemba aurait ensuite obtenu le Kajoor,
tandis que
Mamalik cardait le Bavol. Et ce serait la situation oonstatée par
Rainol~en 1591 et que la tradition prend comae poiDt de départ.
Ensuite oonformément à la tradition, Mamalik aurait envahi ,le Kajoo
puis en aurait 4t4 chassé".(l)
Jean Boul'gue s'appuie certainement sur le passage d'Almada qui ~ai
de Amad Malik.Mro~ d'Encalhor~ c'est-à-dire Dammel du Kajoor.
Nous pensons oomme ~harles Becker(2)qu'il.~~ a eu une erreur de Al-
mada, concernant ce passage. En ef.:fet,lors de nos enqultes,nous avo
iDterrog4 tous n.s in:formateurs sur ce problème. et tous sont unani
mes. Mamalik Coro J'igeen (le Amad Malik. Je. ALmada ) est bien le :fils
de Massamba Tako et non celui de Amari Ngon4 Sobelr d'ailleurs le
texte de Rainolds sur ce point ne peut prlter à confusion.
Si dODO l'on s'accorde sur cela, la situation décrite
par Almada, rejoindrait celle des sources orales et de Richard Rain
lllamalik Coro . ' a pas ét4 Dammel/Tee1r' comaae le suggère Jean Boulègu
La suite du texte de Almada est d'ailleurs très claire
-Après la mort de son père ,ayant UR :fils no.m4 cbilao , i l le ~it
proolamer roi de Lambaia-.(3)
(1) Boulègue. ~. :
1968 p ·P.241
(2) Becker, C. Martin~V. : B.I.F.A.N. Ser.B, N°3,I976,P.400
(3) Almada :' 1594

A la .ort d'Amari i l y a donc ua roi "d' ••oa'hor"
(KaJoor) q.i •• t .on fils,
. t un roi d. "Lambaia", (oapital. du
Bavol) qui •• troav• • tr. 1. fils d. O. d.rni.r. C' •• t
.xactem.nt
la m• • • •ituation qui a été décrit • • • 1591, par l'aD.lais Richard
Rainold••
I l ••rait d'aill.urs étoDa&Dt, . i Mm-malik avait été
damm.l.t.al qu'auaaD d. nos informat.ur. Bavol-Bavel •• l'ait
m.ntie. .é daDa SOR
réoit
d'autant plus que Mamalik .st origi-
nair. du Bavol lui........ , i l .st au••i
diffioil •••nt cODe.yable
qu. 1 •• Bavel-Bavol .eient favorabl •• à Massamba, un ajoor n'ayant
jamais régné .ur leur pays.
Un. autre v.rsion, .ur la .ucc•••ion d'Amari •• t
donné
-1.
par Doum.t, . . . .
Xajoar et l.s pays voi.in.". "cet usurpateur
(Amari NConé) lai.sa d.ux enfants , i l avait donné avant sa mort
1. gouv.ra.ment GU vic. royauté à l'atué d'un. parti. d. son royau·
m. qui était c.ll. du Bawol, qui n • • '.n conte.ta pa.,.t qui,
apr~. la mort d'Aaari Ngoné, prof~tant d'un. cu.rr. civile entre
••• état., •• r.adit
mattr. d •• d.ux reyaum•• d. Dam.l . t d. Tin,
qu'il lais.a ~ d.ux fils qui .n fir.nt 1. partaC• •t y régft~rent
tGU. d.ux " (1).
L. t.xt. d. Doum.t n'e.t pa. très clair, . t comporte
c.rtain•••ntb.aucoup de confusions. En . f f . t , i l m••tionne divers
éléll.nt. qui D. SOllt confirmé. par auoun. a.tr. dooum.nt 1 ni les
sourc•• oral •• , . i l.s sourc.s éorit •• ,
I l parle d. d.ux fils d'amari Ngoné, . t d. d.ux autres
f i l . du .ucc••••ur d'Amari au Bawal, o. qui n'est coD:t'irmé par
auolUl. • _ra••
(1) Becker, C. Martin,V. :B.1.F.A.N. Ser.B, N°I,I974, P.37

Mi. à part ces confusion., 1e r4cit de Doumet com-
port. quaad •••• un fond commun av.c 1 • • • ourc•• oral••• Ain.i à
la mort d'Amari, .on .ucc••••ur au Bavol, en l'occur.nc.
Mamalik
Coro, aurait t.nt' de .'emparer du Kajoor.
Là où il n'y a pa. d. concordanoe, o' •• t quand Doumet
a:f:firme qu'i1 .e r.ndit
ma.ttre d •• deux royaum•• qu'il 1ai••a à
~. deux fil •• Il Y a o.rtain.ment .u mauvai •• iaterpr'tation de la
part d. Do. . .t
• Mama1ik a vainou le. ajo.r, mai. n'a pa. pu .e
r.ndre . a t t r . du pay.,emp'ch' .n o.là par 1 •• f i l . d. Ma••amba
Tako.
Nou. pen.on. dono, con:form'ment aux .ourc•• oral•• ,
et comm. l'ont 'crit Andrad. et RaYDo1d., qu'après la mort du
pr.mier Damm.1 T••~, le Kajoor . t 1. Bavo1 ont oon••rv' chacun
.on autono.i. propr••
C.p.ndant v.r. 1& fin du .ièo1., i l y a .u une tentative d.
oumu1 de. t i t r•• d. da_m.1 et d.:t.e~ par l'un d •• d.ux .ouverainf
c. qui a &bouti, à une ori •• qui marquera 1e d'but d'un• • 'paratior
de. deux reyaum•••

67
C -
Cau.e• • t c . . . 'quence. de la cri.e.
Le ~umul du commandement d •• d.ux roya. . . . avait per-
mi. ~ Amari Hgo_' d'atre l'un de • •ouverains le. p1u. puissants
de cette cate .'.'gambienne.
Le KaJoor et 1e Bavo1 réunis 1ui o~fraie.t un nombre
con.id'rab1. de sujets sous sa domination, en p1u. d~nombr.ux
points de traite . i . tout au long du bord de 1a mer. I1 a ainsi
été pré.ent' par A1mada ,-c'est 1e p1u. grand roi de cette cSte,
1e p1us pui.sant en population, et 1e maltre du p1us grand terri-
toire ••••• 1
Le royaume de Budome1 a beaucoup de port. de mer, hor!
ceux du ~1euve de Sanaga ou commençant à partir de ce1ui-ci, en
a11ant 1e 10ng de 1a cSte jU4Qu'à Séréno " (1)
L'introduction de nouve11es données dans 1es conditior
d'excercie du pouvoir suprame,ta~t au 8avo1 qu'au KaJoor, consa-
~it ain.i 1a confiscation de ce mame pouvoir par une .eu1e ~amil·
1e paterne11e 1 ce11e des Faal.
Cependant, 1e. ten.ion• •e vont pas tarder à surgir
dan. cette nouve11e ~ami11e "aristocratique", du ~ait de 1'impor-
tance repr'.ent'. par 1a ~ami1le matern.11e dan. ce• • ociétés
Wo1o~ et .ereer.
En e~fet, 1e ~ait d'appartenir à un mame "gédo", c'est
à dire à uae ma.e fami1le paterne11. n"tait pa. garant d'une cohÉ
.ion au sein de • •e.bres de cette ~ami11e. C'.st 1e cSté maternel
qui en ~ait, 'tait 1e critère le p1us important.
Tous ~8 de.cendants d'un mê.e "Xeet" (c'est à dire
d'un ma. . ancatre ~"inin) se sentent 1ié. et ob.erv••t une grand€
.o1idarit' entre eux. On peut d'ai11eurs a~~irmer que c'est le
(1) Almada : 1594

contexte dans 1eq.e1 s'est dérou1ée 1'iDd'pendance du Kajoor/
Ba~1 qui a permis ~ Amari Ngoné 50be1 d'imposer sa ~amille
pater
.e11e au pouvoir daDs ces deux royaumes. Cell a'a pas pour autant
diminu' 1'importance des matrilignages dans 1'exercice du pouvoir
po1itique. L'exe_p1e qui i11ustre cette coa.tatatioD DOUS est o~fe
par les souroes orales (i),dans le r'cit du subterfage dont
A_ari Ngo.'
qsa peur maintenir sa ~ami11e -.een- au pouvoir 1
Alllari qui 'tait de -meen" Wagadu, avait 'pous' en pre_ière noce
Tako Yuga, de -meea- Muyoy. Les en~ants issus de ce mariage seraie
doc. de lIIa.e -me.n- que 1eur mère, c'estl dire des Muyoy.
Pour que sa famille materne11e ne perde pas le pouvoir
Amari ~it ea sorte que,Massamba Tako, UR de s.s ~i1., eut un
enfant ave~ .a tante Cora Njingen, la propre soeur d'Amari, et 9u,
comme Lui était UDe wapdu; l'en~ant pourrait plus tard prétendre
au pouvoir, maintenant ainsi les intérats de la fami11e.
Cette rivalité entre fami1les materne1les est certai-
nement une de. oauses de la cri.e po1itique qui seooUA 1e Kajoor
et 1e Bawol vers 1a ~in du XVIème siè01e.
Nous .e pouvons pas donner l4 date exaote du déroule-
ment de 1a orise, oar,hormis le. souroes ora1e.,
(Yoro Jaw) , aucur:
texte éorit .e _entienne cette cri.e.
Cependant, les deux doou.ents de Richard Rainolds et c
Alvares d'ALmada DOUS incitent à p1acer oette orise ve•• la fin
du XVIè.e .ièo1e.
(1) Fall, T.L.
B.I.F.AN. Ser.B, N°l, 1974, P.I06

6G
Le texte d'Almada , malgré l'erreur qu'il comporte
selon nous,
en ce qui concerne le nom· du souverain du Kajoor
(Amad Malik), nous présente le Kajoor et le Bavol comme deux
royaumes distincts
; Richard RaYnolds nous les décrit aussi
de cette manière, avec les noms des deux souverains a
Melik Zamba pour le Kajoor et Amad Melek fils de Melik Zamba
pour le Bavol.
Aucun des deux documents ne parle d'un conflit
entre ces deux royaumes à cette époque 1 la mention de Melik
Zamba (Massamba Tako) dans le texte de iaynolds, montre d'ail-
leurs qu'en 1591, la crise n'a pas encore eu lieu, puisque
c'est à la suite de celle.ci que Massamba Tako trouve la mort.
A la suite de l'analyse de ces divers documents, nous
proposons l'explication suivante, co~rnant la succession d'A-
mari Ngoné Sobel a Après son avènement au Kajoor et au Bavol,
Amari craignant que sa famille maternelle ne soit exclue du
pouvoir politique après aa mort, essaie de préparer lui-mAme
sa succession. C'est ainsi qu'il confie le Kajoor à son fils
Massamba (ce que confirme Almada) , et s'installe lui-même à
Lambaay dans le royaume du Bawol. C'est probablement à ce moment
qu'il a nommé son petit fils Mamalik Coro, Calav du Bawol.
. "
Almada écrit qu'à la mort de son père, ayant un fils
nommé Chilao, il(roi du Kajoor) le proclama roi de Lambaia".(1)
Le fils du~bi du Kajoor était déjà Calaw, puisque ce
n'est pas son père qui le nomme lui-même Calaw, i l l'était donc
du vivant de son grand père.
(1) Almada : 1594

70
La volonté d'Amari a été re.pectée, dans la mesure
où à sa mort, i l a errectivement été remplacé par son petit
rils Ma Malik Coro Njingen, à la tate du Bawol. Almada le con-
rirme quand i l écrit l
"celui-ci (Calaw) se trouve à gouverner
ce que gouvernait son grand père Budomel, après avoir rait son
père roi d'Enca~hor (~).
A la mort d'Amari, la situation se pr'sente alors
ainsi 1 toute la partie allant du Cap vert vers le nord, c'est à
dire vers le neuve sénégal est revenue à son petit rils Massamba
Tako, tandis que toute celle du sud est gouvernée par son petit
ril6. Ma Malik (oro. Celà revient à dire donc que,le Xajoor est
allé à Massamba, le Bawol à Mamalik. Au début, i l n'y a pas eu
de problèmes, le. deux ~uverains ont même collaboré, ce qui a
certainement poussé Almada, parlant du dammel à arrirmer ceci 1
" C'est le roi le plus puissant de cette c8te, quoique mainte-
nant i l ait son royaume divisé ~n deux parties, comme i l a déjà
,
été dit, son ritS.Chilao en gouvernant une moitie
et lui l'autrt
C'est un ropaume si grand qu'il permet tout ceci, et
les deux ne ront qu'un, parceque le rils gouverne sa partie en
tant que prince, accordant en tout l'obéissance à son père." (~)
Cependant ce passage du texte d'Almada ne doit pas
nous mener à la conclusion selon laquelle, i l y avait un seul
souverain au KaJoor et au Bawol à cette période, dans la mesure

où tout au long du document, i l prIe du Calaw , roi de Lamabaia".
(1) Almada
1594

Cette période de paix entre
le Kajoor et le Bawol aprèf
la mort d'Amari,est aussi con~irmée par les traditions qui disenT
que le con~lit entre les deux souverains,a éelat~ sept ans après
la mort d'Amari Ngoné.
,
Quelle a
ét~ la cause de ce conflit qui,daprès Toro Jaw et Tanor
Lat so~aL~ Fall a abouti à un parricide ?
Nos divers in~ormateurs nous disent que c'est la vo-
,
lonte
de cumuler les deux royaumes,qui a mené à l'a~~rontement
entre le père et le ~ils.
Selon SaGBasi Faal. Massamba Tako demanda à
son ~ils
Ma malik COlfoNJîngen de le laisser cumuler le Kajoor et le Bawol,
comme celà. à sa mort. i l le remplac€~-.~_ i, la tête des deux royau-
mes
J Mamalik refusa et ils se rene (l" + ;-è rent à N jol Baaxoi:' r
voilà la cause de cette guerre (1)
De son caté Tanor Lat Sukabé Fnal donne la version
suivante 1 "Ma' Malik Corot
roi du Diu,ol,
brulait du désir de cu-
rnuler les deux pay~ • à l'exemple de son grand père Amari Ngoné
Sobel.
i l envahit le Kajoor avec une année considérable 11(2)
Dans les deux versions i l y
~\\
f :Juj ours
la volonté
de cumul des deux royaumes par l'un 1;,
. ,)uvr~rains.
A notre avis.
c'est eï rec l.i.
li:,' Il t
cette volanté de
cumul des pouvoirs de Dammel TeerCqui est à l'origine de ce
con~lit
entre le. classes di~igeant ':':' ci 8 S
deux royaumes. Le con-
1Bxte économique de l'époque. avec la
j"-i~:""nc',' régulière des
européens (Portugais. Français et Anr<;,is)
LLÏ,sant du commerce
sur les eStes .~négambiennes. offrai t
. ,·'.Ci
richesse. onnsidéra-
bles aux souveraiDs ayant beaucoup di;
.CI" r s
de
mer.
..__..
. c.""....-__=-·"""..
_
------=====-..;~====._---,,_
....-
(1) Informateur
Saaba Si Faa',
r, ,-
(2) Fall, T.L.

Etre en même temps souverain du Kajoor et du Bawol
signifiait avoir tous les ports de mer depuis le fleuve Sénégal
jusqu'à la frontière avec le Sine, et contrôler tout le commerce
qui s'y faisait. C'était aussi tentant pour le Dammel du Kajoor
que pour le teeîi du Bawol.
Cep&ndant,
essayer de réaliser cette ambition,ne
pouvait aboutir qu'à un affrontement entre les deux souverains,
ce qui eut lieu à Ngol-Ngol où Massamba Tako trouva la mort.
La version de Sa~basi Faal sur la bataille de Ngol-
Ngol,
communément appelée bataille de Njol Baaxon diffère un
,
peu de celle de Tanor La t
s,,·.Hi.. ~L,: Fa LI; la première affirme que
c'est le Ba.ol qui a eu la volonté de cumuler les deux royaumes,
tandis que la seoonde affirme le contraire.
Ce qu'il faut souligner ici,
c'est qu'aucun des deux
souverains n'aurait accepté de p~rf-h"~
son pouvoir en faveur de
l'autre;
mIme si Mamalik est le fils de Massamba Tako, ils
ne sont pas du ma me "meen", et chacun des deux partis était
certainement entouré de sa famille maternelle luttant pour ses
propres intér3ts 1 l'enrichissement et le renforcement da son
pouvoir.
Ainsi les deux facteurs (alliance entre les familles di
.
rigeantes et commerce atlantique) qUI avaient
favorisé l'indé-
pendance ~Kajoor et du Bawol vis à vis du Jolor
et pemns à
Amari Ngoné d'atre un souverain puissant et incontesté dans les
deux royaumes, vont être à l'origine d'un conflit entre ces der-
niers, consacrant pour longtemps leur séparation. les souve.ains
du Bawol,
jusque vers la fin du XVIlème siècle ne font aucune
tentative de cumul des titre de Dammel teert, mais essaient plutpt

de consolider leur pouvoir à llint~rieur du royaume,
où certains éléments de la population Sereer, ne leur ont pas tou-
jours été soumis.

74
CHAPITRE II
L' EVOLUTION INTERNE DU BAWOL DANS LA PREMIERE MOITIE DU XVIlème
siècle.
La composition de la population du Bawol n'a pas ~a-
cilité la t~che des souverains wolo~ de ce royaume, dans leur
volonté d'établir un pouvoir centralisé.
Les populations séreer,
vivant dans la région c6tière,
sur le versant oriental des "~alaises" de Kees et plus au sud
à la limite du Bawol et du Siin, n'ont pas toujours accepté
l'intégration dans une organisation politique centraliéée.
Valentin Fernandes le soulignait déjà au début du
XVIème siècle 1 "les sérec.':,
et les
t3a.rboc.ij~
ne sont pas soumis
au roi de çanaga et n'ont ni roi, ni seigneur particulier ••• "(l)
C'est d'ailleurs cette constation qui nous
rait avan-
~er l'hypothèse belon laquelle, la région que l'on appelait Bawol
au début du XVIème siècle,n'englobait certainement pas la partie
habitée par les séreer
1
Su~een de la cSte, Jegem du sud et
probablement Jooba(~ des falaises de Kees,
toutes ces populations
que l'on identi~ie à des séreer •
Cependant, malgré leur ~arouche opposition à un pou-
voir politique centralisé,
ces populations ont du se plier aux
exigences d'une monoarchie englobant les deux royaumes du Bawol
et du Kajoor.
Nous ~~ageons sur ce point l'analyse de Jean Boulègue
qui écrit l
"l'union de ces deux états, en englobant leur région
dans un ensemble organisé avait du permettre au dammel-teett d'en
avoir un contr8le relatif".
(2)
,,1

75
La séparation du Kajoor et du Bavol allait permettre
à ces populations de reprendre une nouvelle fois leur liberté.
Quelle sera alors la politique des souverains du Bawol
à l'égard de ces populations ne reconnaissant pas leur autorité,
et dont une grande partie est installée dans une région vitale
pour le pouvoir politique 1 la région coti~re avec le point de
trai te de Portu d.al ?
Le XVIIème siècle est le théatre de cette lutte oppo-
sant Sereer et pouvoir politique wolof. C'est au cours de cette
époque que las souverains wolof tentent de régler ce problème
latent qui est celui des maîtres de terre séreer, dont l'insou-
mission à un pouvoir qui leur est étranger,est un facteur d'af-
f~iblissement pour ce dernier.
Nous assistons donc à une période où,le pouvoir pour
Men raffermir son emprise politique sur toutes les populattions
de la région utilise la violence de façon permanente et met en
place des institutions pour sauvegarder son autorité.
(1) Fernandes, V.
1506-1510, P.27
(2) Boulègue, J.
1968, P. 241

A -
La question des laman séreer 1 un problème latent.
Le XYlème siècle représente une des périodes clé de
l'histoire du Bawol,
en ce sens qu'il inaugure,avec le Teeh
Amari Ngoné Sobel, une nouvelle conception du pouvoir politique.
Ce dernier se structure désormais non plus autour d'une seule
famille maternelle, mais autour d'une véritable dynastie que crée
le teen
Amari Ngoné Sobel. L'élément nouveau est l'obligation
d'appartenir à la famille paternelle FAAL, descendant d'Amari,
pour avoir le droit de briguer le pouvoir de Teerl.
C'est le début d'une centralisation du pouvoir qui désormais,
allait reposer entre le~ mains d'une oligarchie regroupée autour de
la per.sonne du Teeri.
La création du lamanat de Nderep constitue la premiè-
re tentative du nouveau pouvoir d'intégrer les séreer (du moins
ceux du centre) dans une organisation centralisée.
Cependant,
ces séreer de la région centrale du Bawol,
en contact depuis très longtemps avec les populations
wolof, se
sont en quelque sorte " wo l o fisés", ayant subi par le biais du
pouvoir politique,
l'influence de cette nationalité dont la cap~té
assimilatrice se vérifie même de nos jours dans l'actuel Sénégal.
Ce contact avec les wolof leur a valu ae la part des autres Séreer
le surnom (qu'eux-mêmes trouvent assez péjoratif) de Mbalonjaafen,
c'est à dire Séreer Wolofisés, en somme Séreer dominés par les
Wolof.

~rJ
, ,
L'acceptation du pC1lvoir central par ces Mbalonjaaf'en,ne signif'ie
pas pour autant l'adhesion de la masse des populations Séreer à ce
nouveau p~l~voir. En ef'f'et,
les Séreer du Bawol central ne constituent
pas la majorité de cette nationalité dans le Royaume.
Sur la côte, nous avons une population que Fernandes,au début du
XVIème siècle appelait les "Séreos" et que Jean Boulégue identif'ie
aux5~een.
D'autres groupes Séreer sont également présents à l'in-
térieur de la région 1 i l s'agit des Joobaas installés sur la partie
orientale de la t'alaise de Kees, des groupes du Jegem, du Mbadaan
et du Sandog au sud ouest, ainsi que ceux du Mbay~~e~ du Ngoy au
sud est. Toutes ces populations appartiennent à la nationalité Séreer.
Quelle était leur position vis à vis du pouvoir central?
1.Le Eroblème des pOEulations de la oSte, LesSA&f'een.
Nous partageons le point de vue de Jean Boulégue qui,
après analyse
des textes Portugais du XVème, et du XVII ème sièole, aboutit à la
conclusion selon laquelle,
ces populations non
Wolot',
situées sur
la côte entre le Kajoor et le Bawel sont ef'f'ectivement les Séreer
5-feen • Cependant, bien qu'aucune source du XVème ou du X~me siècle
ne l ' a i t mentionné, nous pouvons at'f'irmer qu'au début du XVII ème
siècle déjà,une population autre que les &~t'een était installée sur
oette cStel oe sont les Lébt•• Dans sa "description de Serra Leoa
et des Rios de Guiné du Cabo verde"
,t'ai te en 1625, André DonE.l.ha
écrit 1 ft cette côte court vers l'Est jusqu'au Cabo dos Hastos qui
est élevé. Près de ce cap, vivent les Bilebos, qui sont aussi des
Jalof'os, soumis au roi des Jalof'os, qui a sa résidence dans l'in-
térieur, dans la grande bourgade de Lambai n (l).
Commentant cette inf'ormation,Texeira Da Mota identit'ie les bilebos
aux Léb~ .Nous partageons ce point de vu~,d'autant plus que le nom
(1) DonelhB., A.
: 1625, P.129

de bilebos semble très proche de lébll
et que la localisation géo-
graphique couvre une partie de l'actuel pays lébu • Ces derniers,
comme le dit D~·nelha sont assimilés aux Wolof, bien que parlant un
idiome particulier. Ils se disent aussi cousins desSéreer, parce
qu'ayant longtemps hahité avec eux. Le Wolof parlé par les Lébu
a
d'ailleurs beaucoup de similitudes avec la langue Séreer, quant à
la consonnance des mots.
Nous pensons donc que les "bilebos" mentionnés par Do ne.lhu , sont
les L4b'J
installés sul\\. cette côte des environs de l'actuel Bargny
et qui ont longtemps cohabité avee les SQ~een.
Parlant de ces Séreer de la côte, Donc.\\.hn.
signale qu'ils
sont"la plupart du temps en état de révolte contre leur roi"(i).
La description qu'il fait et les évenements qu'il relate
nous amène à penser que les populations de cette côte n'ont pas tou-
jours accepté sans réaction,la domination des souverains de Lambaay.
Malgrè
les nombreux éléments d'information qu'il apporte,
le texte de D ~ nelha nous laisse quand mArne très perplexe.
IL Y rassemble beauco~p d'informations,mais i l nous semble qu'il
y'a confusion de sa part, quant à la manière dont i l les agence.
Il fait remonter le début des évènenH:hts qu'il raconte
à 1460, date de la découverte de l ' î l e de ~antiago. Le texte n'est
cependant pas suffisamment clair,pour que l'on puisse savoir s ' i l
parle de la "fé~ération" du Jolof, ou de l'ensemble Kajoor/Bawol.
P .125

'7Q
;
,
L'auteur indique qu'un roi des"Jalofos", dont la capitale se trouve
~
à "Lambal~Ja livré une guerre à "Bcrlubo" roi des ngeremeo"en 1460.
De quel roi Wolof s'agit-il?
Les Buurba avaient-ils leur capitale à Lamba$Y dans le Bawol?
Il serait difficile de l'a:f:firmer,d'autant plus qu'aucune source
orale ou écri te 0' en parle •Lambaur est toujours présenté comme
capitale du Royaume du Bawol,
et nos informateurs nous ont ~'firmé
que,
du teups de la :fédération du Jolof,
le tribut que les Bawol-
Bawol devaient verser au Buurba Jolof,était amené dans sa cour,au
Jolof même.
Nous pensons donc que même si D ù nelha parle du Buurba
Jolof comme étant le roi Wolo:f qui fit cette guerre en 1460,soo
information concernant la capitale qui ~~rait Lambaay n'est pas exac
D'un autre côté,
cette mention de Lambaay comme capitale
de ce roi des "jalofos" peut :faire penser à Amari Ngoné Sobel.
Selon: 1a version de Almada,
ce sourain aurait fait de Lambac.y sa
capitale.Cette 'information de Do nelha serait dans ce cas un
indice très important pour dater l'éclatement du JoloJ qUi,à
ce moment là,serait à
situer au XVème siècle. La suite du docu-
ment peut d'ailleurs nous amener à
identifier ce roi des
"Jalofos" à
/).:mari Ngoné, dans la mesure où, plus loin, D,O.nelha
écrit qu'il y eut une crise de succession à la mort de ce roi,
entre son fils et son neveu
; "les deux cousins prirent les
armes et i l y eut entre eux,une guerre très cruelle qui dura des
années. Au cours de cette guerre,
le fils du roi défunt, gouver-
neurs de Géréméo,
:fut tué dans une bataille"
(1)
( 1) A. D O,NELHA
:
j r ~.::
P.
135.

Ce passage rappelle la crise de succession qui eut lieu
à la mort d'Amari Ngoné Sobel,
et n'eut été la mention du royau-
me de "Géréméo" dont la localisation pose d'autres problèmes,
le texte aurait été considéré comme un document portant sur cette
crise. Il est très difficile de localiser le royaume de
"Géréméo" dont parle D Qnelha, à partir des seules données dti
texte, puisque ce dernier peut être interprété de diverses
manières.
Si l'on considère que les MJalo~os" dont i l y est
,
question sont ceux du Bawol et du Kajoor,
le royaume de "Gérémf,o"
,
serait alors,
comme l'a suggéré T«xera Da Mota,
la partie orien-
tale du Kajoor,
constituée par la province du Gëët
; c'est la
province qui sépare le Kajoor du Jolo~. Elle a été rattachée au
kajoor sous Amari Ngané Sobel(i), mais ses che~s
ont quand même
toujours conservé une place très importante au sein de l'appareil
politique, du royaume A]oo~ • Une enqu~te
minutieuse concernant
les traditions locales de cette province est à ~aire,
car elle
pourrai t
peu t
être aider à l'éclair-;:... issement du texte de D 0 nelha.
Si à l'issue de cette enquête, d'autres indices permet-
tant d'identifier le -Géréme.o" au Gëët sont trouvés, le contexte
historique des évènements que raconte
Do'nelha sera déterminé,
perme t tan t ainsi
une plus grande compve.h ension de ses infonna ti ons
On peut d'autre
part considérer que les "Jalo~os" de Do-
nelha sont tous ceux de ces royaumes regroupés autour de la fédé-
ration
du Jolo~, auquel cas, l'identi~ication du "Gérémfo" au
Namandiru faite par Jean Boulègue serait valable,
(1) Seri~ Adbdoulaye Diop, informateur de Yuusu G1SE

81
d'autant plus qUE. le titre de Borlubo (bebU.. ) plaide en :faveur
de cette identi:fication (1).
A cause des di:f:férentes interprétations qui peuvent
être données à certains passages de ce document, nous ne pau-
vons pas nous permettre d'avancer une quelconque thèse. Cepen-
dant d'autres passages se rapportent sans équivoque ~royaume
du Bawol et constituent pour nous des éléments d'anâlyse.
Ainsi, nous savons que les sért.t.y
, installés sur la
côte et dont certains relèvent de l'autorité de Lambaay n'ont
pas touj ours été soumis au souverain du Bawol. D c nelha en ex-
plique la cause en évoquant le commerce atlantique qui,
en en-
richissant les populations de la côte, leur a permis de s'oppo-
ser au souverain de l'intérieur. Il en est ainsi du gouverneur
du Portudal.
"Ce gouverneur (celui de Porto d'ale)
était devenu riche grâce
au commerce que :faisaient déjà les Portugais de cette tle et du
royaume,sur la costa dos Jalo:fos et à :force de présents, i l s'é-
tai t
:fait.
de tous les grands, des amis".
(j'~)
Même si nous ne sommes pas encore arrivés à placer dans un con-
texte précis toutes les in:formations que nous livre le document,
nous avons quand même quelques indications sur le caractère com-
l,':l.ti:f de ces populations de la côte.
I l est à peu près certain que cette région, du :fait de
sa position géographique et de la nouvelle situation crée par la
présence des européens sur la côte, a posé beaucoup de problèmes
au pouvoir centr~ je Lambaay, qui, pour accéder aux por~ de mer,
devait nécessairement avoir un contrôle e:f:fecti:f sur la région et
ses habitants.
T1 J J. BOULEGUE
"Sur l'ancien royaume du Namandiru".
Communication personnelle.
(::)
A.
D (
NELHA
t
1 625, p. 1 ) 5 .

La première moitté du XVIlème siècle a dû constituer
une période de lutte entre ces populations c8tières et le pou-
voir central. Donelha,
en 1625, mentionne leur révolte permanen-
te
1
"très vaillants,
ils sont la plupart du temps en état de
révolte contre leur roi.
C'est un peuple farouche"
(1)
Il faut souligner cependant que cette insoumission
des séreer de la c8te, n'a pas empéché au souverain du Bawol de
trafiquer avec les européens.
L'importance du port de mer de ce royaume,est signa-
lée dès le début du XVIlème siècle par Pierter de Maarees
1
"car on va chercher à Portadallia, des navires entiers de peaux
salées que l'on y échange poul" du :fer" (.t)
Ce commerce cotier était contralé par le
-
~
Teen lui-
mArne qui avait placé un "alcati" au Portudal. Ce dernier était
chargé de percevoir toutes les
taxes dues par les navires qui
ancraient au port.
L'autorité du souverain était donc bien établie à
Portudal,
et les différends l'opposant aux séreer de la cate
f'''c''f.nQ\\,:",~ certainement de la volonté du teert de déten,r
le
monopole du commerce qui se faisait avec les européens. C'est
dans ce but qu'il cherche leur soumission complète.
Celle ci se :fera vers la fin de la premiènmoitié
du XVIlème siècle.
( l ) Donelha, A.
1625, P. 135
(2 ) l'Iloraes, N. l .de
Notes africaines, N°134, 1972; P.38

83
En 1669, Francisco Coelho note r "A mi chemin se
situe une sorte de n~gre vivant dan&
une Apre contr~e o~ la
cavalerie ne peut pénétrer et qui,
de ce fait ne reconnaissait
la vassalité d'aucun roi,
vivaient en rebelles et dévalisaient
fréquemment ceux qui passaient par là. Ils sont appelés
Xercos
•••••
d~nos jours,
ils sont plus civils et le chemin est
s-dr"
(1)
Ainsi,
ce n'est que vers le milieu du XVIlème siècle,
que cette partie de la région va Atre définitivement soumise au
pouvoir politique des souverains du Bawol. Cette difficulté
d'intégra tion est une cons équence de la volonté des popula·tions
séreer
5QQfeen de ne pas se retrouver au sein d'une monarchie
centraliâées,
ce que les voyageurs Portu ais du XVème et du XVIème
siècle avaient tous remarqué,
mais elle a
été accentuée au début
du XVIlème siècle,par le commerce qui se faisait sur la côte.
Ce dernier profitait non seulement au souverain, mais encore
aux riverains qui ne voulurent pas lui en laisser le monopole
exclusif' •
2 -
Les autres groupes séreer
r
Joobaas et séreer
du Sud.
L'intégration de ces populations séreer à~Joobaas,
installés sur le versant oriental des
"faLQise~ ft de Kees, au
oyaume du Bawol ne semble
pas avoir été effective.
Situé sur le talweg oriental qui borde la ta"~a, le
J oobat., est une Ct~}t rée d'accès très diffici le. Cette si tua tion
~~.ographique a consti tué un moyen
de défense eff'icace aux séreer- ,
Joob8Jù,
et leur a permis de vivre en dellers de l'autorité politique
(1) Moraes, N.I.de : B.I.F.A.N. Ser.B, N°2, 1973, P.25I
l

des Teert et des Dammel.
Bien que les
souverains de Lambaay aient toujOUB'S
considéré cette région comme faisant partie du Bawol,
leur
autorité ne s'y ~8t jamais excercée d'une manière efficace.
Selon Isa
Laay Caw, un originaire de la région,
"Le Joobaas a pu conserver son indépendance complète à l'égard
de ses voisins expansionnistes et n'a donc jamais été soumis
à la domination étrangère,
si ce n'est tardivement avec l'occupa-
tion française en 1891 ••••
Les affaires du pays étaient gérées
par une direction collégiale regroupant les huits lignages du
pays."
(.1)
15a
laay Caw a certainement recueilli ses informations
auprès des vieux de ~a région, i l s'agit donc d'une source orale
qui lui a
été transmise par les séreer joobaas eux-mAmes,
i l ya
quelques années.
Malgré le temps écoulé, les habitants de cette région
que l'on a souvent considérée comme une province du Bawol,
se
souviennent encore de leur autonomie par rapport aux monarchies
centralisées qui les entouraient 1 Le bawol et le Kajoor.
Ce souvenir se perpétue d'ailleurs à travers les chants
populaires que nous communique Isa
laay Caw 1
tlJoobaas Teeh mosufi teef1'u
Le teeb ne s'est jamais épo~il­
Dammel mosufi n~
lé sur le sol du Joobaas.
buur si in mosufi seeiiu" (-1)
Le dammel ne s'y est jamais vanté
le buur siin jamais n'y rongea un
os.
(1) Caw, I.L.
Revue africaine, Jonction, N°5, 1981, P.7
f
fl

Parmi
tous les chants populaires évoqués par l'auteur,
celui-ci est le seul qui
soit de langue wolof;
tous
les autres
sont en séreer,
langue parlée par les habitants du Joobaa:, '.
Nous en concluons non pas que l'authenticité de ce
chant est douteuse,
(le wolof étant actuellement parlé par de
nombreux sénégalais), mais qu'il a du être composé plus récemment
que
les autres,
certainement après la disparition de
tous les
royaumes wolof. I l évoque l'attitude de refus de toute domination
adoptée parles séreer
Joobaas,
à l'égard des mO'j".archies cen-
tralisées qui l'entouraient.
Plus au sud du Bawol,
d'autres groupes séreer se sont
installés
%
i l s'agit de ceux du Sandog, du Mbadaan,
et du
Jegem au sud ouest et de ceux du Ngoy et du Mbayaar
au ~ud
est.
Ce sont les provinces frontalières du Bawol. Elles sont
situées à
la limite du Bawol et du siin,
et ont souvent consti-
tué un objet de litige entre le teen et le Buur siin.
Olfried Dapper,
dans sa "descri ption de l'Afrique" l'a
d'ailleurs souligné:
"l'actuel roi de Jeala, un prince pacifique
bienveillant envers
les
étrangers,
fait
en y étant forcé,presque
continuellement la ~lerre au rot du Bawol,
qui est un méchant
prince;
ce qui
souvent fait périr quantité de gens,
et a pris son
origine dans
la division de l'état".
(1)
C'est donc des problèmes de frontières qui sont à
l'origine des guerres fréquentes entre le Bawolet le Siin. Ces
conflits sont .'autant plus complexes que les populations habi-
tant ces
provinces ne se considéraient pas comme relevant p1ei-
de
l'autorité de
l'un ou de l'autre souverain.
( 1) G. THILMANS
"Le sénégal
dans
l'oeuvre d'Olfried Dupper".
B.I.F.A.N sér B N°)
1971
P.541

•. i)
f
"Cette province de Ngoy,
d~limite la fronti~re entre
le Bawol et
le Siin.
Elle a
été pendant longtemps un lieu de
1
refuge pour les gens qui avaient des démél~s soit avec le Teeff,
soit avec
le Buur Siin"
(2).
Cette information nous est donnée par Aliu Puy,
du
du village de Ngoy.
Plus
loin,
i l reconnait quand m3me que,malgr~
ce statut particulier,
la province qui était habitée par des
Séreer dont la majeure partie vient du royaume voisin du Siin,
relevait de l'autorité politique du Bawol.
La province du Mbayaar,
qui a
été étudiée par Jean
Marc Gastellu,
présente aussi une similitude avec celle de Ngoy,
quant au statut politique de ses populations.
Gastellu est un économiste,
et l'objet de son étude porte sur
l'intégration économique de ces Séreer du Mbayaar,
dans l'économie
Sénégalaise. Cependant,
pour mener à
bien,
cette étude,
i l a
été obligé de se referrer à
l'histoire de cette société
les
enqu~tes qu'il a effectuées l'ont tr~s vite amené à mettre l'accent
sur l'aspect de province refuge que constituait le Mbayaar situé
entre le Bawol et le Sjin.
I l a
été frappé par la
très forte autonomie de ces popu-
lations regroupées autour des Lamanats,
par rapport au pouvoir
1
politique des Teen dont elles relevaient nominalement
(2).
(1)
%
Aliu Puy
%
Informateur,
( 2)
%
J. M. Gas te 111.1
%
"l' égalétarisme économique des S éreer
du Sénégal. Thèse de doctorat d'Etat 1978.

Consernant les régions du Jegern,
du Mbadaan et du Sandog,
situées
plus au sud-ouest,
les témoignages des Européens lors de la con-
quête coloniale de la fin du XIXème siècle sont très éloquents.
"Appartenant au royaume du Bawol,
cette région,
coupée de forêts
épaisses et habitée par des ~érères ,
population sauvage et d'un
caractère énergétique,
s'était rendue petit à
petit indépendante
des Teignes. La faiblesse et l'ivrognerie du Teigne Tié-Yacine
en particulier avait contribué à
rendre toute nominale son autorité
sur elle. Depuis longtemps,
non seulement i l ne lui était payé au-
cune sorte de redevance,
mais encore,
les titres de Bour Diéghem,
Mbadane,
et Sakh-Sakh Sando~ étaient portés par des personnages
qui n'auraient pu sans danger sérieux,
faire acte de présence daus
la province soi-disant confiée à
leur autorité"(l).
Cette lettre du gouverneur du Sénégal et dépendances
adressée aux sous-sécrétaire d'Etat des colonies, au sujet du Jegem
nous présente une région où l'autonomie des populations est effec-
tive.
Bien qu'elle soit écrite en 1889, elle nous dit long sur le
caractère rebelle des Séreer et sur les multiples problèmes qu'ils
ont dû poser au pouvoir central. Seule la puissance du souverain
pouvait garanti.r une soumission de ces populations,
qui toujours
selon le rapport du gOllverneur,
"n'obeissent à aucune loi, ni à
qui que ce soit"(l).
Cet état d'indépendance dans lequel les Européens
du XIXème siècle ont
trouvé les Séreer des régions citées,
est ce-
pendant l'aboutissement d'un long processus de lutte qu'ils ont
-.-- -----.._ - - - -------_.. -._-- _._- -------------_.__._---_._---
(1)
A. N. S.
O.J1t
Sénégal
et Dépendances IV:
Dossi.er 102 b
,l

) ' .
menée contre les souverains du pouvoir central
c'est dire donc
que la situation n'a pas
toujours été pareille à celle trouvée par
le colonisateur,
et que dans
le cadre la consolidation ~e leur
pouvoir et de l'agrandissement de leur royaume,
les Teell ont réussi
au cours de certaines périodes à exercer une domination économique
et politique sur ces populations Séreer, m8me si celle-ci n'a pas
été aussi. effective que celle exercée sur les Mbé.lonja'reen.
l'existence èes
titres de Ruur Mbadaan,
Buur Sawo Buurup Ngoy et
Baybayaar, antérieure au XIX ème siècle, montre que le contexte du-
rant lequel ils ont été crées diffère de celui que les colonisateurs
ont décrit,
au moment où)du fait de la faiblesse du pouvoir central,
les porteurs de ces titres n'avaient plus été en mesure d'exercer
correctement leur fonction.
Comme nous
l'avons vu avec la création du lamanat de
Ndérep par Amari Ngoné Sobel,
c'est toujours au cours d'une période
de réorganisation ou de consolidation de leur pouvoir,
que les sou-
verains créent de nouvelles fonctions
ou de nouveaux titres.

B : Teeri Ce Ndela ou
la consolidation de l'autorité
politigue des Faal dans le ~awol.LI606 ? 1660 ?)
Les sources
orales du Bawol présentent ce Teert comme un
grand souverain dont
la puissance et l'autorité ont profondémment
marqué l'histoire du Bawol.
Ce Ndela
e~t connu de tous nos infomateurs qui
lui donnent
unanimement le qualificatif d'un"grand Tee~ »
" .. ~dela est le fils de Lat Ndela Paraar,
benjamin d'Amari
Ngoné Sobel. Il a
été un ~rand souverain du Bawol
ces nombreux m
mariages ont fait de lui,
le chef d'une grande famille. I l est aussi
le fondateur d'une des branches de la famille Faal que l'on appelle
K~~
Ce Ndela"(1).
Nous n'avons reçu aucun autre renseignement contredi-
sant ces informa tions données
par sériil c,,, ..
J
• '1.
";

Le long règne de ce souverain a aussi plusieurs fois
été évoqué par nos informateurs,
cependant,
ce qu'aucun d'entre
eux n'a oublié de souligner,
c'est le repartage du domaine fon-
cier effectué par
le tee'k.
"Ce Ndela mo dogaat dog yi"(1)
C'est une phrase que nous avon5 entendue à
chaque fois qu'il a
été
question de ce souverain au cours de nos enqu~tes.
Ce Ndela a
laissé aux Bawol-Bawol l'image d'un homme,
puissant et autoritaire,ayant une forte personnalité et qui a
su
imposer une domination sans faille à
ses sujets.
Malgré le. hombreuses informations concernant sa per-
sonnalité nous ne sommes pas parvenus après l'analyse des seules
sources orales, à
savoir avec
'lIactttude,
quand ,comment et dans
quel
contexte i l a
pris
le pouvoir au Bawol.
La place qu'il
occupe dans la généalogie de la famille
(il

Faal nous permet cependant de
situer son règne dans
le courant
du XVllème siècle. Ce Ndela est le peti.t :fib d'Amari Ngoné
or, nous savons que ce derni er a
eu comme héri tier au Ba",ol son
petit
fils
et neveu Mamalik ~oro Njingen.
Les documents concernant le Ba",ol et qui datent de la
fin du XVIème siècle
(Almada et Rainolds)
présentent le souverain
de ce royaume comme étant le fils de celui du Kajoor. Ils con:fir-
ment en ce sens les sources orales
nous pouvons donc a:f:firmer
que Mamalik a
régné au Ba",ol après
la mort du premier Dammel-Teert
jusqu'au XVIlème siècle.
Nous ne savons
rien ~ur la date de la mort de ce sou-
verain.
Charles Becker propose de la situer ~ "quelques années
a prè 5
cell e de Massamba Tako" (, ),
qui d' aprè s
lui aurai t
eu lieu
vers 1600.
Nous ne pouvons infirmer ou con:firmer cette hypothèse
de Becker :faute de doucuments.
Cependant une indication du père
Baltasa ..
Burreira sur la personnalité du Teen qui régnait en
1616 nous inciterait à situer la mort de Mamalik dans les toutes
premières années du XVllème siècle.
Parlan t
de s
portllga i s
rési dan t
à Portudal,
1 e père
Ra.rreira note
z "vient ensuite le port Dali,
dans
lequel se trouve
une
locali té de cent portugai s qui.
suivent la loi de Moise et que
1 e
ro i
protège contre ceux qui
veulent
les en empêcher"
(;7.,)
( T
T,
\\ l
.,.ec k'Er, C • .,1
t '
lélrJln,
V
B.I.F.A.N. Ser.B, N°3, 1976, P.472
(2) Thilmans,
G. ~or8es, ~.I.de
B.I.F.A.N. Ser.B, N°l, 1972,
P.32

C'est une
inrlicatinn R~~P7 minc~. mais
pllp
1" Ai t
déjà
allusion à
la
tol érance
r~l i goi euse qu 'un Tee~ nu XVJTèmp
siècle que
les
sources
prrites
nomment
soit
Du S 5 i f 01! r , e h rl t
\\,uchifour et Denchaf'ollr
(~). A rrAtictuée et que ChArles Herkp,
identifie à
A
Nd la.
Nous
partageons d'ailleurs
ce point de vue de Beckp'
pour les
trois raisons qu'il
a
avancées à
savoir:
"
1- Le
Ion'
règne de
ce Ndela
;
2- un
ce,tain accord des
traditions avec
r,..
textes à propos de
ce
roi
plJis~Ant qui
réorganisa
le
pays
et
une
grande autori té
;
J- ] e nom. de chafour qui
pourrai t
dési {":T1.
le matri1ignage Jaafun ëluquel
appartenait
(.e Ndela.
Den 011 pp
serait mis à
la place de Teen- et
lu au
lieu de
Buur"(,)
Contrairement à
Becker,
nous
sommes plutôt
enclin ~
situer le
règne de
ce Nde]a
vers
les années
1606,
identifiant
ainsi
ce dernier 'l.U
roi
de
Portudal dont
parle Bal tasar R....r .
1·;i(~ .. En et'fet,
nous
savons
à
travers
les
textes du XVTTème
~ipnl
que
le
souver',,,,in du
flAW') 1
hien
que musulman
~tait trp~ tolér"l!"
à
l'égard des autres
religioTû.
"c"
rencontre
·n
ces
lieux
de~"·
de diverses
couleurs • . . .
et
diverses
religions,
juifs,
mahom~'~
paiens,
tous
se
cotoient"(_~).
A
la lumière de
ces mêmes
textes,
~JY Thilmans et
I5ab~1 de Moraes affirment que
"Denchafour,
souverain du
Hawol
au XVII ème siècle était musulman
convaincu mais
faisait
preuvp
------------
(1) Thilmans,G. Moraes,
N.I.de
~.1.F.A.N. der.B,
N°4,Ig7IJ,
P.691 - 713
(2)
Becker,
C.
l,j;c;rtin,
V.
B.l.F.A.N. Ser.R,
N°3,
IQ76,1 ..
(3) Thilmans,
G. MorBes,
N.I.de
B.1.F.A.N. Ser.B,N°I,I972,.

de
tolérance vis à
vis du
catholicisme,
du protestantisme et du
judaisme n(.i j.
Ce-
Le règne de~Ndela commencerait donc à partir de 1606,
venant
imm'diatement après de Mamalik Coro,
puisque comme l'ont
soulign' la plupart de nos
inrormateurs,
Lat Ndela parraar n'a
pas
été Teerr,
et n'a porté que
le
ti tre de BarjaaK.
Les sources oral es évoquent
toujours le long règne
de ce
souverain,
ce qui
est confirm~ par ~ texte de Coelho,
si
l'on s'accorde sur l'identification de
"denchafour" au
teeii
Ce
Ndela.
"Le roi qui r'gnait de mort temps et vécut plus de soixan-
te dix ans,
appelé dencharour était très mauvais et dépouilla
nombre de blancs"
(~).
1
Dans
la première version du
texte de Coelho,
datée de
l
1669,
i l évoque un changement de souverain à
Portudal.
"Aujour-
d'hui,
i l Y a un meilleur roi
et i l existe déjà un village de
t
blancs" (2).
Le Teen,
',e Ndela serai t
donc mort avant 1669
; i l
est cependant
très difficile de situar la date de sa disparition,
dans
la mesure Otl
tou t
au
long du
texte,
Coelho ne donne aucune
date précise.
Si
comme nous
le oensons,
Coelho s'est d'abord rendu à
k
petite côte avant de
continuer son voyage vers le sud,
nous
pouvon;
alors dire que c'est vers la fin des années 1650 que
LA
Ndela serait mort.
Le oocument d'archives
signalé par Isabel
de Moraes et que eoelho aurait signé à Cache~ en février 1662 prou-
va bien que ce dernier avait dé,ià quitté la petite côte à
cette
oate l~. Tl
est certain qll'au moment o~ Coelho était de passage
à
Portudal,
,e Ndela n'ptait:
rIus
en vie.
(2) Marees,
N.l.de
P • l • ~' • A • N.
S e r • B,
N0 2,
l 973, P. 2 52

Sa di.sparition n'était d'ailleurs pas
très récente,
puisqu'un
village de blancs,
mentionné par Coelho,
a
eu le temps de se
former depuis sa mort.
Ainsi.,
sur une période s'étendant dans une fourchette
de 1606 à
16'5" environ,
soit
toute la première moitité du XVllèmme
siècle,
le rOY~lme du Bavol a
connu la domination d'un seul souve-
rain.
Ce long règne,
ainsi
que
l'importance des évènements qui
s'y passèrent)ont îait de ce Ndela, un
tèe~ dont le souvenir
se Ct ,.serve encore au Eavol. Tous nos informa teurs savent qu'il ya
eu au cours de l 'histoire du royaume un t'eeff nommé (,e Ndela,
ce
qui n'est pas valable pour certains autres Sllverains.
I l est donc nécessaire de faire d'abord l'ana).:'Yse
du contexte social de
la région lors de cette p:riode,
ensuite
celle de la p' ..... onna li. té du souverain perçue à
traver s
les diffé-
~~ntes sources,
pour pouvoir comprendre la politique de Ce Ndela.
,)
L'affrontement entre
le pouvoir politique et les
"maîtres de
terre"
séreer.
Comme nous
l'avons souligné plus haut,
il n'était pas
aisé pour la souverains du Bawol de poursuivre une politique de
de
centralisation d. pouvoir,du fait de la présence d'une forte
population séreer regroupée au sein des
lamanats et dont le seul
pouvoir légal
reconnu/était
celui des laman.
L'alliance de
la famille des grands laman du Bawol à
ceux du Kajoor À pattir du XYlème siècle,
a
introduit une nouvelle
donnée dans
la
transmission du
pouvoir
z
l'influence de la famille
paternelle.
le "meenl!
(famille maternelle)
garde toujours eon
importance~ mais ne devient pl'Is
le seul
crit.ère dén..sninant dans

Le
choix du
souverain.
ri
f o I1Fli.t
op.90rmais
tenir ~ompt", dll
"geno"
(famille paternplle)
oe
tout
candidat.
CeL~lément nnll'
introduit
par Amari
N~oné SoheI,
aboutit
petit ~
petit ~
IR
fisation des
souverains du
BavaI.
Depuis
la
prisA du
pouvoir par la
fami Ile
i'~a\\ l lm"
tendance à
la centralisation se dessine au niveau
du
pouvoir
Teerl.
On assiste en somme R la formation de l'état du Ravol.
Elle commence
~ous Amari Ngoné Sobel,
par la
cr~RI
d'un seul
lama_at dans
tout
le
BavaI
central
c'est
le
laffirll'"
Nderep,
de
l'autorité ouquel
rel~vent tous les autres maitr~
~rre de la région centrale. Le laman de ~~derep est le seul hél)'
té à
distribuer les
terres,
mais
lui
même
est
sous
l'autorit~
teek qui
en f a i t
devient
le
gérant
de
toutes
les
terres du
Ra~
cen tral •
La
création des
t i t r e s
de
Calaw et de
Barjaak,que
d.onnait aux héritiers
présomptifs,s'accompangnai~ aussi du cam"
dement
d'une province.
Le
calaw commAndait
les
provinces de
(".
et du Salav,
tandis
le
barjaak commandait
celle de ,Jaak,
pro\\"
essentiellement peuplée
de
séreer

Ce début
de
centralisAtion,avec
la
création de nOl:'
commandements
terri tori aux) ne
pouvai t
se
poursuivre dans
t 011 r
BavaI,
sa .. s
la
réaction des
laman
séret;r
dont
les
intérêts
' l '
bien politiques qu'économiques
étaient
~lors menacés.
Les
souverains
ont
compris
de
leur côté,
qu'ils
r'"
.... rer,de
ce commerce
fllli
se
:faisait
sur la
côte avec
les
ell~
un
Rrand prof'it.
I l
leur
f'alIA~,t pour ce faire.lavoir lIn
fl01lV/\\'
~ntrôlant de manière effective toute la région.
Le XVIlème
sj~cle est
l ' è r e du
commerce des
pe01JX

la
peti te
r::ôte
(,)
et
'on ~nit que
les séreer
.,ont
la
la fois
a,~ri cul teur~ pt élevei""
] p
B~wol peut donc être ~u centre de
CP
commerce,
puisqll'étant un rles grands producteurs.
Il était alors importantJPour le teeri
_e Ndela dont
le r~gne coincide avec cet essor du commerce dBS peaux,
de s'as-
surer le monopole de ce dernier,en renforçant
son pouvoir politi-
que sur
tous
les h·._bitants de
son royaume et en essayant de (; ,qué-
rir d'autres régions
susceptibles de
lui fournir de la marchandise.
Ce Ndela s'est alors
détourné de la fronti~re nord du
royaume ot't depuis
ù. mort
de Amari
Ngoné Sobel,
le Bawol et le
Kajoor se font
la guerre dans
le but de reconstituer le grand état
que ce de rn i e r
a va i t
mis en pla ce.
Aucun document,
source orale ou écrite ne parle de guer-
re entre
le Rawol
et
le Kajoar à
l'époque de ce Ndela. Par contre,
ses guerres avec le .. i in sont
plusi eurs fois
évoquées,
de même
que
la repression qu'i l
a
exercée ~ l'intérieur du royaume sur
les
populations séreer
en soulèvement.
Ce Ndela a
tr~R vite compris que,pour se procurer la
principale marchandise demandée par les européens de l'époque,
i l
lui
fallait
se
tourner vers
les
régions
où la produc-
tion était beaucoup plus grande.
C'est la raison pour laquelle,
i l
entreprend une
réorgani sa ti on interne du
royaume,
dès s on accession
C:Ll
trône.
Les
premières
touchées furent
les populations séreer
rtu Ra~ral
central. Amori Ngoné Sabel les avai t
tous regroupés au
sein du
lamanat de Nderep,
mRi~ sur le plan local,
ils gardaient
__
__
.
._---_._-_._._----~---_.
._---- -.- --- _..- ---_._---_._---_.
(1)
jV!f)raes,
N.I.de
Not.es "fricaines, N°134,
1072

t
fl
toujours un certain pouvoir,
puiAque n'ayant de compte à
rendre
qu'au
laman de Nderep Clui
lui-m~me résidait Elans son village.
1
Son pouvoi r
sur CPIIX.C·' " .".~.....
pas
très contraignant,
dans
la mesure o~ ils
lut
portaient périodiquement sa part de
redevances.
Ce Ndela procède à une réorganisation de ces lamanats el:.
partage les terres en parcelles
(dog).
Les anciens lamans gardent
certains de
leur dr·:t,
mais à
côté d'eux,
i l place un autre chef,
appelé
lui aussi
laman,
représentant le pouvoir central sur~lace.
Ce sont les
laman " peey "
ou
laman de "d.og".
Lo",a",
Les anciensVvoient ainsi une partie de leur pouvoir
leur éphapper,
ils deviennent rle
simples gérants des
terres.
Ce Ndela instaure aussi
un autre droit,
de nature fisca-
l;~<
qui
par la sui te cons ti tuera un véri table fléau pour les popu-
l~ions non liées au pouvoir. C'Ast le droit de pillage,appelé
"moy;:l1"
en Wolof',
Selon Ch<'lrles Hecker"
le moyal qui prit une
grande importance au XVIITème siècle,
à
l'époque de la traite des
esclaves était un droit de pi llaF,e reconnu aux dignitaires du royau-
me
les biens pillés étaient ensuite présentés au roi et partagés
pa r
celui
cj
" ( 1 )
La créati01.
d'un
tel droit,
laissait les populations
à
la merci des gens du pouvoir,
qui,
à
tout moment pouvaient leur
tomber des SUS,'"
,Li an t
i mpunémen t
tous
leurs biens.
Ce droit
ptai t
d'autant
plus danRerellx pour les séreer ,
que le:"
peaux se
1
vendant bien à
l'épooue,
Cf>,S
rlerniers étaient assurés de voir
bientôt
leurs
trOl1pe;:PIX rlécimps.
--_
,_._-_._--_._-
.. ~-_ ...
-----~------~-
(1) ?ecker, C. Marti~,~ : B.1.F.AN. Ser.B, N°3, 1976, P.473
1

C'est
la
raison pour
laquelle,
les
s~reer
se soulev~­
rent.
contre ce
teerr,
dont
l~ pouvoir tr;op grand risquai t
de
leur
porter pr~judice. Kani
5amb,
parlant de cette r~volte s~reer lui
attrihue d'autres
causes
"l'allure héréditaire que semblait pren-
dre
l'~lection des Faal
ce (pli
peu t
amener au
trône un incapable
ou un homme ne remplissant
pas
les
conditions requises
pour
diriger un pays"
(,~),
Nous ne
croyons pas à
cette
th~se dans la mesure o~
même
si
les
grands
laman
qui
représentaient
le pays à
la cour
du Joiof ~taient ~lus,
ils
l'~taient dans une seule famille,
celle
des Wagadu.
La fami Il e Wagac:'lu l'ouvai t
seule h~ri ter de ce pouvoir
de
grand
laman.
La
transmission h~réditaire du pouvoir a
donc
tou-
jours eu
lleu)même si
elle ~tai t
accompagnée d'un certain choü~ pat.
mi
tous
les h~ritiers en pr~sence.
Les cause: de
cette
révolte
sont plutôt à
rechercher dans
le renforcement du
pouvoir politique de
'~ Ndela,
renforceme~
dict~ par la situation ~conomique de l'époque.
Nous avons
trouv~ un exemple de cette
lutte dans
les
informations
recu~i.llies allprè~ du vieux Isa
Nduur de
la
localité
de Reefan.
Reefan est 1111 vi lIage du Bawol central qui
a
~té fondé
par Mbegaa;, Nduur,
roi
du
(,B<lll1m.
Une source orale de ce royaume
(~) mentionne d'ailleurs la présence de Mbegaan au Bawol ; d'autres
disent qu'il
a
été teen de
ce royaume.
Nous ne savons si Mbégaan a
régn~ ou non sur le 8awo.l, mais de nombreux villag~ sont consid~rés
----_..----,
~aa,b 7 K:.
1 Q 69,
p.b
Ba,
A.B.
P.I.F.A.N. 3er.B, N°4,
1978,
P.I9

comme ayant
été
fonrlp.~ par lui
: Il MbaL..m 5 on ,
Ngoxocie,
Kaba,
Reefan
RRmpl
Nrluur.
Ce
~ont
tAu~ riP«
vi llaf;es
sérepr
du
Bawol
central!'.
L' ~thymol ogi e
dp
;·.f~efan vient du mot séreer s "reef"
qui
veut dire
passer.
Reeran
signifie
"ne passe pas".
Selon 1sa
Nduur,
le village
s'appelait Saamel;
mais
i l
avait une
particularit~
aucun ,.. olof n'y
passait,
et
c'est de

qu'est
venu
le nom rie l',eeran.
" ree fan
0
paal"
s Le wolof n'y passe
pa s .
La
localité de Reefan a
ainsi
pu maintenir son indépen-
~nce vis à vis de~ souverains de Lambaay, mIme sous Amari Ngoné.
,/
"Il Y a
un
"l o f"(route)
qui
a l l a i t
de
lambaay,
passait
par I.aba,
Nd•.lgeJer,
:aak.
pour aboutir -~Mbuur. C'est par là que
passait
Ruur
pour a l l e r sur
la
côte.
I l
contournait
toujours
Reefan,
car i l
avait
peur d'y
entrer.
On disait
que
tout
roi
qui
y
entrait
n'en
s o r t i r a i t
jamais"(l).
Cette
situation a
duré
jusqu'à
l'époque
de
.e
Ndela
qui
selon Ise
i.duur,
Il
a
vaincu Mhegaan Nduur et
a
intégré Ree-
fan
au
commandement des
gens
de Lamba"l" (, ) .
Il
ne nous
semhle
pas
possible Qu'il y
a i t
eu une
guer-
re
entre
.e ,.dela
et"Reegan,
ce dernier ayant
régné
sur le ::.aalum
~'ei.a fin du XVème au début du XYlème siècle. C'est donc un ana-
chronisme
évident que
fait
notre
informateur.
~begRRn est certai-
nement
à
l'origine de
la
fondption
de Reeran,
m~is ' . Ndela qui l'a
intégr~ au royaume du Hawol
a
"
du affronter un
laman s ' r e e r autre que
,.,Begaan.
Ce qui
est
important à
retenir de
cette information,
c'est
l'affrontement
qui
a
eu
lieu entre "..e
Ndela
(représentant
le
1S8
N~uur, 23.02.1981

1.. ,\\ .
pouvoir central,)
et
le
laman de Reefan
(représentant
le pouvoir
local).
La
victioire de
.e Ndel~ ~ ~t~ sanctionn~e par l'.clate-
ment du pouvoir du
laman exist~nt, avec
la création d'un
elaman
peev",
et
la
donation d'une partie des
terres de ce
lamanat à
la
.remi~re femme de
~ Ndela.
Ce sont
les
terres du village de Xang
situé à
côté de Reeran,
appel~ désormais Rewumawo, c'est à dire
pays de
la
première
femme.
Une autre
information
recueillie à Lambaay fait
état
de
l'affrontement de
~ Ndela avec les laman s~ereer
"Ce Ndela
a
massacré
les
principaux
laman séreer
du Rawol qui ne voulaient
pas qu'il soit
teeri du
Bawol:
il
a
tué
le
laman Nganjal,
celui
de Noghé au ~lbayaar, celui
de 1'ulll à
Tuuba Tuul,
celui de Jaak
derrière Xombal
i l a
aussi
tu~
le .Taarga de Puriaar.
Le
laman
de Nderep qui
est un descendant de Lambaan seen,
qui
lui-m~me est
~n de ses parents y a
échappé,
car i l a
accept~ que (e Ndela pren-
ne
le pouvoi r"
(-.).
La remi se
en cause du
pouvoir de·.e Nde1a par les
laman séreer
s'est
term:in~e par une v~ritable répression.
On re-
1...".rquerra
que seul
~
lamRn de Nderep mis
en place par le pouvoir
central y
a
échappé.
Cette r~presston des
laman séreer
par l~ Ndela lui a
d,. ~"
d'ailleurs valu
le surnom de RuuT' séreer" t!a rt

l'
des Bawol
-Bawol
~est à dire roi
des
sereer
~s documents ~crits de tépoque men-
tionnent des
~lerres entreprises par ce souverain tant à
l'intérieur
ne son royaume, qu'avec Ron voisin du
.·,i in.
--_._~------_._-
(1)
Inforrnhteur
Seck Yelli
29. 01. 19B1
1
1

8n l~lS, des capucins français se sont rendus à
la petite eSte,
et
1 'Hn
ct'enx,
le
père Alexi!" de S .Lo a
1aisBp. une relation de
ce voyage.
Nous y
avons une de~cription du Teefi de fépoque que
nous
identifions à
- NdelR.
Le p~re Alexis
est
le
témoin d'un soul~vement des
Rawol
-Rawol
contre
leur roi
:"il y
avait quelques ullide ses
sujets qui
s'estoyent revoltez pour les grandes
levées qu'il
avai t
fai t
sur
eux pour subveni r
aux dépenses des guerres qu'il
fuit
sans cesse et sans
raison à ses voisins:
et puis,
ces rebel-
les esto~ent encore de quelque reste de gens de camaté"
:
ce mot
signifie le diable ".
(1)
Comme pour les
laman séreer
l'origjne de ce soul~vementl
est le
refus d'~tre à
la merci
de
la
toute puissance du roi qui peut
à
tout moment,s'emparer des biens de ses' suJets.
C'est une contes-
tation du pouvoir absolu du souverain par certaines catégories de
la population.
Mais qui sont ces gens de Camaté ?
Le père Alexis nous donne la signification de ce mot
diable.
Ce sont donc
les gens du diable.
Ce mot de C8matp. est mentionné au
siècle précédant par
Alvare~ ct 'Al.. ·, '.- , à propos du . aalum ; "il Y a chez eux un ser-
ment
tenu
pour trbs fort,
avec
lequel ne peuvent
jurer que les
rois
et les nobles et non la plèbe.
I l s'appelle Socano Camaté"
(2)
Nous retrouvons ainsi
le même mot,
mais cette fois
ci,
seuls
les rois ont
le droit de
l ' u t i l i s e r pour faire un serment.
,~. i::01'8es,N.Lde :F\\.I.1".A.N. Ser.B, N°4, 1974,P.702

Nous
pensons que Camaté deva; t
être à
l'origine,
une divinité
dans
la
religion "trrlditionnelle" des
populations de cette ré-
gion.
Tl
estnnnu depuis
le
fleuve Sénégal
jusqu'au !jaalum.
Au XVTème
siècle,
l'Islam
nétant pas encore
très ré-
pandu,
les
rois du
,aFdum font
leur sennent au nom de Camaté.
Mais vers
le mi lieu du XVITème siècle,
le
tee~ du Bawol, que les
cApucins dÂcrivent-
comme un
~rand musulman,
combat ces adeptes
de Camat~.
La
localisation du
Rite géographique et la religion de
1
œs populations nous
font
penser aux s~reer
Joobaas. I l est pos-
sible que ces gens de Camaté,
qui
"s'estoyent mis
sur un haut
rocher pour se déf'endre" ( • ),
soi ent
les
séreers de
la régi. on du
joohaas,
installés
sur
le versant
oriental
des
collines bordant
] e
lac
:-anma
Nous
savons que
les
séreer
ont pendant longtemps pra-
tiqué
leur reUgion "traditionnelle" avant d'embrasser soit
l'islam,
soit le christiFlnismB.
Les
traditions
locales du Joobaas mentionnent aussi,
à
travers
le~ chants populFlires,
la résistance qu'ils
ont
tou-
jours
tenue à
l'égard des
souverains wolof.
"Kor coro
lembalee
Pis naagKeer ndangooree
~an war 0
paal xani
ceewooree,
ayee
inrt a
ftaama
pisge f'allwa"(t)
Kor coro d i t :
que
les
chevaux ne montent pas sur la montagne
car aujourd'hui
je
tuerai
heaucoup de wolof.
Ceewoor,
comme le
solo bu
le sang de
l'ennemi,
les
vautours
se régalent des che-
vaux des wolofs.
--_.--------------------
(1) Thilmans,G. ~orHes,N.I.de
B.I.F.A.N. Ser.B, N°4, 1974,P.702
(2) CaIN, I.L.
Revue africaine, Jonction, N°5, 1981, P.IO

Ce
chant
populaire
~~reer de
la
région du Joobaas
témoigne
des
heurts
qu'i]
y
eut.
entre
les
séreer
de
cette
ré-
t'Sion
et
les
wolof',
sur
la
"mont.agne"
(peut
être
le haut
rochf'>r
dont
parle alexis
de
S.
Lo).,
Dans
sa
poli.tique de
renÎorcemnt
du
pouvoir p o l t t i -
que,
le
teerr,
,e
Ndela
a'l4.- .. ,,, ..
une
tr~s vive ré~istance de la
part
des
pODl'laticms
séreiP'r
et
c'est
à partir
de
cette période,
la
violence
s ' i n s t a l l e
comme moyen de
gouver-
nement
dans
le
royaume.
Ce Nde la
a
BU s si
dwrch é à
régI er
le
proh lème des
fronti~rpCj dll B~wol Hvec
] p
. iin.
Ces
régions
frontali~res étaient
très
importantes
rOl.lr
le
Bawo1,
pui.squ'elles
sont habitées par
des
séreer
détenant
des
troupeaux de
boeufs
considérables.
La
présence de
ces
troupeaux,
malgré
les
razzias des
souverains
wolof'
,
se
vérifiaient
encore
au XIX~me siècle.
"Je ne pense pas
ou'i 1
existe au Sénégal,
11"
PHVS
qui
contienne autant
de
boeufs
les
peulhs
eux même
sont
loin d'en
posséder autant.
Je ne
crois
pas
exagérer en
évaluant ~
plus
de
50.000 têtes,
le bétail de
Dieghem,
de
~'badane et de 5andog-"( ,).
Les
fréquentes
guerres
entre
le
Bawol
et
le Siin au.
XVIlème
siècle,
ont
pour seul
but,
de
contrôler la
politique de
ces
région"l
du Je,<;em,
du ~1hadRRn et du Sandog. Dapper le mentionne
Cl 11 and
i 1 a f f i nro e
'l' 1 e
c e e 0 n f 1 i t
"a
pris
son
origine dans
la
division de
l ' é t a t "
Une atta(lue
de Joa1
par
l(~s gens
du
Bawol
est aussi
I)
}~.N.It'.:::>.O.JII1.
SEN.
nEF.
IV, dossier 102b
(2)
Thi.lméJns, G.
P.1.F.A.N. Ser.B, ND 3, 1971, P.~41

Ce~ l'Pg-i ons f'rontill ières du ,Jegem,
du Mbadaan et du
SRndog ont
consti t,,~ p n llr
~ Ndela un vrai noel1d
r rdien.
Tl n'est
pas à
exclllre cependant que ce
teen puissant et auto-
ritaire,
qualif'i~ de m~chant nar certains textes europ~ens, ait
r~u5si, à avoir un contrôle relatif sur ces populations s~reer
Les
titres de
Buur Hhadaan,
sax
sax Sandog ont du recouvrir une
réalit~ au cours de l'histoi.re.
La
lutte men~e par
r
Ndela à
l'int~rieur de son royau-
me)dans
le
but d'une meil JplII'e consolidation de
l'autorit~ poli-
ti.que de
la nouvellf'
"arist'lcratie" au pouvoir, s'achève ainsi,
par la victoire de cette dernière.
Dès
le d~but de la seconde
,
moi t:l,
du XVIIème siècle,
l'intégration de la ...d.jeure partie
de
la population
séreer :=tu
rOY:=tllme
semble déjà acquise et
"l'aristocratie"
bien assise.
Dapper parlant du Bavol note la
richesse du roi et des
"nobles" qui
l'entourent.
"Le roi du BavaI appelé
luchi
four,
fait
paître plus
de
~ 000 Boeufs,
et de mArne
chacun des nobles et autres,
d'après
leur richesse et puissance,
(en fait
paître)
un grand nombre "(1).
Par le biai1" de
la
violence,
ce grand
teeil du XVIIème
siècle
renforce son pouvoir,
accrSit
sa
richesse grâce au
commer-
re atl~ntj'1l\\e. et met
~n
plRce des
institutions
pour sauvegarder
son autor-jtp.
(1)
'l'hilrnal1~;7G.
T~.I.F.A.N. Ser.B, N°), 1971, P.529

1
Capitre III
Le8
incidences
du
C0mmercp atlantique dans
le royaume au
cours
de
la
seconde moiti~ du XVTI
~me si~cle.
Le Rf'lwO 1 Tl 1 es t
p<'t 5
comme 1 e Llo] of,
un royaume
5 i tué
enti~rement ~
('
l'intérieur des
terres.
~'est un royaume côtier,
et même si
la
longueur de
~H~5 côtes de mer est moindre que celle
de
son voisin du Kajoor,
ses
souverains
ont
pu quand même avoir
;:CC~5 FI
l'atlanti.que et
partjciper au
tra:ftc qui
s'y faisait
de pu i s
'arrivée des
ellrop~e;,.
Quand
on fai t
If'>
0~comflte
des distances que nous donne
Dopper,
la
1l)ng-uellr des
r;Ôt.es
mer du
Bawol
s'~lp.ve à 9, '5 lieues(1).
Wrancisco de
Lemos CO. 'J,I
affirme
lui. aussi que
., 1 e
royaume du
Bawo 1
s'étend sur neuf lieues de côte"(2)
Les distances
sont donc à peu près
concordantes,
et s'élè-
veraient approximativement
chez Dapper à )8 km et chez Co~L"o
à )6 Km. La lieue étant une valeur va~iable, nom
avons
pris la
valeur kilom~triquf> donn~e pf'lr le Larousse
lieue kilométrique
= 4 km.
Le B8,,,01 s'étenorai t. ainsi
depuis Bargny (le knmino de
Dapper)
jusqu'à
la
rivi~re de ~arène, soit une longueur d'environ
16 à )8 km de côte.
Guv Thi.lmans
s'appuyant sur les
témoignages de Cultru
et oe
~bat, identifie ~~mino que Dnpper situe à plusieurs repri-
1
l
( '
\\ J .
~.IF.~.N.~er.B, N°], 1971, P.519
( 2) Mora es,
N. l • de: IL l • }' • A• N. S e r • B,
N° 2,
l Cl 73,
P. 2 5l

~e5 à
la
froTltière
du
Kajoor
et
du
Rawol,
à
l'acttlel
Barg-ny.
('nnrprn<'!Tlt
18
rronl;prp
sud,
elle nous
est
donnée
par
Coelho
"
1'1
mi-chprnin,
i l
y
;:l
une
rivière
séparant
ces deux
roya"mp.!",
qui
s'~ppel1e 1~
rivipre Sereno et
le
pays
s'appelle pays
de Séreno,
avec
ne!"
vi 11I'q;p~ sur chaque
rive,
ceux du nord appar-
tenant
au
roi
de Rool
pt
C .. lIX
rlll
~ud au roi de Joalla n(1.)
TO'Ite
cette
côtp
<>~t: habitée soit par les léhu
aux
environs
de
Bargny,
soit
par des
séreer
qui, comme nous
l'a~ons
vu,
ne
sont
pas
toujours
soumis
au
.,ouverain du
Bawol.
La
pr~5enee des européens dans h.~égjon depuis le XVème
~ ècl e
a
eu
pour con s éliT" enee
i mmédia te,
de
la part du
souverain,
lITlP
volonté rle
contrnle
pt
rl'inté~ration de ces populations à
, ; n '_éri eur du
royallme.
Toute
la
nremière
moitié du XVIlème
siècle
est marquée
par cet t e
111 t t e
G' "S t; a Tl ',,,
.' q t r p I e
pou v 0 i r e en t ra L
de
Lamba '•. i
J
et
les
populations
côtières
("]11;
ont
toujours
conserver
leur autonomie.
Dapper dont
la
_part
des
informations
remontent
à cette preTT'; ère moi ti é du XVTTème siècle, note à cette épo~ue
l'indépendance de
certaines
populations
d~ la côte ~is à vis
dl!
pouvoi r
central et
1 e
CRrar tère
énergi~ue et vi oIent de (.elles
sitnée"l
~
la frontière
avpr
1"
; in.
"Le"
h;:lhi t::pltS
dll
vi_ lIage de Kamino
sont
des
gens
eomhatif's
et
se
tiennent
np1Ptrps
entre
les
deux
royaumes
du
RR"'ol
et
rlu Ka,joor,
~l'lnf' f'ollff"ri r
Quelque
incomodi té de
l'un
011
ri <>
l'au t rp _ . .
---_._
-----
.....
------------~-
( 1
;'-: 0 ra es,
N. l . Li e
B.I.F.i\\.N. Ser.B,
N°2,
I973,
P.252

1 es noi rs
, - l p " ,
v ; 1 1 a.f~P~
c:; tl1A!"
pntrp Porto d'A le et Juata. sont
hipn
plu~ m~~h~nts ~UP Ip~ nnir~ de quelques autres lieux."e,)
Nous pen~ons que c'pst
cette autonomie des populations
de
la
côte l'lui
est ~
l'oriRine de
la multiplication des points
'="'~traite. Pn
et'fet,
nutrp:
le p<)int de
traite de Portudal,
i l y
Cl
aussi
le villsp'e dp K~mino, :"itué sur la
côte,
où se
tient
aussi
un march6.
J1a.prer ne ",pntionne pas de
représentant du
souverain d~nR ce vi]la~e, contrairement au marché de Jamesil,
plus
à l'intérieur de~ terres (?"
<:"'lIT'1tre
lieues de Laombany)
O'~l il
signale la présence d'un nohlp placé par le roi,
comme supérieur
du marché.
Cette mult;plic~tinn des points de
traite au début
du XVTT
ème siècle n'a
pél.~ rlll ~tre très profitable au tee1i du
~a"o('l, dan~ ~oa mesur" où
1
i 1 ~e
les contrôlai t
PflS
tous.
Ce NdelA "
c,)l")"ris
très vite
les l'lv(.'ooo.tages qu'il
pouvait
tirer de ce com~erce. s ' ; l
arrivait l
le contrôler entièrement.
C'est cel~ qui
explique
principalement
la
poli.tique qu'il
a
mené
tout au
long de son rèp,ne
renforcemar de son pouvoir et inté-
p'ration des
populations
insountises de
la côte à
son royaume.
Une
t'oi s
que cel;\\
fut
l'lcqui s,
(Coelho mentionne
la
soumission
des
"xercos"
lors de
son paSSl'lffe à
la petite côte),
le port de
Portudaf
où le
teen ;:,va;t
son "alcat;",
donc un représentant,
devint
le
seul
point dp
~rAit~ du
royaume du Havol.
1
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 0 . _ 0

0
0 _ _ 0
0
. _ 0

_
(1) Thilmans,G.
B.I.F.A.N. Ser.B, N°3, 1971, P.533

....
Pc>rtuda 1
t
Port
dp
comnH'!rce
dll
Rawol.
La
d:ispi1rit;on
des
autres
points
rle
traite
situé.
sur
la
eôte du
dawoJ ,au
prc>Îi t
de
celui
cie
Portudal)ne
signifie
pas
Que
ce
rlernier
COTJlmence
"'cillement à.
prenrlre de
l'importance
à
cette
rl;:de
(rlpbut
ne
1<=1
qpconrle moitié
rlu XYllème siècle).
Elle marque
~l1rtout la volonté du tee~ ct 'avoir un
contrôle
s t r i c t
sur
tout
]F'
traf'ic
qui
se
faisait
entre européens
et
haw.-.l-hawol.
L'importance
de>
Port:uoal
est
d'ailleurs
attestée depuis
la
fin
du XVTème
siècle.
il; chard Rainolds y mentionnait déjà
la
présence de
beaucoup de
portugais qui
y
f'aisaient
du commerce
"dans
les
vil.le~ de
Porto d'ale
et
de Joalla,
qui
sont
les
principaux
centres de
commprce~
. . . •
I l Y a
beaucoup d'espagnols
et de
Portue.;ais qui
y
r~sident avec la permission des nègres,
et
i l s y
f'ont
un
riche
commerce,
le
long de
la côte"
(1).
La
plupart
rle
ces
résidents
portugais
sont des
apatri-
des,
qui
par sui te rie
démél és
avec
leur souverain du
Portugal,
sont
venus
~'instal1er sur ]p~ côtes d'.:.l.f'rique,
I l s
participent
~ctivement au commerce qui
se
f a i t ,
"'-ervant
d1jntermp.diaires.
entre
le!'!
acheteurs
européen!'>
et
les
marchandE
af'rieain~. Tlg ont. d'ailleurs beaucoup contribué à
l'eff'ondrement
du
monopol e
nortugats
sur le
commerce de
la
p? t i te
côte.
Alvare.
d'Almarl<1
rl6!-"O'--édt
vers
la
fin
du XVIème
siècle,
l a
nrp!'!ence de
ce~ r>ortu~'Ris i'lppelés Itlançados", et qui allaient
__
__
· '.- ..
.._-----_._-----_._--_..
._-_._.._-------------
,
i )
,T •
;,;arnuet, R.
R.l.P.A.N. 3er.rl, N°l, 1971, P.I2
l,
-./.

dans
1 'int~rieur deR
t~rres chercher les marchandises pour les
f'rançnis
et
les rlng-lai!'1.
" s ' i l
n'y avait
pas
CP.!'l
portugais
lançades,
ces deux nations ne
feraient
pas
tant de
trafic en
Guinée qu'ils
en
.font Blljourd'hui"
(,)
Au déhllt,
ces
portug-ais ont
été protégés
par les
sou-
~rains locaux. Un d'entre eux est m~me parvenu ~ devenir le gen-
dre d'un
roi
du
fU.lt;l.
C'est
le
fameux "Gana goga" mentionné à
la .fois par AJ.mada,
ftainolds
et
la "relation anonyme"
publiée
par Texeira da mG~a.
Ceux qui
résidaient R Portudal
étaient aussi
protégés par le
teert.
Le père 8altazar Barreira le constatait au début du XVIlème
siècle
J
" ... vi ent ensui te le port ":,,a11, dans lequel se trouve
une
localité de cent
portugais ,!ui
suivent
la
loi
de Moise et
que
le
roi
protège contre ceux qui
veulent
les
en emp~cher. Ce
1
port
est
le
plus
important
rie
ceux où commercent
les
étl81gers"
(2).
L'effondrement du monopole commercial des Portugais
1
II
la
petite côte,
commence dès
le milieu du XVIème siècle,
i l est
suivi
par une période de
liherté commerciale,
00 différentes
nations
européetles
sont
présentes en Sénég-ambie.
1
La concurrence que se font
ces commerçants
européens
1
et
la
cliversité des
produits qu'ils proposent aux sl'Iverains 10-
œux permettent R ces dernier~ de s'enrichir rapidement.
1
Les différents
partenaires
et
les articles du com-
me rce .
.
Le commerce A tlanti que
connai t
un nouvel essor C'. partir
du XVIème siècle,
avec
la diversi.fication des partenaires commer-
CiRUX.
l,: 0 T
. '1 r
,
-,

Dps
la seconde moi tié du XVIème siècle,
les Français
,'abord,
les An~lais ensuitp
font une
forte
concurrence aux Por-
tugais.
Le~ Hollandais aussi sont présents dès le début du XVIlème
siècle.
'l'n~te«< ae:s nations font des échanges commerciaux et 5il-
lonnent
les ~tes de la
.~négamhie ~ la recherche de marchandises.
Pour le
royaume du Bawol,
Je
principal
point de
traite
est Portu-
dal,
un village que
les
souverais
contrôlent depuis
longtemps
déjà.
Il
Y avait d'autres
points de
traite,
tant
sur la côuJlu'à
1 'intérieur (march~ de kami no,
le
port de "Seraine"oà le roi avait
d'ailleurs un représentant
(alkati),
le marché de Jamesil
et celui
de Goroep),
mais
le 1'111.15
imnortant était à Portudal.
C'est
là oà
ancraient
les navires
~Jrop~ens, et o~ se faisait une grande partie
du
commerce.
L'essor du
commerce des
peaux et du
cuir dans
le
courant
du XVTlème
siècle a
fini
par faire de ce point de
traite,
l'un des
plus
importants de
toute
la
petite côte.Dès
le début de ce siècle
jl
s'affirme comme
le
centre de ce commerce
"car l'on va cher-
cher à
Portad ~ia, des navires entiers de peaux salées, que l'on
y
échange pour du fer"(1).
Le commerce y
est ouvert à
toutes
les nations
étrangères,
mais,
fait
i.mportant,
le
SOllvera;n du Bawol
est
le seul mattre des lieux.
Quand
on
l i t
les
textes
du XVTIème siècle,
on remarque que
jus-
qu'au
nremier quart de
ce sièCle,
les
~lrop~ens ne ~e sont @ccupés
Que
de
commerce.
et n'ont
m~mp oas été en mesure d'imposer les
lois
ne celui-c'
~e~ différents
n~rtpn~ires, Anglais,
Français,
Hollan-
rl~'i s
et Lançados,
5e,,1~, (~P" riern! ers
étaient
~;nstallés sur place,
di!;'f1
r5P-S
~
travp.r~ 1es
v j Il::,ge~
de
la côte.
~,: • J .... f".
, - -;':~ 1.'-'
" ,
k

rIO T
J
~
.
',~', 1

,Tusqu'à
1;:,
fin
,hl
XVIp-me siècle,
la
principale marchan-
ni se ;:lpn(Jrté~ par les r.llrn!"pf'ns (principalement les Portugais)
consi sta'i t
en
chev<'\\llx:
j
l
v ava'; t
au.ssi du vin et quelque verro-
Du
côté. afric<lin,
les articles
proposés
étaient surtout
du
cuir P-t ries
pscl~vesl'entrp.e en lice d'autres nations
~uro?
péennes dans
ce commerce
l i l i
donne un regain de v i t a l i t ' ,
dans
la
mesure où dès cette période
(dernier quart du XVIège siècle).Fran-
çais
et Anf:lais
proposent RIIX souverains
locaux~ un article dont
la raret4 rlans
1;:1, réf','ion,
~vait élé soulignée au début du siècle
par Valentim Fernandes:
c'est
le rer.
··d;HJ!>
ce
pays.
il
Y R
peu oe fer.
La plupart du t'er vient de la
province de Mandinp:a,
et a
heaucoup de valeur parmi eux tl ( l ) .
La richesse du
Ra.wol
en cuirs et en peaux allait raire
de
ce royaume,
le centre du
commerce de la petite cate.
C'est à
Porudal que
l'on trouve
les mei lleurs peaux: de la cate;
Françai s,
An~1~t8 et Ho]l?"d~fs, malgrè
le c3ractère du souverain qu'ils
dénoncent
~ chaque occasinn y font quand mArne un ~rand n~~bre de
transactions dont
le!'!
principaux articles
sontt
d1\\
côté Européen:
le
fer;
d11
côté a.rr;c~in
pe~lJx et
cuirs.
Le commerce des
esclaves existe cert~ ~ l'époque,
mais
i l s ne do-
mine
pas
encore celui des
peaux et du cuir,
qlii
durant les
trois
premjers quart~ de ce sècJe,
J 'empor~e
sur toutes
les
transactions
fAites
~ Portuda.l.
Le
tAUX
des
~chAng~s, splnn Dapper,
est de "deux peaux pour une
harrp de
fer"(2)
.D'autres
l'rnduits
sont
également apportés d'eu-
l ' 0 !"'''
;\\
Portudal
ce
snnt
les
textiles
et
l'alcool.
1
,
\\
, , ,
, . ,
r. J 3
(
,
)
~
rrq.., -i l TI~ .~- r ~
':' ...
p . T • [,'.1
N,
'C) "" .c' • H:
fQ'7T
.
_._.•
..
,=;_~-_._ _
..•. ..L._.


..1.
.L
~epenrla)lj, n;\\pper lui-même souligne l'importante place
'1"'o{~cnpf'nt If'
'~er t~t
l'eau de
vie parmi
les denrées
transportées
d'Europe en Sénégamhie.
"Eau de vie et
fer
~ont
Jes
principales
car l~ est employée une
grande ql1antité de
fer,
~
IR
confection d'arcs,
fléches,
harpons,
sagaies et instruments lit; 1i 5és à
la p~che et à
la
culture"(1).
r,o:nme
les
chevaux ;\\u XYlème Siècle,
le
'er fut durant
toute
la première moitié dll XVlIème Siècle,
l'article de commerce
le
plus
recherché par lefl
smlverains.
Le Teeh du
Bawol
est
l'un
des
rois OP.
la
petite
côtf> .q 'lui
ces
échanges avec l'Europe pro-
fite
le plus,
puisoue non
seulement
la richesse de son pays en
hét8ils
lui
permet de
."lati sfwi ra
toute
la demande Européenne,
ma i s
encore ; l
i mpos e
111 i -mi:;me
les condi t:i QnH "1n commerce.
C'est ainsi
que
pO',lr
avoir le monopole de ces échanges
i l s'assure d'abord de
la soumission de
toute la population
côtière et se
tourne ensuite vers
les intermédiaires Lançados
qui,depuis
la
fin du XYlème siècle, sont installés dans
le royau-
me,
revendant aux
!<~uropéens, les ,,\\,archandises qu'ils allaient
acheter aux autochtones de
] ' intéri euro
Ce
" dela,
le souverain
de
l'époque,
après une
réorganisation interne de son royaume et
un renforcement de son pOl1VO;~, décide de se débarrasser de ces
intermédia1, 'N~~ lJIl'i,
'lllan t
an
fond,
lui ravissent ane partie des
bénéfices du commerce côtier.
C'est en ce sens
qu~il faut
comprendre
la
remarque de Coelho
~\\lr la méchanceté du roi
ou Rawol. "Ici également vécurent des
,[ll'j f's
Portug'ai!" rlont
i J
\\1P
, P S b ' 1
plus aucun. I l y
eut dans
ce
,-,
B• T •
'7 •
j,' • p. • T\\.
,) p Y'. B9
N 0 J ,
Tll'IT
.. ,
-
'5j9
" ,

vU lage de nombreuses
mai sons
de
Portugais
possédant
grandes
richesse
quoiqu'à
l'é~l'\\rd des Rlanr::s,
les
~p.ntils y
soient
] p s
plus
méchants
rle
tous
r.emde
ce
r'f'npl p •
pt
lp
roi
qui
régnait de mon
temps
et vécut
nl11s
de
soixantt:'-f\\-1x
~ns, rlppplé Denchafour,
ét:=dt
très
mauvais
et
Tl
('~t
r.ert<lin f"jue
l':-ttiblrlf'.-ln
s{)uverai.n env€'rs
ces
intermédiaires
Portug-aH est
dictée
j")"r
les
impérati:fs
du
commerce dont
l ' i n t é r ê t
a
été
très
vite
perç'l
paT
le
Teerl.
ç:,'
,
"\\
l'évolution de
lA
société
Bawol-haw n )
~'pc;~
faite
en
rapport avec
sa
propre
rlyn~mifJlle inter,"'.
1 '",rri vpp
rlps
ellropéens
sur les
côtes
de
ce
royaume
F\\
partir <'IP
~ette
ép(>~l1P
marque une
rupture au niveau
politique
f"j'."ils
font
~
1<'1
côtp
et
f o c
T'ir:hec,:'ips
qu'ils
en
tirent,
réus-
t ' i n t é r ê t
àp
(CP
rommerce
tant
sur Je plan économique
ls
ont
tenté de
le

TPRD
HOll1 P(,:"1'0
r"eTll;-·u"qPP
" I ) { >
ri'; j;\\
il
1::\\
fin
du XVème
siècle,
"sur
l'ense ri1hle
dn
trafi c , ! es
<li vers
sauverai ns prélevaient
des
taxe~ par 1 'interm~diairp d'agents dont
la
fonction
nIt
Tl
('?'lf
~o'l1ip:ner ;1!l~~i
que
les
souverains
ont
été
les
principaux
clipnt~ dee:
puropéens,
et
la lJlajeure partie
rles
produit~ amené~ rl'Puropp
se
retrouvaient
ainsi
entre
leur
mains.
Avec
le .nor'opole nortug-ai5,
outre
les
tissus
et
le vin~
Ip~ principatlX R(hRt~ rlf'~ "'(l\\Jvprains étaient
les
chevaux qu'ils
utili"aif!nt
à de~ Tin~ militRires (cavalerie) et de prestige.
Tout
au
long rl~J XVII
ème
siècle,
le
fer se
révèle
comme
période ~e
lihert~ commerci~lR et d'entr~e en rnBs~e du fer ~
la
1Y Ute
côte.
f<'n
amenan t
1 e
fer
su r I a
cô te.
1 es
européens
on t
per-
mis
·u
teen d'obtenir de
meilleures
armes
lui
permettant,non
~ulement d'essayer rl'affranrlir ses
états
vers
le
sud,
mais
encore)
de
r~f1rimpr tOlite insotlmissif)n ~
l ' i n t é r i e u r du
royaume.
l e
fer
~t8i t
~f'rtpc.
connu
à
l'~poque,
mais
comme
le
ri i t
~'e rn and ~ !'-,
i 1
~ ta,
et
les
populations allaient
jU~f1lle dans
les
pays
du
snrl
nour
en
chercher.
(.)
.Tean
floulègue
, qtiR ) l'. \\ 3 ~.
1
t
1
1

-., ,
T ':=t('h8t
ril'
fpT'
i1
18
côte
é t a i t
rionc
tr~~ important
pOllr
le
sOllver:=tin.
Le
tr8vai'
rif'S
métaux
est
stinl1J1é
par
la
même
occ:=t~ipn, comme
If'
Tlntf'
nlfried Dopper
Ill es
armes
des
Jalo~s sont ries d:=trds,
Rres
pt
TI~ches, qu'ils
Tor~ent avec une
sinp."'ulière
adresse
FI
p a r t i r
rie
plaques
de
fer"
(1)
Lors
de
son
lH\\SS:=t,'TC
i1
la
p e t i t e
côte,
Coelho
lui
aussi
notait
'hahi If'té
dP.5
forp;erons.
Nous
pensoTti <lue
ce développe-
ment
riu
travai l
du
fer
a
pté
encouragé
dans
le
Bawol
par
le
teen
e
!'\\dela
flui
a
hien vi t--p
cnmnris
l ' l \\ t i ] ; s a t i o n
q u ' i l
pouvait
C'e~t ainsi
qu'-; 1
parvint
à
regrouper
la
plupart
des
rorgerons
du
rnyaump.,
1 Plir
rlonna
des
terres
et un
représentant
811
niveau
n1l
pouvoir'
c:p.ntral
c:'est
le
Fara.
NdangRlma,
cher
ne tous les Torgerons du Bawol.
~eloTl lp.
vieuX"
'.aminp.
een
de Nderep,
~l~ Ndela apr~s
,
avoir
tUf pres<lue
tous
les
laman
séreer
qui
s ' é t a i e n t
révol-
tés
contre
lui
nr; t
nne
p;:lrt.i e
de
leurs
terres
et
y
irEtalla
les
Torgerons.
Cf'
son t
l P<;
T()rp"erons
de
Ndang.'Jma
et des
De
nos
jours
ri'ailleurs
presque
tous
les
habitants de
NrlRngalm~
sont
rif'A
forp;prons,
pt
ront
remonter
leur i n s t a l l a -
tion
rians
le
vill~r~e,rltl l;p.nJn'"' de
'.·B
Ndela.
:Ill peut
r\\jre
'lue
~i
le
commerce atlanttflue a
été,
comme
Je
.c;llf~gère RouhRcRr r1 rtl J'V,
à
l ' o r i g i n e
de
la
refonte
ries
ptats
sO::>n~gamhien.c; Rn
XVTpmp
~iècle, i l
a
permis
aux
sou-
dp
consolidf"r et
de
!"pnTOrrpr
lf>ur~ pouvoirs politique et
écono-
mioue
au
cours
rlu
XV1Tèmp
s;pc!p.
. ';
1°71,

(>:f'PrJri<lpt,
l'i'Tl»;:,,;t
de
CP
commerce
d<l,n,~
les
états
cô-
,
,.
,1
,
dan f'
l e
COlI ra n t
cl e
la
se-
, 0 n rl e
moi 1" i,~
ri li
X \\TT T ;'111 f'
~; è> ," 1 P ,
ft
~'1l erfet,
rln
r a i t
de
la
liberté
commerciale,
on assis-
te
au
cours
rle
cette
péri OrlA i-I. 11ne
très
forte
concurrence entre
les
puissances
européennes
présentes
sur- I.~s côtes d'Afrique
Portugal,
France,
Angleterre
et Hollande.
(;ettf~ concurrence amène les compagnies commerciales
ellrlJpéennes à
recherr;her cleo:.:
ports
cle
relache
sur les côtes
ifricaines.
C'est
l ' è r e des
comptoirs
f o r t i f i é s
pour la
protec-
tion
du
co~merce. Les Hollandais s'installent d~s 1627 à Gorée,
les
français
~ Saint Louis en 16s9, les anglais en Gambie en
1668,
tandi 5
que
les
portugai s
restèrent à
;:.ache-,
dans
l'actuel
Guinée
Bissau.
1
Le
commerce
change
complètement
de
figure à
p a r t i r de
ce moment
là. lTne nouvel le donnée
entre
dans
l'économie mondiale
r.:'est
le déhut
du
développement
de
l'économie
sucrière dans
les
1.r
n t i l l e s .
L'\\.,urope a
hes.-,jn
de
main d'oeuvre pour
la
culture
1
de
s' ..
plantations
cl!'!
canne
~ sllr;re,
et
c ' e s t
vers
l'Afrique
Otl"
depuis
le XVème
siècle
elle
pratique déjà
le
commerce d'~tres
humains,
oU'R11e
se
t0111'I1f~ ~""l1r se
pourvoir.

~e trafic d'esclRveA s'est toujours rait parall~lle-
ment
l'lUX
alltrp""
pchanges,
m3i~ n'a jamais été dominant parmi
les
tran~actions effectll~(:'s ~
Portudal.
Toute
la
première moitié
du XVJT~me si~cle a
~t~ dominée par le commerce des peaux et
'.,
du
cuir.
Tes
esclaves
vellrlllS
par
le
teen
du
Ra'Wol
a
,,:ette
épo-
que
étaient
la
rlupart
dn
telllr5
des
capt;f's
faits
Ft.
l'issl.1e.
des
~~erres qu'il menai t
rontre
certains
de
ses
sujets
rebelles
ou
pour
l'élargissement
de
ses
états.
I l
raut
néanmoins
souli-
gner que
.le moti f
inavoup
rie
ces
guerres
étai t
la volonté de
main mise
sur les
grand::;
troupeaux de
bétail
se
trouvant
à
l ' i n -
t.érieur de
ces
régions
et
susceptibles
d'alimenter le
commerce
côtier.
La
demande
europpeenne de
(:époque
tournai t
principalement
autour
ries
peaux
et
des
cui 1'5.
A
pa rti r
du
mamen t
où cet te même demande européenne
chFln~e, les sOllverains
lO<':<lllx
vont
s'employer à
la satisfaire
même
si
c'e5t
3U
nptrim",nt
11f'
leurs
propres
sujets.
Cette attitune
nes
souverains des
royaumes
côtiers
s'explique aisémment
nans
la
mesure
o~,l'entretiend~n commer-
ce
avec
l";1\\rope
depuis
près
ne
deux
siècles,
a
f a i t
de
la
:énégambie,
une
II r égion
S011mmise à
des
besoins
extérieurs ll .(l
lar
le
hiais
du
commerce,
de nou.eaux besoins
se créent
au 11;veau
ne
Ja
classe diri,D"e,Hlte
des
états
sénégambiens,
et
ctte
dernière
pour
la
sRllve~arde de ses intérAts se trouve ainsi
plongée au
coeur de
ces
échan,a,-es,
creusant l1n
large fossé
entre
elle
et
ses
sujets,
et
hypothéquant
pour long-temps
la sécurité de
ces
demi ers.
('oelhn
",oulil'."TI"
",,'i:. PortudaJ, outre ]e commerce du
en;1'.
quj
pst
nlllSflnr'i"'~~nt ql1'~ Rurisque "arrér:if",
"le
roi
vend
heaucnllp \\le
np,:rres
cnntre de
.l'arg-ent".
(2)
'R' ",.,
';
-. . ....} -' -'-~
: '
r '\\ "f
J

Le
vic~ amirAl
rl'R~tr6es qui
se
rendit ~
la petite
côte
en
1 f)70,
nl)t.ai t
lui
al1!'!51
?'l
propos
du
teeir du
Bawol
"ce
prince
est aussi
in'1l1iet
que
vaillant,
et
i l
ne peut
dAmellrer en
pRix,
nrt'n;:lnt
la
lJIoinôre;,ccasion de
faire
la
,guerre à
SBS
voisins
~~i~ comme
est
imp~rieux et violent,
et q u ' i l
vend
même
ses
su,jets
lihres,
]orsqlJ'il n'a
pas
ri'e.claves,
i.l
est
plu~ craint qu'il n'est Aimé"(.).
Le lnême document
dpcrit
l'épouvante des
populations
de
Portuda 1,
cau .. ée
rar
1 fi
nrésence
ries
vaisseaux F'rançai s.
"LA
présence ries
va; sseallx
CRllSfI
une
si
grande
épouvante à
toute
la
côte,
fllJ'on
aurait
trOl1vP
les
habitations
désertes
et
ahandon-
,
n~e~.,,~. "
(.)
On
est.
lo;n
rle
J ';'l1·ml.phèr'e
de
conf'iance
qui
régnait
~l.t.r cette côte et de l'Assurance de ses hab; tants en tàce des
e tropéens
qu;
v
vi.nrent
dAns
la
première moitié du XVIlème
siècle.
L'on
se
demande
ee
que
sont
devenus
ces noirs
des
'J1vi.rons
de Pori,
dont Donner mentionnait
"la méchanceté"
et
que
Je
p~re Alexi!'! rie sainrt '0 qualifait d'intraitables.
Tl
est
certflin qu'une
t'ois
que
les
esclaves
étaient de-
l
"
1
h
1
-..enuS
.a
prlnCJpR.e 'THire
an~::
demRndée
par l ' F;lJrope,
la peur
Pt.
l"i Ilsécl.Iri té
dpv; nren t.
fTI(lfll1"l Ï'.:
courante
parmi
les popu-
lAtion!'!.
:.' . l • 1" • !'.• j •
.J ,~ !'. T:',
N°l,
T9 ï 7,
P. f) l

Cette
situation ne peuT' pt d'insécurité née du développement
rie
1::1
trai te npf;ripre,
TlP
tard<:l
pHS
à enp:endrer lin vaste mou-
vement de
r~vn1te des pnpulations des royaumes c8tiers contre
leurs
souverajn~.
B.
~~~~~L~y-~~~~~~~Maraboutsdans la région du
Fleuve et ses
incidences au Bawol.
Le dernier c]U;:'lrt ou XVllème sièclp a
été marquée
par des
trollbles
internes dans
les
royaumes Sénégambiens
Wa a l 0,
Ka j 00 r • J 0 J 0 f
e t
Pu 11 t a
I,~ 0 r 0 •
Ces
royaumes
ont été secoués
par une révolte des
populations
musulmanes.
dirigées
par
les marabouts
contre les
t1 ar itocraties"
au pouvoir.
Ce
soulèvement
est
rapporté par Louis Moreau De Cham-
bonneau
directeur oe
la
compagnie du Sénégal,
qui
est arrivé
deux ans après
le ri4h'lt des
pvn'lements.
Boubacar Barry.
d3ns
sa
thpse
S1\\r le royaume du Waalo
a
e5sayé
d'analyser
les
~auses de re soulèvement plus connu soas le nom
rie guerre des marahouts.
Pou r
lu i,
~ i
1;·;
CRUS e
a ppa ren te du mouvemen t
marabou tique qui
s ecn'.Hl. pendRn t
f1U3 t re
ans
J P.<:'
royaumes Nord Sénégambi ens
est une
réaction musulmane sontre
l'aristocratie qui,
mJ.r .le biais de
la
traite
négrière,
avait
~n~m~n~p ~ piller ses sujets,
il
n'en de-
fIIenre
DAS
moins (lllP
la
callse principale vient d'une
réaction des
rnrlurps
r:nnt"r'e
1(-'
r~Ol1\\"'(>rcp
atlnntifl'H:> qni,non
seulement. riiminue
l'rlmpJe l1 r
du
COfnmerre
trél,,<:~hrir'ien. mai.<l
encore,
avec
la créa-
tion rl"
~omi·toir rlp ':'::~litll.
i O ' l i " ' ,
leur ôte
le privilèg-e d'inter-
lTlé0;aire~.

1
~!
Nous
ne
!""lu'-ioflS
re1npttrp
PI'
callSe
la
justesse de
cette pLI' tinente
analy~e
cepenclant,
il
faut
s(l1l1j~ner Clue,
gril
est
vrai
que
la
CRll!'!e
prern;pre de
CP
!"()I.!pvP'T!pnt
est une
tentative de
reconquête
de
la
région
du
flellv~~, vitale ;.
J'économie maure,
son adoption
par
les
musulmans des
r('YR 1 Imes Nord-Sénégambiens ne
s'explique
que
dans
le
contexte
d'une
société profondément
ébranlée
par la
traite négrj~re.
I,'explication de
la
CRuse de
ce
soul~vement donnée par
son
chef Na s i r .li, L Di n
a
trOll un
écho
favorable
en Sénégambie
"Die-Il
ne
permet point
f1llJli_\\'S
de
p i l l e r ,
tuer n'y faire
captifs
leurs
pellpJn~. il les a au contraire, pour les maintenir et gar-
1
der de
lenrs
ennemi s,
lf's
penpl es n'étant
poi nt
fai ts
pour les
roys
mais
les
roys
pour
les
pp.l1ples"(l).
De
tels
pr0pes ne
pouvaip.nt
~1J'être bien perçus par de!'! popula-
tions
dont
les
razzja~ et
les
pillages
des
souverains
étaient
~evenus le
Jot
ouotidien.
13
cause
rie
ce
soulèvement
des
populations
Nord-Séné-
P.'<'lmhiennes,
reste donc
avant
tout une
réaction
contre
la
traite
nép,Tjpre,
sous
l~
hrtnn;pr n
rie
l'._'1lam.
I l est
vrai
que
l'~slam, pas plus que la majeure partie des socié-
t~s S~nég8mhiennes, ne
cnnriamnent pas
l'esclavage domestique.
Cependant, 1 ~
commerce
pra ti 'lué par les
souverains
sur leurs
sujets
j
a
e1J
,-,;
P
ampleur tellp,'lue
~es rlerniers ont trouvé dans l'Islam
et
les
propos
tenus
par
le~ m~rabouts, un moyen de résistance à
~",tt.e f''Irme rl'e~cl::lva~p lU;
n'excluait
même
pas
les hommes
libres.
. ;\\ .
1 ' l' J,
TCliS'~ 1 T' • .3 .3 9

C'est cette 8.dh'~;l.on nO:lu](nre OUl fit
le succés du mouvement •
.-)i
:,our le rOY:'l.w,e voi,:;in cJ:l K~1,JO()r,
nous :,vons des té:71oignages
orHux f~t "crits Otl:Jnt ;'u rj,"r J!üellH'nl; de ce mouvem(-'nt dans la
Les mus\\üm;c~n~:; H<~wol-BRwol se ~,()nt-ils sOllll~V''':3 contre leur sou-
CeDPndanl;,
d'après le texte de Chambonneau, même si le Bawol a ~t
seco\\J.-? 'Ivr cette v:-l.s~e coc~lition des forces musuLnanes,
elle l'a
:[jolns~té (lue son voisin du K8.joor,
et
plu:':> t8rdivement encore.
Alo",s (lll',!U Ka:joor le fi; r'ti :il~lrah')utique avait d'j-'1 tué le Dammel
rée;nant
pt
l ':'iVé~,lt refTlpl:=Jc~
n:r un putre oui lui é1.vait prêté al-
légeé'lnce,
le fnwol n', v:-· i t
[3
encore ,~té touché pi-lr le mouvenent
En eft'r-t,
Cha:nllOnneau :-lip-n: 11e Clue le Dammel,
soutenu peI' les
,'-n;-Jr2,bouts PULS ~1.tt30ué p'r eux,
"
fut
contraint de quitter la
place et de se Si.,uver au pHyS de Taigne,
roi de Portudal,
où le
Tou'oénan n'8
point encor e,té "(1).
Pourtant
il est certRin qu'au XVIIème siècle, 12 reli-
gion musulmane 8V8it des adeptes dans le Rawol.
Le teen Ce Ndela,
le"DenchRfour"de:..:;
burop'''ens est
prl~senté comme un grand musulman
et
18 plupart de ses sujets sont; aussi musulmans.
p: r i'J.illeurs,
no'.J.~; avons eu l'occasion d'exnloiter des inforrn8-
tians orales,
recueilli«3 p r ,Je~ln Boulègue et Yoro Faal, sur la
province de Ndogal,
oui ~tait un centre religieux au Nord du Ba-
wol.Apr~s des recoupements avec d'autres sources, nous sommes
arrivées 3. la conclusion suivante:
le village de Ndogçil,
de la
province du mê;lle nom,a (Çté
Lmdé par un no:n;né Abdala Buri Faal,
teen de 1 '~r)OI--;I.le,
('T'een l'~-l.s<? selon l'inforiiwteur)
oui ;:1 donné des
~,e['res ::-JU !T\\:lrah·,u:. J\\.lJd;11'~
luri
(~ son retour de i</!auritanie où il
~t.c~j_t :'Illé p,rfê.Hre ~3PS
"tUdp~3 coraniClues) et 1Ul a permis de
:J'lnstaller.
\\
,
,,'

Lp-
f a i t
flue
ce
snit
'~e Tpp."n 11Ii-mpml'! qui lui ait donné des terres
n ' p s t
l'FIS
pxc~rtinnnp', c<'Ir llnllS savons (l'le Ce Ntiela avait proposé
la même chose anx
flpucins
espagnols
qui
essf\\yaient de
le
conver-
t
t i r
~
nne
l e t t r e des
re!irrip1,lx
le
con:firme
"
le barbare resta
ferme
clans
la secte
de
~1F1hompt et
tout
ce flu'i15
purent
obtenir
et flU'i1s
leur of'frit
d'aillpnTS
de
son
plein
grès,
:fut de
leur
rlonnl'!r un
domicile
~
sa
cO'lr.
des
terres
À ensemencer et
d'autres
hi·-ns
terrest.res,
selon
1.,.
coutume dlaboloque ~le ces misérables
g'e n s "
('.).
Comme
l ' a af'fïrmé
l ' ; n f o r ....teur de J.BouJègue et de Yoro Faal,
i l
est
donc
certain,qup
c ' e s t
le
souverain qui
a
donné à Abdala Buri
l'autorisation de
s ' i n s t a l l e r .
L'inentif'ication
ri11
Teej;
tie
l lppoque
pourrait nous aider à
une
datation
phls
précise
dl"
CP
.,ntre
religieux.
Cependant i l est
très
diff'icile
dl'!
"lacer Tass~ dans
la
chronologie des
Teeh du
8awol.
Yoro Jaw
1 e
place parmi
les
premi ers Tee'f\\ de
la dynastie Wagadu,
tanriis
flue
la
l i s t e rie
Nder<=~p (2) en fait le S1lccesseur d'Amari
N~oné Sohe1.Le viellx Ahrl
de Ndame
L8 a:f:firme que le
Bawol a
e11 un Teet'l nommé Tassp
LeI.
"Ku!;
Kodu,
le Bar Gët qui
a
hattll
le Dammel Decce
Law'"
Akk
Naan,
avait
épousé
la
soeur
d'un
TeefL
Tl
~
el!
avec
I='lle 11n
t'ils
nommé T~~~é Lot,I.Ce dernier
a
été Teen
HU
RawoJ"(J ").
Nous
n':3vons
pas de
r~nsf\\ip:nempnt sur Ja révolte de ce Bar
rrêt ~ontrp Peece Llw. r::e '111'i1
convient
de
retenir de
l'j,n-
~'est que si
Kuli Kodu s'est ré-
vnltp
contre Pecce Law.
e ' p s t
donc qu'il
a
vécu au XV1Ième
'--------,--,
'~
~
-
r"
_ _ _ _ .~. _ _ •
'"
J... __.•
' T •
_, _ •.
'
_ . .
_
.
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_ ." !
_ .;:
_
P
B. l • ]-;' . A • :~ •
ir'y'
Ti
N 0 4
, ' ..•
.
l
'
19711-,
P. 4 61
... /
,. , , ~
r-
f;
, Il Il ~ , l
"

1
Son
-fi Il'! Tassé 1,""1,
rnêmp
si
Si'l
mp.re est garmi ,ne pouvait
logi-
rjuemf'lnt
nas
réP,"Tler Ail
F1awol,
Pll'jS-Jlu'il
n'était
pas un Faal mais
11n ,Joob
(tons
les
H<'Ir G~t.
ont
COlJlma
nom de t'ami Ile Joab).
Cependant,
dans
la"chronolof~ie des Teen du Ra'o'ol", Charles Becker
mentionne
le nom d'un Teett :
Mbissan Kura,
qui parait-il aurait
été un usurp::lteur venu
dll S;:Htlum,
mais aussi neveu du Teen Ce
:::(1e1a.
Tl
nons manquE'
beaucoup de données,
mais
i l est
tentant
rl'ident'ier ce Mhissan Kura au Teert Tassé LeI,
qui non seulement
est
le neveu d'un Teen,
mais
encore un usurpateur,puis qu'il n'est
pas de la
t'amille Faa 1.
pt
(l'li, probablement, aurai t
vécu dans
le
courant de
cette seconde moitié du XVIlème siècle;
son père
lui-
même
étant contemporain du Dammel Deccé La...
,
A.bd~
..,
,..,..-.
' l '
...
-
nous dit aussi
Que Tassé a
eu un
t'ils nommé Mbissan Tassé;
ce der-
nie r d ' a p rè 5
111 i
au ra i t
été Rml r
S; in.
Cette période de
l 'histoire du
Ba'o'ol n'est pas
très
claire à
cause de
la
~11Ccp~sion dift'icile de Ce Ndela. Les nom-
breux mariages de ce roi
ont
PU
comme
€onséquence,une
lutte entre
ses dift'er ,ts t'ils quand
il
s'est agi de lui succéder.
Si Tassé a
régné au Ba'o'ol,
i l a
dû prendre le pouvoir pendant une
période de
troubles au
sein de
l'aristocratie,
et son régne a
certainement été
tr~s href,
de même que celui de son f i l s .
C'est
la hriévpt4 de son passage au
pouvoir,
joint à sa
Clua l i té d'usurpa teur qui
prohablement expliquent la rareté des
informations
concernant ce souverain.
Si
J'on t'ait un recoupement
entre les rens gements de Abd..:."'.,,,':.
At
ceux recllei IJis ;1
Ndog-al
par J.Bo1.11èglle et Y.FAAL,
on
peut , approximativement, situer le régne de Tassé L',L f\\.U
Ba'o'ol
juste ,"'pr~s ]a mort ne CP. Ndpla,
donc au début des années 1660.

cou r t .
Ainsi ,1'
annpE'!"
;;jVi:lnt
le
soul~vement
rl e 5
Ha ra bou t s ,
le
R:'lwol
avait
né,jfl
!"on
rPTltr":!
religieux.
Qup] le
a
été
1 ' a t t ; tune
ne~ marabouts
de
Nrlogal
lors
du
mouve-
ment
de
Ipur~ ~orrplpeinnnRire~ ?
'",nalv!"p
rle~ inf'nrrnat.ions de sérii'l' Demha Jeng ('),
montre
Clll'en
t'ait,
ceth~ rarni Ile de marabouts était très liée
~
la
clas«p
di ri p;eant.e
dl)
Ra"'01
et
même
~
cel'_
rlu
Kajoor.
Tl
v
avait
dp~
relations
de
parenté
entre
e l l e s ,
et
bea\\l~oup rl":! memhre~
fil"
lR
TRmi11e
rlétenaient
des
charges
p o l i t i -
ques,
notamment
celle
rie
Jawrjri Njingen
au Kajjoor.
Tl
v
ava-; 1-
;llJ.«~;
c"11ahnration
entre
ces
marabouts
de
Nrlop;a l
et
le
po'1voir
poli tirl'lP
fiu
flawol,
puis~ue même au XIXème
~ièclp, à
1 'épo'llle

la
c<:mtr:'lrliction
entre
pouvoir religieux
",t
T'ollvoir
politi'"111P
s'p!"t,
aiguisé"/Saa.Basi.
Faal,
affirme
que
les
sérirt 1\\Jljop;a1
",taient
tnll,irJurs
les
marabout!"
ries
teen,
1 'Il" ~'f"n-
tre
eux
,"!"~rin NnrJp,'~11 r.:'4h~n ,JP'lp,' étai t. c h :1rgé de jellner pendant
[)11l~
proche."
fin
or)'!\\'0ir
nnl-iti'1'.1e
,!lIe
ceux
rl1J
l\\a.ioor.
Tl
l'?'1t c !"!"i
S()11 1 ip;ner que
le
Baw01,
compte
tenu
de
Ç':R
rnrtp
populatio"fl
.c:pr~pr~ "'ll,le plllS
sOllvent,fl
rallié
très
:"';0ri~ I\\'do,'~Al, inforrnatpllT' de ,J. Boulègue
0'"
ri p
y
fo'H ~ 1
( ?)
c: ~D. H"l <; i
F'n ') 1

t.8rr"livt>rn a n1
IIT«l;·"",
fi"""""
"'!Ann
même
~voir moins d'adeptes
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1~
rf-"'li,(~i()n 'Tll)C.1Jlrfl;"'rlf"
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1p Kn,ioor.
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effet,
JI"
Kajoor avait
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cette
~poque l~,deux
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rl e
t ra i t f>
le
cnmf't-
de Saint
Louis
o~ le Dammel
t r a i t f l i t
>'!ver
lps
f'rrtnç;;ds,
pt
1:'1
factorerie
de
Rufisque
i n s t a l -
Le
Bawnl
rlP
son
':~ôtp t'Je disposai t
que
d'l
point de
t r a i t p
de
Portllrl;oJ)
0'1
] p c
l-Iol1rtnliais
avai.ent
ClIISS;
une
facto-
V;:lstp
mouvpq,pnt
rie
r(~vn! t.t'
cnnt.rp
lf'!s
"aristocr;:lties",
le
Aawo.l
n'R
connu
ni
rég'icic!e,
ni
rlf~nn«itinn df"
son
souverain.
Les
forces
mll'"ll1rranp,,<
du Kajoor
ont
hjen
tent~ d'é-
tendre
l~~ soulpvement all RCI,""ol en brû.lant Lamhaay, la capitale,
mais
i l s
T"ont
c(~rtain('fIlpn1 pAS
trouvé
lies
a l l i é s
locaux
puis-
'3ü 1 1tien
apT'nrt.'>'
T'''lr
Ip
r;(Hnptoir de Saint
LOllis)a1.lx aristocra-
ti ep.
déchuf>s
(VOl r
BOllbacH r
Harry).
Ces
rlernières
tirant
le
~ l~n rles
~v~nements vont
«'Rtt;:lcher au
renforcement
de
leur
r'01lvnir.
Hne
profonde
rnl1!.;lt;Qn
s'opère dès
lors
au
niveau
du
r>~lIvnir' r~nliti(illP pl
OP
n~",ic;l(',; la
naissance des
arl!"tocraties

C -
La
prise
de Gor~e et
le
protectorat
~conomique de La
France
éHl
R:}wol.
T)pf'
1"
:,rPlTlin~'p rnn;t-ié du XVITnmf' siècle,
chacune d ' e l -
1."
nan!:'i
le
bllt
rie
proh>f':pr ~C'n commerce,
Gherche
à s'installer
'3\\lr
place.
Pa.pnpr si P"Prl. 1"
';1''''
'es
Hollandai s
réussi ssent à
se
t'Elire
octrove""
l ' î l e
rie
r.nrpe
par
Je Damme}
Biram,
dès
1617.
(;epenrlrln t.
l ri
cfJmr8p,-ni e
l'nmmer'cia le
Hollandai se
des
Indes
occi-
rlentalps
n'ayant
~tp cr.;'" qll'f'fl 1621, il semhle difficjlf' ""
Iroirf'
,',
J 'af':fïrm<'lti0n
rip
Po..pper.
Nous
pensons
plutôt)comme G.
Thilmans
et
N.T
dl"
~loraps nllp,c'est un
peu
plus
tard que
les
N~erlandRis s'instRll~rpnr ~ r.nréf' , en 1627 probablement au
lip1]
ne
lf)17.
De
lpllr C0tp,
lps
FrAnçais
~tablisgent un comptoir
fi
l'emhol1Churf' dll
S.,néf~<=!,l ('Tl 1f)'i Q ,
tandis
que
les Anglais
s ' i n s -
ta I l pnt
en r.;"1rnhi ('
p n
1 I~(,i-I.
(;ett- p
"0Y1Cl1rrr.>T)"'"
pntrp
pays
européens
jusque
là ne
rompromet
pn
ripn
l 'rllltnri tp
du
teeri du
Bawol.
Bien q u ' i l
y a i t
'lnp
TRctnrpr; p
Hol1a nrb i cp
~
Portudal,
pIns
proche de
Gor~e que
de Saint
Lon; 5
ou
de
IR
GRmbi P,
les
Bawol-Bawol
peuvent
commer-
cpr avec
tontes
les
n3t'~onS ~l11i
se
pr~sentent R la c8te.
l.e",
(;hof'e~ alla;pnt
prendre un
autre
tournant
dans
les

1
' ' ' '
P
n
1 h 7 (\\
,~, V;:j .;
'1 n
"~l" <", ,cr", ;
1 a
e ~ t -1 ter: ô t; e,
9 ans
r; ou p
1
p
trailP
rle
l\\'iIP;','~\\!P du
o aOllt 1778, attribue défi-
n; tivement
la
posse~si on rlp l'île à la France. Dès lors,
cette
] 8
r:
'
~,ore~
et à
l'embouchure du
Sénégal
e~sai e
de
n]~int(>n' r
.e"
nOS; ti onS '11.1i
favori sent
son
commerce
pt
Pnrtnrl?l
r ~'n" 1 " t pm en t
écartps
de
ce
commerce,
et
'éta-
hlissement
0<:'
reJ~tj0nc
commerciales
avf'C
la
petite
côte.
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C fl t j~ p s i t 1] i'l t ion
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0nm.rnpr'~p
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Que
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F'ran~::>ic: IlP
"?jpraient
jamais
an~un tribut
ni
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turne
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~
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t\\~-
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p0 1I r-r;>j<>nt
vendre
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pour
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les autres
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en propor-
t i OT' •
'Jo
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Ql1t:>
1 es
!'3ujets
du
roi
et
ses
successeurs
Avai ent
la pêche
1.•.,.
l.ibre
sans
f'B',rer ::'Illell!'
rlroit.
,
~!1l~
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t:";:lr::lllti p
ril!
t-,....'1; té,
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re~terait sur l ' i s l e de
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Gorée,
ne'll){
r>arepts
1~1I
roi
qui
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T11rent
envoyes
surle
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"
(-1)
P a r
Cf'
tra;t~.
l~'
Prnnce met~ait en clace une véritable
politique
de
prote~torat ~cQn~mique. Cet
épisode de
l ' h i s t o i r e
du
na~ol nl~st ~voqu~ r~r aucunf>
~ource 0ra]e
Cependant,
c'est
for~ --Il!
co,-ttenu
de
~e
trél:l t';
lue
lf>s
administratèurs
de
la
compaf.Tlie,
p~saieront d'impo~er le commerce exlusif des Franç'ais
à la pet; tP. côt(~ tau t
An
lonr~ rlu XVII ème siècle.
f.::I
f'in
<je
cette
ppriode de
liherté
commerciale
et
l.';n~tal1rAl',ion rin "'onorolp
l<~r;;lnçajs)con8titllewllne grande per-
~; ayant
plus
flue
la
compag-nie
Fr;:lnç",i~f', comme partenaire commerciale,
i l
lu;
f;;lndra
1::1
plupart
011
tpmps,
s'accomoder des
tarifs
commer-
ci;:lUX
Tix~s par cette rlernière,
ce qui n'~tait pas
toujours à
son
Clvanta g;e.

128
Il faut néanmoins souligner que cette politique de protecto-
rat économique amorcée par la France a rencontré de vives résis-
tances,
particulièrement au démIt du XVII ème siècle, avec le
Dammel-tee6 Latsukaabé, au Kajoor et au Bawol.

129
CHAPITRE IV.
L'AVENEMENT DE LAT SUKAABE : Coup d'état dans le royaume.
Avec Amari Ngoné Sobel et
~ Ndela, Lat Sukaabé repré-
sente l'un des souverains qui ont le plus marqué l'histoire du
Bawol. Le règne de chacun de ces trois souverains a coincidé
avec une époque de tournant au niveau du pouvoir politique du
royaume.
Avec Amari Ngoné Sobel,
c'est l'indépendance et les dé-
buts de l'organisation du pouvoir autour d'une "dynastie" re-
présentée par la famille Faal. Ce Ndela allait centraliser et
consolider ce pouvoir tout en menant une politique d'intégration
des régions insoumises. Le règne de Lat Sukaabé coincièe quant
à lui~une période où la Sénégambie, du fait de sa participation
au commerce atlantique,se trouve liée à
l'~urope dont elle est
devenue une des fournisseuses de main d'oeuvre.
A la fin de ce XVII ème siècle,
la traite négrière est
devenue l'une des raisons principales de la présance européen-
ne sur les côtes d'Afrique. Les souverains locaux engagés de-
puis longtemps dans ce trafic sont de plus en plus sollicités
pour la vente d'esclaves, au détriment des autres marchandises
qui jusque là avaient occupées une place relativement importan-
te dans les transactions.
Le partage de la Sénégambie en zones d'influences entre
nations Européennes se met en place, rétrécissant les moyens de
riposte des souverains africains pour imposer les lois du mar-
ché. A l'intérieur des royaumes,
les effets de la traite négriè-

130
re, avec tous les bénéfices qu'elle apporte aux souverains en
place,
commence~à se faire sentir. Ce pouvoir politique,
réorganisé et consolidé par le tee~ Ce Ndela, connatt déjà des
problèmes. I l est l'objet d'âpres luttes entre les différents
prétendants,
et devient par conséquent très instable.
Les nombreuses branches des familles maternelles de cette
~nastie des Faal,
se disputent le pouvoir,
provoquant ainsi des
guerres à l'intérieur du royaume.
C'est dans ce contexte que Lat Sukaabé, de famille pater-
nelle Faal, mais,
d'une fami.lle ,maternelle non garmi,
donc ne
pouvant pas régner,
réussit à prendre le pouvoir et à s'imposer
tant au Bawol qu'au Kajoor,
comme monarque légitime. La famille
maternelle de Latsukaabé,
celle des 8eej, allait désormais s'ins-
crire dans la pléiade des autres familles garmi,
réussissant mA-
rne à
les éclipser pendant tout le XVIII ème siècle.
L'accession de Lat sukaabé au sommet du pouvoir politique
s'est faite donc par un coup de force,
car légitimement, i l ne
pouvait pas 3tre teeft,
n'étant que
"domi-buur",
c'est à dire
fils de roi.
Par s~père, le teefi Ce Yaasin Demba Nuj ~ala, i l descend
directement d'Amari Ngoné Sobel, mais sa mère
~go~~Jeey appar-
tient à une famille meen n'ayant jamais accédé au pouvoir poli-
tique. Malgré ce handicap majeur, Lat Sukaabé est parvenu à se
faire reconnattre et accepté par les Bawol-Bawol.
Ceci nous amène à poser le problème de la formation de ces
familles garmi,
ordre politique supérieur dans la société Wolof.
Le cas de Lat Sukaabé est un exemple pertinent qui montre
qu'en fait,
dans ce système d'ordre,
c'est le rapport avec le

131
pOuvoir en place qui définit la position de l'individu. Par un
coup
de force,
Lat sukaabé
parvient à faire entrer sa famille
maternelle dans celle des garmi,
'bmoblissant" par là toute sa
descendance. A aucun
moment,
la notion de pureté de sang n'in-
tervient comme pour le cas des ca~~es ; seule la détention du
pouvoir politique est importante. Une expression employ'e par
les wolof explique d'ailleurs très clairement,
comment ces famil-
les garmi,
se sont consti tuées tout au long de l'histoire l
"gar-
mi cl
garu fetal"
(c'est par le bout du fusil qu'un homme r'ussit
à deveni r
garni.).
Aucun de nos informateurs n'a pu nous dire, d'une manière
1
claire,
comment s'etaient constituées ces familles garmi déten-
trices du pouvoir politique dans ces royaumes sénégambiens.
Nous pensons que l'expression"
garmi ci garu. fetal"
et l'accession de Latsukaabé au povvoir,
peuvent nous permettre
d'avancer l'idée selon laquelle,
la formation de cette cat'gorie
sociale que l'on appelle garmi,
s'est faite sur toute une périod~
œ l'histoire, et qu'il n'y a pas eu,à l'origine, un nombre res-
tr*int de familles qui s'est vu attribuer le privilège d'occuper
des fonctions politiques. Ces familles sont donc n'es probable-
ment avec la monarchie,
et se sont agrandies au cours de l'his-
toire, à l'occasion des situations de crise du pouvoir politique.
Essayons à cet effet, de voir comment se pr'sentait
la situation politique du Bawol au moment de l'accession au pou-
voir de Latsukaabé.
~ - Le Bawol al1 momen t de la prise du JDuvoir par La tsukkaab'.
1
Le mode de transmission du pouvoir politique au Bawol
1
1

132
consitituait à lui-seul un facteur de dissension au sein de la
classe dirigeante. En e~~et, ce pouvoir, d'abord héréditaire,
donc pouvant revenir, dYfait de la bilinéarité de la société
Wolo~, soi t au ~ils, soi t au ne.veu du souverain dé~unt:, étai t en
plus électi~.
Les nombreux mariages des souverains mettaient ainsi
en compétitionJdès leur disparition, une pléthore de ~ils, de
neveux qui tous prétendaient au pouvoir.
Certains souverains ont. d'ailleurs, de leur vivant,
essayé de limiter des di~~icultés éventuelles de leur succession,
en ~avorisant nn de leur neveu, descendant de leur ~amille"meen".
(Amari Ngoné Sobel,
et Ce Ndela).
Ces précau5ions n'ont pas toujours empéché l'éclate-
ment de troubles à chaque suceession. En provo~uant le mariage
de sa soeur Nuj Sala ave~son ~ils Lat Njandé, Ce Ndela espérait
se ~aire succéder au pouvoir par son petit ~ils et neveu issu de
cette union 1 Ce yaasin.
Malgré les ~aveurs dont le souverain dé~unt l'avait
entouré,
Le yaasin ~ut écarté à la mort de ce dernier. Celà lais-
se supposer qu'il y a eu probablement une lutte entre les divers
prétendants,
et que le conseil des notables, présidé par le Jaraa~
Bawol, n'eut pas l'autorité nécessaire pour élire le candidat de
s:>n choix.
Le pouvoir échut à un homme qui,légitimement,n'y avait
pas droit. C'est probablement la période qui coincide au règne
de Tassé
LeI ~ils du Bar Gët Kuli Kodu Joob.
Cette brève période de lutte interne s'achève avec l'ac-
cession au pouvoir d'un ~ils de Ce Ndela, le teen Mba buri Jaw.

133
Avec lui,
les guerres contre le Kajoor recommencent,
puisque
la tradition a retenu une bataille que le Dammel Biram Yaasin
~
~
Bubu a
livré à ce teen. Un document écrit de l'époque,
la rela-
tion du vice Amiral d'Estrées",
mentionne aussi la victoire de
.,
ce tee~, contre le damme1~Biram,mort tout récemment, c'est à di-
re en novembre 1670. Cependant,
le con~lit semble avoir continué
avec le successeur de Biram Yaasin Bubu, puisque d'Estrées l ' a
trouvé sur le pied de guerre.
Trois ans après le passage de d'Estrées,
éclate le sou-
lèvement des marabouts, dont les contre coups se reront sentir
au Bawo1 (Lambaay est incendié).
Ainsi, depuÉ la mort de Ce Ndela,
le Bawol a été pro-
~ondémment secoué, soit par des troubles internes (lutte pour la
prise du pouvoir),
soit par des guerre contre le Kajoor.
Cette situation qui n'a pas manqué d'a~recter les po-
pu1ations du royaume,est aggravée par une intervention directe
des Français, qui, pouv'mettre en place une poli tique de protecto-
rat économique,
lancent une expédition punitive contre le Bawol
dont le souverain remet en cause le monopole commercial Français.
Contràirement à Charles Becker, nous pensons que cette
expédition Française a
eu lieu sous le teea Mbaburi Jaw dont le
caractère "violent et emporté" nous a été décrit par le vice-
amiral d'Estrées,
et non sous le règne de Ce Yaasin.
D'après les sources orales,
le début du règne de Tee)';'
Ce Yaasin a
été marqué par une reprise de l'agriculture.
On comprend d'ailleurs pourquoi les sources orales ont
retenu cet aspect du règne de ce tee~, dans la mesure où,depuis

134
la mort de Le Ndela,
les évènements qui se sont déroulés au
sein du royaume,
n'ont certainement pas permis à
cetœ popula-
tion dont l'agriculture est le principal moyen
àe subsistance,
de s'y adonner correctement.
Ce Yaasin se lance aussi dans une réorganisation du
domaine ~oncier, essayant par là de parachever l'oeuvre entre-
prise par Ce Ndela.
Selon Kany 5amb, une ~ois de plus,
les laman du Bawol,
vont s'y opposer et le con~lit qu'ils eurent av~Ce Yaasin a-
boutit à
son assassinat. Lors de nos enqu~tes au Bawol, nous ne
sommes pas parvenues à avoir des renseignements sur ce soulève-
ment des laman contre Ce Yasin.
Cependant,
merne s ' i l a
eu lieu,
son explication ne se
situe pas, comme le ~ait Kany 5amb, à une simple oppostion des
laman à la ~amille Faal. Ce serait plutôt l'expression d'un re-
~us des laman, anciens détenteurs d'un pouvoir économique et
politique local,en ~ace des
représentants d'un nouveau pou-
voir dont la tendance à
la centralisation les ~eléguait au second
plan.
Tout au long du XVII ème siècle,
les lanmrt se s ont battu~
contre la politique ~oncière des souverains. Ces derniers,
en
attribuant des terres relevant de la gérance des laman à des pa-
rents alliés ou à des personnalités religieuses,
diminuaient
considérablement le pouvoir des premiers.
Outre cej'
problèmes
soulevés par les lam°(l.o dès la mort de Ce Y(l(\\sin, une nouvelle pé-
riode de crise secoue une ~ois de plus la classe dirigeante du
royaume. C'est dans ce contexte d'instabilité politique,que se
si tue l'accession
de
ta t
.!tukaabé au
pouvoir

I}5
a - Lat suknabé ou l'avènement de "l'aristocratie" militaire.
Les sources orales (1)
ins~ent beaucoup sur la ma-
nière dont Latsukaabe a pris le pouvoir au Bawol. Selon Jogomaay
Jeey,
"dès la mort du teetr Ce Yaasin,
ses principaux fils.
ont
~
commencé à
se disputer,
chacun voulant devenir teetr. Pendant une
brève période,
l'un d'eux,
Ce Cëmbël,
réussit à se faire élire.
Cependant,
i l est bientSt attaqué par Lat Kodu et Biram
Kodu,
deux autres fils de Ce Yaasin,
qui le tuent lors de la
ta taille de xarl{ank. "La t Kodu et Biram Kodu ont été blessé durant
les combats,
ils ne pouvaient donc pas prendre le pouvoir immé-
diatement,
puisqu'au Bawol,
on ne peut régner avec des blessures.
Ils décidèrent alors de confier le pouvoir à leur cadet~
Le>-t
~ukaabé Ngoné Jeey,
en lui promettant toutefois de lui
attribuer des charges politiques dès qu'ils seront élus.
Cettte période coincide avec l'arrivée d'un "tubaab"
nommé "Yaande Ndebaan" qui vendit beaucoup d'armes à feu à
Latsukaabé en éohange de troupeaux de boeufs.
Lorsque ses frères guéris voulurent reprendre le pou-
voir, Latsukaabé refusa,
et les tua
tous lors de la bataille
de Mbu tti"
(2).
Ces informations de Yogomaay Jeey,
corroborées sur beaucoup de
points par d'autres sources orales,(Tanor
Lc",t .·(I\\\\, .... bi.. fn.tt)
restituent le contexte difficile durant lequel Lat
:,ukaabé s'est emparé du pouvoir. Le Bawol est à ce moment secoué
po.r une crise poli tique interne
; cependollt,
c'est grâce à une
donnée nouvelle dans le commerce atlantique que Latsukaabé réus-
(1)
J";~ll, T.I,._
P..I.j<'.A.N. Jer.B,
N°l,
1974,
P.II]
U) I:nfo:r.::.0-~_.~~::~!:: J(o(ôy, ,T.
14.02.1981
1

136
sit l
devenir Tee~ •
Le fer qui,durant toute la première moitié du XVII ème siée le a été
le principal article du commerce amené d'Europe sur les côtes afri-
caines,
céd~ sa place aux armes l
feu.C'est d'ailleurs un élément
révélateur du changement de politique commerciale des Européens
en Afrique.
Le Teek Ce Ndela qui très
tôt,avait perçu l'inter~t qu'il pouvait
tirer de l'achat de ces armes, n'a cessé d'en réclamer aux Français.
Ainsi,
en 1635, lors du voyage des Capucins Français à Portudal, i l
leur réitère sa demande:
"Et bien' dit donc au Roy de Franc"
con-
clut le roi de Portudal, que voy là mon fils,en le montrant de la
main,
lequel est l
son service : et que je le prie de m'envoyer de
la poudre pour tuer mes ennemis. Ce n'est pas sans suject qu'il de-
mandoit au Roy de France de la poudre,
car les Français ne luy en
veulent bailler,de crainte qu'étant d'un naturel martial, l
la fin
j l
ne leur face la guerre"
(1).
Tant qu'ils n'étaient pas encore installés en un endroit
fixe et fortifié,pouvant servir de base pour protéger leur commerce,
les Français n'ont pas voulu armer les classes dirigeantes des Royau-.
mes Sénégambiens.
Le développement de l'économie sucrière qui s'accompagne d'une forte
demande de main d'oeuvre,
et la création du comptoir fortifié de
f
Saint Louis dès 1659, inaugurent une ère nouvelle dans les relations
de l'Europe avec les Royaumes Sénégambiens.
M~me s'ils ne saisissent pas d'une manière claire ce changement de -
la politique commerciale Française en Sénégambie, nos informateurs
se souviennent malgré tout,des conséquences de l'introduction des
armes à feu dans les Royaumes." c'est au cours du régne de Latsu-
kaabé que les armes à feu sont entrées dans le pays. A partir de çe
moment,personne n'a plus osé broncher. C'est avec ces fusils qu'il

137
a pu prendre le Kajoor. Il arrivait que des villages entiers soient
razziés,
et les hommes vendus aux "tubaab"
.(1).
Concernant les souverains qui ont précédé Latsukaabé,
nos
int'ormateurs n'ont ,jamais parlé de trat'ic d'esclaves qu'ils auraient
et't'ectué avec les Eurmpéens
cela ne signit'ie pas pour autant qu'il
n'yen avait pas,
puisque les sources écrites le mentionnent.
Cependant,
c'est probablement If d.~lo'tl0M't..I\\\\(\\,1 que ce trafic a connu dès
l'avènement de Latsukaahé qui explique le t'ait que la mémoire collec-
tive ait retenu cette période comme le début de la traite négrière,
tant au Bavol qu'au Kajoor.
Cette explication est valable aussi pour les armes à feu. Les Bawol-
Bavol t'ont remonter la date de leur entrée au pays du temps de Lat-
sukaabé, alors que nous savons que dès la première moitié du XVII ème
siécle,
les souverains connaisaient leur existence et même souhai-
taient en acheter.
L'avènement de Latsukaabé et la consolidation de son pou-
voir ont été facilités par la nouvelle politique commerciale fran-
çaise en Sénégambie.
Le soulèvement des marabouts contre la traite négrière en 1673, qui
dans un premier temps a abouti à
la défaite des souverains locaux
au Kajoor et au Waalo est probablement à
l'origine de la vente dtar-

mes à t'eu aux "a:qstocraties",
La compagnie commerciale françai.se s'est rendue compte de la . 1.ai-
blesse des rois pratiquant le trafic d'esclaves,en face d'un soulè-
vement organisé de leurs sujets
; c'est certainement la raison pour
(1) Jogomaay Jeey: Int'ormateur. 14.02. 1981.

laquelle elle décide d'armer les classes dirigeantes,
les mettant
ainsi en position de ~orce,devant une éventuelle réaction des popu-
lations contre la traite négrière.
Latsukaabé a
su pro~iter de cette situation,
en ~aisant l'acquisi-
tion de beaucoup d'armes à
~eu. La présence de ces nouveaux moyens
de répression aux mains de la classe dirigeante allait changer pour
longtemps les données de la politique interne du Bawol.
Sur le plan de l'orgonisation politique,
on assiste à la
montée en puissance de l'ordre des Jaami-Buur. A l'origine,
ce sont
les esclaves de la couronnej
ils n'appartiennent à personne en par-
ticulier.
On les appelle d'ailleurs en Wolot' l
"t'ekk Bayyi"
,c'est
à dire que tout souverain nouvellement élu les trouve sur place,
et les y laisse à sa mort ou lors de sa destitution.
Avec Latsukaabé,
désormais,
ceux que l'on allait appeler
esclaves de la couronne,
n'étaient plus en ~ait que les esclaves
du roi, ne servant plus uniquement les interêts de la couronne, mais
attachés au service du souvuain et des int'~êts de sa t'amille mater-
nelle.
Ces esclaves,
entièrement dévoués à
la cause du roi,
donc bénéf'iciant
de toute sa con~iance acquièrent ainsi une grande puissance au dé-
triment des autres ordres supérieurs dont les t'amilles maternelles
n'étaient pas au pouvoir. Ce sont les t'ameux "Jaami Geej", qui tout
au long du XVlllème siécle,
vont assurer la prédominance de la ~amil­
le maternelle Geej,
sur toutes les autres ~amilles garmi.
La tsukaabé s'appuie sur C.es esclaves royaux pour ~ormer
une armée permanente,
ren~orçant ainsi son pouvoir militaire, puis-
sance qu'il partageait jadis aveC les autres che~s politiques du
pays.

139
Avec cette armée chargée de lui assurer un approvisionnement en
captifs,
et qui lui était toute dévouée, Latsukaabé avait désor-
mais une force s'dre,sur laquelle,
i l pouvait s'appuyer •

L' avènemen t
des Ceddo, ces gueruers turbulents et- gros
buveurs d'alcool dont parle la· tradi tion·, da te du régne de La tsukaabé.
C'est à partir de cette période,que les sources mentionnent le plus
grand nombre d'achat d'armes et d'eau de vie par les Dammels -Teeh.
Ces Ceddo,
dont la majeure partie était des esclaves,
ont fini par
occuper les postes les plus élevés dans le royaume.
" Ils étaient
les seuls sur qui le Dammel pût compter en toute circonstance,
car
ils lui appartenaient et ne se révoltaient pas"(l).
Le développement rle ce corps d'armée de Ceddo renforce
considérablement le pouvoir de Latsukaabé
; i l lui permit non seule-
ment de s'assurer de l'ordre intérieur de son royaume du Bawol, mais
encore d'avoir la puissance nécessaire pour agrandir ses états.
C'est ainsi que dès 1695,
fort de cette redoutable armée,
i l par-
vient à annexer le Kajoor. Les deux royaumes qui)depuis la fin du
XVTème siécle, ont été gouvernés par deux souverains distine.ts,
se
trouvent à nouveau réunis sous la direction d'un mAme roi
: le
Dammel-Teen Latsukaabé.
La politique française consistant à vendre beaucoup d'armes à la
classe dirigeante dans le but d'avoir plus d'esclaves à acheter,
a favorisé le renforcement du pouvoir de cette dernière.
En réunifiant le Bawol et le Kajoor, Latsukaabé devint un inter-
locuteur redoutable pour les Français, puisque sa puissance lui
permettait la remise en cause du monopole commercial de ces der-
niers dans la région,
et i l ne tarda pas à leur créer des problèmes.
(1) Mont e:U.
V.

,.~...L.~._

. ",
,
sl::.cle l
la fin cl LI XVllè.
crande:::, ~~ 1~C2.l.... t:i.tucles qui demeurent pour l a
dL!
:~iJ.\\iJol élU cour::.:; cle la pér-iuc:c:.' Cow~i(Jér(~e, ,-'ous ri 'avons pu m ention-
lîer
les année::; de l~':Jne de plusieurs souverains.
r
er" a;:- Cl 1.\\ c~::
années à e règne
Sl),~; 1:- .Cine C'omrnence apr-:s 1542
(son
oncle
Noxor était encore TeeA ~
~
v.
1542-v. 1580
1552
(texte de Almada) , soit envi-
r~;n une quarantaine d'années comme !:
l'affirment les sources orales.
Auncune indication sur la fin du
i<A ;·L'l.LIK CORO
v.
1580- ?
en-alc::.>.
CL: i,jDL;Li\\,
pi:'obablèfllent le
!IDenchafour" des SOurces écrites,
, ? - v. 1660
n'était plus TeeA du Bawol au débuti
des années 1660
(voir notre commen-!
!
taire du texte de COELHO sur Den-
chafour) •
usurpateur
: fils du Bar Gêêt KULI
;CCDU et de lù soeur d'un TeeA.
R è-
?
?
Aucune indication sur les débuts et!
?
la fin de cègne
?
de ce ~eeA.
l J. régnait dé j à
sur le Bm-Jo l en
157C
(velir n'lt:ce commentaire du pas+,
sage uc la relùtion de D'ESTREE oG i
,
v.
1670- v. 1680
il parle du conflit ayant oppose le!
TeeA au Dammel BIRAM).
Fondateur de la ~ranche paternelle
v.
1680- v. 1690
L·/\\"Y S UKJ\\/\\ f3 r~
J.J G() r·· E
v.
1690 - 9JUi nl72

IIè "partie
LA TRAITE NEGRIERE ET J~E RENFORCEt'lmNT DU POUVOIR
DE LA CLASSE DIRIGEAN~E

r41
Le XVJTT~~~ ~i~cle e~~ lA p~riode
o~ les "aristocraties"
811
pouvoir dans
les rH "ff'érents royaumes Sénégamhiens connaissent
leur Age d'or.
C'est l'époque o~, du fait de leur participation
active à
la traite négri~re,ces classes dirigeantes,
par l'acqui-
51 tion
massive d 'a.rme~ 8 "fen,
r~1l5~i5sent à impo!E'er dans les dif-
"ferents royaumes,
un pouvoir reposant uniquement sur la force
militaire.
A
l'opposé des classes diriger-mtes,
les populations Sénégambiennes
vivent, quant ~
elles,une des périodes
les plus sombres de leur
histoire.
En dehors de
la ponction démographique d'une grande partie
des
forces
productives,(SOO esclaves exportés en moyenne par an,
par les deux royaumes dn Kajoor et du Bawol(1),
i l faut noter
qtl t i l s ' agi t
des chi t't'res
concernant la trai. te l i ci te) t
les guerres
1
civiles et celles opposant les differents royaumes,
le~
di.,ette.t» et
les famines
jalonn~rent tout au long du XVIII ème siècle la vie
de ces populations Sénégambi.ennes.
Pour la seule région du Kajoor et du Bawol on note des années de
famine de 1723 à 1724 et de 1751
à
1755. Les guerres quant à
elles
s'échelonnent de mani~re continue de 1723 à1756 : de 1723 à 1737,
c'est un con"flit opposant le Kajoor et le Rawol. De 1737 à 1748
le
Bawol et le Kajoor sont réunis,
mais le Dammel- Teeh doit faire
1
face à une vive bpposition à
l'intérieur de ses etats.
D~s sa mort en 17 l18, la f5\\H~rre civile éclate et se poursuit jusqu'en
1756.
fi
(t~ A.N.f. c,,!. C 19
Rapport de Curt 8 Mgr de Castris.
24 janvier 1787

142
Le Bawol, pet:tt royaume côtier
de la sénégambie connut donc, à
l'instar des autres royaulDes tels que le valoo ou le Kajoor, des
bou~ersements politiques, sociaux et économiques engendrés par
la traite négrière. Une grande partie de son histoire au cours du
XVIII ème siècle recoupe celle du kajoor. Nous avons vu que tout le
long du XVII ème siècle,
ces deux royaumes ont connu chacun de son
côté, une évolution distincte
; à partir du XVIII ème siècle,
l'am-
bition de tout dammel et de tout U8~ ~t de réunir les deux royau-
mes. Cette ambition a été réveillée par le changement de la poli ti-
que commerciale
française en Sénégambie, dès la fin du XVIIème siè-
de.
En effet,
tant que les européens se sont contentés de
venir dans les ports de'mer des côtes sénégambiennes pour l'achat
de peaux et de cuirs,
les tee~ du Bawol ont porté leur intér~t
surtout vers les régions situées à l'ouest et au sud du royauvme,
peuplées de séreer,
souvent insoumis au pouvo~central, mais grarlns
éleveurs de bétail. Les guerres fréquentes menées par le Bawol,
contre le
siin, au cours du XVIlème siècle trouvent leurs causes
dans cette volonté du souverain de contrôler des régions riches
en bétail,
lui permettant de satisfaire la demande européeenne.
Dès l'instant où les articles du commercechangent, nous
~sistons aussi à un changement de la politique expansionniste des
teeh. Si le tee~ Ce Ndela, malgré son appartenance à la ~amille
Faal, n'a jamais cherché à s'emparer du Kajoor, royaume o~légitime-
ment
i l avait des droits,
c'est que,dans le contexte économique
de tépoque,
lB domination des régions séreer lui était plus pro~i-
table.
\\
1

143
C'est la raison pour laquelle,
jusqu'à la seconde moiti~ du XVIIème
siècle, aucun a~~rontement n'est signal~ entre le Kajoor et le Bawol."
Dès le dernier quart du XVII ème siècle, cette situation
se modi~ie; les guerres entre le Bawol et le Siin se rar~~ient, ~ai-
sant place à celles qui opposent l~ Kajoor et leBawol, quand il n'y
,
a pas union entre les deux royaumes.
Ce changement de politique à l'égard du Kajoor commence avec le Tee1t
Latsukaabé,dont le règne au Bawol coincide avec les débuts de la
'<"
vente des armes l
~eu des Européen3 aux d~tenteurs du pouvoir poli-
tique dans les royaumes Sénégambiens.
Latsukaabé pro~ite de l'achat de ces armes pour consolider son pou-
voir au Bawol d'abord,
ensuite, ~ort de sa nouvelle armée, i l joint
le Kajoor à ses ~tatso
Les Français, installés à Saint Louis et à Gor~e essaient d'imposer
leur monopole commercial aux Etats cStiers de la région et ~ont une
demande accrue en esclaves, reléguant au second plan les autres
marchandises.
Latsukaab~ a eu le mérite d'avoir compris assez vite, qu'en tant
que Teek du Bawol, i l ne pourrait pas Atre un interlocuteur de poids .,§
J
..~~.
-'tif
"
~ace à la puissance des commerçants ~rançais, puisque n' ayant~pa~~"~::~~
, '~;;:~~~i;~i~fI:~~~;~i/.:.
la puissance nécessaire pour leur tenir tAte. C'est la raisonpoùr'.:
laquelle, pro~itant des di~~icultés interieures (probablec~cité
du Dammel Decce Law) et extérieures (invasion du Jolo~) duKajoor,
i l utilise sa nouvelle armée a.pos~e des esclaves de sa ~amille
maternelle, pour s'imposer dans ce royaume.
Après plus d'un siècle de séparation, le Kajoor et le Bawol se trou~
vèrent à nouveau r~unis.

r44
Chapitre l
1 La réunification du Kajoor et du Bawol
1
constante
du XVIII ème siècle.
En raison du commerce esclavagiste, l'histoire des
royaumes Sénégambiens fut très mouvementée durant le XVIII ème
siècle. Que ce soit au Waalo, au Fuuta, au Kajoor, ou au Bawol,
paroutJon assiste à des bouleversements politiques et sociaux.
Une des conséquences directes du commerce de traite au Kajoor et
au Bawol, fut la reconnaissance explicite et claire du rôle de la
puissance militaire et de la violence
pour l'accession au pou-
voir politique. Dès la fin du XVII ème siècle, la prise du pouvoir
,
.
par Latsukaabé au Bawol et au Kajoor, introdùit une nouvelle donnée
dans les institutions politiques de ces deux royaumes 1 la possi-
bilité d'user de la force pour accéder au pouvoir suprAme.
A partir de ce moment,
la préocupation de tout membre
de la classe dirigeante
fut, d'acquérir des armes à feu,
et d'en-
richir les membres de sa famille "meen", particulièrement les es-
,
cLaves,.en vue d'une eventuelle prétention au pouvoir. C'est cette
course au pouvoir/rendue plus âpre par les nouveaux besoins crées
par le commerce de traite
qui explique,en grande partie,les mul-
tiples guerres que !le. ~litli vrées les différents clans de la famille ".
Faal·"au pouvoir au Kaj oor et au Bawol •.
Réunir les deux royaumes sur une mArne t~te,
devint le rAve de tout
"segtëf" (postulant au titre da Teefi ou de Dammel).
Cependant,avant d'aborder les multiples problèmes découlant du
commerce esclavagiste et les conséquences de ces luttes pour le
pouvoir dans les: deux royaumes, essayons, d' abord,.de voir quelle a
été la poli tique du Dammel-Tee~.La tsukaabé,. en ce début du XVIIIème
siècle
devant la politique commerciale de la France.

A : La politique de Latsukaabé à l'égard ëe la compagnie du Sénégal.
Comme 1 ~ souligné si justement Jean Boulègue, le règne
de Latsukaabé se situe dans "une période particulièrement difficile
de l'histoire Sénégambienne"(1).
Le dernier quart du XVII ème siècle est car~térisé par la volonté
de la France de supplanter .'cs "'O'-l.".. ete.,d~.~s \\~~~ynmet'CAo \\T\\G.~;ai_e.;, .
..c'tIIt ~u"'1"o" ,,~~ l'1<:'" )e.\\\\4.. S'tM\\,-eJ-'Le... dL.t't~ .cA&:~Go~~. " La France, installée
dès lors dans ses comptoirs de Saint Louis et de Gorée,
était déci-
dée à imposer sa politique commerciale en Sénégambie.
Invoquant les traités signés en 1679par le Dammel et le Tee~, les
directeurs de la compagnie vont s'atteler à îa lutte contre les in-
terlopes et autres navires (Anglais, Hollandais et Portugais) ,venant
faire du commerce sur les côtes du Kajoor et du Bawol.
Le Dammel-Tee~ Latsukaabé s'est très vite rendu compte,
1
qu'en acceptant le monopole commercial français dans son royaume,
1
i l lui serait désormais impossible de jouer sur la concurrence Eu-
ropéenne pour pouvoir imposer les lois du marché ; i l ignore ainsi ~
les prétentions françaises,
et continue à commercer avec les navires
Anglais qui se présentent sur ses eStes.
Très vi te, le conflit allai t
éclater entre le souverain et la com.{~:,
pagnie du Sénégal dont le directeur à l'époque étai t André Briie.--z::=::>~·
Les so.rees orales n'o~t pas retenu les conflits qu'il y eut entre
Brde et Latsukaabé ; cependant, elles ont quand m~me retenu le nom
du directeur de la compagnie qui, disent-elles, a vendu beaueoup;;t.~ki
. "~.ii!!.";"'
d'armes à Latsukaabé.
, ......

1
(1) Bou:lègue,. Jf.
~ 1971, P. 174
.. -....
'
- -;-, "~-..
~-)-
..~ ,.-
_.--- --;;--~-~
~.

146
"c'est un Tubaab
(nom ~ue les Sénégalais donnent aux Français),
du nom de "Yaandé Baan" qui en échange de beaucoup de boeu:fs et .
d'esclaves, a vendu des armes à :feu à Latsukaabé ; à partir de ce
moment, nul n'a plus osé broncher dans le royaume"(1).
L'identi:fication de ce Tubaab n'est pas àisée; cependant,
tenant
compte du contexte de l'époque,
(~in ~u XVIIème, début ;du règne
de Latsukaabé et arrivée d'André B~e au Sénégal)nous sommes tentées
d'identi:fier ce dernier au "Yaandé Baan" dont parlent les sources
orales. Cela parait d'autant plus vraisemblable que.nos in:forma-
teurs se souviennent nettement de l'importance du tra:fic des armes
à :feu qui d'après,eux,aurait commencé à cette époque. Nous savons
que la vente des armes à :feu se :faisait bien avant le règne de
Latsukaabé, mais ce ne :fut que vers la :fin du XVIIème siècle, après
la révolte des marabouts, que ce tra:fic commença à prendre le pas
sur les autres marchandises. Les débuts du règne de Latsukaabé
coi~idant avec l'arrivée d~André Brûe au Sénégal, il y a donc une
:forte chance que ce soit le nom de ce dernier que les sources ora-
les ont retenu, bien qu'elles l'aient :fortement dé:formé.
André Brüe était chargé par la oompagnie du Sénégal, de
pratiquer en Sénégambie, une politique commerciale bien dé:finie 1
l'exclusivisme commercial de la France sur toutes la eSte Sénégam-
bienne; ce monopole permettrait à la compagnie de réaliser;'.de gros
béné:fices, puisqu'elle comptait acheter les esclaves à des prix
relativement bas
; les souverains a:fricains, déjà engagés dans:.la
traite,
se verraient ainsi obligés de commercer avec elle, :faute
d'autres partenaires.
(1)Jogomay Jeey 1 in:formateur • 14.02.1981

147
L'application de cette politique était cependant subordonnée à
l'existence d'un souverain faible et sans moyen de riposte; or,
ce n'était pas le cas du Dammel-Tee~ de l'époque.
Si la traite Atlantique a été accompagnée d'un cortège de malheurs
parmi les populations du Kajoor -Bawol, elle a permis sans contedte
dans un premier temps, au souverain d~ renforcer son pouvoir par
la peur du fUsil.
C'est grâce aux armes à feu vendues par les Eu-
ropéens que le Teelr Latsukaabé est devenu le Dammel-Teelr puiisant,
mattre de toute la c8te, depuis Saint Louis jusqu'à la pointe Sarène,
que Brüe trouve au Kajoor-Bawol en'1697.
L'historiographie coloniale a souvent tendance à présenter les sou-
verains africains comme des rois sanguinaires, préoccupés unique-
ment par la vente de leurs sujets
; le pere Jean Baptiste Labat
n'a pas fa~texception l
cette règle, et dans sa "nouvelle relation
de l'Afrique occidentale", i l n6us présente le souverain Latsukaabé
sous un jour tel que, Jean Boulègue note que
t
"sa p.rti:â:lité est ....:
parfois si narve, qu'il en dit aso."z pour permettre d'autres inter-
prètations que la sienne~(1).
1 - Le conflit entre Brüe et Lat sukaabé.
La politique commerciale définie par la compagnie du Sé-
négal ne pouvait pas se faire sans heurt avec le souverain du plus
grand royaume de la côte sénégambienne. Le conflit étà~d'autant plu~
probable à cette époque,
l'Angleterre pratiquait le libre échangisme
et que par conséquent, des navires anglais se présentaient parfois
(1) Boulègue,J.

148
à la petite côte dans le but de ~aire la traite.
Lat sukaabé
qui ne se sentait en rien lié aux commer-
çants ~rançais, traitait aussi avec les anglais. André BTÜe, direc-
teur de la compagnie n'entendait pas non plus laisser le Dammel-
tee~ agir à sa guise; en e~~et s'il n'intervenait pas dans la po-
litique intérieure du pays où les inté~~ts ~rançais n'étaient pas
encore en jeu, i l entendait avoir son mot à dire sur tout ce qui con-
cernait le commerce dans cette partie de l'A~rique.
Dès 1699, le con~lit éclate entre le Damme1-tee~ et la
compagnie, à propos
de la traite ~aite par lat-~kaabé avec deux
navires anglais (1). Brüe,
saisit le second navire, et le damme1-
teen décide de suspendre toute traite avec les ~rançais.
La t
sukaabé lnaugure ainsi une nouvelle ~açon de s' op-
poser, un moyen de riposte aux exigences ~rançaises ; cet exemple
qui sera suivi par ses successeurs tout au long du XVIII ème siècle,
s'est avéré assez e~~icace. Le souverain avait très bien compris
què s ' i l était impensable de se mesurer militairemnt à la compagnie,
i l avait malgré tout un avantage sur cette dernière:
la compagnie
avait besoin du kajoor et du Bawol pour le ravitaillement de ses em-
ployés de Goréee en eau et prod_~its vivriers. C'est donc l'arme
v..
.,
du blocus économique qu'il utiliser contre elle.
Toute la duréee du premier séjour de Bru~ au Sénégal .~
(1697-1702) est marquée par cette tension quasi permanente entre la
mmpagnie et le Dammel-tee~. Latsukaabé a toujours continué à trai-
ter librement avec tous les navires qui se présentaient sur ses cô-
tes,
obligeant la compagnie à se livrer à une chasse e~~rénée de ce
(I) A.N. F. Co]. C~ 3.
I7 ACllllt I.']'06.

149
qu'elle appelait les interlopes,
et m~me parfois à pratiquer elle
aussi le blocus commercial contre le souverain. Ces tensions crées
par le refus de Latsukaabé de se plier docilement aux exigences de
la politique commerciale Française,
ont d'ailleurs abouti à l'arres-
tation de Brûe par le Dammel-teen,
le 6 juin 1701
(~).
Le directeur de la compagnie ne sera libéré que douze
jours plus tard,
contre le paie~ d'une rançon de 7000 livres en-
viron selon Labat. Le simple fait de s'attaquer au directeur de la
oompagnie commer~ciale montre qu'en fait, le dammel-teek devait ~tre
dans une position confortable vis à vis de la~compagnie.
Le règne de Lat sukaabé, bien qu'il n'ait pas été pro-
fitable à la masse de la population du K~joor-Bawol, montre qu'en
fait,
certains souverains africains, bien qu'engagés dans le com-
;
merce esclavagiste,
ont su malgré tout défendre leur privilège de
classe dirigeante en face des intér~ts commerciaux de L'Europe.
C'est en ce sens que le titre de l'article de Jean
Boulègue
rend parfaitement compte des problèmes qu'il y eut entre
ce prince et la compagnie commerciale du Sénégal :
"La..--t sukaabé ou
l'opiniâtreté d'un roi contre les échanges inégaux au Sénégal".
2 - L'échec de la politique de Brüe.
André Brüe que l'historiographie coloniale désigne com-
,
' ;
me le pionnier de la colonisation au Sénégal y a malgré tout ess~yc._~~
un echec lors de son premier séjour (1697-1702). Il s'est trouvé
devant un royaume qui ne connaissait pas encore les affres des guer-
res civiles qui le mineront à partir de la seconde moitié du XVIIIeme
siècle.
I7i2'ff, T. IV.

150
La politique intérieure de Latsukaabé lui a été dictée
par la situation de son pays lors de son accession au pouvoir. En
e~~et, c'est lors d'une crise des clans garmi que latsukaabé est
arrivé au pouvoir dansle Bawol. Cette lutte entre membre.- de "l'aris-
tocratie" est une des conséquences directes du commerce de traite,
dont l'orientation esclavagiste est devenue très nette à cette pé-
riode.
Lat sukaabé a compris que s ' i l voulait béné~icier ample-
ment de ce commerce, i l lui ~allait d' ~ord régler les problèmes
intérieurs de son royaume et y établir un pouvoir central ~ort.
C'est la raison pour laquelle, dès son accession au pou-
voir de teek, i l mène une politique systématique de répression con-
tre les autres clans garmi,
susceptibles 'de lui disputerle pouvoir.
La majeure partie des m~mbres de "l'aristocratie", s'ils ne sont pas
tués,
se trouvent obligés de s'exiler. C'est le cas de Lat-Kodu
et de Biram Kodu, qui d'après les sources orales, avaient confié
le pouvoir à Latsukaabé.
Ce dernier pour le conserver, les aurait
tué
à la bataille de Mbutti. Une lettre de Saint Robert à la com-
pagnie, datée du 28 mars 1721 nous apprend que Lat-Kodu n'avait
pas été tué lors de cette bataille de Mbutti,
et qu'il serait mort
quelque temps après le décès de Latsukaabé, après s'Atre battu avec
le fils et successeur de ce dernier, Ce kumba.
"Le Seigneur Morin m'aprend que thin roy de Baol avait remporté
le 4ème du m~me mois (N.B le 4 mars) la victoire contre Latir-Condu,
son oncle, frère de dé~~unt Dammel, qui prétendait à son roayaume,
lequel a esté tué dans le combat avec un de ses frères et son fils
aîné,
et un quatrième prétendant a este fait prisonnier avec 60
nègres".
(1)
;
6:
(T) A.N~F. Col. C ·6 • 28 Mars rr.rt

151
Tous ces prétendants qui réapparaissent après la mort de
Latsukaabé, étaient certainement en exil lors de son~gne.
Dès qu'il accède au pouvoir dans le Kajoor, Latsukaabé
pratique la mAme politique intérieure. Labat nous donne un aper-
çu de cette politique :
"Comme i l craignait toujours que les
grands n'excitasseJles peuPles,.il ~it deux choses qui l'on main-
tenu sur le trône jusqu'à sa mort. La première fut de ~aire cou-
per la tête sous di~~érents prétextes à tous les grands qU'il
jugeait capables de pouvoir remuer ou qui lui donnaient le
moindre ombrage; la seconde rut de gagner 'l'a~~ection du peuple
en empêchant les grands d'exiger de leurs vassaux ce qu'ils a-
vaient droit d'en. tirer. Celà ruina absolument les grands et
obligea ceux qui évitèrent la mort de ,se retirer chez Bourba-
juiolof, et chez d'autres princes voisins. " (1).
Cette politique de Latsukaabé, basée sur la violence
à l'égard des clans royaux, répondait à une logique, et n'était
pas soutendue, comme l'a~~irme Etienne L roy, par la "paranoia"
d'un souverain. (2)
Latsukaabé a régné à une période di~~ici1e, où du rait
de la traite négrière, et des avantages qui en découlaient pour
~,
la classe dirigeante,
cet~ derniere.
~
commencé à se dispu-
ter le pouvoir, créant ainsi des troubles, qui à la longue, pou-
vaient m~m~paralyser le commerce. Latsukaabé a alors compris que
pour pouvoir tir&~ le maximum de béné~ice de cette traite, i l lui
~allait d'abord rétablir la
~hésion à l'intérieur de son royau-
me.
. (T) Labat, J., B:.
1'7'28, ':te IV', P.' 137'
(2») :LE Re>y, E'.
: Pelitique Afr±'caJ:ne, T.II (11) S-ept~"I982
. ..', ..
.....,~'::""'.. ~;""~r-. .',.:..r~~:~'
'.~~'
.-":'~-""':''' ...

152
C'est ce qu'il n'a pas manqué de faire en s'attaquant aux
membres des clans garmi et celà avec d'autant plus de violence
et de vigueur que ces dernières lui co~estaient son apparte-
nance à cette classe.
Cè n'est qu'après qu'il eut bien réglé les problèmes inté-
rieurs de son royaume, que Latsukaabé se heurta aux agents de
la compagnie de commerce.
I l peut d'autant plus faire face à Brüe, qu'au niveau du
pouvoir central, i l n'y a pas de troubles d~rant cette période.
Seuls les séreer du Bawol
.s'agitent enoore et i1est probable
que Latsukaabé profite des guerres qu'il mène contre eux pour
avoir des captifs à vendre. La relation de loyer montre en effet
que les séreer ne se :reconnaissent toujours pas dans cette or-
ganisation politique dirigée par les wolof. "Ce monarque dans
ses titres se dit roi de Cai11or, et de Bao1, ou Jarn, qui ap-
partient à un autre peuple appelé séreers proche voisin des
Ge1offes, contre qui ils sont perpétuellement en guerre." (1)
C'est donc dans un contexte d'hég~onie du Kajoor/
Bawol sur tous les autres royaumes voisins, et d'une relative
stabilité du pouvoir central qu'andré Brüe, a voulu imposer le
monopole commercial de la France dans la région.
,
Latsukaabé, en~dans "le cadre de la traite, auquel
i l est bien difficile d'échapper à son époque, ~ait néanmoins
de son règne, une longue rés~ance à l'impérialisme économique de
la compagnie royale du Sénégal".
(2)
( I) De. Loyer, G~.
(2') BQu];ègue, J.
1977, P. 179

153
En opposant le blocus économique à la compagnie,
tout en
continuant de traiter avec les autres navires étrangers, Lat-
sukaabé a considérablement géné les commerçants Français. Il a
ainsi amené la compagnie à la cher du lest, car nAD seulement,
elle n'a pas pu l'obliger à ne traiter qu'avec elle, mais encore
la concurrence des interlopes qui achetaient les esclaves à des
prix plus élevés l'amena à réviser les siens.
Jean Boulègue note ainsi la hausse du prix du capti~, qui en
1699 valai t
"30 à 40 barres " (1), alors qu'en 1693, i l ne va;:':;.
lait que 9 barres.
D'un autre eSté, Latsukaabé a essayé d'établr une ~iscalité
à l'égard des Français.Selon Loyer, "le roi Dammel a établi depuis
peu d'années en son pais un impôt sur les blanos, d'une bouteille
d'eau de vie, qu'ils appellent en leM~ langue Sangara. Ils la ~~Jl;
payent par chaque chaloupée d'eau et de .ois qu'ils tirent de ses
terres. Pour cet e~~et il a établi une espèce de receveur dans
chaque village, a~in de percevoir ce droit."(2)
Labat nous dit que ces coutumes imposées par Latsukaabé
à Lemaitre, successeur de Brûe, s'élevaient à 100 barres.
C'est la logique de Latsukaabé qui en dé~initive, explique l'échec
d'André Br':;e 1 1 Pouvoir central ~ort, régime politique basé
sur la violence, interdiction aux masses populaires d'acquérir
armes à ~eu ou poudre, donc dans un.' premier' temps, cohésion et _
relative stabilité sur le plan intérieur.

1
~erme résolution de ~aire prévaloir ses inté-
rAts .evant la compagnie commerciale.
: 197T, P. 179
{2-} DE Leyer,(;.
cité par Becker,C.
Kaelack,

Dans les premières années du XVIII ème siècle, la compagnie s'est
trouvée devant un monarque résolu à dé:fendre ses droits de sou-
verain et qui en dé:finive, y a réussi,puisque,
jusqu'à sa mort
survenue le 9Juin 1720 (1), Latsukaabé a
tenu tête aux Français.
L'erreqr de ce souverain réside dans le :fait qu'il n'a
pas pu de son vivant :faire la ~'sion totale du Kajoor et du Bawo1.
Apparemment, chacuOLdes entités politiques a gardé ses propres
institutions. Dans son récit, Labat dit qu'il nomma deux 1ieute-
nants généraux pour gouverner sous ses ordr~s, l'un le royaume
de CaJor, et l'autre celui de Bao1n(2)~
Nous reconnaissons par là les deux héritiers présompti:fs
du Kajoor et du Bawo1 1 Jambor et Ca1aw, bien que Labat les dési-
gne tous les deux,sous le nom de Jambor.
Dès sa mort, les deux royaumes allaient se séparer, ohacun ayant
i
à sa tlte un souverain distinct. Les dissensions au sein des clans ~
garmi reprennent, doublées cette :fois' . par la vo10nt.s de chaque
!.
souverain de réunir, à l'image de Latsukaabé, le KaJoor et le
Bawo1.
B. La lutte pour le pouvoir au KaJoor-Bawol 1 1720-1790
De la mort de La.ukaabé jusque vers la :fin du XVIII~me siècle
(1790.ienviron), le Kajoor et le Bawol connurent une période mar-
quée par de nombreux troubles.
Guerres oivi1es,:famines et disettes,
toutes liées au commerce
Atlantique jalonnèrent cette épisode de l'histoire d~d~~~.
.; !
"
... _.
~_.---.::.. ... ~.
or.
_~
6
(1)' A.N.F. Ceü. 0
6, 26 A<Jût 17·20
(2') Labat, J . B . I 7 2J8, T. IV, P ..J:37'

155
La nouvelle séparation du Bawol et du Kajo.r.
en Juin 1120,
marque le début d'une tension entre les classes dirigeantes
des deux pays. Cette tension se maintint jusqu'en 1136, date
à laquelle, le Dammel Ma!sa Tend Weej annexa le Bawol.
Cependant dès sa mort, qui survint en 1148, la guerre civile
allait écla.ter, oppQsant la famille maternelle des Geej à
celle des Dorobé. Ce conflit s'achève par l'assassinat du pré-
tendant Dorobé et par la victoire de la famille Geej qui, de-
puis son accession au pouvoir avec·Latsukaabé, s'affirme de
plus en plus CGmme la plus puissante des familles "Meen"
garmi.
Il est très difficile d'isoler l'histoire du BaWel
de celle du Kaj0er au XV111ème siècle. Les deux royaumes ont
.
~
connu une évolution similaire, dans la mesure où les mêmes
familles garmi avaient à la fois des droits sur le Kajoer et
sur le Bawal. Tout conflit qui éclate entre ces familles dans
l'un~des deux royaumes, se répercute dans l'autre.
La fréquente union des deux' pays entre 1695 et 1809
(soit environ 11 ans durant lesquels, le Kaj.or et le Bawol
furent dirigés par un même souverain ), est une des raisons
pour lesquelles, ils ont eu une histoire à peJ:~~mmune durant
tout le XV11Ième siècle.
L'impertance du Kajoor en tant que royaume ayant
des relatiens commerciales avec la France non seulement à
Gorée mais encore à Saint Louis, epposé.à celle du Bawol,
petit royaume dent le seul contact avec les Français se
faisait au comptoir de Portudal, peut faire penser que
l'histoire de ce dernier royaume au' XVll1ème siècle n'est
qu'un appendice de celle de son puissant voisin du KajG9r.
La relative proximité de Pertudal du compt0ir de
Gorée et les pQssibilités qu'avaient la compagnie de s'y
approvisionner n~n seulement en esclaves, mais encore en
eau, vivres et bois de chauffage; en cas de conflit avec
le Dammel du Kajoor, faisait cependant du Bawol, un royaume
avec lequel il fallait compter dans la région.
La politique des souverains du Bawo] et du Kajeor
tout au long du XV111ème siècle a été marquée par cette -&~:::.::.~>

volonté de cumul des deux titres de Dammel et de
-
Teen,non
seulement pour renforcer la puissance de leur famille "meen·' ,
mais encore pour avoir, à l'ilistar de Latsukaabé, une plus '!
grande possibilté de rip~ste lQrs des conflits les opposant
aux représentants des cempteirs eur.péens.
De leur côté, les Français, ayant tiré la leçon des multiples
problèmes qu'ils ont eu avec tatsukaabé, lors de san régne en
tant que Dammel-Teen, vont désermais user
de tous les moyens
possibles pour que les deux royaumes aient deux souverains
distincts.
" Surtout il faut emp@cher que ce..s deux couronnes ne
soient jamais sur une même tête.' La compagnie en a ressenti les
effets pendant le régne de Latir-Fal-30ucabé, elle ne doit rien
négliger pour maintenir ces peuples dans la liberté qu'ils ont
toujours eue d'avoir des rois séparez, afin que conservant l'é-
quilibre entre ces petits princes, elle soit t@ujours en état
de leur donner la loi:, les empêcher d'innover rien ni sur les
coûtumes, les ta~s des marchandises, ni le prix des vivres,
ni la liberté de faire de l'eau et du bois sur leurs terres"(r).
C'est cette politique, dégagée semble-t-il par André Brüe, qui
soutendra durant tout le XVlllème siècle, toutes les acti.ns ,'- ."-
entreprises par les représentants de la compagnie, dans la ré-
gion du KajGor/BawQl.
Essayons d'abord de voir les troubles qui ont sec~ué la régiorr
durant cette période, leurs causes et conséquences au niveau
-' "./
de la vie interne du royaume du Bawol, avant d'aborder l'anaJ~'"
lyse de la p~litique du Dammel-Teen face à la cempagnie commer-
ciale et celle de cette dernière à l'égard du Kaj ••r/Bawel.
l.
Les guerres contre le Kajoor : rivalité entre
familles "me en" et conséquences de la traite
négrière.
Les sources orales n'insistent pas beaucoup sur la crise qui
s'ouvrit au lendemain de la mort deLatsukaabé entre leKajeor et
le Baw&l, et elles passent sous silence le conflit qui opposa
Ce Kumba, successeur de Latsukaabé au Bawol, à son oncle Lat .. Kodu.
CI} : Labat, J.B.

157
Cependant, les sources écrites, surtout les lettres des gouver-
neurs de Gorée, notent bien la tension entre les souverains des
deux royaumes, dès la fin de 1722. Même si ces tensions n'abou-
tissent pas à des affrontements fréquents, elles Gnt quand même
existé et ont vraisemblablement géné le c,mmerce français.
Ainsi, dans une lettre datée du 2~ Mars, adressée aux Directeurs
de la compagnie, Dubellay note qu'il Y a " près de six mads que
ce roy (N.B. Dammel), ny son frère Thin n'ont fait de traite,
à cause de leur guerre qui n' est c~pendant pas encore terminée" (:1;,
Cet état de guerre a été quasi permanent entre le Bawol
et le Kajoor, depuis qu'ils ant deux souverains distincts.
Ainsi, de 1722 à 1736, Marsa Tend Weej, successeur de Latsukaabé
au Kajeor, a essayé de supplanter ses) deux frères qui ont régné
,,"
successivement au Bawal.
Cette situation de tension permanente entre les deux
royaumes, n'a pas dû @tre très bien ressentie par les Baw.l-
Bawol, dont les conditions de vie se sont certainement dégradées
à cette époque. En effet, la compagnie signale que "Dans,le
Bawol, il y a eu une;invasion de sauterelles et par la suite, le
mi~ s'est couché. De ce fait les rois ne viennent pas faire de
traite "( 2»):'.
Les sources orales niant pas retenu ce~~tensions entre
Marsa Tend Weej, et ses deux frèresd cela s'explique certaine-
ment par le fait que ces trois frères sont tous du m@me "meen"
(Geej), même s'ils ne sont pas de la m@me mère, et qu'en tant
que descendants directs de Latsukaabé, ils font partie de la
branche paternelle de Kl!r Ce yaasin.
Il faut souligner que, si contrairement aux familles
"meen" garmi, qui étaient assez nombreuses au Kaj.or et au Bawol,
il n'y avait qu'une famille paternelle -gen.- qui "accédait au
pouvoir, cette dernière s'était subdivisée en clans -Kl!r- au
cours du XVI1ème siècle ; nous avons ainsi :' la famille K~r Majeo
celle de K~r Ce Ndela et celle de K~r Ce Yaasin.T0utes ces .
familles descendent du m@me ancêtre CGmmun , Amari
(t)A.Ii.f.Col. C6,8. 28 Mars 1724
(t)A.".f. Cel. C6, 71. S.D.

158
Ngoné Sobel, premier Dammel/teeh •
Même si la rivalité entre ces différents "KIr", n'é-
tait pas aussi aigüe que celle entpe les différentes familles
"meen" -
commenous le verrons plus loin -, i l e~certain qu'elle
a quand mAme existé.
Le premier exemple de cette~iva1ité nous est donné
par l'af~rontement entre le Damme1 Maisa Tend
et son neveu Ma-
kodu Kumba Jarik. Ce conflit est le premier retenu par les
sources orales, depuis la mort de Latsukaabé. Les sources écri-
tes ne le mentionnent pas clairement, mais parlent d'un fils
du défunt teek, que le Dammel aurait chassé du Bavo1 ,"Le dé-
partement de Gorée n'a presque ribn ' tait cette année, mais la
mort du Roy thin qui 'est arrivée en avril dernier, procurera
"
.
peut-être des captifs. Dammel a chassé le fils du déf~HT~ mais i l
n'est pas encore paisible possesseur ; i l Y a plusieurs préten-
Il s'agit certainement du»eve~ de l'ancien tee~, et non
œ son fils. D'après ~Oro )AW., Tanor Latsukaabé Fa11 et presque
tous nos informateurs,
ce conflit connu sous le nom de "Jiber
Sangay Mbol"(~) fut très meurtrièr, et se termina à l'avantage
de Marsa Tend.
Nous pensons que la cause de ce conflit relève non
'P~~~
seulement de l'ambition~de Marssa Tend, mais encore de la vo10n-
té de ce dernier de conserver le pouvoir politique au Bavol
et au Kajoor, dans la famille de Kir Ce Yaasin à laquelle i l ap-
cd.
(1,) A.N.F 1 C6,11

15 Juin 1736
1~l4,
(~) T.L. Fall • B.I.F.A.N.StA.8,1974
Janv" P. 116

159
~
-partenait. Si Makodu Kumba Jarln est de famille "meen" Geej,
du côté partemel, i l descend non pas de Latsukaabé, mais de
~autre branche que l'on appelle Kër Ce Ndela. Il est le fils du
Lamasaas Macoro Fay Faal, lui mAme fils de l'ancien tee~ Njande o•
Farimata; ce dernier étant le fils de Ce Ndela, Makodu Kumba
Jari~ est donc issu de la branche c9llatérale de la famille de
Maisa tend Weej.
Ses prétentions sur le Bawol étaient légitimes, mais
à une époque où les institutions du :~yaume étaient pratique-
ment vidées de leur contenu, c'est la violence et la puissance
militaire qui désormais donnaient accès au pouvoir.
Tanor Latsukaabé Faal affirme que Makodu était soute-
nu dans ce conflit par les Bawol-Bawol
" ••• Makodu, fils de
Lamasaas Matioro Fall, le héro de Nganiane, d'accord avec tous
les notables et les guerriers du Baol, lui opposa une vive résis-
tance sur le trône de ce pays".
(1)
L'on se demande ~e que sont devenus le Jaraaf.Bawol
et l'assemblée des notables qui en principe étaient chargés de
l'élection du teek. Le récit de Tanor Latsukaabé illustre par-
~itement la situation 1 les représentants du contre-pouvoir,
ont perdu effioacité et pouvoir de déoision.
L'accession de Maisa Tend Weej au pouvoir dans le
Bawol, montre qu'en fait,
depuis Latsukaabé, la puissance des
armes a remplacé l'autorité des contre-pouvoirs qui existaient
(1) T. L Fall 1 B.I.F.A.N.~/Janv.1974
P. 116

160
au Bawo1 1 Jaraa~ bawo1 et assemblée des no~ab1es.
ADBi selon Tanor Latsukaabé, Harsa Tend, "vainqueur
rut élu de ~orce t~gne du bao1 et gouverna les deux pays" (1).
Les populations du Bawo1 eurent à subir non seulement
les pillages et razzi&fque les Damme1-teek pouvaient ~aire sur
eux, mais en plus ils durent soutenir les guerres qui se décla-
raient entre les di~~~entes branche. de ces ~ami11es garmi.
Jusqu'en 1737, les troub1e8 ont continé dans le royau-
'",
me ; les incursions des prétendants ont été telles qu'elles
ont même géné le Damme1-teeh dans 8es transactions. ~ effet,
une lettre du con8ei1 supérieur du Sénégal à la compagnie note
que 1 "Ce rvy nous a ~ait avertir par deux fois à Gorée, qu'il
allait se rendre à Portuda1 sans avoir pu exécuter sa parole par
l'emba~as que Luy cause un prétendant au royaume du bao1 qui est
soutenu par un ~rère de Dame1"(~).
Nous identi~ions ce prétendant au même Hakodu Kumba
Jari~, dont l'alliance avec Maawa Mbacco Samb, ~rère du Damme1
Marsa Tend, est signalée par Tanor Latsukkaabé Faa1 -(~9
En effet,
outre les problèmes qui lui p08ait son ne-
. u au Bawo1, Harsa Tend eut aussi à soutenir la concurrence de
son frère Mawa au Kajoor. Ce dernieré~ait de "meen" dorobé.
Les Dorobé sont une ~ami11e "meen" garmi, qui a réussi
à accéder au pouvoir dans le Bawo1, vers la fin du ,WVII ème siè-
cle, avec le tee~ Ce Ceembe1. La rivalité qu'il y eut entre cet-
te ~ami11e et celle des Geej va plonger le Kajoor et le Bavo1
, ...6,
(1.) fAL.L l'T. ~ ~ B.I.f.A."'. ':fA"'V. ,....... , '1. 't'l'
(.2.) A.N.F.r.ot.c6.11 ,
2 aout 1737

161
dans une guerre civile qui durera sept ans 1 1749~1756.
Comme les Geej, les Dorobé ont accédé au pouvoir dans
la se,ahde moitié du XVII ème siècle, a la suite des troubles
provoqués par la succession di~~icile du tee~ Ce Nde1a.
CI_st donc une ~amille garmi dont l'ascenaion récente
tout comme celle des Geej, provient du bouleversement social et
politique crée par la traite esclavagiste dans cette région.
Dès la mort de Maisa Tend, les Dorobé menèrent une o~-
~ensive généralisée contre les Geej, tant au Kajoar qu'au Bawol •
..,
La guerre civile qui se déclencha au Kajoor entre par-
tisans des Dorobé et partisans des Geej, eut des répercussions
au Bawol, dans la mesure où en 1751, Maawa Mbaaco Samb, après
woir chassé les Geej duKajoor, s'empare aussi du Bawol.
Une lettre du conseil supérieur du S'néga1 à la compa-
gnie,datée du 30 juin 1751, nous apprend en effet que:" ce roy
dont l'ambition n'a point de bornes ,
toujours inquiet, turbu-
lent et extremement amy de la nouveauté, ne cher~ depuis qu'il
est le
Maitre du royaume du baol, qu'à rompre avec nous •••• ·(1)
I l est possible que. Il. conflit ayant opposé Maawa au
Tee1r Ce YaA-)in Isa successeur de Ma'fsa Tend au Bawo1 eut lieu bien
avant 1751. Les sour'~
écrites insistent beaucoup plus sur le
,
d~oulement de la crise au Kajoor, et les sourc~
orales ne nous
pt~ettent pas d'apporter plus de précison sur la date de l'avè-
nement du parti Dorobé au Bawol.
(1) A.N.F.c.e.c6.13 , 30 Juin 1751

162
Cependant, i1 est certain que 1a prise du pouvoir par Maawa est à
1'origine de 1a crise qui secoue 1a c1asse dirigeante du Bawo1
durant cette période.
Cette crise aboutit au siège de Maka, capita1e du
Kajoor/Bawo1. Les sources ora1es donnent beaucoup de détai1s
concernant 1e conf1it. Ce fut une coa1ition de toute 1a fami11e
Geej contre 1es Dorobé.
Le Teek Ce Ya~~~ Isa (Geej) et 1e Damme1 Ma1sa Bige
(Geej),
tous deux d'trônés par Maawa,
se sont a11iés contre'1ui
et sont a11és 1'assiéger dans sa oapita1e. L'a~frontemeDt se
termine à 1 t aTaDtage des Dorobé, et 1e Teetee YaQ~~fut tué.
Cependant, 1a disparition de Ce Y~in'ne mit pas fin aux trou-
b1es. La fami11e Geej a continué à faire de fréquentes attaques
contre 1e Damme1-teeh Maawa. Cette situation de troub1es inté
rieurs se maintient jusqu'en 1756, date de 1a mort de Maawa,
qui fut assassiné par 1e 1aman<.ek Lambaay (1.).
Avec Makodu Kumba Jari~, Les Geej revinrent au pou-
voir dans 1e Bawo1 et 1e conservèrent Dusqutau début du XIX ème
sièc1e. La prépondérance des Geej sur 1es autres fami11es garmi
au oours du XVIII ème sièc1e·: se trouve ainsi étab1ie, puis,
1
.au Kajoor ausai,
c'est un des membres de cette fami11e qui est
au pouvoir. La main mise de cette fami11e:
sur 1es deux royau-
mes ne signifie pas p~autant 1a fin des troub1es.
En effet, si 1es riva1ités entre fami11es "meen" se
trouvent atténuéea, 1e contexte po1itique généra1 de 1a r~g.iôN·.~
ne favorise pas 1'insta11ation d'une paix durab1e dans 1es ro~u-
mes.
(1) V. MARTIN,C. BECKER 1 B.I.F.A.N. 1976. Sér B,NO),P.~ 484

163
Le vaalo, gouverné depuis le début du XVIII ème siècle
par une seule famille maternelle -les TeJeek-, n'a pas connu
comme le Kajoor/Bawol, de guerres intestines. Le pouvoir central
de ce royaume est donc très fort au début de la
.S~40nde moitié
du
XVIII ème siècle. Les rivalités Franco-Anglaises déc~ulant
de la guerre de succession d'Autriche -
1740-1748 -
ont abouti
à l'occupation de Saint Louis èt de Gorée, en 1758 par,J~S Anglais.
Le Kajoor miné par la guerre civile dont i l se rele-
vait diffioilement était très affaibli à cette époque. Le
Brak Natago Aram Bakar comprit qu'il pouvait tirer probit de cet-
positbn de faiblesse du Dammel, en annexant les territoires
du Kajoor qui se trouvaient à proximit~ du comptoir de Saint
Louis. Il pourrait ai~si bénficier des coutumes que les Anglais
devaient verser au Dammel.
(1)
Avec une vaste coalition de plusieurs souverains,
<
Natago attaqua le Dammel de l'époque, le jeune MaJoor qui avait
succédé à MaIsa Bigé au Kajoor. Doumet nous dit qu'en 1764,
" sept puissances Se. .sont unies pour sa déffaite
celle de
Boubayolof, brac, les maures, le prétendants
des Siratiques,
deux prétendants détr&.nés de Baol et un de Cayor aussi détrôné.
Tous attaquèrent Dammel qui se retira sur les fronti.res de
Tin,~son allié) dans les états duqU&L
i l fit retirer les fem-
mes, les
vieillards, et les enfants et les bestiaux "(2).
Ainsi, le Bavol allié au Kajoor, eut à soutenir une
guerre avec le Brak, pour limiter les ambitions h'c'aonistes de
(1) Voir B. BARRY 1 1972
P. 20)
(2) C. BECKER V.MARTIN 1 Mémoire in'dit de Doumet (1769)B.I.F.A.N.
1974 SER. B N°l
P.'7

164
ce dernier.
Cette alliance entre les classes dirigeantes du Kajo.
et du Bavol ne dura pas longtemps, dans la mesure où dès Mars
1767, le tee~ Makodu Kumba Jari~, s'empare du pouvoir au Kajoor
et contraint le Dammel Majoor à l'exil.
Une ~ois de p~us, la discorde régna entre les membres
œ la ~amille Geej. Relatant les 'circonstances de la déposition
de Majoor, Tanor Latsukaabé Faal a:t'firme que "élu très jeune, Mat:=:-
.e
dLor se livrait à
noWbreux amusements avec ses camarades, sans
5e lsoucier de l'administration de son royau~e. Durant trois an-
nées le peuple se plaignait sans &tre éoouté de sa négligence.
Les exactions, les abus, les pillages se multipliaient. Les no-
'ables qui n'avaient aucune in:t'luence auprès du roi intervinrent
vainement à plusieurs reprises. Indignés, i l s '
se réunirent
et se concertèrent pour expUlser le Damel suivant la coutume.
Madior partit vers le Saloum et fut remplacé par le prinoe Mako-
du Kumba Diaring ...... (1)
Cette version de Tanor Latsukaabé présente les ~aits
comme si dans cette seconde moitié du XVIII ème siècle, avec le
règne des pouvoirs militaires, les Dotables étaient encore en
mesure de :t'aire respecter les institutions dans lesyroyaumes
sénégambiens.
La lecture des sources écrites nous inciteDt à donner
une autre version de la déposition de MaJoor, en e:t':t'et, dès 1764,
peu après la reprise de Gorée par les Français, le gouverneur
Po .cet de La Rivière passe avec le Dammel, un traité lui cédant
une partie de son territoire 1 la pointe de "Dacard et de Bin"
r:1') T.L FaCl 1 B.I.F.AN. 1974, sér. B,N°1, P. 121

165
L'application e~~ective du traité semble avoir posé
des problèmes aux Français, puisqu'en mai 1765, le nouveau gou-
verneur Esmenager envoie Sa1vigny au kajoor pour la oon~irma-
tion de la cession du cap vert aux Français, avec cette recom-
mandation t "il ~era attention que comme le roy Damel est mineur,
i l sera à propos que sa mère, proches parents , ministres et
grands jeans signent la dite cession et que le roy Damel s'o-
blige à la rati~ier de nouveau à sa majorité". (~)
Cette recommandation ~u gouverneûr laisse supposer
que l'entourage de Dammel, la ~amil1e Geej, n'était pas d'accord
pour cette ~putation du patri.oine foncier du Kajoor.
L'hostilité des dirigeants du Kajoor est illustrée
par l'attitude de "l~a1kati" de ru~isque qui "aurait soulevé
des gens de tous les villages (ben, dakar, yo~, Ngor), contre
les blancs, et aurait ~ait piller un navire" (1) en 1766.
Nous pensons que la
'prise du pouvoir par Makodu au
Kajoor a été ~aci1itée par cette tension qui existait entre
Majoor, et ses principaux collaborateurs (certainement les cap-
ti~s Geej qui avaient ~ini par occuper d'importants postMau
Kajoor ).Majoor n'a pas été bien soutenu par la ~amille Geej~
peu sa tis~aite dq . trai té qu'il avait passé avec les ~rançais.
Tanor Latsukkabé, aborde d'ailleurs cette question
quand i l relate le siège de Xandan établi par Majoor t
"Madior
occupa la capitale durant huit jours. Aücun guerrier n'était
venu ~aire sa soumission, aucun notable ne s'était pr'senté" (~).

166
Finalement la défaite de Majoor face à Makodu Kumba
JariK a été voulue par llentourage du premier et on peut dire
que ce sont les guerrieMde Majoor qui llont déposé puisque ne
llayant pas soutenu dans ce conflit. 0"
l'.....t d()"c."o."a~UI\\. "\\M",
Makodu Kumba Jari~ devint Dammel/teen en 1767 (t),
par la volonté des guerriers Ceddo. Cependant Makodu lui même
aura à faire face à ces ceddo, dont la puissance slaffirme de
plus en plus. Au cours de son règne i l eut à slaffronter avec
son Fara Kaba, -chef de la province du Kab~, qui lui tint tête
pendant 40 jours. Selon Lebrasseur, Fara Kaba N a à sa solde
plus de 4000 Hommes et porte le fer et la ~mme dans toutes
les possessiom du prince dont i l a été 11 esclave". (.t)
Cette affi~ation de Le Brasseur montre à quel point
siest accrue llimportance des esclaves de la couronne puisque
simple esclave de Dammel, le fara kaha est malgré tout capable
de slattaquer à son mattre avec 4000 hommes.
Les princes dirigeants du Kajoor et du Bavol durent
~s cette époque composer avec les esclaves de la couronne qui
tendaient à avoir autant de pouvoir qu'eux. L'alliance des sou-
verains avec les esclaves de la couronne constituait pour les
.,
premiers un risque à courir. ~ effet, si la fidelité de ces
derniers peut leur garantir une victoire sur les autres prétendants
au pouvoir, i l nlest pas à exclure que forts de la protection
royale, ces esclaves essaient dlacquérir de plus en plus de pri-
vilèges qui slils ne leur sont pas accordés, peuvent donn~ais-
---.:..._~.'
(~) A.N.F c6, 15, 14 Aout 1767
(~) C. BECKER,
V. MARTIN 2 B.I.F.A.N.
Sé~B) 1977)N°1. P. 97

167
-sance à des con:fli ts. L'exemple dll Fara Kaba du· Dammel/teelf'
Makodu Kumba Jardt.
l ' ilJ.us tre
parfai temen t •
Les guerres découlant des rivalités entre les diffé-
rentes familles "meen" des prétendants, jointes aux oonflits
qui éclataient entre les deux royaumes pour leur éventuelle
UniOn, en plus de ceux qûe le Kajoor/Bawol livrait aux autres
royaumes sénégambiens -waalo, siin, JolOf,~ ont profondément
bou~versé la société Bawol-Bawol •
Jusqu'en 1790, les co~flits avec ~e Kajoor ont con-
tinué, bien qu'une seule :famille maternelle soit au po~r
dans les deux royaumes. La succession du Dammel/teea Makodu kumba
Jari~ a donné naissance à une guerre entre le Kajoor et le
Bawol, où deux préteQdants Geej se disputaient le pouvoir 1
Biram Fatim Penda et Amari Ngoné Ndela. Il apparalt donc,que
les seules rivalités entre familles "meen", n'ont pas été à
l'origine de tous les con:flits qui tout au long du XVIII ème
siècle ont jalonné l'histoire de ces deux royaumes.
Une autre cause est à rechercher au niveau de la po-
litique menée par les européens installés dans leurs comptoirs
de Gorée et de Saint Louis, à l'égard du Kajoor et du Bawol,
avec lesque~ ils entretenaient des relations commerciales.
2 ) La politique commerciale Française à l'égard du Kajoor/Bawol
au XVIII ème siècle et l'attitude des dammel-tee~
Dès la fin du premier quart du XVIII ème siècle, la

I68
compagnie commerciale du Sénégal va dé~inir une politique à
l'égard du Kajoor et du Bavol, ces deux royaumes gouvernés par
les mArnes :familles "aristocratiques" et dont l'union réalisée
par le dammel/ teek Latsukaabé Faal avait porté tant
de pré-
judices au commerce :français.
Ainsi durant tout le XVIII ème siècle, les Français vont
essayer de maintenir les deux royaumes séparés. Ce souci est
dicté par la volonté de diminuer le pouvoir des dammel-tee~,'
qui ma!tres du Kajoor et du Bav~l, pouvaierit en cas de con:flit
avec les commerçants français,
rompre les relations commercia-
les avec ces derniers, les mettant ainsi dans une situation très
~nante. La posi tiGn insulaire de Gorée, rendait le comptoir ~ran-
çais très dépendant ~es royaumes voisins, le Kajoor notamment.
L'approvisionnement de l ' t l e en eau, bois de ohau~~a-
ge et vivres était assuré par le Ka"O~'. Quand oe dernier royaU;:;"
-"
"
me se trouvait en conflit avec le comptoir, c'est à PortudalJ,
port de mer du Bavol que les :français se ravitaillaient.
Lorsque ces deux ro~aumes étaient dirigés par un mIme
souverain, le comptoir de Gorée se trouvait dans une poâtion
assez inconfortable, puisque le moindre blocage dans les transac-
tions rendait di~~icile le ravitaillement de l'tle. Dans oe cas
c'est au comptoir de Joal, dans le ro~aume du siin où les fran-
çais allaient s'appYo.i~''''ftCA. ce qui est moins pratique pour eux,
puisque Joal se trouve plus au sud de Portudal, donc assez loin
de Gorée. C'est le problème du ravitaillement de leur oomptoir
en eau, __ ,vivres et bois qui a pouss4 les français à intervenir
assez souvent dans les a:f:faires intérieures du Kajoor et du Ba-
wol dans le but de maintenir la séparation de ces deux royaumes.

169
1
A ce1à. il ~aut ajouter le ~ait que les longues ruptures de
traite ne ~avorisaient pas l'approvisionnement du comptoir
en esclaves.
La politique ~rançaise durant tout le XVIII ème siècle
a cons~~ non pas à intervenir directement dans les a~~aires
intérieures des états. mais à ~avoriser tel prétendant au dé-
triment de tel autre.
Ainsi. dès 1737. quand pour la première ~ois depuis la
mort de Latsukkaabé. le Kajoor et le Bavo1 se trouvèrent ré~u,lJ~">
.~'
les ~rançais pour les besoins de ·leur commerce songèrent 'à ar-
mer d'autres pr~tendants pour une s~paration des deux royaumes.
En e~~et. outre les problèmes de l'approvisionnement de
leur comptoir. la conourrence anglaise sur la eSte .énégambienne
a beauëoyp géné les ~rançai8 au cours du XVIII ème siècle.
Installés dans leur comptoir de Gamb~ les anglais remontaient
la côte sénégambienne jusqu'à Portuda1. et commerçaient avec
les souverains dUSQa1oum. du
siin et du Bavo1. Quand ce dernier
royaume~était uni au Kajoor. le damme1-tee~ pouvait en cas de
con~lit avec les ~rançais rompre la traite avec eux.
ce qui ne
A
l'empechait pas de traiter avec les anglais dans son port de
mer de Portuda1. Ainsi le Kajoor/Bavo1 pouvait pendant un cer-
tain temps se passer des commerçants ~rançais.
La lettre du conseil supérieur de Gorée en date du
31 mai 1737 adressée à la compagnie montre très clairement les
di~~icu1tés ~rançaises en ~ace d'uae union Kajoor/Bavo1. Il y est
ainsi noté quel Mil serait essentiel pour le bien du commeroe de

170
la compagnie
que le royaume de thin dont damel vient de ~aire
la conquête fut possédé par un autre. Il ne serait plus aportée
d'avoir communication avec les anglais, puisque ces derniers
ne peuvent pas passer Pordudal ••• au lieu que damel, maistre
des deux royaumes est en état de se passer de nous. On pourrait
parvenir à le chasser du pais de thin en ~ournissant des armes
et des munitions à son concurrent qui est très porté à recom-
mencer la guerre s ' i l en avait les moyens-.
(1)
La position t'rançaise, est très claire, et'-il est cer-
tain que l'application de cette politique à été une des causes
des nombreux troubles qui ont eu lieu dans le Kajoor et le Bavol
au XVIII ème siècle. Si les rivalités ,entre familles "Meen" ont
entraIné des guerres,civiles, les besoins du commerce atlanti-
que, alliés à la concurrence entre la France et l'Angleterre
ont eux aussi alimenté la plupart des con~lits entre le Kajoor
et le Bavol.
Charles Becker a remarquablement bien analysé cette
politique commerciale t'rançaise au XVIII ème siècle, en mettant
~accent
non seulement sur la volonté ~rançaise de voir le
Kajoor et le Bavol séparés, mais encore sur la selection opérée
par les commerçants au niveau de la Tente des armes, et sur l'at-
trait que cDnstituaient les coutumes -droit de commerce- versés
par ces derniers aux souverains locaux. I l note ainsi 1 "La
vente des armes a été réservée essentiellement et par~ois exclu-
sivement aux rois et aux che~s. Cette attitude qui a prévalu
au XVIII ème siècle mani~este que le commerce atlantique a ~orte-
ment contribué à la détérioration des rapports sociaux en ar-
mant les princes et en af~aiblissant le paysannat-. (2)
(1) t\\ .t4,~. CoL c..'. ~'\\,
'h "", \\'~n·
<..1.) &..c..~ ,e.. ,,~., ,v:.
R~,,(.. F"\\Q.M) ~.(.. cl'...u...,... d,'h.... ~I\\"'" ,"'.61., ln,. r. t r~

171
I l apparaît ainsi, que le souci majeur de la compagnie commer-
ciale a été durant tout le XVIII ème siècle de ~aire le maxi-
mum d'achat de captirs. Ils ont souvent souhaité sinon romen-
té des conrlits entre les deux royaumes dans la mesure où les
~oubles crés leur permettaient de ~aire de bonnes traites.
Cependant, quand les tensions ou con~ts risquaient
de perturber ou de diminuer le volume de la traite, ils propo-
saient très vite leur médiation pour la paix entre 1es deux
!Duverains.
Les nombreuses
lettres des gouverneurs et du conseil
sqpérieur de Gorée se trouvant la série c6 des archives Natio:-x~
.;':-"
nales de France évoquent à plusieurs reprises l'inquiétude des
~rançais en ~ace d'un conrlit pro1ongé entre Damae1 et tee~.
Ainsi en 1724, lors du con~lit qui opposa 1es succes-
seurs de Latsukaabé , Maisa Tend et Ce kumba, 1es français v~~_~-
1G"t que l'état de guerre permanent dans les deux royaumes ne
permettait pas aux souverains de venir régulièrement traiter à
1eur comptoir, essayèrent de les amener à ~aire la paix et leur
proposèrent plutôt de raire des pi1lages.
Cette préoccupation apparaît d'ailleurs très nettement 0_
dans la lettre adressée par Dubellay directeur de 1a compagnie
de 1'époque à La~ore, directeur de Gorée 1 "La compagnie m'or-
donne Monsieur de vous marquer d'engager par que1ques présents
et par de rortes sollicitations les roys thin et dame1 à la paix
en leur repr'sentant qu'il y vat de leurs intér3ts
J par oe
qu'i1s seroient après en état de raire de courses sur leurs en-

172
nemis,
je dis les séraires et de piller sur leurs sujets lors-
qu'ils en seroient mécontents,
comme ~eu damel la tir ~al l'a
:Cai t
"
(i).
Ce passage montre que d~s l'instant où les int'rAts
du commerce étaient en jeu, les européens n'ont pas hésité à
intervenir auprès des souverains a:Cricains, les poussant à
mieux s'engager dans la traite. La politique de neutralité
envers les di:C:Cérents éta~a:Cricain.,qu'ilsauraient observé
selon Philippe Curtin (~), doit dans ce cas Atre très relativi_
sée. ~ e:C:Cet, les documents :Crançais du XVIII ème siècle, mon-
trent que mAme s'ils ne sont pas intervenus directement ~~~les
con:Clits ou pillages des souverains, les européens les ont
quand mAme encouragé et même entretenu par la vente des armes,
et les cadeaux accor~és dans ce sens • Français et Anglais ont
appliqué la mAme politique pendant cette période.
Ainsi, pendant l'occupation anglaise de Saint-Louis
(1758-1779), le gouverneur O'Hara, pour se procurer des capti:Cs
a exploité les di~:Cicultés intérieures du souverain du KaJoor-'
Bavol. En mars 1773, Makoiu Kumba Jarl~ était damme1-teek du
Kajoor et du Baol
; une lettre de Boni~ace au Ministre note
qu'O'Hara "lui a :Courni de la poudre et des bales contre un roy
qu'il a détrané (certainement Majoor Joor Yaasin), et en même
temps, i l approvisionne le roy malheureux, pour qu'il puisse se
remettre sur le
throne. C'est ainsi qu'en ~aisant batre l'un
contre l'autre,les anglais ont exc1usivement les capti:Cs" (3)
6
(1): 'A,.1f~!. ca~. c_ 8, 2'6 Aeût 172.f
( Z )' CUrt in, PFR.
: 197'5
6
( (j) A• N'•.F • Cctl! • C
16,Mars; 17fT3
,"i

173
Les ~rançais,quelques anD4es plus tard ( 1777),
devant la ~aiblesse de leur commerce due à la présaDoe anglaise
à Saint-Louis, et à la rupture de traite déoidée par le dammel-
teek, aur.it projeté de ~aire envahir le ~oor et le Bawol par
les Trarza, dans le but dlavoir des capti~s. C'est ainsi que
dlaprès une lettre dlArment au Ministre, Lebrasseur
aurait
envoyé à ce dernier,
"un projet de révo·J.utioJ'l dans les royau-
mes de C~yor et de Baol par des traités secrets que l'on pourrait
adroitement ménager avec les Maures" (1)
Ces deux passages illustrent d'une ~açon très nette
un aspect de la politique des comptoirs europ4ens à l'égard
du Kajoor et du Bawol.
Si la ponction démographique e~~ectuée en S4négambie
lors de la t~e esclavagiste est in~érieure à celle faite dans
les régions situées plus au sud de lla~rique, i l n'en demeure
pas moins que les royaumes sénégambiens évoluant dans le con-
texte de la traite ont connu des bouleversements profonds liés
à lteng. .~nt de leurs classes dirigeantes dans oe oommerce.
Avant œvoir comment se présentait le Bavol à la fin
de ce siècle, essayons
dlabord/de faire un aperçu
d~
la poli-
tique des teel pendant cette période de l'histoire du royaume •
• Les tee~ du XVIII ème siècle ~ace au comptoir de Gorée.
Comme nous llavons déjà souligné plus haut,le XVIII ème
siècle et la période pendant laquelle le Kajoor et le Bawol ont
cd.
(i) A.N.F. v C6.17,MARS 177'.

174
été le plus souvent dirigés par un m3me souverain.
Six rois ont porté le titre de Dammel-teeh de 1695 jusqu'au
début du XIXème siècle, ce qui représente un chi~~re considé-
rable,
comparé au siècle suivant où l'union du Kajoor et du
Bavol n'a pu 3tre réalisée que par trois souverains.
Il semble qu'il ~aille chercher dans cette union
~réquente des deux royaumes une politique élaborée par Latsukaa-
bé Ngoné Jeey et que ses successeurs ont essayé d'appliquer à
leur tour. Cette volonté de ré~i~ication du Kajoor et du Bavol
a été mani~e8te chez presque tous les souverains de la période
considérée.
Comme La tsukaabé, ces derniers ont .. u que le ~ront
uni Kajoor!bavol en ~ace du comptoir de Gorée rendait ce dernier
très dépendant des deux royaue~,ce qui,comme nous l'a_ona
expliqué,limitait considérablement ses moyens d'action à leur
égard. ·.·Sur le plan commercial, les ri"a l i tés franco-anglaises
aidant, le dammel-teeh avait l'avantage de pouvoir commercer non
seulement à Saint-Louis, Ru~isque et Portudal avec les 'f.rançaia
mais encore i l pouvait le ~aire aussi avec les anglais à Portudal
ou encore en Gambie dQ~ le comptoir de ces derniers.
Dans l'ensemble, les souverains ont été dans une po-
sition assez Confortable en ~ace des commerçants. Et m3me si
c'est l'europe qui a eu l'initiative de venir ~aire ducommerce
sur les côtes sénégambiennes, les souverains du Kajoor!bavol,
d9s l'instant où ils ont compris tout l'intérêt qu'eux m3m~
povvaient tirer de ce commerce pour ren~orcer leur pouvoir à
l'intérieur de leurs états, se sont comportés en partenaires

175
On note ainsi que ,les souverains du XVIilème siècle
engagés dans la traite esclavagiste ont su~
défendre leurs in-
térats en face des commerçants européens, jouant le plus sou-
~Ult
sur les rivalités entre les deux puissances présentes sur
leurs côtes.
Dès qu'ils ét.ient maitr~des deux royaumes, les
dammel-teeh brandissaient la menace d'aller en Gambie pour
commercer avec les anglais. Celà a souvent été la cause des
conflits entre Gorée et le Kajoor/Bawol, conflits entrainant
la rupture des transa~tions par l'un des d~ux partis.
Cette menace constante des dammel-teeh est aussi une
des raisons pour lesquelles, les français, pour protéger leur
commerce, ont eu de plus en plus tendance à intervenir dans les
affaires intérieures des deux royaumes, y suscitant des intrigues
qui le plus souvent ont débouché sur des guerres civiles.
La fréquente union du Kajoor/Bawol dans le courant du
XVIII ème siècle est donc à lier à la politique des souverains
locaux, qui non seulement y voyaient un moyen de renforcement
du pouvoir dans la branche de leur famille "meen", mais encore une
manière d'avoir plus de liberté d'actin face ~u comptoir de Gorée.
Ainsi, dès 1737, Maisa Tend Wecj qui venait de réunir
les deux royaumes agit dans ce sens.
"Depuis qu'il a fait la conquette du royaume de thin et qU~il.;d:~;";
en est paisible possesseur, i l . fait appeler les anglais du
fort Jacques en Gambie pour s'établir à Portudal où ils sont
actuellement avec un batteau en attendant l'arrivée de Dammel
pour t~aiter avec luy. Ce sont des voisins bien remuants et bien
1
1
incommodes
nous sommes indignes de la conduite que tient Dammel
avec nous "(1)
11
c.4lt.
(1) A.N.F.\\' C6.11,
31 MAI 1737
1

-I76
L'importance du Kajoor relevait de la longueur de
ses cStes de mer qui s'étendaient depuis saint-Louis jusqu'à
Bargny, permettant à ses souverains de bénéficier des avan-
tages du commerce entretenu avec les Français tant à Gorée qu'à
Saint Louis.
Le Bavol n'avait que Portudal comme port de mer, et
n'avait de relations commerciales avec les français qu'à leur
,
comptoir de Gorée. Cependant, sit"uc.
alt.sud dAXajoor, le Bavol
se trouvait relativement plus
~oche des Anglais de Gambie.
Ainsi ses souverains"pouvaient non seulement envoyer
des marchdndises aux anglais, mais en plus,
ces derniers remon-
taient jusqu'à Portudal pour y trafiquer. Pour Le Kajoor donc,
tout comme pour le Bawol,
seule l'uniQn des deux royaumes pou-
vai t permettre au sO';1verain cle mieux profiter de la traite, et
de jouer sur les rivalités entre Français et Anglais pour en ti-
rer tous les bénéfices possibles.
;
Cette politique d'~nion
tentée par six souverains
Î,
dans le courant du XVIII ème siècle s'est avérée assez efficace
dans la mesu~e où elle a mis en g3ne le comptoir de Gorée,l'o-
i
bligeant d'ailleurs à élaborer une politique visant à la sépara~
t,\\
tion des deux royaumes.
1
1
Cependant,
comme l'a souligné Charles Becker, nl~istoire
de ces deux royaumes montre que cette politique -celle des com-
merçants français- n'a pas toujours réussi à obtenir les résul-
1
tats escomptés, mais qu'elle a fortement oontribué·à la création
du climat d'insécurité et à la multiplication des guerres et
pillages qui ont marqué le XVIII ème
"
sièole. (,,'
(I) Becker, C.
: Revue française d'Histoire d' Outre-Mer,i';I976,
P. 290

177
Quelles
ont été les conséquences engendrées par ce siècle de
traite esclavagiste ~ comment se présente ce petit royaume
du Bavo1 à la veille du XIXème siècle ?
Nous allons essayer de voir d'abord la situation
sociale du pays et tous les problèmes découlant des relations
entretenues par la classe dirigeante avec les commerçants
Français, ensuite nous ~erons l'analyse du pouvoir des teeh
et de l'évolution qu'il a subi.
1
1
1
1
1

178
CHAPITRE II
Le Bawo1 à la ~in du XVIII ème siècle 1 A~~rontement e~re
Ceddo
(représentants du pouvoir poli tique) etmarabouts (repré-
sentants du pouvoir 're1i-gieux.)
Comme nous venons de le voir, le Bawo1 a été le
théâtre de nombreux con~lit8 durant le XVIII ème siècle. Ses
~réquentes réunifications avec le KaJoor ont fait que, mime si
les con~lits ne se passaient pas dans le royaume, ce dernier y
participait quand même, puisqu'un seul souverain dirigeait les
deux pays.
L'attrait des marchandises européennes a aiguisé les
contraditions déjà existantes au sein des familles dirigeantes
La lutte pour le pouvoir entreprise à l'intérieur du royaume
par les di~férent.s ~ami11es • garmi-, en plus des conflits
que le Sawo1, allié au Kajoor eut à soutenir soit contre le
waalo, soit contre le
jo1o~, ont pro~ondément perturbé la socié-
té Bawo1-Bawo1.
Les guerres civiles et les con~lits extérieurs s'ac-
compagnaient "-géa'ralement de ventes d'esclaves par les souve-
rains. Ainsi, lors des con~lits de succession,kcomptoir de Gorée
s'attendait toujours à une bonne traite, puisque les vainc..u8
étaient souvent vendus aux ~rançai8. La période de guerre civile
qui de 1749 à 1756, a~'ecta le Kajoor et le Bawo1 a permis aux
Français l'achat de
nDmbreux captifs, qui provenaient tous de
la région. Une lettre du conseil supérieur du Sénégal à la com-

179
-pagnie datée du 20 juin 1753, mentionne l'importance de la
traite ~aite par le dammel-teeh durant cette année.
"11 nous a vendu dans le courant de l'année
près de 400 capti~s
et nous n'avons~s connaissance qu'aucun de ses prédecesseurs
ait jamais ~ait une traite si abondance. Comme ce roy ne prend
presque que des armes et des munitions de guerre pour l'échan-
ge de ses capti~s, i l ne nous reste presque plus de fUsils de
trai te ". ('1.)
Nous n'avons pas de données plus~précises sur la rai-
son de cette vente massive d'esclaves par le dammel-teeh, mais
nous sommes tentés de la lier à la guerre qui à cete époque
opposait les dorobés et les Geej au Kajoor et au Bavol.
I l est mSme pOSSIble que oe soit après le siège de
Maka e~~ectué par la coalition des Geej, que le dammel-teek
Maawa, vainqueur de Ce Yaasin et de Ma!sa Bige ait fait cette im-
portante traite. Le siège de Maka aurait eu lieu dans ce cas
en 1753.
~
Ces nombreux conflits, qui jalonnèrent tout le XVIII~~
siècle, outre qu'ils ont permis dt.'> ~~cl'4et-'o."&.bA. ••"~ l~"""..~,
ont en plus été à l'origine des diverses famines et disettes que
les sourc.~
écrites mentionnent à plusieurs reprises durant
cet~ période. S'il est vrai que certaines de ces ~amines sont
dues à des calamités naturelles, i l n'en demeure pas moins vrai
que le climat de trouble crée par les dif~érents conflits n'a
pas permis aux paysans de s'adonner correctement aux cultures.
Nous savons qu'à cette époque, les bavol-bavol vi-
vaient essentiellement des produits de leur culture. Si à oause
CCl.
(j..) A.N.:F. vC.6. 14,
20 Juin 1753.

180
des guerres qui se déroulaient dans le royaume, les travaux
agricoles n"étaient pas et't'ectués, i l s'el\\.suivait nécessaire-
ment une pénurie de vivres et la t'amine s'installait.
Le XVIII ème siècle a ainsi été marqué au Bawol et au
Kajoor par les multiples guerres entre les classes dirigeantes
par la vente des sujets du souverain aux commerçants Français
et par les nombreuses t'amines.
L'achat d'armes à t'eu par les souverains a permis à
ëes
derniers d'opposer aux populations du Bawol, une puissante t'or-
ce militaire représentée par les esclaves de la couronne dont
la plupart, A.pP4r-tenaient à leur t'amille maternelle.
Nous avons ainsi la t'ormation de deux blocs dans cette
société bawol-bawol 1 d'un côté les classes dirigeantes alliées
;
aux esclaves de la couronne bénét'iciant de tous les privilèges
et avan~ages du commerce de traite, de l'autre nous avons la
masse du peuple soumise aux exactions et pillages que les pre-
miers ne manquaient pas de t'aire sur eux pour alimenter
~ur
trat'ic. Cette situation d'insécurité crée par la dégenerescence du
pouvoir politique aboutira vers la t'in du siècle, à un at't'ronte-
ment entre ce dernier et les nouveaux représentants des popula-
tions 1 les Marabouts.
A - L'essor des Ceddo dans le courant du XVIII ème siècle.
S'il e.~,";)'t... un groupe social dont on parle beaucoup et que
l'on ne connait pas d'une manière précise 1 c'est oelui des Ceddo.
Qu'estce qU'un ceddo ?
Très souvent, l'évocation du mot ceddo t'ait penser à

181
esclave de la couronne. Ainsi Vincent Monteil parlant des Ceddo,
du Kajoor les identifie à des esclaves 1 "Les Tyeddo, esclaves,
fils d'esclaves préféraient le demeurer, car i . étaient plus
puissants que les hommes libres, à coup ê~r, que les malheureux
badolo".(l)
Nous pensons que définir le mot ceddo par esclave re-
vient à lui donner un sens très restreint et par ailleurs inexacL
En effet,
dans la société 'wo1o~, le mot esclave a une si-
gnification bien propre ; que c~ soit le captif de case (Jaam
38du), le capti~ nouvellement acquis et susceptible d'3tre re-
.ndu (Jaam Sayor) ,ou l'esclave de la couronne (Jaami Buur), tous
sont désignés par un terme précis.
Les "Jaam",(esclaves) sont d'ailleurs une des composan-
~s des ordres de la société wolo~ • il Y a ainsi l'opposition
"Gor" (homme libre)
jdam (esclave). Sous la monarchie, i l y a
un système d'ordre à cinq composantes. garmi,
jambur, baado\\D,
ja.~'-buur, 1tJ8.mi·~dolo. Le terme de ceddo ne se retrouve pas,
d.ns ces cinq ordres de la monarchie, ni non plus dans la hiérar-
chie des castes, où la société est divisée entre "Geer"(ceux dont
le sang est pur) et "lielio" {ceux dont le sang est impur).
Ce terme serait donc de notre point de vue, appa-
ru beaucoup plus tard, à l'issue d'une évolution socio-politique
des royaumes wolo~.
En e~fet,
c'est à partir d'une période historique
bien déterminée que les wolof commencèrent à parler des ceddo.
(1) lI.en teil, V.
:I966, P. 88

r82
Cette période commence avec l'ère de la traite négrière et s'a-
chève avec la conquête coloniale dans la seconde moitié du XIX ème
siècle.
Généralement, quand on dit d'un individu que c'est
un ceddo, c'est plutôt pour signifier que ce dernier n'est pas
musulman, et non pour dire que c'est un esclave.
Le ceddo dans l'esprit des wolof, est un homme
dont l'idéologie est en opposition avec l'idéologie de l'Islam.
C'est certainement la lutte menée par les musulmans
contre les dirigeants politique~ des royaumes wo10~ au cours du
XVIII ème et XIXème siècle qui explique cette opposition que font
les Sénégalais entre musulmans et Ceddo.
Ces derniers auraient çonc été non pas essentie1-
lement des esclaves attachés à la couronne ou non, mais tous
ceux qui plus ou moins gravitaient autour du pouvoir politique
et participaient peu ou prou à ce pouvoir sans distinction de leur
position dans l'ordre etla
biérarchie sociale.
Le terme de ceddo doit être assimilé en ce sens
aux "ariatocraties" militaires qui de la fin du XVIlème siècle
jusqu '.à la c onquête co~oniale dirigèrent les royaumes wolof.
I l faut cependant souligner qu'à partir du XVIllc-~
1
i
siècle, les esclaves de la couronne ont eu tendance à avoir de
plus en pL"s d'importance sur le plan politique, et leur intégra-
tion massive aux armées du Kajoor et du Bawo!. .f8t à l'origine de
1
leur identification aux ceddo. Si l'on s'accorde sur le fait
que le gros de l'armée du Bawol était composé des esclaves de
la couronne, on comprend aisément alors pourquoi,ce sont surtout

183
eux que l'on d'signe sous le nom'
de ceddo.
,
C'est
avec le damme1-tee~ Lat sukaab' ~~Dn~ Jeey
que l'on voit pour la première fois,
les souverains du Kajoorj
Bawol fonder leur pouvoir sur une force armée. Grace à cette
armée Latsukaabé réussit non seulement à se faire élir tee~ au
Bawol, mais encore à s'~mposer au Kajoor. A partir de ce moment,
le pouvoir politique s'éloigne considérablement de son objectif
initial qui théoriquement ' t a i t la protection dqpeup1e. C'est le
début de ce que les wolof appellent "Nguuru Ceddo", c'est à dire
le pouvoir politique Ceddo.
Comme nous l'avons expliqué plus haut,
cet avène~
ment d'une "aristocratie" militaire au Bawo1, comme dans tous
les royaumes wolof d'ailleurs,
est une des conséquences directes
de la traite esclavagiste. D'une façon moins directe, ce commerce
est aussi à l'origine de l'ascension des eso1aves de la couronne.
En effet, les souverains soucieux de oonserver
le pouvoir, biais par lequel le commerce atlantique aidant, ils
j
obtiennent de nouvelles richesses (coutumes et produits européens),
1
se sont appuyés sur les esclaves de la couronne et oeux de leur
1
famille maternelle. C'est Latsukaabé qui une fois de plus a inau.
gu~é cette politique qui consiste à s'attacher les esclaves de
la oouronne et à les armer, dans le but de les utiliser pour la
bonne marche du commerce atlantique. Le but de cette politique
était d'écarter du pouvoir les autres familles garmi en leur op-
posant une arm'e fidèle à son souverain et bien armée. C'est
ainsi qu'il parvint à imposer sa famille maternelle au pouvoir
1
1
1
\\
1
1

r84
et à l'élever au rang des Garmi. La ~amille Geej a su très tôt
tDer pr,o~it de cet élément
stable des institutions du royaume,
que sont les esclaves de la couronne, qui n'appartenaient à per-
sonne sinon à "l'état".
En les attachant à son service et en leur donnant
des ~onctions assez importantes, elle assurait pour longtemps sa
prépondérance sur les autres ~amilles Garmi.
Les documents d'archivude l'époque révèlent l'im-
portance prise par ces esclaves de la couronne dans les transac-
tion qui s'e~~ectuent entre le comptoir de~Gorée et le Teeh.
Ainsi, on apprend que les ~r~ais traitent non ~ulement avec le
souverain du Bawol, mais que ce dernier pouvait 3tre aussi rempla-
,\\
Il
cé par son capti~ 1 le ~arba Gourbiche.
Du~our, Directeur de Gorée en 1722, eut des démélés
avec le Dammel du Kajoor, pour lui avoir signi~ié qu'il 1
"pré~ère traiter avec Thin ou avec son Farba Goubiche" (1).
L es
titres de Farba ou Fara dans les royaumes wolo~ étaient générale-
ment portés par des capti~s.Le Farba Gourbiche dont parle Du~our
était donc un esclave de Tee~ ; c'e~d'ailleurs ce qui est à
l'origine de l'attitude du Dammel qui s'était senti of~ensé par
la comparaison que ~ait Du~our.
~
Par ailleurs, une lettre de Saint Robert à la
1
compagnie mentionne aussi un pillage ~ait par le mame Farba Gour-
1
biche sur un navire anglais 1 "Goubiche Farban-Gour, premier
o~ficier du roy thin avait déjà pillé l'épouse du Sr Or~eno•• n(2)
00\\.
(1) A.N.F.~I c6 7
28 Décembre 1722
ut
(2) A.N.F.Y, c6,9
18 Juin 1725

185
L'attitude du Farba montre qu'en ~ait, dès cette 'poque, les
esclaves du Teek occupent une place de choix dans les transact-
ions e~~ectuées.
Nous pensons aussi que ce Farba Goubiche que St
Robert considère comme "le premier o~ficier du roy thin" peut
être identifié au Fara Kaba, che~ des capti~s de la couronne.
SelonCkarles Becker, "le Fara Kaba ' t a i t charg' des provinces
séreer qui se trouvaient à l'ouest et au sud 1 les non de Fanden,
les sérer-diobas, lessafen, les séreer du Mbadan, du Sandok,
du Diegem, les palo~-sili des environs de PQ~t. Il oontrôlait
en particulier la route qui joignait la capitale, Lambay, au
principal port du Baol, Portudal"(-i)
Du ~ait des responsabilités que le Tee~ lui avait
délégué (tout le contrôle du commerce de traite), le Fara Kaba
est ainsi devenu un des personnages les plus impor~ant du roy~-
l'V\\e... La création du .t.i-W, de Fara Kaba,
doit d'ailleurs remonter
à l'arrivée de
LQt~ukaabé au pouvoir. En e~~et,le8 esolaves de
1
la oouronne du Bavol avaient déjà leur chef, le Fara Lambalyqui
les représentait. Cependant, ce dernier va Atre supplanté au
1
cours du XVDŒème siècle par le Fara Kaba qui en ~ait 'tait un
!
esclave de la ~amille "meen" des Geej.
C'est à cause du pouvoir consid'rable que lui con-
1
:f\\§raient ses fonctions de contr8leur du-commerce que le Fara Kaba
deviendra de ~ait,le che~ des esclav~ de la couronne. De nombreu-c
ses autres charges rurent crée~ au XVIII ème siècle et attribu'es
aux esolaves de la couronne.
(1) V. MARTIN - C. BECKER 1 B.I.F.AN
BER B N°)
1976
P. 501

1
r86
Ils furent les éléments sur lesquels les teek s'appuyèrent pour
asseoir
leur politique centralisatrice.Presque tous les déten-
teurs de charge se virent adjoindre un personnage d'origine
servile
.et relevant directement de l'autorité du Teek. Ainsi,
au Fara Lambadh esclave de la couronne n'appartenant pas au Teeh
mais à l'état,il fUt opposé un Fara Xaba,
considéré comme esclave
de la couronne, mais qui en réalité appartenait à la famille
Geej. Dans beaucoup de provinces commandées en prinoipe par les
Xangam ou par des ohefs issus des familles garmi, le Teek ins-
talla des "Fara", à qui il accorda l'autorisation d'lfxercer
leur commandement sur certains villages de la province.
Au Sa1aw et Gewul qui sont des provinces comman-
dées par le Calaw, le Fara Ndiatak et le Fara..
:gol reçurent le
commandement de certains villages au.détriment d'ailleurs des
anciens 1amans.
La multiplication dessax-s&X dans les régions
éreer témoigne aussi de cette volonté de tout ramener au niveau
centrc:sL . • En effet, J0901Jlaay Jeey nous dit que "le teelr confiait
souvent à ses "Jaam" le commandemant de certains villages. Si,
c'était dans des villages séreer, on les appelait sax-sax. De
ces villages le. jax-sax rapportait des riche.ses au Buur 1 Mil
et bétai1s"(1).
I l faut noter cependant qu'au niveau de ltorgani-
~~ion administrative générale, ces provinces relevaient déjà
de l'autorité d~ chef nommé par le Tee~. Il y a donc apparemment
.
un double emplo, .,
ce qui cependant, étai t fait à dessein, dans .
la mesure où i l servait le
~ek.
(1) JOGOMAAY JEEY: informateur 1 14/02/81.

187
Le souvenir de l'aotion de ces esolaves de la
couronne est encore vivace au Bawol. Jogomaay Jeey affirme que
c'est le te.li: qui 1'aisai t
la 1'orce,
."es esclaves de la couronne.
,\\ Ils sa~cageaient les champs et les r'coltes des
paysans et nul n'osait les tuer; si eux-même tuaient les gens,
i l ne leur arrivait ri~n"(l)
Il est clair qu'àpartir de oe moment, les escla-
ves de la couronne, alliés au tee~ et aux membres de sa famille
maternelle devinrent les seuls chefs du Bawol. Les pillages et
'"
les razzias e1'1'ectués sur les populations dev~ent très ~réque.tes
dans la mesure où les multiples guerres que se livraient les
df1"rents membres de'~'aristocratien emplchèrent le d'veloppe-
ment normal des cultrures ; i l Y eut· 'plusieurs années de fami-
ne. Ce qui ne fit qu·' aceentuer les ""xactions que l'on commettait
sur les paysans. En ef1'et,
"quand le royaume était frappé par
la 1'amine, on allait générallement dans les régions s'reer, et
devant tout adagga"(grenier de mil) que l'on voyait, on plantait
uné" épée,
disant que le roi~confisquait••• Le propri'taire ne
pouvait rien dire,car i l savait'.qu'à ce moment là,le roi avait
faim et qu'un badolo ne pouvait manger pendant que son roi avait
1
faim"(2) •
1
Toutes ces opérations de pillage 'taient dirig'es
1
par les esclaves de la couronne sur ordre du Tee~.
1
Comme on le voit, le renforcement du pouvoir du
1
~~uverain du Bawol était dû pour une grande partie aux rapports
,~ablis entre ce dernier et les esclaves de la couronne.
(1) JOGOMAAY JEEY 1 Inf-ormateur 14/2/81
(2) SAABASI FAAL 1
InFormateur.
Mars I9BI

r88
Finalement d'ailleurs, cette collaboration entre
le souverain et ses "Jaam" va aboutir à une situation paradoxa-
le 1 la puissance de Fara Kaba,
chef des esclaves de la couronne,
contrebalance celle de son souverain. L'illustration nous est
donnée par le récit de Lebrasseur sur la révolte du Fara Kaba
de Makodu Kumba JariK (~).
Désormais leb:teen vont devenir de plus en plus
dépendants de ces "Jaam" dans la mesure où ces derniers en pas-
sant à la solde d'un autre prince concurrent, pouvaient très
facilement leur faire perdre le pouvoir.
On peut dire que'vers la fin du XVIII ème Siècle,
Fara Kaba est devenu l'homme fort du royaume du Bawol. C'est
lui que les commerçants européens connaissent puisqu'il est l'un
des grands le plus en contact avec eux. Les documents européens
de l'époque ne nous parlent pas du Jaraaf Bawol qui théoriquement,
était le contre-pouvoir du régime de Tee~. Le Jaraaf Bawol,
second personnage du royaume, ch~~ de la défense des populations
libres, se trouve complètement eclips' par la personnalité du Fara
Kaba. Ce dernier, en véritable intendant du commerce, devient
réelk~t le second personnage du royaume.
A
Le commerce atlantique en aiguisant le gout des
souverains pour les marchandises européennes a .. rapidement f'avo-
risé la formation d'un état militaire au Bawol. Les seuls béné-
ficiaires de la nouvelle politique de l"arist~ratie" sont ~es
membres de la famille du souverain
et les ~claves attachés au
service de ce dernier.
"Le moyal" c'est à di~e le droit de pillage ins-
-_.'......
tauré par le Te.k Ce Nd.la au XVIlè.. siècle prend
_.._..
.....__.
.~-,. __ .•. _._ .......

..............~._i-.!'!"l,. . .

189
considérable au cours du XVIII ème siècle. Au nom de ce droit, la
population du Bawo1 se trouve à la merci des esclaves de la cou-
ronne et des dignitaires du royaume.
Comment vont réagir ces populations devant la
montée du pouvoir des ceddo et l'insécurité découlant du com-
merce esclavagiste ?
En raison de la composition ethnique du royaume,
nous avons deux réactions a les séreers, installés à l'ouest et
au sud du Bawol se replient sur eux mimes et essaient de se dé-
~aire de la domination de cette "aristocr.~en wolof qu'ils ont
de tout temps senti comme un pouvoir étranger. Les wolofs oc-
cupant tout le nord et le centre de la région p~.s en contact
1
avec les royaumes wo1o~s du nord de la Sénégambie entrent dans
la mouvance des soulèvements musulmans de ces régions.
1
1
~
B -"L'aristocratie " wolo~ et la sociét' séreer du Bavol.
1
Comme nous l'avons expliqué au début de ce tra-
1
i
vai1, la spéci~icité du Bawo1 par rapport aux autres royaumes
1
dirigés par des souverains wo1o~, réside dans sa composition
1
~
ethnique. Durant tout le XVIIème siècle, les tee! du Bawol eu-
~
1
rent à lutter contre les séreer insoumis à leur pouvoir politique.
1
,
L'intégration de la plus grande partie du pays
séreer se fit sous le tee! Ce Ndela,à la ~in de la première moi-
1
i
tié du XVIlème siècle. Ce dernier eut à lutter, sur le plan inté-
rieu~ contre les 1aman séreer du Bavo1 central et sur le plan
extérieur, contre le royaume du Siin, pour le contr&le des régions
séreer situées à la ~rontière des deux pays.

190
En 1669, i l semble que la politique d'intégra-
tion des séreers amorcée par Ce Ndela ait réussi, puisque ceux
de la côte (les saa~en) qui d'après Co.lho "ne reconnai88aient
la vas8alité d'aucun roi et vivaient en rebelles"(l), vinaient
de se soumettre ; "de nos jours, i18 sont plus civils et le che-
min est plus sûr"(1), nous dit Coelho.
Du côté du Bawol central, la soumission de8 sé:-
«ars ~ut plus e~~ective dans la mesure où ces derniers étaient
géographiquement plus proches du pouvoir central de Lambaay.
Conoernant les DgiDns si,uées plus au sud ~
Ngoy, Mbadaan, Jegem et Sandok, i l semble que leur rattachement
au royaume se soit ~aite à ce moment là, bien que nous ne dispo-
sions d'.ucune source nous permettant de dater l'évènement avec
certitude. Cependant, la création des ~onctions de Buu~p Ntoy,
1
Buur Mbadaan et du Buur Saawo nous incite à avancer l'hypothèse
.elon laquelle ces provinces ont été intégrées au Bawol sous
1
..
.
~i
le règne de Ce Ndela
0. ~
la tradi tion attribue non seulement
1
!
la réorganisation du domaine ~nncier, mais encore la redi8tribu-
1
tion des charges poli tique),) • lz.)
i
Au début du XVIII ème siècle, on peut dire que la
1
1
majeure partie du pays séreer se trouve intégré au royaume wplol:
1
du Bawol, même si dans certaines régions,
cette intégration
1
ne revêt pas une réalité concrète, puisque non acceptée par les
populations séreers (région du Joobaas par exemple).
1
La politique d'intégration amoroée par Ce Ndela
1
a été semble t - i l poursuivie par le tee! Lat8ukaabé, qui d'après
DE MORAES 1 B.I.F.AN.
SER.B, 197'
(L) JOGOMAAY JEEY 1 In~ormateur, 14.02.1981

191
certains de nos informateurs réussit à rattacher
à son royaume, la province séreer de Mbayaar, qui jusque là
appartenait au Siin. Ainsi, même si l'autorité des Tee~ n'a
pratiquement jamais été très bien établie dans IMprovinces
séreers situées assez loin de Lambaay et hors de la proximité
du port de Portudal, ces régions ont dû, à un moment donné de
l'histoire (fin du XVII, début du XVIlIème sièc1e) se plier
sous les exigences d'une monarchie mieux armée et plus pu1ssan-
te que les pouvoirs politiques locaux en place.
I l e~ évident qu'une telle domination ne pouvait
qu'être précaire, puisqu'imposée par la force. Les populations
séreers ne tardèrent pas à
se soulever contre ce pouvoir qui
engagé dans la traite esclavagiste, n'hé'sitait pas à se tour-
;
ner vers eux pour approvisionner son Commerce. Une lettre de
Dubellay, datée du 26 aout 1724, nous apprend que Latsukkabé,
pour se ravitailler en esclaves allait chez ses ennemis les
séreers, ou pillait ses sujets lorsqu'il en était mécontent.(~)
Dubellay dissocie clairement les séreers, des
sujets de Latsukaabé. Les premiers n.t-étaient donc pas considérés
comme relevant de l'autorité du dammel-tee~ Latsukaabé.
A propos de ce dernier, Loyer dans sa relation
remarque que 1 "Ce monarque, dans ses titres se dit roi de
Caillor,
et de Baol,
ou Jain, qui appartient à une autre peuple
appelé séreres proche voisin des Gelofes, contre qui ils sont
perpét~ellement en guerre"(~)
La domination politique de " l'aristocratie wo-
lof" sur les régions séreer a été finalement très brève, dans la
mesure où avant la mort de Latsukaabé (1720),la population
~reer n'était plus considérée comme des sujets du Teek.
(j) ",
t\\. l'I • ç. c.ol.
C'. S,
tE» A o~ 1l1t.,
(1) :"»c. \\C'''''"'IG:
c.a:i ~ Su4uA..c. ,
K_f...c...lt
,,=Jo',? \\)
1

192
I l ~aut cependant souligner que les séreer si-
tués dans le bawo1 central,
(les Mba10nja~en) du ~ait du site
géographique de leur région et de la ~aib1esse de leur moyen de
dé~ense, n'ont pas pu échapper à l'autorité des tee~, et celA
jusqu'au XIX ème siècle.
En e:f~et " comme le note le capitaine Martin, "ce
sont ces sérères qui ne peuvent se dé~endre que le teigne peut
ruiner quand i l veut,
puisqu'ils se trouvent sans abris dans les
~orête et isolés par petits vi11ages,qui se sont en partie mé-
langés avec des ou40~s qui porte~t le nom di Mba10nguia:fènes"(i).
En dehors de ces populations séreClJ\\,., du Bawo1 cen-
tra1,
et ce deux qui habitaient à proxtmité de Portuda1, port
de traite du Bawo1,
l~autorité desteek sur les séreers a été
plus nominale que réelle. Les Français le remarquèrent d'ailleurs
1
au cours de leur processus de conquête dans la seconde moitié
1
du XII ème siècle. Ainsi, une lettre du gouverneur du Sénégal
~.dépendances adressée au sous-secrétaire d'état des co1Dnies
1
notait à propos des séreer'
du Jegem, Mbadaan et Sandog a
~
A
Appartenant au royaume du Bao1, cette région,
coupée de ~oret8
1
épaisses et habitée par les sér~., population sauvage et d'un
caractère énergique,
s'était rendue petit A petit indépendante
1
des teignes" (~).
Cette remarque a
éété ~aite vers la :fin du XIXème
siècle, nous pensons cependant que l'état d'indépendance dans
lequel les Français trouvèrent les provinces séreer:
du Bavo1,
est le ~ruit d'un long processus amorcé depuis le XVIII ème
siècle.
(1)Capitaine Martin a Notes sur le Bao1. Moniteur du Sénéga1 et
dépendances NO 574
1867
(1) A.N.S.O.M
a Sénégal et dépendances IV -
dossier 102 b
/

193
En effet,
les documents écrits de l'époque de la traite escla-
vagiste, et les sources orales nous ont toujours présenté des
rapports antagoniques entre les séreers et "l'aristocratie"
wolof. Durant tout le XVIII ème siècle, les teefi eurent à lutter
contre telle ou telle région occupée par des séreers, soit pour
s'approvisionner en esclaves, soit pour la perception des re-
devances non versées par les laman 'sérreers.
En dehors des Mbalonjafen,
ce sont les séreers
de la côte(les saafen) qui eurent à subir les plus tréquentes
incursions des TeeH. Situé dans une région. formée de collines
et assez boisée, le pays Saafen a longtemps essayé de résister
aux prétentions de domination des princes wolof. I l y a souvent
réussi, car d'après un "mémoire sur la côte d'Afrique du Cap
Manuel à Albréda" évoquant un village du cap de Naze (en pays
Saffeen), "l'on ne peut presque pas approcher, par mer i l y a
des rochers et par terre des bois tort épais, de sorte que ce
DY (de Portudal ou Tin) ne peut tirer d'eux les coutumes ordi-
naires
i l Atenté quelques fois de les aller piller mais i l
s'en est toujours retiré avec beuacoup de perte et sans être
parvenu jusqu'au village même "(1)
Le mémoire n'est pas daté, mais Charles Becker
pense qu'il a été écrit en 1765, donc dans la seconde moitié
du XVIII ème siècle. I l est étonnant de voir que ces populations
"retirées dans le plus épais de leur bois, ne taisant aucun com-
merce et ne fréquentant pas les blancs"('), puissent aussi sou-
vent mettre en échec les Tee~ qui':'du "fai t de leur engagement
dans le commerce de traite, disposaient œmoyens militaires plus
(I)' Becker, C.
: Kaolack, 1916~ P. 58
(2) Becker, C.
' : "
Il
"
"

194
considérables. Ce sont pourtant ces mêmes populations qui d'a-
..
pr~
Coelho, venaient de ~aire une so~ission récente lors de
son passage en 1669, alors qu'il est certain qu'à cette époque,
le teeh n'avait pas encore cette redoutable armée constituée
par les ceddo.
Cette at~itude d repli total des saa~en ne peut
être expliquée que par le contexte socio-politique de l'époque.
Nous avons vu qu'au XVII ème siècle, avec la multiplication des
points de traite sur la côte,
ces populations s'étaient plus ou
moins engagées dans le commerce atlantique,~produisantdu "tissu
blanc que l'on appelle du nom du pays, étoffe de Xerco· (4).
Dès l'instant où,l' ~sclave étant devenu le
principal article de ce commerce, le Teeffs'en est assuré le
monopole, les saa~en se sont repliés sur eux-mêmes, défendant
~arouchement leur liberté.
Les séreer
de la côte ont toujours refusé le
principe du commerce esclavagiste. Dès le début du XVI ème siè~-
cIe, Valentin Fernandes le signalait à propos des Séréos, ex-
pliquant que c'est p~~ cette raison que les séreer
n'acéep-
1
tt.nt pas cle pouvoir central : "ils ne veulent pas consentir à
accepter un seigneur a~in qu'ils ne leur vendent pas ~emmes et
1
en~ants comme dans d'autres pays et pour ne pas être assujettis,
1
comme d'autres endroits des noirs" (~)
1
i
On comprend alors que forts de ce principe,
et
la situation géographique de leur région aidant, les séreer'
se soient opposés aux monarchies guerrières des wolo~ dont la
puissance au XVIII ème siècle reposait essentiellement sur le
commerce esclavagiste.
(~)
DE MORAES 1 B.I.F.A.N SER B N0 2
19733
P. 251.
Cf,)
FERNANDES l
"06.15"10
P. 27
7

195
La non dépendance des Séreer
du Joobaas à l'égard des Tee~
est aussi affirmée non seulement
par la tradition orale de
cette région, mais encore, à la fin du XIXème siècle par Pinet
Laprade qui constatait que c'était une situation réelle et qui
n'était pas récente
l
"les Dio~s établis sur le versant oriental
des collines qui bordent la Tamma
à l'est,dans un pays à
,
peine pénétrable,ont conserve une indépendance compète ; 1.
Baol les considère cependant comme ses vassaux, mais i~ n'a
pu jamais Iv., soumettre, ni leur faire payer un tribut"(1.)
D'après cet auteur la région du Joobaas n'a jamais fait partie
du royaume du Bawol. I l faut cependant souligner que les
prétentions des souverains du Bawol sur le Joobaas,doivent
certainement remonter à une époque oÙ,cette région était intégrée~
au royaume. I l est ppssible que leur indépendance remonte à
la crise qui a secoué le Kajoor et le Bawol lors de la mort
d'Amari Ngoné Sobel, et qUiJcomme le dit Jean Boulégue avait favo-
risé l'indépendance de certaines populations Séreer.
(Saafen,
Noon et Ndut). Les Tee~
ont depuis lors,voulu refaire valoir
leurs prétentions sur la région, mais en vain.
Le Bawol qui, théoriquement au XVIII ème siècle,
englobait tou~~ ces régions Séreer, n'avait en fait sous sa
domination directe qu'une minorité de cette nationalité 1 les
Mbalonjafen du centre. Toutes les autres régions Séreer;
si
elles ne vivaient pas dans une indépendance quasi totale, con-
naissaient alors une très forte autonomie où l'organisation
politique
Locale, était plus importante et mieux perçu,que la
domination des Teeh.
(i) Pinet Laprade l
"Notice sur les Sér~." 186·s

196
Devant l'évolution àt la trop ~orte oppression du pouvoir des
Teek du XVIII ème siècle, les Séreer.
n'ont pas essayé d'apporter
une idéologie de rechange comme le ~eront les populations Wolo~s
avec leur adhésion à l'Islam. Ils ont plutôt renié tout rapport
avec cette classe dirigeante Wolo~, et au non du particularisme
culturel ont violemment. combattu ce pouvoir étranger.
C'est par un long processus de lutte que petit à petit, les
Séreer
parvinrent à se dé~aire de la domination des Tee~, abou-
tissant à la situation trouvée par les Français dans la seconde
moitié du XIXème siècle.
~
Dans les régions occupées par les Wolofs,
ce pouvoir Dppressi~
des ceddo engagés dans la traite négrière
à été à l'origine d'une
réaction hostile des populations à l'égard de la monarchie.
C'est au nom de l'Islam et de ses préceptes que "l'aristocratie"
y
sera combattue.

197
C - L'islam ou l'alternative politique dans les régions volo~.
Le premier quart de la seconde moitié du XVII ème
siècle, a été marqué au Bavol, comme dans tous les royaumes
volo~ de la sénégambie par un soulèvement del.musulmans de la
région. Les "aristocrat.ies" du Kajoor et du Waalo, vaincu~ dans
un premier temps, n'ont dû leur salut qu'à l'intervention des
Français. Bien que ce soulèvement se soit étendu au Bavol, i l
n'y a pas connu l'ampleur qu'il eut dans les royaumes préCités.
Aucune source orale ou écrite ne nous parle de la chute de "l'a-
ristocratie- et de l'avèneement d'un -Buur Julit" -
roi musul-
man- au Bavol.
Nous en avons conclu que le parti maraboutique
de ce royaume n'était pas aussi ~ort que ceux du vaalo et du
Kajoor. Cependant, la ~aiblesse du p~rti maraboutique au Bavol
1
ne veut pas dire que l'Islam n'y avait pas beaucoup d'adeptes.
1
Les voyageurs européens du xvtet du XVIème siècle ont noté la
1
présence de l'islam à la cour du Kajoor. Malheureusement, les
i
~
1
voyageurs n'ont pas été au coeur du Bavol, dans les r~gions oc-
cupées par les volo~ ; ils ont simplement parcouru le côte où
1
comme nous l'avons déjà dit, étaient installées des populations
1
1
s~reer , qui à l'époque étaient certainement indépendantes de
1
,
la domination des Tee~. C'est pour cette raison que le Bavol
n'est pas mentionné da~, Ces sources. Ce n'est que vers la ~in
du XVIème siècle, qu'Almada parle de ce royaume, dans la capita-
le duquel serait installé,le souverain de la région -Amari Naoné
Sobel- qui était musulman. Nous savons donc que dès la ~in du
XVIème siècle, le Bavol a eu un souverain musulman. Les textes
du XVII ème siècle, insistent d'ailleurs ~ortement sur la pré-

I98
-sence de l'islam dans ce royaume. Ainsi,
en 1647, des capucins
espagnols se rendirent à la cour du roi du Bawol, dans le but
de le convertir à la religion chrétienne, mais disent-ils,
"le barbare resta ferme dans la secte de Mahomet ••• I l les
reçut avec une grande affabilité mais lorsqu'ils abordèrent le
point principal, i l leur ordonna de ne pas en traiter, car tous
ses prédessesseurs ayant vécu de cette manière, i l n'avait donc
pas à en changer" (1).
Ce passage montre bien que,non seulement le roi
présent est musulman, mais enco~e que tous "ceux qui l'ont pré-
cédé, appartenaient à cette religion. Une chose au moins est
certaine,
c'est la présence assez ancienne de l'islam dans la ré-
gion. La mission effectuée douze ans ~lus tôt (1635) par les
Capuins Français à la petite côte restitue également ce climat
de profonde islamisation du Teeh et d'une partie de la popula-
tion. Nous S'lvons ainsi que, du fai t de leur appartenance à la re-
ligion musulmane,
"tous les habitants de ces terres sont environ
aux mois de mars et d'avril, l'espace de 40 jours sans boire ni
manger que le soletl ne se soit couché" (2).
Ce n'est donc p~dune islamisation superficielle
dont i l s'agit, puisque même le Ramadan qui fait partie des pré-
ceptes de l'islam est pratiqué par les populations. Nous reJoi-
gnons ainsi Charles Becker qui affirme,"qu'à propos du Kayor,j
plusieurs historiens européens ont voulu accréditer l'idée d'une
"islamisation superficielle"" avant la conversion massive au XIXè
siècle. Cette thèse ne peut être acceptée, ni pour le Kayor,
..
('I) ThilJmans, G.
DE Meraes;, N'J.I.
: B.I.F.A.N. Se~. D, NID 4,
I914 , P.709 • 7~I
.
(2') Thilmans, G~. DE Meraes, N• I •
I97'4 , P. 703

199
ni pour le Baol, car les renseignements concordants de la tra-
dition et des sources écrites mettent en relie~ l'enracinement
ancien de l'islam chez les wolof"(~).
Jusqu'à la fin de la première moitié du XVII ème
siècle, i l est certain que les souverains du Bawol, entourés
de marabouts maures, DDt été assez proches des enseignements de
la religion musulmane. Cependant avec les changements intervenus
dans le commerce atlantique, les préoocupations économiques ont
pris le pas sur celles religieu~es. Les souverains se sont en-
gagés dans la traite esclavagiste, ce qui aboutit dès 167) à une
révolte des musulmans des états wolo~ du Nord de la Sénégambie.
L'échec de ce soulèvement des marabouts n'aboutit
pas à la rupture déf~nitive de~'aristocratien avec l'islam.
Celui-ci est toujours présent dans le royaume, et mame au sein
de la classe dirigeante, par le biais des "sérih Lamb'.
A propos de ces derniers, Saaba Sy Faal nous don-
ne l'explication suivante:
"S'il arriv.e.
. qu'il ait une ~emme
infirme dans un village ceddo, et qu'on la donne
en mariage à
un sérih; les enfants issus de ce mariage, étaient des sérih
Lamb. A l'âge adulte, après qu'ils aient fait leurs études cora-
niques, ' ils revenaient chez leur oncle, et le roi d'alors, leur
donnait des terres et l'autorisation de s'y installer '1("")
Les Séri~ Lamb étaient donc non seulement des
marabouts, mais encore leur naissance leur donnait aussi droit
à certaines responsabilités politiques. Nous ne savons pas à
quand remonte la création de ce corps de "séri~ lamb", mais elle
(1) Becker, 0'. llte.rtin, V.
:. Revue f~ançaise d'Outre-Mer,
-.
' " ,
~-~.. :._-~:~._. ~
.- .......-
I9716 , P. 296
.
.
~,
'
(2) Informateur
S'aaba S'y paal; 'Mars I98I

200
doit être assez ancienne dans le Bawol,
contrairement à ce qu'a~-
~irme Mamadou Diou~ qui,
se basant sur les renseignements de
Amadou Bamba Diop, attribue leur oréation au Dammel-Teeh Latsu-
kabé;
Nsoné Jeey. Nous croyons que les "séri~ Lamb"ont existé
bien avant le règne de Latsukaabé,
et que ce dernier n'a ~ait que
s'appuyer sur eux pour ~aire cautionner sa politique esclava-
giste.
L'analyse que nous avions ~aite à propos des
in~ormations recueillies par Jean Boulègue et Yoro Faal concer-
nant la création du village de Ndogal nous avait amené à ~aire
remonter la ~ondation de ce village de marabout, vers le milieu2
du XVII ème siècle, ou tout au moins au début de la seconde moi-
tié de ce siècle. Or, toujours d'après 'notre analyse,
les mara-
bouts de Ndogal,
sont des "sérilï Lamb",
liés à une ~amille prin-
cière du MbaakoL-~rontière du Kajoor et du Bawol- a les Jeng qui
occupent la ~onction de Jawrili Njingen au Kajoor. C'est le teeh
qui nommait le sérih Ndogal et d'après les in~ormations reçues~
c'est lui qui avait donné à Abdalla Buri Faal Jeng, l'autorisa-
tion de s'installer dans la province.
Ces marabouts de Ndogal répondent donc très bien
au pro~il des "séri~ Lamb" tel que 1.' a décrit saaba Sy Faal.
I l existe bien des marabouts n'ayant aucun lien
de parenté avec la classe dirigeante du Bawola ce sont les sérih
"Faak-Taal" qui comme le dit Saaba sy Faal, vivent dans des vil-
lages isolés et n'accePent pas le butin provenant des razzias,
contrairement au sérih Lamb. Les sérih-Faak-Taal étaient instal-
lés dans les villages de Mbuso et de Jokaan dans le Bavol central.
I l est certain que ces centr~religieux n'avaient pas l'impor-
tance de ceux de Ndaam La ou de Loonoor qui étaient des villages
de sérifi "Faak-Taal" dans le Kajoor.

201
Les séri~ lamb de Ndogal, du fait de leur parti-
cipation au pouvoir -commandement d'une province- étaient plus
puissants que les " Faak-Taal " , confinés dans leur village et ne
vivant que de la culture de la terre et de l'aumône des fidèles.
Nous ne pouvons pas l'affirmer d'une manière cer-
taine,
faute de documents, mais, nous pensons qu'il est probable
que les "sérih lamb" du Bavol se soient rangés du cSté de la
classe dirigeante lors du mouvement maraboutique de 167), ce qui
expliquerait la
relative faiblesse du soulèvement dans ce royau-
.,.
me. Au début du XVIII ème siècle~ la participation des séri~
Lamb au pouvoir politique est effective. Si le soulèvement des
musulmans à la fin du XVII ème siècle a eu comme conséquence la ;
vente massive d'armes à l"aristocratie" wolof par les Français,
en vue d'une riposte ,vigoureuse
à toute autre réaction hostile,
à la traite négrière, il a permis à la classe dirigeante de
reconsidérer ses rapports avec les représentants de l'islam
dans la région. Les souverains ont compris que désormais, i l leur
fallait composer plus étroitement avec les marabouts, pour mieux
~seoir leur pouvoir.
Les "8éri! lamb" qui,non seulement étaient issus
de familles rattachées à la classe dirigeante, mais encore
avaient embrassé la religion musulmane,
étaient tout désignés
pour servir d'intermédiaires entre le pouvoir et les sujets is-
lamis«le. D'après Amadou Bamba Diop, c'est Latsukaabé qui créa
ce corps de marabout, au lendemain de l'invasion des royaum~par
les Maures Trarza. "Il institua le oorps connu plus tard SOUs
le nom de Sérignou lamb. C'était des commandements territoriaux
échelonnés le long des frontières et confiés aux chefs des grands
bourgs ; ils avaient un grand tam tam

202
ou Lambe qu'ils ~aisaient battre à l'occasion pour signaler
tout ~ait insolite et alerter les villages p~riph~riques. Le
signal se transmettait de village en village et parvenait au
Damme1 qui pouvait prendre à temps les mesures n~cessaires.n(l)
Si comme nous l'avons dit, l'existence des "s~rik
1amb" est ant~rieure au règne de Latsukaab~, leur intégration
et leur participation e~~ective au pouvoir politique remontent
~rtainement à l'époque de ce souverain.
Pour pallier à toute contestation,de la part de
ces marabouts au statut particulier, Latsukaab~ a essayé de se
les concilier en leur o~~rant des ~onctions politiques assez
importantes. L'in~luence des marabouts au niveau du pouvoir po-
1itique a été p1usieu 7s ~ois souligné par les Français au cours
de la première moitié du XVIII ème siècle. Ainsi, Dubel1ay, écri-
vant aux directeur de la compagnie note que 1 "ce qu'il y a de
~acheux est que ce ne sont pas eux (N.B 1 Damme1 et Tee~) qui
gouvernent leur état, mais leurs marabouts qui les séduisent:~:.à
~aire tout ce qui se présente à leurs idées chimériques" (2)
I l peut paraître paradoxal de voir que les mara-
bouts qui à la ~in du XVII ème siècle avaient été vaincus par les
souverains après leur soulèvement contre ces derniers, aient
réussi en si peu de temps après leur dé~aite, à avoir une telle
in~luence politique. Cette situation s'explique par la politique
de récupération opérée par le pouvoir. Ce dernier a bien tiré
la leçon de la révolte précédene des marabouts, et par le biais
des alliances matrimonjQle~
qui avaient été nouées entre cer-
(I} Diop, A.B.
6
(2') A'e~.:F.- C.Jl. C
8, Déc em bre I n 4
·~..

203
-taines familles de marabouts et des familles "garmi", i l a pu
faire participer une partie des chefs musulmans,au pouvoir po-
..
litique 1 ce sont les "sérin Lamb". L'influence des marabouts
constatée par les Français dans la première moitié du XVII ème
siècle est certainement celle de ces séri~-lamb. Ces derniers,
par leur. participa ti on au pouvoir poli tique ,auron t de plus en plus
tendance à faire passer leurs fonctions politiques au dessus de
c elles religieuses. Ce sont eux qui acceptent de prendre du butin
de razzia,
(le Moyal) nous dit Saaba sy Faal.
Apparemment, rien ne distingue ces marabouts des
ceddo de Tee~, si ce n'est leur appartenance théorique à la reli-
gion musulmane. Il est donc normal qu~ ce soit vers les autres
"sérih", les "Faak-T~al", ceux qui n'avaient aucun lien avec le
pouvoir ceddo, que les populations vont aller. I l faut souligner
qu'à l'inverse des séreer'
qui se sont repliés vers leur organi-
~tion politique locale, les populations islamisées du Bawol se
sont tou%?D.ées vers les autres communautés musul;manes des royau-
mes du Nord, nouant avec eux des relations supra-nationales.
Comme le souligne Amadou Bamba Diop, "l'islam a
crée un sentiment d'apatride préjudiciable à la souveraine~é
et à l'intégrité nationales"(l). Ce sentiment est si fort que
tout mouvement qui se crée dans l'un des royaumes du Nord de la
Sénégambie se voit soutenu par les musulmans des autres régions.
C'est dans ce contexte d'unité et d'échange des
différentes communautés musulmanes, que s'effectue la révolution
(1) A.B.DIOP 1 B.I.F.AN.
SER.B
N° 1,2 ,1966, P. 509

204
musulmane des torodo du Fuuta sénégalais en 1776.
Pour la première fois l'islam réussit A prendre
le pouvoir de façon durable dans un royaume sénégambien. L'im-
pact de la révolution Tuku1ër sur les royaum~
wolof, ne se com-
prend que dans la mesure où elle montre aux'communautés MUsul-
manes wolof, que la prise du po~voir politique n'est pas incom~.
patib1e avec le statut de musulman. Le royaume du '.JFuuta Tooro,
sous la direction de l'Almamy Abdul Kader, devient un modèle
de gouvernement pour les communautés mllsula.es wolof.
oc
L'islam qui, durant toute la premi~re
moitié du
~VIIIème siècle a composé avec le pouvoir ceddo par le biais des
"séri~ lamb" se détache de ce dernier et connait un nouvel essor.
Paradoxalement, ce sont les "sérik lamb", et non
les "sérih Faak-Taal~ occupés essentiellement A l'enseignement
et à l'exégèse du coran, qui se retourneront contre leur souve~
rain ceddo. Ainsi, les marabouts du Njaambur (Kokki, Nomye, luga)
et du sakAxor qui étaient des "sérih 1amb" nommés par le Dammel
s'insurgent contre le pouvoir de ce dernier.
La situation d'insécurité crée~par la traite né-
grière a engendré au niveau des populations paysannes, un mou-
vement de ralliement de l'islam, religion qui condamnait le com-
merce esclavagiste. L'impopularité du pouvoir des ceddo, en par-
ticulier celui des esclaves de la couronne,
joint à l'exemple de
la révolution musulmane du Fuuta Tooro, a favorisé le vol~e face
des "sérih lamb", qui désormais se posent en véritables défen-
seurs des populations opprimées. C'est A partir du Bavo1 que va
se déclencher le conflit opposant les ceddo du damme1-Teeft
Amari Ngoné Ndela à la coalition des marabouts du KaJoor.et du
Bawol.

206
C'est alors qu'ils Cirent appel à Abdul Kader, l'almamydu Fuu-
ta. D'après Séri~ Demba Jeng de Ndoga1, ce sont les nommés Ngura
Ca-xuJa, baLa Fa-xuja et Maasamba Fa-xuja,
tous originaires de
Kokki dans le Njaambur, qui allèrent trouver l'a1mamy, lui de-
mandant de joindre ses Corces aux leurs, pour se défaire du pou-
voir ceddo. La popularité de l'islam et l'action des marabouts
au cours de cette période, montre que la religion musulmane se
présentait comme le seul recours dont disposaient les masses
populaires pour se soustraire au pouvoir du damme1-tee~.
Devant l'inéCCicacit~ des contre-pouvoirs et l'au·
torité quasi absolue des souverains sur leur sujets, l'islam de-
.nait la seule alternative po1i~ue capable de mobiliser les mas-
ses populaires, puisqu'il leur présentait un projet de société
où la tr.aite esclavagiste serait bannie, même si à l'intérieur
de cette même société,
l'esclavage domestique subsisterait.
Cependant, l'avènement d'un tel gouvernement,
dans les royaumes côtiers où s'étaient installés les français d'-
cidés à protéger leur commerce essentiellement esclavagiste, é-
tait dangereux pour ces derniers, puisqu'il sonneraIt le glas de
la traite esc1avagist.
C'est pourquoi, une fois de plus, les Français
volèrent au secours du damme1-tee~,lui Cournissant les armes
nécessaires,ce qui Cinalement aboutit à sa victoire sur l'a1tnGmy
du Fuuta. Pour la deuxième Cois, les Corces musulmanes échouèrent
dans leur tentative
de se substituer aux pouvoirs politiques
des souverains wo1oC. Cependant, malgré cet échec et la répres-
sion
Céroce qui s'en suivit, l'islam n'en continua pas moins de
1
1
!

207
susciter l'espoir des populations opprimées aboutissant fina1e-
ment à entamer l'autorité du damme1-teek à la fin du XVIII~me
siècle 1 sécession et formation d'une théocratie au cap-vert
en 1798.
Dans les lignes qui suivent nous essaierons de
faire le bilan de ce siàcle de commerce esclavagiste , comment
se présentait le pouvoir du teea à la fin du XVIII~me si~cle ?
Quels sont les facteurs d'évolution de ce pouvoir et les consé-
quences qui en découlent pour 1~ société bavol-bawo1 ?
1
1
1
1
1

208
CHAPITRE III.
Bilan du XVIII ème siècle 1 .. ' essor du pouvoir Ceddo et mutations
sociales.
L'engagement de la classe dirigeante du Bavol
...
dans la traite esclavagiste,a engendr4 des troubles permanents
dans le royaume. Depuis la mort de Latsukaab4 en 1720, Jusqu'à
l'avènement d'Amari Ngon4 Ndela (17901)., le Bavol a 4t4 le
théâtre de guerres civiles, de ~amines et de luttes entre les
clans garmi au pouvoir.
Cette situation est la cons4quence directe du
commerce esclavagiste. L'attrait des marchandises europ4eennes
a entrainé les ."" e.mbres de la classe dirigeante dans une lutte
e~~r4née pour le pouvoir. I l est vrai que cette lutte a
toujours
exist4 au sein des di~~érentes ~amilles garroi et qu'elle n'est
pas une conséquence directe du commerce de traite; Itexistence
de plusieurs "meen" pouvant accéder au pouvoir politique, crée
nécessairement une situation ~avorable à la compétition, puisqu'-
elle met en
Li ca.
plusieurs candidats.
On peut cependant/a~~irmer que, c'est eoue l'in-
~luence du commerce de traite que cette lutte pour le pouvoir
prit les ~ormes de violence que nous constatons au XVIllème siè-
cla. Les bé~~~ices que le souverain tirait de la vente des es-
claves, et les coutumes que lui vers.ient les commerçante ~ran-
çais, sont autant d'éléments ayant concouru à l'aiguisement des
contrad~ions entre les di~~érentes ~amilles garmt.

209
Cette lutte pour le pouvoir, rendue très aigue par les nouveaux
besoins crées par la traite Atlantique, aboutit à la conCiscation
du pouvoir par une seule famille a les Geej.
Durant toute la seconde moitié du XVIII ème siècle, cette Camille
conservera le pouvoir politique tant au Bawol qu'au Kajoor.
L'avènement et la puissance des Geej datent de la Cin
du XVII ème siècle, sous le règne d. Dammel-TeeB Latsukaabé Ngoné
Jeey. A partir de cette période, on assiste à une évolution
progressive du pouvoir politique. Pour se maintenir à la tête du
royaume, les princes Geej introduisent de nouvelles données dans
l'exercice du pouvoir a la création d'une armée permanente essen-
tiellement composée d'esclaves appartenant à leur Camille mater-
nelle.
Le pouvoir change de figure à ce moment là; devenant pour les po-
pulations un pouvoir répressif, uniquement préoccupé par le com-
merce des esclaves, et fondé pour l'essentiel sur la violence ••
Nous essaierorl5 de faire l'analyse de l'évolution de
ce pouvoir politique des Tee~, de voir les Cacteurs qui ont per-
mis les changements intervenus, pour ensuite aborder les muta-
tions sociales qui en ont été les conséquences.

2Iü
A : L'évolution du pouvoir politique
Si le XVII ème siècle a été l'époque de la consolidation
du pouvoir de la "dynastie" des Faal dans le Bawol, le XVIIIème
siècle quant à lui. représente la période où ce pouvoir, du ~ait
de ltintroduction d'éléments nouveaux, connait un changement
notable.
L'orientation esclavagiste du commerce Atlantique a beau-
coup contribué à l'évolution du pouvoir des TeeS. Il est évident
que,pour participer e~~ectivement à la traite négrière et béné~i-
cier de tous les avantages qu'elle apportait à ceux qui la prati-
quaient, les souverains étaient obligés d'instaurer un pouvoir
~ort en ~ace de leurs sujets.
Au XVII ème siècle, l'essentiel des échanges étai t·,domtné ....
par le ~er,du cSté Européen; et par les cuirs et les peaux,du cSté
A~ricain. C'est dans le but de s'arroger le monopole de ces échan-
Q
ges que le Teea Ce Ndela centralisé le pouvoir politique, essayant
d'e~~ectuer une main mise directe sur toutes les régions suscepti-
bles de lui ~ournir des peaux et des cuirs.
Au XVIII ème siècle, l'importance de ces produits diminue,
et l'esclave devient la principale marchandise demandée par l'Eu.. -
rope.
L'approvisionnement en esclaves, devait nécessairement entrainer
un changement d'at~itude des représentants du pouvoir politique~
à l'égard des populations.Le règne du Teen Latsukaabé,qui coincide
avec l'essor de la demande Européenne en esclaves, marque le début
de la trans~ormation du pouvoir politique.
En armant la classe dirigeante, les Européens ont permis au sou-
verain de se doter d'un instrument capable de neutraliser les
... -~.. "- ---- _.~:<,-···r·'

211
contre-pouvoirs mis en place. La détention d'armes à ~eu a joué
un rôle capital dans la mutation du pouvoir politique qui,d~s lors,
prend les allures d'un pO.voir mili taire. JogolJI8.I),Y Jeey rend bien
compte de la situation, lorsqu'il a~~irme,qu'à partir du moment
où Latsukaabé est entré en possession d'armes à ~eu, " nul n'a
plus osé broncher dans le royaume "(1).
L'accession de Latsukaabé au pouvoir~démontre en elle
même qu'il ya l'amorce d'une évoiution au niveau de ce pouvoir.
En e~~et, le Tee~ ne pouvait être élu qu'apr~s l'ap~bation des
" Jambuur ", les notables du royaume,
sur proposition du Jaraa~
Bawo1 qui était le représentant des hommes libres. Latsukaabé
qui, d'après les sources orales, ne ~aisait qu'assurer l'intérim
du pouvoir, par suite de la blessure de ses ~r~res(les prétendants
légitimes), va pro~iter de la nouvelle situation crée par le com-
merce Atlantique au Bawol,pour s'imposer à la tête de ce royaume.
Il n'a donc pas été élu d'une mani~re régu1i~re, et son accession
au pouvoir ressemble plùtôt à un " putsh ~. A la 1umi~re des in-
~ormations que nous a livré Jogomaa1Jeey, il semble néanmoins que,
cette trans~o:nnation intervenue dans le mode d'accesallDn au pouvoir.
de Teeir)ait été ~avorisé par le8·JaiDbtiùr·~ Bawo1. En e~~et, selon
notre in~ormateur, Latsukaabé a voulu dans un premier temps,res-
tituer le pouvoir à ses ~r~res, mais ce sont" les gens du Bawo1 "
qui lui ont demandé de n'en rien ~aire, et de le oonserver.(l)
Jogoma4yJeey ne précise pas qui sont ces" gens du Bawo1 ";Nous
pensons qu'il s'agit certainement des "Jambuur "~ qu~,sans pouvoir
acc~der à des charges politiques, avaient cependant un représen-
tant au niveau du pouvoir .. centra1.
(1) In~o:nnateur , JogomadyJeey. 14.02.1981
1
1

2I2
Ce dernier était chargé de défendre leurs intérlts,devant un pou-
voir trop grand du Tee«. Il nous est impossible de définir de ma-
nière exacte, le rôle joué par cette assemblée des Jambuur présidé
par le Jaraaf Bawo1,dans l'accession de Latsukaabé,au pouvoir,faute
de documents.
I l n'est cependant pas à exclure,qu!e1~e ait été complice du coup
de force opéré par Latsukaabé à l'encontre des autres familles
Garmi. En effet, la crise de succession qui suivit la mort de Tee~
Ce Yaasin avait plongé le Bawol dans une situation de troubles,
du fait du conflit qui opposait 1es'différents clans garmi.
A
La population Bawo1-Bavo1 a du souffrir des guer-
res que se livraient les membres de la classe dirigeante.
Latsukaabé a certa~nement profité de la période d'intérim pen-
dant laquelle i l gouvernait le royaume, pour gagner l'affeotion
du peuple. Les documents écrits ou oraux
fGr1ant de la période
d'intér-règne de Latsukaabé au Bavol,fgnt défaut et celà ne nous
permet pas de trop nous avancer sur la question. Cependant, i l
est clair que si la famille Geej a pu s'imposer au Bavo1, c'est
pour l'essentiel, grâce aux armes à feu dont elle disposait,
mais aussi grâce à un manque de soutien du peuple, aux anoiennes
familles garmi. Cette désolidarisation du peuple vis à vis de
l'ancien pouvoir politique apparait clairement dans les informa-
tions de Jogomaay Jeey, quand celui-ci affirme que ce sont les
"gens du Bavol" qui ont poussé Latsukaabé à usurper le pouvoir.
A la fin du XVII ème sièole, i l y a donc un divorce
entre le peuple et l"aristocratie" représentée par les familles
garmi qui, jusque là ont régné sur le Bavol. La cause de ce divor-
ce est à rechercher dans le commerce esclavagiste dont les

1
1
. p~ières oonséquenoes se font sentir au niveau de la olasse di-
i
rigeante 1 l'attrait des privilèges éoonomiques déooulant de oe
oommeroe dont l'essentiel,se trouve entre les mains du pouvoir
1
politique,entrline parmi les membres de "l'aristooratie", une
te erfrénée pour la prise du pouvoir.
1
~
Cette lutte se traduit la plupart du temps par
J
ar:frontements à l'intérieur du royaume. La traite négrière elle-~»
même, et le déohirement entre les 4ét.nteurs du pouvoir politiqu~!);
,
lors des suooessions, entratne une prise de oonsoience au niveài
..
}
des populations 1 elles se renden~~oompte que la
1
te ne gouverne que pour ses propres intérats, et que le.
f
oODlfl.16':~
.
,';;
' l t ' ? ~
J
qui éolatent dans le royaume ne sont en d't'initive que deà oon"'<';:~'il~(
,
:~~ ~":
...' ... -~"
î
flits d'intér3ts entre les membres d'une mame oouche .ooiale.
f
Dès lors, un fossé 8e ereuse·entre-l'aristooratle
...;- ·:··~~:.:l'"
._'i
et le peuple. L'arrivée au pouvoir de L&.t811kaabé, dODt· l~__j _
.
""~~~~~:;' .'
;
. . . -
maternelle est d'origine poupulaire, entratne la dilDinutioâ;>:
1
. ?"-'.~~~:~?~~~&
l'influenoe politique des anoiennes t'amilles garmi, et~nauBU
"
','
1
de manière ouverte la politique des olans regroupés au sein
,
i
des familles "meen".
L'émergenoe des Geej s'est raite donc à une pério-"
de
où,du :fait.de leur engagement dans la traite n'grière,
les familles garai au pouvoir gouvernaient sans soutien populai-
re ; o'est oelà qui explique la relative faoilité aveo laquelle,
Latsukaabé est parvenu, la puissanoe militaire aidant, à . ' lmpo~;,,;
,"".',":
"">';'""' >
ser au pouvoir et à intégrer sa famille maternelle dans le olan \\'~:..
. .
:~','
.
;..-;. :,~~~~"-;.
garmi. S1l'aooession au pouvoir de Latsukaabé ooneacre la·d4~.~j!'~·:'
..'.,'
'. ,.,';;'/';;'~""
1'ai te des anoiennes familles "aristooratiques", elle lDa:J;q~•.-:<·'
'';~*
même temps une étape dans l'évolution du pouvoir .onarc~1~

2I4
En erret, désor .mais, ce pouvoir qui en
était héréditaire et électir, se trouve accessible à tout pr4-
tendant ayant la rorce militaire nécessaire pour s'imposer.
Le caractère électir de la monarchie disparaft
"~-".~';:-';.: '.
..
: ....
f":.".
:
1
.....; ...-.y.....~'if~.-;:;.,.
avec Latsukaabé ,pour rain place au règne de la puissance mil1- >",~. ,-
aire. L'avènement de l,i'aristocratie" militaire a aussi des con-
~quence. au niveau des institutions politiques du r~aume 1 la
disparition du caracètre électl~~ de la monarchie, entrAine sinon
.
l~annulation de la ronction du Jaraaf Bawol, du moins la dimi-
.,j,
nution de son poids politique au niveau du pouvoir central.
Le Jaraar Bawol n'a plus le pDuvoir de choisir
un candidat
parmi les nombreux princes p~étendant. , son rôle au
oours du XVIII ème siècle, se limite à e~riner aveo l'a.semblée
des Jambuur , des situations de rait.
L'accession de Mais. Tend We~j à la tlte du Bawol .~:~.
est un exemple pertinent,qui montre de manière tr~. olaire.. ~a·
perte du pouvoir de décision du Jaraar Bawol.
Tanor Latsukaabé Faal nous dit que, ma~ré la volonté de. "no-
tables" dont la prérérence allaient à Makodu Kumba JariK, Malsa
Tend Weej, après l'avoir battu à la bataille de Sangai
s'imposa comme Tee~ au Bawol (1).
Durant tout le XVIII ème si~cle, la
devint 1e seu1e moyen
sion wo1or 1 "garmi ci garu retal" (on n'est garmi
1I1sil) •
:~:~.
(I)\\._lPal:).,__!c~.L•.. ;...B_..T.LA .. N-.=Se~~~. 1fO I,I974: .~..

215
On note ainsi une évo&ution de li'idéologie
du pouvoir monarchique
ce n'est plus la naissance A elle seu-
le,qui con:fère le statut de garmi, mais i l :faut en plus avoir
une puissance militaire su:f:fisante pour pouvoir s'imposer.
L'essor du pouvoir Ceddo marque cette évolution de l'idéologie
du pouvoir poli tiqu,e. C~ pouvoir ceddo es t né dans le cadre de la
.
,
trai te négrière, ~~~~::;v".~#.r~.,:~grâ'ce à elle. Pour se maD!~nir
-
~
-~
au pouvoir, les souverains se sont entourés d'un v'ritable corps
d'armée, qui non seulement leur permettait de :faire :face A leurs
concurrents à l'intérieur du royaume, mais~ncore de pouvoir
alimenter le commerce qu'ils :faisaient avec le comptoir de Gorée.
C'est grâce à la viole~,e que les anciennes :famil-
les garmi ont été vaincues
le nouveau pouvoir n'avec Latsukaa-
hé, dans ce contexte de violence et de bol1lversement des insti-'
tutuioDS :favorisé par la traite négrière, ne pouvait elle aussi
qu'être basée sur la violence, si elle voulait se maintenir au ~.
pouvoir. C'est donc d'une manière beaucoup plus organisée, en_~
s'entourant d'hommes qui leur étaient dévoués (les jaam),
; ~:'.--,:'1~;...
les Geej, nouvelle :famille "meen" promu au rang de ganai, ~'''~D~'1~;r
,
-",. '~:-
'.r-".'e_ '-
gagent dans le commerce atlantique.
Le règne du pouvoIr ceddo, engendré par la traite
négrière a eu des conséquences notables dans le Bavol a guerres
civiles, :famines, razzias et insécurité parmi lei populations.
Malgré l'instabilité du pouvoir central au cours
du XVIII ème siècle, instabilité due A la lutte qui se mène au
niveau de la classe dirigeante, le pouvoir monarchique se r.n~':,
,c'.:.;-,;:'l''; "i' • -, ' •.•'
:force considérablement. En e:f:fet, la principale ~Dstitu~iô'
pable de contrebalancer le pouvoir du Teelr (la :fODotio~. d~'~\\J"
, -.[-~
Bavol) perd de son e:f:ficacité. C'est le :fara kati&, qui en .
.- ..
de ses attributions 1 che:f des capti:fs de la couronne, en

2I6
du oontrale de "la route qui joignait la oapitale, Lambay, au
principal port du Baol, Portudal" (t), devient le second per-
sonnage du royaume. Le rale de ~ara kaba est très important durant
cette période dominée par la traite négrière. Comme nous l'avons
déjà souligné, le gros de l'armée du TeefI. était co.stitué de
•.
œpti~s de la couronne ; or, pui,que oes derniers étaient comman-
.
1
d~s par le fara kaba, c'est donc lui qui en ~ait était le che~ de
i
l'armée. Cette fonction lui donnait un pouvoir oonsidérable,dans
1
~
la mesure où,c'est cette armée de ceddo qui, en d4~initive 4tait
~
WJ
"
le support du pouvoir du Tee~ ; 'sans elle, oe dernier ne pourrait
1
pas faire ~ace aux attaques des autres princes prétendants au
1
pouvoir, et aurait été très vite dépos4. Le teek devait donc
Î
1
~
objectivement reohercher l'allianoe du ~ara kaba.
1
1
$
!i
Le contrale de la route allant de Lambaay à Por-
tudal est aussi un élément important, qui explique l'ascension
1
du pouvoir du fara kaba. En effet, c'est par cette route que
1
passait l'essentiel du trafic que faisait le Tee~. En lui attri-
1
,
buant la charge de contraler cette route, le tee! remettait au~
fara kaba la surveillance de presque tout le commerce du royau:':~:~~:"
. '!.:>-:..,:.,:,.:
i
. <;.~~:~;/f:~;7:·"
1
.
me,
ce qui sur le plan économique n'était pas n4gligeable.
wo·";·.)· ~ ~
,
d'ailleurs, le fara kaba profite largement du commeroe négrier."
1
i
Dans le traité signé en 1785 entre le roi du Bawol et Repentigny,
.". :~:~'~~7~\\~'t~~i
on note ceci 1 "la traite des capti:f's qui est plus abondan*.' {'.';'(
1
.'. ~: :~. -, .
i
,
:
chez moy(N.B 1 le teeh) , que chez mes voisins, se ~.ra de 'gré
à gré avec les marchands réservant néanmoins au :f'aza..kab"""..l ... ";<~h,.
':' >'.::\\i~ij,':'
dix barres par tate de noir que l'on traite "(~).
'
.
(
) CJlARLES BECKER ET V. MARTIN • B.I.:Ir .A ~ N
(
)A.N.S.O.M 1 Sénégal et dépendances IV
24 A

2I7
- : -"
Nous voyons ainsi que le fara kaba se trouve au
coeur du trafic négrier et que son pouvoir -militaire et écono-
mique- était considérable.
Comme nous venons de le voir, la mutation qui s'est
opérée au sein du pouvoir monarchique sous l'effet de la traite
-
atlantique met en place des do~ées nouvelles 1 elle consacre
l'entrée et la participation effective des guerriers d'origine '. _
c.~ptive, au pouvoir politique, 'et· ce1à au détriment des hommes
1bres et de la masse du peuple ~n général, dont la représentation
~
au niveau du pouvoir central devient tr~s faible.
Cette situation entraîne des bou~ersements au
niveau de la société Bawo1-Bawo1, tant dans >es
~tructures que
dans les rapports socio-po1iuqpes.
B -
Les différentes transformations dans le Bavo1.
L'impact du commerce atlantique sur les sociét".
Sénégambiennes :fait l'objet d'un débat entre les cherche~~•._j,~.)~.~
Pour certains, si 1atraite négriltre a eXist~~:~~:;,';~;-
ces régions, la faiblesse numérique des eBc1aves èxportés ne
permet pas d'affirmer que ce tra:fic eut des conséquences nO~~i(',t~1;;;"
dans l'intérieur de la société. Les tenants de cette th~se doni~~;
, ,,' ,~;$.;~~:
Philip Curtin représente le chef de file,
essaient de moDtr.~t!;~
,,:,,·'.~~~g·~~F:,
que,si de façon incontestab1e,le cOllUl1erce atlantique aéeu UDe_~,?{{:.::,
, ~<;> ;.;" ··,~~;,;::~;;t~i..(4\\t~;:;·~~··
influence sur l'évo1Œion des sociétés africaines, i l nten a ce-
pendant pas été le facteur déterminant.
L'histoiye de l'évo1ut~ des formation8 80ciale.
africaines doit se faire en partant de l'intérieur de ce• •o~·~~~~i.:·,
,..,'i
..' :-_.'-~ ---; ;:?~" ~;:'L
tés elles-marnes, et non pas en privilégiant un a.pect de cette,)';;!'·
.- )':;z'.~ ~
histoire 1 les relations entretenue. entre l'afrique et l'europe.
,
. '
I l faut en définitive refaire une é~de africaine de l'hi8to1~~
: ,:~::?t~;....: .... r'
de l'Afrique.
{'",,'~';'.'::';.-~,

218
L'analyse de Curtin aboutit à la conclusion ~on laquelle, ma1gr~
leur engagement dans le commerce Atlantique au cours du XVIII~me
siècle, les royaumes Sénégambiens ont connu une relative stabi1iti
au cours de cette période. La trans~ormation majeure que l'on note
dans cette région,
se situe d'après lui au début du XIXème si~c1e,
avec l'essor des Ceddo qui daterait, de cette 'poque.
Charles Becker, dans une étude critique de l'ouvrage de
Curtin 1 "
La Sénégambie à l'époque de la traite des esc1aves.A

propos d'un ouvrage récent de Philip D. Curtin 1 Economie change
in Sénégambia in the era o~ the 'slave trade ", montre que, mIme
si sur le plan numérique l'importance de la trai te négrière .n.·
Sénégambie, comparée aux royaum.s du sud d. l'A~rique, .st m91Ddre,
,··~.~;;~~,,:.~~~~;'~~~.i~~
i l n'en demeure pas moins que les conséquenc.s qu'.ll• •ut au.ni~
,
J~~~...
veau des sociétés sont considérables. En~tPour lui, l'analyse de
l'évolution socio-po1itique des royaumes Sénégambiens au XVIIXème
siècle, ne peut se ~aire en dehors du cont.âte du commerce. At1an-
tique, seul capable d'expliquer les bouleversements qui eurent
lieu dans les sociétés Sénégambiennes de cette p'riode.
La Sénégambie regroupe divers royaumes qui,dans l'en-
semble, ont connu une évolution similaire. Cependant, nous ~ ....'.'
.,::'-"'-0:-'
pensons '.·•. 1' étude de chacun des royaumes qui la composent, -avec
les spéci~icités propres à chaque région, pourrait montrer de faço
.', .::- :~
beaucoup plus pertinente,l'impact du commerce Atlantique sur 1.s
.,...... -::,,-- ".
sociétés concernées et permettre une approche globalisante d. la'
question.
Boubacar Barry l'a ~ait à propos du royaume Wo1o~ du Waa10 . t a
démontré d'~ne ~açon inconstestab1e que,depuis l'insta11ation.d~~~
(1) P.D. Curtin ,"Economie change in préco1onia1
par C.Becker dans 1 Revue
d'outre-mer. n 0 235. 1977

219
comptoir Français au XVII ème siècle, l'évolution politique,éco-
nomique et sociale de la région s'est faite en rapport avec les
relations entretenues par les Waalo-Waalo avec les commerçants
Français.
Peur. le cas du Bawol, essayons donc de voir les conséquences éco-
nomiques et sociales engendrées, pa~ un siècle de traite esclava-
giste.
a
1
Sur. le plan économique.
La première conséquence du commerce esclavagiste
fut la redéfinition du pouvoir poli~ique dans le Bawol.
C'est ce commerce qui est à l'origine de l'essor du pouvoir Ceddo,
dont la conséquence est le renforcement du pouvoir de la classj
dirigeante. Nous avons vu que cette redéfinition du pouvoir poli-
,
tique s'est faite par la violenc, opposant ainsi les differentes
fmilles Garmi du royaume. Elle a engendré alors de nombreuses
guerres qui ont plongé le pays dans un chaos économique et s'ocial.
Les guerres entre clans Garmi, souvent encouragées
et parfois suscitées par les commerçants français qui fournissaien
des armes aux differents protagonistes, ont été à l'origine des
nombreuses disettes enrégistrées au cours du XVIII ème siècle":·;~t
La première moitié du XVIIIème siècle qui coincide avec la période
où le ",pouvoir Ceddo, par le biais de la famille Geej essaie de se
consolider, est ainsi jalonnée de disettes et de famines.
De 1723 à 1756, les sources écrites
des archives Nationales de France ), signalent à plus~,.u~Ii':, •
/:..~'~;:":::l~~:~}~;·r~: ;\\;.
des années de famines au Kajoor /Bawpl.,'·~·"Y':,':·'~if
Certaines de ces disettes ont pour cause des calamités natur.li!~J
mais la plupart d'entre elles résultent par contre des conflit;~~:
~-
;:-
'". ---' ··-~:'~.r-:-----=-~~-

220
dont le royaume fUt le théâtre. Ainsi, le con~lit qui opposa pen-
dant sept ans (de 1749 à 1756 ) les Geej aux Dorobé fUt certaine-
nement à l'oritine de la ~amine qui eut lieu à oette époque.
Parlant du Kajoor et du Bawol, Estoupan de la Brue note en 1755 1
" Les b.et1aux'J:,y étaient assez abondants pendant le régne de Damel ,~.',.
Maeiysa,mort en 1749. Les guerre~ co~tinuelles que sa succession
"
Ci,,-
a causées, et une ~amine de quatre ans les ont presque enti~rement !f'1'r
détruite; i l ~audra quelques temps pour les rétablir "t(l) •
.'
L'état de guerre permanent engendré par une cométition
'<é,
de plus en plus serré pour le pouvoir,destabiltse à coup sar, l'~cOi
nomie du royaume.
j
Les paysans sont con~rontés à des di~ficultés pour cultiver leure
.:~ .~ "'.'!'
champs qui peuvent à tout moment Itre d'vastés par les armées en
campagne. L'agriculture devint ainsi une activité au rendemena
très aléatoir"
d'autant plus qu'en période de ~amine, le Tee:!'
et ses Ceddo con~isquaient ~réquenment les greniers de mi1/l.s
~
..
paysans (2).
A cette situation déjà alarmante, est venutse gre~fer un autre pro-
blème, découlant toujours du ren~orcemeDt du pouvoir politique.
En e~~et, pour mieux asseoir son pouvoir, le souverain
était obligé de créer des charges politiques qu'il con~iait ,aux
hommes qui lui étaient dévoués. Ces charges consistaient soi t,CUl'·:':'- E
'-~
commandement d'un territoire, soit au commandement de la oommu-
nauté résidant dans une région ou dans un village donné. Dans les:;;~
deux cas, cela créait de nouveaux probl~mes pour les paysans.
(1) A.N.Section Outre-mer, D.F.C. Gorée, pi~oe 25.
(2) In~ormateur 1 Sacù3a
sy Faal ;
11~, lli'i

221
Si c'est le commandement d'un territoire dont les populations re-
levaient déjà de l'autorité d'un Laman, comme c'est le cas pour
les régions des Mbalonja~eent les paysans se retrouvaient sous
une double autorité:
celle dUo.'Laman auquel ils devaient verser
des redevances et celle de l'agent du pouvoir central.
La juxtaposition de ces-deux pouvoirs au niveau local, était
inéluctablement contraignante pou le paysan.
Expliquant le rôle des. Sax-Sax qui étaient des agents
du pouvoir central nommés dans les villages, Jogoma~Jeey nous
~
l
dit que
" de ces villages,
i1.s (les Sax-Sax ) rapportaient des~'1'!
richesses au Buur ; les villageois leur donnaient des 8adeaux ft
qui consistaient surtout en produits alimentaires ft (1):
I l ressort ainsi de cette situation que,du ~ait de la nouvelle
1
restructuration du po~voir central, l'activité économique dans les r
villages du Bawol connait un certain recul.
1
~.
La situation du paysan est devenue très précaire 1 sur le plan
politique, l'avènement du pouvoir ~'~ddo change radicalement les
rapports qu'ils entretenaient avec le pouvoir oentral ; sur le
plan économique, non seulement les multiples guerres que se livrent
les Garmis ne ~avorisent pas la pratique correcte de l'activité
agricole, mais encore la récolte est souvent à la merci des agents
du Teeif.
Ces trans~ormations politiques et éoonomiques qui sont à rattaoher
au oontexte général du oommerce Atlantique, s'aooompagnen* aussi
d'un ohangeme.t au niveau de la sooiété.
(Il Informateur: Jegomaay Jeey, 14·~--~62:~·:é·r9~I"·:
..

222
b) Sur le plan social ,
Un bouleversement majeur est noté dans la 80cié-
té wolof du Bawol à la fin du XVIII ème siècle, c'est l'irrup-
tion des esclaves sur la scène politique. Le pouvoir politique
tel que les wolof le concevaient ne pouvait être detenu que par
un homme libre, de surcroît un homme qui,par sa naissance,ne
pouvai t
appartenir ni au groupe des' ."J!e~o", dont le sang est
"impur", ni au groupe des "Ba.~olo", puisque ses ascendants avaient
déjà,sinon exercé un pouvoir politique, du moins gravité autour.
En somme,
comme le dit Rousseau,
en milieu wolof, "les dYo,its
pbli tiques étaient l'apanage des nobles" (i.)-.
1
I l faut cependant préciser tout de suite que, cette
;
affirmation, si elle s'avère exacte en théorie, ne l'a pas été
/
œns la pratique. La conception du pouvoir politique ayant subi
une évolution au cours de l'histoire du royaume wolof, la posi-:-
1
tion et les rapports du wolof en face de ce pouvoir s'en sont
~uvés changés. C'est pourquoi- d'ailleurs, il est toujours dé-
licat en faisant l'étude de ces royaumes d'en présenter, en dé-
but de travail, les institutions politiques et sociales. Ce fai~,,:;}~:';,
.
.,.·:<t·.;~~:.~~~:~~-'
~ant, c'est comme si l'on ignorait l'évolution et les transforma: "-",
tions que ces dites institutions ont eu l
subir durant cette
période de l'histoire mouvementée des royaumes wolof.
Ainsi,
si en principe, les droits politiques en
milieu wolof, ne pouvaient être détenus que par ~s garmi q~i,dans
la tradition historique des wolof,descendent des anciennes fa-
milles fondatrices
des royaumes, nous voyons qu'au XVIII ème si~-
cIe,
certains de ces droits passent entre les mains de la caté -
(I) Reusseau:, R.
t
I933, P. I58

223
,goré.e sociale qui, sur le plan hiérarchique,se trouve cependant
au bas de l'échelle sociale 1 ce sont les "jaam" ou esclaves.
I l ~aut préciser quand même qu'il s'agit d'une certaine caté-
gorie d'esclaves)en l'occurence ceux appartenant aux familles
i '
t"·
garmi. Malgré tout, l'accession de ces esclaves au pouvoir poli-
tique,inaugure une profonde mutation dans la société wolof, dans
.
la mesure où,c'est dans cette même soc~é que l'on retrouve
l'affirmation selon laquelle,sEUls les nobles ont accès au pou-
voir politique.
Il Y a donc eu une évolution au niveau des ins-
ti tutions poli tiques, évolution découlant de la redé~inition du'"
pouvoir dans la monarchie wolof du Bawol.
..,'- .
On peu~ d'ailleurs avancer l'lwothèse
.s(,lon
laquelle l'organisation politique. administrative décrite par
certains historiens date de cette période
du XVIII ème siècle.
En e~fet, du ~ait des rivalités entre garmi, les souverains,
comme nous l'avons déjà dit,
se sont alliés aux esclaves de la
couronne, ou plus exactement aux esclaves de leur famille mater-
nelle et leur ont con~ié d'importantes fonctions dans l'adminis-
tration du royaume •
Ainsi au niveau de l'administration,
centrale,
!'.;.;
nous voyons apparaître un personnage dont les fonctions re~è~t
l'importanoe qu'il a dû avoir dans le royaume ; or ce personnage
est un esclave de la couronne, i l s'agit du Fara Sëf. "Il appar-
tenai t aux esclaves de la couronne dont i l était un des repré-
.:;
,.·;:;'~~~4~r
sentants de premier ordre. i l était le responsable des redevanc• •~
,",,·~1~(~tfa~1
perçues en nature par les percepteurs et les vivres en général:':';/'<~'~
."~. ;::'''<'
>
vers le palais royal. Minsitre de la guerre et en m8me
commandant en chef des armées, i l s'ocoupait de toutes les

224
1
tions militaires 1 intendance, équipement en armes et mu~,~
~
--_.....,. "..
10gistique"(1).
Avec le Fara Kaba, dont nous avont défini les fonc-
tions plus haut, le Fara 5ëf est l'un des personnages clés de
l'administration centrale du royaume. D'autres esCla~es occu-
paient aussi des fonctions plus ou moins importantes au niveau de
l'appareil administratif
ce sont les fara Biir Kër et Jaraaf
Bunt-Kër. C'est comme si le roya~me, en dehors du sopverain, é-
,
tait sous l'admi~tration des esclaves.
Cependant, si nous sommes d'accord sur le fait que~
l'importance des esclaves au niveau du pouvoir politique date
de l'essor du pouvoir ceddo commencé à la fin du XVII ème siècle,
nous conviendrons donp que cette organisation administrative et
politique de la monarchie wolof,
où les esclaves occupent une
place prépondérante, ne peut être qualifiée de "traditionnelle"
comme certains auteurs (2) l'on fait.
Cette organisation s'est
nse en place à la suite d'un bouleversment opéré au niveau de la
société, bouleversement qui renverse une partie des structures ({,-
sociales dans leur rapport au pouvoir.
- 'ji~i~~,l_-
I l est ainsi inexact de parler d'une organisation';:
politique et admin'strative "traditionnelle" du royaume du Bavol,
puisque non seulement le pouvoir politique, mais aussi les ina~:
titutions~ont dd subir des modifications par suite d'interve~~i~n8
. .'; ···~·..·:;.~~:~1:L;/~:'·
d'éléments nouveauxoA.u XVII ème sièole, le facteur de tranato~~~.
.. :''-::';~.~~'
tion a été le commerce atlantique et plus précisément le tra~i~;-
. négrier.
.:.: ... .;.:,:;.';, . .
.':.~'
: ·198I,P•. 140 -
- - - - -
(-z) Diagne, P.
: 1967
.. j:":"~::Jf!;\\1
.---'....~-:.:
.

225
On assiste à un renversement de tendance 1 les hommes libres qui
sur le plan hiérarchique passaient avant les "jaam" se voient
supplanter par une certaine catégorie de ces "jaam".
L'importance de l'individu devient désormais ~on­
tion de la place qu'il occupe au niveau du pouvoir politique,
et non plus de celle qu'il a dans la hiérarchie sociale.
Séri1i Abdoulaye Diop l'explique très bien e'lnous
disant que
s "Ba"t1olo, Jaam Bu siiwa ko gënn"
(1.)
(l'es:::1.ave cé-
lèbre est mieux vu que le Ba~olo).
Le paysan
Ba~olo
Bawol-Bawol connait ainsi une
situation très di~~icile à l'intérieur du royaume 1 non seulement
sa condition de vie se dégrade de plus en plus, mais encore, m8me
sur le plan social,
i l donnait une déchéance en ~ace de la montée
du pouvoir des esclaves' ceddo qui pouvaient le piller impunément.
Nous pensons que le succès de l'Islam dans la ré-
gion à partir du XVIII ème si9ie est à lier avec cette situation
de misère vécue par les populations.
I l y a un rejet de l'idéologie du pouvoir en ~a­
veur de l'islam. La montée du pouvoir maraboutique dans les ré-
gions wolo~ crée aussi à l'instar de celle du pouvoir ceddo, un
groupe social:
ce sont les "sérifl". L'importance des marabouts:
"sérifl",
s'est ~aite progressivement au cours du XVIII ème siècle,
et est certainement due à nne réaction des populations, contre le
pouvoir ceddo. Ainsi, Amadou Bamb~ Diop nous dit à propos du
Kaj oor l
"depuis longtemps déjà,
i l s'est cons'\\At",é.
,
~ace au
thiédos et à la royauté, une classe dont l'importance grossissait
(1) INformateur
Serin '. Abdoulaye D~op

226
au fil de l'histoire. A à cette progression constan·be, i l faut
ajouter un facteur social très important 1 le peuple devenait de
plus en plus,
et d'une manière insidieuse, l'allié des marabout~
(1 ) •
Cette montée de ~islam notée au Kajoor, si elle
n'est pas générale dans tout le Bawol, où les populations
séreer se sont converties assez tard à la religion musulmane,
s'effectue aussi dans les régions du Bawol occupées par les wo-
lof et qui sont étroitement liés aux "ajoors".
Les marabouts vont ainsi, du ~t de
t'importance
numérique des
topulations qu'ils dirigent et du rôle que ces
dernières attendent d'eux,
se constituer en véritables chefs de
communautés et occuper une place désormais bien définie dans la
société wolof. Nous pouvons donc dire qu'au XVIII ème siècle, le
commerce atlantique,e~ permettant la redéfinition du pouvoir po-
litique dans le royaume du Bawol,a été à la l'origine de la for-
mation de deux groupes sociaux : les ceddo et les séri~.
C'est à la faveur des bouleversements que connait
la région, que chacun des groupes s'est formé. Si sur le plan
strict de la hiérarchie sociale, ils ne sont pas représentés
dans la vie courante, ils sont cependant acceptés et reconnus
comme groupe social, puisqu'ils occupent une position privilégiée
dans la société. Une profonde mutation s'est ainsi opérée au ni-
veau du système de valeur social des wolof, dans la mesure où
la place de l'individu dans la société n'est plus fonction de sa
position dans la hiérarchie sociale, mais plutôt de son accepta~
tion ou de son opposition au pouvoir politique établi.
(1) AMADOU B. DIOP : "Lat Dior et le problèn:te musulman"
B.I.F.A.N.
SER.B,N° 1.2
1966. P. 500

227
Une autre conséquence de ce contexte de la traite esclavagiste
et du ren~orcement du pouvoir central, fUt la nette scission
opérée au sein du royaume, entre les deux nationalités majoritai-
res
z
séreer et wolo~.
Les tensions entre séreer et wolo~ avaient déjà
commencé dès le milieu dU'XVIIème siècle, lorsque le tee~ Ce
Ndela, dans sa politique de consolidation et de centralisation
du pouvoir s'était attaqué aux laman séreer du Bawol central.
Cette politique s'étaient soldée par la victoire du souverain
et l'abaissement du pouvoir des l~man de cette région, au béné-
~ice des nouveaux laman-les laman peey- crées par le pouvoir cen-
tral.
Nos in~ormateurs wolo~ (t)
, n'ont pas manqué de
nous relater cette lutte que Ce Ndela eut à soutenir .ontre les
séreer du Bawol central et la victoire qui s'en sui vi t • Cepen-
~tult, si les sources orales insi stent sur cet a~~ronteme:"t entre
séreer et wolo~, elles parlent moins des relations entre le pouvoir
central wolo~ et les séreer situés dans les autres régions du
Bawol z Joobaas, Saa~een, Jegem et Mbadaan. Notre informateur,
Jogomaay Jeey précise par ailleurs que ,les régions séreer four-
nissaient beaucoup d'esclaves z "Parmi les esclaves que l'on ven
dait,
i l Y avait peu de
wolo~; ce sont surtout les séreer de
Ngoy, du Mb 0.. daan, de Ngoyé, que les wolof allaient capturer
pour les vendre sur les rives de l'océan,en échange de chevaux"(t).
De son cSté,Waali Mbaay, nous a aussi a~~irmé que, " les séreer
étaient souvent dépouillés de leurs troupeaux, au pro~it du
JI) Jogomaay Jeey et Waali Mbaay ; '!"'(""-_c:\\..t"""'~. Il•. ot.f' . .t,tS'.Clf. ~I
:...
",
.
Ct) Jo.gomaay Jeey J Int'ormateur. l'+.o~. Il
. . '
.
. .~ ""
,".'
. '.

228
du teell" (i.).
Saa basi Faal précise lui aussi, "qu'au moment
où le royaume était frappé par la famine,
on allait chez les
séreer, et devant tout grenier que l'on voyait, on plantait
une épée, disant que le roi le confiscait" (~).
I l semble donc, que les relations entre le pouvoir
central wdof et les séreer aient été surtout, des relations de
tension, du fait même de la politique menée par le premier à
l'égard des seconds.
Cette tension se ,perçoit d'àilleurs à travers les
sources écrites du XVIIème siècle, qui mentionnent parfois les
attaques des souverains wolof contre les populations séreer.
Dès le début du XVIII ème siècle, les ~apports des séreer
avec
le pouvoir central sont franchement antagoniques.
Nous pensons que
cette contradiction entre les
deux peuples ne doit pas être expliquée par une quelconque ri-
...
é
'
,
valité ethnique ou tribale, mais vient plutot de cette d generes-
cence dUpouvoir politique. L'hostilité et la méfiance du séreer
se dirige d'abord,non pas vers le wolof, mais plut8t vers le
représentant du pouvoir politique,qui était wolof.
Ce n'est donc pas une hostilité à l'égard des
wolof en général,mais à l'égard d'un pouvoir établi. A travers
les sources orales,
on perçoit d'ailleurs l'explication de ce
problème,puisque tous nos informateurs nous nont affirmé qu'avan~
l'o..irènement des Faal,
séreer et wolof ont vécu ensemble dans la
région et même contracté des mariages entre eux. Cependant, i l
faut préciser que,le pouvoir politique a été réorganisé par la
famille Faal, et a connu un début de centralisation à partir du
XVIème siècle.
Ti) WAALI MBAAY a Informateur • tf. 01. ,.
(~) SAABA SI FAAL 1 Informateur ~
Â~.f'

229
C'est certainemant cette centralisation du pouvoir qui s'est
e~~ectuée au détriment des anciens 1aman séreer, qui a été à
l'origine de la rupture entre séreer et wo10~.
i l ~aut signaler que les séreer du Bawo1, divisés
en de nombreuses petites communautés parlent tous la même lan-
gue qu'est le séreer, mais souvent dans des idiomes di~~érents.
Même s ' i l y a une communauté de culture entre eux, la cohésion
linguistique n'est pas totale comme dans le royaume séreer voisin
du Siin, qui a pu très tôt établir une organisation politique cen-
tralisée.
Cette mu1titutde d'idiomes que l'on renContre
che~ les séreer du Bawo1 a engendré l~existence de plusieurs
terro~jJ~onctionnant.chacunà partir de ses propres lois et
règles. I l était donc très di~~ici1e pour "l'aristocratie" wo10r,
d'établir un pouvoir central englobant tout~.ces régions.
Faute de pouvoir contrô1~directement ces provin-
ces qu'ils considéraient néanmoins comme raisant partie de leur
royaume,
les teek wo10~ se sont contentés de les piller pour
alimenter leur commerce. A partir de ce moment là, et ce1à jusqu'-
à la conqu ête coloniale, séreer et wo1o~ se sont combattus dans
le Bawo1.
Ainsi donc, à la ~in du XVIII ème siècle, le royau-
me du Bawo1, après un siècle de commerce esclavagiste se trouve
scindé en trois 1 d'un côté, nous avons le groupe des ceddo,
c'est à dire,ceux qUi,de près
ou de loin p~~icipent ou gravi-
tent autour du pouvoir politique.
d'un autre côté, nous avons ceux qui s'oppo-
sent aux ceddo, et qui par le biais de l'islam, tentent de pren-

230
dre'~ pouvoir pour une restructuration du royaume.
Le troisième groupe est en~in représenté par
les séreer qui rejettent le pouvoir central wolo~, pour une
autonomie politique de leurs régions.
Ces trois ~orces sociales et politiques sont
en
lutte constante à partir de la ~in du XVIII ème siècle.
Une quatrième ~orce viendra s'y ajouter dès le
XIXème siècle 1 la ~orce coloniale.
Le XIXème siècle sera ainsi le théâtre de cette lutte entre
ceddo, musulmans, autonomistes séreer et colonialistes Français.

IIIè PARTIE
LE CHANGEMENT DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE
DE LA PRANCE EN S~N~GAMBI~
ET LE DECLIN DE
LA CLASSE DIRIGEANTE DU BAWOL.

231
I. LE BAWOL AU COURS DE LA PREMIERE MOITIE DU Xlxè SIECLE :
REVEIL DES RIVALITES ENTRE FAMILLES "GAR ,r', " ET EBRANLE-
MENT DE LA PUISSANCE DES "GEEJ".
Durant tout le XVlllè siècle, les relations commerciales entre
les aristocraties au pouvoir dans les royaumes sénégambiens e t
les Européens installés dans leurs comptoirs côtiers, ont été
axées pour l'essentiel sur la vente des esclaves.
Au Bawol, le monopole de ce commerce était aux mains du Teen, ce
qui, comme nous l'avons vu, lui permit de renforcer considérable-
ment son pouvoir.
Au XIX è siècle, la suppression de la traite négrière a 1-
lait marquer un nouveau tournant dans les rapports entre la France
et les royaumes sénégambiens. Nous ne ferons pas l'analyse des
raisons qui ont amené les Européens à abandonner le commerce es-
clavagiste en Sénégambie; nous essaierons seulement d'en voir
les conséquences dans le Royaume du Bawol.
La confirmation de la suppression de la traite négrière au
Traité du 20 Novembre 1815 à Paris, ouvre une ère nouvelle en
Sénégambie. Dès 1819, le Traité de Ngio, signé par les Français
et le Brak du waalo entérinait la nouvelle politique économique
de la France au Sénégal. Par ce traité, le royaume du Waalo cé-
dait à la France des terrains devant recevoir des établissements
agricoles (1) : c'est le début de la colonisation agricole, pre-
mière tentative faite par la Fr~nce en Sénégambie, au lendemain
de l'abolition de la traite négrière, dan~ le but de maintenir
les intérêts de son commerce dans cette région.
(1) BARRY, B.
1972n p.237.

232
Contrairement à ce qui a toujours eu cours dans les relations
commerciales entre la France et les royaumes noirs,
les Français
vont pour la première fois s'installer sur des terres relevant di-
rectement de l'autorité des souverains africains,
alors que jusqu'
alors,
ils s'étaient contentés de s'arrêter sur les point s d e trai::
c8tiers.
L'étude de cette tentative de colonisation agricole du VJaalc
a été faite par Boubacar BARRY dans sa thèse ; d'après lui, ce plai
"destiné à sauver le <commerce du Sénégal, engageait la colonie
dans la voie de la conquête"(1).
Il faut cependant noter que pour la classe dirigeante du
Bawol,
l'abandon du commerce esclavagiste a été un coup porté à sor
pouvoir économique.
En effet,
la position géographique du Bawol,
fait que l'essentiel du commerce de ce royaume se faisait avec le
comptoir de Gorée; or,
la première fonction de l ' î l e de Gorée au
XVlllè siècle était de servir d'entrep8t aux esclaves en partance
pour l'Amérique. Les royaumes de la petite c8te étaient généralemei
chargés de ravitailler l ' î l e en vivres. Avec la suppression de la
traite négrière, Gorée perd son importance, au bénéfice du ~omptoi:
de Saint-Louis. Les Français axent tous leurs efforts vers la ré-
gion du fleuve;
les royaumes de la petite c8te,
n'ayant aucun poi~
de contact avec le fleuve perdant tout intérêt pour le commerce
français,
d'autant plus que le Bawol et le Siin ne sont pas pro-
ducteurs de gomme, .ce qui,
si c'était le cas, aurait pu constituer
un moyen d'attirer les armateurs vers cette région. Les points de
traite de Portudal ( pour le Bawol) et de Joal
(pour le 5iin) fu-
rent abandonnés;
ils ne reprendront leur ~mportance qu'en 1859,
(1)
BARRY,
B.
1972, p.237.

233
au moment où la France, par suite de l'échec de la colonisation
agricole du Waalo, met en place une véritable politique de conquête
territoriale des royaumes sénégambiens.
Ainsi, de 1815, date de la reprise du Sénégal par la France,
jusqu'en Mai 1859, quand le gouverneur Faidherbe signe avec le roi
du Bawol un traité permettant la construction d'un fort à Sali Por-
tudal,
le royaume du Bawol a occupé une position très secondaire
dans l~s transactions commerciales, comparé à son voisin du Kajoor,
ou encore âu Waalo.
C'est pour cette raison que les sources écrites concernant
cette période sont très rares,
sinon inexistantes pour le Bawol.
Les seules périodes où le Bawol est mentionné dans les sources écri·
tes sont celles où il se trouve réuni au Kajoor,
sous un même sou-
verain. La plupart des renseignements que nous avons proviennent
des sources orales. C'est à travers les conflits qu'elles relatent
que nous essaierons de voir quelle a été l'évolution suivie par
le royaume depuis le début du Xlxè' siècle,
jusqu'au moment du retou:
en force des Français dans la région en 1859.
AI Le réveil des rivalités entre familles "garmi".
L'examen des sources de la première moitié du Xlxè siècle,
révèle l'existence d'une profonde crise au sein du pouvoir politiqu
du Bawol.
De la mort d'Amari Ngoné N Dela que YORO JAW situe en 1809,
à 1854 (date de la mort du Dammel Teen MaIsa Tend Joor) , huit sou-
verains ont régné sur le Bawol, tandis que le Royaume voisin du
Kajoor n'a eu pour cette période que deux Dammel. Les sources ora-
les
ont d'ailleurs retenu les nombreux conflits qui eurent 1 ieu
durant cette période, et qui opposèrent 1 es Dammel du Kajoor aux

.;..~ .
du Bawol •
. La stabilité politique du Kajoor au cours de la période con-
sidérée réside dans le fait que ce royaume est toujours gouverné
par la famille maternelle des Geej. Dans le Bawol par contre,
nous
assistons à un renversement des tendances. Nous savons que depuis
la fin du XVllè siècle, la domination des Geej a été quasi perma-
nente dans les deux royaumes. Les anciennes familles qui y détenaier
le pouvoir avaient été supplantées et seuls les "DOl"o:bé." avaient
réussi, après une longue guerre civile à s'imposer pour une brève
période.
Dès le début du Xlxè siècle, nous assistons cependant au re-
tour de ces anciennes familles SDr la scène politique.du Bawol.
Les sources orales relatent avec beaucoup de détails le conflit qui
opposa le Dammel-Teen Amari Ngoné NDela (Geej) à son neveu Birima
Fatma Cubb (Geej). L'origine du conflit
selon Tanor Latsukaabé
Fall, "le roi avait épousé plusieurs femmes avec lesquelles i l avai,
eu plusieurs fils devenus majeurs, à la tête desquels se trouvait
son atné, Thié Yasin Dien9,
héritier pr6somptif de la couronne du
Kajoor.
D'un autre c8té,
son neveu Birima Fatma Thioub, fils de
Boumy Ngourane Mawa Ngoné, était venu grandir à la maison royale,
auprès de son oncle et avec tous ses frères paternels. Il fut nommé
par le roi héritier présomptif de la couronne du Baol. Entre les
deux prétendants était née une certaine rivalit#(1).
Tanor Latsukaabé ne le spécifie pas, mais nous pensons que
cette rivalité entre les deux prétendants n'est pas comme il semble
le dire, une rivalité que se livrent deux jeunes gens auprès des
(1) FALL, T.L.,
B.I.F.A.N., Ser.B., n 0 1, 1974, p.123.

2.35
femmes, mais plutÔt une rivalité entre deux prétendants,
soutenus
par leur famille respective
: celle des Geej et celle des Sono.
"-
Ce Yaasin, bien qu'étant fils du Dammel-Teen Amari Ngoné
NDela, appartient à la famille des Sono. Cette famille n'avait
d'ailleurs jamais accédé au pouvoir dans le Bawol, mais plutÔt dans
le Kajoor, o~ depuis le milieu du XVII~ si~cle, elle avait été évin-
cée par les autres familles garmi.
Comment expliquer la résurgence de ces anciennes familles
qui, durant tout le XVIII~ siècle, s'étaient éloignées du pouvoir,
au profit des Geej
?
Les derni~res années du règne d'Amari Ngoné ont coincidé avec l'ins-
tallation des Anglais à Saint Louis et à Gorée.
Dès 1807, ces der-
niers décid~rent de supprimer la traite négrière.
"Les Anglais vont
désormais tenter de trouver de nouveaux produits en Afrique, et une
commission royale, réunie à ce propos, demandera à tous les g ouver-
neurs sur la cÔte d'Afrique de dresser un tableau complet de l a s:i_-
tuation é.·..:c:n .::l:.que, politique e'c. sociale de leur colonie et d es pert
pectives de leur développement"(1).
Nous pensons que cette politique d es Anglais lors de leur
présence dans la région, a été un nouveau coup droit porté au pou-
voir de l a classe dirigeante, qui avait dé j à vu sa pui ssance e ntar.1É:
à la fin du XVlllè si~cle par la sécession des marabouts du 'Cap Ver
La suppression de la t rai te négrière diminua d' une mani(:~re sensible:
les revenus des souverains sénégambiens dans la mesure o~, c'est pa
le biais de ce commerce qu'ils arrivaient à entretenir le faste
devenu nécessaire à leur entourage et à acquérir des armes à feu.
Nous n'avons pas de documents nous permettant de lier la bai
(1)
BARHY,
B.
: 1972.

236
de l'influence des Geej dans le Bawol à la suppression du commerce
qui a da être à l'origine de la prise du pouvoir par la fam i lle
"meen" des Sono.
Dans le conflit opposant son fils Ce Yaasin (Sono)
à son nc~
veu Birima Fatma Cubb (Geej),
le Dammel-Tee~ Amari Ngoné NDela prel
le parti du premier, au détriment du second, qui était le candidat
des Geej.
Il nous semble que l'attitude d'Amari Ngoné par rapport
au problème n'est pas conforme à la politique des Geej.
En promettë
le Kajoor à son fils, Amari lèse les intérêts de sa famille materne
puisqu'il ne lui laisse que le Bawol, alors que depuis un siècle,
les Geej or.t toujours eu pour ambition le cumul du pouvoir d ans le~
deux royaumes.
Qu'est-ce qui pousse Amari à prendre une telle décision ?
La réponse à cette question ne peut se faire que sous forme d 'hypo-
thèse, car comme nous l'avons déjà signalé, cette période de l 'his-
toire du Bawol reste dans l'ensemble assez mal éclairée par des clo-
c~ents écrits.
Les sources orales posent le problème sous forme de conflit de per-
sonnes entre les deux cousins, mais elles ne donnent aucune explicê
tion concernant la décision d'Amari Ngoné NDéla.
Il est cependant
possible qu'avec la suppression de la traite négrière et la période
de tatonnement de la politique commerciale européenne qui en d écou~
les représentants du contre-pouvoir aient commencé à reprendre la
place et le r8le qu'ils jouaient dans l'appareil politique avant lé
XVlllè siècle. Ce serait donc sous leur pression qu'Amari aurait pr
la décision de partager les deux royaumes entre son fils et son nev
Cependant, contrairement aux prévisions d'Amari, à sa mort,
le Kajoor revint aux Geej, tandis que la famille Sono accédait au
pouvoir pour la premiè~re fois au Bawol. D'aprè~s 'l'anor L. f'all,
"le
jeune Birima fut rappelé et nommé roi par les notables du Kajoor,

237
.
tandis que le fils de son one le,
le pr ince Thié Yasin Dieng étai t
nommé Tègne par les dignitaires du Baol"(1).
La famille Geej, bien qu'originaire du Bawol, a vu sa puissance se
développer surtout au Kajoor, o~ pendant deux siècles, elle a
régn0:
avec quelques brèves éclipses. Le Kajoor est non seulement t errito-
rialement plus grand que le Bawol, mais aussi économiquement plus
important,
surtout au cours du XVlllè siècle,
lors de la traite né-
grière. C'est la raison pour laquelle les Geej accordent plus d'im-
portance au "trÔne" du Kajoor qu'à celui du Bawol, qu'ils ne consi-
dèrent que comme lin royaume à conquérir,
une fois qu' i Is ont r éussj.
à ~tre ma!tres du Kajoor.
La suppression de la traite négrière, en détournant les Fran-
çais vers les régions proches du Fleuve Sénégal
(colonisation agri-
cole, commerce de gomme)
a fait du Bawol un royaume sans grande im-
portance pour le commerce. C'est pourquoi,
à la mort d'Amari Ngoné
NDél~, la famille Geej a préféré s'assurer d'abord du "trône" du
Kajoor, royaume très proche du comptoir de Saint Louis, ce qui lui
permet d'avoir toùjours des relations commerciales avec les Europ~er
même si le comptoir de Gorée ne joue plus de rôle considérable dans
les transactions.
Cependant,
le Kajoor,
dirigé par les Geej,
continue toujours
d'avoir des prétentions sur le Bawol. C'est ce qui explique les ten-
sions et les conflits qui eurent lieu entre les deux royaumes dans
le premier quart du Xlxè; siècle; batailles de Xasarna et de N jarnde:
relatées par les sources orales •.
Nous pensons que le rôle politique secondaire que le Bawol
jouai t
dans la région au cours de la IT emière moitié du Xlxè s ie,cle:
a pu permettre à ce royaume de résister à la pression du Kajoor qui,
(1) FALL, T.L.,
B.I.F.A.N.,
Ser.B., N°1,
1S74,
p.126.

238
à ce mornant-là, avait principalement axé ses forces au Nord, dans
la région du fleuve. 'Boubacar BARRY nous dit que "le h'aalo, devenu
centre de colonisatio~ agricole, suscita la convoitise des peu?les
voisins, qui virent d'un mauvais oeil la ;résence française, à
leur
détriment, dans ce pays"(1).
La famille garmi des Sono, a certainement profité des probl~.
mes rencontrés par le Kajoor dans ses relations avec les Français
et le royaume du Waalo, pour se faire une base assez solide d ans le
Bawol. Nous ne connaissons pas la date exacte de la reprise du pou-
voir des Geej au Bawol, mais c'est certainement après Avril 1821,
car à cette date, Amari Joor BO~O (Sono) était encore Teen. Dans un.
lettre adressée au Brak du vJaalo,
"Amadi Diore", chef du Bawol, l'a.
sure de son soutien dans la "guerre qui oppose le ~vallo, le Sénégal
et le Nghiambour réunis, contre Damel"(2).
Les Geej parvinrent cependant à s'emparer du Bawol après la
victoire de Birima Fatma Cubb sur le Teen Amari Joor. Contrairement
au Kajoor où ils continuèrent à dominer la scène politique jusqu'~
la conqu~te colon~ale, leur influence dans le Bawol fut d'un impor-
tance moindre au XIXè siècle.
Nous n'avons certes pas de documents pouvant expliquer la
cause de cette diminuti?n de l'influence des Geej au Bawol dès la
première moitié du Xlxè siècle, mais nous avançons l'hypothèse sui-
vante: comme nous l'avons d&jà soulign~, c'est le commerce atlant~·
que et plus particulièrement la traite négrière qui,
au XVIllè si2c
a permis aux Teen de neutraliser le contre-pouvoir mis en place
pour contrecarrer sa puissance. Cette dernière s'est donc trouvée
compromise, dès l'instant où la traite négrière a été abolie.
(1)
BARRY B., 1972, p.~45.
(2) A.S.
: 13 G 274, lettre de 1821.

239
De 1815 ( date de la suppression de la traite négrière) jusqu'en 1859
(expédition de la France à la petite cÔte, en vue de l'application
effective du Traité de 1679), les souverains du Bawol n'ont eu au-
cun contact direct avec le comptoir de Saint Louis. Il .
Y avait
certes un trafic qui se faisait sur la cÔte, mais il n'était pas aux
mains du Teen. Nous pensons. que cette période de flottement dans les
relations entre le Bawol et la France a permis à certains éléments
des institutions politiques (l'assemblée des électeurs par exemple)
de reprendre leur place dans l'appareil d'état. L'importance acquise
à ce moment-là par la famille maternelle des Sono est probafulement
due au soutien que lui auraient apporté ces éléments de l'appareil
d'état. Ces derniers qui, t héor iquement, participaient à la gestion
du pays, en avaient été écartés durant tout le XVlllè siècle par les
Geej.
Le fait marquant dans l'histoire politique interne du Bawol
durant ce premier quart du Xlxè sicèle, c'est donc, ce net recul de
l'influence de la famille des Geej ; recul rendu possible par la
nouvelle conjoncture économique créée par la suppression de 1 a traite
négrière et qui favorise le retour sur la scène politique des membres
de l'or§anisation politique dont le rÔle s'était considérablement
amoindri au cours du XVlllè si~cle.
B/ La période des troubles (1832-1860) et l'ébranlement de la puis~
---------------------------_._.._-_._--------
sance des Geej au Bawol.
Les années qui suivirent la prise du pouvoir par Birima Fatma
CUb0 sont relativement calmes. Nous n'avons pas de documents écrits
en ce qui concerne la politique de ce Teen au Bawol, et de leur cÔté,
les soucres orales ne mentionnent pas de conflits à l'intérieur du
royaume. Elles mettent plutÔt l'accent sur le caractère calme du

240
'"
rcgne de ce souverain. Le r~gne du Dammel-Teen fut cependant troublé
en 1827 par la révolte du Serin KokJci Njaga Isa. Ce conflit, localisé
au Njambuur, une province du Kajoor,
ne toucha pas le Bawol, mais le
ro~aume du waalo, qui eut à subir le prolongement du sou1~vement des
marabouts! 1).
Les dix années de r~gne de Birima Fatma Cubb au Bawo1(1822-
1832), constituent donc une période de relative stabilité du pouvoir
politique. Mamadou DIOUF note que "l'accent mis sur la production
agricole par le dame1 Birima Fatma Cubb est l'ébauche d'une première
réponse à la crise agricole résultant de la traite et à la recherche
àe nouvelles sources de revenus avec l'abolition de la traite né-
grière. On peut aussi dire que c'est une tentative d'affaib1i~'la
puissance des "Jaami-buur" et de combler le fossé qui s'élargit
entre les badoo10 et le pouvoir monarchique"(2).
L'application d'une telle poli tique, dans un royaume habitué
depuis un siècle aux exactions et aux pillages de l'aristocratie,
peut expliquer dans une certaine mesure cette stabilité du pouvoir
politique au Bawo1, pendant le règne de Birima. En effet,
si Birima
a réellement cherché à af:fiaib1ir la puissance des "Jaami-Buur", il
a certainement dO recevoir le soutien des autres membres de l'ap-
pareil d'état (Jaraaf Bawo1 et les membres de l'assemblée des é1ec-
teurs) qui avaient vu leurs fonctions se vider de leur sens au
profit de celles des "Jaami-Buur". Cela expliquerait d'ailleurs la
popularité de ce damme1-Teen dont les louanges sont journellement
chantés par les "gewel" du Sénégal actuel.
La mort de Birima Fatma Cubb allait cependant plonger le Bawo1
dans une crise de succession, crise qui aboutit à une période de
( 1 )
BAR RY,
B., 19 72,
p. 2 67 •
(2)
DIOUF M., 1980, p.190.

241
troubles qui ne se terminera qu'en 1860, au moment où les Français
commeQceront à intervenir directement dans les affaires politiques
des royaumes nord sénégambiens.
Cette période de troubles est caractérisée non seulement par le
rivalité entre les familles garmi, mais encore par la volonté des
autres états supérieurs de la monarchie de ne plus" laisser les "garmi"
imposer le candidat de leur choix. On assiste à la réaction de l'as-
semblée des électeurs que Tanor L. FALL appelle "les notables du
8a\\'101". La réapparition de ces "notables du Bawol" dont on n' enten-
àait plus parler au XVIIIè siècle, est, comme nous l'avons souligné,
f6nction de'la.périoàe àe restructuration économique du royaume.
Cependant, bien que tardive,
cette réaction a été efficace, dans la
mesure où elle a réussi à ébranler la puissance des Geej dans le
8av/ol;
et à réinstaller l'alternance des familles garmi à la fonction
de Teen.
La premi~re partie du XIX~ si~cle se termine par un con-
flit entre la monarchie wolof et les populations séreer du sud-ouest
du Bawol. Ce conflit, qui aboutit à la perte définitive de la région
par les souverai ns wo lof, ouvre une ère nouvelle : celle de la
r.2::;istance de ce peuple non seulement à leur intégration dans' l'es-
pace poli tique wolof, mais aussi à la présence des Français q ui,
pour les besoins du commerce de l'arachide, s'intéressent de plus
en plus à leur région.
1°_ ~~_!~i~~_~~~~f!~~~~~_~~~~~_!~~_~~2~~~~~~~~~~_~~~_~~~e~~~_~i_!~
~l~~~~_~~~~S~~~~~_i~ê~~=~ê~~l·
La crise qui s'ouvre au Bawol à la mort de Birima Fatma
Cubb est une illustration de la lutte menée depuis le début du XIxè
siècle par les représentants des Jambuur pour reprend.. e leur r 81e
de contre-pouvoir devant la puissance des Teen.

242
Pour la première fois depuis l'avènement de Latsukaabé, on
voit l'assemblée des électeurs du Bawol s'opposer à l'élection d'un
-
Teen. Les crises de succession qui, d~rant tout le XVlllè siècle,
ont jalonné l'histoire du royaume, ont toujours été une lutte entre
les différents clans des familles garmi soutenus par leurs clients
respectifs.
La lutte que l'/iakodu Kumba Yandé, successeur de Birima Fatma
Cubb au Bawol eut à soutenir, est non seulement une lutte contre le
clan des Geej allié 2 la famille des Jonaay, mais encore une lutte
contre les Jambuurs du royaume.
Originaire du Saalum par sa mère, t'1Qkodu est un "Gelwar". Cette fa-
mille garmi détient le monopole du pouvoir au Siin ct au Saalum.
Par le biais des alliances matrimoniales qui se nouaient entre les
membres des classes dirigeantes, elles avait accédé au pouvoir dans
le Kajoor,
au XVllè siècle, après une période de troubles (soulève-
ment des Marabouts).
Elle n'avait jamais régné sur le Bawol, et son
bref passage au pouvoir dans le KAJOOR ne lui permit certainement
pas de se tisser dans la région un réseau de clientèle qui puisse
l'aider à faire pression sur les membres de l'assemblée des électeurs
du royaume.
Son accession au "tr8ne" du Bawol en 1832 fut contestée
de suite par les Geej, mais aussi par les représentants des Jambuurs.
Makodu ne régna au Bawol que pendant une brève période, quelques mois
seulement selon Charles BECKER, et trois ans selon Tanor L. FALL.
Concernant cette première défaite de Makodu, Charles BECKER
donne l'explication suivante :
"mal accepté au Baol, à cause d e I 'ori-
gine étrangère de sa mère,
i l (Makodu) fut obligé à s'exiler au
Saalum, malgré les oombats victorieux qu'il remporta à son accession
au tr8ne"(1).
(1) ~~RTIN, v. BECKER, C., B.I.F.A.N. Ser.B., n03, 1976, p.489.

Nous ne pensons pas que la défaite de Makodu puisse être expliquée
par l'origine étrangère de sa mère.
En effet, même si les "Gelwaf'''
étaient beaucoup mieux implantés au Siin et au Saalum, ils avaient
malgré tout réussi à régner sur le Kajoor, où ils étaient compta-
bilisés parmi les familles garmi pouvant accéder au pouvoir d ans ce
royaume. Or,nous avons vu qu'au début du Xlxè siècle, une famille
garmi du Kajoor,
les
'"
Sono, qui auparavant n'avaient jamais régné
sur le Bawol, avait réussi à se faire accepter dans ce royaume, où,
jusqu'alors, elle ne comptait pas parmi les familles garmi.
Pourquoi les Sono, qui, comme les Gelwar,
n'avaient jamais accédé
au pouvoir dans le Bawol, ont-ils réussi à s'y -faire accepter?
Nous pensons que c'est parce que cette famille, qui avâit régné pen-
dant toute la pl~emière moitié du XVllè siècle sur le Kajoor, avait
pu constituer un réseau de clientèle assez'solide dans la région.
"-
L'appui de toute la famille sono du Kajoor,
joint au contexte éco-
nomique de l'époque (suppression de la traite négrière et diminution
l'intérêt économique du royaume pour la puissante famille Geej) a
certaienement permis aux Sono de se faire élire par les "notables"
du Bawol. Cela renforce d'ailleurs l'hypothèse que nous émettions
dans la deuxième partie de ce travail
: les familles garmi ne sont
pas nées ex-nihilo avec la formation du royaume du Bawol.
Elles se
sont formées au cours de l'histoire, et chacune d'elles s'est imposée
à la suite d'événements marquants dans le royaume •.
Makodu n'a pas pu conserver le pouvoir en 1833~simplement
parce que sa famille maternelle n'était pas bien assise dans le Bawol
et qu'il y est arrivé à un moment où l'assemblée des électeurs a
commencé à prétendre à ses anciennes prérogatives.
Pas plus que les Golwar,
les Geej ne réussirent à prendre le
pouvoir à la mort de Birima Fatma Cubb.

244
Dlaprès Tanor L. FALL,
"le 't:ègne J\\1akodu Kumba yandé qui com-
mandait
le Baol, eut des démêlés avec les notables de ce pays qui
le destituèrent et nommèrent cl sa place le Damel MaYssa"(1).
Contrairement à 11 aff irmat ion de Tanor L. FALL,
les Geej ne r epri-
rent paE le pouvoir immédiatement après la destitution de Makodu.
Matssa Tend Joor ne sera Dammel-Tee~ qulen 1872, après la mort du
Teen Lat Degen Faali son père(2). Ce dernier était ffie la famille
maternelle "Jonaay", qui elle aussi nlavait
jamais dirigé le Ba-
vJO 1.
Char les BECKER nous dit que "Lat Degen succéda à IVIakodu et
parvint à s'imposer en grande partie grâce à l'aide que lui apporta
son fils,
le Damel MaYssa Tendé Dior"(3). Là aussi,
nous voyoos
qu'il y a eu des difficultés, et il a fallu que les Jonaay, nou-
velle famille élevée au rang de garmi,
s'allient avec les Geej
pour contrebalancer le pouvoir de l'assemblée des électeurs. Ce
sursaut de révolte des représentants des Jambuur contre la puissance
des garmi auquel nous assistons entre 1832 et 1842, est en réalité
principalement dirigé contre les Geej. Le règne de cette famille
pendant le siècle de la traite négrière avait été à l'origine d'un
bouleversement des institutions:
l'assemblée des électeurs ne
jouait pratiquement plus aucun r81e ;
la fonction de contre pou-
voir que détenait son chef,
le Jaraaf Bawol était devenu inefficace,
dans la mesure où le pouvoir,
soutenu par les Ceddo et particuliè-
ment les "Jaami-Buur", avait acquis toutes les caractéristiques
d'une monarchie absolue.
Le renversement de tendance se fit au début du Xlxè siècle,
à la suite de la suppression du commerce esclavagiste; à partir
(1) FALL T.L.,
B.I.F.A.N. Sere
B, n01,
1974, p.127.
(2) A.S.
: 48.11, Lettre du commandant de Gorée au gouverneur, 12
Février 1842.
(3) I~iAlaIN, v.
BECKE:R C.,
B.I.F.A.N., Ser.B,
n03,
1976, P.489.

de ce moment,
la famille Geej' ne put prendre le pouvoir au Bawol,
qu'à l'issue de conflits armés l'opposant à des candidats élus et
soutenus par l'assemblée des électeurs du Bawol.
2°_ ~~!~~__!~~~_~~~~_i1~~~=1~~~l_~~_~~_f!~_~~_!~~~2~~~~!~_~~~_~~~1
dans le Bawol.
Le règne de Ma!s8
Tend Joor au Bawol a été dominé par une
crise politique et sociale.
Si, au Kajoor,
le pouvoir de Ma!sa Tend
a connu une relative stabilité,
il n'en fut pas de même au Bawol
où le Dammel eut à lutter de 1842 à 1848 contre Mali Kumba Jarin,un
autre prétendant, et en 1850, contr~ les Séreer du Sud-Ouest.
Comme pour le Dammel Teen Lat Sukaabé,
le règne de Ma!sa Tend
au Bawol a co!ncidé avec une période difficile :
après quelques
années de léthargie consécutive aux essai~ de colonisation agricole
du ~aalo, le commerce que les Français faisaient sur la petite tle
reprend peu à peu son importance. Par suite de l'échec de la coloni-
sation agricole,
la France tente une nouvelle fois de trouver un
moyen d'exploita.tion de ces royaumes.
Les traitants français c om-
mencèrent à fré~uenter beaucoup plus régulièrement les c8tes du
Bawol. C'est le début de l'essor du commerce de l'arachide. Ma!sa
Tend aura à lutter non seulement contre les commereants français
pour tirer le maximum de bénéfices de ce commerce, mais encore con-
tre ses propres sujets qui pouvaient profiter de ce nouveau trafic
pour renforcer leur puissance économique.
En effet, commE: le dit
i"1amadou DIOUF pour le Kajoor,
"l'arachide introduisait une nouvelle
donnée économique très importante dans le Kajoor.
Elle faisait
perdre à la classe dirigeante son monopole sur le commerce avec la
colonie.
Elle entraînait l'essor du pouvoir économique et social
des badoolo et par ses modalités commerciales favorisait des contacts
plus étroits entre les Ajoor et les traitants"(1).
(1)
DIOUF H.,
1:J80, p.221.

246
Malgré les efforts qu'il fit pour conserver le monopole de
ce commerce et enrayer les conséquences néfastes qu'il pouvait en-
genurer pour
le pouvoir centra!, MaIsa Tend Joor subit un échec,
àans la mesure où d(~s 1850, le Jegfm, une région des Séreer d u Sud-
Ouest, réussit à se détacher définitivement du Bawol. Cet échec de
l~aIsa Tend au Bawol a été favorisé par une conjoncture politique
et sociàle très difficile.
En effet,
pendant six ans (1842-1848),
le Dawol a connu une crise politique qui aboutit à la division du
royaume en deux camps rivaux ;
le pouvoir du Dammel Teen fut à
plusieurs reprises menacée. Lorsqu'en 1848 i l réussit à se rendre
maître du Bawol,
il dut à nouveau faire face au problème séreer.
a) La_g~eE.r!:. E.i~ile_e.!ltE.e_I\\[aï..ê..a_T~nd Jo~.r_e!. r'lali_KUmba_Jarin.
La crise politique qui,
depuis la mort d ,'Amari Ngoné Ndela se-
coue le royaume du Bawol, at teint son.·paroxysme en 1842." Jusqu'à
cette date,
la crise s'était manifestée par des rivalités entre les
Geej et les autres familles garroi, rivalités aboutissant parfois à
des conflits entre les deux royaumes.
La guerre qui opposa Ma!sa
Tend à son neveu Mali Kumba Jarin trouve son origine dans cette
lutte pour le pouvoir.
Selon Taner L.
FALL, vers la fin du règne de Maïsa Tend,
"un de ses courtisans,nommé Yakham Ngoye, chef de la région de
K~ba (Baol), qui était son conseiller, lui tint le funeste discours
dont voici la teneur
: "Vous savez cher Damel, que 'it21tre maison
est remplie de prétendants qui n'appartiennent pas à votre famille
maternelle. Cela est très mauvais car ils font constamment des ma-
raboutages contre vous pour vous remplacer le plus rapidement pos-
sible. Vous feriez mieux de les chasser en les assignant tous à
résidence forcée,
loin de vous. "Le Damel, cédant aux suggestions
de son ministre,
fit appeler devant lui les princes et sans daigner
consulter l'assemblée des notables,
i l précisa à chacun l'endroit
où il devait partir.

Lorqu'il arriva au prince Mali Kumba Khoodia Bissira, celui-
ci se leva brusquement et lui répondit en ces termes : "Vous pouvez
me chasser de votre maison, mais quant à me désigner une résidence
obligatoire, c'est autre chose.
Je refuse catégoriquement et je
vais où bon me semble". Cela dit,
il sortit de la maison accompa-
gné de tous ses parents et de ses captifs, et se dirigea dans le
Baol, vers les provinces sérer du Diobas. En passant à Kaba, i 1
saccagea la maison du calomniateur,
le Fara Kaba Yakham Ngoye.
Tous les princes mécontents allèrent s'allier à lui. Ce fut un
grand mouvement,
car Mali Kumba forma en peu de jours une vérita-
ble armée"(t).
Tout d'abord,
il faut préciser que ce n'est pas vers 1 a fin
du règne de Maïsa Tend qu'éclata le conflit. Dès la mort du Teen
Lat Degen en Février 1842, le commandant de Gorée présageait une
période de trouble dans le Bawol ; dans une lettre adressée au
gouverneur du Sénégal,
i l notait ceci
: "on m'annonce que le T ei-gn,
roi de Baol qui était le père du Damel, vient de mourir.Cela va
causer une grande perturbation dans le pays : peut ~tre une guerre
entre le Cayor et le Baol"(2).
Il est donc probable, bien que nous
n'ayons aucun document sur le problème, que le conflit eut lieu en
1842, ainsi que l'avait prévu le commandant de Gorée.
La relation de Tanor L.
FALL à propos de l'origine du con-
flit fait appara!tre une nouvelle fois les problèmes de rivalité
entre les familles garmi. Cependant,
un autre aspect est à retenir
c'est le r81e du Fara Kaba.
Nous savons que sous l'administration des
Geej,
le Fara Kaba a vu son influence auprès du Dammel-Teen a ug-
menter,
au détriment de celle de l'assemblée des hotables.
(1)
Ff\\LL T.L.,
B.I.F.A.N. Ser.B., n01, 1974, p.128.
(2) A.S.,
48 11, Lettre du commandant de Gorée au gouverneur, 12
Février 1842.

248
Le récit de 'fanor L.
FALL illustre d'une manière très claire
l'opposition qui existe entre le Fara Kaba (chef des Jaami Buur) et
l'assem])lée des notables. hême si Tanor L. FALL ne restitue pas
exactement le déroulement des événements,
le fait qu'il note que
le Dammel-~een ne prend pas la peine de "consulter l'assemblée des
notables"
au moment de prendre certaines décisions est significatif.
Cela montre que la lutte entre les détenteurs du pouvoir politique
et les représentants du contre-pouvoir, qui avait commencé depuis
la mort de Birima Fatma Cubb, est toujours latente.
D'ailleurs, si
l'on en croit Charles BECKER, MaYsa Tend n'a pas été élu Teen du
Bawo1 immédiatement après la mort de Lat Degen.
Mali Kumba "parvint
probablement à se faire nommer
-
Teen, après la mort de Lat Degen,
mais fut évincé d~s Mai 1842 par Ma!sa qui devint ainsi Damme1-
Tee~"(1).
L'assemblée des notables avait donc choisi un autre préten-
dant, et c'est par la violence que HaYsa Tend réussit à s'imposer
au Bawol.
Il y a donc eu un affrontement non seulement entre MaYsa
Tend et les autres familles qui lui disputaient le pouvoir, mais
encore entre lui et l'assemblée des électeurs dont il remettait en
cause ]e°sdécisions. Les sources orales l'ont retenu et l'analyse
de Tanor L.
FALL nous révèle cette situation.
Ainsi,
le conflit entre j·:;aYsa Tend Joor et rJIa1i Kumba Jarin
serait en fait un conflit opposant l'assemblée des notables (re-
présentant des Jambuur) alliée aux autres familles garmi et la famille
Geej, alliée à leurs Jaam.
L'affrontement entre les deux parties aboutit à la guerre civile.
De 1842 à 1848, le Bawol fut partagé entre les partisans de Mali
(1)
i'lAHTIN V., L3SCKER C., S.LF.A.N., Ser.B, n 0 3, 1976, p.490.

i(umba et ceuw de Marsa Tend. aa relation de cette guerre civile
nous r~v~le deux points assez importants
1 0
la faiblesse du pouvoir central dans la r~gion s~reer du Joobaas
2=
le regain d'int~r~t de la petite c8te pour le commerce français.
On a vu que les guerres)qui de tout temps ont oppos~ 1 es sou-
verains du Dawol ~ ceux du Kaj88r, ne sont toujours d~roulées soit
dans les provinces centrales du Bawol, soit à la frontière nord.
Dans ce confliti toutes les opérations militaires eurent lieu à
l'ouest du royaume, vers les régions c8tières.
Il y a donc un d~­
placement du lieu des conflits, qui de l'intérieur, est transféré
vers le littoral.
Cependant,
le fait que Mali Kumba Jari~ se soit réfugié dans cette
région pour combattre le pouvoir central n'est pas gratuit. En
effet, comme nous l'avons vu dans les chapitres pr~cédents, la ré-
gion du Joobaas, peuplée de Séreer, a toujours été réfractaire au
pouvoir central wolof. Les Teen n'ont
jamais réussi à y placer un
repr~sentant de leur pouvoir.
En se réfugiant dans le Joobaas, Mali Kumba comptait sur la
faiblesse dù pouvol~ central dans cette région; ce qui constitùait
pour les deux protagonistes, un terrain neutre.
On remarque aussi durant tout le conflit, que Mali Kumba a cherché
à contr8ler d'abord la région de la petite cÔte. Cette stratégie
trouve son explication dans la nouvelle situation commerciale
de l'époque. Le commerce qui se faisait sur la petite c8te (MBuur
et portudal) avait déjà commencé à se relever de son engourdissement
donnant un nouvel intér~t à cette région qui constituait le seul
point où le pouvoir central avait des contacts avec les traitants
français.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la seule éventualité
du conflit avait inquiété le commandant de Gorée, qui y voyàit une

250
menace pour le commerce. Ces perturbations créeront selon l u i :
"un temps d'anarchie plus ou :noins prolongé dans le Baol qui s'é-
tend sur la côte,
depuis 8arguy jusqu'à Fassena près de Joal, y
compris ]Jlbour et Portudal où nous avons un grand nombre de t rai-
tants.
Cela retentira sur les frontières du Cayor, à Rufisque,
tous les mouvements des produits vers la c8te risquent d'~tre ra-
lentis à cause du brigandage qui, durant les vacances au moins,
sera bien plus considérable que jamais"(1).
Malgré cette menace pour leur commerce,
les Français n'in-
tervienàront pas dans le conflit. La politique française concernant
cette région n'était pas encore très bien définie à ce moment-là~
Le commerce qui se faisait sur les c8tes du Bawol n'était pas bien
organisé, dans la mesure où ni les autorités françaises de Gorée,
~
ni le Teen ne le supervisaient. Contrairement au siècle précédent,
où les échanges qui se faisaient à la c8te étaient contr8lés et
organisés par le pouvoir central en rapport avec les commerçants
français,
l'organisation du commerce de la petite c8te dans la
première moitié du Xlxè siècle ne semble pas être très au point.
D'après le colonel Pinet Laprade,
"à partir de 1817,
la traite des
noirs a été supprimée, et jusqu'en 1857,
le commerce, abandonné à
lui-même, expédiait quelques traitants sur la c8te, où ils s ubis-
saient de la part des chefs indigènes, des humiliations, des vio-
lences et des exactions de toutes natures"(2).
Ce manque de contr81e sur le commerce a pu permettre aux
chefs locaux (les laman séreer) de distendre petit à petit les
liens qui les unissaient au pouvoir central. Déjà, en 1821, le
Teen Amari Joor Borso qui n'avait plus aucune relation commerciale
directe avec les Français, dans une let tre adressée au Brak ct u
(1)A.S.
: 48 11, Du Commandant de Gorée au Gouverneur, 12 Fev.1842.
(2) LA~RAD~, ~., Revue Maritime et coloniale, T.13, Janvier-Avril
1865,
p.7:~5.

251
vlaalo, demandait ~_l celui-ci d' int2rvenir auprès du gouverneur pour
une r8glementation du commerce : "Priez-le de dire au commandant
de Gor8e de ne pas laisser vendre des armes ou des munitions de
guerre aux Serd;res"(1).
Il est certain que, grâce à la possibilité qu 8 avaient les
populations côtières de faire librement le commerce avec les trai-
tants,
la domination du pouvoir central sur ces régions a été pour
un temps compromise. C'est la raison pour laquelle Mali Kumba Jarin,
en y-établissant son quartier général, a pu ébranler la puissance de
Marsa Tend, et m~me se faire élire Tee~ en Février 1848(2).
Dès Avril 1840, lvlarsa parvint de nouveau à s'imposer au Bawol,
après une victoire remportée sur Mali Kumba qui,
selon la tradition
trouva la mort lors du combat à l"I3uruway •. La guerre civile commencée
depuis 1842 se termine donc en faveur des Geej.
A partir de ce mo-
ment, harsa Tend va tout faire pour contrôler ce commerce qui , en
lui échappant, risque de menacer son autorité dans une partie du
royaume.
Les Français ne sont pas intervenus directement dans le con-
flit
; cependant, devant les perturbations causées par la présence
de j':Jali Kumba Jarin dans la région (pillage des comptoirs côtiers),
ils décidèrent d'allouer des éoutumes au Teen, qui depuis la fin de
la traite négrière n'en recevait plus. Ainsi,
lors de ses délibéra-
tians du 31 Janvier 1846, "le conseil demande, dans l'intérêt du
commerce local, que des coutumes soient allouées au roi de Mbaol.
Il fonde sa demande sur ce que cette partie de la côte sud comprise
entre Barg~y et Fassena o~ commence le royaume de Sinne, est couverte
(1) A.S.
13 G 274, Lettre de 1821.
(2) A.S.
13 G 256, Lettre de ~arsa Tend à M.
le Gouverneur 17 Fev.
1840.

25':-:
de traitants de Gorée.
En échange de ces coutumes,
le roi de ~3aol
s'~ngagerait Q donner aux traitants sur toute l'étenJue du littoral
(je:
,ion rOyûul,lC,
UllC
prol:(~cl:ion (~tfici:lce, en même temps qu'il devrait
prendre la responsabilité des m~faits de ses chefs subalternes"(1).
Cette décision prise en Janvier 1846, alors que depuis six
moi s,
le Bawol se trouvait sei ndé en deux camps, (l"lali Kumba c ;:::cu-
pant toute la région du littoral) montre que, devant la men2C~ de
leurs intérêts commerciaux,
les Français ont été obligés de S Jute-
nir Mèlsa Tend, en lui accordant ilies coutumes. Cette aide indirecte
est d'autant plus efficace qu'en Décembre 1847, Mali Kumba fut
obligé de quitter la cete devant une éventuelle menace de représailles
des Français, à cause des pillages qu'il aurait exercés sur les
comptoirs côtiers.
Si donc la famille Geej réussit à se maintenir au pouvoir
dans le Bawol, sa puissance y fut néanmoins fortement ebranlée :
d'une part,
par l'opposition des représentants des Jambuur qui, en
soutenant les autres ~amilles garmi, voulaient contrebalancer le
pouvoir des Jaami-Buur, d'autre part,
par la volonté des populations
côtières de se libérer de la domination des souverains de Lambaay.
b) Les Séreer et le oouvoir central au milieu du Xlxè siècle.
- - - - - - ~ - -- - - - - - - - - - - - -
- - - -
L'intégration des populations séreer dans le royaume d u Bawol
,
"-
devait décidément poser un probleme aux Teen durant toute l'histoire
de cette région.
Depuis la centralisation du pouvoir politique par les souverains
wolof,
le Bawol s'est trouvé en fait partagé en zones géographiques
Sen et Dep.
IV.
Dossier 14.

2>
oG l'influence du pouvoir central était plus ou moins forte
.ns
les régions uniquement peuplées par les wolof,
les souverai:
ont
pu établir un pouvoir fort et respecté. Ce sont les provinc.--;
frontalières du Nord
:
le Peg,
le Gewul et le salaw,
toutes: :'()is
commandées par le ~alaw (héritier présomptif de la couronne) ct le
N'Dogal, dirigé par un séri~ nommé par le Tee~.
Dans le Bawol central, oG se trouve Lambaay,
la capi'
.,
du royaume,
la population originellement séreer,
s'est wolc
0
petit à petit au contact du pouvoir politique centralisateu_=3
wolcf.
Nous pensons que cette wolofisation des Séreer du Ba','~:" cen-
tral a commencé dès le XVlè siècle avec Amari Ngoné Sabel.
cr~ant le lamanat de Nderep qui englobait tous les anciens
Lts
lamanats de la région, Amari l·Jgoné avait amorcé la construc( ';n
à 'un état.
Cependant,
l'intégration des Séreer du Bawol central
~. 'état
qu'avait voulu créer Amari Ngoné ne se fera que sous le Tec~
,
Ndela (1). Ce dernier s'est attaqué au pouvoir des Laman, ei) -....: l.-C-
ant un pouvoir local parallèle aux leurs : les laman Peey.
L'influence des Wolof sur ces Séreer du Bawol central ~ 'est
faite par le biais de la centralisation du pouvoir politiqu,.' ", ui
par la violence a réussi à neutraliser le pouvoir des Lamm,-j,::iens
chefs de ces communautés territoriales.
Ces Séreer wolof isés (!"Ibalonj af een) ont ainsi fini pi.
1:'e-
conna1.tre l'autorité du pouvoir central wolof. Dans toutes ~.: pro-
vinees centrales du Bawol
: Lambaay, Kaba, Ndadeen, Wokaan cc Laa,
le pouvoir du Tee~ était effectif.
L'ouest et la région méridionale du Bawol sont peuplés uni-
quemant de Séreer,
et c'est dans ces provinces que les souverains
wolof ont eu le plus de mal à imposer leur domination politique.
-------_._..
-_
, .. ,
.
(1)
Voir la première partie de ce travail.

Là,
le site g~ographique a pu permettre aux populations s~
.e
r~sister à une mainmise totale des Wolof sur leurs r~gion~.
A l'ouest, nous avons la province c8tière, habit~e3 .
S~reer Saafen. Sous le Teen Ce Ndela, cette r~gion fut pou_
·-.::mps
soumise à l'autorit~ du pouvoir central. Cependant, nous a
dès le XVIIIè siècle, les conflits avec les Tee~ ont reCO~i
et
finalement,
la province a pu b~n~ficier'd'une v~ritable au~
par rapport au pouvoir central.
L'abb~ BOILAT qui écrit en 1853, assimile les popu~
saafen et Joobaas aux Noon qui, en r~alit~, son~ un peu pl
l 'int~r ieur des terres du c8t~ de Kees et Fanden. Selon lu:.)
., cre
le cap rou~E et le cap de Naze est situ~e la petite r~publi,_.
~U
peuple appel~ none. Ce peuple diffère des Wolof qui les av(
.nt
au Nord et des S~rères qui les entourent de l'est au sud.
~
,it
;
une langue particulière, quoiqu'ils comprennent pour la pl~
le wolof et le s~rère. Tout le pays est travers~ par une ci.
montagnes ~lev~es ; Ce peuple m'a paru'.; d'un caractère trè ..
et ind~pendant. Cet esprit d' ind~pendance leur a attiré sali
la r~putation de m~chancet~ et de cruauté dont ils jouisse[I~~\\_).
,';.
La position g~ographique de la r~gion(entre le cap rc: .._~ et
le cap de Naze), et le cadre physique (pays travers~ par ur',
:~îne
de montagnes ~lev~es), nous font plut8t penser que Boilat 1
. cîes
Sa~een et des Joobaas. Contrairement à ce qù'il affirme, cc
__ [)U-
lations sont des S~reer (elles se considèrent elles-m~mes c
tel). Le dialecte qu'elles parlent est simplement une des v
.,tes
de la langue ser~er. Le fait qu'elles comprennent la langue \\~0_of
montre aussi qu'à une certaine ~poque, elles ont ~t~ en contact
les Wolof.
(1)
BOILAT A., "Esquisses s~n~galaises. Physionomie du pays 7 ,;
commerce, religions, pass~ et avenir. R~cits et légendc~,
1853, p.59.

Cependant,
le texte cie '\\uILlI'l' permr:èt d' cd' f irmer que depuis
longtemps déjà, ces populations se sont lib~rée5 de la domination
politique des Wolof,
puisqu'elles vivent dans une indépendance to-
tale. Nous pouvons donc dire qu'au XIXè si~cle, le pouvoir politiqu2
des Teen dans les régions occidentales
CSafeen et Joobaas)
étaie
nul.
types de situation:
selon la proximité ou l'iloignement géographi-
....
que des provinces,
le pouvoir du Teen était plus ou moins accept~.
Ainsi,
les provinces imm~diatement situ~es au sud du Bawol central,
ont pu @tre intégrées au royaume et relevaient de l'autorité du
pouvoir central, dans la mesure où celui-ci y avait des représen-
tants. Cependant, contrairement au Bawol central,
l'autorité du
Tee~ dans ces provinces (Ngoy, iloayaùr, Gaat, JaaK) étai t fortement
tempérée par l'existence d'une certaine autonomie politique locale.
Ces provinces ont pu garder leur organj_sation politique propre et
l'agent de l'administration locale n'a 6t6 perçu que comme un per-
cepteur~1e redevances.
Les autres provinces méridionales: Mbadan, Sandog et Jege~,
apparaissent dans presque toutes les sources (Abbé Boilat, mili-
taires français du xlxè'siècle)
comme des r~gions où le pouvoir
central n'a jamais pu exercer efficacement son autorité. COmme pour
les Saanen et les Joobaas;
Boilat [)ëlrle d'une "république de N ài:,,-
ghem" (1) •
Au milieu du XIX~ si~cle, la carte géopolitique du Bawol se
dessine comme suit
:
au Nord et au centre, réelle autorit6 du pouvoir central
;
au Sud-Ouest, a
la fronti~re du Bawol avec le Siin, le pouvoir
central n'est pas reconnu pëlr les Séreer de la région: quasi
(1)
SOILAT A., 1853, p.53.

256
ind~pendance des pays Jegem, Mbadan et Sandog ;
-
au Sud, dans les provinces du Mbayaar, Ngoy, Gaat et Jaak, recon-
naissance du pouvoir central, mais forte autonomie locale;
- à l'Ouest, régions saafen et Joobaas, ind~pendance réelle d es po-
pulations vis à vis du pouvoir central.
Iltfaut cependant souligner
que la région c8tière comprise entre Portudal et Mbuur relève tou-
jours de l'autorité du pouvoir central.
BOILAT les englobe dans le
royaume du Bawol.
L'~tude de cette carte géopolitique du Bawol au milieu du
Xlxè siècle révèle une situation qui ne manquera pas de gêner con-
sidérablement le pouvoir central
les Séreer occupent non seule-
ment toute la région c8tière, mais encore,
il faut traverser la
presque totalité de leurs pays pour acc~der au centre du royaume,
là où le pouvoir du Teen est mieux implanté. Cette si tuation d eve-·
nait inacceptable pour le Teen dans la mesure où, à partir des anné(
1850, il devait s'assurer de la sécurité des routes reliant le cen-
tre du Bawol aux points de traite de Mbuur et de Portudal, dans
le cadre du commerce de l'arachide.
Après avoir réussi à rétablir son pouvoir qui avait été for-
tement ébranlé lors de la guerre civile,
le Teen MaIsa Tend Joor
va tenter de réorganiser le commerce qui se faisait sur les côtes
du Bawol.
Il lui fallait donc mener une politique offensive dans 12-
r~gion pour renforcer son autorité.
1°) La perte définitive de la région c8tière par le pouvoir
central.
Les derhières années du règne de MaIsa Tend Joar furent trou-
blées par la lutte qu'il dut mener contre les populations c8tières
du Bawol.
A partir de 1840, on assiste cl l'arrivée de missionnaires
catholiques en Sénégambie. La tache d'évangélisation de ces

257
missionnaires était très difficile, dans la mesure où, comme le
di t f"1amadou DIOUF,
"la propagande des missionnaires trouvait d e-
vant elle l'islam avec son passé, ses conflits et coopérations
avec les monarchies vJOlof"(l).
,
Pour le Bawol,
l'islam ne constituait qu'un obstacle limite,
dans la mesure où l'influence de cette religion se faisait essenti-
ellement sentir au Nord du royaume, dans les régions occupées par
les Wolof. Au Sud et à L'Ouest,
les Séreer avaient conservé leur
religion traditionnelle qualifiée d'animiste par les administrateur~
coloniaux. C'est vers ces régions du Bawol, non intégrées au Dar
al Islam que les missionnaires catholiques se dirigent.
Dès 1848, deux missions catholiques furent fondées,
une à
Ndiangol en pays saafen une autre à Mbuur, village encore contr81~
par le pouvoir central.
La réaction du Teerl Cl l'établissement de ces missions en
territoire sereer fut très vive.
Dès 1851, les maisons des mission-
naires fu~ent entièrement détruites au cours d'une razzia effectuée
,
'\\.-
par les ceddo du Dammel-Teen MaYsa Tend. Il faut souligner ce~endan
que la réaction du Dammel-Teen lui a été dictée non pas par son
aversion pour la religion catholique (les souverains du Bawol se
disaient musulmans) mais par le souci de préserver ses intérêts
économiques dans la région.
En effet, dès 1850, une tension avait commencé à surgir ent~
le Dammel-Teen et ses sujets s2reer du village de j"Ibuur.
Dans une
lettre adressée au gouverneur Baudin,
le Dammel-Teen notait ceci :
" Vous m'avez f ai t
du tort en lai ssant vos gens habiter Hbour
san~~
ma permission pour y faire le commerce. Les premiers qui ont h aDi v.
le village étaient mes tributaires de nations sérrères,
je puis
(11 DIOUF 1'1., 1980, p.20o.

258
donc les piller quand bon me semble.
Autrefois,
ils me payaient un tribut annuel, alors je les laissais
tr~nquilles, et maintenant qu'ils ne veulent plus me le payer,
je
suis obligé d'avoir recours aux menaces, et lorsqu'elles ne r éus-
sissent pas,
j'emploie la force"(1).
On remarque ainsi que dans la seule région côtière où son
autorité était reconnue,
le Teen commence à rencontrer des problèmes.
Il fait une analyse très correcte de la situation, dans la mesure
où, dans sa lettre, il semble rattacher le fait que la population de
j-ibuur ait refusé de lui jôlayer les redevances annuelles à l ' instal-
lation des commerçants français dans ce village.
Jusqu'à la fin de son ri"gne, Haïsa Tend s'opposera à u ne
installation permanente des commcrçants sur se3 tcrrcs~ Il: avait
compris qu'un établissement de ces det-niers 8ta 'c~ial-:sereux pour
lui pu~squ'il ne pourrait pas faire un contrôle strict des trans-
actions effectu8cs avec les populations. Or, pour le Dammel-Teen,
ce contrôle était très important dans la mesure où il redoutait
l'achat d'armes à feu par les badoolo, ce qui à plus ou moins long
terme pourrait permettre de remettre en cause son autorité, sur-
tout les Séreer de Mbuur, que Maïsa Tend lui-m@me considérait
comme ses "plus grands ennemis".
La fondation de la mission catholique de Mbuur ne pouvait pas
dans ce contexte politique et économique, @tre vu d'un bon oeil
par le souverain du Bawol.
Non seulement les missionnaires ne lui
avaient pas demandé l'autorisation d'établir leur maison, mais
encore,leur installation coïncide avec une période où les Séreer
essaient de renier son autorité en refusant de lui verser les re-
devances annuelles. C'est la raison pour laquelle la répression du
souverain sur les Séreer de Mbuur n'épargna pas la mission catho-
lique de ce village.
(1) A.N.F.S.O.f'l.
Sen et Dep.
IV, Dossier 20.

259
Le village de Mbuur ne fut d'ailleurs pas le seul à être
victime des exactions du Dammel-Teen. L'année 1851 fut en réalité
une année d'offensive généralisée du Dammel-Tee~ à l'égard des ré-
gions insoumises à son autorité.
Il avait compris que s ' i l voulait
profiter de l'essor naissant du commerce de l'arachide, i l lui fal-
lait nécessairement avoir un contrôle effectif sur les villages
séreer situés dans la région proche du littoral.
Il fait même une
incursion dans le pays saafœn, et,
là aussi, il détruit la mission
catholique de Ndiangol.
Dans la poursuite de sa politique de rétablissement de l'au-
torité du pouvoir central wolof en pays sereer, Maîsa Tend a surtout
visé le Jegem, région située à proximité de Mbuur et de Portudal,
èt qui commandait
les voies de communications entre ces points de
traite et le Bawol.
L'Abbé BOrLAT nous fait un récit très émouvant de l'affrontement des
ceddo du souverain avec les Séreer "récalcitrants" du Jegem. Devant
l'impressionnante armée du Dammel-Teen (2000 ceddo, selon Boilat),
les populations du Jegem se réfugièrent dans les autres régions
séreer : Joobaas et Siin.
On note donc que même s'ils ne se regroupent pas au sein d'une
même organisation politique,
une sorte de solidarité se crée entre
ces populations en face d'un danger.
L'armée du Dammel-Teen ne put que piller les biens laissés
par les populations en fuite.
Cependant,
BorLAT nous dit que: "peu
de temps après leur retour dans leur pays,
sitôt qu'ils eurent re-
construit leurs cases et travaillé leurs terres,
le demel du Cayor,
qui les croyait soumit leur envo1ja un gouverneur pour le représenter
comme maître du pays vaincu. Mais, ~ peine le nouveau chef avait-il
passé un mais parmi eux, que son esprit d'absolutisme les irrita.
En qualité de chef absolu, il s'était cru le droit de ne se rien

260
rien refuser de tout ce que lui faisait convoiter son coeur pervers
et corrompu. Les républicains de Ndieghem,
indignés, crurent que
tout son pouvoir ne le mettait point au-dessus des lois fondamen-
tales et essentielles que Dieu a profondément gravées dans le coeur
de l'homme, même le plus sauvage;
ils le jugèrent, et après l'avoir
mutilé et lui avoir tranché'l'extrémité des pieds et des mains, coupé
le nez et les oreilles, ils l'enterrèrent vivant"(1).
A partir de ce récit, on peut affirmer que l'intégration du
Jegem au royaume du Bawol n'a jamais été effective. Les prétentions
des Teen sur cette région proviennent seulement des victoires qu'ils
remportèrent par la force des armes,
sur la population. Cette der-
nière ne s'est jamais considérée comme relevant d'une autorité ex-
tér ieure.
Maïsa Tend échoue ,lui aussi dans sa tentative d'intégrer le
Jegemau Bawol, ce qui aurait pu lui permettre d'accéder plus faci-
lement à ses points de traite de la petite c8te.
Il meurt en 1854,
sans avoir réglé le problème.
Une crise de succession s'ouvre aus-
sit8t, opposant M~{udu Kumba, l'ancien Teen déchu, à Ce Yaasin Ngoné
Degen (Joonaay).
Le Bawol connut à nouveau une période de troubles qui d'ail-
leurs est restée vivace, dans les esprits, puisque les nombreux
combats que les deux prétendants se livraient dans le pays, furent
à l'origine d'une grande famine.
Saa.basi Faal parle de "Xiifu Saxaar",
ce qui littéralement
signifie une famine engendrée par la fumée des fusils.
En effet,
aff irme Sao..basi, "les nombreuses guerres qu' i l Y eut entre Makodu
et Ce Yaasin, furent à l'or igine des mauvaises r écol tes dans la me-
sure où les champs des cultivateurs étaient fréquemment piétinés par
les chevaux des Ceddo"(2).
(1)
BüILAT A., 1853, p.97.
(2)
Informateur Saa ba si FALL, mars 1981.

261
Cette période allant de la mort de Ma!sa Tend à celle de
Birima Ngoné Latyr,
son successeur au Kajoor, fut dominée non seu-
lement par les guerres opposant le Teen Ce Yaasin et Makodu, à
l'intérieur du Bawol, mais encore par la crise qui secoua le pou-
voir des Geej au Kajoor, et qui eut des répercussions dans 1 e Ba-
v
wol même. C'est la révolte. du Jawrin Mbul Amari Mbe~Taal contre
le Dammel Birima Ngoné Latyr(voir Mamidou DIOUF).
Le Bawol intervint dans le conflit par le soutien que son
Teen accorda au Jawri~ Mbul. Birima Ngoné Latyr sortit victorieux
,
du conflit et en profita pour imposer son père Makodu Kumba à
la
tête du Bawol, écartant pour un temps le Teen Ce Yaastn.
A partir de ce moment,
le pouvoir central, miné par les guerres
permanentes,s'affaiblit de plus en plus dans la mesure où, jus-
qu'en 1860 (date de la mort du Dammel Birima Ngoné Latyr), le Bawol
fut fréquemment partagé entre les deux rivaux, aucun d'eux ne
réussissant à s'imposer véritablement.
Ces perturbations co!ncident avec la période où,
la France,
après avoir annexé le Waalo et réglé momentanément les problèmes
du fleuve Sénégal, mènent une politique d'offensive contre les
royaumes c8tiers du sud du Sénégal.
Le gouverneur Faidherbe, prétextant de la menace que consti-
tuent les guerres que se livrent les ceddo du Kajoor et du Bawol,
pour le commerce de l'arachide, décide de s'assurer de la sécurité
de celui-ci en créant des postes fortifiés tout au long de la
c8te atlantique.
C'est ainsi qu'en "1859, une cololl1ne sous les ordres du
gouverneur Faidherbe, parcourait toute la c8te comprise entre le
Cap Vert et Joal, pénétrait dans l'intérieur jusqu'à Fatik, au
coeur même du royaume du Sine, où elle battit l'armée réputé in-
vincible de ce pays, expulsant de toute la c8te le~tiédos qui

262
l'infestaient, et rétablissait non anciens droits dans cette con-
trée par la construction des tours de garde de Rufisque,
Portudal
et Joal"(1).
Cette expédition des Français dans les royaumes du sud se
solde par le signature d'un traité de paix entre le gouverneur du
Sénégal
"-
et le Teen du Bawol en Mai 1859. A partir de ce moment, on
peut dire que l'autorité du souverain sur la région c8tière de son
royaume n'est plus que théorique.
Les clauses du traité apportaient une restriction considé-
rable de l'autorité du Teen dans la mesure où elles établissaient
un régime spécial pour les commerçants français installés dans le
royaume.
Par la construction d'un fort à Sali Portudal,
la France
manifeste son désir de contr8ler directement le commerce qui se
fait sur la c8te et parvient même à imposer le montant du pourcen-
tage que le Teen doit retirer de ce commerce, suppr imant du même
coup le paiement des coutumes,
s~mbole du souverain à l'égard des
étrangers.
Le démantèlement du royaume commence donc à partir de 1859,
avec la nouvelle politique du gouverneur Faidherbe que Pinet LA~
PRADE, commandant de Gorée définit ainsi
: ~assurer à nos natio-
naux la sécurité qui leur est due, faire cesser les brigandages
qui désolaient les contrées voisines de Gorée et les guerres in-
cessantes ques les divers pays se faisaient, dans l'unique but du
pillage;
en un mot, associer l'action politique et militaire du
gouvernement aux efforts de notre commerce"(2).
Telle qu'elle est présentée par Pinet Laprade, cette n ou-
velle politique devait inexorablement amener les Français à i n-
tervenir de manière fréquente dans les affaires pol~tiques des
(1) LAPRADE P., Revue maritime et coloniale, T.13, 1865, p.719.
(2)
"
" "
"
"
" p ' . 726.

- - ~ - - - - - - - -
263
diff~rents royaumes. Comme pour le Waalo, l'intervention politique
et militaire des Français au Bawol aboutit à la conqu~te définitive
du pays.
Cependant, contrairement au Waalo où les militaires fran-
çais eurent à lutter contre une monarchie centralisée,
la conqu~te
militaire du Bawol ne fut pas très facile pour eux, dans la mesure où
ils'se trouvèrent devant un royaume qui, certes, se disait une mo-
narchie centralisée, mais dont l'autorité du souverain,sur de nom-
breuses régions p~riphériques était,nulle.
Les Français eurent à lutter sur deux fronts: d'un c8té
contre le pouvoir central représenté' par l'aristocratie wolof, et
d'un autre,contre les populations séreer qui n'obéissaient pas à
cette "ar i stocra tie" là, mai s au contraire à l'occasion,
la c om-
battaient.Nous partageons sur ce point l'analyse. de Jean-Marc
GASTELLtI lorsqu'il affirme que "ce fut le Bawol qui offrit sans
doute le plus de difficultés à la conqu~te militaire française à
cause de la diversité de son organisation interne"(1).
L'existence de deux conceptions du pouvoir politique ( pou-
voir politique centralisé chez les Wolof, et pouvoir politique
diffus chez les Séreer) dans le royaume du Bawol, n'a pas manqué
de g~ner les Français dans leur volonté d'annexer cette région.
Quel a été alors le comportement de ces deux nationalités
face à la conqu~te territoriale progressive de leur royaume par
la France ?
(1)
GASTELLE J.M., 1981, p.349.

264
II. LE ROYAUME DU BAWOL FACE A LA CONQUETE MILITAIRE FRANCAISE
(1859-1894) •
Notre but n'est pas de montrer dans ce chapitre comment
s'est faite la conqu~te du Bawol, ni de faire l'analyse de tous
les événements ayant marqué.la pénétration française dans cette
région. La politique d'expansion territoriale de la France en sé-
négambie a été étudiée par des historiens tels que Boubacar BARRY
ou f'1amadou DIOUF. A peu de détails près,nous croyons que la France
a suivi une ligne politique sensiblement parei~le, tant au Kajoor
qu
'.au BaViol.
Il serait donc superflu de reprendre Itanalyse de
cette politique de pénétration que, du reste, Mamadou DIOUF a
très bien étudiée dans sa thèse sur "la conqu~te du Kajoor".
Cependant, le Bawol étant un royaume pluriethnique, avec
une monarchie wolof dominant ou prétendant dominer une population
dont la plus grande partie est séreer,
i l serait intéressant de
voir qu'elle a été l'attitude des deux composantes de la popula-
tion du royaume en face des colonisateurs.
Cette étude est d'autant plus intéressante qutactuellement,
quand on parle de résistance à la colonisation au Sénégal, on pense
automatiquement au~ Wolof.
Dans la région du Kajoor/Bawol,
la résistance est symbo-
lisée par les "grandes figures" de l'aristocratie wolof. A aucun
moment, on ne parle d'une quelconque résistance des populations
séreer de la région.
L'étude de l'évolution politique du royaume a cependant
montré qutau milieu du Xlxè siècle, le pouvoir d es souverains du
Bawol dans les régions séreer st est beaucoup affaibli. Tout l e
pays séreer situé à l'ouest et au sud-ouest du royaume échappe à
,
...
ltautorite du Teen, et se trouve dans une indépendance quasi totale.

265
Il est certain que la réaction de ces populations en face
des colonisateurs français ne sera en rien fonction de celledu Teen
dont elles ne reconnaissent même pas l'autorité.
Nous pensons donc
que l'étude ille la pénétration française au Bawol ne peut se faire
en tenant compte seulement des relations entre les militaires fran-
çais et les représentants du- pouvoir central. Ces derniers ne re-
présentent pas la totalité de la population du royaume, il est
donc nécessaire de voir comment se sont comportés les deux partis,
devant les conquérants français.
L'analyse du comportement des deux nationalités au cours
de la conquête coloniale permettre de voir si, comme on aime à
la
répéter actuellement au Sénégal,
la résistance aux Français dans
cette région a surtout été le fait des Wolof, ou bien s'il ya
lieu
d'y introduire une nuance. On essaiera aussi de voir les raisons
pour lesquelles seules les luttes que les Wolof ont eu à mener contre
le colonisateur dans la région du Kajoor/Bawol sont restées les
plus vivaces dans l'esprit
du Sénégalais contemporain.
Dans un premier temps, on verra d'abord comment s'est ef-
fectué le démant~lement de la monarchie wolof du Bawol, avant d 'a-
border les problèmes rencontrés par les Français en pays séreer.
AI L'expansion territoriale de la France et la fin du Royaume du Bawol.
Le Bawol n'a pas été, comme le Kajoor,
le théâtre d'une lut-
te acharnée entre les Français et les représentants du pouvoir cen-
tral. Les archives de la seconde moitié du Xlxè siècle décrivant
avec force détails les campagnes militaires françaises dans le Ka-
joor, sont très discrètes à propos du Bawol et n'en parlent souvent
pas. Il est vrai que ce royaume a joué un r81e plut8t secondaire
dans les événements marquants de la région nord-sénégambienne au

266
cours de la seconde moitié du XIX8 siècle. Cela nous amène d'ail-
leurs à nous poser la question suivante : quelle a été la réaction
du pouvoir central devant la volonté manifeste des Français de s'in-
gérer dans les affaires intérieures du royaume?
Si, dans le royaume voisin du Kajoor on assiste dès 1860 à
une ~~rie d'expéditions militaires entreprises par les Français, au
~
Bawol,
jusqu'en 1894, date de suppression de la charge de Teen, il
n'y a jamais eu affrontement entre les dirigeants politiques et le
pouvoir colonial de Saint-Louis. L'on pourrait croire à priori que
l'aristocratie Sawol-Bawol, contrairement à celle du Kajoor, n'a
pas lutté pour défendre ses privilèges, mais qu'elle a plut8t es-
sayé de composer avec le colonisateur.
Cependant, nous essaierons de voir,
à la lumière des docu-
ments d'archives, comment est-ce-que l'on peut expliquer cette
attitude du pouvoir central, attitude qui ,du reste,a changé suivant
certaines circonstances.
La situation politique du Bawol au lendemain du Traité de
1859 signé avec Faidherbe,était très confuse. Pendant cinq ans,
le
Teen Ce yaasin Ngoné Deg~n avait eu à soutenir des guerres contre
le Kajoor ;
le pouvoir connut une période d'instabilité durant
laquelle le royaume fut souvent divisé entre les deux rivasx
Makodu Kumba Jari~ et Ce Yaasin Ngoné Deg~n. Cependant, à la mort
du Dammel Birima Ngoné Latyr, Makodu abandonne définitivement le
Bawol, et se fait élire Dammel du Kajjor.
Ce yaasin se maintient au Bawol comme Teen, mais son pouvoir fut
très affaibli, par suite de cette longue guerre.

267
Le gouverneur Faidherbe qui, depuis 1859, essaie de conclu-
re sans succès un traité avec le Dammel Birima pour la constructi~
de trois caravansérails dans le Kajoor et l'é~ablissement d'une
ligne télégraphique reliant Saint-Louis à Gorée, va profiter de lô
faiblesse dans laquelle se trouve le Teen Ce Yaasin, pour arriver
à ses fins. C'est ainsi qu'il lui propose son appui pour sa can-
didature au trÔne du Kajoor. Dans une lettre adressée au gouver-
neur le 6 Décembre 1859, Ce Yaasin accepte la proposition: "Si
vous me venez en aide pour me rendre maître du Cayor et du Baol,
je vous accorderai les trois maisons entre Gandiale et Rufisque"(1),
,
~
Cette reponse du Teen du Bawol au gouverneur du Sénégal est
très significative. En effet, elle montre bien que la situation
politique a changé dans la région et que devant les problèmes,
les
souverains n'hésitent plus à monnayer leur pouvoir~
La situation politique intérieure du Kajoor et la position de Ce
Yaasin qui n'avait pas des appuis solides dans ce royaume,
ne per-
mirent.
pas à Faidherbe de mettre son projet à exécution. Cepen-
dant, à partir de ce moment, il savait qu'il avait un allié en
...
la personne du Teen, et cela était très important pour lui. En
effet, si le Bawol n'intéressait pas encore directement les Fran-
çais, il était malgré ~out important pour ces derniers d'entre-
tenir des relations non hostiles avec le souverain de ce royaume
vue sa proximité avec le Kayoor.
Ainsi,
par la promesse qu'il lui fit de l'aider à conqué-
rir le Kajoor, le gouvernement .de Saint Louis réussit à entrete-
nir avec le Tee~ du Bawol des relations "d'amitié" de 1860. à 1871.
Durant toute cette période,
les Français occupés à consoli-
.
-
~e~ leur po~ition dan~ le Kajoor; se sont ~e~~isdu Bawol situé au
(1) A.S.: 136 274- Lettre du roi du Baol au gouverneur et au Commar
dant de Gorée -
1857.

268
sud de ce royaume pour bloquer les Dammels dans leur retraite.
Ainsi,
lors de leur conflit avec Lat Joor en 1864, ils ont usé
de menaces et d'intimidation envers le Tee~ Ce Yaasin pour l'em-
pêcher de prêter main forte au Dammel.
"Le lieutenant-colonel Laprade passa quatre jours à intimider le
roi du Baol pour qu'il ne p.ermi t
plus à nos ennemis de se réfugier
chez lui, d'y l~tsser leurs biens et leurs familles pour venir
commettre des agressions dans le Cayor. C'est dans ce but que la
colonne se dirigea d'abord vers le Baol. Cette pointe eut pour
résultat d'intimider les chefs de ce pays et de les détacher ~6~­
plètement de la cause de Lat-Dior, ce qui évita de porter la guerre
dans cette région qui fournit des éléments considérables à notre
commerce"(1).
Cette politique d'intimidation des Français à l'égard du
souverain du Bawol avait deux buts: d'une part, montrer au Teen
Ce Yaasin, que les forces françaises n'hésiteraient pas à l'atta-
quer dans le cas où il entrerait en coalition avec Lat Joor,
d'autre part, faire en sorte que le conflit soit circonscrit uni-
quement dans le Kajoor.
Il était en effet très important pour les Français de ne
pas avoir à faire la guerre sur deux fronts, car non seulement
ils ne disposaient pas des effectifs nécessaires, mais encore le
commerce en aurait souffert.
Il faut souligner que les récoltes
diminuaient beaucoup lors des conflits. Il fallait donc éviter de l~
porter au Bawol, qui de ce fait pourrait continuer à alimenter le
commerce.
La politique d'intimidation eut des résultats positifs pour
les Français, dans la mesure où le Tee~ Ce Yaasin Ngoné Deg~n,
conscient qu'il ne gagnerait rien dans un affrontement avec les
(1) Annales Sénégalaises de 1854 à 1885, Paris Maisonneuve 1885, p.311

forces françaises et , conservant toujours ses prétentions sur le
Kajoor,
joua la carte française.
Cette collaboration tacite entre le souverain du Bawol et
les Français était d'autant plus nécessaire que, dès le mois de
Mai 1864,
ils se trouvèrent ensemble sous la menace d'un ennemi
commun: Maba Jaxu, Almamy du Ripp. Ce dernier,
ayant pris le pou-
voir dans le royaume du Badibu (Ripp), décida de faire l'islami-
sation des populations sénégambiennes, en renversant les souverains
"païens" des royaumes de cette région.
La menace se fit plus pressante en Juillet 1864, quand Maba envahit
le Jolof. A partir de ce moment,
l'aristocratie bawol-bawol noua
avec les Français de solides relations d'alliance pour barrer la
route à cet islam guerrier dont l'objectif était de s'emparer du
pouvoir dans les royaumes, ce qui n'arrangeait ni la classe diri-
~eante du Bawol, ni les Français de saint Louis. A cet effet,
le
Bay Bayaar Penda Core (chef de la province du Mbayaar)
envoya au
commandant de Gorée une let tre dont voici la teneur
: "nous avons
appris que Maba est dans le Djolof et qu'il y fait
la guerre aux
habitants de ce pays. On dit que ceux-ci se sont fait marabouts
j'ignore si c'est vrai ou non.
si vous apprenez qu'il est entré
dans le Baol,
laissez-nous faire.
Si nous ne pouvons pas lui ré-
sister, nous vous ferons prévenir immédiatement.
Quand vous serz disposés à l'attaquer, soyez persuadés que tout
le monde vous suivra car blancs et noirs sont ses ennemis"(1).
Les Français étaient inquiets de la percée que fit Maba,
car ils avaient déjà eu affaire à El hadj Omar, un autre marabout
guerrier qui, sur le haut Sénégal, interdisait aux populations de
faire du commerce avec eux.
(1) A.S.
: 13 G 274. Lettre de Penda Tioro au Commandant de Gorée.
18 Juillet 1864.

270
Ils ne virent donc pas d'un bon oeil l'objectif de Maba sur
les royaumes sénégambiens, car cela pourrait permettre au chef
musulman de faire sa jonction avec les marabouts du haut fleuve,
mettant ainsi la colonie du Sénégal dans une situation dangereuse.
C'est la raison pour laquelle ils se résolurent à stopper
le mouvement,en signant avec Maba et les souverains du Siin, du
Baol et du Jolof un traité reconnaissant le premier comme Almamy
du Ripp et du Saalurn, mais qui garantissait en même temps l'inté-
gralité des territoires des trois derniers royaumes.
Malgré ce traité signé en Octobre 1~64, Maba allait attaquer le
Jolof,
le Kajoor et le Bawol dès 1865.
Il occupa les provinces
du Wokaan, du La ct du Mbaké dans le Bawol oriental, mais dut les
abandonner pour rentrer au Ripp régler de~ problèmes d'ordre i n-
térieur.
Néanmoins,
son passage dans la région se fit sentir, dans
la mesure où une grande partie de la population le suivit au Ripp
(1).
_Ainsi, comme nous venons de le voir, même si, depuis 1859,
après l'expédition du colonel Pinet Laprade sur la petite cÔte,
aucune autre province du Bawol n'a été occ~pée par la France, il
n'en demeure pas moins que ce royaume,
par l'influence que les
Français exerçaient sur son souverain, a beaucoup aidé ces derniers
dans leur politique d'encerclement et d'isolement du Kajoor. Par
ailleurs,
les Français se sont aussi servis de la peur que l'Islam
en tant que force politique,
inspirait aux "aristocraties" du
Bawol et du Siin, pour réussir à stopper la montée du chef musul-
man du Badibu vers les royaumes nord sénégambiens.
En effet, c'est
au cours d'une bataille entre le Buur Siin Kumba Ndofeene, allié
au Bay Bayoor Penda Caro, que Naba Jaxu trouve la mort en Juillet
1867.
(1) f'lARTIN Cap., 'Notes sur le Baol", Moniteur du Sénégal et Oépendan-.
ces, 1867, n0574.

27I
Tout au long de la période allant du début des expéditions
militaires dans le Kajoor jusqu'à la défaite de Maba Jaxu en 1867,
la classe dirigeante du Bawol a
joué la carte de la collaboration
avec les militaires français.
Nous pensons malgré tout que le Bawol
eut une politique double vis à vis des Français.
En effet, si le
Teen Ce Yaasin, qui non seulement voulait conserver son pouvoir
au Bawol mais encore ~tre couronné Damm~l, protestait à tout mo-
ment de son amitié anversles Français,
le chef de la province du
Mbayaar,dont le pouvoir s'était considérablement accru, semblait
~tre en relation constante avec le parti de Lat Joor que les troupes
françaises combattaient. Ces derniers s'en apercevront d'ailleurs
dès 1868, par suite de la reprise du pillage des Ceddo dans le
Bawol.
"Je prends des informations pour savoir
jusqu'à quel de-
gré il faudrait accorder créance aux relations d'amitié parfaite
qui existeraient entre Penda Tioro (chef du Mbayaar) et Lat Dior,
et emmeneraient des entrevues fréquentes entre ces personnages et
leurs envoyés"(l).
Eh fait,
la faiblesse du Teen Ce ~aasin a été accentuée par
le renouveau de la puissance de certains chefs de province qui,
profita~t du développement du commerce de l'arachide, réussirent
à s'imposer d'une manière beaucoup plus marquante sur la scène po-
litique du pouvoir central.
Le chef du Mbayaar, une des provinces les plus vastes du
Bawol, devint ainsi l'un des interlocuteurs privilégiés du royaume
auprès des Français. Les relations épistolaires de ce chef de pro-
vince avec le commandant de Gorée et le gouverneur de Saint Louis
témoignent de la nouvelle puissance du Bay-Bayaar que les Français
désignent comme le "chef militaire" du Bawol.
(1) A. S., 13 G 305, "Lettre du Cornmandant de Gorée au gouverneur"
18 r!iai 1868.

272
Tant que la menace de l'Islam pesait sur le Bawol, Penda
Coro a préféré respecter les engagements que le pouvoir central
avait pris envers les Français,
lors de la signature du traité de
1859. Dès que cette menace fut
portée vers le Nord du Kajoor avec
le mouvement d'un autre marabout Tukul~r, Amadu Sexxu, le pillage
et les exactions des Ceddo sur les populations reprirent,
avec
cette fois-ci pour chef,
non pas le représentant des esclaves de
la couronne, mais un .. des membres de ~ famille régnante.
, 2°_ La réaction des Ceddo et le démantèlement de la monarchie par
-------------------------------~----------------------
-------
la France.
Depuis le début des expéditions françaises dans le Kajoor
jusqu'en 1867,
le Bawol connut une période de relative accalmie,
troublée seulement en 1865 par l'attaque de Maaa.
Cette situation de paix a favorisé le développement du commerce
des arachides. Dès 1866, la culture de l'arachide commence à pren-
dre des proportions importantes dans les activités agricoles. Le
commandant de Gorée, dans une lettre adressée au gouverneur, note
qul'llaprès avoir mis assez de temps à se décider à entreprendre la
culture des arachides que leurs pères n'avaient jamais cultivées,
les habitants des villages de Portudal et de Joal se montrent
maintenant pleins d'ardeur et demandent plus de semences que je
ne puis leur en donner ll (1).
Cette nouvelle situation,favorable au commerce, attire les
traitants français sur les c8tes du Bawol et c'est pourquoi, en
plus du comptoir de Portudal,
un autre point de traite est créé
,
"
."-
en 1867 a Nanln,
toujours sur la c8te.
No
Non seulement la culture de l'arachide se développe dans
(1) A.S., 13 G 305, Lette du Commandant de Gorée au gouverneur, 16
Juin 1866.

273
les villages proches des comptoirs français, mais encore dans le
centre du Bawol.
JLes ouolofs non musulmans du Baol que je dési-
gnerai sous le nom de Tiédo(ne pas confondre cependant avec les
captifs de la couronne) cultivent beaucoup les arachides qui leur
procurent les vêtements, car le coton est rare chez eux. Ils 0 nt
d'énormes lougans b leur disposition, grgce à cela,
ils arrivent
encore ~ fournir à notre commerce un aliment de qu~lque valeur"(1).
Cette remarque du Capitaine Martin, faite en 1867, montre
bien que le royaume du Bawol est entré dans la nouvelle activité
agricole imposée par la France. C'est cependant ce développement
agricole, découlant de la période de collaboration du pouvoir
central avec les militaires français, qui va être à l'origine du
refroidissement de leurs relations.
~n effet, les produits du Bawol se vendaient non seulement
sur les c8tes de ce rOYQ~me mais encore à Rufisque et à Dakar ;
or,
le traité de 1859 stipulait que Il tous les produits sortant
du pays de Baol paieront un droit de 3 % au profit du roi. Le roi
aura dans chaque comptoir un agent agréé par nous pour percevoir
ce droit avec notre aide s ' i l en est besoin. En dehors de ce droit
le roi,
ni personne ne pourra percevoir aucune coutume ni cadeàu
sous quelque nom et à quelque titre que ce soit"(2) •
....
Le Teen Ce Yaasin avait clonc le droit de placer des "alkati"
(percepteurs) dans tous les comptoirs où les produits de son pays
se vendaient.
Il semble que ce ne fut pas le cas, car en Avril 1868,
il écrit une lettre au commandant de Gorée pour réclamer ce droit:
"Je vous prie de me donner la coutume de Dakar, de Rufisque et de
Portudal. Les produits du Bawol se vendent à vos comptoirs, je
(1) ~~RTIN Cap., Moniteur du Sénégal et dépendances, 1867, n0574.
(2) A.S.,
13 G 274, Mai 1859,
traité de paix entre le gouverneur du
Sénégal et le Tègne du Baol.

274
désire avoir un droit là-dessus"(l).
'\\-
Les réclamations du Teen,bien qu'elles soient justes p uis-
que,
suivant l'esprit du traité,
sont en réalité une conséquence
du contexte économique du royaume.
Nous avons vu que pour l'~aris­
tocratie" wolof,
il n'était pas question desrivrer aux activités
agricoles, mais uniquement aux métiers des armes, ou encore à
l'administration des personnes (chef de province ou chef d'une
communauté de personnes). Cette aristocratie militaire (les Ceddo)
a connu son âge d'or dans le courant du XVIIIè siècle, avec la
traite négrière, qui lui rapportait ses revenus les plus substan-
tiels. La nouvelle forme de commerce qui lui fut imposée au milieu
du XIxà siècle, ne pouvait donc que se heurter aux intér@ts de ses
membres,
puisqu'elle diminuait considérablement ses ressources et
accroissait en m@me temps le pouvoir économique des Badoolo.
En fa it, pour la classe dirigeante, respecter le traité
de 1859 signifiait une reconnaissance totale du mode de vie de ses
membres.
En effet, cians l'art icle Dix du trai té,
il e st noté q ue
"le roi défendra et nous-m~mes
y veillerons, aux princes, Tiedos,
etc, ne s'occupant pas de commerce, de fréquenter les comptoirs
réservés au comrnerce"(2).
Puisque le principal article du commerce était devenu l'ara-
chide,
les Ceddo devaient donc,
s'ils voulaient bénéficier de ce
commerce,
se mettre à·.la pratique des activité~ agricoles, ce qui
jusqu'à cette époque, avait été réservé aux Badoolo. Il était donc
,...
difficile pour le Teen Ce Yaasin, signataire du traité, de le faire
respecter à ces Ceddo, sans un ch~ngement complet de l'idéologie de
son pouvoir. Non seulement le Teen lui-m~me réagit pour la sau-
vegarde de ses privilèges, mais encore toute l'aristocratie 1 '
(1) A.S., 13 G 253.
(2) A.S., 13 G 274, Mai 1859,
traité de paix entre le gouverneur du
Sénégal et le Tègne du Daol.

275
militaire (ceddo), dont l'existence en tant qu'ordre dominant,
était menacée.
a)
1868-1883
La remont~e du )ouvoir ceddo et le protectorat fran-
sais au SaVIol.
Cette période a été dominée par les exactions des ceddo à
l'intérieur du royaume,
les guerres que le Bawol eut à soutenir
contre le Kajocr et l~s affrontements entre l'aristocratie wolof
et les Séreer non soumis à son autorité.
D~s 1858, par suite du rrobl~me posé par Ce Yaasin Ngoné
Degën à propos des droits de sortie qu'il devait percevoir sur les
produits venant de son royaume,
les relations entre le Bawol et les
Français .. ; devinrent de plus en plus tendues.
"Le roi du Baol demande à placer des alcatys, chargés de percevoir
des droits sur les produits venant du Baol, dans tous les villages
de la c~te,depuis Dakar jusqu'à rJiaming ••• Il me semble toutefois
que le roi du Baol ne peut prétendre à l'imp~t qu'il veut prélever
sur les produits de son pays que dans les villages de son royaume
et non dans ceux que les traités ont mis en possession ou sous
notre protectorat"(1).
L'annexion du Kajoor en 1865 et la division de ce royaume
en cantons a amené les Français à remettre en cause l'article 5
,
du Traité de 1859, qui donnait au Teen du Bawol le droit de placer
un représentant dans les comptoirs français pour percevoir les
droits de sortie des produits du royaume.
S'il est vrai qu'une :Jartie du commerce se faisait sur les c8tes
...
-
du Bawol dans les comptoirs de Portudal et de Na~in, il n'en de-
meure pas moins que beaucoup de traitants passaient par la route
de ~ees, traversaient les pays séreer du Joobaas et allaient dans
(1) A.S.,
13 G 274,
Mai 185~
T

276
le Dawol central, dont les produits se setrouvaient ainsi dans le
comptoir de Rufisque, qui était une possession française.
v
Si le Teen acceptait de percevoir des droits uniquement dans
les comptoirs de son royaume,
il verrait alors le contrale d'un
des circuits du commerce lui échapper et perdrait ainsi une par-
tie de ses revenus.
C'est d'ailleurs ces nouvelles clauses d~ commerce qui sont à
l'ori-
gine du coup de force des ceddo. Malgré le Traité de 1859, ces
derniers recommenc~rent à se présenter sur les lieux o~ se fai-
sait le commerce,
pour réclamer aux populations des comptoirs le
tribut qu'ils versaient naguère au roi, violant ainsi l'accord
signé entre le 7een et le gouverneur du Sénégal.
Les pillages et les exactions, caractéristiques du pouvoir
ceddo reprirent, créant beaucoup de troubles dans les points de
traite.
De 1868 à 1871, le commandant .de Borée signale à plu-
"-
sieurs reprises la présence d~ Ceddo du Teen à Nanin et à Portu-
dal.
"Divers renseignements venant de Portudal annoncent que p lu-
sieurs cavaliers accompagnant un individu portant le titre de
Sarkh Sar~ne-Dorong, se sont présentés à ~ani~ et Qnt réclamé
des coutumes au nom du roi de Baol. Les cavaliers ont parcouru
le village, en essayant l'intimidation et se sont retirés après
avoir enlevé de vive force le poisson que des pêcheurs venaient
de prendre.
J'ai renouvelé au chef du poste de Portudal l'ordre
formel de faire saisir et de mettre aux fers quiconque se présen-
terait pour réclamer des droits ou commettre des exactions. Bien
que j'aie déjà prévenu ce sous-officier de faire comprendre aux
populations que les gens dont il est question ne sont que des
imposteurs et des pillards,
je crois utile néanmoins de porter à
la connaissance de Teigne et de Penda Tioro,
les actes de dépré-
dation qui se commettent en leur nom et de requérir le chatiment

277
des coupables(1).
Cette situation de troubles,créée par les Ceddo du Teen)
ne_pouvait malgré tout ~tre réglée par les Français,dans la me-
sure où ,un danger plus menaçant pour eux se présenta dans la r é-
gion du fleuve.
Un marabout Tukul~r du Toro~ Amadu Sexxu, s'était levé contre la
présence des Français et voulait les combattre au nom de l'Islam.
Son alliance avec Lat Dior, revenu au Kajoor, et nommé chef du
Gëët par les Français, inquiétait beaucoup ces derniers. Occupés
par le problème soulevé par les musulmans du fleuve et du Nord
du Kajoor,
ils laissèrent la question du Bawol en second plan,
d'autant plus qu'ils étaient sars que le Teen n'interviendrait
plus dans le conflit.
"Le Baol, malgré que son àmitié 'pour QOUS
se refroidisse depuis quelque temps, est forcé de rester neutre
et de prendre m~me une attitude défensive puisque son autonomie
est menacée par Lat Dior et Asdob' B~"(2).
Le pouvoir répressif des Ceddo put ainsi s'accentuer dans
100-
le 'Bawb~,jusqu'en 1871, date de la mort du Teen Ce Yaasin Ngoné
Degen. Sa succession posa un certain nombre de problèmes, puisque
deux prétendants étaient en lice
"les deux princes qui pourraient
~tre nommés Teignes du Baol sont
Malik Coumba Fal et Sapout Fal.
Le premier est appuyé par le Diaraf Massamba Ndoumbé et le second
par Penda Tioro"(3).
Ce Yaasin Joor Galo Gana(Sapuut Fal) fut élu Teen et sa
nomination marque la victoire du parti ceddo, puisqu'il était sou-
tenu par Penda Coro,
un des chefs ceddo les plus puissants du
Bawol.
(1) A.S., 13 G 305, Lettre du commandant de Gorée au gouverneur
18 Mai 1868.
(2 )
A.S., 13 G 305
"
"
"
" , 13 Nov.1869.
( 3 ) A. S. , 13 G 306, Renseignements sur la question du Baol.14 .Jân.181~

278
Les débuts du règne de Ce yaasin Joor furent cependant trou-
blés par un conflit avec le Kajoor. Lat Joor, redevenu Dammel du
Kajoor en Jui l let 1870, revendiqua le tr8ne du Ba \\\\70 l
et une guerre
entre les deux royaumes ne tarda pas à se déclarer. Malgré les de-
mandes d'aide du Teen,
les Français n'intervinrent pas dans le con-
flit et se contentèrent de surveiller les opérations à partir de
leurs postes militaires de Cees et de M'Bijeen.
En réali té, cette guerre entre le Kajoor et le Bawol a rran-
1
geait les Français dans la mesure où elle détournait Lat Joor de
son allié musulman Amaliu SeERu.
1
Après les combats de Njeleber en Mai 1873, Lat Joor devint Dammel-
Teen, mais son autorité ne semble pas être totale dans le Bawol,
1
puisqu'en 1874, il eut des affrontements avec Ce Yaasin Joor. Il
dut d'ailleurs abandonner le Ba\\\\7ol dès Avril 1874, pour aller com-
battre Amadu Sexxu,
son ancien allié dont les visées sur le K ajoor
l'inquiétaient. Ce yaasin Joor reprit alors son pouvoir. Cependant,
le Bawol a été profondément troublé par cette guerre.
Une grande
partie des populations, fuyant
les combats, cherchèrent à se réfu-
gier dans les possessions françaises
: Portudal et Jander.
Cette situation fut aggravée par les pillages des Ceddo,
que le Teen ne parvenait plus à contr81er.
Les effets de ces troubles se firent ressentir dans les af-
faires du commerce,
à tel point que les négociants de Gorée et de
Rufisque signèrent une pétition,
appuyée par une lettre de la
chambre de commerce de Gorée,
et l'envoyèrent au gouverneur pour
qu'il m!t fin aux troubles.
"Nous attribuons avec raison cette
diminution d'affaires aux agissements des marabouts qui ont dans
la personne de Lat Dior,
un chef qui de jour en
jour devient plus
puissant.
Tant que ses agissements se bornaient au Cayor, nous en
avions pris notre parti, et ce pays autrefois un des plus productifs,
nous ne le comptions plus dans nos transactions.
Mais aujourd'hui,

279
comme c'~tait à pr~voir du reste, Lat-Dior, par fanatisme reli-
gieux pousse ses hordes sur le Baol et le livre à un pillage effrené
depuis quelques temps. Les nouvelles certaines que nous avons de ce
pays et les tribus que nous voyons journellement se réfugier à
Ru-
fisque et ses environs prouvent que ce pays sera perdu et nul pour
la production si on n'arrête. pas Lat-Dior à temps"(l).
CecI
montre clairement la situation confuse dans laquelle
se trouve le royaume du Bawol.
Le retrait de Lat-Joor en 1874 ne mit cependant pas fin aux
'V
inquiétudes des populations et des commerçants français. Le Teen
Ce Yaasin Joor, amen~ au pouvoir par les Ceddo, n' avai t
pas une
autorité suffisante sur eux,
pour les emp~cher de vivre sur la po-
pulation. Ainsi,
les exactions des Ceddo continuèrent et d'après
un rapport du commandant de Gorée sur la situation politique et
commerciale du deuxième arrondissement "le Bawol devient de plus
en plus difficile à traverser par nos sujets, il y a beaucoup de
pillages et le Teigne ne s'occupe pas s~rieusement de faire droit
à nos justes r~clamations"(2).
Ces perturbations cr~~es par les Ceddo du
'"
Teen sont non
seulement une menace pour la sécurité du commerce français, mais
encore, elles ne tardèrent pas à abOutir à un affrontement entre
les Séreer et le pouvoir central.
Ainsi, par suite de la réaction des Séreer du Joobaas et du Jegem
qui eux aussi, décidés à se défendre de tout pillage, attaquaient
les étrangers qui s'aventuraient dans leurs villages,
le Teen Ce
yaasin Joor décida de mener une campagne contre ces régions hostiles.
La conséquence de cette fuerre entre l'armée du Teen et les Séreer
fut une désorganisation complète du commerce sur la c8te, puisque
c'est cette région qui fut principalement le thé~tre des operations.
(1) A.S., 13 G 307, Lettre des membres de la Chambre de commerce de
Gorée, 5 Juin 1873.
(2) A.S., 13 G 309, Situation politique et commerciale,31 Décembre1879

280
Les Français durent intervenir, avec un détachement de vingt cinq
hommes, chargés de rétablir rrl'ordre" dans les comptoirs.
Il est certain que cette situation de désordre,préjudi-
ciable au commerce, ne pouvait être plus longtemps tolérée par les
Français. Cèpendant,
les problèmes que leur créait Lat Joor à
pro-
pos de la construction du chemin de fer Dakar/Saint Louis,
ne leur
permirent pas d'agir d'une manière radicale dans le Bawol.
Ils se contentèrent d'imposer à ce royaume la signature
d'un traité, mettant le Bawol sous le protectorat français. L e
traité fut signé le 8 Mars 1883, et ses clauses montrent clairement
que c'est dans le but de la protection et du développement de son
commerce dans cette région que la France l'imposa au Tee~ Yaasin
Joor Galo Gana(voir annexe).
b) Le désarmement des Ceddo et la fin du royaume du Bawol.
L'application du traité de protectorat dans le contexte poli-
--
tique du royaume était très difficile pour le Teen Ce Yaasin. La
faiblesse de ce d~rnier, débordé par le pouvoir centrifuge des au-
tres membres de la classe dirigeante, ne permit pas de mettre fin
aux opérations de pillages devenues quotidiennes dans le royaume.
La naissance de ces pcu\\/,oirj
centrifuges dans les provinces
du Bawol a été favorisée par le commerce de l'arachide qui mettait
""
en contact le paysan Bawol-bawol et les traitants. Le Teen perdait
de ce fait
le contrale absolu qu'il avait toujours eu sur toutes
les transactions qui se faisaient dans son royaume(au XVIIIè siècle
par exempI~.
Les chefs de province, qui étaient soit des parents du sou-
verain,
soit des "Jaami-Buur) étaient donc en passe de perdre eux
aussi,tous les privilèges économiques qu'ils retiraient du commerce:
du temps o~ ce dernier était entre les mains de la classe dirigeant~

281
La menace de perdre leur pouvoir économique, amena ainsi
garmi et Jaami-Buur, à se retourner vers les Badoolo, principaux
bénéficiaires du nouveau commerce, et à exercer sur eux toutes
sortes d'exactions.
C'est dans ce sens que les principaux chefs du Bawol se mirent
à prendre des initiatives sans m~me consulter le représentant du
pouvoir central.
Il nous semble d'ai lIeur s que le fait d'avoir accepté de si-
gner un traité de protectorat avec la France, a creusé un fossé
entre le Teen Ce Yaasin et ses ceddo.
En effet, dès 1888, ceB'- " ,
derniers
furent prêts à le lâcher au 'profit d'un autre prétendant
Tanor. Ngof1.
"
"L'attitude dos Hinistres et des principaux chefs du Baal
~tait des plus suspectes et personne n'ignorait qu'ils n'attendaient
que l'ouverture des hos::i.lités pOUl:' abandonner l eul:" roi et se j oin-
dre à Tanor"(l).
Il y a donc une nette division de la classe dirigeante et,
sans l'intervention des Français qui soutinrent le Teen Ce Yaasin,
ce dernier aurait sans doute été déposé, après la guerre civile
qui menaçait d'~clater.
Cependant, malgr~ le soutien qu'ils lui accordèrent, les
Français se virent bientet dans l'obligation de faire déposer Ce
Yaasin, dans la mesure oG celui-ci, minorisé par les Ceddo, n'avait
plus ni le pouvoir,
ni l'autorité nécessaire pour faire régner
"l'ordre" dans le royaume et respecter ainsi les accords le liant
à la France.
Prenant prétexte d'une incursion menée par le Teen dans la
région du Jegem(province qui dépendait nominalement du Bawol, mais
què les Français avaient annexé en 1889),
le gouverneur Clément
(1) A.N.F.S.D.N.,
Sen et Dep l, dossier 80 c.

282
Thomas êécida de se débarrasser de Ce Yaasin, et le fit remplacer
par Tanor Ngo~ en Mars 1890.
"Sur l'ordre du gouverneur,
le capitaine Villiers entra dans
le 3aol avec l'escadron de spahis, pour y tenir en quelque sorte
les grands jours du Baol, qui devaient porter une atteinte terrible
à l'autorité des Garmis. Les ~lecteurs réunis à Gate déposèrent
Tiacine et nommerent à sa place Tanor Goye, musulman connu dans
le pays pour son ~nergie et sa sobriété. Le capitaine tint de nom-
breux palabres dans lesquels les Diambou~s et m~me les simples
captifs purent exposer leurs griefs et à la suite de cette enquête,
deux des plus puissants garmis,
le Diaffé et le Thialaw furent mis
hors la loi et poursuivis"(l).
A partir de ce moment, on peut dire que l'autonomie du pou-
voir central, déjà menacée par le protectorat français imposé d e-
puis 1883, n'existe pratiquement plus. VUILLOT a
parfaitement r ai-
son lorsqu'il affirme que l'élection de Tanor Ngon porta un "coup
terrible à l'autorité qarrni".
En effet, c'est un évér)ement sans
précédent dans l'histoire politique du royaume,
puisqu'il marque
la perte définitive de l'initiative des Garmi en matière politique.
Non seulQment l a déci sion de tenir cet te assemblée leur a été i mpo-
-v
sée par les Français, mais encore le choix de Tanor comme Teen cons-
titue une nouvelle entorse aux institutions du royaume. Ce dernier
ne faisait pas partie du patrilignage Faal ;
il n'était donc pas
habilité à porter le titre de Teen.
Ce fut une erreur de la part
des Français d'avoir imposé Tanor comme souverain du Bawol, et ils
ne tardèrent pas à s'en apercevoir.
Les Garmi, frustrés par l'élection de Tanor, se regroupè-
rent sousl1a direction du Ba~
Bayaar Ma!sa Auta,
et le parti ceddo
considérablement renforcé, devint une opposition dangereuse pour
le souverain.
(1) VUILLOT P.,
"Notes sur le Baol", Bulletin du Comité de l'Afrique
française,
1898, n06,
p.15B.

283
D'un autre côté, à cause de son statut de musulman zélé et
m~me fanatique, Tanor n'avait pas l'adhésion de toute la population,
dont une partie seulement, celle située au Nord du royaume, à
la
frontière du Kajoor, était musulmane. La tâehe du souverain était
de ce fait très difficile, et il lui fallait user d'une grande
énergie pour imposer son autorité.
Les Françai s l'aidèrent dans ce sens, en s'attaquant a u
parti ceddo que le souverain ne parvenait pas à contr81er ; "mal-
gré tous les bons conseils de la première heure, malgré les a ver-
tissements réitérés et les remontrances énergiques que nous aurons
dO adresser à Maissa-Anta, au sujet des dispositions qu'il montrait
à l'égard du Tègne Tanor, ce chef rebelle a continué à créer dans
le Baol une agitation permanente td~s nuisible à
nos intérêts
politiques et commerciaux"(1).
Devant l'aggravation de la situation, le chef du parti ced-
do, Marsa Anta fut exilé au vJaalo, et le gouvernement du Sénégal
pour régler définitivement la question du Bawol,
procéda au d ésar-
mement de tous les Ceddo.
Si la chute du parti ceddo permit aux Français d'assurer
solidement leut influence politique par l'intermédiaire du Teen
Tanor,
le maintien de ce dernier à la tête du royaume fut par con-
tre une menace pour la prospérité de leur commerce. En effet, un
"-
autre conflit entre le Teen et la population avait surgi: Tanor
a voulu imposer l'Islam à ses sujets non musulmans. Il s'en suivit
une série de représailles et les Bawol-Bawol qui venaient tout
juste de sortir de l'emprise du pouvoir ceddo, se retrouvèrent
sous le joug d'un chef musulman. Leur réaction se fit non pas par
la violence, mais par une série d'émigration vers d'autres régions.
(1) A.N.F.S.O.M., Sen. et Dep.l,
Dossier 91b.

284
L'on peut d'ailleurs se poser la question de savoir si
réellement, cette émigration des Bawol-Bawol vient uniquement des
v
exactions que le Teen Tanor aurait commises à l'endroit des popu-
lations non musulmanes. Nous pensons plut8t que la cause de ce mou-
vement provient non seulement de la poli tique répressive du T
"
een
(le pouvoir ceddo l'a prati~uée pendant près de deux siècles),
mais encore du fait que la population s'est finalement rendue
compte que le pays était passé de la domination des Ceddo à celle
des Français, le Tee;) n'ayant été élu que par leur volonté. Leur
seule arme contre cette domination fl,.lt l'exode et l'abandon de
leurs champs.
Cette émigration semble don~ être une réponse des popula-
tions à la mainmise des Français sur le royaume, qui d'ailleurs
avait acquis aux yeux de la colonie du Sénégal une importance
économique non négligeable.
"Le Baol, vous ne l'ignorez pas, est le vrai grand centre
de production du deuxi~me arrondissement. C'est de cette contrée
que nous viennent les deux tiers des produits que nous traitons.
Quand il n'y a rien ailleurs,
il y a toujours quelque Chose~OM-13o.w>li
c'est la terre promi se de l'arachide et du mi 1. La cri se aigue
que traverse le Baol constitue àonc un véritable péril commercial
et colonial"(1).
'"
La pression des commerçants français opposés au Teen Tanor
qu'ils accusaient d'être,
par les exactions qu'il commettait, à
l'origine de fa dégradation de la situation économique du Bawol,
obligea le gouvernement du Sénégal à supprimer la charge de T een,
dès la mort de Tanor en Juillet 1894. Le royaume fut alors divisé
en deux provinces: le Bawol occidental et le Bawol oriental,
(1) A.N.F.S.O.M., Sen. et Dep.
IV, dossier 102c.

chacun ayant 2 sa tête un chef descendant de l'une des anciennes
familles garmi, mais qui 6tait nommé par l'administration coloniale.
Le Bawol entrait ain~j., comme le waalo et le Kajoor, dans l'ère
de la colonisation française.
A la suite de ces nombreux événements qui ont marqué cette
pénétration française dans la région, comment peut-on apprécier
l'attitude des Bawol-Bawol durant ce moment déterminant de leur
histoire ?
NouS pensons que cette appr~ciation doit être divisée, car
lA.
comme nous l'avions déjà souligné" la conquête de~zQne géographi-
que du Bawol par les Français n'a pas été 'faite d'une manière uni-
forme, à cause de la situation politique de la région. Nos remar-
ques porterons donc d'abord sur les régions où le pouvoir central
avait une certaine autorité,
et nous verrons ensuite le comporte-
ment des populations autonomes séreer.
Le pouvoir central du Bal/JO 1 , contrairement à celui du Ka-
joor, n'eut pas à craindre très tet une mainmise politique des
Français sur le pays.
En effet, c'est surtout le Kajoor qui, tant
par sa situation géographique (proche de Saint Louis;! siège d u
gouvernement du Sénégal), que par les nombreux foyers de culture
musulmane (province du NJambuur),
susceptibles de poser des pro
blèmes au pouvoir colonial, eut à faire face assez rapidement à
la volonté d'annexion des Français. Ces derniers sg contentèrent
de développer au niveau du Bawol,
leurs intérêts commerciaux. Il
n'y eut donc pas de heurts immédiats entre la classe dirigeante
et le gouvernement colonial.
Cependant, dès que l'aristocratie bawol sentit que par le

286
biais de ce nouveau commerce,
son pouvoir ~conomique et politique
~tait menac~, elle r~agit. Malheureusement, cette r~action violente
fut surtout dirigée vers les populations Badoolo,
sur lesquelles
l'aristocratie ceddo en passe de perdre ses privilèges économi-
ques commit de multiples exactions.
La 'réaction des Ceddo fut d'ailleurs b~néfique pour le pou-
voir colonial, dans la mesure 00 elle lui permit de se faire voir
sous un autre jour par les Badoolo.
En effet, devant la violence
des Ceddo, il y eut des exodes vers les régions du Kajoor nouvel-
lement annexées par les Français.
La classe dirigeante ne réagit v~ritablement contre le gou-
vernement colonial que quand celui-ci essaya de lui imposer un
Tee~ de son choix. Elle isola alors le nouveau souverain, qui, de
ce fait,
ne put mener à bien la t~che qui lui était confiée par
les Français. Cependant, ce dernier sursaut s"avéra vain devant
la volonté de la France d'annexer le Bawol.
Ainsi, nous ne pouvons pas qualifier de résistance l'atti-
tude de la classe dirigeante wolof du Bawol, dans la mesure où
elle n'a pas cherché à mobiliser la population Bawol-bawol contre
les Français, mais a plut8t essayé.de sauvegarder son pouvoit
économique et politique.
Son attitute serait plut8t une résistance négative puisqu'à cause
du redoublement des exactions et des troubles qu'elle engendrait,
la population ne fut pas en mesure de répondre d'une manière adé-
quate aux vell~ités annexionnistes du colonisateur français. A
certains moments, elle préféra au contraire se réfugier dans les
régions où ce dernier était déjà implanté,
jouant ainsi la carte
du colonisateur.
La résistance des Bawol-Bawol ne commença réellement qu'après
le désarmement des Ceddo, quand les populations comprirent que,

287
"'-
par le biai s du Teen Tanor,
la France entendai t
étendre son i n-
fluence et sa domination politique sur leur royaume. Certains
choisirent alors l'exode vers d'autres r~gions, mais on était
à un moment où l'importance des intérêts économiques de la France
dans le Bawol ne pouvait plus conduire qu'à une mainmise directe
des colonisateurs sur le royaume.
La conquête du pays séreer s'est f ai te en même temps q ue
celle du Bawol ; cependant,
pour le~ commodités de la rédaction,
nous avons jugé nécessaire de faire l'exposé distinct de chaque
situation,
pour bien montrer la différence des deux réactions;
Il faut aussi rappeler que certain~s provinces peuplées de
Séreer, du fait ~u site géographique de leur région et de sa
proximité avec le pouvoir central, n'avaient pas pu se soustraite
entièrement de l'autorité de ce dernier et étaient plus ou moins
soumis à son influence par la présence périodique d'agents du
souverain, chargés de récupérer les redevances. Ce sont les pro-
vinces du GAAT, du JAAK, du MBAYAAR et du NGOY, avec le village
de Portudal sur la cete.
En dehors de ces provinces, toutes les régions occupées
par les Séreer échappaient à l'autorité du pouvoir central.
CEtte indépendance vis ~ vis de la monarchie wolof n'entraî-
na pas cependant la mise sur pied d'une organisation politique
centralisée des populations séreer. Contrairement au Siin, royaume
séreer voisin, où le pouvoir politique centralisé était aux mains
d'une aristocratie, dans les régions séreer du Jegem, M Badaan,
Sandog, Joobaas et celles de la cete, aucun pouvoir central
n'était reconnu,
et i l n'y avait pas d'ordres supérieurs tels
que les Garni chez les Wolof et les Gelwar chez les Siin-Siin.

288
L'absence d~une organisation politique centrale dans toute
cette1:'égion a éb~ :fav,)ri::~éc:, nnn seulement par la diversité des
dialectes de la lan9u2 s8reer,
nais encore par le mode d'occupa-
tion du territoire.
En effet,
si toutes les populations se disent
s6reer, i l y a malgré tout des particularités régionales tr~s
marqu~es. :Le Séreer de la région du Joobaas, parle un dialecte
différent de celui de la région c8tière qui,
lui,
parle le s~feen.
Ce dernier lui-même a ura des diff icul tés pour comprendre le d ia-
lecte de celui qui est originaire du Jegem, Sandog ou M Badaan.
Chaque groupe occupe une rcSglon géographique particuli~re.
Ainsi, ceux du Jegem (la province du Jegem comprend trois sous-
rég ions : le Jegem proprement dit,
le M' Badaan et le Sandog) h a-
bitent dans une région de forêts épaisses, et les villages sont
situés dans des clairi~res entourées degtands arbres. Le groupe
des Joobaas est dans une rc~9ion traversée par les "falaises" de
tcees, tandis que celui des 'safeen se localise autour du "massif"
de Njass.
C'est ~ l'intérieur de ces clairières que les habitants
d'un même village s'organisaient, restant étrangers à tout ce qui
se passait en dehors de la clairière. L'on comprend d'ailleurs
qu'à cause de ces remparts naturels,
les Séreer aient pu résister
avec succès aux assauts des souverains wolof.
Ce mode d'occupation du territoire a pu ainsi être l'un
des facteurs déterminants de la ~éservation de l'organisation
villageoise, seule organisation locale reconnue, avec un chef de
village,
doyen ~t président de l'assemblée des chefs de famille
du village.
Cependant, comme le remarque VUILLOT, "chaque chef de f a-
mille administre son carré en toute liberté, et l'assemblée ne

289
se réuni t qu'en cas de conf lit, soi t
entre chef s de carré, soi t
avec un village voisin"(l).
Il est certain que, devant cette organisation sociale 0 li
il n'y a aucun chef politique reconnu,
les Français ont eu du
mal à assurer leur influence politique.
Dans les royaumes wolof,
la diversité des familles garmi avec la multiplicité des candi-
dats pouvant prétendre à la "couronne", a favorisé la politique
d'influence des Français. Ces derniers ont pu soutenir tel ou
tel candidat, au détriment d'un tel autre, ce qui leur permit
de se faire des alliés dans certaines circonstances.
Dans les provinces séreer, cette politique ne put être
pratiquée à cause de l'absence d'une classe sociale détenant le
pouvoir poli tique.
Seule la violence put venir à bout de la r ésis-
tance des Séreer, résistance qui a été le fruit de la mobilisa-
tion de tout un peuple formé par des groupes ayant chacun des
particularismes, mais unis par la volonté commune de préserver
leur autonomie.
La province du Jegem,
située au sud-ouest du 8awol, àla
fronti~re de ce royaume avec le Siin, n'est pas ~ne région en
altitude. Cependant, dans cette nSgion de plaine,
la nature de
la végétation composée d'immenses fromagers et caIlcedrats a été
pour la population des villages, un moyen de défense efficace.
~
Les Teen du Bawol ont pu à certaines époques (XVllè si~cle
~
aVec le Teen Ce r~'Dela) réussira étendre leur domination sur ce3
régions;
celle-ci y a d'ailleurs été toujours imparfaite, et a
surtout consisté en ra~zias organisées par les troupes du souvera 1.i.
wolof.
(1) VUILLOT P.,"Notes sur le Baol", Bull. du Comité de l'Afrique
française n Q 6, 1898, p.161.

290
L'installation des Français sur les villages de la cSte
proches du Jegern va être le point de départ d'une série d'événe-
ments qui aboutiront à la conquête de la région.
En effet,
les villages séreer de la c8te,
situés entre la rivi-
ère de la Sornone et la fasma frontière du Bawol et du Siin, dépour-
vus de remparts naturels, ont été toujours bien contr81és par le
pouvoir central qui y avait d'ailleurs ses représentants: Alkati
Ge portudal et celui de Sarène.
Par le Trai té de 1859, toute eette région fut occupée par
...
.
les Français;
le Teen y avait bien sOr ses représentants, mais
c'était uniquement pour les besoins du commerce.
Le développement du commerce de l'arachide allait faire de
la région côtière une région très fréquentée non seulement par les
traitants, mais encore par d'autres populations qui, fuyant les
hostilités entre les différents royaumes intérieurs,
sont venues
s'installer sur la côte comprise dans l'espace colonial. Ainsi,
le commandant de Gorée notait en 1868, dans un rapport adressé
au gouverneur de Saint Louis
:
"Des Sarakkolets et des gens venus du Saloum continuent
à défricher entre la mer et le Dieghem. La fertilité du sol attire
chaque jour des immigrants de ce côté. Des chemins de plus en
plus fréquentés vont des divers points du rivage à Ndiarring et
dans les autres villages du Baol, en passant par le pays des
séreres"(1) •
Les populations du Jegem,
habituées à vivre repliées dans
leurs clairières,
se sont senties menacées par ce subit déve-
loppement du commerce dont les caravanes de marchandises traver-
saient journelleDent leur pays.
Les Séreer du Jegem entretenaient très peu de relations
(1) A.S., 13 G 305, Du Commandant de Gorée au Gouverneur. 30 Mai 1968.

291
commerciales avec les Français de la cete. Lors de la traite
négri~re, il Y avait une route reliant le centre du Bawol aux
points de traite de la petite c8te.
D'aprf.:s le vieux 'Isa NDUUR,
r'i l y avait un "lef" (route) ,
qui allait de Lambaay, passait par Kaba,
puis N'Dengeler, Jaak,
pour aboutir ~ f'Ji'Buur ; c'est par là que passait le Tee-;:) pour
aller à la dhe" (1). Le souverai n évitai t ainsi de passer dans
le Jegem, et c'est 2. travers les régions des H'Babonjaafen, qu'il
faisait la majeure ~artie de sa route, empruntant pendant tr~s
peu de temps,
la frontière du Jegem et du Joobaas.
La construction de chemins passant à travers leur pays fut
donc interpr~tée par les Séreer du Jegem comme une menace à leur
autonomie et ils réagirent dans ce sens.
Ils se mirent à piller toutes les caravanes de marchandises
qui traversaient leur pays. La création en 1867 du comptoir de
~ani~, situé au sud de portudal marque le début de l'essor du
commerce françaj_s sur la petite c8te, mais elle semble aussi m ar-
quer le début des hostilités entre le Jegem et les Français.
A partir de ce moment,
non seulement le pillage des cara-
vanes s'accentue, mais encore le poste de Portudal et le comptoir
de Nani; connurent à plusieurs reprises des troubles provoqués
par l'attaque des villages séreer voisins.
Les habitants du Jegem n'ont pas attendu que la volonté de
conqu~te des Français se ~récise. Dès qu'ils ont compris que le
commerce de la dHe, en se développant plus à l'intérieur des
régions, constituait un danger pour leur organisation sociale,
ils ont ~ris l'initiative de s'attaquer à ses représentants.
(1)
Informateur l sa i"! DUUR, 23.02. 1981.

292
Les Français hésit8rent pendant longtemps avant de mener
une riposte s~rieuse contre l'attaque des S~reer. Ces tergiver-
sations venaient de deux choses
:
-
d'une part,
ils avaient une m~connaissance compl~te de l'~tat
d'organisation politique et sociale;
.L
d'autre part,
j.ls ne voulaient pas, en les attaquant, favoriser
un retournement de ces populations rest~es jusque là animistes,
vers les communautés musulmanes, forme de résistance adopt~e par
les Wolofs dans certains royaumes.
Le gouverneur Bri~re de l'Isle dans son rapport politique
adressé au ministre, explique tr,;'s bien le problème crnsti tué par
la question séreer, pour le CJouvernement du S~négal
"Tous ces villages j.nclépendants forment sans doute une sorte de
confédération pour la défense commune de leurs forêts ••• Il faut
pr~voir le moment oG il faudra agir sérieusement contre ces peu-
peuplades,
les plus sauvages de celles qui avoisinent nos ~ta­
blissements de Saint Louis et du Cap Vert.
Elles sont laborieuses
et indomptables pour les conquérants religieux de ces contr~es.
Nous aurions tout j.l1térêt iJ. les laisser dans leur état actuel
qui est une barrière au mouvement par lequel l'islamisme nous
cernerait compl~tement si les marabouts du Rip pouvaient donner
la main à ceux du Cayor par le Saloum et le Sine.
Aussi, est-il très fAcheux qu'ils ne veuillent pas vivre en paix
avec nous,
ni respecter nos routes commerciales avec le Baol"(l).
Le problcme rencontré par les Français dans ces r~gions
séreer ~tait assez particulier dans la mesure où, là, contraire-
ment à ce qui se passait dans les monarchies centralisées de la
Sénégambie) ils ne pouvaient ni n~gocier avec des chefs ~lus ni
signer des traités.
Ils avaient contre eux, toute une population
(1) A.N.F.S.D.N.,
Sen et Dop. 1, dossier 63 a.

293
d~cid~e à défendre son territoire.
Devant les attaques répétées du Jegem à l'endroit des
commerçants et des comptoirs français,
le gouvernement résolut
de lancer une expédition militaire contre cette région.
En Mars
1889, une colonne de Spahis, sous la direction du commandant
Schsneider, entra dans le J-egem, et plusieurs des grands villa-
ges de cette région furent livrés aux flammes.
La supériorité des armes françaises eurent raison de la volonté
de résistance des Séreer et ils firent leur soumission.
La province qui était alors nominalement sous l'autorité
du Teerl du BavJol fut détachée sans difficulté aucune de ce royaume,
et les Français en laiss~rent l'administration à Sanor N'Jaay qui
....
'\\.
étai t
le percepteur du Teen ~l Nanin.
Sanor accepta de prendre le commandant de cette région qui
prit le nom de "provinces sérères indépendantes".
b) La résistance joobaas et la perte de l'indépendance dans les
pays séreer.
La rég ion du Joobaas, contrairement au Jegem, est une région
d'altitude. L2J aussi,
les clairilères sont entourées par des bois
épais rendant leur accès très difficile.
Une description du pays a été faite par le commandant
Herbin qui a dirigé la dernière expédition française au Joobaas
"La région dans laquelle la colonne a opéré est très difficile
les collines d'une élévation assez faible ne dépassent pas 35
à 40 mètres, ~is laissent souvent entre elles des lignes de
Thalweg, formant des ravins brousailleux,
propres à une embuscade"(1).
(1) A.N.F.S.O.N., Sen. et Dep.
IV, dossier 102c.

294
On comprend que, devant une telle configuration,
le pays
joobaas ait pu, malgré les incursions des souverains de Lambaay,
.
,
.
préserver son ind{pendance V ~L S ':.~. v l S du pouvoir central wolof.
Cependant, comme pour la province du Jegem,
la proximit~ des F
Français va faire r~agir la population du Joobaas. Les hostilités
entre les Français et les habj.tants du Joobaas débutèrent d'ail-
leurs assez t8t,
et l~ encore,
l'initiative vint du c8té des
S~reer.
L 'offensive lanc~e par les Français contre le Kajoor et
l'occupation de certaines provinces de ce royaume telles que le
Ganjool,
le Tub~, le Jander et le ~ays lebu, eut pour cons~quence
de rapprocher la zone d'influence française de la r~gion des sé-
reer Joobaas.
Dans leur politique d'isolement et d'encerclement
du Kajoor,
le gouvernement du S~~égal co~mença la construction
de postes militaires dans diff~rents points de leurs possessions.
Ces postes nüU.ti1ires servaient non seulement à prot~ger les routes
du commerce, mais encore à. surveiller l '~volution politique des
royaumes environnants,
le Kajoor notamment.
C'est dans ce sens que le poste de MBijen dans le Jander,
fut construit d~s 1861.
Cependant,
les traitants de Rufisque et de Dakar,
pour se
rendre à l'intérieur du Bawol, emprunt~rent la toute qui passait
par le Jan;~in(;;, province du l(aycor si tuée au nord du pays j oobaas.
Un défilé couverL.de\\ rochers et de bois épineux que l'on appelle
le d~filé tees, sépare les deux régions. C'est par lui que l'on
pouvait avoir acc;s au pays
joobaas,
en venant du Kajoor. Les
S~reer décid~rent d'en fermer Ijacc0s (certainement pour se pro-
téger d'éventuelles incursions d'étrangers dans leurs villages),
et se mirent ~ attaquer les caravanes qui empruntaient le passage.
J'our rI10.l:tr0. fin i,
l'at1.::élquc des Séreer ct assurer la pro-
tection ÙU cor:li:lcrcc,
lc~ Cornm<J.nciant de Goré construisit un poste

295
l'entr~e du d~fil~.
Dès la fin cies constructions,
les Joobaas,
alli~s aux vil-
lages s~reer voisins de Puut, attaqu~rent le poste et massacr~rent
les hommes de la garnison.
Il s'en suivit une exp~dition punitive
organis&e par les Français, et la construction d'un autre poste
à la sortie du J6filci
: le poste de ~ees.
Les attaques des Séreer n'en continuèrent pas moins et
certaines caravanes venant du Bawol,
par crainte des Joobaas,
pr~­
férèrent passer par la région du Sanoxor dans le Kajoor, route
contournant le pays séreer,
plus longue certes, mais plus sure.
Ainsi, avec une d~termination farouche,
les Séreer Joobaas
protégeaient leur pays, en se posant en vér i tables gendarmes d u '
d~filé qui, d'ailleurs, est toujours rest~ c~l~bre. Il y a toute
une légende li~e ~ ce fameux passage, redoutable pour les voya-
geur s, et que les sénégaiai s appellent "Al up Kaan 'i.
Faute d' :i.nterlocuteurs à qui s'adresser pour négocier 0 u
conclure des traités,
les Français utilisèrent le chef de canton
de Puut, région qu'ils avaient annexée. Ce chef de canton, Mali
Kumba, étai t
un séreer. Les Français voulaient jouer sur les r e-
lat ions qui existaient entre les Joobaas et les s~reer de leur
canton pour vaincre les velléités de défense des pnemiers. Ce-
pendant, comme le souligne un télégramme adressé au sous-s~cr~­
taire d'état des colonies, Mali Kumba r~vait pu, avant Décembre 1888,
comme simple particulier probablement, parcourir la province et
créer quelques relations amicales personnelles avec certains
individus influents;
mais il y avait loin de là à un commandement
effectif, et Malik n'avait ni osé, ni pu franchir le pas qui sépare
les deux situations"(1).
(1)
A.N.F.S.O.M., Sen. et Dep.
IV, dossier 102 c.

296
Les Françai s échouèrent donc une première fois,
dans 1 eur
tentative
:J).ùcer
h .r. ' 1
è'
.
".
l
t""
un c le~ ~ _~ur
_2votlon, a
a
e~e des Séreer
Joobaas.
L'action cntr.eprj.se au Jcc]em en Mars 1889, et la soumission
totale de la région qui en fut
la conséquence, gr§ce à la répres-
sion de Sanor N Jaay, chef de cette province,
incitèrent les Fran-
çais à l'utiliser une fois de plus pour opérer dans le Joobaas.
Sanor fut donc envoyé au Joobaas pour rattacher cette région
aux 'plAovi nces" sél.-eer indépendantes".
Cependant,
le gouverneur
lui-m~me note que "du jour. o~ nos prétentions au commandement se
sont traduites par des faits
(Les Sérères du Diobas les ignoraient
peut-~tre auparavant), les fusils sont partis tout seuls"(1).
Sanor rencontra une résistance très sérieuse dans le Joo-
baas dont tous les habitants se réunirent pour défendre le village
de Baabak,
premier cible de Sanor. Il
lui f al1 ut d'aille/ur s des
renforts pour venir Ô. bout de la résistance "300 indigènes des
cantons de Thiès et Dakar partis à son secours -
deux compagniesd~
tirailleurs partent demain lunùi par chemin de fer pour Thies,
afin aider prompte répression"(1~.
Ainsi, ce fut sous l'action conj uguée des troupes de S anor
N Jaay et du commandant Herbin, que les Séreer Joobaas , vaincus,
déposèrent les armes,
le a7 Avril 1891. Leur région fut rattachée
aux "provinces séreer indépendantes" de Sanor N Jaay.
(1) A.N.F.S.O.M.,
Sen. et Dep.
IV, dossier 102 c.

297
Cette étude des différentes étapes de la pénétration fran-
çaise dans les régions wolof et séreer du Bawol révèle deux points
assez importants: elle montre d'abord que la volonté de résistan-
ce des populations, a été liée en grande partie au mode d'orga-
nisation politique qui les régissait.
Ainsi, dans les régions soumis au pouvoir central,
les po-
pulations, ballotés entre les tensions et les aIl iances qui se
nouaient entre les colonisateurs et la classe dirigeante, n'ont
pas été en mesure de réagir d'une manière très prompte à la péné-
tration française.
Le rele d'interm~diaire joué par les membres
de la classe dirigeante qui,
en réalité, ne défendait que ses
privil~ges, a retardé d'une certaine manière la prise de consiience
des populations, face au danger que constituait pour eux l'ins-
tallation des Français dans leur pays.
Par contre, dans les régions 00 il n'y avait pa~de pouvoir
central,
toute la population s'est sentie menacée par la présence
des militaires français. Comme dans ces région,
i l ny avait pas
d'aristocratie cherchant à sauvegarder d'abord ses privilèges,
les privi16~es de chacun étant ceux de tous, la iésistance a été
organisée par toute la population.
Malgré le manque d'unité apparent, chaque région a pu trou-
ver au moment opportun la cohésion nécessaire pour s'opposer à
la
perte de l'indépendance du pays.
Le deuxiè::me point révélé par cette étude, c'est l~plica­
tion du problème que nous posions au dé~ut de ce chapitre :
Pourquoi, dans cette région du Bawol parle-t-on uniquement de la
résistance des Wolof à la pénétration française ?
L'explicaU_on vi_ont également ,~ partir des deux modes d 'or-
ganisation socio-politique des régions concernées.

298
En effet,
l'or§anisation politique centralis~e des r~gions
wolof a donn~ aux colonisateurs le moyen de n~gocier certaines d~-
cisions, et ~ l'occasien de signer des trait~s. La rupture de ces
n~gociations ou la violation d'un traité, entrainait toujours une
r~action de la part d'un des partenaires, et aboutissait souvent à
.
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1 ' ·
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r
. ,
,
,
oes Sl-ua_lons ce ~enSlons,. qu~ parr01S pouvalen~ aegenerer en
conflit.
Ce sont ces tensions ou conflits que la mémoire collective a retenu
et leé: "geVlel",
les poètes cie la société wolof se chargent de le
J
rappeler ~ certaines occasions.
,
Contraireîl1ent
"
atJX
!..... e<::J ].(~ns
pr~cédentes,
la population s ~reer
n'a jamais eu de contact direct avec les colonisateurs durant tou-
te la période de pénétration militaire.
Il n'y a pas trace d'un
traité conclll entre les Français avec tel groupe de s~reer parmi
ceux qui nous intéressent. Le conflit a ete
.
"
conttnu,
et seule la
violence des armes françaises a pu avoir raison sur la r~sistance
séreer.
D'autre part,
si nous prenons l'exemple d' une r~gion comme
le Joobaas où il n 'y a pas de ]üérarchisation sociale comme chez
les vJolof,
l'existence de "ge1l1el" av~c pour tâche principales de
rappeler certajns événements ~arquants de l'histoire de la r~gion,
fait d~faut. Il reste alors au chercheur à se tourner non seule-
ment vers l'enquête de terrain, mais encore vers les chants popu-
laires qui, bien que de style romancé, relatent malgr~ tout les
problèmes du peuple s~reer à travers l'histoire.

299
cor:CL us IGr:
de \\.'!()lof e'c cie ::);::~n::;c;r., offr'c un chac:lp d'étude int(~ressant, pour
le che:ccheur. q\\l:L 'leu;: ;:: travec:; les événements du passé, expli-
quer cel:-ta:ï.ns
Par 3a composition ethnique, et l'évolution suivie par le
pouvoir politique aux mains d'une minorité dirigeante,
le Bawol
permet de voir quelles ont été les relations entretenues par les
vJolof et
les Séreer, deux composantes actuelles de la nation s é-
négalaise,
à une période o~ cette derni~re n'était pas encore
constituée.
L'examen et l'analyse des sources,.qu'elles soient orales
ou écrites,
nous ont révélé que ces rapports,
la plupart du temps
antagonistes, ont toujours gravité autour du pouvoir politique
et de la manière dont il était perçu par les deux national~tés.
Ainsi, avant le milieu du XVIè siècle,
le Bawol, essenti-
ellement peuplé par les Séreer,
a été pendant longtemps un agré-
gat àe communautés terr itOl- j_alcs, où l'existence d'un pouvoir
politique était diffici~ement décelable;
dans la mesure où tout
s'organisait autour de la terre,
principal moyen de production.
Le mode de réparti tion et les conùi tions à' accès à la terre ne
permirent pas à ceux qui avaient la charge de la gérer, de se,
créer un surplus économique considérable,
pouvant les amener à
prétendre à une domination politique effective et efficace des
nopulations de ces communautés territoriales. Malgré tout,
les
fonctions qui étaient dévolues aux laman, gérants de la terre
et religieuses -
contenaient les germes
d'un pouvoir politique.

300
C'est le cadre de cette onjanisation territoriale que le
,,"olof, dans sa tentative de regrouper.1ent de toute la région a u-
tour d'un pouvoir ccntralis6, VQ utiliser pour asseoir sa domina-
tian sur le Bahlol.
La nomination d'un grand laman, représentant
tous J.es autres laman aupr~s du Buurba j010f, et reprenant à son
compte toutes leurs fonctions,
entre dans ce processus et consti-
tue le point de départ de l'émergence d'un pouvoir poli tique dans
cette région.
Les remarques des voya0~urs européens du XV~ et du début
du XVlè siècle nous amènent à la conclusion selon laquelle le
pouvoir centralisateur du Buurba jolOf ne s'étendait pas sur tout
le Bawol. Certains croupes s{reer installés sur la cete, ont pu
gélrder leur autonomiE~. Ce sont les :>Q..3.feen, les Jegem et probablement
les J')obaas.
Seules les réoions
.,
nord, centrales et sud-orientales du
Ba"'Jol relevaient cle l ' autori té du Buurba jolof.
Le contact avec les Européens qui fréquentaient
la c8te
sénégambienne, permit à certaines de ces régions de renforcer leur
puissance économique au détriment du Jolof proprement dit,
situé
plus à l'intérieur des terres.
Ainsi,
le grand laman du Kajoor, allié à celui du Bawol, put se
rendre indépendant de la domination du Buurba Jolof, dès le mi-
lieu du XVlè siècle. L'indépendance du Bawol à l'égard du Jolof
est un grand tournant dans l'histoire de la région.
Elle marque
la fin du pouvoir local des maîtres de terre, et consacre l'avé-
nement d'une monarchie centralisée englobant toutes les terres du
Amari r~goné Sobel, descendant par son patrilignage de 1 a
famille des grands laman du Kajoor et par son matrili9nage de

301
celle du Bawol,
parvint a s'imposer en m~me temps dans les deux
régions. Le nom d'Amari Ngoné est rest~ tr~s attach~ ~ l'histoire
du ;3a\\[10 l , non s(~ulcrnent il CLlu,se de l'indépendance àu pays,mai s
encore parce que c'est sous lui que s'est constitué le royaume.
O(.:s qu' il arr ive au pouvoir,
il tente de regrouper tous les a n-
ciens lail1anats du Sait/ol.
La cré:ation du
Lamanat àu nùerep, qui, d'après nos i nfor-
mateurs,
enç:lobait
toutes les terres du Bawol,
depuis la frontière
avec le Jolof
jusqu'b la petite c8te,
est le premier acte politi-
que d'Amari, qui réalise ainsi,
pour la première fois,
l'unité
politique de ILl r~gion.
Les populations ~6reer
la c8te, qui au début du XVlè
siècle encore, "n'étaient soumi s 21 aucun seigneur" (1)
semblent
intégrées aUI)QÙ.veau royaume,
dans la mesure où Alvares d'Almada
qui visite la région au cours cle la seconde moitié du XVlè siècle
et auquel nous devons un tr~s grand nombre d'informations sur le
Bawol ne fait aucune mention de ces populations c8tières, dont
l'organisation poli tique avait frappé Valentirn FE:RNANDES, un d emi-
siècle auparavant.
Profitant du contexte économique favorable
(commerce atlan-
tique), Amari a
jeté les bases d'une organisation politique c en-
tralisée, dont tous les rouages se retrouvaient entre les mains
de ses familles maternelle et paternelle,
toutes deux promues au
rang de "garr:ü".
Le choix des dirigeants politiques devait désormais se faire
~:t l'intérieur des membres de ccf:::te far:ülle. On assiste ainsi à la
naissance d'une classe dirigeante:
l'ordre politique des garmi.
Cette organisation politique n'allait çependant pas tarder à con-
naître des 1'1-obl2.:mes : non é32ulement des problèmes internes au
(1) v.
F' L~Rf\\;/\\rJD i':'::3,
( " , '
'~, '.'.
ci:: •

302
groupe garmi lui-m~~:, ~alS encarc des problèmes li~s au type de
rarports que le nouveau pouvoir. voulai t entretenir avec les a n-
ciens larnan, chef s des comml..mautés terr:L tor iales, et dont le pou-
voir- étai t désunnai s subordonné ~, l' autor i té du souverain.
Tous ce,.> ;JJ::,o])l,':rnes sur~Jj_rent au cours du XVllè siècle.
Si le XVI,: si,'~cle représ,:~nt2 la période où se mettent 12 n
~lace les institutions, devant légitimer le pouvoir politique cen-
tralisateur des ~olof du Bawol, le XVIlè siècle est quant à lui
la !xSriode ~)Ù ce pouv011'.- tente de se consolider en éliminant
tou-
tes les forces centrifuges capables de contrebalancer son autorit~
politique. Il marque le premier affr6ntement entre 9~reer et Wolof
dans la région.
Cet a7fl-onter:lcnt est la c)nséquence de la pr~sence de deux
conceptions de l'organisation 1101itique, conceptions dont l'ori-
gine est à rechercher dan~ les différents ~vénements ayant suivis
la mise en place du lJeuplemcnt ciD.n," la région norc!-sénégambienne.
'Nos informateurs affirment c:ue, c;epu± leur présence dans la .1. égion,
les Séreer se sont toujours ors;ùn:i.sés en peti tes communaut~s t erri-
toriales, autour de Laman auquels étaient confié les problèmes de
ges'(ion c1e la terre,
le re~:gJ~11cnt des litiges, et enfin les problèmes
du cul te religieux. Ce~)endant, malgrè ces nombreuses charges qu'il par-
tageait d'ailleurs avec les autres chefs de famille de la cQ:0lmunaut~
le Laman n'av~it aucune autorit~ 001itique sur l'ensemble de la popu-
latiot;l. Cet te orgélni sation n' éta:i_ t d'ai lIeurs pas propre à la seule
région du Bawol, dans la mesure où,tant au Kajoor qu'au waalo les -
sources orales r~vèlent l'existence des Laman.
Cependant, les régions situ~es au nord du Bawol, (Waalo,
Kajoor, Jolof) rlus en contact avec le monde musulman, n'ont pas
manqué de subir des influences venant de celui-ci. C'est pourquoi
d'ailleurs Boubacar Barry affirme que la formatio~ de laf~d~ratio~
du Jolof est une des conséque.ces du mouvement Almoravide du XI~ si~clE


303
,..
Contrairement aux l:o J.of, qui merne s'ils ne pratiquaient pas encore
un islam orthodoxe,
n'en subissaient pas moins certainez influences,
ne serai t-cc: que par le biais du commerce entretenu avec les Maures,
les SerEer ont conservé dans leur grande majorité,
leur religion
traditionnelle, et par la même occasion,
sont restés fidèles à
leur
organisation politique.
Le royaume Sereer du Siin qui est une mOnarchie centralisée dont
l'aristoc~atie n'est pas musulmane, pourrait constituer un démenti
à notre thèse de l'influence de l'islam sur la formation desmonarchiS
centralisées en Sénégambie. Cepend~nt, les sources orales de l 'his-
toire de ce royaume, attribuent à la classe dirigeante des "Gelwar"
une origine Mandingue, ce qui renforce l'hypoth~se d'une influence
musulmane dans la constit~tion de cette ~onarchie centralisée,dans
la mesure 00,
les Ma9dingues, par le biais du commerce transaharien,
ont été depuis tr(~'s lonçjtemps en contact avec l es musulmans de
l'Afrique du Nord.
Dans le souc~ de légiti~e~ Gon pouvoir, Amari Ngoné Sobel n'av.
pas hésiter à reprendre à son compte,
les fonctions des Laman. Le
souverain devenait le gérant de toutes les terres du Bawol, dans la
mesure 00 son représentant,
nommé par lui, le laman de Nderep,
super~
visait tous les problèmes liés ~ la terre dans le royaume.
Le rite du puit de Nderep, culte religieux Sereer, représente aussi
un compromis du pouvoir avec ces derniers. Amari réussit ainsi à
sDimposer comme tee~ de tout le Bawol.
Cependant, au XVllè siècle l'entrée en lice des autres nations Euro-
péennesC Hollande, Angleterre, France) dans le commerce atlantique,
qui
jusque lb était aux mélins des porlLgais, favorise l'essor du trafi
sur les c8tes. Le souverain du sawol, dans le but de contr81er ce
commerce, essaie de renforcer l'emprise de son pouvoir politique sur
,
,
~
le. populations. Le conflit ne tarda pas a eclater entre le teen, re-
présentant du pouvoj~politique ~olof et la population Sereer.

304
Si Ce IJdela,
le souverain de l ' tSpoque réussit ,à venir à bout de la
résistance cie::; .C;crccr du BéJ.1.10J. central, qui du fait du site 9 eogra-
phique de leurs habitats ne pouvaient supporter
les assauts répétés
cJu pouvoir ccntr<:l1, i J. n'en [Üll: pc s de même pour
les autres groupes
Sereer de l'ouest et du sud-ouest. Ces derniers,
enfermés dans leurs,""
régions de forêts et de collines, ont pu,
jusquau moment de la con.-
quête coloniale, r~sister à la domination du pouvoir central, avec
quelques br~ves périodes où le souverain parvenait malgrè tout à s 'y
imposer.
Ce n'est donG qu'~ partir du XVllè siècle, sous le r ègnedu
-
teen Cc Nàela,
(1606 ? 1660 ) q"J~> l'es relations entre Sereer et pou-
voir central,
IJar sui te du renforcement et de l a centralisation.·~
ce dernier,
devinrent des relations francijement antagoniques.
La rerü se en cause du !)ouvoir central n' e'st d'ai lleur s pas le seul
fait des Sereer,
puisque vers la fin du si~cle,
1773 - 1777) un
vaste mouvement des populations musulmanes Wolof,
s'est soulevé non
pas contre l'essence du pouvoir central, mais contre la pratique
de la classe dirigeante engagée dans le commerce esclavagiste.
Cependant,
l'interêt des comragnies commerciales étant en
jeu, ces
1
dl~rni2::res n'ont pas h(~site,
~ aider les souverains dans la répression
du ]";1ouvement.
Le XVII,:: sL:cJ.e s' ach~ève SUl::' le renforcement de la puissance de la
classe dirigeahte, renforcement d'autant plus marquant qu'une famil-
le maternelle,
cel L'e dS$ Geej,
~rof i tant du nouveau contexte c ommer-
lxcncl.l:'"e le ;-.'r:,u'lcir avec le teen Latsukaabé Ngoné Jeey.
Le caract~re d~usurpation rev~tu par son accession au tr8ne, contrai-
gni t
Lai:: su::aah;:S 2, une rr':organi sat ion complète du pouvoir central.
La violence devint
la seule arme par laquelle le pouvoir parvint à
se maintenir
: c'est le d~bfut du r~gne des ceddo, cette aristocratie
mil i ta:ix c (k)nl~
"",.-0 ,._
,-.. , ) ,
llna conséquen~e cHrccte du commerce

305
ContraircL1ent ù\\;. ~('JII(~: :;i,~;cJ.c, le pouvoir ceddo ne chercha pas à impo.
ser une üuminiJ.·:_~.; ln l)(:'l.i.l~iCJ:uc cUyccte dans les r,{:gions Sereer.
Ce C!lanCJc:~12i'i:: c1 ' <:"'::t5. {~uc1e (Je 1.::1 pa'::'t dG pouvoü- central à l'égard des
52:eer insou~is e~t tr~s compr~hensible. L'8sclave étant devenu l~
principale marchandise du commerce,
les souverains du XVlllè siècle
se content~rent de faire r&guli~rement des razzias dans les provinces
Sereer pour alimenter leur traf1~.
La suppression de la traite négri~re au début du XIX~ si~cle
parti::. un coup t. errible a \\.l [lo\\.l"vo5.r ceddo.
Cette si tua tian était
d'autant ;:;1 U.s grave pour 11..15., qw;: ses membres h abi tués cl vivre uni-
que~ent du bénéfice que leur ra~portait le commerce eLclavagiste,
se virent obligés de multiplier les pillages à
l'endroit des popu-
lations paysannes.
La collaborat~on devint alord difficile entre la
classe dirigeante et le gouvernement français du Sénégal, non pas
que cette dernière soi t
préoccupée par des questions h umani taires
ou "civilisatrices ll ,
~'. l'é<Jarcl des populations, mais plut8t parce
que les pi lIages et c):actions des Ceclùo étaient une menace pour
son avenir commercial dans la région.
Ainsi, ar'rC2s avoir favorisé et m~me suscité parfois l'action
des Ceddo,
durant tout le XVIII~ siècle, les Français commencèrent
~.l s'y opposer.
Les souverains, dans le souci de conserver leur pouvoir, furent
amenés à négocier avec eux,
aboutissant parfois ~ la signature de
traités.
Cependant,
la position def aiblesse du Teen à l'égard
des Ceddo avec lesquels il partageait
le pouvoir ne permit pas
toujours ~l ce dernier de respecter les engagements j--cis avec les
Français, dans la Gesure où i l parvenait difficilement à contr8ler
l'action d~ Ceddo.

306
La situation cie t':'ouLJ";:3 C~'C cie désordre social créée par
l'ultime r6action des Ceddo dans le but de reconquérir un pouvoir
<::::oi1omique qui
leur' ':Sr.:::o.PPLl.:i.i::,
::;c1:"-::'.I:
de :x'c§texte ~; la France pour
Dans les régions s (:;recr :Jar contre, c'est la réaction violente à e
toute une po pu la tion Cl ui amena la Fr'ance ~l l' Q,\\'\\ Y\\e.x.i 01') •
L,'hostil~t(~ des Sérecr du 3av.;ol à l'égard du pouvoir c en-
caractérisa leurs rarports ct l'acharnement avec lequel i l s défen-
dirent leur indépendance contre les colonisateurs français, ont créé
<:lU
niveau des Wolof auss~ hien que des Français, l'image du Séreer
Earouche ct sauvage.
,
Du côté seree:' aussi,
se crée une sorte de méfiance à
l'égard des Wolof jugés comme ~tant des gens ;usés et trompeurs,
n'hésitant pas fu trahir d6s que leurs intér@ts sont en jeu.
Cette vision réciproque de chaque nationalité sur l'autre
s'est perpétuée , e t s'est m@me renforcée avec la colonisation. En
effet, du fait de la longue expérience acquise par le Wolof én ma-
tL~r(~ d'admini3tration, ce sont eux, particulièrement les fils des
anciens chefs garmi, formés à l'icole des ~tages, que les Français
vont placer à la tête cles régions administratives, comme chefs de
cantons.
Bien plus que les Séreer,
les Wolof seront donc appelés
à cotoyer de plus près le colonisù.teur, et le jugernent négatif qu'ils
avaient déjà à l'égard des Séreer en sera plus renforcé. Ces der-
niers sont désor~ais considér~s comGC des gens qui, hors du cadre
de leur brousse ne connai ssent rien èl la ci vi lisation CI l
faut bien
sOr comprendre la civilisation française).
Pourtant, malgr6 ces probl~mes qui ne sont d'ailleurs pas spécifi-
qucs aux :::cul::.; UoL)f cl: :_~';:l'ccr (il 'i ê\\ aussi les Tukulëër -
Hal

307
~ 1
e'c'- l r-.<-
ïoolo-
)
loc; sé>nég. alais ""'nt actuellement le s en-
L'U.l.aren..
_'_ ..J v
' - -
.~ -
""
ment
nation.
Quel a é: té le processus de formation de cette nation s é-
négalaisc ?
1\\ quelle époque rer:lonte l'existence de ce sentiment national qui
aujourd'hui,
lie les diff6r~nts éléments de la population:
séné-
galaise ? Peut-on affirmer que ce sentiment existait déjà bien
avant la colonisation ?
Pcn~s pcn~;()ns que les:.':lé::icnts d'2xplication et d'analyse
du pouvoir politique wolof et de ses rapports avec les populations
sireer, que nous avons tenté d'apporter tout au long de ce travail,
ne permettent ;as une telle 3ffir8ation.
Cela ne veut cependant pas dire que la formation de la
nation sénégalaise a ~t6 l'oeuvre voulue des colonisateurs, comme l'a
affirmé l'historiographie coloniale, en qualifiant Faidherbe de père
[JOUS
tjenscns a u contraire que,
jusqu'au mi lieu du XXè siècle,
la politique coloniale de la France a constitué un frein à la
naissance de tout s~ntiment national parmi les populations séné-
galaises.
:a création des quatre conmunes
(Saint Louis, Gorée, Dakar
Rufisque), dont les habitants, essentiellemert.wo16f, étaient
assimilées à des Français,
par opposition aux sujets français
habitant dans les pays dits de protectorat, a creusé un grand
fossé entre les S~n6galais.
Le fait que, jusqu'~ une période relativement proche, on ..
trouvai t
dans l' tlclm:~nistrêltiCln ct clans l' ar(:lîc poli tique sénéga-
laises une majorit~ de Wolof, remonte à cette politique de divi-
sion des colonisateu~3.

308
L'histoire de l'évolution ;)ülit:Lque et sociale suivie par
ces quatre co~muncs,repr6sentc ainsi l'histoire J'une infime partie
du peuple s6n~galais.
L'ana l l'sC: dos éV(~:·10iTlenJe S YJl i tiques et sociau~( survenus
cles quatre corl1r:H.mes,
nourrai t
ccrUlincrnent donner des éléments
intéressants iXJ\\E' une recher-che sur- le processus de formation de
la nation s&n6ga1a150.

A N N E X E S

309
Annexe
l
Traité entre le roi du Baol et Répentigny, du 15 Me
~.(I)
" Acte des conventions faites entre le r.y Tin prince souverain
du Royaumes de Portudal et de Baol, et le Général Répentigny,
au nom du très haut et très puissant prince Louis Seize, Roy
des Français.
Je reçois avec toute la reconnaissance possible la
benne 1D~entian du Roy des Français, qui veut établir un compta
à m0n port de mer, et je jure sur ma couronne et devant mes plu
fidèles sujets, que la traite y sera libre, que je ferai t~ut
mon possible, et tous mes efforts, pour la rendre avantageuse
aux marchands, et que tous ceux qui viendront à Portudal y joui
ront d'une tranquilité absolue.
Le pavillon du roi de France sera toujours respecté
et quiconque de mes sujets osereit l'insulter ni commettre
d'hostilité envers la protection que j'accorde au commerce seré
puni aussi sévérement que s'il attentait à ma vie.
Mon intention, et tout men désir est de prouver au
grand Roy de France ,combien son alliance m'est chère.
Je lui fais un pur abandon sans que je puisse exiger
aucune rétribution d'un terrain de 100 toises carrés pour y éta
blir un comptoir et dans le même endroit où il était. Les gens
du village seront obligés de faire les hayes, tapades, et cases
à l'exception de' la charpente, et ouvrage fini, il sera payé
suivant les anciens usages, 'trente barres une fois payé.
Le Ct de Gorée, ou tout autre préposé sera le maître
faire distribuer et arranger le comptoir, comne bon lui sembler
(1) A.N.S.O.M.
sen. dep: IV. 24 a

310
Les batiments du ftoy qui viendrent dans mes états peur y faire
de l'eau, du bois ou prendre des denrées ne paieront aucuns
droits, mais ceux des marchands se cGnformeront aux anciennes
loix ; à cet égard le résident du comptoir prendra. sans aucune
rétribution, ni être inquiété, de l'eau dans les puits du vil~
lage,
jusqu'à ce qu'il en ait fait faire un ; il pourra égale-
ment prendre tout le bois qui lui sera nécessaire ainsi que
pescher et chasser.
La mesure du mil sera toujours le même, aux conditions
qu'en adoptant celle qui avait anniennement lieu, en donnera
également de bonnes marchandises que dans ce tems.
La traite des captifs qui est plus abendante chez mey,
que chez mes voisins, se fera de gré à gré avec les marchands,
réservant, néanmQins au Pharacatla, les dix barres par tête àe noir
que l'on traite.
Je promets enfin et réitère les plus grandes et le~
meilleures intentions à faire tout ce qui pourra contribuer à
l'avantage du commerce, à l'abondance des marchandises de men
pays et à la paix ,qui doit régner entre mes sujets et nos alliés
espérant que le Roy des Fra.nçais voudra bien me conserver le
présent qu'il me fait chaque année, ainsi qu'à PharacaDa mon
alkier, et finis en assurant de tout mon coeur, et de toute m.n
âme que pour tout ce qui n'est pas prévu: plus haut, j'en passerai
avec le Ct de Gorée par tout ce qui lui paroitra juste et équi-
table.
En mon port de mer à Portudal le 15 Mai 1785 "
Signature du Rei et des Grands.

311
Annexe
II
Mai 185
Traité de
aix entre le
du
Sénégal et le Tègne du
~T. 1 1 Vu les exactions dont nos commerçants ont été victimes
depuis quelques temps de la part des Tiédos du Baol,
toutes les
conventions réglant le commerce et les coutumes à payer passées
postérieurement à 1679 sont annulées,
et les dispositions suivantes
régleront à l'avenir nos rapports avec le roi du Baol.
ART.2
1
Les Français seuls pourront s'établir dans le pays de Baol.
ART~:Le gouvernement Français construira un fort à Sali pour
assurer u~ protection efficace au COBmerce.
ART. 4 :Tous les produits sortant du pays de Baol paieront un droit
de JI. au profit du roi.
Le roi aura dans chaque comptoir un agent agré par nous pour perce-
voir ce droit avec notre aide s ' i l en est besoin.
En dehors de ce droit,
le roi ni personne ne pourra percevoir au-
cune coutume ni cadeau sous quelque nom et à quelque titre que ce
soit.
ART. 5 : Le roi défendra et nous y veillerons, aux princes,Tiédos,
ne s'occupant pas de commerce , de fréquenter les comptoirs ré-
servés au commerce.
(1) A.S.
13 G. 274

312
ART.6 ILes produits ou troupeaux ne faisant que traverser le pays
de Bao1 pour venir chez nous ne paieront aucun droit de passage.
ART. 7 s Les sujets Français établis dans le pays de Bao1 ne seront
justiciables que de l'autorité Française m~me dans leurs di~~érents
avec les gens du pays.
ART. 8 : Les terrains nécessaires aux commerçants pour leurs éta-
blissements seront achetés et payés par aux aux particuliers aux-
quels ils appartiennent.

3I3
Annexe I I I
Traité conclu le 8 Mars 188), avec le roi du
(1 ).
Le gouverneur du Sénégal et Dépendances, René Serva-
tius,
représenté par M. Dupré,
capitaine commandant l'escadron
de Spahis du Sénégal, a conclu avec le roi dU B.ôi~,
le traité
suivant, en présence de
-
d'une part, M. M. Rajaut,
lieutenant d'inranterie de marine,
commandant le cercle de Thies
; Jugnant, vétérinaire à l'escadre
de Spahis, Souleymane Sy,
interpréte de )èœ~ classe ;
-d'autre part, Teigne Tié-Yacine,
roi du B••m0' Thialaw Ndoup,
Djarar Baol Massamba Ndoumbé, Alcaty Maba Guèye,Yaba Diop,
secrétaire du roi.
ART 1
: Le Baol est placé sous le protectorat de la France.
ART 2
: Le roi du B~ol s'engage à accorder toutes les racilités
possibles pour la construction d'un chemin de rer dans le cas
où le gouvernement Français déciderait la création d'un embran-
chement traversant le pays.
ART. )
: Dans le cas où la création d'un chemin de rer aurait
lieu, des postes rortiriés pourraient être construits dans le bu
de protéger la voie rerrée et ces postes n"~uraient aucune ac ti L
sur les arraires du pays.
(1) R9uard de Card, E.
Paris I897, P.216

314
ART. 4.
1
La France aura le droit d'établir des routes et li~le:
télégraphiques qui, de même qme le chemin de rer,
sero~sa propri
le roi
'...s rera respecter.
ART.5i
Le commerce est entièrement libre
; le roi protégera le.
commerçants et leurs propriétés
; i l continuera à percevoir les
droits et coutumes qui sont actuellement en vigueur.
ART. 6 1 Si le gouvernement Français désirait acheter des cheval
dans le Baol, le roi sO.ngage à ravoriser et à protéger les ach:
ART.7
1
Le roi s'engag. à interdir le territoire de Baol à Lat-I
en particulier et en général à tous les ennemis de la France.
ART. 8 1 La République Française promet aide et protection au
Bao1 dans le cas où les habitants de ce pays seraient meaacda
dans leurs personnes ou leurs biens pour avoir exécuté le pacte
d'amitié qu'il conclut librement avec la France.
ART. 9 1 La Républi'que Française ne s'immiscera ni dans le gou-
vernement, ni dans les arraires intérieures du Baol. Les droits
de Teigne et de ses successeurs restent absolument les mêmes qu,
par le passé.
ART. 10 ~a République France reconnait d'avance la succession
au trône du Baol dans la ramille Tié-Ya~ine et d'après les usag·
anciens du pays, à la condition que le successeur reconnaitra l,
clauses du présent traité.

315
ART.ll
:La République Française s'engage à ne jamais permettre
que Damel de Cayor devienne roi du Baol.
!E!~~: Le présent traité en t~iple exemplaire, sera soumis à
la ratification du gouvernement.
Fait à Ndengueler. le 8 Mars 1883.

316
i~,xtr,::Lt
,'111(,:
("'1)1'1',
de ,Ii. Au'!Y[',V-lf'.conte,_,,-;,U su.iet
voisins-nro~uits de la r~gi0n- commerce.
vivent Q2nS l'~tat soci~J le f'UA nrimitif ; ils ne sont pas en-
core \\
1[';
tribut;
c'est 1,-' f"':ülle oui,
chez eux,
représente
l'unit? colJe~t;ve. On re~hrnue
cependant un effort vers un ~tat
plus
'~lî-v~, c( l (:~; c!ivenH", f;''1iJ.'l es S('~nr:lpnt é1voir une tendance
\\
se n~;;nrocher S01t ponr ] e s,in de J.é' d0fense commune, soit
plutôt (1,' n~:: l1D y,ut (le rr'f'ine.
T~e c1rtef (le f:";ille est le maître absltlu des siens;
son pouvoir Vh
.ju~~('u'~'l v€f1Clre
sc,) enfé1nts,
si le besoin de san-
f::er"·
le r;ressp tron vive''1ent
; il n'o(leit \\
c1ucune loi, ni 8,ouoi
r'ue cC' soit;
S'H"!
ton pJYi~::.i.r est 18 seule r2f:le et ses ins-
une ceri;(~tne rr'~ponrl'~n-'nc(' T'o' r leurs riches;3E'S ou leur audace,
:lli'i8 leur (1vis n'H guère plue, de T'oids ('ne celui de leurs au-
.......'\\'
-
tr(~s conC"ènères, ill n'y a donc aùcune: coh'?sion chez ce peuple,
8ucune soJiaRri,t~ ; c'est 1\\ une frosse difficult~ lorSQu'il
s'éjgit cl l
3'enl;enrlre éivec -lui;
,Je revi€ndn~i
plus tard sur ce
point. ChO:3P p81lt-être uninue chez une re,ce pfric8.ine, les S~rè­
l'es n'ont pilS cl' e~-~cl~~ves ct ne font de ca,ptifs en aucun cas.
JIU
c:mU'i.rf',
lE'~" c~'ptjfl'1 fl1é"itifs (les pé1YS v0isins peuvent venir
~~e l:lettre q l 'abri C1H"7, cuy., ct1W sont pES rendus 1. leurs maÎtres
(1) A.N.F. S.O.M.
Sen et Dep IV, DOSSIER 102 b

317
JJes ;3~rères cultivent une assez grande quantité
de mil, qu'ils consomment presque entièrement, car ils en vendent
peu ; leur gr8.nde richesse consiste dans leurs troupeaux, dont
ils tirent du lait et du beurre en abondance.
Ce dernier produit se vend très bien sur la côte
ils ne mangent j8.roGis 1 eurs boeufs ~ue lorsau' une personne de
certaine irnport8nce vient ~. mourir. On égorge alors quelques uns
et tous ceux oui assistent ~ l'enterrement s'en gavent jusqu'à
ce Qu'il ne reste plus rien.
Il e~t certainement rare Qu'ils vendent leurs bes-
tiaux, c'est ce ~ui explioue le tr~s gr~nd nombre. Ces animaux
"
vivent presque \\ l'~tat sauvage'dans les for@ts ; aussi éont-ils
tr~g farouches
on ne garde aupr~s des villages que les vache~
laiti~res. Je ne pense p8S qu'il existe au Sénégal un pays qui
contienne autant de boeufs; les Peuhs eux-mêmes sont loin d'en
posseder autant. Je ne crois pas exagèrer en évaluant à plus de
50.000 t@tes le béta:i,l du Diéghem, du iVIba.dan et du Sandog ; c'est
l'avis de tous les officiers de la colonie qui ont pu s'en rendre
compte.
Il serait donc oiseux de dire qu'en brdlant les .~~ ..
.\\.'--"
,
greniers ~ mil des villages, nous avons réduit la population
à la f8mine.
Si les Sér~res ont faim, ils vif'mdront vendre leurs troupeaux
dans les villages de la côte et nos suj e ts, en les achetant· à: .,',.
bon marché, se r8ttrapperont en partie de ce Qui leur a été pris
par ·ces pillards.
6+.. ,
Nos villaf:es français sont just ement très bien "Y!~:iF!~
''''(~:- .
approvisionnés àe mil cette année et pourront facilement en
.. ;
céder \\ leurs voisins.
Beclucoup d'excellent miel dans ces provinces
les rûches sont placées sur les grands arbres et bien disposées.-
Les Sér~res en vendent un peu ~ la cate et font avec le reste
une sorte d'hydromel tr~s enivrant. On ne trouve chez eux ni
jolies étoffes ,. bien qu'il Y ait beaucoup de beaux champs de
cotonniers et d'indigotiers, ni bijoux de prix.

318
Tout ce qu'ils retirent de GUe10Ues relations commerciales avec
nous, sert exclusivement ~ l'achat du sangara ou du gin, alcools
immondes dont ils se fait dans nos escales un d~bit consid'rabler
et oui plus sûrement que la ~uerre et les rfl8.ladies, consomment
la destruction de cette r8ce, ,jadis si forte, aujourd'hui si ré-
duite. Dans cent ans, il n'y aura plus de S'r~res.
Il est bien regrettable que le manque de voie de
comrnuntcati.ons mette ob.st8.cle 8. l'exportation des beaux bois de
cette r~gion. Les carlc~drats s~ font remHr~uer entre tous par
leur abondRnce, l'épAisseur de leurs troncs et la beauté de leur
port. L~'~~ne n'est_p~s rar~ non plus. Tout0 ces richesses res-
tent sans emploi,
jusou'à pr~sent.
2°. R~sult8ts probables de l'exp'dition.
Projet de r'organisa~ion.
.:·:·,J:t
Ainsi; que j 'Hi eu l'honneur de vous l ' exposer •.~,::
'i~.~i:
plus haut, nous nous trouvion.~u début de l' exp~dition, en:~;;~~";
présence d'un pays presaue inconnu : aucune cohésion, pas de ~,.)!.
chefs, c'est tout ce que nous en s8vions ou à peu pr~s ; il
ne pouvait donc @tre Question de soutenir tel ou tel parti
aux dépens de tel 8utre.
Loin d'8voir affRire 8. une raC0 8. demi civilis'e,
il nous fallait réprimer des s8uvages sans organisation, sur
lesquels l'action morale 4tait d'un effet nul, et peu suscep-
tibles de s'incliner devant autre chose que la force.
Nous devions frapper ferme si nous voulions obte-
nir le résultat oue nous cherchions c'est q, dire inspirer-à ces
bé'.rbare::; le respect de notre force et de nos moyens d'action
et par cette terreur salutaire, ass~rer la liberté des routes
et une protection efficace g, nos traitan.. s.
C'est bien pén~tr8 de cette id~e que je vous ai demandé à accom-
p~gner l'exp~dition.
fuis-je !Ile flatter oue le but cherché ait été
atteint? ,J'ose 1 'espérer, du moins pour toute la région qui.::~-&.{_
confine '=1. la route du Baal ; les démarches déj\\ faites aup:rè~~lt-
:,.
~- :_-:..~.":~;~:>,.,,

319
de moi Tv·r les vilJr:>ges de :::bourouck, 3ésène, Ndofane et plu-
sieurs ~iutres du /,b2d8.ne sR!nblent le prouver. l,es autres vil-
l[~Ees se joindront 8(1.118 d ()U te \\ ce mouvernen t, car notre passage
Cl.
viveirlent AiriU l'('~lrrit de '<'1 ponulation. ,jamais a~cù:~~~~"~fqgè.
n'avait ?t~ faite dans ce nGys ; il est facile de se faire une ~.
idée de 1éJ. sÙl.rprise causRe n::-'r notre arriv(~e subite. Nous pour-
rons donc supnoser sans. trop hasarder, oue cette impression
sera durable pour beaucoup d'entre.eux.
Mais justement ~ cause du manque de cohésion des
SérèresJ;_ il est 8US~3i 1. présumer ou' il Y pura .n::inque d'entente
et oue tous ne paieront p8S. Ceux qui n'ont pas vu nos troupes
traverser lpur vilJ.age, soit pour l'incendier soit pour l'épar-
'"
gner, se rendront un comte moine exact de la situation, et nous
forceront sans doute 1. des ex~cutions partielles.
Quelaues spahis et un d~tachement d'infanterie indigène suffiront
alors q cette tâche.
Au point de vue de l'organisation du pays, voici
le plnn eue j'ai l' hçmneur ('1 e vous sour!iettre
-faire nomnler \\ chaaue agglom~ration un chef responsable devant.
nous.
~ Nommer un chef sup~rieur des trois provinces et les déclarer
indépenà8.nt es.
~Te compte be~:uc()uP sur cette dernière partie de mon programme
nour attirer le.::; sympathies d8ns le pa.ys.
LorsQue les e;ens de N'dofane. vinrent, il y a quel-
ques jours, me feire des ~"v;:'lnces, ils se plaignirent vivement
des incursions continuelJes sur Jeur territoire des gens du Baol
. et du 3ine, et des razzias comntises par eux. Nos seulsenne.mis;.:
à nous et aux autres villeges du pays, me dirent-ils, ce sont'le
:
.
Baol et le Sine. Et comme je leur faisais entrevoir qu'il pouvait
se faire 0ue vous les prissiez sous votre protection, et qu'alors
nul n'oserait plus p~n~trer chez eux et les molester; que si
on leur pren8.i t
quoique ce soit, les Fr~;nçélis leur feraient
rendre, cette pens~e semhla les s~duire.
Ils me r~pondirent avec beaucoup de d6monstration qu'alors il
snraient nos amis et nous p8ieront tout ce que nous voudrion~
De ceci,
je prends tout naturellement ce ~u'il faut prendrè.

320
Vous n'ignorez pas, [vlonsieur le Gouverneur, que c'est qu'ainsi
au'ont ~t~ s~per~s du Cayor, Rpr~s les colonies de 1883, le
Ndiambour et le il1érina Nguick. Ne pourrait-on faire de même pour
le Diéghem, le ~badane et le 38ndog, qu'on r~unirait sous la:
d~nomination de Provinces S8rères ind~pendantes, sous l'autorit~
d'un seul chef?
Il nous serait bien f;:;cile d'imposer au Teigne
notre volont~ sur ce poInt, et je suis convaincu oue notre cause
,
d
S'"
g,;gnerait bee.ucoup 8upres
es
ereres.
Nous avons sous la !ne.in, 'Pour le commandement de
ces provinces, un homme fort intelligent, de bonne famille noire,
énergique et connaissant bien le pays, ses moeurs et.sa langue ;
cet homme, c'est Sanor Ndiaye.
~
PendcJ.nt tout e Ir;, duré e de la colonne, il a touj our
m8rch~ en t@te, sans hésitation et sans forfanterie, et nous a
rendu mille services; il a de ce fait, ~t~ tr~s c6t' par les
officiers. Il a maintes Bccoint::mces ~ans le pays, et une cer- .
taine fortune qui lui permettrait de s'acquo.rir des partisans.
Je ne'mets pas un seul instant en doute qu'il ne
change volontier s'· place de percepteur du Teigne pour la posi-'
tion de chef de province.
Ne pourrions nous tâter le terrain pour nous·
rendre un compte exact de ses chances de r~ussite dans le pays-
Sér~re ?

321
Annexe V
Rapport du Comm8.nda.l1;t He-!'JÜn au. suj et de la colonne
contre les Serr~res-Diobas
IJi27 Avril 1891 (1)
~.:.;;.;;,=~=-=- ..._-
". • <.'
La région appelée pays des Diobas qu~ique située aux portes
de Thiès n'avait jamais été visitée par les troupes depuis que
le colCJnel Laprade lors d.e la construction du poste de Thiès-:, "
était venu y pousser une pointe a~in·de venger l'assa$in~t~('.~
g. hommes du poste de Pout commis par les Diebas le 13 juillet
1863. Le )0 avril 1864, il avait quitté Thiès et sans re.IlO.!l~~er·
de résistance de la part des Diobas surpris de la rapidité de
ses mœuvements, il avait pénétré au oentre des villages ennemis
'<
qu'il livrait aux volontaires; ceux-ci eurent quelques engage-
ments et à Babak princ'ÎLpalement, le colonel fut obligé de les
faire soutenir par les Tirailleurs Sénégalais et un obusier de
montagne •.Les dix villages qui avaient participé au massacre
furent détruits et le Ier Mai la' colonne:, rentrai t à Thiès ..
Depuis cette époque les Serrères Diobas avaient cfJntinué
de nouveau leurs actes de brigandange, répandant la terreur aux
enviroD,8:" de leurterri teire, pillant et assassinant, dennant re-
fuge dans leurs taillis broussailleux et impénétrables à tous les
malfaiteurs de la contrée.
Sanor lfdiaye, déjà e::hargé par le Gouverneur du Sénégal de
l'administration du Ndiéghem, du sandog et du Mbadane ( pr.vinces
Serrères indépendantes) venait d'@tre également chargé au mois .~~
de février 1891 de celle du pays du; Diobas; avec ordre d'y euvrirt
des routes permettant de surveiller activement ce repaire de
pillards.
'/
Le 9 avril il pénétre i.à Babak, premier village dés Diebaa
avec 400hGmmes, cavaliers et fantassins, fait prévenir le n1aman~'
( chef de village ) que nommé par le gouverneur au commandeni~~tf'{"
(r))
AN.S.O .M. .:sen. dep, IV. dossier 102 C.

322
~"'"
de laprevince, il vient en~prendre possession du pays ; plusieurs
lamans avertis viennent faire un semblant de soumission'; ,apportant;
de l'eau et promettant fidélité.
1
Sanor entreprend alors la construction d'un sanié p~ur ser-
:
vir d'abri à ses troupes mais,à peine a-t-il commencé que des
Il
coups de fusil partent. S·an.r défend d'ab.9rd à ses, g'~~:il~:. r~pon":'j,
•...
1
,dre mais le feu continue,' ses hemmes tombent tués ou blessés.
'
La lutte devient générale ; les Sèrreres cachés dans la brousse
épaisse bordant le village de Babak, dissimulés dans des troncs
i
à profondeur d'hemme ont un grand avantage sur les contingents
f,
de Sanar placés à découvert dans la plaine.
!
Cette dure journée ne décourage pas Sanor. Le lendemain il
enlève l'un des deux puits du village et le j()ur suivantbbrûle
le village et s'empare du 2'ème puits, malgré les Serrères embus-
qués dans la brousse épaisse. C'es combats lui col1t.ent.,64 hommes
et 31 chevaux tués ainsi que 45 hommes et 51 .nevaux blessés.
Mais il n'est maître que du s()l qu'il.ccupe ; les Serrères re-
pliés dans la brousse du eSté de Palam et embusqués tout autour
des saniés tirent sur quiconque s'éloigne un peu; et viennent cha":
que nuit tirailler autour du camp de San.r.
Tels sant les faits qui décident le gouvernement à demander ",
l'env.i d'une colonne. Le IIavril, le Celonel commandant sUPéErr~
rieur des troupes est prévenu; et le I3deux compagnies de tirail~,;,
leurs venues de Saint-louis ainsi qu'un peleton d' infanterie';;'~~~f;'~~~;/'
de Mine et une section de 4 de mentagne, venus de Dakar, se tro~:",,:::'
vent réunis ~ Thiès. Le but poursuÏJvi est de tirer vengeance...de , \\
l'attaque qu'a subie l'envoyé du Gouverneur sanor Naiaye 1 i:--,;;~t.•,•.:._
d'asseoi'r son autorité et de faire commencer l'ouverture des
r
routes.
(
A l'arrivée de la colenne à Thiès, la situatiGn est la sui-
vante : SanGr bl&qué ne peut opérer un mouvement sans subir des

32J
pertes sérieuses ; les vivres, les munitions lui font défaut, mais
son énergie croît devant les difficultés. Les Serrères du Baol
des envirensde Thiès du canton de Bargny, Rufisque, du Ndiéghem
et du SandQg_ont envoyé des renforts à leurs congénères.
La route de Thiès à Babak recannue par deux officiers étant
assez fourrée, le commandant préfère passer par Koeur Amad.an
pour gagner Babak où il retrouvè Sanor ; les Diobas se sent re-
tirés devant nos forces. De Bahak~~ à Palam, les auxiliaires mar-
chent en avant débreussaillant la route au sommet de la ligne
de collines qui dominent Palam au nord. Quelques coups de feu sont
dirigés sur eux partant d'un retranchement ...en pierres séches ;"
mais l'ennemi ,: se replie de suite dans les bois fourrés au sud
de palam. La colonne au débouché, dans la plaine de Palam prend -,,",
ses dispositions de combat et· balaie de ses feux les taillis oc>-
cupés par l'ennemi, .D'après les renseignements fournis par les
,
indigénes, les Diobas auraient subis quelques pertes.
A.palam, l'ennemi a jugé nos farces; il croyait sen pays im-
p~nétrable, il se voit envahi, il considère toute résistance in-
utile et se dérobe en abandonnant une partie de ses troupeaux,
les cases et ses magasins à mil.
Dès lors aucun obstacle ne se présente à nos troupes, les
soumissions commencent.Le pays parcouru~par des reconnaissances
d'officiers acc~mpagnés d'auxiliaires à cheval semble complète-
ment désert, l'ennemi a gagné les pays limitrophes o~ se dissi-
mule dans les fourrés impénétrables de son pays.
La région dans laquelle la colonne a opéré est très diffi~~S
cile ; les collines d'une élévation assez faible ne dépassent
pas 35 à 40 mètres mais laissent souvent entre elles des lignes
de thalweg formant des ravins broussailleux, prapres à une em-
buscade. Une ligne de collines dirigée~:à peu près de l'est àtJf!!·>
l'ouest divise le pays en deux régions; dans la première, celle

324 f
,..:JI>:···I,
du Nord, les eaux venant du sud-est de Thiès se rendent vers ~;~;ç i
l'Quest pour gagner la Tanma ; dans celle du sudÎes eaux ont
la Somone PQur déversoir. Par eaux il faut entendre pendant la
saison sèche les lignes de'thal•••, car pas un filet d'eau cou-
rante n'existe alors ; au contraire pendant la saison des pluies; :
d'après les dires des indigènes, les ravins Sttransferment en
rivières.
Les collines ont une arigine volcanique ; on Y' renoontre
1
1
de fréquents~affleurements de latérite. Les parties basses eù les'
eaux se réunissent à la saison des pluies servent alers de lieu
de rassembleml3nt à tous les troupeaux r le sol défoncé par les '-_. î
sabots des animaux se transforme en boue qüi, séchant ensuite
se iéz~rde""'~elarges crevasses oppasant une assez grande diffi-
culté à la marche des animaux-et des indigènes.
Le pays a bien été organisé pour,@tre habité par une race
de pillards: au mil~eu de grandes plaines cultivées sont situés
les villages avec un nombre de cases aussi restreint que possible
et les magasins à mil; c'est également là que sant les puits.
Mais les villages sont séparés les uns des autres par une régien
boisée large souvent de plusieurs kilomètres dans laquelle les
arbres épineux'séencheV\\@trant les uns dans les autres aussi bien
que les lianes flexibles enlacées en massifs épais, .ffe~: à la.,
.
..
~
. ~
marche un obstacle msurmontable ; c'est au milieu de ces bois',
que se réfugie la populatian en cas d'alerte. Si l'on cherche
à ouvrir un chemin, les branches épineuses coupées ~'accr.ohant;
.',.
aux arbres voisins ne peuvent @tre coupées et la hache aussi
bien que le ••1lp.-oo~P. glissent le leng de la liane sans :l:~,e~~::~;:
tamer. Tout ce fourré semble grillé à la saisen sèche , en:'!~g:~;'[C
rait qu'une. s1ll»1.' allumette va incendier la for8t, mais la?'~~:~~
arr@te l'action du feu et le fourré est presque aussi impéné-
trable après l'incendie qu'avant.

325
C'est dans cette région que la colonne était appelée à.
opérer, il était à craindre cemme le pensaient des Sénégalais.;:
ayant l'expérience du pays qu'elle eut à. subir de~nGmbreUSes~~~
pertes en soldats tués à bout portant d'un coup de feu parti
de la brousse et venant d'un ennemi invisible. L'importance de
nos forces a découragé les Diobas ; mais ils ont recennu que
teute résistance était ~nutile et ent préféré en se soumettant
sans faire couler le 9.ang tâcher d'obtenir ainsi des conditions
m(l)ins onéreuses.
Les résultats obtenus sont cCDnsidérables : toute cette ré-
gion fermée au CGmmerce lui est maintenant euverte ; ces plaines
où les Diobas ne cultivaient que juste le mil et le ceton néces-
saires à leur nourriture et à leur habillement, seront prochai-
nement mises en explotation ; l'arachide qu'ils ne semaient pas
est certainement appelée à augmenter la richesse du pays ; les
troupeaux très nombreux et très beaux'sont la preuve que le sol
fournit d'èxoellents,pâturages
Maintenant que la population ne peut plus exercer le pillage,
elle va se mettre au travail, et la résistance acharnée oppGsée,
à Sanar ~st une preuve de sa densité. Le Serrère Diobas au mas-
que faux et méchant, à le, constitutien très forte sera désormais
obligé de labeurer la terre, ne pouvant manier le fusil qui lui
a été retiré.,
'
, ,','\\)2'
L'ouverture des voies d'accès vers le coeur du pays, en~~
supprimant le brigandage permettra aux c~mmerçants d'y pénétrep.
La richesse de la région augmentera ; le CQmmerc. français@en
bénéficiera ; de plus la"destruction de ce repaire de pillards';;''::'
.,-
.
~.
._~..,: .....':""-:-.
.
.
.~.....~...... ........ -...'"-~~~......:.:- ..:.•... :. -.. ;;:..~~~.
,'~ répa@ant.",la terreur daft8 t.ut~s le~:::,~~J;1l~é.~·f8!;·~:~2-
s'.re#,~
dra le calme à. ces régions et, par suite augmente'ré. enc'.re ·l~·ti~;
prospérité.
<.\\,;~~;i.
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A,,'U~;:.~~s~pOj,~~8 ,~ vue les résultats Gbtenus par la colôrin
pour ne pas s'appuyer sur des actiODB de guerre n'en sont
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329
B l B LlO G R A PHI E
1. Doc~~ent d'Archive~
A
Archives Nationales de France.
i
: Sénégal Ancien: Col. C 6.
Col. C6.3
- 15 Aoüt 1706 :anonyme •
CQl. C6 .6.
-26 Aoüt 1720 : Lettre de Saint Robert à Morin.
- 2'8 Mars 1721 : Lettre de Saint RebErt à la com-
pagnie.
'.
Cel. C6. 7.
-28 Décembre 1722' :Lettre de Dube'llay à Lecordiel:
- ( S.D~) cepie de Lettres: de Dufour à Dùbellay.
Co]. C6. 8.
- 28 Mars 1T2'4 : Lettre de Dwbellay aux Directeurs·
- 26 AG>'dt 1724 : Lettre de DubeJllay à Lafera.
- Tff Décembre 1724 :Lettre de Dubellay à Messieurs
les Directeurs.:.
-lB Ju~n 17~5
Lettre de Saint Hebert à la cempagœ
Cel. C6.I1
-15 Juin 1735· : Lett:ve du c9nseil supérieur à la
compagnie.
= 31 Mai 1737'
Lettre du censeil de Gorée à la
compagnie.
--2 Aeût 1737 : Lettre du conseil supérieur. du
Sénégal à la cQmpagnie.
Col. CG. 13.
-30 Juin 1751 : Lettre du conseil supérieur du
Sénégal à la compagnie.
Cel. C6. 14.
- 20 Juin 1753 : Lettre du conseil supérieur à la
compagnie.

330
Col. C6. 15
8 Mai 1765 : Insructions de Esmanager à Salvi-
gny.
14 Août 17'67
Lettre de la Gastière au Minist~
Col. C6. 16
22 Mars 1773
Lettre de Boniface au Ministre.
Col.C6. 11'
- 17 Mars 1778 : Lettre d'Armeny au Ministre.
Col. C6 19
24 Janvier
1778
Rapport de Curt à Mgr de
Castries.
2 : Archives de France
section Outre-Mer.
a
Dépot de Fortifications coloniales ( D.F.C.)
- D.F.C. carton 76
Gorée nO 24 :Mémoire sur le Département
de Gorée et sur le traité fait avec di-
vers rois négres : 172ff.
b
Sénégal et Dépendances 1 : Correspondance G~nérale des gou-
verneurs et Ministres de la Marine
et des: Colonies.
Sen et Dep 1. 63 a
situation politique du deuxième
arrondissement : 1878. 1880.
Sen et Dep 1.80 c
Rapport sur la situatiornmilitaire
au Sénégal pendant le mois de Décem-
lD'e 188~8.
Senet Dep 1. 91 b
Rapport pe}itique du gouverneur La-
mothe : 17 Novembre 1891.

331
c
Sénégal et Dépendances IV
: Expansian territoriale et
pèlitique indigène.
Sen et
Dep IV. 20
: ,'Juillet 185@
Lettre de Dammel à M.Le Gou-
verneur Baudin et son cODseil.
Sen et Dep IV. 14 b
31 Janvier 1846 : Délibérations du con-
seil d'administration de Gnrée.
Sen et Dep IV. 102 a
8 Mars 188'3 : Lettre du capitaine Dupré,
commandant l'escadron de Spahis du Sénégal,
à M. Le Gouverneur du Sénégal et Dépen-
dances.
Sen et Dep IV. 102 b
: 16, Mars 1889 ; Affaires du DiégheI1l.
~
Sen et Dep IV. 102 c
16 Avril 1890 : trànsfeimatiQn poli-
tique dans le Bao].
- 12 Avril 1891 : Affaire:Diobas
- 3 Juillet 1891 : Lettre adressée au
gouverneur par la chambre de commerce
de Rufisque.
Sen et Dep IV. 128 c
II Juillet 1897 :Projet d'organisation
du Baol.
B~: Archives du Sénégal.
a. série B : CQrrespendBnce générale
--
sous- série 4B : Correspondance départ du commandant de Gerée
au gouverneur du Sénégal.
- 4B. II
12 Février 1842 : Lettre du commandant au gouver-
neur.

332
b
Série G : Politique et Administration générale
sous- série IG'
-IG'.296
-1903 :Etude consennant la région o••prise
entre le Djolof et le Saloum, faite par M.
Rocache.
sous-série 13 G : Affaires politiques, administratives et
musul-
manes du Sénégal de 1782 à 1880.
- 13 ~. 2T4
corresp~ndance départ des chefs indigènes au
gouverneur du Sénégal.
- 13 G. 305
Rap~orts du commandant de Gorée au gouverneur
du Séngal.
- 13 G'. 306
Affaires poli tques
- 13 cr. )07
Situat,iQn politique et commerciale du deuxième
arrondissement: 1873. 1874
- 30 Mai 187'3 : Lettre des ifégociants de G'orée
et de Rufisque au Gouverneur.
- 13 G. 309
Situation polttique et commerciale du deuxième
arrondissement : 1879. 1880
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du père Balthasar Barreira (1606)
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1639 - 1641(Sénégal) Notes
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, B.l.F.A.N. Ser.B, N°3 - 4, PP. 440- 498, 1964

III : Sources Orales
Liste de nos informateurs
Noms •
Lieux de résidence.
Date de l'interview. Age.
"Ethnie"
Faal,Alla
Lambaay
..
28. 01. 81
..,
Wolof
Faal, Modu
K~r Samba Kan
21.02. 81
67ans
Wolof
Faal Saab8. SY Ngemme
26.0~. 81
-
Wolof
Fay Mer
Njakalak
14.02. 81
60 ans
Sereer/
1:, Wolofisé
Gey-s,amu.i!
Ngeegey
I3.03.81
61 ans
Sereer/
Wel.fisé
Jeey JegGmaay
Gol
I5.02.81
90 ans
Sereer/
Wolefisé
Juuf Jtga
Rew- Mawo
23.02.81
-
Sereer/
Welefisé:·
Jluuf lismaan
Tuuba Tul
20.02.81
85 ans
Sereer
Mbaay Waali
Lambaay
28.0I.81
-
Welof
Mbay Meer
Nd0ndol
I6.02;.81
80 ans
WelCDf
Mbay Sexx
Ka.lack
22.0I.81
-
Wolef
Nduur Isa
Reefan S,aamel
23.02.81
76 ans
S,ereer
'V
...
Ningue Xomat
NguJaan Cangaay
9.03.81
80 ans
Sereer
v'.
N1.ngue Ibra
Ngunjaan peey
9.03.81
76 ans
S:ereer

345
Noms.
Lieux de residence •
Date de l'interview • Alle • " Ethnie Il
,
Puy Alui
Ngoy
I2.03.8I
11ans
Sereer
Seen Dawda
Kam Jaak
IO.03.8I
1I ans
Sereer
Seen Jelen
Kam Jaak
IO.03.8I
6I ans
Sereer
Seen Lamine,
Nderep
I6.02.8I
10 ans
Sereerj
Walefis
Seen Sexx
\\
Tuuba Tul
22.02.8I
60 ans
WGI.f
Seek Yelli
Lambaay
29.0I.8I
-
Wolef
i
Informations recueilli~s et communiquées par :
Becker, Charles
enquête's effectuées dans plusieurs villages du
Bawol.
Boulègue, J. et Paal, Y.
interview de, Sérin Demba Jeng du village
de Ndogal.
,
v;
Mb
·
.• l·ntervl· e'fi .:Je Serin. Adbdulaay JtH5b de Ndae.m Lo.
Gise, ~~U&~
argan
u
_ interview de Saaba si Faal de Ngemme.

346
Partie introductive
Il Présentation deJ,a:o,r.égion ç-r. critique des sources •.•.•.. l
A : Le problème des sources •..••.••...•.••......... 3
B
Cadre geographique du Bawol ••.•••....•••••••.•. 8
A : Le processus de peuplement de la région ••..•••• IO
I I I Rappel historique : La formation du Royau-
me du Bawol . • • • • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • . . . . . . . . . . . . . . . . 24
A : Les fondements du pouvoir politique .•....•••••• 25
B
Le Bawol et ,la fédération du Jolof ....•......•• 3I
Le Bawol, du milieu du'XVlè, à l'avènement de Latsukaabé( fin
du XVllèsiècle ) : Période d'organisation et de consolidation
__
-_.
. , - -
du pouvoir politique.
Il L'apparition d'une nouvelle dynastie: conséquence de
l'annexion du Bawol par le Kajoor ..•••••••••.••..•.••.. 50
A
Le Bawol après l'éclatement du Jolof ..•••••••.. 5I
B : La crise politique entre le Bawol et le Kajoor •••• 61
C
Causes et conséquences de la crise ••..••......... 67

347
11/ L'évolution interne du Bawol dans la première moitié
du ~IIème siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • • 74
A
La question des Laman Sereer : un problème
lat ent
,.
76
'V
B
Teen Ce Ndela ou la consolidatio~ de l'autorité
politique des Faal dans le 'Bawol .< 160.6 ? 1660 ?).. 8g
111/ Les incidences du commerce atlantique dans le royau-
me 8·U cours de la seconde moitié du XVllè siècle •••••• I04
A
Portudal: port de commerce' du Bawol .•....••••••• IOT
B
Le soulèvement des marabouts dans la région-
du fleuve et ses incidences au Bawol •••••••••.•••• II8
o
La prise deGerée'et le protectorat économique
de la France au Bawol ••.••......••.••••...••••••••• 12,5
IV/ L'avènement de Latsukaabé : coup d'état dans le
royaume • • • . • . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . • . . • • . • • • I29
A : Le Bawol au moment de la prise du pouvoir
par Latsukaabé •••••••••••.•••••••••••••••••••••••• I31
B
L~tsukaabé ou l'avènement de l'aristocratie
militaire
I35
La traite négrière et le renforcement du pouvoir de la classe \\ .
dirigeante.
1/ La réunification du Kajoor et du Bawol : constante
du XVI'IIè siècle
I44

348
A '.• La politiElue de Latsukaabé à l'égard de la
compagnie du Sénégal .•..••......................... l''45
B •• La lutte pour le pouvoir au Kajoor - Bawo1:
1720 - 1790 ..•.......................... I54
11/ Le Bawo] à la fin du XVl11è siècle : affrontement entre
Ceddo ( représentant. du pouvoir politique) et mara-
bouts ( représentants du pouvoir religieux ) •••••••••••••• 178
A
L'essor des Ceddo dans le courant du XV111è sièc1e ••• 180
B : L'aristocratie Wolof et la société Sereer du Bawol ••• 189
C : L'Islam ou l'alternative politique dans les
r~gions Wolof .•...•.••.•••••.••.•••.•.••.•••...•••• I97
111/ Bilan du XVIllè siècle : essor du pouvoir Ceddo et
mutations sociales •••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 208
A : L'évolution du pouvoir politique •••••••••••••••••• ZIO
B : Les différ.entes transformations dans le Bawol •••••• 217
Le changement de la 'po1~tique économique de la France
.>
en Sénégambie et le déclin de la classe dirigeante
du Bawo].
1/ Le Bawol au cours de la première moitié du XIXè siècle :
réveil des rivalités entre familles "garmi" et ébran-
lement de la puissance des "Geej
2}I

349
A
Reveil des rivalités entre fa.milles "garmi" •••••••• 233
B
La période des troubles ( 1832 - 1860 ) et
l'ébranlement de la puissance des "Geej" dans
le Ba..wol ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••.• 239
11/ Le royaume du Ba..wol, face à·la conqu~te militaire
française
1859 - 1894 ••••••••••••••'••••••••••.•••••• 2'64
A
l
) .
2;
La réaction des Ceddo et le 4émantèlement de la
monarchie par la France •••••••••••••••.••••••• ..212
3
Les populations Sereer et la conqu~te française •• 287
Cone1us 1,on. t ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• e· •••••••• Z99
Ann.exes ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 3.09
aartes . • • . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • . • • • . 326
Bibliographie •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• •••••• 129