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Elève Diplômé de l'Ecole Ptàtique.des Hautes Etudes (Vè Section)
Diplôméd~ l'Institut Français de Presse
Diplômé dei 'la Sorbonne
Membre correspondant de la Société Hellénique des Etudes Philosophiques
Membre Associé de la Société Française de Philosopliie
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Dans les Premiers Dialogues de Platon :
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L'Exemple de l'Euthyphron
(Structure et contenu Philosophiques)
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1. - Le Précepte Unificateur dans les Premiers
Dialogues
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1
Volume
1
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Thèse de Doctorat d'Etat ès LeUJ:es et Sciences Humaines
Présentée sous la direction de M. P. AUBENqUE,
Professeur de Philosophie à la Sorbonne.
Université de PARIS-SORBONNE (Paris IV) 1984
Djibril
SAMB
Elève Diplômé de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (Ve Section)
Diplômé de l'Institut Français de Presse
Diplômé de la Sorbonne
Membre correspondant de la Société Hellénique des Etudes
Philosophiques
,
Membre Associé de la Société Française de Philosophie
.~
LE PRECEPTE UNIFICATEUR DANS LES PREMIERS
DIALOGUES DE PLATON: L'EXEMPLE DE L'EUTHYPHRON
(Structure et contenu philosophiques)
LE PRECEPTE UNIFICATEUR DANS
LES PREMIERS DIALOGUES
VOLUME 1
Thèse de Doctorat d'Etat ès Lettres et Sciences Humaines
présentée sous la direction de M.
P.
AUBENQUE.
Professe~r
de Philosophie à la Sorbonne
UNIVERSITE DE PARIS SORBONNE ( PARIS IV ) 1984
.
~J
J..
Ce travail est dédié à mes vieux instituteurs de Saint-Louis,
Messieurs Diop Adama, Abdou Konté,
Yoro Diallo, Cissoko et
principalemen.t
à mon maître respecté et .·bien-aimé, Monsieur
-tu
Alioune Diop Macoumba,
Inst~teur Principal de classe exception-
nelle, Directeur de l'Ecole Normale Régionale 'de Saint-Louis.
~"'~(.
A cette dédicace,
j'associeV-Aminata SalI Samb, dont l'Amour,
le dévouement sans faille et l'intransigeante fidélité ont été)
depuis toujours, au sein comme en dehors de l'Université, les
premières conditions de mes succès, ainsi que notre filsJN'Diogou,
déjà promis à l'amour des Etudes Grecques.
J'aurai encore une pensée pieuse pour le regretté maître, Monsieur
Victor Goldschmidt, l'un des plus éminents platonisants de tous
les temps. Je voudrais que chaque phrase de cette thèse,
fruit
de longues méditations nocturnes, lui soit comme un hoœmage
passionné. Puissé-je,
di lui, avoir hérité la patience et la
sérénité scientifiques. Je nourris les mêmes sentiments d'ardente
admiration pour l'oeuvre de Monsieur Joseph Moreau, ce savant
si probe et si digne.
Mes remerciements s'adressent,
en premier lieu,
à Monsieur Le
Professeur P. Aubenque, mon fJl~47Y'r\\·QIU.)C.
maître de la Sorbonne,
qui a bien voulu me faire l'honneur, ainsi qu'à mon pays,
de
placer ce modeste travail sous son éminente direction scienti-
fique et morale. Je ne puis cacher ma légitime fierté d'avoir
travaillé,
pendant quelques années,
sous l'autorité bienveil-
lante d'un savant de cet ordre~dont le nom seul, à travers le
monde entier, est une garantie de rigueur.
I I
A ces remerciements, il me plaît d'associer:
- Monsieur le Professeur P. Hadot du Collège de France, mon
maître de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, qui a dirigé,
avec
sa comp&tence habituell~,ma précédente thèse sur
l'Alcibiade Premier de Platon,
- Monsieur Luc Brisson, Platonisaht
éminent, dont les conseils
avisés et la parfaite disponibilité m'ont permis de compléter
ma bibliographie et d'approfondir mes recherches)
- Le Directeur de la Bibliothèque de l'Université de Pretoria
(Afrique du Sud) qui a bien voulu m'envoyer personnellement
le texte remarquable de R.S. Meyer sur l'Euthyphron,
- La Direction de la Bibliothèque de la Sorbonne qui m'a procuré,
dans des Bibliothèques étrangères,
des textes importants,
- Monsieur et Madame P. Dubarry de Lassalle d'Asnières, qui
m'ont non seulement fait l'honneur de leur amitié et de leur
estime, mais encore
m'ont toujours assuré leurs encoura-
gements )
- enfin, tous ceux nombreux,
au premier rang desquels
Don
père vénéré, Amadou Makhtar Samb,
jurisconsulte réputé,
philosophe et islamologue de premier plan,
qui ne m'ont ménagé
ni leur soutien ni leurs encouragements toujours bienfaisar.ts.
III
CODE ABREVIATIF DES PRINCIPAUX TITRES
Les titres suivent l'ordre d'apparition dans le texte:
entre
parenthèses,
la page où est employée pour la première fois
l'abréviation.
Goldschmidt:
PPC:
Platonisme et Pensée Contemporaine (16)
Brès: La P.P:
La Psychologie de Platon (23)
Goldschmidt:
La R.P.:
La Religion de Platon (25)
Lodge: The P.P:
The Philosophy of Plato ( 27 )
Samb:
E.T.A.P:
Ethique et Techniques dans l'Alcibiade Premier
(29)
Taylor:
P.M.W:
Plato,
the man and his work
(49)
Sider:
P.E.A:
Plato's Early Aesthetics
(51)
Ross:
a T.I~Plato's Theory of Ideas (77)
Goldschmidt:
D.P.:
Les Dialogues de Platon
(98)
Robin:
La P.G.:
La Pensée Grecque (98)
Moreau:
La C.I.P.: La Construction de l'Idéalisme Platonicien (140)
Bréhier:
H.P.:
Histoire de la Philosophie (235)
Guthrie:
H.G.P.:
History of Greek Philosophy (278)
Burnet:
E.A.C.:
Euthyphro,
Apology and Crito (290)
Glotz:
H.G.:
Histoire Grecque (298)
Glotz:
S.F.: La Solidarité Familiale (298)
Dodds: G.I.:
Les Grecs et l'Irrationel (319)
Reverdin:
R.C.P.:
La Religion de la Cité Platonicienne (319)
IV
Gould:
D.P.E.: The Development of Plato's Ethics (328)
Heidel:
O.P.E.:
On Plato's Euthyphro (333)
P.P.Q:
Pacifie Philosophical Quarterly (334)
Shorey: W.P.S.: What Plato Sa id (341)
REG:
Revue des Etudes Grecques (367)
Robinson:Plato's Earlier Dialectic (383)
R.H.P.R.:
Revue d'Histoire et de Philosophie Religieuses (385)
Babut:
R.P.G.:
La Religion des Philosophes Grecs (392)
Allen:
P.E.:
Plato~ Euthyphro (458)
Joly:
Le R.P.:
Le Renversement Platonicien (470)
P.Q.:
Philosophieal Quarterly (481)
Gernet:
AGA:
Anthropologie de la Grèee Antique (527)
Pearson: PEA: Popular Ethies in Aneient Greece (553)
C.P.:
Classieal Philology (571).
v
CODE.ABREVIATIF DES NOTIONS
APU: Appel du Précepte Unificateur (45)
SD: Structure Définitionnelle (45)
FD: Forme Définitionnelle (45)
PU: Précepte Unificateur (46)
AV: Anti-Valeur (127)
PV: Pseudo-Valeur (129)
VA: Valeur Authentique (142)
NV: Non Valeur (142)
EPU: Exigence du Précepte Unificateur (152)
p.e.d.: premier essai définitionnel (190)
e.d.: essai définitionnel (190)
r.~dt
DFE: Destirrvde l'Enquête (227)
PD: Précepte Diviseur (235)
s.e.d.: second essai définitionnel (432)
s.e.d.r.: second essai définitionnel rectifié.
1
INTRODUCTION
·.
2
w A~
début
de
tout exposé,
i l
me semble nécessai-
re de
poser des
principes assurés,
dans un langage simple et
grave"(l).
§ 1. Interpréter un texte philosophique constitue
en général une entreprise risquée (2). Lorsqu'il s'agit d'in-
terpréter un texte de Platon,
le péril est bien plus grand.
(1) Diogène d'Apollonie, Fr 1, sur ce philosophe original,
cf4 :Bréhier: Histoire de la Philosophie, Paris, PUF, 1981 3 ,
p. 65. Les préoccupations de ce philosophe semblent porter
prioritairement sur les questions de méthode: cf. L. Robin,
La Pensée Grecque, Paris, Albin Michel, 1954, p.156. Pour le
travail le plus récent,
cf. A. Laks: Diogène d'Apollonie. La
dernière cosmologie présocratique. Edition,
traduction et
commentaire des fragments et des témoignages, Lille, PUL,
XL-336p, 1983.
(2) On se reportera, avec profit}pour le problème de l'inter-
prétation, aux chapitres introductifs de l'ouvrage désormais
classique de P. Ricoeur: De l'interprétation, Paris, Seuil,
1969.
3
Platon n'est pas seulement éloigné de nous dans le temps (3),
mais encore il s'y ajoute une double difficulté supplémen-
taire.
La première concerne la forme même de ses écrits qui
)
sont des dialogues (4))mettant en scène deux (5) ou plusieurs
(3) Ce facteur,
comme l'a montré notre maître de la Sorbonne,
M. P.Aubenque, pour ce qui concerne la transmission du texte
d'Aristote,
ne disqualifie pas nécessairement l'interprète
moderne. Cependant, cet éloignement,
pour être compensé, exige
de nous un effort particulier pour nous réapproprier des habi-
tudes mentales et intellectuelles qui ne sont plus les nôtres.
Pour la remarque de M. Aubenque, cf. Le problème de l'être
chez Aristote, Paris, PUF,
1962, p.5
w•••
les commentateurs,
même les
plus anciens,
et même s ' i l s avaient en leur posses-
sion des textes que nous avons perdus depuis lors,
n'ont par
rapport à nous aucun privilège historique. W
(4) Sur le dialogue comme genre littéraire, cf. Aristote, Fr
61 de l'Edition de Berlin 1486a8-10)où il est dit que les dia-
logues sont des discours et des imitations semblables aux vers
de Sophron; et tout de suite après,
Aristote nous apprend que,
avant les dialogues socratiques, ce genre littéraire aurait
été"initié"par un certain Alexamène de -réos (ibidem,
1486a 10-
1 2); cf. au s s i
Rhé t 0 r i gue,
II,
1 6,
131 7a 18 s qq. et Po é ti gue,
I,
1447a28-b11 (qui signale qu'il n'en existe aucune dénomina-
tion génériqu~. Par ailleurs, on ne peut pas écarter q~e Platon
ait eu pour sources d'inspiration la comédie en vers d'Epichar-
4
personnages (6»)dont les vues s'affrontent dans une certaine
structure dramatique. Sans doute est-il clair, comme l'a
(4)suite. -me et/ou les mimes en prose de Sophron; cf. M.
Vilhena: Le problème de Socrate. Le Socrate historique et le
Socrate de Platon, Paris, PUF, 1952 p.330; R. Schaerer: La
question platonicienne, Vrin,
1969; J.
Andrieu:
Le dialogue
antique. Structure ~r présentation, Paris, 1954 (368p); E.
Dupréel: La légende socratique, Bruxelles, 1922,
pp. 75,
140,
142 et 358; L. Robin: La Pensée Grecque op. cit.,
p.188.
Dès
l'antiquité, le sicilien Alcime déclarait (ap. M.
Vilhena.
ad.
loc. cit. p.331) que Platon avait pris l'essentiel de sa pensée
philosophique chez Epicharme. Mais une autre tradition rappor-
te que Zénon d'Elée fut le premier ~ composer des dialogues
(cf. D. Laërce,
III,
48;
VIII, 57 et Vilhena, ibidem). On se
reportera aussi à P. Janet in Etudes sur la dialectique dans
Platon et dans Hegel, Paris,
1831, pp. 53-62; Robin in Platon,
Paris}1938,
p.20;
A. Festugière dans Contemplation et vie
contemplative, en particulier le chapitre III)et tout spécia-
lement p.163 n.1
(Vrin,
19673~et plus récemment Yvon Lafrance
in La théorie platonicienne de la doxa,
Montréal
(Bellarmin)
et Paris (Les Belles Lettres) 1981,
pp.
36-37.
(5) Euthyphron; Alcibiade 1,
les deux Hippias, Criton.
(6) Protagoras; Gorgias; Ménon;
Euthydème, etc ...
_---
-----"--
_-_
........----
------.~" _•..__..__..
.._-_._. __._----_..
5
montré
un interprète récent (7),
dans un beau travail,
qu'une
lutte antagonique oppose presque toujours,
dans les dialogues,
le logos à l'opinion. Sans douteJPour ce qui est des premiers
dialogues>où il est toujours présent comme meneur (8) du débat,
Socrate peut-il être considéré, en tant que figure incarnée du
dialecticien, comme sinon le porte-parole unique du moins prin-
cipal de Platon.
Il reste que,
par leur forme même,
c'est-à-
dire tant par leur contexture littéraire que par leur agence-
ment dramatique,
les dialogue~ en tant qu'oeuvres philosophi-
ques,ne laissent pas d'être déroutants pour le moderne. Aujour-
d'hui,
un écrit philosophique se présente sous la forme d'un
(7) cf. Yvon Lafrance, op. cit. p. 38:" Le dialogue platoni-
cien se présente
•••••
comme une recherche de la
vérité selon
une méthode qui
consiste dans l'application
du logos,
c'est-
à-dire de la raison critique à une série d'opinions
qui
ne
sont
pas,
du point de vue de Platon,
de valeur égale."
(8) En effet, il y a certains dialogues de maturité (ou de
vieillesse) où) soit Socrate n'apparait pas du tout ( par
exemple Le Sophiste), soit il y joue un rôle assez effacé
(par exemple Parménide).
6
manuel,
d'un traité (9), en tout cas sous un aspect systé-
matique et linéaire. Si depuis Aristote,
l'écrit philosophi-
que apparait comme un auyypa~~a, les dialogues, eux,
"échap-
pent au genre du auyypa~~a et à ses dangers (qu'évoque le
Politique). "(10). Mais ils n'y échappent que
pour rendre plus
difficile et plus incertaine l'interprétation du commentateur.
En effet, ils ne présentent, contrairement aux manuels ou
aux traités, aucune thèse à caractère dogmatique (11) ni au-
cun ensemble de vues qui prétende clairement à la systémati-
cité ou à un statut doctrinal spécifié. Ainsi la forme même
(9) On sait que Malebranche (Entretiens sur la Métaphysique
et sur la religion,
édition critique par Armand Cuvillier, T.
l, Paris, Vrin., 1965) ou Berkley(Dialogues between Hylas and
Philonous)ont publié des oeuvres philosophiques sous forDe de
dialogues. Mais ces dialogues, sans ressort dramatique et qui,
par leur systématicité et leur linéarité,
se distin~uent à
peine des traités,
n'ont aucune similitude réelle avec ceux
de Platon.
(10) Cf. Vincent Descombes: Le Platonisme,
Paris, PUF, Collec-
tion SUP,
1971,
p.9.
(lI) Cf. §3 n.1S
:1-
des écrits platoniciens est-elle le premier mur de résistan-
ce (12) qui s'oppose à la volonté d'appropriation du commenta-
teur.
§ 2.
La seconde difficulté supplémentaire (§ 1)
relève du caractère aporétique des dialogues du Premier Plato-
nisme(13). Platon semble avoir pris un malin plaisir à compli-
quer à souhait la tâche déjà difficile du commentateur.
A pre-
mière vue,
en effet,
les dialogues n'aboutissent pas à des
conclusions positives et nettement spécifiées Œ1). Si les
thèses en présence sont de valeur inégale (§1,
n.7), elles sem-
blent presque toujours présenter, chacune, au terme de la dis-
cussion, une déficience ou une insuffisance qui,
en un sens,
les disqualifient,
du moins à s'en tenir à la lettre du texte
( §~3;15). On sait comment Socrate résume à la fin du Protageras,
en des termes saisissants,
l'inénarrable aporie à quoi aboutit
IV
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ce dialogue:
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VUV oEauT~ TavaVT10
(12)
" Qui se tourne vers le fondateur de l'Académie re~contTe
bientôt une résistance surprenante et se voit contraint
d'e~-
trer en dialogue" cf.
F.
Châtelet, Platon,
Paris, Gallimard.
collection Idées,
1965,
p.14
(13) Sur cette expression,
voir notre thèse de l'Ecole
des
Hautes Etudes:
Ethique et techniques dans l'Alcibiade Premier,
1983 (sous la direction de M.
P. Hadat), en partic~lier p. 135,
§ 74 n. 4 et p., 309.
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OlOaKTOV.(14)
§ 3.
Certes, les protagonistes des dialogues ne
se retrouvent pas nécessairement tous, comme dans le Protagoras,
au terme du débat, avec les thèses inverses de celles qu'ils
défendaient au départ. Au contraire, tel personnage (15),
contraint par la critique dialectique d'abandonner une thèse
initiale, la reprend dans le désarroi à la fin du dialogue
(§ 474).
Mais,
les dialogues paraissent être des jeu* - ce qu'ils
sont, au demeurant,
selon un texte du Phèdre (16). Comment
prêter sérieusement une intention ou un projet doctrinal à ce
qui n'est que jeu de gens ayant du loisir (17). Et s ' i l faut,
(14)
361a
6 -
361c
2.
(15) Tel est précisément le cas d'Euthyphron (lSa-b)
(16)
266a.
(17) Le Politique (272b 9-cl) souligne que les philosophes
ont du loisir.
9
malgré tout,
reconnaître un dessein doctrinal et dogmatique
(18) dans ces dialogues,
comment identifier le moment dialec-
tique et les thèses où il s'exprime? ou encore,
pour poser le
problème sous un angle différent, qui exprime ces thèses?
D'après quels critères, celles-ci doivent-elles être identi-
fiées? et sur quoi repose,
en dernière instance.la fiabilité
J
ou si l'on veut,
la validité (19) de ces critères?
§ 4.
Devant la difficulté de ces questions,
et le
caractère prométhéen du travail que requièrent leurs solutions,
on comprend que les interprètes traditionnels se soient,
en
général, détournés des dialogues du premier platonisme et les
aient désignés sous le nom trompeur de "dialogues socratiques P
ou "aporétiques". Lorsqu'ils en parlent)soit ils les considè-
rent comme des oeuvres essentiellement négatives (20) sans
portée doctrinale significative, soit ils les traitent comme
(18) Sur le sens que nous donnons à ce terme,
cf. §1 n.l1.
Ajoutons cette remarque judicieuse de Festugière: n On sait
que oOyj..IO. ) ndécret n , signifie originellement
nce qui semble
bon n ,
g OOXE:L" in Contemplation et vie contemplative chez
Platon, p.
412,
n.4.
(19) A ces difficultés,
il faudrait ajouter celle qui ressort
de ce que Platon lui-même nous dit de l'écrit.
cf. Lettre VII
341c-d, 343b-344c: pour un bon commentaire' de ces passages,
cf. Descombes,
loc. cit.
notamment pp.
6-16. Pour les princi-
paux textes définissant les vues platoniciennes sur l'écrit,
des exercices méthodologiques ayant pour objet de simples
définitions de noms (21). C'est ainsi que,
pendant long-
temps,
le contenu philosophique des premiers dialogues a été
mis en hibernation (22), ou tout simplement ignoré, voire
(19) suite. nous nous permettons de renvoyer à notre thèse
de l'E.P.H.E. déjà citée (§ 2 n.13) où ils figurent (p. 38,
§
18 n.77).
(20) Grote, Plato and the others companions of Sokrates, vol.
l, Londres,
1875.
(21) Alfred Croiset n'hésite pas à ecrire,à propos d'un
dialogue aussi important que le Protagoras ,que "les mérites
d'art l'emportent évidemment sur l'importance des idées philo-
saphiques" cf.
Notice du Protagoras,
Les Belles LettresJIII,
l, p. 15.
(22) Une réaction salutaire doit cependant être enregi~trée
depuis quelques années:
on note une multiplication des travaux
de toutes sortes sur les Premiers Dialogues. Pour nous limiter
au cas de la France, signalons la thèse de Mademoiselle Iglésias
sur l'Euthydème (sous la directio~ de M. Aubenque - 1981/82:
Paris IV), celle de R.
Brague sur le Ménon etc •••
Il y a aussi
la thèse de E. Méron, Les Idées morales des interlocuteurs de
Socrate dans les dialogues platoniciens de
jeunesse, ap. Vrin,
1979. Ce travail a le mérite -
considérable - de porter sur
l'ensemble des Premiers Dialogues, mais il nous paraît déce-
vant tant par sa pauvreté bibliographique que par le caractère
1
l l
nié. On croyait sans doute a~nsi
rester fidèle au texte.
Mais
,
la fidelité à un texte n'a aucun sens si elle doit se nourrir
de la négation de son sens. Si la fidélité du commentateur au
texte commenté constitue un aspect fondamental de la qualifica-
tion du commentaire,
il reste qu'elle n'est ni l'enjeu princi-
pal ni même l'enjeu propre de l'exégèse.
Comme l'a bien dit
notre regretté Victor Goldschmidt,
le véritable enjeu du com-
mentaire: n c'est le sens même du texte,
et la question de savoir
s ' i l ne contient
pas des leçons sur lesquelles le
commentaire
fait
silence,
parce qu'elles ne lui
paraissent pas actuelles·(23).
(22) suite.
général et superficiel de l'analyse des Dialogues.
Nous sommes convainc~ pour notre part, que l'interprétation
générale des Premiers Dialogues ne pourra progresser de manière
décisive que lorsqu'aura
été entrepris et mené
à bien
un
ensemble de travaux portant sur des analyses approfondies,
détaillées et originales des Premiers Dialogues pris individuel-
lement ou ensemble.
Il est nécessaire que l'étude des Premie~s
Dialogues devienne une spécialité à part entière chez les Plato-
nisants. Nous avons,
quant à nous,
la claire conscience
d'oE~-
vrer à la fois à la réhabilitation des Premiers Dialogues et à
leur constitution comme objet particulier de spécialisation au
sein de l'Histoire de la Philosophie Ancienne,
et plus particu-
lièrement, dans les Etudes Platoniciennes.
(23) ln Les Querelles sur le platonisme
. Platonisme et pensée
contemporaine, Paris, Aubier-Montaigne,
1970 p.
206.
12
§
4. Dans le cas des premiers dialogues, le
commentarisme (24),
semble-t-il, n'a pas seulement fait silen-
ce sur des leçons jugées inactuelles, il a,en dernière ins-
tanceJignoré jusqu'à l'existence ou même la possibilité de
ces leçons. La qualification d'aporétique (25) appliquée au
premier platonisme a servi de prétexte pour ne pas entreprendre
une étude précise de son contenu doctrinal. C'est probable-
ment une grave erreur théorétique et ~éthodologique d'avoir
pensé la notion d'aporie comme le contraire de l'existence
d'un enseignement positif:
une doctrine. Le dynamisme et la
fécondité propre des apories des premiers dialogues se sont
(24) L'expression est empruntée à M.P.Aubenque,
op. cit.
p.6.
(25) Aporie est composé du "a" privatif grec et de 1TOPof qui
signifie "passage" ou "voie de communication" (cf. Bailly,
'1
1607); (J,1Topof
signifie donc "sans passage",
"infranchissable".
mais aussi "difficile",
"embarrassant" (ibid,
240). C'est
plutôt en ce second sens qu'il faut l'entendre dans les pre-
miers dialogues.
Les modernes l'entendent souvent en un sens
fort i.e "difficulté logique d'où l'on ne peut sortir: objec-
tion ou problème insolubles" (cf. Lalande:
Vocabulaire techni-
que et critique de la philosophie,
1968 10, p.69) cf. aussi
le Petit Robert,
1982 (p.82) qui donne du terme aporie une
définition tout à fait acceptable:"Difficulté d'ordre ration-
ne] paraissant sans issue".
trouvés ainsi mis en époché. Les interprètes traditionnels
n'ont pas suffisamment médité le rapport entre aporie et dia-
lectique que rien n'interdisait pourtant de penser en termes
synonymiques (26). Et qui plus est,
le commentarisme n'a
pas assez pris garde à l'amphibolie fondamentale de la notion
d'aporie (27).
En effet, " ••• on conviendra qu'il est deux
façons
de considérer l'aporie: ou dans ce qu'elle annonce ou
appelle,
c'est-à-dire sa solution: ou en elle-même,
qui
n'est
aporie que tant qu'elle n'est pas résolue.
Résoudre l'aporie
au sens de "lui donner une solution",
c'est la détruire: mais
résoudre l'aporie,
au sens de"travai11er à sa solution", c'est
l'accomp1i:~28)Si,concernantPlaton, on s'était engagé dans
la seconde voie permettant de travailler à la solution des
apories, et donc de tracer la ligne de l'enseignement doctri-
nal des premiers dialogues,
nombre de difficultés relatives
aux méthodes herméneutiques eussent été aplanies.
§ 5. En tout cas,
la forme
même des écrits platoniciens (§ 1) et leur caractère aporé-
(26) Ce dont sera parfaitement conscient P. Aubenque qui
J
n'hésite pas'à écrire, avec
.
ral.son: " ... la métaphysique
d'Aristote est
dialectique,
c'est-à-dire aporétique .•. "
(op.
cit.,p.507, c'est nous qui soulignons).
(27) cf.
§ 4 n.
25.
(28) Ibidem,
p.507-508.
~1j
tique
(§§ 2.3.4),
en quelque sens que l'on
prenne ce
terme,
)
)
rendent nécessaire une prise
de position très
nette sur
la
méthode
d'interprétation
qu'on
leur applique.
Il ne
s'agit pas
pour nous
d'ouvrir
ici
une querelle de méthodes.
Une querelle
des méthodes considérées en elles-mêmes est sans objet;
en
outre,
elle semble extrémement dommageable à
l'enquête
philo-
sophique où elle
introduit
un
dogmatisme qui
n'est
plus de
notre
temps.
Une
méthode
d'analyse
philosophique,
et
l'on
imagine aisément
que ceci peut se dire de
toutes
les méthodes,
ne vaut que
par ses résultats
(29).
Nous avons
plaidé
ailleurs
(30)
pour
la complémentarité des méthodes.
QU'OD
veuille
bien nous
pardonner
de citer ici ce
texte: "Il
serait
absurde de penser qu'il
n'y aurait
qu'une
voie d'accès
au
(29)
Dans un
bel article
paru
dans Quaderni Urbinati Di Culturœ
et
intitulé "Le mythe
de Protagoras.
Essai d'analyse
struc-
turale",
N°20,
1975,
Luc Brisson,
un des meilleurs
platoni-
sants actuels,
après s'être prévalu du structuralisme comme
méthode
et non
comme
philosophie
(p.9),
demande,
à bon droit,
que
son analyse
soit
jugée
"sur ses résultats"
(p.9
n4).
Il
nous
plait ici,
de
témoigner que c'est
l'une
des meilleures
études
que
l'on
ait
faites
sur
le Protagoras
depuis
quelques
décennies.
(30)
cf.
D.
8amb,
ad
loc.
cit.
§ 2 n.13.
texte
platonicien,
une seule méthode de lecture.
Il
est même
plus
vraisemblable que c'est de l'effort appliqué de
plusieurs
inspirations méthodologiques différentes que naîtra.
peu à
peu.
une plus claire compréhension du premier platonisme. -(31)
§
6.
Naturellement, une telle attitude,
compati-
ble avec la dignité et la sérénité de la Science, ne nous
empêche nullement d'opérer un choix méthodologique ferme (32).
On peut s'accorder avec Lodge (33) pour dire qu'il y a, en
gros, deux manières de lire Platon. Le lecteur
"can
try (that
is
to say),
after
years of education and special
study,
to
turn himse1f (imaginative1y)
into a
fourth-century
Athenian of
P1ato's cu1tured society.
He
can imagine himse1f one of the
gifted youths who
fo11owed
Socrates and 1istened to his
discussions:
youths 1ike P1ato's brothers.
G1aucon and Adiman-
tus. "(34).
La seconde optique est qu'il essaie "to translate
P1ato's word into the ideas and associations of our time: more
(31) Loc. cit.
pp. 60-61.
(32) Ibid,
p. 61.
(33) Lodge (Rupert. C), The Philosophy of Plato. London,
Routledge and Kegan Paul LTD, 1956.
(34) Ibid, p.
231.
16
particularly into
the ideas and associations of modern philo-
sophy. "(35) et ainsi,
par exemple, comparer Platon à Kant.
Ces deux approches ne s'excluent pas, comme l'a noté un
historien éminent (36), et sont même compatibles (37).
En fait,
"The
two approaches are,
and must remain,
different,
not
however antagonistic but
complementary,
each imposing a salu-
tary check on the other."(38).
(35) Ibidem;
dans le second cas, nous risquons évidemment d'en
apprendre plus sur l'interprète lui-même que sur Platon; c'est
d'ailleurs ce que note Lodge: "Most of the well-known books
on Plato tell us almost as much about their authors, as about
Plato. "(p.314);
cf. aussi Goldschmidt in P.P.C.
p.
243 et O.C.
Field,
\\~ The Philosophy of Plato, Oxford University Press,
3
1956 , qui,
bien qu'il ait choisi la seconde méthode,
en cesure
les risques. En effet,
puisque cette lecture implique "soae
degree of re-statement of his
thought in
terms of our experi-
ence"
(p.7), alors" we must always avoid the tendency to force
him into
the mould of contemporary theories" (id).
(36) Guthrie, History of Greek Philosophy,
vol IV, Cambridge
2
University Press,
1977 , p.S.
(37) Ibidem; cf. aussi Diès,
Autour de Platon, Paris,
Vrin
1972, p.352.
(38) Guthrie,
loc. cit,
p.6.
-----,------_.-
1 7
§
7. Traditionnellement,
la première approche
est considérée comme hiStorique et la seconde comme philoso-
phi que (39). A la suite de Grote qu'il considérait d'ailleurs
comme son modèle (40), Taylor fut l'un des plus prestigieux
défenseurs de la méthode historique.
Il rejeta toute interpré-
tation de Platon à travers le moule des systèmes philosophiques
modernes: néo-kantisme,
néo-hégélianisme ou néo-réalisme.
"
Ainsi,
privilégia-t-il l'analyse des dialogues et not a syste-
matisation of their contents under a set of subject-headings.
Plato himself hated nothing more than system-making. "(41) Il
ne s'agit donc ni d'extraire un système des textes platoniciens
ni de leur appliquer un système. Taylor trouvait,
au demeurant,
une garantie supplémentaire dans sa méthode d'interprétation:
"My own comments are intended to supply exegesis,
based as
closely as may be on Plato's own words,
not
to applaud nor
to
(39) Ibidem p.S.
(40) Taylor, en effet, déclare explicitement qu'il prend pour
modèle Plato and the others companions of Sokrates de Grote ~n
Plato The man and his work, London,
1926,
p.
VII.
(41) Taylor, ibid, p.VII
denounce. W(42).
§
a,Mais pour intéressante et commode que soit la
distinction toute scolaire entre interprétat~n historique et
interprétation philosophique, elle est largement arbitraire.
Il ne suffit pas de les déclarer complémentaires comme l'a
d'ailleurs fait,
avec raison,Guthrie (§ 6).
Il faut aller plus
loin et bien mesurer qu'elle ne rend pas adéquatement compte
de ce qui est à l'oeuvre dans les deux lectures possibles de
Platon précédemment évoquées (§ 6). Les deux notions sont
grosses de deux présuppositions pour le moins problématiques.
Dans le cas de l'interprétation dite philosophique,
l'idée
présupposée est que le caractère philosophique de l'exégèse
(42) Ibidem,p.VII. C'est le lieu de rappeler les trois princi-
pes essentiels de la méthode de Grote:
1) tenir largement compte
du caractère négatif des dialogues et ne pas attribuer à Platon
ce qu'il ne dit pas, 2) traiter chaque dialogue "as a separate
composition" et considérer que
"Each
represents
the intellec-
tual
scope and impulse of a
peculiar moment,
which
may or may
not be in harmony with
the rest"
(p.X),
3) ne pas nier les
contradictions dans le texte,
s'il en est, mais au contraire
les considérer comme des faits philosophiques intéressants
(XI), cf. op. cit.
19
est lié soit à l'emploi des doctrines modernes comme références
permettant de mesurer l'intelligibilité des théories platonicien-
nes,
soit à leur traduction dans les philosoph~mes qui expri-
ment notre sensibilité et notre expérience philosophiques
propres. Or, s ' i l est vrai qu'une lecture kantisante ou hégélia-
nisante de Platon ressortit à l'exég~se proprement philosophi-
que tout comme, au demeurant,
une traduction de Platon dans
les termes de l'expérience psychanalytique (43), en revanche, il
serait tout à fait faux de penser que cette perspective à
elle seule pût épuiser les styles d'interprétation philosophi-
que. Pour être philosophique, une interprétation n'a pas besoin
de la médiation obligée des doctrines philosophiques modernes
ou des catégories dans lesquelles nous appréhendons notre expé-
rience propre. L'option fondamentalement philosophique d'un
travail herméneutique est liée à deux conditions nécessaires
et suffisantes:
la détermination de la portée philosophique du
texte commenté et la prise en charge de son sens.
§ 9.
Précisément, ce qui est présupposé dans
l'ir.-
terprétation dite historique) c'est l'idée de l'abseNce
de
prise en charge de la problématique philosophique du texte
(43) Par exemple, Yvon Br~s dans La Psychologie de Platon.
Paris, P.U.F.,
1968; se reporter aussi au compte-rendu très
critique qu'en a présenté Luc Brisson dans la Revue des Etudes
Grecques.
r----------
20
commenté dans ce type d'approche.
Or,
cette idée est inexacte
pour
plusieurs raisons.
D'abord pour
deux raisons
toutes banales:
la première est qu'aucune
interprétation de caractère histori-
que ne peut faire
l'économie d'une discussion du contenu philo-
sophique.
Car l'histoire d'un
texte est avant
tout l'histoire
de son contenu qui seul en
fonde
l'intelligibilité.
La seconde
raison est que
toute
interprétation historique d'un
texte philo-
sophique suppose,
parmi les conditiDhs de sa propre pertinence,
la désignation de sa portée philosophique.
Ensuite,
et
ici la
position de Guthrie
(§§ 6;8)
peut être reprise)dans le travail
exégétique,
perspective historique et perspective philosophique
non seulement ne s'opposent
pas,
loin s'en faut,
mais
sont bel
et bien complémentaires.
Allant
plus loin que Guthrie,
nous
dirons qu'elles sont
impliquées,
à
des degrés
variables,
l'une
dans
l'autre.
Autrement dit,
aucune interprétation historique
d'un corpus philosophique ne
peut se passer
de rendre compte
de ses problèmes,
démarches et contenus philosophiques;
inver-
sement,
toute interprétation philosophique
d'un
texte
suppose
la mise en
perspective de
ses
interrogations historiques ainsi
que la
prise en compte de
son arrière-plan historique.
§ 10.
Les considérations que voilà montrent suf-
fisamment,
semble-t-il,
l'inadéquation et
l'amphibologie de
la
terminologie traditionnelle
opposant interprétations historique
et philosophique.
En fait,
i l est
loisible,
sans
pour autant
récuser
tout intérêt à
cette division
traditionnelle,
de poser
•
21
autrement le problème des méthodes d'interprétation. On peut.
en effet, envisager une distinction à la fois plus générale et
moins ambiguë. C'est ainsi que nous distinguons deux méthodes
de lecture des dialogues:
l'interprétation externe (43bis) et
l'exégèse interne. L'exégèse interne est la méthode qui privilé-
gie la rationalité,
la structure et l'enseignement doctrinal
propres au texte commenté. Elle fait principalement appel aux
ressources internes du texte pour en dégager le sens et la
portée. Cette méthode d'interprétation est centrée sur le texte
et sur ses dires explicites. Elle prend tout à fait au sérieux
les déclarations et les intentions avouées de l'auteur et ne le
soupçonne jamais de penser autre chose que ce qu'il dit. Il
s'agit, si l'on peut dire, d'un mode de lecture légitimiste
(44).
§ Il.
Aussi bien. en règle générale,
faisons-nous
abstraction du contexte historique sans toutefois lui dénier son
(43bis) Nous ne nous occuperons pas ici de définir l'èxégèse
externe.
(44) cf. D. 5amb, Le Précepte Unificateur dans les premiers
dialogues de Platon. Les différentes étapes de son élaboration
et le destin final de l'enquête. Université de Dakar.
1981.
p.8.
" . . - - - - - - - - . - - - - -...............-----~-_J
22
légitime intérêt. Car nous ne sommes pas à la recherche d'une
vérité historique qui,
dans un scénario tout à fait hégélien,
ne ferait qu'emprunter la plume de Platon pour advenir -
et
s'exhiber -
sur une scène préalablement aménagée.
Il s'agit,
bien plutôt,
de découvrir et d'énoncer la vérité du texte, sup-
posée être celle de Platon.
La possible inactualité (44bis)
d'une telle vérité ne disqualifierait pas pour autant sa perti-
nence dans le contexte où elle s'élabore. Naive ou sophistiquée,
vraie ou fausse,
cette "vérité" doit être reconnue et prise
pour ce qu'elle est:
l'intime conviction de Platon, c'est-à-
dire ce qu'il reconnaissait comme vrai.
Nous ne disqualifiero~~
de ce fait,
aucune thèse platonicienne pour cause d'inactualité.
Suivant en cela une indication particulièrement pertinente de
Goldschmidt ( § 4),
nous n'organiserons
pas une sorte de conspi-
ration du silence sur les prétendues inactualités de Platon.
§
12. On voit en quoi l'exégèse interne,
telle
que nous la pratiquerons,
admet, au moins à titre de possibilité
théoriquement fiable,
une sorte de hiatus entre ce qui serai:
baptisé "vérité historique l1 et ce qui,
moins ambitieusel!lentJserai~
la vérité personnelle de Platon, matérialisée dans la vérité du
texte,
telle que la reconstruit l'exégèse interne. en n'inter-
(44bis) Nous sommes tout à fait d'accord avec Heidegger sur :a
radicale inactualité de la Philosophie. Cf.
Introductio~ à :a
métaphysique, Gallimard,
1 9 6 7 2 , pp.
20 - 2 l
(Traduit ;:: a r:; i 1 be :-t
Kahn).
23
prétera donc pas la vérité de Platon par sa psychologie, pers-
pective courante et banale qui fait des doctrines platoniciennes
une simple traduction de ses expériences personnelles, ou un
reflet de son vécu (45). La philosophie de Platon n'est pas en
rapport nécessaire avec son propre véc~même s'il peut y avoir,
selon le cas considéré,
interférence plus ou moins repérable.
Quo~qU'il en soit, la lecture interne n'est pas, en son essence,
de type déterministe. Bien au contraire, elle présuppose une
relative autonomie de l'exercice philosophique et,
en général,
de la vie des idées. Cette autonomie est sinon créée, du moins
singulièrement renforcéeApar deux facteurs auxquels on ne prend
pas assez garde. Il y a tout d'abord une logique propre du lan-
gage (46) qui peut être, contradictoirement, une force d'inertie
ou une force d'entrainement pour la réflexion philosophique. Les
catégories langagières vont très souvent ou en deça ou au delà
de notre pensée réelle. Elles se présentent à nous déjà chargées
d'un certain capital épistémique ou gnosique qui,
inévitablement,
informe notre pensée à notre insu. D'autre part,
il y a ce que
nous appellerions la dialectique propre des questions philoso-
phiques, qui, à l'instar des catégories du langage,
s'impose à
la réflexion et lui intime telle direction plutôt que telle
(45) cf. Par ex. Brès in La P.P.,
p.ll et passim.
3
(46) cf. V. Goldschmidt,Essai sur le Cratyle, Paris, Vrin 1981
,J
Se reporter à sa lumineuse Introduction historique,pp.5-35.
')l:;.
24
autre.
Il est,
par conséquent, légitime de supposer au texte
philosophique une relative indépendance et,
sur cette base,
de
recourir à une èxégèse interne.
§
13.
Notre choix en faveur de l'exégèse interne
n'est pas innocent.
Il est lié à la représentation que nous nous
faisons du cheminement philosophique dans les dialogues du
premier platonisme où, méthode de recherche et procédé d'expo-
sition se mêlent dans un même mouvement. Le dialogue a son éco-
nomie propre et s ' i l n'est pas écrit à la manière d'un manuel
(§ 1),
il a une
wcomposition qui
est loin d'être arbitraire et
dont la structure,
les
procédés et les démarches,
sont révé1a-
teurs des intentions
W
(47)
de Platon. Le commentateur, qui
subvertirait cette structure et les procédés qui lui sont soli-
daires,
s'expos~rait au risque d'une ineffable trahison d'un
enseignement déjà difficile à assimiler. C'est pourquoi, dans
ce travail,
nous suivrons le plan e~ les démarches propres de
notre dialogue car
w • • •
si
l'on essaie de suivre
jusqu'au bout
leur intention,
selon une voie,
non plus certes,
philologique,
mais
technique
(pour reprendre le terme de M.
Weber),
c'est-à-
dire selon leur
propre méthode,
ils
finissent
quelquefois par
accorder une rencontre
(48),
où l'on se sait par évidence,
en
face
de la vérité de l'auteur,
et non plus
de
ses
propres
(47) Nous reprenons ici notre thèse déjà citée,
cf.
p.
57-58.
(48) Les soulignés sont dans le texte original.
-----------
----------------------_._....-
illusions. "(49).
§ 14.
Il n'est ni souhaitable ni même possible de
"faire abstraction de la volonté doctrinale"(50) de Platon,
" car c'est de ses vues qu'il s'agit et non des nôtres"
(51).
De même qu'en tant que modernes nous n'empruntons pas nos préoc-
cupations à Platon,
nous ne devons pas lui prêter les nôtres.
Il s'agit avant tout de s'appliquer à comprendre et de refuser le
ton inquisitorial du censeur.
"Car si pour des raisons aisées
à
1
admettre,
le commentateur doit soumettre sa sympathie à l'exigen-
ce de l'intelligibilité du texte interprété,
i l est intolérable
qu'il
la mesure à sa proximité doctrinale."
(52). C'est pour-
quoi l'oeuvre doit être prise pour ce qu'elle est:
une entre-
prise irréductible dont on aura toujours,
présentes à l'esprit,
Ses conditions de lieu et de temps.
"Ainsi,
on peut poser à
l'oeuvre ses propres questions,
en pleine conscience de ses
propres réalités langagières;
car une doctrine ne se comprend
jamais que dans son
"jeu de langage"
." (53).
§ 14. Notre option est donc claire.
Il s'agit pour
nous d'être partie prenante et acteur dans ce jeu qu'est tout
(49) cf. V. Goldschmidt, La R.P.
p.
263;
nous avons déjà cité
ce passage dans notre thèse de l'E.P.H.E.
p.58.
(50) Expression de M. Hadot (P) citée dans notre thèse,
p.58.
(51) Ibidem p.S8
(52) Ibidem p.59
(53) lb,
p.S9
dia log u e (§§ 3; 1 6 ; 1 7 7 ). No use n t r e r 0 n s dan s 1 a log i que i n ter ne
de l'Euthyphron (§§ 277sqq) pour la prendre pleinement en charge
et, au besoin, la mettre en lumière et la formaliser davantage)
mais en ayant le souci constant de respecter la direction stra-
tégique où il s'engage. La tâche du commentateur n'est pas, en
effet, de dire autre chose que le texte,
pas plus qu'elle n'est
de le répéter -
souvent mal. Entre la banalité (54) d'une répé-
tition lassante,
qui s'épuise dans le confort d'une paraphrase
sans ambition, et la vacuité d'un "dire-autre-chose" que le
texte,
qui le mue en un illisible palimpseste,
il y a la pers-
~
u
pective de la mise à jour du dire_plus du texte,
en quoi consis-
te l'ambition suprême de l'exégèse interne, dont nous avouerons
qU'ici
W
elle est
faite
d'une
discrète
complicité et d'une acti-
J
ve sympathie. w (55)
§ 15.
Nous n'oublions pas que l'herméneutique tient
à la fois de l'art et de la technique, et peut-être davantage
du premier que de la seconde. Aussi bien wNo application of
scho1ar1y technique enab1es
the reader
to extract
from
the
(54) Toutefois, Goldschmidt a raison d'écrire que
" ••• la bana-
l i t é en matière
d'exégèse est
toujours préférable à l'arbitraire"
in La R.P., Loc. cit, p.
196. Nous nous contentons de reprendre
dans ces passages, avec quelques modificatio~s mineures,
les
positions de notre thèse précédente.
(55) E.T.A.P.
p.61
27
Dialogues a
concentrate which can be disti11ed into a speci-
w
fic
essence.
(56). Il n'y a pas de préceptes dogmatiques en
lesquels s'exprimeraient les doctrines platoniciennes. L'inter-
prétation de Platon est une expérience personnelle et même,
en
un sens, une aventure. Quiconque refuse cet engagement personnel
dans l'aventure des dialogues risque d'amoindrir considérable-
ment ses chances de pénétrer leur divin secret. Car
"The best
interpretation
will
be that
which enab1es other readers
to
experience more deep1y and more comp1ete1y the message of their
author.
It
will
enab1e the reader
to merge his person,a1ity
with P1ato's centre to centre,
and to envisage 1ife,
modern as
we11 as ancient,
with P1ato's eyes and with
P1ato's insight.·
(57)
Par conséquent, si elle est toujours requise.
la seule référence
à la lettre du texte est insuffisante "car on ne se borne pas,
bien entendu,
à la lettre des textes, mais l'intelligence
travaille sur eux.
et c'est le sens de cette oeuvre, la pensée
et l'~me de cet homme, jusqu'où l'on prétend atteindre. W(58)
§ 16. Cependant.
si l'exégèse relève davantage de
l'art ( § 15) (59). elle n'en suppose pas moins. en tant qu'elle
s'apparente aussi à la technique.
la mise en oeuvre conséquente
(56) Lodge (R.C) The P.P.
p.VII.
(57) Ibid.
p.VII.
(58) Th. Deman. Socrate et Jésus.
Paris, MCMXLIV,
p.30~
(59) cf aussi Lodge. ibid.
p.VII.
de certains principes bien spécifiés. L'expérience de la pratique
des dialogues du premier platonisme et l'option pour la méthode
de l'exégèse interne (§ 14) nous ont conduit à dégager cinq
principes essentiels qui guident notre lecture de ces textes.
Ces principes considérés ensemble/et non pas envisagés individuel-
lement, sont solidaires de la méthode d'exégèse interne. Il
s'agit, en premier lieu, du principe d'autonomie de chaque
dialogue (60).
Chaque dialogue est considéré comme une unité
textuelle relativement homogène dont la structure et l'économie
propre,
loin d'être arbitraires, obéissent aux exigences d'une
orientation doctrinale et méthodologique déterminée. Le dialogue
possède ainsi sa propre logique interne (61) dans quoi s'exprime
(60) cf. notre E.T.A.P.
p.62; L. Parmentier, La chronologie des
dialogues de Platon in Bulletins de l'Académie Royale de
Belgique, classe des Lettres, Bruxelles, 1913:
wUn
dialogue
de
Platon
est
un tout complet,
un organisme vivant ••• wp .1S1;
cf.
aussi Phèdre 264c, Socrate déclare à Phèdre: n Eh bien,
tu
avoueras du moins,
je pense,
qu'un
discours
doit
être consti-
tué comme un ê~re vivant, avec un corps qui lui soit propre,
une
tête et des
pieds,
un milieu et des extrémités,toutes par-
w
ties
bien
proportionnées entre elles et avec l'ensemble.
(61) Gorgias, SOSd.
"la cohérence de ses intentions" (62).
Aussi bien le dialogue
présente-t-il presque toujours une certaine résistance face à
la tentati9n
du commentateur imprudent de le couler dans le
moule des systèmes modernes. Cette résistance ne peut être
vaincue,
ou à tout le moins contournée,
que si, reconnaissant le
principe d'autonomie du dialogue,
on en adopte du coup les
règles d'effectuation. Si les dialogues sont des jeux ( §14),
il faut entrer dans le jeu et par conséquent, en respecter les
principes. De ce fait,
chaque dialogue peut et, d'une certaine
manière, doit être étudié en lui-même comme structure, et pour
lui-même, comme contenu. "L'histoire, extérieure au texte. le
hors-texte,
comme on dit aujourd'hui.
pour utile qu'elle puisse
être à sa compréhension,
n'est donc
pas ce qui en commande au
premier chef l'intelligibilité." (63).
C'est pourquoi nous ne
jugerons pas ici du caractère platonicien ou non des déma~ches
ou des thèmes en rapport avec des considérations historiques (64),
(62) Nous empruntons cette expression à J. Bernhardt in Platon
et le matérialisme ancien, Paris, Payot,
1971,
p.10. Concernant
Platon, nous dirons que la cohérence de l'intention importe
bien plus que celle de la lettre.
(63) cf. E.T.A.P.
p. 62.
(64) L'exégèse interne,
rapp~lons-Ie, ne récuse pas les facteurs
historiques
- elle leur reconnait même un intérêt légitime (§ Il)
- mais comme hypothèse de
travail.
elle se contente de les
déclarer non déterminants (§ 12) et secondaires. En somme,
elle
privilégie les facteurs proprement intellectuels et individuels:
10
mbJ~ bien, du moins en priorité, en rapport avec leS in~entions
. . . avouées de Platon.
§ 17.
Mais si chaque dialogue constitue une
"entité
l:extuelle relativement
homogène"
(§ 16),
aucun dialogue
(65)
n'est,
de ce fait,
isolé dans le corpus platonicum.
Sur le plan
lhématique,
on ne peut contester sérieusement que,
dans l'espace
des premiers dialogues,
l'enquête s'articule autour de la recher·
,
1
(he des"
choses les plus importantes"
( Ta ~E:Y10Ta )
(66),
les
vertus ou les valeurs comme nous dirions aujourd'hui. Circula-
1 ion
des thèmes et circulation des questionnements sont la vie
même des dialogues.
On (67)
a eu raison de comparer l'ensemble
(64) suite.
d'une conception minorative de l'hi&toire dans
l'~xplication d'un texte philosophique à la néagtiOn de son
Inlerférence,
il Y a une certaine distance que notre méthode ne
franchit pas,
comme on pourra s'en convaincre par le statut
le~timonial reconnu à l'histoire au long de ces pages ( §§26n3;
52 n144;
228 n36;
246 sqq).
J . Ù
iCI
"",~
p-\\ cw, "";
l>~\\i;)........
'<.À.
<;',NJ
1",
J
' \\
s'opposent aux E:ÀaXloTa qui son t
les -II ëh 0 ses
les plus petites" c'est-à-dire les questions mondaines
( par
l'X:
santé,
richesse etc •••
bref les biens du corps). Sur les
1
Ill:: Ylat a,
ons e r e par ter a à no t r e con c lus ion g é n é ra 1 e .
(h7)
cf. J.
Bernhardt,
ibid,
p.l3.
1
6eS dialogues
à une serte de Grand Dialogue en lequel ceux-ci
se rêsoudraient.
Si ceLle id~e ne conduit pas à rechercher un
hYPothétique système (68)
dans les dialogues,
elle peut être
(68) On pensera à Kant pour qui un auteur peut être entrainé
à penser contre ses propres
vues,
c'est-à-dire contre son sys-
lème.
cf. Critigue de la Raison Pure,
Deuxième Division,
LI,
Sect.
l,
Traduction de J.
Borni revue par P.
Archambault et
présentée par B.
Rousset,
Paris,
G.F.,
1967,
p.137. Cependant,
cette position remonte~~~
à ArlStote lui-même qui distinguait
entre ce que les philosophes
veulent exprimer consciemment
( ~o6À(a8al ) et ce qu'ils articulent ( ôlap8poùv ), c~ par
exemple Métaphysigue B,
6,
1002b 27-28;
Gen.
et Corrup.
1,
l,
J14a13,oG il
prétend que
"Anaxagore
n'a
pas
compris ses
propres
paroles
.•• "ou encore M~t. l, 4, 3 où il déclare qu'Empédocle
--
)
"/u;gayait sa pensée".
La plupart de ces textes sont rappelés
1\\ LI Il s
l a t h ès e de ven u e c las s i que de M.
Au ben que,
0 p.
ci t.
p.
78-
70,
qui renvoie d'ailleurs â
un article de Brunschwigc sur la
technique des antinomies kantiennes
in R~vue d'histoire de la
IJltilosophie,
1928,
p.
ï'J.;
cf.aussi
Brès,
loc cit,
p.
154 n7 qui
(onvoque le texte précité d)Aubenque.
Au sujet d'Aristote,
il
rsl honnête de rappeler que Cherniss
(
;~
Aristotle's criticism
~l l heP r e soc rat i cs) a sou l e n u que c' est plu tôt RriS t 0 t e qui
d('forme la pensée des présocratiques
(sur le cas de Ana·Jl.o'$~1.~
Il il r e xe mpIe,
cf.
p.
3 5 4 (1 9 3.5)
);
sur 1 a
thé 0 rie qui fa i t
d u
système la visée de
tO'lle
phi l.osophie,
cf.
Collingwood, !!!.
spécialement féconde
pour l'herméneutique platonicienne, à
condition que l'unité du platonisme soit pensée moins comme
celle d'une réponse que comme celle d'un questionnement et d'un
problème. C'est précisément pourquoi nous appelons ce second prin-
cipe:
principe d'unité problématique des
dialogues.
Ainsi,
tous
les autres dialogues peuvent,
en vertu de cette unité probléma-
tique (69), apporter un éclairage potentiel à l'interprétation
(68) suite.
essay on philosophical method,
New-York,
1933.
Pour
une bonne critique de cette notion en ce qui concerne le plato-
nisme.,
cf.
V.
Descombes in ~L~e~P~I~a_t_o~n_i_s~m~eioù sont critiquées la
notion de système et la démarche kantienne.
p.2l sqq;
cf. aussi
o. Reverdin in La Religion de la Cité platonicienne, Paris, De
Broccard,
1945,
p.24:
"Ce serait
pure
vanité que de
prétendre
réduire
la
pensée
de
Platon
à un simple système philosophique.
PouR qui
l'embrasse
d'un
seul
regard à
travers
l'ensemble des
dialogues,
elle
apparaît
singulièrement
diverse
et
mouvante."
(69) Nous nous séparons du second
principe de Grote par le fait
que,
s ' i l envisage bien l'autonomie de chaque dialogue,
il consi-
dère que
celui-ci n'est pas nécessairement en relation avec le
corpus platonicum:
" Each represents
the
intellectual
scope and
impulse of a
peculiar moment.
which
may or may not
be
in
harmo-
ny with
the
rest."
cf. Grote,
loc.
cit.,
p.
XI.
Pour autant
qu'il s'agisse de l'aspect thématique et méthodologique des
premiers dialogues,
on ne peut accepter la dernière proposition
de Grote. Tout le sens de notre travail sur le premier platonisme
A~ chaque dialogue particulier. L'application constante et
vigilante du
principe d'autonomie empêchera de sombrer dans
la tentation de substituer les dialogues-témoins au dialogue
~alysé (70). Ainsi grâce à la combinaison du principe d'auto-
nomie et du principe d'unité problématique des dialogues,
le
commentateur peut satisfaire à la double exigence de l'hermé-
ne utique platonicienne,
à savoir l'analyse particuli~re et
l'étude systémique (des dialogues).
§
18.
Si les dialogues
peuvent s'éclairer les
uns
les autres,
ce n'est pas seulement en vertu de l'unité
problématique des dialogues
( § 17),
c'est aussi en vertu de la
responsabilité philosophique qu'assume Platon en les signant.
l'Jaton est responsable
(71),
et lui seul,
de
toute Son oeuvre.
Nous ne voyons pas,
par conséquent,
dans
les premiers dialogues
l'expression d'une quelconque "doctrine socratique",
concept
il lusaire
qui ne signifie plus rien de bien précis à force de
1 rop
dire
(72).
Platon est comptable,
bien sOr,
de ses cohéren-
-----------------
(1'9)
suite.
est précisément de démontrer l'identité de son éco-
llomie générale et sa spécificité comme
travail
philosophique.
(/0)
L'utilité du parallélLsme est ainsi sauvegardée dans les
1 imites
qui en préservent
la rigueur.
(71)
Sur cet important principe de
la responsabilité, cf.P.
Aubenque,
l'bl"d
I l
em,
p.
•
(72) Pour la question socratique,
cf.
V.M.
Vilhena,
Le probl~me
_
d~ S
_
ocrate,
Le Socrate
historique et le Socrate de Platon,
ces et de ses avancées théoriques,
mais i l l'est aussi,
le cas
échéant,
de ses contradictions et de ses hésitations.
wEn consé-
quence,
on
ne
cherchera nullement à
sauver
une
illusoire cohé-
rence doctrinale au
priX
de
la
trahison
d'une
intention
philo-
sophique inquiète
par nature et
questionneuse
par
vocation. w (73
Le corollaire du
principe de
responsabilité est que la doctrine
des dialogues doit être comprise pour elle-même,
indépendamment
de toute considération extérieure et de
toute appréciation sur
sa valeur
philosophique.
Car
l'interpr~te doit d'abord compren-
ùre avant de
juger. Ce serait alors une erreur de subvertir la
pensée de Platon
pour la rendre plus recevable pour les modernes
ou de la compliquer à souhait en espérant en relever le niveau
théorique.
Ces démarches,
si elles peuvent beaucoup nous appren-
dre sur leurs auteurs,
nous désapprendront
bien
plus sQrement à
lire Platon,
c'est-à-dire finalement à mesurer sa différence
tout en assumant la natre.
Aussi bien,
ne surprendrons-nous
nullement en déclarant que
notre ambition,
presque folle,
est
(j'tnterpréter
les dialogues comme aurait pu le faire,
mettons
un Théétète
ou un Charmide.
§ 19.
Notre quatrième
règle d'interprétation,
le
(72)
suite.
Paris,
P.U.F.,
1952;
Socrate et la légende platoni .
.s:...i e n ne, Par i s, P. U • F ., 1 9 5 2; Gu t h rie ( W• C . K .) Soc rat es, Cam b r i
dge University
Press,
1971.
(73)
cf. E.T.A.P.
p.
64.
,
d'économie,
est étroitement liée au contenu du prl'n-
.f.dE.c1pe
ripe de responsabilité.
En lui-m@me,
le principe d'économie est
tr~s simple. Il signifie qu'entre plusieurs interprétations
possibles d'un
texte,
nous choisirons,
en règle générale,
celle
qui nous paraît la plus simple et la plus naturelle dans le
~ontexte. Aujourd'hui, il semble que ce soit une tradition bien
établie,
dans la pratique herméneutique,
d'avoir recours
devant
t
certaines difficult~s, aux solutions les plus ingénieuses et aux
parallélismes les plus subtils.
Si cette pratique révèle bien
souvent,
de la part de ses auteurs
une érudition tout à fait
t
pxceptionnelle et admirable,
elle ne
témoigne pas
toujours,
malheureusement
de leur aptitude particulière à pénétrer dans
t
l'univers à la fois
si proche et si lointain de la pensée de
!'[aton. C'est que l'érudition
si nécessaire dans
toute exé-
t
xèse,
n'est toutefois pas
la qualité première de l'interprète
ri Il
l- e x t e
d e Pla ton.
L' i n ter p r è te,
e nef f et,
d 0 i t
-
d é 1 ais san t
:; (' S
pro pre s hab i tu des de
pen sée
et ses catégories usuelles -
,Iltopter celles de Platon,
s'y soumettre et,
ainsi,
s'efforcer
dl' redécouvrir le sens obvie (73 bis)
du
texte.
A chaque fois
que le sens obvie ct' un texte est le plus compatible avec le
(Ulllexle,
il n'y a pas lieu d'aller à
la recherche d'un illu-
:.; () ire Sen s 0 b 1 i que.
Lad 0 cil i té,
c 0 mme 1 e s u g g ère un pas sa g e
dll
Sophiste à
propos de l'interlocuteur,
sera dans ces condi-
l iuns,
la qualité première de l'interprète.
Le principe d'éco-
Ilumie oblige à une confrontation avec
le
texte réel de Platon,
el
non pas avec un texte
imaginaire
produit de la subversion
t
------------
(73
bi,",j
S
~/
ans doute obvie
pour Platon,
le sens ne l'est plus
Yra'
<Lment pour nous.
du Lummentateur.
Grâce au principe d'économie,
nous retrouvons
18
joie de découvrir un texte entièrement pris au sérieux et
considéré comme philosophiquement mâture.
§ 20.
Cette maturité philosophique fonde l'exis-
tence de ce que nous appellerons,
faute de mieux,
coefficient
doctrinal. Ce principe,
dont l'Objectif propre est de tenter
de dégager
l'orientation de l'enseignement doctrinal du dialogue,
prend naturellement le contre pied du commentarisme tradition-
nel
qui ne veut
pas entendre parler de doctrine
(74) à propos
du premier
platonisme.
A l'opposite des interprètes tradition-
nets,
nous considérons que les premiers dialogues sont loin
d'être de simples exercices méthodologiques et qu'ils recèlent
un enseignement doctrinal que l'exégèse a pour fonction de
rêvêler et d'exposer clairement.
L'éminent platonisant français,
M • Joseph Moreau,
l'a parfaitement compris:
"La
lecture
atten-
(74)
Alfred Croiset,
un des éditeurs attitrés des premiers
(1 i a [ a g II e sen Fra n ce,
t r 0 uv e 1 e m0 yen d' é cri r e à
pro po s d u
LilChès:
If
Ouelle
est
donc
la
signification du
dialogue?
Il
est
,
~vident que nous avons ici une simple exposition de methode,
"/.
que cette exposition se
suffit
à elle-même,
quelle que soit
1~ forme de conclusion provisOire oJ elle aboutit." cf. Oeuvres
2
(omplètes de Platon,
Paris,
Les Belles Lettres, 1.2,
1972
,
p.8:
Concernant le Lachès,
personne,
parmi les interprètes récents,
ne tient plus ce genre de propos.
(cf. §51 n.142).
rive des
dialogues,
l'interprétation
précise
des
suggestions
qu'ilS renferment,
conditionnée par
une
réflexion
directe sur
les problèmes
qu'ils agitent,
doit
donc
aboutir à en dégager
un enseignement
positif,
dissimulé
à maint lecteur par le cli-
quetis de
la
discussion."
(75).
Pour identifier l'enseignement
positif (ou doctrinal),
on a proposé
un critère dont on ne
•
10\\
saurait contester ralso~ab1ement la pertinence. Heidel l'a
formulé avec beaucoup de précision:
" In determining
the
positive doctrine
wich
Plato
desired
the
reader
to infer from
the argument
of any
dialogue,
we must
take
for
our point of
departure
the
positions
taken
and
l e f t
finally
unrefuted."
(76)
Toutefois,
pour pertinent qu'il soit,
ce critère ne saurait ~tre
regardé dans
l'absolu. Car une position,
valable en droit,
peut
~tre r~futée dans le mouvement d'un dialogue particulier, pour
des raisons d'opportunité dialectique (77).
Inversement,
une
(75) La Construction de l'Idéalisme Platonicien, édition G.
O.V.
2
lIildesheim,
1967
,
p.
16.
(76) cf. W.A.
Heidel, On Plato's Euthyphro in Transactions and
l'roceedings of the American Phi1010gical Association,
1900,
vol
XXI,
pp.
163-181.
(...
(77) Par exemple,
la critique du Tà EUUTOU rrpuTTE1V dans l'A1ci-
~ade (127b7 sq.) et dans le Charmide (161b2 - 164c5))qui est
cependant retenu comme définition de la justice dans République
[V
(433al - 434c7).
cf.
E.T.A.P.,
p.219 nl14.
position principiellement fausse,
peut-être soutenue au long
d'une discussion dialectique dans la mesure où elle favorise
l'établissement d'une conclusion juste (78). Ainsi,
l'identifi-
cation du coefficient doctrinal,c'est-à-dire des thèses dans
lesquelles s'exprime l'orientation de l'enseignement doctrinal )
suppose le recours simultané au principe de l'unité probléma-
tique des dialogues (§ 17). En effet,
une thèse ayant un car ac-
tère doctrinal do\\t satisfaire à trois critères: 1) elle ne doit
C
pas être posée à titre élenfique dans le dialogue où elle inter-
vient (79);
2) elle doit y être constante (80);
3) elle ne doit
(78) cf. Le ~P~r~o~t~a~g~o~r~a=s 335b sqq,où Socrate procède à une assi-
milation bien=plaisir uniquement pour les besoins de sa démons-
tration sur la nature scientifique du courage.
(79) Par exemple,
justement,
la thèse du bien-plaisir est posée
c
à titre éle~tique dans le Protagoras (§ 20 n75). Parmi les
nombreuses études sur le Protagoras qui abordent ce sujet,
signa-
Ions: John Cronquist, The point of the Hedonism in Plato's
Protagoras,
in
Prudentia,
XII,
2,
1980, p.63 sqq; Hackforth,
Hedonism in Plato's Protagoras, C.Q.,
XXI,
January 1928,
pp.
39-42,
et en particulier p.40:
"The
puzzle of
the
dialogue
is
that
Socrate is made
to propound a Hedonistic ethical theory.
which
appears
to be not merely contradictory of the views attributed
to him in any other dialogue.
but
inconsistent
with
the whole
attitude and spirit
of the man as
we know him
from
Plato's
portrait." Pour lever ce qu'il croit être une contradiction
39
être contredite dans aucun autre dialogue (81) du premier
platonisme.
§
21. Tels sont donc les principes herméneutiques
fondamentaux que nous nous efforcerons d'appliquer,
avec rigueur
et souplesse, à l'étuDe du Précepte Unificateur dans les Premiers
Dialogues de Platon en général et,
plus particulièrement, au
commentaire exhaustif de l'Euthyphron)qui constitue le thème
central de ce travail en même temps que l'illustration privilé-
giée de l'inspiration méthodologique qui le fonde.
Le plan de
notre étude est nettement dessiné.
Il s'organise autour de
deux grandes articulations:
d'une part "Le Précepte Unificateur
(79) suite. et accorder le Protagoras avec les autres dialogues,
Hackforth pense que le seul moyen est de dire que: "the greatest
balance of pleasure does,
in
fact,
always
coincide with the
moral good. "(idem);
Sullivan (J.P.), The Hedonism in Plato's
Protagoras, Phronesis,
1961,pp.10-28. Ajoutons à cette brève
bibliographie l'interessante édition du Protagoras de Taylor,
Clarendon Press, Oxford,
1976.
(80) Par exemple,
la thèse de la piété comme aspect du Juste
qui est présente dans l'Euthyphron (11e4 sqq) est constante
au niveau qui est le sien (discours 1: §§
493; 494).
(81) Elle ( cf.
§ 21 n80)
n'est pas contredite jusqu'aux Lois.
40
dans les Premiers Dialogues de Platon" et, d'autre part,
"l'Euthyphron: structure et contenu philosophiquei." Dans la
première partie ( §§.24-211),
nous étudierons successivement,
l'Appel du Pr~cepte Unificateur (A.P.U.), l'Exigence du Précepte
Unificateur (E.P.U) et le Destin Final du P.U.
(D.P.U.) dans
les Dialogues ultérieurs. Cette première partie a une double
fonction essentielle: tracer la structure générale des Premiers
Dialogues et fixer les grandes lignes de leur orientation théma-
tique et doctrinale. La seconde partie
- la principale -
s'occupera de l'analyse détaillée et du commentaire suivi de
l'Euthyphron. L'étude de l'Euthyphron n'aura donc pas seulement
un caractère exemplatif, mais revêtira également une valeur
exemplaire. Nous avons déjà indiqué ( §13) la démarche de notre
commentaire qui épouse le plan de l'Euthyphron pour des raisons
d'ordre philosophique et méthodologique (§ 13). Mais,
bien
entendu, comme d'ailleurs pour la première partie;à la fin de
chaque grande section, un chapitre invariablement intitVlé
"résultats de l'enquête"
viendra proposer une synthèse partiel-
le,
qui reposera du commentaire suivi en ce qu'il peut avoir
d'apparemment linéaire. Les différentes synthèses partielles
serviront, naturellement, à la confection du bilan d'ensemble
des enquêtes et à énoncer l'interprétation systémique du dialo-
gue. Le lecteur constatera aussi que chaque grande section est
L
"~
précédée d'un "Argument".
a fonction de cet Argument est inva-
riable: elle consiste à "problématiser" (82),
comme on dirait
(82) On nous Pçlrdonnera ce néologisme) qui appartient dt ailleurs
davantage au langage oral •
aujourd'hui,
les éléments centraux de l'enquête, mais n'anticipe
jamais sur son résultat
bien qu'il en indique souvent l'ho-
rizon.
§ 22.
Ainsi,
le lecteur se trouve en face de trois,
voire de quatre textes:
1) celui des arguments,
qui lui permet de percevoir ce
qui est en questionj
2) celui de l'analyse proprement interne des dialogues)
et principalement de l'Euthyphron,
qui lui révèle,
par une ana-
lyse fine et suivie,
l'organisation et l'exécution,
dans le
détail,
du mouvement et du progrès du débat dialectique. Aucune
interprétation d'ensemble,
à vocation scientifique, ne peut se
passer de cette étude de détail)
3) celui des résultats de l'enquête,
qui énonce, sous
une forme synoptique, ce qui tient lieu d'orientation doctrinale·}
4) celui des ~ot(~, enfin,
qui assure -
constamment -
l'ouverture vers d'autres interprétations,
convoque,
au besoin,
le témoignage du hors-texte,
et exhibe,
à chaque pas,
les réfé-
rences des textes qui ponctuent l'analyse.
§
23.
L'organisation du texte)telle qu'elle est
définie et exécutée~permet au lecteur pressé de se contenter
de la seule lecture des textes l
("Arguments") et III ("Résul-
tats") sans,
pour autant,
se priver de la connaissance de
l'essentiel des analyses de détail.
Car la numérotation systé-
matique des paragraphes,
qui constituent les unités textuelles
42
fondamentales,
autorise à recourir à des renvois constants d'un
paragraphe à l'autre dans le corps même du texte. Ces renvois
permettent, le cas échéant,
de consulter telle analyse détaillée
nécessaire à une meilleure compréhension de tel résultat de
l'enquête, soit partiel, soit synoptique, ou encore de confron-
ter diverses étapes de l'analyse, d'anticiper sur la progression
du commentaire, ou enfin)d'en mesurer et d'en comparer les diffé-
rents niveaux et ainsi,
d'en apprécier, éventuellement, la cohé-
rence et la rigueur mais,
peut-être aussi,
les défaillances.
(82 bis).
(82 bis) On conviendra d'ores et déjà que toutes les défaillances
seront les nôtres,
et non celles de Platon.
43
11)h,o
,,~ ô' CI
,
,
.~
lKE yap
'1
of yonTEUE1V naVTa
(/
J
-
ooa anaVTC}.
République
IV, 413c4-S.
44
PRE MIE R E
PAR T l E
LE
PRECEPTE
UNIFICATEUR
DANS
LES
PREMIERS
DIALOGUES
DE
PLATON
45
l.
L'APPEL du Précepte Unificateur
(A.P.U.)
Argument
§ 24. Ce que l'interprétation traditionnelle bap-
tise tout uniment "définition"
ne recoupe que partiellement,
en son aspect formel précisément, le Précepte unificateur (P.U.).
Ce domaine d'intersection est le lieu où s'élabore et s'énonce
l'A.P.U. L'A.P.U. a une fonctioh pédagogique de premier plan car
son objectif spécifique est de porter l'interlocuteur à avoir
recours à la Structure Définitionnelle (ou Forme Définitionnelle).
A ce stade,
la question de la vérité en tant que telle ne se pose
pas. L'unique souci de l'heuristique socratique (§F:J 107;
114) est
d'amener son interlocuteur à assimiler et à produire une ratio-
nalité discursive minimale (g 75) en s'exprimant sous un mode
unifié (g 173) et intelligible. Cette rationalité discursive
minimale est produite dès lors que l'A.P.U.
est entendu. Précisé-
~)e:l(ri""'(.
ment son audition1par l'inscription de la réponse dans la
Structure Définitionnelle (SD) ou Forme Définitionnelle (FD).
, - - - - - ----------------- --"--- ------- .
40
Bien entendu,
il s'agit ici de la réponse à la question "Qu'est-
ce que"? -
question du PU.
§ 24 bis.
L'expérience des dialogues révèle que la
réponse à la question du PU n'est pas simple.
En fait
la premie-
re difficulté porte sur l'intelligibilité même de la question.
Car la question recèle une double ambiguité.
Grammaticale d'a-
,
J
"
,
bord.
La question Tl
EOTl
TO
KaÀov
(§§ 30- 42)
peut signifier ou
bien" qu'est-ce qui est beau?" et n'appeler qu'une réponse fac-
e l ,
tuelle,
par exemple 0 xouooJ-
EOTi
KaÀ6~. Il s'agit là de la
simple désignation d'un objet beau parmi d'autres.
Elle peut
aussi signifier "qu'est-ce que Le Beau?",
appelant non plus une
réponse factuelle consistant à indiquer un beau particulier,
mais
une réponse principielle)c'est-à-dire qui porte sur le beau en
général. Cela nous conduit à une seconde ambiguité,
disons idéo-
logique.
Sous un même libellé,
se profilent deux questions
mondaine et philosophique (§129).
Dès lors,
la tâche du philo-
sophe se dessine clairement:
discriminer les deux questions et
les hiérarchiser (§§58;
130;
136) et donc les désambiguiser.
§ 25.
Toutefois -
seconde difficulté -
cette désam-
biguisation ne se passe pas sans résistances)car de nombreux
obstacles se dressent sur le chemin de l'assimilation de la SD,
ou de l'audition de l'APU.
Ces obstacles vont du monde changeant
des images (§§ 73-76),
en passant par le monde mobile des opi_
nions (§§77-84)
jusqu'aux exigences usurpées des Pseudo-valeurs
(§§ 85-104). Ce n'est qu'à raison de vaincre toutes ces résis-
tances que le Dialogue atteint ce qui est son but propre,
à
savoir engager le débat philosophique,
le seul qui vaille d'être
mené.
On peut donc considérer que la mise en place correcte de
l'APU,
dans toutes ses déterminations,
constitue la condition de
possibilité du logos (§§ 124-128). Nous espérons qu'en lisant
attentivement cette première partie,
on s'apercevra que loin
d'appliquer aux Dialogues un schéma tout extérieur,
notre méthodt
permet,
grâce à une analyse fine et détaillée,
de mettre en
évidence leur structure profonde en rapport avec une préoccupa-
tion philosophique qui demeure fondamentale.
De même, on ne
manquera pas de remarquer combien le commentarisme s'est trom-
pé en négligeant l'intérêt et l'importance philosophiques du
Premier Platonisme.
D'ailleurs,
cette remarque apparaîtra plus
nette lorsque l'Exigence du PU sera abordée (§§ 137sqq).
A.
Le lancement de l'APU
1.
Hippias Majeur
(1)
§ 26.
Hippias n'est pas seulement beau et savant
(Ô KaÀ6J TE Kal oo~6J . .. ) (2), il est, à la différence des
(1) Les discussions sur l'authenticité de ce dialogue se pour-
suivent encore,
depuis qu'elle a été contestée par Horneffer
(in De Hippias maiore gui fertur Platonis, Gottingen 1895) et
Wilamowitz (ap. Croiset,
II,
p.3).
A leur suite,
Dorothy Tarrant
(Hippias Major attributed to Plato,
Cambridge,
1928) a été l'un
des adversaires les plus décidés de l'authenticité du dialogue,
notamment en soutenant la thèse selon laquelle l'Hippias montre
les difficultés qui procèdent de la théorie des Formes considé-
rées comme choses:
cf.
John Malcolm:
On the place of the Hippias
Major in the development of Plato's thought,
in
Archiv Für
Geschichte Der Philosophie 50,
1968,
p.
189,
n.3:
"I do not
believe anyone has dealt severely enough with Miss Tarrant's sug-
gestion
(The Hippias Major.
Cambridge.
1928.p.IXiii) that
writer
of the Hippia~ is exposing difficulties which ensue i f one
takes Forms to be things".Pour de toutes autres raisons,
J.
49
(1) suite. Moreau,
dans un article bien connu dans la R.E.G.,
LI V,
1 94 l,
pp. 1 9 - 4 2,
a pen c hé pou r
1 a t h è s e d e l ' i na u the n t i ci té.
Toutefois,
ce savant éminent récuse les vues de Horneffer mettant
en cause de prétendues maladresses de composition du Dialogue
( pp.
1 9 - 20 ) et,
au con t rai r e,
en sou 1 i g n e 1 a sol i dit é (p. 2 3 ) . De
plus,
J. Moreau ne met nullement en cause le caractère platoni-
cien de l'Hippias Majeur ( Le Platonisme de l'Hippias Majeur)
auquel il semble plutôt reprocher son excès de platonisme.
Tout
en partageant profondément la méthode subjective de ce grand maitreJ
qui relève de l'interprétation interne,
nous ne partageons pas
pour autant ses conclusions.
Sans entrer dans une discussion de
détail,
qui nous mènerait fort
loin,
disons que les témoignages
d'Aristote ne peuvent être évacués et qu'ils sont incontournables.
Lorsqu'Aristote,
académicien de la première heure,
cite un texte
de Platon,
son autorité ne saurait être raisonnablement ni sérieu-
sem en t
con tes t é e .
0 r, Ar i st 0 t e e i t e 0 u fa i t
a 11 us ion en plu sie urs
endroits à l'Hippias Majeur:
cf.
Topiques l,
S,
101b 5-6 et V, S,
135a 1\\ o~ il est question de la définition du beau par le conve-
nable (cf.
Hippias Majeur,
§§ 108;
110,113);
VI,
7,
146a 21-23,
où il renvoie à la définition du beau par ce qui est agréable à
la vue et à l'ouie (cf.
Hip.
Maj.
297e,
299c).
Commentant ces
passages,
Taylor
(P.M.W,
p.14) écrit avec raison:"As the
"athe-
tizers" have really nothing
to urge on the other side except
that
the dialogue is not
Plato at his best,
and
that
there are
unu-
sual
word
two
to be
found in
i t
(as
there are in Platonic
dia-
logues),
l
think
Aristoteles allusions
should decide
the
question of genuineness
favourably.
" . On ne s'étonnera donc
.)u
(1)
suite.
pas que
de
nombreux savants admettent
l'authenticité
de
l'Hippias.
G.M.
Grube a
consacré d'importants articles
à la
soutenir:
On
the Authenticity of
the Hippias Major,
in C. Q
20,
1926,
pp.134-148;
Plato's Theory of
Beauty,
in Monist
37,
1927
pp.
269-288.
Pour
une
liste significative des
partisans et
des
adversaires
de l'authenticité,
cf.
Hoerber:
Plato's Greater
Hippias,
Phronesis
IX,
2,
1964,
pp.
143-155.
(Notons,
en
passant,
que
ce savant est l'un
des
rares spécialistes
des Premiers
Dialogues dans
l'étude desquels i l fait
figure
de
pionnier).
Aujourd'hui,
la liste des
partisans de l'authenticité s'allonge.
Outre W.K.C.
Guthrie
(H.G.P.,
IV,
pp.
175-191),
d'autres
savants
se sont
prononcés
pour l'authenticité.
Citons,
entre autres:
David Sider:
Plato's Early Aesthetics:
The Hippias Major, \\~
The Journal of
Aesthetics and Art criticism,
XXXV,
4,
1977,
p.
465:
"This
piece
(
)
may be considered at
least
by
those
sympathetic
to i t ,
an indirect argument
for
i t s genuineness. W
John Malcolm,
ad
loc.
cit.
(supra)
p.
189;
enfin,
Paul Woodruff,
Phronesis XXIII,
1978,
pp.
101-114,
peut être
rangé
parmi les
tenants de
l'authenticité,
car malgré qU'il
en ait,
i l écrit:
"1 shall
argue
that
we may take
the Hippias
Major
as an
early
dialogue
without
being driven
to
the conclusion
that our Socra-
tes
did separate
the
forms."
(p.
102).
Il
reste
encore des
adver-
saires
résolus
de
l'authenticité:
par
ex,
Holger
Thesleff:
The
Date of
the
pseudo-platonic Hippias Major,
Arctos,
X,
1976,
pp.
105-117.
Enfin,
signalons que P.
Woodruff
vient
d'éditer à
-
-Ji.
anciens sages,
tels Pittacos, Bias (3), Thalès,
un homme public.
(1) suite.Oxford (1982) notre dialogue: Hippias Major, translated
with commentary.
(2) 281a1; sur ce passage, cf. D. Sider P.E.A.,ap J.A.,p.466.
(3)
281c; David Sider a consacré un intéressant article à ce pas-
sage dont il propose la correction, cf. The apolitical life: Plato,
Hippias Major 281c, A.C., XLVI,
1,
pp.
180-182, 1977. Il écrit:
"Apart
from
the passage under discussion,
there is no ancient
tes-
timony of any date
which
classes these
two
(i.e Pittacos et Bias -
D. Samb) with the notorious starga2ers 1ike Tha1es,
Pythagoras,
Anaxagoras etc ••• " (p.
182).En revanche,
des témoignages contraires
existent,
par exemple ap. D.L 1, 40; Cicéron, Dé resp. 1,
7, 12 et
Lysimaque signalant que Bias fut envoyé en ambassade à Samos:
,
c
...
,
,
: > ,
, ) ,
SlaJ 0 OO$oJ ElJ Lauov EX TIplnVnJ npEoSEuoaJ EUOOXlUnOE (cité par
Sider). D'autre part, le même Sider se demande:
"And who,
Plata,
an Academic,
or Hippias,
cou1d every say that
Pittacus,
the
tyrant
of Myti1ene,
was not
po1itica1?"(182).
De toute façon, avec sa
prodigieuse mémoire, Hippias n'aurait pas pu oublier ce "détail".
D'où,
l'hypothèse de cet auteur selon laquelle une glose s'est
glissée dans le texte, qui doit être corrigé: "We can solve our
- ') """
,
prob1em with
de1etion.
Where
we wou1d gloss
TWV aU$l TOV MlÀnOlOV
8aÀnv with
"the ear1iest
presocratics,
perhaps exc1uding Tha1es
himse1f",
someone,
mis1ed by iTIl
OO$lg and the name of Tha1es
into
thinking of the Seven Wise Men,
and perhops
thinking
of Rep.
c.
1 335e, where Bias and Pittacus are given as examp1es of Ol CO$ot
TE xal uaxapOl, glossed these words with TIlTTaxOÙ TE xal 81aVl0J
.. FM
r
::Ji.
ri
Il est fort infatué de sa personne et témoigne une confiance peu
(3) suite. which worked their way into our text and which should
now be deleted.
Our case
for
deletion
is unaffeeted by 281d-282a.
where Socrates
(
eontinuing his ironie
treatment
of Hippias),
seeking to measure progress in sophistry against
progress in
the
arts,
compares Bias to Daidalus.
This
passage does not presuppose
281c.
And the name of Bias,
apart
from
being
that of a
famous
)
sophist,
is suffieiently justified by the word play of E: 1.
• • • • •
B(af ~vaBto(n." A notre avis, la solution de ce probl~me est bien
plus simple. De nouveau, Platon prend des libertés avec l'histoire,
et recourt même à l'hagiographie, dans un but tr~s simple: attirer
notre attention sur l'absence d'objectivitéd'Hippias et son
égoiste vanité qui le fait adhérer spontanément à toutes les
thèses qui le mettent en valeur. Tout,
pour lui,
est occasion de
briller. Sa démarche est purement partisane,
intéressée,sans au-
cun souci de la vérité.
En 285b 3-4, ne s'aecorde-t-il pas avec
Socrate uniquement parce que celui-ci lui paraît plaider sa cau-
se? III LUYXWPW TaùTa-ooKElf yap UOt TOV ÀOYov npof ~uoù ÀÉYEtv,
,
')
,
_ : 1
-
)
-
e
Kat OUOEV UE OEt aUT~ EvaVTtOUa at. Or, précisément, tout à
l'heure, il voyait dans la négation du rôle politique des anciens
sages une mise en évidence de ses propres mérites et de sa supé-
riorité.
D'ailleurs, Socrate,
dès le début de sa seconde inter-
vention (281b 5-6), quelques lignes avant le passage 281c 3 sqq,
avait loué son rôle politique comme significatif d'une grande
ordinaire (4) en ses propres capacités. S'il croit devoir louer
les anciens et les modernes,
et les premiers avant les seconds,
c'est peut-être davantage par esprit de superstition (5),
d'ail-
leurs étonnant chez un tel homme. Des modernes, il avoue redouter
la jalousie et, des morts, c'est-à-dire des anciens,
le ressenti-
ment. Mais il ne se reconnait nul égal ni parmi ses prédeces-
seurs ni parmi ses contemporains. C'est avec fierté qu'il racon-
te à Socrate les sommes fabuleuses récoltées au cours de ses
voyages, notamment en Sicile (6). D'un mot, il est autant capa-
ble de conduire, avec succès,
une ambassade de son pays,
que de
gagner aisément sa vie. En quelque sorte, il allie heureusement
la conduite des affaires publiques (T& KOtV&,
281d 2) et privées
(T& ~Ôta; idem). Un homme divin!
§27 Sans doute,
le sophiste n'éprouve-t-il pas
(3) suite. supériorité:
IV TOtOÙTOV UÉVTOt, & ']TITIta
~OTtV Tà
-
,
,
,
"
,
'JI
Ô
'Y
C
1
Tn aÀneEt~ OO$OV TE Kat TEAEtOV av pa EtVat.
omme on peut
e
constater,
l'interprétation interne nous dispense de corriger un
texte qui,
après tout,
dit bien ce qu'il veut dire. Sur la "mani-
pulation" de l'histoire par Platon, et notamment sur son recours
aux anachronismes,
on se reportera à notre thèse de l'E.P.H.E:
E.T.A.P., §§18sqq.
(4)
Hippias Mineur: 364a 7-9.
(5)
Hip. Maj.
282a 4 sqq. Ce double sentiment est cependant bien
naturel chez un Grec.
(6) 282d 6sqq.
seulement des succ~s. Il reconnait bien quelque échec. C'est le
cas, en particulier, à Lacédémone où il admet,
sans difficulté,
n'avoir jamais,
par son négoce (7),
gagné la moindre obole:
V
OUOÈ~ÈV oôv TO napanav nwnoTE (8). Il ne met pas pour autant en
cause ses propres compétences, ni même le désir naturel des Lacédé-
moniens de progresser en vertu. Car il est impensable, mœme pour
un sophiste, que quelqu'un ne désire pas progresser en vertu. Ce
qu'invoque Hippias pour expliquer son échec aupr~s des Lacédémo-
)
,
,
niens, c'est le traditionalisme de ceux-ci: VI Ou yap TTaTplov,
:>~,
"
'J> LWKpaTEf)
AaKEOall.l0V10lf K1VElV TOÙf V01.10Uf) OUvE napa Ta
, ) ,
~
,
, c .
_
,
Elw80Ta nalvEUE1V TOUf UElf (9). En depit de sa polymathie ( § 28) ,
le sophiste se montre incapable de contourner la réserve des La-
cédémoniens qui sont, au demeurant, hommes et femmes,
fiers de
: > ,
, ) llr'
f
- ,
: > ,
leur éducation (10): VII El01V OE E~.aUTal
Talf noÀEolv OU 1.10VOV
(7) Le Sophiste (deuxième définition du sophiste:
223c-224d) qua-
lifie l'activité de la sophistique de négoce,
catégorie infâmante.
On verra ( §462) que la piété d'Euthyphron sera enfermée dans une
catégorie similaire - tl.1TTOP1K~: 14e 6-7; c~ aussi Moreau, Le Pla-
tonisme,
loc. cit,
p.2l.
(8) Hippias Majeur 283c 1.
(9) 284b 5-6; J. Moreau (ad loc. cit, p.21) écrit:
"Ici,
Hippias
se
rend
parfaitement
compte
que c'est
le
traditionalisme
qui,
auprès
des
Lacédémoniens,
fait
échec
à son enseignement ••• ".
(10) cf. Protagoras 342d 2-4.
- ~-~~---~--- --- ~--~
'1
::>,
"
_
; ) "
uvôpEf
ETIl
TIU1ÔEUOEl
~EYU ~POVOUVTEf> uÀÀu KUl yuvulKEf (11).
§ 28.
Ains~ nonobstant toute son habilet~, Hippias
échoue, chez les Lacédémoniens, sur un sujet capital: celui de
l'éducation (12).
Il est incapable de leur faire valoir, devant
\\.
l'éducation traditionnelle,
les mérites de son propre système
éducatif (13). Sans doute est-il expert en astronomie (14),
en
(11) Rappelons qu'un texte du Lachès (182e 6- 183a 2) déclare
les Lac~démoniens aussi méfiants à l'égard des techniques étran-
,
.1:'
-
, ' )
_ : >
,
:>
IJ,
CI
T
~ères: VIII
AEYW uE
TUUTU TIEpl
UUTOU
Elf
TUOE
UTIO~ÀEo/uf) OTl 0 ~Ul
"
-
,
) ' ) :
, \\ ,
, ' "
~,
EYW TOUTO)
El
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'IV,
OUK UV
ÀEÀn8EVUl
AUKEOU1~OV10UI) 01f OUOEV
')\\
"
, , \\
_
_ ,
)
,
C I ' 1
uÀÀo
~EÀEl EV T~ al~ n TOUTO ~nTE1V KUl ETI1TnOEUE1V,
0 Tl
UV
,
,
-
' ) ,
- ) /
' "
~U80VTEI KUl ETI1ÔEUOUVTEf TIÀEOVEKT01EV TWV uÀÀWV TIEpl TOV TIOÀE~OV.
Bien sûr, c'est Lachès,
général
de tendance laconisante, qui
parle, mais Socrate ne le désavoue pas sur ce point.
1
(12) Sur la TIU10E1U, en ses multiples sens,
cL l'inimitable
Paideia de Jaeger, Yo
l'édition anglaise d'Oxford,
et spéciale-
ment le tome II (1944-45).
(13) cf. Moreau, Le Platonisme, p.
21: " •••• il ignore les condi-
tions
d'une
éducation morale rationnelle,
capable
de
faire
valoir
ses
titres
en
face
de la
tradition.
La
confrontation
d'Hippias,
l'homme
universel,
avec
le
traditionalisme spartiateJest
la
pierre d'achoppement
pour ce sophiste qui
sait
tout,
hors
ce
qu'~l
faut
par dessus
tout
savoir,
et
qui
s'imagine qu'en
matière mo-
raIe,
quand i l
est
question
de
ce qui
est
beau
ou
laid,
honnête
ou
honteux,
on
peut
se
contenter de
banalités littéraires,
d'une
--_._---_.~ ..
56
géométrie (15),
en arithmétique (16), et, en grammaire (17),
mais toutes ces disciplines ne présentent pas grand intérêt pour
les austères spartiates. Ils ne consentent à écouter le sophiste
que sur les généalogies des héros et des hommes (18) ainsi que
sur l'archéologie (19). Le sophiste est aidé par sa mnémonique (20)
(13) suite. abondance de lieux communs par la beauté de l'expres-
sion
(TIaUTIoÀÀa VOUlua Kal TIaykaÀa 286b)."
,
"
)\\
,
,
) ,
,
(14) 285c 1-2: Ta TIEpl Ta aOTpa TE Kal Ta oupaVla TIa8n.
,
,
(15) 285c 4: TIEpl YEwUETplaf.
:>
-
,
(16) 285c 5: ap18UE1V,
ou,pour parler comme Socrate,TIEpl ÀOY10-
uwv (c7)
,
,
,
_
, c _
(17) 285d 1-2: TIEpl TE ypauuaTWV •••• Kal oUÀÀaBwv ••• Kal pu8uwv
, ,
-
Kal apUOV1WV ••••
_
c ,
, _
')
,
(18) 285d 6:
TWV npWWV Kal TWV av8pwTI~v
Brunsch .... ig
a fait remarquer au cours d'une communication sur l'Hippias Majeur
(
)
) ,
'
au Séminaire de M. Aubenque
le 26-11-82
que le mot apxaloAoYlaf
se rencontre ici pour la première fois dans la littérature
grecque et qu'il serait un néologisme de Platon. Cette remarque
est sans doute exacte, mais en tout état de cause,
il nous semble
opportun de signaler que, déjà, Thucydide emploie le verbe &PXa1o-
ÀoyÉw_w (~)69),
probablement pour la première fois.
La substanti-
vation allait de soi.
(20)
285e 9-10:
Tà UvnUOV1Kàv
57
dans cette tâche que Socrate compare à l'office des vieilles
CI
_
femmes qui racontent des mythes aux enfants:
IX
WOTTEp TCX1I
,
c
-ô
" , ,
-
TTPEOSUT101V 01
nCXl
Et TTPOI TO nÔEWI ~UeOÀOYnOcxl.(21)
(21) 286a 1-2: sur ce terme et ses emplois dans les dialogues,
cf. Luc Brisson: Platon,
les mots et les mythes,
Paris, Maspéro,
1982,
pp.190-195 et, en particulier} le tableau de la page 191. Il
est intéressant de noter qu'à part deux passages du Gorgias
(493a 5 et 493d 3), ce morceau de l'Hippias Majeur est le seul
où ce verbe soit utilisé. 60% (9/15) des occurrences signalées
par Luc Brisson dans les dialogues indiscutés se trouvent dans
la Républigue)dont 50% (7/15) dans les seuls livres II et III,
5% (1/15) dans RespYI et 5% dans Resp.(IX). Les passages de la
République sont les suivants: Resp II 359d 6, 376d 9, 378e 3,
3 79 a 2, 380 c 2,
39 2 b 6,
l l l
4 15 a 3, Yl
50 1e 4, IX
588 c 2. Luc
Brisson note avec intérêt qu'à l'exception de Gorgias 493d 3 et
Timée 22b 1 où muthologéo ne semble comporter qu'un aspect nar-
r a °fl/D
t l :
ans presque
tous 1 es cas,
mut h
0
l '
ogeo
'
s~gn~ f '
~e ·
0
raconter
(ou
parler de)
dans
(ou
sous la
forme
d')
un
mythe":
périphrase
qui
fait
référence non seulement à la narration,
mais aussi
à
1/
la fabrication du mythe en question.
(p.192)
De fait,
nous enten-
dons bien l'aspect fabrication dans le verbe employé par
Hippias.
58
§ 29. Le sophiste ne prend même pas garde (22)
que
(22) On a souvent allégué la description peu favorable sous le
rapport de l'intelligence que Platon a faite d'Hippias pour appu~
yer la thèse de l'inauthenticité. Par ex, D. Tarrant, On the Hip-
pias Major,
The Journal of Philology,
1920,
p.324:
W
The
conceit and stupidity of Hippias are drawn in equa11y broad 1ine. w
Mais Grube (On the authenticity of the Hippias Maior ~
The
Classical Quarterly, vol 20,
1926) a fortement contesté cette
thèse,
soulignant qu'au contraire, nous rencontrons ici le même
Hippias (p.136) et le même Socrate (p.135) que dans les autres
dialogues (cf.
plus précisément l'Hippias Min~ur et le Protagoras).
De notre point de vue,
le personnage d'Hippias,
dans ce dialogue,
est construit de manière à mettre pleinement en évidence l'impos-
sibilité de l'engagement d'une véritable discussion dialectique
si l'APD n'est pas entendu. La peinture du personnage obéit à
cet objectif central ~ C'est pourquoi) s'il Y a un dialogue. métho-
dologique par excellence, c'est bien l'Hippias Majeur. Enfin,
comme nous en prévenions dans notre E.T.A.P.
(§ 17),
il ne faut
pas chercher chez Platon ce qui se doit trouver chez Hérodote.
Dans la peinture de ses personnages, même historiques, Platon
n'est tenu à aucune fidélité.
Il fait oeuvre philosophique et non
historique. Même si Croiset (Platon,
"Les Belles Lettres",
1921,) écrit que
"l'Hippias
de Platon dépasse quelque peu la
mesure de sottjse qu'il
est
permis d'attribuer
au véritable
Hippias. "(1,
p.5)} il saisit parfaitement l'intention platonicien-
Socrate vient d'enfermer ses prétentions dans une catégorie infâ-
mante (§ 27 n7). Au contraire,
il approuve les termes en lesquels
Socrate dévalorise ses prétentions (23). En être réduit à assurer,
auprès des Lacédémoniens,
le rôle de vieille conteuse - ce qui,
à Lacédémone, est certainement,
pour user d'un euphémisme,
une
activité adventice
constitue,
pour lui,
un motif de satisfac-
tion. Car, c'est avec fierté et une délectation manifeste qu'il
rapporte à Socrate ce qu'il croit être son dernier et franc suc-
cès chez les Lacédémoniens.
Il s'agit d'une conférence autour
d'un thème construit à partir d'éléments homériques et sur un
mode mythologique,
dont le but avoué est de permettre aux jeunes
, )
,
gens d'identifier les belles occupations (KaÀÀa ETI1TnÔEu~aTa) (24)
et de leur donner des conseils aussi
justes et aussi beaux que
possible (25). D'ailleurs, il se propose de prononcer la même
(22) suite.-ne dans son "dess(e)in" caricatural. D'une belle
formule,
Croiset déclare que les défauts du personnage éponyme
"étaient
en quelque sorte impliqués dans
la sophistiqueW(id).
Par conséquent,
il semble imprudent de rechercher) à l'instar de
E. Méron)dans cette caricature)une prétendue "importante docu-
mentation sur ce que représente le personnage,
et
sur sa pen-
sée."
(in Les Idées morales •..
,Vrin,
1979,
p.87).
,
,
,
'1
(1
(23) 286a 3: Kal
val ~a 61
••• ( lire
61a
D. Samb).
(24) 286b 1.
(25) 286b 3-4.
60
,
,
conférence (ETI10E1Kvu~al) (26) à Athènes, sur les instances
d'Eudicos (27),
fils d'Apémantos.
§ 30 Mais Socrate saisit au vol (28) la notion de
Ka >..6 v qui sera le thème central du débat. En fait, l'apparition
de ce thème ne résulte pas du hasard. Elle procède d'une habile
préparation (29),
tous les autres sujets à propos desquels le
(26) 286b 5.
(27) L'entretien,dont l'Hippias Mineur fait l'objet)se tient
juste après la conférence annoncée ici même.
Ainsi,
le lien,
vraisemblablement intentionnel, entre les deux entretiens et
entre les deux dialogues (mais, cf. infra) paraît naturel.
Au
reste, de nombreux points de contacts ont été soulignés entre les
deux Hippias. cf. Grube,
loc.
cit. C.Q,
20,
1926,
p.144. Sur
l'authenticité de l'Hippias Mineur:
elle est également attestée
par Aristote in Métaphysigue 1025a 5sqq;qaussi Alexandre D'Aphro-
dise dans son Commentaire.
Signalons,
enfin,
pour clôre cette
note,
que l'annonce faite ici de la conférence que termine Hippias
au début de l'Hippias Mineur,
ne permet pas de conclure quoi que
ce soit quant à l'antériorité de l'un ou l'autre dialogue.
(28) L'expression est de J. Moreau,
art.
cit,
p.21.
/1
'1
/1
(29) Platon (L'auteur platonicien du dialogue,
Moreau dixit) a
donc
préalablement
conduit
à dessein Hippias à la rencontre de
cette notion ••• "
(ibidem p.21).
61
sophiste aurait pu déployer ses multiples talents étant,
si l'on
peut dire, interdits d'enseignement (30),
pour les étrangers du
moins, à Lacédémone (§ 28). Or donc,
l'envolée d'Hippias sur les
belles occupations (§ 29) des jeunes gens rappelle à Socrate une
question qui l'avait déjà fort embarrassé. En effet, dans une
récente discussion où il qualifiait certaines choses de laides
(31) et d'autres de belles (32), il s'était entendu poser la
•
,
':>
' À '
(
)
questlon:
Tl
EOTl
TO Ka OV;
33.
(30) Le lecteur de notre dialogue notera que, curieusement,
les
aspectstlthétiques"du récit d'Hippias concernent en réalité l'édu-
cation des jeunes gens. Doit-on voir là une habileté supplé-
mentaire du sophiste ou un défaut de vigilance des Lacédémoniens?
En tout cas, dans la République, Platon sera tellement conscient
de l'impact des contes et des poèmes,
qu'il n'hésitera ni devant
la censure ni devant l'exil de leurs auteurs, Homère notamment:
cf. Resp X - 606e 1 - 607a 8.
(31)
286c 5.
(32)
286c 6.
(33) 286d 1-2. KaÀ6v doit certainement être traduit par "beau"
comme le font du reste la plupart des éditeurs français (Croiset,
"Les Belles Lettres") ou anglais (.
Loeb classical).
Il est
tout à fait étrange que E. Méron prétende que "La traduction
anglaise
de la
collection Loeb
commet
la même
faute
que la
p1u-
part
des
Français,
en rendant
ka10s
par
"beautifu1".
A.
E.
Taylor
est
plus
circonspect,
et
propose
"fine"
dans
son
P1ato;
i l
reste
UL.
§ 31. Ainsi l'APD est indirectement lancé. D'ail-
leurs, Socrate le formule bientôt sous une forme directe en
proposant au sophiste de prendre sa place dans cette enquête sur
Cl
"
;,
, c l
le beau: X
Nùv o~v, o ~EYW, Elf KŒÀOV nKElf,
,
_
1 "
, C I
')
lKavwf aUTO TO KaÀov 0 Tl EOTlV (34) ..• et il demande une expli-
cation minutieuse: XI
Kat nElPW UOl g Tl U&ÀlOTa &KPlSWf E~nElv
frnoKPlvoUEVOf
(35). Mais que peut représenter la solution d'une
telle question dans le savoir encyclopédique d'Hippias? Mesurée
à l'aune de ses connaissances prodigieuses, ne serait-ce que par
leur diversité et leur étendue,
la question socratique ne paraît
être qu'une mince affaire. De fait,
la prétention du sophiste
(33) suite. que le mot n'a pas un sens très précis." (ad.
loc.
cit,
p.88).
La traduction de Taylor est suivie par Woodruff
(-
Phronesis, XXIII,
1978, p.103 nI3). Mais on ne voit pas en quoi
les éditeurs traditionnels commettent une "faute"
en donnant de
KaÀàv la traduction la plus constante, et pourrait-on dire,
la
plus classique.
Du reste,
la traduction proposée par Méron:
"admirable" ne peut qu'introduire la confusion dans le texte et
induire en erreur le lecteur non helléniste. A quoi il faut
ajouter l'argument décisif que nous avons affaire ici au KaÀàv
habituel}qui figure régulièrement dans la liste des ufYlOTa,
et
dont "beau" constitue la traduction la plus appropriée.
(34) 286d 8 -
e 1.
(35) 286e 1-2.
est à la mesure de sa vanité. La question lui semble de second
ordre, mineure et sans importance. Les termes qu'il emploie sont
à cet égard significatifs:
XII
,
,
1:
, ) \\
' "
~
...
KŒl
OUuEVOJ Œ~lOV, WJ ETIOJ ElTIElV (36).
Dont acte (37). D'ailleurs,
sa prétention est non seulement de préparer Socrate à faire front
contre tous les adversaires (38), mais encore de lui apprendre
à répondre sur des sujets bien plus difficiles (39).
§
32. En présence de prétentions aussi fortement
affirmées, Socrate se réfugie derrière un questionneur anonyme (40)
(~b) .t~b~r;-6.
(37) Socrate:
XIII
'fTl. ( ~"b ~~)
(38) 286e 8-9.
(39) 287a 8sqq.
(40) Sur l'introduction de ce troisième personnage et ses paral-
.lèles dans les Dialogues,
cf.Grube On the Authenticity of the
Hippias Maior in C.Q.
20,
1926. Cet auteur note des similitudes
avec le Protagoras du Théétète,
la Diotime du Banquet, Mélétos
dans l' Eut h Yph r 0 n 5 b, 1 ' athée des Lois X, 89 3 b , les \\1 10 i s U dans
le Criton etc ••• (p.136). Dans sa réponse à Grube,
i~ C.Q. XXI,2,
1927, pp.83-84. Dorothy Tarrant estime que ce personnage est
spécifique et.
par voie de conséquence,
incomparable avec les
parallèles invoqués
par Grube.
R.G. Hoerber (Phronesis IX,
1964).
par ailleurs favorable aux thèses de Grube (p.143), remarque
que l'introduction de ce personnage permet de faire des parte-
naires du dia~ogue une triade:
"The use of the
"imaginary critic n
64
-
celui avec
qui
i l ~tait cens~ discuter auparavant (§ 30). Cet
artifice vise au moins un double
but:
d'une
part,
d~samorcer
l'agressivit~ du sophiste)qui est, pour ainsi dire, enveloppée
dans
son ignorante vanité et,
d'autre part,
permettre à l'ironie
socratique de s'exercer,
à ses dépens et sans dommage, avec au-
tant
de causticité que
possible.
Au reste,
Socrate,
qui va
imi-
ter
(
~l~OU~Evof ) (41) seulement ce personnage, avoue qu'il a
lui-même l'habitude de présenter des objections:
LXEÔàv yap
Tl
"
, "
- )
,
E~TIElPOf El~l TWV aVTlÀnWEWV (42). Cette compérencr du dialec-
ticien n'effraie nullement le sophiste.
(40) suite. »fits very we11 with the threefo1d construction and
numerous
"triplets" which
permeate the
treatise,
with
the
addi-
tion of the
"imaginary critic" the personae become
three:
1) Socrates,
2)
Hippias,
3)
the
"critic"
and
thus appears
another important
"triplet"
(pp.150-151).
Nous nous accordons,
bien sûr,
avec Grube et Hoerber.
Ajoutons
seulement,
pour mettre
en évidence la faiblesse méthodologique de l'argument de D.
Tarrant,
que n'importe
lequel des parallèles évoqués
par Grube,
considéré en lui-même,
est
irréductible et spécifique.
Il
n'y
a cependant pas lieu d'en inférer des arguments d'inauthenti-
cité,
ni d'ailleurs d'authenticité.
(41)
287a 3.
(42)
287a 5-6.
J
1
i,
r1
i
§
33. Socrate prépare néanmoins Hippias, par un
Détour (43), à entendre la demande de l'APU. Le Détour, très
bref, consiste simplement dans l'énoncé d'une "exigence géné-
)
(
rale" (44): olKaloo6v~ olKal01 El01V 01 OlKaOl (45), la justice
elle-même étant quelque chose de réel (46). Cette observation
"
,
c..
,
est étendue à la science et au bien. Car ••• Kal OO~l~ 01 OO~Ol
,
, , - '
- ,
: : > ,
El0l OO~Ol Kal TW ayaBw naVTa TayaBa
.
.
~yaB& •• (47). Précisémen~
à l'instar de la justice ou du bien,
la beauté est une réalité
(48). Car toutes les choses belles le sont par
la beauté qui est
,
en elles:
••• Kal
"
"
-
-
")
\\1
Ta KaÀa naVTa TW KaÀw EOTl Ka~a •••
(49).
.
.
Ainsi,
le dialecticien vient de montrer que le beau a une exis-
tence propre,
une réalité intrinsèque et queJlorsque celle-ci,
par un processus qui n'est défini nulle part dans les Premiers
Dialogues,
vient à s'investir dans des réalités particulières,
(43) Le Détour a une fonction essentiellement propédeutique
dans les Premiers Dialogues, mais aussi il sert à établir cer-
ta i n e s e xi g e n ces es sen t i e Il e s ( §§ 148;
1 79;
183;
343; 4 a 7 ) •
(44) Notion empruntée à V. Goldschmidt:Les Dialogues •..
,
Paris,
PUF,
1947,
p.5a
(45) 287c 2.
:>
-
)1
- '
,
(46) 287c 5: aUKOUV EOTl Tl TOUTO) n 01Kal00UVn;
(47) 287c 7-8.
(48) 287d 2.
(49) 287c 12.
u u
,
1
elle devient leur prédicat. Ce qui fait d'ailleurs qu'un acte
1
beau n'a jamais pour essence d'être beau. Un acte ne peut être
dit beau que lorsque son essence est autre que "beau", puisque
"beau" ne peut être que son prédicat.
§
34. Apparemment, le sophiste accepte et comprend
la thèse socratique puisque d'une part, il admet que le beau est
une réalité et que,
d'autre part,
il persiste (§ 31) à ne voir
'lI
) ,
aucune difficulté dans la question: OVTl'
aÀÀa Tl yàp U€ÀÀ€l
(50
Socrate peut alors rappeler,en la posant directement à Hippias,
,
-
)
,
,
la question du PU: Tl €OTl
TOUTO TO KaÀov (51); Mais celui-ci
ne semble pas avoir réellement assimilé le Détour (§ 33 n43),
car, en reprenant la question,
il la reformule autrement et abou
'X\\'(
tit de ce fait à une autre question:
')lAÀÀO Tl OÙV) & LWKPaT€J,
c.
_
')
_
-
,
, ~
,
o TOUTO €PWTWV
O€lTal
1Tu8€oSal
J Tl
€OTl
KaÀov;
(52) A quoi Socra
)/
-
: > ' C I
)
"
,
te répond simplement: Ou UOl OOK€l)
aÀÀ 0 Tl €OTl
TO KaÀOV
(53) Bien que la différence entre les deux questions, ne serait-
ce que par leur état syntaxique,
paraisse assez nette, Hippias
" ~ ,
-~),
ne la voit pas: Kal Tl ula~€p€l TOUT
€K€lVOU;(54)
Il déclare
(50) 287d 3.
(51) 287d 4.
(52) 287d 6. Les principaux éditeurs Français traduisent excel-
lem~nt ce texte: Croiset:" Le questionneur, à ce qu'il me sem-
n
ble,
me
(inutile -
D. Samb) demande quelle chose est belle
(ad locI
cit,
p.17) et Chambry:
" Le questionneur, n'est-ce pas,
veut
savoir quelle chose est
belle?"
(ap. G.F).
(53) 287d 7.
(54) 287d 8.
67
~"
,
deux lignes après: OUOEV yap ola~EpEl (55). Il est remarquable
que,
dans un premier mouvement, Socrate ne se livre à aucune
explication supplémentaire de l'APU, mais tente,
par la conti-
guité spatiale des questions de suggérer leur différ~nce au
.:>
_ ,
;"
,
, : > . , rI'
:1
,
,
sophiste: XV
EPWT~ yap aE ou Tl EaTl KaÀOV
aÀÀ 0 Tl EaTl TO
KaÀQv.(56).
§ 35. La technique du rapprochement spatial entre
les deux questions (57) produit un premier effet sur le sophiste.
Il reprend telle quelle la forme syntaxique de la question et
,
' V
8'
;)
8'
,,)
-
pretend avoir entendu l
APU:
X l
Mav avw, wya El Kal anOKplVOU-
?
-
CI
) "
,
,
ual YE aUTW 0 Tl EaTl TO KaÀov ••• (58). Il prétend même qu il ne
pourra être réfuté (59). Mais une chose est de reprendre correc-
tement (60) la question en répétant sa forme syntaxique adéquate,
autre chose est de l'avoir entendue réellement. Hippias ne voit
pas, en effet,
la ligne (61) qui sépare les deux questions.
L'erreur porte donc sur la question elle~même, avant même que
la réponse ne soit en jeu. Hippias n'a donc pas entendu l'APU
(55) 287d 10.
(56) 287d 12 -
e 1. Bien entendu, c'est nous qui soulignons.
(57) Sur le plan de la simple syntaxe,
la différence entre les
deux questions tient à la présence ou à l'absence de l'article
neutre Tà.
(58) 287e 2-3.
,
;)
,
:>
-
(59) 287e 3 : Kal ou IJn nOTE EÀEYX8w.
:1
_
(60) 2~8a 1 : op 8w f
(61) Emploi analogue à celui de la Rep. VI, S09d 7sqq.
"..
68
et ne perçoit pas sa demande spécifique. Aussi bien sa réponse,
en dépit de l'immense prétention dont elle se réclame, consiste en
la simple exhibition d'une image: nap8ÉvOf KaÀn KaÀ6v (62).
§
36. Mais le propre des images c'est de concourir
et d'entrer en contradiction entre elles. Le monde des images
est celui de la désunion et de la rivalité. Devant l'image de la
jeune fille qui veut,
pour elle toute seule, s'emparer de l'in-
carnation de la beauté, se dressent les images concurrentes et
contestataires de 1,rnnOf KaÀn(63), de la Àupa KaÀn (64), et même
de la XUTPa KaÀn (65). On reconnait ici un premier mode de réfu-
tation classique du Socrate des Premiers Dialogues. Il consiste
simplement, en face d'une image quelconque,
forcément singuliè-
re,
qui prétend se constituer en définition exclusive, à exhiber
d'autres images rivales revendiquant, si l'on peut dire, avec
autant de droits supposés, le même titre. Appelons-le "Argument
des Rivaux" ou "Argument des Prétendants" (66). Sa fonction est,
en élevant les images rivales à la même prétention,
de les dis-
créditer toutes.
(62) 287e 4-5.
(63) 288b 8.
(64) 288c 6.
(65) 288c 10-11.
(66) C'est ce que,
semble-t-il, Goldschmidt appelle:" argument
et alia",
terme bien plus savant.
~-------------------_._----
69
§ 37. Sans doute le sophiste proteste-t-il contre
l'érection de la XUTpa, comme candidat potentiel, au siège du
beau; cependant, il ne la conteste pas en tant qu'image, mais
seulement en tant qu'objet vulgaire, indigne de faire acte de
candidature. Assurément, selon Hippias, ce troisième personnage
qui introduit, dans l'interrogation,
un objet aussi vulgaire,
:>
, 0
'
manque d'éducation: c'est un anal ËUTOf qui nomme "des choses
innomables"(67)
(sic). Si l'argumentation de Socrate contraint
le sophiste à reconnaître, à son corps défendant, une certaine
beauté à la XUTpa , celle-ci n'est pas, à ses yeux, comparable
)
..
..
('
- - : >
'/
aux autres belles choses: XVII
aÀÀa TO oÀov TOUTO OUK ËOT1V
"
,
( . ) \\
..
..
ri
. . , . .
:r
a~lov KP1VË1V wf oVKaÀov npof lnnov TË Kal nap8Ëvov Kal TuÀÀa
naVTa Tà KaÀa (68).
Ainsi,
le sophiste reste-t-il foncièrement
(67) Nous citons ici la traduction de Croiset,
sans corriger
l'orthographe "incorrecte" de
"innomables" qui,
bien entendu,
s'écrit avec deux "m": innommable.
Il s'agit à coup sûr d'une
sim pIe coq uil ~ e: las i gn ale r n' est pas un IDal. Pou rIe pas sa ge e
question, cf.
288d 1-3:
XVIII
'flf &n(xtOËUTOf Tlf) 2f OgTw è:lu\\a
' ) ,
) ,
- ?
- ,
OVOUUTU oVOUU~Ë1V
TOÀU~ ËV OËUv~ npayuaTl. cf. aussi Gorgias
461c 3-4,où Polos reproche à Socrate de conduire la discussion
d'une manière indigne de gens bien élevés. Plus tard,
lorsque
Calliclès intervient, il se demande si Socrate est sérieux ou
s'il plaisante (481b 6-7);
cf. aussi 497c 1-2.
(68) 288e 6-8.
lU
attaché aux images que l'argument des rivaux (69) n'a pas dis-
créditées, du moins à ses yeux. Alors, c'est à la prétention même
des images à incarner la beauté que va s'attaquer Socrate.
§
38. C'est la réponse même du sophiste qui lui
offre cette opportunité. En effet, Hippias,
en déclarant que la
beauté de la XUTpa n'est pas comparable à celle de la TIap8ÉvoJ
( § 37), en tant que celle-ci est vraiment belle,
suggère que,
en quelque façon,
la "beauté" de la XUTpa n'est pas vraiment
"beauté". Socrate exploite immédiatement l'ouverture en recourant
à ce que nous appelons "argument du relatif" ou "argument de
l'imposteur". Ce mode de réfutation,
à la différence du précédent,
ne consiste pas uniquement à brandir des images certes concur-
rentes ( §36) mais
juxtaposées et coexistantes, mais à contester
toute légitimité à l'image rivale.
Ici,
l'image rivale ne préteni
pas seulement avoir les mêmes droits d'accès au titre convoité,
elle entend les confisquer tous.
Elle crie à l'imposture de
l'image élue. Alors que dans l'argument des rivaux,
les images
se posent, dans leur diversité,
sans s'opposer,ici,
les images
s'opposent (70) directement et s'excluent partiellement.
(69) Exemples d'arguments des rivaux dans les Premiers Dialogues:
Euthyphron,6d 6 où l'argument est évoqué,
Lachès 191a-b, etc ...
t
(70) Correspondant chez Goldschmidt: argument et oppositum.
,
1 J.
§ 39.
Pour mettre en place l'''argument de l'impos-
teur", Socrate (71) se couvre de l'autorité d'Héraclite - un
philosophe. L'argument s'articule autour de quatre couples:
1 ) singe
/
espèce humaine
2) marmite
/
napeévoJ
3) napeévoJ
/
dieu
4) homme
/
dieu
Ces quatre couples correspondent à quatre énoncés:
1) le plus beau singe est laid comparé
à l'homme (72)
2) la plus belle marmite est laide compa-
rée à la napeévoJ (73)
3) la plus belle napeévoJ est laide
comparée à un dieu (74)
4) le plus bel homme est laid comparé
à un dieu (75).
Ces quatre énoncés se réduisent à deux parallèles:
(71) En réalité,
Socrate parle au nom d'Hippias -
c'est donc
celui-ci qui invoque l'autorité d'Héraclite.
(72) 289a 2sq.
(73) 289a 3sq.
(74) 289a 9 -
b1sq.
(75) 289b 3sq.
72
1) le plus beau singe est laid comparé à
l'homme, mais le plus bel homme est laid par rapport à un dieu
2) la plus belle marmite est laide compa-
rée à une 7Tcxp6ÉvOfJ mais la plus belle 7TCXp6Évof est laide par
rapport à un dieu.
On constate que quatre parmi les éléments qui figurent dans ces
énoncés sont indifféremment beaux ou laids, comme le montre le
tableau suivant:
Laid
Beau
1 )
singe
homme
2)
homme
dieu
3)
marmite
7TCXp 6Év of
4)
7TCXp 6Év of
dieu
§ 40.
Aucun de ces quatre éléments (76) ne satis-
fait aux critères du PU tels qu'ils seront définis systématique-
men t
par l' Eut h Yph r 0 n § §2 7 7;
278;
2 79;
280) et,
p r i n c i pal e men t) au
critère d'identité(§282). L'homme ou la jeune fille sont indiffé-
remment beaux ou laids (§ 39). Dans ces conditions,
il n'y a
(76) Le lecteur attentif ne manquera pas de remarquer que "dieu"
ne figure que dans la rubrique
"Beau". Et,
en fait,
jamais d'un
dieu,
on ne peut dire qu'il soit laid.
"Dieu" semble donc posséder
de sérieux atouts pour postuler,
seul, au siège du beau.
De plus,
il n'est pas marqué par la mondanité de la XUTPCX ou de la ncxp6ÉvoJ
aucune ligne de démarcation entre le beau et le laid - deux réa-
lités normalement aux antipodes. Le beau et le
1~~ deviennent
un mirage sans substance réelle. En tout cas,
l'essai définition-
nel du sophiste transforme le beau en quelque chose de parfaite-
ment insaisissable,
sans identité propre, et par conséquent,
nOD
identifiable. Alors, rien ne peut être déclaré beau sans pouvoir
être, en même temps, sous quelque rapport,
dit laid.
De sorte que
:1
l'interrogateur est bien fondé à objecter au sophiste: XIX
El
1
] ,
"
-
,
,
,
, , : > ,
'1
ÔE aE npounv
.•• E~ ~pxnf) Tl EaTl K~ÀOV TE K~l ~laXPoVJ El UOl
CI
_ )
, "
"
, \\
:>
_
')
,
~rrEp VUV ~rrEKplVw ~p~) au ~v op8wf ~rrEKEKplao.(77)
§
41. Mais,
bien entendu,
il ne cherche nullement
quelque chose qui soit à la fois beau et laid. Aussi bien,
pro-
cède-t-il à une nouvelle explicitation du PU, sous la forme d'une
')\\
Ô "
"Ô
-
; : . " "
,
1'\\;
"
:1:
question: XX
EaTl
E K~l
OKEl aOl ~UTO TO K~ÀOV)
~ KQl TuÀÀ~
rr&vT~ KoaUE1T~1 K~l K~À& ~~lvET~lJ ÊrrE1Ô&v rrpoayÉvnT~l ~KElvo
"
'l"'ô
-)
...
, ) \\ (1
) \\ ,
TO ElOf (78»TOUT E1V~1 rr~p8Evof n 1rrrrof n ÀUP~;
(79). Cette
nouvelle explicitation mérite d'être examinée de près. Tout d'a-
.
: > , , "
"
bord, elle introduit le terme techn~que ~UTO TO K~AOV dont la
traduction classique est "le beau en lui-même" ou "le beau en
soi". L'introduction de ce terme technique indique clairement le
car a c t ère uni ver sel 0 u g é n é r i que ( §§ 2 78;
280;
28 1) de l ' 0 b jet
visé. Mais d'autre part, Socrate recourt à des termes empiriques
.
pour que ses explications soient intelligibles à l'esprit tout
(77) 289c9-d 2.
(7B) Sur ETôof., cf. 2ème Partie:~~298- 304.
(79) 289d2-4.
74
)
concret d'Hippias. Ainsi l'auTo TO KaÀ6v est défini comme ce qui
pare toutes choses (TàÀÀa navTa KooUE1Tal) et les fait paraître
::>
...
belles (Kat Karlà ~alVETal) en y engendrant sa forme
(EnElôav
,
)...
...
t
npOOYEVnTal EKE1VO TO E 601'). Or, ce serait absurde de déclarer
que c'est la jeune fille,
la cavale ou la lyre qui,
en s'ajoutant
aux objets,
leur donnerait la beauté. Au fond,
Hippias réalise
bien une telle absurdité.
Il abandonne, en conséquence, les ima-
ges précédentes, mais non pas toute image en général.
§
42. Le sophiste prend KooUE1Tal, ~alvETal et
npooyÉVnTal (80) dans leur sens gauche, c'est-à-dire dans leur
sens le plus concret. Cette beauté,
prétend-il, n'est rien d'au-
,
...,
...
tre que l or:
TOUT EOT1V
) Ô"
• • •• OU EV "
~
1
aÀÀo n XPuooJ (81). L'or
devient donc la nouvelle image d'élection d'Hippias. A sa manière,
le sophiste fait un progrès dans le choix de son image; car, à
la différence des images précédentes, celle de l'or peut s'ajou-
ter à d'autres objets. Mais,
elle n'y engendre pas par elle-même
la beauté. Et ici,
Socrate a recours à un troisième mode de rÉfu-
tation que Goldschmidt appelait "argument et idem non".
Il consis-
te à installer la contradiction au coeur même de l'image élue (82).
(80) Il reprend les mêmes termes:
XXI
, )
...
,
- ......
Tl EOTl TO KaÀOV~
~ Kal Ta
~ÀÀa naVTa KOOUE1Tal Kat npOOYEVOUÉVOU a~TOÙ KaÀà ~a{VETal (289d6-el).
(81)
28ge2-3.
(82) A la différence de l'argument de l'imposteur,
l'image d'élec-
tion n'est pas .absolument exclue, elle est seulement montrée comme
inconvenante dans un cas d'espèce.
75
Ainsi, Socrate, après s'être assuré qu'Hippias admet bien la beav-
té de la statue "chryséléphantine" du sculpteur Phidias (83),
lui fait remarquer que néanmoins celle-ci est en ivoire et ne
comporte le moindre gramme d'or. A quoi,
il faut ajouter que
l'intervalle des yeux est en marbre,
dont le sophiste reconnait
la beauté, à condition qu'il convienne: ffTav YE TIpÉTIWV (84).
§
42 bis. Et pour la première fois,
le Dialogue
opère un glissement qui rend possible,
en droit, l'ébranlement du
monde des images,
si son infléchissement se fait à drmite (85).
Le glissement aboutit à une nouvelle définition, sous la forme
<:
'
-
,
CI
CI)\\
,
~,
d'un aveu: XXII
O~oÀOYnOO~EV TOUTO YE) OTt 0 av TIPETIU EKaOT~)
_
.. .
_
Ci
8 6 ,
,
TOUTO
KaÀov TIOtEt
EKaOTOV.
Immediatement, Socrate ne s attarde
pas sur ce que cette définition peut, en elle-même, représenter
d'essentiel (§§
108 sqq). Il se contente, provisoirement)de l'uti-
liser pour discréditer davantage l'image de l'or qui avait paru
si brillante aux yeux du sophiste. C'est ainsi qu'en dépit de
ses protestations ou de ses résistances (87), Hippias est bien
obligé de reconnaître que,
si l'on applique le critère de la
(83) 290cl-2.
(84) 290c7.
(85) C'est-à-dire dans la ligne des Valeurs.
(86) 290d4-S.
(87) 290e3 sq;
291a3-4;
291c3-4. Il y a résistance lorsque l'in-
ter locuteur n'accorde de concessions que de fort mauvaise grâce.
76
convenance,
une cuiller en bois de figuier sera plus belle qu'une
cuiller en or,
relativement à leur fonction (88). En somme,
il
s'agit d'amener le sophiste à rompre,
pour reprendre un mot de
Bréhier (89), avec
nia vénération des images n ,
pour entendre
l'APU. Nous aurons l'occasion de retrouver l'Hippias Majeur pour
voir si le lancement de l'APU finit par se résorber dans son audi-
tion (§ 113); mais,
pour le moment, convoquons un autre dialogue,
le Lachès,
pour étudier comment s'y met en place l'APU, au stade
de son lancement.
2. Lachès (90)
§
43. Lys i ma que , M é lés:q 5, leu r s deux e n fan t s, Ar i s-
tide et Thucydide, Nicias et Lachès ainsi que Socrate viennent
(88) 291a3: ITpÉTIEl ~Èv yap) ~ [wKPaTEf> ~àÀÀov.
3
(89) Histoire de la Philosophie, l, PUF,
1981
, p.52.
(90) L'authenticité de ce dialogue est unanimement admise par la
communauté des savants. Elle n'avait d'ailleurs été contestée que
par Ast et Madvig sans aucune base historique,
philologique ou
philosophique sérieuse(cf. R.G. Hoerber, Plato's Lachès
:f\\ Clas-
sical Philology, LXIII,
l,
1968,
p.95,
notes 2 et 3). Des frag-
ments de ce dialogue ont été retrouvés sur des papyrus. égyptiens
(cf. Croiset, Platon, II,
p.89: Greek Papyri in the British Museum,
II, n0187;
Flinders, Petrie Papyri,
II,
n050;
Oxyrhynchus Papyri,
II, n0228). Précisons que les Flinders Petrie Papyri sont du
77
d'assister à une démonstration hoplomachique,
peut-êre dans une
des célèbres palestres (91) athéniennes. Ce n'est certes pas pour
leur plaisir que Lysimaque (92) et Mélésias (93), deux pères de
(90) suite.
IIIème avant J.C. et l'Oxy. Pa~ du IIIè après J.C.
cf. P. Vicaire: Platon; Lachès et Lysis, PUF,
1963,
p.3. La date
de composition du dialogue,
par contre, ne fait pas l'unanimité.
Schleiermacher, Stallbaum, Socher et Steinhart le placent quelques
années avant la mort de Socrate, vers 406-404. Cependant, une
très grande majorité de savants le placent après la mort de Socra-
te: D. Ross; PTI, Oxford,
1953, p.10; R.S. Bluck: Plato's life
and thought, London, 1949, p.60; G.C. Field: The Philosophy of
Plato, Oxford,
1956, p.209; E. Dupréel: La légende socratique et
les sources de Platon, Paris,
1922, p.15; R.C. Lodge: Plato's
the ory of art, London,
1953,
p.3; P. Vicaire: Platon: critique
littéraire, 1960,
pp.8-9.
(91) cf. Démosthène:~ontre Leptine, 115.
(92) Fut membre des Quatre-Cents,
(Thuc. VIII, 86, 9).
(93) Platon ne nous précise pas le lieu où l'entretien est censé
se dérouler, mais on peut imaginer que c'est vraisemblablement à
la sortie d'une palestre. C'est à peu près ce que pense Shore y
(W.P.S., Chicago,
1957, p.106 n8);
on ne peut cependant contester
Hoerber lorsqu'il écrit, en songeant à Shorey:
"His
stBtement
may very well
be correct,
but i t must remain an assumption."
(art. cit, p.96).
l U
famille respectableS sont venus assister à cet exercice, et y ont
entraîné leurs invités. En vérité leur préoccupation première
est d'ordre pédagogique (94). En bons "patres familias",
ils
cherchent à assurer une bonne éducation à leur progéniture.
§ 44. Ce n'est pas hasard s'ils ont choisi pour in-
vités des hommes mûris par l'expérience.
Ils regrettent un peu
que leurs propres parents (95),
tout occupés à leur gloire, ne
se fussent pas davantage souciés de leur propre éducation et les
eussent laissés nager dans une sorte de libéralisme, générateur
de médiocrité. Leur ambition est précisément que leurs enfants en
surnagent. Mais eux-mêmes ne peuvent se proposer en modèles à
ceux-ci, n'ayant aucune action d'éclat,
nul haut fait à leur ac-
tif. Ils ne sont pas non plus des pédagogues, et s'ils peuvent
prodiguer à leurs enfants les leçons de leur propre expérience,
ils ne peuvent prendre directement en charge leur éducation.
C'est pourquoi lorsqu'on leur conseilla l'hoplomachie comme
"belle étude" (96) pour les jeunes gens,
ils préférèrent aller
examiner cet exercice vanté, en compagnie de leurs amis.
§ 45. La question de départ (ou question initia-
(94)
179a6:~H~lv OOv 10U1WV oÉooKlal ~rrl~cÀnenval ~J otov lC
~6Àlola.
(95) 179c.
(96) 17ge2.
le) (97) est clairement formulée en 181c8-9 par Lysimaque: XXIII
'
, 8
-
~
~
,
T
r.
,.
' \\ ) \\ ,
- ,
o ~a n~a TOlf ~ElpaKlO~
ETI1TnuEl0V ELval
n
ou, TO ~a8E1V EV
(1
\\ "
,
OTIAOlf
~aXEOeal; C est une question d opportunité, donc d'ordre
pratique, qui est ainsi posée. Socrate, tout en étant disposé à
apporter sa part de conseils,croit d'abord devoir faire droit,
comme il est naturel, à l'expérience. Aussi bien donne-t-il la
parole à ceux qui sont porteurs d'expérience,
Nicias (98) et
Lachès (99),
deux généraux illustres. Pour Nicias,
les jeunes
(97) cf. Goldschmidt, D.P.
(98) Il aurait obligé son fils Nicératus à apprendre tout Homère
par coeur, cf. Xénophon 3-5:
"Mon père,
dit
Nicératus,
parmi
les
soins qu'il prit
pour
faire
de moi
un honnête homme,
me
fit
ap-
prendre
tous les
vers d'Homère et aujourd'hui
encore
je pourrais
réciter
de mémoire toute l'Iliade et
toute l'Odyssée."
(édition
P. Chambry, G.F,1967); cf, aussi Aristote, Rhétorique 1413a; sur
la biographie de Nicias,qui n'a peut-être pas toujours été un
modèle de courage (M.J. O'Brien, The Unit y of Plato's Lachès, i~
Yale
classical Studies,
18,
1963, p.143),
nous renvoyons à Plu-
tarque:
14,2; 2,4;
21,4; et à Thucydide:
7,48;
7,42-43; 5,16;
P.
Vicaire: Lachès et Lysis
p.8.
J
(99)
Il est très réputé pour sa bravoure.
Il meurt à Mantinée
(cf. Thucydide: S,
74, 3).
Il essuya une défaite en Sicile et su-
bit la persécution de Cléon. On en trouve l'écho chez Aristophane
dans les Guêpes: "( ... ) c'est maintenent le tour de Lachès. On dit
partout
qu'il
possède une ruche pleine d'argent.
Aussi Cléon,
..
80
gens doivent s'initier à l'hoplomachie car,
outre que cet appren-
tissage rend plus vigoureux
(100)
ceux qui s'y adonnent,
il s'a-
git d'un savoir
(TC ~&8n~a) (101) dont la maîtrise mène à celle
de la tactique (102),
puis de
la stratégie (103).
De sorte que:
''l1
Ô-
Ô
CI
,
,
"
' 8 '
,
,
XXIV
Kal Tl n
nÀov OTl Ta TOUTWV EXO~Eva Kal ~a n~aTa TIaVTa Kal
,
,
' "
- ) / )
Ô '
-
,
J
ETI1TnÔEU~aTa Kal KaÀa Kal TIoÀÀOU a~la av pl ~a8E1V TE Kal ETI1Tn-
-
...
, » \\
-
, 1
ÔEuoal) WV Ka8nrnoalT av TOUTO TO ~a8n~a.
(104)
A tout cela,
poursuit Nicias,
i l faut ajouter un avantage non négligeable
(105),
qui consiste en ce que cette discipline,
par le savoir qu'elle
procure,
permet à qui s'y est exercé,
de se surpasser,
"quant
à
l'assurance et au courage dans la guerre."(106).
Enfin,
le dernier
(98)
suite.
notre protecteur,
nous a
t-i1
donné l'ordre d'arriver
à l'heure avec trois jours de réserve en colère concentrée pour
le punir de ses crimes."
(Traduction M.J.
Alfonsi,
ap.
G.F,
1966,
p.
236);
P.
Vicaire,
ibidem,
p.9.
(100)
l8le4:
TC ow~a SÉÀT10V
(101)
l82a5.
(102)
l82b6-7:
TIEPl TàJ T&~E1J
(103)
l82cl:
TIEPl TàJ oTpaTnr1aJ
(104)
l82cl-4.
:>
,
,
(l05)
l82c5:
•...
ou O~lKpav TIpoo8n Knv
(106) cf l82c5-7:
Traduction Croiset (
Budé:"Les Belles Lettres",
II,
p.95).
Précisons que nous
indiquons
toujours les
traductions
que nous utilisons;
lorsqu'aucune référence n'est citée,
c'est
que nous
traduisons nous-même ..
avantage de cet exercice est d'apprendre à adopter une belle at-
titude "en des circonstances où la beauté a son prix,
puisqu'elle
fera
paraître 1 'homme
plus redoutable à ses adversaires." (107)
Au total,
donc,
Nicias a mis en évidence la sextuple utilité de
cette discipline:
médico-gymnique,
technique,
tactique,
straté-
gique, militaire et morale.
§ 46. Lachès répond à la thèse de Nicias dans un
discours deux fois plus long (108).
Son discours s'articule au-
tour de trois arguments, mais commence par une pétition de prin-
cipe. Toute chose est,
sans doute, bonne à savoir (109). Si l'ho-
plomachie est une science,
il vaut mieux l'apprendre et, si ce
n'en est pas une,
ou si elle est peu sérieuse,
il est inutile
de l'étudier (110). Après cette profession de foi,
le brave géné-
raI athénien argumente,
non sans quelque habileté. D'abord,
l'ho-
plomachie n'aurait pas échappé aux Lacédémoniens si elle avait
de la valeur car ceux-ci passent toute leur vie à acquérir les
connaissances relatives au métier des armes.
En second lieu (Ill),
si elle leur avait échappé,
les maîtres d'armes sachant l'intérêt
profond des Lacédémoniens pour leur discipline, n'auraient pu
trouver public plus accueillant et mieux disposé qu'à Lacédémone.
(107) 182c7 sqq:
idem, Croiset.
(108) Le discours de Nicias comporte 36 lignes (ou 316 mots)
et
celui de Lachès 72 lignes (ou 634 mots).
,
, , ' ,
) "
-
t
(109) 182c17-18:
TIaVTa yap ETIlOTao8al aya80v OOKEl E val
(110) 182el-5.
(111) Comparer l'argument avec celui que nous avons déjà rencon-
tré en analysant l'Hippias Majeur (§ 27).
UI-
Or. les maîtres d'armes ne s'y rendent jamais,
préférant aller
rXhiber leur prétendu talent chez des peuples pen experts és
techniques militaires (112). Enfin, Lachès illustre son propos
par un exemple vécu,
qui démontre l'inutilité,
les dangers et
Imême,le ridicule de oes prétendues techniques de combat. Et,
pour
comble,
l'homme, dont il avait pu constater, de visu,
l'échec
lamentable de la soit-disant technique, n'est autre que le para-
deur qu'il vient de voir (113)
Stésilaos!
La conclusion de
Lachès est nette:
que l'hoplomachie soit une science réelle mais
sans grande utilité ou qu'elle ne soit qu'une pseudo-science,
elle ne vaut pas la peine d'être étudiée (114).
§ 47. Opposition ne peut être plus nette que celle
des thèses des deux illustres généraux. Comment les départager?
Lysimaque invite Socrate à donner son suffrage à l'une des thèses
, -H'-
en presence. Car Lysimaque. en bon démocrate,
est tout prêt à
se rallier au parti majoritaire (116). Mais Socrate ne peut plier
(112 ) 183a-b.
(113 ) 183c - 184a.
,
,
(114 ) 184b3:
XXV
OUK "a~lov e:7TlXe:lpe:lV uav8ave:lv.
(115 ) 184d1-s.
,
11
,
(116 ) 184d7: XXVI
Tl yap av l1f Kal 7TOlOl. •• :
83
sous la loi de la majorité (117)
principe de la démocratie
car elle n'a aucun titre à juger droitement. Lorsqu'il s'agit
de trancher une question portant sur la vérité,
le nombre ne
saurait être un critère. Si la démocratie est la loi de la majo-
rité,
alors la vérité est "anti-démocratique" (lIB),
en tout cas
non démocratique. Quand il est question de gymnastique,
on se
range à l'avis du bon pédotribe, et non de la majorité (119).
)
,
, , .
- ,
) ) : >
Car, dit Socrate:
XXVI1I E7TlOTnlln YOP OlllOl ÔEl KPlVE08ol",
aÀÀ ou
7TÀn8El TC llÉÀÀOV KOÀWf KPl8nOE08ol
(120). Ainsi,
le fils de
(117) Thèse constante des dialogues, cL, par exemple: Criton
44c 6-7, où Socrate lance au personnage éponyme du dialogue: XXVII
AÀÀà Tl ~lllV, ~ lloKaPlE KP1Twv) O~TW TnI TWV 7TOÀÀWV ô6~nf UÉÀEl;
,
"rI'
, ) ,
Alcibiade Premier,
110e2-3: OUK El4TOUf 7TOÀÀOUf OVO~EpWV.
Hip.
Maj.
294c.d; Gorgias 472b sur l'invalidité du témoignage de la
masse; cf. aussi Aristote, Ethique à Eudème,
1232b6.
(lIB) Mag.
Vilhena (in Socrate et la légende platonicienne,
PUF, PaRis, 1952,
p.67) note que Socrate est "anti-démocrate".
Notre commentaire indique en quel sens doit être compris son
"anti-démocratisme".
(119) 184e3.
(120) 1B4eB-9.
04
Sophronisque se révèle-t-il égal à lui-même:
le droit à la paro-
le est fondé sur la compétence (121).
La compétence elle-même
résulte de l'étude et de la pratique (122).
§ 48. L'opposition nette (§ 47) entre les deux
thèses,
les deux partis est révélatrice du conflit des opinions.
Elles se défient et s'affrontent constamment, et parfois même,
savent vaincre "sans avoir raison" (123). Mais, à bien y voir,
elles ne valent pas d'être entendues.
Il vaut mieux s'adresser,
rappelle Socrate, à celui d'entre eux, qui serait expert dans la
matière discutée:
XXIX
:»
"""
'''''''
' ' ' ' ' ' '
' ) , , . . . ,
OUKOUV Kal
vuv xpn npWTOV aUTO TOUTO
,
, "
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OKEwao8al)
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EOTIV TIf
nuwv TEXVIKOf
OU aOUÀEUOUE8a~
n ouoKal
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"
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, . ) "
,
. .
:>
El
UEV EOTI~
EKEIV~ nEl8Eo8al EVI OVTI~ Touf 6 aÀÀouf EavOEI
6È Un,
~ÀÀOV TIVà çnTElv (124). Socrate peut donc s'étonner
légitimement du désaccord entre Lachès et Nicias.
Il faut alors
qu'ils exhibent les titres qui les autorisent à discourir vala-
blement sur cette question. D'où ont-ils pris leur science?
Question pertinente car l'enjeu est de taille. Il s'agit du plus
grand des biens. Les enfants seront-ils bons ou mauv~is? (125)
(121) C'est là un enseignement constant des Dialogues: Alcibiade
Premier: 106c -
d sq q ; §9~1- ~ ~ 9 )gt --rassi rrr .'
(122) 185b3-4; Alcibiade Premier:
106d5-6 sous réserve d'assimiler
pratique et découverte;
Hippias MaJeur
283c3-4.
(123) Cheikh Amidou Kane,
L'aventure ambiguë, Paris UGE,
1961,p.47.
J
(124) 184ell -
185a3.
(125) 185a6.
OJ
§ 49. Socrate restructure donc la question et
la
ose clairement en termes axiologiques. Il la situe ainsi sur
on propre plan. Cependant,
l'opinion est ainsi faite qu'elle ne
s'interroge même pas sur ce dont elle parle. L'échec à quoi abou-
tit la polémique Nicias-Lachès est d'abord l'échec d'une absence
de méthode. Or,
en bonne méthode, deux réquisits doivent être
satisfaits. D'abord, il faut savoir de quoi l'on parle: XXX
)
')
_
l.
_
'-
_
, ) )1
, 1 '
,
E~ apxnS
~~lV w~oÀOYno8al Tl TIOT EOT1V TIEpl OV SOVÀEVOUE8a
(126)Circonscrire, déterminer l'objet du débat est une condition
sine qua non de son bon déroulement (127). Socrate suggère ains~
avec tact, que les deux généraux parlaient sans savoir ce dont
(126) 185bl0-ll.
(127) Comparer avec P. Grenet qui écrit:
" ••• ce que Socrate va
montrer aussitôt aux interlocuteurs du dialogue où il est 501-
licité d'intervenir,
c'est qu'ils ont mal commencé: et ce qu'il
va s'efforcer de leur apprendre,
c'est - avant
tout
- les condi-
i\\
l'
tions d'un bon commencement." cf. Note sur la structure du Lachès
in Mélanges de Philosophie Grecque offerts a Mgr. Diès, Vrin,
1956, p.122. Cet article est excellent et mérite d'être mieux
connu des Platonisants qui commencent à se spécialiser dar.s
l'étude des Premiers Dialogues:
1
f1
86
ils parlaient. Telle est l'opinion: divisée par ignorance. Second
réquisit:
dans toute discussion,
il convient de distinguer entre
ce qui n'en est que l'occasion
l'objet apparent
et ce
qui est l'objet réel -
la fin
(128). Par exemple,
lorsque l'on
discute sur un remède pour les yeux (129),
le remède n'est que
l'occasion -
l'objet apparent de la discussion -
tandis que les
yevx en constituent l'objet réel - la fin.
§ SO.
Dans la présente discussion,
l'occasion est
la formation du corps des jeunes gens, mais la fin est leur
âme (130). De sorte qu'il s'agit, en l'occurrence, de chercher
celui qui est lEXV1KOJ TIEPl WUXDJ 8EpaTIElav (131). Or, il n'y a
que deux sources (§ 47) du savoir: l'étude auprès d'un maître ou
la découverte personnelle (132). Si,
pour sa part,
Socrate avoue
n'avoir ni appris ni découvert la 8EPaTIE{a de l'âme,
il clame
sa surprise (133) devant le désaccord de Nicias et Lachès,
(128)
18SdS-7.
(129) 18Sc-d.
(130) 18Sel-2. cf. aussi Alcibiade Premier où l'homme est défini
J
par l'âme seule:
12ge12 - 130c4 et notre E.T.A.P:
§§ 149-1S1;
v. aussi Plotin, Ennéade III,
S, S,
14:~v8pWTIoJ .. . &v8pwTIOU wuxn ...
(131)
18Se4. Dans notre analyse de l'Euthyphron,
nous retrouve-
rons la 8EPaTIE~a (§§ 42S; 427; 428; 429; 430; 431; 432).
(132) 186a-b; 186c-d.
(133)
186d3-S.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
87
hommes d'expérience (§ 45),
et suggère à Lysimaque de ne pas
lâcher les deux généraux et de les interroger. D'où ont-ils pris
leur science? De qui? Qui ont-ils formé? Mais plutôt que de ré-
pondre à ces questions,
les deux hommes présentent Socrate.
L'un - Nicias - met en évidence les objets habituels de l'enquê-
te socratique,
se déclare prêt à subir l'épreuve -
et même la
cure -
de la dialectique, et enfin, avertit qu'il ne sera pas
seulement question des jeunes -
les adultes aussi y passeront
(134). L'autre -
Lachès -
souligne, avant tout,
son admiration
pour la conformité des discours avec les actes et son animad-
version du discours creux -
sophistique. A l'opposé de Nicias,il
ignore les discours de Socrate; aussi bien,
juge-t-il ce'ui-ci
sur le seul critère qui,
sans doute,
vaille vraiment à ses yeux
,
) ' ,
_ ,
_
' ) ) t
,
-
les actes:
XXXI
LWKpaTouJ
Ô EYW TWV UEV
ÀOYwv OUK EUTIElpOJ
,
2.. , ,~'
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TIpOTEPOV,
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135 ETIElpa nv, Kal
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"
, -
. . ,
,
(
EKEl aUTOV nupOV a~lov OVTa l\\oywV Kal\\WV Kal
TIaonJ
TIappnolaJ
136).
(134) 188a-c.
(135) Beaucoup d'interprètes soulignent le contraste entre logos
et ergon et y fondent pour une bonne part,
leur exégèse: M.J.
O'Brien: U.L.
ln. Yale Classical Studies,
18,
1963, p.135:" The
cornestone of its construction is
the
familiar
Greek opposition
of À6yoJand 'lPYOV."; Hoerber P.L.
ih. Classical
Philology,
1,
1968,
pp.99sq.
(136) 188e5 -
189a1; cf. aussi Théodore Laguna: The Problem of
the Lachés, Mind, XLIII,
1934,
p.175 et Hoerber,
ibidem,
p.103.
88
Mais, à l'instar de son collègue,
il consent à être interrogé
pourvu, du moins,
que le maître soit honnête homme, sans consi-
dération d'âge ou de niveau social (137).
§ 51. Les règles du jeu sont claires. On procèdera
par questions et réponses c'est-à-dire dialectiquement (§ 50:
in
fine).
Socrate a des interlocuteurs qui ne sont certes plus tout
jeunes (138), mais qui sont bien disposés à son égard et lui
reconnaissent une éminente autorité morale et intellectuelle.
Il
peut donc conduire le débat à sa guise. C'est ainsi qu'il ré-
organise,
selon l'ordre des priorités)la démarche que doit em-
prunter l'enquête. I l ne s'agit plus de s'engager dans la recher-
che des maîtres formateurs ou des disciples formés (§§
48; 50).
Cette question n'est ni inutile ni illégitime: elle est, au sens
propre du terme, secondaire. La question primordiale,
dans l'or-
dre de l'être et dans celui du savoir, est celle qui s'occupe
de l'objet lui-même, c'est-à-dire de la vertu (139),
dont la
présence dans l'âme des jeunes gens est susceptible de l'amélio-
(137) 189a-b.
(138) L'entretien est censé se dérouler entre 424, année où
eut lieu la bataille de Délium (terminus post quem oU ab quo)
et 418, année où meurt Lachès (terminus ad quem).
Or, en 424,
Socrate, nettement moins âgé que ses deux principaux interlocu-
teurs, a environ 45 ans (cf. aussi Vicaire:
Lachès .•.
p.9.).
(139) 190 b-c.
89
Rer (140). Cependant,
la vertu)dans sa totalité (141),
constitue
un sujet fort difficile.
La progression pédagogique et psycha-
gogique commande,
par conséquent, de s'attaquer en premier lieu
à l'une des parties de la vertu pour tester la fiabilité du
savoir qui propose de s'investir dans l'enquête: XXXII
'l'
"
, , )
C
"
:>
,
~Epouf T1VOJ TIËPl TIPWTOV lOW~EV, El lKavwf EXO~EV TIPOfTO EloEval.
(142). Bien entendu,
d'accord avec l'opinion de la masse,
on
(140) 190b4-S.
, c l
)
-
(141) 190c7: TIEpl oÀnf apETnf •••
(142) 190c8-9. Nous nous permettons d'insister tout particuliè-
rement pour attirer l'attention des platonisants sur ce texte
essentiel pour déterminer l'objet propre du dialogue appelé
Lachès et sa place et/ou sa fonction dans l'économie générale
de l'enquête qui couvre les Premiers Dialogues. En effet, les
interprètes les plus récents du Lachès se sont interrogés sur le
véritable objet (ou thème) de ce dialogue. Traditionnellement,
c'est le courage qui est considéré comme le thème du dialogue
,
')/
, ~
0
'
(d ailleurs,
il est sous-titré par le scholiaste: n TIEpl aV PEla~
~ alE UTl X6f .; c f. au s siC roi s e.t
, i b ide m,
i n. Not i cep. 8 7 ). Pou r
le rejet de l'interprétation traditionnelle,
cf. Thomas O.
Bufo'R.c1
ih.. Idealistic Studies, 7, 1977, qui écrit:
"What is
Plato attempting
to accomplish
in the Laches? A cursory reading
leaves one with
the strong impression
that
the main
topic of
discussion is
the education of the sons of Lysimachus and
Melesias.
However,
an equaly cursory survey of the major inter-
pretations of the Laches reveals that
few,
i f any agree with
90
(142) suite.
that
impression.
Their
view is
that
the main
topic
of conversation in the Laches is courage,
the examination of
which
takes place in
the second main section of the dialogue. W
(p.151); cf.en particulier les sections l
et II de l'article
( Plato on the educational consultant). Selon cet auteur, le
thème principal du Lachès est l'''educational consultant"; Erazim
V. Koh~k aussi ne considère pas le courage comme le véritable
sujet du dialogue (cf. The road to wisdom:
lessons on education
from Plato's Lachès i~ The Classical Journal, Octobre 1960, vol
56, n 0 1, p.123 et passim). Mais) comme bien l'on pense,
les par-
tisans de l'interprétation traditionnelle du Lachès,
au moins
pour ce qui est de son Objet,
restent nombreux. Citons parmi
eux: Mark Blitz, An introduction to the Reading of Plato's
Lachès in Interpretation V,l,
1975,
p.189:
"The dialogue is
about courage
for
the same reason i t is called Laches." Daniel
T. Devereux: Courage and wisdom inPlato's Laches in Journal
of History of Philosophy 15,
1977,
p.129; un peu plus nuancé,
Stewart Umphrey pense que l'opinion traditionnelle selon laquel-
le WPlato's Laches is about courage ( ••• ) is not
false,
but
i t
cannot
be
the
whole
truth . . . " in Interpretation 6,
1,
1976,
p.l.
De notre point de vue,
il faut écarter toute approche unilatéra-
le ou fondée sur une préoccupation extérieure au Dialogue.
Platon s'explique de façon parfaitement claire et cohérente sur
le thème de l'entretien qui réunit Lysimaque et ses invités et
sur celui du dialogue proprement dit. Relativement au thème de
l'entretien, ce qui est en cause, c'est l'âme même des jeunes
';11
(142) suite.
gens,
leur éducation et, par conséquent,
la tota-
lité de la vertu (18Se 1-2 et 190b7- cl). Mais d'autre part,
parce que cefhème (la totalité de la vertu,
190c7) est trop
vaste,
Socrate propose d'en traiter seulement une partie (190c8-
9) dans ce dialogue. De sorte que, relativement au dialogue,
le
thème central,
sur l'indication explicite de Platon, est le cou-
rage. Toutefois, le statut de ce thème est aussi clairement défi-
ni:
il vaut exercice.
(190c7-dl) Avant de débattre de la totalité
de la vertu,
il vaut mieux s'exercer d'abord à discuter de la
nature d'une de ses parties -
ce qui ne réduit du reste nulle-
ment le dialogue,
comme le croit Croiset (ibid,
p.88),à un sim-
ple exposé méthodologique. Si le courage est choisi, c'est parce
que c'est la vertu ayant trait à l'exercice auquel la société
des amis de Lysimaque vient d'assister (190d).
Ainsi,
Platon ne
fait que nous indiquer le mode d'insertion d'un dialogue parti-
culier dans l'économie générale de l'idéologie (terme pris ici
au sens précis d'''ensemble d'idées revendiquant la cohérence")
du Premier Platonisme. Autrement dit,
le Lachès, dialogue parti-
culier sur le courage, s'inscrit dans une réflexion générale sur
la vertu et sur l'éducation:
pensons au principe de l'unité
problématique des dialogues. Enfin, nous proposons un principe
général d'identification thématique des dialogues du Preoier
Platonisme: sera considéré comme thème central d'un dialogue
quelconque du Premier Platonisme celui qui fait l'objet expli-
cite de la question du PU. Appliqué au Lachès, ce principe fait,
bien sûr,
du courage le thème central. Ce principe d'identifica-
92
admet que la partie de la vertu qui se rapporte à la démonstra-
tion qui vient d'être observée est le courage (143).
§ 52.
Ainsi,
tout est mis en place pour que s'ef-
fectue le lancement de l'APU,
en particulier la détermination
d'un objet qu'il puisse prendre en charge. Le lancement de
")
l'APU se fait sous la forme classique du Tt EOTlV. C'est d'abord
Lachès,
le dernier à avoir discouru (§ 46), qui est le premier
"
':1
,
interrogé. L'APU s'adresse à lui:Tl EOTlV nvopEln
(144). Comme
)
(142) suite.
tion thématique pourra être considéré comme un
principe complémentaire d'interprétation des Premiers Dialogùes,
à côté des cinq principes fondamentaux déjà énoncés (§§
16-20).
. . . ,
...
. . . : > : > ,
(143) 190d5: OOKEl OE TIOV TOlI TIoÀÀolI ElI nvopElnv.
(144) 190e3. C'est avec plaisir que nous renvoyons le lecteur à
l'article remarquable de Jacqueline de Romilly dans la R.E.G.
(XCIII, 1980/2, NOS 442-444:
Réflexions sur le courage chez Thu-
cydide et chez Platon,
pp.307-323). Cet article met la réflexion
sur le courage chez Thucydide et chez Platon en rapport avec son
arrière-plan historique.
Il s'agit d'un bon exemple d'analyse
externe tout à fait éclairante, une nouvelle preuve s'il en est
besoin, qu'approche externe et approche interne peuvent nous re-
vé1er,
pour parler comme Gurvitch,
les différents paliers de si-
gnification dans la contexture d'un dialogue et ainsi se complé-
ter. On ne voit pas qu'il soit nécessaire ni même utile que les
93
Hippias
(145),
comme le devin
(146),
ou comme
le Thessalien
(147),
la première réaction du brave général athénien est de
dire que la question n'est
pas difficile
(148)
• Selon lui
: > ,
: > ,
-'
....
,
, ; "
,
XXXIII
Et
yap t t f
E8EÀOt
EV tD
ta~Et ~EVWV a~uvE08at tOUf
,
' "
~ )1
q
:>
. . . . ) \\
)'
TIOÀE~tOUf Kat ~n ~EUYOt) EO t08t Ott aVÔpEtOf av Etn (149).
§ 53.
Comme on peut le constater immédiatement,
Lachès ne donne pas vraiment une définition
(150),
ni même,
comme le croit Kohak,
une
"naive empirical definition
"(151),
(144) suite.
interprètes,
dès lors qu'ils se découvrent des
différences,
entretiennent des rapports
polémiques.
Une diffé-
rence n'est
pas une contradiction:
elle marque seulement une al-
térité c'est-à-dire,
si elle est bien comprise,
un enrichisse-
ment mutuel.
(145)
§
31.
(146)
4e8sqq.
(147) Menon:
cf. § 60.
,
~
(148)
ou xaÀETIOV,
dit Lachès
(190e4).
(149)
190e5-6;cf. aussi §97 n60.
(150) cf.Laguna
(Théodore de
) qui écrit que la
première défini-
tion
"is not properly a
definition of courage,
but a description
of the conduct of the brave Greek hoplite." in The problem of
the Lachès ap.
Mind,
XLIII,
1934,
p.177;
cf.D.
Devereux,
loc
.
laud.
(151) Ad loc.
cit.
p.128.
..
94
i l se contente de citer un cas,
un exemple de courage et de l ' é r i -
ger en norme.
Il répond de ce fait à une toute autre question
(152)
que celle que lui a
posée Socrate.
Car i l a répondu à la
•
,:>
;)
Ô
,.
quest10n:Tt EOTtV av PElOf;
Par conséquent,
i l y a méprise sur le
sens même de la question.
Socrate en assume la responsabilité,
non par
"pure politesse de sa part",comme l'écrit un des éditeurs
du dialogue (153),
mais parce qu'il n'a pas procédé,comme par
exemple avec Euthyphron ( §
277sqq),
à l'explicitation prélimi-
naire (154)
de l'APU.
§ 54.
Néanmoins,
i l réfute la prétention de l'exem-
pIe de Lachès à occuper tout seul le siège du courage en utili-
sant l'argument de l'imposteur
(§ 38).
On peut admettre que
l'hoplite,
qui reste à son poste et tient ferme,
est courageux.
Tout le courage tient-il pour autant dans cette attitude? Autre-
ment dit,
peut-on aussi être courageux sans rester à son poste
et sans tenir ferme devant l'ennemi? La réponse doit être affir-
" "
) "
>1
;)
. . . ' ,
"
(152)
190e7-9:
XXXIV
aÀÀ towf EYW atTtOf,
ou oacl>wf EtnwV"
TO
, , ) ,
" . . .
CI
,
: ) ,
) : > ~I
OE anOKptvao8at ~n TOUTO 0 ÔtavOoU~Evof npO~EV) aÀÀ ETEpOV.
(153) Croiset,
ibidem,
p.107 nI:
"Socrate réclame
pour 1ui-
même la responsabilité de l'erreur de Lachès:
c'est
pure po1i-
tesse de sa part,
non sans un peu d'ironie."
(154) cf. 191c6-7 i.e 26 lignes plus bas,
où Socrate répète que
c'est de sa faute si Lachès a mal répondu.
95
mative si l'on prend l'exemple des Scythes.
Ceux-ci,
en effet,
recourent aussi bien à l'attaque qu'à la retraite (155). La dis-
tinction que Lachis s'efforce d'établir entre la cavalerie et
l'infanterie est,
à cet égard,
sans objet puisqu'aussi bien,
à
Platées,
l'infanterie lacédémonienne a utilisé avec succès,
contre les Perses,
le style de combat de la cavalerie scythe.
Or,
comme chacun sait,
les Lacédémoniens ont du courage à reven-
dre
ce qui leur vaut, au demeurant,
l'admiration du général
athénien (§ 46).
Apris cette brive réfutation,
Socrate se livre
à une explicitation du PU,
remarquable)dans la mesure où elle
s'accompagne d'un exemple pertinent qui illustre l'inscription
de la réponse dans la S.D.
§ 55. Apris avoir,
de nouveau,
souligné sa respon-
sabilité dans la mauvaise position de la question (§
53), Socra-
te explique en quel sens doit être entendue celle-ci. Le courage
se manifeste dans des domaines divers et en des circonstances
multiples et variées.
Le courage existe chez les hoplites aussi
bien que chez les cavaliers et au delà,
chez les combattants en
général (156).
Mais,
bien entendu,
le courage n'est pas u~
concept spécifiquement militaire ou guerrier.
Son extension va
bien au-delà des pratiques guerriires puisqu'en effet,
la mala-
die,
la pauvreté,
la vie politique (157),
les maux et les crain-
tes,
les passions et les plaisirs (158)
sont autant d'occasions
(155)
191a-b.
(156)
191d sq~.
(157)
191d6.
96
où peut se révéler le courage.
En toutes ces circonstances,
lutter de pied ferme ou reculer -
deux attitudes contradictoires
peuvent être l'expression du courage (159).
§
56. Si donc,
tous sont courageux
le soldat,
le marin,
le malade,
l'homme politique etc •••
leur courage -
et éventuellement leur lâcheté -
s'accomplit à l'égard d'objets
fort différents. Ainsi l'objet de la question socratique semble
,
Tl'
)\\
c ,
,
-
clairement identifie:
XXXV
TIOTE OV EKaTEpOV TOUTWV)
TOUTO
~TIuveavéunv (160). Ce qui est en cause, par conséquent, c'est
la nature même du courage (et de la lâcheté (160bis)
). Hais i l
,
~
...
' ) " " ô '
faut commencer par le courage (TIaÀ1v OuV TIE1pW E1TIE1V av PE1ŒV
TIPWTOV)
et déterminer ce qui,
dans la diversité de ses manifes-
(
, )\\.
'..,.-
,
)
' (
"
tations
Tt
OV EV ,.aOt
TOUTOtf
reste identique a soi
TŒUTOV
)
E OT t V )
(l 61 ) •
§
57. Cependant,
toutes ces explications ne parais-
sent pas s~ffisantes à Lachès, qui avoue ne pas les comprendre
tout à fait
(162).
Socrate recourt alors à un exemple qui,
par
sa relative concrétude,
devrait induire le général athénien à
assimiler l'APU et sa demande spécifique (§ 24). Soit la vites-
(l59) 191el-2.
(160) 191e9.
(160bis) Subsidiairement.
(161) 191e 10-11.
(162) 191e 12 •.
••['0
97
se (163). Comme pour le courage,
l'enquête porte sur sa nature
(164). A l'instar du courage (§§ 55;56), elle se manifeste dans
diverses sortes d'activités: la course,
le jeu de cithare, la
parole, l'étude,
l'exercice physique '(manuel ou phonétique,
par
exemple) et intellectuel. Comment définir cette vitesse que l'on
reconnait exister en tant de choses différentes? En réponse à
cette question, Socrate propose une illustration du modèle de
,
)
-' " ,
,
.,
réponse qu'il sollicite: XXXVI
TnV EV Ohty~ Xpov~ TIoÀÀa ÔtaTIpaTTO-
_
v
, , - " " " ' "
uévnv ôuvautV TaXUTnTa EYWYE KahW Kat
TIEpt
$WVnV Kat
TIEpt
ôpOUOV
Ka)
TIEPl
TàÀÀa TIâVTQ
(i65).
Evidemment,
la substance de cette
définition se réduit à la faculté ou puissance de faire beau-
coup de choses en peu de temps. LachèsJdont l'esprit s'est enfin
éclairé (166),est invité à bâtir (167) sa réponse sur le modèle
que vient de lui fournir Socrate. Mais avant de retrouver (§ 114)
Lachès et d'entendre son second essai définitionnel après l'ex-
plicitation du PU, allons voir comment l'APU se met en place
dans le Ménon.
(163) 192a1: TâxOf.
,
" ,
(164) 192al-2: Tt nOT EOTtV •••
(165) 192b 1-3. Autres exemples de PU réussi:
Hippias Mineur
365b8; 366b12sqq;
Alcibiade Premier:
108b8-9; cf. aussi §§ 69-71.
(166) 192b4.
(167) 192b 5-8.
.../
98
3. Ménon
§ 58.
D'où vient la vertu? Est-elle acquise soit
au moyen de l'enseignement,
soit au moyen de l'exercice? Ou bien,
est-elle un don naturel (168),
donc,
en quelque manière, innée?
Ou bien encore aurait-elle une autre origine? Telle est la ques-
tion de départ
(169) du Ménon
"question à la mode" selon
Léon Robin (170).
Cette question est frappée d'irrecevabilité
par son illégitime prétention, car elle ignore que pour pronon-
cer sur l'origine d'une réalité quelconque,
i l faut d'abord en
connaître la nature. Comment,
de Ménon,
puis-je affirmer ceci
ou cela,
si je ne sais,
premièrement,
quel i l est? L'erreur est
de même nature que celle commise par la compagnie des Lysimaque
(§§
45 sqq). Elle révèle une méconnaissance de l'ordre des
cl
ô"
..
':'-ô
"
-
,\\
,
- ,
priorités (§ 51):
XXXVII
o
E ~n 01 a Tl EOT1V,
nWJ av on010V
,
YE Tl
"
ElôElnV,(171). On ne peut répondre à la question initiale
avant d'avoir répondu à la question préalable (ou préliminaire)/
qui n'est autre que celle de l'APU. En droit comme en fait,
la
question philosophique (préalable) commande la question mondaine
,
1
_
')
,
(168) Ménon 70a3:
••• ~UOEl napaY1YVETal T01! av6pwnolJ.
(169) Ou question initiale ap V. Goldschmidt (in D.P.,
passim).
(170) La P.G,
p.211.
(171)
71b 3-4 •.
110' Rn'
99
(initiale). Si la seconde peut avoir une certaine légitimité
( § 51), elle la tire de la première. La première est une ques-
tion essentielle,
la seconde une question existentielle (§129).
§
59. Habilement,
Socrate arrive à restructurer
(172) l'enquête et à la centrer sur la question essentielle.
Restructuration des questions,
mais aussi re-distribution des
rôles -
dès le départ,
en effet, Ménon s'est posé en interroga-
teur.
Deux arguments permettent à Socrate de retrouver aisément
le rôle d'interrogateur -
rôle naturel du dialecticien.
D'une
part,
i l avoue son ignorance:
non seulement,
i l ne sait pas ce
qu'est la vertu,.mais encore,
i l n'a jamais rencontré quelqu'un
qui sût ce qu'elle est
(173) -
même pas un Gorgias (174),dont il
feint d'avoir oublié (175)
l'enseignement. D'autre part,
i l
(172) Tous les départs des dialogues du Premier Platonisme peu-
vent s'analyser comme un travail de restructuration de l'ordre
discursif constamment déconstruit par l'opinion.
(173)
71c4-5:
XXXVIII
Mn UOVOV ~E
(comprendre:
non seulement,
,
,
, ( J
~»)I
je ne sais pas ce qu'est la vertu)
••• ~ÀÀ~ K~l OTl ouô aÀÀ~ nw
)
,
' . r " ) ' ' ' '
EVETUXOV EluOT1~
wf EUOl ÔOKW.
(174)
71c9.
(175)
c~ aussi par exemple: Ménexène 236c 1-2, ou bien Protagoras
334c 10- d7;
mais on sait bien que la mémoire est indispensable
à qui veut étudier la philosophie (cf. Resp. VII: 535c 1).
100
1
attribue volontiers la connaissance de la vertu à Menon (et à
son maître Gorgias);
or,
c'est celui qui sait ou prétend savoir
qui a à être interrogé. Se définir comme ignorant, c'est se si-
tuer d'emblée dans la position de l'interrogateur. Les rôles
sont ainsi inversés.
Le débat peut s'engager directement,
d'au-
tant que,
allégvantl'absence de Gorgias
(176),
Socrate peut deman-
der à Ménon de s'exprimer à sa façon
(177)
et,
en conséquence,
d'assumer la responsabilité de l'enquête (178). Celui-ci est
(176)
71d5 sq.
: > "
>,~,
(177)
71d2:
Et
ÔE BOU1.Et, aUTO! EUrE.
Pensons ici aux deux sortes
de preuves qui sont définies dans le Gorgias 472b-c:
l'une,
celle
de Gorgias,
consistant à convoquer une masse de témoins et l'au-
tre,
celle de Socrate,
consistant à ne recueillir que le seul té-
moignage de l'interlocuteur direct.
Le Ménon reprend cette thèse,
d'ailleurs classique et bien antérieure au Gorgias:
cf. Hippias
Mineur 369c 6 sqq où le sophiste demande à Socrate d'opposer
1.0)'0\\1 1Tap& 1.0)'0\\1 et de laisser l'audience trancher
("audience"
est à prendre ici,
au sens très précis qu'Olivier Burgelin a
en
vue dans La Communication de masse,
Paris,
1970,
p.31.).
(178) Sur la responsabilité de l'enquête,
la position constante du
Premier platonisme est qu'elle est assumée par l'interrogé:
cf.
notre E.T.A.P.,
pp.133-136;
rappelons toutefois quelques textes:
Alcibiade Premier 112el-113c8;Euthyphron 11b-c; Charmide 163e3-4
notamment.
,
'
...
)
...
donc prié de dire ce qu est la vertu:
Tt
$~! apETnV Etvat;(179).
§
60. Selon Ménon,
la question n'est pas difficile
(180).
Pour le praticien des Premiers Dialogues,
la réaction du
Thessalien n'est guère inattendue.
C'est la première réaction
habituelle des interlocuteurs de Socrate,
lorsqu'il lance l'APU,
d 'Hippias le sophiste ( § 31) vaniteux
(§ 32) au modeste et coura-
geux général athénien
Lachès (§ 52). Mais,
en bon disciple de
Gorgias,
Ménon est sourd à l'APU. A l'instar d'Euthyphron ~ 288),
i l entreprend une fastidieuse énumération de vertus singulières,
dont chacune relève d'une catégorie et d'une définition particu-
lières: celle de l'homme (181) et celle de la femme
(182),
celle
des enfants (183) et celle des vieillards,
celle des hommes l i -
bres et celle des esclaves (184).
Au demeurant,
cette liste
...
,\\
,
À ; )
,
n'est guère limitative car:
XXXIX
Kat aÀÀat naunoÀ at apETat
,
CJ
) '
,
)
_ ,
_
,
r i , )
EtOtV)
WOTE OUK anopta EtnEtV apETn! nEpt
0
Tt EOTtV (185).
Il Y
a diverses autres vertus particulières suivant les actions
(186)
et suivant l'âge
(187),
selon les individus et selon chaque oeu-
(179)
71d6.
,
,
(180)
71e 1 : ou xa ÀE nov.
,
(181 ) 71e 2-3: '
e
...
;)
av PO! apETn.
...
)
,
(182 )
71e 6: yuVatKO! apETnV.
,
...
;)
(l83 ) 71e 8: nateo! apETn.
(184)
72a 1 •
(l85 )
72a 1-3 _,
)
Co
,
...
(186 )
72a 3: KaS EKaOTnV yap TWV npaF,;Ewv. "
_
L
_
...
(lR7)
Tti~m!
- .. Kat TWV n Àt Kt WV ...
10l
vre spécifique (188).
§
61. L'intervention de Ménon engendre,
comme par
magie,
un bourdonnement insolite et assourdissant d'images:
un
essaim (189) de vertus,
pour reprendre la métaphore de Socrate.
Devant un tel essaim de vertus,
le seul recours est le PU qui
peut réduire la multiplicité à l'unité. Mais,
pour ce faire,
I/APU doit être entendu. Pour provoquer l'audition de l'APU,
Socrate
emprunte un détour qui exploite l'image impliquée dans la méta-
phore de l'essaim:
celle de l'abeille. Les abeilles,
réparties en
diverses variétés,
et,
au sein d'une même variété,
connaissent
sans doute une infinité de différences relatives à
leur beauté, à
leur taille,
à leur couleur etc ••• Mais l'abeille considérée en
tant que telle,
c'est-à-dire du point de vue de son essence
(190),
ne se définit pas par la taille ou la couleur. Une abeille grande
est une abeille au même titre qu'une abeille petite,
de même que
deux abeilles,
noire et bleue,
n'en sont pas moins,
toutes deux,
abeilles. De l'une à l'autre,
abstraction faite des accidents
(191) que sont la taille ou la couleur,
i l y a identité. Les
CI
'1
"
c.
...
, '
, )
(188)
72a 4:XL ••• npàf EKaOTOV EPYOV EKaoT~ nuwv n apETn EOTIV·
(189)
72a 7:
ounvof
(190)
72a 9-b 1:
XLI
'1
"
,
"
u
El UOU EPOUEVOV UEÀlTTnf nEpl
ouolaI 0
Tl
(191) L'Euthyphron, comme nous le verrons
(§§
393-395), met au
point le concept de pathos en tant qu'opposé à l'ousia. Il peut
paraître étonnan~, dans l'hypothèse -
largement admise -
où
le
Ménon serait postérieur au dialogue sus-mentionné,
que Socrate
103
différences sont quantitatives ou qualitatives:
elles ne sont
pas essentielles,
c'est-à-dire constitutives de l'abeille sui
generis.
§ 62. On peut penser l'abeille sans aucune référen-
ce à la couleur,
au poids,
à la taille ou à la beauté. Ce fai-
sant, on atteindrait l'eidos (192) de l'abeille et,
par consé-
quent~ sa définition. Précisément, s'agissant de vertus, il n'en
est pas autrement:
si diverses qu'elles puissent être,
elles pos-
sèdent un EtôoJ(193) qui les définit comme vert~ C'est vers cet
ElôoJ qu'il faut regarder {&TIo8ÀÉ$avTa )(194)
pour l'adéquation
(191) suite.
n'utilise pas le concept de pathos, alors même
que le contexte et la structure de l'argument y invitent.
(192) cf.
P.M.Schuhl:
W
Le Ménon
fait
allusion à l'eidos com-
mun aux différentes abeilles,
qui est la structure de ce type
d'insectes" in l'Oeuvre de Platon,
Paris,
1961 3 ,
p.87. Contrai-
rement à cet éminent savant,
dont les importants travaux font
toujours autorité,
nous ne parlerions pas d'''eidos commun"
car l'eidos est,
par définition,
ce qui est commun.
e"" 9 ~J c(. ~'S .t~g _ '3>01
(194) C'est le terme même qu'emploie l'Euthyphron (§ 305). Le pro-
cessus décrit est le même.
Sur la notion platonicienne du regard,
renvoyons au travail remarquable et érudit de Léonce Paquet:
~aton. La médiation du regard, Leiden, 1973.
!ln
_ _
: i
104
de la réponse à la question et,
par suite,
pour la détermination
de l'ousia de la vertu. Après les explications de Socrate, la
réaction de Ménon est beaucoup plus nuancée et tranche nettement
avec l'attitude d'un Hippias aveuglé par sa sotte vanité. Car si
Ménon croit comprendre celles-ci,
i l avoue n'en avoir qu'une intel-
ligence encore fort obscure (195).
§ 63. Alors, Socrate n'a d'autre choix que de pour-
suivre ses explications en essayant de montrer la fonction para-
digmatique de l'eidos à partir d'autres exemples. Soit la santé:
i l n'y a pas une santé spécifique à la femme,
une autre spécifi-
que à l'homme (196), etc •••
Il n'en va pas autrement pour ce qui
est de la taille ou de la force.
Il y a un: eidos de la taille et
un eidos de la force,qui sont les mêmes,
qu'il s'agisse d'hommes
ou de femmes,
d'enfants ou de vieillards. Une femme est forte par
la même force que l'homme.
En tant qu'eidos,
la force de la fem-
me ne saurait différer de la force de l'homme(197). Car la force,
en tant que force,
ne saurait différer de la force.
Le Thessalien
comprend parfaitement l'unité et l'unicité de l'eidos dans ces
c ) '
_ ' - 1 ,
t
cas là. Il dit lui même:
XLII
H autn ~Ot ÔOKEt uytEta YE E VQt
..
' Ô
. . . .
,
(
)
,
Kat av POf
Kat
yuvatKof
198. Mais i l ne voit pas qu il puisse
y avoir un eidos de la vertu qui soit le même,indépendamment du
(195)
72d3.
(196)
72d-e.
(197)
72e.
(198) 72e 2-3 ..
105
sujet chez lequel elle se réalise.
A l'en croire,
le cas de la
vertu serait différent de celui de la force ou de la taille (199).
§ 64. Grâce à la méthode de l'apposition, Socrate
essaie de mener son interlocuteur à effectuer un essai qui s'ins-
crive dans la S.D., c'est-à-dire à entendre l'APU.
Aucune des
vertus particulières ne peut être dite telle si elle ne s'accom-
plit pas aw~p6vwI et ôlKalwI (200). Par exemple, bien administrer
une cité
vertu de l'homme d'après Ménon
ne signifie pas
autre chose, en tant que vertu, que l'administrer aw~p6vwJ
et
ôlKalwI
. Ov bien encore, pour la femme,
l'administration de sa
maison ne s'érige au statut de vertu que si elle s'effectue éga-
lement aw~p6vwI et ôlKalwI
. De sorte que,
là où il n'y a pas
justice et sagesse, on ne saurait parler de vertu. En conséquence.
la justice et la sagesse structurent l'eidos de la vertu, dont
elles constituent les marques distinctives. Cette remarque peut
se vérifier négativement (201) par le fait que la privation de la
justice et de la sagesse empêche de déclarer quelqu'un vertueux.
,
§ 65. Il faut bien reconnaitre qu'en dépit de toutes
les explications de Socrate,
le Thessalien n'entend pas l'APU et,
X\\.III
(199) 73a4-5:ToUTO O~KtTl Ô~olov ETval ToiI ~ÀÀoII TOUT01J-
(200) 73a1Q.
(201) 73b 9-10.
...
106
en conséquence,
son premier essai définitionnel consécutif à
son
échec antérieur (mais postérieur à l'explicitation du PU) ne
s'inscrit nullement dans la SD.' Car l'essai définitionnel propo-
sé
"la capacité de commander aux hommes" (202)
n'a pas
un caractère universel.
Il est invalidé par deux limites rédhi-
bitoires:
d'une part,
i l restreint la vertu à
la seule classe des
hommes sachant commander;
d'autre part,
i l la restreint au champ
politique.
Il s'agit là d'une double restriction relative respec-
tivement au sujet et à
l'objet de la vertu.
Il suffit de consi-
dérer,
comme le fait Socrate,
la limitation dont est frappé le
sujet pour mesurer la défaillance de l'essai définitionnel.
En
effet,
les enfants et les esclaves (203) sont nécessairement
exclus de la vertu ainsi définie car ni les enfants ni les escla-
ves ne participent au commandement. Or,
dans la mesure où l'apti-
tude au commandement structure la vertu,
ils en sont exclus.
Conséquence assurément contradictoire avec les affirmations pré-
cédentes (
§§
60;
61) de Ménon,qui reconnaissait aux enfants et
aux esclaves leurs vertus particulières.
§ 66.
Néanmoins,
Socrate reconduit la technique
de l'apposition (§ 64),
déterminant ainsi la vertu comme capaci-
té de commander ôlKalwj (204). L'apposition produit immédiatement
(202) 73c Il:
Traduction Croiset,
loc.
cit.
(203) 73d 2-4.
(204)
73d 7-8.
•
s'.
sm ev"n
7
r
son effet, car elle provoque
l'identification,
par Ménon,
de
c
' ô
'
' : > ,
:>
la Justice avec la vertu: n yap
lKaloOUVn
•••
apCTn COT1V (205).
Cette assimilation,
qui constitue un progrès considérable dans
la discussion
(§
67), est toutefois indue.
La vertu-Justice n'é-
puise pas à elle seule la totalité de la vertu.
En somme,
pour
reprendre les termes mêmeS de Socrate,
la Justice n'est pas la
Vertu mais seulement une vertu.
Le rapport est analogue à celui
qu'entretiennent les diverses espèces de figure avec l'entité
générique Figure. Les premières ne sont que des déterminations de
la seconde.
Par exemple,
la rotondité est un mode de la Figure
(206). L,a pluralité et la diversité des figures se résorbent
dans l'unité de leur genre nominal ou réel:
rectangle,
triangle,
carré,
trapèze etc ••• sont autant de figures.
Leur unité nominale
est la marque apparente de leur appartenance au genre Figure
dont nous aurons bientôt ( §§ 70;
71)
une définition pertinente.
§ 67. A l'image des figures,
i l existe une pluralité
de vertus que ne doit pas masquer l'unité de leur dénomination
(207). Ménon ne se fait d'ailleurs pas faute d'en citer quelques
(205)
73d9-10.
(206)
73e3 sqq.
(207) C'est cette unité nominale que nous appelons,
pour des
raisons de commodité,
genre nominal
(§ 66).
,1
lUl:1
unes: la ow<!>pooun)
la OO<!>lCt) la Ue:YCtÀOTTpÉTTe:1Ct
(208), etc ••••
Comme le souligne Socrate, on retrouve certes la pluralité
des
vertus, mais d'une autre façon (209). Précédemment ( §60), on
n'avait eu affaire qu'à des P.Y. di~qualifié~ par leur contin-
gence. Ici, en 74a4sqq, on a affaire certes à des vertus sin gu-
lières, mais du moins, à l'exception de la Ue:YCtÀOTTpÉTTe:1Ct" partici·
pent-elles réellement de la vraie Yertu. En revanche,
la criti-
que effectuée antérieurement porte toujours:
l'objectif demeure
de déterminer et de retrouver ce qui, à travers la pluralité des
vertus, reste identique à soi (210), et leur vaut leur unité
nominale.
§ 68. Cependant, Ménon avoue derechef qu'autant
les autres exemples lui paraissent clairs, autant il a des dif-
ficultés à percevoir en quoi ils sont analogues au cas de la
vertu. La difficulté de Ménon n'est pas tant d'apercevoir la plu-
ralité des vertus que leur unité (211). Pourtant, le principe
est le même dans un cas comme dans l'autre (212). Ce principe
(208) Bien sûr, il ne s'agit pas là d'une vertu socratique. La
Ue:YCtÀOTTpÉTTe:1Ct
n'appartient pas aux listes classiques des vertus
cf. notre E.T.A.P.,
p.170.
(209) 74a 7-8.
)(,Ll'l
Cl
"
:>
(210) 74a 9: TnV oÈ U1CtV,
n 01& TTaVTWV TOUTWV e:OT1V,
ou ouva-
-
;)
,
Ue:eCt Ctve:Upe: 1V.
(211) 74b 1-2.
(212) 74b 4-5: XLV
,
C l '
..
"
..
MCtveave: 1 J YCtp TTOU OT 1 OUT W 01 e:Xe: 1 lTEP 1
,
lTCtVTO J.
lU,)
est clairement formulé plus loin (213):
puisqu'il y a unité de
la dénomination des choses multiples
(figures/Figure,
couleurs/
Couleur),
i l existe bien un caractère unique qui la fonde.
Devant
la résistance de Ménon,
Socrate est obligé de poursuivre l'ensei-
gnement du PU.
De même que la rotondité n'exprime pas la Figure
en général,
mais une certaine figure,
une figure particulière,
un oxn~a Tt (214),
de même à côté de la couleur en général, i l y
a des couleurs particulières:
par exemple,
le blanc (TC ÀEUKCV)
est un xpw~a Tt (215). Il existe divers Oxn~aTa et divers xpw~aTa.
Aucun oxn~a particulier ni aucun xpw~a particulier ne pourrait
revendiquer l'exclusivité de son nom générique.
Des Oxn~aTQ ou
des Xpw~aTafeuvent même être contradictoires entre eux (216) sans
cesser pour autant de se réclamer,
légitimement,
des gen~nomi-
naux oxn~a ou xpw~a • En d'autres termes, si on admet que le
genre nominal puisse se prédiquer des OXn~aTa Tt ou des XPW~QTa
Tt en revanche,
i l n'est pas possible qu'un oxn~a Tt soit le
prédicat d'un autre oxn~a Tt. Plus prosaiquement, si on peut
dire d'un cercle ou d'un carré qu'ils sont des figures,
par contre,
i l n'est pas possible
i l serait même absurde,
du moins dans
notre système de représentation
de dire d'un cercle qu'il
est un carré.
(213)
74d-e.
(214)
74b6 sqq.
(215)
74c3-7.
x~1
,
. . . . .
.. >
, ) \\
" ÀÀ' À
(216)
74d7-8:Kat TQUTa Kat
EVQVTta OVTa a
n CtJ •••
J. l v
§ 69. De sorte qU'il faut conclure, à l'instar de
Socrate, à l'existence d'un eidos par quoi toute vertu est iden-
,
,
CI
;)
,
tifiable en tant que vertu: XLVII
Ou ~aVaaVEt! OTt ~nTW TC EWt
-
,
)
,
naOtV TOUTOt! TauTov;
(217) Mais devant la relative surdité de
Ménon, Socrate se résout (218) à répondre à sa place, au moins
pour ce qui concerne les exemples de la Figure et de la Couleur.
D'abord, considérons la Figure. On peut la définir de deux points
de vue différents: empirique, ou géométrique À 7&. en définitive,
rationnel. Du point de vue empirique,
la figure peut se définir
)/
' ô '
,...
...
...
( 1 ,
-
comme suit: XLVIII
EOTW yap
n n~tV TOUTO oxn~a)o UOVOV TWV
~VTWV TUYXaVEt xpwuaTt &Et ~nô~Evov (219). Tout empirique qu'elle
soit, cette définition n'en a pas moins une valeur universelle,
et par conséquent, elle est satisfaisante du point de vue de la
SD. Aussi bien Socrate se serait-il volontiers contenté, pour la
vertu,
d'une définition similaire (220). Car la réussite de la
mise en place de la sn ne suppose nullement, à titre de condition
de possibilité, l'évasion hors du monde des images.
(217)
75a 3-4.
(218)
Nous sommes ici, dialectiquementJau même niveau que dans
le passage du Lachès où Socrate donne un PU réussi de la vitesse.
( § 57).
(219)
75b 9- cl.
(220)
75c 1-2.
a
§ 70.
Pourtant,
Ménon frappe la définition de sim-
plisme dans la mesure où elle fait intervenir un élément qui,
lui-même,
a
besoin d'être défini
à savoir la couleur (221).
Cette objection,
juste en droit,
est néanmoins singulièrement
impertinente dans la mesure où elle met en époché les convenan-
ces de l'interrogation qui ne postulent pas seulement la vérité
de la réponse
wmais aussi
(de)
fonder sa réponse uniquement sur
J
ce que l'interlocuteur reconnaît savoir lui-même.
W
(222) Puis,
s'assurant que le Thessalien se représente bien les deux notions
de limite et de solide,
Socrate énonce une seconde définition de
la figure,
située sur un plan géométrique et rationnel (§ 69):
XLIX
••.• OTEPEOÙ nÉpof oxn~o €tval
(223).
§ 71. Mais,
loin de réagir à l'excellente défini-
tion (PU) de la figure que Socrate vient de donner,
Ménon insis-
te malicieusement pour que celui-ci définisse la couleur (224).
Au demeurant, Ménon reconnaît sa préférence pour une définition
construite selon le modèle de Gorgias (225).
Par modèle de Gorgias,
(221)
75c 5-8.
' " )
,
o EPWTWIJ€vof.
(223)
76a7;
définition reprise dans les Eléménts d'Euclide:L,
XI,
dei. 2.
"...
(224)
76a8: Tc ôÈ XPWIJO Tt
ÀÉX€lf
W LWKPOT€f •
.
)
J
(225)
76c 4-6.
fIli
-
112
i l faut entendre une définition empirique analogue à la première
définition de la figure
(§ 69). Et,
en effet,
cette définition,
rattachée explicitement à la théorie d'Empédocle (226),
se fonde
sur des notions concrètes et empiriques telles que celles d'ef-
fluves et de vision que Ménon avoue connaître
et pour cause!
,
,
')1
...
Ainsi,
la definition proposee est la suivante:
LI:
EOTlV yap
"
...
,
) \\ ,
...
>
,
xpoa anoppon Oxn~aTwv O~El OU~~ETpof Kal alo8nTof. (227). Si Ménon
)/
,
trouve cette définition
wadmirable w (228)
( AploTa),
c'est parce
(226) Originaire d'Agrigente.
Il est né vers 494 et mort après
444 avant J.C.
cf.
Bréhier,
Histoire de la Philosophie,
1,
p.59-62;
L.
Robin,
La P.G.,
p.
119.
Il est souvent présenté à la fois
comme un disciple de Pythagore et des orphiques,
cf.
P. M.
Schuhl,
L'oeuvre de Platon,
p.37-38.
Peut-être aussi a-t-il subi l'influ-
ence d'Héraclite:
cf.
Robin,
ibidem,
p.119.
Pourquoi Platon rat-
tache-t-il la méthode prêtée à Gorgias à un aspect des théories
physiques d'Empédocle? Il serait hasardeux de discuter une ques-
tion aussi importante au détour d'une simple note,
mais l'expli-
cation formulée par Edmond Grimal,
en 1942,
dans la R.E.G.,
LV,
NOS
259-60,
p.ll,
parait de loin,
la plus simple.
Gorgias,
qui
n'était pas très rigoureux en fait de doctrine,
peut avoir repris
les théories d'Empédocle,
dont on sait que le prestige était encore
très grand bien après le IVème siècle. L'article de Grimal est in-
titulé:"A propos d'un passage du Ménon:
une définition "tragique"
de
14 couleur. "
( 227) 7 6 d '-1 .
(228) Ap.
Croi~et: 76d8. En fait: "meilleure".
qu'elle correspond davantage à ses habitudes de pensées
(229)
et qu'elle lui permet de rendre compte de certains phénomènes
sensibles tels que la voix,
l'odorat etc •••
Quant à Socrate.
qui
l'estime bien inférieu~à la seconde définition de la figure,
i l
lui trouve quelque chose de tragique
(230).
§ 72.
De toute façon,
du point de vue de la mise en
place de la S.D.,
les explications de Socrate paraissent suffisan-
tes.
Non seulement Ménon a eu droit à
trois exemples de PU réussis
LU
~
(229)
76dIO:
~owJ yap oot KaTà ouVnSEtav EtpnTat.
(230)
76e3: TpaytKn yap ~OTtV •••• Voici comment s'en explique E.
Grimal dans l'article cité:p.8:
wDire que la définition de la
couleur est
Wtragiquew.
c'est résumer dans ce mot une ironie re-
1ative au langage un peu trop recherché dans lequel elle est
for-
mu1ée et une critique beaucoup plus profonde touchant son rapport
à la réalité: le fait qu'elle ne soit, aux yeux de Socrate.- qu'une
description
plausible du mécanisme de la perception,
une façon
commode de présenter les choses,
tout
comme le rapt de Koré est
la figuration
sensible de la
vérité à laquelle vont être initiés
les fidèles,
mais non cette vérité même,
qui
passe l'entendement
humain." En d'autres termes:
"Elle est
tragique,
parce qu'elle ca-
che la vérité,
comme le masque l'acteur,
au lieu de i'éta1er au
grand jour W (id).
( §§ 69; 70; 71), mais encore deux d'entre eux s'expriment à tra-
vers ses catégories habituelles de pensée, marquées d'empirisme.
Il s'agit, à présent, de revenir à la vertu, en se servant des
trois PU réussis comme paradigmes (231) (§ 305). L'enseignement
du PU, c'est-à-dire le procédé de la sn qui subsume la multipli-
cité sous l'unité, devrait permettre à Ménon d'entendre, enfin,
l'A.P.U. et, ainsi, d'éviter la fragmentation de la vertu. Cepen-
dant,
entre le lancement de l'APU et l'assimilation de la sn, qui
se réalise dans l'audition de l'APU, il existe les obstacles des
images (§§73-76),
des opinions l§§ 77-84) et des Pseudo-Valeurs,
qu'il faut,
préalablement, surmonter.
(231) Le mot est employé par Socrate: LIlI
Tà ôÉ YE TIapaôEly~aLa
TIap'~~où E~Àn~af (77a9-bl).
B. Les obstacles à l'audition de l'A.P.U.
1. Le monde changeant des images
§ 73. L'examen de la phase de lancement de l'APU
dans l'Hippias (§§26-43) nous a déjà montré à quel point le
personnage du m~me nom était, si l'on peut dire,englué dans la
serre glacée des images. Dès sa première réponse, il exhibe
l'image de la 7TetpS€'VO!
(232) (§ 35) qui prétend occuper" indû-
ment, le siège du beau. Socrate a beau jeu de lui opposer une
,<1
,
,
,
autre image, celle de 1 17T7TO! KetÀT). Comme 1 on pouvait s y a t ten-
dre, cette image de la belle jument agrée fort au sophiste qui
ne peut, chemin faisant,
s'emp~cher de vanter les belles cavales
d'Elis (233), sa patrie. Lorsque Socrate lui oppose d'autres
(232) 287e4.
(233) 288c6.
l lU
images (Àupa KaÀ~,(234)xuTpa KaÀn (235»
qui sont autant de pré-
tendants au rang attribué à la napSÉvof
, Hippias n'y renonce que
pour promouvoir,
à sa place, une autre image
le xpuaôf (236).
§ 74. L'esprit du sophiste est sous la fascination
et sous l'empire des images dont la lente procession est aveu-
glante. Le défilé des images est le spectacle dans lequel se
complaît son regard aveuglé.
Peut-être reconnaît-il "une masse
de belles choses" (noÀÀ& 6~ T& KaÀ&)(237), mais, nulle part, il
ne perçoit le beau lui-même,dont la di~crétion se passe du sup-
port des images.
Parlant précisément des semblables d'Hippias,
un
texte du livre V de la Républigue les appelle "amateurs de spec-
tacle" ($lÀoSEauwv )(238).
Ce $lÀoSEauwv
wne
peut souffrir qu'on
lui
parle de la beauté et de la justice uniques et des autres
réalités semb1ab1es. W(239)
Et s ' i l ne peut le souffrir, c'est
parce qu'il ne peut quitter le terrain mondain des images concur-
rentes.
§ 75.
La loi propre aux images est celle de la mul-
tiplication. Or,
ce qu'appelle la SD)c'est la réduction de la
multiplicité,et non son accentuation.
Par leur nature même,
les
(234) 286c6.
(235) 288clO.
(236) 28ge3.
(237) cf.
Resp V,
479a3.
(238) 479a4:
traduction Chambry,
ibidem.
(239) Ibidem.
images sont incapables d'assurer ou de conduire à l'unification.
Tant qu'un débat se situe sur le terrain des images, il ne peut
être producteur de cette rationalité discursive minimale en quoi
consiste la faculté de parler sous un mode unifié, condition d'un
débat se déroulant à un niveau dialectique. On comprend donc la
rudesse avec laquelle Socrate gronde la surdité d'Hippias: LIV
:>..
. . ) [
'[
8
' ÀÀ
)
-
u
) ,
. . , .r '
AUTO yap EYWYE, ~V pwnE
Ka
OJ EPWTW 0 Tl EOTlV,
Kal OUuEV OOt
J
-
- ,
1\\
U
,
"il '
..
uaÀÀov YEYWVElV ôuvaual n El UOl napEKa8no1A18oJ) Kal O~TOJ
,
,
~
, } ' ,
)1
UUÀ1aJ)
UnTE illTa UnT
EYKE~aÀOV ExwV·(240). Socrate (241) se
montre particulièrement sévère en comparant la surdité du sophis-
te à celle d'une "pierre de meule sans oreilles ni cervelle".
(242) •
§
76. D'une toute autre façon que le sophiste,
le
général athénien aussi reste attaché à l'univers des images. En
guise de réponse à la question socratique portant sur la nature
du courage, Lachès brandit l'image du soldat rivé à son poste.
Sans doute,
pour un général ayant la trempe et le tempérament de
Lachès
-
un brave, l'image du soldat tenant ferme,
à son poste,
contre l'ennemi, est-elle à la fois belle et émouvante. Mais,
en
(240) 292d3-6.
(241) Rappelons tout de même que, pour pouvoir user d'autant de
rudesse, Socrate a pris la précaution de se réfugier derrière un
personnage anonyme évoqué au début du dialogue (§ 32).
(242) Traduction Chambry,·
G.F., 1967.
118
tant qu'image,
elle n'a aucune valeur privilégiée. On peut tout
aussi bien lui opposer des images contraires,
ou à tout le moins,
différentes.
Au demeurant,
c'est ce que fait
le dialecticien en
brandissant à son tour (§ 54) l'image des Scythes, qui ne restent
pas précisément figés sur place mais pratiquent une guerre de.
1
mouvement intégrant alternativement l'attaque et la retraite.
Tel
est le monde changeant des images qu'il constitue un puissant
obstacle qui se dresse devant l'APU.
Mais ce n'est pas tout,
car
sur le monde changeant des images,
vient se greffer le monde
mobile des opinions.
2.
Le monde mobile des opinions.
§ 77. Aux images, en effet,
font écho les opinions.
Le monde des opinions est le lieu des prétentions.
C'est ainsi
qu'Alcibiade (243),
gonflé d'ambitions (244),
prétend conseiller
les Athéniens.
Il faut
donc,
fait remarquer Socrate,
un sujet
(243) cf.
Alcibiade Premier.
Pour une analyse complète et détail-
lée de ce d\\«logue très discuté,
cf. notre E.T.A.P.
(244)
104c7 -
10~c7.
11l)
qu'il connaisse mieux que ceux-ci (245). La maîtrise d'un tel
sujet relève ou de l'étude ou de la découverte personnelle (246).
Or,
i l Y a problème. Sans doute Alcibiade a-t-il pris des leçons
d'écriture,
de lecture,
de cithare et de lutte. Mais justement,
ce sont là des activités qu'il ne connaît guère mieux que les
Athéniens,
donc sur lesquelles il ne saurait les conseiller vala-
blement (247). Qui plus est,
pour les questions techniques,
les
Athéniens s'adresseront aux spécialistes:
par exemple,
pour les
constructions,
à l'architecte, etc ••• (248) Ne sachant ni sur quelle
science, ni sur quelle technique éclairer ses concitoyens, Alci-
biade prétend les conseiller nEpl TWV iaUTwv npay~aTwv (249).
"§ 78. Puisque les questions techniques requièrent
l'avis des spécialistes (§
77), Alcibiade se jette sur les pro-
blèmes relatifs à la guerre et à la paix,
ceux de la République
(250). Mais,
pour conseiller ses compatriotes nEpl nOÀÉ~ouKal
"
, ,
,
nEpl Elpnvnf (251), il est nécessaire de connaître le SEÀT10V
(252) dans ce domaine.
Après quelques hésitations (253),
le jeune
(245)
106d2-3.
(246) E.T.A.P.:
§ 39 (pp.88-90)
(247) Ibidem; §
38; 40.
(248) 107all-dl.
(249) 107c6.
(250) 107d4-5.
(251) Idem.
,
(252) Sur la djtermination du statut et de la fonction du SEAT10V,
cftE.T.A.P.:
§ 51 sqq.
....... v
athénien finit par avancer que le afÀT10V dans le domaine de la
guerre et de la paix, c'est le juste (254). Cependant, il est
incapable d'indiquer l'origine de ses notions de juste et d' in jus-
te. Il faut pourtant qu'il les ait apprises quelque part et de
quelqu'un, ou bien qu'il les ait découvertes lui-même (255). Or,
il n'a pas fréquenté de maître, ni ne les a trouvées lui-même
(256).
§
79. Désorienté, Alcibiade reprend l'hypothèse de
l'apprentissage. Mais alors, il faut désigner un maître, lequel
n'est autre que la masse car il aurait, dit-il, appris ces notions
(
§ 78 in fine) LV
~apà TWV ~oÀÀwv (257). Toutefois, comme
~
')
Ô '
ô '
,
l'observe Socrate: OUK Elf O~OU alouf YE
lôaoKaÀouf KaTa~EuYElf
E~f ToÔf TIoÀÀoôf ~va~fpwv (258). Alcibiade proteste et défend la
masse. En effet, d'où a-t-il appris quantité de choses comme par
(253) Ibid: §
54.
(254) l09c6: TC ôlKalOV.
(255) l09d-e.
(256) Pour une analyse de la gnoséologie contenue dans ce passage,
cf. E. T • A. P .:
§§ 60- 63, cf. en par tic u1 i e r fig ure l,
p. 118 •
(257) 110el.
(258) 110e2-3; cf. aussi Hippias Mineur 364b; Criton 44d; Hippias
Majeur 282c, 284e sq; Lachès l84d; Protagoras 3l7a etc ...
exemple,
le Grec
(259)? Alcibiade pense sincèrement que Socrate
a tort de tenir en si peu d'estime son maître.
L'objection,
ce-
pendant,
est loin d'être dirimante dans la mesure où Socrate ne
conteste pas cet exemple.
En effet,
la masse sait le Grec.
Et
une condition primordiale pour enseigner quelque chose, c'est de
,
~'(I
. . . .
,
"
le savoir soi-même:
LVI
OUK OlOS OTl
xpn TOUf
~EÀÀOVTaf OlÔaOKElV
c.
_
: > . .
_
."
) \\ "
OTlOUV aUTouf TIPWTOV ElOEval;
n ou;
(260).
En ces passages déci-
sifs,
Socrate caractérise la science aussi bien que l'opinion,
en des termes qui resteront célèbres. L'accord est signe de scien-
,
)
_
..
~,
c ,
_
ce,
le désaccord d ignorance:
LVII
OUKOUV TOUf ElooTaf O~OAOYElV
TE ",",
aAAnAOlf
.
Kal
.
~n . . '
ola$EpEoSal;
(261) L "accord s
entend double-
ment avec soi-même et avec les autres.
Cet accord existe parmi la
masse au sujet de certaines questions
(À(Sov,
t6Àov
etc ••• )
et
LVI~,
. . "
"
_
en règle générale:
woauTwf
Kal
TIaVS ooa TOlaUTa (261bis).
Sur de
semblables questioqs,
la masse ne peut être accusée d'ignorance.
Il s'agit là de choses sensibles et toutes concrètes,
qui ressor-
tissent de la perception immédiate.
Il suffit que l'on s'élève
à un niveau où intervient le jugement,
même s ' i l ne porte pas sur
des Valeurs,
pour que le désaccord apparaisse et s'installe dans
nos âmes (262).
Or,
les questions du juste et de l'injuste relè-
(259) cf. aussi Protagoras 327e sq.
(260)
111all-12.
(261)111b2-3.
(261bis)
111c2:
c'est-à-dire sur les êtres empiriques.
(262) Pour la position et la solution d'ensemble de ce problème,
cf. E. T • A• P .: §§ 69- 7 2,
e t
pou r I a ré p 0 n s e à
ce r ta i n e ID é sin ter pré-
ta t i on de ce ID 0 r c eau,
v 0 i r §§ 7 1- 72 •
vent des Valeurs (et des Anti-Valeurs)
(262bis).
Plus que sur
toute autre question,
les Athéniens
les Grecs en général
sont déchirés sur les Valeurs;
peut-être,
plus dangereusement
qu'ailleurs,
ici,
les différences,
puis les ~ivergences, dev~en-
nent divisions,
et finissent dans la génération de toutes sortes
de conflits.
Si les guerres éclatent, n'est-ce pas parce que,
faute de s'entendre,
on veut imposer aux voisins ses propres no-
tions du juste et de l'injuste? Tous ces confiits,
luttes,
d~ver
gences portent le même sens: 1 iimpuissance
de la masse à trancher
valablement (et légitimement) ces questions,
c'est-à-dire l'~gno-
rance.
§.80. C'est précisément d'ignorance qu'Alcibiade
est convaincu à propos du juste et de l'injuste. Car,
en cette
matière, comme le lui reproche Socrate,
il erre d'une opinion à
l'autre (263). La réaction d'Alcibiade est celle de l'opin~on
quand elle est bousculée dans ses dogmes irrationnels ou ses
croyances naives.
En effet,
le jeune ambitieux tente de ravaler
le problème axiologique du juste et de l'injuste à un niveau se-
condaire,
d'intérêt médiocre,
dont les Athéniens ne discutent pas,
parce qU'il relève de l'ordre de l'évidence. Les Athéniens s'oc-
cuperaient de choses autrement plus utiles (264).
Or, ce d~sant,
(262bis) A.V.
(263) 112d9: LIX
?
,
" , ) , )
,
OUÔEVOf OUT aUTof E~EUPWV;
(264) 113dl-7.
iL,:)
Alcibiade distingue arbitrairement,
par simple préjugé,
le juste
et l'utile,
comme deux choses différentes.
Il ne manque même
pas,
au passage,
de brandir ouvertement une A.V:
l'injuste serait
(parfois) source de profit, alors qu'agir justement ne le serait
pas (265). Un tel "blasphème"
doit être réduit,
car nous avons
ici, affaire à une prétention
folle
(266). C'est à cette réduc-
tion que s'emploie Socrate dans un long processus d'assimilations
sùccessives,
qui aboutit à l'identification du juste et de l ' u t i -
le. Lorsque les A.V.
(§ 79 n.262bis)
sont réduites,
Alcibiade
avoue son désarroi et sa désorientation.
Il ne sait plus,
pour
;)
reprendre l'expression populaire,
où donner de la tête: LX
OUK
ot .or' E'/vWVE o'u.or'
~I
À'
) ÀÀ»
...
')f
~,)I
,
u
' 1
U
0
Tl
EYW)
a
aTExvwf
EOIKa aTonwf
EXOVT~ TOTE
"
"
,
. . . . . . ) . . .
,
.or))/
~EV yap ~Ol ETEpa OOKEI OOU EPWTWVTOfl TOTE u aÀÀa (267). De cette
instabilité foncière,
si caractéristique de l'opinion, Socrate
,
)
.or"
, : 1
. . . ,
...
,
donne l
explication: LXI
EnEluav Tif Tl
~n ElOn) avaYKalOv nEpl
TOUTOU nÀavàoSal
TnV wuxnv;
(268)
§ 81. Ces aveux permettent au dialecticien d'opérer
un travail positif en quoi consiste la distinction des trois ca-
tégories d'hommes que sont:
1) les savants,
2) les ignorants
conscients de leur ignorance,
et 3)
les ignorants qui se croient
(265) Idem.
(266) C'est-à-dire:
une mise en cause ouverte des V.A:
§ 102.
(267)
116e2-4; cf. aussi Respol
• 334b6:
00KÉTI
oroa ~YWYE gTI
1~ÀEYOV; même type de réaction ap. Xen in Les Mem. IV, 2, 19: cf.
ETAP. §89.
p.1?8.
n 107.
(268)
117b 2-3.
,..---.._-_ ... - - - - - --,----
._---,------
124
savants (269). Ce ne sont certes pas les savants qui se trompe-
ront,
sinon ils ne seraient pas des savants. n'un autre côté,
ceux qui sont conscients de leur ignorance,
s'en remettront aux
savants. Par contre,
ceux qui se représentent leur propre ignoran-
ce sous les traits du savoir,
commettent les fautes les plus
graves (270). Leur ignorance est spécialement répréhensible (271).
Cette forme d'ignorance est d'ailleurs fréquente dans les milieux
politiques o~ l'on ne s'él~ve pas souvent au dessus d'un savoir
empirique,
routinier, et,
en définitive,
intransmissible (272).
En dépit de toutes ces disqualifications de l'ignorance, Alcibia-
de tente encore de suivre la ligne gauche (§ 156), en alléguant
que,
m~me incultes, les "politiques" ne s'en débrouillent pas
moins. Il 'croit encore que se~ aptitudes naturelles suffiront à
assurer son succ~s (273). C'est là une prétention déréglée que
la longue intervention de Socrate réduira,
avant de revenir sur
la nécessité de l'instruction.
(269) 117b -
117e.
(270) cf. Sophiste 229c 5-6:
LXII
To ~n KaTElôDTa Tl ÔOKEIV
:>
,
,
':l"
" r i
,
,
,
E1ÔEVal Ôl OU K1VÔUVEUEl ~aVTa ocra ÔlaV01~ o~aÀÀo~E8a Y1YVEo8al
-
~acrlV.
(271) Le même texte du Sophiste nous précise qU'il s'agit là, au
fond,
de la véritable ignorance: LXIII
Kal ôn Kal TOVT~ YE of~al
,
" , ) 1
_
~DV~ T~f ayvc~J a~aelav Touvo~a ~pocrpnenval (229c 8-9).
(272)
119a1 sq.
(273)
119b 5- c3.
125
§ 82.
Il nous semble qu'il est apparu nettement que le
monde des opinions est disparate et sans unfté. Telle l'opposition
(274) des deux fameux généraux sur une question qui porte pour-
tant sur le champ de leur expérience
(§§ 44;
45).
Pourquoi ne
s'entendent-ils pas? Ce n'est pas seulement parce qu'ils ignorent
ce dont ils parlent (§ 49), mais aussi parce qu'ils ne savent
mê me pas co mmen t
par 1 e r
( §§ 5 3;
55).
Ils ne s a ven t
pas s' i 1 Y a
lieu de parler.
S'attaquer aux fausses certitudes de l'opinion
devient alors nécessaire. Car l'opinion s'imagine et se peint
sous les traits de l'intelligence. En fait,
elle n'est qu'incohé-
rence,
double incohérence:
vis à vis de soi,
et
vis à vis des
autres.
Or,
l'incohérence est ennemie de la science (§ 81).
Ainsi,
le dialecticien s'attachera-t-il toujours à révéler le désaccord
de ses interlocuteurs,
lequel est la marque propre de l'incohé-
rence.
§ 82bis. Maintes fois ceux-ci se révoltent contre
la méthode socratique (275),
celle-là même qui s'est attaquée aUI
(274) Prenons soin toutefois de rappeler avec J. Moreau que:· •••
c'est le conflit des opinions qui suscite la recherche du vrai,
d'une
pensée universellement
valable".
cf.
Réalisme et Idéalisme
chez Platon,
p.79; LA C.l.P.,
§§ 259:;
336 et Goldschmidt in
Les D. P .,
§§
13-14.
(275) Hippias Mineur 369b8-c8; Hippias Majeur 301b2-c3; Gorgias
461b-C,
483a,
497b,
497c
•
bases de leurs illusions.
A cette méthode,
qui s'écarte du bavar-
dage,
travaille à la désambiguisation du discours en procédant
par discernements rationnels (276),
l'opinion essaie de substi-
tuer celle qui oppose À6yov ~apà À6yov (277). Son but n'est plus
alors l'examen de la question soulevée, mais i l est de provoquer
un combat rhétorique pour que la compagnie puisse décider qui
parle le mieux
(278)
en tranchant démocratiquement (§ 47). Telle
est la revendication d'un Hippias lorsque sa polymathie affichée
ne peut plus le sauver du ridicule d'une vanité désemparée devant
l'Epreuve ( § 50) de l'enquête. C'est pourquoi l'opinion n'est
peut-être pas
toujours
-
si convaincue de détenir la vérité
que le croit un Châtelet (279).
Sans doute,
au départ,
l'opinion
croit-elle détenir la vérité. Mais au moindre examen,
elle quitte
le terrain de la vérité pour se situer sur celui de "l'utilité".
Tel est l'ambitieux Alcibiade qui se détourne du juste pour s'oc-
(276) L.
Brunschvicg, Le Progrès de la conscience dans la Philo-
2
sophie occidentale, Paris,
PUF,
l,
1953
,
p.9.
(277) Hippias Mineur,
369c6;
Gorgias 473e 5-6.
(278)
Ibidem,
369c 7-8.
(279) Platon, Paris,
Gallimard,
collection "Idées",
1965,p.
84 sq.
Goldschmidt lui-même semble cependant d'accord avec Châtelet:
cf.
La Religion de Platon,
p.32.
Mais des textes comme Lachès 192c,
Alcibiade l,
117b, Hippias Mineur,
372c- e contredisent à ce
point
de vue.
pz
127
cuper de l'utile ( §80), croyant naivement que le
juste n'est pas
utile,
qu'il n'est pas l'utile.
§
83. En fait,
c'est de véritable conviction que
n'est pas capable l'opinion.
Il n'y a
pas de véritable conviction
sans une "certaine constance de l'âme",
pour reprendre les termes
du brave général athénien
Lachès
(280). Or,
justement,
l'opi-
nion est errante:
la stabilité, qui marque les âmes imbues de la
vérité,
lui est étrangère (§ 80). C'est que l'opinion est igno-
rante.
L'opinion est,
naturellement,
ignorante des choses; mais,
plus gravement:
elle est ignorante de son propre non-savoir
(§ 81).
Pourquoi,
elle agit sans savoir,
parfois sans vouloir savoir. Tel
est Alcibiade qui,
dans un premier mouvement, choisit d'abord de
se fier à ses "aptitudes naturelles",
se glorifiant quasiment de
participer à l'inculture générale. Cette prétention déréglée
( §§
81,
93;
169) doit être réduite,
pour que s'exprime
et soit
entendue
la nécessité de l'instruction ( §81). Ce n'est pas
sans mal que l'on réduit l'opinion,
car elle recourt à la résiS-
tance,
et même à la rebellion (§ 97 n337)
n' hésitant pas à
brandir ouvertement les A.V (§ 80).
§ 84. Ce serait une erreur de prétendre que l'opinion
n'est jamais d'accord sur rien.
En effet,
elle sait bien
la
(280)
192b9-cl.
128
République VII
(281) le confirmera
que ceci est une "pierre"
ou un doigt. Mais dès que l'on s'efforce de qualifier cette
"pierre" comme "lourde",
"légère", etc.,
ce "doigt" comme "gros",
"mince",
commencent les conflits. Les véritables objets premiers
de l'opinion sont donc les images, et à travers elles,
les quali-
tés. Pour son malheur,
selon
un texte de la Lettre VII,
les qua-
lités se présentent spontanément à l'âme (282), l'envahissent,
l'agressent. Alors,
l'âme peut succomber sous la fascination de
l'univers du devenir,
de la génération et de la multiplicité.
Le
monde n'est plus qu'un spectacle changeant
réceptacle d'ima-
ges et d'opinions,
ou le spectacle changeant devient ce monde,
dont les opinions égarées sont l'hymne.
Alors,
l'âme soumise au
feu salvateur de l'enquête,
ne peut plus que s'écrier honteusement:
,
r "
,")CI
OUK ot~ EYWYE ouô 0 Tl ÀÉyw (283). Précisément, lorsqu'elle ne
sait plus que dire,
et qu'elle persiste à vouloir dire~ l'âme ne
peut que dire la prétention des Pseudo-valeurs (P.V.).
(281) 527b-c;
cf. aussi Resp X,
602d7;
Philèbe 55el-4;
Euthyphron
7b-c.
(282) 343c.
(283) Alcibiade Premier 116e2-3.
lit· .,,,:,
-
129
3. La Prétention des Pseudo-Valeurs
§ 85. Les Pseudo-Valeurs (P.V) ne peuvent exister
autrement que sur le mode de l'usurpation.
Contrairement aux
images,
leur monde n'est pas tant celui des concurrences et des
rivalités (§§ 74;
131) que celui des exigences usurpées (284).
Celui dont l'âme est habitée
par une P.V croit sincèrement déte-
nir une valeur incontestable. Or,
cette prétention a à être authen-
tifiée.
La P.V avance,
en effet, masquée,
comme dans un carnaval.
Elle ne décline pas son identité réelle car,
bien souvent,
cel1e-
ci passe pour évidente.
Du moins,
sa valeur proclamée n'est ni
contestée, ni même examinée dans le monde des opinions. La fausse
valeur (285) tient davantage du simulacre que de l'image. Ontolo-
giquement,
le simulacre est plus éloigné du modèle que ne l'est
l'image;
mais,
si celle-ci est identifiée par sa défaillance même
à l'égard du modèle (286), celui-là usurpe toute l'apparence du
(284) De même,
i l arrive,
comme le déclare expressément un texte
du Banquet
(205b-c), que l'espèce usurpe le nom du genre. cf. aussi
J. Moreau in Le sens du Platonisme, p.80.
(285)
Il va de soi que fausse valeur et PV sont très exactement
synonymes.
(286) Cratyle 433b.
1
/
paradigme. De même,
donc,
que le simulacre offre l'illusion de
la proximité du modèle
et pour cela,
peut être confondu avec
lui,
de même,
la P.V,
revêtue de l'habit d'apparat d'une Valeur
Authentique (V.A),
trompe sur sa véritable nature.
C'est ce que
devrait confirmer,
sous deux points de vue différents mais complé-
mentaires,
la confrontation avec Ion et République 1.
a.
ION
(287)
§ 86.
Ion ne tarit pas d'éloges sur son propre "art"
qui consiste en la déclamation et en l'interprétation de la
pensée
(287) Si,pour les Anciens,
l'authenticité de ce dialogue n'était
pas mise en doute ( cf. Athénée in Banquet des Sophistes, XI,
114,
selon qui,
Platon,
dans ce dialogue,
insulte les poètes; voir
aussi L. Méridier in Platon, Belles Lettres,
V,
p.17),
en revan-
che,
la critique allemande du 19ème siècle (Schleiermacher,
Ast,
Zeller,
Ritter ap. Méridier,p. 18) l'a athétisé.
L'authenticité
a,
cependant,été soutenue par de nombreux et grands savants tels
que K.Fr.
Hermann, Nitzch,
Stallbaum, Dümmler,
Stahlin, Meyer,
Gomperz et finalement,
Willamowitz,
Janell et Raeder (ibidem,
pp.
18-19). En France,
dans une communication faite au IIIème Congrès
de l'Association Guillaume Budé à Strasbourg,
le 22 avril 1938
(et publiée dans la R.E.G,
LII,
1939,
pp419-428),
J. Moreau a
récusé l'authenticité de l'Ion. Toutefois,
comme au sujet de
l'Hippias ( §
26n1),
la lucidité et la profondeur de ce savant,
si probe et si respectable,
sont telles qu'il ne met pas en doute
d'Homère.
Bien que cette seconde partie de son art lui ait causé
beaucoup de peines,
i l pense avoir dit,
plus que personne d'autre,
beaucoup de belles choses (288) sur Homère.
Ion est donc un
(287) suite.
le caractère platonicien ni des intentions ni du
contenu de ce dialogue (cf. conclusion p.428 et passim). Alors que
J. Moreau allègue surtout le caractère non original et répétitif
du dialogue,
la critique allemande a
plutôt
mis en exergue des
arguments parfaitement subjectifs afférents à la langue et à
la
composition du dialogue.
Il suffira de se reporter à notre E.T.A.P.
pour voir à quel point cette critique,
par ailleurs si érudite,
peut succomber à son propre parti-pris. Pour nous,
bien plus que
le problème de l'authenticité,
importe la reconnaissance du carac-
tère platonicien du thème
fait qui n'est nié par presque per-
sonne. Enfin,
pour une bonne introduction à la lecture de ce dia-
logue,
cf.
St G.
Stock, The Ion of Plato,
1909; W.
Chase Green,
Plato's view of poetry, Harward Studies, 1,
29,
1918; W.J.
Werde-
nius,
L'Ion de Platon,Mnem.
III,
1945; J. Duchemin, Platon et
l'héritage de la poésie,
R.E.G.,
LXVIII,
1955, pp.12-37; G.
Colin,
Platon et la poésie, R.E.G,
XLI,
1928, pp.1-72.
(288) 530d2-3.
132
rhapsode éminent entre tous.
Il dit,
au reste,
de lui-même:
LXIV
~OTE ot~at OTIO 'O~nptowv ~~tof Etvat Xpuo~ oTE~av~ oTE~avw8nvat
(289).
Bref,
telle est la flatteuse image que,
sans retenue,
Ion
nous présente de lui-même et de son "art".
Il tient celui-ci pour
une V.A.
Il est même prêt à
donner,
devant Socrate,
une démonstra-
tion de son talent.
Mais Socrate préfère l'entendre sur l'étendue
de sa compétence en matière de rhapsodie:
LXV
vùv oÉ ~Ot TOOOVOE
~TIOKPtVat·TIOTEPOV TIEPt'O~npov ~ovov OEtvof Et BKat TIEpt Hatooov
Kat
'APXtÀOXOU;
(290).
Il est remarquable que,
d'emblée,
ce soit
Ion lui-même qui se décerne,
en dépit de ses vantardises,
un tes-
timonium paupertatis.
§
87.
En effet,
dès le départ,
Ion emprisonne
Homère dans la singularité et refuse toute unification de l'hermé-
neutique poétique. Mais alors,
une difficulté surgit:
comment
peut-on prétendre bien connaître Homère,
en ignorant les autres
poètes? Homère et Hésiode,
par exemple,
disent les mêmes choses
sur certains objets.
Dans ce cas,
i l est évident que leurs discours
sont identiques à
l'occasion des mêmes objets.
Le rhapsode est
obligé d'avouer qu'à cet égard i l les interpréterait aussi bien
tous les deux
(291).
La compétence d'Ion se manifeste déjà sous
le mode de l'ambiguité;
car en étendant celle-ci à Hésiode,
i l
(289)
53üd7-8.
(290) 531a 1-2.
(
,
, \\
,
,
: l ( '
(291) 531a ~ -'01.: LXVI
ü~otwf av TIEpt YE TOUTWV)
w EWKpaTEfl
,
~
..
À'
TIEP t tilV TaUTa . EYOUOt v~
131
entre formellement en contradiction avec lui-même.
Et,
en droit,
cette contradiction l'expose à bien d'autres inconséquences.
§ 88. Car les deux poètes tiennent aussi des dis-
cours différents sur les mêmes sujets:
la divination,
par exemple.
Lequel a raison? Lequel a
tort? Le règlement de cette question
requiert l'avis d'un spécialiste. Seul un devin,
donc un homme -
sous ce rapport
compétent,
pourrait trancher sur une diver-
gence,
entre Homère et Hésiode,
portant sur la divination (292).
Lorsque,
pressé
par Socrate,
Ion reconnait que,
doublé d'un
bon
devin (293),
i l serait compétent pour juger à la fois
des accords
et des désaccords des deux poètes sur la divination,
i l avoue,
du coup,
que c'est en tant que devin qu'il les départagerait,
non
en tant que rhapsode.
§ 89. Socrate reprend ici une thèse familière au
lecteur de l'Hippias Mineur
(294):
le même -
le savant -
est
juge
(292) 531b 4--6:
LXVII
"
"
..
CI
,
..
-
ooa TE OU01Wf Kal
ooa ola~opwf TIEpl UaVT1Knf
,
..
. . ,
1
. . ,
' 1 ) ,
' " _
ÀEYETOV TW TIOlnTa TOUTW
TIOTEpOV OU KaÀÀ10V av E~nYnoalO n TWV
1
"
- , -
uaVTEWV Tlf TWV aya8wv;
(293) 531b 8-10.
(294) 366d-e.
cf.
D.
Samb,
Le P.U dans les Premiers Dialogues de
Platon. Les différentes étapes de son élaboration et le destin
final de l'enguête.
Université de Dakar,
1981.
1.:J4
compétent de ce qui est adéquat,
et de ce qui est inadéquat.
Au
savant donc appartient l'exclusivité de la faculté de reconnais-
sance et de discrimination des jugements droits et des jugements
gauches. S'il en est ainsi,
c'est parce que l'objet en cause est
le même (295). Dès lors,
on peut s'interroger sur le paradoxe qui
,
,
"1\\
' "
" , , ' ,
Ô "
..
·consiste a etre:
n€pl
~€V
O~npou
€lvof ••• , n€pl
H010ÔOU OU,
OU'Ô~ tw~" ~"W" ~OlntW~",' (296) H '
ff
1
d
A
~
v
uAA
V "
.,
v
omere,
en e
et,
par e
es memes
objets que les autres poètes,
c'est-à-dire de guerre (297),
de
rapports civiques (298) et professionnels (299),
de théologie
(300) et de religion (301), d'astrologie
(302) et d'eschatologie
(303),
de théogonie (304) et de mythologie (305).
(295) L'unité du savoir et celle de son détenteur sont également
expressément affirmées dans l'Alcibiade Premier 133e1.
(296) 531cl-2.
(297) 531c4: nEpl nOÀÉ~ou
..
c
~
..
' , , "
)
e '
(298) 531c4-5: LXVIII
nEpl 0~lÀ1WV npof aAAnAouf av pwnwv
)
""'"
"
.....
aya8wv tE Kal KaKWv.
\\.")
" - .
\\
('
,.....
(299) 531 c S'- ,,~ Ketl \\Sl.WlCOV kcJ-\\
àCW))'uOUP r""V .. '
(300) 531c6: n€pl
8€wv
npof àÀÀnÀoUf
(301) 531c6-7:
Kat npof fiv8pwnouf
(302) 531c7-8: TIEPl twV otpavlwv na8Tl~&twV
(303)531c8:
Kal TI€Pl
twV ~v aA1ÔOU
(304)531c8:
Kal y€vÉO€lf
Kal 8€wv
..
c
,
(305) 531c9: Kal npwwv. Comme on peut le constater, Socrate se
135
§ 90. Certes, admet le rhapsode,
tous les poètes
parlent des mêmes objets (§ 89). La différence, ajoute-t-il
néanmoins,
est que,
si Homère en parle bien,
les autres poètes
en parlent mal.
Maintenant,
c'est clair:
i l ne fait
plus le moin-
dre doute qu'Ion connait aussi les autres poètes:
Hésiode ou
Archiloque. Car le même
"est
juge compétent de ce qui est adéquat
et de ce qui est inadéquBt." (§ 89).
Ion sait donc plus qU'il ne
croit savoir. Et de fait,
cette "science" l'étonne
(306):
i l ne
se doute pas un seul instant qu'il puisse s'agir d'un faux-savoir.
Il ne s'imagine pas qu'il n'est porteur que d'une P.V (§ 85).
Il
avoue naivement qU'il ne manifeste d'intérêt qu'à l'endroit
d'Homère;
sur les autres,
i l est impuissant à rien dire: il s'en-
dort même lorsqu'on les évoque: &lEXVWf vuolaçw (307). Cet aveu
révèle déjà pleinement que le talent d'Ion ne découle pas d'une
(305) suite.
livre ici à une véritable analyse thématique des
textes d'Homère.
Nous avons affaire,
en quelque sorte,
à un
index
analytique des matières.
On peut voir dans ce passage l'archéolo-
gie des études homérologiques.
(306) Cet étonnement n'a rien à voir avec celui qui produit
la
science:
cf. Théétète,
156d.
(307) 532c2.
136
science.
Ici,
i l semble que la P.V (308) soit en quelque sorte,
dans le collimateur du dialecticien:
elle est nettement dans la
ligne gauche.
Elle ne peut se réclamer ni de l'étude,
ni de là
découverte.
Elle ne peut rendre raison
(6{6oVŒl A6yov) d'elle_
mArne. Elle se définit avant tout négativement:
comme une incapaci-
té à se comporter à
la manière d'une science,
c'es~à-dire à ren-
dre compte de la multiplicité à travers un procès d'unification.
§
91. Dans un détour
(309), Socrate essaie d'expli-
quer au rhapsode le paradoxe de sa situation.
Ion accepte apparem-
ment la validité du raisonnement socratique
(§ 92)
pour les autres,
(308) Ono·voit bien en quoi notre interprétation diverge de celle
de Yvon Brès.
En effet,
selon ce savant,
l'Ion
wmet
la poésie au-
dessus de la science w (cf. P.P.
p.302) et aussi p.61 n48).
Comme
on peut le cons~ater ici, l'interprétation interne conduit à la
dévalorisation de la poésie déterminée comme P.V.
Il ne peut
dObC
Atre question d'admettre,
avec Brès (p.61),
que l'analyse de la
poésie en termes de fausse valeur soit plutôt une conséquence de
la doctrine ultérieure de Platon. Le lecteur remarquera d'ailleurs
que,
pour ne pas tomber sous cette accusation,
nous n'avons uti-
lisé aucun texte postérieur,
pour interpréter Illon.
(309) 532c-d.
mais non pas pour lui-même.
Il persiste à dissocier l'interpréta-
tion d'Homère de celle des autres poètes. Cette singularité,
il
ne sait pas de quoi elle relève,
mais i l la veut;
c'est le signe
de son talent.
La preuve en est la reconnaissance de celui-ci par
t. ~,
l'opinion (01 aÀÀOl navTEf)(310).
Etonné (§ 90 n306) pour de bon,
le rhapsode insiste auprès de Socrate pour obtenir quelque lumiè-
re sur ce que "signifie"
son rapport à Homère (§ 92). Désormais,
le caractère de la fausse valeur doit être exposé,
analysé dans
une longue intervention.
Il faut remonter jusqu'aux racines de la
rhapsodie et en démontrer toute la vaine fatuité.
§
92. Le dialecticien procède à la mise en place des
mécanismes indispensables à la capture de la fausse valeur.
Le
don qui habite Ion ne relève pas de l'art,
mais d'une SEla ôuvaUlf
(311),
dont le mode d'action est comparable à la transmission de
la force magnétique. Telle est aussi la source de la poésie. Les
poètes sont simplement des inspirés.
Sous le joug de l'inspira-
tion,
ils perdent littéralement la raison (312).
Ils ne sont plus
eux-mêmes:
ils sont "possédés":
LXIX
:>
"
,
: > , )
, ' "
, - )
t
OlV aÀÀa SE1~ ôuvaUE1)
EnEl)
El nEpl
EVOf
TEXVD KaAwf nntOTaVTO
,
l'
, -
')\\ , ,
"
( )
,
~ErEIV) Kav nEpl TWV aAAWV anaVTWV 313 • Ce long developpement
socratique emporte l'approbation enthousiaste,
et presque émue,
(310) 533c6.
(311)
533d3.
(312) 534a.
(313) 534c5-7.
$)"-
du rhapsode.
Il vient d'obtenir "la lumière" (§ 91) qu'il solli-
citait déjà (314). Aussi, s'écrie-t-il: LXX
Nat ~à Tev b{al
'1
U
"
" ' , '
...
...
'"
~ '
,
~~oly~·anT~l yap nw! ~OU T01! ~OY01! Tn! ~uxnf) w ~wKpaTEfJ Kal
~Ol OOKOÙOl e~{q ~o{pq n~lv napà TWV e~wv TaUTa of &yaeot nOlnTal
tp~nv~UElv (315). Ainsi, le statut de la poésie est défini. Elle
apparait comme une P.V car elle n'est qu'une interprétation. Que
dire alors de la rhapsodie qui interprète les poètes? Elle est
l'interprétation d'une interprétation:
les rhapsodes sont,
par
conséquent,
des interprètes au second degré (316).
Ion finit
par
avouer (317) que,
dans l'exercice de sa profession, i l perd la
raison (318). Cependant,
il continue de contester que ce soit
sous le coup du "délire" et de la "possession" qu'il parle
§
93. Cette contestation entraîne le rebondisse-
ment de la prétention qui devient même déréglée (319).
Ion oublie
que seul le spécialiste peut trancher les questions techniques
(§ 88). En effet,
il prétend qu'il "parle bien"(320) de tous les
(314) 532b8 sq;
533c4 sqq.
(315) 535a 3-5.
>
_
c.
,
L
_
,
(316) 535a9: LXXI
OUKOUV Ep~nVEWV
Ep~nVn!
Y1YVEOTE;
(317) 535d 7-8.
(318) 535d.
'019) 536d 4-7.
(320) 536e3.
r
1
sujets traités par Homère.
Cette prétention est insoutenable,
parce que,
devant elle,
se dresse l'obstacle de la spécialisation.
Comment le rhapsode parlerait-il mieux que le cocher de l'art
de
celui-ci? etc •••
Chaque art ne peut juger légitimement que d'ou-
vrages
déterminés qui relèvent de son domaine. On ne peut
connaître d'un ouvrage médical par la timonerie,
etc •.. Le même
art nous fera donc' conna1tre
les mArnes choses,
et un art diffé-
rent des choses différentes (321).
Ainsi,
lorsque nous ignorons
une technique
(322),
nous ne sommes pas en mesure d'apprécier
avec pertinence ce qui se fait d'après la vertu propre de celle-
ci.
§
94.
Ne pouvant revendiquer aucun art en particu-
lier,
le rhapsode les revendique tous (323).
Mais,
les précédents
aveux
(324)
(§ 93) interdisant une telle prétention,
i l s'empare
de l'art du général et,
comble de ridicule,
se décrète meilleur
général de la Grèce,
sans pour autant reconna1tre que le général
soit aussi rhapsode (325).
Ce combat d'arrière-garde doit pour-
tant être bien vite abandonné. Car la fausse valeur s'est démas-
quée:
elle ne peut plus soutenir le regard inquisitorial de l'en-
quAte.
De mArne que Ménélas finit par rna1triser Protée, à force
(321) 538a.
(322) Technique et art sont parfaitement synonymes ici.
(323) 53ge6.
(324) 538b.
(325)
541a9.
14U
"d'un coeur patient"
(326),
l'enquête socratique finit par obli-
l
'
h '
.
d ' . . ,
." ô ; ) '
'1
...
ger
on a c 01S1r
etre,
a nos yeux,
a lKOJ avnp ••• n 6E10!.
(327),
et,
il faut le dire:
tertium non datur.
Au moment ultime,
Ion fait le bon choix,
rendant ainsi possible,
par son propre
aveu,
la capture de la P.V.
Sans doute,
son savoir ne re1ève-
t-i1 pas de la technique,
mais du moins i l n'est pas injuste; .i1
est même "divin". La prétention s'est tue:
abattue.
Enfin Ion
peut dire sagement: LXXII
TIoÀu Ôta~ÉPEt) WEWKpaTEJ-TIoÀÙ yàp
KaÀÀtoV TC SEtOV VOut~EOSat
(328).
b.
REPUBLIQUE l
§
95. On ne s'étonnera pas de trouver le premier
livre de la République dans ce travail exclusivement consacré
aux Premiers Dialogues. En effet,
la plupart des P1atonisants
s'accordent à considérer le premier livre de la République
comme antérieur à 386, c'est-à-dire qu'il serait postérieur d'en-
viron deux ans à
la fondation de l'Académie (329). Généralement
(330),
on le range avant Charmide, Lysis,
Euthydème,
et après
(326) Odyssée,
IV,
441-485
(G.F,
1965,
p.66).
(327) 542a8.
(328) 542b 1-2.
(329) 388-7 avant J.C.
(330) J.
More~u, La C.l.P., p.27.
r
1
1
,
1
1
Hippias Mineur,
Protagoras et Lachès.
En tout cas,
le livre l
de
la République est organisé sur le même modèle que la plupart des
Dialogues du Premier âge.
Il présente la même économie structu-
relIe.
§ 96. Le départ du Dialogue est marqué par la fi-
gure du vleux Céphale.
Il est au soir de sa vie,
et donc, chargé
d'expériences mondaines. Se démarquant de ces vieillards, qui
vivent du regret de leurs jouissances passées,
i l n'est pas loin
d'exalter la vieillesse,
qui favorise le renversement de l'empire
des sens (331).
Il est riche, mais n'est pas un adorateur de
l'argent.
La richesse est,
pour lui,
avant tout,
un moyen de
justice (332).
Pour le divin vieillard, la justice consiste à
dire la vérité (333),
à offrir aux dieux des sacrifices (334) et
à payer ses dettes (335). D'ailleurs, bientôt, joignant le geste
à la parole, Céphale se retire pour faire un sacrifice (336).
Sans doute,
les lecteurs de l'Alcibiade Second, s'attendaient-
(331) 330e.
(332) 33la-b;
en Lois V,
742e, Platon considérera la grande ri-
chesse comme incompatible avec la vertu.
cf. aussi,
Schuhl,
D.P,
p.187.
(333) 331b 1-2.
(334)
33lb 3.
(335) 331b 3-4.
(336) 331d6-7.
ils que Socrate demandât au vieillard de suspendre sagement son
sacrifice ( §460) en attendant de s'instruire. Mais,
i l ne pro-
cède pas ainsi:
i l peut aller à son sacrifice du moment qu'il a
avoué que dire la vérité ou rendre à quelqu'un son dû ne définis-
sent pas intrinsèquement la justice,
car au regard de celle-ci,
1
ils sont accidentels.
Ils peuvent même incarner une profonde
i1
injustice.
Il serait injuste,
certes,
de rendre à un ami devenu
fou,
les armes qu'il nous eût confiées alors qu'il était sain
1
d'esprit.
§ 97.
Nul ne saurait contester que la
justice soit
1
une valeur (337).
Elle appartient aux ~~YloLa (338). Mais, comme
l'indique l'Etranger du Sophiste dans ses protocoles méthodolo-
giques,
i l ne s'agit pas seulement de se mettre d'accord sur un
nom,il faut surtout s'entendre
wsur
la chose même,
en la déEinis-
sant." (339) C'est que la représentation que l'on se fait d'un
nom peut correspondre ou non à :La (f,os~ mime. Elle peut corres-
pondre à une non-valeur (N.V),
c'est-à-dire,
en l'occurrence,
(340) à une image.
ou à l'autre de la valeur,
c'est-à-dire à
une
(337) A moins qu'il ne s'agisse d'une rebellion ouverte contre les
valeurs,
débouchant sur la défense et l'éloge des Anti-Valeurs
(A.V; §
83).
(338) C'est-à-dire aux "choses les plus hautes" qui sont,
comme
chacun sait,
les V.A.
(339)
2I8c.
(340) Car une technique est aussi une N.V.
r
143
P.V. On peut,
par conséquent,
mettre sous le nom d'une valeur la
représentation d'une P.V.
La P.V est donc une double usurpation:
celle d'un nom et de son contenu.
Elle ne s'empare pas seulement
du nom d'une valeur authentique (V.A),
elle prétend également
s'exprimer en son nom.
§ 98. Sauf tout le respect dû à son âge,
force
est de reconnaître que Céphale s'exalte pour une P.V à l'occasion
d'une discussion sur une V.A:
la Justice.
Car la conception de
la Justice que présente le vieillard est bien celle de la
conscience commune et démotique.
Sans doute est-elle bien inten-
tionnée,
mais la P.V
s'opposant en cela à l'Anti-Valeur
(A.V)
est pavée d'excellentes intentions.
La thèse du divin Céphale
sera donc soumise à l'épreuve.
Polémarque s'institue en héritier
spirituel de son père (341).
Il se réfugie derrière le poète
Simonide que Socrate qualifie de "sage et divin"
(342). Seule-
ment,
interprété littéralement,
le propos du poète tombe sous le
coup de la critique précédente.
Polémarque est obligé de sub-
vertir (343) la parole du poète,
pour about~r à une définition
.,
-
"
" l
,
.Ir
-
(341) 331d 8-9:
LXXlll
OUKOUV)
E<l>T)V
EYW,
0
TIOÀE\\.ICXPXOfrwv
YE
owv
K ÀT) POVO\\.l 0 f;
(342) Il faut se rappeler qu'Ion avait d1choisir entre "injuste"
et "divin" (542a8; § 94n327). Cicéron se souviendra de ce passage
in De Natura Deorum,
l,
22.
(343) La subversion suit la ligne droite:
la notion de bien
:1
,
( cxya8ov,
332a~0) est introduite.
rectifiée de la Justice: LXXIV
To TOùf ~{ÀoUf ~pa E~ nOtEtV
,
ù '
ù
-
Ô
'
,
Kat
TO f
EXepO f
KaKwf
tKatOOUVnv ÀEYEt;
(344) A son tour,
Socrate engage une autre interprétation des "énigmes (345) de
Simonide (346), en les infléchissant toutefois plutôt vers la
ligne gauche. En effet,
si l'on comprenait littéralement "ce qui
est dû~ on aboutirait, par exemple, à la conclusion que l'arme
qui nous a été confiée doit être rendue à l'ami devenu fou.
Par
"ce qui est dB",
il faut alors entendre "ce qui convient".
(347).
§ 99. Cette subversion semble destinée à montrer
que Céphale et son héritier (§ 98),
tout comme le poète Simonide,
sont coupables d'une conception "technocratique" de la justice.
(344) 332d7-8.
(345) 332b11.
(346) Ces interprétations,
à propos desquelles on a quelque fois
mis en doute le sérieux de Socrate ( ex: Chambry ap.
Budé, Resp.
l, TVI,
p.13 nI),
doivent être envisagées non pour elles-mêmes,
mais uniquement en rapport avec les visées pédagogiques -
et psy-
chagogiques -
de celui-ci.
De plus,
l'on doit toujours les réfé-
rer aux vues platoniciennes sur l'Ecrit:
cf. E.T.A.P. §
18 (p. 38
n77).
(347) 332b-c.
i
1
1
l
145
La Justice est,
en effet,
placée sur le même registre que les
techniques.
De même que la médecine donne aux corps des remèdes
etc •••
,
la justice consisterait à faire du bien aux amis et du
mal aux ennemis. Mais les techniques ont un champ d'utilité dé-
terminé:
par exemple,
la médecine porte sur la maladie et la
santé etc ••• Et,
par suite,
c'est dans ce domaine,
et non dans
un autre,
que le médecin pourrait faire du bien à ses amis,
et
du mal à ses ennemis.
De sorte que,
"à qui ne souffre point",
(348) médecin et médecine
sont inutiles.
Il en est de même pour
toutes les autres techniques (pilotage,
agriculture etc .•. ).
Quant au juste, en quelles circonstances,
ferait-il du bien à
ses amis,
et du mal à ses ennemis? Si la justice est utile en
temps de guerre (349),
elle ne peut être déclarée inutile en
temps de paix (350). Même le cithariste l'emporte sur le juste,
pour ce qui est de la production des sons,
parce qu'il s'agit
là de la vertu propre de son art:
sa spécialité. Dans quelle
spécialité,
le juste l'emporte-t-il sur les autres techniques?
Pour les différentes techniques,
on lui préfèrera le spécialiste,
l'homme du métier. Quand bien même s'agirait-il de vendre un
cheval que le maquignon serait mieux indiqué que le juste!
(351)
§ 100. On voit à quels périls sont exposés le
(348) 332e6-7 (Traduction Chambry ap.
G.F.).
(349) 332e11.
(350) 333a1.
(351)
333cl-2~
146
juste et la justice!
Et c'est bien la définition de Céphale,
reprise et soutenue par PolémarqueJqui les a
compromis dans la
compagnie des P.V et des N.V.
Voilà que la "technique" (352)
du
juste est ravalée
et réduite
à l'excellence dans la garde
des choses qui lui sont confiées.
L'utilité de la justice se
mesurerait ainsi à l'aune de l'inutilité des autres arts et ob-
jets. L'usage propre de la
justice porterait donc sur les choses
en tant qu'elles sont inutilisées,
donc,
provisoirement inutiles.
')
)\\
Socrate peut déclarer,
non sans quelque tristesse:
LXXV
OUK av
...
~,
"
~ ...
"
c~
,
')
. . . .
oov,
W $lÀE) navu YE Tl anOUualOV Eln n ulKaloauvnl
El npof Ta
,.
, ) \\
' )
.
,
axpnaTa xpnalUOV OV TUYXavEl (353 • Cependant, S1 1 on admet un
postulat déjà familier à l'Ami des Dialogues
(§§
89i
90),
le
juste,
expert dans la garde des choses,
le serait aussi dans
,
'
E'l"
(. ~,
) ,
~
..
1 art de les derober: LXXVI
apa 0 ulKalof apyuploV uElvof
,
..
À'
~ ,
(
4)
,
$uÀaTTElv)
Kal K EnTE1V uElvof
35
• Ainsi,
inflechie dans la
ligne gauche,
la justice n'est plus qu' "un certain art de déro-
ber,
en faveur,
toutefois,
de ses amis,
et au détriment de ses
ennemis." (355).
§
101. Polémarque proteste contre cette conclu-
(352) Pour déterminer en quel sens une valeur peut être dite
technique,
nous renvoyons à
notre E.T.A.P: §§185-194i
et pour la
définition rigoureuse de technique,
cf.
§ 51.
(353) 333el-2.
(354) 334a 7-8.
(355) 334b (T~aduction Croiset)
G.F.)
147
sion parfaitement légale (356) et où n'entre aucun sophisme
(357),
tout en reprenant sa définition rectifiée.
Mais alors,
c'est la notion même d'amis
(358) qu'il faut examiner.
Car en
matière d'amitié,
si l'on se fie aux apparences,
on risque
d'aboutir à la conclusion scandaleuse qu'il serait
Wjuste de
faire
du mal à ceux qui ne commettent point d'injustice.- (359)
En effet,
l'ami sera non celui qui "paraît honnête" sans l'être,
mais bien celui qui "est honnête",
dût-il ne le point paraître.
Ainsi,
grâce à une nouvelle subversion droite,
nous obtenons une
(356) Ce terme désigne,
dans le contexte de notre analyse,
la
conformité d'un schème argumenta tif avec le but pédagogique
poursuivi par le principal énonciateur (ou méta-énonciateur)
du
Dialogue,
Socrate en l'occurrence.
(357) René Bacou,
dans son édition de la République,
ap. G.F,
1966,
p.388 n13,
voit dans cette conclusion un sophisme. Pour-
tant,
cette conclusion est nécessaire si la
justice est assimi-
lée,
à titre élenctique, comme c'est le cas ici, à une technique.
C'est un schème argumentatif classique dans les Dialogues:
i l
est intimement lié à la structure dialogique.
(358) Sur l'amitié,
cf, Lysis que nous analyserons plus loin ~
(§§
1 53- 1 58 ) •
(359)
334d 5-6.
14ts
nouvelle définition rectifiée:
être juste c'est
LXXVII OlKQIOV
,
,
A. { ,
')
8'
>\\.,
"f
-
,
, ) ,
, ' H
LOV UEV ~ AOV aya ov oVLa EU TIOIEIV, LOV 0 EX8pOV KaKOV OVTQ
aÀaTILEIV;
(360) Toutefois,
cette définition porte encore la
marque de la P.V,
et même de l'A.V.
Il est inconcevable que
l'homme juste, étant bon par définition,
puisse faire du mal à
qui que ce soit.
Aucun art ne peut,
par sa vertu propre,
engen-
drer son contraire (361).
Cette définition est donc fausse:
,
"
_,1
'..r
- "
),
c_
LXXVIII
OU yap aÀn8n EÀEYEv·ouuauou yap olKalov ouoEva n~lV
: > ,
')\\
,
,
E<I>avn ov aÀaTITElv.
(362) Au reste,
elle s origine dans les pré-
jugés des riches sur leur propre pouvoir.
§ 102. En droit,
l'analyse de la République l
en
termes de P.V est achevée vers la fin du passage 336b.
En effet,
les P.V ont été capturées et réduites à néant et ce qui,
en elles,
pouvait être infléchi à droite,
l'a été.
Bient8t, surgira un
autre langage,
celui de la révolte et de l,rebellion brandis-
sant l'étendard des A.V.
Déjà,
les A.V.
frappaient à la porte,
impatientes d'exprimer leur impiété et leurs Prétentions Folles.
Elles forcent l'entrée,
et par Thrasymaque interposé,
vont s'ex-
primer sans retenue.
Désormais,
et i l en est ainsi chaque fois
que des A.V.
entrent en jeu,
on ne pourra plus répondre
n en
invo-
quant les notions courantes sur le sujet. n (363)
(360) 335a 9-10.
(361) 335c-d.
(362) 335e 5-7.
(363) 348e 8sq ..
149
§ 103. La P.V est avant tout l'expression d'une
usurpation.
Tel est Ion qui,
sous couvert de rhapsodie,
tente de
s'emparer des compétences des autres techniques (§§
93; 94),
pré-
tention d'autant plus ridicu1e qu'il ne s'était reconnu d'habilè-
té que sur Homère ( §86).
Simple inspiré,
i l se croit détenteur
d'une V.A.
Certes,
i l est guidé par une 8Eta o6va~tJ, qui agit,
comme une force magnétique
(§ 92),
mais i l ne s'explique même
pas l'origine de son inspiration (§ 91).
Aussi n'est-il guère
étonnant qu'il perde la raison dans l'exercice de sa profession
('§ 92).
Ion nous a donc montré qu'une pseudo-science pouvait re-
vendiquer le statut de science authentique.
§ 104. D'autre part,
la P.V est une promesse trom-
peuse (§ 85). Mais l'opinion s'y fie spontanément et sans réfle-
xion.
Car i l y a
comme une sorte de respectabilité qui émane de
la P.V et qui fascine.
Un texte du troisième livre de
la Républi-
~ déclare qu' "En effet ••• il semble bien que tout ce qui
trompe
fascine
l'esprit."
(364) C'est pourquoi,
comme on le verra
(§§ 454 s q q),
à l ' in s t a r
du vie u x Cé p hale (§ 96),
Ale i b i ad e
(365)
"i' exalté" (§ 460) se jette dans la prière avec une confiance
(364) 413c 4-5 (Traduction Chambry ap.
Budé).
(365) Il s'agit ici de l'Alcibiade Second .dont nous aurons
jus-
tement besoin dans la section finale
de notre analyse de l'Eu-
thyphron (§§
454-460)·
150
(§ 454) débordante.
Or, le moindre examen révèle que la prière
peut être source de biens ou- de maux (§ 455). Mais elle a ceci
de particulier qu'elle se pare des atours du bien. Il n'y a pas
le moindre doute que l'âme naive et ignorante va vers la prière
comme vers un bien par excellence. Or, la prière, les présents
ne sont qu'un rituel sans grande importance, que les dieux, bien
des fois,
tiennent en mépris (§ 460). Ils deviennent vite un spec-
tacle qui se dépense en mille démonstrations (§ 459) prestigieu-
ses auxquelles les dieux ne laissent pas de préférer "la réserve
religieuse des Lacédémoniens." (366).
§ 105. Usurpa t ion dans un cas (§;:-} 03),
promesse
intenable dans l'autre (§ 104), la P.V est parfois une erreur sur
la V.A. Telle est la définition de la justice que propose le vieux
Céphale (§ 96), et qui la réduit presque à un échange de bons pro-
cédés. Mais cette erreur, dans la mesure où elle se cache sous le
nom d'une V.A,
dont elle prétend dire le message, devient une
double usurpation: celle "d'un nom et de son contenu" (§ 97).
Ni l'expérience du divin vieillard (§ 96), ni la fraîcheur du
jeune Polémarque, "son héritier spirituel" (§ 98) .. ne les préser-
vent de la vision technocratique de la justice (§99). Or, à
assimiler les techniques, qui ignorent les fins, avec la justice
(§ 97),
on aboutit à placer celle-ci "dans la compagnie des P. V
et des N. V" ( § 100) •
(366) 149c.
151
§ 106. Comme les images ( §74 sq) et les opinions,
leurs compagnes,
les P.V constituent aussi des obstacles. Lors-
qu'une âme est en leur possession (§ 92),
elle ploie sous le
délire. Polémarque,
pris sous le feu des questions socratiques,
est obligé d'avouer,
presque dans les mêmes termes qu'Alcibiade
,
. . . . . "
CI
."
(I,§ 84 n283): OUKÉTt oïôa EYWYE 0 Tt EÀEYOV (367). Aussi, les
P V,
qui sont les "valeurs mondaines",
ne savent même pas que
dire alors qu'elles croient savoir dire.
Tout se passe donc comme
si, avant de devenir muettes,
elles passaient aux aveux, comme si,
à force d'efforts et de patience, le dialecticien faisait enten-
dre un message d'espoir.
Ce message d'espoir,
venu du lointain,
et qui a traversé à la fois le monde changeant des images C§§73-
76) et l'univers mobile des opinions
~§ 77-84), vaincu et réduit
la préten tion des P. V (§§ 85-106),
pou~~ah bien être le signe
annonciateur de l'Assimilation de la S.D.
(367) 334b 6.
152
C.
L'Assimilation de la S.D.
1. L'Audition de L'A.P.U.
'§ 107. L'Assimilation de la S.D (ou F.D:§ 24) doit
naturellement se traduire par l'inscription de l'essai définition-
nel dans la S.D.
Lorsque cette inscription s'est effectuée,
cela
signifie que l'interlocuteur de Socrate a entendu l'A.P.U et en
a compris la demande. Cette audition témoigne du succ6s de l'heu-
ristique déployée par Socrate dans la première section du dialo-
gue.
En même temps,
elle permet au débat philosophique de s'amor-
cer i
travers l'étude de l'E.P.U.
Si l'audition de
j/APU a lieu
généralement après l'heuristique de Socrate,
comme c'est le cas
du Lachès (§
114), du Ménon ~§:115-123) ou de l'Euthyphron (§§309-
310), son enregistrement laisse i
déSirer dans un dialogue comme
l'Hippias Maieur par lequel nous commencerons.
153
a. L'HIPPIAS MAJEUR
§
108. Nous avions interrompu l'analyse de ce dialo-
gue à un moment où, grâce à l'introduction de la notion de conve-
na nce (' §§ 41; 4 2 ), une s po i r
(' § 106) se des sin ait d e v 0 i r Hi pp i a s
entendre l'APU. L'incapacité du sophiste à rompre avec les images,
pour lesquelles il nourrissait une sorte de vénération (§ 42)/
avait été particulièrement frappante.
Aussi bien, utilisant à
fond la notion de convenance, Socrate avait dû s'efforcer didiS-
créditer au maximum les images préférées d'Hippias. 'C'est ainsi
qu'il avait pu l'obliger à reconnaitre qu'au regàrd du critère de
la convenance, une cuiller en bois de figuier devait être décla-
rée plus belle qu'une cuiller en or.
(368)
§ 109. Espérant avoir suffisamment discrédité les
images,incapables d'avoir un autre mode d'existence que pluriel,
Socrate relance l'APU: TÔ 6~ v~v TI aÔ AfYEII TÔ KaAôv Etval;
(369) La réplique immédiate du sophiste peut laisser croire
qu'il a tiré parti des explications et surtout de la critique de
Socrate: LXXIX'Eyw 001 ~PW Idit-il.Z~TEtV yap ~Ol 60KEtI TOIO~TOV
...)
,
a
CI
1 : '
'
...
Tl TÔ
KaAov anOKplvao al>
0 ~~uEnOTE aloxPOv ~~6a~0~ ~noEvl
~alvElTal (370). Hippias a tout l'air d'avoir assimilé la deman-
(368) 291b 5-6; 291c 4-5.
( 369 ) 29 1c 8 - 9.•
(370) 291d 1-3.
154
de de l'APU.
Aussi bien Socrate déclare-t-il approbateur: LXXX
n&vu UÈv oÙV,
~~TITI{a·Kal KaÀw1 YE vùv 0TIoÀa~B&vEl1 (371).
§ 110. En entendant cette réaction de Socrate,
on
ne peut manquer de songer aux termes en lesquels i l enregistrera
lTaudition de l'APU dans l'Euthyphron (§ 310).
Mais une différence
capitale sépare les deux contextes.
Dans un premier cas, Socrate
se contente de prend~e acte de la formulation à peu près correcte
de la demande de l'APU avant qJun nouvel essai définitionnel ne
soit proposé.
Dans le cas de l'Euthyphron,
i l enregistre un essai
définitionnel réussi.
Il anticipe donc dans l'Hippias. Mais l'es-
sai définitionnel du sophiste est franchement
décevant: LIXXI
,
{
. , . . . .
. . . .
- ' À
t "
AEYW TO vuv aEl Kal TIaVTl Kal TIaVTaxOU Ka ÀlOTOVE val av6PlJ
-
( ,
,
,~-
C À '
,
,
:>
TIÀOUTOUVTl, uYlalvovTl~
TlUWUEV~ UTIu TWV
E Ànvwv) a~lKoUEV~ El1
,
,
À-
, À
t:.
..
ynpa1,
TOù1 a6Toù yovEa1 TEÀEUTnoaVTa1 Ka W1 TIEplOTEl
aVTl) UTIO
-
c
- ,
,
TWV aUTOU EKYOVWV
on remarquera
que cet essai définitionnel se situe au même
niveau que la première tentative d'Euthyphron
(§
288)
et,
par
conséquent,
constitue au mieux un exemple.
En second lieu,
i l
(371) 291d 4-5.
(372) 291d 9;
sur ce texte,
cf. aussi John Malcolm:
On the place
of the Hippias Major in the development of Plato's thought.
in
Archiv Für Geschichte Der Philosophie,
50,
1968,
p.191.
155
porte non sur le Ka ÀOv
mais sur le Ka ÀÀ 'l OLav
,
ce qui es t l'oin
d'être la même chose (373). En troisième lieu, la notion si promet-
teuse de convenance est abandonnée alors qu'elle n'a pas été mise
en cause en elle-même.
§
111. On comprend donc que Socrate reproche au
sophiste
d'avoir répondu "à côté" (374) de la question qui lui
a été posée. Selon une formule que nous empruntons par anticipa-
tion à un des interprètes de l'Euthyphron (§ 298), la réponse
d'Hippias "n'est pas dans une relation de rigueur avec la ques-
tion posée." Car, alors que Socrate cherche à déterminer ce qu'Q.«
le beau en soi, indépendamment des contingences, le sophiste
donne un exemple qui, somme toute, n'est applicable qu'à l'homme
(supra n 373). D'après l'essai définitionnel proposé par Hippias,
il ne saurait être question de parler de beauté à propos de la
pierre ( 375), du bois (376), de la divinité (377), de l'action
(373) En réalité,
cet essai définitionnel montre que le sophiste
n'y voit que du feu.
Il restreint encore l'objet à définir par
l'emploi du superlatif et,
du coup, abandonne le terrain des subS-
tantifs par lesquels sont exprimé~ les Formes, pour celui des
adj e c tif s qui é non C e n t des qua 1 i tés 0 u de-5 ace ide n t s. Ace t t e r e s-
triction s'ajoute une autre: celle qui, dans la définition du
beau, n'envisage que l'homme.
(374) 292c8 (cf. Traduction Croiset:);cf. aussi § 288 in fine.
J
(375) 292d2: À{8w ...
(376) Idem: f,;û).w •••
(377) Id.: 8EW ...
156
(378), ou de la science (379). Comment appliquer la richesse, la
santé etc ••• pour apprécier, par exemple, la beauté de la statue
de Phidias (§ 42)? Ce serait absurde. Ce qu'il faut, c'est un
paradigme (§
72 n231), terme qui sera repris dans l'Euthyphron
( §§ 305; 306 ),
que l ' 0 n pu i s s e ra pp 0 rte r à 1 a dive r s i té i n fin i e
des actes et des êtres mondains pour les apprécier.
§ 112. Toujours est-il que le nouvel essai défini-
tionnel est réfuté par le recours à l'argument de l'imposteur
(§
38). Qu'affirme, en effet, la pseudo-définition d'Hippias?
Qu'il est beau d'être enseveli après avoir fait de belles funé~
railles à ses parents morts (§ 110). A quoi Socrate oppose l'extm-
.ple d'Achille et de son aieul AEaque (380) qui)tous les deu~
ont été ensevelis avant leurs parents (381). Et pour cause! Ceux-
ci sont des dieux! Bien entendu, Hippias proteste)saisi d'une
vertueuse indignation et introduit des exceptions pour les dieux
et les héros d'ascendance divine (382). Ce faisant, il ruine plus
complétement, s'il se peut, l'universalité de sa définition.
---- - - -------
(378) 292d 3: TIpa~Et.
(379) Id: ~Qen~QTt.
(380)Ou encore Endeis cf. J. Schmidt, Dictio~na}re de la m~
logie grecque et romaine, Larousse, 1965, pp. 145sqq (regarder
Achille); cf. aussi P. Grimal, Dictionnaire de la mythol..2..81~
grecgue e! romaine, PUF,
1963, pp.5-8.
(381) 292e Il sqq.
(382) 293a-b.
,1 J({-
157
Plus grave,
sa"définition"aboutit à déclarer la même chose tan-
tôt belle,
tantôt laide (383). Elle présente ainsi les mêmes
défaillances que les exemples de la jeune fille et de la marmi-
t e e §§ 36; 3 7; 38; 39).
§
113. Il n'est pas nécessaire de poursuivre plus
avant l'analyse de l'Hippias. Hippias restera sourd à l'APU.
On n'entendra donc nulle pErt enregistrer son audition. L'échec
est patent. Il ne reste plus à Socrate qu'à suggérer lui-même
une définition. De fait,
explique-t-il)en empruntant de nouveau
le masque du troisième personnage, s ' i l échouait à répondre,
celui-ci lui
suggérait une réponse à la question débattue,
quelle
qu'elle soit (384). Cette méthode est immédiatement investie
dans la suite du débat par une reprise de l'idée de convenance
qui n'avait pas été entièrement exploitée et dont nocs avioLs,
au demeurant,
souligné l'intérêt potentiel
(§§
108; 109). Mais
il n'empêche que, du point de vue de l'enseignement du PU,
Socrate échoue à faire entendre l'Appel. Toutefois,
l'APU ne
.
tombe pas toujours dans l'oreille d'un so~rd. Il peut être en-
tendu, comme c'est le cas du Lachès et du Ménon
ce dernier
dialogue faisant toutefois problème.
- - - - - - -----
(383) 293b 10 sqq.
(384) 293d 1-4.
b. LE LACHES
§
114. A la différence d'Hippias,
le général athé-
nien, quoique moins habitué aux discours (§ 50), ne reste pas
longtemps sourd à l'APU. Avec lui, l'heuristique socratique n'est
pas vaine. Après la critique de son prEmier esséi définitionnel
(§§ 54;
55; 56) et l'exemple de PU réussi qui lui a été proposé
(§ 57), Lachès fournit une définition en adéquation avec la S.D:
LXXXII
60KEl TOlvuv ~Ol KapTEpla Tlf Etval TDf WUXDf)
E~ Té
YE 01& TIaVTWV (TIEPl fivôPElaf) TIE~UKàf ôEl E~TIE1V (385). Du point
de vue de la demande spécifique de l'APU (§ 24), ce second essai
est recevEble. On peut estimer, en conséquence, que la première
phrase de la réponse de Socrate enregistre l'audition de l'APU:
,
"
_ ) /
, , " ) ,
:>
,
c
_
LXXXIII: AÀÀa ~nv OE1, El YE 10 EPWTW~EVOV aTIOKplVOU~ETa n~lV
>
-
,
aUTolf (386). Au demeurant,
la critique a laquelle est soumise
le second essai définitionnel ne concerne nullement la SD, c'est-
à-dire la forme même de la définition. Tournons-nous donc vers
le Ménon pour voir si l'Audition de l'APU s'y enregistre.
"." ..
(385) 192b 9- cl.
(386) 192c 2-3.
c. LE MEN ON
§
115. La suite du Ménon (§
72) est, à première vue,
bien plus difficile à interpréter quant à l'enregistrement de
l'audition de l'APU. La difficulté vient du fait qu'en 79a9-bl-2,
après l'examen du nouvel essai définitionnel consécutif au long
enseignement du PU (§§ 61 sqq), Socrate reproche à Ménon de
n'avoir tenu aucun compte des modèles de réponses qu'il avait
proposés @§ 69-71). Ce reproche semble signifier que l'APU n'a
pas été entendu et que,
par conséquent,
l'essai définitionnel
ne s'est pas inscrit dans la S.D. En réalité,
le problème est
moins simple. Pour proposer une solution, examinons d'abord le
nouvel essai définitionnel.
,
-
) ,
§ 116. Voici cet essai: LXXXIV
Kat
EYW TOUTO
ÀÉyw ~PET~V)
~~teU~OÙVTa
TWV
KaÀWV
6uvaTOV Etvat
~OptÇEoeal
(387). Cette définition comporte deux aspects: l'amour ou le
désir des belles choses et la capacité à se les procurer. So-
crate opère la critique successive des deux aspects. D'abord
le désir des belles choses. Il faut assimiler belles choses et
bonnes choses pour que cette proposition ait un sens, car nul
ne désire une chose mauvaise en tant que telle (388). Lorsque
nous çroyons désirer le mauvais en l'assimilant à l'utile ou à
(387) 77b 4-5.
(388) 77d7-8.
160
l'avantageux, c'est que nous ne connaissons pas le mauvais
comme mauvais. Nous l'identifions faussement comme le bien pour
nous. En réalité,
pour autant que nous réfléchissions et que
nous soyions réellement capableSde vouloir,
nous ne recherchons
dans notre pratique que ce que nous estimons être notre bien:
nous ne voulons consciemment)c'est-à-dire réellementJque notre
bien (389). Personne ne veut le mal en le sachant mal. Ce "vou-
loir-le-bien" est présent en tout homme réfléchi ou faisant usa-
ge de sa raison:
il est, en quelque sorte,
universel. Les hom-
mes ne se distinguent donc pas par là, c'est-à-dire par la fin
poursuivie,
puisqu'elle est toujours et partout la même: le
bien.
§
117. Reste le second aspect:
la capacité à se
procurer le bien. Le plus important n'est pas de vouloir le bien
puisque, de toute façon,
on ne veut consciemment que le bien
ou ce que l'on se représente comme tel. Ma volonté n'a d'autre
projet, d'autre finalité que le bien. Ce qui,
en revanche n'est
l
nullement donné,
c'est la capacité à accéder réellement au bien,
à se le procurer pour parler comme Ménon. De ces développe-
ments, on peut tirer deux conclusions assez nettes. La première
est que les hommes se distinguent non par leur amour du bien,
(389) J. Moreau, Le sens du Platonisme, p.33.
Ibl
mais par leur capacité à y atteindre
et uniquement par
celle-ci.
La deuxième
conséquence apparente de la précéden-
te
est que
la définition de Ménon peut être réduite au pou-
-
:> ')
, ) 1
C ? /
voir de se procurer le bien: LXXXV
TouT EOTtV apa, wf EOtKE,
,
KaTa
,
' , '
"
,
ô'
--...,
'"
TOV OOV AOYOV apETnJ
uva~tf TOU nopt~Eo8at
Taya8a (390).
§ 118. Toutefois, Ménon n'a qu'une conception·
intéressée et utilitaire
matérialiste
des biens.
A ses
yeux,
les biens sont la santé (391),
la richesse
(392),
l'or
(393),
les charges et les honneurs de la Cité (394).
C'est là
une conception idéologiquement similaire à celle que nous avons
vu un Hippias soutenir à
propos du beau
(§ 110). La tentative
de Socrate de lui faire envisager un autre conte~u sous le
concept du bien est de peu de conséquence puisqu'il confirme sa
vision étroitement matérialiste des biens.
Ce texte mérite
d'être ci té:
LXXXVI l
, "
")."
,
"
7 . ,
,..,
Mn aÀÀ aTTa ÀEYEtf Taya8a n Ta TOtaUTaj
MEN
,.
')(
"
"
,
- ( )
OUK,
aÀÀa naVTa AEYW Ta TOtaUTa.
395
(390)
78b 13-c1.
G ,
,
(391)
78c8: vYtEtaV
(392)
Idem:
nÀoùTov
(393)
78c9:
Xpuo{ov
(394)
78c9-10:
LXXXVI
, )
,
Ka t
apxaf;
(395)
78cll-19
D'ailleurs, aussit6~, Socrate rkduit l'ensemble de la d~fini-
tion au pouvoir de se procurer de l'or et de l'argent (396).
§
119. Ainsi rkduite,
cette définition,
qui pr~-
tend se rapporter à la vertu, est purement utilitaire et tech-
nique. La critique socratique prend pour cible l'idée de se pro-
curer (ou d'acquisition (397», qui est purement technique. Aussi
bien faut-il
juger de l'acquisition selon qu'elle a lieu 61Kalwf
c ,
et 00lW! ou non. Car se procurer l'or ou l'argent injustement
n'est pas une vertu mais un mal (398). En somme, une acquisition
qui ne serait pas accompagnée-d'une partie de la vertu,
procure-
rait des "biens",
sans Atre elle-mArne vertu (399). Autrement dit,
une non vertu pourrait Atre productrice de biens,. conclusion
évidemment inacceptable puisqu'elle invaliderait la définition
qui fait de la vertu la capacité d'accéder aux biens. Si, pour
Atre vertu, l'acquisition d'un bien doit nécessairement s'accom-
pagner d'une partie de la vertu, alors en l'abse~ce
de celle-
ci, la renonciation serait la vertu. Or, cette dernière conclu-
sion est inacceptable en soi, car la renonciation, attitude pure-
ment négative, exclut la présence dTune des vertus alors que
(396) 78dl-2: LXXXVIII
xPUOtOV êÈ ê~ Kat &PYUP10V TIOPtr'6~dL
)
, )
apEln E011V
•••
(397) Traduction Croiset.
(398) 78d7.
(399) 78d9 sqq.
163
seule cette présence définit la vertu.
§ 120. On voit ainsi à quelle contradiction in-
surmontable
aporie (399bis)
aboutit la définition de
Ménon. Elle pose, en effet, deux principes incompatibles: d'une
part, elle considère la vertu comme la faculté d'acquérir des
biens conformément à la justice et, d'autre part)
elle déclare
que la justice est une partie de la vertu. La justice est
considérée dans le même temps} et sous le même rapport,à la
fois comme ce qui définit la vertu (definiens) et comme partie
de ce qui est défini dans la vertu (pars definiendi). Plus
grave:
la définition proposée par le Thessalien présente la
même défaillance que la première, à savoir la fragmentation de
la vertu (§ 61). De ce point de vue, Socrate a bien raison de
lui reprocher le non-respect et la violation des modèles de
réponses qU'il avait proposés (400) (§ 115).
§
121. Cependant, ce que ne dit pas Socrate, c'est
que la différence est grande entre l'essaim du départ (§ 60) et
l'actuelle pluralité de vertus. Dans le premier cas,Ménon n'iden-
tifiait aucune vertu réelle et se contentait d'affecter de pseudo-
vertus selon le sexe, l'âge ou même la condition. Dans le second
cas, un pas a été effectué dans l'identification des vraies
(399bis) Au sens fort,
absolu:
§ 4 n25.
(400) 79a9 sqq.
164
vertus, dont la Justice. Dans le premier cas,
nous avons une di-
versité de P.V (§§ 97, 103 et passim) sans unité réelle. Dans
le second, la diversité constatée de V.A (§ 97 n338) doit se
résorber dans leur unité réelle qu'il s'agit de déterminer.
§ 122. Sa défaillance change donc non vraiment
de nature, mais de plan et de signification. Dans le premier cas,
Ménon échoue à assimiler formellement la méthode duP U. Dans
le second,
l'ayant formellement assimilée,
il échoue à l'appli-
quer. Il y a donc, ici, échec dans la conception,
et là, échec,
dans l'application. Ménon, nous semble-t-il,
saisit bien le prin-
.
.
cipe de l'unité du PU comme principe méthodologique,
mais il
n'appréhende pas l'unité de la vertu comme principe ontologique.
La difficulté réside désormais principalement, non plus dans la
méthode, mais dans l'objet -
l'unité de la vertu.
Le reproche
que lui fait Socrate de violation des paradigmes proposés
ren-
voie certes aux définitions de la couleur et de la figure,
mais
principalement en tant que ces définitions appréhendent d'une
certaine manière (§§ 69-71) réellement leur objet dans son unité
ontologique. Par conséquent, la définition de Ménon viole les
paradigmes non en tant qu'ils illustrent l'inscription d'une
réponse dans la S.D
et sont donc, à cet égard,
seulement
exemplatifs
- mais plutôt en tant qu'ils concernent l'objet
réellement saisi
et sont,
de ce point de vue,
exemplaires.
§
123. En somme, on est bien obligé de reconnai-
tre qu'à sa manière, c'est-à-dire selon le modèle de Gorgias
165
(§71), le Thessalien a entendu l'APU et
donné une réponse
s'inscrivant dans la S.D. Cependant cette inscription s'effectue
dans un contexte d'ambiguité sémantique et théorique que nous
avons mise en évidence au
§ 122. Or, cette ambiguité n'est pas
dissipée dans l'esprit de Ménon. Elle est d'ailleurs fondamenta-
lement liée à l'essentielle ambiguité de la vertu elle-mêmeJdont
on ne sait si elle est vraiment une ou plurielle ( §67). En tout
cas, en dépit de cette double ambiguité,
le débat
du fait de
l'assimilation de l'APU
peut se poursuivre, après un inter-
mède,
par la mise en place de la théorie de la réminiscence et
la reprise du problème de la nature de la vertu. Comme on peut
le constater, au vu de l'ensemble des pièces que nous avons
examinées, à travers la recherche de l'audition de l'APU,
c'est
la possibilité même du logos qui semblait invariablement en
cause.
2. La condition de possibilité du logos.
§
124. Sans
une claire distinction entre la ques-
tion "qu'est-ce qui est?" (401) et la question" qu'est-ce que?"
(402), aucune discussion réelle ne semble possible. Même une
,
(401) Hippias Majeur 287d6: Tt e:OTt KClÀ6Vj
/
~
"
(402) Ibidem:
287d4:Tt e:OTt TO
KClÀ6v;
lUU
simple opinion doit être présentée sous une forme
qui en permet-
te l'examen et
la discussion.
Car,
autrement,
on s'expose fata-
lement à l'exhibition d'images singulières et concurrentes,
qui
prétendent toutes,
avec autant de fausse
légitimité,
à l'élection
(§§ 73-76). La première question est plus fréquente parce qu'e\\-
le paraît plus naturelle.
C'est celle que l'on rencontre
le
plus spontanément et le plus
naturellement.
A l'agora,
par exemple,
on s'enquerra
plus aisément de l'avis du voisin sur la beauté
de tel
tissu,
de
telle ceinture ou de
tel anneau.
La première
question est donc celle qui
se rencontre immédiatement dans
le
monde bruyant des opinions
(§§77-84).
Elle est mondaine
(§§125;
1l
130).
La seconde est d'une discrétion presque silencieuse.
Elle
ne s'entend pas partouti
elle n'advient que par
l'exercice du
dialectien.
Elle est philosophique.
§ 125. La question mohdaine n'est pas pour autant
simplement une question nulle et non avenue,
illégitime en elle-
même.
Elle peut avoir quelque légitimité (403) mais à la condi-
tion essentielle qu'il soit d'abord
fait
droit à la question
philosophique.
Celle-ci,
en effet,
est
doublement
primordiale:
(403)
En Lachès 18gel-3,
Socrate,
après avoir écouté les discours
mondains des deux
généTaux,
leur déclare que si leur méthode
.
t
'
c.
peut avoir ses avantages,
i l reste que:
LXXXIX
0 ~al KŒl
n
1
,
)
)
~
,
.,
TOlaoE OKE~l! El! TaUTuv ~EPE1) OXEoèv oÉ Tl Kal ~àÀÀov E~
:>
_
? I ? f
apxn! Eln av.
101
dans l'ordre des questions,
parce qu'elle donne la légitimité
à la question mondaine, et, dans l'ordre des réponses,
parce
qu'elle lui donne son sens. Toutefois, ici, on ne considère pas
encore le contenu de la question, mais seulement sa forme (ou
structure). Par suite, dans un premier temps, seule la forme de
la réponse importe. L'effort premier demandé par Socrate à son
interlocuteur ce n'est pas de lui livrer une définition vraie,
mais uniquement une réponse qui, en s'inscrivant dans la SD
(ou FD:§ 107), se prête du coup à l'examen dialeëtique, c'est-
à-dire à la discussion. La question de la vérité( §§ 137; 140;
141; 142; 143; 179; 181-183) est ainsi discriminée, comme le
montrera clairement l'Euthyphron (§§ 310; 311), du problème posé
par la demande de l'APU. Il n'y a cependant pas abse~ce
de re-
lation entre vérité et SD. Car aucune définition ne peut être
vraie si elle n'est d'abord adéquate à la SD, mais l'adéquation
d'une définition à la SD n'implique pBS qu'elle so;t vraie.
L'adéquation de la réponse à la SD est une condition nécessaire
mais non suffisante à la vérité d'une définition. On voit bien
qu'ici c'est la fonction technique du PU qui est mise en évi-
dence.
§ 126. Le Phèdre,
dialogue intermédiaire, mettra
aussi l'accent sur cette importante fonction méthodologique
du PU. Après avoir loué la maitrise rhétorique et stylistique
(404)
du discours de Lysias rapporté par Phèdre, il en critique la
(404) 231b -
235a.
168
méthode en se plaçant au point de vue du PU. D'après Socrate,
(405) une seule méthode permet d'engager correctement une dis-
cussion, c'est d'en bien délimiter l'objet. Faute d'une délimi-
tation de l'objet, on ne peut que s'égarer. L'impertinence de
l'Opinion consiste précisément à croire savoir ce qu'elle
ignore. De sorte que, les tenants de l'opinion -
la masse et
ses porte -paroles
omettant de répondre,
dès le départ,
~
l'APU, finissent non pas seulement par être en désaccord avec
les autres, mais encore avec eux-mêmes.
§ 127. Socrate invite Phèdre à ne pas tomber dans
ce travers en tentant de définir l'amour. Il faut se mettre
d'accord,
par conséquent, sur une définition à laquelle on puis-
se se rapporter. Précisément, la discussion va s'y rapporter
et s'en servir comme de référence. La métaphore utilisée est
celle que nous avons déjà rencontrée précédemment (§§72 n231;
111)
que nous rencontrerons à nouveau dans l'Euthyphron
Τ
305; 306) et dont l'emploi est systématique, donc technique:
le regard se tourne vers le paradigme. Seule la contemplation
de ce paradigme permettra de débattre de questions adventices
telles que les avantages ou les inconvénients de l'amour. Socra-
te propose d'ailleurs à Phèdre un PU de l'amour qùi puisse ser-
~mw~
vir de point de départ. Il y a~lorsque notre pulsion irration-
nelle, ayant dominé notre tendance rationnelle vers le bien in-
corporel, prend la beauté corporelle pour objet et pour fin.(406).
(405) 237a -
~38a.
(406) 238a.
lU~
§
128. Bien plus loin,
en 266a,
lorsqu'il commen-
1
te ses propres développements,
Socrate souligne expressement
leur portée méthodologique.
Celle-ci comporte justement deux
aspects nettement spécifiés.
Nous ne nous occupons ici que du
premier (407)Jqui n'est autre que le PU (408).
En tant que mé-
thode,
le PU est clairement défini par Socrate comme la faculté
(407) La seconde démarche méthodologique est le Précepte
Diviseur. Sur cette méthode,
cf.
P.
Kucharski,
Sur l'évolution
des méthodes du savoir dans la philosophie de Platon,
in La
Spéculation platonicienne;
Les chemins du savoir dans les dernie~
dialogues de Platon,
Paris,
1949; W.G.
Runciman,
Plato's
later Epistemology,
Cambridge,
1962.
(~08)· Socrate évoque dans ce texte, dans des termes identiques
notamment à ceux de l'Euthyphron,
la fonction technique du PU.
Aussi bien,
est-ce tout à fait à tort que Yvon Brès y voit la
première manifestation du PU et reproche à V.
Goldschmidt (cf.
La Psychologie de Platon,
PUF,
1969,
p.39 n26)
de voir partout
le PU.
Goldschmidt ne pouvait en aucun cas avoir tort de voir
partout ce qui est partout.
170
Wd'embrasser d'une seule vue et de ramener à une seule idée
les notions éparses de cdté et d'autre,
afin d'éclaircir par la
définition le sujet qu'on veut
traiter. W(409)
Immédiatement après
cette importante constatation, Socr~te ajoute:
WC'est
ainsi
que
tout à l'heure nous avons défini
l'amour;
notre définition a
pu
~tre bonne ou mauvaise; en tout cas, elle nous a permis de ren-
dre notre discours
clair et cohérent. "(410).
En clair, et pour
•
nous exprimer dans une terminologie maintenant familière,
la
réponse à la question "qu'est-ce que l'amour?" donnée par Socra-
1
te, s'inscrit dans la S.D sans qu'il soit préjugé de sa vérité
ou de sa fausseté.
Ainsi,
comme nous le savons par ailleurs
(§ 125),
la validité formelle d'une définition ne préjuge en
rien de sa vérité; en tout cas, il n'y a pas de colncidence né~
cessaire entre les deux. En revanche,
la formulation et l'énon-
cé d'une définition formellement valide fonctionnant comme un
paradigme constitue sans conteste possible la condition de pos-
sibilité du logos.
(409) 266a.
(410) Ibidem. Nous citons le Phèdre uniquement d'après la tra-
duction d'E. Chambry ap. G.F.
P
1 1 1
i
D. Résultats de l'Enquête
§ 129. Le premier résultat de notre enquête est
davoir établi l'existence effective de l'Appel comme degré spé-
cifique dans le procès d'élaboration du PU. Il fait l'objet d'un
lancement dès le départ d'un dialogue. Nous avons pu suivre sa
mise en place à travers trois dialogues différents: l'Hippias
Majeur (§§ 26-42), le Lachès (§§ 43-57) et le Ménon (§§58-72).
Dès l'APU, deux questions doivent être distinguées: la question
mondaine et la question philosophique. La première se rapporte
simplement à l'existence des choses (qualités, accidents ••• )
tandis que la seconde porte sur leur essence ( nature,
proprié-
té .•• ) .Le mouvement spontané des interlocuteUls dè Socrate est de confondre les
deux questions et les deux ordres.
D'ailleurs, leur première
commune réaction,
d'Hippias (§ 31) à Ménon (§ 60), en passant
par Lachès (§ 52), est de banaliser la question du PU.
§
130. Or les deux questions ne sont pas seule-
ment différentes par leur nature et par leur objet, elles entre-
tiennent un rapport déterminé.
Ce rapport est hiérarchique et
détermine,
en conséquence,
un ordre de priorités (§ 58). La ques-
tion mondaine ne se présente la première dans
l'ordre chronolo-
gique que pour le non-philosophe.
Au demeurant,
c'est l'unique
question que se pose la masse sans être capable d'y apporter une
réponse fiable.
C'est qu'en réalité,
on ne peut répondre à la
question mondaine qu'après avoir répondu à la question du PU.
Celle-ci est donc
bien
la question préalable,
même si celle-là
se rencontre initialement dans le champ mondain.
A cet égard,
le
mouvement des dialogues est singulièrement subversif puisqu'il
consiste à
substituer non pas exactement une question à une
autre,
mais un certain ordre de questions (1.
Question préalable
(philosophique) -
2.
Question mondaine (dérivée)
)
à un autre
ordre de questions
(1. Question initiale (mondaine) -
2. Question
préalable (philosophique)
).
C'est un renversement où la question
mondaine apparaît ce qu'elle est réellement:
dérivée,
secondaire.
Démarche du non philosophe
-------7
Démarche du philosophe
Question philosophique
Question philosophique
(préalable)
(préalable)
2
l
PARADIGME
1 \\
-------~
Question mondaine
Question mondaine
(initiale)
(dérivée,
secondaire)
l
2
1 1 j
§
131. Ce renversement proprement dialectique -
second résultat de l'enquête
ne s'effectue pas sans surmon-
ter les obstacles que constituent les images (§§73-76),
les
opinions (§§77-84) et les P.V (§§ 85-106). D'abord, les images.
Elles constituent un "monde changeant" (§§ 73-76) qui s'offre sans
médiation au regard non exercé qu'elles aveuglent bien vite.
Elles
sont constitutives du champ mondain qui n'existerait pas sans
elles. Multiples ou plurielles par excellence, elles sont tou-
jours en état de concurrence et de rivalité comme l'a montré en
J
particulier) notre analyse de l'Hippias Majeur. Ainsi,
détournent-
elles,
par leur nature même, de l'unité
voire de l'unicité
vers lesquelles tend par définition l'APD.
§ 132. Ensuite, les opinions. Elles sont, en quel-
que sorte, l'écho des images (§ 77). Lieu de télescopage des
images,
le champ mondain est aussi celui du conflit (411) des
opinions. Aussi bien est-ce un monde hétérogène et sans unité,
à entropie croissante à mesure des divergences qui s'y dévelop-
pent, comme le montre l'analyse du Lachès (§§ 43 sq). Les opi-
nions entrent en conflit, non seulement parce qu'elles ignorent
(411) Ce conflit n'est pas entièrement négatif puisqu'il Wsuscite
la recherche du vrai, d'une pensée universellement valable. ·cf. J •
.
Moreau,Réalisme et idéalisme chez Platon,
p.79i cf.aussi La rlP,
§§
259;
336 ~t Goldschmidt in DP, §§13-14.
vraiment de quoi elles parlent (§§49; 82), mais encore parce
qu'elles ne savent même pas ce que parler veut dire ( §§ 53; 55;
82). Par suite,
l'opinion est marquée d'une instabilité foncière
(§§ 80; 83) qui rend singulièrement sourd au message de l'APU.
§ 133. Les P.V, enfin. Le mode d'existence privi-
légié
des P.V est l'usurpation (§§85; 103). Elles usurpent les
apparences des V.A. Elles promettent plus qu'elles ne peuvent
tenir (§§85;
104) si bien que l'opinion se laisse abuser naive-
ment par leur respectabilité affichée. Usurpation et/ou promesse
intenable,
"la P.V est parfois une erreur sur la V.A" (§ 105).
L'âme habitée par une P.V est comme possédée (§ 92) et se d~lue
i;
dans une multiplicité d'illégitimes prétentions. De sorte que,
à l'instar des images ou des opinions,
les P.V aussi constituent
des obstacles à l'audition de l'APU.
§
134. Le troisième résultat de l'enquête se rap-
porte précisément à la réduction de ces obstacles. Le
destin
naturel de l'APU est de se résorber dans son audition. Celle-ci
n'a jamais lieu d'emblée; une phase heuristique est presque tou-
jours nécessaire, avant ou après l'échec du premier essai défi-
nitionnel. L'interlocuteur,
tel Hippias, peut rester totalement
sourd à l'APU (§§ 108-113). Dans ce cas,
le dialogue ne peut avan-
cer et aborder,
ne serait-ce que de façon limitée,
l'EPU, que si
le dialecticien se dédouble et agit comme répondant en suggérant
lui-même une réponse (§ 113). Cependant, l'heuristique' du dia1ec-
ticien n'est pas toujours vaine;
l'APU ne tombe pas toujours dans
175
l'oreille d'un sourd. Tel est Lachès qui, après un premier échec
®§ 54; 55; 56; 114), tire profit de l'exemple du PU réussi pré-
senté par Socrate (§§57; 114). Ou encore Ménon, dans des condi-
tions d'ambiguité sémantique et théorique que nous espérons avoir
dissipée ~§ 115-123). Ce sera aussi, nous le verrons largement
dans la seconde partie de notre travail,
le cas de l'Euthyphron
(§ 309 sqq).
§ 135. L'audition de l'APU ne se traduit pas autre-
ment que par un essai définitionnel s'inscrivant dans la SD (ou
FD). Le Phèdre @§ 126-128), à la suite des Premiers Dialogues,
et dans des termes identiques à ceux de l'Euthyphron (§§305; 306),
nous a indiqué ce qu'est très exactement la sn. La sn est une
structure générale permettant de subsumer la multiplicité sous
l'unité. Elle permet d'élaborer et de faire fonctionner une notion
commune, ou un concept général, à titre de paradigme formel au-
quel sont rapportés les jugements de qualité ou d'identité, que
nous portons sur les objets,
ou les actes individuels,
en vue
d'en vérifier la conformité.
Si l'inscription d'un essai défini-
tionnel ne préjuge en rien de sa vérité ou de sa fausseté (§§ 128,
194), en revanche, elle permet à la di~cussion philosophique de
s'engager. Elle réalise par là sa fonction dsicriminante généra-
le
celle de tracer la ligne de démarcation entre l'ordre
;j
philosophique et l'ordre mondain. Ainsi, avant qu'aucune répon-
tl~il
se ne soit en jeu, la question manifeste son statut et sa fonc-
1
tion décisoires. Car c'est elle qui décide au premier chef de
la "philosophicité" d'une intervention qui prétend au statut d'un
logos, c'est-à-dire, selon la définition même du Sophiste (412),
d'une articulation ou d'une combinaison de verbes et de noms en
vue d'une donation de sens. C'est la question qui décide du lieu
d'où l'on parle: champ philosophique ou champ mondain.
Nous ne
voyons aucune témérité à identifier dans cette'problématique~
pour user d'un terme dont on a abusé depuis de la force langa-
gière, la même inspiration que la thèse bien connue du Théétète
(413) selon laquelle la philosophie serait née de l'étonnement.
Tout étonnement, en effet, est un questionnement
parfois
informulé, du moins à l'échelle proprement discursive. Au niveau
des Premiers Dialogues, l'étonnement est un questionnement or-
ganisé et méthodique.
§
136. C'est bien pourquoi, on ne dira pas que la
question mondaine est disqualifiée en vertu d'une inconsistance
ou d'une incongruité rédhibitoires. Le dialecticien a l'obliga-
tion,non pas seulement pour y répondre, mais pour la rendre intel-
ligible, avant que d'y répondre
et pour pouvoir le faire -
de lui restituer sa place véritable dans la hiérarchie des ques-
tions. Le principe du dialecticien est simple:on
ne parlera pas
des existences avant de s'enquérir des essences. Par un processus
tout à fait normal et c~mpréhensible dans l'empirie, l'opinion
(412) 25ge.
(413) cf.
§ 90 n306.
177
commence par la question qui
se pose dans son monde:
ceci est-
i l beau? cette
jument d'Elis est-elle belle? La science s'ensei-
gne-t-elle? Il est vrai que l'opinion,bien souvent)ne va pas au
delà de cette question mondaine
aller au-delà serait être
autre
que l'opinion.
L'opinion est,
par conséquent,
mutilée
et
mutilante.
Or,donc,
l'ordre empirique
mais par définition
l'ordre empirique est toujours supposé ( dans l'empirie}toutes
les questions ne sont pas posées
à cause de cette mutilation)
n'est que l'envers de l'ordre philosophique.
Ainsi le dialec-
ticien prend le contre-pied de l'ordre commun ou de ce qui est
donné pour tel.
Pour élaborer son propre ordre,
le philosophe
doit renverser celui des autres.
Il est tenu à subversion pour
oser. philosopher:
ne disons point des
juments d'Elis qu'elles
sont belles si nous ne savons d'abord ce qu'est la beauté.
Au
fond,
dans l'ordre mondain,
sans jeu de mots,
i l n'y a pas d'or-
dre réel,
s ' i l n'y a d'ordre que réfléchi et donc rationnel.
Il
n'y a
pas une question antérieure et une question postérieure
si ce n'est sur un registre purement chronologique.
Les questions
sont parallèles,
et comme deux lignes de même nature,
ne peuvent
se toucher que dans l'imagination du géomètre.
Socrate,
lui,
dans le registre qui est le sien
celui de la Philosophie
entreprend de substituer au parallélisme des questions mondaines
la hiérarchie des questions du philosophe.
Ici,
i l y a une
question antérieure et une question postérieure
chronologi-
quement certes
-
mais,
plus pertinemment,
du point de vue ration-
nel et essentiel.
C'est bien pourquoi le qu~stionnement s'orga-
l 1 tj
nise en devenant méthodique, et devient méthodique en s'orga-
nisant. La subversion du philosophe n'est donc pas de celles qui
conduisent au désordre ou à l'an~hie. Elle n'est pas soumise
au hasard mais à la raison:
elle ne déconstruit l'inorganisé
que pour le muer en une construction d'ordre et de raison. Au
départ d'un dialogue,
les interlocuteurs ne peuvent s'entendre
faute de paradigme. En les obligeant à répondre à l'APD, Socra-
te leur permet quelquefois d'en trouver et, ainsi,
d'aboutir à
l'ordre du raisonné et du construit,
à l'ordre tout court. C'est-
à-dire au logos. On voit pourquoi une réponse correcte à L'APU
constitue la condition de possibilité du logos. Mais si le dis-
cours devient possible, voire effectif, il ne reste plus aux
interlocuteurs et au guide du débat
le philosophe
- qu'à
s'~ngager dans l'exploration de l'Exigence du Précepte Unifica-
teur (EPU).
179
II. L'EXIGENCE du Précepte Unificateur
Argument
§ 137. Au niveau de l'APU.
la question de la
vérité ne se pose pas (§ 24). Socrate lui-même distingue soi-
gneusement. dans un morceau de l'Euthyphron ( §310). la demande
(§
125) de l'APU1qui est la simple production de la SD et la
l
vérité de celle-ci. Cependant. le problème de la vérité est cer-
tainement "la question des questions".
la question par excellen-
ce.
Philosophiquement. c'est la recherche de la vérité qui struc-
ture la démarche des Premiers. comme au demeurant de l'ensemble
des Dialogues. Recherche de la vérité. c'est-à-dire recherche
de l'Essence. L'Essence. c'est-à-dire ce qui est "fixité".
"pure-
té". absence de "changement" et d'''alliage'' pour reprendre les
termes mêmes du Philèbe (1). Ainsi définie.
l'Essence est ce
qui reste le même. en dehors de la génération et du devenir.
Selon un mot admirable du Phédon. les objets soumis au devenir
(1) 5ge.
sont "au rebours" (2) des Essences. Les objets visibles, sen-
sibles ne restent jamais les mêmes: ni par rapport à eux-mêmes,
ni au regard des autres objets. Changement, multiplicité: telle
est,
pour reprendre un mot suggestif de Lassalle, leur "loi
,
.
. »
d a1rQ' .....
§
137bis. En fait,
l'Essence se définit directe-
ment en opposition aux qualités. Des qualités, nous ne pouvons
presque rien dire sans encourir· le risque de "rougir de nous-
mêmes" (3). Car elles sont un théâtre d'ombres aux formes multi-
pIes, qui passent et repassent, instables et éphémères, en ce
monde du "spectacle changeant" ( § 84), monde où le feu éteint se
rallume, où la flamme brillante et brQlante,
bient&t, n'est plus
que cendre (4). Illusion d'un monde et monde d'illusions où,
selon une déclaration du Timée:
"Les éléments ••• n'attendent
pas
qu'on puisse les désigner par ceci ou cela et cet être ou par
toute autre expression qui les représente comme permanent. ft
(5)
A cette fracassante collision des qualités et des accidents,
l'EPU a pour mission de substituer la patiente collusion des
essences. On comprend ~onc que, désormais, nos préoccupations
se situent aux frontières de l'ontologie et de la logique,
en
débordant cependant nettement vers l'ontologie, ou,
pour repren
dre notre propre expression,
nous évoluerons dans le champ de
la métalogie ( § 177 et nI23).
(2)
79b.
(3) Timée, SOc: Traduction Chambry ap. CF •
(4) 49c.
(5)
sac.
i~f
)
1
A. L'exigence d'aÀn8Ela
1. Un parcours ab exterioribus ad interiora.
§ 138. L'expérience première du dialecticien est la
rivalité qui règne dans le monde des opinions. Telle est l'expé-
rience de Socrate, dans le Lachès, devant de respectables pères
de familles qui s'interrogent sur l'utilité de l'hoplomachie dans
l'éducation de leurs enfants. Bien que disposé à contribuer au
débat, Socrate laisse d'abord la parole à l'expérience indiscu-
tablement incarnée par Nicias et Lachès. Mais,
loin de converger,
les thèses des deux généraux offrent à Socrate le spectacle d'une
antinomie presque totale.
Alors que le premier recommande chaleu-
reusement le recours à l'hoplomachie dans l'éducation de la jeu-
nesse,
le second la condamne sans appel (§§43-57). Socrate ne
pourra que déclarer sa surprise (6).
§
139. Prié de définir la vertu, Ménon cite un
(6) 186d 4-5.
lOi.
es sai m de ver tus,
sel on l ' exp r e s s ion deS 0 cr a t e (§§ 60- 61). Il
voit partout des vertus particulières distribuées et modulées
selon le sexe,
l'âge ou la condition. D'emblée donc,
les vertus
empiriques s'expriment par la voix du Thessalien. Elles occupent
le champ immédiat et constituent l'univers expérientiel quoti-
dien. Cest à elles qu'on a d'abord affaire: elles s'offrent
d'elles-mêmes dans leur diversité et dans Id
multiplicité des
perspectives où elles peuvent être saisies. De là vient sans
doute cette rivalité des opinions (§§48; 140) que l'on rencontre
presque toujours au départ d'un dialogue.
§
140. Mais, si dans l'ordre expérientiel,
c'est-
à-dire dans le champ des échanges mondains, le dialecticien est
d'abord confronté à la rivalité des opinions (§§48; 139) et à la
concurrence des images (§ 74), en s'en détournant, il doit s'ef-
forcer de découvrir la vérité (§ 137) et de la faire advenir dans
son intériorité. C'est pourquoi les dialogues opèrent toujours
selon un parcours ab exterioribus ad interiora, avant de refaire
le chemin inverse
ab interioribus ad extiora: la pente est
en effet la même (7). Nous trouvons une expression saisissante
de cette doctrine dans le passage bien connu du Protagoras: XC
r-.
.,
';"
"':
~ ':>
,
,\\
c.
_ ,
CI
'1
'Ap OU~ nv 6 EYW) TB6f TID KaTa~av~f
av nU1V YEV01TO;
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DS~).O
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XElpaI
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E1TI01.
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81
6n UOl
aTIOKaÀuwaI
Kal
Ta OTnen Kal
TO UETa~pEVOV
ETI16El~OV,
ri
' J ,
,
, ' ) ,
_ ,
_ " "
lVa ETI10KEWWual
Oa~EaTEpOV·Kal EYW T010UTOV Tl TIOeW TIPOI TnV
(7) Héraclite ap. Diels-Kranz, Fragment 60.
if
183
OKÉW1V.
(8) Cette démarche doit aboutir à regarder à l'inté-
rieur de soi (9) et, ainsi, à s'appuyer sur ses propres ressour-
ces (10),
pour tendre vers la vérité.
2. Le problème de la vérité
§ 141. Le but poursuivi par les dialogues est,
semble-t-il, la découverte de la vérité. On ne s'expliquerait
pas autrement la réaction de Socrate lorsque Euthyphron inscrit
(§ 309) son s.e.d dans la S.D (§ 311).
Dès l'audition de l'APD
et sa conséquence immédiate,
l'assimilation de la SD,
le but fixé
au dialogue est l'établissement de la vérité de la définition
proposée. Le Charmide confirme bien ce propos. Lorsque Critias
refuse la paternité de la troisième définition de la sagesse
(11) que semble vouloir lui attribuer Charmide, Socrate déclare
que l'essentiel n'est pas d'en indiquer l'auteur mais d'en exa-
(8) 352al-7 .
. (9) cf. J. Moreau, Le sens du Platonisme,
Les Belles Lettres,
1967, p.113; Réalisme et Idéalisme chez Platon, PUF,
1952, voir
en particulier les deux premiers chapitres; A. Diès in Autour
2
.
de Platon,
1972 , pp. 458,
459.
(10) Charmide,
161d5-8, el.
,
'"
c
_
~
(11) 161b5: TO Ta EaUTOU npaTTE1V.
~....
184
:>
,
~
.r) ' ) ,
1
miner la vérité ou la fausseté:
XCI
OUOEV, nv U Eyw·navTwI yàp
)
...
•
1
ri
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J '
1
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1
ou TOUTO GKEnTEOv,
OOTtI aUTO EtnEt~ ~ÀÀa nOTEpov aÀn6EI
ÀEYETat
)\\
')\\ (!~J
n OU.
§
142. Un texte plus tardif du livre VI de la Répu-
bligue révèle la même préoccupation. L'honnête homme comme le
philosophe doivent prendre pour but et pour guide la recherche de
la vérité, confondue avec celle de l'être (13). Un dialogue inter-
médiaire comme le Phédon ne parle pas autrement. On connaît la
célèbre profession de foi du philosophe. Après avoir lu l'acte
d'accusation du corps, véritable
tombeau de l'âme selon un mot du
Cratyle (14), Socrate affirme solennellement que l'objet de ses
(12) 161c 4-5: Bien que nous ne puissions discuter ce problème
ici, il nous semble que Brès (La P.P.) commet une erreur d'inter-
prétation du platonisme en déclarant que la recherche de la véri-
té est remplacée, dans les dialogues de la vieillesse,
par celle
de la persuasion. En fait,
vérité et persuasion ne sont pas sur
le même plan:
l'une est une fin,
la seconde un moyen. Sur l'impor-
tance de la persuasion, cf. par exemple Lois 903a- b; sur le sta-
tut théorétique de la persuasion, cf. J. Moreau in Le S.P., p.
71. Selon nous,
la persuasion doit être analysée également en
rapport avec les vues platoniciennes sur la propagande qui se
mettent en place dès la République.
(13) 490b 1-7.
(14) Cratyle 400b 10 et 400c 1; mais, déjà Gorgias 493a4: owua
)
, _
<'W
EOTlV nJ.JlV OnlJa.
185
désirs est la vérité:
~a~Èv ÔE TOÛTO Etval TC &Àn8ÉJ (15). Dans
le Philèbe,
c'est avec la même solennité qu'il demande à Pro-
tarque de se liguer avec lui pour rechercher la vérité:
XCII
-
.t ' ) ' À
8
'
.t
-
-
c:
-
71
T~ u a n EOTaT~ uEl nou ou~~aXElv n~aJ a~~w (16).
§
143. Ainsi,
des Premiers Dialogues aux textes
législatifs des Lois,
on ne voit pas que la recherche de la vé-
rité ait été remplacée par une autre fin.
Peut-être
jamais pen-
.
sée philosophique n'a-t-elle autant et si ardemment aspiré
à la
possession de la vérité que le travail platonicien.
Si l'analyse
des Premiers Dialogues a si rarement été effectuée en
termes de
recherche de la vérité,
c'est qu'ils ont été
victimes du préju-
gé eidétique qui en faisait de simples exercices méthodologiques
sans portée théorétique réelle (§4).
Or,
une fois l'APU enten-
du (§§ 114;
122;
135),
survient l'EPU comme détermination de
l'Essence. Car en son principe,
la recherche de la vérité n'est
rien d'autre que la marche du Dialecticien vers l'Essence.
(15)
66b 8:
cf, aussi le Sophiste qui s'exprime dans les mêmes
"
>À
termes:
••• Ta n 8'EJ
- "
çnTOU~EV
(246d9).
(16)
14b 7-8.
Le Philèbe et le Sophiste étant des Dialogues de
vieillesse,
on voit qu'il n'est pas exact de
prétendre
(n.12
supra) que la vérité ne serait plus le but de Platon
(§.-i\\t,)
(
l~b
B. Vers l'Essence.
1. Criton
§
144. Si nous engageons
cette section par le
Criton)c'est parce que ce dialogue constitue une sorte de procla-
mation solennelle" des Droits primordiaux de l'Essence. Socrate
est en prison (17). Il est réveillé par une nouvelle mondaine
(18):
la théorie est revenue de Dëlos. Cette nouvelle est chargée
d'une signification apparemment dramatique: elle est l'annonce
d'un voyage prochain de Socrate vers l'Hadès.
Le Criton (19),
en
dépit de sa brièveté, est le récit de la veille de ce long voyage.
(17) Le Procès est terminé.
Le démos a demandé - et obtenu -
la
tête du philosophe. Il attend en prison l'exécution de la senten-
ce,
laquelle ne sera exécutoire qu'au retour de la théorie
partie
à Délos accomplir le voeu de Thésée. cf. Phédon 58a.
(18) 43a1 sqq.
(19) Sur ce personnage, ami d'enfance de Socrate, cf. aussi Le
Phédon et la Notice de Croiset)
Les Belles Lettres.
187
Mais,
seul l'homme du monde s'inquiètera (20) car,
de sa vie,
il ne s'est jamais préparé à la mort ni ne s'en est soucié.
Main-
tenant que,
cette occasion à laquelle,
tant de fois,
s'est pré-
paré le philosophe (21),
se présente,
et Criton,
saisi de fris-
sons,
recule.
Il s'enlise dans de fausses valeurs:
il assimile,
en effet,
la mort à un malheur (22).
Le voilà qui se laisse em-
porter par le flot saccadé de l'opinion,
exhibant ses dires et
ses commentaires (23).
Socrate doit,
par conséquent,
disquali-
fier
l'opinion pour motif d'incompétence,
récuser le jugement de
la masse pour impertinence (24).
Le grand nombre ne sait même
pas commettre de grands maux,
car i l eût été alors capable de
grands biens:
le même est capable du pire et du meilleur (25).
§
145. Socrate résistera donc aux pressions de la
masse dont,
à son corps défendant,
le vieux Criton est en train
(20) Socrate est si peu inquiet que Criton s'étonne de son som-
"
"
meil paisible:
XCIII
- ,
, "
aÀÀa Kal OOU TIaÀal Sau~a~w aloSavO~Evof
c
~,
,
wf nOEwf KaSEuoElf. (43b 4-5).
(21) Le Phédon envisage expressément la ph~losophie comme en-
traînement à la mort.
(22) 44b8.
(23) 44b 10-13.
(24) 44b 17-21.
(25) Hippias Mineur,
367c 12-16.
---
188
de se faire le porte-parole. Il ne suivra que les injonctions de
la raison (26). et ne se fiera qu'à la compétence (27). Aujourd 'hui)
comme par le passé, il est à la recherche de la vérité en
soi (28): c'est elle qu'il prend pour guide (§ 142). Il écoutera
en.
la voix de l'essence, et ilAarpentera la voie, car tel est son
.
.
J , . . .
~"~
..
) ,
(
pr1nc1pe constant: OU UOVOV vuv) uAAu Kat <lEt
29). La mise en
oeuvre de ce principe devient un enjeu fondamental lorsque les
valeurs fondatrices telles que le beau, le juste sont en cause.
Si l'ignorance, en matière alimentaire ou de gymnastique, n'ex-
pose que le corps à la déficience, lorsqu'elle porte sur les va-
leurs, c'est l·âme (30), c'est-à-dire nous-mêmes, qui est compro-
(26) Criton 46b 8-9.
(27) 47b 1-5; 48a 5-8.
(29) 46b 4.
(30) cf. Alci biade Premie,. , UTloÉv )~~~o TOV >~VepW7TOV oUIlf3atI/ElV
7\\
,
Tl WUXTlV -
130c3 -
; cette idée est reprise naturellement par
Plotin in Ennéades III, 5, 5,
14: ~vepW7TOJ•••• ~vepW7TOU wuxn ... ;
pour l'interprétation détaillée et la démonstration de cette
thèse platonicienne, cf. notre E.T.A.P. §§
135- 155.
l~Y
mise
(31).
De même qu'il est illégal de suivre l'avis de la
masse
(32),
i l faut
se rappeler un principe tant de fois étudié:
l'essentiel n'est pas dans la vie ici-bas,
par elle-même celle-
.
dt
ci n'est qu'une pseudo-valeur (P.V).
Le plus important est1bien
vivre.
La question fondamentale est celle de la
justice:
celle de l'Essence.
L'exigence veut qu'''avant toute délibération"
(33),
l'on admette le principe originaire selon lequel i l ne
peut jamais être bien d'agir
ninjustement n (34),
de rendre in-
justice pour injustice,
ou mal pour mal
(35).
Telle est la voix
impérative de l'Essence,
jamais démentie dans les dialogues;
telle est la voie qui fait
signe au dialecticien:
celle qu'il
~ ,
.....).... ~ ,
entreprend ou ~ovov vuv)aÀÀa Kal aEl.
( 31) 47d3-6.
(32)
46b4-5;
48c7 .•.
(33) 49d8:
traduction Croiset.
(34) 49d9:
ibidem.
(35) 49d-10:
ibid.
190
2. Charmide (36)
§ 146. Comme le Lysis (§§ 153; 171), le Charmide
fait l'économie de l'A.P.U. Pour démotique qu'il soit, le pre-
mier essai définitionnel (p.e.d) ne s'en inscrit pas moins dans
la SD: XCIV
••• ow~poouvn Etval TC KooUrWI ~avTa ~paTTElv Kat
nouxB, ~v TE TalI ~oOlI BaOrÇE1V Kat OlaÀÉYE08al) Kat Tà ~ÀÀa
~aVTa ~oauTwf ~olElv (37). On appréciera immédiatement la dis-
tance entre le chapelet d'exemples égrenés par un Hippias (§§
35 sqq),ou un Ménon (§§60 sqq»)et le caractère d'emblée unifié
de ce p.e.d du jeune Charmide. Cet essai ne subira donc aucun
examen de recevabilité. Socrate ne lui adresse aucune critique
de forme ou de structure. L'examen dialectique prend directe-
~~o~~y
men1VJLe fond de l'e.d (38), c'est-à-dire la question de sa
(36) Sur le Charmide, voir en dernier lieu: Harold Brown,
Sophrosyne and philosophy, Diss. New School for Social Resear-
ch, New-York,
1979, 442pp; Bruxell Christopher: Socratic poli-
tics and self-knowledge. An interpretation of Plato's Charmides,
Interpretation 6,
1977,
pp.
141-203; Chen Chung-Hwan:
On Plato's
Charmides 165c4-175d5, Apeiron 12, N°l,
1978,
pp 13-28: Richard
A. Hogan. Soul in the Charmides: an examination of T.M.Robinson's
interpretation, Phil. Res. Arch 2, N°I095,
1976; The techne
analogy in the Charmides, ibidem, 3, N°1225,
1977.
(37) 159b 3-5.
(38) essai définitionel.
191
vérité ou de sa fausseté.
Aussi bien,
peut-on s'attendre ici à
une percée de l'essence (39).
§
147. En examinant ce p.e.d,
Socrate constate
tout d'abord qu'il semble bien correspondre à la conception cou-
c.
,
rante de la sagesse: TOÙf nOUXtOUf OW$povaf Etvat(40).
Naturel-
lement,
si l'opinion générale peut être le point de départ d'une
enquête, elle ne peut en être le terme.
Il faut examiner-ôans
quelle mesure l'opinion a raison (41). Justement, à ce propos,
l'e.d n'a saisi et présenté qu'une apparence en quoi Consiste-
rait la coincidence postulée entre calme et sagesse. Mais, de
la coincidence à l'identification,
il y a l e pas de l'impostu-
re que Charmide a franchi.
Au demeurant, Socrate va se servir
de l'argument de l'imposteur (§ 39) pour réfuter le p.e.d.
(39) Dans notre optique, la thèse de E. Méron qualifiant Char-
mi d e etC rit i a s d''i n ter 1 0 c u t e u rs i na pte s" au dia log ue (c f. Les
Idées morales .•• pp. 98-110) est irrecevable puisque l'aptitude
au dialogue ne signifie pas autre chose que la faculté de se
situer dans l'espace langagier du PU.
(40) 159b8.
)/
'/
(41) Idem:
tÔWUEV ôn Et Tt À~YOUOtV.
192
§
148. C'est une Exigence essentielle (§§
33 n43:
148; 152; 179; 183; 343; 407a) qui sert de point de départ:
la
sagesse est belle (42). Si le calme définit la sagesse, alors
on doit pouvoir affirmer: le calme est beau. Pour bien compren-
dre la cohérence et la portée de la réfutation socratique, il
faut savoir que la proposition "le calme est beau" est un juge-
ment d'identité et qu'elle signifie, par conséquent, "le calme
est toujours beau." Or, ce jugement n'est pas vérifié pour plu-
sieurs activités. D'abord,
il y a maintes activités à caractère
technique
écriture, lecture,
jeu de cithare, lutte, pugilat,
pancrace, course, saut
pour
lesq uelles c'est la rapidi té,
contraire du calme, qui représente la beauté. Ensuite, dans
d'autres activités à dominante intellectuelle
apprentissage,
mémorisation, réflexion (43)
la lenteur (44) apparaît moins
belle que la rapidité (45). La conclusion qui se dégage de
,
cette discussion est nettement formulée par Socrate: XCV
OUK
")(
{ . ,
(,
,
')\\
)1
) '
l.
,
"
,
apa
llOUX10TllI
T1I Tl OW$pOOUVll av El11)
ouô llOUX10I 0 OW$PWV S10I,
,
C
.:l
,
(42) 159c1: ou TWV KaÀwv Tl OW$POOUVll EOT1V;
(43) 159a1- 160b4.
(44) En réalité, Socrate utilise à fond l'essentielle ambiguité
du terme.
(45) 160b,
193
1/
,
_ ,
' > . .
;)
..
"lj
EK TOUTOU TOU
XoyOU)
ETIEtÔn KaXOV aUTOV ÔEt Efvat
oW$pova OVTa
(46).
Lors même que le sage apparaîtrait calme,
ce ne serait
qu'un accident
(47).
En réalité, Charmide s'est contenté d'un
écho des
vues populaires en fait de sagesse. Ce n'était certes
pas ce que Socrate demandait.
§ 149. C'est pourquoi, dans le second mouvement,
il explique à son jeune interlocuteur qu'il doit diriger son
regard vers son intériorité en faisant preuve d'attention:
(46) 160b7-9.
Signalons la structure syllogistique de la ré fu-
tation:
1. Si le calme définit la sagesse,
alors le calme
est toujours beau.
(Exigence:
la sagesse est toujours belle)
2.
Or le calme n'est pas toujours beau
(critère:
i l n'est pas beau dans l'écriture,
la course etc ••• )
3.
Par conséquent,
le calme n'est pas identique
à la sagesse
1
(épreuve:
s ' i l l'était,
i l serait beau dans l'e-
criture,
la course etc ••• )
(47) Sur cette notion d'accident,
cf.
la deuxième
partie:
§§
393 sqq.
194
quelques instants de concentration,
Charmide assimile la sagesse
à l'a~owI (49), c'est-à-dire à la pudeur. Celle-ci, cependant,
est semblable aux techniques par le fait qu'elle n'est en soi
ni bonne ni mauvaise.
Elle est,
en conséquence,
une N.V.
La
convocation de l'autorité d'Homère
(50),
un poète,
suffit à
éta-
blir ce point.
Or,
la sagesse n'est pas seulement belle (§ 148),
,
:>
,
elle est aussi nécessairement bonne (51).
De sorte que 1 alowIJ
qui n'est ni bon ni mauvais)ne saurait définir la
ow~poouvn •
§ 150. A peine cette définition est-elle réfutée
que Charmide en propose une troisième qu'il a,
précise-t-il,
,
,
"
"...::.
..-..
entendue et qui considere la
ow~poouvn comme tO ta EaUtOU
npattElv (52).
Peu importe d'ailleurs l'auteur putatif (§ 141)
de cette définition.
Elle pèche par excès d'intellectualisme
en ce qu'elle oublie l'apposition du bien précédemment faite
par Socrate (53).
Aussi bien celui-ci l'infléchit-il à gauche,
et en donne-t-il une interprétation "technique" et "littérale".
Par exemple,
appliquée au domaine de l'enseignement tel que
l'apprentissage de l'écriture ou de la lecture,
elle conduirait
à soutenir que le maître d'école,
pour être sage,
ne devrait
(48)
160d5-6.
(49)
160e4.
(50) cf. Odyssée,
XVII,
347.
(51) 160e9-IO.
(52) 161b6.
(53) 160e9-10.
195
enseigner que ~e qui se rapporte à lui-même (54). Ou bien enco-
re,
i l faut s'imaginer ce qui se passerait si chaque citoyen
devait tout faire
pour et par lui-même:
tisser,
laver
(55) etc ••
ce serait la fin même de la division du travail et,
par consé-
quent,
de la société civileJdont elle est le fondement.
§ 151. Critias entre dans la discussion,
prend le
relai de son charmant cousin (56) et reprend en charge
(57)
sa
définition qui vient d'être discréditée.
Il essaie toutefois de
la situer sur un plan plus élevé.
Et cela,
par deux moyens:
d'abord par une distinction d'allure prodicéenne (58)
entre
- ,
., ,
-
WOlEl~, wpaTTElV et Epya~EaTal. ITolElV renvoie à une activit~
proprement artisanale dont le résultat peut être,
selon le cas,
(54)
161d1 sqq.
(55)
161e 10 sqq.
(56) Sur les Critias,
voir Luc Brisson,
Platon,
les mots et les
mythes,
Maspéro,
1982,
p.32 sqq et,
en particulier pp.
33-34,
où
figure le tableau généalogique de cette illustre famille.
)
"
t
_,1
,
,
(57) 162e6: XCVI
AÀÀa wavu
)uyxwpw) E~n 1 Kal wapaôExoual.
(58) cf.
§ 287 n52.
196
laid ou beau (59). Lorsqu'une activité (ou le TIOlE1V ) se donne
expressément pour fin d'engendrer des produits beaux et utiles,
elle devient, dans la terminologie hésiodique,
invoquée et adop-
tée par Critias, tpya~Eo8al ou TIpaTTElv • C'est donc une diffé-
renciation, non pas intrinsèque, mais d'après la fin poursuivie
et même réalisée. Cependant, Socrate refuse de se laisser enfer-
mer dans ces di~tinctions sophistiques qui Sieraient mieux à un
Prodicos (60). L'essentiel est de savoir à quels objets (61)
sont appliqués les concepts employés. Critias doit donc revenir
au départ (f~ &pxnJ) (62), c'est-à-dire en amont de ses élucubra-
tions sémantiques, pour donner "une définition plus nette- (63).
§
152. Le second moyen de l'offensive de Critias
est de récupérer l'apposition du bien. Il confirme ainsi le re-
dressement effectué dans la ligne de l'Essence avec l'introduc-
t ion deI a no t ion d e beau ( §§ 148; 15 1 ). D' a i Il e urs,
sou s 1 a
suggestion socratique, il effectue une rectification majeure de
(59) Laid, s'il entraîne la honte,
beau dans le cas contraire:
,
'"
~
> ,
C/
"
"
XCVII
TIOlnua UEV YlyvEo8al OVElOOJ EVlOTE) OTav un UETa
TO\\) KaÀO\\) ylyvnTal. .. (l63c 1-2).
(60) 163d 4.
(61) 163d 7.
(62) Sur la s~gnification de cette formule de récurrence, cf •
.
P. Grenet: Note sur la structure du Lachès,
'''' Mélanges Diès,
passim.
(63) 163d7: traduction Chambr~
G. F.
197
sa définition qui,
outre le mérite de la rendre plus nette,
la
situe proprement sur le plan de l'Essence:
XCVIII
&ya8wv ~pà~lV ow~po06vnv Etval oa~wI 001 Ôl0plçO~al (64). La
ow~po06vn consiste à faire le bien. Ainsi, quoi qu'on en ait
dit
(65),
c'est avec Critias que s'opère,
en deux temps,
la
per-
cée de l'Essence.
Car deux exigences essentielles sont intégrées
dans l'essai définitionnel:
le beau (§§148;
151) et le bien
(66).
Du reste,
la percée de l'Essence est parfaitement enregis-
...
' ) ,
, ) /
, . >
- ,
trée par Socrate:
IC
Kal OUÔEV YE OE 10wI KWÀUEl aÀn8n ÀEYE1V
(67). L'examen qui suit ne portera ni sur la beauté ni sur la
bonté comme caractéristiques essentielles de la
ow~poo6vn • Mais
i l est temps que nous nous tournions vers le Lysis,
dialogue à
peu près contemporain du Charmide,
pour y suivre le déploiement
progressif de l'Essence.
(64) 163e 8-'3~
(65) cf.
E. Méron,
ibidem.
(66) 160e9-10.
(67)
164a1.
198
3. Lysis (68)
§
153. Lysis,
au dire même de Socrate,
est un vÉoJ
(69).
Le philosophe,
qui pratique quotidiennement la jeunesse
d
)
,
athénienne,
ne le connaît même pas de nom:
.•.
OTl aKouoaJ
'1
J ' (
TOUvoua OUK EYVWV (70). Mais i l ne tarde pas à remarquer et à
louer son amour de la philosophie (71),
ce qui
justifie qu'il
puisse engager avec lui une discussion sur un sujet qui n'est
pas de peu d'importance -
l'amitié. L'objet du Lysis est donc de
définir l'amiti~. Tout d'abord, l'opinion des poètes (72) est
(68) Sur le Lysis,
voir en dernier lieu:
David Bolotin,
Plato's
dialogue on friendship.
An interpretation of the Lysis with a
new translation,
Ithaca (N.
York)/London,
1979; Glidden David,
The language of love: Lysis 212a8-213c9,
P.P.Q 61,
1980, pp.
276-
290;
Paul Zachary Seech:
Plato's Lysis as drama and Philosophy,
San Diego,
1979;
Dorothea:
Letting go.
Imagery and symbolic
naming in Plato's Lysis,
Ramus 7,
1978.
(69)
204el.
(70)
204e2.
(71)
213d6 sqq.
,)
,
,
(72) Socrate cite Homère,
Odyssée, XVII,
18: C
alEl
TOl
TOV
c
_ "
, c . , ' ,...
OU010V aYEl
8EOJ wJ TOV ouo~V
:cf.Lysis,
214a6.
199
examinée: le semblable est ami du semblable (73). Si cette
opinion peut être partiellement vraie, elle est d'ores et déjà
fausse si l'on considère que le méchant, semblable pourtant au
méchant, en est, cependant,
l'ennemi. En effet, l'auteur
et la
victime d'un mal ne peuvent être, sans contradiction) déclarés
amis.
Par conséquent, si cette thèse est vraie, c'est en tant
qu'elle considère les gens de biens. Mais alors, elle devient
insoutenable car le semblable, en tant qu'il est semblable, ne
peut faire à son semblable ni bien ni mal et, d'autre part,
le
bon, en tant qu'il est bon,
s'auto-suffit (74).
§
154. Après l'opinion des poètes, c'est la doctrine
des philosophes qui est examinée. Mais le philosophe (75) appelé
à la rescousse se couvre lui-même de l'autorité d'un poète,
Hésiode,
pour prendre le contre-pied de la thèse précédente,
et
"
,,")
,
- :>
,
t
'À
affirmer: Cil To yap EvaVT1WTaTOV T~ EvavTlwTaT~ E val l.la 10Ta
~lÀov (76). Cependant, cette conception est inadmissible car
on ne voit pas qu'il soit possible de réconcilier le juste et
l'injuste,
le bon et le mauvais, etc ••• C'est la notion même de
contrariété qui risquerait de perdre toute intelligibilité. On
peut donc conclure de l'examen des deux thèses précédentes que:
(73) 214b -
214e.
c,
;)
,
")
L
' ) ,
")
(74) 215a 6-7: CI
oux 0 ayaSoI' KaS OOOV aya80h
"
KaTa 1000UTO\\l
"
,,)1
)1
6-
lKavoI av Eln a T~;
,
(75) Il s'agit vraisemblablement d'Héraclite.
(76) 215e 3-4.
200
" ) 1
, "
IV
. . . " ,
)1
"
,
... ')
,
CIII
OUTE apa TO
o~otOV TW O~Ot~ OUTE TO EVaVTtov T~ EVaVTt~
~tÀov (77). Il ne reste plus qu'à recourir à un troisième genre:
ce qui n'est ni bon ni mauvais (78).
§ 155. Par la médiation de ce troisième genre,
nous
nous acheminons vers l'un des morceaux les plus déroutants des
Premiers Dialogues.
Il est entendu que ni les semblables entre
eux,
ni les contraires entre eux,
ne sont amis
(§§ 153-154);
i l
reste donc que ce qui n'est "ni bon ni mauvais" (§ 154) soit
l'ami de ce qui est bon
(ou est de même nature que lui,
c'est-
à-dire le beau
(79)
). Soit le corps:
i l n'est ni bon ni mauvais,
mais par le présence de la maladie,
qui est un mal,
i l est obli-
gé d'aimer la médecine,
qui est un bien.
Ainsi: CIV
Tc ~nTE
, ' ,
,
)
8 ' .
, "
... )
... <. ,
...
KaKOV apc:... ~TlTE.
aya OV ~t AOV yt YVETa t
TOU aya80u CIe.:. KaKOU lTapou-
olav
(80).
La présence du mal ne rend
pas nécessairement mauvais
ce qui n'est ni bon ni mauvais. Lorsque la présence du mal ne
l'a pas déjà rendu mauvais,
elle lui fait désirer le bien; mais
lorsque l'ayant envahi,
le mal rend mauvais ce qui n'est ni bon
ni mauvais,
alors celui-ci,
en tant que mauvais,
n'est pas l'ami
(77)
216b9
,
(78)
216c 2-3:
KaKOV •••
(f
(79)
216e4;
faire le rapprochement avec Théognis,V,
17:
OTTt
;)
) ,
')
1
XaÀcv ~lÀov EOTt·
TC Ô OU XaÀov OU ~tÀOV.
(80)
217b S-c.
du bon, pas plus que du mauvais.
§ 156. Mais, pour peu que l'on y réfléchisse, on
se rend compte que l'amitié suppose une cause et une finali~é:
,
:J:
')
. . "
..
' ) ' ,
) j "
1
. . ,
CV
TIOTEPOV OuV OUÔEVOJ
EVEKa Ka1
Ô1
OUÔEV)
D EVEKa TOU Ka1
Ô1a
T1;(81) Soit le malade. Pourquoi est-il ami du médecin si ce
n'est à cause de la maladie, qui est un mal, et en vue de la
santé, qui est un bien (82)? Précisément, il y a problème: ce
raisonnement peut être repris sans cesse: à l'infini. Or nous ne
pouvons poursuivre cette régression absolument (83) intermina-
(81) 218d S -6.
(82) 219a 1-5. Naturellement, des propositions telles que "la
maladie est un mal", "l~santé est un bien" sont posées, en
bonne doctrine platonicienne, à titre purement élenctique.
(83) On voit là l'Argument dit du troisième homme. Polyxène,
sophiste de la deuxième génération, en aurait été l'inventeur.
cf. L. Robin in La Pensée Grecgue, 1948, pp. 165 et 251; cf.
aussi La théorie platonicienne des idées et des nombres,
p.609~
612 n51; Alexandre in Métaphysique, 990b 15; Aristote, Métaphy-
•
sique, 991a 31 et Asclépius, 98, 14-17
ln. Asclepii in Aristo-
~i
telis Metaph~orum libros A-Z commentaria, ed. Hayduck, Berlin,
1888; voir aussi J. Moreau, Réalisme et Idéalisme, pp.7, 8,
10
n2; enfin)le Parménide
132a-b, 131a.
1
202
~
t'V
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...
f . . . .
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...... )/
. . . ,
EKEtVO
0
EOTtV
7TPWTOV
~tÀOV) OU EVE:Ka Kat Ta aÀÀa ~al.JEV 7TaVTa
~{Àa Etvat (84). Ainsi, nous sommes placés devant l'alternative:
i l nous faut
prendre la voie gauche ou la voie droite.
La voie
gauche est sans issue:
elle ne mène nulle part,
à autre chose
qu'une entreprise de Sysiphe.
Elle nous renvoie à une multipli-
cité toujours recommencée,
une mobilité sans cesse évanescente.
De nous engager à gauche nous plongerait dans l'insondable abîme
de l'infini. Ce choix donc,
nous ne pouvons pas le faire en rai-
son,
car i l ne nous condamne pas seulement à perdre notre raison,
mais encore i l ne peut se faire que contre la Raison.
Cette voie
est impraticable:
"
nous nous lasserons de poursuivre cette
voie ••• " (85).
§157. Mais i l reste l'autre voie:
la droite.
Elle
ne nous mène plus vers la dissolution dans l'infini du devenir;
elle nous somme d'aller vers un principe,
qui,
en lui-même,
trouvera sa propre suffisance.
Cet objet aimé ne renvoie plus
à
autre chose qu'à lui-même.
Car i l n'est pas ombre;
seule l'ombre
renvoie à ce dont elle n'est que le pâle visage.
L'ombre est
reflet,
reflet qui n'est pas lui-même à force d'être le visage
mobile et déformant d'un autre.
L'ombre n'accède pas à
la digni-
té de l'être,
elle affleure
et se meurt
dans l'éternelle
(84) 219c5-d~.
(85) Id:
tradu~tion Chambry ap. G.F.
203
évanescence des phénomènes.
Pâle ombre qui n'est
pas,
car elle
n'est
jamais ce qu'elle est;
ombre qui ne se laisse même pas
dire,
qui,
lors même qu'elle veut se dire,
s'épuise dans un
balbutiement inaudible et,
de toute façon,
insensé.
§ 158. Le "principe",
lui,
en son opacité ontolo-
gique même,
est primauté.
Prenant le contre-pied des P.V
(§§ 85;
....
104;
133),
i l ne nous fait aucune promesse intenable.
Le TIpWTOV
~lÀOV est le principe compris littéralement au sens d'origine,
et,
obliquement,
dans l'épaisseur ontologique du but.
Tous les
autres objets,
dit notre texte,
sont aimés en vue du principe.
L'EPU se dessine ainsi nettement sous notre regard.
Elle est,
proprement,
la détermination d'une Essence.
Précisément,
tous
les traits par lesquels nous avions cru procéder à cette identi-
fication
"pureté",
absence d'''alliage'',
"fixité"
(§ 137)
caractérisent aussi le TIPWTOV ~lÀov • Ce premier objet seul,
d'ailleurs,
porte dignement ce nom.
C'est son nom à
lui,
tout
seul.
Les autres objets ne sont que des "sortes d'images",
et
leur loi
confirmation d'une thèse déjà rencontrée (§§74;
131)
est celle de la concurrence et de l'usurpation.
Mais,
s ' i l s sont défaillants sous le rapport de la vérité
(§§141-143),
pour peu qu'en notre âme ( § 145) s'installe l'oubli du principe,
ils nous abuseront
.
Ces images ne sont que de "prétendues ami-
tiés"
(86),
"camoufléeS' sous des noms d'emprunt
(87).
Socrate
(86)
220b3.
(87) 220a 6sqq.
204
,
- ,
-
H
,
peut, légalement, conclure: cvrr
OUKOUV lO ye
l~ OVtl ~lÀOV
ot ~lÀou llvèf ~V€Ka ~tÀov ~Ollv; (88) Ce qui est vraiment aimé
l'est pour lui-m~me; c'est ce qui s'auto-suffit ( §153~ c'est-
à-dire le bien. Le npwlov ~lÀov n'est pas autre chose que le
bien. Nous ne pouvons donc qu'acquiescer, à l'instar de Charmide,
::>:l~
...
'
, )
,
lorsque Socrate dit: aÀÀ apa tO ayaeov EOtlV ~lÀOV; (89).
(88) 220b ·~I-~·.
(89) 220b7.
205
4. Le débat sur l'unité des vertus dans le
Protagoras.
§ 159. Bien entendu, dans un espace si parcimoni-
eusement mesuré, il est hors de question que nous engagions une
discussion sur les questions spéciales que pose l'interpréta-
tion du Protagoras (90). De surcroît, une pareille discussion
risquerait de décentrer l'attention du lecteur et, en même temps,
(90) Toutefois, nous renvoyons aux études d'importance inégale
qui suivent: R. Hackforth: Hedonism in Plato's Protagoras, C.Q,
XXI, 1927; Roger Duncan, Plato's Protagoras,
Phronesis, XXIII,
1978; Clyde Lee Miller: Two midpoints in Plato's Protagoras,
The Modern Schoolman, Vol LV, number 1, Nov.
1977; The Prome -
theus story in Plato's Protagoras, Interpretation 7,
2, 1978;
Joseph P. Magure : Protagoras ••• or Plato?, Phronesis 22. n~l,
1977;G.B.Kerferd: Protagoras' doctrine of
justice and virtue
,\\
1/
in the Protagoras of Plato, The Journal of Hellenic Studies
LXXIII, 1953; John Cronquist, The point of the Hedonism in
Plato's Protagoras, Prudentia XII, n02; ajoutons, naturellenent,
le remarquable Plato Protagoras translated with notes de
Taylor, Oxford, 1976; rappelons, enfin, sur le mythe de Pro-
tagoras,l'excellente analyse structurale de L. Brisson déjà
c i t é e: cf.:
§ 5 n 2 9 •
s ••
t't.·
. n-
'HUU>-
206
de désarticuler la principale cible (91) de notre travail. Par
conséquent, non seulement elle n'apporterait (92) rien à l'éta-
(91) Ce terme nous vient des Sciences de l'Information et de la
Communication où il a acquis droit de cité. Dans ces sciences,
il désigne un public exclusivement ou prioritairement visé par
une activité quelconque d'information ou de communication. Dans
notre travail,
il a le même sens que le terme "objectif visé".
(92) Ecartons cependant, sans insister (§ 182) ,le point de vue
~
~
de l'inconscience philosophique qui pouvait faire écrire tranquil-
lement à un Croiset:
W
Le Protagoras est avant tout une très
belle oeuvre d'art." (cf. Notice ap.
"Les Belles Lettres" p.3);
cf.aussi J. Moreau (C.I.P., pp 2-3) qui fut l'un des premiers
platonisants, en France, à s'inquiéter de l'étrange division
intellectuelle du travail qui laissait l'édition et la traduc-
tion des Premiers Dialogues aux "littéraires"
et celles des
"Grands Dialogues" aux historiens de la Philosophie. Aujourd'hui
encore, malgré l'intérêt de plus en plus grand que les historienS
de la philosophie manifestent aux Premiers Dialogues, il
semble qu'il puisse paraître "révolutionnaire", aux yeux des
interprètes traditionnels, de s'attaquer à leur exégèse comme
textes philosophiques de premier plan. En réalité, cette entre-
prise "révolutionnaire" ne fait que renouer avec l'antique et
belle tradition des commentateurs et doxographes grecs qui ont
toujours considéré les dialogues dits socratiques en tant
~' oeuvres philosophiques. Précisons)à toutes fins utiles)que le
-,t'
207
blissement de notre thèse, mais encore elle pourrait compromet-
tre la clarté de notre propos. Le Protagoras nous intéresse ici
simplement dans la mesure où l'on peut y suivre l'illustration
de l'EPU à travers le problème de l'unité des vertus,
que nous
retrouverons du reste, à un autre niveau, dans l'examen du rap-
port Justice/Piété dans l'Euthyphron.
§
160. Nous sommes en 323d. Protagoras vient d'ache-
ver un long discours qui avait été précédé d'un mythe (93)~ De
l'exposé du mythe,
le Sophiste avait conclu que chacun avait sa
portion de vertu (94), mais que, néanmoins, celle-ci faisait
l'objet d'un enseignement s'identifiant à la
W
vertu domestique
(92) suite.
mérite éditorial des traducteurs traditionnels
reste considérable, même si la réédition critique des Premiers
Dialogues par un historien de la philosophie doublé d'un hellé-
niste est une tâche posée et à résoudre. Nous sommes convain-
cu ~ue,si une telle tâche était menée à bien, elle ferait faire
un progrès considérable à l'exégèse des Premiers Dialogues.
(93) 320c -
324d. Pour l'analyse structurale de ce mythe, cf.
1 e bel art icI e d é j à sig n a 1 é (§§ 5 n 29;
159 n 90) den 0 t r e am i
Luc Brisson.
(94) 323a -
323c; Taylor, P.P,
pp. 88-89.
LUO
et politique." (95).
Ensuite,
en un discours suivi,
i l avait
entretenu Socrate du rôle et de la place de l'éducation dans la
Cité (96),
avant de lui proposer,
enfin,
une explication sur les
causes de la médiocrité de certains rejetons d'hommes illustres
(97) •
§
161. L'attaque socratique porte sur le problème
de l'unité de la vertu:
les développements de Protagoras semblent
la supposer.
D'où la question extrêmement précise de Socrate:
...
' ) : t
~,~"
,
...
. . . ,
,
C f ,
CVIII
TaUT OuV aUTa ulEÀ8E ~Ol aKp16ws T~ ÀOY~) nOTEpov EV UEV
, J
" J "
,
...
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' r
'
,
,
Tl
EOT1V n apETn)
~opla <SE aUTns EOT1V n OlKalOOUVn Kal ow~pOOUvn
\\
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-
Kal
OOlOTns
n
taUT
EOT1V a
VUVun EYW EÀEYOV naVTa ovo~aTa TOU
)
;a
_".,1
... ' ) , ",,:>
...
aUtOU EVOS OVTOS· TOUT EOT1V 0 ETl
Enlno8w
(98).
Contrairement
à un Ménon qui, d'entrée de jeu, est aveuglé par la mu1tiplici-
té des vertus
(§ 61),
Protagoras perçoit immédiatement leur uni-
té.
Justice,
piété etc •••
sont des parties de la vertu
(99).
Mais la notion de "parties de la vertu" peut s'entendre en deux
sens.
D'abord,
en un sens p;rement quantitatif:
tout en étant
identiques quant à leur nature,
les vertus ne se distingueraient
que selon l'ordre de leur grandeur numérique ou algébrique va-
(95)
323c -
324d.
(96)
324d -
326e.
(97)
326e -
328d.
(98)
329c 5- d2.
)
,
CI
' , ) /
...
J
...
,
,
(99)
329d
CIX
cmoK P lvao8al)
,,)
OTl
EVOS
OVTOS
Tns apETnf
~OPla
)
...
EOT1V a
EPWTq.f.
...·rt·
209
riable. En un autre sens, les vertus se distingueraient quali-
tativement, c'est-à-dire non plus dans l'ordre du plus et du
moins, mais dans celui de l'identité et de la différence spécifi-
que. Le sophiste opte pour la seconde solution: l'altérité fondée
sur la différence spécifique. Les vertus particulières sont à
la Vertu comme les différentes parties du visage (bouche, oreil-
les etc •• ) à l'ensemble du visage. Mais,
dans ce cas, force est
de discriminer les vertus particulières les unes des autres.
Autrement dit,
il faut répondre à la question suivante: quelle
différence y-a-t-il d'une vertu à l'autre?
§ 162. Si l'on admet la pertinence de la métaphore
des parties du visage, il faut prolonger l'analogie au niveau
des fonctions. A chaque partie du visage correspond une ôuva~lf
propre. Ainsi, il y a une ôuva~lf visuelle, auditive, olfactive
etc ••• De sorte que, à l'instar des parties du visage, il y au-
, ~ ,
,
rait une diversité de fonctions entre 1 EnlOTn~n, la ôlKaloOUVn,
, ) ,
,
, e . ,
1 avôpEla,
la ow~poouvn et 1 oOlOtnf
vertus cardinales (100).
Par conséquent,
le programme de la recherche est tout tracé.
Il
(100) Sur les listes des vertus dans le Premier Platonisme,
cf.
E.T.A.P·. p.170, tableau n02. Pour ce qui concerne les parties du
visage, la diversité semble être transfonctionnelle et toucher
"t'.:Jv'
au reste comme le déclare clairement le texte: CX
:>
'V'"
OUÔE aÀÀwv
) ~,
)
,.
, c l
J/
' "
')/
OUuEV EOT l V'
OlOV TO EtEpOV OUtE Kata TnV éuva~lV OUtE
s'agit de mener une recherche commune sur la propriété (nolov Tl)
de chacune des vertus (101). Les vertus sont des "choses qui
existent",
des réalités, des npâY~~T~ (102). Chaque vertu, en
tant que npày~~ et entité sùbsistante, est pleinement identique
à elle-même. On dira donc que la Justice est juste (103) ou que
la Piété est pieuse (104). En somme, chaque vertu est, car elle
est entièrement ce qu'elle est.
§ 163. Mais si chaque vertu n'est que ce qu'elle
est en tant qu'entité spécifique et subsistante, on aboutit à
une altérité radicale au terme de laquelle le concept même de
vertu sui generis devient proprement impensable et,
par suite,
inintelligible. Ce qui serait en cause)c'est l'existence d'un
rapport entre les vertus, une altérité radicale ne permettant
d'envisager ni un rapport vertical (hiérarchie) ni horizontal
(fonction) entre elles. Aucune vertu ne pourrait être prédiquée
d'une autre. Onf~ourrait dire, par exemple, de la justice qu'el_
le est pieuse. De ce fait,
les vertus se définiraient négati-
vement les unes par rapport aux autres. La justice serait avant
•
tout ce qui est non pieux (105). Or, dans le domaine pratique,
o
, , ) 1
~,
_
,
_,
(101) 330~7-8: CXI
~EPE on 1 E~nV EYW, K01V~ OKEWW~Ee~ nOlOV
; ) - " }
, ( , )
Tl
~UTWV EOT1V
EK~OTOV.
(102) 330c l,
330c4, 330d4,
330d5, 331 a8.
(l03) 330c 7-9.
(104) 330d 8-9.
(105) 331a 8-9: ~n gOlOV.
moins scandaleuses (106). Mais alors,
i l ne reste plus qu'à
,
soutenir ou que le justice est identique
a la piété, ou qu'elles
sont très proches l'une de l'autre (sur ce passage,
cf. aussi
§§
300 sqq).
Protagoras a beau jeu de faire remarquer qu'entre deux
choses quelconques,
i l y a
toujours une relation de ressemblance
ou de dissemblance,
qui ne peut néanmoins autoriser à les décla-
rer semblables ou dissemblables.
Encore,
faut-il que la ressem-
blance ou la dissemblance soient prédominantes ou,
en tout cas,
suffisamment significatives pour être caractéristiques de la
relation entre les deux choses considérées.
§
165. Considérée dans le contexte où elle est
formulée,
la thèse de Protagoras semble devoir s'appliquer im-
médiatement au rapport Justice/Piété,
qui serait peu significa-
tif.
Evidemment,
Socrate s'étonne que le sophiste ne voie entre
la justice et la piété qu'une relation marquée par une grande
(106) La logique de ce passage n'a rien d'aventureux comme le
croit Croiset (Ibidem:
p.47 nI).
En témoignent,
outre nos propres
développements,
le remarquable commentaire du passage 331a 9-
bl
par Taylor'~
PP.
p.114.
Cependant,
nous citons ici Taylor
en l'approuvant uniquement
pour ce qui a trait à la forme de
l'argument,
non à l'interprétation du contenu.
Car nous ne pou-
vons pas admettre un seul instant l'interprétation "anti-ontolo-
gique" -
talon d'Achille des interprètes traditionnels -
qui
envisage les termes de juste/injuste
Win
virtue of settled
dispositions of character W (id).
ténuité. Le sophiste d'ailleurs n'admet pas l'interprétation
socratique qui lui fait assumer l'affirmation de la ténuité du
rapport justice/piété. Il conteste seulement qu'elles soient ou
identiques, ou presque identiques (107).
Il s'en tient donc à sa
position générale (§ 164). Celle-ci est au demeurant peut-être
irréfutable en sa généralité. Mais, en radicalisant l'altérité
des vertus,
par sa position théorique sur leur diversité quali-
tative (§161),
le sophiste compromet leur nécessaire unité
qu'il a cru pourtant pouvoir affirmer d'emblée.
§
166. Comment considérer la ressemblance entre
justice et piété comme quelque chose de mince (OUIKpOV )(108)?
Parlant sous sa propre responsabilité et pour lui-même (§§ 492;
494), Socrate les eût déclarées identiques, ou bien, avec l'as-
sentiment de Protagoras,
presque telles.
Il faut voir là)à
l'oeuvre , 1a suggestion socratique pressant le sophiste d'entendre
"l'appel de l'Essence" (109) pour reprendre l'expression de V.
Goldschmidt. Nous aurons l'occasion, dans la seconde partie de
notre enquête, d'évaluer la signification fondamentale de ce
morceau et le double niveau discursif qu'il implique (
§ 493).
En tout cas,
il n'est pas contestable que le Protagoras se
(107) 332a 1-2.
(108) 331e 6.
2
(109) D.P., PUF,
1963 , p. 81. C'est très exactement ce que
nous appelons l'Exigence du PU,
réservant le terme Appel à la
S.D.
situe à un niveau théorétique plus élévé que le Ménon dans la
mesure où il aborde directement l'EPU. Mais à présent, nous
croyons avoir suffisamment analysé les différentes déterminati
du PU pour tenter de dresser une vue synoptique de ses différe
tes étapes (ou aspects).
1
l
LI,)
C. Les différentes étapes de l'élaboration
du PU.
§
167. La plupart des interlocuteurs de Socrate
commencent par se situer sur le terrain de l'opinion (110).
Aussi bien sont-ils englu~s dans l'infinie multiplicité des
i mage s (§§ 35; 36; 3 7; 38; 42; 42 bis;
7 3;
74;
7 5;
7 6) e t
l ' in é p u i -
sable diversité des opinions (§§ 77- 84). Or,
précisément,
images et opinions sont)séparément ou ensemble, de puissants
obstacles à l'audition de l'APU (§§ 73-84). C'est pourquoi,
en
règle générale, les premières réponses à la question "qu'est-ce
que?" paraissent inintelligibles, tant elles sont entachées
dtimages.
Il semble alors nécessaire,
et c'est la fonction du lan-
cement de l'APU, non seulement de délester les dites réponses
de leur imposant "viatique n d'images, mais encore
et surtout -
(110) Sur le statut de l'opinion chez Platon, on lira désormais
le bel ouvrage d'Yvon Lafrance intitulé: La théorie platonicien-
ne de la doxa (déjà cité).
- - - - - - ---------- ----.---
216
d'attaquer le terrain même où elles se situent. En effet, ce
terrain, le champ mondain ( §§24 bis; 124; 132 et passim) est
ma r q ué par les r i val i tés e t
les con f lit s (§§ 7 9; 84),
les que l s
ont pour fondement les ambitions,
les prétentions et finale-
ment,
les vains désirs qu'engendre l'ignorance inconsciente
d'elle-même ( §§81, 83). Rien d'étonnant, dans ces conditions,
que l'univers des opinions soit à la fois étrange et insolite.
Les multiples sollicitations de l'environnement sont autant de
pièges. Elles détournent l'attention de la voie de l'unification.
§ 168. Naturellement,
dans un tel monde, à défaut
de discours cohérent, la domination de la majorité risque d'avoir
force de loi, et le murmure le plus diffus (forcément incohérent)
de triompher. Dans un tel contexte, en même temps que l'envahis-
sement massif des partis (§ 48),
triomphe l'esprit partisan. Or
la "loi de la majorité" (§
47) est invivable (§ 82bis): elle n'a
aucun titre à juger droitement (§§82-84). Le lancement de l'APU
peut donc difficilement mettre en époché la tâche importante de
la d~Squalification de l'opinion (Ill).
§
169. C'est que sans une telle disqualification,
on ne peut être en accord ni avec soi-même,
ni avec autrui.
Selon
(111) Jamais,
le sage n'est tenu par l'opinion de la masse:
Apologie 28b- 29a et Criton (§§ 144-145).
-,rW-
lllillllir°ÏIIII'O......1IIIIIlIÎiiIIIi~....._
-
, , 1 ' 0 ; 0 ••
217
un texte à caractère doctrinal (§ 20, en particulier in fine) du
~
t
Gorgias, la dialectique et la rhétorique se diStinguent radicale-
~
ment à cet égard. La première a besoin d'une foule de témoins
opinant du chef, tandis que la seconde, se détournant de la mul-
titude égarée, ne veut emporter que la conviction du seul inter-
1 0 c u te ur. Pou r quo i Soc rat e ne peu t que s' in sur ge r
(§§ 4 7;
168 )
contre la prétention déréglée ®§ 81; 83) de la masse, c'est-à-
,
)
» ,
dire de 1 opinion. Voici le' texte du Gorgias: CXII
AÀÀ EYW OOl
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C.
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~yw OOl uapTuPw Elf ~v u6vOf, TOùf t~ÀÀouf navTaf TOÛTOUJ
xalPElv ~ijf (112). Voilà ce que ne comprend pas un Calliclès et
ses pareils, doublement esclaves (113)
de leurs passions et
de l'opinion
- Pourquoi ils sont incapables de tenir le même
discours (114); en effet,
ils ne parlent jamais de la même chose,
s'ils parlent: ils balbutient plutôt -
"balbutiement inaudible"
(§157). Seul le dialecticien tient toujours le même discours
(115). Et il ne peut tenir le même discours que parce qu'il sait,
(112) 472b\\t- - c3.
(113) 481d - e.
(114) 482a 7sqq.
(lIS) 482a 8-9.
au delà de l'incohérence de la multiplicité qui se donne à voir,
percevoir ce qui
véritable réalité
reste le même.
§
170. Ce qu'il faut enregistrer ici, c'est le
rejet de la double loi de multiplication des opinions et des
images. Or l'être-là, le dasein des images~est la pluralité, car
l'image est toujours re-production. L'image,
pas plus que l'opi-
nion, n'ont d'existence autonome ou propre. L'image tire son
existence, si l'on peut dire, de ce dont elle est l'image~ar
rapport à quoi elle est marquée d'une défaillance ontologique
radicale (116). L'image n'est jamais qu'image de. L'image est
une ombre portée. Quant à l'opinion, elle est portée par la masse,
dont elle est le moyen d'expression privilégié. Elle n'est que
bruit et rumeur (117),
;ndatables, irrépressibles, incohérents,
infinis. Images et opinions se manifestent comme des processions
aveuglantes, à force d'être changeantes, comme nous avons pu le
constater dans l'Hippias Majeur ou encore dans le Ménon. Tel
est bien le monde contradictoire des expériences, monde dépourvu
(116) Cratyle 433b.
(117) La différence entre bruit et rumeur est de degré, non
de nature: cf. Edgar Morin,
La Rumeur d'Orléans, Seuil, 1969.
Le bruit est localisé et n'a pas la puissance de la rumeur (p.7);
celle-ci est un bruit qui trouve un terrain de propagation et
d'amplification puissante et rapide (p.8).
de toute empenne et dont il faut se détourner. La première som-
mation de la Raison est pour organiser la défiance à l'égard
du monde, ce qui confirme la vocation subversive du lancement
de l'APU. Telle nous semble être la première étape dans la cons-
truction du PU.
§ 171. Il faut,
cependant, en marquer le statut.
Cette étape ne relève pas d'une nécessité inhérente à la cons-
truction du PU. Certains dialogues en font l'économie dans la
mesure où l'interlocuteur du dialecticien n'est pas un "doxo-
phile" (117bis) et s'avère capable,
par don ou par nature,
d'or-
thologie. C'est ainsi que Charmide inscrit immédiatement son
p.e.d ( §146) dans la SD. C'est aussi la cas du Lysis (§§ 146;
153). Toutefois, la plupart des Premiers Dialogues (Hippias
Majeur: §§ 26sqq, Lachès: §§ 43sqq, Ménon: §§58sqq; Euthyphron:
(§§296;
297;
298) organisent cette défiance. Cette voie, en
effet,
recèle une immense portée pédagogique dans la mesure où)
par les procédés épagogiques, si caractéristiques des mouvements
initiaux des Dialogues, elle permet d'assimiler la SD à quoi
veut atteindre le lancement de l'APU.
§
172. Disqualification de l'opinion et lancement
de l'APU sont les deux faces d'une même pièce. Ils s'emmêlent,
(l17bis) Ou "philodoxe".
's'enchevêtrent, alternent jusqu'à la mise en place de la SD.
Si l'on considire le dipart des dialogues,
la disqualification
de l'opinion intervient après que le lancement de l'APU a eu
échoué. Un relatif succis de la disqualification de l'opinion
ramène, à son tour, le lancement de l'APU. Toutefois, ce qu'il
importe de noter/avec force,c'est le rôle de la disqualification
de l'opinion dans la subversion en quoi consiste le passage de
la question mondaine
question proprement doxique
à la
question philosophique. Cette subversion ouvre le créneau où
s'instaure le lancement de l'APU. Le lancement de l'APU doit
aboutir à une seconde étape, à savoir son audition ou encore
l'assimilation de la SD.
2. L'assimilation de la SD (ou Audition de
l'APU).
§
173. La SD est ce qui est postulé par l'APU.
Il
ne suffit pas de rejeter la multiplicité des images pour préten-
dre,
immédiatement, à la saisie de l'EPU. Il faut aussi compren-
dre la nécessité de parler d'une certaine maniire:
notre propos
est dibiteur de la cohérence formelle tant qu'il ne s'énonce
pas sous un mode unifié. Avant tout,
il faut apprendre à défi-
nir,
c'est-à-dire, si l'on convoque l'étymologie de ce mot,
à
L------------------
"rendre fini",
à tracer une limite (§ 359). Toute définition
est une délimitation. Or, bien souvent, les interlocuteurs du
dialecticien veulent faire l'économie de cette délimitation.
Vouloir contredit par l'exigence de la Raison, car pour se faire
,
entendre,
il faut savoir comment parler. Interrogé sur le
Tt
:>EOTtV
du beau, HippiasJsourd à l'APU)promet cependant d'éclai-
rer Socrate "sur des sujets bien plus difficiles" (§ 31).
Promesse intenable ( § 105) parce que trompant sur son propre
pouvoir (§§85,
104), cette déclaration n'est que vanité. Par son
immense et illégitime prétention, elle fonctionne comme un
"obstacle épistémologique".
§ 174. L'homme du monde ne s'interroge pas beau-
coup, et rarement, est capable d'étonnement (118).
Il est inat-
tentif à la différence entre les questions (§ 34). D'une question
à l'autre,
il se fourvoie,
vaincu par de fausses évidences. Tel
est encore Hippias se demandant si l'enquêteur anonyme (§ 32)
"veut savoir quelle chose est belle" (§ 34). Sans doute, Socrate
explique-t-il longuement le caractère paradigmatique de la notion
qu'il faut définir. Malgré le glissement potentiellement unifi-
cateur (§§42, 42bis), malgré l'effort pour entendre l'APU, et la
tentative socratique d'en produire un enseignement détourné
(§ 113), le sophiste, ayant "l'esprit prévenu" contre la demande
(118) Théétète 156d.
de l'APU, ne peut que sombrer dans une sourde mais vaine colère.
§ 175. Comme le sophiste, Euthyphron aussi, dès
le départ, exhibera des images (119) ( §288). Cependant, contrai-
rement à Hippias (§§108-113),
le devin ne reste pas longtemps
sourd à l'APU. Bien vite, il répond adéquatement à l'APU. Il
suffit que la réponse se présente sous la forme d'un précepte
général, d'un paradigme
indépendamment des effets de vérité
ou de fausseté que celui-ci envelopperait. Aussi, dès 7a, Socra-
te notera-t-il, avec enthousiasme, qu'il vient d'entendre la
réponse qu'il souhaitait. Ce passage significatif établit net-
tement le stade de l'APU en sa spécificité. La d;;tance entre la
question et la réponse s'évanouit dans l'auditio~ de l'APU.
§ 176. Le Ménon, en de longs passages, essaie de
faire acquérir au Thessalien, la SD (ou FD: §125). A la question
"qu'est-ce que la vertu?" Ménon répond en citant un "essaim" de
vertus particulières, comme l'avait fait Euthyphron dans un
premier temps (§ 175: supra et § 288). La question tendait à la
capture de la multiplicité, à sa réduction dans une forme unique;
la réponse, bien au contraire, l'entraîne à une "occupation
(119) Euthyphron 5d-e.
d'entomologiste W qui n'est pas
wde tout
reposw
(120). N'est pas
non plus de tout repos la tâche de Socrate, qui consiste à ensei-
gner une technique de l'unification à ce disciple de Gorgias,
partisan de la multiplicité sensible par excellence. Socrate a
be au i Il us t r e r I a SD (§§ 61; 63; 64; 66; 68; 69; 70; 7 1 ) , la rés i s-
tance de Ménon reste très forte, et inquiétante, sa surdité.
Lorsqu'il croit avoir perçu
wune définition
unique applicable
à tous les cas w,
(121) il la dissout dans
wl a
capacité de com-
w
mander aux hommes.
(122). Passant par l'unité de la dénomination
des choses (§§66, 67), livrant quelques exemples de PU réussi
(§§69, 70), Socrate finit par se contenter d'une définition selon
le modèle de Gorgias ( §71), qui, en dépit de son aspect gauche
(§ 123), ne s'en inscrit pas moins dans la SD.
§ 177. L'audition de l'APU se traduit par l'ins-
cription de la réponse de l'interrogé dans la SD. On aboutit
alors, grâce à la technique de l'unification, à une définition
formellement réussie, sans que sa vérité matérielle puisse être
préjugée. L'erreur capitale de l'interprétation traditionnelle
est d'avoir situé dans la mise en place de la définition for-
melle le nec plus ultra des Premiers Dialogues, leur véritable
(120)Mamoussé Diagne, Sens et portée de quelques mythes platoni-
ciens, Mémoire de maîtrise, Bordeaux,
1972, p.6.
(121) 73c Il-dl.
(122) 73c 11 (cf § 65 n202).
finalité. Il n'en est cependant rien. Comme nous le constatons,
il s'agit simplement de la seconde étape dans l'élaboration (ou
la construction) du PU. En revanche, c'est l'étape où se place
véritablement l'enjeu "log-igue". Si l'on cherche une "théorie
du concept", c'est le lieu où il faudra en tenter le repérage.
Car bientôt, l'enjeu sera, dans le double sens du mot, méta-
logique (123). En fait,
tout le jeu (124) antérieur tend vers
cet enjeu. Ce qui nous semble essentiel~dans cette "théorie du
concept")c'est que, au titre même de la possibilité du logos
(§§
124-128), les concepts doivent être employés avec un contenu,
quel qu'il soit, constant. En d'autres termes, le concept doit
être affecté d'un coefficient d'exemplarité, et en nous autori-
sant d'un néologisme, disons de "paradigmaticité". A ce niveau,
la vérité n'est pas en jeu, car la vérité est l'au-delà du jeu.
On
peut donc définir le PU,
dans les Premiers Dialogues, comme
une technique d'unification et de stabilisation du logos. Toute-
fois,
de maîtriser une telle technique, dicte de parler: pour
dire, parce que comme un souffle la raison nous porte (125),
l'Exigence du Précepte Unificateur (où s'exprime la percée de
l'Essence).
(123) Meta siginfie à la fois "en deça" et "au-de~ "
( 1 24) Led i a log u e est un jeu: §§ 3; 14; 1 6 .
(125) Resp IV, 413c 4-5 •
...._-------------
3. L'EPU ou la percée de l'Essence.
§
178. Comme nous le savons déjà,
en règle généra~
les Dialogues effectuent un parcours ab exterioribus ad interio-
ra (§§ 138 -
140). D'emblée, un univers se donne à nous et sol-
licite notre attention. En fait,
notre univers familier est celui
de la caverne. Il faut se rappeler le départ célèbre du livre
VII (126) de la République qui,
prenant le contre-pied de nos
fausses certitudes, nous avertit que nous ne sommes que des pri-
sonniers,
"l es jambes et le cou pris dans les chalnes",
inca pa-
bles aussi bien de "changer de place"(127)
,
ou de "tourner la
tête" que
"de voir ailleurs que devant" nous.
Comm~nt s'étonner
alors que nous soyons livrés à la tyrannie des opinions? Car ni
l 'E'lK ro Ol'ro
.
~
~ nl 1 a
'
~10T1J
ne nous permettent autre c h ose que d ' ·
Opl-
ner:
la première sur les images ou les ombres des corps, la se-
conde sur les corps eux-mêmes et leurs propriétés. Cependant,
l'une comme l'autre portent sur le monde du devenir et de l'ins-
tabilité. Lieu des incertitudes.
§
179. Alors que,
de la disqualification de l'opi-
ni on à l'assimilation de la SD, le dialogue travaille seulement
(126) Resp VII 514a-b sqq.
(127) Ibidem •
.....
sur l'enseignement de la forme discursive adéquate
à savoir
apprendre à parler sous un mode unifié (§§ 24; 72; 75; 309; 319).-
l'EPU apparait comme une exigence fondamentale de vérité (§§140,
141). Le but avoué du dialecticien est. en effet, la vérité,
c'est-à-dire d'atteindre l'essence. Une série de textes (128»)
dont nous avons rappelé les plus typiques/confirment cette orien-
tation stratégique. L'analyse du Criton (§§ 144-145). du Charmide
~§
146-152) et du Lysis (§§ 153-158) nous a montré qu'après
l'audition de l'APU. l'Essence ne se dévoilait pas de façon im-
médiate et totale. Elle se déploie plutôt de façon progressive
( § 152) par la mise en évidence des exigences essentielles inté-
grées dans les essais définitionnels consécutifs à l'assimila-
tion de la SD (§152).
§ 180. Ce qui se produit à ce stade c'est donc une
véritable percée de l'Essence. Il y a percée de l'Essence lors-
que les VA se présentent à nous sous un angle incontournable.
Elles informent alors de façon décisive la contexture théorétique
du 'Dialogue où se dessine l'esquisse du corpus doctrinal -
c'est
ce que nous appelons la ligni~9de l'enseignement doctrinal. Phi-
losophiquement, cette troisième étape est sans conteste la plus
importante. Son identification claire constitue le démenti le
(128) Charmide 161b 5; Philèbe 14b 7-8; Phédon 66b 6-8 etc .••
(129) Ligne précisément parce qu'il s'agit de tendance.
plus cinglant à l'interprétation traditionnelle "proto-philoso-
phique". En même temps, dialectiquement, elle est le lieu où se
précise et prend forme le Destin Final de l'Enquête (DFE).
b
D.
Résultats de l'Enquête
§181. Tout d'abord,
le mouvement des Dialogues nous
est
apparu double.
L'expérience première du dialecticien est consti-
tuée par les rivalités,
les conflits et les contradictions qui
informent et rythment le champ mondain.
Ce champ mondain n'offre
nulle assurance,
nulle prise solide et sr~ble. C'est pourquoi,
le dialecticien doit s'en détourner,
pour se
tourner vers SOD
intériorité c'est-à-dire,
en
définitive,
vers son âme
siège
de la raison.
C'est le mouvement ab exterioribus
ad interiora
~§ 139-140). Une fois qu'il a trouvé en son âme)et singulière-
ment dans la partie la plus divine de celle-ci,
l'assurance
et
la prise suffisantes,
à
travers un
principe clair et ratio~el
d'unification,
i l doit
revenir dans ce monde çi,
pour arbitrer,
juger et résoudre les divers conflits qui s'y structurent.
C'est
le mouvement ab interioribus ad exteriora
(§ 140). Le but de ce
double mouvement,
et par conséquent des Dialogues,
est la déter-
mination de la
vérité
(§§140,
141,
145;
179).
§182. Dès lors que l'APU est entendu, ou encore la
réponse de l'interrogé inscrite dans la SD, advient le ~roblème
de la vérité. L'une des principales erreurs de l'interpr~tation
traditionnelle/c'est d'avoir complètement ignoré cet aspect dé-
cisif. En fait,
il lui était d'autant plus difficile de le com-
prendre qu'elle s'était confinée dans les délectations d'une
approche purement littéraire - attitude que nous avons dénommée,
sans intention polémique ou péjorative,
le point de vue de l'in-
conscience philosor~que (§§ 159 n92). Aussi bien la mise en évi-
dence du problème de la vérité comme préoccupation centrale des
Premiers Dialogues contribue-t-elle largement à la restitution
de leur "philosophicité". La notion mame de Philosophia n'aurait
probablement aucun sens, aux yeux de Platon, et pour la pensée
grecque en général, si elle ne connotait celle
de vérité. A
dire vrai, entre réflexion philosophique et recherche de la
vérité,
il n'y a pas concrescence, ni marne simplement congruence,
mais
ce qui est tout autre chose
consubstantialité. C'est
dire que la recherche de la vérité n'est pas seulement la jus-
tification majeure de l'activité philosophique comme telle,
elle
en est très précisément synonyme •
§ 183. En second lieu, la recherche de la vérité
se manifeste comme tentative ou essai de dévoilement de l'Essence.
L.Essence désigne ici les vertus (ou VA) dont le Protagoras
,
affirme l'unité (§ 161) fondamentale.
Elles sont décrites comme
1
des TIpay~ata
(§ 162),
c'est-à-dire des
réalités. Mais
ces
1
TIpay~aTa
se situent dans la région extra-mondaine.
Aussi n'y
avons -nous pas directement accis.
Nous les entrevoyons par le
biais des exigences (§ 148~ qui s'imposent à notre conscience
réfléchie.
C'est pourquoi nous parlons volontiers de percée de
l'Essence dans les dialogues.
Cette percée de l'Essence n'est
ni évidente ni visible pour tout le monde.
Elle n'est percepti-
ble que par ceux qui se laissent guider par le dialecticien,
accordant ainsi le primat à
la lucidité.
§ 184. Enfin,
nous avons pu mettre en évidence
les trois étapes ou degrés de la construction du Précepte Unifi-
cateur.
Le premier degré est constitué par la disqualification
de l'opinion et le lancement de l'APU (§§167-172),
le second
est l'Assimilation de la SD ou audition de l'APU (§§ 173-177)
et
le troisième est l'EPU ou percée de l'Essence @§ 178-180). La
construction du PU suit donc un schéma en escalier à trois
marches:
Ql
::l
C"
.~
00
o
...-1
Déter~ination de
CO
~
'Ql
l'
EPU
S
3
::l
CO
Ql
>
(Percée de
.~
z
l'Essence)
- - - - - 1 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Assimilation
de la SD
2
(Audition de
l'APU)
Ql
::l
C"
~
Disqualification
00
o
~
de l'opinion
::l
1
co
Ql
>
(Lancement de
.~
z
l'APU)
Ce
schéma détermine la structure générale des Premiers Dialo-
gues, même si chacun des dialogues n'en empRun~e pas nécessaire-
ment les différents degrés. C'est ainsi que le Charmide (§§ 146-
152) ou le Lysis (§§ 153- 158) font l'économie des degrés 1 et
2. Par contre, l'Euthyphron franchit,
l'une après l'autre, cha-
cune des trois étapes. A cet égard, il est un dialogue de tout
.
d
.
, .
l
,
1
.
d
PU
premler or re pour qUl s lnteresse a
a constructl0n
u
•
Aussi bien, nous sera-t-il donné, en l'analysant,.de revenir
sur la mise en place du PU en ses principales articulations
(§§
312; 313 et passim). Mais auparavant, dans la dernière sec-
tion de cette première partie, nous aurons tenté d'identifier
le destin final du PU dans les Dialogues Ultérieurs.
II.
LE DESTIN FINAL du PU dans les
Dialogues ultérieurs.
Argument
§
185. On s'interroge dans cette ultime division,
sur le sort réservé au PU dans les Dialogues ultérieurs. L'en-
quête commence par le Gorgias, oeuvre de "rupture" par les
deux nouveautés qu'il comporte: le recours à un Précepte Divi-
seur d'une part, et de l'autre, l'adoption d'un ton plus net-
tement doctrinal (§ 190). Cependant, l'introduction de cette
double nouveauté
n'élimine nullement l'intervention du PU
(§§ 191-192). Par ailleurs,
on s'efforcera de décrire et d'il-
lustrer la mise en place du PU dans les Dialogues Moyens, avant
de nous interroger sur le rapport qu'ils entretiennent au regard
du dja.lecticien ( § 195).
§ 186. Au demeurant,
cette question sera reprise
et examinée dans le contexte des Dialogues dits scolaires, ou
du Troisième Age platonicien. Dans ce nouveau contexte théoré-
tique et doctrinal,
le recours au PD devient plus massif (§ 196).
Mais cela signifie-t-il, pour autant, que le PU y disparaisse
ou, en tout cas, qu'il n'y joue plus qu'un rôle adventice? On
convoquera la plupart des Dialogues de cette période pour régler
cette question. Mais, nous interrogerons, du point de vue du PU,
un Dialogue du Troisième Age qui, par sa démarche et ses procé-
dés d'investigation,
semble avoir été ressuscité des profondeurs
du Premier Age.
Il s'agit du Théétète (§§ 200-205).
1. Du Gorgias (1) aux Dialogues Moyens.
§
187. Le Gorgias occupe à juste titre, une place
de premier plan, dans la chaîne des Dialogues. Il semble être
l'un des tout derniers Dialogues du Premier Age platonicien,
et
ne serait vraisemblablement pas postérieur à 387 (2). Cependant,
(1) Magalhaes Vilhena considère le Gorgias,
avec la Lettre VII,
comme l'un des écrits les plus décisifs pour comprendre Platon.
Selon lui, à partir du Gorgias, nous n'avons plus affaire au
même Socrate ni au même Platon, qui songerait davantage à son
Wattitude personnelle plutôt
qu'à la
défense
de son maître- cf.
Socrate et la légende platonicienne, PUF,
1952, p.llO. A propos
du Gorgias, il écrit:"C'est dans ce dialogue qui met brusquement
fin
à la série des écrits apologétiques,
composés à la suite
de
l
conformément à notre méthode (§§
12; 16), nous ferons abstraction
du contexte historique. Aussi, nous nous fondons sur deux éléments
internes,
pour caractériser le Gorgias comme une oeuvre de rup-
ture sur le plan du recours au PU et de la démarche gé~érale des
Dialogues. Le premier élément consiste en l'introduction d'un
principe de division. Appelons-le: Précepte Diviseur (P.D). Le
second élément est que le Gorgias prononce de plus en plus sur
un plan ouvertement doctrinal.
§ 188. Gorgias prétend être détenteur d'une techni-
que;
or toute technique a une vertu propre. Il s'agit de déter-
miner la vertu spécifique de la technique de Gorgias (3). Polos
(1) suite.
la condamnation de Socrate, qu'il faut
trouver le
sens de la carrière philosophique de
P1aton n p.
109. cf. aussi
3
Bréhier, H.P, l,
p.87 (PUF, 1981 ). Sur le Gorgias, cf. récemment:
Santas (Gérasimos Xenophon): Philosophy in Plato's early dialo-
gues. The arguments of the philosophers, London,
1979 (voir le
dernier chapitre consacré au Gorgias); et, moins récents mais
toujours actuels, cf: P. Kucharski, La Rhétorique dans le Gor-
gias et le Phèdre, in La spéculation platonicienne, Paris/ Lou-
vain,
1971, pp.
161-195; G.R. Morrow: Plato's conception of
persuasion, Philosophical Review, 62,
1953.
(2)
Date présumée de la fondation de l'Académie.
(3) 448e 2-4.
~;..
la.~---------------'-----
236
prétend que cet art est
"le plus beau" (4).
Intervenant à la
place de Khairéphon (5),
Socrate démarque le dialogue de la
rhétorique (6),
avant d'insister sur la nécessité de la brachy-
logie (7). Ce mouvement initial du Dialogue mène rapidement à
l'utilisation du P.D.
EssayonS d'en produire la structure dans
le tableau suivant:
(4) 448e5.
(5) 448d.
(6) 448d 8-11.
(7) 449b 5-9:
cf. aussi Annexe 1: D.
Samb)Brachylogie et macro-
logie dans l'oeuvre de Platon,
Paris,
1983.
IL
"········.···.!..~.
1
H:x veu
principal .•.
~
,?AcU.on "-.
objet
~lscours
~.~
J, ~
Discour~
Discours
Action
Action nulle ou insignifiante
nul
secondaire secondaire
!
1
1
r l L
arithmétique
calcul
astronomie
x
't
Rhétorique
1
\\
1
1
•
-v
objets
. /,\\lI.
l'V
palr lmpalr
va eurs
"
astres
-v
numériques
du pair et
de l'impair
Le
pouvoir de persuader
J
r
l
arithmétique
calcul
rhétorique
,
1
'tJ
t
'{J
objet:
pair/impair
......
juste /
injuste
.~
créance
science
~---------
--~~---~--~_._-
__
- -.- ... _---
- - - - - -
-~---------.
.
- - - - - - - - -
.~
§ 189. Dans un autre mouvement de capture de la
PV, Socrate utilise de nouveau le PD. On part de la distinction
de l'~me et du corps (8) qui, tous deux, peuvent sembler" bien
portants, quand bien même ne le seraient-ils pas (9). A ces
deux "substances", répondent deux techniques bien spécifiées.
Chacune de ces "techniques se subdivise à son tour en deux
"branches scientifiques", soit au total, quatre disciplines.
Mais, sous chacune de ces sciences, se glisse une contrefaçon,
dont l'analyse révèle qu'elle n'est que flatterie:
ou de l'~me,
ou du corps. On peut s'en rendre compte par le tableau ci -
dessous:
(8) 464b 4-5.
(9) 464a 10sqq.
Substance
1
.
1
Ame
Corps
Politique
( ••.• ~.) Dénomination unifica-
trice problématique
objet
-----~------------p
Médeocine
- - ;
le bien
légiSIftion
--1--
Justice
(sciences authentiques) Gymnastique
~
Flatterie
(id) ~
( i d ) _ . . ,
(id)
1:
(id)
t
,!t
--i------------i1
Sophistique
Rhétorique
(simulacres)
Toilette
Cuisine
~
l'agréable
l'
,
1- -
- _
- - - - -'
........
Un examen minutieux de ce tableau permet de se représenter sa
construction inversée (c'est-à-dire à partir de la flatterie):
le résultat (capture de la P.V) serait le même;
de sorte que si
la construction est inversée,
la loi de la construction ( et
donc, le principe de la division) reste la même:
Nature
Flatterie
objet
1
\\
~
1
"U
1
1
du corps
de l'âme
l 1
Simulacres
Cuisine Sopilis
Rhéto-
f
agréable
tique
rique
L
_
.J
§
190. Au vu des "pièces" ainsi exhi bées, on peut
dire qu'avec le Gorgias, il y a bien une nouveauté qui s'intro-
duit dans les procédés de l'enquête dialectique. Cette nouveau-
té consiste en ce que nous avons appelé (de manière unifiée) le
Précepte Diviseur. La seconde nouveauté (§ 187) est que le
Gorgias, en certains passages, prononce sur un plan de plus en
plus ouvertement doctrinal. Soit les passages 504a, 505b et
suivants. Socrate vient de dénombrer toutes les sortes de flat-
~
j
~-----------------
terie (10). La rhétorique, bien sûr, est dans le lot. Puis il
expose sa doctrine sur différents points. L'orateur vertueux
cherche l'ordre et la discipline dans l'âme,
lesquels font les
grands hommes.
Il veut donc les vertus, et non les vices (11).
L'exigence dérivée d'un tel principe est qu'il faut éloigner
l'âme, aussi bien que le corps, des désirs qui leur sont fatals.
Ainsi,
en de tels cas, le châtiment vaudrait mieux pour l'âme.
Lorsque Calliclès, ~cédé et incapable de répondre sur un plan
doctrinalement cohérent, tente d'échapper à l'enquête devenue
interrogatoire (12), Socrate déclare: CXIII
)AÀÀ'
oGoÈ TOùI
,
, ' ) , )
,
~UeoUI ~~at ~ET~~Ù eE~tI EtV~t K~T~ÀEtrrEtvJ ~ÀX Errt8EVT~I
,
c,
.. ~,
" " ) ,
3 : " "
KE~~Ànv) tv~ ~n aVEU KE~aÀnI rrEptt~.
ArrOKptVat ouV K~t Ta
,"
,...
, ,
. . ,
ÀOtrra, tva n~tV 0 ÀOYOI KE~aÀnV ÀaBp (13). Puis, a~rès avoir
(lO)SOlc -
S03b.
(ll) SOSb.
(12) C'est-à-dire que l'interlocuteur ne répond plus que de
mauvaise grâce.
~'4e.
(13) SOSd 1-4. Dans le Phèdre, Socrate tient à peu près le même
langage:
n • • •
un discours doit être constitué comme un être vi-
vant,
avec un corps qui lui soit propre,
une
tête et des
pieds,
un milieu et des extrémités,
toutes
parties bien proportionnées
entre elles et avec l'ensemble. n cf. traduction Chambry
(GF).
Sur
la notion de proportion telle qu'elle doit être interprétée ici.
cf. Politique, 266e et 287b.
L.
tenté d'encourager un Calliclès de plus en plus renfrogné (14),
il rappelle quelques importants points d'ordre doctrinal (15)}
notamment par des définitions nettes et fermes de la tempérance.
de la piété, de la justice (16) etc •••
§ 191. Il reste à se demander si le PU n'est pas
simplement remplacé par le PD, s'il demeure dans le Gorgias,
sans nous inquiéter dans le cas où il demeurerait, des subver-
sions qU'il aurait subies. Dès 448a, au départ du Dialogue,
Socrate déclare qU'il veut savoir "quelle est la vertu"
de l'ar~
de Gorgias, c'est-à-dire en quoi il consiste. On subodore ici
1 ")
la question du Tt EOTlV, noeud gordien du PU. En 463c 3-6, i l
reproche à Polos de lui demander de prononcer préalablement sur
)
,
,
, - , ~
-
la qualité de la rhétorique:
CXVI
Eyw ÔE nUT~ OUK nnOKplvOU~~l
(14) 506c.
(15) En 508e 7 - 509a S, Socrate souligne bien le caractère doc-
-
' - ) J
")
_::>
-
, _
trinal de son discours: CXIV
TaUTa n~lV nvw EKEl EV TOlJ ÏiPOC7EV
,
LI
,
' J
' \\ ,
,
'\\
Ô'
,
-
ÀOYOlJ OUTW $aVEVTn,
WJ EYW ÀEYW) KaTEXETal Kal
EôETnl) Kal E~
)
"
)
-
' /
1:
-
,
::>
,
,
aYPOlKOTEpOV Tl ElTIElV EaTlv,OlunPOlJ Knl aôa~aVTlVOlJ ÀOYOlJ)
~
JJ
"
CI
,
;)
"
>/
' "
WJ yoùv av Ô6~ElEV OUTwal~ oUJ au El ~n ÀUOElJ n OOU TlJ VEaVl~W-
Auparavant, en 507c 8-9, Socrate affirmant significativement:
)
'\\
'\\
.....
L I ,
'\\
. . . . . ) . . . . .
t
CXV
Eyw ~EV o~v TaUTa OUTW Tl8E~nl
Knl $n~l TaUTa aÀn8n Eva:.
(16)
S06c-d sqq.
243
,
"
."
~
..
Co
-
t
..
j,.
npOTEpOV, E1TE KaÀOV E1TE alOXPOV nYOu~al E val TnV ~nTOP1Knv)
nplv ~V npWTOV &nOKPtvw~al g Tt ~OT1V. (17).Dans un autre mor-
ceau du Gorgias
(18),
i l reproche à Calliclès de ne pas attri-
buer aux notions qu'il emploie un contenu
quel qu"il soit -
stable.
§
192.
La convocation de ces textes,
à elle seule.
suffit à régler la question posée (§ 191).
"Quelle est
la vertu.?"
de la rhétorique,
"ce qu'elle est"
(§191),
i l s'agit sans
conteste de la question du PU.
Pareillement,
le reproche fait
à Calliclès (§ 191) revient, analysé en termes d'APU, à pres-
crire la maîtrise du concept comme technique d'unification et de
stabilisation du logos.
On se souvient sans doute que ce fut là
la définition même du PU.
Le PU
(19)
est donc
bel et bien dans
le Gorgias.
Mais voyons,
sommairement,
ce qu'il
devient dans les
Dialogues Moyens.
§ 193.
Dans le Cratyle
(20),
Socrate met ouverte-
ment en cause le critère de la cohérence pour
juger de
la vérite
et de l'erreur.
Si l'on prend
le cas d'une démonstration géomé-
(17)
Naturellement,
c'est nous qui soulignons.
(l8)
491
b-c.
(19)
En 451b-c,
on identifie des exemples de PU réussi~
(20)
437b.
fi
. . . . .
244
trique, une petite erreur se glissant à la base du raisonnement,
n'empêche pas pour autant "les nombreuses déductions qui s'en-
suivent" d'être d'accord entre elles. En quelque sorte, la
justesse d'un raisonnement fait appel, uniquement, àsa cohére~ce
formelle,
tandis que sa vérité (21) exige la confrontation avec
l'objet réel,
qui en révèle l'adéquation. Cette notion de cohé-
rence renvoie,
bien entendu, à l'assimilation de la SD (§§ 152 ..J
179) et à la maîtrise de la technique d'unification et de stab~-
lisation du logos qu'elle suppose.
§
194. Par ailleurs, les exemples de mise ~n place
réussie du PU sont nombreux. Soit la République IV où,
après
l'explication de la méthode des résidus, Socrate établit le PU
du courage: CXVII
'a:::
'
"
" 1 : '
TIavtoJ o6~nJ opv~J tE Kat VO~lVOV OElVWV TIEpl Kal ~n aVvpElQV
)1
_ "
; ) ,
\\
>1
,
E)'W)'E KaÀw Kal tleE~al) El ~n tl au aÀÀo ÀE)'ElJ (22). De la mêm-:-
manière, il construit le PU de la tempérance (23) et de la jus-
tice. Au huitième livre de la République, Socrate donne les PU
des désirs nécessaires, qui ne peuvent être rejetés (24), et
des désirs superflus, qui peuvent l'être (25). Comme le montre
le Phèdre, aucune discussion véritable et convenable n'est pos-
(21) Le Cratyle d:Stingue
ce qui passe presque toujours
inaperçu
- entre vrai/juste. cf,431b.
(22) 430b 2-5.
(23) 430e 6-9; cf. aussi Phèdre 238a.
(24) 558d12- ~3.
(25) 559a 3-6.
245
sible si l'on ne délimite d'abord l'objet en cause. En effet,
"la
plupart des gens ne se doutent pas qu'ils ignorent l'essence
des choses;
aussi,
persuadés qu'ils la connaissent, ils ne s,'ec-
tendent
pas au début de la discussion,
et, ~ mesure qu'ils
avancent,
ils en arrivent naturellement à n'être d'accord ni
avec eux-mêmes,
ni avec les autres."
(26). Le seul moyen d'évi-
ter cette critique esr, dit le Phèdre, de s'entendre d'abord SUT
ce qu'est l'objet en cause, en l'occurrence l'amour. Ce texte,
déjà exploité (§§ 126-129), explicite la fonction référentielle
du PU presque dans les mêmes termes que l'Euthyphron (27) (§ 125):
" .•• les yeux tournés vers cette définition, rapportons-y toute
notre discussion sur les avantages ou les désavantages de
l~mour."(28). D'ailleurs, un peu plus loin, Socrate définit clai-
rement la FD du PU: elle consiste simplement dans l'acte par
quoi, grâce à la synthèse rationnelle, l'esprit humain subsume
la multiplicité sous l'unité, indépendamment des effets de véri-
té (29) ou de fausseté produits ( §135). Enfin, on se rappel-
lera le Banguet)où Socrate a pu louer la bonne méthode d'Aga-
thon consistant à examiner l'essence avant de prononcer sur la
qualité (30), c'est-à-dire à emprunter la voie du PU.
(26) 238a (traduction Chambry ap. GF).
(27)
6e.
(28) 238a.
(29) Nous empruntons ici la terminologie stoicienne.
(30) 200a.
.,.,..,....,... ,.
§ 195.
Il est donc loisible de conclure que le PO
est maintenu dans les Dialogues Moyens et qu'il cont~nue, dans
des contextures théorétiques et dialectiques différentes, d'y
jouer un rôle qui est loin d'être mineur. Cependant, dès le
Gorgias, s'introduit en fait un procédé de division que nous
avons appelé Précepte Diviseur. Ces deux modes du penser et d~
parler cohérents informent de manière décisive les Dialogues
ultérieurs.
Il semble même,
d'après une déclaration de Socrate
(31),
que,
"pour être homme",
il faille assimiler le PU,
"
c'es~-â.-
·dire l'aptitude à reconstruire,
par le raisonnement,
l'unit~
du réel
par delà la multiplicité des sensations et du deve-
nir. La capacité à manier le PU et le PD, à voir ce qui unit
le multiple sans perdre de vue ce qui divise l'unité,
paraît
définir essentiellement le dialecticien.
"Voilà,
Phèdre,
de
quoi
je suis amoureux, moi: c'est des divisions et des synthèses;
j'y vois le moyen d'apprendre à parler et à penser."(32).
,
1
Luvaywy~ et ôtapp~6u, tels sont les deux procès que mettent en
oeuvre respectivement le PU et le PD. Et puisque, dans le mêm~
texte Socrate nous dit qu'il su:vrait
"à la
trace,
comme un
;
dieu" quiconque serait maître dans le maniement de ces deux
:1i
(31) Phèdre 249d.
(32) Ibidem:
266d (traduction GF).
247
procédés, suivons nous-mêmes les traces du PD et du PU dans
les Dialogues du troisième âge.
2. Le PD et le PU dans les Dialogues du
troisième âge.
§ 196. Le recours au PD devient de plus en plus
massif, à mesure que l'on s'engage dans le parcours des Dialo-
gues de la dernière étape.
Il importe donc de montrer qu'en
dépit du recours massif au PD, le PU conserve, du point de vue
dialectique,
une importance de premier plan, et que la même
inspiration originelle demeure. Consultons d'abord le Politique
pour nous en convaincre:
n..
~,,:
~_14i! _• •
1
l "~~ll~~lN~'"'_"'_-"*""""
"""'__'
;"~
"",_",~~_",,'-'-";--
- ~;ic:;":'~''',;
-
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..-~§i
J
,.
y
Sctences
(258d)
, / '
ratique ~TL;'
.
P
ueor1que
j~.
juge
commande
Sur ordre d'autr~ S~ordre de soi
(pouvoir délégué)
(pouvoir personnel)
A
• •
/
' "
A
aux etres 1nan1mes
aux etres animés
Elevage
d'individ~ ~ge de communautés
d'animaux
(261e)
/ '
'-.....l .
Animaux sauvages
An1maux apprivoisés
Elevés dan~
E~vés sur
l'eau
terre
~~
volants
marcheurs
L
ligne
(33)
Ct
---7~
quadripèdes
bipèdes
emPlumé 'rnus)
249
On assiste à d'autres divisions au long du texte: notamment,
celles des objets artificiels ou acquis (280b,
281a), des arts
A
(281e,
282c, 282e, 283b). On pourrait entreprendre le meme
type de tableau à partir du Sophiste: "le pAcheur à la ligne"
(219a,
219c, 21ge, 220b,
220d, 221c où a lieu la récapitulation)
1
qui sert de modèle à une nouvelle division portant sur la
(33) La ligne a indique qu'on recourt à un nouveau principe de
division: Tn OtauÉTpw ônnou Kal nnÀtv Tn TnJ ÔtauÉTpou ôtauÉTPw
(266a 9-10). En effet, en 266d, l'Etranger montre en quoi la
première 1 igne de di vision,
à partir de la ligne ~ (selon la
présence ou l'absence de cornes et selon le caractère croisé
ou non de la reproduction 265d-e), était erronée; d'où le retour.
Aussi bien, ne comprend-on pas pourquoi Diès intègre dans son
tableau la division initiale (265c-266a) qui, comme on sait,
est abandonnée plus loin (cf. Diès)
"Les Belles Lettres",
IX, l, p.XVI). En effet, cette division est sans issue. Une
autre lacune du tableau de Diès est qu'il ne donne pas la partie
ultime de la division des bipèdes en "emplumés" et "nus":
ce qui rend le tableau sans objet, alors qu'il voulait en
donner l'aspect final (Ibidem,
p.XVI). D'ailleurs, l'aspect
final du ~ableau ne pourrait être établi qu'après la comptd-
.bilisation d'observations ultérieures,
notamment en 275e
et 276c.
250
chasse (222d,
223a,
223b,
224b etc ••• ),
ou encore la division
de la production (266a,
266c,
267a) qui permet la capture du
sophiste (268d).
Dans le Philèbe aussi,
on peut noter,
entre
autres,
la division des sciences (55e,
56c,
56e,
57c).
§
197. Mais,
pour autant,
le PU ne disparaît
nullement des dialogues du Troisième Age où,
du reste,
i l est
envisagé en des termes ~ui rappellent ceux des Premières Oeuvres.
Ainsi,
discutant la nature des désirs dans le Philèbe,
Socrate
pose la question suivante:
CXVIII
"
"
)
,
ITpof Tl nOTE apa TaUTOV
(34). Déjà,
en 25c,
dans un autre essai définitionnel,
Socrate
avait voulu que l'on énoncât,
en quelque sorte,
la marque
diStinctive de l'infini permettant de subsumer tout ce qui re-
lève du plus et du moins,
afin que l'on évitât de
se perdre
dans l'exhibition des cas individuels,
donc des images:
CXIX
,
,
J
J/
, - ,
- ,
,
x
'
. . . ,
Onoo av n~lV ~alVnTal ~aÀÀov TE Kal IjTTOV Y1YVO~EVa Kal TO
,
, ; ) ,
~,
,
...
,
, ( J
- ,
o~oopa Kal npE~a uEXO~Eva Kal TO ÀlaV Kal ooa TOlaUTa naVTa,
J
...
_ ) ,
,
,
) "
_ ,
_
,
Elf
TO TOU anElpou YEVOf wf Elf EV OEl
naVTa TaUTa T18Eval)
...
,
)1
, "
I}
( / ,
,
KaTa TOV E~npoo8EV
ÀOyOV) OV E~a~EV, ooa 01EonaoTal Kal
01ÉOX10Tal
ouvayayovTaf xpnval KaTà OUva~lV ~lav ~nl0n~alvEo8al
,
) ,
Tlva ~U01V) El ~E~Vnoal (35). D'ailleurs,
dans le même mouve-
(34)
34e 3-4.
(35)
24e7- 25a5.
251
ment,
le PU du fini est produit (36).
§
198. Dans le Politigue,
on trouve plusieurs e.d
selon le PU,
par exemple en 283d où,
parlant de la mesure rela-
tive et de la juste mesure,
l'Etranger définit la science de la
,
' ' ' '
" , , -
mesure: CXXI
MnKOUf TE TIEpl Kal SpaXUTnTOf Kal TIaOnf UTIEpOxnf
,~
,
. " ,
"
,
')
,
-
TE Kal EÀÀE1WEWf n yap TIOU ~ETpnT1Kn TIEpl TIaVT EOTl TaUTa (37).
Même le Timée,
oeuvre doctrinale par excellence,
fourmille de
définitions selon le PU.
Ainsi,
pour le son:
wD'une manière gé-
néra1e,
nous pouvons définir le son comme un coup donné par
l'air à travers les oreilles au cerveau et au sang, et arrivant
jusqu'à l'Ame. -(38).
Dans le même passage,
le PU de la couleur
est donné:
-C'est une flamme
qui s'échappe des diff~rents corps
et dont les parties sont proportionnées à la vue de manière à
')
, )
, . I I
ap18~ov ap18~of n
,
- , , '
- ,
. ) "
~ETPOV n TIPOf ~ETPOV, TaUTa OU~TIaVTa Elf TO TIÉPaf lTIoÀoy 1l;;6-
~EVOl KaÀwf ~v éOKOt~EV ~pàv TOUTO.
(37) 283cll -
d2.
(38) 67e
Traduction Chambry ap. GF.
;) 1
Lit
252
produire une sensation. W (39).
Bien plus loin
(40),
après avoir
étudié plusieurs formes des corruptions,
Timée déclare: W Toutes
ces humeurs portent le nom commun de bile,
qui
leur a
été donné
ou par des médecins ou par un homme capable d'embrasser du
regard un grand nombre de cas dissemblables et de d;Scerner en
eux un genre unique digne de servir de dénomination à
tous.·
(41) •
§
199. Mais i l y a un morceau particulièrement re-
vélateur du Sophiste.
En 239d,
l'Etranger d'Elée attire l'atten-
tion du jeune Théétète sur l'exceptionnelle prouesse polémique
du sophiste.
Si)par exemple,
on le déclarait "faiseur d'images",
i l aurait beau jeu de demander ce qu'est l'image.
Comme on pou-
vait s'y attendre,
à l'instar d'Hippias
(§ 35),
de Ménon
(§ 60)
ou d'Euthyphron ( §288), Théétète cite une panoplie d'images,
celles
wdes eaux et des miroirs,
les images peintes ou gravées
et toutes
autres choses de la sorte. W (42).
Visiblement,
ce
(39) On remarquera que c'est presque,
mot
pour mot,
la défini-
tion qu'avait déjà donnée le Ménon:
wLa
couleur est un
écou1e-
w
ment de
figures
proportionné à la vue et sensib1e
(77a:
Tra-
duction G.F).
(40) 83a sq.
(41) 84a.
(42)
239d
(traduction Diès,
"Les Belles Lettres);
comparer
avec Resp 510a,
515a,
598a sq, Théétète
146e, Ménon 72a.
253
dernier n'a pas entendu l ' APU ( §§ 107 sqq),
obligeant de ce fai t
l'é'tranger
à préciser le sens de sa question: CXXII
Tà 0 tll
,
,
Co'
\\ , : > ,
,
,
_
)
,
TIaVTWV TOUTWV a
TIoÀAa n~twoaf EVt TIpOOEtTIEtV ovo~aTt
')1
>-« , _
{ . ,l
')1
"
EtoWÀOV Elit TIaotV IDf EV OV.
(43) Apres l
heuristique socratique
(§§
114;
134), Théétète entend l'APU et inscrit sa réponse dans
~,
u
"
la FD ( § 24) :
CXXIII
Tt
onTa)
•
~
X
\\
av ~a-tl..l~v
W ~EVE) EtUWAOV
'"
<;.
)
,
CI
_
Elvat
TIÀnv YE Tà TIpàf T&Àn8tvàv a<l>w~Otw~EVOV ETEPOV TotOUTOV
(44).
§
200. Cependant,
parmi les Dialogues du Troisième
Age (45),
le Théétète s'inscrit nettement,
tant du point de vue
(43)
240a 4-6.
(44)
240a 7-8.
(45) La carrière de Platon comporte trois Ages:
-
le Premier Age irait de la naissance de Platon
(-427)
à -
386,
un an après la fondation
de l'Académie.
Le
Ménexène pourrait être la dernière oeuvre de cette période.
-
le Deuxième Age:
-386 à 369. Le Phédon pourrait
être l'une des dernières oeuvres de cette période.
-
le Troisième Age:
-369 -347
(mort de Platon).
Le Théétète pourrait être le Dialogue ouvrant cette période,
peut-être conclue par les Lois.
1
254
du mode de déploiement du PU que de son économie pédagogique
générale, dans la lignée des Premiers Dialogues (46). Dès le
mouvement initial du Dialogue, Socrate aborde la question du
,
,)
,
rapport entre la oO~la et l EnlOTn~n
sont-elles identiques ou
différentes? (47). Théétète,
sans doute fort intelligent,
les
assimile sans hésitation car l'on ne peut être sage où l'on
n'est pas savant. Socrate ne discute même pas cette réponse
précipitée, et peut-être irréfléchie (48). Il ne la discute pas,
(46) Le R.P. Festugière a pu écrire avec raison que le Théé-
tète fut
"un dernier adieu au rJaître a.imé" cf. Contemplation et
vie contemplative ~'O~ Platon, p. 61 nI.
(47) 146b; nb:
nous citons le Théétète exclusivement d'après
la traduction de la collection G.F.
(48) Il faut convoquer ici le texte remarquable du Ménexène qui
déclare: CXXIV
naoa TE ~nlOTnun xwp10uÉvn OlKalOOUVn! Kat Tn!
"
:>
-
, " > "
aÀÀn! apETn! naVOUPYla, ou OO~la ~alVETal. (246e 7- 247a 2). Il
nef ait don c pas de do ut e,
d' a pr è s c e t e x te,
que la 004> l a s triC-
to sensu est l'association de l'~nlOTn~n et de la olKaloouVn .
Leur assimilation est,
par conséquent>indue. La Sophia serait
le lieu où se résorberait l'unité du triple savoir (épistémique,
technique et éthique). Sur le problème de l'unité des régions
. i
du savoir, cf. notre E.T.A.P.
255
car avant de prononcer sur l'identité de la aO~la et de l'~TIla-
tn~n, il faut identifier préalablement la nature de la ao~{a •
La question posée est donc celle du PU à laquelle Théétète ré-
pond:
w •••
i l me semble que d'abord ce qu'on peut apprendre de
Théodore est science: la géométrie et les disciplines que tu as
énumérées tout à l'heure,
et ensuite que la cordonnerie et les
arts des autres ouvriers ne sont,
tous et
chacun,
autre chose
que science. w (49)
§
201.
Paraphrasant la critique de Socrate au
Thessalien,
dans le Ménon
(§§ 60,
61),
on peut dire qu'il
ne
cherchait que l'unique science,
et qu'il
"trouve logé" chez
Théétète "un essaim" de sciences.
Or,
non plus que dans le
Ménon,
i l ne s'agit ici,
de déterminer telle science particu-
lière,
ou d'énumérer les différentes sciences existantes,
mais
bien de
wsavoir ce que peut ~tre la science en soi. W(50).
En
fait,
Théétète,
comme Ménon,
est en possession d'un nom,
dont
i l ignore l'essence.
La simple possession d'un nom ne confère
guère la connaissance de l'essence ainsi désignée.
Le seul
moyen d'entendre le nom de l'objet,
c'est de savoir ce que
l'objet est.
On ne peut comprendre et assimiler telle science
singulière si l'on ignore ce qu'est la science sui generis.
Socrate,
au demeurant,
ne manque pas de relever que,
comme
Lachès,
bien plus que de réponse,
c'est de question qu'il
se
(49)
146e.
(50) 147b.
256
trompe
(§ 53).
Théétète est donc coupable d'avoir répondu à
une question non posée,
la question mondaine
(§§125;
130) -
celle qu'il se pose,
et non à la question posée,
la question
philosophique é§ 125;
130)
-
celle qu'on lui pose (51)~
§
202.
Socrate enseigne à Théétète la technique
de l'unification sur l'exemple célèbre de la boue.
A la question
"qu'est-ce que la boue?",
argue-t-il,
on ne répondrait pas en
citant "la boue des potiers,
la boue des constructeurs de
fours,
la boue des briquetiers."
(52).
Plus simplement,
i l fau-
drait répondre que
nc'est de la
terre délayée avec de l'eau n
(53).
On voit bien à quel point l'audition de l'APU,
et par
conséquent,
l'inscription de la réponse dans la sn évite de
nfaire un détour par une route interminab1e-.
(54). Théétète
croit qu'ainsi exposée par Socrate
n1a question
( ••• )
paraît
facile. n (55).
En effet,
i l pense qu'elle est de même nature que
l'analyse des irrationnels.
Voyons l'opération qu'il propose
à travers le tableau ci-dessous:
(51)
147e.
,
, i
(52)
147b.
::!
Il
(53)
147e.
1
,f
(54)
ibidem.
(55) Théétète se trompe:
i l ne voit pas le caractère inductif
de la démarche socratique.
257
"'"
NOM B R E
CARACTERISTIQUES
classe A
classe B
1
A= X x X
,II
IIB= X x Y
(Facteurs égaux)
(
Facteurs inégaux)
Mode de
Formation
2
Image
carré
D rectangl~
3
Dénomination
carrés ou
Rectangulaires
Unifiée
équivalents
4
Définition
Longueurs
Racines
("Toutes les lignes
(
Toutes les lignes
(Niveau d'unifi-
dont le carré
for-
"dont le carré
cation proposé)~
me un nombre plan
forme un nombre
équilatéral ")
aux facteurs iné-
(l48c)
gaux")
(148c)
5
Principe de
Les longueurs A et les Racines B
Discrimination
Ne sont pas commensurables entre
----~~
elles •••
sauf pour les superficies qu'elles
peuvent former.
258
§
203. Après cette laborieuse exhibition d'un
"modèle" d'unification, oubliant que la question paraissait
"facile" (§ 202), et quoi qu'il s'agisse, croit-il,de "trouver
une solution du même genre",Théétète juge néanmoins qu'il n'est
pas "capable de la résoudre." (56). Et pour cause!
En effet,
il est douteux que Socrate cherche une "solution du même genre"
(supra). Au vrai, Théétète commence par une scission de l'uni-
té (Nombre) en deux lignes (classe A et classe B), dont chacune
est, ensuite,
unifiée. Mais cette unification,
outre qu'elle
est partielle, procède d'une mise en oeuvre irresponsable du
PD. Car une véritable unification aurait consisté précisément
dans le mouvement inverse, allant de 5 vers 1 (§ 202: cf. tabled.v);
c'est-à-dire de la multiplicité vers l'unité. Or,
l'intel-
ligent Théétète part de l'unité nominale du Nombre (Genre
nominal (56bis)), et, par la médiation de la dualité de ses
espèces
nombres rationnel et irrationnel
tente de
retrouver une unité qui n'est plus que celle (des individus)
de l'espèce. Pourtant, Socrate sollicitait, non une unité spé-
cifique
résultat d'une division
mais une unité géné-
rique
résultat d'une colligation, comme dans l'exemple de
la boue. Le modèle d'unification,
pour constituer une réponse
(56) 148c
( 56 bis) cf. §§ 66; 6 7 n 207;
68.
259
idoine à la SD, aurait dûsatisfàire à l'exigence
susdite.
Présentement, il s'agit non d'apprendre à retrouver une certaine
unité par la division, mais plutôt le moyen d'accéder à l'unité
du genre,
qui exclut toute division (57). La question est,
un
genre nominal étant donné,
d'en déterminer l'essence,
par la
seule technique de l'unification de ses espèces.
§
204. On ne peut donc s'étonner qu'après avoir
fourni ce qu'il croyait pourtant un modèle de réponse (§ 115),
Théétète se contredise, en avouant à Socrate, qu'il n'a Wjamais
entendu personne en donner une w comme ce1ui-çi la souhaite
(58).
On ne manquera pas non plus de noter que Socrate ne prend même
(57) Il n'est peut-être pas superflu de rappeler que,
pour
éviter tout décentrement de notre problématique, nous ne nous
inquiétons pas de discuter le statut des différents procédés
de division contenus dans la méthode du P.D. Une telle discus-
sion,
pour intéressante qu'elle eût été, n'aurait fait qu'al-
longer inutilement notre travail sans pour autant l'éclairer
de façon significative. Toutefois,
pour une sommaire bibliogra-
phie concernant ce sujet: cf. § 128 n407.
(58) 149a.
260
pas la peine de relever la réussite (ou l'échec)
de l'e.d.,
contrairement à son habitude.
Le s.
e.
d de Théétète (59),
qui
s'inspire de Protagoras,
n'obéit pas vraiment au PU,
car
il
consiste simplement à postuler l'équivalence de deux noms
(science= sensation).
S'il y a assimilation,
i l n'y a
pas
toute-
fois définition,
laquelle ne peut se passer de l'organisation
interne d'un certain nombre d'unités discursives.
Pour s'en
rendre compte,
i l suffirait,banalement,de modifier l'ordre de
l'équation,
par l'inversion de la question:
qu'est-ce-que la
sensation? En répondant "c'est la science",
on réaliserait du
coup que l'équivalence nominale postulée
(60)
ne correspond pas
à une véritable définition.
§ 205.
Ni le troisième essai définitionnel
(la
science est l'opinion vraie
(61)),
ni le quatrième
(la science
est l'opinion vraie accompagnée de raison
(62))
ne viennent à
bout de la question. Toutes deux sont grevées dès le départ
par le poids de la division dont elles sont entâchées.
En effet,
dès le départ,
l'opinion est divisée en "fausse" et "vraie";
or vérité et fausseté ne sont,relativement à l'opinion en soi,
que des qualifications accidentelles.
Elles ne peuvent caracté
riser essentiellement l'opinion,
puisqu'elles-mêmes suivent
(59) Sensation,
159b.
(60) Sophiste
218c 5-8.
(61)
187d.
(62)
202a.
261
deux lignes différentes: la droite et la gauche. Le Dialogue
ne pouvait manquer d'aboutir à l'échec, car le modèle proposé
à l'issuedu processus épagogique n'a pas été retenu par le
jeune Théétète ( §203). Ainsi,
à partir d'un autre modèie ana-
lytique,
nous confirmons la constatation de notre maître res-
pecté,
V. Goldschmidt, selon laquelle:
"Le Théétète
,mesuré à
l'échelle de la
structure dialectique,
ne dépasse
pas le stade
de l'image."
(63). Quant à nous,
nous ne lui demandions que la
confirmation de la mise en oeuvre du PU, qu'elle réussît ou
échouât. Dégageons, maintenant, les résultats de l'enquête.
3. Résultats de l'enquête.
§
206. Nous croyons avoir montré l'importance du
Gorgias,
du point de vue de l'enquête sur le PU. En effet, on
y voit, pour la première fois,
apparaître, avec suffisamment de
netteté, le recours à un procédé de division ( §§ 187,
188) que
nous avons désigné sous le terme de PD (§ 190). Le PD constitue
un nouveau moyen de l'enquête dialectique. En même temps que
l'irruption du PD sur la scène dialectique,
nous avons noté
le caractère doctrinalement plus accusé du discours pla toni-
(63) D.P.
p.8le
262
cien ( §190} sans que d'ailleurs,
jamais, il ne sombre dans
la clôture satisfaite du système dogmatique et ronronnant. Ce
n'était pas notre propos de nous inquiéter des subversions pos-
sibles qu'induirait le PD (§
191), mais seulement s'il demeu-
rait avec le sens technique que nous lui avions attribué:
ce
que nous avons,
en effet,
confirmé.
§
207. Nous étant posé la même question au sujet
des Dialogues Moyens ( §§ 192, in fine et suivants), nous avons
pu identifier le maintien de la SD (§§191, 192), repérer et
décrire des procédures de mise en place réussie du PU ( § 194:
o
Resp IV, 430e; Resp VIII,
559b; Phèdre 238a). Cela nous a permis
de conclure wque le PU est maintenu dans les Dialogues Moyens
et qu'il continue, dans des contextures différentes, d'y jouer
un rôle qui est loin d'être mineur." ( § 195). D'autre part,
nous avons mis en évidence le fait que,
dès le Gorgias,
le PU
n'intervient plus seul: il fonctionne jumelé à un autre concept:
le PD. A eux deux, s'il est vrai que les Dialogues sont des
jeux (64), ils règlent la loi du jeu.
§
208. Pourquoi,
quand bien même les Dialogues du
Troisième Age apparaissent-ils spatialement dominés par le re-
cours au PD (§ 196)d il reste que l'importance théorétique et
(64) Phèdre
276a.
méthodologique du PU reste non négligeable. Pour les Dialogues
strictement scolaires, nos analyses précédentes ( §§ 197, 198,
199) se sont efforcées de le mettre en évidence, textes à l'ap-
pui (notamment Philèbe (65), Politique (66), Timée (67}, Sophiste
(68)).
§
209. Mais/si du Cratyle au Phédon, en passant
peut-être par la République, un ton d'allure plus doctrinale
semble s'imposer, avec le siège de plus en plus pesant du PD,
le Théétète, par delà les âges, retrouve, avec les Premiers
Dialogues, une étrange proximité parentale,
"tant du point de
011
vuefmode de déploiement du PU que de son économie pédagogique
générale"
(§ 200).
Il n'est pas sans intérêt que le Théétète
soit, vraisemblablement, la première des oeuvres du Troisième
Age (§ 200 n45) qui, en règle générale, sont de type scolaire.
§
210. Un résultat important dégagé de l'étude
du Théétète est que deux types d'intervention dialectique y
sont à l'oeuvre.L e premier tend au repérage d'une unité spéci-
fique:
elle s'acquière par la médiation d'un procès de division
(65) 25c, 35a.
(66) 283d.
(67) 67e, 83a.
(68) 239d, 240a.
264
partant d'une unité,
généralement assimilable au genre nominal
(ou dénomination générique)vers la détermination sub specie;
le second tend au repérage d'une unité générique,
nominale ou
formelle:
elle s'acquière par la médiation d'un procès induc-
tif,
partant de la multiplicité (des parties ou espèces)
vers
la détermination sub essentia~ A travers l'exemple de la boue
(69),
c'est bien le second type d'unification
le même que
dans les Premiers Dialogues
que Socrate tentait d'enseigner
au brillant Théétète.
§
211.
Mais celui-ci,
peut-être précisément
parce
qu'il est trop
brillant,
a fait fi de la progression pédagogi-
que et,
pour cela,
compromis l'enseignement socratique,
en
choisissant aussitôt après la disqualification de l'énumération
(70),
d'illustrer l'unification à l'échelle spécifique par la
médiation de la division générique,
ce que seul le dialecticien
accompli,
et non un profane) si intelligent soit-il,
peut légi-
timement faire.
On comprend maintenant pourquoi Socrate ne pro-
cède pas à une critique méthodologique du modèle de Théétète.
La défaillance n'est pas là:
elle est dans le dérangement
que,
inopportunément,
Théétète a
introduit dans la progression péda-
gogique.
Ainsi donc,
dès le départ,
le Dialogue ne pouvait
(69)
147b,
147e.
(70)
Ibidem ..
---
265
~u) échouer; parce qu'il ne pouvait qu'échouer, il était condamné,
en dépit de l'intelligence tant vantée du jeune Théétète au
long du Dialogue, à demeurer dans la serre glacée des images
(§ 205).
Cependant, malgré l'échec du Dialogue,
il nous a permis
de retrouver un souffle auquel nous étions déjà fami1ie~.
Loo
CON C LUS ION
§211a. Au terme de chacune des trois principales
sections de cette première partie, nous nous sommes efforcéh
de dresser les principaux résultats de notre enquête (I:§§ 124-
128; II: §§ 181-184 et III:§§ 206-211). Ce ne serait qu'une
superfétation d'y revenir.,On se contentera donc, en guise de
conclusion, de trois réflexions générales. D'abord, la notion
de PrécepttUnificateur n'est pas une grille artificielle ou
superficielle appliquée aux Premiers Dialogues. Elle révèle
clairement, au contraire, combien Platon est conscient de la
triple exigence d'unité, d'universalité et d'identité (cL,
2ème
Partie:§§ 278;
279; 312; 313) qui, non seulement structure toute
définition correctement établie au plan formel,
mais encore
et par là
- établit la possibilité même d'un univers rationali-
sé et normalisé. En ce sens, la mise en place du PU ne constitue
pas seulement la base de la Dialectique, elle est aussi la
condition du Dialogue philosophique
et même de tout Dialogue,
c'est-à-dire de tout échange humain prétendant à un minimum
d'intellige~Ge
réciproque. Ainsi compris comme exigence dis-
cursive minimale, le PU est le fondement ultime à la fois de
la possibilité et de l'effectivité de la communication humaine,
au sens le plus général de ce terme.
§ 211b. Ensuite,
la distinction entre l'APU et
l'EPU,
ces deux déterminations essentielles du PU, est capitale.
Car,
d'une part,
elle légitime l'affirmation de l'existence,
dans les Premiers Dialogues,
d'un projet pédagogique d'exem-
plification de la nature et de la fonction de la définition en
général
et par là,
réhabilite partiellement l'interpréta~
tion traditionnelle;
d'autre part,
elle disqualifie et dépasse
celle-ci en mettant en évidence l'existence d'une intention
et même d'un projet
-
doctrinale/jusque là
occultée. De sorte
qu'ici,
plus
ou moins
qu'un "obstacle épistémologique",
c'est un "préjugé idéologique" qui est à l'origine du retard
considérable accusé par l'exégèse des Premiers Dialogues.
En
France (1),
ce sont les remaRquables travaux de Messieurs J.
Moreau (2) et V. Goldschmidt (3) qui ont ouvert la voie à
l'abandon de ce néfaste préjugé. Mais i l reste encore beaucoup
à explorer dans la voie qu'ils ont inaugurée.
§ 2llc. Enfin,
i l nous semble que notre travail
contribue,
certes modestement,
à conforter l'idée)de plus en
plus admise,que les Premiers Dialogues sont liés par une triple
unité structurelle,
thématique et philosophique.
Nous avons
essayé de manifester cette unité en nous appuyant sur la majo-
rité des Dialogues du Premier Age. Cette triple unité autorise
(1) Nous avons presque envie d'écrire:
en "Francophonie".
(2) La C.I.P.
(op cit)
(3) Les D.P.
(op.
cit.).
bel et bien, nous semble-t-il, à parler de premier platonisme.
Mais cette unité eût été impossible à établir si chaque dialogue
ne tirait sa rigueur notamment de la solidité de sa composition,
qui obéit,pour l'essentiel,à la progression de la construction
du PU. Dans la mesure Où il déroule avec succès toutes les
étapes de cette construction, l'Euthyphron apparaît comme un
dialogue particulièrement indiqué pour servir d'appui à la mise
en évidence du double intérêt méthodologique et doctrinal du
premier platonisme (4).
(4) On remarquera que notre démarche épouse le mouvement consis-
tant à aller de l'universel au particulier, comme le prescrit
un texte célèbre de la Physique d'Aristote (A,
l, 184a 21-24).
Mais ce mouvement, en son essence, est platonicien. En erfet,
l'échec de la question mondaine
question particulière
en tant que question initiale,prescrit de commencer par la
question philos~phique
question générale
en tant que
question préalable.
---"-"--
Dj Ibril
SAM 8
Elèl'c Diplômé de l'Ecole Pratique
des Hautes Etudes (Vè Section)
Diplômé de l'Institut Français de Presse
Diplômé de la Sorbonne
:\\1embrc correspondant de la Soc;,(!': Hci!énique dcs Etudes Phiktsopl,:qucs
i\\lcmbre\\ssocié de la Société Française de Philosophie
LE PRECEPTE UNIFICATEUR
Dans les Premiers Dialogues de Platon :
L'Exemple de l'Euthyphron
(Structure et contenu Philosophiques)
II. - L'Exemple de l'Euthyphron
Structure
et contenu Philosophiques
Volume Il
Thèse de Doctoral d'Etat ès Lettres et Sciences Humaine!!
Présentée sous \\<1 direction de M. P. ALJBENgUE.
Profe'seur dl: Philosophie à la Sorbonne.
Université de PARIS-SORBONNE (Paris IV)
1984
a
1
\\1 ,
,"
"
.l
Djibril SAMB
Elève Diplômé de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (Vè Sectio~)
Diplômé de l'Institut Français de Presse
Diplômé de la Sorbonne
Membre correspondant de la Société Hellénique des Etudes
Philosophiques
Membre Associé de la Société Française de Philosophie
/'
LE PRECEPTE UNIFICATEUR DANS LES
PREMIERS DIALOGUES DE PLATON:L'EXEMPLE DE L'EUTHYPHRON
( Structure et contenu philosophiques)
II.
L'exemple de l'Euthyphron:
structure
et contenu philosophiques
' t " " ,
. ~:)':J:~.
,~
ri
Thèse de Doctorat d'Etat ès Lettres et Sciences Humaines
présentée sous la direction de M.P.
AUBENQUE,
Professeur
de Philosophie à la Sorbonne
Université de Paris-Sorbonne
(Paris IV)
1984
/ '
/ ' ,
L Th. /\\ g~ (r.;)
\\~~..!.-;'.
L / V
D EUX lEM E
PAR T l E
L' EUT H Y PHR 0 N: STRUCTURE ET
CONTENU
PHILOSOPHIQUES
" Loin ••• de se combattre,
la morale
et !a religion se rattachent intime-
ment l'une à l'autre et dans l'unité
de leur principe réel
et dans celle
de l'esprit humain qui les conçoit,
et ne peut
pas ne pas les concevoir
simultanément. w (1)
(1) Victor COUSIN:
Oeuvres de Platon,
T.I.
1826,
p.3.
Z/Z
l N T R 0 DUC T ION
§ 212.
Nous engageons maintenant la seconde partie
de notre travail. Sans doute a-t-elle valeur d'exemple et
d'illustration de la méthodologie et des thèses mises en place
dans la première partie. Mais elle doit être considérée comme
ayant une valeur intrinsèque et jouissant d'une large autono-
mie,
l'unité de notre travail étant,
par ailleurs, suffisamment
affirmée. Aussi bien ne laisserons-nous pas échapper les occa-
sions qui nous seront données de reprendre et de repréciser
certains thèmes ou concepts que nous avons déjà abordés dans la
première partie. Si nous avons choisi l'Euthyphron)c'est à cause
de sa double exemplarité: méthodologique et doctrinale. -Exem-
plarité méthodologique parce que ce dialogue est un prototype
du modèle de construction du PU. Exemplarité doctrinale parce
que c'est la nature de deux vertus fondamentales qui est au
centre du débat réunissant le philosophe accusé et le devin ac-
cusateur. Avant d'aborder le commentaire proprement dit de notre
dialogue,
nous préciserons certains points concernant son authen-
ticité (§§
213-214),
la date de sa composition (§§ 215-220) et,
chemin faisant,
sa place dans lTéconomie générale
des Premiers
Dialogues.
i
274
§ 213. Comme bien des dialogues (2),
l'authenti-
cité de l'Euthyphron a été mise en doute,
en particulier par
les savants allemands du 19ème siècle pour qui l'athétèse était
devenue un véritable jeu (3). Ceux qui, comme Schleiermacher en
admettaient l'atthenticité) "have disparaged it from the point
of view of artistic composition and philosophieal
eontent W (4).
(2) Des dialogues aussi fondamentaux que le Parménide, le Sophis-
~ et le Politique ont été athétisés par Ueberveg et les Lois
par Zeller. cf. Taylor, Plato, the man and his work, London,
1926, p.ll.
(3) Taylor a pu écrire que "the athetizing of Platonie dialogues
beeame a fashionable amusement
for
seholars",
ibid, p.ll; cf.
W.A. Heidel, On Plato's Euthyphro in Transactions and Proceedings
of the American Philological Association, vol XXXI, 1900,
p.163:
"In
eommon with many other works attributed to Plato,
the
Euthy-
phro has had i t s genuineness ealled in question by certain mo-
dern seholars."
(4) Ibid, p.163. En effet "The most serious doubts as to its
Pla tonie origin are
those whieh were suggested by Sehleiermaeher.
They relate to
the
philosophieal
eonten~ and to the dialeetieal
eonduet of the argument." p.176.
La meilleure réfutation de ces arguties (5) consistera dans
l'analyse détaillée et minutieuse de l'Euthyphron dont la
composition est parfaitement rigoureuse et classique et dont le
contenu philosophique est incontestablement platonicien.
Il
est vrai qu'Aristote ne cite pas l'Euthyphron mais le silence
d'Aristote ne peut être un argument
(6) dans aucun sens.
Car,
aussi bien
Aristote ne cite nulle part le Critias ou le Parmé-
nide,dont personne ne songe à nier l'authenticité,
du moins
aujourd'hui.
En revancheJl'authenticité de l'Euthyphron est
attestée chez Aristophane de Byzance (7).
Notre dialogue figure
en effet,
dans l'une des
tRilogies de cinq dialogues d'Aristo-
phane, à côté du Timée,
du Politique,
du Minos et du Phédon
(8).
(5) P.
Hacha in Etude sur l'Euthyphron de Platon,
Liège,
1936-3~,
distingue,
pour sa part,
trois sortes d'arguments opposés à
l'authenticité de l'Euthyphron:
1) l'absence d'argument extrin-
sèque,
2) des problè~es de langue et de vocabulaire et 3) des
problèmes de forme
(analogies et ressemblances rappelant d'autres
dialogues qui indiqueraient la main d'un imitateur).
cf.
p.2.
Quant au fond,
i l s'agit des arguments évoqués par Heidel
( § 213 n3 in fine).
(6) Ibid,
p.3.
(7) cf.
D.L.
III,
61-62.
(8) Ibidem,
D.L.,III,
61sq et Henri Alline:
Histoire du texte
de Platon,
Paris,
1915,
p.51.
L70
On le retrouve aussi en tête de la première des neufs tétralo-
gies de Dercyllidès
(9).
Toutefois,
la présence d'un dialogue
dans les trilogies d'Aristophane de Byzance ou dans les tétralo-
gies de Dercyllidès ne pèse pas lourd dans une dl~cussion sur
l'authenticité. En effet,
on retrouve dans les tétralogies
de
Dercyllidès certains dialogues dont personne n'admet,
aujourd'h~i,
l'authenticité,
comme par exemple,
le Second Alcibiade.
§ 214. Le temps est loin où Ueberweg pouvait,
sur
la base de simples préjugés,
attribuer l'Euthyphron à un certai=
Pasipho d'Erétrie
(10).
Aujourd'hui,
non seulement
"les athétéses
extravagantes"
(11)
d'un Ast ou d'un Schaarschmidt ne sont
plus,
heureusement,
qu'un mauvais souvenir,
mais encore,
aucun platoni-
sant (12) n'en met en doute l'authenticité. Ce qui,
ajouté à
l'incroyable frivolité
(13)
des arguments en faveur de l'inauthen-
(9) D.L,
III,
58 sq et Alline,
ibid p.114;
notons que l'Euthyphron
est également mentionné par Plutarque in De genio Socratis,
10~
Noumenios ap.Eusèbe in Prep.
evang.,
XIII,
5,
650 et D.L.
II,
2Ç.
(10)
cf.
ad.
loc.
cit,
pp.2-3.
(11) Le mot est de Alline,
loc.
cit.
p.29.
(12) cf.
R.G. Hoerber in Plato's Euthyphro)
Phronesis,
1958,
p. 95:
WPlatonists
to day agree to the genuineness of the Euthy-
phro
(13) Hacha,
ib,
p.4 sq.
L 1 1
ticité,' dispense d'une discussion approfondie sur cette question.
On peut donc tenir pour assurée l'authenticité de notre dialogue
qui sera,
au demeurant,
confortéepar l'analyse philosophique du
dialogue.
§
215. Si la question de l'authenticité est rela-
tivement aisée à trancher,
i l n'en est pas de même du problème
plus délicat de la date de composition de l'Euthyphron.
La prin-
cipale question que pose la détermination de la date de composi-
tion est de savoir si elle intervient entre le p~ocès et la mort
de Socrate,
donc avant la mort de Socra~t, ou après sa mort.
Dans le premier cas,
la date de 399 serait le terminus ad quem,
et dans le second cas,
elle serait le terminus post quem. On
voit
immédiatement que la première hypothèse est néCessairement soli-
daire de la thèse qui veut que Platon ait commencé sa carrière
d'écrivain du vivant de Socrate (14).
Chacune des deux hypothèses
a eu,
naturellement,
ses partisans.
C'est ainsi que Schleierma-
cher,
Stallbaum,
Steinhart,
Ritter,
Zeller,
et plus récemment
R.S.
Bluck pensent que le dialogue a été rédigé "between the
(14)
Cette thèse trouve son fondement chez D.L.,
III,
35, qui
présente Socrate s'étonnant des belles choses que lui fait
dire
Platon et auxquelles i l n'aurait
jamais songées. Mais depuis
L.
Parmentier (La chronologie des dialogues de Platon,in Bulle-
tin de l'Académie Royale de Belgique,
1913,
pp.147 sqq), on
n'accorde plus grand crédit à cette thèse.
278
prosecution and trial
of Socrates. N (15).
Pour ces savants,
en
effet,
NPlato speaks of the
trial
in a light,
satirical
tone
which
would have been impossible for
him after the sentence N .(16)
§ 216.
En son temps,
Grote consid~ra que cette
thèse ~tait invraisemblable car si l'Euthyphron avait ~t~ ~crit
avant le procès,
la position de Socrate eût ~t~ bien plus dif-
ficile
(17). Heidel se rangea
sur l'avis de Grote dans un ar-
ticle publi~ en 1900 (18) et insista sur le fait que la position
des adversaires de celui-ci
N
becomes wholly untenable when
the
real relation between the Euthyphro and the Apology is percei-
ved. N (19)
En effet,
comme l'Apologie,
l'Euthyphron est consi-
d~r~ par Heidel, à la suite de Grote, comme une oeuvre apolog~-
(15)G uthrie,
An History of Greek Philosophy,
vol.
IV, Oxford,
•
p.
101 nI:
N
Schleiermacher,
Stallbaum,
Steinhart
and Bluck,
for exemple,
would place the composition between
the indictment
N
and trial
of Socrates
; R.S.
Bluck,
loc.
cit.
p.99.
(16) Guthrie,
H.G.P.
p.101 nI;
Hacha,
loc.
ciL,
p.77.
(17) Idem.
(18) Op.
cit:
§
213 n3.
(19) Ibid,
p.170.
-----
279
1
!
tique
(20).
Dans le premier cas,
le caractère apologétique
s'adresse aux
jugesJavec ce que cette perspective implique comme
souci d'opportunité;
dans le second cas,
l'apologie s'adresse à
la postérité.
En ce sen~ " Grote mean an appeal
to the higher
court of posterity" (21).
Selon Heidel,
l'appel aux
juges athé-
niens en quoi consiste l'Apologie de Socrate a naturellement
précédé l'appel à la postérité que l'on peut considérer comme
résultant de l'échec du premier.
A propos de la relation entre
les deux dialogues,
i l écri t:
" We found i t
to be su ch as neces-
sarily to presuppose the publication by Plato of the
formal
defence of Socrates before he wrote this
further
(22) appeal
to
posterity." (23) Ainsi,
Heidel en arrive à dater l'Euthyphron
par rapport à l'Apologie considéré comme un terminus post quea:
" Since,
however,
the date of the Apology C8nnot be definitely
fixed
we thus
gain only a
relative terminus post quem." (24)
(20) On sait que Bonitz (
Platonische Studien,
3ème ~d. p.
329,cité par Heidel,
ibid,
p.170 n2)
objecta que tous les dia-
logues étaient plus ou moins apologétiques.
Si nous citons Bonitz
d'après Heidel)c'est parce que l'oeuvre en question n'est pas
traduite de l'allemand,
langue que nous ne lisons pas.
(21) Ap.
Heidel,
ibid,
p.170.
(22) Il s'agit évidemment de l'Euthyphron.
(23) Heidel,
loc.
Laud,
p.178.
(24) lb.,
p.178.
LOU
§ 217.
Si l'on admet comme fiable cette relation
établie entre l'Apologie et l'Euthyphron,
et par conséquent,
la
postériorité du second,
i l faulra sans doute en rapporter la date
aux trois ou quatre années qui suivirent la mort de Socrate.
Car,
i l est incontestable que l'Apologie a été composée après la mort
de Socrate (399).
Dans son édition de l'Apologie
(25), Maurice
Croiset en place la date vers 396,
au retour de Platon à Athènes.
Dans cette hypothèse,
le terminus ab quo de l'Euthyphron pourrait
être placé vers 395.
En admettant qu'il soit un dialogue pré-
académique,
l'~uthyphron serait alors rédigé entre 395 et 388.
De ce fait,
i l serait postérieur,
de plusieurs années,
à la mort
de Socrate. Dans son édition de MCMVI,
Stawell semble se rallier
à cette solution lorsqu'il écrit:
w•••
our appreciations of
Plato's boldness in writing thus after his master's death
only
increased i f we realise that,
to judge by our other records,
Socrates would hardly have pushed his analysis so
far as this
himsel f."
(26)
(25) Platon,
Oeuvres Complètes,
Paris,
Les Belles Lettres,
T.I,
p.
132.
(26)
p.
Xi
•
§ 218. L'argument selon lequel le ton satirique
de l'Euthyphron serait incompréhensible s'il n'était écrit avant
la mort de Socrate perd tout intérêt si l'on accepte notre solu-
tion ( § 217). Le dialogue intervenant plusieurs années après
le procès et la mort de Socrate, Platon peut reprendre la ques-
tion de la piété, avec plus de lucidité et de liberté, dans la
mesure où le temps,
sans nécessairement effacer la douleur pro-
voquée par la mort (27) de son maître, lui a néanmoins permis,
l'expérience et la maturité aidant, de la maîtriser et de ne pas
sombrer dans une sorte d'incurable mélancoli~. On peut donc
considérer qu'après la tristesse vive et les pleurs, l'exigence
philosophique a repris ses droits. Platon, dont on peut imaginer
la vive douleur dans les mois (et peut-être les années) qui
suivirent la mort de son maître, finit par réaliser clairement
que la meilleure manière de rester fidèle à Socrate consistera
dans son activité philosophique, et notamment dans la composi-
tion des dialogues perennisant et développant son enseignement.
c'est, du reste,
ce que Socrate avait prédit dans le texte fina:
"
_".li
C I " ) ,
,
de l'Apologie:
l
~n~l yap) ~ aVOpE! 01 E~E a~EKTovaTE, Tl~Wpl~V
U~lV n~EIV ED8ùJ ~ETà Tàv t~àv 8avaTOv ~oÀÙ xaÀErrWTÉpav vn 610
')\\
CI
: l ' "
- ,
-
"
~,
,
,
n Olav E~E a~EKTovOTE. Nuv yap TOUTO Elpyaoao8E OlO~EVOl a~aÀÀQ-
(27) Rappelons que la mise à mort de Socrate (par llabsorption
de la ciguë) a eu lieu en 399.
--_.-
282
-
,
')',
-Q'
' . s : , c .
...
ù'
,
~Eo8al TOU OlOOVal EAEYXOV TOU ~lOU'TO uE UU1V TIOÀ
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EYW $nUl.
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-
~
)
,
EOOVTal
OO~ VEWTEPOl E10l)
Kal
UUElf
uaÀÀov ayavaKTnOETE.
(28)
§
219.
Aussi bien,
pour notre part,
non seulement
nous admettons la relation établie entre l'Apologie et l'Euthy-
phron (§§
216;
217) par Heidel (et Grote),
mais encore nous
considérons que l'Euthyphron est une mise en oeuvre de la prédic-
tion à caractère programmatique faite par Socrate dans le texte
final de l'Apologie ( cf. §
218 n28).
Nous irons même jusqu'à
dire que l'Euthyphron est la suite naturelle du discours initial
de l'Apologie (17a 1 -
35d 9) où Socrate rapporte à ses juges
comment} ayant examiné successivement les prétentions
des hommes
politiques (29),
des poètes
(30) et des artisans
(31),
i l se vit
obligé de conclure à la totale ignorance des uns et au mélange
de savoir et d'ignorance des derniers
(32).
Socrate ayant
été
inculpé et jugé pour manquement grave à
la religion,
son enquête
eût été incomplète si elle n'avait porté aussi
nous dirions
même principalement
sur l'examen de la compétence de ceux
(28)
39c 4
-
d 3.
(29)
21c 1 sqq.
(30)
22a 9 sqq.
(31)
22c 9 sqq.
(32)
22e 1 sqq.
....
283
qui se prétendent spécialistes des choses de la divinité. A la
limite, la compétence des hommes politiques ou des artisans im-
portait peu au regard de l'accusation portée contre Socrate alors
que la question de la piété était, en droit, centrale. Toutefois,
dans l'Apologie,
pour des raisons d'opportunité,
il fallait seu-
lement répondre à la question de savoir si Socrate croit ou non
aux divinités, autrement dit s'il est pieux ou non. C'était là
une violation inévitable du prOcessus dialectique car la question
première eût été de déterminer la nature du pieux, avant d'exa-
miner si l'individu Socrate est pieux ou non. Cependant,
une
telle question ne pouvait pas être prise en charge par l'Apologie
qui n'est pas un dialogue. Seul un dialogue pouvait l'assumer.
Ainsi,
l'Euthyphron ne complète pas seulement l'Apologie,
i l lui
restitue la dimension essentielle de la question donatrice de
sens, celle de la nature du pieux qui,tout en structurant,
en
droit,
l'horizon philosophique de l'Apologie, ne s'y dessine,
en fait,
qu'allusivement.
§ 220. A ces considérations,
nous ajouterons un
argument proprement philosophique, qui a trait à l'ancienneté de
l'approche doctrinale concernant la nature des Valeurs. Plus
nettement que dans les autres dialogues,
l'Euthyphron insiste
sur la transcendance (33) des formes ou des idées conçue en même
"
) : > ,
~
,
(33) cf. par exemple 6e 5: II
lva ElI EKE1VnV aTIOSÀETIWV Kat
XPw~EVOI a0TD TIapaoEly~aTl.
284
temps que leur immanence (34). A cet égard, même parmi les pre-
miers dialogues,
l'Euthyphron semble être un dialogue transition-
nel et s'exprime en des termes que reprendront les dialogues
métaphysiques ( §§
283;
298 sqq). La thèse qui place l'Euthy-
phron au tout début de la carrière de Platon ne tient pas suf-
fisamment compte de ce fait
(35). Il n'est pas nécessaire d'in-
sister, dès maintenant, sur cette question que notre analyse
détaillée du dialogue nous fera retrouver. En tout cas, sans
(34) cf. la suite: III
2 lJÈv ~V TO l OUTOV fi irN ~V ~ OÙ ~ '& ÀÀo J
,
II
) ) \\ . u t ?
_
,
-
CI
t
T1J
npanD
$W OOlOV
e: val
o Ô
aVfT010UTOV,
lJn $W ; cf. aussi
l
Hoerber, op. cit. p.lOO.
(35) A l'instar de Hacha, loc. cit. p.79; renvoyons à l'étude,
aujourd'hui oubliée, de Ch. Baron, Contribution_ à la Chronologie
de Platon, R.E.G, X,
1897 pp.
264-278, qui en partant de l'em-
ploi de nÉPl
,
classe les dialogues de la première période en
trois groupes évolutifs marqués respectivement par l'absence
complète de nÉpl
,
son emploi avec les seuls pronoms et enfin
son emploi dans une tournure exceptionnelle. Comme on le remar-
quera,
l'Euthyphron appartient au troisième groupe chronologi-
quement plus tardif:
1) absence complète de nÉpl:
Charmide
Hippias l
Criton
285
qu'il y ait lieu de sombrer dans un dogmatisme inutile (36),
on
peut penser raisonnablement que l'Euthyphron est postérieur à
la mort de Socrate (37).
Aussi bien,
on ne peut que donner son
(35) suite.
2)
~ÉPl employé uniquement avec les pronoms:
Protagoras
Alcibiade l
Apologie de Socrate
3)
tournure exceptionnelle:
Ion
Cratyle
Phédon
Euthyphron
Lachès
(36) Hoerber,
op.
ciL
p.100; G uthrie,
H.G.P. ,IV,
p.102.
(37) Le professeur Allen se rallie à cette hypothèse cf.
Plato's
Euthyphro and the earlier theory of forms,
London,
1970.
En
effet,
il pense que notre dialogue a été rédigé dans la
"
premi€-
re décade du 4ème siècle alors que Platon avait la trentaine.
Dans ce cas/le terminus ad quem se situerait en 397,
ce qui
est
assez proche de notre solution (§
217)jcf.
Allen,
loc.
cit.
p.:
qui situe l'Euthyphron entre 399 et 388.
Pareillement, Burnet
ne voit aucune difficulté à en situer la date
" in the early
mineties,
not
very long after the death of Socrates",
cf.
E.A.C.
p.84.
------
286
assentiment à la remarque deG'uthrie selon quoi:" there is no
external evidence.
Style and content
both put i t among the
earlier dialogues,
but within
this limit
opinions diverge~" (38)
§
221.
En dépit des débats qu'elle a suscités,
la question de la date de composition n'a pas d'incidence majeure
sur l'interprétation du dialogue,
du moins dans une exégèse
interne.
Plus importante est la reconnaissance de l'existence
d'une relation spéciale entre l'Apologie et l'Euthyphron
( 9 219).
Mais,
à présent, il faut présenter la structure d'ensemble du
dialogue.
Le dialogue est divisé en quatre grandes parties.
La
première (
intitulée:" Le Départ du Dialogue" 2a1 -
5c8) expose
successivement les "affaires" de Socrate (2a1 -
3e8) et d'Euthy-
phron (3e9 -
5c8). La seconde (39)
traite de l'Appel du Précepte
Unificateur,dont l'audition introduit à l'analyse de l'Exigence
du Précepte Unificateur dans une troisième partie
(40).
Enfin,
la quatrième partie (41)
permet d'attaquer la question centrale
du dialogue,
à savoir la nature du rapport entre la justice et
la piété. Cette structure définit notre plan qui sera toutefois
clos par une tentative d'interprétation systém.~~Ue.
du dialogue.
(38) Guthrie,
H.G.P.
p.
101.
(39) 5c8 -
7a3.
(40) 7a3 -
lle4.
(41)
11e4 -
16a4.
-------.---"_._-- - - -
287
"
de m~me que l'action de chaque
tragédie est un
tout complet,
l'ar-
gumentation de chaque drame dialec-
tique se suffit à e11e-m~me et ne
manque d'aucun des éléments néces-
saires à la perfection de l'ensem-
b1e."
(*)
(*) L.
Parmentier, La Chronologie des dialogues de Platon,
in
Bulletins de l'Académie Royale de Belgique, Bruxelles, 1913,
(pp.147-173), p.lSl.
288
l
LE DEPART DU DIALOGUE (exposé des affaires de
Socrate et d'Euthyphron) - 2a1 - 5c8.
A. L'Affaire de Socrate (2a1 -
3e8).
1. Socrate accusé (par Mélétos)
( 2a1 - 2b14).
§ 222. Le dialogue s'ouvre sur le profond éton-
nement manifesté par Euthyphron (1) car Socrate, qui se trouve
près du Portique royal (2),
n'est visiblement pas dans son monde.
Ainsi, comme l'écrit Friedlander:
WEuthyphro intimates in
the
very first
words of the dia10gue W que" Socrates be10ngs to
(1) 2a1.
(2) cf. Croiset p.184 nI:
"Le Portique,était l'édifice où siègeait
l'Archonte-roi,
de qui relevait
partiellement la juridiction cri-
minelle";
cf.J.Y. Chateau, l'Euthyphron de Platon, Paris, Edi-
tions Pédagogi~ Moderne, 1979,p.206 n7.
289
another world -
the gymnasium. w (3).
En effet,
le monde naturel
de Socrate est le Lycée (4)/Où i l se tient habituellement,
et non
pas même l'agora/ni les rues d'Athènes.
Wlt
was
there,
and not
in
the agora,
or the streets of Athens,
that his serious conver-
sations took place. w (5).
Dans le Charmide, Socrate cite comme son
lieu de fréquentation habituelle " T~V
" en
)
face du sanctuaire Basile (6).
§ 223. Si ce passage peut être interprété,
en un
sens,
comme une disqualification du discours rhétorique et
judi-
ciaire (7),
i l faut aussi y voir le premier homm~ge (8) qu'Euthy-
phron rend à Socrate. Le devin,
en effet, a peine à croire que
Socrate ait,
comme lui (9),
un procès devant l'archonte-roi,
qui
(3) Friedlander
(P).
Plato -The Dialogues •••
First period,
Bollin-
2
gen Series LIX,
Pantheon Book,
II,
1964
,
p.83;
Guthrie,
H.G.
P,
IV,
p.103.
(4) Sur l'origine du mot Lycée,
cf.J.Y.
Chateau op. d t . p.260 n7.
(5) Burnet, E.A.C,
p.87.
(6)
153a2-3,
cf. aussi Euthydème 271a 1;
Symposium 223d8;
Lysis
203a1;
Léon Robin,
Platon,
O.C.,
p.1290 n2;
Chateau op.cit.
p 206
n7.
(7) Chateau,id,
p.206 n7.
(8) On notera d'autres hommages (§§
224;
234).
"
"~,
-
,
"
(9)
2a3-4:
ou yap nou Kat OOt YE utKn TtI oùoa TUYXavEt npoI 10V
\\1
(/
: > ,
aaotn~
wonEp E~Ot
290
était loin d'être un inquisiteur comme le pense,
à tort,
Renan
(10). La surprise d'Euthyphron esr bien naturelle1car Socrate
n'est pas un habitué (§
222) des procès : "Euthyphro's surprise
is natural
for Socrates had never yet appeared before a court.·
(11). Dans cette Athènes troublée du début du IVème siècle, où,
pour diverses raisons,
les penseurs (12) ont maille à partir avec
la justice (13),
c'est déjà une référence que de ne s'être jamais
présenté devant l'archonte-roi (14),
pour un litige (15).
(10) E. Derenne in Les Procès d'impiété •••
pp.247 et 264.
(11) Burnet, E.A.C,
p.87 avec renvoi à Apologie 17d2i Robin,
ib.
p.
1290 n3 (p.351).
(12) cf. Derenne,
op.cit.
passim.
(13) Sur l'organisation du système judiciaire athénien,
cf.
Chateau,
ib,
p.
209 n25 et Robin,
ib,
p.1290 n3.
(14) Sur le "roi" et son rôle,
cf.
B"'~net, E.A.C., p.82; Politi-
~' 290e6; P. Decharme, C.T.R.G, p.143i R.E. Allen, Plato's
Euthyphro ••• p.15.
(15) A la fin du Théétète,
Socrate annonce qu'il se rend à l'as-
signation de Mélétos. Guthrie estime que "This can have no bea-
ring.on
the date of composition" (H.G.P.,
IV,
p.l02) mais il
rappelle opportunément que pour Hoerber (
Phronésis,
op. cit)
"the reminder of the Euthyphro is deliberate because of a simila-
rit y in religious tenets" (avec renvoi au Théétète 176a-c). Pour
notre part, nous voyons dans cette évocation du début de l'Euthy-
phron à la fin du Théétète une invite à prendre au sérieux ce
._---------------------_._----._--_. __ .._"'--_._--_...-._--------------
291
§224. En fait,
à ce premier hommage (§ 223),
le
devin ajoute un second.
Il ne peut même pas imaginer Socrate
sous les traits d'un accusateur;
de sorte que,
pour lui,
Socrate
c
'1/
,
ne peut être qu'accusé:
IV
ypa~nv crE Tlf,
wf E01KE, YEypanTat;
,
...
)
...
1
,
c ' u
ou yap EKE1VO YE KaTayvwoo~al
wf av ETEPOV (16). Burnet a vu dans
ce texte le premier signe qu'Euthyphron est un admirateur de
Socrate (17)
( §
223 in fine).
En tout cas,
Euthyphron s'avère,
en l'occurrence,
bon devin,
car i l a vu juste: Socrate est accusé.
§22S. L'accusateur de Socrate est un certain
Mélétos du dème de Pithos,
très peu connu à l'époque,
puisqu'Eu-
thyphron ne le connait même pas (18).
Ce Mélétos,
aux cheveux
lisses (19),
quasi imberbe et au nez crochu (20).
est peut-être
(1S) suite
ce texte et une sorte de réaffirmation de son actualité et de son
importance.
A cet égard,
i l n'est pas sans intérêt que le Théétète~
dialogue de vieillesse.
retrouve la structure.
l'économie et le
déma~che générale des dialogues du premier platonisme ( §§ 200-
20S) •
(16 ) 2bl-2.
(17) Op.
ciL,
p.89.
(18) 2b 14.
(19)
2b 10.
(20)
2b 11.
2Y2
beaucoup plus connu à l'époque que ne le laisse entendre Socrate
(21).
Il est l'auteur de quelques poèmes érotiques (22),
à vrai
dire sans grand succès,
que mentionne toutefois Epicrate
(23).
Il semble avoir été suffisamment connu à Athènes,
vers la fin du
Vème siècle pour s'attirer les railleries d'un Aristophane
(24)
ou d'un Sannyrion (25). Sans qu'on puisse vraiment dire s ' i l
s'agit du même ( §226), ce nom de Mélétos a été lié,
la même
année,
à un procès d'impiété (26). Il s'agit du procès d'Andocide
(27).
§ 226.
Selon Derenne,
i l ne s'agit nullement du
même personnage que celui qui a été impliqué dans le second pro-
cès (§ 225).
Il avance,
à l'appui de sa thèse,
trois arguments
non dénués d'intérêt. D'abord,
le Mélétos qui avait été accusa-
teur dans le procès d'Andocide
fut celui qui conduisit Léon èe
Salamine (28) à la mort en 404. En plus,
onze années auparava~t,
i l avait été accusé d'avoir divulgué des mystères et participé
(21) Derenne, Les Procès •••
p.124.
(22) Derenne,
ib,
p.123.
(23) cf. L'AvT1Àal! (K,
II,
p.234) ap.
Derenne,
loc. cit,
p.113.
(24) cf. TnpUTUOn! joué en 407 et aussi Grenouilles:ap.Derenne
in Les Procès ••• ,
p.124.
(25) Qui se moque de sa maigreur,
ib,
p.
124.
(26) Burnet, E.A.C.
p.89.
(27)
Ibidem,
p.89.
(28) Apologie"32c
• (cf.
infra:
n30).
293
à la mutilation d'Hermès (29). En second lieu,
dans l'Apologie
(30),
lorsque Socrate rappelle son refus de participer à l'arres-
tation de Léon de Salamine,
i l ne dit pas que son accusateur y a
participé.
Enfin~ dans le procès d'Andocide, Mélétos était accu-
sateur contre Anytos,
défendeur. On ne voit pas comment,
alliés
dans le procès de Socrate,
ils seraient adversaires,
la même
année,dans celui d'Andocide,
s ' i l s'agissait du même Mélétos,
qui
fut accusateur dans le premier (31).
§ 227. Si les arguments de Derenne sont assez inté-
ressants (§ 226),
ils ne sont pas,
pour autant,
impératifs.
En
réalité,
les deux premiers arguments n'en font qu'un seul:
pour-
quoi,
s ' i l s'agissait du Mélétos ayant participé à l'arrestation
de Léon de Salamine, Socrate ne le souligne-t-il pas dans l'~
logie? Une telle mention aurait peut-être puissamment contribué
à discréditer l'accusateur. A quoi,
on peut objecter qu'en fai-
sant une telle mention,
dans les circonstances du procès,
Socrate
se serait alors comporté,
en fait,
en accusateur.
Or,
l'Euthyphron
(§
224) nous apprend que Socrate est inimaginable sous les
traits d'un accusateur.
Plutôt accusé à tort que juste accusa-
teur pourrait,
à la limite,
constituèr,
en l'espèce,
le précepte
socratique. Par contre,
tout en racontant l'épisode de Salamine
(29)Acte d'une rare impiété qui mit tout le peuple athénien en emo~.
(30) 32c 4sqq.
(31) Derenne,
ib,
p.125-6 n4.
pa 'P'
294
..
sans mentionner le rôle sans doute alors bien connu de Mélétos
dans cette affaire,
Socrate le souligne pour ainsi dire par
omission
(32).
Ce silence de Socrate pouvait être bien plus
bavard qu'une évocation explicite du rôle de Mélétos dans cet
épisode.
Ainsi,
d'une pierre pouvait-il espérer faire trois coups:
i l faisait preuve de magnanimité en ne rappelant pas cette parti-
cipation de Mélétos à l'arrestation puis à la mise à mort de
•
Léon de Salamine;
ensuI te,
en ne la mentionnant pas,
i l la sou-
lignait fortement par une omission volontaire;
enfin,
i l évitait
de se mettre dans la position d'un accusat~r et d'apparaître
comme inspiré par de basses considérations de vengeance.
(32) Socrate raconte qu'il fut requis avec quatre autres pour
aller quérir et mettre à mort Léon de Salamine: V )ETIE1Ôn éÈ
~À
'
~
,
c ,
i5
'
,
o lyaPXla EYEVETO) 01 TplaKOVTa a
UETaTIEu$aUEVOl UE TIEUTITOV
aOTOV El f TnV 8ô ÀOV TIPooÉTa3av" àyaYE l'v ~K La Àau l'vo f l\\ÉovTa TOV
,
" : ) ,
LaÀaUlvlov, lva aTI08aVOl (Apologie 32cS-7). Quelques lignes plus
bas,
i l raconte qu'au sortir de la Tholos,
i l s'en retourna
chez
lui alors que ses quatre compagnons allèrent,
en effet,
chercher
et mettre à mort Léon de Salamine (32d-e).
Parmi ces quatre
compagnons,
i l Y avait Mélétos. On devait se rappeler facilement
les noms de ces bourreaux. On voit donc,
en quoi,
selon notre
hypothèse,
la démarche de Socrate est subtile et intelligente.
""P
295
§ 228. Le dernier argument se contente simplement
d'écarter une situation qui peut paraître inéventuelle, mais
non pas invraisemblable ou absurde. Il ne fait pas de doute que
dans le procès de Socrate, Mélétos a dûftre "manipulé" (33) par
Anytos, dont il n'était que le porte-parole (34). Mais cela ne
signifie pas,
pour autant, qu'ils doivent être alliés à tous les
coups et dans toutes les circonstances. Alliés dans le procès
de Socrate, ils peuvent parfaitement avoir été adversaires dans
le procès d'Andocide la même année. Le fait que Mélétos n'ait
été probablement qu'un sycophante professionnel, aux moeurs et
aux croyances plus que douteuses (35), ne peut que conforter
cette hypothèse. Car il n'agissait sûrement pas sur la base de
quelque principe que ce fût et devait offrir ses services au
1
gré de ses intérêts personnels, et non pas même de considérations
proprement politiques (36). Il n'y a donc, semble-t-il, aucune
(33) cf. Crois~t, op. cit. in Notice, p.128:"Ce furent donc
Anytos et Lycon qui emportèrent la condamnation.
Anytos y eut
certainement la part
principale;
i l
avait du crédit auprès du
peuple."
(34) Guthrie.
Socrates, p.6l.
(35) Comme en témoigne sa participation à la violation du culte
d'Hermès ( § 226).
(36) Il se met au service de l'oligarchie pour mettre à mort Léon
de Salamine et, -quelques années après, au service de la démocrati~,
pour accuser Socrate d'impiété et demander sa tête.
T----- ------~---,-
296
raison décisive de conforter l'hypothèse des deux Mélétos) malgré
que l'on en ait.
Bien plus décisive est la question de la ypa~D.
2. La ypa~n (2b14 - 3bll),
a.
L'accusation de corruption de lé
jeunesse (2b14 -
3aS).
§
229. En 2aS-6 ( § 224),
Socrate avait rectifié
la caractérisation de la nature juridique qu'Euthyphron avait
:0 O"t
'
') "
faite de l'action intentée contre Socrate: u OI-·-OlKT)V aUTnV
...
? , "
,
KaÀOU01V) aÀAa ypa~T)v.
Les éditeurs traduisent assez mal ce
~1'
passage en opposant "procès"
et "poursuite criminelle".
En fai:,
la différence essentielle entre les deux procédures est que l'~ne
(la olKT)
relève de l'action civile et la seconde
(la ypa~n) è~
l'action publique (38). La olKn est certainement très ancienne
alors que la ypa~n est relativement récente. Des faits tels que
(37) E. Chambry,
G.F.,
p.18S;
Croiset,
op.
ciL
p.18S.
(38) Sur la ypa~n et la olKn, cf. Glotz in Etudes sociales et
juridiques sur l'Antiquité Grecque,
Paris,
1906,
p.49-S0;
La
Solidarité familiale,
Paris,
1904,
p.369.
.....
297
le meurtre (39)
ne pouvaient déclencher que la olKn. En effet,
comme le note Burnet,
jamais un $6voJ n'est traité "as an
offence
against
the state in the strict sense." (40). Le $6voJ relève
donc de la Ô1Kn,dont le déclenchement e~t une prérogative des
parents,
et lorsqu'il s'agit d'un esclave ( §
259), du maître.
Si bien que:
"We never hear of a ypa$n $6vou except in the modern
text-book" (41). Glotz (42) a noté que la seule mention d'une
/
,
ypa$n $OVOU se trouve chez Pollux (43), les cas évoqués par
"
(J
Plutarque relevant de la ypa$n uap~wJ (44).
(39) cf. L. Gernet in Anthropologie de la Grèce Antique,
Paris,
Maspéro,
1976,
p.220:
" Le meurtre relève de la vengeance privée·.
(40) Burnet, ad.
loc. cit.
p.83.
(41) Idem; cf.
aussi R.E.
Allen, ad.
loc.
ciL,
pp.20-21;
Dereo=e,
op. cit.,
p.188;
Glotz in S.F.,
p.373:
"Existerait-il dans Athè~es
une ypa$n $6vou? Voilà ce qu'il
faudrait
prouver."'
(42) Idem.
(43) VIII,
40-41 ap. Glotz,
S.F.,
p.373.
(44) Id.
p.373. Cependant,
ce sont Jes ypa$al xaxwo~wJ qui
"son:
logiquement les premières en date";
ce sont des actions publiques
par
iesquelles l'Etat prend sous son patronnage les parents
vieux ou pauvres etc •••
p.
371 sqq.
1
!
....
298
,
§ 230. Au demeurant,W Nulle ypa~n ne résulte d'un
droit général.
L'action publique ne peut ~tre mise en mouvement
que dans les cas expressément spécifiés par la loi:VII XwPt!
,
')
_
C
,
C o ,
_
Il
TIEpt aULWV EKaOLOU Ot VOUOt XEtLat
(45). Cette procédure récente
( §
229) aurait été inttoduite sous l'archontat d'Euclide
(403-
, ~
,
2) en remplacement de la procédure de 1 EtOaYYEÀta (46)
prévue
par le décret (47)
que fit
voter Diopeithes (48)
en 432 et qui
disposai t:
W Sera tradui t
(devan t 1 es Ci nq -cen ts et devan t
l ' as-
)
1
semblée du peuple), suivant la procédure de l'EtOaYYEÀta •
quiconque ne croit pas aux dieux,
ou donne un enseignement sur
.,
,
les choses cé1estes. w (49). L'EloaYYEÀta était une procédure
extraordinaire (50) qui s'adressait (51)
à la Boulé et non à
(45)
lb,
372-73.
(46) cf. Glotz H.G.
p.430 et passim;
Etudes Soc.
et
jurid ••
p.S2.
(47) Derenne in Les Procès
•••
p.223;
Olivier Reverdin: La R.
C.
P.;
p.
208-9.
(48) Sur Diopeithes lui-même,
cf.
P.
Decharme,
op.
cit,
p.154-5:
WOrateur intempérant. démagogue tapageur,
sorte de maniaque et
de fou souvent bafoué par les poètes comiques,
de plus.
devin
et interprète d'orac1e ••• w
(49) Decharme,
ib.
p.155.
(50) Derenne,
ad.
loc.
ciL
p.
236.
(51) Il existait toutefois d'autres procédures pour intenter ur
procès en impiété telles que:
l'~VÔEt~t! (cf. Glotz, H.G., p . .428
et S.F.,p.425-6) utilisée spécialement contre ceux qui prennent
299
l'archonte-roi,
ce qui la distingue,
pour ce qui est de la compé-
tence,
de la ypa~n.
§ 231. C'est donc auprès de l'archonte-roi ( § 223
5.1-
n14) que Mélétos a déposé l'acte d'accusation contre Socrate.
Il Y a un double chef d'accusation ( § 236).
Le premier prétend
que Socrate corrompt la jeunesse. C'est avec un grand détachement
(53) que Socrate expose ce premier grief.
Ses propos sont teintés
(51) suite
part à un culte public alors qu'ils sont frappés d'atimie
)
1
c'est le cas d'Andocide:
cf.
Derenne,
loci
cit,
p.238- l'anay~{n
,
, ' ) ,
et le ôlxa~EOeal npo! EuuoÀnlÔa! ( ib,
p.
239,
241),
ou encore
la ~aOl! npo! TOV BaolÀ~a (ib, p.241 et Glotz, H.G., p.248,
passim.
).
(52) En son entier,
l'acte d'accusation est ainsi libellé:
VI:r
LWKpaTn ~nolv hÔ1KE1V TOU! TE vÉOU! ôla~eEtpOVTa Kal eEOÙ! O~J
nnOÀ1! VOUtr,;El O~ VOU1r,;ovTa) ~TEPa ôÈ ôalUOVla Kalvaoct· Apot. .1.\\tt-~.Ci
(53) Friedlander,
op.
cit.
p.83,remarque
justement que
wa
triël
is a strange world and he speaks about event which concern hiu 50
deeply,
from a strangely remote distance. n
300
de son ironie (54) habituelle. Mélétos doit sans doute avoir des
qualités exceptionnelles pour pouvoir déterminer,
à son âge,
comment et qui corrompt la jeunesse (55):
IX
'EKElvof ~ap> Mf
t ~'
,
"
~
e'
" ,
4>~Otv) 0 vE TtVa Tponov ot VEOt vta4> EtpOVTat Kat TtVEf ot
~
,he'
,
,.
M'l'
,
(56)
vta~ EtPOVTEf aUTouf.
e etos est un oo4>of
qui a découvert
une ignorance cachée chez Socrate dans laquelle s'originerait
l'activité corruptrice de ce dernier. Car il n'est pas possible
que celui-ci se livre délibérément à une entreprise de corrupticn
de la jeunesse. Cette activité est un mal;
par conséquent,
elle
ne peut résulter d'une option de la volonté.
La volonté conscie~te
(54) Sur l'ironie socratique, cf. Burnet in Greek Philos.
Londoz,
1932, p.132,où elle est décrite comme
"a sense of humour which
enabled him to see things in their proper proportions.-·The
) - -
Ethics of Aristotle, London,
1900, p.916; Cependant,
le terme
)
,
V
EtpwVEta ne se trouve pas chez Xenophon,
cf. M.
ilhena in Le
Problème de Socrate, Paris,
PUF,
1952,
p.296. Les Grecs se ser-
vaient du terme pour désigner la modestie et le détachement de
,
soi: ibid,
p.296. Cependant, PLaton n'utilise le terme qu'une fois
')
,
en République l,
337a4. Son contraire est aÀa~OVEta: cf. Gorgias
525a2; ~. VII. 531b6; Phèdre 253e3; Hippias Mineur 371a3.
(55)
2c3 -
5.
(56)2c5.
r~"
'l
-
-- . - - - - - - - - - . - - - - ----...--.•------_._--..- •..- - - - - .
n'aspire jamais au mal.
Elle ne veut que le bien (57)
•
§232. On se rappelle comment dans l'Apologie
(58)
Socrate démontre,
en interrogeant son accusateur,
qu'on ne peut
vouloir le mal à la place du bien.
Le postulat de base est le
suivant:
le méchant fait du mal à celui qui l'approche tandis
que l'homme de bien lui fait du bien. Or tout homme préfère être
bien traité plut6t que maltraité par celui qu'il fréquente.
De
sorte que,
en prétendant que Socrate corrompt délibérément la
jeunesse,
son accusateur déclare que celui-ci cherche son propre
mal puisqu'il fréquente une jeunesse qu'il aura rendue mauvaise.
Cette démonstration aboutissait à une alternative:
ou Socrate
n'était pas un corrupteur,
ou s ' i l l'était,
ce ne pouvait être
qu'involontairement. Naturellement,
Socrate n'a pas besoin d'insis-
ter ici sur ce raisonnement puisqu'il l'a déjà établi, clairement,
dans l'Apologie et que le premier chef d'accusation (59)
n'est
pas proprement discuté dans l'Euthyphron.
,
, )
,
,
(57) Par exemple,
Gorgias 468c 6-8:
X
Ta yap ayaSa BOUÀO~ESQ
( .... )
,
)
"
"
,
"15'"
Tà ôÈ U~TE ayaSa U~TE KaKa ou SOuÀoUESa
ou E Ta KaKQ.
,
(58) 25c5 sqq.
(59) Sur le premier chef d'accusation,
cf. l'intéressant article
de David P. Gontar:
The problem of the formaI charges in Plato's
Apo 1 ogy, ','"
I l
Tulane Studies in Philosophy,
Tulane University,
vol XXVII,
1978,
p.93 sqq.
302
§
233.
On mesure mieux,
à présen t,l'ironie
(§ 231
n54)
de Socrate lorsqu'il déclare que Mélétos connait la tâche
première (60),
le commencement 'de toute entreprise politique,
à savoir la formation de la jeunesse (61). Quoi de plus normal
puisque les destinées de la Cité se trouvent entre les mains de
la jeunesse. Cependant,
i l ne conviendrait pas de réduire
le
sens de ce passage à ses seules velléités ironiques comme,
du
reste,
le suggère l'intéressante comparaison entre les soins
prodigués prioritairement par le cultivateur aux
jeunes pousses
,
...
, ; )
. . . ,
et la formation de la
jeunesse.
XI]
Op8wI yap EOTt TWV VEWV
. . . ,
...
cl
"')1
')f
CI
,
TIPWTOV ETIt~EÀn8nvat
OTIWI EOOVTat
0
Tt
aptOTOt
WOTIEP YEWPYOV
~ya8èv TWV vÉWV ~UTWV E~KèI TIPWTOV tTIt~EÀn8nVatl ~ETà oÈ TOÙTO
Kat
TWV ~ÀÀwv (62). Après la jeunesse donc, Mélétos, en bonne
logique,
devra ststtaquer aux adultes et ainsi parachever son
action civique et politique
(63).
En effet,
ironise Socrate,
ayant si bien commencé sa carrière politique,
i l y a de fortes
chances qu'il réussisse.
Mais l'accusation de corruption de la
jeunesse est liée à une autre,
bien plus fondamentale.
(60)
XI
Kat
~atVETat ~Ot TWV TIOÀtTtKwV ~6vOI ~PXEaeat
)
...
op8wI.
cf. 2c8 -
9.
(61)
2d1
sqq.
(62)
2d1 -
4.
(63) La prétention du sycophante est,
en effet,
de se mettre a~
service de la'Cité.
>
t
--.
S ?
* "
1 f
, .
303
b.
L'accusation d'athéisme (3a6 -
3bll).
§
234.
La réaction du devin au terme de l'exposé
de Socrate (
§ 233) est particulièrement pertinente et constitue
une manière de troisième homma&e (
§§ 223-224) rendu à Socrate.
Car selon lui,
s ' i l est louable de vouloir protéger la cité du
mal,
le moyen le plus indiqué n'est certainement pas de s'en
prendre à ses meilleurs citoyens. Euthyphron s'exprime en des
termes nets et saisissants: XIII
~TEXvwf yap ~Ol ôOKEl &$~
,
,
:JI
_
"
, )
_ ) ( '
_
,
EOTla
aPXEo8al
KaKouPYE1V TnV noÀlv EnlXElpwV a01KE1V OE
(64).
D'ailleurs l'expression ~~'EoTlaf ~PXEo8al, bien que d'allure
proverbiale (65),
semble être un hapax.
Si l'on en croit Burnet:
"These seem to be the only passages where this phrase occurs in
classical
Greek,
and the both reter the damage."
(66).
§ 235.
De toute façon,
le sens de cette expressio~
(67) ne présente aucune difficulté particulière.
Le commentaris-
me est presque unanime à lui donner la même signification,
et
(64) 3a7 -
8.
(65) cf. Croiset,
loc.
cit.,
p.185 nI,
avec renvoi à Eustathe,
comm.
sur l'Ode
VII,
~ 298.
(66) Ibid,
p.93.
(67) Sur le terme(EoTla cf.
Cràtyle 40ld2,
40lbl,
401b4,
401e2.
405c5,8;
Phèdre 247al;
Lois V 745b7,
VIII 848d5.
304
souvent.
en des termes voisins.Burnet écrit que le sens de cette
expression serait plutôt "striking a b10w at the heart of the
state." (68).
Déjà.
en 1906. Stawell dans son édition de
l'Euthyphron.
de l'Apologie et du Criton.
traduisait:
-he has
simp1y begun
to the state from its foundations when he sets
about harming you." (69).
Cette traduction ne jure nullement
avec celle de R.E. Allen (70):
" He seems. as it were,
to be
injuring the city from the start at its very hearth.
in under-
taking to wrong ~ou". ni avec celle de Friedlander:" he is aiming
the
first
1aw at the sacred hearth".
(71). A l'instar des Anglo-
saxons.
les traducteurs français ne divergent pas sur le sens
de cette expression (72).
(68) Loc.
laud.
p.93.
(69) Ibidem,
p.S.
(70) Loc.
cite
p.10.
(71) Loc.
cit.
p.83.
(72) Croiset.
p.85
• ••. s'attaquer dès son début à la ville dans
ce qu'elle a de meilleur"; cf. aussi L.
Robin.
Platon; O.C,
Pléiade.
1950.
p.352 " •.• c'est tout bonnement
"par le Terre"
qu'il commence ses malfaisances à l'égard de la Cité .•. ";
la nete
2 p.
1290 (352) montre assez que Robin comprend l'expression
comme Croiset; Chambry,
lac. cit ••
p.186:
" .•• i1 attaque dès SGO
début.
la cité dans ses oeuvres vives"; enfin un interprète récent
de l'Euthyphron.
J.Y. Chateau.
op.
cit.
p.11 traduit excelle~~t:
" ••• c'est
par son coeur qu'il
attaque l'Etat ••. ".
305
§ 236. C'est après avoir rendu ce nouvel hommage
(§
234) à Socrate qu'Euthyphron s'interroge sur la manière dont.
celui-ci est censé corrompre la jeunesse (73).
Ce passage établit.
sans équivoque,
la relation entre les deux éléments de l'acte
d'accusation.
En effet,
à la question de savoir comment il cor-
rompt la jeunesse. Socrate répond:
~not y&p UE TIOtnT~V
(74)
Etvat eE~V (75) et que, d'autre part. il ne croit pas aux anciens
(76). On constate ainsi,
tout d'abord,
que l'accusation d'impié-
té est posée comme le fondement de la première -
corruption de
la jeunesse (§§
231-233)
(77). En second lieu,
on voit bien
les deux aspects du second chef d'accusation.
wThe accusation of
impiety has
two
parts,
positive and negative;
that Socrates intro-
duces new deities and rejects the gods of the state w• (78)
(73) 3a9.
(74) Sur le sens de poiéo,
nous renvoyons au dernier livre de
Luc Brisson,
Platon. Les mots et les mythes,
Paris, Maspéro,
pp.
51 sqq.
(75)3bl -
2.
.,
)
)
,
)
,
(76)
3b3:
XIV
••• TOu! 6 apxatou! ou VOutçovTa ...
(77) Chateau,
loc.
cit.
p.48:
wCe deuxième grief est énoncé COŒ-
me le fondement
véritable du premier
(Socrate corromprait
la
jeunesse par son impiété),
conformément au texte de l'Apologie
(26b) ••• "
(78) Gontar,
art.
cit,
p.98.
306
§ 237. Le second aspect est certainement plus grave.
c
Car rejeter les dieux de l'Etat,
la rell gion d'Etat,
relève de
l'attitude la plus subversive que l'on puisse imaginer dans la
Cité hellénique.
Une telle attitude subversive ne s'en prend pas
à tel ou tel aspect de l'Etat, mais à l'Etat lui-même dans sa
fonction essentielle de fondement et de garantie de l'ordre
social.
Solmsen dans son Plato's Theology l'a parfaitement com-
pris:
nTo doubt
the existence of the gods wou1d have been an act
of treason against
the state,
but i t
was hard1y to be feared
that a
citizen wou1d entertain su ch doubts;
for
to do so wou1d
have more than a crime;
i t
wou1d have been an absurdity since to
question the existence of the gods wou1d have been to question
the rea1ity of the city-state,
the common mother of a11
citizens. n
(79).
On est donc confronté ici avec un véritable crime d'Etat
(80).
La pensée socratique a
dO être assimilée à la libre pensée,
qui s'est montrée menaçante pour la religion d'Etat,
au point
qu'un décret fut
voté au Vème siècle
( §
230) légalisant
n1es
(79) Solmsen,
Plato's Theology,
p.8.
(80) Les délits d'~oÉBE1~ relevaient de cinq catégories:
1) le sacrilège,
2) la violation des réglements religieux,
3) attentats contre les personnages religieux,
4)
sorcellerie,
5) doctrines impies,
cf.
Derenne,
loc.
cit.,
pp.
9 -
12.
307
poursuites contre ceux qui niaient l'existence des dieux,
ou
s'occupaient d'astronomie et de météréologie." (81).
§
238. Cependant,
il n'a jamais été établi que
Socrate rejetait les divinités traditionnelles (§
241).
Il
convient de distinguer entre le rejet explicitement affiché par
Socrate de certaines mythologies traditionnelles (82) et la
négation des dieux de la Cité. La seconde peut entrainer le
premier, et non l'inverse.
En tout cas,
dans les Mémorables
(83),
nous avons le témoignage formel de Xénophon attestant que Socrate
pratiquait le culte traditionnel:
"Tout
d'abord,
pour prouver
qu'il ne reconnaissait pas les dieux reconnus par l'Etat,
quel
témoignage ont-ils dont
(84) allégué? Car on le voyait souvent
(81) lb.
p.81. On sait que dans Les Nuées,
Aristophane attribue
de telles occupations à Socrate,
ce que dénie formellement
l'Apologie.
(82) cf. Gontar,
loc. cit.
p.99,
en parlant de l'Euthyphron
déclare: "Plato tries to demonstrate that,
while Socrates
Erequen-
tly cast doubt on the conventional
tales of the gods,
he did so
because those tales were being put
to immoral uses by such men
as Euthyphro."
(83) l,
l,
2.
(84) Sic:
il faut sûrement lire "donc".
p
.
308
sacrifier
(84 bis) dans sa maison,
souvent aussi sur les autels
communs de l'Etat,
et i l ne se cachait pas quand i l avait
recours
à la divination. w
§
239.
Toutefois,
si le second aspect est "plus
grave"
(§
237),
i l faut 6galement reconnaltre que le premier
constitue une menace (moins importante, mais r6elle) contre le
prestige et l'autorité de l'Etat.
Selon Mélétos,
Socrate n'intro-
duit pas seulement de nouvelles divinités, i l les crée (
§ 236.
)
" ,
ù
..
,
n74:
XVI
Kat wI KatVO l
TIOtOUVTa 8EOUI (85).
La réaction
d'Euthyphron à l'6vocation de ces nouvelles divinit6s est tout
à fait significative. Il les assimile imm6diatement au fameux
,
démon de Socrate:
XVII
.."
" , , "
,
Mav8avw, lÎl LWKpaTEr OTt
ôl1 TO ÔeLllJovtOv
"
.. (. ,
,
8
en
%
..
,
"
"
~nI oaUT~ EKaOTOTE ytYVEO at. ~'I OuV KatVOTOlJOUVTOI OOU WEpt Ta
8Ela (86) yÉypaTITat TauTnV TnV ypa~nv ••• (87).
,...,
,
(84 bis)
Il est significatif que les derniers propos pretes a
Socrate,
dans le Ph6don (118a6-8),
rappellent un sacrifice qu'il
..
doit au dieu traditionnel Asclépios:
XV
Tl!l
~OKÀI1TIt~ ~~E{ÀOlJEV ~ÀEKTPu6va'-
•
(85) 3b2 et Chateau,
loc. cit.
p.48,
qui note le
jeu de mots èe
Socrate:
wMé1étos qui
se dit
poète.
accuse donc Socrate
d'être
Wpoète W -
poète de la divinité. w
(86) Sur le sens de ce terme,
cf. Mugnier in Le sens du mot e~ior'
chez Platon, Vrin,
1930,
p.25.
(87) 3b5-7.
309
§ 240. Ce démon,
comme le remarque justement
Burnet (88),
n'est en fait
jamais appelé ôal~wv (89), bien que
l'idée du démon comme gardien spirituel fût connue,
et même
familière.
Plusieurs interprétations de cette sorte de signe ont
été proposées. Les uns y voient une voix de la conscience,
d'au-
tres une sorte d'instinct que Socrate avait de ses propres capa-
cités (Gomperz) ou une voix intérieure du jugement individuel
(Maier).
Shore y l'interprète comme
"an internal monitor" (90).
D'après Burnet,
ce signe est impersonnel,
et tout en venant des
dieux,
n'est pas assimilable à une divinité.
"We must simply
accept
the
fact
that i t was a
perfeGtly real experience to Socra-
tes,
though not apparently of paramount importance." (91).
De
sorte que,
selon le savant anglais,
i l n'y a pas lieu de la
rationaliser,
mais bien plutôt de l'interpréter comme un moyen de
justifier "certain instructive reluctance of which he was unable
to give a
clear account
(ÀOYOV ôlôoval) to himself." (92).
(88)
E.A.C., p~96.
(89) cf. aussi Guthrie in Socrates.
p.82 nI
et plus généralement
sur le signe,
pp.81-8S;
Reverdin,
ad.
loc.
cit.
p.137 n4;
DereDDe
in Les Procès •••
pp.107-9 n2.
(90) What Plato said,
Chicago,
1933,
p.74.
(91) Burnet,
ib.,
p.
97.
(92)
Idem.
Il écarte également l'hypothèse qui assimile le signe
à la voix de la conscience (§ 240: supra).
310
§ 241. Quoi qu'il en soit,
l'existence de ce signe
est attestée par Xénophon, même si l'on (93) a prétendu que,
contrairement à celui-ci, Platon le représentait toujours iro-
niquement (94).
Xénophon,
en effet,
écrit (95):
"C'était
en effet
un bruit répandu que Socrate prétendait recevoir des avertisse-
ments d'un démon,
et c'est principalement pour cela,
je crois,
qu'on l'a accusé d'introduire des divinités nouve11es.- Au demeu-
rant,
Xénophon s'efforce de banaliser ce démon,
car dit-il
(96):
(93) Idem.
(94) L'opinion de Burnet est inacceptable. Dans l'Apologie
(31d),
c'est sans aucune intention ironique
que Socrate invoque cette
voix (~wvn, 31d3) pour expliquer son non-engagement politique.
La même explication, est reprise,
à plusieurs années d'intervalle,
dans le livre VI de la République (496c).
Il est d'ailleurs signi-
ficatif que,
dans nos textes,
i l rattache l(origine de ce démon
à son enfance, et en proclame l'unicité dans le texte de la
République.
(95) Les Mémorables,
l,
l,
2.
(96) lb.,
If
2,
3.
311
"
il n'introduisait
pas plus de nouveautés (97) que tous
ceux qui
pratiquent la divination légale au moyen des augures,
des
voix,
des rencontres et des sacrifices." Lorsqu'il parle
de ce signe,
Platon l'appelle ~wvn (Apologie, 31d3), tO
6alu6vloV onuEiov (République
V~ 496c3),ou simplement 6alu6vl0V
(Euthyphron,
3b5). En dernière instance,
l'interprétation qu'en
donne Burnet ( §
240)
et qui peut être retenue
renoue
avec celle des Anciens,
et de Plutarque en particulier,
comme le
remarque judicieusement Babut en écrivant que le signe "n'aurait
rien eu d'un
"pouvoir particulier et extraordinaire", mais devrait
être regardé comme un signe,
insignifiant en lui-même. suffisant,
pourtant,
pour entralner une décision en
faisant
pencber la
balance
"dans les situations incertaines et rebelles aux conjec-
tures raisonnables"."
(98).
Du signe ainsi compris à une divini-
té,
i l Y a sans doute bien loin.
Aussi bien,
comme le suggère
(97) Ici,
Xénophon est en contradiction flagrante avec le
texte
précité (n94) de la République VI
(496c) qui proclame explici-
tement que,
dans le passé,
i l n'y a eu rien de semblable à ce
...
c
1
signe divin (tO 6alu6vloV onuEtOV,
496c3):
XVIII
To' 1: J
U
"'1~ EtE;:; 0V
)
")1
,
,
,
. . ' . ,
1
")l "\\ "\\
) \\
OUK a~10V ÀEYE1V, tO 6alUOV10V OnUE10V' n yap nou T1Vl a~~~ n
::>1:
'
..
"
OUuEVl TWV Eunpoo8EV yÉYOVEV.
(496c2-3).
(98) La Religion des Philosophes Grecs,
p.72:
notons que les
citations intérieures sont tirées du De genio Socratis de
Plutarque.
"N-
ft·
'$
trs 'ned i tt
'b
h' t.
. te
,
tr
. 'fi
·."Wl '
"""'.U'
-teE
f
,
0 "
•
312
Euthyphron,
est-ce à tort qu'on en déduit l'introduction de
nouvelles croyances pour en faire un motif de plainte (99). Mais
les questions religieuses sont particulièrement délicates dans
la mesure où la Masse (100) y est extrêmement sensible. L'accusa-
t~v~ de Socrate sait donc combien il est aisé de calomnier ses
adversaires en alléguant des considérations religieuses.
Le devin
s'efforce, en discriminant la Masse de l'élite,
de se reconnaî-
tre, avec Socrate, dans le même parti. Pourtant,
i l n'est
pas
évident que leur attitude soit identique. Le quiproquo doit, par
conséquent,
être levé ( §§242 sq).
(99) 3b7.
(100) Sur la notion de Masse,
cf. L'Alcibiade Premier:
110e2-
llle13 et notre E.T.A.P.,
p.122 sqq.
3. La différence d'attitude entre
Euthyphron et Socrate (3b11 -
3e8).
§
242.
Euthyphron illustre la bêtise de la Masse
par l'attitude de celle-ci à son égard. La Masse ne manifeste
aucun respect à son égard et même,
rit de lui,
lorsqu'il lui
,"
""'"
,
fait des prédictions:
XIX
Kat EUOU yap TOt) tOtav tt
ÀÉyw iv
.....
,
,
,....
,
, '
) . . . ,
tD eKKÀnOt~ rrept TWV 8etwv rrpo~eywv autotf Ta
...
L
,
(
,
ÀWOtV wJ uatVOUEvOU
101). Euthyphron est d autant plus outrag~
(102) qu'il estime que ses prédictions sont toujours vraies.
Mais,
selon le devin,
l'attitude de la masse est inspirée par
sa jalousie à l'égard des gens de son espèce,
c'est-à-dire fin~
)
)
cr
1ement de l'élite dans laquelle i l inclut Socrate: XX
aÀA
OUw..C
~8oVOÜOtV nuiv ~àot tOlf tOtOUTOtf. (102 bis). En commentant
,
(lOI) 3b9-Il.
(l02) cf. Darnell Rucker
,""
Dia1ogos, XI,
n028,
Avril
I9ï5.
pp.I77-78:
WEuthyphro makes i t clear that he is outraged that
the Athenians do
not respect
his knowledge of the gods and thi~gs
divine,
that
they dare
to laugh in his face in the assembly wh~n
he predicts the
future
on
the basis of his divinations."
(102 bis) 3c2-3.
314
ce passage, Burnet écrit:
"Note how Euthyphro sympathises
witb
••
l'
c......
_
......
Socrates as fellow-socratic
and the naivete of nU1V naOl
T01!
T0106T01!."
(103).
§
243. Le devin n'est pas seulement naif,
i l est
non-conformiste et apparaît comme une sorte de
"prophète înspi-
ré." (104). Aussi bien,
propose-t-il à Socrate d'ignorer la masse
et de faire front:
XXI
' ' ' ' "
' ) -
"
,
:>
~
aÀÀ
OUÔEV aUTWV xpn ~POVT1~E1V~ aÀÀ
"
;) ,
OUOOE
LEval
(105). Cependant, Socrate voit bien que l'essentiel
,
d " "
1
::>ô"
n est pas
e preter a r1re,
car a ors OU EV
npayua (106).
Au
contraire, s ' i l ne s'agissait que de cela, c'eût été un bien
grand plaisir de passer quelques moments à plaisanter et à rire
ensemble au tribunal (107).
Le problème des Athéniens est tout
autre. Peu leur importe le savoir dont on se prévaut, l'essentiel
est qu'on ne se mêle pas de le diffuser ( XXII
"
1
un UEVTOl
ôlôaOKaÀ1Kèv Tn! a5Toù oo~{a! (108) ). Ce peut être par jalousie
comme le croyait Euthyphron ( §242) ou pour une autre raison
(E~TE Ôl~ ~ÀÀO Tl (109) ). Ce passage est intéressant et peut
(103) E.A.C.
p.98.
(104) Robin, Loc.
cit.,
p.1290 n4 (352).
(lOS) 3c3-4.
(l06) 3c6.
(l07) 3e1 sqq.
(l08) 3c~-Cj
(109) 3d2. Le motif le plus plausible est l'ignorance.
315
être lu comme une sorte de témoignage historique.
Derenne
(110)
s'y appuie notamment pour dire,
avec raison,
que c'est moins
l'athéisme en lui-même que la propagande anti-religieuse qui
était condamnée.
§ 244. Or,
alors qu'Euthyphron se montre prêt à
amorcer la retraite malgré l'alliance qu'il proposait à Socrate
(
§
242)
i l ne tient pas,
en effet,
à faire
l'épreuve des
sentiments de la masse à son égard (Ill)
Socrate,
tout au
contraire,
avoue être un propagandiste par vocation. C'est que
Socrate est,
avant tout,
un homme sociable:
un homme de dialogce
(112).
Il aime discuter,
c'est-à-dire examiner les opinions et
les prétentions,
les peser et les soupeser,
les jauger et les
juger
c'est-à-dire contrôler leur bien-fondé.
Cette activi-
té,
comme l'atteste l'Apologie,
lui a créé maints ennemis dans
les différentes corporations:
hommes politiques (113),
poètes
(114) et artisans (115).
Les premiers (hommes politiques et
(110) Op.
cit.
pp.263-64.
(Ill) 3d3-4i remarquer l'opportunisme du devin.
(l12)Cf.
le bon commentaire de Chateau:
op.
cit.
p.
51:
" C'es:
cette philanthropia qui
fait
de Socrate un homme de dialogue,
et donc aussi
un homme irritant,
qui
va
tou~ discuter dans le
détail
et sans respect."
(113) Apologie,
21c sqq.
(114) lb.
22b sqq.
(115) lb.
22d sq~.
__
__
._----~-_.
._~----_._._--_.
._._~-------_.
316
poètes) qui, de quelque façon,
prétendaient être des profession-
nels de la parole, se sont révélés dépourvus de toute véritable
science (116). Cependant, Socrate est décidé à poursuivre son
enquête tant qu'il lui restera le moindre souffle. Comment pour-
rait-il, dans ces conditions, ne pas être soupçonné de se livrer
' , ' ) '
..
à une active propagande
XXIV
ou ~OVOV aVEU ~lo8ou
"
"
"
C ,
')1
1
~,
; ) ,
Kal TIPOOT18Elf av nôEwf El Tlf ~OU ESEÀOl aKOUE1V (117). On
mesure mieux, à présent, la différence d'attitude fondamentale
entre Socrate et son interlocuteur. Le premier, même s'il craint
que, manquant d'humour, la masse ne prenne les choses trop au
sérieux, est prêt à aller à contre-courant et à traquer ses pré-
tentions et ses illusions. Car le but qu'il poursuit est la
vérité (118). A l'opposite, le devin n'est pas prêt à affronter
le courroux de la masse malgré ses fanfaronnades
(
§ 242); aussi
bien, abandonne-t-il la perspective généreuse (§ 243) du front
commun qu'il proposait à Socrate ( §
242) pour proclamer la
.,
"
, - " -
séparation de leurs combats:
XXVI
aÀÀa OU TE KaTa VOU V aywvl~
,
,
(116) lb.
22c2-3: XXI"
Kat
"
yap OOTOl ÀÉYOUOl ~EV TIoÀÀà Kal
."
KaÀcX)
ôÈ
,)ô'
7.
,
loaOlV
OU EV ID'I ÀEYOUOl •
(117 ) Euthyphron, 3d8-9.
( 118) Le Phédon (66b8) est péremptoire. Après avoir montré que le
corps nous empêche de posséder en suffisance l'objet de notre
désir, Socrate déclare:
XXV
317
TTIV otKTlV, oflJat oÈ Kat tllÈ TnV hlllV (119). Le quiproquo (
§ 241)
étant levé
(120),
l'affaire d'Euthyphron peut,
maintenant,
être
exposée.
(119) 3e5-6; sur ce texte,
cf.
Hoerber,
op.
cit.
p.97.
(120) Dans un tout autre style d'analyse,
où la rhétorique n'est
pas toujours absente, Chateau propose une interprétation d'ensem-
ble de l'exposé de l'''Affaire Socrate".
Selon lui,
cet exposé
manifeste deux ordres de questions laissées ouvertes dans 1'~
logie:
1) l'humanisme rationaliste de Socrate est-il compatible
avec une religiosité et comment déterminer celle-ci positiveaent:
2) la position religieuse est-elle compatible avec le sentiment
civique du monde antique? D'après cet auteur,
c'est l'Euthyphron
qui répond au premier grou~e de questions, et le Criton à la
seconde question: cf.
op.
cit.,pp.
51-52.
318
B. L'Affaire d'Euthyphron
(3e9
5c8)
1. Euthyphron,
accusateur de son père
(3e9
4a9)
§ 245.
A l'inverse de Socrate,
Euthyphron,
lui,
est un accusateur. Qui plus est,
l'accusé est son propre père.
Le devin (
§
258) est parfaitement conscient de la singularité
de cette situation,
puisque,
dit-il,
i l s'en prend à
-quelqu'un
qu'il paraft fou de poursuivre w• ~Ov Ôl~KWV aS ÔOK~ ~Q(vEoeal
(121). Aussi bien,
n'est-ce pas sans hésitation
(122) qu'il a
(121) 4a1.
(122) cf. P.T. Geach:
Plato's Euthyphro:
An analysis and commeo-
tary,
Monist,
Vol 50,
n3,
July 1966.
p.368.
319
décliné l'identité de l'accusé (123).
Socrate ne pèut manquer
de manifester sa grande surprise car, bien qu'Euthyphron ait
clairement désigné l'accusé
(n 123: (0 lllof 7TCtTnp),
i l insiste:
b 06 f, li aÉÀTl OT E ; (124).
§
246. C'est là, assurément,
du moins à première
vue,
une affaire étrange. Une telle affaire,
peut-être unique
dans les annales judiciaires de l'antiquité grecque,
devait
paraître monstrueuse (125) à la conscience grecque.
Les histo-
riens ont d'ailleurs noté l'horreur de la conscience grecque pour
l'offense contre le père (126). Mais,
i l ne faut
pas s'y tromper,
les rapports père/fils devaient être suffisamment tendus (127)
pour que,
dès le Vlème siècle, Solon édictât une législation
extrêmement sévère destinée à réprimer l'irrespect filial
(128).
Cependant,
la législation de Solon est bien plus équilibrée qu'on
ne l'a dit,
en général.
Bien sûr,
Solon innove (129) en introdui-
c
' ; ) ,
,
(123) 4a6:
o EllOf 7TCtTnp.
(124) 4a7.
(125) Chateau,
op.
cit.
p.53.
(126) Dodds,
G•.].
p.
46 ( p.55,
traduction française).
(127) Chateau,
op.
cit.
p.53-54.
(128) Sur le respect dû aux parents,
cf.
O.
Reverdin,
R.C.P.
pp.
195 sqq.
(129) Glotz,
S.F.,
p.258 sqq.
320
sant la disposition exceptionnelle de l'~TIOX~~lJ, qui est le
droit d'excommunication et de déshéritage du fils
par le père.
Hormis ce cas exceptionnel,
"la puissance du père devient
dans
le code de Solon,
un simple droit de tutelle et de correction.-
(130). Si,
en effet,
Solon permet aux parents de se faire
rendre
justice,
en revanche,
les enfants,
de leur côté,
sont protégés
de leurs caprices et de leur arbitraire (131).
§
247. Cette relative protection/que le code de
Solon assure aux enfants1n'entame pourtant en rien la puissance
(132) du chef de famille qui reste considérable. La contestation,
ou la désobéissance à l'autorité paternelle, constitue un
fait
extrêmement grave (133),
sévèrement puni,
à l'instar d'Héphaistos
précipité de l'Olympe pour avoir pris la défense de sa mère (134)~
(130) lb.
p.358.
(131)
lb.
p.360.
(132) lb.
p.32 sqq.
(133) lb.
p.34.
(134) Iliade,
1, 590;
i l n'est pas superflu de noter ici que
la tension pè~e/fils s'enracine dans un lointain passé mytholo-
gique:
le premier exemple d'une rebellion d'un fils contre son
père vient des dieux.
Il s'agit de celle de Cronos qui,
avec la
complicité de Gaia,
émascula son père, Ouranos.
cf.
P.
Decharae,
C.T.R.G.,
p.145 sqq.
' - .~·""""'·ôWiII·'M_ _
. " _ ,
........_ _
~
Cd
t .
" . t l .
ra$t',
" t . ' ) ·
'M
''l
t sct··
. 't'Mt
' t t
321
Le chef de famille est investi d'une autorité assez étendue puis-
qu'il
·punit les attentats commis par et sur toute personne
soumise à son autorité.· (134 bis). Le cadre social et juridique
des relations père/fils était très nettement défini:
·In rela-
tion
to his father,
the son had duties but no rights:
while
his father lived,
he was a· perpetual minor
a state of affairs
which lasted at Athens down
ta the sixth century,
when Solon
introduced certain safeguards (135).
And indeed more than
two
centuries after Solon
the tradition of family
jurisdiction was
still sa strong that even Plata
who was certainly no admirer
of family
had ta give i t a place in his legisiation.-
(136)
On peut donc penser,
quoi qu'il en soit,
que,
pour qu'on
en
arrivât à une situation où le fils pût légalement
(137) accuser
son père,
une évolution considérable avait d~'effectuer, socio-
logiquement et juridiquement, comme en témoigne la nature de
l'accusation.
(134 bis) Glotz,
idem.
(135) cf.
§ 246.
(136) Dodds, G.l.
p.46.
(137) Sans ltexistence d'une telle possibilité sur le pl~n lêgal ..
Euthyphron n'aurait pu même pas envisager d'assigner son père.
Il n'est pas à exclure que cette possibilité ait été simplement
déduite du silence de la loi.
322
2.
La nature de l'accusation (4a10-4b7)
§
248.
Comme l ' a noté Dodds,
l'évolution se l i t
dans la modification du principe fondamental de l'autorité
pa-
ternelle. On passe ainsi du principe
wyou will
do i t because l
say sow à un autre principe
wyou will
do i t because i t is right·
(138).
D'une autorité qui n'a besoin d'autre
justification que
sa propre expression,
la puissance paternelle cherche,
à l'épo-
que de Platon,
un fondement moral dans la
justice. C'est moins
la nature de l'autorité qui change que son fondement.
Ce
changement n'est pas pour autant mineur.
Car dès lors qu'une
autorité s'appuie sur un fondement extérieur qui lui serve de
justification (§§
246,
247),
elle peut être contestée en
vertu
du fait qu'elle se prévaut d'une certaine objectivité dont les
consciences seules sont jugeS. Elle devient un objet d'inter-
prétation et d'évaluation,
donc,
d'éventuelle contestation.
On
ne s'étonnera
pas qu'on en soit arrivé à une situation où
(138)
lb.
p.48.
~_.
323
le fils assigne son père (139) en justice.
§ 249.
Néanmoins,
une telle situation ne peut avoir
été,
en tout état de cause,
qu'exceptionnelle.
D.
Rucker n'exa-
gère probablement pas lorsqu'il écrit que le fait qu'EuthyphroD
accuse son père d'homicide constitue "an aet of massive impiety
by Greek Standards." (140).
Il faut cependant remarquer que
Socrate ne conteste pas le principe (141) même,
pour un fils,
d'accuser son père.
Il se contente simplement d'accorder,
si l'on
ose dire,
une présomption de compétence.
Dans ce domaine,
i l
faut déjà être bien avancé en science pour agir 6p8wJ (142).
,
' t
... ':)
En effet,
déclare Socrate:
XXVII
ou yap 0 ual YE TOU EnlTU-
,
~
...
~,
...
? ' ,
)1
,
' ) ,
XOVTOJ op8wJ aUTO npa~alJ
aÀÀa noppw ~OU non aO$laJ EÀaUVOVTOJ
(143).
Du reste,
c'est avec une grande vanité qu'Euthyphron
(139) Signalons l'intéressante scène des Nuées d'Aristophane ou
Phidippide bat son père et se déclare prêt à faire de même avec
sa mère.
(140)
Jn. Dialog oS-, The Euthyphro as comedy: a brief re j oinder
XI,
28,
Avril 1975,
p.178.
(141) On peut.présumer que Socrate ne conteste pas du tout cette
possibilité en elle-mêmelsi l'on se fonde sur le passage
bien
connu du Gorgias (480d)~où il est clairement admis que l'on doit
accuser ses parents des fautes qu'ils commettent;
cf. aussi
Hacha,
loc. cit.
p.104 n3.
(142) Sur la sianification technique de ce terme,
cf. notre E.I.
A.P.,
p.10S; §S2.
(143) 4a12-b2.
324
accepte ce compliment dont i l ne soupçonne même pas l'ironie.
Mais cette ironie semble se transformer en légère inquiétude
puisque,
pour Socrate,
la victime doit sûrement être un parent.
Car,
comment imaginer qu'Euthyphron puisse intenter une
waction
capitale à
wsonw père pour un étranger W? Pourtant,
i l l'a bel
et bien fait.
Dans ces conditions,
avant d'examiner l'intéres-
sante réaction du devin ( §§
258 sqq), i l convient d'étudier
d'un
peu plus près le personnage d'Euthyphron.
§ 250. Euthyphron est-il un personnage historique
ou bien a-t-il été inventé de toutes pièces par Platon? Glotz
(144) le cite,
à côté de Diopeithès, Hiéroclès, Stilbidès, comme
l'un des charlatans du Vème siècle.
Il serait donc un personnage
ayant existé réellement.
Burnet penchait pour cette hypothèse
et pensait même que Platon devait l'avoir connu effectivement:
W The
figure of Euthyphro is clearly a portrait, and Plato must
have known him well. W (145). D'autre part, Burnet, qui ne voit
pas comment Platon pourrait avoir inventé ce personnage,
regarde
l'Euthyphron comme un document historique,
mais en un sens dif-
férent de l'Apologie (146).
Selon lui,
i l s'agit du reste pro-
bablement du même personnage que l'étymologiste du Cratyle
(147).
(144) H.G.,
t.2,
Vème siècle,
p.427.
(145) E.A.C.
pp.83-84.
(146)Ib.
p.84.
(147) Cratyle:
396d5,
399a1,
407d8,
409dI,
428c7.
325
Cependant,
le grand savant anglais Taylor pense qu'une telle
assimilation est loin d'être sûre,
même si elle ne présente pas
de difficulté chronologique.
Wlt is not
certain that the Euthypbro
of our dialogue is the pers on of the same name whom we have
encountered in the Cratylus,
though
this is possible. w (148)
§
251.
Le Cratyle nous renseigne sur l'Euthyphron
dont il est question.
Il nous apprend qu'il est du dème de Pros-
paltès (149):
XXVIII
Kat
a~Tlw~al YE ili cEp~6YEVEI) uâÀl0Ta
J
aÔTDv hnè
EÙeÛ$pOVOI TOÙ ITpoonaÀTtOV npoonEnTwKÉval UOl
(150).
Il est de la tribu d'Akamantide (151).
Il nous est présenté ici
comme un étymologiste alors queJdans l'Euthyphron,il est un
devin (152). Dans quelle mesure peut-on assimiler l'étymologiste
(148) Taylor,
P.M.W.,
p.146;
cf. aussi Hoerber
~~
Phronesis,
1958,
p.95,qui cite le texte de Taylor,et Guthrie in B.G.P., IV.
p 102-3.
(149) cf.
Croiset,
loc. cit.
p.
178; Hacha,
ib.
p.10 sqq.
Hormis
l'Euthyphron et le Cratyle,
le nom de notre devin n'est cité dans
aucun autre dialogue.
(150) 396d5-6.
(151) cf. Hacha,
p.10 sq,
qui pense qu'il serait le même que celut
de l'Euthyphron;
ib, Heidel,
0.P.E.,p.165.
(152) Dans le Phèdre (248 D-E)
le devin occupe le cinquième rang.
avant le poète,
l'artisan,
le sophiste et le tyran et après le
--
326
au devin? De toute évidence,
i l s'agit là de deux occupations
différentes.
En tout cas,
aucun témoignage historique ne permet
de considérer les devins comme spécialistes de l'étymologie,
qui
semble avoir été plutôt initiée par la sophistique (153).
Par
conséquent,
même si Euthyphron s'est occupé d'étymologie
ce
que suppose l'identification du personnage de l'Euthyphron avec
celui du Cratyle
ce serait à
titre exceptionnel,
et en tout
cas)pas en tant que devin.
C'est pourquoi nous admettons,
avec
Taylor (§
250),
qu'on ne saurait,
même en l'absence d'une objec-
tion de poids,
établir avec certitude l'identification de l'Eu-
thyphron du Cratyle avec celui (154)
de notre dialogue.
(152)
suite
sage,
le roi,
le politique et le médecin.
C'est donc,
comme le
note Friedlander (op.
cit.p.
84) une position intermédiaire.
Dans
cette hiérarchie,
i l n'est pas question de l'étymologiste.
(153) Prodicos,
en particulier,
pourrait s'être occupé d'étymolo-
gie.
Sur son rapport précis avec Socrate,
cf.
l'excellent article
de Calogero, Gorgias and the Socratic Principle "Nemo sua sponte
peccat"
:1'\\
Journal of Hellenic Studies,
vol.
LXXVII,
1957,
pp.
12-17
(154) L'Euthyphron de notre dialogue a
peut-être cinquante ans
et son père soixante-dix.
En tout cas,
i l n'est pas un
jeune no-
vice) "but rather a mature years,
i f not mature judgment- ap.
Hoerber, op. cit.p.
95.
D'autre part,on a émis l'hypothèse
(cf.
Jowett,
loc.
laud.
p.86) qu'il peut avoir été le compagnon du
pythagoricien tardif Télangesdont parle Esd1ine de Sphe ttos in
Apologie
32e 2n.
327
§ 252.
Cependant,
i l est bien plus important de
savoir ce que représentait Euthyphron
(155)
du point de vue
religieux.
Jowett (156)
soutient qu'il peut avoir été membre
d'une secte.
En effet,
l ' I l e de Naxos passe pour avoir été un
des centres du culte dionysiaque;
d'autre part,
Paros, à six
mille de là,
était un centre pythagoricien. Grote le décrit ain-
si:
" .•• a man of ultra-piOvs pretensions,
possessing special
religious knowledge (either
from revelation directly to himself,
or from have been initiated in the various mysteries consecra-
ted throughout Greece),
delivering authoritative opinions on
doubtful
theological points,
and prophesy~~ events." (157). A la
suite de Grote,
Steinhart,
Jowett et Cornford (158)
considéraie"r
notre devin comme le représentant de l'orthodoxie. Leisegang
a exprimé avec netteté ce point de vue en déclarant qu'il était
"the type of a genuine and dangerous piety,
the same that cost
Socrates. his life ••• a fanatical
zealot
for
orthodoxy.w (159).
Heidel abondait dans ce sens en décrivant Euthyphron comme
·ultra-
orthodox·
(16~ et en parlant de son "extreme orthodoxy W(161).
(155) Sur l'étymologie du nom "Euthyphron",
cf. Chateau,
lac.
ciL
p.193.
(156) Loc.
cit.
p.85.
(157)
cf.
plato ••••
p.310.
(158) cf.
Hoerber,
loc.
cit,
p.98;
Hacha,
op.
cit.p.14.
(159) Cité par Guthrie in H.G.P.,
IV,
p.103.
(160) Op.
cit.
p.164.
328
§ 253. Mais cette notion d'orthodoxie est complè-
tement inintelligible pour un Grec et anachronique,
appliquée
à la religion grecque. Le fait que les mythes théogoniques aient
dû être parfois modifiés l'atteste suffisamment.
Selon Hérodote
(162),
Eschyle fut
le premier à faire d'Artémis la fille de
1
1
Demeter (163).
Séléné,
soeur d'Hélios chez Hésiode,
devient la
fille du Dieu Soleil chez Eschyle. Thémis qui,
dans la tradition.
est la fille de Gaia.
lui est assimilée dans le Prométhée (164).
c'est que la religion grecque consiste plus dans les rites et
le culte que dans des dogmes.
"It is.
l
think.
obvious that
Greek religion is primarily concerned not with dogma.
but with
ritual and cult observance,
and that in any attempt
to throw
the stress elsewhere we thereby
distort
the picture.· (165)
§ 254.
Au demeurant,
i l n'est pas de peu d'impor-
tance que la théogonie ne soit pas fixée avant Hésiode. Mais
malgré Hésiode,
une relative anarchie continuera de caractériser
(162)cf. Decharme,
loc.
cit.
p.101.
(163) Cette modification n'a cependant pas laissé de trace dans
les pièces qui nous restent.
(164) cf.
V 210.
(165) cf.
J. Gould, D.P.E., Cambridge University Press, 1955,
p.
12.
329
les mythes cosmogoniques et théogoniques. Mythes cosmogoniques
et théogoniques ne se constituent jamais ni n'engendrent un
corps de principes dogmatiques qui puissent être le fondement
d'une orthodoxie.
Certes,
comme on l'a dit
(166),
un certain
formalisme pointilleux n'est pas absent de la religion grecque,
mais i l concerne uniquement les pratiques rituelles et cultuQll~""
et non on ne sait quel dogme (167). On ne saurait,
en
conséquence,
considérer Euthyphron comme le porte-parole d'une
orthodoxie inexistante.
§
255.
A ces arguments généraux)qui récusent la
notion même d'orthodoxie comme étrangère à l'univers culturel
et religieux grec,
on peut ajouter les remarques spécifiques par
lesquelles Hoerber a contesté que l'on pût tenir Euthyphron pour
le représentant de l'orthodoxie. Ces remarques sont au nombre
(166) O.
Reverdin,
R.C.P.
p.238.
(167) Aussi bien,
est-ce une erreur de croire,
comme certains
commentateurs (R.S. Meyer in Plato's Euthyphro:
an example of
philosophical analysis.
Communication of the University of
S. Africa Pretoria,
1963,
p.5),
que le signe socratique n'est
pas conforme à l'orthodoxie;
c~ aussi, Hacha, p.13.
330
de quatre:
1) on se moque(168) de notre devin lorsqu'il parle
de la religion (
§§ 242;
243;
255;
477),
2) son procès contre
son père choque sa famille
(169),
3) il affiche des conceptions
supérieures à celles de la masse (170),
4) i l semble plus proche
du militant orphique que des croyances populaires (171).
§ 256.
Si Euthyphron ne peut être décrit en termes
d'orthodoxie ( §§ 253;
254;
255),
peut-il être considéré,
du moins,
comme un homme pieux? A cette question,
Friedlander apporte une
réponse négative.
En effet,
écrit-il:
W
Euthyphron expresses a
kind of pseudo-piety •• w (172).
Ce savant va même jusqu'à le
comparer à Thrasymaque:
wIn
fact,
strictly speaking,
Euthyphron
is closer to Thrasymachus,
the adversary of justice;
hence,
the
dialogue moves more in the direction of refuting than purifying
what
the opponent considers
to be the meaning of the virtue
under discussion. w (173).
Cette opinion est sans doute exagérée.
(168) 3cl.
(169) 4d6 sqq.
(170)
4e8 sqq.
(171) Le point de vue faisant d'Euthyphron le représentant des
croyances populaires remonte à Noumenios,
ap.
Eus.
in Prép.
Evang.
XIII, 5, 650. Ce point de vue n'est pas d'ailleurs tout à fait
faux.
(172) Ad.
loc. cit.,
2,
p.82.
(173)
lb,
p.82-83.
.--.'
331
Euthyphron est,
en réalité,
très éloigné de Thrasymaque. Celui-
ci se place ouvertement sur le terrain des Anti-Valeurs (174).
Il est en rebellion contre les Valeurs (175).
Par contre,
Euthyphron reconnait la valeur-Piété.
C'est même en son nom
qu'il prétend agir,
mais ce n'est précisément qu'une prétention
(§
475).
Il usurpe le nom de la valeur-piété au service d'une
cause plus que douteuse.
§ 257. Toutefois, on ne peut lui refuser,
pour
parler comme les juristes,
la présomption de bonne foi ( ~249).
Ses vues ne sont (§§ 262;
266) pas dénuées d'une certaine
hauteur (176),
quoi qu'on en ait dit (177).
Incontestablement,
sa conception de la piété ne paraît pas s'inscrire dans les
normes de l'époque. On peut s'en convaincre par les rires (178)
(174) A.V.
(175) Valeur est synonyme de Vertu dans notre terminologie.
(176) cf.
Zeigler in The Euthyphro revisited in P.P.Q, vol 61,
n03,
July 1980,
p.292:
"Cle&~ly Euthyphro is at this point mere-
ly affirming the view that it is always a crime to violate the
basic human right
to life."
(177) Par exemple, Rucker,
loc.
cit.
( §
249 n140).
(178) Si,
du moins, ces rires ne sont pas provoqués par l'allure,
l'accoutrement et les manières du personnage. qui devait être
haut en couleur.
j j l
que déclenchent ses prédictions (179). Représente-t-il,pour
autant, la "vieille piété" (180~ ou bien est-il en avance sur ses
contemporains, et sa position préfigure-t-elle ce que nous appe-
lons aujourd'hui les droits de l'homme? Pour régler ces questions,
il aurait été intéressant de connaître concrétement l'état des
relations entre Euthyphron et son père. Malheureusement, l'état
actuel de notre documentation ne nous autorise même pas des
conjectures sérieuses. Toutefois, Taylor avait déjà fait remar-
quer (181) qu'il n'y avait aucune raison spéciale de supposer
qu'Euthyphron en voulût à son père. Il se contenterait d'accom-
plir son devoir pour que nulle pollution (§§ 258; 262) ne restât
en lui mais éventuellement dans les autorités: "and he would pro-
bably feel
himself free
for
the future
to live in ordinary fami-
ly with his
father."
(182). Amsi.
d'après Taylor, le devin n'est
motivé par aucune considération d'humanité ou de droit civil,
mais uniquement par le droit re~igieux (183). De ce point de vue,
on ne saurait dénier à Euthyphron une certaine piété, bien inten-
(179)
Texte déjà cité, cf.
~242 n101.
(180) Hacha, ib.
p.19.
(181) P.M.W.
p.147.
(182) Idem; cf. aussi Hoerber. loc. cit, p.97:
" there is no hint
that
he hopes his
father
will
be condamned
for murder; he merely
expeCts that he and Socrates will
compute satisfactory in
their
respective trials."
(183) Ibid, p.149.
333
tionnée mais bornée,
contrastant fortement avec celle de Socrate.
wThe piety of Euthyphro,
well-intentioned but
unenlightened,
may lead to conduct
the reverse of pious,
as judged by the
standards of the new: and Socrates,
just because he discards
~raditional ideals and sanctions, is certain to be adjudged a
paragon of impiety. W (184).
Cependant,
l'importance de cette
question est telle qu'elle mérite d'être approfondie par un
examen attentif du principe d'Euthyphron.
3. Le principe d'Euthyphron (4b8-c5).
§ 258. On se rappelle (§
249)
que Socrate (185)
avait opéré la distinction entre parent et étranger,
pen~ant
que le devin n'irait pas jusqu'à poursuivre son père à cause
d'un étranger.
Euthyphron proteste contre cette distinction ridi-
cule (186) et impertinente. Car on doit faire abstraction des
liens de parenté et ne considérer qu'une seule question:
le
(184) Heide1, O.P.E.,
p.165~
(185) 4b4 sqq.
(186) 4b7:
rEÀolov .•••
.-_._-_._._-------
t
0'.,
........
f
t
~
334
meurtrier avait-il ou n'avait-il pas le droit de tuer? S'il
avait le droit de tuer,
i l a agi régulièrement;
s ' i l ne l'avait
) 1
pas,
c'est un délit et i l doit être poursuivi,
XXIX
e:av 1Te:p
( . ,
"
, c . ' : I r :
" \\ ' ,
o KTE1Vaf
OUVEOT10f 001
Kal
O~OTpa1TEl;;0f li (187). Car 100V yap
"
,
, "
""'"
""'"
1
ô"
, "
.....
1'0 ~lao~a Y1YVETal
Eav OUVDf
T~ T010UT~ OUVEl wf Kal un'a$00101J
,
, . , . . .
...
l
')
,
oe:aUTOV TE Kal
EKE1VOV TU Ô1Kn
E~E~lWV (188). Certains interprè-
tes mo~ernes approuvent la démarche d'Euthyphron. D.A. Rohatyn
écrit:
nHe knows that he is doing
the right
thing by prosecuting
his father
for murder, hence impiety: he knows that this is no
1ight matter;
he knows that i t wou1d be wrong to refrain
from
prosecution, mere1y because i t is his tather,
since Euthyphro
be1ieves in
the equa1ity (or equa1 right
to lite) of a11 men,
slaves as weil as
free,
friends as much as enemies, relations
or strangers. n (189).
§ 259. Mais la question est complexe. Elle fait
appel au réglement d'une importante question juridique. Euthy-
phron pouvait-il,
légalement,
se constituer partie civile? Grote
nous apprend que
nAccording to the Attic law every citizen was
bound,
in case any one of his relatives (~ÉXPlf &ve:WlaôwV) or
(l87) 4b10-c1.
(l88) 4cl-3.
(189) Cf.Dialogos, IX, 25, Novembre 1973, p.147; cf. aussi G.
n
Zeigler in PPQ, 61,
3,
1980 p.292: dearly Euthyphro is at
this
point merely atfirming the view that i t is always a crime
to vio-
late the basic' human right
to lite.nC~. ~ 2Ç1(r~?>~) ;\\1l'1bj_
335
.
=',
)
any member of h~s househo1d (OlKETnr
had been put
to death,
to
come forward as prosecutor and indict the murderer.
This was
binding upon citizen a1ike in 1aw and religion." (190).
Il faut
donc savoir si la victime est un parent d'Euthyphron.
En fait,
il n'existe aucune relation de parenté entre Euthyphron et la
victime qui est un simple mercenaire (
§§ 263;
266). L'état de
mercenaire est très différent de celui de l'esclave,qui fait
partie de la maisonJet dont le maître peut prendre en charge la
défense. En effet,
à travers l'esclave, c'est le maître lui-même
qui est affecté et lésé.
On peut penser que n'étant ni parent
de la victime ni son maître,
Euthyphron n'a aucune autorité à
initier une ô{Kn ~6vou.
§ 260. D'autre part, ce qui ne laisse pas d'éton-
ner,
c'est qu'Euthyphron n'ait pas cru devoir,
alors qu'il s'agit
de son propre père,
recourir à l'a~ôE01J (191), qui constitue
un arrangement entre les parents de la victime et le meurtrier,
lequel donne une réparation de son crime.
Lorsque le crime avait
été commis au sein de la famille, "il n'était guère concevable
que celle-ci recourût à la justice de la Cité et lui livrât
le
coupable. w (192).
Pourtant,
Euthyphron prend directement le contre-
(190) Ibid.
p.312 nd avec renvoi à D~mosthèn~
Cont.
Everg.
et
Mnésibul. p.1l61. Jul.
Pollux,
VIII,
118;
o. Reverdin, R.C.P ••
p.170; Hoerber,
loc.
cit,
p.97.
(191) O. Reverdin,
RCP.
p.201
(192) Idem.
~-
336
pied de cette tradition lorsqu'il s'écrie: XXX
tâv nEp ~
(
"
, ( ,
3::(
(
~te:lvaf OUVe:OT10f 001 Kat ojJoTpane:r;of ~I
193)
§
258). Le devin
se réfère-t-il,
ce disant,
à une conception bien plus vieille,
qui n'aurait pas encore pris en charge,
du moins dans ce domaine,
la distinction fondamentale,
dans la culture grecque, entre
parents et étrangers? Une telle conception parait peu probable
et n'a,
en tout cas,
pas été attestée. Ou bien s'agit-il d'une
distinction niée par une secte à laquelle il aurait appartenu?
Si cette conjecture ne peut être écartée, elle manque encore de
fondements historiques. Ou bien, enfin,
s'agit-il d'une concep-
tion toute personnelle d'Euthyphron? Sa personnalité un peu mar-
ginale et
"haut en couleur" (§
257 n178) autorise à ne pas l'écar-
ter tout à fait.
Comme on le voit,
la question n'est pas aisée
à trancher et reste encore largement ouverte.
§ 261.
Mais,
s ' i l est vrai que le
"$OVOI wes a
private wrong which concerned primarily the
family of the slain·,
(194) Euthyphron introduit dans son "affaire" l'aspect religieux
(193) 4b10.c1.
Chateau,
loc.
cit,
p.56 écrit qu' "Euthyphron répond
avec
véhémence en niant la
valeur de cette distinction
fondamep.-
tale de la culture grecque entre les
"parents" (les êtres liés
par la
philia) et les
"étrangers":
lui,
c'est cela qu'il
trouve
"risible",
ridicule,
fou
(4b)".
(194) Burnet,
EAC,
p.83.
337
comme dimension fondamentale.
A cet égard, le lecteur de notre
dialogue peut s'étonner légitimement que le devin ne mentionne
nulle part qu'il ait effectué la npoppnolf . En effet, comme
l'écrit L. Gernet (195)~" la poursuite judiciaire en matière
d'homicide débute par un rite traditionnel qu'on appelle la
npoppno1f: l'accusateur, qui fait office de vengeur, prononce
une "interdiction" contre le meurtrier,
c'est-à-dire qu'il lui
enjoint de ne plus paraître dans les sanctuaires ni dans les
lieux publics.· Du reste,
"A l'époque classique encore,
bien
qu'elle soit un acte purement privé et m~me d'une partialité
éclatante,
l'interdiction conserve tout son effet en principe.
Dans la procédure pourtant, ses destinées sont assez caracté-
ristiques.
Le droit,
qui en a hérité,
lui attribue,
de son chef,
la m~me valeur qu'à une citation: il l'intègre en quelque sorte
au système
judiciaire." (196)
§ 262. Cependant, même sans recourir à la ~pOppnal[
:.z:
ou à d'autres rites sacrificiels et expiatoires (197), Euthyphrorr
n'en met pas moins en valeur la motivation religieuse qui l'ins-
pire. Car sa principale motivation est, semble-t-il, de laver
(195) Anthropologie de la Grèce Antique, Paris, Maspéro,
p.22I.
(196) Ibidem,
pp.227-8.
(197)Chateau, op. cit. p. 56.
338
la souillure (~{QO~Q) (198) née du crime. Or l'homicide est bien
1
un acte sacrilège (199).
Il Y avait donc souillu~~
et le devin
n'avait pas tort de craindre la contamination (200)
parce que,
dit Grote,
"Respecting the ~{QO~Q, which a personJwho had commit-
ted crimina1
homicide was supposed to carry about with him wheA-
ever he went,
communicating i t both
to places and to companions
••• ".(201). Aussi bien,
Euthyphron n'exagère-t-il pas en insis-
(198)
4cl.
(199) Chateau,
op.
ciL
p.
56.
(200) La contagion et l'hérédité du miasme sont introuvables chez
Homère,
cf. Dodds,
G.I,
p.36:"There is no trace in Homer of the
be1ief that pollution WBS either infections or hereditary.· Par
contreJelles apparaissent chez Hésiode. Comme l'a montré Glotz
(S.F.,
p.229),
à l'époque homérique, le miasme est seulement ma-
tériel et non moral:
"Le guerrier ou le meurtrier ne songe qu'à
se débarrasser de la t~che rouge qui l'emp~che d'entrer en rap-
port avec les dieux." Même chez Hésiode (ib,
p.231
n3),
i l n'est
question que de miasme matériel. D'ailleurs,
la première mention
d'une purification pour homicide se trouve dans l'Aithiopis d'Arc-
tinos de Milet (VIII):
" On y voit Achille Obligé,
après le
meurtre de Thersite,
d'aller à Lesbos pour se soumettre à des
purifications ••• "
(ib,
p.231).
(201)
lb.
p.312 ne.
339
tant sur le danger attaché au miasme (202) résultant d'un crime.
"In ear1y Greece,
the ki11ing of a man brought automatic po11u-
tion
(miasma)
on the ki11er and his who1e fami1y,
and on the
dead man's fami1y unti1
they hade done a11
they cou1d to avenge
his death."
(203). C'est que la souillure "atteint d'abord le
meurtrier;
c'est un germe redoutable.
Celui qui le porte doit
tout
faire
pour le détruire avant qU'il ait déployé ses effets
(202) cf. Chateau,
ib,
p.56:
i l est infectueux,
éco1ogique-
ment et génétiquement ••• w; cf. aussi,
sur le miasme)P.M.
Schuhl,
Essai sur la formation de la Pensée Grecque, Paris, Alcan,
1934.
p.29 sqq.
(203) cf. Guthrie, R.G.P.,
IV,
p.109,
qui voit, au demeurant, en
Euthyphron~le représentant de cette tradition conservatrice per-
,
sistante; Glotz,
S.F
p.
232 remarque que:
"La souillure attachée
t
au crime en fit
désormais un objet d'horreur.
Cette tâche
tenace
et contagieuse. malheur à qui en était maRqué •••
Il suffisait,
pour la contacter,
de manger à la m~me table, d'habiter sous le
m~me toit, de le toucher, m~me d'un geste involontaire. Sa pré-
sence dans l'agora,
dans les temples,
en tout lieu public ou sacré~
vouait la cité entière à la malédiction des dieux.";
sur le
Wun iversa1
fear of pollution",
cf. Dodds,
G.I,
p.35.
r
340
t
néfastes (204)." Dès·lors,
le meurtrier aussi bien que ses pro-
ches, et m~me ses fréquentations, sont tous également concernés.
De sorte que, l'attitude d'Euthyphron à l'égard de son père,
pour
répréhensible qu'elle puisse paraître à certains égards ( §§ 270;
271) n'est plus inintelligible ou absurde pour nous. S'il entame
J
une procédure judiciaire,
sa logique est fondamentalement reli-
gieuse et vise à la purification de son père (205). Mais nous ne
(204) O. Réverdin, R.C.P,
p.184.
(205)
"The argument here employed by Euthyphron is used also by
the Platonic Socrates in the Gorgias 480 c-d.
If a man has com-
mi~d injustice, punishment is the only way of curing bim. Tàat
he should escape unpunished is the worst thing that can happen
to him. If you yourself, or your father,
or your friend.
have
committed injustice. do not seek to avert the punishment either
from yourself or them,
but rather in voke i t . This is exactly
what Euthyphron is doing.
and the Platonic Sokrates
in dialogue
Euthyphro.
calls in question" cf. Grote,
ib. p.
312 n:e. Sur ce
dernier point.
nous avons déjà fait observer que la mise en ques-
tion socratique ne portait pas sur le principe même d'accuser son
père ( § 249 nI41);
le texte 480c-d auquel renvoie Grote est
bien commenté par Yvon Lafrance dans La Théorie platonicienne de
la Doxa, Bellarmin (Montréal)1 Les Belles Lettres (Paris)
p.72-73:
"Le coupable.
au contraire,
devrait se présenter devant ses juses
comme le malade devant ses médecins,
s'offrir à eux les yeux
341
pouvons guère aller plus loin sans prêter attention à l'exposé
des faits.
4. Exposé des faits (4cS -
d6).
§ 263. La victime est un mercenaire (nEÀaTnJ) au ser-
vice d'Euthyphron, à Naxos (206), où i l travaillait la terre
comme journalier (207). Un jour,
probablement au cours d'une beu-
verie, ayant bu plus que de raison,
i l se battit avec un des
~
serviteurs de la maison (TWV OtKETWV
(208)
~ qu'il égorgea
(209). Le père d'Euthyphron le fit lier pieds et poings,
jeter
dans une fosse et envoya chercher l'exégète (210). Mais avant
(205) suite
fermés, sans nul souci de la douleur,
mais ayant
uniquement en
vue le beau et le bien.~cf. aussi Brochard in Etudes de Philo-
sophie ancienne et moderne,
Paris, Vrin,
p.187-8;
ShoreY'~1 P.
S., p.75.
(206) Sur l'Ile de Naxos, cf. Allen, Plsto's Euthyphro .••
p.21.
(207) 4c5.
(208) 4c6.
(209) idem.
/
(210)
" ••• the canonical adviser,
supposed to be conservant
with
the divine sanctions,
whom i t was customary to consult when doubts
r
342
l'arrivée de l'èxégète,
le meurtrier, abandonné à son sort,
c'est-à-dire aux méfaits du froid,
de la faim et des liens qui
l'enserraient,
rendit l'âme (211). Tels sont les faits exposés
par Euthyphron.
Ils suscitent plusieurs interrogations.
§ 264. La première concerne la réalité historique
des faits allégués. Les faits ont-ils eu lieu ou bien Platon
les a-t-il inventés? Taylor et Jowett (212) admettent l'histori-
cité des faits.
Jowett, en effet, écrit:wAn incident wbich may
perhaps really have occurred in the'family of Euthyphro,
a lear-
ned Athenian diviner and soothsayer,
furnishes
the occasion of
the discussion
(213).w Selon Hoerber,
il n'y a que deux possibi-
lités: ou bien Platon a recours à un
wcl ear case of anachronism
as a hint that the account in the dialogue is not to be inter-
preted as historyW, comme dans le Ménexène,
ou bien
WEuthyphro is
bringing charges against his father concerning an event which
occured at least five years previous. W (214). La seconde solu-
(210) suite
arose about sacred things ••• w: Grote,
ib,
p. 311; Allen,
lac. cit.
pp. 18-19 nI; Geach, Plato's Euthyphro: An analysis and commenta-
EY, Monist, Vol 50, n03, July 1966, p.370.
(211) 4d3.
,
(212) Hoerber,
ln Phronesis, ib, p.96.
(213) Jowett,
ib,
p.67.
(214) Loc. cit.,
p.97. Selon Hoerber, cette seconde solution
s'accorderait mi~ux avec la description d'Euthyphron et l'âge de
son père
wat the dramatic date of the dialogue. W
r
343
tion est plus probable (cf. n 214): les faits paraissent trop
singuliers pour être nés dans l'imagination de Platon. Etant
donné le statut du père et l'autorité dont il jouissait encore
à l'époque classique ( §§ 246; 247; 248), Platon aurait peut-
être été soupçonné lui-même d'impiété en relatant de tels "faits"
(215) sans aucun fondement réel. Néanmoins, l'argument le plus
décisif en faveur de l'authenticité. des faits est lié à l'histo-
ricité ( §§ 250; 251) du personnage d'Euthyphron. Si Euthyphron
est un personnage réel, les faits rapportés doivent être réels,
à un degré ou à un autre. Autrement, Platon aurait certainement
été accusé de calomnie à l'endroit d'Euthyphron. Et comme, il
est probable que celui-ci vivait encore vers la date présumée de
la composition du dialogue (§ 217)~ on imagine aisément le scan-
(215) On peut,naturellement, objecter qu'Aristophane, dans une
scène des Nuées, montre Phidippide battant son père et même,
se déclarant prêt à fai~e de même avec sa mère (
§ 248 n139).
A quoi on peut répondre en soulignant une double différence:
1) à la différence de Platon, Aristophane est un comique qu'on
ne peut accuser de sympathie pour les idées révolutionnaires et
2) à la différence de Platon, Aristophane, en règle générale
(exception: par exemple, Socrate), met en scène des personnages
fictifs.
344
dale qu'il n'aurait pas manqué de créer en se voyant ainsi mis
en scène par Platon.
§
265. L'historicité (216) des faits étant admise,
il reste à déterminer leur date. Nous savons qu'ils se sont
déroulés à Naxos (217). Cette île était une clérouchie fondée
vers 453 (218). Mais comme presque toutes les clérouchies,
l'île
avait été perdue par Athènes,
en 404"après
sa défaite consécu-
tive à'la fin de la guerre du Péloponèse (219).
Il est,
par con-
séquent,
peu probable que les faits se soient déroulés après 404,
car Naxos ne, relevait plus de l'autorité judiciaire d'Athènes.
C'est du reste le point de vue de la plupart (220) des commenta-
teurs. On peut donc tenir pour hautement probable que les faits
se sont, en tout état de cause,
déroulés entre 453, date de la
fondation de la clérouchie de Naxos, et 404, date de sa perte.
Plus diff~cile, en revanche, est la question de savoir quand
fut déposée la plainte d'Euthyphron.
Faut-il admettre, coame y
(216) cf. Supra.
(217) 4c5; et Allen,
loc.
cit. p.21.
(218) cf. Hacha, op. cit.
p.9.
3
(219) cf. Bréhier, H.P.,
If Paris, PUF,
1981
,
(1931; 1938),
p. 87.
(220) Hoerber,
loc. cit.,
p.97 et Guthrie,
HGP,
IV,
p.l02.
-,
345
invite le dialogue,
qu'elle est contemporaine de la plainte de
Mélétos et,
par conséquent,
du procès de Socrate? La principale
difficulté de cette conjecture, que personne n'a jamais levée,
est de savoir comment et pourquoi Euthyphron attendrait 399 pour
porter plainte au sujet d'un événement qui se serait déroulé au
plus tard en 404, c'est-à-dire cinq années plus tôt. Le délai
est trop long (221) pour être vraisemblable. De plus, étant don-
né la gravité de la souillure résultant de l'homicide (
§§ 261;
262» les risques de contagion (
§
262; n200 et n202) que craint
Euthyphron,
il serait invraisemblable, et même absurde, qu'il
eût attendu cinq ans pour porter plainte contre son père (222).
Ainsi,
i l parait bien plus simple ( § 19) de lire dans la conte.-
poranéité des deux affaires,
supposées parfEuthyphroD, un arti-
(221) Hacha écrit, avec raison, qu'-Il est impossible ( •••• )
de croire qu'Euthyphron ait attendu cinq ans avant de déposer
sa plainte.- op.
cit.
p.25. Et, de toute façon,
dans cette
hypothèse,
le problème de la juridiction compétente se poserait.
Car, en 399, Naxos n'est déjà plus sous la juridiction d'Athènes,
bien ~ue les faits remontassent à une époque où elle y fut encore_
(222) Aurait-il vécu pendant tout ce temps avec son père,
s'ex-
posant ainsi,
des années durant, à la contagion d'un miasme
qu'il considérait comme particulièrement grave?
346
fi ce littéraire,
un anachronisme (223) voulu pour les besoins
de la mise en scène du dialogue. En ce sens,
l'Euthyphron ne
doit être regardé comme un document historique (224) qu'avec
beaucoup de précautions, et en tout cas,
à titre adventice.
§ 266. En dehors de leur historicité ( §264) ou de
leur chronologie (§
265),
les faits en eux-mêmes doivent être
analysés. La victime est un ~EÀ~Tnf ( § 263), c'est-à-dire un
prolétaire Wobligé de gagner sa vie au service d'autrui:
ce qui
à Athènes s'appelait être un thête. W(225). Elle est)elle-même~
coupable d'un homicide sur la "personne" d'un domestique de la
, ; J
...
famille,
probablement un esclave. L OtKEtOf, au sens large.
est
celui qui appartient à la famille
(226). S'il s'applique bien à
(223) On sait que Platon ne s'embarasse pas de scrupules pour
utiliser des anachronismes: cf. notre E. T • A. P.: §§
16; 18;
19 (084)
( pp36-40). c~ aussi M. Henderson, Plato's Menexenus and the dis-
torsion of the history in Acta Classica,
18,
1975,
pp. 25-46 et
Ch. H.
Kahn: Plato's general oration:
the motive of the Menexeous
in Classical Philology, 58,
1963,
pp.220-234.
( 224) cf. no t r e E. T • A• P ., §
1 7,
pp. 34- 3 6 •
(225) Robin, Platon,
ib.
p.
354 n3 ( p.129~ Burnet, E.A.C.,
p.l04.
(226) Hacha,
loc.
laud.
p.20.
347
l'esclave,
par contre,
i l ne peut s'appliquer au nEÀaTnJ. Au
plan strictement juridique, Euthyphron ne peut s'occuper des inté-
rêts du mercenaire au terme des Lois de Dracon qui disposaient
que le poursuivant devait déclarer, par serment,
être le parent
de la victime (et en préciser le degré),
ou bien son maître
(
§ 259)
(227). Mais le problème n'est pas strictement juridique,
du fait de la dimension essentiellement religieuse (§§
261;
262)
que lui affecte Euthyphron et qui est liée à la crainte de la
souillure. Ainsi,
ce n'est pas proprement le mercenaire qu'il dé-
fend;
i l agit ès qualité,
car i l subit un préjudice. En effet,
(227) Il est intéressant de rappeler le plaidoyer de Démosthène
contre Evergos. La nourrice de Démosthène,
une vieille fem.e,
a
été battue à mort, et il désire la venger. Les exégètes qu'il
consulte lui signifient qu'il n'en a pas le droit. Alors i l va
lire les lois de Dracon qui stipulent les dispositions précitées
(supra). Or, la vieille femme étant affranchie,
s ' i l ·songeait à
faire assimiler les droits du patron à ceux du mattre, il devait
s'attendre à des objections d'autant plus graves,
que l'affran-
chie était en puissance de mari,
puis devenue veuve.) cf. Glotz
in S.F.,
p.375-376, qui souligne d'ailleurs, p.376 nI que
·c'est
par une assimilation de ce genre que s'explique l'anecdocte ••••
peu conforme aux réalités juridiques,
qui se l i t dans l'Euthy-
u
phron.
" , -
. Il!
-W
--,
-
'-- fln fIlT
1
,-
- 1
-
-
-
- lit'
348
Wcette souillure lui a causé préjudice,
et c'est en vertu de
celui-ci qu'il a le droit d'agir contre son père par la voie ju-
diciaire. W (228).
§
267. De son côté,
le père d'Euthyphron avait-il
le droit de traiter le mercenaire comme i l l'a fait
( § 263) en
,
CI
\\
...
attendant de savoir ce qu i l doit faire:
0
i l
xpn (229) ~OtElV
(230)? Il Y a donc lieu de se demander,
avec Fried1ander,
s ' i l
est concevable
wfor the father
to throw the prisoner into a
ditcb
and there abandon him with hands and feet
tied
and in the
mean while to inquire in Athens how he should handle the prisoner?-
(231). Selon lui,
"Plato wants to make clear:
the laborer com-
mits a crime; Euthyphro: 's father acts criminally,
though seemin-
gly according to law; and Euthyphro does something that is in
contrast
to aIl moral
" (232). Cependant,
on oublie trop souvent
que,
dans cette affaire, i l y a deux victimes. La première est
(228) Hacha, lac. cit.
p.24.
Il
\\ 8
(229) cf.
l'apparat critique de Croiset qui porte:
dl xpn
:
XPEln 82 TW". En réalité, xpn semble une correction d'un xPEln
original. DJqui est une copie de BJPorte XPEln. Les manuscrits
/
TW portent xpn. D'où, comme le note Burnet (EAC,
p.l07):-Croiset's
critical note inverts the facts."
(230) 4dl.
(231) Fried1ander, ad.
lac.
ciL,
p.83 nI.
(232)Ib,
p.83 nI.
(p.3l1).
sans doute l'esclave de la famille,
en particulier du père
d'Euthyphron (§
263). Or,
d'une part "La situation de l'esclave
est comparable à celle de l'enfant mineur. C'est que l'esclave
fait
partie (233) de la famille.
On ne refuse pas toute person-
nalité à cet instrument de travail,
qui est tout de même un être
humain." (234).
D'autre part,
le meurtre d'un esclave n'est pas
vengé par sa famille naturelle mais par sa famille légale (235).
Donc, de toute façon,
si la victime était l'esclave de la fa.ille~
l'action du père d'Euthyphron était bel et bien légale (236).
§
268. Et) comme le remarque Allen:
- lt is not expl i.-
citly said that
the murderer of the slave was taken in the act,
though Euthyphro's description suggests this.
If that were 50.
Euthyphro's father had the legal right
to execute the murderer
on the spot:
sending to the Exegete for instruction under tbese
circumstances was an act of unusual scrupulousness.- (237). !
cet
égard,
le père d'Euthyphron serait moins blâmable qu'on
(238) ne
l'a cru. Le déclenchement de l'instruction a pu être interprété
,
;)...
§
(233) C est un OlKE10!:
cf.
266 n226.
(234)Glotz, S.F.,
p.175.
(235) lb.
p.176.
(236) cf. Burnet, E.A.C ••
p.104:"Euthyphro's Eather acts quite
correctly,
since the murdere~
man was his slave.-
(237) Op. cit.,
p.21.
(238) Jowett, loc.
cit.
p.70
1
350
comme au moins une indication de l'absence de flagrant délit
dans le cas d'espèce (239). Mais le déclenchement de l'instruc-
tion peut s'~tre fait malgré le flagrant délit. De toute façon,
la loi n'accorde au meurtrier aucun droit inaliénable à un procès
en vertu d'une sorte de présomption d'innocence,
comme en droit
moderne.
En réalité,
la législation attique était
wcloser to the
code of blood-feud in these matters,
and more direct.· (240).
Il ne convient pourtant pas d'oublier que,
malgré la persistance
de certaines traditions (241),
à partir de Dracon et de Solon
(Vllème-Vlème siècle), c'est-à-dire depuis l'avènement de la
société juridique et étatique,
on n'a plus le droit de venger
un meurtre par un autre (242).
Il n'empêche que,
quoi qu'on en
(239) Allen,
loc.
cit.
p.22.
(240) cf.
Allen,
ib.
p.22.
(241) Guthrie,
H.G.P.,
IV,
p.109: walthough by the time of Socra-
tes the law,
and the idea behind had moved considerably in a
more rational and civilized direction,
the old superstitions
had not died. w
(242) J.Y.
Chateau,
loc.
cit.,
p.59.
La loi attique laissait la
possibilité,
en cas de meurtre d'un parent,
d'une action en jus-
tice ou d'une transaction.
Par contre,
le droit romain oblige à
déférer le meurtrier. C'est la tradition du droit romain que per-
pétue le Code Civil lorsque,
en son article 1727,
i l rend indigne
de succession tout héritier majeur qui ne dénoncerait pas le
meurtre dont il serait instruit;
cf.
Glotz,
S.F.,
p.376.
1
351
ait dit (243),
l'action du père d'Euthyphron s'inscrivait dans
,
les normes,
sinon de la loi, du moins de traditions légales
encore persistantes.
§ 269. Dans ce contexte,
i l est loisible de se
demander si l'action intentée par Euthyphron prêtera à consé-
quence. Après avoir noté que le devin ne manifeste aucune inimi-
tié personnelle à l'égard de son père (244), Hoerber pense,
avec
Taylor (245),
qu'elle ne prêtera pas à conséquence. Dans son
article du Monist déjà cité, Geach fait montre du même optimisme:
"Since the attitude of Euthyphro's relatives in the matter was
likely to be shared by others and since Euthyphro know tha~ his
own religious attitude attracted derision rather than respect,
we may suppose Euthyphro to be weIl aware that his fatber would
not in
fact
be in any serious legal danger:
the prosecution is
just a gesture." (246). Cependant,
l'argumentation de Geach est
(243) cf. n238.
(244) Hoerber,
loc. cit.,
p.97:
"he calmly states the fac~s, witb
no emotional appeal
(4b-d)"i Taylor in P.M.W.,
p.147.
(245) lb,
p.
147:
"Euthyphro had no case and was probably oon-
suited by the Basileus,
but l
would add that in aIl
probability
Euthyphro himself counted on this issue."i
Burnet, E.A.C.,
p.24.
(246) p.370.
352
doublement défaillante: d'abord, parce qu'elle oublie le passage
4b9-c3, où Euthyphron fait remarquer que, si Mélétos s'avisait
de le poursuivre devant le tribunal, il gagnerait le procès;
ensuite, elle sous-estime la volonté du devin de se laver de la
souillure en gagnant son procès. De sorte que l'on peut penser
que s'il avait conscience, dès le départ, d'engager un procès
perdu d'avance, il n'aurait pas poursuivi son père et se serait
contenté de rites sacrificiels et expiatoires (
§§
260; 261;
262). Si Euthyphron est débouté dès l'instruction, ce sera parce
que l'archonte-roi ( § 223 n14),refusant de considérer la pré-
tendue motivation religieuse, ne tiendra compte que de l'inca-
pacité juridique d'Euthyphron à se constituer poursuivant, pour
un tiers, dont il n'est ni le parent, ni le maître (
§ 266).
Aussi bien, nous accorderons-nous volontiers avec Allen pour
dire que:wSince now known of Attic law indicates that employer
could serve as a plaintiff in suchcases, i t is possible that
the king in preliminary hearings refused to bring the suit to
trial. W (247). Peut-être alors la prétention du devin n'aura pas
dû impressionner le juge, pas plus du reste que ses propres
parents.
(247) Allen, loc. cit., pp.20-21.
353
5. La prétention du devin (4d6-5a2)
§
270. Comme on pouvait s'y attendre (§§ 245;
246),
les parents (248) d'Euthyphron non seulement n'approuvent pas
sa décision, mais s'en indignent même (249). Ils articulent
trois arguments pour tenter de dissuader le devin d'entamer une
action judiciaire contre son père. Le premier (250) est un argu-
ment de fait, qui prend le contre-pied de l'accusation. Les
parents d'Euthyphron nient,
en effet,
que son père ait tué le
mercenaire. Cela n'implique pas nécessairement qu'ils contes-
tent le déroulement des évènements tel qu'Euthyphron les décrit
(
§ 263). On peut deviner toutefois l'interprétation sous-jacente
à cet argument. Dans la mesure où le mercenaire a coamis un
crime,
le père d'Euthyphron avait le devoir légal et moral de
le neutraliser et de l'immobiliser quelque part,
en attendant
que l'exégète puisse l'éclairer sur la suite à donner aux événe-
ments. Comment laisser un tel criminel en liberté? Si,
donc, le
(2~8) y compris son propre père, naturellement.
(249) 4d6 sqq.
(250) 4d8 sq.
- - - - - - - - - - - -------- ---------------
354
criminel est mort des suites de cet état où on l'a mis légale-
.
ment, le père d'Euthyphron ne peut en être tenu pour responsa-
ble. Il n'a point commis d'homicide ni délibérément ni acciden-
tellement (251). On peut même aller jusqu'à s'imaginer les
parents d'Euthyphron alléguer que la mort du mercenaire ne serait
que l'expression de la sanction divine.
§
271. Le second .(252) est un argument de droit,
qui admet l'hypothèse d'Euthyphron. A quoi il répond qu'en admet-
tant que le père d'Euthyphron ait tué le mercenaire, celui-ci
(251) Il faut écarter, en effet, ces deux cas, car dans la légis-
lation grecque, on ne distingue pas entre l'acte intentionnel
et l'acte inintentionnel. On ne considère que l'acte en lui-même.
W
Greek mythology hardly admitted of the distinction between
accidentel homicide and murder:
that the pollution of blood was
the same in both cases in also the feeling of the Athenian divi-
ner. W cf. Jowett,
loc. cit, p.71. Il faudra attendre Dracon
d'abord (cf. Glotz in Etudes Sociales et Juridiques sur l'Anti-
quité Grecque, Paris, Hachette, 1906, p.43), puis Platon (par
exemple Lois, 864d) pour que l'intention soit envisagée dans la
qualification d'un délit. Cf. aussi, O.Reverdin, ad. loc. cit.
p.177.
(252) 4d9-10.
355
est coupable d'homicide. Le soubassement de cet argument serait
dQuble: d'une part, le père d'Euthyphron représente la famille
légale (§
267) du serviteur égorgé et a, par conséquent, quali-
té à agir en son nom; d'autre part, on convoquerait une tradition
persistante (
§ 268) qui,
loi du Talion, autorisait à répondre
au meurtre par le meurtre.
§ 272. Enfin, le trois.ième argument est moral et
religieux: il est impie, pour un fils,
de poursuivre son père
(253). L'attitude d'Euthyphron, si elle est interprétée à partir
d'un texte bien connu du livre onze des Lois qui met le culte
dû aux parents en relation avec celui des dieux (254), apparaît
comme une entorse non seulement à la piété filiale, mais encore
à la piété tout court (255). Ainsi Euthyphron se trouverait pris
dans son propre jeu
celui de la piété. Il se prévaut de la
piété: on la lui oppose. Qui plus est, ce troisième argument
est offensif: on l'accuse, à son tour, d'impiété. D'accusateur,
il devient accusé. Dans ces conditions, sans pouvoir l'affirmer,
on ne peut cependant exclure que les parents d'Euthyphron aient
envisag~ d'engager, à leur tour, des contre-poursuites judi-
ciaires.
., ,
' t
, ( \\
"
(253) 4d10:
XXXI
aVOOlOV yap E val
TO UOV naTpl
~OVOU
(254) 931a sqq.
(255) Chateau,loc. cit. p. 53 sqq.
356
§
273. Mais aux yeux d'Euthyphron,
ses parents
de
sont totalement incompétents pour déciderTce qui est pieux ou
i
-
:>ô'
: l I l '
:1
impie selon la divinité:
XXXII
KaKW! Et OtEJ
W LWKpatEJ
)
)
1
. . . . .
" 1
_e.,
,
..
_)
,
tO 8EtOV (256) wJ EXEt tOU OOtOU tE TIEpt Kat tOU aVOOtOU (257).
La prétention d'Euthyphron est d'être dans le secret des dieux.
(256) La remarque de Burnet selon laquelle tO 8Elov -has 8
suggestion of monotheism W (E.A.C.
p.l07) est totalement inadmis-
sible. Burnet ne prend même pas garde que ce terme est placé
dans la bouche d'Euthyphron que l'on ne peut soupçonner de mono-
théisme et qui,
au contraireJest un partisan chevronné du poly-
théisme traditionnel. D'ailleurs, en règle générale, essayer de
voir dans l'Euthyphron un projet monothéiste (§§ 338; 406)
est
une simple vue de l'esprit. On ne saurait non plus accepter la
,
conjecture de Schanz (ap •. Burnet, ib,
p.l08) selon laquelle to
'" (/
8El0v serait une corruption de tO OOtOV;
à notre avis, le texte
n'aurait plus aucun sens si l'on suivait Schanz. D'ailleurs,
la
c
..
'
_
"
réponse de Socrate, 4e3 sq.
(XXXIII
•••• 0UtWOt aKptBwJ OlEt
,
..
_
,
~('I
..
_
c ,
. . ' ,
ETItota08at TIEpt
tWV 8EtwV.OTIn EXEl
Kat
twV OOtwV tE Kat aVOOtwv
•••• ) qui reprend la référence aux dieux (twV 8Elwv) mon-
tre bien que Socrate a compris t6 8El0v et non pas tb 301ov.
Aussi bien, Marcel Ficin n'hésitait pas à traduire:
ius divinu.
(ib,
108). Mugnier (in Le sens du mot 13~ros
chez Platon,
pp.25-
26)
traduit par Wjugement des dieux":
id. ap.
Budé p.188 et
fiT
'Ir' MlN Pt' 'X trorzterwrs
!
'rtt
1
"
, ..,
FŒ'
"'"'
357
Il croit connaître les jugements des dieux au sujet du pieux
et de l'impie.
Il ne craint donc nullement qu'étant donné les
faits qu'il a rapportéS (258)
(§
477), les dieux n'en arrivent
à juger son action impie (259). Le devin reste égal à lui-même,
tel qu'il nous est apparu,
vaniteux ( § 242) et imbu de son
pseudo-savoi~. Il prétend qu'il ne se distinguerait en rien de
la masse (TWV nOÀÀwv ~v8pwnwv (260) ) s'il ne connaissait préci-
, ...
,
~
...
sément les affaires divines:
€lUn
Tà TOlaùTa naVTa aKplBwJ
(256) suite
Chambry,
p.
189; Robin ap. Pléiade,
p.355,
traduit
·point de vue
religieux· et Chateau, loc. cit.
p.13:·religieusement-. Les tra-
ductions de Robin et de Chateau, sans être fausses,
présentent,
par rapport aux premières,
le défaut d'être amphiboliques.
(257) 4el-2.
(258) Nous attirons l'attention sur ce passage (4e5): XXXIV
,
'"'
,
' ù '
TOUTWV OUTW npax8€VTWV
wJ cr
À€Y€lJ
••• qui suggère non seulement
que la relation d'Euthyphron est objective, mais encore,
par
l'observation qu'en tire Socrate (4e6-7),
que l'interprétation
du devin,
dans le contexte juridico-re1igieux de l'époque.
est
abusive et marginale.
(259) 4e6-7.
(260) 5a1 et sur la masse,
cf. notre E.T.A.P.,
pp.
121-133.
1
358
~
,
E1ÔElnV (261).
Au seuil de son procès, comment Socrate aurait-
i l pu échapper à la tentation de s'instruire auprès de cet ex-
pert ès Théologie?
6. Socrate, disciple d'Euthyphron (5a3-c8)
§
274. Il ne reste plus,
en effet,
à Socrate qu'à
se transformer en disciple d'Euthyphron.
Ainsi,
pourrait-il,
avant même le débat judiciaire, provoquer Mélétos sur le terrain
théologique en proclamant son intérêt constant pour ce domaine.
(261) 5al-2. Faut-il pour autant presque assimiler Eutbyphronà
Mélétos? Friedlander s'engage dans cette direction lorsqu'il
écrit:WMeasured against Socrates,
the difference between ~be
priest and the many becomes insignificant,
despite
the priest's
arrogant insistence upon it;
indeed,
even his distance from
Meletos becomes insignificant W (cf. Friedlander, op. cit,
p.84).
Il ajoute:
wFor who will guarantee that
the ignorance Eutbyphro
presently displays the kind of crime that Meletos,
again .erely
Wfrom ignorance w,
is about
to commit here. w (ib.
p.84).
359
Contre l'accusation d'innover en matière de divinité (262)
( § 236), il se prévaudrait de la qualité de disciple (263)
d'Euthyphron,
devin et prêtre réputé compétent (264). Dès lors,
(262)
Il existait probablement à Athènes une loi interdisant
l'introduction de nouvelles divinités,
cf.
Derenne,
Les Procès •••
p.
193 et pour une bonne discussion de l'accusation portée contre
Socrate au sujet des divinités,
cf.
le chapitre VIII.
(263) Le fait,
pour Socrate,
de pouvoir se réclamer de l'autori-
té d'un maître compétent,
n'est pas de peu d'intérêt. Car,
i l
n'y a que deux voies,
dans le contexte des premiers dialogues,
pour accéder à la science:
soit la fréquentation d'un maître,
soit la découverte personnelle. cf.
Alcibiade Premier:
l06c5-
l06e4 et notre E.T.A.P.,
p.86 sqq,
où ce morceau est analysé,
notamment du point de vue de la théorie de la connaissance.
(264) Après s'être étonné que le père d'Euthyphron soit allé
consulté un exégète extra muros alors qu'il avait un EuthyphroD
intra muros,
Chateau (loc.
cit.
p.212 n48) met ce fait en rap~rt
avec de possibles conflits antérieurs les ayant opposés.
Par
ailleurs,
faut-il vraiment qu'Euthyphron ait été bien marginal
pour que l'on rie,
sans conséquence,
de ses prédictions,
si l'on
sait le respect qui entourait prêtres et devins car:
-Les prêtres~
en vertu de la sainteté de leur ministère, avaient droit aux
égards et au respect-des citoyens,
et ils étaient entourés d'une
protection spéciale.
Les insulter ou les outrager,
n'était-ce pas
en même temps blesser la dignité même des dieux qu'ils servaient?r
cf. Derenne, Les Procès ••• p.ll~
360
l'alternative,
entre les termes de laquelle Mélétos serait
,
contraint de choisir,
serait la suivante, si du moins i l admet
la compétence du devin:
ou bien, il devrait admettre que Socrate
juge correctement (265) en matière de divinité (266) et donc,
renoncer à le traduire en justice, ou bien, i l devrait s'en pren-
dre à son maître coupable de corrompre non seulement les vieil-
lards et son propre père,mais encore Socrate lui-même, par son
(265) Burnet (E.A.C.,
p.109)
pense que:
-Bere,
i t is clear that
?
-
,
op6w! VO~1~E1V refers to correct religious practice, not to cor-
rect religious opinions.- Il se fonde sur le passage 4b1 où So-
crate suggère que l'action d'Euthyphron
poursuivant son père
montre qu'il possède une exceptionnelle sagesse.
A cela,
on peut
opposer plusieurs objections:
1) si bp6w!Jen 4b1)est employé en
rqpport avec la pratique religieuse (~patal),.par contre,dans la
ligne immédiatement antérieure (4a12)il est mis en relation avec
le verbe ~YVOEtTalJqui désigne l'absence de savoir sur le plan ~e
, -
l'opinion, 2) l'op6w! de 4b1 doit être référé au contexte ~mmé-
diat où i l s'agit plutôt des opinions religieuses, 3) le verbe
VO~{~E1V (5~2)que qualifie ~P6w!)concerne bien davantage l'acte
opinatif en général,
enfin 4)
plus loin,
en 6a7-6c9, c'est bien
contre la théologie d'Euthyphron que se révolte Socrate.
(266) C'est à cela que renvoie Tà TOlaùTa (4b1).
361
enseignement (267). Dans l'hypothèse où Mélétos refuserait de
citer Euthyphron à la place de Socrate, celui-ci dirait devant
le tribunal ce qu'il lui destinait personnellement.
§
275. Pour sa part, Euthyphron ne démord pas de
sa belle assurance.
Il saurait trouver la faille dans l'accusa-
tion de Mélétos,
s ' i l en était l'objet, et bien vite transformer
son accusateur en accusé devant les juges (268). Comment s'en
étonner puisqu'Euthyphron est expert ~s Théologie? Socrate est
alors bien inspiré de réaffirmer sa volonté d'être le disciple du
devin ( § 274) et d'acquérir ainsi une carapace impénétrable
(269). A présent,
toutes les conditions du démarrage de .l'enquête
proprement dite sont réunies. La rencontre Euthyphron-Socrate.
qui fut,
à l'origine, celle d'un accusateur (§
245) et d'un
accusé ( § 224)~est devenue, maintenant, celle d'un savant et d'mm
disciple en quête de savoir. Le premier prétend savoir ce qu'est
la piété,
le second est accusé d'en manquer. Mais l'accusé, à SOŒ
tour,
se mue bien vite en dialecticien pour examiner le bien-
fondé de la compétence du devin. Le devin sait-il réellement.
comme il le prétend, ce qu'est le pieux? Il devra d'abord montrer
qu'il sait entendre et parler
dans le langage du Précepte
Unificateur (270),
dont les conditions de l'Appel sont réunies.
(267) 5b5.
(268) 5b9-c3.
(269) 5c4 sqq.
(270) En abrégé: ·PU (cf.
Première Partie).
362
xxxv....
Kcil (,
?
,
"
:)
,
9 '
•••• wJ EYW E~nTouV a~OKp\\Vaa al OE J
u
- )
t
~,
> - -
OUTW VUV a~EKplVW·El
~EVTOl aAn8w!J
-
>,
t
TOUTO OU~W 0 ôa ••••
Euthyphron, 7a 2-4.
363
II. L'APPEL DU PRECEPTE UNIFICATEUR.
(5c8 -
7a3)
Argument
§ 276. Dans cette section,
nous entreprenons l'étude
de l'APU. Jusque là,
le commentarisme avait parlé indistincte-
ment du problème de la définition) que nous essaierons de clari-
fier chemin faisant
( §§ 286;
287). Aujourd'hui, une étude
plus
attentive et,
semble-t-il,
moins dépendante de l'exégèse tradi-
tionnelle,
de la progression dialectique du dialogue, autorise
des conclusions plus nuancées et probablement plus conformes à
l'inspiration originelle du premier platonisme.
En tant qu'il
assume un travail préparatoire d'enseignement de la forae du dis-
cours rationnel,
discours unificateur par excellence, l'APU sea-
ble assurer une fonction éminente dans la progression pédagogi-
que de l'entretien. Son objectif est de rendre possible la posi-
tion de l'Exigence du Précepte Unificateur (EPU),
niveau où ad-
' t ,
n
364
1
1
vient la question de la vérité, ce but avere de tout dialogue
(Phédon 66b8; §
142 nlS). Qu'il ne s'agisse pas pour nous de
plaquer un schéma arbitraire sur notre dialogue, notre respect
même de la progression du dialogue, pour une raison méthodologi-
que que nous avons déjà soulignée (§
13»le marque assez. Aussi
bien
prenons-nous en charge toutes les questions du dialogue,
notamment celles afférentes aux rapports entre l'hosiotes et
, ,
l'eusebeia ( §§
280; 281~ ou entre Et60f et 16Ea. Au sujet de
cette dernière question, nous aboutissons à une première conclu-
sion)dont il nous semble utile de souligner l'importance, qui
déborde le cadre de notre dialogue par ses implications hermé-
neutiques, principalement au sujet de la théorie des Idées
(§§
298; 299; 300; 301 sqq).
Il
'r-------.----
365
1. Première explicitation du Précepte
Unificateur
(5c8 -
d8)
§
277. Le passage qui nous occupe revêt une impor-
tance toute particulière du fait que Platon nous y livre en deux
temps la théorie complète des déterminations fondamentales du
PU. Sans doute,
dans d'autres dialogues (1), Platon explique-t-
il)sommairement,
la fonction du PU
ce qu'il ne fa:t pas
toujours (2), au demeurant. Mais ici, avant le lancement de
l'Appel du PU (3), il l'explicite largement, comme pour manifes-
ter sa ferme volonté d'aboutir, au-delà de la seule question de
l~adéquation du discours d'Euthyphron à la Structure Définition-
nelle (SD), à l'examen de l'Exigence du PU (4),
c'est-à-dire à
l'épreuve de vérité. Car l'accès à l'EPU est conditionné par
l'audition de l'APU. Dans l'Hippias Majeur où,
de bout en bout,
(1) cf. Hippias Majeur,
286e sqq.
(2) Par exemple: Lachès.
(3) L'APU.
(4) L'EPU.
. .
IlJll'n'P.wte
l' t'
t ,tt"P t
em
Mtlt
'
)
•
366
Hippias reste sourd (5) à l'APU,
le dialogue n'atteint pas le
niveau où l'étude de l'EPU vient à l'ordre du jour ( §§ 108-113).
§ 278. Mais avant de reprendre sous une forme
systématique les articulations du PU (§§ 312; 313) en rapport
avec une analyse de la contexture de notre dialogue (§§ 316;317),
reprenons notre morceau (§
275). La prétention affichée du devin
est de connaître la caractéristique (~oiov Tl(6) ) du pieux
(TC E~OEaÈf) et de l'impie (TC ~OEaÈf (7) ). Socrate peut, par
conséquent, lui demander de révéler sa conception du pieux,
non
pas seulement au sujet du meurtre, mais au sujet de toutes les
(5) Socrate reproche durement à Hippias d'être sans oreilles ni
"
, " ) / ' /
" . . .
cl
cervelle: XXXVI
AUTO yap EYWYE, WV8pW~E)
KaÀÀof EpWTW 0 Tl
"
, ) ô, . . .
...
1
) \\ , . .
,
EOT1V)
Kal OU EV 001 uaÀÀov YEYWVE1V ôuvaual n El UOl ~apEKa8noo
,
,
1
~
,
) "
~I
À18of)
Kat O~TOf uUÀ1af,
unTE wTa unT EYKE$aÀov EXWV.
cf.
2~d3-
6 et: §§ 43-57; 108-113.
(6) C'est ainsi que nous traduisons ce terme (5c9). G. Zeig1erl
dans son article du PPQ,
vol 61, n3,
July 1980, critique la
traduction de ~oi6v Tl par Lane Cooper. En effet, écrit-i1:- The
first
distortion in the translation is the
failure
to render
poio1ti.
What Socrates asks is what kind of thing holiness
(or
piety) iSl
this request is merely for some (not necessarily
distinctive)
feature. w cf.p.293.
(7) 5c9.
,.-.·..
'51l1
...
'SIll._ _••
- ••
, ...·.....'.7.n'..lilliTt_........
.. .._'__..__ .. . ..._
w_~~
t
367
. . ,
..
. . . . . " ) /
autres matières:
UEPl
~ovou Kal UEPl TWV aÀÀwv (8). En effet, ce
n'est pas seulement à l'occasion d'un meurtre que la question
du pieux est à l'ordre du jour. Elle peut se poser à l'occasion
d'une pluralité d'év~nements marqués d'une infinie diversité
dans la mesure où ils couvrent tous les aspects de l'activité
humaine:
de l'attitude à l'égard des parents ( §
272) aux prati-
ques cul tueHes
et rituelles proprement dites. Cela signifie
qu'il y a une certaine universalité du pieux ou que le pieux est
une détermination universelle. Ainsi, Socrate se trouve poser
ici une première condition
l'exigence d'universalité (9)
à laquelle devra satisfaire la définition demandée à Euthyphron.
Cette exigence d'universalité consiste en une unification (10)
de la multitude des événements, des actes ou des objets sous une
même détermination.
§
279. Cette identité de la détermination comme
résultat du procès unificateur est d'ailleurs immédiatement sou-
lignée par Socrate. Ce par quoi une action participe (11) de la
(8) Sc9-d1.
(9) Chateau,
op. cit. p.69.
(10) Ou subsomption. De là,
le concept de PU.
(11) Il ne s'agit pas ici du concept platonicien de participation
pleinement développé (Sophiste, Philèbe). Mais,
i l est déjà re-
connaissable. Cf. R. Violette, REG,
90,
1977, p.300: w••• nous
trouvons dans l'Euthyphron
une esquisse grossière (mais très re-
connaissable) ~e' ce qui sera 1~ th60rie de la participation ••• •
368
piété est identique à soi. Autrement dit, le critère d'identi-
fication de la piété est un invariant. Cet invariant ne se rap-
porte pas à la piété comme à quelqUe chose d'autre avec quoi,
cependant, il se confondrait partiellement au point de la défi-
nir. Cet invariant est la piété et cette affirmation ~st pleine-
ment tautologique. Il est ce à quoi on fait référence, ce que
l'on se représente, lorsque l'on parle de la piété. Il est ce
qui, restant le même à travers la diversité des attitudes, les
unifie sous une même dénomination. Aussi bien, dit Socrate, à
~ 'JI
, )
;,
,
1Tpa' t'e: 1 TO' C/010"
son sujet: XXXVII
••• OU TaUTOV e:OT1V e:V 1TaOn
~
0
v
"
aUTO
'--
aUT~ ••• (12). L' exigence d ,
'
identite vient consolider et
préciser celle d'universalité sous une forme apparemment négati-
ve. Burnet (~3) a noté l'importance de ces passages: -These words
are of vital importance for
the argument which fo110ws. It is
a universa1 for which we are 100king.- (14). Dans le Ménon, c'est
(12) 5dl-2.
(1 3) EAC,
p. 111.
(14) Burnet ajoute:
·Note a1so that is a question of wpatlf, Dot
of be1ief n ,
id. Mais, en aucun cas, ce texte ne doit être inter-
prété restrictivement. Même si Socrate ne cite pas les croyances
comme telles, il ne fait pas de doute qu'une croyance peut être
pieuse ou impie. Les croyances sont, en conséquence, concernées
pour autant qU'il s'agisse de l'universalité et de l'identité
du pieux.
369
cette universalité que Socrate s'efforce d'expliquer à son inter-
..
' ) \\ ) . . . . ,
locuteur du meme nom: XXXVIII
Kav El nOÀÀal Kal naVTooanal(15)
')
Q ,
"'>'
) . .
(/
.,1
"
' ) . .
')
E101V,
EV YE Tl E100! TaUTOV anaOal EXOU01V,
01' 0 E101V aPETal.l
:l
CI
_
)1
: > ,
..
,
6
- ' ) ,
El! 0 KaÀW! nou EXEl anoSÀEwaVTa TOV anOKplV UEVOV T~ EpWTnoaVTl
)
-
1:
l -
cI
,
- : >
,
EKE1VO vnAwoal 0 TuyxavEl oOoa apETn (16) •
§ 280. Le fait que, en 5dl-2, TC ~OlOV (17) ait
..
;,
/
remplacé TO EUOESE! (5c9) ne change naturellement rien à la dou-
ble nature de l'universalité et de l'identité. Guthrie a insis-
té sur la relative intraduisibi1ité de ce terme:
"As vith other
..
(J
Greek moral
terms,
no single word spans TO OOlOV exactly. Holi-
ness,
pi et y, righteouness,
religious dut y, religion have aIl
been suggested." (18) Mais i l peut ~tre utile de se faire une
idée précise de l'évolution de ce concept. Dans un article de
(15) Il s'agit des vertus.
(16) 72c5-9.
"Quelque nombreuses et diverses qu'elles soient,
elles ont en commun un certain caractère général qui fait
qu'el-
les sont des vertus. C'est ce caractère général qu'il faut avoir
en vue pour que la réponse à la question soit correcte et fasse
saisir en quoi consiste la vertu." (A. Croiset).
(17) cf. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue
grecque, T. III, Paris, K1incksieck,
1974, p.831.
(18) Guthrie, HGP,
IV,
p.l04.
370
1945, H. Jeanmaire (19) nous la résume ainsi:
"Hosios, lorsqu'il
s'acclimate
assez tardivement, semb1e-t-i1
dans la langue
littéraire,
a pris un sens général qui correspond à peu près à
l'idée que nous exprimerions par les mots pieux et piété et,
.
.
:)
,
,
par la,
tresvoisin du sens du mot EUOESnJ. L Euthyphron qui se
propose précisément de définir la piété
ou p1ut~t de montrer
la difficulté ou l'impossibilité de la définition
est un dia-
, (. ,
logue nEpl OOlOU et emploie de façon pratiquement indiscernable
les deux expressions." (20). Le premier emploi du terme hosios
,
,
..
(/
ô'
est associe a la justice dans une meme expression:
OOln
lxn,
chez Théognis (21). Dans les textes post-classiques, hosios signi-
fie "exceptionnellement avancé dans le chemin de la sainteté."
(22). Cependant, en dépit de ce sens, le terme reste marqué
d'ambivalence) car il a quelque fois une connotation profane (23).
(19) In Revue des Etudes Grecques, LVIII: "Le substantif hosia
et sa signification comme terme technique dans le vocabulaire
religieux".
(20) pp.67-68.
(21) Fragment 131; ib p.68.
(22) lb, p.69.
(23) Pour un emploi dans ce sens, cf. Aristote in (~~~ Ar'. 43-
6. Mais hosios peut signifier être en règle avec les dieux, ~/est
ainsi que,
face aux Athéniens,
les Mé1iens se disent hosioi (cf.
Jeanmaire,
ib,
p.68).
_.·'illiriili"."''':'''' _ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - _ . _
..
371
A cet égard, Allen n'a pas manqué de noter la curiosité de lao-
u
gage accompagnant ce terme:
" ••• because oato\\) cou1d mean re1i-
gious1y permitted,
i t came to have the meaning of -profane", as
what is not forbidden
by divine 1aw. The word is so used in the
: > ,
,~/
C I
phrase tEpa Kat oata,
"things sacred and profane" (see LSJ, oatO~"
l, 2). But it is not genera11y so used without its defining op-
posite, and in the Euthyphro, ~ato\\) is equiva1ent to EDaESÉ[,
which does not admit
this use at a11" (24).
§ 281. Contre la conclusion de Jeanmaire ( §280),
Chateau (25) a essayé de mettre en évidence une différence
pertinente entre les deux termes. Selon lui (26), alors que l'eu-
sébéia désigne la piété "te11e que se la représente EutbyphroD
et la tradition religieuse sociale et institutionne11e-,
l'bosio-
tes rend compte de la piété socratique. Dans l'interprétation de
cet auteur,
"par opposition à l'eusébéia qui se définit com.e
' -
déterminée dans son contenu par son objet (destinataire),
c'est~-
·dire par quelque chose d'étranger à e11e-m~me, l'bosiotès se
définit par sa nature,
qui est d'~tre reconnaissante de la V81e~
en soi en général quel que soit l'objet qu'elle ait en vue- (27)_
En somme:"L'eusébés qualifie le sentiment empirique, mu1tifor.e
(24) Ibidem,
p.25 n3.
(25) Qui ne cite d'ailleurs pas l'article de Jeanmaire.
(26) Loc. cit,
p.154.
(27) Ibid,
pp.
156-157.
-
372
et contradictoire, dont l'hosion est l'Idée,
principe et valeur
par quoi il est ce qu'il est" (28). Pour intéressante qu'elle
soit, cette interprétation pèche par excès de rationalisation et
soulève plusieurs graves objections dont nous ne mentionnerons
1C1
que deux. La première se rapporte aux lignes Sc9-dl,où les
)
Q '
,)
Q '
,
termes EuaE~EJ et aaE~EJ sont emp10yes dans la phrase-clef qui
pose l'exigence fondatrice d'universalité ( § 278). Or, ici,
l'exigence d'universalité s'édifie sur la négation de la diversité
empirique. On ne peut donc,
comme le fait Chateau, considérer
l'eusébés comme l'expression d'un
·sentiment empirique, multi-
forme et contradictoire" (supra). La seconde objection,
bien
plus grave, concerne le rapport entre l'eusébés et l'hoSion. La
conception de Chateau risque d'introduire une inintelligible
dualité dans l'idée même de la piété. Ou l'eusébés est synonyme
de la piété, ou i l a le même statut que la diversité des actes
ou des attitudes ou des objets qui ne sont pas pieux par eux-
mêmes. Dans le premier cas,
l'i~terprétation de Chateau est sans
objet. Dans le second, i l n'y a pas lieu de privilégier un des
éléments,
puisqu'aucun d'eux n'est pieux du fait de sa nature
propre.
Il est donc préférable, semble-t-i1, de tenir l'eusébés
(28) lb, p.lS7.
---
j / j
et l'hosion (29) pour synonymes dans le contexte doctrinal de
l'Euthyphron.
(29) Un examen détaillé des occurences révèle que la thèse de
cet auteur est insoutenable. D'abord, Socrate est le premier à
utiliser ~OE8E1Œf pour désigner l'impiété et E~OEBÉf pour la
piété (cf. respectivement 5c7 et 5c9). Par contre, Euthyphron
est le premier à employer ~véotov pour désigner l'impiété (4d10)
c
et oOlov pour la piété (4e2). Ensuite, sur les 8 occurrences des
mots dérivés d'eusebia, 5 sont prononcés par Socrate (soit
62,5%) et 3 par Euthyphron (soit 37,5%). Voici la liste complète
.,
t
S
, : > ,
de ces occurrences: 1) aOEBElŒf,5c7 ( ), 2) LO EUOEBE/, 5c9 (S);
, "
,
)"
-
?
,
3) LO ŒOEBE/, 5c9 (S), 4 ŒOEBoUVLt, 5e5 (E), 5) ŒOEBEtŒ/. 12e3
')
,
J ,
::J
_
(S), 6) EUOEBEJ, 12e6 (E), 7)EUOEBEtŒ, 13b4 (S), 8) aOE8Y) , 14b6
(E). En ce qui concerne le terme hosion et ses dérivés, nous en
dénombrons 100 occurrences, dont 89 (soit 89%) dans le discours
socratique et seulement Il (soit 11%) dans celui d'Euthyphron.
Voici la liste complète des occurrences: 1) 5d10 (5), 2) 4e2 (E),
3) 4e2 (E), 4e4 (S), 5) 4e5 (5), 6) 4e6 (S), 7) 5d2 (S), 8) 5d2 UF)
9) 5d2 (5), 10) 5d4 (5), 11) 5d4 (S), 12) 5d6 (S),13) 5d6 (S),
14) 5d7 (E), 15) 5e2 (E), 16) 6d2 (S), 17) 6d3 (S), 18) 6d7 (5),
19) 6d10 (S), 20) 6dll (5), 21) 6d11 (5), 22) 6e1 (5), 23) 6el (s::;,
24) 6e1
(5), 25) 6e1 (5), 26) 6e7 (S), 27) 6e11 (E), 28) 7a1 (E)p-
29) 7a 8 (5), 30) 7a 9 (5), 31) 7al 0 ( S ), 32) 7a 10 (S), 33) 8a 7 (5) ~
--
374
(29) suite
34) 8a7 (S), 35) 8a11 (S), 36) 8a11 (S), 37) 9c5 (S), 38) 9c6 (S),
39) 9c7 (S), 40) 9d3 (S), 41) 9d3 (S), 42) 9d5 (S), 43) 9d5 (S),
44) ge1 (E), 45) ge3 (E) 46) 10a2 (S), 47) 10a2 (S), 48) 10d1 (S),
49) 10d4 (S), 50) 10d6 (S), 51) 10d7 (S), 52) 10d12 (S), 53) 10d13
(S), 54) 10e2 (S), 55) 10e3 (S), 56) 10e3 (S), 57) 10e10 (S),
5~) 10e10 (S), 59) 10e10 (S), 60) 11a2 (S),61) 11a3 (S), 62) lla7
(S), 63) 11a9 (S), 64) 11b2 (S), 65) 11b4 (S), 66) 11b4 (S),
67) 11e3-4, 68) 11e5 (S), 69) 11e7 (S), 70) 11e7 (S), 71) 12a1 (S),
72) 12a2 (S), 73) 12d1 (S), 74) 12d1 (S), 75) 12d2 (S), 76) 12d
2-3 (S), 77) 12d5 (S), 78) 12d~ (S), 79) 12e2 (S), 80) 12e4 (S)
81) 12e6 (E), 82) 13b4 (S), 83) 13c6 (S), 84) 13c8 (S), 85) 13d
5-6 (S), 86) 14b4 (E), 87) 14c3 (S), 88) 14c5 (S), 89) 14c5 (S).
90) 14d1 (S), 91) 14e7 (S), 92) 15b1 (S), 93) 15b4 (S), 94) 15c
1 (S), 95) 15c6 (S), 96) 15cll-12 (S), 97) 15d4 (S), 98) 15d4-5
(S), 99) 15e1 (S), 100) 15e6 (S). Le fait que ce soit Socrate
qui emploie massivement ces termes est tout à fait nor_al si
l'on tient compte de la distribution quantitative des discours
entre les deux énonciateurs (Socrate et Euthyphron). En effet,
sur les 5188 mots (nous disons bien mots et non signes puisque
nous ne comptabilisons ni la ponctuation ni les blancs) que
comporte l'Euthyphron, 3904 (soit 76%) sont dits par Socrate,
et 1284 (soit 24%) par Euthyphron.
375
§ 282. Reprenons notre passage, avec l'exigence
d'identité ( § 279). Ayant déterminé positivement l'exigence
d'identité, Socratè la vérifie aussitôt négativement: (30) XXXII
,
, J
,
:'C
-
..
C o ,
. . '
t
.,
,
'
c._
Kal TO aV0010V au TOU ~EV 0010U TIaVTOI EvaVT10V>
aUTO 6E aUTl!>
CI
O~010V ••• (31). L'impie, comme le pieux, est également tou-
jours identique à soi. En même temps, l'impie s'oppose toujours
1
1
i
au pieux comme tel. De sorte que la double identité du pieux à
1
i
soi et de l'impie à soi permet de les discriminer non seulement
1
1
entre eux, mais éventuellement par rapport à toute autre déter-
1
l
mination. Ce ne sont pas deux exigenceS (identité et discrimina-
tion) qui sont formulées ici, mais c'est la même exigence, celle
d'identité, qui remplit simultanément la fonction de principe
diScriminatoire (32). Car dans la mesure où le pieux et l'impie
sont~chacun
pris à part, identiques à soi,et où ils sont tou-
jours le contraire l'un de l'autre,
alors aucune chose ne sau-
rait être à la fois pieuse et impie, et inversement.
(30) 5d2-3.
et
(31) cf. Guthrie, H.G.P.,
p.115: w l
take O~010V in line 3 to be
onlya stylistic variant for
TauT6v. w
(32) cf. Chateau, op. cit. p.71, qui semble y voir une exigence
distincte.
i--tt:za , 5RI"
376
§ 283. C'est pourquoi Socrate ajoute: XL
Kal
~XOV u{av TIVà ~ôÉav KaTà TnV &vOOt6TnTa (33) ~àv g T{ ~Ep (34)
')\\
,
) 6
av uEÀÀn av OlOV Etval; (35). Ce texte revêt un intérêt histo-
.
rique et philosophique considérable, en particulier du fait de
l'introduction de la notion d'idée. René Violette accuse avec
- -
,
raison, Croiset d'égarer
"à coup sar le lecteur de sa traduc-
tion qui ne conna!t pas un peu de grec" (36) en traduisant le
terme grec ~ôÉav par caractère (37). Le préjugé qui fonde la
(33) Burnet souligne que le manuscrit B et "the
first band of
W have KaTa T~V gOt6TnTa"Jmais ajoute-t-il (E.A.C., p.112):
WThat
is not an old scholium,
but a note written in tbe margin
of B by Arethas, who has to interpret the text before bim as weIl
as he could. W Guthrie approuve la remarque de Burnet in B.G.P.,
IV,
p.115.
(34)cf. R. Violette in R.E.G., art. cit.,
p.300,
qui souligne
que cette manière de s'exprimer se retrouve notamment dans le
Phédon et les dialogues de la même période.
(35) 5d3-4.
(36) Art.
cit.,
p.299.
(37) Chambry traduit également: caractère (G.F,
p.190) et Robin
(Pléiade p.356):
propriété essentielle. D'où Robin tire-t-il
"essentielle"? Nul ne le sai t. Quant à Grote, il Y voit· the
general constituent
feature
of Holiness ••• W(op.
cit., p.312).
~ ?pmET "1
1:1
. "'Iii;
WU
F
"'; "'HTr
[ !rnn -tUT
377
traduction de cet excellent helléniste est sans doute que l'em-
ploi de ce terme n'est pas encore technique.
Des interprètes
récents ont du reste abondé dans son sens. C'est le cas de
Zeigler (38),
qui pense que {6fa a un sens usuel connu ("look"~
et qu'il ne faut pas l'entendre techniquement. Mais, comme
Violette (39) l'a déjà fait observer,
l'alternance de l'emploi
'~.t
?.t"
,
d EluO! avec luEa,
leve le doute sur le caractere technique de
leur statut. Au demeurant, ainsi que l'a remarqué Burnet,
i l
,
(
)
t.t
:>ô'
n est pas possible de distinguer
§
302
entre E uOf et 1 Ea
?
,
.
wand what iS called l6Ea here is referred to as Et60f below
(6dll). W (40)
§
284. Mais en attendant de procéder à une ana-
lyse plus détaillée de ces notions ( §§
298;
299; 300; 301),
examinons la seconde difficulté du passage~ Il s'agit de la
négativité de l'idée (&VOOlOV) que nous rencontrons ici. Grote,
(38) P.P.Q.,
loc.
cit.,
p.293.
(39) Loc. cit.,
p.299.
(40) E.A.C.,
p.lli.
Il ajoute:wThe words Et60! and 16Éa vould
not naturally have been chosen to express a purely logical rela-
tion,
and the occurrence of nap&6Ely~a
below (6e4) indicates
that the developed doctrine is assumed by Socrates· (id). Puis
Burnet donne raison à Stewart qui déclare que ces termes
·are
used exactly as they are in the later dialogues W (id).
Allen
aussi (ib. p.28) note le caractère technique de leur emploi.
'.r...··~.....t.7_- ..'..._"IIIi'.M__W_t_t_7......IIIiI_...
- -
- - -.....- - - _. . . .iIIllIIiII_
'
- - - -
0·p"·"7""('
.
tU')'
l'
M
te '."so;"
__*y-n. HU'!
l,meVe .
. -
- - - .
- . .
1
W
378
ft
en son temps, avait fait une mise au point très nette sur cette
question. Rappelons-la:
WAmong the various reasons (none of tbem~~
in my judgment) given by
Ueberweg ••••
for suspecting the autbea-
ticity of the Euthyphron (41), one is that Tà ~v6otov is recko-
ned as an EtôoJ.as weil as Tà gOtOV.
Ueberweg seems to think
this absurd, since he annexes to the word a note of admiration •
.. '>Il:
t
But Plato expressly gives TO autKOV as an E ÔOJ '
along with TC
ô{KatOV (Repub.
V.
476a), and one of the objections taken against
his theory by Aristotle (42) was, that it would assume substan-
...:>
1
tive Ideas corresponding to negative terms
- TWV a1fO~aOEWv
'ôfaJ (43)". Le texte de la R~publi9ue convoqu~ par Grote est,
en effet, pertinent. Il commence par poser que le beau étant le
contraire du laid, ils sont deux (44), avant d'en conclure que
chacun d'eux existe (45). Puis cette thèse est g~n~ralisée: ILlit
..
.. 0
1
..
)s:{
.. J e " ' ' '
. . . . .
1
Kat ~Ept
tKatOU Kat au KOU Kat aya OU Kat KaKOU Kat ~aVTWV TWV
(41) Hoerber note que Wits authenticity is not questioned by
contemporary scholars w (ib,
p.95).
(42) Aristote, Métaphysique A, 990,b, 13 et le scholiaste d'Ale~-
.dre, p.565,a, 81, r.
(43) Grote, ad. loc. cit.,pp 312-131 not~.
(44) 476a1: XLI
)Em:tôf) fOTtV 'EvavTlov KaÀov a~oxp~, ouo Q~
TW Etvat.
~
..
)
..
,
..
CI
C ,
(45) 476a3: XLII
OUKOUV ETIEtÔD oua, Kat EV EKaTEpOVi
, .IIO'l'T$]$'
.- if ' n Ttlt -sn, mer 7 t 'r '2SW .
,
,
T '
[ T ' F
. ' "
f "
379
)
~
,
~?,
,
E10WV nEpl 0 aUTol Àoyol •••
(46).
Il n'y a donc aucune raison
)
1
particulière d'être troublé par la présence de l ' ~Vo~OV (47),
comme essence négativement déterminée (§ § 279; 282). Dans un
dialogue où l'on peut identifier une théorie des idées ( §§
306;
307; 283),
une telle présence est naturelle. L'essentiel est
d'ailleurs,
pour le moment,
que Socrate ait préparé son interlo~
(46) 476a5-6. Guthrie note toutefois que)dans l'Euthyphron,
i l
n'est pas question des idées platoniciennes
-as they are usua11y
understood from 1ater dialogues- cf.H.G.P.,
IV,
p115.
(47) Il n'est pas sans intérêt de noter la remarque de Guthrie à
propos de l'ensemble du morceau 5dl-5,
cL H.G.P.,
IV,
p;120 n2:
-Actua11y 5dl-5 is a tricky sentence,
though nobody see.s to
have thought i t worthy of remark.
The difficu1ty is that one natu-
,~
,
.
ra11y reads it as i f the universa1 TO aVOOlOV were the subJect of
a11 that fo11ows,
and then is sudden1y faced with another subject
at the end name1y nâv ~ T{ nEp ~V ~ÉÀÀV ~V6010V Etval' and the
question is, at what stage does this new subject,
the particu1ar,
take over what
precedes it? Perhaps P1ato s t i l l
fe1t
that
the
' ) ,
~
predicates app1ied anD Kavou,
but at any rate the second subject
appears as a conversationa1 afterthought, syntactica11y unre1ated
to the rest of the sentence,
which can on1y be read as applying
, ' )
,
'-
,
the predicates to TO aVOOlOV (whether we read avo010TnTO or one
of its alternatives does not affect the point made above)w.
,~.~.,··iïJ-III1iIli-SIl'ZiIII'.m_'.-_m..
t .•.liliiii".'."'.'''''I0I/l'1111'011'...,,_ _........'
....-__,
_
S '
. .
' . .
•
. .
380
cuteur,
en mettant en évidence les exigences définitionnelles
(§§
278;
279;
280),
à tenter d'y satisfaire dans ses essais
définitionnels. Mais Euthyphron)qui accepte sans aucune réticen-
ce les explications de Socrate, entendra-t-il l'APU? Jugeons-en
par son premier essai définitionnel.
2. Premier essai définitionnel
(sd9
6a6)
§
285. Après toutes les explications qu'il a
données (§§
279 sqq),
lesquelles ont reçu la totale approba-
tion d' Euthyphron (§
284:
in fine),
Socrate peut, maintenant,
,
,
,
..
t
.. ri
. . . . .
lancer l'APU:
XLIV
AEYE ~n) Tt $nf E vat TO oatOv KQt TO
)
,
aVoatov; (48). Allen a souligné la relative ambiguité des ques-
tions socratiques de ce type:wThey are constructed fra. neoter
singular adjectives with agreeing article,
and they function irr
three different ways:
as singular referring expressions, as ge-
neric nouns,
and as abstract nouns.
In some contexts,
Tè gOtov
may refer to some particular holy thing un der discussion. In
others i t may be used generically,
with the singular then equi-
(48) sd6-7.
"..--------,
381
, f i
"
, u
valent to a plural,
LO oatov,
the holy",
equivalent to LQ oata,
"holy things",
those holy things may be individuals which ace
holy,
taken collectively or distributively,
or kinds of indivi-
duals which are holy. Finally,
LC gatov may/be used as sn abs-
tract noun, equivalent in meaning to
"holiness", ba{oLnJ." (49)
§
286. La question posée,
en l'occurrence,
n'est
pas en effet dénuée de toute ambiguité. Cependant, pour paradox~i
que cela puisse paraitre~ la réponse demandée est encore
plus ambiguë. Socrate peut vouloir dire:
je veut une définition
exacte du terme "piété", ou bien:
je veux une définition de la
r~lité "piété". On objectera: la définition du terme équivaut
à celle de la réalité. Mais comment penser cette équivalence
sans admettre la thèse de Cratyle selon laquelle le langage n'estt
qu'un décalque de la réalité (50)? On connait,
depuis le Craty~e
(51), les graves difficultés d'une telle position. La refuser,
n'est-ce pas recon~aitre l'altérité du langage et du ré~l qu'i~
(49) Allen, ib,
p.24.
Il déclare également que
"Part of tbe d i f -
ficulty lay in the novelty of the question" mais aussi dans le
fait que les termes habituellement utilisés par Socrate pour
1
questionner (le Ô1KQI0V etc ••• )"are ambiguous"
(id).
(50) cf. 383a-b; 428d-e sqq.
(51) Cf. Goldschmidt, Essai sur le' Cratyle,
Vrin, (collection
Vrin-reprise) 1981, pp 143 sqq.
382
prétend exprimer? Alors la difficulté serait moins l'accession
au réel-que sa communication (51 bis). En quelque sorte.
la
question socratique peut être interprétée dans le sens de la
recherche d'une définition nominale ou d'une définition réelle.
§
287. Cependant, ce serait une grave confusion
que de s'engager dans cette voie. Le problème de Socrate n'est
ni la définition nominale ni même la définition réelle.
La pre-
mière est une simple définition de mot.
Il s'agirait de dire ce
que signifie le mot "piété", autrement dit de déterminer le sens
qui lui est affecté dans le langage usuel. Mais,
ici,
la défi-
nition d'un mot n'intéresse pas Socrate, sinon i l se serait
référé à Prodicos (52). Quant à la seconde,
elle n'est que la
définition nominale à laquelle se joint, pour ainsi dire.
une
attestation d'existence (53).
Aussi
, Allen est-il bien ins-
piré d'écrire:
Wlt requires an act of intellectual imagination
to see that i t is not the view assumed in the Euthypbro and
other early dialogues. w (54). Ce que Socrate cherche à définir
c'est une essence,
un paradigme réel et non un terme du vocabu-
(51 bis)
Voire sa communicabilité.
(52) Sur le rapport Socrate/Prodicos,
cf.
l'article toujours
actuel de Calogero, Gorgias and the Socratic principle:
Nemo
sua sponte peccat,
in J.H.S.,
vol LXXVII,
1957.
(53) Allen, ad.
loc. cit,
p.81.
(54) Ibid,
p.8!.
Il
---.
.
··-------·---38-3------.1
1.
1
laire. D'autre part,
la question de l'existence de ces essences
ou de ces paradigmes ne se pose même pas dans le contexte du
premier platonisme,
puisque l'affirmation ( § 505) de leur
existence est non seulement le point de départ de l'entretien,
mais encore sa garantie (55). N'y a-t-il donc pas d'ambiguité
et en quoi consiste-t-elle? L'ambiguité existe, mais de notre
point de vue,
elle consiste en ceci que la réponse à la question
"qu'est-ce que?" peut s'effectuer d'un double point de vue:
celui de l'APU et celui de l'EPU (56). Les deux points de vue
ne sont pas contradictoires. On doit même répondre successivement
des deux points de vue. Chacun des points de vue a une fonction
déterminée (§§ 24;
25;
125;
126; 129; 130). Mais on peut aussi
se tromper de question.
§ 288. Voici la réponse d'Euthyphron à la queStion
de Socrate: XLV
,
,
CI
" a "
U
"
AEYW T01VUV OTl
TO ~EV OOlOV EOT1V OWEP EYW
. . . . . . . . . )
...
')\\
\\ ,
,\\
,c.
. . . . . .
~
vuv nOlw,
T~ aôlKouvTl n nEpl ~ovouJ n nEpl lEPWV KÀonuJ n Tl
)\\
...
, )
,
,
;)
' ) ,
...
"
aÀÀo TWV T010UTWV E~a~apTaVOVTl EnE~lEval)
Eav TE naTnp wv
,~,
I~,
,.
C
...
'ô"
)
,
TUYXavn Eav TE ~nTnp &av TE aÀÀoJ OOT100UV) TO
E ~n EnE~lEval
~V60l0V. (57). Comme on le remarque immédiatement, le devin cite,
(55) Allen,
ib,
p.81.
(56) Il ne s'agit donc pas ici de la dualité que croit percevoir
Robinson (cf. PED,
p.55) et que critique,
avec raison/Allen
(ad.
loc.
cite,
pp.76-77).
(57) 5d7-e2.
384
en guise de définition,
sa propre attitude.
Il ne s'agit pas
là vraiment d'une définition mais d'un exemple:
• ••• Eutbyphro
at first
confuses definition with the enumeration of examples.·
(58) Or, ainsi que l'a souligné Burnet,
l'énumération même
complète de cas ne fait pas l'universalité (59). Cette réponse
se situe au même niveau que celle de Lachès (60) dans le moment
correspondant du dialogue. En effet,
"Even as in the discussion
about courage Lachès first
proposed,
instead of a concept.
a
pratical case drawn from his own world experience. so here does
Euthyphron only to an alarmingly intensified degree.· (61) Loin
de référer son action à un concept unique du pieux ou de la
rapporter à un modèle originaire, Euthyphron élève sa propre
action (62) à la dignité d'une norme, l'érige en modèle et la
(58) Taylor, P.M.W.,
p.149; Hacha, ib,
p.32.
(59) E.A.C.,
p.112.
,
,
"
t
')
)
(60) La première réponse de Laches a la question
Tl EOTIV av-
6pEta" est de dire: c'est de rester à son poste et de résister
2
à l'ennemi: cf.
190e5-6; J. Moreau, C.l.P.,
1967 ,
p.48. et aussi
la première partie de ce travail §§ 43-57 et 9114.
(61) Friedlander,
loc. cit.
p.84.
(62) Friedlander,
ib,
p.84:
"In other words,
he does not submit
his own action to a conceptual standard of piety before which
he would have to justify himself; on the contrary.
he sets up his
own action as the highest,
universal norm".
Il.l
rr7?7FTPSSJf; '(
!t ?:
"$'"Z'tre 1 "
385
propose comme définition. On peut donc penser avec Phillibert
,
1
que WEuthyphron répond ••• à cdté W (63) en donnant son exemple.
§
289. Cependant, parmi les commentateurs, Hoerber
a tenté de défendre la validité de la réponse d'Euthyphron.
Selon cet auteur, elle n'est pas parallèle wto the first attempt
at defining abstract terms in several other dialogues (e.g_,
Meno and Hippias Major) in which particular examples are pre-
sented in place of universal proposition. w (64) Car en définis-
sant la piété comme le fait de poursuivre le coupable, Euthyphron
ne veut pas simplement dire
wdo what l
am doingW,tel que Socrate
l'interprète en 6d, mais
whis intent is rather wfollow the law·
(5e3)W (65). Guthrie a bien vu la faiblesse de cette interpréta-
tion
wbecause prosecution of offenders do es not cover the whole
range of pious duty.w (66) Agir selon la loi ne peut être une
définition générale de la piétéJcar
on en exclurait tous
les domaines où celle-ci est silencieuse. Suivre la loi n'est,
en conséquence, qu'un cas de piété. On ne saurait épuiser le
champ de la piété par l'exhibition d'un cas, si important soit-
(63) In R.H.P.R.,
1956, p.136.
(64) Loc. cit.,
p.lOO.
(65) Ibid,
p.lOl.
(66) H.G.P.,
IV,
p.112.
386
il. On voit ainsi en quoi la défense de Hoerber est désespérée
(67). En réalité,
le devin n'a pas entendu la question socra-
tique.
Il ne s'est trompé de réponse (
§ 287) que parce qu'il
s'est trompé de question.
Il répond à une autre question qu'on
ne lui a pas posée, mais qui se pose quotidiennement dans
l'espace mondain.
Il s'agit de la question "qu'est-ce qui est?"
.
Elle n'est pas illégitime;
elle vient seulement en seconde
position, apris la question "qu'est-ce que?" (68). Car c'est
(67) D'ailleurs, Taylor note au sujet de la définition du devin:
- Of course, i f this statement is taken
to be more than a
production of instances, i t would be delightfully -circular-,
since i t makes religious dut y amount to active opposition to
irreligion.- in PMW,
p.149. Comme le note Taylor, Socrate ne
relive pas le cercle et préfire regarder la déclaration comme
une illustration. C'est qu'il,lui faut éviter tout décentrement
du processus dialectique.
(68) Guthrie, H.G.P., IV, p.l04:
-In later dialogues tbe ques-
, :>
t:
... ,
d
d · ·
h
tions Tl EOTlV and 0 ~OlOV Tl are contraste, an
~t 25 e.p a-
..
:>
sized that one must know of anything Tl EOTl before one can pro-
perly ask Ô ~oi6v Tt , i.e. agree on a general definition of it
before asking whether i t has a particular characteristic. e.g.
of virtue whether is teachable. w Cependant,
i l faut noter que
dans l'Euthyphron (5c9), ~oiév Tt est employé dans un sens ( §278)
où on ne le retrouvera presque plus jamais.
CRU r !'ErT'l'Yl"Z'ttu@S7H6!t . tt
PHil 'nurn"sr;u'tsn"'ÇWelr .. "P'
. ··W'
387
celle-ci qui en détermine la réponse.
§ 290. Mais Euthyphron ne s'est pas contenté de
livrer un exemple à la place d'une définition (
§ 283) ou de
répondre à côt~ (§
288),
i l tente de fonder son action érigée
en norme (id). En effet, ce sont les dieux qu'il prend pour
modèle et référence (69). Ceux qui le critiquent, dit le devin,
sont inconséquents. Ils admettent en effet que Zeus est le meil-
(69) Grote pense que:
"We see here that Euthyphro is made to
follow out the precept delivered by Platonic Sokrates in the
Theatetus and alsowhere
to make himself as like to the
Gods as possible
"
- ,
' 6 '
...
( OUOtwat! 8EW KaTa TO
uvaTOV, Tbeatet.
p.
1768; compare Phaedrus 252c)
- only that he conceives the Bt-
tributes and proceedings of Gods differ:.ently from Sokrates",
ad. loc. cit. p.313 note h.
On remarquera que le passage 176B
du Théétète associe la justice et la sainteté,
expression de la
ressemblance à dieu et moyen privilégié pour foit. le .onde
d'ici-bas et aller vers l'Hadès. C'est le Phédon 66b 5-8 qui
nous a déjà appris que cette fuite s'effectue par la séparation
de l'âme d'avec le corps. Le passage du Phèdre 252c n'aborde
pa~ la question de la séparation et paraît plus pertinent par
rapport au texte de l'Euthyphron.
tu t * ,.
388
leur et le plus juste des dieux (70).
Or'Zeus avait enchaîné
son père Cronos qui dévorait injustement ses fils,
de même que
celui-ci avait dû,
dans des conditions semblables,
se débar-
rasser de son père Ouranos.
Donc,
les critiques d'Euthyphron
sont inconséquents en lui reprochant de poursuivre son père parce
qu'il a commis un acte injuste (71).
On comprend que le devin
ait déduit des faits relatés la règle énoncée en 5e4-5: XLVI
1.I~ ~1Tt'rPÉ1Te:tV 'r~ &oe:l3oÙV'rt (72.), l.IT1ô')~V ~O'rtOoÙv 'ruYXavn ~v. (73)
Ainsi,
l'identité du coupable est entièrement mise en époché
dans la qualification et la répression du délit.
Le sud africain
R.S. Meyer a bien analysé cet aspect de la doctrine du devin:
"
,
(70) 5e8:
'rwv 8e:wv apto'rov Kat
otKatO'ra'rov.
(71) 6al sqq.
(72) Hoerber, ad.
loc. cit.
p.97, critique la traduction de
Fowler:
"not to let him who acts impious1y go unpunished.· et
il commente ainsi:" It is one matter to summonapparent
·wrong-
doers" to trial, i t is another matter to find
them guilty and
worthy of punishment" (p.
97 n2).
En effet "According to
Euthyphro the 1aw impe1s that suit be brought against his
·wrong-
doers" instead of l~aving such matters to their own arbitration
(5d-e)
he does not c1aim that a11 who are summoned to court
are worthy of punishment." (p.97).
(73) 5e4-5.
tH et'
t >
M
389
"The identity of the evildoer is irrelevant and offers the
following grounds
for this view: men certainly regard Zeus as
the most righteous amongst
the gods and they beleive that he
put his father in chains for swallowing his sons." D'où
-lt 1s
thus clear that
the gods mete out punishment without reference
to the identity of the evildoer and solely on the basis of the
rightness or wrongness of the action itself." (74)
j
t
§
291. Du point de vue d'Euthyphron, ou i l ne
faut pas le condamner si on approuve les dieux,
ou alors. i l
faut désapprouver les dieux en le condamnant. Quoi qu'on ent"ait
1
f1
dit,
le principe d'Euthyphron n'est pas marginal pUisqu'~"~:"
f
s'origine dans la mythologie telle qu'elle est exposéèfi1;~~'1t"'gros,
,,·:,_;,·-_-~~-i.;.
~~-~'~-:;~'~---,
d'Homère à Hésiode.
"Euthyphro's notions of divinity d~1ve
from Hesiod (75) and Homer; his confidence in
them woald hardly
have been shared by educated Athenians of his
qui est vrai, en revanche,
c'est que dès le Vème
bloody history (77) of Zeus,
Cronos and
(74) R.S. Meyer,
loc. cit, p.9.
'J>.-'.
(75) Théogonie,
154-181.
(76) Allen, ad.
loc. cit.,
p.25.
(77) A propos de ce mythe, Dodds (G.1.
p.46) envisage une origine
hittite:
"Suggestive in a different
way isthe ~arbarous tale oE
Kronos and Ouranos,
which Archaic Greece may have borrowed {rom
a Hittite source." Et plus loin,
p.61 nl03, i l écrit que:
• The
390
treated as allegory,
or frankly dismissed as false." Peut-être
l'athénien moyen (78) lui-même ne tenait-il pas en grande consi-
dération ces légendes.
Il convient cependant de rester prudent;
l'opinion devait être assez partagée sur le crédit à leur accor-
der et,
comme on sait,
la croyance populaire ne s'embarrasse pas
souvent de nuances.
En tout cas, notre devin ne considère pas
ces mythes comme de simples allégories:
il les prend à la lettre
et "he acts in emulation of Zeus." (79)
§
292. Des explications d'Euthyphron,
on peut
tirer les deux axes fondamentaux de sa doctrine.
Le premier axe
est l'unité des règles morales entre les dieux' et les hommes.
(77) suite
Kronos myth has ••• parallels of a sort in many cultures, but one
parallel with the Hurrian . .Hittite Epic of Kumarbi,
is so close
and detailed as strongly to suggest borrowing ••• " Selon Dodds,
si cette hypothèse est exacte, il faut se demander
"what
feelings
induced the Greeks to give this monstrous oriental
phantasy a
central place in their divine mythology. "(id).
(78) Sur les sentiments de l'athénien moyen sur ces légendes,
cf. Aristophane:
Nuées,
904,
Esch.
Agam,
168 sqq;
c~ aussi Hacha,
loc. cit.
p.16; Guthrie, H.G.P.,
IV,
p.109; voir aussi Isocrate,
Bus. 38-43; Lucien, Men.
3.
(79) In Dialogo~~, ~ 28, Avril 1975, p.178.
391
Il n'y a
pas deux morales:
une morale des dieux et une morale
des hommes. Ainsi,
à sa manière, Euthyphron accède à une certaine
universalité~où se réalise l'unité de la morale et de la reli-
gion.
Le second axe est lié au précédent, tout en reposant sur
un principe corrollaire,
à savoir que les dieux sont justes et
meilleurs que les hommes. Dès lors,
l'attitude juste est celle
qui imite le plus fidèlement
possible la conduite des dieux. Or
la conduite des dieux (80) est celle que rapporte la mythologie
(80) Chateau fait une interprétation intéressante sur la
·preuve
mythologique- (ad.
loc.
cit.
p.79). Cette preuve explique-t-il,
peut aller dans deux sens:
• est-il
pieux d'imiter Zeus.
parce
que c'est Zeus? Ou bien, parce qu'il est le plus juste et le
meilleur qui soit, m~me parmi les dieux? Dans le premier cas.
cela signifie que la piété consiste à faire ce qui p1ait à Zeus
-
ce qui, accidentellement,
se trouve ~tre juste. selon ce qu'am
dit de lui.
Dans le deuxième,
cela signifie que la piété consis-
te à
faire ce qui est juste
ce qui accidente11eaent. se
trouve plaire à Zeus, s'il est comme on dit. W On voit la diffé-
rence des deux propositions:
la première exprime la piété
traditionnelle qui respecte inconditionnellement les dieux, la
seconde subordonne l'imitation des dieux à un juge.ent moral
sur la justice.
392
alléguée par le devin.
Aussi bien Socrate se révolte contre la
théologie euthyphronienne,
annonçant ainsi une critique que
l'on retrouvera dans la République (81).
3. Rebellion de Socrate contre la
théologie euthyphronienne
( 6a7 -
c9)
§
293. Socrate est profondément opposé au dis-
cours théologique d'Euthyphron,
au point de se fâcher (82) en
l'entendant.
Il lie explicitement ce rejet de la mythologie à
... , '1
... cJ
,
,
son accusation:
XLVII
TOUT EOT1V 00 EVEKa TnV ypa$nv (83).
(81) 377e sqq.
(82) 6a5 ... ·~·
(83) 6a6-7. Mais Babut a contesté (R.P.G.,p.68) que l'on pût
parler ici d'une explication du procès.
La remarque 6a6-7,
selon
lui,
n'est pas à entendre nécessairement en relation avec le pro-
cès. Elle aurait une portée beaucoup plus générale destinée à
marquer la démarcation théologique d'Euthyphron.
Nous ne parta-
geons pas l'avis de Babut car i l est bien plus vraisemblable qu'il
fasse allusion à l'accusation
concrète dont i l est 1 t objet plutôt
393
En effet,
"his resistance to
this kind of b1asphemous lDytho1ogy
adding that
this re1uctance of his must be the reason for
the
indictement brought against him by Mé1ètos."
(84). Mais d'une
certaine manière,
en rejetant ces légendes (85) des poètes,
Socrate retourne l'accusation contre eux. Les récits des poètes
(86),
très tôt critiqués par Xénophane (87),
apparaissent de
(83) suite
qu'à une vague accusation générale.
D'ailleurs, i l est aisé pour
le malintentionné d'assimiler faussement le rejet de la mytholo-
gie traditionnelle avec celui des dieux traditionnels.
(84) Friedlander,
loc.
ciL,
p.85.
(85) cf. Chateau, ad.
loc.
cit.,
p.80:
ndire que les poètes
racontent des histoires,
inventent des fables
(mythos) sur les
dieux,
en un mot,
sont des~poètes" (6b), c'est retourner contre
.J>u,A,
eux l'accusation qu'on fait
porteArfui,
comme i l le rapporte
précédemment
(3b)
d'~tre "un créateur des dieux n "
(86) JQtger (T. E. G. P.,
p.4) écrit:
"The mythica1 deities of
early Greek poetry were linge with a11 kinds of humaD weskness;
but such sn ides of the gods wss irreconciliab1e with P1sto's
and Socrstes rational conception of the divine."
(87) Decharme:
C.T.R.G.,
p.44.
394
plus en plus indécents et choquants pour la conscience morale
(88). Or,
selon l'admirable mot de Pindare:
wAu sujet des dieux.
(88) Selon Decharme, ib,
p. VIII, à voir ces légendes:
-Il sea-
b1e que la loi morale,
invention de l'humanité,
n'aitde valeur
que pour la terre,
et qu'elle n'enchaîne pas le ciel.- Mais il
faut rappeler l'observation du vieux Grote,
ib,
p.314:
-The
Athenian public felt
the same displeasure and offence in hearing
their divine legends,
suèh as those of Zeus and Kronos.
ca11ed
in question or criticised in an ethical spirit different
their
own
as is felt by Jews or Christians when various narratives
of the Old Testament are criticised in an adverse spirit. and
when the proceedings ascribed to Jehovah are represented unwortby
of a just and benefic(;t god. w Cependant,
comme le souligne Grote
lui-même, nombre d'anciens ne tenaient pas en grande estime ces
récits. Tel est par exemple le cas d'Hérodote:
wH~rodotus keeps
back many of them by de~ign, and announces that he will never
recite them except in case of necessity: while in one instance.
where he has been betrayed into criticism upon a
few of tbem. as
,
inconsiderate and incredable.
he is seized with misgivings. Bnd
prays that Gods and heroes be offended with him. w (id).
~Î-• •'UII;i1lllrt"5.5.J.$.rlllllr."II'Zlin..m__.aîlllll1'III'.5'1IIIi-1IiI''''-IiIlitltloiilf'...tllll'••_fliillt
•
_
395
l'homme ne doit dire que des choses belles. w (89)
§
294. C'est à défaut d'entendre de belles choses
sur les dieux que Socrate se fâche ( § 292). Ses adversaires
prétendent que c'est à tort qu'il se fâche.
On comprend l'inté-
rêt que Socrate peu~ accorder à l'avis d'un spécialiste de la
théologie traditionnelle comme Euthyphron.
Aussi bien s'inquiète-
t-il de savoir si celui-ci croit à la théomachie (90) racontée
par les poètes et représentée aux Grandes Panathénées (91).
(89) Cité par Decharme in C.T.R.G.,
p.95.
(90) Sur la théomachie, cf.M.L. West in Early Greek Philosophy
and the Orient, OXf~d, 1971, pp. 20-23. D'autre part, en partant
de préoccupations différentes, Luc Brisson rappelle, dans un
ouvrage récent,
au sujet du Critias 109b-c, l'insistance du
prêtre égyptien qu'Wil ne peut y avoir de conflit entre les dieux·
cf. Platon,
les mots et les mythes, Paris, Maspéro,
1982, p.27.
Rappelons~enfin,que,dansle Banguet 195c sqq, Agathon doute des
histoires que l'on raconte sur les conflits entre les dieux.
Sur ces conflits, cf. Hésiode, Théogonie 154-182, 459-491,
501-
503, 617-623, 629 sqq.
(91) A propos des Panathénées, cf. Burnet, E.A.C.
p.116:
-There
was a
festival
called Panathenaea every year,
but every fourth
year ••• i t was celebrated with unusual magnificence and then cal-
led the Great Panatheneae. w,cL aussi Robin,
ad loc. cit.
p. 351
n3 (p.1291):
wLes Grandes Panathénées ••• se célébraient tous les
~'
396
Socrate pose la question cruciale de savoir si l'on peut admet-
tre la véracité de tels récits. L'indignation de Socrate est
sans doute réelle: même s ' i l acceptait
wthe traditional gods,
as manifestations more or less symbolical of the obscure dBemo-
nic powers working through the phenomenal world •• w,
i l reste
que
wthe immoral and unworthy s~ones attached to these sacred
names he rejected indignantly.w (92).
§
295. Manifestement, .en dépit du coup de chapeau
tiré ironiquement à la prétendue science d'Euthyphron, Socrate
n'accorde aucun crédit à de telles "histoires".
Il prend donc
le parti de s'opposer aux légendes homériques et à la théogonie
hésiodique. Or, Decharme nous apprend que s'en prendre à de
telles légendes n'était nullement interprété comme une attaque
contre la divinité ( § 292 n83).
wTout au contraire,
on pensait
faire à leur égard montre de respect,
en les vengeant des outra-
ges que certaines ~aginations téméraires leur avaient jadis
infligés. w (93). Des mythes,
semble-t-il,
wlike those of the
(91) suite
quatre ans et l'on y promenait le peplos, la robe sur laquelle
était brodée la victoire d'Athéna sur le Géant Encelade.- (c'est
peut-être pourquoi Babut (R.P.G.
p.79) pense que ce passage se
rapporte à la Gigantomachie); cf. aussi Luc Brisson, ad.
loc.
cit.
pp.38,
60,
61 sq.
(92) P.E. More. R.P.
p.292.
(93) Ibidem,
p~VII-VIII.
r......'----------------"--39-7--
binding of Gronus and the mutilation of Uranus
tales which had
nothing to do with the official worship of Athens and were
repulsive to the ordinary Athenian. w (94). Cependant. malgré
les velléités de censure (95) manifestées par Socrate.
le deyin
renchérit en prétendant qu'il était justement en mesure de ra-
conter des légendes bien plus merveilleuses (96).
Il n'admet
pas seulement les légendes traditionnelles,
i l croit en sus à
(94) Taylor. P.M.Y.
p.147; Decharme.
ib.
p.VII.
(95) Les vues de l'Euthyphron sur les mythes de succession des
dieux sont constantes dans les dialogues. cf.
par exemple,
République II. 377e. 378a. 378b-d; Cratyle, 396d. 399a. Ménon.
97d; Lois XII.
94lb. Le texte du Phèdre (229c-230a) qu'on éyo-
que parfois (Babut, ib. p.87) comme expression d'un point de vu~
différent n'est pas probant. Si Socrate déclare,
en fait de .ytmœ-
logie. s'en rapporter à la croyance commune. i l serait téméraire
de penser qU'il y inclut les mythes de succession. Babut note
également (p.8l) que, dans l'Euthyphron)le point de vue de la
critiquetest purement "théologique" et "désintéressé".
"éduca-
tif" danMa République et "utilitaire" dans les Lois. En tout
cas. Shore y a bien raison de voir dans ce passage l'anticipatiQ~
de la République:
"There
follows a
distinct anticipation of
Homeric
theology elaborated in the Republic" in Y.P.S.
p.75.
(96) 6c5-7.
398
d'autres mythes sans doute inconnus de la masse.
Burnet (97) a
vu dans cette déclaration une indication claire que le devin (98)
appartient à quelque secte étrange (orphique,
peut-être: §
255).
Quoi qu'il en soit, Socrate n'insiste pas pour le moment sur les
prétentions d'Euthyphron. Il faut revenir à sa première défini-
tion ( §
285) et après en avoir opéré une première critique
(
§
295 sq),
expliciter de nouveau l ' APU (§§
297 sqq),
dans
l'espoir qu'il soit enfin entendu ( §§
308; 309;
310).
4. Vers l'audition de l'APU
(6clO -
7a3)
a. Argument des rivaux (6clO - d8)
§
296. Socrate interrompt le débat théologique et
amorce le retour à la qùestion du PU. Il souhaite une réponse
plus claire (oa$ÉOTEPOV E\\TIEîv)~9). Aussi critique-t-i1
(97) Loc. ciL,
p.Il5;
vs ~Hacha, ib, p.17.
(98)
wHe be1ieves not on1y a11 orthodox Athenians usual1y belie-
ved respecting
the Gods,
but more besides, W ap.
Grote,
ib,
p.31S_
(99) 6dl.
r-------------------------------
,
399
sommairement mais avec précision la première réponse d'Euthy_
~hron (§ 295). Celle-ci se résumait dans l'exhibition d'un acte
pieux (
§287). Or,
à côté de cet acte,
en admettant qu'il soit
pieux,
i l Y a beaucoup d'autres actes pieux. Ceux-ci sont autant
de prétendants au siège du pieux. Il n'y a donc pas lieu d'at-
tribuer arbitrairement le siège du pieux à l'acte de poursui-
vre son père pour homicide, au détriment des autres prétendants.
Euthyphron est bien obligé d'admettre qu'il y a bien une multi-
tude d'autres actes pieux (100). On reconnaitra ici l'argument
des rivaux ( §36) ou,
pour reprendre la terminologie de Gold-
schmidt,
l'argument et alia (101).
§
297. L'argument des rivaux (ou des prétendants)
est fréquemment employé dans l'espace des premiers dialogues.
Rappel'ons simplemen t
l'exemple que nous en avons déjà (§§ 36-37)
/ :>
examiné dans l'Hippias Majeur. Lorsque,
à la question 11 E011
LO KaÀov (102), Hippias répond:nap8ÉvoJ KaÀn KaÀov (103).
Socrate lui oppose successivement une série de prétendants:
(100) 6d8.
(101)
§ 36 n66.
(102) 287d7.
(103) 287e4-5.
400
(J
,
,
l~~of (104), Àupa (105), XULpa (106). qui possèdent autant de
titres à la beauté. Mais alors que~dans l'Hippias, dès après
l'argument des rivaux, Socrate poursuit sa critique avec d'au-
tres types d'arguments,ici,
i l procède immédiatement à une
seconde explicitation du PU.
b. Seconde explicitation du PU.
(6d9 -
e12)
§
298. La première réponse du devin
Wn'est
pas
dans une relation de rigueur avec la question posée w (107)
écrit Chateau,non qu'elle ne soit pas une réponse ou une répon-
se insuffisante, comme le croit cet auteur, mais parce que
c'est une réponse à une autre question.
Il s'agit bien plus
d'une inadéquation que d'une insuffisance. Ce que demande le
dialecticien ce n'est pas l'exhibition de quelques spécimens
,
., ")...
'"
detachés du chapelet des actes pieux
XLVIII aÀÀ EKE1VO aUTO
(104) 288b8.
(105) 288c6.
(106) 288c10.
(107) Loc.
cit,
p.81.
i
rW'l''trma
9ttP"Y'$u",ms
t2tM', t"m'tetf r
nt dm., sct!
..
. -n
) 1
?
r~'
•
MOrt
~.
TC Etôof ~ naVTa Tà gota ~OTtV; ~~noea yap nov ~tij ~ôÉq Ta TE
' ) ,
) ,
t
"
li
q
avoota avoota E vat Kat Ta oOta oOta (108). La principale dif-
ficulté de ce passage est de savoir quel est le statut de
::»
l'Etôof et de l'tôÉa (du pieux). Leur emploi ici est-il tech-
nique? En d'autres termes,
ces concepts traduisent-ils une orien-
tation ontologique? Si oui, comment s'articule celle-ci? Il
n'est pas inutile, avant d'amorcer une tentative de réponse à
ces questions,
de commencer pa~ une enquête ( §§299; 300 sq)
sur le statut de ces notions dans la littérature pré-platoni-
cienne.
§
299. Tout d'abord,
rappelons leur origine:
Etôof
~
,
,
t
et tôEa viennent tous les deux du verbe tÔE v (109) qui signifie
voir. Aubenque souligne que Etôof ·conserve un rapport sémanti-
c. ,
que évident avec les formes de m~me racine du verbe opaw, voir
:1
~
(EtÔOV,
LÔEtV). La forme,
c'est ce que nous voyons de la cbose,
ce qui nous est, en elle, le plus manifeste W (110). Selon Gillep-
(l08) 6d10-el.
(109) cf. Ross, P.T l
, p.13: WBoth Etôof and tôÉa are derived
;)
from
tÔEtV,
Wto see·,
and the original meaning of both words is
no doubt
wvisible form w w.
(110) P.E.A.,
p.459; cf. aussi H.C. Baldry: Platols technical
terms, Classical Quarterly,
vol. XXXI,
1937, p.141:
• ••• both
words are derived from the root
F tÔ (the latin
wvideo· and the
english
Wwit W),
associated primarily with
the notion of ·seein,·
and perhaps, as oïôa suggests,with perception in general, and
rsz. Ut t '2'n'PTP' Ir '2.,
Mt.'
nN
. , 1"
"fi
t
'
•
1
l '
r
t
- n s
402
(J
sie (111), au temps de Socrate
donc au Vème siècle, Etôof
').r'
,
'1
d
L
et tuEŒ reve ent,
en gros,
eux sens.
e premier sens serait
essentiellement physique et n'aurait aucune connotation mathé-
matique. Ce premier sens comporterait une série de gradations,
allant de l'emploi populaire à un usage technique. En ce sens,
ils désignent la forme d'un objet corporel,
parfois l'objet
corporel lui-même, mais i l reste toujours distinct de aWUŒ (112).
Le second sens est semi-logique et classificatoire, comme lors-
que l'on dit:
i l y a quatre sortes de x. Peut-être, ce sens a
t-il évolué vers la notion d'espèce. En conclusion de son arti-
cIe, Gillepsie prenait le contre-pied de la thèse de Taylor
qui,
nous dit Ross,
"came to the conclusion that the usage
which we find in Plato and occasionally elsewhere has its ori-
gin in a Pythagorean use of these terms in the sense of geome-
trical pattern of figure."
(113).
(110) suite
that their original meaning must therefore have been -that which
is seen",
"appearance ••• "
(111) C.Q., VI,
1912,
pp.179-203.
(112) Mais i l peut dhsigner la forme visible (shape) ou inté-
rieure (inner form) c'est-à-dire la structure. C'est en étant
htendu à des objets non corporels que s'effectue le glissement
vers la notion métaphysique d'essence.
(113) P.T.I.,
p.13.
403
§
300. A son tour,
dans son article de 1937
(§
299 n110), Baldry a essayé de classer les principales accep-
t
::> Ô'
tions de E ÔOf ~t 1 Ea en quatre rubriques:
-First,
in conside-
ring the
-appearance- of a thing primary attention may be paid
to its -shape-, so that Etôof and ~ÔÉ~oUld be roughly equiva-
lent
to axnua.- (114). Il est probable que Démocrite les ait
utilisés en ce sens pour décrire les atomes.
-Secondly,
the
words eventually came to mean
-kind- or
-typ-
-
(115). Toutefois
selon Baldry, la seule idée de type que l'on puisse dériver
facilement de la notion de "seeing" est "aspect" (116). On peut
constater que
ces deux premiers s2ns correspondent à ceux que
Gillepsie avait déjà relevés en 1912 ( §298). Le troisième sens
exprime le contraste entre l'apparence et la nature réelle.
Enfin,
il existe un quatrième sens,
d'ailleurs plutôt rare
celui
de qualité.
Il serait équivalent, en ce sens, à ~ûalf ou
xUX
caractère: par exemple (117),
apud
Thucydide,
II, 50: TC Etôof
Tnf v6aou. Ce se~s général mis à part, le terme Etôof est utili-
(114) p.141.
(115) Ibid.
p.142.
(116) Ibid,
p.142.
(117) Idem.
--,--, -----------------------------1-
404
"
1
1
!!
sé pour désigner une qualité particulière (118): une couleur
etc •••
1
!
t
r!
§ 301. On sait que dans le corpus hippocratique,
EtÔOJ et iÔÉa sont employés pour décrire la liste des goûts et
des saveurs. Après avoir analysé ces occurrences,
Ba1dry peut
1
1
t
!
,
"
tô
') ô'
ecrire avec raison:
In a11 these instances E
oJ and l
Ea are
still confined to the description of characterics perceived by
f
1
the senses.
l t was natura1
that in course of time their use
1
1:
shou1d diverge a 1itt1e further from the root meaning
that
l
as abstract
thought grew they shou1d be app1ied to non-sensible
properties,
such as qua1ities of value" (119). Ce glissement
(118) On trouve cet emploi (ib.,
p.143) dans la devinette at-
tri buée à C1éobu1us, un poète du 7ème ou 6ème siècle:
EtJ ~ ~aTnp) ~atôJ ôuoKa{ôEKa·Twv ôÈ ~KaOTw Koùpal ôtJ Tp{OKOVTŒ
{
)/
(.,
, "
,
-
t
c : , . )
, %
Ô aVôlKa E ôOJ Exouoal~ al UEV ÀEUKal Ea01V lÔE1V
al OOoTE
J
,
' ) ' ,
,
",'
- : >
,
(/
UEÀaval~ aeavaTol ÔE T Eouoal a~0$elVUeOU01V anaOOl ; Hérodote
IV, 185:
c;
, Q
;)
6
' À '
,
,
' t
o ÔE aÀJ aUT 81 Kal
EUKOJ Kal nop$opEOJ TO E 6~
, ,
,
, Ô'
OpuooETal; cf.
aussi le texte hippocratique
nEpl a EVWV.
ch.1 où i l est dit:
(119) Loc.
cit.
p.143.
1
!1
\\
405
n'intervient pas,
semble-t-il, avant le 4ème siècle. En tout
cas,
i l intervient plusieurs fois chez Isocrate,
par exemple
dans H' l '
(~~t·, d
" l
2 ÔL ,"
,
l "
' l
e enè oUi a
eux repr1ses,
e terme 1 ~Œ S app 1que a
a
beauté. Ainsi,
-Along with a11
the other quotations cited they
., ,
may be adduced to show that E TÔOf and lÔEŒ were not unfrequent1y
app1ied to qua1ities by Plato's predecessorsand contemporaries.·
(121) •
§
302. Quo~qU'il en soit, il nous semble qu'il est
indubitable que ces deux termes appartenaient déjà au langage
littéraire,où leur sens a évolué peu à peu,
se modifiant et
s'enrichissant,
bien avant que Platon n'eat commencé sa carrièr@
d'écrivain et de philosophe. Aussi bien,
comme le remarque Ross
(122) avec perspicacité, ce qui est nouveau,
ce ne sont pas tant
les termes eux-mêmes que le statut (123) que leur assigne Plato~_
(119) Loc. cit.
p.143.
(120) Baldry rappelle que (ib.
p.114) Hélène)étant daté de 390
par Blass/est,
par conséquent,
libre de toute influence plato-
nicienne.
(121) Ibidem.
p.144.
(122) Qui critique d'ailleurs sévèrement le conceptualisme de
Ritter
dégageant six significations de ces ter.es chez Platœm
sur des bases plus ou moins fantaisistes.
(P.~.I. p.1S)
(123) Idem. ap. Baldry, ad.
loc. cit,
pp.145-150.
r
ft'
. t '
pt
406
D'ailleurs, i l n'est pas de penseur, c'est l'évidence,
qui ne
soit tributaire des outils conceptuels et, en général,
du lan-
gage~qu'il trouve en place, à son avènement. S'il est obligé de
s'en servir, i l n'est pas tenu de leur conserver les mêmes conte-
nus ou les mêmes significations. S'il ne peut pas toujours révo-
lutionner le langage,
il a tout le loisir de l'innovation sé.an-
tique et conceptuelle par de nouvelles donations de sens dans
l'acte individuel par excellence qu'est l'acte d'écrire.
Platon~
donc, avec de vieux mots,
structure des idées neuves et des
pensées originales.
§ 303. Mais i l n'y a pas lieu d'essayer de mettre
en évidence une hypothétique distinction entre Etôof et ~ôÉa
tels qu'ils sont employés dans notre dialogue. Tout en reconnais-
:sant que les deux concepts sont difficiles à distinguer, ChateaQ
semble néanmoins vouloir les discriminer. Selon lui, Et60jse
rapporterait davantage à l'unicité tandis qu'tôÉa insisterait
plutôt sur l'universalité et l'unité (124). Dans le contexte de
l'Euthyphron,
une telle distinction est sans fondement.
Plus
grave: utilisée dans l'interprétation du morceau qui nous occupe~
elle aboutirait à une étrange conséquence. Car, en parlant des gauu)
(124) Loc. cit.
p.82.
407
Socrate utilise Etôof (6dl0-ll) et,
pour parler des ~v60ta et
u
.
, ô'
des oota ensemble, i l recourt à t Ea (6el). On ne saurait en
a
déduire que lorsqu'il parle des oota séparément, il insiste sur
{/
leur unicité, et qu'en revanche, dès qu'il envisage les 0010 et
f
1
les ~v60ta ensemble, il met l'accent sur leur universalité et
1
leur unité. L'absurdité même d'une telle conséquence d'Squalifie
i
toute approche discriminatoire des deux concepts. En réalité,
i
dans notre texte, Etôof et 1ôÉa entretiennent un rapport de syno-
symie absolue (125). Leur emploi alternatif dans ~e m~U"~\\,.L
pour
1
cu
expliquer la même idée le confirme de manière irr~sable. Comment
les traduire? Nous avons déjà souligné, avec Violette ( ~ 283),
1
f
la faiblesse des traductions des éditeurs attitrés des premiers
dialogues. D'autre part, nous n'avons aucune raison d'innover.
1
!
Nous assumons donc les traductions généralement faites de ces
f
!
termes dans les dialogues de maturité et de vieillesse. Nous
traduirons donc Etôof par "Forme" et \\ôÉa par "Idée"
(125 bis):
1
f
),
, "r
t
dans ces conditions, nous rendrons aUTO TO E ÔOf par "la Forme
j
en soi".
1
1
1
(125) Burnet, E.A.C.,
p.116 et R.Violette,
R.E.G.,
90, 1977,
1
p.299.
(125 bis) "Idée" et "Forme" sont,
bien entendu,
synonymes.
,
f
1
1
(
~....-----
408
1
§ 304. Pour nous, le caractère technique de leur
emploi ne fait aucun doute (§
297). A quoi nous donnons une
raison décisive qui, en dépit de son évidence, na pas retenu
,
,
";)
,
1 attention des savants. C est que les termes Etôof et lôEa in-
.
,
terviennent comme les concepts-clefs d'une explication méthodo-
logique fondamentale pour la suite (
§ 306) du dialogue.
Comment
ces concepts pourraient-ils être les notions fondatrices d'une
explication méthodologique s'ils n'avaient une valeur technique?
Un discours méthodologique est technique par définition, et par
conséquent, ses principales articulations conceptuelles aussi.
Au demeurant, à deux moments essentiels de l'explicitation du
PU, à cinquante et une lignes de différence (126), Socrate utili-
L
')
se les mêmes termes: utav lôÉav (5d3). Lorsque Etôof intervient,
..
')
il est accompagné de la forme pronominale aUTO. Or cette for.e
pronominale accompagnée d'un substantif indique toujours un
emploi technique. Quant à savoir si la technicité de l'emploi
traduit une orientation ontologique ( § 297), l'analyse de la
suite du morceau nous en donnera une première indication.
(l26) 5d3-6d 11.
~
1
409
§
305. A peine le devin a-t-il acquiescé (127)
aux propos de Socrate que celui-ci poursuit son explicitation
du PU. Ce que demande Socrate,c'est qu'Euthyphron lui enseigne
ce que peut bien être l'idée (de la piété)
(TauTnv TO{VUV U€
:>,
ô'ô
':::>ô'
,
, )
aUTnV
l
a~ov TnV l Eav T1J nOTE EOT1V) (128), de telle sorte
L\\q
. , ) ,
)
,
que la regardant (lva E1J EKE1VnV anoanwv)
(129) et l'utili-
"
~
...
,
sant comme paradigme (Kal XpW~EVOJ
aUTn napaôEly~aTl) (130),
(1
,
"li
i l puisse dire que ce qui est fait de semblable (0 ~EV av
T010ÙTOV •••• npaTTn ~w) (131) est pieux (gOlOV €tVal)
et ce qui
n'est pas semblable (g 6 ~V ~n T010ÙTOV) (132), il ne le déclare
pas tel (~n ~w) (133). Ce qui est incontestable, c'est que:
(127) 6e3.
.
,
"
,
(128) 6e4-5. Sur 1 expression T1J nOTE €OT1V,
cf. Violette. art.
cite
p. 300.
(129) Sur l'emploi de ce terme, cf aussi Ménon 72c7.
(130) 6e5-6.
(131) 6e6-7.
(132) 6e7.
(133) Id. On remarquera que nous avons traduit nous-même le texte.
Evidemment, pour que le texte soit tout à fait complet, i l faut
...
71
')\\
\\
')\\
')\\
ajouter après la note 131: ~ mv av n ou n aÀÀoJ (soit par toi,
soit par un autre.)
410
(134)
wThe language of the definition here is undistinguishable
from the language of the metaphysical theory of ideas in -later-
dialogues. W
§
306. Mais on peut y voir plus qu'une similitude
de langage. L'Et6of ou 1'~6fa du pieux est ut~lisi (XP&UEVOf)
comme paradigme (135). Ce paradigme a une fonction pricise:
(134) Shorey, W.P.S.
p.75; cf. aussi Friedlander, op. cit. p.85
n2 (312),qui cite aussi Shorey,mais dans U.P.T.,
(135) cf. Guthrie, H.G.P.,
IV,
p.118 n2:
"ITap&6Elyua was used
with the same ambiguity as English "example",
to mean (a) an
instance or sample of a class ("the gallery contains many exaaples
of impressionist painting"; cf. 6twv napa6EtyuaTa, Rep. 617d)
and (b) an ideal or standard (-to set an example-), and so an
original to be copied (Plato,
Tim.
28a and b). The two of course
can shade into one another: one or two known examples of an
artists work can be used as a standard or criterion to test tbe
genuiness of others lesi certainly attested.
This is the use in
the Euthyphro.
ITap&6Elyua had even a third sense, co~respon
ding to our
wmodel w, which is used both for
(b) above (e.g.
an
artist's model) and contrariwise (c)
for a
copy of imitation
(e.g.
model soldiers: so in Hdt.2.86.2 the Egyptian embal.ers
show their prospective customers napa6ElyuaTa VEKPWV tUÀlva
T~
ypa~~ UEUIUnufva). Plato even uses it in this last sense, though
1
411
c'est de vérifier la conformité des actes dont on prédique la
piété. Et pour cela "on" le regarde (&1TOf3ÀÉ1TWV). Il ne s'agit
évidemment pas du regard "physique" de l'organe de la visioD.
L'oeil qui regarde et qui voit est ici en quelque sorte l'''oeil''
de l'âme (136), et c'est l'âme elle-même, en quoi se réduit
l'essence de l'homme (137), qui est le sujet ~u regard. Ainsi
:J
,
C1
,
wIf Socrates wants to use the tOEa of the oatov as a 1TapaOEty~a
in or der to determine what should be called a 8atov, then the
single gatov must be determined by that prototype and must be
Wsimilar w to i t . w (138).
§
307. Ici, la question décisive est de savoir si
l'1oÉa ou l'Etoof du pieux existe ou non en dehors des actes
(135) suite
rarely,
as when at Rep. 529c-d he describes the motions of the
visible stars as 1TapaOE{y~aLa of the wtrue motions w whicb they
imitate. w; cf. aussi Hacha,
ad. loc. cit. pp.4, 85-86.
(136) Sur le sens de cette expression, nous nous permettons de
renvoyer à notre E.T.A.P.: pp. 261-267 ( §§ 165-167).
(137) C'est une thèse bien connue de l'Alcibiade Premier cf.
129 e 1 2 - 130c 4 et au s siE. T • A• P. pp. 238. à 250 (§§
149-15 4 ) •
(138) Friedlander, op. cit. p.85 n2 (~312)
412
reconnus pieux. La seule interprétation de ce passage~dont la
préoccupation centrale reste d'ordre méthodologique~ne permet
pas de régler cette question. Il faudra attendre l'analyse du
passage 11a7 sqq où interviennent deux nouveaux concepts tout
à fait décisifs (
§§ 393; 394 sqq). Mais d'ores et déjà, la
fonction paradigmatique de l'1ô€a
nous suggère une direction
hautement vraisemblable. Il ne s'agit pas,en effet, de regarder
d'abord ce qui, dans les actes multiples,
serait constitutif du
pieux, mais bien plutôt de commencer par orienter le regard vers
l'EtÔO!~ Pieux en lui-même et de s'en pénétrer. C'est seulement
aprè~que le regard peut se retourner vers la multiplicité des
actes pieux et ainsi en percevoir l'unité, qui n'est pas autre
chose que l'EtÔO!-Pieux. Ce double mouvement suggère que l'EtÔOf
du Pieux est en dehors des actes considérés comme tels
sinon
comment pourrait-il être leur paradigme? La situation du para-
digme crée un statut d'isolement par rapport aux copies (139).
Il n'y a pas de paradigme sans distanciation. L'Etôo! du pieux
est donc transcendant (140) de ce point de vue, c'est-à-dire du
point de vue de son essence même. Mais d'autre part,
l'Et6of du
pieux a la faculté de se manifester dans des actes particuliers
et donc d'être cause,
par sa présence,
du prédicat de piété qui
(139) Les copies sont toujours frappées d'une défaillance onto-
logique en vertu même de leur statut d'imitation:
§ 170 n16.
(140) 6e4 sq; Hoerber, ad.
loc. cit,
1958,
p.100.
leur est affecté. L'ETooJ du pieux est donc,de ce second point
de vue, c'est-à-dire du point de vue de son actualisation,
immanent (141). L'ElooJ du pieux n'est pas l'essence des actes
où i l se réalise: ceux-ci ne sont qu'un contexte accidentel où
i l se déploie. Aussi bien,
le m~me acte peut-il ~tre tantôt
pieux tantôt impie,
non qu'il change de nature comme acte c'est-
à-dire comme accident, mais parce que l'E1ooJ du pieux s'y réa-
lise ou ne s'y réalise pas.
De sorte que,
sur la base des déve-
10ppements que voilà, on peut formuler une importante conclusiorr=
considéré sous l'angle de son statut ontologique,
l'ET6oJ du
pieux est transcendant (142),
et immanent du point de vue de
(141) Sd3: Hoerber, ib. p.l00.
(142) Willamowitz est à l'opposé d'une telle thèse car selon IUL
1'~ôÉa n'est pas séparée des phénomènes comme tels et se situe
dans cette sphère. A quoiJl'infatiguable et très méritant plato-
nisant, Friedlander objecte:
WBut
the confrontation is unmis-
takab1e a11 the same, i f we are to measure the one by the other_
What is 1acking is at bottom on1y the mythica1 speech of the
LU ,
' "
TonoJ VOnTOJ
(ad. loc. cit.
p.8S).
En effet,
la question du
lieu (TbnoJ) où se trouvent les Formes ou Idées n'est pas abor-
dée dans notre texte. Grote n'en a pas moins tort d'écrire que
WIn
the Euthyphron,
however,
we have not yet passed iDto tbis
PLatonic wor1d,
of self-existent Forms
objects of conceptiam
414
son statut existentiel.
§
308. Revenons à présent à l'enseignement du
(142 ) suite
concepts detached from sensible particulars. n (P.O.C.S,
p.
327). Guthrie est bien mieux inspiré lorsqu'il observe (B.G.P.,
IV,
p.llS) à propos des formes:nln some sense they existe This
is not argued but assumed.
l t would be unreasonable to suppose
that Socrates repeadly asked the question
nWhat is the forœ?-
Without
believing that i t was something real and not a
figment
of the imagination?n Plus loin (ib.
p.116), Guthrie déclare qu'il
n'est pas question de deux mondes dans l'Euthlphron. Cela
est exact mais l'existence de deux mondes n'est pas non plus
exclue.Simplement, elle n'est pas affirmée. Mais nous avons déjà
expressément noté que,si le texte est muet sur cette possibilité,
le regard orienté vers le paradigme le suggère ( § 307). Cette
suggestion,
peut-être seulement semi-consciente ou même incons-
ciente à l'époque de l'Euthlphron,
sera exploitée dans les dia-'
logues de maturité, où elle culminera dans une théorie des deux
mondes.
1
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
415
PU (143). Socrate ne cherche pas une définition dénotative.
(143) Cet enseignement a parfois été mal compris par certains
interprètes. Tel est le cas de P.T. Geach dans son article du
Monist.
vol 50. N°3. July 1966. Voici comment il rapporte le
principe en cause qui s'exprime. selon lui.
en deux affirmations:
W(A) that if you know you are correctly predicating a given ter.
wT w you must
wknow what
is to be wT w• in the sense of being able
to give a general criterion for a thing's being T,
(B) that i t
is no use to try and arrive at the meaning of wT w by giving
examples of things that are T.
(B) in fact
follows
fro.
(A).
If
you can already give a general account of what
wT w means,
then
you need no examples ta arrive at the meaning of wT w, i f on the
other hand you lack such a general account.
then.
by assumption
(A).
you cannat know that any examples of thingS that are Tare
genuine ones.
for you do not know when you are predicating wT-
correctly.w (p.371) C'est ce principe que Geach appelle -the
Socratic fallacy,
for its locus classicus is the Socratic dia-
logues W (id).
Notons en passant qu'à l'instar de la quasi-tota-
lité des interprètes,
cet auteur ne fait aucune distinction entre
l'APU et l'EPU.
distinction pourtant décisive (
§§
24;125; 126;
129;
130; 277;
287). Mais voyons plutôt son argumentation qui
se déploie en deux temps.
Premier temps:
wI have myself heard
a philosopher refuse ta allow that a prOper name is a ward in a
sentence unless a
Wrigorous definition w of wword w could be
416
Comme l'écrit R.S. Meyer:
wThis sort of definition consists in
giving a number of examples of that which a
term signifies
(that
(143) suite
producedr again,
i f someone remarks that machines are certainly
not even alive,
s t i l l less able to think and reason, he may be
challenged to define
walive w• Both these controversial moves
are clear examples of the Socratic
fallacyr
••• w (id). Ce que
cet auteur oublie,
c'est que Platon ne nie nulle part que nous
puissions avoir quelque connaissance des "choses" de notre envi-
ronnement, mais pour autant qu'elle ne repose pas sur la compré-
hension de leur essence, elle reste empirique et utilitaire.
Ensuite,
i l faut distinguer le cas des objets dont nous avons
une représentation physique (quelle soit tactile,
sonore ou
visuelle) et celui des Formes- Valeurs et des relations.
Nous
savons par exemple que ceci est une "pierre" ou un doigt
(cf.
Alcibiade Premier Ille et RéEublique 524b et plus généralement:
EuthYEhron 7b-c, ~. X 602d7, Philèbe 55el-4) sans qU'il faille
que,
préalablement, nous sachions ce qu'est "pierre" ou "doigt"
dans leur essence. Ce sont des objets avec lesquels nous sommes
confrontés dans notre expérience mondaine. Lorsque nous confon-
dons ces choses,
l'expérience a vite fait de nous en avertir et
t
f
nous met en accord à leur sujet (EuthYEhron 7b-c). Il n'en est
pas de même lorsqu'il s'agit d'objets ou d'actes se rapportant
1
1
;,
---...._--------- -----_.--------------
-~--~---~~-. -- - --------------.. -----------------
417
to which the term is applicable) without stating the characte-
ristic which is common to a11
the examp1es and by virtue of
(143) suite
à des valeurs.
Dans ces cas,
i l nous faut nécessairement connaî-
tre ces valeurs pour déterminer la conformité rationnellement.
Et même dans le cas des valeurs,
i l arrive qu'à certains égards,
nous nous y conformions empiriquement.
Te~ est le c~s du vieux
Céphale au début du livre premier de la Républigue
(~~95-l06).
Deuxième temps de l'argumentation:
-We know heaps of things wi-
thout being able to define the terms in which we express our
know1edge.
Forma1 definitions are on1y way of e1ucidating terms;
a set of ex'amp1es may in a gi ven case be more usefu1
than B
forma1
definition-.
L'erreur commise est la même que nous avons
déjà dénoncée et qui consiste à croire que Socrate cherche une
définition nominale (
~ 287). Mais il reste que seule la défini-
tion correcte d'un terme nous permet de le rapporter de manière
' d
. ,
' d , I d
d'
f '
opportune a
es s1tuat10ns ou a
es evenements,
one
en
a1re
un usage rationnel.
La familiarisation avec un concept,
par le
seul moyen des exemples) si elle peut en effet nous en faire
maîtriser le maniement,
ne peut par contre jamais nous faire
dépasser le niveau empirique.
Au fond.
la position de Platon
est de dire que toute véritable connaissance ne peut être que
connaissance de l'essence.
Finalement,
les critiques de Geach
passent tout à fait à côté des préoccupations de Platon et ne
f
418
1
which they are assigned to a specifie c1ass (group)
.- (144)
O~ se rappelle comment, par l'argument des rivaux (§§ 296- 297),
i l avait disqualifié cette sorte de définition. Ce que veut
Socrate, c'est une définition connotative du pieux.
·He wanted
Euthyphro to state the characteristic common to a11 members of
the c1ass of ·pious actions·.
Such character~ic wou1d serve as
a genera1
ru1e ref1ecting the use of ·pious" because i t 1ays
down precise1y the requirement with which any action must comp1y
befmre the term "pious· can be app1ied to it." (145). Précisé-
ment, le second essai définitionnel va prendre en charge ces
impératifs grâce à l'audition de l'Appel.
(143) suite
sont pas,
force est de le reconnattre,
pertinentes.
(144) Plato's EuthXEhro: an example of Ehilosophical 8ualysis.
Communication of the University of South Afric8, Pretoria,
1963,
p. la.
(145) Ibidem.
p.10.
419
c. Second essai définitionnel:
l'audition de l'APU
( 6e13 -
7a3)
§
309. On se souvient que le devin avait paru
comprendre,
en tout cas accepter ( § 304),
les explications de
Socrate. A lJissue de la seconde explicitatioq du PU (§§ 297;
298 sqq), i l déclare être à même de satisfaire (146) aux
exigences socratiques. En dépit de la vanité d'Euthyphron,
déjà
signalée ( § 249), il tient,
pour une fois,
sa promesse. On
remarquera que le devin est ùn interlocuteur intelligent,
apte
à un entretien dialectique parce qu'il peut s'exprimer sous un
mode unifié (§§ 24;
72;
75;
319). C'est bien ce qu'indique sa
réponse: LIV
~EOTt TOtVUV TC ~Èv TO\\J SEOt! TIPOO$tÀÈ! 80tov
. . . .
,
' ) ,
TO ôÈ ~n TIPOO$tÀE! avootov (147). Cette réponse tranche très
nettement avec la première; aussi est-ce une grave erreur que
de soutenir qu'elle ne vaut guère mieux que la première (148),
ce que contredit, du resteJla réaction expresse (
§ 310 n150)
(146) 6e8:
LIlI
oot $pnow.
(147) 6e1I -
7a1.
(148) Hacha,
op. cit.
p.33.
1
1
420
de Socrate.
(149)
§
310. Cette réaction ne permet aucun doute sur
la validité formelle (
§§125; 128; 135) de la réponse ainsi
proposée. Car Socrate enregistre immédiatement l'audition de
,
. ,
~:>
,
,
(.
;)
,
) ,
)
,
1 APU: LV
ITaYKaÀwf,
W
EUSu~povl Kal wf EYW E~nTOUV aTIOKpIVa-
CI
...:1
t
crSal crE) OUTW VUV aTIEKptVW (150). Les traducteurs ont, en géné-
, (,
raI,
bien rendu cette phrase à partir de Kal wf •••• Grote tra-
duit excelle~nt: wThat is the sort of answer which l desired
to have ••• w (151). La traduction de Allen est semblable:
wYou
have now answered as l
asked you W(152);
celle de Robin est tout
à fait remarquable:
wElle
(i.e.
la réponse (153)
) est conforme
au genre de réponse que je cherchais à obtenir de toi.- (154).
(149) G. Zeigler souligne avec raison (ib.
p.294) qu'Euthyphron
n'éprou~e ~as de difficulté à répondre.
(150) 7a2-3.
1
!
(151) Grote,
ad.
loc. cit.
p.318.
! i
(152) Ibidem,
p.30.
l
(153) Nous précisons.
(154) Apud
Pléiade, op.cit.
p.358; Chateau (ad.
loc. cit.
p.lS)
traduit:
wc'est une réponse comme celle-là que je te demandais-;
Chambry (G.F.,
p.193):
wTu viens de me faire la réponse que je
te demandais w; et enfin,
Croiset (ad.
loc. cit.,
p.191):
Wcette
fois,
c'est
tout à fait la réponse que je te demandais. w On re-
marquera que la meilleure traduction est celle de Robin,
du
moins parmi les éditeurs français.
l'
1
421
Comme pour le premier essai définitionnel (
§ 288 n60),
le paral-
lèle avec le second essai définitionnel du Lachès s'impose,
mais non pas dans le sens envisagé par certains commentateurs
(155). En effet, dans le Lachès,
le second essai définitionnel
(156) ne dépasse nullement le niveau de l'exemple. Car dire que
le courage est une
LVI
KapT€pta •.• TnJ WUXnJ (157), c'est citer
un exemple)où sourd d'ailleurs tout l'écho du précédent. Du
reste, contrairement à ce qui se passe dans l'Euthyphron,
Socra-
te n'enregistre pas l'audition de l'APU
simplement parce qu'elle
n'a pas eu lieu. Dans le Lachès, Socrate change d'interlocu-
teur (158), avec l'entrée dans le débat
de Nicias qui certes
appartient, comme son rival, au métier des armes plutôt qu'à
celui de la parole, mais qui a eu le bonheur de côtoyer des
dialecticiens (159). En fait,
Lachès n'a pas su apprendre et
assimiler sa leçon de logique.
Il n'y a donc pas de correspon-
dance dialectique entre le second essai définitionnel du Lachès
et celui de l'Euthyphron.
(155) Friedlander, op. cit.
p.86.
(156) 192b9 -
cl sqq.
(157) 192b9.
(158) 194a1 sqq.
(159) 180c8 sq où Nicias déclare que Socrate lui a procuré Damon,
un maître de musique,
pour son fils.
422
~3~i. Au contraire du brave général athénien, Euthy-
phron, ainsi que l'écrit Friedlander, a bien assimilé sa leçon
de logique:
wThe second definition shows that Euthyphron
has
1earned his forma1 1esson. w (160).
Il a,
en e~fet, donné une
bonne définition:
wThis is,
in form,
a good definition,
whetber
i t is sound in substance remains to be seen. n (161) La réponse
s'inscrit dans la structure (ou forme)
définitionnelle.
Elle
échappe au principal défaut (162) du premier essai qui était de
ne pouvoir rendre compte de la multitude et de la diversité des
actes pieux. Elle rencontre (163), ce faisant,
l'exigence d'uni-
versalité ( § 278). Le critèreJqui va permettre de juger des
discours,
d'abord sur un plan purement formel,
est formulé.
WEuthyphro's definition now at 1east provides a genera1
crite-
rion for
the use of the term
wpious w•• W (164).
Nous ne pouvons,
en aucun cas, accepter, à cet égard,
la réserve d'Allen qui pré-
(160) Loc. cit.
p.86.
(161) Taylor, P.M.W. p.150.
(162' cf. Allen,
loc. cit.
p.29:
wThis formula escapes a
princi-
pal defect of first attempt: i t provides a distinguishiog mark,
setting off, at 1east in intention,
a11
those and on1y these
things which are to be ho1y. W
(163) Allen,
ibidem,
p.
29:
wThe requirement of universality bas
now been met w.
(164) R.S. Meyer;
ibidem,
p.10~
423
tend que:
• ••• the definition proceeds in a sense by example
still: i t specifies a group of individual
things,
actions,
persons (7a)
marked off from the rest by being loved by the
gods.
And i t is the individuals, not
their distinguishing mark,
1
t .
which are identified with
the holy.· (165) Ce qui est la subs-
tance de cette définition,
c'est l'amour des dieux. L'amour des
dieux est constitutif de la piété. Donc, tout objet qu'enveloppe.
en quelque façon,
cet amourJdevient ipso facto un objet pieux.
Que,
de cette manière,
cette définition installe l'essence du
•
pieux dans une relation, avec toutes les difficultés que cela
peut comporter dans la détermination du pieux comme valeur
(§§
392 sqq), ne change rien à la ~éussite définitionnelle du
second essai. Qu'en une telle définition s'exprime la conception
de l'Athénien moyen (166) n'y change tien non plus. De toute
façon,
Socrate avoue lui-même ( §310) qu'il a atteint son but
dans cette section. Ainsi,
i l ne reste plus,
avant d'aborder la
seconde étape du PU,
qu'à dégager et à systématiser les pre.iers
résultats de notre enquête.
(165) Allen, ib,
p.29.
(166) Guthrie,
H.G.P.,
IV,
p.110:
·In saying
that whatever is
pleasing ~o the gods is ipso facto pious, Euthyphro was closer
to the opinion of at least
the majority of Athenians.·
424
5. Résultats de l'enquête.
§ 312. Au terme de cette seconde section,
nous
avons une notion plus claire du PU,
de l'APU et de sa fonc-
tion dans la progression du dialogue. Le PU est une Structure
ou Forme définitionnelle (SD ou FD: § 24) qui a deux
exigences
fondamentales:
l'universalité ( §
278) et l'identité ( § 279)~
qui implique'l'unité. Lorsque le devin,
en guise de définition
du pieux,exhibe quelques exemples, i l ne satisfait pas à l'exi-
gence d'universalité. Car ses exemples sont autant d'actes sin-
guliers susceptibles de diverses appréciations contradictoires
(§§
330 sqq). N'ayant pas satisfait à l'impératif d'universa-
lité, i l ne pouvait que pécher contre l'exigence d'identité et
d'unité. Aussi bien,
dans un premier temps)n'a-t-il pas entendu
l'Appel du PU,c'est-à-dire cette invite à inscrire sa réponse
dans la SD.
§ 313. L'assimilation de l'APU est fondamentale
dans la progression du dialogue (§
277). Son exigence propre
425
est de mettre le répondant en situation de s'exprimer sous un
mode unifié qui permette l'examen rationnel de son discours et
de ses prétentions (§ 295). Cette condition est remplie dès
l'inscription de la réponse dans la SD. A ce niveau, l'dÀnBEta
n'est pas encore en cause. Mais elle se pose dès après l'audi-
tion de l'APU)comme le montrera la suite de notre analyse
(§§ 318 sqq). Ce qui s'avère essentiel ici, c'est la fonction
pédagogique du ptr. Son r8le de facteur d'entrainement s'y
déploie pleinement. Car le PU, une fois formulé,
doit fonc-
tionner comme un paradigme qui permette d'examiner et de tester
la validité de toutes les réponses (
§ 125). Dans notre dialogue,
après que Socrate a eu donné deux clarifications sur la nature
du PU (§§ 278;
279), Euthyphron entend l'APU et réussit à
inscrire sa réponse dans la SD au terme du second essai ( § 309).
Il se montre ainsi réceptif à la pédagogie du PU et, par consé-
quent, apte à un entretien dialectique.
§
314. Toutefois, si en effet l'APU se situe,
pour l'essentiel,
dans un cadre formel,
dans la mesure où le
problème de la vérité comme tel n'est pas encore abordé (§ 313),
i l est digne d'intérêt de noter qu'ici sa mise en place s'ef-
fectue en rapport avec l'introduction d'importantes notions
( § 283)
celle d'~oÉa d'abord (§ 283), puis celle d'EtoOJ
(§§
298; 299; 300; 301 sqq). Ces deux notions} qui s'origine~~
426
, ô -
dans le verbe 1 E1V (~§ 298 0109, n110) et qui ont une longue
.
)
histoire anté-platonicienne,
des pythagoriciens (§
298) au
corpus hippocratique (§
300 nl18),
ont d'abord vu leur sens
connaître un glissement métaphysique à l'époque de Socrate et
d'Isocrate (§ 298), avant de se voir investis d'une prodigieuse
signification philosophique par Platon
( § 301).
§
315. Nous avons· montré que ces deux notions ne
pouvaient être que des synonymes absolus
( § 303) et que,
d'au-
tre part,
elles révélaient un emploi technique,
principalement
à cause du contexte méthodologique de leur emploi (§ 304).
Au
delà du caractère technique de leur emploi,
elles expriment une
orientation ontologique ou "ontologisante". Car si l'Etôcif du
pieux,
interprété toutefois en un sens non formel,
peut servir
de paradigme (§ 305) pour les actes dont on prédique la piété,
c'est qu'il existe en dehors de ceux-ci
objectivement (167)
(
§ 307). La piété n'appartient à ces actes qu'à titre de pré-
dicat non nécessaire. L'examen de cette question,
i l faut le
noter d'ores et déjà,
nous a mené à l'une des conclusions les
plus importantes de notre commentaire. L'importance de cet
examen consiste en ce que nous avons formulé une hypothèse
(167) Nous appelons objectif ce qui existe en dehors et indé-
pendammen t
de la
conscience.
i.
-
f t
s • .-".,.
tt
'!MU "--Cl b"-' ,
•
427
capitale pour expliquer les signes de transcendance (6e4, ~307
n140) et d'immanence (5d3, § 307 n141) constatés (apud Hoerber,
ibidem,
p.100) dans la description de l'lôÈa ou EtôOI. Notre
hypothèse est que l'EtôoI (ou l'1ôÉa) est transcendant du
point de vue de son statut ontologique et immanent sous le
rapport de son statut existentiel.
§
316. Revenons à .1 1 APU en relation ( §
278)
avec la structure d'ensemble de notre dialogue. L'ensemble de
l'Euthyphron se structure autour de la mise en place du PU.
De sorte que la progression pédagogique du dialogue s'articule
à la progression méthodique du PU (168). Ainsi le lancement de
l'APU et son audition déterminent la première articulation de
la contexture ph~losophique de l'Euthyphron. Cette étape,
marquée essentiellement par sa fonction propédeutique, consti-
tue néanmoins un moment décisif quant à la destinée de l'entre-
tien. La suite de l'entretien dépend très précisément de la
capacité de l'interlocuteur à entendre le langage de l'APU.
Le
dialogue,
en effet,
peut piétiner ou tourner en rond,
sans
jamais dépasser le niveau de l'image. Dans ce cas,
l'interlo-
(168) Il y a donc ici coincidence entre la structure dialogique
et la démarche dialectique.
I~:
. ':
.
~-
~ t
~ ma· ... 1· ET
f
f
'f)
!
f t
on
t'te,- tt
t
fi
.'StetTln • .p',
428
cuteur est sourd. Tel est le cas de l'Hippias Majeur (infra:
n 169). A aucun moment du dialogue, Hippias n'arrive à s'ex-
primer sous un mode unifié. Par suite, il se révèlera inapte
à un authentique entretien dialectique. La conséquence est que
le dialogue s'enlise dans la r~dondance des répétitions et des
images et n'arrive pas à se situer sur le plan de la vérité.
Le dialogue s'arrête,par conséquent)au stade d'un APU resté
inaudible au polymathe Hippias (169).
§ 317. Par contre, dans l'Euthyphron , l'étape
propédeutique se révèle concluante. En effet, après une pre-
mière explicitation et un premier essai infructueux (§§ 277-
292), suivent une seconde explicitation et un second essai
fructueux (§§ 298-311). L'APU ne reste pas énigmatique et
inaudible pour les oreilles du devin. Il entend bien l'APU et
y répond adéquatement. Dès ce moment, il est clair que le dia-
logue ne peut plus rester prisonnier du monde de~ images. Il
est obligé de les dépasser. Dès lors qu'Euthyphron se révèle
capable de parler sous un mode unifié, ses prétentions peuvent
(169) Pour
pondérer ce que le ~ 316 pourrait avoir de trop
abrupt, nous renvoyons à l'analyse de l'Hippias Majeur dans la
première partie (§§ 26-42 et 108-113).
4L~
être examinées du point de vue de la vérité. C'est donc une
seconde épreuve qui commence,
une nouvelle phase qui s'engage
et qui détermine la suite de l'entretien. C'est la recherche
de la vérité qui constitue proprement l'Exigence du Précepte
Unificateur. Elle constitue la seconde étape de l'élabora-
tion et de la construction du PU. Toute la suite du dialogue
sera un essai de construction de l'EPU.
Cet essai,
en s~$ dif-
férentes articulations,
va structurer l'entretien proprement
philosophique.
D'ailleurs,
l'épreuve de vérité,
l'EPU, commence
par l'examen du second essai définitionnel réussi.
illiiillllil
t
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430
LVII
II
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,
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ou un TIOTE KTnaw
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7 )
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lKavwJ ou ETIl8uuoUUEV' $aUEV
E TOU~:
...
Etval Tà <X>.n8ÉJ.
Phédon,
66b 5-8.
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q
f t ·
0
t
~
"
431
III. L'EXIGENCE DU PU ( ou L'EPREUVE
DE
VERITE)
(7a3
11e4).
Argument
§
318. Nous abordons le coeur même du Dialogue.
La discussion qui s'y développe, à travers l'examen du second
essai définitionnel (s. e.
d.),
permettra d'abord de s'interro-
ger sur la validité et la portée de la discrimination entre
divergences éthiques et techniques (§ 323 sqq).
Ensuite)la
discussion se poursuivra par le mise en évidence de la démar-
"
1/
cation entre l'indiscutabilité d'une exigence essentielle aussi
bien chez les hommes (§§ 342- 346) que chez les dieux ~§
347
sqq) et la"discutabilité~des actes particuliers, catégorie
da~s
1a que Il e s ' in s cri t
1 e pro b 1 è me d ' Eu t h YPh r 0 n (§§
35 1; 404) .
La
discussion d'un acte particulier n'a qu'un statut dérivé et
laisse le champ ouvert à l'imposture que constituerait son érec-
tion en norme ( §352). C'est pourquoi cette voie devra être
4JL
abandonnée et le s.e.d.
rectifié (s.
e.
d.
r: ~~358 sqq). Le
s. e.
d.
r.,
qui définit le pieux comme ce qu'aime la totalité
de la divinité (§§ 358; 407)) et qui constitue un PU parfaitemen:
réussi du point de vue de la sn ( §§359- 362), conduit à la dis-
cussion fondamentale sur le rapport qu'entretiennent la morale
et la divinité.
Cette discussion met en oeuvre un important
principe dont la nature n'a jamais été,
jusqu'ici, explicitée
avec toute la netteté souhaitable
(§§395-411).
433
A.
Examen du second essai définitionnel
(
7a3
9d12)
1.
Vérité et divergences
(7a3 -
8a11)
a.
L'EPU
(7a3
7)
§
319.
Il ne
fait aucun
doute que le second
essai
définitionnel traduit l'audition de
l'APU
(§§
309;
310;
311))
comme l'atteste son
enregistrement par Socrate en 7a2-3
(§
310).
Socrate a
bien obtenu le type de réponse qu'il souhaitait
(§ ~10
n154).
La leçon formelle
(1)
est donc achevée.
Euthyphron a
prouvé son aptitude
(2)
à s'exprimer sous un mode unifié (§ 3:3)
et.
par conséquent.
à être partie prenante d'un entretien dia-
lectique
( §
313).
Il s'agit donc de
passer à une étape supé-
(1)
Friedlander cf.§ 311
n160.
(2)
cf. §
313.
1
434
rieure. Dès lors,
le problème qui se pose n'est plus celui de
la vérification de l'adéquation ou de la conformité ( §
298)
de la réponse à la SD. L'adéquation de la réponse à la SD étant
attestée par Socrate lui-même (§§ 310; 313),
il s'agît main-
tenant de poursuivre l'examen du point de vue de la vérité.
§ 320. A ce sujet, la déclaration qui suit im-
médiatement l'enregistrement de l' APU (§
310) ne laisse place
"
) ,
.>
-
-
a aucune mesinterprétation: LVIII
El
~EVTOl aÀn8wJ
TOUTO
/
~
r:--.)
l I ) ,
( " ) 1
)
_
( \\
ounw 016a)
bÀÀa o~6RÀov OTl EnEK616a~E1J WJ EOT1V aÀn8n a
ÀÉYE1J
(3). Le débat)qui va suivre>doit,
de ce fait,
être com-
pris comme un débat sur le fond)qui
engagera des doctrines
et des dogmes (
§§321-322). Ainsi l'Euthyphron s'inscrit clai-
rement dans la perspective dessinée par le Phédon ( § 142 n15;
276) qui fait de la recherche de la vérité le but avoué (§ 141-
142) des dialogues. D'ailleurs, chaque fois que l'interlocu-
te u r fou r nit une r é p0 n s e a p pro pr i é e à 1 a SD (§§
1 75;
17 7 e t
passim),
l'épreuve de vérité commence. La discussion de Socrate
avec Thrasymaque dans le premier livre de la Républigue le
démontre assez. Le bouillant Thrasymaque définit la justice
comme l'intérêt du plus fort (4). Abstraction faite de toute
(3) 7a3-5.
,
,
) ,
t
' J:'
)
) f , \\
·)1
(4) 338c2-3: UX
~n~l
yap
EYW E val'TO
vlKalOV OUK OAAO
11
n
-
• m
t t l •
435
considération axiologique,
et par conséquent)du seul point de
vue de son adéquation à la SD, cette définition est correcte.
Dans un premier temps (5), Socrate en fait une interprétation
selon la ligne gauche (6),
en la confinant au domaine d'une
technique primaire (7)
la lutte. Mais elle était seulement
destinée à vérifier que Thrasymaque réalisait bien l'univer-
sa 1 i té (§§ 2 78;
2 7 9)
des a d é fin i t ion,
c e que mon t r e dur est e
les explications de celui-ci (8). De sorte que Socrate doit
constater l'audition de l'APU et annoncer le passage à l'étape
supérieure ( §
319) de l'examen de l'EPU: L X
Nùv) nv
~)
) ~f,
, ) \\
1
,
,
"
.
(1
EYW) E\\.la8ov 0
ÀÉYE l J'
E11aÀ118E! 11 \\.l11] TTElpaOO\\.lal \\.la8Elv ( 9 ) .
Comme Thrasymaque,
et contrairement à Ménon,
le devin a assimi-
le rapidement le modèle de réponse (la)
proposé par Socrate.
(S) 338cS sqq.
(6) La ligne gauche est celle qui~oppose aux valeurs; la ligne
droite est celle des vraies valeurs. C'est toujours dans ces
deux sens que nous utiliserons ces deux concepts ayant pour no~s
valeur technique.
(7) Sur la notion de technique primaire,
cf.
notre E.T.A.P.
§§
19
191.
(8) 338e1 sqq.
(9) 339a S-6.
(la)
Le Ménon,
en 79a10, utilise la notion de "modèle de réponsE
( Cr 0 i set): cf.
1ère Par t i e :
§§ S8 - 7 2 e t
1 1 5- 1 2 3 .
-.---
......
..
_----~_
--------
436
Aussi bien,
Socrate peut-il soumettre à l'épreuve de vérité
le second essai définitionnel,
en commençant par systématiser
les axes de la doctrine d'Euthyphron.
b.
Les deux axes de la doctrine
euthyphronienne
( 7a8 -
b6)
§
321.
Socrate procède d'abord à une analyse de
la définition euthyphronienne de la piété. Cette définition
révèle deux aspects: TO ~Èv eEO~lÀÉJ TE Kal ~ eEO~lÀn1~vepwnoJ
gOlOJ (11) ( ce qui plaît aux dieux et un homme qui plaît aux
dieux sont pieux)
et inversement (TO ÔÈ eEO~lOÉJ Kal b eEOU10n:
')
,
,
avooloJ (12) ). Ce premier aspect concerne 1 universalité et
1 ' uni t é deI a dé fin i t ion (§§ 278;
279).
D' au t r e par t,
il y a
une identité de la piété qui s'oppose à celle de l'impiété et
qui remplit,
de ce fait,
une fonction de discrimination (§ 282;.
(11)
7a7-8.
Il faut
toutefois noter qu'en donnant sa définitio~
( 6 e l l - 7 a 1) ,
E ut h yp h
'
.
JI
ron ne preclse pas av ePWTIoJ:
c ' s
est
ocra te
lui-même qui l'introduit.
Peut-être pour préparer déjà 12e sqq )
où la place de l'homme dans la détermination de la piété est
privilégiée.
(12)
7a8 -9.
~.....- .......--....._----------
437
Car non seulement
il n'y a pas de relation d'identité entre
piété et impiété, mais encore elles entretiennent précisément
un rapport de contrariété et d'exclusion mutuelle.
Là où se
trouve la piété,
il n'y a pas d'impiété,
et inversement:
LXI
::>
,~) )
,
J , 'a'
,:>
,
,
(1
" , , ) ,
ou TaUTOV
u EOTIV)
a AA
Ta
EvaVl1WTaTOV
TO
OOlOV
T~ avool~ (13).
Ainsi,
sur le plan formel,
il ne semble pas qu'il y ait une
d é f a i Il a n c e à rel e ver. Le j u g e men t
d e v ra ê t r e nua n c é ( §§ 3 3 0 ;
331;
341).
§
322. l l
reste toutefois la question de fond
(
§ 329)1 qui touche au second axe de la doctrine d'Euthyphron.
Il avait déclaré,
en effet,
comme le rappelle Socrate
LXII
cl
,
c . . ,
, ~ / : >
,
on
OTaOlaçOUOlV
01
eC01) ( ••••••••• )
Kal
ula<!>cpOVTal
aÀÀTlÀo,:
, )/ e
:>
,~
: > " "
, : ) ,
Kal
EX
pa
EOTIV EV aUTOlf npof
aÀÀTlÀouf •••
(14)
ce que le devir.
1
•
ne nie nullement
(15).
Il s'agit là de ses vues théologiques
(§§
290 sqq). On remarquera qu'au moment où elles ont été for-
mulées pour la première fois
(
§
292),
Socrate s'était conten-
té d'une simple rebellion.
Par conséquent,
on voit ici comment
une doctrine centrale,
formulée avant l'audition de l'APU
(§
309),
n'est soumise à une critique de fond qu'après celle-
ci,
donc en rapport avec la construction de l'EPU.
La critique
de Socrate spécifie la nature des dissentiments et des discorèes
1
J
(13)
7a9-10.
~
(14)
7b2-4.
1
(15)
7b5:
LXIII
---_..
supposés exister entre les dieux en les mettant en relation
avec leur mode de résolution
Car le mode de résolution
dépe~:
de la nature des dissentiments. Ceux-ci peuvent ~tre techniq~~s
ou éthiques.
c.
La résolution des diverge~ces :«~n~~&
(
7b
7
cIO)
§
323. On (16) a tenté de réduire la portée de
\\l
l'argument développé dans ce passage en argjant qu'il était 8:
hominem:
nThe next arguments SOcrates
uses has
force
only ad
hominem;
i t
explicitly depends on Euthyphro's
traditioné2ist
(17)
belief that
stories about
the quarrels of the Gods
2re _1-
terally true. n
D'abord,
on ne peut appeler cet argucent
ad
hominem parce qu'il
ne s'en prend pas à la personne cême
du
devin,
mais à ses opinions. Ensuite,
comme l'a indiqué T=ylc~
(18): nThe difficulty is
that,
according
to
Euthyphrc
hi~sel~.
dissensions and enmities exist among
the gods."
La àémar:he
(16) Geach,
loc.
laud,
p.373.
(17) cf.
E. Méron in Les idées morales ..•
,
Paris,
rrin.
19-;-:'.
p.
179 sqq.
(18) P.M.W.,
p.1Sü
439
socratique est
parfaitement conséquente
puisque son
objectif
est
précisément de montrer
" . . . les
inconséquences auxquelles
conduit
une
pareille définition
dans 1 'hypothèse
d'un
polythé-
isme qui
admet
les
discussions
entre les
dieux."
(19)
§
324.
Socrate s'interroge donc
sur
la nature
de
ces discussions qui
opposent
les dieux.
Cela revient â se
,
demander
sur quels objets
(20)
portent
les dissentiments et
les
discordes.
A la
réflexion
(21),
sur
les
questions
d'ordre scien-
tifique ou technique.
les diverg€~ces non seulement ne provoque~t
ni guerre ni inimitié,
mais
encore elles
se règlent aisément.
Dans ces
domaines,
i l y a
des
procédures fiables
parce que
véri-
fiables
de règlement des divergences.
Par exemple:
) 1 ; )
, : >
,
, \\
, )
-
C
,
,
av El Ola~EpOl~E8a EYW TE Kal ou nEpl ap18~ou OnOTEpa TIÀE1W)
c
"
, J
, ) \\
L
-
- , ) , y
n nEpl
TOUTW Ola~opa EX8pOUJ av n~aJ nOlOl Kal OPY1J €o8al
/ '
)\\
:>
,
, : > ,
,
-
,
\\
)\\
aÀÀn Ào l I
n ETI l
ÀOy l O~OV E À80VTEI TIEp l YE TWV TO l OUTWV TaXU av
J
~TIaÀÀaYE1~Ev; (22). De même, si les désaccords portent sur les
longueurs
(23), ou sur les
poids
(24),
i l
suffit de recourir
respectivement â la métrétique et â la
pesée pour qu'ils
(19)
J. Moreau,
loc.
laud,
p.79
)/
\\ , ) , ) /
L
(20)
7b6:
LXIV
Ex8pav OE Kal opyaJ)
W <;(plOTE ) n nEpl Tlvwv
ola~opà TI01El •)
(21 )
7b7:
LXV
(22)
7b7-11.
(23)
7c3 sqq.
(24)
7c7 sqq.
440
soient résolus.
§
325. Cette démarche est constante dans les
dialo~ues. Le Protagoras (25) nous présente la métrétique (26)
comme la science qui nous évite l'égarement,
en opposition
avec la force des apparences (TOÙ ~alvo~ÉvOu
66va~lJ, 356d4).
Hors la métrétique,
règne l'illusion (Tà
~avTao~a, 356e1).
Or le propre de celle-ci est d'engendrer une multiplicité
(TIOÀÀaK1J,
356d6) de contradictions aussi bien dans nos actes
(tv TalJ TIpa~EOlv, 356d6-7) que dans nos appréciations concer-
,
_
c . ,
_
,
nant le grand et le petit (EV TalJ alpEOE01V TWV ~EyaÀWV TE
Kal O~lKPWV, 356d7-8). Il n'en irait pas autrement dans le
domaine du pair (TOÙ TIEP1TTOÙ,
356e5) et de l'impair (Kal
, ,
()
,
apT10U, 356e 5-6) où le recours à l'arithmétique
aple~nT1Kn,
357a3),
branche de la rnétrétique (27),
permet le règlement des
divergences (28). Ainsi,
on peut exclure du champ des div er-
gences,qui sont à la source des dissentiments,celles qui ont
t rai t à 1 a· sc i e nce 0 u à 1 a te c h ni que. Mai s i l Y ad' au t r e s
divergences d'une autre nature qu'il faut
justement examiner.
(25) 356d sqq.
(26) 356d4: ~ETpnT1Kn TÉxvn.
(27) 357a1.
(28) L'Alcibiade Premier (111e14 -
112d14) aborde cette quest~:n:
nous renvoyons à notre E.r.A.p.
où ce mo~ceau est commenté
( §§
69 sqq/ p.126 sqq) en liaison avec le texte de l'Euthyphr:n
(§70/ p.129);
,,------------~44~:- ....
d.
Les divergences éthiques
( 7c11 - 8a11
)
a) leur nature
(7c11 - d9)
§
326. Il Y a donc d'autres sujets
pouvan~
~tre la source de divergences)q~i ne peuvent être résolues
1
comme les précédentes. Car elles ne peuvent être dissipées ::r
le recours à un moyen de décision autorisé (29) dont la fia::-
1
f
lité soit unanimement reconnue. Faute d'une telle procédure
de vérification,
toute divergence peut susciter conflits et
guerres. L'existence d'un critère de discrimination du vrai 2t
du faux est une garantie de paix et de concorde. La nature :es
sujets concernés est bien définie puisqu'il s'agit des uty:~:a
,
)j
(
,\\
'
, ' ) ,
c'est-à-dire le 6lKalov et l'a~Kov (3~)le KaÀov et 1 alO\\::v,
1 : : ' "
,
1 aya60v et le KaKOV (31).
Nous sommes,
par conseq~ent)dans le
domaine de l'éthique. Comme ailleurs (32),
le monde éthique
(29) 7b 10-11.
(30) 7d1.
(31) 7d2.
(32) cf. notre ETAP.
442
parait être celui des divergences alors que la technique est
celui des convergences (33).
Mais,
à
propos de divergences,
les dieux seront-ils,
pour ainsi dire,
logés à la même ensei-
gne que les hommes?
B)
chez les dieux
(7d10 - 8a4)
§
327. A cette question, Socrate est bien obligé
d'apporter,
au moins provisoirement,
une réponse affirmative.
On ne voit pas comment les dieux pourraient diverger sur des
questions à propos desquelles les hommes eux-mêmes s'accordent
(§
323). On doit alors écarter les questions de métrétique
ou d'arithmétique etc .• ,
bref les questions techniques)où l'âme
acquiert la possession de la vérité,
donc)à certains égards) de
la stabilité (34).
De sorte qu'en admettant
(35) qu'il y ait
des divergences parmi les dieux,
elles ne peuvent être que de
même nature
(36) que celles qui opposent les hommes, c'est-à-
dire d'ordre éthique.
(33) cf.
notre ETAP)où comme l'indique le titre,
ces questions
constituent l'axe de notre commentaire.
(34) cf. Protagoras, 356e 1-2.
)1
(35) LXVIII
... E1TIEp Tl 61a~fpovTal•..
(7d 8-9)
)
" ) ,
-
,
)1
(36)
7d9:
LXIX
... 61 aUTa TaUTa 61a~EpolvT av;
443
§
328. On mesure mieux les conséquences des "vues
théologiques" ( § 322) d'Euthyphron.
Si elles sont exactes,
elles signifient que les dieux sont à l'image des hommes
et
inversement. Mais plus grave:
elles impliquent non seulement
que les dieux sont divisés, mais encore qu'ils le sont,
tout
,
comme les hommes,
sur les questions essentielles: LXX
Kcn
_ _
)/
_ _
: > ,
)1
'1
,
C o _
TWV 8EWV apa;
ID YEvvalE Eu8u~pov) aÀÀol aÀÀa olKala ~youvTal
\\
,
"
" " ) , , ; J , ,
,
KaTa TOV aov ÀOyOV Kal KaAa Kal alaxpa Kal aya8a Kal KaKa.
(37)
§
329. Socrate ne se contente pas d'exposer les
conceptions théologiques du devin et d'en révéler déjà
l'essence anthropomorphiste.
Il établit aussitôt la relation
problématique entre le second essai définitionnel d'Euthyphron
et sa théologie. Chaque dieu,
en effet,
aime les choses qu'il
:J
_
CI
, (
-
{j
,
juge belles et justes ( OUKOUV aTIEp KaÀa ~youvTal
EKaOTOl
Kal
')
,
, 1
_ ,
_
aya8a Kal olKala, TaUTa Kal ~lÀoualv) (38); en revanche,
il
hait les choses qu'il leur estime contraires ( Tà oÈ ~vavTla
1
_
Cl
TOUTWV ~laoualv)
(3 J ). Euthyphron ne conteste aucune de ces
conclusions (40) qui rendent pourtant sa thèse singulièrement
(37) 7el-3.
(38) 7e6-7.
(39) 7e7.
(40)
7e5:
)
-
,
,
op8wf ÀEYElf,
répond-il a Socrate.
4 1 !..
~
périlleuse.
Il admet
~
meme une constatation bien plus import2:-. te:
., ,
e. 6ù 1
c..
,
1
C.
of
-
(
':i
LXXI
TauT<x
YE
wJA <P!lh
Dl UEV olKala TlYOUVTal) Dl oÈ a6:<Cl'
)
, (1
,
,
,
,
:>
-
TIEpl a Kal a-w,<Plof3TlTOUVTEf OTaOlaçOUOl TE Kal TIOÀEUOÙOl.V
~ÀÀ~ÀOlf (41). On voit bien vers quelle singulière aporie
s'achemine Euthyphron.
y) L'inévitable aporie
( 8a5 -
Il)
§ 330. Si les mêmes choses paraissent justes 2
tels dieux,
injustes à tels autres, elles seront aimées des ~ns.
") / J )/
( . ) 1
_ ,
,
détestées des autres: LXXII
TauT apa) wf E01KEV> UlOE1Tal u~:
)1
JI
)j
TWV 8EWV Kal <P1ÀE1Tal Kal 8EOU1on TE Kal 8EO<P1Àn TaUT av Elr
1
_
(42). Mais selon une telle conception ( TOUT<E T~ À6y~ (43)
}J les
(1
1/
mêmes choses seraient à la fois pieuses et impies ( DOla ap~
, ' ) ,
, )
,'1
)f
Kal aVOOla Ta aUTa av E1Tl (44)
). Cette conception implique
donc une sorte d'indistinction et d'indifférenciation entre _es
choses pieuses et les choses impies (45). Le problème se pose
(41)
7e9 -
8a2; Goldschmidt, Le paradigme dans la théorie pl=~o-
nicienne de l'action, R.E.G,
1945, p.120:
"Dans
la
vie
polit:~ue
des
discours
contradictoires s'affrontent
en
grande abondanc=
et
sur
des
sujets
variés."
(42) 8a4-5.
(43) 8a8.
(44) 8a7.
(45) Taylor,
P~M~W, p.15ü.
44:
alors de savoir si la piété est autre chose que l'impiété.
Lê
réponse ne peut être que négative. Cette conception est
fon-
damentalement contradictoire puisqu'elle oblige à dire:
" la
piété est l'impiété", car rien ne les distingue.
Ainsi,
la d~
finition d'Euthyphron,
confrontée avec sa théologie, apparai:
contradictoire dans la mesure où elle aboutit à attribuer de~x
prédicats contradictoires aux mêmes actes (46).
Elle ne
peut
alors satisfaire au critère d'identité et de discrimination
( §§
2 7 9,
2 8 2) •
§
331. Or la piété et l'impiété sont exclusives
l'une de l'autre. L'E100J de la piété ne saurait être assirr:~é
à l'ETooJ de l'impiété. Ce sont deux choses qui existent à
part l'une de l'autre. Leur rencontre est impensable. Elles
appartiennent à deux mondes radicalement opposés: celui des
valeurs pour la piété, et celui des Anti-Valeurs (AV)
pour
l'impiété. Il y a là,
semble-t-il,
une contradiction logiq~e
inhérente à l'idéologie religieuse populaire (47). Mais pl~3
grave qu'une contradiction logique:
il y a une impossibili:~
ontologique. Sans y prendre garde,
Euthyphron prononce la
confusion de la Valeur (piété) et de l'AV (impiété),
posit:Jn
(46) Chateau,
lac.
laud,
p.87.
(47) Friedlander, ad loc.
cit.
p.86:
"The
logical
contrad::tic~
expresses
the
contradiction inherent
in
the
popular
belie::
about
the gods. n
,.-
446
littéralement intenable.
Comment
s'étonner de
la multiplicité
et du caractère contradictoire des
positions
éthiques?
§ 332. Certains modernes
(48)
ont
reproché
à
Platon d'exagérer
(49)
les divergences
éthiques,
non seulement
au sein des
nations,
mais entre différentes nations.
Geach
invoque Hobbes selon qui,
déclare-t-il
"no
commonwealth
will
hold together
without a
great
deal
of moral
consensus:
i f ever~·
one made up his own morality by
"free
decision"
and,
as
in
the
Book of Judges,
every man did
that
which
was
right
in his
own
eyes,
then society would disintegrate."
(50)
Sans
doute les
divergences morales conduisent-elles
souvent
("often")
à des
inimitiés ou à des conflits,
mais ce
serait fort
mal raison-
ner que d'en conclure qu'elles ne
puissent
pas avoir de soluticJ
rationnelle;
ce serait,
selon
le mot
de Hobbes"
"as i f
the
savage people of America should deny there
were any principle
(48)
Geach,
loc.
cit.
p.374.
(49)
"We ought
in any case
to
that
the extent
of moral
disagree-
ment
both
within and between
civilized societies is often
grossly exagerated"
(p.374).
(50)
Idem,
p.374.
Il ajoute:
"Between
societies,
too
t
there
l~
a great
deal
of moral
consensus,
covered by the
phrase
"the
comity of nations."
447
of reason so
to bui1d a
house as
to 1ast as long as
the mate-
rials,
because
they never saw any so we11
bui1t"
(Leviathan,
c
30)."
(51).
§
333.
Ces reproches illustrent bien l'incompré-
hension dont les thèses de Platon (si ce n'est de Socrate
(52)
continuent d'être l'objet de la part des commentateurs modernes.
Tout d'abord,
Platon ne nie nulle part ni d'aucune manière
(51)
Ibid.
p.374.
(52) Taylor,
P.M.W, p.15ü n2:
"The passage is noteworthy.
Plate
is
fond of assimilating
the
use of a
true
"sca1e of values"
to
the employment
of number,
measure and weight.
We may fair1)'
conjecture with
Burnet
that
the suggestion
comes
from Socrates.
Knowledge of good,
by enabling
us
to estimate correct1y the
relative worth
of different
"goods"
wou1d reduce our heated
quarre1s about
our
"rights"
to a
problem in
"moral
arithmetic".
There is mu ch
truth
in
this.
In
the bitterest of such
quarrels
both
parties often sincere1y wish
for
no more
than
they
"fair
due".
The
trouble is
that
ther cannot
agree on
the
question
how much
that
is.
Compare
Leibniz's hope
that
a
perfected
"symbo1ic 10gic" wou1d reduce a11
phi10sophica1
disputes
to
the
working of a
"ca1cu1ation"
. w
l'existence d'un consensus moral,
en particulier au sein de :a
nation grecque. Mais ce consensus moral est superficiel parcs
qu'il n'est pas fondé rationnellement.
Il ne fait que traduire
la sagesse toute empirique de la conscience commune et de l'ex-
périence collective. La conscience commune peut certainement
se guider sur l'opinion vraie. Comme le déclare clairement ~e
Socrate du Ménon,
la science n'est pas la voie unique (52 bis)
)/
L
' 1 :
1
(..
-
de direction de nos affaires:
LXXII
lOWJ
Kal
ula~EuYEl nw~·
, _
,
, , 1
L )
, J /
TO yvwval Tlva nOTE nporrov Y1YVOVTal 01 aya801 avépEJ
(53). ~
cet égard,
ce serait une erreur de croire que l'opinion vraie
soit moins utile que la science (54).
La conscience commune
(55) et l'expérience collective ne sont pas de vains mots.
~:le5
ne sont pas de simples illusions trompeuses.
Bien au contraire,
elles sont le reflet,
sans doute terni,
des vraies valeurs
dans l'espace mondain.
Elles s'expriment dans les préceptes de
l'idéologie populaire telle que la véhicule la langue et da~s
les Lois,
comme nous l'apprend en des termes mémorables
(52 bis) 96e 3 sqq.
(53) 96e 4-6.
"")
,
)/
. ) ,
,
)
)
,
(54) 97c 4-5:
LXXIV
OUéEV apa t;lToV WcPE À l UOV ECT1V op8r
.)
,
é6~a ETI1OTnUnJ.
(55) Sur la conscience commune, cf.
notre ETAP,
~§ 71-72
(
pp.129-133).
449
Le Criton
(
§§
144-145).
§
334. Les pr~ceptes auxquels les hommes se
r~fèrent sont les mêmes. Les hommes ne les contestent pas
comme tels. Mais ces pr~ceptes, qui s'imposent à la conscien-
ce commune avec la force et la t~nacité d'une banalité parée
de cette sorte de confiance naive qui accompagne l'habitude,
ont le défaut des opinions vraies. Ils ne sont pas enchaînés
par des raisons (56).
Ils ne produisent pas leurs raisons.
Ils
ne savent pas les produire,car ce n'est pas dans leur nature
d'en produire.
Aussi bien,
dès que les hommes,
délaissant la
simple qualification des actes,
en viennent à s'interroger sur
les fondements de leurs propres réf~rences communes, ils leur
attribuent des raisons diff~rentes. On comprend donc pourquoi
il y a coexistence d'une communauté de r~férence avec une
diversité d'appréciations.
La communauté de la réf~rence ~thiçue
explique la cohésion du groupe social et, à l'inverse,
la
diversit~ des interpr~tations est à l'origine des conflits
et des guerres (57).
§ 335.
En second lieu ( §
333),
comme on peut le
constater au terme de ce parcours, Platon n 1 affirme pas qu'il
(56) M~non, 98a1 sqq.
(57) En fait,
le lecteur de la R~publique sait bien que le pro-
cessus social est un processus de désintégration.
En ce sens,
l'Histoire est' un concept non platonicien et même anti-plato~:ciE-
-'"
--------_..-.
450
n'y a pas de solution rationnelle au problème des divergen-
ces morales.
Ce qui est vrai c'est qu'une telle solution ne
)
peut être envisagée par la conscience commune (
§ 334). Mais
une solution rationnelle demeure possible et n'est pas exclue.
Elle passe toutefois par la médiation obligée de la connais-
sance de l'Et6oJ du pieux.
De sorte que l'élaboration ou la
découverte de la solution rationnelle aux conflits éthiques est
solidaire de la théorie des idées ou des Formes (§
337).
La
rationalité d'un précepte moral sera établa dès lors qu'il
satisfait aux exigences d'universalité,
d'unité,
d'identité
et de discrimination
( §§
278,
282).
Il ne s'agit donc pas
de la même forme de rationalité qu'en métrétique ou en matière
de pesée.
§
336. P.T.
Geach (58) a vu dans ce texte une
tentative de distinguer systématiquement les questions factuel-
les des questions axiologiques. Les premières admettraient une
procédure de règlement objectif tandis que les secondes l'igno-
reraient.
Après avoir ainsi présenté l'intention de Platon,
cet
f.Q.fP~
auteur l'a sévèrement critiqué:
nIt
very oftenvtnat
people
who have no relevant
disagreement
about
what
ought
ta be done
in
given
circumstances nevertheless quarrel
bitterly,
even
go
ta law,
because
they disagree
about
the
facts
of the case.
And
(58) Ibidem,
p.373 sq.
4~·
of course
they need not
be irrationally ignoring some
well
known decision
procedure;
they may be no such
procedure."
(S~)
§ ·337. En fait,
cette critique repose simpleme~t
sur une mauvaise compr~hension de l'argument. Il est vrai q~e
l'argument proc~de d'une distinction entre les questions fac-
tuelles et les questions axiologiques. Mais il faut se représen-
ter clairement le but (60)
de l'argument qui est de d~termi~er
la nature des d~saccords
. engendrant les conflits (§
32: :
"Ta
this end,
i t
distinguishes
the subject-matter about
whic~
enmity arises,
and
the situation in
which i t
arises.
The
su:-
ject-matter involves,
broadly,
questions
of worth
value;
the
situation,
lack of satisfactory procedure
for
settling
those
questions.
It
is assumed that
where enmity is
present,
bath
of these conditions
will he
present."
(61).
Cela ne revient
~videmment pas à dire que toutes les questions factuelles
admettent une solution objective ni qu'aucune question axio::-
gique n'admette une telle proc~dure (62). Il faut comprendre
par là que les questions axiologiques sont plus ~lev~es en
dignit~ que les questions de fait.
En admettant que celles-
ci puissent être à l'origine d'une inimiti~ ou d'un conflit. ce
(59) Idem.
(60) R.E.Allen,
loc.
laud,
p.32.
(61)
Ibid.
p.32.
(62) Idem.
serait toujours en se prévalant de celles-là.
S'il y a nais-
sance d'une inimitié à partir d'une question de fait,
la ca~se
véritable et dernière en est axiologique.
Une querelle sur :es
faits a toujours besoin d'une référence,
d'une caution pour se
justifier, et même,
simplement,
pour avoir un sens. Ainsi,
e~
oubliant les critères de détermination de l'E160J (§§ 304;2:~)
ou sa fonction
(§§ 306;
307),
on ne peut que se méprendre s~~
le sens de l'argument.
§
338. C'est le lieu de préciser que tous
les
moments de l'argument sont nécessaires à sa bonne compréheLsioÏ-.
Car on s'est demandé (63) si le développement
7c la sqq ét~it
bien utile à la clarté de l'argumentation. Disons ici qu'i: lui
est non seulement utile mais nécessaire. Les sujets techniç~es
n'engendrant pas en règle générale de véritables conflits, :1
faut bien pouvoir déterminer les sujets qui les suscitent
à savoir les problèmes éthiques ( §~326 sqq). D'autre part, de
manière plus fondamentale,
ce passage permet le glissement strë-
tégique du dialogue vers les questions éthiques
( §§
342 sç~)
et permet d'envisager la problématisation du rapport entre
l'éthique et la divinité.
Cependant,
il est certainement a~~n
tureux de vouloir lire dans l'ensemble de l'argument une
critique du polythéisme (63 bis) comme tel.
En réalité,
l'~~gu-
(63) Chateau,
ibid.
p.88.
(63 bis) Chateau,
ib.
p.
87 sqq.
ment est une première critique du polythéisme d'Euthyphron et
de la masse,
c'est-à-dire d'un polythéisme gui admet la théo-
machie. Ce polythéisme-là mène certainement à des contradictions
et à des absurdités (64).
Il est même,
en un sens,
un hymne
profane à l'impiété.
Socrate s'en prend aux fables et aux
mensonges que l'on rapporte sur les dieux et non au fait qu'il
y ait plusieurs dieux,
c'est-à-dire au polythéisme en lui-même.
Car on peut bien envisager un polythéisme pour lequel il n'y
aurait pas de théomachie. La théomachie n'est pas une consé-
quence nécessaire du polythéisme.
Il semble plutôt qu'ici nous
assistions à une des premières critiques du polythéisme poétique
à partir d'un polythéisme philosophique. Platon n'est donc
pas porteur d'un crypto-monothéisme.
Il est grec.
Il reste
grec,
c'est-à-dire polythéiste. Mais sa vocation à épurer le
polythéisme en le rationlalisant se révèle déjà~ici)avec
suffisamment de netteté et de relief.
Aussi est-il temps de
reprendre l'analyse de l'argument}qui nous conduit, après la
"
~
reprise de l'aporie (§
339),
à poser l'indiscutabilité d'une
exigence essentielle en opposition à la ~iscutabilitél'des actes
particuliers.
(64) C'est pourquoi la République décidera, après avoir cou-
ronné Homère,
de l'exclure de la Cité.
L: ,
--
2.
L'indiscutabilité d'une exigence
essentielle.
( 8a12 -
9d2 )
a. Reprise de l'aporie
( 8a12 -
b6 )
§
339. Si le second essai définitionnel perme:
d'attribuer deux prédicats contradictoires ( §§ 330; 331),
c'est qu'il ne constitue pas une réponse adéquate (65)
à la
question de Socrate. Toutefois, c'est du point de vue de
l'EPU et non de l'APU,
que le devin est passé à côté de la
question.
Une des conditions exigibles pour que la réponse s:it
vraie est qu'elle doit servir de paradigme (§§
305;306)
permettant d'opérer la discrimination ( § 282) entre le pie~I
.J
,
et l'impie. D'où l'observation de Socrate: LXXV
ou yap
,
- ,
- " ) ,
(\\
,
')
,
)/
(j
,
TOUTO YE npWTWV 0
TUYXavE1
TaUTOV ov OOlOV TE
KCl i: ..I(lVOa l CV
( -.: 5 ) .
Or,
si l'on en croit Euthyphron,
les mêmes choses plaisent i
)
JI
CI':>,
)
,
(65) 8al0:
OUK apa
0 npo~nv aTIEKplVW
(66) 8al0-ll.
. -
4 --
tels dieux alors même qu'elles déplaisent a tels autres.
(6ï,
§
340.
Si cela se trouve,
la conduite d'Euthy;~ro~
elle-même tombera sous le coup de cette double qualificatio~.
On peut,
par exemple,
préjuger qu'elle plaira à Zeus)qui s'est
comporté de la même manière à l'égard de son père Cronos.
A
son tour,
celui-ci aimera et hafra tout à la fois la condui:e
d'Euthyphron.
Il llaimera parce qu'il constitue lui-même le
premier modèle du devin,
car il fut le premier à se révolte~
contre son père Ouranos,
et à le détrôner.
Ainsi,
il fut
le
premier bénéficiaire d'une rebellion ouverte contre l'autor:-
té paternelle (68).
D'autre part,
il la hafra parce qu'il f~:
la victime de la rebellion de son propre fils,
Zeus. En tou:
cas, Ouranos , lui, ne pourra que hafr une telle conduite, n'e~
ayant été que la victime,
et en aucun cas,
le bénéficiaire. ~a
même conduite pourrait plaire à Héphaistos (69) et être odie~se
c
1/
(67)
Noter le caractère dubitatif du wJ EOlKEV de Socrate (3J1
(68) Le conflit avec le père est permanent parmi les dieux
(cf. infra;
n69).
(69) cf.
Bergen Evans:
Dictionary of mythology,
London/Ne~ :~r~
2
1971
: "He was lame in consequence of having interfered in _
quarrel
between
his
parents;
the enraged Zeus
had
thro~n h~=
over
the
battlments
of heaven
and
he
had been
crippled
whe~ ~e
lauded
(after
falling
a
full
day)
on
Lemnos"
(p.114).
1
456
à H~ra (70). En somme les dieux seraient en désaccord (71) sur
la qualification de la conduite d'Euthyphron.
On voit ainsi se
dessiner
"1 'inévitable contradiction d'un
polythéisme mal
hiérarchisé." (72) On ne saurait donc nier que le polythéisme
populaire soit inconséquent et qu'il faille en réformer les
fondements ( §
338).
§
341.
Dans l'ensemble,
la définition d'Euthy-
phron est doublement défaillante.
Elle est défaillante du point
de vue théorétique (73). Car si elle a le mérite incontesta-
ble d'être universelle et unitaire ( § 311),
par contrele~le
d'; ~ t~r\\ f-c.
pèche par son incapacité à assumer la double exigenceTet de
discrimination ( § 330).
Ainsi échoue-t-elle à être ce para-
digme que le regard de l'âme devait explorer ( § 306) pour
pouvoir qualifier les actes et les objets de notre monde.
En
second lieu,
et subséquemment,
la définition d'Euthyphron
échoue à révéler la nature véritable de sa conduite.
Elle échoue
donc à la justifier (74).
La conduite d'Euthyphron semble dès
(70) Ibidem,
p.115: Junon chez les Romains.
(71) Hoerber,
loc.
laud,
p.lOI.
(72) Olivier Reverdin,
La R.C.P.,
p.21.
(73) R.S. Meyer,
op.
cit.
p.12.
(74)
idem.
4 ) /
lors inqualifiable.
Plus grave: elle risque devoir recevoir des
qualifications contradictoires.
Pour le moins,
le jugement de
valeur que l'on peut porter sur la conduite du devin est très
discutable.
En cela du moins,
il s'oppose à
.'
l'indiscutabilité
d'une exigence essentielle (75).
Il
'1
b. L'indiscutabilité d'une exige;.:e
essentielle.
( 8b7 - e4)
a) chez les hommes
( 8b7 -
d9)
§
342.
Il est tout à fait remarquable de noter
qu'Euthyphron ne tire pas les conséquences de la critique sc-
cratique. Le lecteur s'attend au moins au rejet principiel èe
la théomachie,
qui ne lui parait pas être un facteur d'affai-
blissement de l'idée de la divinité.
Comme l'écrit Friedlan:er
(75) Sur cette notion d'exigence essentielle,
cf. Goldschrni::
in D. P . t
Par i s , l 9 4 7,
pas sim;
e tau s si: 1ère Par t i e: §§ 1 3 7 - : : ...
.bo- - - - - -
..._ ..
..._.......,__....__ ......_.._,_,._.
.. ~.~
~._~_,_........ __.. _
__
"--.__
-
.
._-~._-,
~ - --~. .
458
-
(76)
"he simply decrees,
quite arbitrarily,
that
they (i.e.
les
dieux,
D. Samb) agree with him in the conduct of his awn
affair." Il se contente de proclamer l'exception
que constit.ue
l'accord des dieux au sujet de son cas:
LXXVI
~,
, , - . . .
,
) ,
(/
,
,
~wKpaTEf)
nEpl
YE
TOUTOU TWV 8EWV OUOEva ETEpOV
ETEP~ 61a~Ef~a-
8
( )
(..
. . ) . 1 : - '
al
77.
Il ajoute immédiatement que:
wf OU vEl OlKnV
,
: > . . .
C I ) \\ ' ) ,
,
J
,
olooval
EKE1VOV of av aOlKwf
Tlva anoKTE1Vn
(78).
En fait,
son
premier souci est la défense de son action (79),
si bien qu'en
réalité sa réponse suppose résolu ce qui est en cause et appa-
rait pour ce qu'elle est:
un diallèle.
§ 343.
La position 'd'Euthyphron est que son père
doit être puni parce que le coupable doit être puni. Mais cette
thèse n'est pas seulement évidente pour les dieux,
elle l'est
tout autant pour les hommes.
La proposition "le coupable doit
être puni" est une proposition analytique (80).
En effet,
" a
man who is guilty is by definition a man who ought ta be puni-
shed.
There is,
indeed,
difference of opinion as to the condi-
tions under which a man is judged ta be guilty or an evildoer
(76) Op. cit.
p.86
(77) 8b 7-8.
(78) 8b 8-9.
(79) Allen,
P.E.
p.35:
". oohis first
thought
is to defend hi.s
action •.• "
(80)R.S. Meyer,
ibid,
p.l3.
but,
given
that a man is guilty,
nobody contests that he
should be punished." (81).
La
notion
de
punition
implique
évidemment celle de
culpabilité.
Il
y a
co-extensibilité
ent~e
culpabilité et
punition.
La
notion de
punition est telle
qu ',,:,\\e..
est
impensable sans celle de culpabilité.
Aussi bien
lE~r
relation nécessaire est-elle incontestable.
Cette relation
exprime une exigence essentielle:
le coupable doit être
puni.
Du reste,
une
exigence essentielle s'exprime en
règle
génére~e
dans une
proposition analytique
(82).
§
344.
Le devin
semble contester un moment
la
relation ainsi établie.
Les
hommes
(83),
dit-il,
ne cessent
:e
contester
les uns contre les autres,
au sein comme en
dehors
des tribunaux.
Non seulement,
ils commettent maintes in jus-
tices,
mais encore ils s'efforcent d'échapper
à un juste
-
,
)
"
,
châtiment:
LXXVII
.,.
aOlKOUVTEJ
yap TIa~TIoÀÀa, TIaVTa TIOlOUOl
-, .
" - ,
ÀÉYOUOl
$E~YOVTEJ TnV olKnv (84). Toutefois, comme l'objectE
immédiatement
(85)
Socrate,
ces hommes ne reconnaissent
pas
(81)
Idem.
(82)
Dans la
terminologie kantienne,
une
proposition analyt:-
que signifie que
le
prédicat est
pensé
dans
le concept
du
sujet.
Cf.
Prolégomènes à
toute métaphysique
future.
(83)
8blû sqq.
(84)
8c4-5.
(85)
8c6 sq.
--------------
n fI"!
460
les injustices dont on les accuse.
Bien au contraire,
ils cla-
ment leur innocence •. Or,
i l serait contradictoire de proclamer
son innocence tout en en revendiquant un châtiment.
Si cer-
tains accusés cherchent à éviter la punition,
c'est dans la
mesure où ils ne se reconnaissent pas coupables.
Aucune person-
ne se reconnaissant coupable n'ose prétendre à l'impunité.
§
345.
Cette thèse a
parfois été mal comprise.
C'est ains i
que dans une note de son .édi tion (86),
Croiset
écrit:
nP1aton ne tient
pas compte du cas,
pourtant
fréquent,
où un accusé,
tout en se reconnaissant
coupable,
cherche à se
disculper en invoquant des circonstances atténuantes.
Il lui
suffit de considérer ce qui arrive le plus souvent. n
Ce
coupable ne prononce pas sur le rapport général et nécessaire
entre la culpabilité et la punition. S'il cherche des cir-
.constances atténuantes, c'est parce qu'il ne conteste pas ce
rapport.
Il reconnait pleinement l'exigence essentielle et
ne
la conteste aucunement.
Il se contente simplement d'alléguer
que,
dans son cas particulier,
la reconnaissance effective
de
l'exigence essentielle passe notamment par la prise en compte
des circonstances atténuantes.
Ainsi i l cherche soit la modé-
ration de la punition par une prise en compte partielle des
(86) p.194 nI.
461
circonstances atténuantes,
soit à reporter intégralement la
faute commise sur celles-ci,qui deviennent dès lors des cir-
constances dirimantes pour lui. Tout se passe,dans ce dernier
cas]comme si les "circonstances atténuantes" étaient le "cou-
pable". C'est à elles qu'il convient de s'en prendre. Il y a
,
un coupable mais i l est impersonnel.
Au fond,
celui qui invo-
que les circonstances atténuantes ne le fait que parce qu'il
reconnait pleinement l'exigence essentielle. La note de Croiset
est donc sans portée réelle
(87).
§
346.
A proprement parler,
la contestation
ne porte pas sur les exigences essentielles (§§
342 sqq).
Par
conséquent,
on ne discute
jamais pour savoir si le coupable
)
).>
-
doit ou ne doit pas être puni (§
344):
LXXVIII
aÀÀ EKEtVO
"li
)
;"'""\\_
..
, )
~)
_
..
,
_
..
towJ a~$toan TOUOtV
TO T~ EOTtV 0 aÔtKwV Kat Tt
ôpwv Kat
nOTE (88). On débat donc, l'accusé étant présumé coupable,
de son identité,
du délit qu'il a commis et éventuellement
(87) Disons ici que)même le coupable/qui.
tout en
se recon-
naissant coupable,
cherche à éviter la punition,
ne conteste
pas l'exigence essentielle.
Il ignore seulement que la punitio~
est un bien pour lui
(cf.
Gorgias:
478e-47ge).
Mais l'exigence
essentielle est telle qu'elle ne peut être contestée.
(88) 8d4-S.
l.i!sJzMIIIiII'- - - - - - - - - - - - - - - - -.....---.----
462
du moment où il a eu lieu. Ainsi les hommes discutent moins
sur les valeurs en elles-mêmes que sur leur présence dans tel
ou tel acte. Ce ne sont pas tant les désaccords sur les valeurs
qui engendrent les conflits que les discussions sur les juge-
men t s d e val e ur. Phi Il i ber t
1 'à
b i e n co mpris, qui é cri t a v e c
raison:
"Il
peut y avoir désaccord entre les esprits sur le
jugement de valeur qu'il
convient de
porter dans
tel
cas
concret: mais i l
n'y a
pas désaccord au fond sur les principes
de valeur qui doivent
servir de norme au jugement."
(89). Mais
ce n'est pas seulement vrai des hommes.
b. et chez les dieux
( 8d9-e4)
§ 347. L'unité de norme entre les dieux et les
hommes qu'Euthyphron avait déjà revendiquée (§
292), est au
moins vraie ici. Si tant est que les dieux discutent des
valeurs, c'est seulement en tant qu'elles s'appliquent (90) à
des actes particuliers qu'elles sont censées qualifier. Car
tout comme les hommes,
les dieux entretiennent avec les
(89) R.H.P.R.
, 1956, p.139.
(90) 8d7 sqq.
·
.._-1.11----------------
0
0
_
463
valeurs un rapport fondamental d'adhésion. Nul parmi les
dieux ou parmi les hommes n'ose soutenir que l'injustice doive
.
.
LXXIX
:> ô '
)/
rester
e -
":li
:>
e '
~mpun~e:
••• OU Etf OUTE
EWV OUTE av pwnwv
_ ,
L : >
_
.,
_
TOÀ~~ ÀEYEtV Wf OU TW YE aôtKOUvTt ÔOTÉOV ôlKnv (91).
,
§
348. Il faut marquer l'importance de cette
thèse. Elle est fondamentale dans la progression du dialogue.
A aucun moment, l'adhésion,
nécessaire, à l'exigence essentiel-
c.
le et son indiscutabilité ne sont posées à titre élen~ique.
C'est pourquoi Frie~dlander a pu voir avec raison dans ce
passage le premier fondement solide du dialogue (92). En effet,
les dieux et les hommes,
qui relèvent de- deux catégories
différentes (93), se trouvent unifiés du point de vue de
(91) 8d10-e1; cf. aussi R.S. Meyer, ad.
loc. cit. p.13.
(92)
"Bere,
then,
is the
first
bit of solid ground amid
the
chaos",
lac. cit. p.86.
(93) R.S. Meyer; loc. cit.
p.13:
"It
should be noted that
Socrates never leaps
from
the context in which men are spoken
about
to the context in which gods are discussed.
Hen and Gcds
form two (different)
categories and
for
this
very reason,
~tat
holds
for one category does not necessarily hold
for another.
Socrates
first
establishes
the position with
respect
to men
and leaves i t
to Euthyphro
to draw the parallel
for the gods.-
.....
464
leurs attitudes,
dans l'espace éthique. Cependant,
si pour
les
dieux comme pour les hommes,
une exigence essentielle est indis-
cutab1e ( §§
339-348;
349),
i l n'en est pas de même des actes
particuliers qui peuvent être sujets à discussion.
L "d·
b·1·
,lld
c.
a
lscuta 1
lte
es actes
particuliers
( 8eS -
9d12 )
a)
position de la guestion
( 8eS -
la)
§ 349. L'exigence essentielle est incontestable
et donc,
indiscutable.
En fait,
personne ne la discute (§
346).
Par contre,
les actes auxquels on prétend reconnaître une
qualité relevant de l'exigence essentielle sont sujets à
discussion.
On ne discutera pas pour savoir s ' i l convient
ou
non d'adhérer à la justice. Personne n'ose faire la propagande
de l'injustice. Par contre,
on a à se prononcer sur tel com-
portement ou tel acte qui prétend être juste.
Dans ce cas.
ce
qui est examiné,
c'est la légitimité et la réalité de la
préten-
tian.
Qu'il s'agisse des dieux
(en admettant qu'ils se querel-
-
465
lent (94)
) ou des hommes,
la discussion ne peut porter que
sur la qualification des actes (95).
C'est là que réside la
divergence des opinions:
dans les jugements de valeur pronon-
cés à l'occasion des faits et des actes (96). Car l'essence
d'aucun acte n'est d'être juste ou injuste,
beau ou laid .•••
Les valeurs,
les formes,qui sont par elles-mêmes des essences~
n'existent dans les réalités particulières qu'à titre d'accident.
§
350. C'est sur la présence de ces formes
(que
sont les essences)
dans les actes
(que sont les accidents)
que
porte toute discussion faisant référence à l'exigence essentiel-
le. Alors, les discussions portent sur des cas: elles consti-
tuent une "casuistique"
(97).
Chaque cas doit justifier la
légitimité de sa prétention à accueillir l'exigence essentiel-
le. Euthyphron se doit par conséquent de justifier son propre
cas.
Pour l'y engager,
Socrate lui adresse une véritable
sommation.
' 1 )
....
,
(94)
8e6:
E1TIEp aU$lOSnTOU01V SE01.
;)
J
(1
...
....
,
(95) 8e4-6: LXXX
AÀX
EKaOTOV YE OlUal •••••• TWV TIpaXeEVTWV
)
(
)
....
... ')/
. . . , ) /
a~$lOSnTÔÙ01V 01 aU$lOSnTOUVT~Kal avSpwITOl Kal SE01) E1TIEP
:>
....
f )
1
aU$lOSnTOU01V of~t·
,
(96) 8e6-8:
LXXXI
TIpa~EW! T1VO! TIÉPl Ôla$EpÔUEVOl Cl UÈv
;>
"
...
~t
Ô1KalW! $aOtV aUTnV TIETIpàxSal~ 01 ÔE aÔtKW!.
(97) Chateau,
loc.
cit.
p.90.
466
S) Euthyphron sommé de
justifier son cas.
(
9al -
c3
)
§ 351. La prétention d'Euthyphron est que son
action à l'égard de son père est pieuse.
Si tel est le cas,
i l
doit être en mesure de démontrer l'existence d'un consensus
des dieux au sujet de cette action.
En d'autres termes,
tous
les dieux considèrent-ils comme injuste la mort du mercenaire,
criminel
lui-même,
dans les conditions déjà (§
263) connues
et rappelées par Socrate (98)? Ne s'agissait-il pas plutôt,
comme nous l'avons suggéré
(§
270),
de l'accomplissement de
la justice divine? Et,
en conséquence,
est-il juste pour un
fils de poursuivre son père dans de telles conditions? Tous
les dieux s'accordent-ils pour
juger une telle action juste?
(99)
(98) 9al sqq.
(99) P.T.
Geach,
loc.
cit p.375:
"Has a man been wrongfu11y
ki11ed when he is a serf,
who ki11ed somebody's slave,
was
tied
up by the slave's master and
"happened
to die
first"
before
the
master cou1d ask
the authorities what
to do
with him? Ought
a
son
to prosecute his own
father
over su ch a man? Will
a11
the
Gods agree that
the ki11ing is wrongfu1
and the prosecution
righteous?"
467
§
352. Tel est le problème. Il fait partie de la
catégorie des questions discutables et qui sont à l'origine de
nombreux désaccords et conflits. En fait,
ce problème est déjà
vivement discuté dans la famille d'Euthyphron. Même que l'accu-
sation d'impiété a été retournée contre l'accusateur Euthyphron
(§
272) •. Certains interprè tes on t d' ailleur s reproché à
Euthyphron de confondre,
peut-être inconsciemment,
le simple
fait d'accuser (son père) avec la mise en évidence de sa culpa-
bilité. C'est le cas, par exemple, de Hoerber:
"Euthyphro is
assuming,
perhaps inconsciously,
that mere indictment by aD
authority presumes that
the defendant is guilty,
even before
the presentation of evidence at the trial
(
Bb-e )
(100)
w.
Il faut donc amener le devin à changer de point de vue. Il doit
comprendre que son action ne saurait ni s'ériger en norme ni
se substituer à la norme. En effet,
"In other words,
one must
not,
as
Socrates indicates,
take one's own action as tbe norm,
(100) Ibidem,
p.
101. Cependant ceci doit être nuancé par la
réaction d'Euthyphron en 3e 4-6: LXXXII
~aTat} ili L~KpaTEfl TIpày~a, ~ÀÀ~ au TE KaTà voùv ~YWVtD TnV
,
t
, , ) \\
,
- : J ,
otKnV) 0 ~at OE Kat E~E TnV E~nV. Toutefois la première pro-
position, nous semble-t-il, concerne davantage l'affaire de
Socrate que la
Sienne. En effet, il fait cette observation
avant l'exposé de son "affaire".
------- ._----------------------------_._...
468
but must instead measure i t against a norm." (101)
§
352.
Notons,
en passant,
qu'il ne faut pas voir
dans ce texte une quelconque allusion au monothéisme.
Heidel
(102)
prétend que:
"Plato
here gives as a
clear hint
that
i f
mythology and religion are
to become available for moral support,
polytheism must
yield to a
pratical
monotheism." Nous avons
déjà rejeté cet infléchissement vers le monothéisme qui relève
d'un simple préjugé (§
338). Même l'existence d'un consensus
permanent entre tous les dieux sur toutes les questions ne peut
ni ne doit être assimilé à
un soit-disant monothéisme de fait.
La raison en est que l'idée fondamentale du polythéisme,
c'est,
en quelque sorte)
la répartition des tâches
(
et la division du travail entre les dieux
(10~. Dans l'Euthyph-
~, Platon cherche simplement, par une mise en évidence des
contradictions du polythéisme populaire,
à
jeter les bases
d'un polythéisme conséquent,
c'est-à-dire rationnel.
Pour accom-
plir cette tâche,
i l se sert d'un espace éthique homogénéisé,
~
"
marqué notamment par l'indiscutabilité des exigences essen-
(101) Friedlander,
op.
cit.
pp.
86-87.
(102) Loc.
cit.
p.168.
(103) Chaque dieu a un domaine particulier:
par exemple/Mars
est le dieu de la guerre,
H~phaistos celui des arts etc •• ~
Zeus est le "patron" de tous.
ne
469
tielles en quoi consistent les énoncés droits sur leÇ formes-
valeurs.
§
354. Revenons à l'interprétation immédiate du
texte (§
352)/ Le devin reconnait lui-même (ce qui montre
qu'il n'est pas uniquement vaniteux
(§§ 249;
309), mais qu'à
l'occasion, il peut faire preuve de quelque modestie) que
:> '1
c'est urie tâche qui n'est pas de tout repos: LXXXIII ~AÀÀ towJ
; ) . : > ,
')/
: > ,
'"
OUK oÀtyov Ëpyov EOltV, W LWKpalEJ (104). Nonobstant la
difficulté, Euthyphron prétend qu'il pourra démontrer claire-
ment que tous les dieux tiennent la conduite de son père pour
injuste (105),
si du moins les juges l'écoutent (106). La
réaction du devin est étonnante car il ne lui semble guère
opportun de se livrer à de longues démonstrations devant Socra-
te, en même temps qu'il semble redouter, en dépit de sa fan-
faronnade,
l'examen des juges ( § 354 n106). Il n'a pas tort:
il est bien plus difficile de venir à bout de l'ardeur inter-
rogative du dialecticien (107). Avec Socrate, la rhétorique
(104) 9b5.
(105) 9b8-9: LxxnY
, < .
, ( 1
, , , , , ,
...
Kat Ot 6EOt anaVTEf Ta lOtaUla ~tOOUOtv.
) ,
' ) , ' ,
,
(106) 9blO-ll:
LXXXV
EavnEp aKOUwOt YE ~OU ÀEYOVlOf.
(107) Socrate déclare qu'il semble à Euthyphron avoir la tête
,
l{
plus dure que les juges: LXXXVI
Mav6avw) Olt Oot OO<W ~WV
OlKClOTWV éUO~Cl6ÉOTEPOf
EtVCll.
~
If
4ïO
est insuffisante pour se tirer d'affaire.· Toutefois,
si
Euthyphron possède cet art,
i l peut espérer être écouté: LXXXVII
,
' ) . ) ,
;;J,
AÀÀ QKOUOOVtQl)
EQVTIEP EO OOKn!
ÀÉYEIV (108).
En fait,
d'ores
et déjà,
la discussion semble devoir se heurter à
une difficul-
té considérable.
En effet,
la prétention d'Euthyphron revient
à vouloir attriouer la qualité de piété à son action après
avoir échoué à
en donner une définition qui puisse résister
,
à l'épreuve de vérité ( §§330-33l). Mais cette singulière inver-
sion du cheminement normal
(108a) ne signifie nullement qu'il
sorte d'on ne sait quel
wsommeil prélogique W (108b). L'assi-
milation de l'enseignement du PU et l'audition de l'APU té-
moignent du contraire (§
319).
En réalité,
la velléité de
désistement du devin s'explique probablement par le fait qu'il
entrevoit toute l'infinie complexité de la question et tente
de renvoyer son règlement au procès.
En cela,
son attitude,
plus qu'à une manoeuvre dilatoire,
ressemble à une
retraite.
De toute façon,
la discussion sur le cas particulier d'Euthy-
phron,
en l'absence d'une claire détermination de
l'Etcc! du
(108) 9cl.
(108a) En effet,
le cheminement normal
est de ne qualifier
l'ac-
te qu'après avoir dûment déterminé
l'EtcO! de la
valeur de
façon indiscutable.
(108b) Chateau,
loc.
cita
p.9l,
qui se réfère à H.
Joly in
Le R.P.
(pplS-17).
1
471
pieux, mène à une impasse. Socrate le comprend bien qui tente,
par le rejet de cette impasse, de faire avancer la construc-
tion de ltEPU.
y) Rejet de ltimpasse dtune
discussion sur les actes
particuliers.
(9c3 -
d2)
§ 355. Les questions portant sur les actes par-
ticuliers ne sont pas insolubles par elles-mêmes. Cependant
leur solution suppose le règlement de la question préalable
(lOBe), celle de ltexigence essentielle. Cette position métho-
dologique et doctrinale a déjà été clairement suggérée (
§§ 306;
307). Il faut dtabord avoir regardé le paradigme,
lt~tôof ou
lt{ôÉa du pieux)pour être en mesure de dire stil
stactualise
ou non dans un tel acte singulier. La connaissance du paradig-
me est, par conséquent, le préalable à la qualification des
actes, des faits ou des objets de la région mondaine.
(lOBe) cf. Goldschmidt, les D.P., passim.
Il
.....------
... - ---- ----_.- -
.
~
-.- ----_ .._._--_._-------------------_._--------------_.-_.
472
§ 356. De sorte que la connaissance fortuite
de
la qualité (lOBd) d'un acte ou d'un objet ne permet en rien
la détermination de celle-ci comme Eidos sui generis. Ce
n'est pas de la connaissance du pieux singulier que je remonte
au paradigme;
au contraire seule la connaissance de celui-ci
me permet de désigner tel acte comme pieux,
c'est-à-dire d'y
vérifier la présence de l'ErOO! et par là,
d'authentifier
la
légitimité de la revendication de l'acte m.Ohdain.
On comprend
donc que,
du fait de l'échec consécutif à l'examen du second
essai définitionnel du point de vue de l'EPU,
et,
par consé-
quent,
à cause de l'ignorance de la question préalable où se
trouvent encore les deux interlocuteurs,
l'entretien ne
puisse se poursuivre dans la même dire~tion (prouver que
l'acte d'Euthyphron est pieux) mais qu'elle doive renouer
avec la recherche de l'ErOO!.
(lOBd) La qualité est employée ici exclusivement dans le
sens
d'essence actualisée dans un acte,
un évènement,
un fait
ou
un objet quelconque.
473
§ 357. Ainsi,
comme le déclare Socrate,
même en
admettant qu'Euthyphron pût démontrer l'unité de
jugement de
tous les dieux sur la conduite de son père comme injuste,
donc comme haie des dieux,
i l ne serait pas pour autant en
mesure de distinguer le pieux de l'impie
(108e).
Sans doute
la conduite du père serait-elle réprouvée de tous les dieux.
Mais le pieux et l'impie ne peuvent pas être définis respec-
tivement par l'approbation et la désapprobation.
En effet,
telle chose aimée des dieux peut être haie par d'autres dieux
( § 340). Aussi bien Socrate fait-il une concession (109) à
1
~)
,
, c ,
, , ) ,
(108e) 9c5-6:
LXXXVIII
Tl
nOT
EOTl
TO
OOlOV TE Kal
TO aV0010V;
(109) R.S.
Meyer donne une double explication de cette conces-
sion:
d'abord
wFrom the
plain tact
that a man cannot advance
the grounds for
a statement,
i t in no way follows
that the
statement is
false:
a statement can be true without its author
being able
to indicate the grounds for it;W;
en second lieu
Whe
can show that even in its amended [orm,
the definition
"pious W is not acceptable because what i t says about
the use
of "pious" does not accord with the customary use of the
term.·
Au sujet de ce dernier point,
i l faut
dire clairement qu'il
est irrecevable.
L'objectif
de Socrate n'est pas de déterminer
le sens usuel des concepts (c'est le travail de Prodicos:
cf.
---
474
Euthyphron: on admettra l'unité de jugement des dieux sur son
cas: LXXXIX
lTaVTEf \\.I10oÛV1:C-''V'(110). On abandonne donc la discussion sur le
cas particulier d'Euthyphron en le supposant résolu (Ill). Et
(l09) suite
§
287 nS2: supra) mais il est de saisir l'Etôof)ou l'1ô€a)
qu'ils expriment et qui ne recoupe
qu'accidentellement
le sens usuel. Le principal défaut de l'interprétation de M&yer
est qu'elle n'appréhende pas les niveaux du PU (APU et EPU) et
est, de ce fait,
incapable d'accéder à la dimension onto1ogi-
que du dialogue. En cela, elle partage la défaillance de l'in-
terprétation traditionnelle -
elle est même, à cet égard,
tra-
ditionne11e.
(110) 9c9 - dl. Mais il est inexact de dire comme Hacha (op.
cit. p.18) que le devin accomplit wun acte qui est précisément
le contraire de la piété. W Cet interprète commet justement la
même erreur (mais inversée) qu'Euthyphron. En réalité le
dialogue disqualifie l'appréciation ponctuelle de l'action
d'Euthyphron •
. (111) On remarquera la similitude de la démarche avec le Char-
mi de l69d sqq où, après l'échec à définir la science, Socrate
propose de mettre en époché la question de savoir s'il existe
une science de la science.
;:,.•...
f
/1t
-._------------_._------_.•_-------
•....•.....
475
: (
pour faire avancer la discussion, Socrate va proposer une
rectification du second essai définitionnel,
pour le rendre
ide n t i que et dis cri ID i na toi r e (
§§ 279;
282; 330; 341).
B. La rectification de la seconde définition
( 9d2 -
lle4 )
1. La seconde définition rectifiée
( 9d2 - el0 )
a. Position de la définition
rectifiée
( 9d2 -
e2)
§
358. Socrate ne propose pas l'abandon total
du second essai définitionnel.
Il veut en conserver l'idée
1
------------------"-- ----""- -----------"----
476
essentielle mais en la rectifiant (112)
(~TIaVOp80UUE8a (113) ).
Cet amendement (114) de la définition n'est pas un phénomène
isolé dans les dialogues. Une nouvelle définition ~eut se
construire à partir de la simple rectification de la précédente.
C'est un processus tout à fait normal: "Dia1ectic is often
progressive or genetic:
new definitions grow out of what has
gone before." (115). La seconde définition rectifiée (116)
se
(112) Sur d'autres exemples de rectification dans les dialogues,
cf. Hippias Majeur,
290c6 et 293e4 sqq; Charmide,
176a sqq;
Lachès, 194d8; ~ysis, 214c5 sqq; Gorgias, 454el-2; Ménon, 73d6-
8, 78b13-14; Protagoras, 351b; République I, 335a6 sqq.
(113) 9d2.
(114)cf. Hoerber in Phronesis, loc. cit.
p.
104; Rabinovitz,
ibidem,
p.l09; Heidel, ad.
loc.
laud,
p.168.
(115) Allen, P.E ••• , p.37.
(116)G. Zeigler remarque le changement de langage à propos de
cette définition rectifiée (op. cit.
p.295):
"An important
feature
to note is that this characterization differs gram~a-
tica11y from
the
two we have seen before.
Whi1e
the
two pre ce-
ding ones were adjectival
(prosphi1es
tois
theois,
theophi1es)
this invo1ves a
finite,
activ verb:
phi10sin
(or misosin).
Euthyphro accepts
this new logos ••. " Le sens de ce cha~gement
de langage est clair pour nous:
il désigne le passage de la
désignation de l'objet aimé (ou hai) à l'acte d'aimer (ou de
hair).
477
,
l\\
, ' ) \\ ,
~
,
_
' ) "
se presente ainsi:
XC
0 UEV av TIaVTEf 01
8EOl
U10W01V aV0010V
:>
(\\
ô ) ) \\
, -
c
cl
') JI
" ,
_
c
EOT1V,0
av qhAW01V
OOlOV] 0
Ô av 01 UEV ~lÀW01V)
01
6È
-
.:> Ô '
? \\ : > ,
'Y)
li
Q '
, , -
Co,
-
U10W01V) ou ETEpa n ~OTEpa,ap OUTW ~OUÀEl
nU1V wplo8al VUV
,
_ ,
l
, _ J ,
TIEpl
TOU 0010U Kal
TOU aV0010U j(117).
6t'Vut
§
359. Comme l'a remarqué Chateau,
du poin8rcfe
,
1
.
la SD,
cette definition est rigoureusement construite (118).
Pour respecter l'ensemble des critères d'une définition
rigoureuse (119),
et non pas uniquement celui de l'universali-
té (
§
282),
i l a fallu
l'intervention de Socrate qui a sug-
géré,
voire proposé,
la rectification.
Aussi bien le second
essai définitionnel rectifié ne souffre d'aucune défaillance
formelle.
Il n'est pas étonnant que,
dès lors,
Socrate puisse
utiliser le terme techniquement précis de ~p{o8al (120). Ce
terme (121) signifie bien ici définir i.e.
tout à la fois
déterminer et distinguer par une limite ou une marque. On
a
soutenu qu'il convenait qu'on ne le traduisît pas systémati-
(117) 9d2-5.
(118)
Ibidem.
(119)
lb.
p.92:
"C'est pourquoi Socrate
•••..• propose lui-
même une définition rigoureusement
construite."
(120) 9d5.
c.
,
(121) Qui dérive de bplÇE1V.
478
quement par définir.
C'est le cas,
par exemple,
de Robinson
(l22))qui écrit:
"For this term,
never losing the
feel
of its
original
connexion with boundary-stones,
suggests laying down
a mark to distinguish a
field
from
the next,
without in any
way describing
the soils or the crops in the
fields so delimi-
ted.
And in Plato's dialogues
the translations
"distinguish"
and "determine" are suitable of often or more often than
"define
If.
La signification étymologique (123) du mot est sans
doute indiscutable. Mais,
comme pour les termes lôÉa ou EtôOf
( § 302), Platon emploie horizein en l'investissant d'un sens
nouveau,
sans toutefois l t désinvestir totalement de sa
signification originelle.
Il lui conserve donc la signification
de "distinguer",
"séparer" (par une marque). Ce n'est pas un
hasard s ' i l emploie ce terme dès après la production d'un
essai
définitionnel qui,
à la différence du précédent
( §§ 309 et
330),
intègre les aspects discriminatoire et distinctif d'une
(122) In PED,
p.55 et G.
Zeigler qui renvoie à ce texte ainsi
d'ailleurs qu'à l'autorité de Liddell et Scott (ib,
p.294).
,
Mais l'emploi de UTIOeÉ~EvOf avec le sens de définir (cf. § 171
c ,
n130) confirme ce que nous disons ici du terme OptÇEtV (cf. sur
ce verbe:
Cratyle,
410c7, Timée, 53a5,
Sophiste 247e3: ap.
Ast.
Lois XII,
944al).
(123) Limiter,
borner.
479
définition techniquement réussie.
D'autre part,
comme tous
les interprètes traditionnels,
Robinson ne voit pas les dif-
férents aspects de l'h6rizein et ne sait guère distinguer
entre les niveaux de l'APU et de l'EPU dont les "exigences Il
sont différentes
(124).
§
360.
Considérons maintenant d'un peu plus près
les propositions contenues dans la définition rectifiée.
Elles
s'engagent dans trois directions,
si l'on y regarde bien.
La
première permet de déterminer les choses pieuses et les choses
impies. Deux marques ( § 359)
relativement pertinentes nous
sont proposées:
l'amour des dieux pour le pieux et leur haine
pour l'impie.
De sorte que la ligne qui sépare l'amour et la
haine,
lorsque ces deux sentiments sont unanimement partagés
par les dieux,
est la même qui sépare le pieux et l'impie.
Mais la seconde direction nous rappelle que l'unanimité des
dieux ne se réalise pas toujours et n'est pas,
du moins dans
la théologie d'Euthyphron (§§
322,
328,
340),
une nécessité
(124) Pour prendre Robinson au mot,
s ' i l s'agit seulement de
l'APU,
on se limitera à mettre en évidence
"a mark
to distin-
guish a
field
from
the next",
mais du point de vue de l'EPU J
on sera obligé de décrire
"the soils or the crops in
the
fields
50
delimited"
(ibid,
p.55).
f
480
inhérente à la divinité.
Le second essai définitionnel,
même rectifié,
continue de se situer ainsi dans le cadre
d'un polythéisme qui admet encore la théomachie
(§
338).
Il
est alors pertinent d'envisager le cas d'un désaccord entre
les dieux à
propos de "quelque chose":
objet ou acte. On se
trouverait alors dans une situation où une même chose serait
en même temps aimée par tels dieux et haie par tels autres
( § 361).
§
361. Prenons par exemple le cas déjà évoqué
( §§
290; 340) de la rebellion de Zeus contrè son père Cronos.
Ce même acte est aimé de Zeus,
puisqu'il en est l'auteur et le
bénéficiaire, mais hai par Cronos,
puis9u ' i l en est la mal-
heureuse victime.
Comment définir un tel acte du point de
vue
de la piété et de l'impiété? Est-il pieux ou bien est-il impie?
Sans doute cet acte est-il aimé de Zeus)mais si on lui appli-
que stricto sensu le second essai définitionnel rectifié,
i l
ne pourra être déclaré pieux.
Car l'amour de Zeus est insuf-
fisant à emporter la qualification de pieux puisque l'amour de
tous les dieux est requis.
Inversement,
la haine de Cronos est
insuffisante à.faire appliquer à
la conduite de Zeus l'étiquet-
te d'impiété puisque la haine de tous les dieux est requise.
Ainsi) en aucun cas,
on ne peut appliquer ni de façon exclusive
ni de façon
simultanée,
les prédicats de piété ou d'impiété à
... Ol
la conduite de Zeus.
Et,pour autant qu'on raisonne du point de
vue du second essai définitionnel rectifié
(SEDR),
i l n'est
pas possible d'envisager,
comme le fait
un peu étourdiment
Socrate (125),
qu'un acte aimé par tels dieux et hai par tels
autres puisse être à la fois
pieux et impie,
puisqu'il faut
dans chacun des cas l'unanimité d'attitude des dieux.
En
revanche,
la troisième direction doit de toute nécessité être
retenue,
à savoir que ce qui fait l'objet de l'amour et de la
haine simultanés des dieux ne peut être dit ni pieux ni impie.
§ 362. On remarquera d'ailleurs qu'après avoir
accepté (126)
la rectification proposée par Socrate, Euthyphron
se contente simplement de reprendre la proposition fondamen-
') JI
tale qui définit le pieux et l'impie:
XCI}
~AÀA EYWYE ~atnv
"
-
t
' li
C l : > I ,
c.
, -
"
av TOUTO E val TO OOlOV 0 av naVTES 01
SEOl ~lÀW01V) Kal
lO
:>
,
li 1 1 ,
, _ : >
,
EvaVT10V 0 av naVTES SEOl ~lOW01V aV0010V (127). Selon Burnet
(128),
cette définition
wis inconsistent
with
the polytheistic
mythology which Euthyphro accepts and Socrates rejects.
~e
now come to something more fundamental;
for
i t
would apply to
the definition TO T~ SE~ npOO$lS
even i f understood in
a
~,
,
,
0
(125)
9d4: 1) a~$OTEpa ••• ; VOlA P.Q.,
vol
14 n 54,
1964,
p.l
n2.
"
"\\ '
...
')'
'
(126)
9d6:
XCI
Tl yap KWAUE1)
W LWKpaTES;
(12 7)
ge~-3.
(128) E.A.C.,
p.127.
482
monotheistic sense." Si,
en effet,
un pas fondamental est
accompli,
i l reste que cette définition reste largement pro-
blématique. Friedlander a mis en relief quelques unes des
questions fondamentales qu'elle pose:
"But
does
this rea11y
he1p as long as we suscribe to a
fa1se
view about
the gods?
How wou1d we determine whether
they agree or not? And wou1d
not agreement in one case threaten
to
full
apart
in another?
Or shou1d we interpret the expression
"a11
the gods" to mean
that
there cannot be contradiction in
the nature of the gods?
What do we know about
the nature of gods? The questions are
not posed direct1y." (129)
Cependant,
sans soupçonner le
moins du monde toutes ces difficultés,
le devin accepte d'assu-
mer le SEDR.
Il devra donc se fonder
sur cette définition
- ,~
)
(TOUTO UTI06E~EVof
(130)
pour enseigner à Socrate le para-
digme du pieux et de l'impie (§§ 305;
306). De toute façon,
comme ailleurs
(131)
c'est à l'interrogé (132) d'assumer
les
thèses qui se déploient au cours de l'enquête.
Mais le plus
(129) Loc.
cit.
p.87.
(130)
9d8;
cf.
aussi Guthrie in Socrates,
p.113 n2.
(131) AlciTIiade Premier:
112a1 -
113c8 et notre ETAP,où ce
m0 r c eau est co mmen té (c f.
§§ 73;
74/ pp. 1 33 -1 36 ) •
...
..
Ù
'\\
..
..
(132) 9d7-8:
XCIII
CxÀÀa 0
on TO oov • 0 • "t ••• , et
..
..
(..
c..
~
::l
~
plus loin 11c4-5:
XCIV
vùv ot
001
yap al UTI06EOElf El0l~
?\\
~
1:.
-
~
aÀÀou on T1VOf uEl oKw~~aTof.
483
.
t
' l '
,
,
1mpor ant est qu en
occurrence la these d Euthyphron,
en
dépit de son dogmatisme ( §273), fasse l'objet d'un examen
rationnel.
b.
La nécessité de son examen
rationnel
( ge3 -
10 )
§ 363. Il ne suffit pas,
en effet, qu'Euthy-
ph r 0 n a c qui è sc e à 1are c tif i c a t ion pro po sée (§§
359; 3 6 2) et
même l'assume (133).
Il avait déjà mis toute son ardeur et
toute sa prétendue science à proposer une pseudo-définition)
qui n'était en réalité qu'un exemple ( §§ 288;
290) englué
dans le monde des images et des phénomènes. La seule compé-
tence affirmée (
§§ 242;
249) du devin ne suffit pas à couvrir
son discours d'une autorité incontestable. Au fond, c'est im-
plicitement l'argument d'autorité (134) qui est rejeté par
anticipation. Aussi bien,
faut-il soumettre la définition
assumée par Euthyphron à l'examen et voir s'il l'affirme avec
(133) gel-3
(134) Thèse constante des dialogues:
selon le Gorgias,
l'accord
de l'interlocuteur est indispensable.
484
:>
...
,
raison
( Et
KaÀW! ÀEYETat) (135).
§
364.
Un interprète contemporain
(136)
a
soù1igné l'emploi de KaÀW! à la place de ~ÀTl8il (§ 320; 7a5)
ou de bp8w! (137). Alors que ~ÀTl8~ signifie "conformément à la
,
)
vérité"
(138) et op8w!
"avec
justesse"
(139),
KaÀW! est
"un
mot qui
dénote avant
tout
ce qui est beau et connote donc des
notions de forme et d'apparence."(140).
Mais trois réserves au
moins doivent être faites.
Tout d'abord,
dans la littérature
grecque,
d'Homère à Platon,
aussi bien que dans le parler popu-
laire,
le terme KaÀW!. est employé de façon amphibologique.
Il
ne connote pas seulement la forme du dire ("c'est bien
dit")
mais aussi l'exactitude du contenu ("j'approuve ce qui est bien
dit: parce que c'est vrai").
Lorsqu'un Grec emploie l'expression
KaÀW! ÀÉYEtv, il veut dire tout à la fois: "c'est bien dit"
(forme)
et "c'est vrai"
(contenu).
Cette remarque est d'autant
(135)
ge4-S.
(136) Chateau,
op.
cit.
p.92.
(137) 4a12.
(138) Chateau,
ibid.
p.92.
(139)
Idem.
(140)
Idem.
D'où cet auteur conclut:
"C'est
donc à travers
l'aspect de l'énoncé,
selon sa
forme,
qu'il
va être jU8é de sa
valeur de vérité." (idem)
485
plus pertinente qu'on ne peut s'imaginer un Grec penser ou
•
, ' "
"
) ) : »
...
,
dlre: KaAWf AEYE1V aÀÀ OUK aÀ~8~ ÀEYE1V. Par conséquent, on
peut tenir que,
généralement, KaÀwf ÀÉYE1V (141) et ~Àn8n ÀÉYE1V
entretiennent un rapport synonymique.
§ 365. La deuxième réserve est davantage circons-
tanciée. Elle est liée au niveau dialectique où se situe le
dialogue. En effet, non seulement l'APD a été entendu (§§ 309sq),
non seulement le dialogue se situe au stade de l'EPU i.e.
de
l'exigence de vérité (
§§318 sqq), mais encore les défaillan-
ces, qui avaient persisté après l'audition de l'APD ( § 330),
ont été corrigées ( § 341) et le SEDR ne présente plus aucune
défaillance. Par conséquent, il est bien plus probable que
KaÀwf renvoie plutôt à la vérité, et non pas à la forme. Enfin,
en troisième lieu, d'une part ce qui a été dit de KaÀwf est
;>...
l
,
valable pour op8wf; d autre part, le contexte de 1 emploi
d'6p8wf se situe avant l'audition (142) de l'APU et renvoie de
ce fait peut-être davantage à l'adéquation de la réponse à la
SD qu'à l'exigence de vérité. En tout cas, l'examen ratioD-
(141) C'est certainement dans le sens de "dire vrai" que
l'emplo~Euthyphron en réponse à Socrate en se servant de
l'expression "KaÀwf ÀÉYEo8al" (ge8-9).
(142) 4a 12.
486
nel (143) du SEDR va être l'occasion de l'argumentation la
plus subtile du dialogue,
dont le sens a été largement contro-
versé par les commentateurs modernes, mais qui peut s'analyser
comme une tentative singulière de mise en place du principe
causal.
2. La mise en place du principe causal.
( 10a1 -
c16 )
a. Position de la guestion
( 10a1 -
5 )
§
366. Le dialogue entreprend ici une question
de grande portée théorétique et historique,
wa
crucial question-
(143) Comme le déclare Socrate (ge4 -
7),
il n'y a que deux pos-
sibilités: soit procéder à cet examen rationnel,
soit s'en tenir
à la définition sans mener une enquête supplémentaire. Le
dogmatisme du devin (
§ 362) opterait volontiers pour la
seconde solution puisqu'il se dit déjà fixé.
487
comme dit Guthrie (144).
On ne s'étonnera pas que l'analyse
de ce passage ait suscité l'intérêt et la passion de nom-
breux commentateurs (145).
Aussi bien,
importe-t-il de
poser
clairement la question,
comme le fait au demeurant Socrate,
~
,
eJ
cl
( J o ,
pour en déterminer l'enjeu:
XCV
upa TO OOlOV OTl
OOlOV
?
- '
( . ,
-
-
')\\
(/
-
C I , )
EOTlV
~lÀElTal uno TWV 8EWV n OTl ~lÀElTal OOlOV EOTlV; (146)
Selon Paul Elmer More,
cette question concerne
"the primacy
of the moral law or of the divine law." (147).
Il ajoute:
(144) H. G.P.,
IV,
p.105.
(145) Citons au hasard:
Lynn E.
Rose,
A note on the Eutbyphro,
la-Il
Phronesis, N°2,
vol X,
1965; G.
Zeigler, Euthyphro
revisited,
P.P.Q.,
N°3,
vol 61, July 19BO; S. Marc Cohen,
Socrates on the Definition of piety;
Euthyphro
laA-lIB,
J.H.
Philos.,
vol IX,
1971; P.T.
Geach, Plato's Euthyphro:
an ana-
lysis and commentary,
The Monist,
N°3,
vol 50,
July 1966;
John H.
Brown,
The logic of
the Euthyphio laA-lIB, P. Q.
N°54,
vol 14, January 1964; John C.
Hall, Plato:
Euthyphro 10al-11810,
P. Q,
N°70,
vol lB, January 196B.
(146)
10a2-3.
(147) Loc.
laud,
p.41.
488
"In the Euthyphro i t is put
categorica11y as a matter fundamen-
ta1
to ethics and religion, •••• " (147 bis).
En d'autres termes,
cette question qui "problèmatise" le rapport de la valeur et
"\\~"i~",t"
.
de la divinitéVà ceci:
"Les dieux se règlent-ils sur la valeur,
ou celle-ci dépend-elle de leur initiative,
de leur arbitraire?-
(148).
§ 367. Cette question, qui peut paraître singu-
lière pour un Grec a,
de toute façon,
un côté subversif si,
du
moins,
elle est rapportée à
l'idéologie religieuse populaire
( §
331).
Pour la masse,
en effet,
i l ne se peut pas que la
valeur dépende d'autre chose que de la volonté divine.
En COR-
mentant ce morceau,
Phillibert (149)
rappelle opportunément ce
vers significatif d'Eschyle dans son Prométhée enchaîné:
"Jupiter est
violent,
je le sais; le juste,
pour lui,
c'est
son caprice." Bien sûr,
ce qui est impliqué dans cette thèse
(ISO), c'est la subordination de la valeur à la divinité. La
1
1
i
i
l
'~
(147 bis) Ibidem,
p.41.
(148) Phillibert,
in R.H.P.R,
p.139 n2.
(149) Ad.
loc.
cit.
p.139 n2.
f1
(ISO) Cette question a été débattue par les Théologiens du
1
r
1
Moyen Age,
cf.
Burnet in E.A.C.,
p.127: "The issue is indeed,
just
that so mu ch discussed by Scho1astic Theo10gians in
the
1
Middle Ages and 1ater,
whether right
is right
because Gad
1
commands i t ,
or whether Godcommands i t because i t is right.·
1
!
t1•
489
volonté divine est la source de la moralité (151):
elle la
crée. Telle sera plus tard la position de Hobbes et de Locke
selon qui l'obligation morale procède d'un commandement divin
(152). Mais d'ores et déjà,
on peut dire que la théologie
d'Euthyphron s'inscrit dans cette optique qui place le moral
sous la dépendance du divin.
Car le devin s'est explicitement
donné pour modèle la conduite de Zeus
(
§§ 290;
291).
Par
(150) suite
Pour un bref rappel des positions sur cette question,
cf.
Hoerber in Phronesis,
1958,
p.102 nI.
(151) cf. Taylor,
PMW,
p.151:
"It amounts to asking whether
aets of piety,
or more generally virtuous aets,
derive their
eharaeter of being right
from
the mere
faet
of being eoawan-
ded,
or are eommanded beeause they are anteeedently intrinsi-
eally right."
(152) Cette thèse est rejetée par Cudworth:
cf.
A, traitise
concerning eternal and immutable morality,
Ld,
Knapton,
1731.
Selon lui,
les actes sont bons ou mauvais par nature et noo
par volonté.
Il semble bien que St Thomas soit opposé à la
thèse de Hobbes et de Locke (ap. Taylor in P.M.W.
p.lS1 nI).
490
conséquent,
à ses yeux, il n'y a de paradigme que la conduite
des dieux en général,
de Zeus en particulier. La conduite
juste (153) ne saurait donc~tre que celle qui prend sa
source et sa référence dans le comportement de Zeus érigé au
rang de norme.
~insi Zeus n'est pas soumis à un modèle puisque
c'est sa propre action qui s'institue en modèle,
gui est le
modèle.
Il ne peut y avoir autonomie,
a fortiori altérité,
entre la
justice et la conduite divine,
puisqu'en définitive,
celle-ci est la
justice.
(154)
§
368. Cependant,
Euthyphron ne comprend pas
immédiatement
(155)
le sens de la question) qui pose une
,
b'
1
.
( '
(J
)
alternative tres nette:
ou
1en
e p1eux
TO OOlOV ,parce
Cf
(/
,
?
,
-
qu'il est pieux
(OTl OOlOV EOT1V),est aime~des dieux (~lÀE1Tal
5no TWV 8EWV), ou bien)parce qu'il est aimé (des dieux)
(153)
Par contre,
wThe solution,
Plato implies,
can be reached
only when
we have learned what
justice in i t s e l f is,
and ta
the solving of this problem he devotes
the long dialogue of
the Republic,
to which
the Euthyphro,
together with
the Gorgias.
serves as a kind of preface w ap.
P.E.
More,
op.
cit.
p.41.
(154) Cohen, ad.
loc.
cit.
p.2 écrit que: WEuthyphro is offering
an authoritarian normative ethical
theory.w
)
~ C' CI
,
. . . ,
(155)
10a4: OUK 010 0 Tl
ÀEYElf) ID LWKpaTEJ.
.. --- --_.-------
491
( ~ , ~
',~
~lftEITal (uno SEWV)
)
(156).
ce qui est pieux est pieux
(6-
,
~
)
N
'
,
OIOV EOTIV.
ous pouvons representer ainsi 1 alternative:
1) P
(a)
p,
(157)
)
2) P
(p)
a
(158 )
La différence est aisée à établir car:
si 1. alors
P
_ _ _ _ _~')
A
(159)
si 2.
alors
A
P
(160)
L'alternative complète s'analyse donc comme suit:
1~ P
(a)
-----------'>'>
A
P ==*~P
>
2) P
(p)
_ _.........
a
~:>
==~~A
P
Il s'agit de choisir entre les deux termes de l'alternative)
(156) Bien entendu.
le texte grec ne répète pas cette expres-
sion qu'il sous-entend. cf.
10a1-3.
(157) Se l i t : ·Le Pieux (P) est aimé (a)
parce que (--;»
i l
est pieux (p).
( 158 ) S e~ i t: LeP i eux ( P ) est pie u x (p) par c e que ( --=»
i 1
est aimé (a)
(sous-entendu:
des dieux).
(159) Le Pieux (P)
est la cause (---~) de l'Amour des Bieux (A).
(160) L'Amour des Dieux
(A) est la cause (--~) du pieux (P).
492
dont le premier exprime l'autonomie du monde éthique et le
second sa dépendance à l'égard du divin. Cependant, Euthyphron
ne comprend pas la nature du rapport (ou de la structure) à
l'aide duquel Socrate tente de penser la rencontre du divin et
du moral. Ce rapport (ou cette structure) peut s'analyser
W
comme une relation de causalité et/ou deVdétermination à tra-
vers la discrimination de ce que nous appellerons, faute de
mieux, cause et effet (161).
b. La discrimination de la cause
et de l'effet
( 10a6 -
c7 )
§
369. Le passage,qui nous occupe à présent) revêt
sans aucun doute un très grand intérêt. Les commentateurs s'ac-
cordent à louer sa subtilité. Heidel (162) comme Hoerber (163)
(161) A moins qu'on n'utilise les termes moins habituels,
et
peut-être pour cela moins compromettants, de déterminant/
déterminé.
(162) Op. Cit. p.177.
(163) Loc. cit. p.l02.
493
trouvent le raisonnement "subtle",
et même "supersubt\\e"
(164).
Ces éloges n'ont toutefois pas empêché de déclarer le
raisonnement socratique "déroutant" (165)
ou même "illogical"
(166).
Brown,
lui,
déclare que "the logic of passage is less
commendable.· (167)
Dans un article remar~able de rigueur
et de lucidité,_ S.M. Cohen estime que
"the argument is suf-
ficently unclear as to warrant discussion of ~hat its structure
is." (168)
L'analyse précise de la structure et des princi-
pales étapes de l'argumentation permettra de statuer, avec
pertinence,
sur sa validité.
Avant de déclarer précipitamment
la défaillance d'un raisonnement philosophique,
l'interprète
doit d'abord s'assurer qu:elle n'est pas la sienne propre
(169).
(164) Heidel,
ibidem,
p.177.
Brown,
loc.
cit.
p.1.
,)
(165) Heidel,
ib.
p.177.
(166) Hoerber,
loc.
cit.
p.102.
(167) Loc.
laud.
p.1.
(168) Cohen,
loc.
cit.
p;l.
(169) Cf. Aubenque,
ibid,
p.10:" Ce que nous appelons les
contra-
dictions d'un auteur peut se situer à trois niveaux: chez
nous qui l'interprétons,
chez l'auteur lui-même ou enfin dans
son objet.
Dans le premier cas,
elle tient à une défaillance
de l'interprète et est donc philosophiquement négligeable:
dans
le second et le troisième,
elle appelle au contraire une éluci-
494
Mais avant d'examiner plus en détail
(§§ 371
sqq)
les problè-
me~ qu'il pose, présentons l'argument.
(169) suite
dation et une décision d'ordre philosophique." a'autre part,
pour ce qui le 'concerne,
Goldschmidt dénonçait les quatre
sophismes de l'historiographie,
parmi lesquels en premier
lieu, se
situe ce qu'il a appelé "le sophisme de la compréhension univer-
selle". Ce sophisme consi~te à croire que "Tout historien est
capable de comprendre n'importe quel philosophe." in PPC,
p.237.
Rappelons,
pour mémoire les trois autres sophismes:
-
le sophisme du "dogmatisme universel":
"Toute doctrine philosophique est réductible à vn nombre res;-
treint de thèses" (id)
-
le sophisme du "dialogue universel":
"Ces thèses sont homogènes et commensurables à celles d'une
autre doctrine." (id)
-
le sophisme du "progrès universel":
"L'ensemble de ces thèses permet à l'historien de construire,
selon les cas,
une série progressive ou décadente,
dont les
termes sont
fournis
par les systèmes philosophiques." (id).
C'est pourquoi nous sommes radicalement opposé à toute tentati-
ve de voir dans le platonisme une préfiguration de l'aristoté-
lisme,
ou dans l'aristotélisme un développement du platonisme.
495
§
370.
On se rappelle qu'Euthyphron avait manifes-
té son incompréhension de la question socratique par laquelle
le dialecticien voulait l'engager à penser la nature du rapport
entre le pieux et l'amour des dieux
( §
368).
C'est pour
lever
une telle incompréhension que Socrate se livre à une explicatio~
(170)
d'un principe d'allure causale.
Cette explication se
déploie en trois étapes assez nettes.
La première étape consis-
te en une simple distinction de deux séries de formes verbales,
active et passive.
Appelons A la série des actives et -
P
(171)
la série des passives:
1.
1
P
cl>Épov (172)
/
cl>EPOUEvOV (173)
"
)
~
ayov
/
ayoUEvoV
, -
c.
/
~
opwv
OPWUEVOV
cl>tÀOÙV
/
cl> t ÀOUlJ Evov
Evidemment,
la question qui se présente immédiatement à
l'esprit
est de savoir en quels termes s'analyse la nature du rapport
(170) Socrate dit,
en effet:
••• nElP&ooual oacl>ÉoTEPC\\I 4lpaoa1. (loaS). 1
(171)
Ne
pas confondre avec P (Le pieux) et p (est pieux).
1
(172) Participe présent.
1
(173)Participe présent moyen-passif.
i
1
j
496
général A/P. c'est à quoi s'attaque la seconde étape.
§ 371. Que 1+p, est clairement affirmé par Socrate
dès la première étape:
XCVI
"
,
-
1
Kat naVTa Ta TOtaUTa ~aveaVEtf
(1
C/
J ,
; ) ,
tl
OTt ETEpa aÀÀnÀWV EOTt Kat
fi
ETEpa (174).
Comme on le constate,
en même temps qu'elle est posée,
cette différence est générali-
sée (Kat naVTa Tà TOtaÙTa ••• ). Mais i l est significatif de noter
et c'est l'un des mystères de ce morceau -
qu'en tentant
de définir le rapport entre les deux séries { A et P ), Socrate
effectue une sub~titution qui, prima facie, modifie l'une des
séries. La série iD est conservée mais il n'en est pas de même
de la série T,qui est remplacée par une autre série de formes
verbales.
Il s'agit des formes verbales suivantes:
~ÉpETat (175),
)1
Co
...
...
(
aYETat
(176),
opaTat
(177),
~tÀEtTat
178). A la différence
de
-A, cette nouvelle série comprend des formes verbales passives)
donc,en ce sens)similaires à la série iP. Appelons cette nouvel-
le série de passives:~ pour la distinguer de -
P.
Alors, nos
deux séries se présentent ainsi:
(174)
10a7-8.
(175)
lOb!.
(176)
10b4.
(177)
10b7.
(178)
10c10.
497
II.
P
P
(j>Épe:Tat
1
(j>e:poJ,Je:vov
)/
')
,
aye:Tat
1
aY°J,Je:vov
Co
-
c ,
opaTat
1
oPWJ,Je:vov
(j>tÀe:tTat
1
(j>tÀouJ,Je:vov
La substitution opérée fait obligation de penser les termes
en lesquels s'analyse le rapport f/P.
On doit,
par conséquent,
éclaircir
la question de savoir ce que nous pensons réellement
sous la série P
• Pensons-nous la même chose que sous la série
A? Le rapport A/P est-il le même ou de même nature que le rap-
port flP? Suivons d'abord Socrate dans l'analyse du rapport
E/P.
§
372. XCVII
AÉye: ôn J,JOt~ ~OTe:pOV TC (j>e:POJ,JE:VOV
,
1
,,~'" 1
")',
(179)
ÔtOTt (j>e:pe:Tat (j>e:poJ,Je:vov e:OTtV n Ôt aÀÀo Tt (180); Ce qui
est troublant c'est que nous avons ici une distinction entre
deux passifs (181).
La difficulté ést réelle puisqu'elle a
conduit des interprètes et des traducteurs réputés sérieux à
proposer des solutions qui sont contraires en effet au simple
(179) Noter la substantivation du participe moyen-passif.
(180)
10bl-2.
(181) Cohen,
ibid,
p.4:
"The
trouble is
that
whereas Socrates
first
distinction
was between active and passive voices.
this
second dtStinction is between two different
passive
forns.·
bon sens.
Ainsi P.T.
Geach n'hésite pas à écrire (182)
WA
thiQg is carried because carried is what i t is w
WBecause a
thing is carried,
carried is what i t is w
Il est d'ailleurs bien inspiré d'ajouter lui-même:
WBut
this
is just whistling in
the dark,
we
just do not know how Plato
conceived the difference
between
the
forms
l
provisionally trans-
W
'late
50-and-50 carried w and
wcarried is what 50-and-50 is ••
" (183).
§ 373. Ainsi,
comme on le voit,
on peut penser
i comme étant passif non seulement par sa forme, mais encore
par ~on sens. Toutefois, si nous attribuons un sens passif à ~,
alors nous sommes contraints d'installer la défaillance dans
le texte. Mais plus grave:
l'argument paraîtra absurde. Car
i l reviendrait à faire accepter les distinctions portant/porté
et porté/porté pour conclure que ce qui est porté est porté
parce qu'il est porté. Or on ne voit ni
l'intérêt ni même
le sens d'un tel pseudo-raisonnement.
Si donc on pense K comme
passif par son sens, alors,
sauf à être déclaré absurde,
ce
passage nous restera à
jamais inintelligible. Dire que la che-
mise est poRtée parce qu'elle est portée,
c'est nier la fonction
(182) In The Monist,
art.
cit.
p.378.
(183)Ibidem,
p.378;
cf.
aussi sur ce genre de traductio~ l'excel-
lent article de Cohen déjà cité (
par ex.
n181:
supra).
Il,
499
du "parce que" qui établit une relation de causalité ou de
consécution entre deux faits,
deux événements ou deux objets
nécessairement dissymétriques. Car dire "parce que")c'est dire
"d'a b0 rd", e t " en s ù i te
". 0 r "d'a b0 rd" et" en sui te" ne peu ven t
se dire,
lorsqu'il y a causalité ou consécution, que de deux
faits,
évenements ou objets dissymétriques. Précisément c'est
la même chose que: "la chemise est portée" et "elle est portée".
Le pronom "elle" remplace "chemise"; nous avons donc: "la che-
mise est portée"
et "la chemise est portée" ou, si nous réta~
blissons la proposition: "La chemise est portée parce que la
chemise est portée". Ce type de proposition n'est même pas
tautologique (A est A) ni même illogiq~e,
mais a-logique. Car
A ne peut avoir avec lui-même qu'un rapport d'identité (A est
A).
§ 374. Mais on peut se demander si,
bien qu'étant
de forme passive, K n'a pas en réalité un sens actif. Nous pou-
vons répondre affirmativement en nous fondant sur trois raisons
majeures. La première résulte du texte: la forme passive ~ rem-
place la forme active A. Deuxièmement, du point de vue de 18=
langue:wPheretai
Wit
is carried w
can,
in general,
have the sense of wone carries i t W or
wsomething carries i t w••
500
••. " (184)
.
Enfin c'est l'attribution d'un sens actif à P qui
sauve le sens du texte.
Dès lors,
la structure du rapport se
présente ainsi:
-
-'triS
-
III.
ft.
P
P
.
~
IV
P
>
<j)EPOl1EVOV
- - - ' )
4>Épov
4>EPOl1EVOV
-- <PÉPETCll
~YOl1EVOV
~
"
)
,
~
ayov
aYOl1EVOV
- - - - - t
aYETat
(
A.
(
...
(.
...
OPWl1EVOV
----. opwv
°PWl1EVOV
- - ?
opaTat
1
4>1 À0011EVOV
4>lÀOÙV
<Pl ÀE1TCll
--
4>1 ÀOUl1EVOV ---
De sorte que nous avons:
P --i'
A
et
A
P
quant au sens actif.
Il reste naturellement à s'interroger sur la nature des distinc-
tions ainsi établies (
§§371-373) et à généraliser le rapport
que tente de penser Socrate.
Occupons-nous d'abord de la généra-
lisation de ce rapport en quoi consiste la troisième étape.
(184) Cohen,
op.
cit.
p.4;
cf. aussi Les éditions "Les 3elles
Lettres;
G.F;
Loeb
Classical Library etc •..
voir aussi l'éton-
nante traduction de Burnet
(EAC,
p.128):"A
thing
is thing
carried
because i t
is carried and not
vice
versa.
50 a
thing
i5
a
thing
loved because i t
is loved,
and i t is not
true
to
say that
i t
i5
loved because i t
is a
thing loved."
(185) Cette flèche,
quelle que soit sa direction,
signifie
§ 375.
Notons que la généralisation s'opère à
l'aide de la structure générale:
P ~
f. Après avoir affir-
mé dans l'étape précédente que TC ~EpOUEVOV •••• ~EPOUEVOV ~OT~V
•••• ôtOTt
~ÉPETat (186), TC bYOUEVOV (187), atoTt UYETat TC
c ,
Ô '
c
-
')
'/
OPWUEVOV
tOTl
(188) opaTat
(189), Socrate conclut:
OUK apa
,
c.,
1 " )
, _
c _
ÔtOTl
0PWUEVOV YE
EOTlV)
ôla TOUTO opaTal
(Donc, ce n'est pas
parce qu'une chose est vue qu'on la voit),
") ÀÀ'
, : >
,
a
a
TO EvaVTlOV
,
c. _
, _
C ,
ÔlOTl
opaTal) ata TOUTO OPWUEVOV
(mais au contraire parce
,
)~,
~,
" ) ,
,
qu on la voit,
pour cela elle est vue).
OUuE
ulOTl
aYOUEvoV
")
~,-
,/
(
,
EOTlV) uta TOUTO aYETal
ce n est pas non plus parce qu'elle
")
,
11
est conduite qu'on la conduit), aÀÀa aloTl aYETal
alà TOÙTO
hYOUEVOV
(mais (au contraire) parce qu'on la conduit, pour cela
(185) suite
"parce que". Elle n'est donc pas le symbole de l'implication au
sens des mathématiques modernes. Cette remarque est importante
car,dans notre formalisation,
on ne peut avoir a ~ a (ce qui
n'est pas le cas de l'implicatio~ qui admet bien une propositiorr
telle que a --.., a -
tautologique, bien entendu:
par ex.:
la fe:.:il-
le est blanche, donc la feuille est blanche).
Il s'agit de ne
pas confondre "donc" et "parce que".
1.
(186) 10bl-2.
)
1
)
/
(187 ) 10b4: on sous-entendra,
bien sOr, aYOUEvoV EOTlv
(188) Le aloTl est amphibolique (déjà § 373): nous y reviendrcns:
~~381; 397~
(189) 10b4-5.
502
elle est conduite) ~06È 6l0Tl ~EPOUEVOV) ~ÉPETal (ce n'est pas
non plus parce qu'une chose est portée qu'on la porte), &ÀÀh
6l0Tl ~ÉPETal) ~Ep6~EVOV (mais (au contraire) parce qu'on la
porte, elle est portée) (190).
§
376. Socrate demande immédiatement à Euthyphron
s'il comprend bien où il veut en venir:
;J.
,
(/
EuSu.pov) 0 So6Àoual ÀÉYElV (191); L'intention unificatrice de
Socrate est très nette. Visiblement}le principe qu'il va poser
revêt à ses yeux un caractère universel sous lequel les dévelop-
,
Q ' ,
o"~
(1
.
pements précédents seront subsumes.
~ouAo~al
E TouE) OTl,(Je
)j
,
:t
J
(
,
veux dire ceci que) El Tl YlYVETal n Tl naOXEl
lorsqu une chose
)
(J
,
/ "
,
devient ou advient) oUX OTt YlYVO~EVOV EOTl ytYVETal ( ce n'est
J
) CI
pas parce qu'elle est devenue qu'elle devient), aÀÀ OTt Y1YVETal
,
J )
.
(
YlYVO~EVOV EOTlV (ma~s
au contraire) parce qu'elle devient,
) ) ( J
,
' ) , '
" ) ) 0
,
elle est devenue). Ouo OTl naoxov EOTl naOXEt,
aÀÀ OTl
naOXEl
,
, /
naoxov EOTtV (ce n'est pas parce qu'une chose est advenue qu'ell~
advient, mais parce qu'elle advient, elle est advenue)
(192).
Le devin,
consulté (193), partage cette conviction. Traduit
analytiquement, ce passage se présente comme suit:
(190) 10b~O sqq.
(191) 10bl1-({.
(192) 10cl-4.
(193) 10c4.
,)U3
V.
P
P
Vrai
Faux
c. ...
c.
,
opcXText
)
°PW\\.lEVOV
F
C
...
C .,
OpexText
"
°PW\\.lEVOV
V
")1
")
,
ex'YE Tex t
t ;
ex'Y0\\.lEVOV
F
")/
')
,
ex'YE Tex t,
ex'Y0\\.lEVOV
V
J
<pEPEText
~
<PEp6\\.lEVOV
F
<pÉPEText <
<PEp6\\.lEVOV
V
Le principe général s'exprimera de façon similaire:
p
-p
,
,
'YtjVEText
~
'Yt'YVO\\.lEVOV
F
(nexoXEt)
1
,
V
'Yt'YV::Text
(
'Yt'YVO\\.lEVOV
,
,
F
nexoXEt
>
nexoxov
,
,
V
nexoXEt
~
nexoxov
Un examen rapproché du tableau révèle que tous les énoncés de
structure ~ ~p sont faux et que tous les énoncés de forme
K ---;iJ sont vrais. Si l'on se rappelle l'équivalence posée
antérieurement R =-r ( § 374), alors on peut dire que sont vrais
tous les énoncés de forme
P ~ A
ou
P ---+ P
et faux tous les énoncés de forme:
P ~ P
ou
A ---+ -
P
504
D'ores et déjà,
nous pouvons dire queJpour déterminer la vérité
ou la fausseté d'un énoncé quelconque,
il suffit de connaître
sa forme.
§ 377. Mais quelle est la nature
réelle de ces
distinctions? Sont-elles de simples distinctions grammaticales
ou bien ont-elles un caractère logique et/ou causal? Sombreux
sont les savants qui y ont vu la mise en oeuvre d'une distinc-
tion grammaticale,
encore inhabituelle à l'époque de Platon.
"W~ must remember, however, that grammatical termino10gy did
not exist in
the
time of Socrates,
or even in that of P1ato,
and there were therefore no recognized names,
for
what were
\\
1
ca11ed1ater the lVEPYnTlX~ and
na8nTIKn ola8Eolf.- (194) Un
des derniers interprètes (195) de notre dialogue note que:
"Cette série d'exemples met en évidence la relation entre des
termes qui sont grammaticalement des
verbes actifs et des
passifs:
(194) Burnet, E.A.C,
p.127; cf. aussi Taylor,
P.M.W, p.lSl; Hacha,
ad loc. cit,
p.54,
qui suit Burnet; Cohen,
loc.
laud, p.3:
distinction is sure1y intended to be a
grammatical
one; as has
been
frequent1y noted,
the grammatical
termino10gy in which
t~e
distinction between active and passive voices
wou1d be expressed
had not been invented at
the
time P1ato
was writing.·
(195) Chateau,
loc.
laud.
p.216 n93.
505
porter/~tre porté, voir/~tre vu, conduire/~tre conduit.· Une
note de l'édition de Robin semble aller dans le même sens:
-En d'autres
termes,
l'action n'existe pas sans agent.
la
passion sans un
patient.
Noter que ces distinctions grammatica-
les,
desquelles se dégage la notion de verbe passif, sont
pré-
sentées comme une nouveauté.-
(196)
§
378. Cependant,
tout compte fait,
l'aspect
grammatical,
en admettant qu'il soit une nouveauté,
nous
paraît
de peu d'intérêt,
en tout cas secondaire.
On ne peut donc accep-
ter l'idée que Socrate,
dans ce passage,
-développe l'analyse
du passif et de l'actif.-
(197). Une raison décisive exclut
et
(19Q) Robin,
ap.
Pléiade,
1954,
p.1292
( 364 nI);
cf. aussi
Moreau,
in C.I.P.,
1967,
p.79.
(197) Chateau,
loc.
cit.,
p.94. Cette th~se est partagée,
en
partie,
par Guthrie,dont l'analyse de ce morceau ne nous
paraît
gu~re conséquente:
n
At
lOa-c P1ato is
trying
to exp1ain,
appa-
rent1y
for
the
first
time,
and perhaps with indifferent
success ••. ~
the distinctions between
the active and passive
voice and bet-
ween
the indicative mood and
the participle. n Mais il ajoute:
-This
type of analysis,
~aich we may ca11 grammatical,
is in
fact
10gica1,
an ana1ysis of thought
forms,
and as such
appears
to be an advance on
the often arbitrary classification
of terns
and the semantic distinction
which,
so far as our evidence goes.
represent
the limit of the
Sophist'
achievements in grammar.·
(H.G.P.,
IV,
~.1.12).
disqualifie cette approche,
si du moins on la considère comme le
fondement de l'interprétation
d'ensemble de ce morceau. En
effet, Socrate, après avoir fondé son explication sur une opposi-
tion entre formes verbales actives (A) et passives (P'), la pour-
suit (§§
371 sqq) à l'aide de deux formes verbales passives, p-
et K, celle-ci se substituan~ à A. On ne développe pas l'analyse
de l'actif et du passif sur un plan grammatical, en opposant
deux passifs. Au contraire,
le fait d'avoir remplacé T par L
semble une invite à ne pas recourir à une interprétation de ce
genre. En effet, Socrate aurait pu tout aussi bien poursuivre
son analyse à l'aide de 'A/p, ce qui eût mieux convenu à une
analyse grammaticale du passif et de l'actif.
§
379. A ce premier argument s'ajoute la remarque
de R.E. Allen selon laquelle la relation actif/passif est symé-
trique alors que nous avons affaire à un rapport
asymétrique
daqs la relation envisag~e par Socrate. Reportons-nous â cet
intéressant commentaire:wThe point of this argument may seem
nearly opaque,
an impression which commentators who believe
that
Socrates is here exploring
the mysteries of active and passive
voice have done l i t t l e to correct.
Active and passive are
symmetrical
(198)
: i f the farmer milks the cow,
the cow is
(198) C'est pourquoi Guthrie (HGP, iV,
p.10S) nous paraît faire
une assimilation indue lorsqu'il dit que "the relation between
active and passive is not
symmetrical
but
one of cause and effec:. ~
1
507
milked by the farmer.
And this symmetry holds when
we desert
grammar for
the more abstract language of the
formai
logic.
and
speak of the domain and converse domain of the relation
wmilks·
the lactative relation,
one assumes.
But Socrates is here
concerned,
not with a symmetry,
but with an asymmetry: a
thing
being carried is being carried because of the carrying;
the
carrying does not exist because the thing is being carried.
The
language of his examples is in
fact
cost.
not into a
contrast
between acrive and passive forms of the verb.
but
into passive
participle and corresponding passive verb,
a
feature
of the Greek
which cannot without undue clumsiness be preserved in transla-
tion.·
(199)
§
380. Le Professeur R.E.
Allen n'a
pas seulement
exclu l'interpr~tation "grammaticale". Selon lui,
le propos de
Socrate n'est ni logique ni linguistique.
Socrate chercherait
plut6t i
signifier. une priorit~ dans la structure des faits.
wSpecifically.
he is concerned to show that
carrying is prior to
being carried,
leading prior
to being led,
seing prior to
being
seen,
and that,
thereforeJloving is prior
to being loved.·
(200)
Toutefois,
la priorit~ pos~e ici n'est pas temporelle, mais
(199) R.E.
Allen,
loc.
laud,
p.40.
(200~ Allen, ibidem, p.40.
--
508
conditionnelle:
wthere are activities,
such as carrying.
and
there are counterpart
properties engendered by those activities,
such as being carried;
the counterpart
properties exist
because
of the activities,
but
the activities do not exist because of
the counterpart
properties."
(201).
Allen met en garde contre la
confusion de cette question avec une autre
,
très différente.
En effet
"Activities generally require objects.
To milk a
cow,
you must have a
cow,
so the cow is the condition of the milking.
But
to have a milked cow you must milk her,
so
the milking is a
condition of the counterpart
property in
the cow of being milked. ~
(202) Sans doute l'interprétation du Professeur Allen est-elle
recevable)mais elle présente le défaut
(ou l'insuffisance) de ne
pas préciser la nature de la priorité
(203)
dont i l parle.
Nous
savons que cette priorité est structurelle et conditionnelle)
mais cette double caractéristique est valable
pour la causalité.
caR la causalité est une structure définissant le rapport constarr-~
de la cause et de l'effet,
mais aussi
l'effet a
pour condition
(201)
Ibid,
p.40.
(202)
Ibidem,
pp.
40-41.
L'auteur renvoie au Charmide: 167d.
(203) Jowett
(loc.
laud,
p.71)
parle de la priorité de
l'acte
,
" ,
h l ' )
,
.
,
sur l.état,
en se referant a Aristote c ez qui
EVEPYEla precede
1
la ôuvalllf.
509
nécessaire et suffisante sa cause. L'interprétation tradition-
nelle ne se prononce pas toujours clairement sur la question de
la présence de la causalité dans ce passage.
(204)
(204) Par exemple, selon Burnet:
"All
Socrates means is
that a
definition
which can be expressed in
the passive voice i s
not a
,
~),
ÀoyoI TnI ouotaI" (in E.A.C. p.l28). Et comme bien souvent,
Taylor, P.M.W.,
p.l52, s'accorde avec Burnet:
"In other words, a
passive participle or adjective of passive sense is always a
denominatio extrinsica." Il s'est d'ailleurs préalablement exp l i -
qué comme suit: "The principle to be laid down is that when sone-
thing happens
to,
or is done to, a thing there is al~ays a ccr-
related person or thing who is the doer.
Thus i f a thing is
carried,
or is seen,
there is someone or something vho carries
or sees that thing. And when use a "passive" participle or
adjective to characterize anything,
we do so because something
is being done
to the thing by something else." Pour en revenir
au problème de la priorité, signalons que Hall disqualifie le
priorité grammaticale et opte pour la priorité logique (
loc.
cit.
p.9).
1
§ 381. Heidel.
dans son important article,
voit
dans ce passage la présence de trois couples de notions paral-
lèles qui ne sont pas nettement dsitinguées:
"These notions are.
(205)
active:
passive:
antecedent:
consequent:
cause: effect.·. L'in-
terférence de ces trois notions concomitantes est peut-être à
l'origine de l'amphibolie du oi6Tl>qui a été signalée par maints
interprètes (206). Mais c'est le mérite de Heidel d'avoir vu la
prévalence massive de la notion de causalité dans ce passage,
dont il s'est efforcé de souligner l'intérêt et la cohérence à
l'aide de deux arguments: historique
~~ psychologique. D'abord
" •.• i t is by no means certain that any one in PIato's day had
clearly distinguished between
these ideas,
for in modern scien-
tific
thought,
at any rate.
"cause and effect" did not appear
in
their present
form much before the
time of GaIiIeo •.• -(207)
(205) Ibidem p.l77.
(206) De leurs points de vue propres: par exemple. Brovn.
loc.
laud.
p.5 sqq; Geach.
ibid,
p.379; Hall.
op. ciL
p.65 sqq.
(207) En fait.
dès le début de sa carrière philosophique.
Platon
est en possession d'une notion élaborée de la causalité.
comme le prouve le texte de l'Hippias Maieur)dont nous rendons
compte pl us bas (§
384).
511
Et, "second,
modern psychological
logic must regard the argument Cf
the Euthyphro as possessed of great intrinsic and historical
value."
(208)
§ 382.
Un interprète comme HoeRhe~ ne nie pas la
présence de la causalité dans ce passage. Mais i l la limite
aux deux premières séries de structureP~A(cf.III, §380).
"These pairs of agents and patients imply causation,
• (209)
écrit-il,
avant de poursuivre: "Socrates immediately jumps,however,
to pairs which involve no causation,
for
both are
patients:
pheremenon and pheretai,
agamenon and agetai,
horomenon and
horatai
(lOb-c).' The
two sets of pairs are not parallel:
the
second set involves merely two aspects of the patient,
but
no
agent of causation."(210).
En somme,
i l refuse toute structure
(208) Heidel,
ibid,
pp.
177-178.
(209) Hoerber,
loc.
ciL
p.103.
(210)
Ibid,
p.103.
L'objection de cet auteur fondée sur l'auto-
rité d'Aristote (cf.
Physique 185b25-30 et Métaphysique 1017a
28-30) est spétieuse:
"In
fact,
Aristotle recognizes badizon
esti as equivalent
to badizei,
and hygiainon esti
as equal
to
hygiainei." (ib,
p.103).
Il est impossible de dire:
badizon esti
dioti
badizei
(il est en train de marcher parce qu'il marche) ou
bien hygianon esti
dioti
hygiainei
(
i l est bien
portant
parce
qu'il se porte bien).
Nous n'avons pas ici un agent et un
patient.
--- ---~. p--~-------_._----_._-.
......-
-~~-_._-
512
causale aux énoncés de forme:
P ~ P
(cf. IV, § 380),
ignorant
ainsi la particularité de P qui est d'avoir une forme passive
- )
(210) suite
Car si dans les deux cas "badizon esti" et "hygiainon esti" sont
1 (..J>""-~ r~
~(.. t v-t.A~ "i:w ')
"_~_o.àA~u..~~4e~~~œ.:lIR~i@lÏl'· ~ ,le sen s du pr emi er est a ct i f
tandis que le second, même lorsqu'il est grammaticalement de
forme active, décrit un état (être bien portant, se porter bien)
sans pour autant être réellement assimilable à un sens pa~sif.
De sorte que le traitement de ces deux cas est très différent.
Dans le premier cas, nous avons "badizon esti"=p
et "badizei-=A.
Or,on ne peut prétendre que P ~A ou A ~ P car de tels
énoncés sont "alogiques" ( §
373). Si par contre, nous avions:
"Le chien est promené (P) parce que le gardien le promène (A)-,
alors la structure de l'énoncé serait: -P ---Jr, énoncé vrai
( §
376); il serait d'autre part faux de dire "parce que le chierr
est promené,
le gardien le promène" car sa structure serait:
A ~ P. Dans cet exemple, il y a un agent (le gardien) et un
patient (le chien).
"Hygiainon esti" présente une particularité:
il est assimilable à la catégorie grammaticale française des
verbes d'état qui ne sont ni de sens actif ni passif. Cette re-
marque est vraie de sa forme active "hygiainei". "Hygiainon esti .~.
ne peut être désigné ni par l ' puisqu'il n'est pas de sens passif
ni par f
pu i s qu' i 1 n' est pas des e n sac tif.
" HYg i a i ne i"
ne peu t
être désigné ni par A puisqu'il n'est pas de sens actif ni par
f puisqu'il n'est pas de forme passive. Si nous représentions la
51
et un sens actif (
§ 374).
Nous avons déjà montré à quel non-
sens aboutissait l'attribution d'un sens passif à P (
§§ 372;
373) et mis en évidence l'identité de la structure de III (P ~A)
et de IV (P - - f),
nous n'y reviendrons pas. Si P ~ -A est une
structure causale, alors
sauf à déclarer le passage de
P - - A à P -? P totalement inintelligible
P ~ P aussi doit
être de structure causale. Cette
conclusion paraît d'autant plus
pertint~te que la généralisation (§
374) du principe dégagé
dans ce passage s'effectue à l'aide de la structure P ~ P
( §
375), bien sûr équivalente à -P ~ A ( § 374).
§
383. Il nous semble donc permis de considérer
que ce que tente de penser Socrate à travers ce passage est bien
(210)
suite
~o'\\""~
a
forme passive des verbes d'état par EP et leu~ctive par E ,
nous serions obligés de déclarer alogiques (§ 373) les énoncés
a
de forme EP ---1> E
ou Ea~ EP , précisément parce que Ea=."E P ,
"hygiainei"="hygiainon esti". En fait tant qu'on peut dire x=y
(et y=x), on ne peut dire x~y (ni y ~ x). Pourtant, même Shorey
(w.P.S,
p.77) reprend cette remarque d'Aristo~e, non pertinen-
te)appliquée à notre morceau.
514
un rapport de causalité,ou de détermination
(211)qui ne
sont
pas séparé~
ici.
Cette causalité est un~ structure déterminant/
déterminé ou cause/effet dans laquelle est pensée une double
priorité du déterminant/cause sur le déterminé/effet:
d'abord,
une priorité conditionnelle et méta-logique
(sans le déterminant/
cause,
i l n'y a
pas de déterminé/effet)
et~ensuite)une priorité
logique et conceptuelle (sans le concept du déterminant/cause,
nous ne pouvons
pas penser le déterminé/effet).
Ce qu'il
est
intéressant de noter d'ores et déjà dans cette notion de la
"i,ee,~oiJl~,""e. w:
causalité)c'est qu'elle n'intègre pasvune-relation temporelle
(212)
entre le déterminant/cause et le déterminé/effet.
§
384. Cependant,
ce qui ne laisse pas de
nous
étonner , c'est qu'on ait pu discuter la question de la nature des
distinctions mises à l'oeuvre ici san~faire le lien avec le con-
cept de la causalité analysé par Platon dans l '
IITITIAL MEIZn~,
d~
296e à 303e sqq.
En 296e13,
Socrate énonce l'identité entre le
_
,
)/
...
_
1 ) )
\\
")
JJ
? \\ . . .
11
nOlOUV et 1 alTlOV:
TO nOlOUV
6E y EOT1V OUK aÀÀo Tl n TO alTtOv_
Ce qui est remarquable)c'est que pour exprimer
la notion d'effet_
..1ltlb:S
Platon se rappelle le terme utilisé dans l'Euthyphron.
à
sa~oir:
(211)
La distinction entre déterminisme et causalité est moderne
et récente.
(212) Cf.
Le texte déjà cité
(
§ 379) de Allen.
(2'î2bis) Ou bien,se souviendra ·t-il,da!ls l'Suthyphron,du ycca-
bulaire de l'Hïppias.
~-_.
---------
. .. -_._--.....__ ._--_.•.
515
,
ytYVOUEVOV (213). Après avoir rappelé que la cause ne peut être
cause d'elle-même (214), il pose l'altérité foncière de la cause
,
1 " )
-
t ,
'"
-
_ : ; l
et de 1 effet:
XC ~
QUKOUV urro TOU rrOtOUVTOI rrotEtTat
OUK
-
)/
")\\
,
) . , ; ) ,
,
aÀÀo Tt n TO ytYVOUEVOV,aÀÀ OU TO rrOtOUV; ftYVOUEVOV (215) est
le terme utilisé. On remarquera d'ailleurs que son emploi,
pour
désigner l'effet, est systématique. Ainsi lorsque Socrate conclut
,
:>
-
"l/
,
à l'altérité de la cause et de 1 effet: OUKOUV aÀÀo Tt tO
,
)/
,
ytYVOUEVOV, aÀÀo OE TO rrotoùv;
(216). Puis,
il généralise:
C
) /
1
~
'),
::>
t
j
,
.)
\\
-
,
(.
Ji:.
-
OUK apa TO y atTtOV atTlou EOTt~ aÀÀa TOD ytYVOUEVOU u~ EaUTOU.
~17). Ou encore, après avoir utilisé la métaphore du père et du
.)
,
,
fils pour penser la causalité, Socrate dit: CI
OUOE YE TO
">1
, , : >
~"
,
%
JI
atTtov ytYVOUEVOV EOTtV) OUOE TO ytYVOUEVOV au atTtOV (218).
Mais,
ce qui est encore plus important, lorsque trois cent onze
(311) lignes plus bas, Socrate rappelle la théorie de la causa-
lité, il recourt à la distinction rrOtoùv/rrOtOÙUEVOV qui est de
même nature que les distinctions mises 'en évidence dans l'Euthy-
"
,
rf
phron: CIl
••• TO oÈ rrOtoùv Kat TO rrOtOUUEVOV ETEpOV ••• La
(213) 10c2.
..."
,
)/
. ) ,
)1
")\\
Ji
(214) 297a4-5: xCVrlf
ou yap rrou TO YE atTtOv atTtoU atTtOV
av Et0.
(215) 297a7-8.
(216) 297al0.
(217)297aI2-13.
(218)297c2-3.
li
-
516
structure de cette proposition est celle que nous connaissons
d é j à: P - )A, pro po s i t ion v rai e (§ 3 76 ). D' a i Il e urs, 1a
structure de la relation ainsi définie est applicable au
4>lÀOU~e:VOV.
c. Validité du
discriminant pour le
4>lÀOU~e:vov
( 10c 8 -
16 )
§
385. Dès que le devin a accepté la généralisa-
tion du principe causal ( § 376), Socrate l'a ~tendu au
4>1 ÀOUUe:vov. Le 4>lÀOU~e:vov est assimilé à un Ylyv6~e:vov, à une
,
'
...
" ,
:)l
,
action subie (naoxov). OUKOUV Kal TO 4>lÀOU~e:vov n Y1YVOle:VOV
,
..,
" " i l ,
c: ,
,
Tl e:OT1V n naoxov Tl uno TOU; (219). Il en est donc du ClÀOUUe:vov
comme des cas précédents (220). De sorte que:
A ---3l) a
est faux et
a - ) A
est vrai. Il ne peut en être autre-
ment puisque A ~ a est de structure
A -...:::;P } donc) il ne peut être qu'un éncncé faux,
alors que
a ~ A
est de structure
P ~A .et, par cOrlsé-
quent,
est un énoncé vrai. Récapitulons:
(219) 10c6-7.
(220) 10c9.
1
517
VII.
Proposition
Structure générale
V
F
-
A - - - ) a
A --...,., P
F
a --~>A
P --~) A
V
Cette structure étant définie,
il s'agit maintenant de savoir
si elle est applicable au problème de la piété.
3. Essai d'application du principe causal
à l'analyse du problème de la piété
( lOd 1
11 b 7 )
première hypothèse:
la piété comme
cause de l'amour des dieux
( lOd 1 - e 9 ).
§
386. Le principe causal étant admis, il s'agit
de savoir comment l'appliquer à l'analyse du pieux dans son
rapport à l'amour(des dieux). Socrate rappelle que le pieux
avait été défini comme ce qui est aimé de tous les dieux
(§ 358)
518
par Euthyphron (221), qui confirme d'ailleurs, avec une belle
inconséquence (222), que le pieux est aimé de tous les dieux
,
'
'1/
CI
l )
...
parce qu il est pieux:
CIII 1l10T'l apa OO·...oV
EOTl cP1ÀE1Tal
) : J
{/
~
,
...
( / , : : >
aÀÀ oux OTl cP1ÀElTal) ôla TOUTO OOlOV EOT1V;
(223). En acceptant
cette double proposition, Euthyphron contredit l'essence de sa
propre définition. Carl celle-ci, en définissant le pieux par ce
qui est aimé de tous les dieux, interdit de ce fait même de sé-
parer l'amour des dieux et le pieux. D'après la doctrine d'Euthy-
phron, en effet, amour de la totalité des dieux et pieux sont
identiques. Orlaccepter que le pieux est aimé @es dieux)
parce
qu'il est pieux revient d'ores et déjà à considérer l'amour des
dieux comme un Ylyv6~EVOV (224), un produit du pieux. S'il avait
été conséquent, Euthyphron aurait dû dire:
le pieux est pieux
par ce qu'il est aimé des dieux. Mais il nie la seule réponse
(221) cf. Shorey, W.P.S., P.76:
WEuthyphro incantiously admits
that
God loves
the holy because it is holy. This is an aban-
donment of the definition that the holy is what God loves.·
(222) 10dS-7, mais sur la portée de cette inconséquence, cf.
§
389.
(223) lOd 6-7.
(224) En lOc 6, le 4>lÀOUUEVOV est déjà clairement défini comme
,
' ) . . .
"
,
11
un Y1YVO~EVOV : CIV
OUKOUV Kal TO cP1ÀOUUEVOV n
/ ; 1
. " ,
c . ,
Tl EOT1V n rraoxov Tl urro TOU;
519
qui eût pu sauver sa définition: CV
,
-
li
,
')
ota TOUTO ootov EOTtV;
(225).
§
387. Dès que le devin a accordé cette thèse)qui
le ruine,
Socrate lui fait accepter une seconde proposition:
)
\\
,
\\
l
, , \\
'"
1
1
:J
CVI
AÀÀa UEV on otOTt YE ~tÀEtTat une eEWV ~tÀOUUEVOV EOTt
,
1
1
Kat eEO~tÀEf; (226). Ainsi ce qui est eEO~tÀEf est tel parce
que les dieux l'aiment. D'où Socrate conclut à l'altérité du
/
pieux et du eEO~tÀEf. Car, alors que le pieux est aimé parce
/
qu'il est pieux, le eEO~tÀEf est aimé parce que les dieux
/
l'aiment. Le eEo~tÀEf n'est donc pas aimé parce qu'il est
/
/
eEO~tÀEf. De sorte que le pieux et le eEO~tÀEf sont en rapport
inverse avec l'amour des dieux. L'un est cause (de l'amour des
dieux),
l'autre effet (de l'amour des dieux). L'amour des dieux
peut être cause ou effet selon les cas ou les points de vue
envisagés)tandis que le pieux est toujours cause, rien que
1
1
cause.
Il n'est jamais un ytYVOUEVOV ou un naoxov.
(225) 10d6.
(226)
10d 9-10. On remarquera l'introduction d'un terme nouveau
/
(eEo~tÀEf) dont Cohen note avec raison (op. cit, p.8) que -it
is c1ear1y serving as a specifie
fi11er
for
phi1oumenon. w
520
§
388. Euthyphron n'a pas l'air de comprendre
l'altérité (227) entre le pieux et le eEO~tÀtf conclue par
Socrate des développements précédents. Toutefois, Socrate ne lui
donne aucune explication supplémentaire. Il se contente simple-
ment de lui opposer les concessions qu'il avait faites anté-
,
t.I
(;
...
..
CI
ê '
rieurement. D une part: CV~
OTt OUOÀOYOUUEV TO UEV OOtov
la
...
...
CI
CI
1 "
' ) . J " )
1
...
CI
tOUTO ~tÀEtOeat
OTt OOtov EOTtV> aÀX OU OtOTt ~tÀEtTat OOtOv
L-:iOt,.1- ~]
Etvat. Ce principe avait,en effet, été déjà admis par Euthyphron
1
."
( §
385; 10d5-7: ~tOTt apa C
/ '
)
OOtOV EOTt ~tÀE1Tat •••. D'autre
,
l
,
(/
...
<:
\\
...
':)
-
1
part:
C'IIUTo OE YE eEo~tÀEf
OTt ~tÀEtTat UTIO eEWV~ aUT~ TOUT~
TW ~tÀEtOeat eEo~tÀ~J Etvat) ">a'..)
~
li
e
,1
6 \\
-
I\\A
OUX OTt
EO<!>t I\\Ef)
ta TOUTO
<!>tÀEioeat.
(228).
Il s'agit de la reprise de la thèse concédée
en 10d 9-10 ( §
386). Pour mieux étayer l'altérité entre le
/
pieux et le eEO<!>tÀEJ, Socrate suppose leur identité.
Deuxième hypothèse:
le pieux est
1
identique au eEO~tÀEf
( 10e 10-11b 7 ).
§
389. Si l'on admet l'identité entre le pieux
1
(227) Cette altérité n'exclut cependant pas que le 9EO<l>lÀEJ
CI
puisse être prédicat de l'OOtov. cf.
Burnet, EAC,
p.129.
(228) 10e 5-7 ..
521
1
et le 8EO$lÀEI. alors on envisagera deux cas de figure.
D'une
')
\\
' \\
part.
si le pieux était aimé en tant que pieux
(El
}lEv.Ola TC
r,
t
?
...
' ( f
/
OOlOV E Val
E$lÀE1TO TO OOlOV)
(229).
alors le 8EO$lÀEI
serait
aimé en tant que 8EO$lÀ~J (Ka\\ Ol~ Tb 8EO$lÀtI Etval t$lÀE1TC
'1
\\
1
av TO 8EO$lÀEI)
(220).
D'autre part.
si la chose aimée des dieux
1
1
) '
\\ '
...
C \\
était 8EO$lÀEI en tant que 8EO$lÀEI(
El
OE OlU TO $lÀE10eUl u~o
"""'''
"
,
8EWV TO 8EO$lÀEI
8EO$lÀEI ~v) (231),
alors le pieux serait pieux
,
, a
"1
\\
\\
...
17
parce qu'il est aimé (Kal TO OOlOV ~V ola TO $lÀElo8al OOlOV
J
~v) (232). Or. il n'en est pas ainsi: le pieux et le 8E001ÀEI
sont absolument (233) différents. Le premier est aimé à cause
de sa nature (234).
le second est aimé tout simplement parce
qu'on l'aime:
sa nature n'est pas en cause.
Joseph Moreau a
excellemment commenté ce passage:
w •••
ce qui
est
pieux n'est
pas tel
parce que les dieux l'aiment.
mais les dieux l'aiment
(229) 10el0.
(230)
lIaI.
(231)
llal-2.
(232)
lla2-3.
1
(233)
lla4:
naVTanaOlV.
(234) Grote.
loci
cit.
p.327-8:
"The ho1y is not ho1r because
the Gods love it:
on the contrary.
its holiness is an indeper.-
dent
facto
and the Gods love i t because i t is ho1y.
The
Holy is
thus an essence.
per se.
common
to.
or partaken
by.
a11
holy
persons and things. If;
Burnet.
E.A.C.
p.129.
-
522
parce qu'il est pieux.
Parler autrement,
ce serait en effet non
seulement,
selon le mot de Leibniz,
déshonorer la
divinité.
mais
encore enlever au terme pieux toute signification intrinsèque.
On ne saurait
donc identifier le pieux avec ce qui
est aimé des
dieux,
puisque l'un et l'autre sont en rapport inverse
(235)
avec ce
fait:
que les dieux aiment:
celui-ci,
c'est parce
que
les dieux l'aiment qu'il
possède la qualification d'aimé des
dieux:
celui-là.
c'est
parce qu'il
est
qualifié pour être aimé
que les dieux l'aiment
(236) ••• "
§
390. On peut se demander pourquoi Euthyphron
choisit la réponse qui ruine sa définition.
Il eût pu dire,
en
parfaite conséquence avec sa définition,
que le pieux est aimé
parce que les dieux l'aiment.
Car si le pieux se définit
par ce
qui est aimé des dieux,
la raison pour laquelle les dieux
l'ai-
ment ne peut être que ceci:
il est aimé des dieux.
Le cours du
dialogue eût été différent si Euthyphron s'était révélé consé-
quent.
L'impuissance de l'interprétation traditionnelle se ré,è-
le pleinement lorsqu'elle se heurte à ce genre de difficultés,
dont elle ne peut rendre compte. C'est qu'ici,
i l faut aller
au delà des canons habituels du commentarisme et exploiter
(235)
cf.
§ 386.
(236) La C.I.P.
pp.79-80.
pleinement toutes les possibilités de l'exégèse interne.
Plusi-
eurs raisons expliquent le choix d'Euthyphron.
D'abord,
éviter
d'avoir à assumer une inconséquence plus grave à ses yeux qui
consisterait à entrer en contradiction avec les conclusions
qu'il vient d'accepter
(237).
Or ces conclusions interdisent de
penser comme vrài tout énoncé qui détermine -
P comme cause
(§ 374),
ce qui eût été le cas du second terme de l'alternative (§
368).
Face aux deux inconséquences que sont l'~branlement de sa défi-
nition
qu'il ne perçoit d'ailleurs pas encore comme tel
et la dénégation de concessions à peines faites,
Euthyphron
choisit la seconde.
Ce choix n'est pas inintelligent parce qu'il
évite au dialogue l'enlisement.
En second lieu,
et plus fonda-
mentalement,
ce bon choix que fait Euthyphron au moment opportun,
indique bien,
quoiqu'on en ait dit (238),
que le devin a
une
nature bonne et qu'il est un bon interlocuteur,
ce que certains
signes nous laissaient croire dès les premières lignes de notre
commentaire (§§
223;
224;
236). Euthyphron manifeste une sorte
de "prescience obscure"
(239)
de l'Essence du pieux. Que
le
pieux doive être aimé pour lUi-même)et non pas parce qu'il se
trouve être aimé) constitue une exigence essentielle. Le
devin
(237)
IOa-c.
(238) Leisegang,
ap. Guthrie in H.G.P.,
IV,
p.I03;
friedlander,
op.
cit.,
2,
pp.82-83.
(239) Chateau,
loc.
cit,
p.95.
1
1.;'i
524
pressent l'Appel de cette Exigence et y répond en faisant
le
bon choix. C'est pourquoi si l'inconséquence du devin est blâ-
mable du point de vue logique, elle ne l'est pas du point de vue
de la progression dialectique de l'entretien.
§ 391. Cependant, il faut s'arrêter plus longu~-
ment sur la position alternative à laquelle s'est rallié Euthy-
phron. Elle a été diversement interprétée et a été l'occasion de
certaines confusions. C'est ainsi que Phillibert l'interprète~
(240)
w••• 1a
discussion poursuivie à partir de l'accord sur cette
affirmation aboutit à une impasse en ce qui concerne la défini-
tion cherchée: l'amour du dieu pour le saint ne définit
pas
l'essence m~me du saint, c'est au contraire la nature du saint
qui motive l'amour du dieu;
l'essence du saint se dérobe
donc.·
En réalité, l'essence du pieux ne se dérobe pas;
bien plutôt, le
pieux se révèle comme essence. Si la nature du pieux motive
l'amour des dieux, c'est précisément parce que le pieux estu~e
essence (241). Il se donne comme cause de l'amour des dieux,
,
lequel peut être ainsi identifié comme Y1YVOUEVOV i.e.
comme effe=.
C'est pourquoi,. à cet égard du moins,
nous pourrons identifier
(240) R.H.P.R.,
1956, p.139.
(241) Heureusement)Phillibert comprend bien qu'on n'a pas affaire
ici avec une démonstration par l'absurde. ( cf.
pp. 139-140).
525
l'essence comme cause (241 bis).
§
392. L'essentiel,
pour Socrate, était de disqua-
lifier la définition qui assimilait le pieux à l'amour des dieux.
Or, cette définition est ruinée dès lors qu'Euthyphron est con-
traint à avouer que] 'amour des dieux pour le pieux est lié à la
nature de celui-ci. En quelque sorte,
le pieux force l'amour des
dieux. De sorte qu'on ne peut à la fois définir le pieux par ce
qui est aimé des dieux et dire que le pieux est cause de l'amour
des dieux. Les deux déclarations sont contradictoires. Car alors
que la définition pose une égalité naturellement réversible entre
deux termes, la causalité repose sur une structure
asymétrique
univoque et,donc}irréversible. Comme nous l'avait appris un texte
de l'Hippias Majeur déjà convoqué (§
384), la cause est autre
que l'effet, et l'effet autre que la cause. De ce fait
-If the
holy is loved because i t
is holy,
i t
cannot be
defined,
though
i t can
perhaps be characterized,
as something loved· (242). On
peut même dire qu'il y a toujours une adhésion de la divinité au
pieux en quoi consiste leur amour. Mais cette adhésion est ce
qui survient à l'occasion de la rencontre entre le pieux et la
divinité et non pas proprement le pieux. Ainsi,
tous les éléments
sont mis en place pour penser le rapport entre le pieux et
(241 bis) C'est la doctrine explicite du Phédon.
(242) Allen, P.E • . , p.45.
526
l'amour (des dieux) en termes d'essence (243) et d'accident.
§ 393. A bon droit,
en effet, Socrate peut con-
clure qu'Euthyphron ne répond pas vraiment à sa question. Il
l'interpelle ainsi en des termes qui influeront de façon décisive
(243) Ce que nous ne pouvons ni comprendre ni admettre,c'est
l'analyse de Chateau selon laquelle "l'idée que le pieux soit
aimé pour soi-m~me, c'est-à-dire soit une valeur, n'est pas dé-
montrée,
dans la mesure où seule,
une hypothèse interprétative
sur la formule la justifie,
mais pas l'autre
ce qui ne
pose
pas de problème pour Euthyphron, mais pour un lecteur attentif
à la valeur générale de l'argumentation d'ensemble du Dialogue.·
(ibid. p.99). En fait,
le lecteur attentif non seulement à la
structure générale de l'argumentation, mais encore à chacune
de ses étapes,
se rappelle que toutes les propositions de forme
P --"'P,p
ou
sont fausses. D'ailleurs, toute propo-
sition telle que
x --+. P
ne peut être que fausse. Donc i l ne
servait à rien d'étudier plus en détail l'autre hypothèse inter-
prétative qui a cette structure (x---? -P). Même si le pieux
n'est assimilable ni à un actif ni à un passif (cf. Chateau,
idem.
), on ne peut en aucun cas l'avoir dans une proposition
de type:
p (a)
) P.
i
aW'ZC
~-~ .. ----._ ...-_..._-..._....,.""----_....".-
52 ï
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l
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dans l'histoire de la philosophie: C'~
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\\
tOUTOU OlOloo~c8a'aÀÀ
Clnc npoeu~wJ tl COT1V tO tE OOlOV Kal 70
:>
/
avoolov;
(244)
• Bien entendu,
tous les historiens de la philo-
sophie ont été frappés par l'emploi des concepts d'ousia et de
pathos. Ils apparaissent ici pour la première fois (245) dans
Il
Il
la littérature attique avec ces connotations onto-logiques. Le
sens le plus courant d'ousia génaralement attesté dans la litté-
rature anté-platonicienne est propriété, patrimoine ou richesse
(246). Ce dernier sens d'ousia (247) existe chez Platon,
par
exemple en République 551b (24~. Quant à pathos, il vient du
(244) lla6-b5. Naturellement les soulignés sont de nous.
(245) Burnet, E.A.C.,
p.129; Guthrie,
HGP,
IV,
p.1l3; Rabino"'itz
inPhronesis,
1958, p.109; P. Hacha,
loc. cit.
p.54.
(246) cf. HDT.,
1,92; Eur. Hel. 1253; Dem.
1039; Bailly,
p.l:'2S.
(247) cf. L.Gernet, AGA,
pp.409 sqq;
Hacha,
pp.54-55,
qui r.C't"'oi~
aussi au texte de la République (cf.
n248).
( 248) 55 1b3 ( Res p.
VII l ). E. Cha mbr y t rad u i t
0 u s i a }dan s
cep a 5 sa' ~' e )
par fortune.
...---_.
528
verbe TI&OXE1V (249)
déjà rencontré dans un contexte où,
syno-
1
nyme de Y1YVO~Œl. il servait à exprimer la structure générale du
rapport de causalité (§
376.:
VI).
Le sens général de TI&OXE1V
c'est:
survenir.
"supporter quelque chose"; advenir, arriver.
§
394. Le pathos est l'accident (250) Le.
ce qui
arrive à
quelque chose et.
par conséquent,
ne lui appartient pas.
Aussi bien.
à ce niveau de son développement:
" ••• Plato has the
1
literal
connexion
with
TIŒOXE1V
very much in mind.
but with
Aristotle i t
became
the equivalent of ou~gEBnK6f (251)". Mais ce
1
(249) Dans le même contexte.
i l est employé au
parfait
(nETIov6E ••
lla9)
et) plus bas)au présent
(TI60XE1,
Ilb3)i
cf. aussi Chateau,
ibid,
p.102.
(250)
Accident:
du latin "accidit":
i l arrive.
(251) Guthrie.
HGP,
p.113nl.
D'ailleurs.
i l observe que
-As the
fundamental
distinction
between
the essence of sometbing,
to he
expressed in i t s
definition.
and other
qualities which
belong
to i t either permanently or temporaly,
but
do not
form
part of
i t s definition.
this
simple
dichotomy is
the
first
necessary step
on
the way to Aristotle's elaborate analysis.
when in
the
Topies
(lOlb17-25)
he distinguishes
definition,
proprium.
genus
and
accident."
(pl13).
Il poursuit:
"According
to
this more
sophis-
ticated scheme.
the
pathos
"loved by
the gods"
would be
a
proprium
of piety.
for
an
accident in
the strict
sense
belongs
ta
an
i~di-
vidual,
and may alter without
affecting i t s essence,
i . e
i t s
••- _..__....._ - - - - _......- - - . -.. ~..__..__..- ......._,., .......->.,._.._.,~...~_.._.--............_-,
529
qu'il y a lieu de noter,
c'est la façon dont Socrate introduit
les concepts d'ousia et de pathos
sans préparation particu-
lière
tout autant que la manière dont les reçoit Euthyphron.
Celui-ci, en effet,
ne s'interroge pas sur leur portée exacte.
Cela peut faire penser que ces concepts étaient déjà familiers,
peut-être dès les présocratiques (252). En tout cas, le carac-
(251) suite
character as a member of its species,
like the col our of hair
in a man. W (id).
Cependant,
nous sommes radicalement opposé à
toute théorie qui ne verrait dans le platonisme qu'une manière
d'anticipation de l'aristotélisme. Il serait tout aussi irrece-
vable et injuste de prétendre que le second ne serait qu'une
déviation du premier. Platon et Aristote sont deux penseurs pro-
fondément différents à maints égards. Du point de vue de l'his-
toire de la pensée grecque, cette différence est féconde.
En tou~
cas, ce sont deux purs' génies dont se glorifie 1 'hun:anité tout
entière.
(252) Hacha,
ibidem,
p.55,
qui critique Burnet,
lequel pense que
l'emploi de ces concepts remonterait aux pythagoriciens.
Le texte
sur lequel s'appuie le grand savant anglais (Sophiste 248a) est
très discuté. En tout cas, on n'a aucune raison de penser davan-
tage à une influence pythagoricienne qu'hippocratique.
---"--_..-._------.
530
tère technique de leur emploi ne semble guère sérieusement dis-
cutable.
§
395. Ce qui ne peut faire l'objet d'aucun dout~
c'est que dans la mesure où l'amour des dieux est un pathos i.e.
"a mere aeeiden~al attribute"(253),
i l ne peut définir le pieux
en tant qu'il est ousia. Rabinowitz a bien raison de résumer
ainsi le résultat de la démonstration déployée dans ce passage:
"In brief,
Soerates shows that
the
piety of an aet remains unaf-
fected
by the love which its
piety inspires in
the gods.
Its
being pleasing to
the gods and its piety are,
in
fact,
distinct
charaeteristies whieh stand to one another in
the relation of
)
/
rr&Sof to OUOla, the aet's piety entailing the love it receives
from
the gods,
but not vice-versa."
(254). Dans ces conditions,
la structure générale P
• A est-elle applica ble à l'analyse
du pieux? La conclusion à laquelle conduit l'analyse du pieux
est la suivante:
"Les dieux aiment le pieux parce qu'il est pieux:~':
soit A(p) ----;~ p. La première partie de l'énoncé peut s'écrire
ainsi j \\ (puisqu'elle est de forme active et de sens actif) et
l'ensemble de l'énoncé:J\\----~)p. Comparons la forme de cet énon-
cé avec les relations habituelles:
(253) Heidel, ibid,
p.168.
(254) Phronesis,
1958, p.109.
VIII.
P
A
1
<!>EPOlJEVOV
)
<!>fpov
)
~
,
CXYOlJEVOV
~YOV
~P~U"EVOV
C'
....
~
opWV
1
......
<!>tÀOUlJEVOV
~
<!>tÀouv
(Pathos)
A
1
"""
8EO<!>tÀEJ
.,
<!>tÀouv
A
(ousia)
,....
q
<!>tÀouv ~ OOtOTr.J
§
396. L'analyse du tableau VIII est particulière-
ment révélatrice et permet de faire plusieurs observations
d'importance majeure. Tout d'abord, P --~~ A, dans sa forme la
plus générale x ~ A, n'a pas de valeur uni verselle; x ~ 1"
1
est applicable au pathos car nous pouvons dire 8EO<!>tÀEJ
)
<!>tÀOUV,
mais il est inapplicable à l'ousia (du pieux). On remar-
que déjà,
à ce niveau,
la différence fondamentale de comporte~ent
1
entre le 8EO<!>tÀEJ et le pieux. S'il y avait identité entre le
/
/
~
8EO<!>tÀEJ et le pieux,et puisqu'on peut dire 8EO<!>tÀEJ ~ <!>tÀov\\
,
d
'"
alors on devrait aussi pouvoir dire:
OOtOTnI ---+ <!>tÀouv
(p ~ A):
or le tableau VIII nous enseigne exactement le contraire.
Pour
l
récapituler,
représentons le 8EO<!>tÀtI (255) par 8, alors nous
/
(255) Il faut,
bien en~endu, noter que le 8Eo<!>tÀEI donc le pat~os
)
se comporte comme P.
532
pouvons dire:
IX
sie =p, alors
e~A ~
P ~A
or
p~ A
=> P =1=
e (256)
§ 397. La seconde observation nous conduit à ap-
profondir et à préciser le concept platonicien de la causalité
tel qu'il peùt être reconstruit. Nous devons envisager ici deux
niveaux de causalité. Le premier niveau définit la structure de
la causalité relative. Elle s'exprime dans la structure que nous
connaissons déjà ( §
374): P ----.Tet/ou P
> l . Mais la
forme générale de cette structure x ~ A ou x ~ P
n'est pas
vraieV x. Elle n'est pas vraie dans le cas p ---;. A,où pest
avant tout une ousia. Représentons donc ousia par 0, ce qui veut
dire que
-
°
~ A n'est vrai en aucun cas. Par conséquent,
A ~ ° est toujours vrai. Ce second niveau définit la structu-
re de la causalité absolue (257). Elle s'exprime dans la struc-
ture générale suivante:
X
~ x,
x ~ 0,
et en tout cas:
x~O
impossible.
(256) Nous avons déjà rencontré cette conclusion (§
391). mais ::ous
mesurons mieux ici sa structure profonde.
(257) On pourra parler aussi de causalité primaire (absolue) et
secondaire (rélative).
533
1
C'est là que réside toute l'ambiguité du
01011 et non pas ail-
leurs (258). Alors que} dans le premier cas, nous avons affaire
à une cause dérivée, secondaire, au second niveau,
la cause
est non dérivée,
première. C'est dire que la seule véritable
cause est l'ousia (§
401). Mais alors qu'il y a deux niveaux
de la causalité; ils sont tous exprimés par 01611.
§
398. La troisième observation apparaît évidente
au terme des
§§ 395 et 396. C'est que l'ousia n'est pas plus
un actif qu'un passif (259). Aussi n'est-il pas étonnant qu'on
n'ait pas pu penser l'ousia à l'aide de la structure-P ~.
Au demeurant~,
qui fonctionne toujours comme cause dans ce
type d'énoncé,
devient effet i.e. structuralement identique à
-P, lorsqu'il intègre une structure de la causalité où inter-
vient l'ousia ( §§ 395-396). Nous retrouvons ici
le caractère
"
/
, ';"
paradigmatique de 1 10Ea ou de 1 E100J (§§ 306; 307). Comme
~
, /
l'ousia, l'E100J (ou l'loEa) est cause ( §307).
Nous ne ferons
(258) cf. Cohen,
ibid,
pp. 6,
Il; Brown,
loc cit.
p.5;
Zeigler,
loc. laud,
p.296; Hall, op. cit., pp 6, 8.
(259) Comme le dit Burnet
en engageant d'ailleurs la totali-
té du sens du passage
wa
definitio1whiCh
can
be expressed in
1
~
~
/
the passive voice is not a
ÀOYOJ lnJ oualaJ. W Mais il ne s'en-
suit pas que toute définition qui s'exprime dans la voie active
/
A.
.,
/
( § 398) soit un ÀoyoJ lnJ oualaJ. Car W]'ousia n'est pas p]~s
un actif qu'un passif. W (§
398).
1
534
.-V
donc aucune distinction entre l'ousia et l'cleo! ou idea. Ousia,
,
eidos, idea fonctionnent comme des synonymes absolus. Le tl
norcot(v (260) se trouve,
à l'égard d'eidos ou idea, dans la
mArne relation synonymique. Il désigne l'ktre du pieux,
son es-
sence. Si l'être du pieux est identique à son essence (ou Forne
ou idée), on comprend que Guthrie se déclare intrigué par l'argu-
ment de Allen "that
forms
can be the essence of things but not
their being" (261).
Quoi qu'il en soit, dans le-contexte de
·
.
.
d
1
d
1
;)
E
notre
ia ogue, on ne peut
lstlnguer OUSla et tl COtlV.
n
1
)
effet, en sept (7) lignes,
tl COtlV est utilisé deux fois (262)
comme synonyme de ousia.
§
399. Récapitulons, maintenant, l'ensemble de
l'argument pour mieux apprécier sa cohérence inouie, à première
vue insoupçonnable. Euthyphron fait deux affirmations et deux
négations réparties en deux couples d'affirmation/négation
1
(263):
(260) 11a7.
(261) H.G.P., IV,
p.120 n3,
puis il ajoute avec humour:
"Like
Socrates,
l
miss a definition.
Or is i t
rather
Prodicus
we
need?"
(262) L'une en 11a6 et l'autre en 11b4.
(263) Meyer, loc. cit.,
p.1S; Lynn Rose, art. cité, p.149.
535
e x ,
"
{/
1
J
""
A 1:
(264)
nlOTt apa OOtov EOTt ~t~EtTat •.• (lOd6)
,
)
)
CI
"'"
\\
~
N 1:
(265)eXI
a~A oux OTt ~t~EtTat)
ota TOUTO
C i l : >
OOtov EOTtv;
(lOd6-7)
\\
\\
"
'"
C
\\
~
A 2:
eXIl
'A~~a ~EV on otOTt YE ~t~EtTat uno 8EWV
1
1 " )
\\
\\
~t~OU~EVOV EOTt Kat 8EO~t~EJ; (lOd9-l0)
.,,)~
(1
l ,
--
-
N 2: exiU
a~À OUK OTt 8EO~tÀEJ, ota TOUTO Qt~Eto8at
(lOe6-7 )
Nous avons donc si nous recourons à notre écriture symbolique:
S
,
A 1 :
a
p
N 1 :
p
~ a
A 2 :
8(266) , a
,
N 2 :
a
8
Si p=8, nous pouvons procéder à la substitution qui devrait
donner:
S'
A'
1 :
a
~
8
N'
1 :
8
) a
A'
2 :
p
il a
N'
2 :
a
~
p
Théoriquement, l'identité p/8 doit se traduire par les identités
(264) A 1: Affirmation N°l.
(265) N 1: Négation N°l.
/
(266)
8: le 8EO~tÀEJ
536
subséquentes:
A 1 = N'2
N 1 = A'2
A 2 = N'l
N 2 = A' 1
Nous le constatons parfaitement: l'identité posée entre le
/
8E04> l ÀE f et le pieux aboutit à la négation dans S' de ce qui
est affirmé dans S. C'est ainsi que (267):
a --..., p = A 1 dans S mais N'2 dans S'
p ----,. a = N 1 dans S mais A'2 dans S'
6 ~a = A 2 dans S mais N' 1 dans S '
a ~ 8 = N 2 dans S mais A' 1 dans S'
La différence de comportement ( § 396) entre le pieux et le
1
8E04>lÀEf ne peut être mieux mise en évidence. La conséquence en
est évidente: il n'y a pas identité entre le pieux et le 8EO:tÀÉ
1
Par conséquent,
le 8E04>lÀEf ne définit pas le pieux.
(267) Ce qui suit peut encore s'écrire:
S
AIN
S'
AIN
a -.::r p ••• A
1
a~ 8 ••• N
~
p
-:4=
8
p --7 a ••• N
1
e --.-,. a .•• A ~
p
=fo
8
8 ~a ••• A
1
p - ) a •.• N
::::::::;:.
8
=*= p
~ 8··· N 1
a ~ p .•• A
=::::;>
e ~ p
a
\\--
-r-
'-.{"\\
400. Essayons de regrouper l'ensemble de ces données dans un tableau unique:
A
-
N
S
Si p=e(S')A/N~Conséquence attendue
or
car
VIF
VIF
Al
- 1 a~pla-->8
Al -
SAI
=
S'N2
SAI+S'N2
a --+ p
V -
1 a .......,,8 - F
NIl
p ~ a 8 ~ a
- NI
SNI
=
S'A2
SNI=FS'A2
p ~a
- F
1 e ~a V
A2
-
1 8 ---. a
p --, a
A2 -
SA2
=
S'NI
SA2=rS'NI
8 ~ a
V -
1 p ~a - F
N2 1. a --> 8 a~ p
-
N2
SN2
=
S'Al
SN2=FS'AI
a ~ 8
- F
1 a ~p V -
-
538
On peut constater qu'en IOe9 - IlaIsqq, Socrate n'énonce qU'Uht
partie du raisonnement , à savoir:
I ) si a ....... p, alors a ~a
2) si a ~ a, alors p --> a
or, a ~ p (V) / a --.., a (F) ===:>p +a
-
et
a --'> a (V) / p ~a (F) ===>a =f: p
-
Il eût pu tout aussi bien dire:
I ) si p --> a, alors a --) a
2) si a --? a,
alors a --) p
or
p ~a (F) / e ~ a ( V) .:::=:::> p =F e
et
a .-,. e (F) / a ~ p (V) ==;)a=/=p
Dans les deux cas, la conclusion est la
A
meme:
le pieux est
1
différent du 8e:04>tÀe:f· On remarquera que, dans le second cas,
il s'agit simplement des mêmes conclusions tirées de la symé-
trique du raisonnement de Socrate. Celui-ci pouvait donc en
laisser le soin au lecteur-auditeur (268). On n'appréciera
jamais assez la force,
la solidité, l'élégance (269) et l'exquise
(268) Cf. A. Koyré, Introduction à la lecture de Platon,
New-
York, )945, p.27.
(269) Lynn E. Rose, op. cit., p.150, qui dit que l'argument pos-
sède "a tightness and an elegance that we ought not to fail
to
appreciate. "
539
subtilité de l'argument que de malheureux commentateurs
(270)
(270) Dans un article paru dans le N°54 du P.Q de 1964,
J.
H.
Brown prétendit que la logique de ce passase était douteuse
(p2) et que l'argument était
wfBllaciously equivocBl- (idem).
Quatre ans plus tard,
dans un article de la même revue (Vol 18,
nO 70,
1968), J.C.
Hall proclame son accord avec les observa-
tions de Brown.
Deux ans auparavant,
P.T. Geach,
dans le
vol 50,
n03 du M9nt~t de July 1966, avec un étonnant aveuglement,
s'en
était pris,
par delà l'argument contenu dans ce morceau,
à l'en-
semble des positions platoniciennes.
Enfin,
plus récemment (cf.
P.P.Q,
vol 61,
n03,
July 1980), G. Zeigler conclut)après une
revue superficielle du passage,
à l'échec de l'argument.
Nous
espérons que notre analyse de ce passage,
qui a
évité toute polé-
mique inutile,
à la fois pour conserver la sérénité que requiert
la science et pour mieux maîtriser les ressorts internes de l ' a r -
gument,
aura contribué,
si peu que ce soit,
à mettre en évidence
sa rigueur logique et sa cohérence doctrinale.
Parmi nos illus-
tres préd~cesseurs dans la défense de l'argument, outre Heidel
(
~ 381), il faut signaler Cohen ( ~ 366 n145) et Lynn E. Rose
qui,
dans un article du Vol 10,
n02 de Phronesis (1965)J bref
mais plein de lucidité,
a mis en valeur l'intérêt de l'argument.
Nous rendons hommage à leur sagacité.
A certains égards,
nous
nous sommes laissé dire que,
pour assimiler un dialogue
plato-
'2
et
t
,.-«*=,••
540
ont cru pouvoir prendre en défaut (271).
<
. . .
(270) suite
nicien, il ne suffit pas d'être un historien de la philosophie
qualifié, ni même un platonisant attitré, mais qu'il est utile
d'être platonicien.
(271) Dans un tout autre style, R.S. Meyer a proposé une inter-
prétation magistrale de l'argument dans une communication faite
à l'Université de Prétoria, en Afrique du Sud, au cours de 1'20-
née 1963: Pla1;Q 's.EuthyphI.:p ~aQ~xall!ple .o:e <pl)iJ.psQpQ:i,ça~ .aQ8:~ysis.
Comme nous l'annoncions dans notre E.T.A.P.( ~57 n76, p.113),
l'intérêt de cette communication est tel que nous en livrons le
texte en annexe~)Cependant, force est de souligner que l'inter-
prétation de cet auteur)qui situe l'ensemble du problème sur le
plan de l'analyse du langage et du discours,
soulève de graves
et sérieuses objections: comment justifier l'élimination de toute
perspective ontologique dans l'interprétation de l'EuthyphrQn?
Faut-il ou ne faut-il pas voir dans l'EuthyphroQ une théorie
des idées et quel peut-être son statut dans une "philosophie
du
langage"? Si l'entreprise platonicienne se réduit à une analyse
du langage, comment distinguer le projet platonicien de l'entre-
prise sophistique et de celle de Prodicos en particulier? Comnent
se pose alors le problème de la vérité? Ces questions sont d'u~e
importance telle que nous ne pouvions nous permettre de les dis-
cuter simplement en passant. En tout cas, il est utile de souli-
la) Eous y renonçons,en définitive.
§
401. Le S.E.D.R. (§ 361) assumé par Euthyphron
(
§ 362) se trouve donc rejeté au terme de la réfutation socra-
tique. Par là, c'est la thèse subordonnant la Valeur-Piété au
caprice (§
36T) des dieux qui est récusée.
Plus généralement,
l'examen de ce passag~ montre, du fait de la causalité permanente
de l'ousia du pieux, que l'espace éthique est autonome. Il est
indépendant de la divinité. Les ousiai éthiques ou, d'après la
terminologie moderne, les valeurs, sont des réalités objectives
qui coexistent avec les dieux. Elles ne sont pas le produit de
la volonté (272) des dieux. Mais on peut estimer que, dans la
··c·c· '"C"C"c" '-c' ·"c
"·-c··-
(271) suite
gner que chacune d'elle trouve une réponse claire dans notre
système d'interprétation.
)
/
(272) La position d'Euthyphron est de poser les ouotat éthiques
comme le produit de cette volonté. C'est pourquoi "Euthyphro's
definition is a motif in a
persistent and recurring
theme in
European religious thought,
the theme of theological
voluntarisn.
the
view that
whatever is good because God wills i t ,
that
not
even he is aware of a character of goodness distinct
from
his ovn
will.
This has its corollary in subjectivist
theories of ethics
which define goodness in
terms of approval
or favouring,
attitu-
des
which are supposed not
to rest on awareness of any intrinsic
----------------
· .... _.._-- ._.-..__.....-.
542
mesure oà la volonté des dieux,
du moins dans un . polythéisme
expurgé de la théomachie ( § 338) qu'y installe l'anthropomor-
phisme d'Euthyphron (§§328;
329),
est toujours bonne, elle adhère
";)
1
toujours aux ooatat éthiques.
Dans ces conditions,
il ne serait
pas interdit de conclure de ce passage que,
s ' i l ne la définit
-
point,
l'amour des dieux est néanmoins coextensif à la piété.
§
402. Mais même coextensif à la piété, l'amour
des dieux reste,
par rapport à elle,
un pathos.
Il n'est
pas
essentiel au pieux d'être aimé ( §395).
Donc,
comme le fait re-
marquer Socrate, Euthyphron n'a pas répondu à la question de
l'essence du pieux.
Il s'est contenté de
cxav ÀfYEtV g Tt
1
......
'CI
,..,
, \\
1
~
TIETIOV8E TOOTO TO oatOv, ~tÀEta8at OTIO TIaVTWV 8EWV (273).
Aussi
bien Socrate propose-t-il de revenir à la question de départ
(~1&PXnf ' 11b2) i.e. à la détermination de la nature du pieux,
sans s'occuper de ce qui peut survenir au pieux,
par exemple
l'amour des dieux.
La tâche reste inchangée:
déterminer le
. • . •
< .
•
-<
•.• - ••
(272)
suite
value in objects." Allen,
loc.
laud,
p.44;
cf. aussi Taylor, P.M.
W.,
(1921)
p.151; Guthrie,
H.G.P.
p.IIO; D.A.
Rohatyn in Pialogos~
An IX,
n025,
Novembre 1973,
p.148;
Flew
A.G.N:
God
. •
and
. •
Philoso-
< . ' .
~ (New-York, 1966), p.I09.
(273)
Ila8-9.
..._-' _
...... ........-------------------------,..--_._*-,- - - - - - - -
543
, ,
,
:>
: » ' \\
1
')
1
Tt
EOTtV du pieux:
CXV
aÀÀ Et7TE
7TP 08U llW!
Tt
(274) EOTtV TO
a
\\
\\
:>
1
TE OOtOV Kat
TO avootov;
(275). Mais,
d'ores et déjà, Euthyphron
semble dépassé, victime de l'instabilité de l'opinion.
4. P~.1 'i,nsta i}:Lli, técde .1, '.QpiniQI)
( llb8
e4
)
§
403. Le devin n'hésite pas à avouer son désarroi:
)
, ' ) / "
"J/
CXVI
(1
' "
OUK EXW EYWYE 07TW!
OOt
Et7TW 0
VOW
(276). C'est presque
dans les mêmes termes que s'était exprimé Alcibiade (277) et
Thrasymaque (278) lorsqu'ils s'étaient trouvés dans une situa-
tion semblable, sous la pression de l'enquête socratique (279).
· c « « · - · · · · c - · ·
« o c
c - ·
(274) cf. R. Violette, loc. laud,
p.299 qui précise opportuné.ent
1
que le Tt désigneWune réalité, quelque chose w •
Il se réfère à ce
passage.
(275) llb4-5.
(276) llb6-7.
.
'.>~\\
~')(j
(277) cf. Al~i,bi.ade.. I::re'!!:i.er l27d6: cxVn
ouo aUTO! oto
0
Tl
Àfyw ••• et déjà, en 116e2-3, Alcibiade s'était écrié: CXVlIl ct<
- ; , , ) , /
) " ) C /
1
OtÔ EYWYE
ouô 0
Tt
ÀEyW ••••
"}
.,
:>
l
" - , /
CI
'li
(278) Resp l, 334b6: CX1X ••. aÀÀ OUKETt oiôa EYWYE 0 Tt
EÀEYOV ••.
(279)La réaction de Lachès, dans le dialogue du même nom (194bt-3)
,
~)a
~
1
est du même ordre: CXX
OUK otoa Ô 07Tn llE
apTt
Ô1E$U~EV•••
,
--_ _---- ._- "_.'.- - ._---------
__ _. - _ _.. _. ----- -•._-------_._.-._._---------_.---_._-._---_.......
544
Tous les discours tenus jusque là paraissent instables et,
à
en croire Euthyphron,
i l n'y aurait encore aucune proposition
sûre sur quoi s'appuyer
(28Q).
Socrate profite de cet aveu pour
laisser libre cours à son ironie,
en comparant les propositions
du devin aux oeuvres de Didale (281).
Car les hypoth~ses itant
\\
\\
CC
1
? I
d'Euthyphron (oot yap at UTIOSEOEtl EtOtV ••• )
(282), Socrate, en
dipit de sa parenti avec Didale,
ne pourra être accusi d'être
l'auteur de leur instabiliti.
§
404. Mais le devin proteste et attribue à Socra-
te la responsabiliti de l'intrusion de Didale dans leur discus-
l
"""
C
1
sion.
Il dit à Socrate:
.•. OU uot OOKEtl 0 6atoaÀoI (283),
car
i l souhaiterait,
pour ce qui le concerne,
des discours bien
. <
. • . . <
•
-
. <
• • . •
" <
-
~
•
• •
•
<' - C
•
r·
1
1
C.-v
) \\ Q
(280) Euthyphron ajoute:
CXXI
TIEptEPXETat
yap TIWI nutv aEt c
~v TIPOS~UESa
:::1
:>
1
1
fi
JI
~
1
.;:l
1
Kal
OUK ESEÀEt
UEVEtV OTIOU av tOPUOWUESa aUTO.
(lIb 7-8).
(281) cf.
Hoerber,
loc.
cit,
p.I04;
Heidel,
op.
cit, p.l68; idi-
tion Croiset ap.
Les Belles Lettres,
p.I98 nI:
"Socrate,
fils
d'un marbrier,
se dit descendant de Dédale,
ancêtre des
sculp-
teurs,
qui
faisait,
disait-on,
des statues douées du mouvement.·;
cf.
aussi R.
Violette,
art.
cit.,
p.300;
(282)
IIC4-5.
(283)
IIdl.
1
545
J
\\ )
"""
CI
)/
)\\
"'"
(/
stables: eXXII
EnEl
EUOU YE EVE Ka EUEVEV av TaUTa OUTW!
(284).
Si Euthyphron a raison,
alors Socrate serait doublement supé-
rieur à son ancêtre:
d'abord parce que,
outre ses propres oeu-
vres,
i l serait capable d'installer l'instabilité dans celles
des autres (285);
ensuite parce qu'il le ferait contre sa pro-
pre volonté. Mais,
en réalité,
Socrate désire lui aussi des
discours stables et solides (286),
préférables selon lui aux
Trésors de Tantale (287) ajoutés à l'art de Dédale.
Il estime
toutefois qu'on a assez badiné et qu'il faut retourner à l'ana-
)
, /
lyse du pieux,
avant qu'Euthyphron ne mollisse:
exxJU ElfE 1 ôn ÔE
\\
""".,1
.
/
UOl
ÔOKE11 oU Tpu~av, aUToI 001 00unp08UUnooual
1
\\
"'" C
1
UE ôlôaE;DI nEpl
TOU 0010U.
(288)
(284)
lld 1-2.
(285) Dans le M~ijQQ, l'interlocuteur de So~rate du même nom
compare Socrate à une torpille (80d).
(286) Le Gorgias considère comme une honte le fait de ne pas
rester du même avis,
en particulier sur les sujets importants
(52le).
(287) Tantale:
fils de Zeus,
condamné à la frusq~tion éternelle
pour avoir osé défier les dieux.
Voir Bergen,
op.
cit.
p.236.
(288)
Ile 2-4.
Ji
546
§
405. Ce morceau,
dans son ensemble,
peut s'ana-
lyser comme une pause,
un interlude.
D'après Burnet:
-These
interludes are Plato's way of marking the analysis of a
dialogue.
We are to understand that everything that has preceded is merely
introôvctoTY
and that
the positive result of the dialogue
(50
far as it has one) will be foundin
the second part.
That
is
why Socrates now asks leading questions." (289).
L'interlude
annonce bien,
en effet,
l'achèvement de toute une partie de
)
/
l'analyse,
qui a seulement déterminé le pieux comme e:1ooI,
toe:a
:>
1
( §§
306; 307; 315; 398)) ou
ouota ( §§ 391; 395); mais l'analy-
se est restée insuffisante dans la mesure où i l reste à
déter-
miner ce qu'est cette essence,
c'est-à~dire finalement son sta-
tut dans l'espace du monde éthique.
Nous nous acheminons ainsi
vers la détermination de l'ousia du pieux à
travers l'examen du
rapport Justice/piété,
thème classique dans le premier platonis-
me.
Mais, avant d'en arriver là,
il nous incombe encore
la tâche
de dresser les résultats essentiels de notre enquête.
<oc
_
• <
p ' .
< c·'
<
<
< ' G ' e " p ' c ' C
c · c
<
.oc C
< c
<'C·C
(289) Bur~et, E.A.C., p.130.
547
§
406. Tout d'abord,
l'examen du second essai dé-
finitionnel permet, principalement, d'opérer la d;;tinction
entre deux sortes de divergences:
techniques ( §324) et éthi-
ques. Les premières sont réglées par le recours à la métrétique,
à l'arithmétique ou à la pesée (§
325). Aussi bien les désac-
cords techniques n'engendrent-ils pas de conflits susceptibles
de conduire à la guerre oU,en généra1)aux inimitiés (§ 326).
Quant aux divergences éthiques, elles n'admettent pas, du moins
à première vue,
un moyen de décision autorisé ( § 326) dont la
fiabilité soit universelle ( § 326). C'est pourquoi, elles sont
la source des guerres, non seulement chez les hommes, mais aussi
chez les dieux. Cependant, à l'instar des désaccords techniques,
les divergences éthiques peuvent connaître une solution ration-
ne11e qui passe néanmoins "par la médiation obligée de la con~ais-
.-v
sance de l'Eiéof du pieux" ~35). L'existence d'une solution
rationnelle est ainsi liée à la théorie des Idées ou des Forses.
La rationalité du précepte moral n'est pas,
par conséquent, d'une
nature différente de celle des Idées (ou Formes). Elle est éta-
548
blie dès lors que le précepte moral
·satisfait aux exigences
d'universalité,
d'identité et de discrimination.·
(§ 335).
Rappelons enfin qu'il ne convient pas de voir dans ce texte u~e
critique du polythéisme en tant que tel.
Platon ne se couvre
pas d'un projet crypto-monothéiste.
Il entreprend plutôt, dans
ce texte,une réforme du polythéisme en le ration~alisant i.e.
en le débarrassant de la théomachie.
Au polythéisme populaire,
i l cherche à substituer un polythéisme philosophique débarrassé
des contradictions du polythéisme poétique (§
338).
§
407.
En second lieu,
nous assistons à la mise
Il
,
en place de la distinction fondamentale entre l'indiscutabilité
d
~
d'une exigence essentielle et la discutabilité des actes
parti-
culiers. Une exigence essentielle est indiscutable,
par défini-
tion,
chez les hommes ( §§
342-346) comme chez les dieux
(§§ 347
sqq),
ce qui suppose vraie,
au moins implicitement,
la communau-
té de référence entre la divinité et l'humanité ( §§
347;
348).
L'exigence essentielle s'exprime,
en règle générale, sous la
forme d'une proposition analytique (§
343).
Les contestations
entre les hommes ou parmi les dieux,
s ' i l en est (§
349),
por-
tent non pas sur les exigences essentielles et,
finalement,
sur
les valeurs en elles-mêmes,
mais sur leur présence dans
tel O~
tel acte (
§
346). D'ailleurs,
lorsque les valeurs (ou Formes)
sont présentes dans les actes particuliers, c'est à titre
d'acci-
549
dent
(§
350)
puisqu'en effet,el\\e~ ne constituent pas l'essence
de ces actes
(
§
348). Le problème d'Euthyphron appartient à
la catégorie des actes discutables
(
§ 351),
si bien que
le
devin se livre ~ une véritable imposture par l'érection de son
action en norme (§ 352).
Dans ces conditbns,
même si l'unité de
la divinité s'effectue autour de l'approbation de son acte
(§357).
celle-ci ne saurait être qu'exceptionnelle. C'est pourquoi,
il
devenait nécessaire de rejeter l'impasse d'une discussion sur
les actes particuliers ( §§
355;
356;
357) et de rectifier le
second essai définitionnel
(§§ 358 sqq) qui est,
en même
temps,
comme un redressement de l'inversion du cheminement normal
(§
354) de l'entretien dialectique.
§ 408.
En troisième lieu donc,
le second essai
définitionnel n'est pas abandonné (§
358), mais i l est rectifié
(§ 359).
Le S.E.D.R,
qui définit le pieux comme ce qu'aime toute
la Divinité ( § 358») constitue une définition rigoureusement
construite (§
359»)qui ne présente plus de défaillances formel-
les,
même si elle ne lève pas une série de difficultés (§§ 360;
361;
36~). Cette rectification du S.E.D. aboutit à la mise en
place du principe causal à travers l'examen rationnel {§
363)
de la nature du rapport entre le pieux et l'amour des dieux. Le
problème est de savoir si la divinité est source de la moralité
ou si celle-ci est autonome
( §
366).
La ligne d'Euthyphron est
celle qui considère la divinité comme la source de la moralité
(
§
367). Par contreJSocrate s'engage dans une voie qui
tend
1
---------------------_.._-_._----
550
à constituer la morale en un espace autonome.
§ 409. La d~marche de Socrate est intêressante.
Il met en place le principe causal à travers une distinction
qui ne s'appare~te que superficiellement à une analyse de l'ac-
tif et du passif (§§
377 sqq). En fait,
comme nous l'avons
montr~ ( §§ 378 sqq), c'est la structure de causalitê relative
(§
396) qui est pensêe dans ce passage. Cette structure de
causalitê relative ne s'applique pas à l'analyse du pieux qui
s'inscrit dans la structure de la causalitê absolue. Car l'ou-
sia (du pieux)
"n'est pas plus un actif qu'un passif.· (§ 397).
Le r~sultat le plus êtonnant à quoi aboutit l'argumentation est
la mise en êvidence du changement de la structure d'intellec-
tion de l'ousia du pieux. Examinê du point de
vue de sa forme
et de ses procêdês (§§ 398 sqq), l'argument nous a semblé rece-
1er une êtonnante rigueur et une remarquable cohêrence.
§
410. Dégageons,enfin,le sens général de ce sub-
·til (§
369) morcea u. Le pieux n'est pa s aimé primordia lement
parce qu'il est objet d'amour. n'être aimê n'affecte en rien sa
......
")
J
plénitude en tant qu'ousia. Le pieux est Et60f ou lOEŒ c'est-
à-dire qU'il e.qt vraiment. Il est invariablement ce qU'il est,
rien que ce qu'il est, avec ou sans amour. D'être aimé ne le
caractérise en rien pour ce qui est de sa nature. Sans doute le
551
pieux est-il tel que lorsqu'on est en présence de ce qu'on sait
Aere pieux,
on ne peut que l'aimer.
Mais "Atre aimé" c'est seu-
l
lement ce qui se dit du pieux lorsqu'il se dévoile,
dans
une
rencontre,
au regard de l'Ame.
"Etre aimé" est donc seulement
quelque chose ~ui survient au pieux, un accident (§§
395; 402),
non le pieux lui-mAme.
Cet accident se reproduit à chaque ren-
contre avec le pieux,
mais i l reste un accident.
§
411.
Le pieux,
lui,
est une essence. C'est pour-
quoi,
malgré sa définition qui l'assimilait à un accident
(§ 410) ~
Euthyphron,
dont l'Ame n'est pas sans bonté ( §
390), a pu enten-
dre confusément son appel et opérer le bon choix
( §
390): celui
qui restitue au pieux son essentielle dignité d'ousia.
Parce
qu'il est ousia,
le pieux suscite l'adhésion des dieux en quoi
consiste leur amour.
Comment les dieux pourraient-ils ne
pas
adhérer à l'ousia? L'adhésion des dieux à l'ousia,
en général,
constitue une exigence essentielle. L'amour des dieux se manifes-
te donc dans toute rencontre avec l'ousia,
et non pas seulement
avec l'ousia du pieux.
L'amour n'est pas le produit spécifique
d'une rencontre de la Divinité avec l'ousia du
pieux, i l est
1
le ytYVOUEVOV nécessaire de toute rencontre de la divinité avec
l'ousia.
On ne s'étonnera pas ainsi que l'amour des dieux non
seulement ne définisse pas intrinsèquement le pieux, mais encore
qu'il ne puisse rien nous apprendre sur la nature propre
du pieux_
-
. -_.._-_._------_. _._-._-_.-._-.__.._._--_._---------
552
Dès lors,
l'analyse du pieux doit emprunter une nouvelle orien-
tation qui,
en l'extrayant des contingences mondaines,
la ré-
1
. . .
,nse~~ dans l'univers axio-ontologique des Formes-Valeurs. Ce
programme ambitieux se réalise dans la IVème partie de l'Eqthy-
Rh~QQ par une magistrale mise en évidence de la solidarité
fondamentale des Forme5-Valeurs à travers une détermination
de la Piété comme partie ou aspect de la Justice.
"In the Euthyphro Socrates makes no
secret of his own opinion that pi et y
is a part or aspect of justice"
Lionel Pearson,- P.E.A.<Sp.32._
1
IV.
JUSTICE
ET
PIETE
(
Ile 4
16e 4 )
§
412. Nous engageons ici la quatrième et dernière
section de la seconde partie de notre travail. Elle s'articule
autour de l'analyse du rapport unissant la Justice et la Piété.
problème parfaitement classique du Premier platonisme (§§ 412;
423; 482). Il semble que les notions de genre et d'espèce (§§ 42a~
426; 484; 492) aient quelque pertinence pour penser la nature
du rapport qu'entretiennent les d~ux vertus ou valeurs ( §413).
1
Co
/
La détermination de la piété comme eEpa~Eta,
puis comme u~npEata
thème clairement envisagé depuis l'ApQlogie ( § 443)
- permet
d'aller plus loin et d'indiquer la ligne de l'en~eignement doc-
trinal du dialogue. Cependant l'intérêt de cette section est
qu'elle n9us permet de mettre en évidence le double niveau dis-
cu r s i f
(§§ 493; 494; 495) d u 1a n gag e du dia 1e c tic i e n (§§ 493 s q q: .•
-
'mM' ers'
555
On ne manquera pas de noter le parallélisme de ce double
niveau
discursif avec l'APU et l'EPU.
Non pas qu'il faille conclure
que le discours du philosophe soit double, mais i l s'exprime
sur un double plan et s'adresse à deux interlocuteurs, en recou-
rant successivement au compromis et au "non compromis".
Ce ne
sera pas notre propos de marquer longuement les conséquences
herméneutiques de la détermination de ce double niveau décalé
de lecture et d'intelligibilité de l'EijtijYRij~QQ. Nous remarque-
rons simplement qu'il ne nous permet pas seulement d'avancer,
immédiatement,
dans la construction de l'orientation de l'ensei-
gnement doctrinal de ce dialogue,
mais encore qu'il déblaie un
nouveau créneau d'analyse et d'èxégèse,
dont la promesse et la
fécondité probable semblent dignes de retenir l'intérêt bien-
veillant des savants.
556
A. LA NATURE DU RAPPORT
JUSTICE/PIETE
(
Ile 4
l2d
13 )
(
Ile 4
l2a 8
)
§
413.
Le texte aborde,
ici,
une question classi-
que (1) du platonisme:
l'analyse du rapport entre les vertus
(ou valeurs).
C'est une question de première importance.
Socrate encourage le devin à ne pas mollir:
CXXtV
Ka\\ u~
npoanOK&UDJ'(2). Puis)immédiat~ment, il suggère la nouvelle
?
\\
\\
orientation qu'il veut imprimer à l'entretien:
CXXV
lOE yao
• • • • • •
G
C
<
•
c:
C
G
• • •
<
•
< < < < <'.<
~
.
c
c
~
(2)
Ile 4; Meyer,
lac.
cit.,
p.19.
1
557
~
: > ,
'" l
'"
1
.~
,
CI
Et
OUK avaYKatoV Dot
OOKEt
ÔtKatOV EtVat
nav 10 ODtOV.
(3). Eu-
thyphron admet sans hésitation la position suggérée par Socrate.
Mais Euthyphron adhère à cette thèse (4) sans l'avoir réellement
comprise, car, dit-il,
il ne peut suivre les distinctions socra-
,
fi
,..,
1
tiques: CXXVI
OUX Eno~at •••• 10tf ÀEYO~EVOtf (5). En effet,
Socrate a précisé. sa question en demandant si la proposi tion
acceptée par Euthyphron admettait une réciproque. Celle-ci fait
du Juste un prédicat du Pieux; la question est alors de savoir
si, à son tour,
le Pieux peut-être prédicat du Juste. Si cette
question n'admet pas de réponse affirmative, nous avons ici une
structure parfaitement asymétrique, comme dans le rapport cau-
saI (§§
379; 385; 396).
(3)
lle 4-5.
(4) Phillibert (RHPR,
loc. cit. p.140) voit dans le passage
Ile 4 , "si Socrate est honn~te, s'il n'a pas l'intention de dérou-
ter Euthyphron,
une indication tout à fait positive.- Il ajoute
d'ailleurs que, si Euthyphron échoue à préciser la définition
proposée par Socrate, ce n'est pas tant parce qu'elle conduit à
une contradiction que parce que celui-ci ne se montre pas capa-
ble de persévérer dans la bonne direction.
(5)
12a 3.
a: '1' .rt tt ,-
r - f -
f t
'ZCU
" ;
,. ,"
558
§ 414.
C'est ce que suggère la question telle
('V
..,....
' ' ' ' '
,
qu'elle es t s truc t ur ée par Soc r a te: CXX"":
•Ap OU\\I K(xt na\\) T 0
-/
C,
."
\\
\\
(/
'"
/
'\\
\\ "
: : > " , . ,
OlKalO\\l
OeHO\\l,
n TO ~E:V 0010\\1 1TlX\\I OlK(nOV;' TO OE: OlKCX10\\l OU 1TCX\\l
l/
.,
\\
,
~,
""
(/
'\\
'\\
.
' J I
,
0010\\1,
cxÀÀcx
TO
UEV CX
TOU
0010\\1)
TO
OE
Tl
KCXl
cxÀÀoJ
(6)
Autrement dit,
si l'on admet que tout ce qui est pi-
eux est juste (§ 412)J doit-on aussi poser la réciproque, à savoir
que tout ce qui est juste est pieux? Ou bien faut-il considérer
que le pieux est toujours juste, sans que ceci implique que tout
le Juste soit pieux? Une partie du juste ne serait pas pieuse.
Si l'on prête une attention suffisante à ce texte,
on peut en
conclure que le Juste serait un prédicat absolu du pieux, dont
il entrerait dans la définition (§
427), alors que le pieux ne
serait qu'un prédicat relatif et partiel du Juste, avec une partie
duquel il se confondrait.
§
415. En somme, Le Pieux et Le Juste
wont -i1s la
m~me extension
et par suite la m~me compréhension?· (7).
Deux concepts ayant même extension et même compréhension sont
convertibles, car ils sont équivalents. La convertibilité et
l'équivalence sont impossibles dès lors que le concept B est
compris dans le concept A. En effet, dans ce cas, nous avons
~'G"<'
C G < <'C, C <-GG
G <-c
< GC ~ < C'.<
• < «
(6) Ile 7 - 12a 2.
(7) Phillibert, lac. cit. p.137.
1:
-
---_.-._----_._----
559
(d)
-
~
ceci:
A et B tels que si BeA"
alors ACB =) AI B. Socrate veut
savoir si le rapport entre le Juste
(J)
et le Pieux (P)
est de
même nature:
J
et P sont-ils tels que si PC J,
alorsJC P ~
J)P?
(8).
Cependant,
le niveau d'abstraction
(9)
où se situe
le dialecticien déroute Euthyphron,
en dépit de toute sa science
et de sa jeunesse (10).
Il l'encourage (§ 413) de nouveau,
avant
(8) Taylor écrit:
"IVe both admit thBt
whatever is religious
"
1
(0010V)
is
"dutiful" or right
(Ô1Kalov); can we convert the pro-
position simpliciter and say that whBtever is right is religious?~
in P.M.W.,
p.153.
(9) On ne se résoudra pas à comprendre que P.T. Geach déclare
tranquillement que cette partie du dialogue présente moins d'in-
térêt
(ad.
loc.
cit.
p.380),
oubliant qu'on y voit, à l'oeuvre.
pour la première fois,
dans l'histoire de la pensée, l'importan-
te distinction entre le genre et l'espèce.
Il est vrai que cet
auteur nous avait déjà paru avoir peu assimilé la pensée du
)
Maître,
à l'égard de qui i l semble,
étrangement,
éprouver
peu
de sympathie.
Répétons ici que de simples compétences techniques
ne suffisent pas à ouvrir au Platonisant les portes des dialo-
gues.
Il lui faut entrer dans leur jeu
~
14 et passim)
et obéir,
docilement
(§
13 et passim),
à ses règles.
(10)
12a 4sqq;
sur dialectique et
jeunesse,
cf.
A~c~Q~aq~
(a) Cette formule pe'Jt vouloir dire: ou bien) B est cc.~t erm de.r:s
A-. inclusion
.
stricte, 01~ tien ,:3 coincide 2vec _; - inclusion 1Iii.;:\\;8='le
(A=?). Ce second cas est exc Il; ,rh: mo ins au niveau dl.: dis CC:1JI'.3 1:
cf. p. 604 n 143 bis.
1
-
----_.•.... -.-•.--_..~_.,•.,,- ..-."-.'- .... -_.-._--_._._._--~_....- --_._--
560
de tenter de lui clarifier (11) ce qui est en jeu,
par l'examen
de certains exemples, à travers un détour.
( 12a 8
c 12 )
( 12a 8
12b la )
§
416. Naturellement, si Socrate recourt à un dé-
tour, c'est parce que le devin ne comprend pas la nature de la
(11) On remarquera que comme au moment de la mise en place
(
§§ 366 sqq) du principe causal,
le devin ne comprend pas
d'emblée ce qui est en jeu. Par contre, il n'avait fait aucune
-
)
1
difficulté pour assimiler les notions d'Etoof et d'toEŒ
(
§§ 298 sqq),
et même d'ousia et de pathos (§§ 393 sqq).
561
relation (12)
(entre Le Juste et Le Pieux) que Socrate a tenté
de lui expliquer (§§ 413;
415). D'après Taylor~"Euthyphro.has
the difficu1ty which seems to beset a11 beginners in logic in
seeing that
the universa1 affirmative proposition does not admit
of simple conversion (13),
and the point has to be made c1ear
by examp1es."
(14). Le premier exemple "doit éclairer la pos-
sigi1ité que deux termes,
qui peuvent paraître assimilables,
soient liés cependant,
en
fait,
par une relation asymétrique,
où un seul des deux soit impliqué par l'autre." (15). La relation
entre la crainte et le respect est convoquée pour l'illustrer.
§
417. Socrate prend le contre-pied du vers qui
li
\\
1 ' /
\\ )
,.
dit: cxxne
tva yap ÔE.O!)
L.ySa Kat at<500!
(16). Ce poète attribue
(12) Grote,
op.
cit,
p.320:
"He (i.e.
Euthyphron_D. 5amb) does
,.
not comprend the relation between two words,
generic and specifis
with reference
to each other:
the former
embracing a11
that
the
1ater embraces,
and more besides (denoting more objects,
conno-
ting fewer attributes)."
(13) Hacha,
ibid,
pp.55-56.
(14) P.M.W,
p.153.
(15) Chateau,
ib,
p.114.
(16) L'auteur des vers cités,
est peut-être Stasinos. cf.
~(ag-
O)~Ilt;<clE;rLÇbl}l]t:Lç:xpI;:j,eIl§: Croiset, p.199 nI; Rob (La Pléiade),
pp 1292-93 (= p.
367,
nI);
Fr 20 (Kinkel) apud Allen, ibid,
p.49;
Shorey note que ce poète nous est inconnu (W.P.S.,
p.l8).
une plus grande extension au respect. De son point de vue,
la
crainte ne serait qu'un aspect ou une partie du respect:
Respect
crainte
)
'"
y
Socrate est d'un avis contraire: CXXX
Ou ÔOKEt ~ot EtVat
'1
J
"1
\\
.,
J
\\
1
"t va ÔEO J ., EvBa Kat atÔwJ" (17). Et il s'explique: woAAot yap
,...,
1
\\
J
\\
)1
\\
""
6f.$,ttfJ 1
~Ot ôOKOUat Kat voaouJ Kal WEVlaJ Kat aAAa woAXa TOtaUTahoEÔtEvat
1
,
"'"
\\
,
,..
{I
1
~EV} atôEtaBat ÔE ~nÔEV TaUTa a ôEôlaalv. (18). La réfutation
de Socrate, en son principe, est fort claire: il y a des choses
relevant de la crainte et qui sont en dehors du respect (19).
On craint, certes, la maladie,
la pauvreté ou la misère,
mais
on ne les respecte pas pour autant. De sorte qu'il y a toute une
partie de la crainte qui ne recoupe pas le respect. Le respect
n'est donc pas un prédicat nécessaire de la crainte. Celle-ci.
par contre, est un prédicat nécessaire du respect. Si la crainte
<
• -. (' < <-.
(' G - .. <
•
Oc "< ... -< oC'
C' 'C
<
( '
G · ·
•
< (' (' (' <
(17)
12b S.
(18)
12b 4-7.
(19) En ~~pij91~9Y~ V, 465b, Socrate déclare que le respect et la
crainte sont les deux gardiens qui empêcheront les jeunes de bruc.a-
liser les personnes âgées;
cf. aussi Allen,
ad.
loc. cit.
-1
-
p.).,n..:
---------
- - - ---------------_.__..._--_._----- ..._-_._-----._------_._-------------\\
563
est un prédicat nécessaire du respect,
c'est que celui-ci l'im-
plique.
( 12b 11
c 12 )
§
418.
La position de Socrate est l'inverse de celle
CI
que la Tradition attribue à Stasinos (§ 417): CXXX!.
• •• l. va YE
')
1
71
\\
l
'""
al.ôw!} EvBa Kal. ÔEO! Eival. (20). Socrate donne un exemple qui,
pense-t-il,
clarifie sa thèse.
Lorsque quelqu'un a
honte de quel-
.que chose en raison du respect qu'il a
pour lui-même, i l éprouve
un sentiment de peur et craint d'avoir une mauvaise réputation
(21). Si la crainte accompagne toujours le respect et si l'inverse
n'est pas vrai,
i.e.
si la crainte peut se rencontrer indépendan-
(I
\\
ment du respect,
alors,
i l est faux
de dire:
CXXXII
"l.VQ yap
1
1/
\\
7
1
ÔEO!) EvBa Kal. al.ôw!." (22). Dans ce cas, le domaine d'extension
de la crainte est plus grand
(23), et comprend celui du respect:
crainte
respect
(20) 12b 9.
1
(21) Sur la traduction de ôo~av
par réputation,
cf.
Y. Lafrance
in La T.P ••••• ,
pp.23-24.
'(22) 12c 3-4 •.
) \\
/
,.~
/
:>
1"\\..
(23) 12c 5: CXXXIII
ETIl. TIÀEOV yap Ol.~al. ÔEO! al.ôou!·
1
564
Comme on le constate,
c'est l'inverse du diagramme précédent
(§
417). Dans ce diagramme,
le respect est inclus dans la
.
l
, > "-
crainte;
il en est une part~e: CXXX)V
~Opl0V (24) yap a1ôwf
1
O€OUf
•••
(25).
r 419. Co~me s'il avait senti l'ambiguité de son
premier exemple,
Socrate poursuit par la mise en évidence d'un
li
.:>
"'"
1
second exemple,celui du nombre:
CXXXV
••• WOW€P
aple~OU W€P1TtO~
a
)
(/
::>
l
')J
,
/
fi
1
WOT€
ouX lva WEp aple~OfJ€VSa
Kal W€PP1TTOV)
lva Ô€
W€P1TTOV)
')1
"
r
€vSa
Kal ~P1S~of (26). Ce second exemple est)évidemment,
plus
clair.
Il Y a,
en effet,
deux esp~ces de nombres:
les nombres
impairs et les nombres pairs (27).
Chacune d'elles peut faire
l'objet d'une définition précise et nettement spécifiée (§
421).
Cependant aucune d'elle,
prise isolément,
n'épuise l'extension du
nombre. Le nombre impair implique nécessairement le nombre,
mais
la présence du nombre n'induit pas obligatoirement (27 bis) celle
de l'imparité,
puisqu'aussi bien i l existe des nombres pairs.
/
1
(24) MOP10V,
~€POf sont des termes courants: cf. Hacha, op. cit.
p. 56.
(25)
12c 6.
(26) 12c 6-8.
1
(27) Plus bas (12d 9), Socrate utilise les termes:
oKaÀnvof et
.,
/
1000K€Ànf·
( 27 bis) Cf- i nfR:a: n ~ 1
=
S"
V'
ft r'
] t«.'11"'-·
t
t
u e
565
§
420. Les explications de Socrate suggèrent une
distinction analogue à celle du genre et de l'espèce. C'est ce
que, à la suite de Heidel (28), Shorey (29),
Rabinowitz (30),
affirme Guthrie:
"This introduces the notion of genus and,
or in
Plato's language
"whole" and
"part",
and brings them a step nearer
to the correct method of seeking a definition:
first
agree on
the larger class,
or genus to which the object belongs,
then dis-
cover what special character (differentia)
i t has that marks it
off from
the rest of that genus as a separate species (12d 5-7).·
(31) Sans doute Allen se montre-t-il plus prudent lorsqu'il écrit:
(28) O.P.E.
p.168.
(29) W.P.S.
p.168.
(30) Phronesis, art. cit.
p.110.
(31) H.G.P.,
IV, p.113. Guthrie poursuit en soulignant que seule
une espèce, c'est-à-dire toute une classe de choses~ actions ou
qualités,
est définissable
"no definition can mark off one indivi-
dual
from another within an infima species" (p.114). Or,
dit-il,
pour Platon "only the definable could be known,
and equating rbe
object of knowledge with reality,
concluded that
forms,
rather
than concrete individuals constitued the real
word."Tout
à l'oppo-
sé:
" Aristotle,
with
the mind of a natural scientist, started
,
from
the premise that only concrete,
sensible individuals existed.
1
and was then
faced with
the difficulty
that
the real world eluded
:ria-IIIlloOIi·~'''''t''·h'''·_'...
r _.....
.....
............
_ _.......
, ...
' _
......
-...
~_ _
. . .
,
" t e l " , t t t
.......
~......._ ......_.·olIlU~' ~'~'-_liIiiIIliiiiliilïioio
'.
1'''O"'S"S"'''[
566
'This question may be paraphrased,
not inaccurately,
as
the
question whether holiness is not a species of which justice is
the genus.
But i t is weIl
to remember that,
though
'part' and
wwholeW,~tpoJ or ~6P10V and ~ÀOV , bécame ordinary philosopbi-
cal Greek
for
'species' and
'genus',
Socrates language is
very
concrete. W (32).
Cependant,
aucun des exemples mis en avant par
le texte n'autorise à réduire le discours platonicien (33) à
des considérations essentiellement concrètes. Le premier exeaple
(crainte/respect) est d'ordre psychologique:
i l s'intéresse
moins aux manifestations concrètes de ces sentiments qu'à leur
nature générale. Le second exemple est mathématique et fait pro-
gresser la discussion d'un cran sur le chemin de l'abstraction.
Quant au rapport en cause (34), à l'analyse duquel est destiné
ri~Yocqr~~ des exemples, il est de nature éthique. Du psycholo-
gique à l'éthique,
en passant par le mathématique, nous ne reuar-
quons guère la concrétude du langage dont il est question.
Au
(31) suite
scientific knowledge (so e.
g.
Metaph.
999a
26-9), which,
like
Plato,
he equated with
the ability toWgive an account' or defi-
nition (À6 y ov ôlô6v<Xl" (ib.
p.1l4).
(32) Loc.
laud.
p.48.
(33) Car c'est Platon qui parle, Socrate n'étant que son porte-
parole privilégié.
(34) Justice/piété.
-
567
contraire,
le niveau d'abstraction s'élève.
La réserve d'Allen
ne se
justifie pas:
c'est avec raison que les interprètes tradi-
tionnels voient dans ce passage l'introduction des notions de
genre et d'espèce.
Dans cette optique,
la piété pourra être
considérée comme une espèce ou partie de la Justice.
(
12c 13
d 13
)
§
421.
En effet,
la question de Socrate au sujet
du rapport Justice/Piété était tout à fait analogue (35)
à celle
portant sur les rapports crainte/respect et nombre/nombre
impair.
Le problème est clairement posé par Socrate:
CXXXVII
&PŒ tva
/
JI
\\
Cl
')i
rt
\\
(1
)/
' /
q
ÔtKatOv) EVea Kat oatov; n tva ~EV oatov) EVea Kat ÔtKatov
tVU
J
\\
/
')
.-vu
l
' ' ' '
,
\\ c : /
ÔE ÔtKatOv)
ou navTaxou oatov'~optOV yap TOU ÔtKatOU TO oatov
(36).
Euthyphron accepte (37)
cette nouvelle définition suggérée
par Socrate et qui inscrit la piété dans le contexte plus vaste
\\
'""
/
' J
rv
1
; ) /
(35)
12c 10: CXXXVI
To TOtOUTOV TOtVUV Kat
EKEt
ÀEYWV npWTWV •• _
(36) 12c 10-d 3.
1
/
?
rv
1
(37) 12d 4:
~atvn yap ~Ot opewI ÀEYEtV.
-----------------------_.._--_....._--_.._-._--_.__._--_."--"--"."'" .._--.._--_._~_ .._..__._.-
568
de la Justice (38).
Pour mieux se faire comprendre, Socrate re-
prend et précise l'exemple du nombre. Si l'on demande quelle
/
? '
1
"-
est la partie du nombre qui est paire ( ••• ~EPOI EOT1V aple~OU
'\\
")1
TO apTlov ••• )
(39),
on répondra que c'est celle qui n'est pas
"scaléne" ( ~~ oKaÀTl'V61 ) mais "isocèle" ( ~OOOKEÀrl'I ) (40).
(38) cf. Friedlander,
loc. cit.
I, p.88: "Now we define the
meaning of piety within the larger area of what is just by dis-
tiDguishing,
as in a logical
exercise,
between the more general
and the more specifie concept."
(39) 12d 8.
(40) Citons ici l'intéressante note de Allen,
loc. cit,
p.SO:
"Literally,
"number which is not scalene but isosceles.· An
Arethan scholium on
the Bodleian manuscript
(see Burnet,
Euthy-
phro.
ad.
loc.) suggests that even numbers are
wisosceles· be-
cause triangles with equal legs are bisectable.
equally divisible
into two,
this
fits
Plato's own definition of even number in tbe
Laws (X,
895e).
But i t seems odd to call a number scalene or
isosceles (cf.
Heath.
History of Greek Mathematics,
VQl
1; p.292)~
and i t has thought
that Plato is here referring to soœe form cf
geometrical
representation of number. M.
de Strycker (Rev.
des.
Etud.
Grec.,
1950,
pp.44-49) suggests that
the reference is ta
familiar
Pythagorea? device of representing number by gnomons
(for which see kirk and Raven,
The Presocratic Philosophers.
pp.
243-55).
He neglects,
however,
the decisive objection to
this
569
Ce qui définit proprement la parité d'un nombreJc'est sa divisi-
bilité en deux entiers égaux.
(40) suite
view: gnomon repr€sentation
makes odd numbers scalene, since
their ratio is always different
for each number (cf.
Aristotle,
Phys.
III.
203a 10-15).
This
precisely the reverse of what is
required; nor is there any other geometrical representation wbich
fits
the passage.
W
The
terms
wisosceles w and
wscalene- are in
fact simply metaphors,
whose explanation has been kindly sug-
)
1
gested to me by Professor Cherniss.
lOoOKEÀn! means equallegged;
1
oxaÀnVo! means uneven,
unequal.
or rough,
and is probably rela-
1
ted to 0XOÀ10! crooked. bent. or twisted. Even numbers. being
divisible into two equal and integral
parts,
are
wisosceles w;
odd are scalene because they are not so divisible
they limp.-
Sans doute, est-Ce la raison pour laquelle Robin n'hésite pas a
1
traduire oKaÀnVO! par "boiteux" (ap. Pléiade. p.368). Quant à
sa note (p.1293) sur ces deux termes. elle ne fait qu'ajouter
à la confusion. Il est tout à fait fantaisiste de parler de
"nombre boiteux" à l'instar de Robin. D'ailleurs,
le texte lèl'"e
toute équivoque en recourant s:multanément à des synonymes qui
désignent respectivement l'imparité et la parité des nombres, à
l
,
~
savoir: nEplTTOV (12c6, c7) et TO apTloV
(12d 8). L'emploi d'an
vocabulaire géométrique pour désigner une réalité arithmétique
est une pratique courante chez les anciens Grecs.
571
pour une raison générale: Platon, au contraire d'Aristote (44),
ne s'intéresse pas à la fondation d'une Logica docens. Peut-
être même, une telle entreprise, conçue comme projet autonome,
lui aurait-elle paru monstrueuse, et de toute façon, sophisti-
que (45). Ensuite, pour une raison liée à la fois à la place de
(44) Aristote se considère comme le fondateur de la Logica docens,
tâche dans laquelle il ne se reconnaît presque pas de prédéces-
seur ( cf. P. Shore y in Ibe .. Q;r:;i,.g;j,!LQ.{She.<Sy:llQg:!./1I!), C.P. VoL
XIX, nOl, January 1924, p.l). Cependant,
bien souvent,les théories
log~ques d'Aristote trouvent leurianticipatio~chez Platon, jus-
ques et y compris pour le syllogisme)dont la source, d'après
1
Shorey, serait d'une part la olapE01! (ibid, p.2), et, d'autre
part,
le passage bien connu du ~h~q9n (104 sqq; Shorey: p.4 et
passim).
(45) Platon ne se détourne pas pour autant de toute forme de
Logica docens, mais il ne règle des questions de théorie logique
qu'en rapport avec des considérations "méta-logiques" liées
/
aux exigences du débat dialectique, comme dans le passage qui
nous occupe. C'est le lieu de
rappeler les importants travaux te
notre maître, V. Goldschmidt, notamment
Le§<~:!.~~9gqe~.q~_~~~~çn.
considérablement contribué à mettre en évidence les procédés
argumentatifs de la Dialectique platonicienne,
y compris au
572
ce passage dans la contexture du dialogue et à son destin final.
Ce passage se situe immédiatement après l'interlude>qui annonce
une perspective doctrinale ( § 424)
d'une part,
et,
d'autre
part,
l'entretien se poursuit sur un plan "méta-logique",
i.e.
par une tentative de détermination de l'ousia du pieux.
§
423.
Ainsi,
sans dénier à ce passage toute
pré-
occupation consciente d'ordre logique
(46)
( §
422),
nous
y
voyons,
avant tout,
la tentative de poser et de résoudre la na-
ture de la relation entre deux vertus particulièrement liées,
(45)
suite
niveau des formes ou modes réfutatifs (arguments et alia,
et
idem non,
et oppositum)qui font l'objet d'un emploi systématique
et articulé dans les Premiers Dialogues). Toutefois,
pour des
raisons liées à la conception platonicienne même de la Philoso-
phie,
une étude exhaustive des procédés dialectiques aboutissant
à la mise en évidence de la Logistique platonicienne ne présen-
terait,
du point de vue de l'exégèse platonicienne,
que peu
"
d'intérêt. Car,
bien plus que le procédé réfutatif,
c'est
l'ac-
cord de l'interlocuteur qui,
réellement,
importe,
dût-il se
fonder sur une lQg!gyçcQQ!teY~e. cf. Gorgias 472b.
(46) Sur l'aspect logique,
cf.
Burnet,
E.A.C,
p.134;
Allen,
loc.
cit,
p.51-2 et Guthrie,
H.G.P.
,IV,
p.113.
------~._--'-----.---_.
--~,-~-
._-,-~.--_.~----_.-
573
problème classique du Premier Platonisme ( §§ 412;
482). La
Justice et la Piété (47) sont presque toujours citées ensemble
dans les Dialogues. Certains les citent l'une à côté de l'autre,
sans prononcer sur la nature de leur relation:
le L,c.9è,§ (48),
Le Çr.~t9ij (49), le ~r.9t&gQr.&S (50), le ~Ql~t~9u~ (51), le
:rhM~tètf; (52), 'les !&i§. (53) et la R~I?ugl~9YC;; (54). Quant au
G9r.gt&§,
i l reprend de façon particulièrement nette la position
\\ ,
\\
\\ '
')
1
\\
1
de l'EythYDhr.Qij:
CXXXV~II
Kat
~nv TIEpt ~EV av8pwTIOUf Ta npoon-
1
l
') ')\\
l
" \\
(J
\\
\\
\\
KOVTa npaTTWV ÔtKat av npaTTot) TIEpt
ÔE 8EOUf oOta'TOV ÔE
Ta
1
\\ l I
/
' 1
1
\\ { /
'i"
ÔtKata Kat
oota npaTTOVTa avaYKn ÔtKatOV Kat
OOtOV Etvat
(55).
La position de l'EytÙyphr.9n,
reprise par le G9r.gt&§, doit être
(47) Jeanmaire (ip.
R.E.G., LVIII, 1945, p.68) fait le rappro-
C i l
1
..
chement Ootn/Ôtxn
;
ôtxn aurait une résonance laïque.
1
\\
C
1
(48) 199d 8:
••• ÔtKatOOUVn TE Kat ootOTnTof •••
:>
\\
l
'")/
c
1
(49) 54b 7-8:
••• OUÔE ÔtKatOTEpoV OUTE OOtWTEPOV •••
l
' C
/
(50) 349b 1-2:
••• ÔtKatOOUVn Kat oOtOTnf •••
\\
l
"
ri
(51) 301d 2:
••• Ta ÔtKata Kat OOta •••
(52) 176b: w•••
~tre semblable à Dieu, c'est ~tre juste et pieux
"
w (Traduction Croiset
modifiée apud.
GF).
/
"
{
/
(53) XII,
959c 1:
••. ôtKatoTaTof •••• Kat
ootwTaTof'"
l
"
ft
(54) X,
615b 8:
••• ÔtKatO Kat OOtOV ••• ;
déjà,
au livre II de la
Bêpygl19ue 368b 8 sqq,
Socrate considère le fait de trahir la
cause de la justice comme une impiété.
(55) 507a 10- b3.
574
considérée comme constante et,
par conséquent,
comme ayant un
caractère doctrinal (56)
(§ 20).
Elle n'est contredite nulle
part,
et le fait que la piété soit citée à côté de la justice
(57)
n'est pas opposable à ce constat (5B),
d'autant que la
doctrin~ (59) des quatre vertus cardinales la consacre en quel-
que sorte.
§
424. Mais i l y a une difficulté apparemment plus
grande:
c'est que le Juste n'a pas été défini.
Dès lors,
i l peut
(56) Il n'est pas de peu d'intérêt de noter que cette doctrine
est confirmée et/ou reprise par Xénophon dans t~~-ctl~m,Qr.a.bl~~ IV,
~"'- c\\.\\ ~\\e.
VI,
4-6. Toutefois,
la piété est réduite à l'exécution correcteV
dû aux dieux (4) et la
justice à l'exécution correcte des com-
mandements des lois (6);
cf. aussi Hacha,
ad.
lac.,
pp.47,
4B,
49 sq.
(57) C'est probablement une manière d'insister sur la piété
comme aspect de la justice.
(58) Notons toutefois que nous avons déjà fait remarquer dans
notre E.T.A.P.
(
§ lOB,
p.1BS n33) l'étrange situation où l'en-
seignement religieux est assuré par le plus sage et non par le
plus juste. Mais nous y avions vu
wun
indice idéologique de l'~n-
cienneté de ce morceau du dialogue. W (id).
(59) Hacha,
lac.
cit.
p.34.
575
sembler problématique de déterminer la Piété comme une partie
de ce qui n'a pas encore été défini et qui est précisément l'uD
des plus grands objets de dispute (60) entre les hommes et,
s'il
en est,
parmi les dieux. Mais cette difficulté n'est pas insur-
,
montable et peut être levée par trois series de considérations.
La première est que)dans un des exemples précédents, on a bien pu
définir une des espèces du nombre (§ 421) sans avoir, préalablemenc~
défini le nombre (61). Euthyphron est donc supposé avoir une notion
grosso modo exacte du nombre comme du Juste. En deuxième lieu, une
définition préalable du Juste aurait probablement entrainé un long
détour qui aurait compromis l'équilibre stratégique du dialogue.
Or, il était loisible de faire l'économie d'un tel détour en
supposant la notion du Juste connue du devin. En effet, et c'est
la troisième raison, Euthyphron (62) semble accepter la doctrine
(60) Alcibiade Premier Ille 14 et en général, notre E.T.A.P.,
§§ 69-72).
(61) Il en est de même au sujet de la nature de la relation
crainte/ respect.
(62) La remarque de GompQ~z ( Griechische Denker, cf. Traduction
française de A. Reymond,
II,
2ème édition, p.380) selon laquelle
rien,dans les prémisses des conceptions d'Euthyphron, n'autorise
â dédu~'re la subordination de la piété â la justice, est sans
objet. Car Socrate ne déduit pas l'inclusion de la piété dans la
justice des vues du devin.
Il la pose â titre analogique (§ 421~
après l'apagogie (12a-d»)et Euthyphron l'accepte en fournissant
lui-même les définitions des deux parties de la justice (§§421; 425;
427). L'inclusiàn de la piété dans la justiCe n'étant pas prétendu~
démontrée,
on ne voit pas que Platon fasse violence â la logique
(cf. Hacha, loc. cit.
pp.57-58) •.
576
qui fait de la piété une partie du Juste
(63)
(§§
421 sqq).
D'ailleurs,
i l suffit que le devin ait accepté l'inclusion de
la piété dans la Justice pour que la question advenant à l'ordre
du jour soit de déterminer quelle partie de la Justice est la
Piété.
(
12e 1
14b 1
)
l.§ .J.y~t~c;e
(
12e 1
9
)
§
425.
Socrate invite Euthyphron à
imiter l'exemple
(63) Heidel,
OPE,
p.175,se range du c8té de Gomperz (Griech.
Denk,
II,
p.295 et Heidel,
ad.
loc.
p.175 nI)
qui,
dit-il) /fis
quite right in maintaining against 80nitz
that
in
the populaT
view these concepts were entirely coordinate;
and indeed Plato in
the Protagoras and the Gorgias,
when speaking in
the popular
577
de la définition du nombre pair (§
423) comme espèce du nombre
pour définir
(64) la piété en tant qu'espèce ou partie de la
justice (65).
En effet Wwhat
particular kind of justice piety
is,
however,
remains to be aRswered:
the specifie differentia
must be stated i f the requirements of normal definition are to
be met. w (66). Une telle définition devrait permettre de faire
(63) suite
language,
so regarded them. W En fait,
i l est bien téméraire de
prétendre que dans le ~tQtagQ~ij~ (349b 1-2),ou dans le GQ~g~~S.
(507a 10 -
b 3),
Platon se place au point de vue populaire.
Cette thèse est d'autant plus inacceptable qu'elle concerne une
doctrine co.nstante des dialogues (
§ 423).
"""
" . "
U
l
,
(64)
l2el-2:,~~x'~:TIE1Pw on KOl ou E~E OUTW OlOO~Ol TO nOlOV
1
~
/
U
~
~EpOJ TOU OlK010U OOlOV EOT1V •••
1
(65) Guthrie croit que "morality" peut t:taduire OlK010V dans ce
texte (cf.
H.G.P.,
IV, p. 123). A notre avis, rien n'autorise
une telle traduction car d'une part,
ce terme ne signifie
jamais
"morality" dans le Premier Platonisme et,
d'autre part,
son sens
est trop classique
(le juste) et suffisamment spécifié pour ~tre
remplacé par un concept de compréhension bien plus étendue.
(66) Rabinowitz,
Phronesis,
1958,
p.llO.
578
pièce à l'accusation d'impiété (~OEaE{aI 12e3) en permettant de
/
.,
""
...
C/
discriminer le pieux
(Ta •••
EUOE6T) Kal
ooux (67),
12e 4)
de ce
qui ne l'est pas,
ce qui constitue, comme on sait (§§ 282;
359).
un des critères d'une définition techniquement réussie.
C'est
avec décision et précision qu'Euthyphron répond à la demande
, , ,
""
1
<;'-
?
l
,
du dialecticien:
CXL
TO UEPOI TOU ôlKalOU E1Val
EUOE6EI
TE Kal
C/
\\ '
\\
' V , . . . . .
1 .
\\
Ô'E
\\
\\
~?
,.
OOlOV~ TO nEpl TT}V TWV 8EWV 8EpanElav TO
nEpt
TT}V TWV av8pWTWV
\\
\\ . ' 7 '
' "
,.
/
TO ÀOlnov Elval
TOU ôlKalOU UEpoI
(68).
(67) Les traductions de ces deux termes sont souvent inconsé-
1
.,
IV
...
CI
quentes:
par exemple Croiset:
Ta ••• EuOE6T} Kal
oOla,
12 e4:
"ce
?
l
,
CI
qui est
pieux,
ce qui est religieux ••• ";
••• EUOE6EI TE Kal
OOlOV,
12e6:" ••• pieuse et religieuse ••• ••
Le lecteur attentif remarque-
ra que ce qui est traduit par religieux c'est gOla/tOtOv.
Mais
C
1
\\
en 13b4,
Platon renverse l'ordre des termes:
••• OOlOTT}I TE Kal
)
/
~
EuoEaEla ••• ,
et Crois~~ traduit:· ••• 1a piété et la dévotion ••. •
.,
1
tout en précisant en note (p.201,
nI)
que EuoE6Ela
" ••• ajoute
au premier une nuance intentionnelle." En réalité,
cette nuance
est inexistante et les deux termes sont synonymes (§ 281
n29)
comme l'illustre fort bien Platon en faisant précéder deux fois
cl
CI
')
"'-
J
/
oOta/oolov par EUOE6T}/EUOEaEI en l'espace dl une ligne.
NB.
Cha-
teau (loc.
cit.,
p.23) est plus conséquent dans la mesure où
i l traduit systématiquement hosion par pieux et eusebes par
d~vot.
(68)
12e5-8.
"c
579
§
426. Certains interprètes ont vu là la première
définition formellement correcte. C'est ainsi que Burnet déclare:
WEuthyphro at last succeeds in giving a
formally
correct
defini-
tion by genus ~nd specifie differenc~?9)Friedlandersuit l'ap-
préciation de Burnet lorsqu'il écrit:
wThus,
we get
the
first
definition
that
is
formally correct:
wPiety is
that
part
of
justice which attends
to the care (70) of the gods
(71)w •• Cepen-
dant,
si cette définition est incontestablement correcte sur le
plan formel,
i l est inexact de prétendre que ce soit la première
,
definition formellement correcte. La première définition
formel-
lement correcte apparaît avec le SED t § 321) et s'accomplit
(69) E.A.C.
p.135.
1
(70) Ce terme traduit 8EpaTIElav: idem apud Heidel
(O.P.E,
p.168);
1
Grote (ib,
l,
p.320) traduit 8EpaTIElaV par "ministration":
id.
ap.
Allen,
loc.
cit.
p.54.
Alors que Guthrie souligne la dif-
ficulté à traduire correctement ce terme
(H.G.P.,
IV, p.106 nI),
Taylor (P.M.W,
p.148) le rend
par "tendance".
Par ailleurs,
il
est satisfaisant de noter que les traducteurs français s'accor-
dent sur "soin":
Croiset ap.
"Les belles Lettres",
p.200;
Robin
ap. Pléiade,
p.
368,
Chambry ap.
GF,
p.204; Chateau, loc.
laud.
p.23.
(71) Friedlander,
ibid,
p.88,
avec renvoi à blçibi&d~ I,
122A;
580
avec le S.E.D.R (§§ 358 sqq).
Ce qui,en revanche,
est absolument
vrai,
c'est que
WSocrates'
requirement
that
the definition spe-
cify a genus
(72) marks an important advance in
the dia1ectic
of the Euthyphro.
And i t brings into sharp relief the
fact
that
the object of definition is a
Form,
not
the
things which have
i t . W (73)
§
427.
En tout cas,
c'est avec une étonnante
pré-
cision que le devin détermine les deux parties constitutives de
la Justice.
L'une concerne notre rapport avec la divinité,
l'a~-
tention que nous lui portons et constitue la piété;
la seconde
se rapporte à la sphère des relations au sein de l'humanité
(74).
Cette seconde partie de la justice n'est pas désignée par
un
concept spécifique.
Aussi bien peut-on considérer que le terme
générique de "Justice"
peut lui Atre appliqué à la manière d'une
(72) Allen,
ib,
pp.50-1:
wDefinition proceeds by citing a
genus
common
to many species,
and a
difference
which marks off the
species under examination from a11 others. n
(73) Allen,
ib,
p.54.
(74)
Justice
piété
(partie de la ~us
tice qui concerne les
dieux)
Partie de la
justice
qui concerne les hom-
mes
(dénomination
inconnue).
581
synecdoque. L'essentiel,ici,
est que la piété ait été déterminéL
comme la partie de la justice qui se rapporte à la divinité
(75).
Quoi qu'on en ait dit (76)Jcette doctrine est d'essence platoni-
(75) Les Définitions,
412e-413a,
déclarent en termes propres:
"La piété est la justice envers les dieux;
c'est le culte
vo10n-
.le. Q)",Dt"" CV lit
taire que nous leur rendons;
c'est la notion droit~eur est
dû; c'est la connaissance de l'honneur auquel ils ont droit."
cf·
Traduction Chambry )
Classiques GarnieR,
T.8, Paris.
(76) cf. Taylor,
P.M.W,
p.I53,
pour qui,
en répondant que le
pieux est une partie de la justice, Euthyphron croit, comme la
masse,
à la pluralité des vertus.
L'homme aurait)d'un côté,un
certain nombre d'obligations vis-à.vis des dieux,
et ,
de l'autreJ
d'autres obligations à l'égard deS hommes.
D'où
nit wou1d
fo1-
10w that you might specia1ize in one of these branches of
dut y but neg1ect
the others.
fou might be strong in "religion-
but weak,
e.g.
in honesty 1ike the 1egendary we1shman who
"had
a wonderfu1 gift in prayer but was ~n Bwfu1 lier." Apris avoir
noté que cela est impossible du point de vue socratique)
que la
vertu est tout entiire connaissance du bien et que la possession
d'une vertu doit concerner toute la conduite humaine, Taylor
conclut:
"The
"content" of morality and that of religion
woulè
thus a1ike be the who1e sphere of human conduct,
and i t
~ould
be quite impossible in princip1e to distinguish a
man's
"religious" from his
"moral" dut y."
(idem).
Nous ne pouvons
---- ._-_.._-------_._------
582
cienne (§
423).
Mais,
dans ce morceau,
elle est formulée
par
Euthyphron et mérite,
par conséquent,
un examen attentif.
Il
faut,
en particulieR,
s'assurer que le devin n'en a
pas une
conception purement technocratique et utilitariste,
d'autant
1
que la notion ~eaEpawElaJqui occupe une place centrale dans
cette définition,
est susceptible d'un infléchissement à
gauche (77) i.e.
finalement,
technique.
(76) suite
accorder notre assentiment aux vues de Taylor.
En effet,
rien
dans les déclarations expresses d'Euthyphron nêpermet de
penser
qu'il installe une dichotomie radicale entre la piété et la
deuxième partie de la justice, même s ' i l est probable qu'il ne
perçoive pas le principe réel de leur unité.
Au contraire,
i l
semble conscient de leur unité,
même si celle-ci n'est envisagée
que sur un plan juridico-~mpirique (14a I l -
b 7).
(77) La ligne gauche désigne toujours,
dans notre terminologie.
qui décalque le langage de Platon,
celle des techn'iques,
des 000-
valeurs et,~urtout,des anti-valeurs. A contrario,
la ligne droite
est celle des vraies valeurs.
A tous les moments
stratégiques
d'un dialogue,
le conflit est extrême entre la possibilité
d'aller à gauche,
avec à la clef,
son échec)et celle d'aller à
droite,
avec en prime,
son succès.
Naturellement,
la ligne droite
est toujours celle de l'enseignement doctrinal.
583
(
12e 10
13d 14 )
a) B«;j «;1; < g@._:L .~i"J) t;çr.:pr;;~ t;a,t;i,Q\\oL 1; e, çh-
1
IJ:j, 9 1)«; .<9@< la ,<~ÇQq1!E.l q
(
12e 10
13b 8
)
§ 428. C'est avec le plus vif intérêt (78) que
Socrate accveille la nouvelle définition proposée par Euthyphron.
Cependant,
celle-ci a à être clarifiée (79).
En effet, Euthy-
phron,
dans l'économie de son essaL
définitionnelJavait parlé
1
/
de la 8EpaTIEla (80) des dieux.
Or,
la 8EpaTIEla est susceptible
de plusieurs interprétations courantes qu'il ne sierait proba-
1
blement pas d'appliquer aux dieux.
Le sens obvie de la 8EpaTIE1Q
#V
1
(78) 12e 9:
••• KaÀwJ •••
ÀEYE1V •.•
)
\\
."V
' ) 1 )
/
?
(79)
12e 9 -
13a 1: CXLI
•.. aÀÀa O~lKpOU T1VOJ ETl EvoEDJ El~t'
Comme l'a remarqué Phillibert (loc. cit.
p.140),
i l n'y a
pas
lieu de voir dans ce texte l'expression d'une ironie.
(80) 12e 6 -
7:
Iff
584
1
est d'ordre technique (81).
La pratique de la 8EpaTIEla n'est
pas livrée au hasard. Elle requiert certaines connaissances bien
définies i.e.
des compétences particulières.
C'est pourquoi nous
a
:>
~')I
pouvons dire par exemple: CILll
lTITIOU!
ou TIa! ETI10TaTaL 8Epa-
,
)
\\
C.
L
1
TIEUE1V
aÀÀa
0
lTITI1KO!
(82).
C'est que c'est un art que d'être
1
(
1
lTITI1KO!
(palefrenier):
ce métier a,
proprement,
pour objet la
/
8EpaTIEla
des chevaux. Ce qui est dit,
avec raison,
du palefrenier.
s'applique également au veneur (83) tout autant qu'au bouvier.
)
1
car l'art du veneur consiste dans la 8EpaTIEla des chiens (84)1
1
et l'art du bouvier dans la 8EpaTIEla des boeufs (85).
(81) Pour la définition précise du concept de technique,
nous
nous permettons,
encore une fois,
de renvoyer à notre ETAP,
cf.
§
SI.
(82) 13a 4-5.
/
(83) Croiset traduit ainsi fort justement le KUVnYET1KO!.
c
1
\\
_
(84) La ligne 13a12 est claire: H yap TIOU KUVnYlT1Kn KUVWV
l
"
/
8EpaTIEla
:n car la venerie est la 8EpaTIEla des chiens.- Pourtant.
Robin (ap. Pléiade,
p.368) traduit maladroitement,
et même inexac-
tement:
nc'est que l'art de chasser avec de
chiens comporte
des soins aux chiens. n CroiseL (
"Les Belles Lettres")
et
'Chambry (G.F.)
traduisent correctement.
(85)
13b 1 sqq.
1
§
429. Tel est le modèle sur lequel Euthyphron
1
veut penser la 8EpaTIEla
des dieux (86).
Il ne perçoit pas im-
médiatement la dévalorisation qu'implique l'analogie. Il l'accep-
te sans d'abord' se demander si cette analogie entre la vénerie
et l'art du bouvier d'une part, et, d'autre part,
la piété,
peut être pensée radicalement et avec conséquence. La suite du
morceau 'aboutira à une réponse négative (§ 431) en étudiant la
1
finalité de la 8EpaTIEla • C'est donc une première raison d'aban-
donner l'analogie}qui ne peut aboutir à une détermination du
pieux selon la ligne droite (§
433). Ce n'est pas sans raison
que Burnet a vu dans ce passage une critique de la conception
technocratique de la piété. En effet, écrit-il:
wThe object
of
the present discussion is to show that
those who profess
to be
,
1
religious teachers really regard OOlOTnf in the same mechanicBl
and external
way as the
wsophists w." (87). Qu'il en soit
bien
ainsi, c'est ce que montre l'examen de l'objet général de la
1
8EpaTIEla.
,
\\ ,
1
\\
(86) En effet, Socrate conclut:
'H OE on OOlOTnf TE Kal
-:>
1
r./
--;v
")
1
EUOESEla 8EWV, W Eu8u~pov;
(13b 4-5),
à quoi Euthyphron réponè
affirmativement (13b 6).
(87) E.A.C.
p.136.
586
1
b) L-'.9bjetGgé:l]ér.ijJ..._4e<J..a'G~~eqJIe;.l.q
(
13b 9
c 6
)
§
1
430. Certes,les espèces de 8EpnTIEln sont diver-
ses. Elles peuvent concerner différents objets (chiens,
boeufs
etc ••• ). Mais,
la finalité de la eEPnTIE{n (88), elle, n'est pas
diverse: elle est toujours la même (89). Elle tend toujours à
la réalisation du bien (~~ &yn8~, 13b 8) et à l'utilité (~~E~~ 1
A.J
1
13b 8) de ce qui en est l'objet}i.e. du soigné (TOU eEpnTIEUOUE-
VOU,
13b 8-9). C'est ainsi que,
par exemple,
les chevaux soignés
(90) par le palefrenier sont utiles et deviennent meilleurs
/
(91). Car ce serait une contradiction de dire que la 6EpnnEln
(88) Rabinowitz,
ibidem,
p.llO.
~
'"
1
r -
"'>
\\
1
(89) 13b7: CXL III
OUKOUV 8EpnTIEln YE TInon TnUTOV ÔlnTIpaTTETnl i
'-
u
(.
\\
."-
C
.A.-
1
(90) 13b9-11: CXLI\\' . ... 01 lTITIOl UTIO TTlf lTITI1KTlf 8EpaTIEUOUEVOl
')
"-
,
1
1
W~EÀOUVTnl Knl SEÀT10Uf YlyvovTnl.
(91) D'après Guthrie, H.G.P.,
IV, p. 106: "Von Arnim (Juggend.
)
"'-
1
}47) argues that because the translation trom W~EÀE10eal TO
1
1
SEÀTlouf Y1YVEo8nl at 13b is not expressly ~ubstantiated, the
passage may presupposes Rep.
335b and Euth.
must
be a later
work than
Rep 7 . . " Cependant Guthrie objecte que "the transi-
tion may equally well mean
that he thought
i t at
the
time a
Il
~
J
1i
est destinée à nuire (Enl 8À~~D ' 13c1-2) à celui qui 'la reçoit.
1
Le concept même de 8Ep~nEl~ implique que c'est le bien du
sujet bénéficiaire qui est finalisé.
Autrement dit, par défini-
J
tion, la 8Ep~nEl~ (92) est destinée à engendrer une certaine
amélioration (93). Nous aboutissons ainsi au principe général
(91) suite
natural one." Le passage auquel fait allusion Von Arnim est la
1
) CI
l
'>\\
1
ligne 335b6: CXLV
BÀanTo~Evot 0 lnnOl BEÀTtoUJ n XElpouf
1
ytyvovTat; En réalité, il n'y a rien à prouver. Socrate pose
à titre de constat empirique qu'un cheval soigné est utile et
meilleur. Euthyphron l'admet comme une vérité d'expérience, a~
demeurant} parfaitement en accord avec le bon sens. Il n'est
donc pas nécessaire de lier, pour cette raison,
le texte de la
~épybltgije à celui de l'EYth,YPVr,9D. En revanche, on notera la
similitude des animaux choisis pour l'exemplification:
chevaux
et chiens, et mlme l'identité de l'objectif poursuivi dans les
deux textes parallèles. Toutefois, il n'est pas question du
boeuf dans le passage de la Bêpijb!~qq~.
(92) Naturellement le lecteur attentif aura remarqué que les
exemples portent jusqu'ici sur des êtres animés, mais le pas-
sage 13b8-9 dépasse largement leur cadre et prononce sur un ;lan
universel.
(93) Comparer avec le texte précité de la Répy~l~qQ~ l
(§ 430
n91) qui déclare que.lorsque l'on fait du mal aux chevaux o~
aux chiens, on les rend pires.
'------_._----------------,-------~
~ . ~ .._.__._._---~--_. __._..... --... __._------_._-------_._-----
588
1
de la 8EpaTIEla, du moins lorsqu'elle concerne les êtres mondains.
Mais les dieux, eux, sont des êtres extra-mondains. Alors se
1
pose la question de savoir si la piété, en tant que 8EpaTIEla
des dieux, intervient sur le même modèle et si, en conséquence,
elle les rend meilleurs. En d'autres termes,
la ques~ion est de
1
savoir s'il n'y a pas spécificité de la 8EpaTIEla des dieux,
du
moins en admettant que celle-ci existe.
( 13c 7
D 4 )
1
§
431. Si la piété est la 8EpaTIEla des dieux, de
deux choses l'une: ou elle fonctionne sur le modèle des exemples
précédents, ou elle fonctionne autrement. Si elle fonctionne
1
sur le modèle de la 8EpaTIEla au sens technique, alors le prin-
cipe général est le même:
l'amélioration du sujet bénéficiaire.
/
De sorte que,
assimiler la plété à la 8EpaTIEla, au sens usuel
de ce terme, revient à soutenir que sa finalité est l'améliora-
I
tion des dieux. Selon cette logique, la 8EpaTIEla des dieux de-
vrait les rendre utiles et meilleurs. Or,
prétendre rendre util~
un dieu,
c'est supposer qu'il ne le soit pas,
tout comme ambi-
tionner qu'il devienne meilleur, c'est insinuer qu'il n'est pas
589
suffisamment bon.
Cette théorie est impie et blasphématoire.
C'est pourquoi,
lorsque Socrate (94)
demande au devin s ' i l est
prêt à reconnaître que chacun de seS actes pieux améliore un
dieu,
c'est avec une grande énergie qu'il le nie
(95). On
comprend que Socrate et son interlocuteur conviennent qu'il ne
,
1
s'agit pas de cette sorte de 8EpaTIEla.
§
432.
D'ores et déjà,
i l nous est possible de
1
tracer nettement la limite de l'analogie entre la 8EpaTIEla
des êtres mondains et celle des dieux.
Ce qui reste dans l'ana-
logie,
c'est la nécessaire compétence;
ce qui en disparaît,
c'est l'amélioration du sujet qui reçoit la 8EPaTIE{a. Car parler
de l'amélioration de la divinité,
ce n'est pas seulement une
/
contradiction (96),
c'est une impiété. Mais s ' i l y a 6EpanEla,
on ne peut exclure l'idée d'amélior~tion et d'utilité sans la-
quelle cette notion devient inintelligible (§
429). Or l'amélio-
ration et l ' u t i l i t é ne peuvent,
par définitionJconcerner les
\\
\\
l
')\\
(.
")
1
CI
."",-
(94) CXLVI
Kal ou TOUTO ouyxwpnoalf av wf)
ETIE10aV Tl OOlOV
"-
l
' ' ' ' ' ' '
/'-
J
1
TI01Df) BEÀT1W Tlva TWV 8EWV aTIEpyaçD;
(13c 7-9).
(95)
13c 10.
i~fI~,\\&(
(96) En effet,
notre notion constante de la divinit~S; perfec-
tion,
y compris dans le polythéisme.
C'est bien la doctrine du
Phèdre 243a:
" ••• Si
Eros est dieu ou quelque chose de divin,
comme i l l'est en effet,
i l ne saurait être mauvais" (ap.
GF:
Chambry).
590
dieux qui sont parfaitement utiles (et qui,
à cet égard,
ne
sont pas susceptibles de progrès). Le principe général de la
/
8EpaTIEla ( § 429) )qui fait du sujet qui la reçoit le bénéfi-
ciaire,n'est pas valable pour les dieux.
Il reste)doncJque ce
soit l'inverse:
dans le cas de la piété,
ce ne serait pas le
-
/
sujet, mais bien l'auteur de la 8EpaTIEla qui recevrait l'amé-
lioration et l'utilité résultant de celle-ci (97). Telle serait
alors,
la spéficité de la 8EPaTIE{a des dieux. Mais sans que
cette perspective ait été perçue positivement par Euthyphron,
J
l'analyse de la 8EpaTIEta des dieux se poursuit par une nouvelle
rectification.
(97) Si notre interprétation est fiable,
i l faut remarquer que
nous assistons ici à une inversion similaire à celle que nous
avons pu constater en passant de la structure de la causalité
relative à la structure de la causalité absolue (§§ 395-399).
591
1
3. L~.<ef;Qq'IJ§ilCLde§<dieyx
(
13d5
14bl
)
a) ij99Jel .. e§~ijt~d6fiD~tiQijoel
r.ec;t:L;!é
( 1.3d5
11
)
§ 433.
Il appartient au devin,
dans la mesure où
1
i l disqualifie la notion courante de la 6EPUTIE1U relativement
aux dieux,
d'en préciser la nature.
Il l'assimile aax soins
que les esclaves rendent à leu~maîtres (98). C'est alors que
c.
1
Socrate suggère insidieusement une rectification:
UTI~pET1Kn
(99) Tlf ~V, ~f ~OlKEV} E1 n 6E~f (100). La rectification est
acceptée sans discussion par le devin.
Cette définition déchoit-
elle vraiment de l'essence pour avoir été élaborée sur un
<'«
<
< ,< <"G"C e""<"C'G <""G < < < < < <' cc
. ~
le
"'"
' 1
1
(98)
13d7-8:
••• 01
OOUÀOl
TOUf
ÔEOTIOTUf
6EPUTIEUOU01V.
(99) Sur ce terme,
voir Burnet, EAC,
p.136;
J. Moreau, C1P, p.
80; Heidel, OPE.
p.172.
(100)
13d 9.
592
modèle empirique (lOI)? Une telle hypothèse est,
semble-t-il,
arbitraire et fait fi du texte de l'Ag9!9gt~ qui met en évi-
dence le zèle de Socrate à se mettre au service du dieu: CXLVII
,
~
' "
:>
1
<..
"'-
,...
? '
,
')
"'"'
1
Kat EYW otouat OUOEV ~w UutV UEtÇOV aya60v YEVEoTat EV TT) ~oÀEt
.
~
\\
?
1.
1'.
.""\\1
L
1
T) TT)V EU~V TW 8EW U~T)pEOtaV
(102). Heidel, au demeurant,
n'hési-
•
•
te pas, à la suite de Socher, à dire que ce texte de l'Ap91ggte
est le fondement du morceau correspondant dans l'Euthyphron
(103). Il semble donc que le dialogue soit toujours engagé sur
c
la ligne droite. Néanmoins, il reste vrai que la notion d'U~T)pE-
1
ota peut encore être infléchie en un sens technique.
(101) Chateau,
loc. cit. p.117.
(102) 30a 5-7.
(103) O.P.E., p.172: Heidel écrit que
wthe Euthyphro was writ-
i
ten with the Apology in view, and that the change from 8Epa~Eta
c.
/
TO U~T)PETtKT)
was made in part to mark the connection with
Socrates T~ 8EW J~T)PEa{a." A quoi il ajoute prudemment:·This
•
•
CI
does not, indeed formally complete the definition of the oatov
broached in the Euthyphro;
but i t does not point unmistakably
the direction in which we are to look for
the matter vith whicb
to supplement it." (idem)
593
h) 1~§<§~t!içe§cteçhQi9YS§
( 13d12 -
e3 )
§
434.
Les analogies,
les parallèles et les illus-
trations techniques ponctuent les Premiers Dialogues platoniciens.
c'est à un nouveau parallèle avec les techniques que recourt
Platon. Les services techniques ne sont pas improductifs.
Cha-
~
cun d'eux a un EPYOV déterminé en quoi consiste sa finalité
propre. Les ~Pya des techniques sont différents les uns deS au-
tres.
Ainsi,
les serviteurs des différents experts concourent à
la production d'~Pya nettement définis. Les trois exemples. qui
illustrent le propos socratique)se rattachent à~~etechnique
primaire
la médecine,
et à deux techniques secondaires (104)
la construction navale et l'architecture. L'~PYOV de la
médecine est la santé (105),
celui de la construction navale est
le vaisseau (106) et, enfin,
celui de l'architecture est la mai-
son (107). Il s'agit de spécifier,
sur le même modèle, le service
(104) Sur les notions de techniques primaires et secondaires,
nous avons déjà renvoyé (§
428,n81) à notre ETAP.
(105) 13dll-13.
(106) 13el-3.
(107) 13e4-5.
594
des dieux
entreprise difficile.
c)
lij-.g:!.tf;j,c;l)ltéAe§péç;j,f:l~r:cl.~Qb.j~t
gij-e§~(xiç~~g~~ydi~l)~
(
13e4 -
14b1
)
§
435.
Il s'agit maintenant ùe savoir quel est
?I
l'EPYOV de ceux qui se mettent au service du dieu (108);
ou,
plus précisément,
que produisent les dieux avec notre concours,
nous,
l
i / = '
]
""
\\
,
les hommes pieux? CX ~IITl
nOTE EOTIV EKEIVO TO naYKalov
")/
C l '
\\:>
'$t
c '
1
1
EPYOV o 01
SEOI anE Pya)OVTal
,UIV unnpETalf XPWUEVO\\;
(109).
Il est insuffisant d~ dire, comme le fait Euthyphron, que les
dieux produisent de nombreuses et belles choses (110). Il
s'agit là d'une simple qualification des ~Pya divins, qui ne
nous apprend pas grand chose sur leur nature réelle. Car on peut
aussi bien appliquer cette qualification à d'autres activités
techniques,
par exemple à celles des stratèges (Ill) ou des
agriculteurs (112).
Cependant,
on peut désigneA précisément
(108)
13e6 sq.
(109)
13ell-13.
,
,
1 " ' 1
(110)
13e14:
JloÀÀa Kal KaÀa) cil LWKpaTEf"
(111)
14a1 sq.
(112)
14a5 sq.
595
'1/
l'EPYOV de chacune de ces activités: la victoire dans la guerre
/
?
.....
/
....
(VtK~V EV T~ TIOÀE~~) (113) pour les stratèges et la nourriture
pour les agriculteurs. Alors, la question demeure entière. Elle
'1'
~
n'est pas: comment est l'EPYOV des dieux? mais: quel est l'EPYov
des dieux (114)? C'est avec agacement que le devin répond à
\\ ' ) /
1 ; ; - ,
Q
1
Socrate: CL
Kat OÀtyov oot TIpOTEPOV EtTIOV .•••• OTt TIÀEtOVOf
?I
'2
\\
j
"V
1
--
( ' 1
..,
EPYOV EOTtV aKptawf TIaVTa TaUTa Wf EXEt ~a8EtV (115).
§ 436. Si le devin est agacé,
c'est peut-être
parce qu'il n'a pas de vraie réponse à la question. C'est la
thèse de Heidel selon qui WEuthyphro,
1ike a11
those who accept
the tenets of religion as mere1y a
tradition of the
fathers,
W
has no precise and comprehensive answer to give
(116). Il est
incontestable qu'Euthyphron ne possède pas de vraie réponse à la
question (117), sinon il l'eût certainement donnée. En cela }du
moins) il peut être logé à la même enseigne que les conceptions
(113) 14a2.
(114) 14a9-10: CXLlk
(115) 14a1-1- hl.
(116) O.P.E., p.168.
(117) La thèse de Heidel est surtout vraie en ce qu'elle nie.
Le rattachement d'Euthyphron à des vues plus traditionnelles est
moins convaincant, comme on sait déjà (§§
260sqq; et passim).
,.?
596
traditionnelles. qui ne peuvent certainement pas y répondre non
plus. Mais cela signifie-t-il pour autant qu'il n'y ait pas de
réponse du tout à cette question. comme le veut Burnet? Celui-
ci écri t. en ef f et:
"There i s.
indeed.
no produc t
or ~PYOV whicb
the gods require our he1p to produce ••• "(118). D'&illeurs.
"If
')1
there were any definite EPYOV which the gods cou1d produce witb
our he1p. it must indeed be something "mighty fine".
But in
fact
,
h
·
, C
/ .
' 1 '
d
b
t
ere ~s none.
s~nce OOlOTnJ ~s no spec~a ~ze
art.
ut a condi-
li
é'V
tion of the sou1
(E~lJ $uxn)." (119).
§
437. Evidemment. ce qui est posé ici}c'est le
problème même du contenu philosophique de ce passage. Tradition-
nellement. ce passage n'offre que deux lignes d'exégèse: une
interprétation "négativiElte" et une interprétation "positiviste".
Parmi les tenants de la première)on compte notamment Robin (120).
Shorey (121) et Burnet (122). Ce dernie~ a exprimé avec netteté
(118) E.A.C.
p.137.
(119) Ibidem. p.137.
(120) In Platon. Paris.
1935. p.41 et passim;
signalons que les
pp.
181-183 de Croiset (loc. cit.) que cite Rab~nowitz (
c~
Ph r 0 n e sis. art. ci t • p. 1 13 n 4) pou r I e cl a s s e r
pa r mil es te n a nt s
de l'interprétation négative. n'autorisent pas réellement cette
conclusion.
(121) Ad.
loc. cit. pp. 78-80.
(122) Ad.
loc.
laud.
passim.
-
&r." ''Tn- ts
1
•
597
le point de vue de ce type d'iQterprétation en niant la possibi-
lité de toute réponse à la que~tion de la nature de l'~pyOV
(§
436) des dieux.
"The question (123),
dit-il,is left unans-
wered simply because there is not, and cannot be,
any answer to
it." (124). Toutefois,
l'interprétation de Burnet n'est pas en-
tièrement négative car
"on the other hand,
i t is our whole dut Y
50
to care for
our souls they mayas wise and as good as possi-
ble (Ap.
29d7 sqq),
and this means that man's chief end is
"assi-
t..
1
\\
/
milation to God as far as may be (O~Olwalf 8E~ KaTa TO ouvaTOV),
and,
as i t at once explained "assimilation to God" means
"to
(,
1
/
\\
become righteous and holy with wisdom
(O~Olwalf OE olKal0v Kal
cl
'\\
1
1
oal0V ~ETa ~povnaEwf YEVEa8al. Theaet. 176bl sqq). From that
, /
point of view the true nature of oal0Tnf becomes intelligible."
(125) •
§
438. Le Professeur R.E.
Allen s'en est vivement
pris à la démarche de Burne~ en avançant deux arguments: d'abord
"the claim that
there are noble products which
the gods produce
with
the help of men is not refuted because i t is never made.
Only the possibility is entertained." (126).
En second lieu)
(123)Plus prudemment, Taylor (PMW,
p.154) se contente de dire que:
"No answer is given
to the question in our dialogue."
(124) E.A.C.
p.137.
(125)
Idem.
(126) Allen,
op.
cit.
p.6.
--
598
Wsurely i f the Euthyphro were meant
to suggest
that holiness is
not an art with product,
but a condition of soul,
i t would have
suggested i t . "
(127).
§
439.
Sur le premier point,
i l n'est pas douteux
?/
que l'existence d'un EPYOV des dieux n'est pas posée de façon
apodictique,
pas plus qu'elle ne fait
l'objet d'une affirmation
catégorique.
Elle intervient deux fois
(128)
dans un contexte
de questionnement.
Cependant le mouvement de l'entretien suggère
que Socrate est favor~ble â l'idée. A aucun moment, il ne tefite
de la subvertir ou de la mettre en question.
Quelques lignes
plus bas,
Socrate regrette
sans qu'on puisse vraiment parler
d'ironie
que,
pour ainsi dire,
le devin ait lâché prise
(129).
Ce qui laisse penser qu'avec l'idée de l'~PYOV des dieux,
le dialogue s'était engagé dans la bonne direction.
Sur le second
point,
Allen a
raison,
semble-til,
contre Burnet.
En effet,
on
ne peut,
du simple fait qu'une réponse n'est pas donnée â une
question traitée dans un dialogue,
en déduire qu'elle n'en ait
pas.
Doit-on rappeler qu'il s'agit d'un de ces dialogues que,
traditionnellement,
on appelle "aporétiques" précisément parce
(127)
Ibidem,
p.7.
(128)
13e 11-13 et 14a 9-10.
"
....,?
\\ ) ; J ; ) " ' ' ' '
)
,
(129)
14cl-3: CLI
Kal yap VUV ETIElÔn ETI aUT~ naSa, QTIETpaTIOu·
(1
) )
,
')
' " " . , \\
')1
\\
AJ
\\
( /
:>
/
o El aTIEKplVW)
lKaVW! av nôn TIapa aou TnV oalOTnTa EUEuaSnKn.
qu'ils ne livrent aucune réponse explicite à la question qu'ils
traitent? Il appartient au commentateur (130),
en s'appuyant sur
les lignes d'évolution du texte,
d'en déterminer le coefficient
doctrinal
(§ 20).
§
440. C'est,
du reste,
dans cette seconde voie
que s'engage l'interprétation positiviste dont on peut compter
parmi les tenants:
J. Adam (131), Heidel (132), Gomperz (133) et
(130) C'est à tort,
croyons-nous,
que le Professeur Allen relie
l'analyse de Burnet au principe de Bonitz selon lequel WWhatever
remains unrefuted in a Platonic dialogue contains the key to its
positive teaching.W(ib.
p.7)/ce qui,
d'après lui,
est une fausse
généralisation de Gorgias 527b.
Naturellement,
ainsi formulé,
ce principe présente des défaillances que nous avons, indirecte-
ment,
relevées (§ 20 n74 et 75). Mais nous devons peut-être rap-
peler ici que notre principe du coefficient doctrinal (§ 20),
tout en s'enracinant dans le principe de Bonitz,
en corrige les
faiblesses.
Cet enracinement n'établit cependant pas une
filia-
tion directe entre le principe de Bonitz et le nôtre. En effet,
nous avons formulé notre principe par des voies totalement indé-
pendantes.
L'enracinement est donc philosophique,
mais non
pas
historique.
(131) P.E,
Cambridge,
1890,
pp.X
-
Xii
(132) Op.
cit.
pp.
163-181.
(133) Greek thinkers,
London,
1905,
II,
pp.358 sqq.
600
Fried1ander (134),
parmi d'autres.
L'interprétation positiviste
s'est jusqu'ici surtout définie par sa tentative d'apporter
une
réponse spécifiée à la question de la détermination de la nature
)/
de l'EPYOV des dieux.
C'est ainsi que Friedlander écrit:
·we may
surmise that
P1ato's Socrates wou1d have rep1ied:
"the good".
We a1so know that
this good for him occupies the highest
place
and that in the presence of Euthyphro
i t cannot be discussed
without being misunderstood and desecrated."
(135)i C'est
pres-
que dans les mêmes termes que s'exprimai t
Heidel:
"The on1y
JI
answer to Socrates'question is
,therefore,
that
the EPYOV to be
effected by man's service of God is the rea1ization of the
Good,
not
the rea1ization of this, or that particu1ar good.·
(136).
(134) Loc.
cit.
(135) Loc.
cit.
p.
89.
(136)
Ibidem.,p.173i
cf.
aussi Hacha,
loc.
cit.
p.37 n2i
Sta~ell
(The B.A.C.,
x) cite,
en l'approuvant,
Adam (ib.
p.XIV) qui écrit
que:·The most
that can be e1icited from
the Euthyphro in
the ~8Y
of positive teaching as to piety is that
piety consists in
wor-
king under God
for
the production of some good resu1t not
speci-
fied.·;
Gomperz,
op.
cit.,
p.130:
·The work of the gods is
the
good,
and to be pious is to be the organ of their will.
as
thus
directed.· Pour certaines variantes de cette thèse,
cf.
Hacha,
op.
cit.
p.37 n2 sqqi
Rab:no'W\\tz}loc.
cit,
pp.115-116;
cf. aussi Tay-
lor
(PMW,
p.155)
pour qui
• •.. we sha11 not go far
wrong i f we say
that
the
·great and glorious work of God· is
to be the source c:
t'tr'Mi e
n jr.
L'homme pieux serait ainsi une sorte d'ouvrier (137) des dieux
qu'il aiderait à faire régner le bien dans le monde.
§
441. Dans son intéressant article de la revue
Phronesis>que nous avons déjà ev
l'occasion de citer plusieurs
(136) suite
order and good to the uni verse,
and that
we
ncontribute under
God n to that work in the degree to which we bring order and gooë
into the 1itt1e
"word" of our own persona1 1ife and that of the
society ta which we be10ng."
(137) Guthrie compare le morceau 13e-14a à la démarche de la 1è=e
/V
"
')
1
A.
Lettre aux Corinthiens,
3,
9:
0EOU yap EO~EV ouvEpYOt. SEOU
1
. - - . ?
1 )
YEwpytOV~ SEOU OtKOoO~n EOTE. Puis il commente (H.G.P •• IV, p.
107):
"In this christian view a1so we are coproducers vith
God.
and what God produces with our aid,
ana10gous
to the architects'
building and the
farmer's
crop,
is ourse1ves.
The negative conclu-
e
/
sion about unnpETtKn here shou1d not make us
forget
that Socrates
"'
.... c
/
knew very we11
what his own T~ SE~ unnpE6ta was,
name1y to
per-
1
suade men into se1f-improvement,
the improvement of their wuXa1
(Apo1.
30a-b)."
602
fois,
Rabinowitz a proposé une interprétation assez originale
de ce passage,
qui justifie que nous en donnions l'économie. Ce
savant s'appuie sur une étude bien connue du Professeur Cherniss
(138) qui a montré,
'"
"""
selon lui,
l'équivalence dieu=vouf;
le vouf
étant une disposition de l'âme à voir les idées ou l'état de
l'âme produit par la vision des idées. D'où,
pour Rabinowitz:
"....
Wlt is the knowledge of this equation between deity and VOUf'
vouched for as i t is by the evidence of the dialogues,
~hich alone
enables one to answer without resort
to conjecture the question
shirked by Euthyphro:
for i f the function
of VOUf in the
first
of its two senses must be,
and can only be,
the realization
of
itself in the second
i f i t is
"'"
the function
of VOUf to become
1
1
?}
vonolf
then
the
wwork w of the gods,
a TIayxa~ov tpyov indeed,
can only be the apprehension of the Platonic ideas. w (140)
Il
s'ensuit que le seul art capable d'aider la divinité à accomplir
sa fonction est le
wPlatonic art of philosophical
dialectic. w
(141).
§
442. Cet te interprétation es t
ingénieu~e (§ 19)
et subtile,
mais elle présente quelques graves faiblesses.
La
rv
première concerne l'assimilation entre le vouf et la divinité
(138) Aristotle's Criticism of Plato and the Academy (Baltimore,
1944), Appendix XI,
603-610.
(139) Loc.
laud,
p.117.
(140)
Idem.
(141) Idem.
603
que suppose une telle interprétation. En admettant que cette
thèse appartienne bien au platonisme moyen ou final (142),
nous
ne la rencontrons en revanche nulle part dans le premier plato-
nisme. Sans doute l'Alcibiade affirme-t-il, dans un texte très
1
discuté (143), qu'il y a un SEof dans l'âme, mais on ne peut en
déduire qu'il soit l'équivalent du VOUf.
Il ne peut donc qu'être
hasardeux de fonder une interprétation d'un texte aussi important
que ce passage de l'Euthyphron sur une thèse inexistante dans
les Premiers Dialogues. En second lieu, cette interprétation
confond l'activité des dieux et son ~PYOv ( " ••• the ·work- of
the gods,
a ~&yxaÀov ~pyov indeed, can only be the apprehensioD
of the Platonic ideas", supra:
§
441) dans une activité unique:
la contemplation de~ Idées. Si cette thèse est exacte, nous ne
pouvons plus comprendre le texte de l'bpglgg1e (30A:
§ 445) qui
situe l'activité du philosophe dans le champ social notamment.
De toute évidence, "se mettre au service du dieu"}dans le texte
parallèle de l'Apg~gg1S'l,ne signifie pas (ou pas seulement, ni
,
même essentiellement) "contempler les idées", mais bien oeuvrer
â faire r~gner la vertu parmi les hommes. D'autre part, il ne
(142) Id.
(143) 133cS; pour l'interprétation détaillée de ce morceau très
controversé: notre E.T.A.P.
------------------ - -----------------
604
faut
pas oublier le texte qui dit que nous aidons seulement les
)/
dieux à produire leur EPYOV.
Nous ne sommes donc pas)nous-mêmes,
~
producteurs de cet EPYOV.
Au demeurant,
quelle serait la
signi-
fication de la proposition suivante:
nous aidons les dieux
à
comtempler les idées? Nous sommes là,
à
la limite d'un non-sens.
Une troisième faiblesse est constituée par l'assimilation
indue
de la piété avec l'ensemble de ce que Rabinowitz appelle le
WPlatonic art of philosophical dialectic w• Ce faisant,
la
piété
perdrait toute spécificité (143 bis) et,
par conséquent,
cesse-
rait d'être proprement définissable.
Or elle ne peut être assi-
J
milée ni à
la Justice en général (dont elle n'est qu'une partie),
ni avec la partie de la justice qui concerne les hommes
(puis-
qu'elle se définit par contraste avec celle-ci).
Le rapport de
la piété comme activité philosophique
déter~~née à la Philoso-
phie est de même nature que son rapport au Juste:
c'est le rap-
port de la partie au tout,
dont nous connaissons la structure
( §§
415;
420;
422;
423;
427 n74).
Avec les faiblesses qu'elle
présente,
l'interprétation de Rabinowitz paraît bien moins
soutenable que l'exégèse traditionnelle des Heidel et Friedlander_
(143 bis) On verra toutefois,
plus loin
( §
445),
que la dicho-
tomie Justice/Piété peut d~5paraître légitimement sous certaines
conditions~ cf. p. 559 note(a)
605
§
443.
Heidel a
eu le mérite de souligner le
rapport entre l'Ap91gg1e e~ l'EytbIpbr,go, et notamment de mettre
en évidence le lien entre l'Apglgg1g 30A et l'Eytb~pbr.go 13e-
14a. Toutefois,
i l était loin d'avoir exploré,
avec toute l ' a t -
tention requise,
toutes le~ possibilités d'interprétation de
l'EytbIPbr,go par l'Apglgg1g.
Partons du passage-clef 30a 6-7.
c
1
Socrate y affirme son zèle à se mettre au service
(unnPEOtav )
du dieu.
Dès lors,
la question qu'il convient de se poser im-
médiatement est de savoir:
quel est ce service du dieu? Le
texte
de l'Ayglggig nous le dit-il? Et nous le dit-il en termes cons-
tants? Répondre à
ces questions,
c'est résoudre l'énigme de
l'EytbIpb;r;Qll.
§ 444. Mais,
reprenons l'Ap91g&1> un peu plus en
amont,
en 28d-e.
Socrate pose d'abord un principe important:
i l est nécessaire de rester à
son poste,
qu'on l ' a i t choisi ou
qu'on y ait été placé d'autorité.
La tâche peut nous être confiée
par l'homme ou par un dieu.
Les hommes
(144)
ont placé Socrate
à Potidée,
à Amphipolis et à Délion.
Là,
i l s'agissait,
pour l~i
de défendre la patrie.
Mais le dieu aussi l ' a placé à un
poste
(144) C'est-à-dire,
en l'occurrence,
l'Etat athénien.
,.n.
." f1
Ztt"
't"s
-
,'.
r
"
• t t
l f ?
't
t
, .
, t" 'Co
'-S'
t
'$'
'~a'"
~tt$§t
'$
N" rural' '
606
en ce monde et lui a confié une tâche qui est de vivre en philo-
" "
\\
:'W
sophant,
par l'examen de soi et de~ autres: CLII
••• TOU OE SEOU
/
G:>
\\ ) ,
,
c.
1
P
'""
1
_
TaTTOVTOfJ wf EYW ~nSnv TE Kat unEÀa~ov) ~tÀOOO~OUVTa UE OEtV
~
\\ ' )
1
:>
\\
,
\\ ) l
çnv Kat E~ETaçOVTa EUaUTOV Kat TOUf aÀÀoUf •• ,(144 bis).
§
445. Ainsi formulée,
cette tâche reste, évidem-
ment,
assez mal définie. Mais Socrate la précise plus loin.
D'abord, en 2ge,
par la désignation des objets et du but de sa
tâche. Les objets sont la raison (~pOV~OEWf' 2ge 1), la vérité
(&ÀnSE{af, id.) et l'âme (Tnf $Uxnf , id.) des hommes qU'il ren-
contre,
qu'ils soient athéniens ou étrangeRs (145),
jeunes ou
vieux (146). Le but est de rendre l'âme meilleure (147). Immé-
'"
\\
diatement après ces considérations, Socrate dit
TaUTQ yap
KEÀE~Et 5
1
"t ')1
SEof}
EU tOT~.
(148). Aussitôt,
vient notre fameux
passage 30a6-7. Ensuite, en 30a-b, Socrate déclare que sa tâche
' V
,.,
(1
'"
est de rendre l'âme aussi bonne que possible (Tnf $uxnf onwf wf
)
1
")1
)
")
---...
/
aptOTn EOTat ••• ) (149) et d'expliquer que: CL'~'
.E~ apE:Tnf xpnU~Ha
\\
\\
11
;)
'\\
.'"
)
1
li
,
.,
/
\\
/
Kat Ta aÀÀa ayaSa TOtf avSpwnotf anaVTa Kat
tot~ Kat onuOOt~.
(150) Ains~, il est patent qu'en se mettant au service du dieu,
(144 bis) 28e4-6.
\\
i
' " )
/\\.
(145) 30a3:
••• Kat ~EV~ Kat aOT~.
1
"'
-.Jl
1
(146) 30a2-3:
••. vEwlrpCA?
Kat npEO\\iUTEP~
(147) 2ge2.
(148) 30a4-5.
(149) 30b2.
(150) 30b3-4.
607
Socrate cherche avant tout à améliorer les âmes en y installant
la vertu au moyen de la philosophie.
Il le fait comme aide au
service du dieu.
Le véritable auteur de l'amélioration des âme~
celui qui y installe vraiment la vertu,
c'est le dieu. De ce
point de vue,
la dichotomie entre la piété comme partie de la
justice concernant les dieux et l'autre partie de la justic~ en
quoi consisteraient les rapports entre les hommes,disparait.
La
piété exprime seulement la conscience de la pratique de la
jus-
tice comme mission divine.
C'est dans la conscience que s'opère
la
~éparation et non dans l'être même de la valeur. La Justice,
lorsqu'elle est vécue comme mission divine,
est la piété.
En
revanche,
lorsqu'elle est amputée de cette dimension divine,
elle parait n'être qu'humaine.
C'est pourquoi dans la conscience
solitaire du philosophe,
la piété et la justice se résorbent
)/
dans l'unité de leur principe réel:
la vertu comme EPYOV des
dieux dans l'âme et dans la Cité (§
445 n155).
§
446.
Pour l'homme,
aider les dieux à installer
la vertu dans les âmes,
c'est s'efforceR de ressembler à la
divinité.
Plus l'âme est vertueuse,
en effet,
plus sa partie ra-
tionnel1e,
c'est-à-dire sa paRtie la plus divine
(151),
est dé~e-
)/
. " - " )
CI
(151) Alçib~~de~P.~emie~, 133c 1: CL\\~
\\ EXO~EV oùv ElnElV 0 7t
:>
\\
'"
rv
1
"')\\
"""
, ( \\ 10 ,
1
\\
t:V
EOTl Tn! wuxn! 8ElOTEPOV n TOUTO nEpl
olEloEval TE Kal ~pOVElV
")EOTl vj
608
loppée.
En ce sens,
"l'~me participe à l'action divine ou l'imi-
te." (152).
Il s'agit donc pour nous de nous rendre semblables
aux dieux en étant justes,
pieux et sages.
C'est ce que dit en
termes propres le Ibéétète, en 176b. Car "La vraie piété consis-
te ••• à s'efforcer le plus possible de ressembler à Dieu."
(153)
La Répub11aue X nous déclare que les dieux ne sauraient abandon-
ner celui qui,
par la pratique de la
justice et de la vertu,
tente de leur ressembler autant qu'il est donné à un homme de
)
\\
\\ ,
J
l'V
; ) . , . . ,
II
")\\
le faire:
CLV
Ou yap on UTIO YE
eEWV TIOTE a~EÀE1Tal
of av
'"
' ) /
1
1
\\ )
1 : >
\\
)
TIpOeU~E10eal E8EÀP olKalof YlyvE08al Kal ETI1TnOEUWV apETnV Elf
CI
\\ )
1
c.
""
~
ooov ouvaTOV av8pwTI~ 0~01ou08al 8E~ (154). A quoi d'autre les
dieux pourraient-ils donc s'occuper si ce n'est à nous modeler
à leur image? Et nous,
qu'avons-nous de mieux à faire,
pour les
aider,
que de pratiquer la vertu et la
justice (155),
retrouvant
ainsi notre céleste origine? La piété,
avec la vertu et la
jus-
tice,
nous appara1t ainsi,
non seulement comme une ousia
(§
411)p
mais comme un don des dieux.
Tels sont donc les enseignements
qu'Euthyphron n'a pas réussiS à entendre,
ce qui oblige le dialo-
(152) P.L.
Rey,
ibidem,
p.104.
(153) O.
Reverdin,
La R.C.P.,
p.50.
(154)
613a7-b2j cf. ~ 716c-d.
1
\\
\\
(155)
l'Alcibiade Premier déclare que:
CLY'
61KalWf UEV yap
1
\\
1 1 \\
c
1
.-v
/
TIpaTTOVTEf Kal
ow~povwf OU TE Kal n TIOÀlf 8EO~lÀWf TIpa~ETE.
(l34d1-2).
609
gue à effectuer un formidable retour en arrière,qui s'exprime
dans un ultime essai définitionnel.
) L ' 't'
.
r l ' ç '
. .
l
c
... u?c O!.!!U;.c ~!j!jE} a. -.. ~ e:la'" lB t 1 0!ill.ti
( 14b 1
15c 3 )
(14b1 -
d7)
§
447. Si notre interprétation est fiable (156),
alors nous sommes obligé de constater, avec Burnet (157),
que
le véritable résultat du dialogue, en tont cas l'un de ses
résultats les plus importants, était en passe d'être atteint.
Cependant: -At this high point of the dialogue where, in the
words of Socrates,
his partner comes
"very close"
(14c),
the
movement goes down again and,
in a strange curve,
turns back ta
the beginning." (158) En effet,
désorienté et incapable de se
maintenir sur la ligne droite (§§ 429;
433)
celle des valeurs,
Euthyphron s'engouffre, de nouveau,
dans la voie qu'il connait,
(156) Pour nous,
la valeur d'une interprétation s'apprécie en
termes de fiabilité ou de non fiabilité.
(157) E.A.C. p.138.
(158) Friedlander,
loc. cite,
l,
p.89.
Il
610
la __ voie gauche
celle des techniques (159) et des non-valeurs
(160) en général.
Il amorce ainsi un véritable retour vers le
second essai définitionnel
(§§ 309 sqq) en prétextant étrangeme~t
la complexité (161) de la question,
insoluble en peu de temps.
§
448. C'est dans une grande envolée (162)
qu'il
1
(/
) "
\\
1 )
/
.-v
déclare:
CL'JJll ••• ÀEYW OT l
Eav llEV KEXap l OllEva Tl f
ETTl OTI1Ta l
TO l J
~
l
' 1
- : > 1 1
\\
1
~
;
SEOlf
ÀEYElV TE
Kal
TTpaTTElV EUXOllEVOf
TE
Kal
SUWV,
: Tau'f'
)/
\\
f/
' 1
"
'"
1
'
1
)/
\\
\\
EOTl
Ta OOla Kal
O~~El Ta TOlaUTa TOUf
)
TElÔlOUf
OlKOUf Kal
Ta
\\
,...,
1
l
, )
i
""
/
)
"\\.
'/
\\
\\
KOlva TWV TTOÀEwV'Ta Ô EvaVTla TWV KExaplOllE~ aOE8~) a ôn Kal
(159) Burnet note (ibidem,
138), avec raison,
ce retour à une
1
conception de la piété comme TEXVn.
(160) Par non~valeurs, nous entendons l'ensemble des objets
mondains,
des techniques et d~anti-valeurs (AV).
(161)
14a I l -
b1.
(162) cf.
Grote qui compare ce passage à H~pp1ij~'ltlajeUT, 291d9-
1
1
) , "
'"
rv
/
e2:
CLVIJ
ÀEYW TOlVUV aEl
Kal
TTaVTl
Kal
TTavTaxou
Ka~>"loToV
.~
J I ' .
1
1
c\\~,
1
Elval
avôp~ TTÀOUTOUVTl,
UYlCXlVOVTl)
TlllwllEV~ UTTO TWV EAÀnvwv
:)
/
:)
"""
\\
l . " ' "
1
/
.-J
a~lKollEV~ Elf ynpaf, TOUJ aUTOU yovEaf TEÀEUTnoavTaJ KaAwJ
1
c \\
"-
,......... ':)
1
, . . . , "
-....
TTEPloTE1ÀavTl)
UTTO TWV aUTOU
EKYOVWV KaÀwf
Kal
llEyaÀoTTPETTWf
Ta~TlVal. C'est sans doute pourquoi Grote commente: "Both of
them appear lenghtened,
emphatic,
as i f intended to settle a
question which had become vexatious."
(ib.
p.321
note h.)
611
")
1
li
' ? /
~VaLpEnEt anaVLa Kat anoÀÀuotV. (163) Socrate proteste immédia-
..-v
1
tement contre la macrologie (164) du devin: Cl\\X
'H nOÀu UOt
,
\\ . ' 0 " " " )
,
) )
/
~?\\
'\\
/
ôta epaXULEPwV,W
Eueu~pov) Et EeOUÀOU, EtTIE! av tO KE~aÀatOV
';'"'
?
/
WV npwtwV (165). Dans l'espace des Premiers Dialogues. la bra-
chylogie est posée. de façon constante. comme une exigence (166:
nécessaire au bQD déroulement du débat dialectique. Il n'est pas
étonnant qu'ici. Socrate interprète la macrologie du devin
")
\\
\\
)
1
comme un refus de l'instruire: CLX
aÀÀa yap ou np06uuo! UE
'"
1
_
r.J
El. ôtoaf;at· onÀo! Et (167).
§
449. Avant de procéder à une nouvelle critique
de la définition d'Euthyphron, Socrate fait une observation qui
n'a pas manqué de retenir l'attention deS commentateurs. Euthy-
phron. se plaint-il. était sur le point de lui répondre. mais
(163) 14b~ -
7.
(164) Nous avons étudié le problème
de la macrologie et de la
brachylogie dans les dialogues dans un texte encore inédit.
cf.
Annexel ~
(165) 14b 8-9.
(166) A*&ibia4~?p,r,e~ 106b 1-2; G9(g~a~ 336d, 449b 6-9. 461d :-ï.
P,r,g,ta&g.ca§.343 sq
; 336a 4-b 1. 336b 1-2. 336c sqq. etc •.•
Pour
l'évolution des vues platoniciennes sur ce sujet. cf. Annexe l .
(167) 14b9-cl.
I,r.':.•"L
612
s'est dérobé au dernier moment (168).
R.E.
Allen reproche à
certains interprètes de se fonder sur ce texte pour dire qu'il
y a,
dans l'Eutblph(Qij,
une définition du pieux,
à savoir
wthe
co-operation of men with gods in effecting excellent or noble
products. W (169). Mais, dit-il,
wthis,
in context, suggests
only that the
wwhat is it W (170) question can be answered,
not
that Euthyphro has succeded in answering it. w (171). Toutefois,
on peut répondre au Professeur Allen que le véritable résultat
est déjà atteint ( §
447).
D'autre part,
i l est évident que le
devin échoue ( §
446) à donner la réponse adéquate à l'E.P.U.
De sorte que lorsque l'on aboutit à la détermination d'une solu-
tion positive au problème du pieux,
c'est au moyen d'un essai
de reconstruction de l'enseignement doctrinal du dialogue.
De
toute façon,
i l convient de prendre au sérieux le passage
14a 9-
c l e t de n'y voir,
comme on a trop tendance à le faire,
aucune
intention ironique;
non plus que Socrate n'ironise lorsqu'il
l'
\\
"" \\
l \\
.,
')
1
Co
~ 1\\
C
1
ajoute:
CLXlI
0 Et
a7TEKptVW) tKavwf av nôn 7Tapa OOU TnV OOtO-
?
1
TnTa E~E~a6nKn (172). Cela n'ayant pas été,
i l ne reste plus à
,
\\
" ' ?
' ' ' ) " )
')
/V.1"
)
1
(168) 14c 1-2: CLXI
Kat
yap VUV E7TEtÔn
E7T aUT~ n06a) a7TETpa7Tc~.
(169) Loc. cit.
p.S8.
(170) Ou,
selon notre terminologie,
la question du PU.
(171)
Ibidem
p.S8;
cf.
aussi Taylor,
p.148.
(172)
14c 2-3.
Il
l'interrogateur qu'à suivre l'interrogé (173).
C'est bien ce que
(173) Nous avons ici plusieurs leçons.
Lisons le texte de Croi-
~
l
'\\
\\ : J
""'"
'" ~
1
:1
,...
set: CLXII1
••• avaYKn yap TOV EpWVTa T~ EPW~EV~ •••• ; EpwvTa est
-
)
~
,
la leçon de B,
EpwTwvTa est celle de TW;
EPW~EV~ est la leçon de
:>
,
BT, mais on sait que Schanz l i t EPWTW~EV~. En somme on peut lire,
à la suite de Schanz
lecture adoptée pae Allen (loc.
laud.,
,
l
" ; ,
- J
_ ,
,.
p. 57
,nI),
ceci:
••• avaYKn yap TOV EpWTWVTa TW EpWTW~EVW.
C'est
.
.
au demeurant,
le texte lu par Marcel Ficin ("necesse est enim
interrogantem interrogatum sequi
quacumque ducit")
qui a pu,
selon Bluck,
avoir accès à des sources indépendantes des tradi-
tions représentées par BTWPF.
Allen (supra)
traduit Ficin:
"the
questioner must
follow
the answerer wherever he leads.- Cependant,
:>
,..,
Burnet,
tout en reconnaissant que EpwTwvTa est une meilleure
1
' .
" ,
t
' (
eçon,
prec~se que EPW~EV~ n es
nullement atteste
on ne voit
pas pourquoi Croiset l'attribue,
dans son apparat critique,
loc.
,
1
cit.
p.203,
à BT);
en effet,
BTW portent ~PO~EV~. Burnet ajoute:
"it is
the~PWT~~EVOf (the ~TIOKP1V6~EVOf) whù h~s to follow the
;,
, y .
lead of the EPWTWV ~n dialectic,
and not vice versa"
(E.A.C.,
p.
139). Enfin,
rappelons,
à toutes fins utiles,
que B désigne le
Bodleianus ou Clarkianus (Oxoniensis Clarkianus 39) qui date du
9ème,
West un manuscrit de Vienne
(Vindobonensis 54:
XII ème
siècle), TF désignent respectivement le Venetus ou Marcianus et
le Vindobonensis 55 plus récents et considérés généralement
comme de médiocres manuscrits.
Pour ce qui concerne les manuscrits
614
fait Socrate en examinant de plus près la définition d'Euthyph-
ron dans sa nouvelle version.
(174)
§
450.
Fort justement,
J. Moreau a souligné le
caractère ritualiste (175)
de cette définition,qui n'apporte
rien de nouveau (176),si ce n'est
wl a manifestatiou de l'unité
(l73) suite
du corpus platonicum,
nous renvoyons au travail excellent et
érudit deH.
Alline mené dans le cadre de la IVème section de
l'E.P.H.E,
en 1915: L~b1st91~~zdUztextezd~zElat9n.
(174) Chateau (op.
cit.
p.125) a souligné le caractère répétitif
et la pauvreté syntaxique de ce passage.
Il reprend tous les
thèmes abordés précédemment,
soit directement (savoir, agrément
des dieux),
soit indirectement (technique,
service des dieux,
effets d'utilité y afférents).
(l 75) Loc.
1 a u d.
p. 81.
(176) Friedlander aussi
(Ibidem,
p.89)
souligne qU'il n'y a
rien
de nouveau
Wbut
as
the components of a mathematical equation ma)"
be transformed,
so the previous definition about serving the gods
is
transformed
from
a Socratic
to a
Euthyphronic
version
and hereby exposed to absurdity. W Mais,
nous ~ pouvons accepter
que cette dernière définition soit une transformation de la
pré-
cédente;
en réalité,
elle constitue un retour complet au second
essai définitionnel.
615
de toutes les thèses d'Euthyphron
fondée non sur sa suffisance
caractérielle, mais sur son insuffisance théorique. w (177).
Dans
l'économie générale du dialogue,
ce retour au second essai défi-
nitionnel est d'une grande utilité dialectique et doctrinale.
Il va permettre à la fois de compléter la critique du s.e.d.
en
en révélant le caractère purement ritualiste,
superficiel et
intéressé,
et donc en le dévalorisant,
et de montrer que,
dans
son fondement même,
la doctrine d'Euthyphron se rattache,
fina-
lement,
aux vues de la Masse (
§ 461).
§
451. Pour ce faire,
Socrate présente sous une
autre forme,
mieux élaborée,
la définition (178):
CLXV·
.,
,
"')
1
\\
~
l
' \\ ) }
oUXt
EntOTn~nV TtVa TOU SUEtV TE Kat EUXEOSat (179): Socrate
précise bien ce qu'il entend par eDEtV et E~XEOSat. e0EtV (sacri-
fier)
c'est faire des présents,
offrir des
dons aux dieux
.....
l
"-
......,
1}
(OwpEtoSat ••• TOtJ SEOtJ)
(180).
Par contre,
EUXEOSat
c'est faire
"),....,
'\\
1
des demandes aux dieux (atTEtv TOUJ SEOUJ •• )
(181) De sorte que,
')
1
,..".
/
selon cette explication (EK TOUTOU,TOU ÀOYou)
(182),
on peut
(177) Loc.
cit.
p.~7.
(178) Remarquer les termes en lesquels Socrate reprécise le
' , " ' Y
i
, r i
~
1 e pro jet d é fin i t ion ne 1: CL'fJ.V-
T t o n au
ÀEYE t J T0
00 t 0 \\1
E t vat
,
,
(
1
Kat
TnV OOtOTnTa;
(14c 4-5).
(I79)
14c 5-6.
(180)
14c 8.
(l81)
14c 9.
1
(182)
14d 2: t'est
ÀOYou que
aous traduisons par explication.
616
d , f·
.
1
."
) E ' Il
')
l
'\\
Ô / /
e lnlr
a plete comme une
TItOTnMn ••• atTnOEWf Kat
o~~Wf
"-
8EOtf ••• (183). Apparemment,
l'explication socratique convient
parfaitement à Euthyphron puisqu'il observe, avec chaleur: rr~vu
/\\-
~
1
/'-
CI
'}-'
KaÀWf}
W LWKpaTEf) OUVnKaJ 0 Et TIOV (184). Selon Taylor, cet empres-
sement du devin à accepter l'explication de Socrate résulterait
')
1
d'une méprise sur la notion d'ETItOTn~n~ "Euthyphro, of course,
tBkes the word "science" (185) employed by SocrBtes to mean simply
correct knowledge of the rituBl
to be observed." (186). En tout cas,
Z Z z - e 7 Z ? Z Y Z Z 7 Z Z
ZZZZZZZ7ZZZ%ZZ
(183) 14dl.
(184) 14d3.
)
1
(185) Il s'agit, bien sur, du terme ETItOTn~n.
(186) P.M.W. p.155. Néanmoins, il n'est pas inutile de Doter que le
')
J
terme ETItOTn~n dénote seulement, dans le Premier Platonisme, un
savoir technico-conceptuel, mais ne semble pas pouvoir désigner
systématiquement la connaissance des valeurs. C'est ce qu'indi-
que un texte particulièrement important du Ménexène (246e7-247
a2) sur lequel nous nous permettons d'attirer l'attention des
J.
"'"
i
')
1
1
1
........
savants:
TIaoa TE ETItOTnUn XWpl OUEVn ôtKatOOuVnJ Kal
Tnf
il
"")
-v
1
(~I
1
aÀÀnf apETnJ TIavoupyta) O~rO~ta ~atVETat. Remarquons que
1
TIavoupyta signifie "habileté" et, en un second sens, "fourberie"
ou "méchanceté" (cf. Bailly,
p.1452). En fait,
on peut la tra-
,
1
duire par "technique". L'ETItOTnUn) là, est ce qui s'oppose direc-
/
tement à la oO~la • Faisant écho à ce texte, Cicéron écrira dans
le De offic., 5,
19:
"ScientiB,
quae est remotB B justitia,
calliditBs potius qUBm sBpientB est BppellBndB." (souligné D.
•
th"
,u,.t n,ms x· 1'U"t r
-
...
r ,
trOt
t'sttRo·"t'tl"M'I"P"·'trtM:
t'ewt- n.c.
n
t
"
617
Socrate,
pour sa part,
déclare avoir été particulièrement at-
tentif à tous les propos du devin.
n'en laissant rien perdre
(187),
avant de soumettre le s.e d.
restauré par Euthyphron
à un nouvel examen.
(186)
suite
i ,
, " )
J
Samb).
De même,
ici,
cro~ta s oppose a EntOTn~n
• En 14d4,
lors-
qu'il déclare qu'il est avide du savoir d' Euthyphron,
Socrate
')
"
J
""",;'V
1
di t:
CLX\\'I"
Ent 8U~nTnf yap Et ~Jt •• • Tnf onf oO~taf •••
}
' 1
J
r -
......
(187) Cf.14d 4-6:
CLX~l\\.
Ent8U~nTnf yap Et~t • • , • ~ Tnf onf
l
,
/ '
. . . . . . . ?
'""'"
Cf
:>
,
"....
CI
')\\
oO~taf
Kat npOOEXW TOV VOUV aUTD WOTE ou xa~~t nEOEtTat 0 Tt av
"JI
Etnnf.
Selon Rabinowitz (loc.
cit,
p.lll),
Socrate veut dire
que "nothing said by Euthyphro will be lost
upon him." En parti-
culier,
la proposition 14d5-6
"means 1itera11y "50 that whatever
you say will
not
fa11
to the ground" i.e.
will
not be rendered
inva1id" (id).
D'après cet auteur,
le commentarisme aurait,
en
général,
compris cette proposition comme suit:
"50
that nothing
which
you
(Euthyphro)
say will be lost or thrown away upon me
(Socrates)." Toutefois,
poursuit-il
"there is no warrant in
the
Greek
for
the words
"upon me" •••• Their gratuitous addition
be-
comes'understandab1e on1y when one rea1izes
that sense seems
to
vanish without
them,
that sense seems
to vanish i f P1ato here
make Socrates say that,
as resu1t of his close attention to
Euthyphro's words and wisdom,
whatever Euthyphro says will
be
rendered va1id.
The puzzle,
in short,
is generated by the
collocation of the resu1t clause with
the idiomatic sense of
.._-----------
618
(
14d 7
15a 13 )
§
452.
La définition d'Euthyphron réduit la piété
au rituel religieux en quoi consistent les offrandes aux dieux
et les demandes qui leur sont adressées.
Il y a un art de
l'offrande et un art de la demande.
Bref,
le rituel s'accomplit
exactement comme une technique. Or,
nous savons que la technique
Z 7 X Z ? Z Z Z Z Z 7 T Z % Z Z Z Z Z ? Z Z Z Z Y Z Z Z
(187) suite
i
\\
"'"
npooEXw TOV VOUV,
for
there can be no causal relation,
i t
would seem,
between Socrate's mere attention
to them and the
validity of EuthyphrdS definitions. w (id).
Evidemment,
ces propos
de Socrate ne valident en rien les thèses d'Euthyphron.
Simplement,
accorder toute l'attention requise aux
propos de l'interlocuteur
constitue une exigence dialectique.
Dans l'Al&ibiijgçzfremie+,
s'adressant à son interlocuteur éponyme du dialogue,
Socrate lui
,.
U
1
l
, , , . . . . .
/
dit:
CLXVIII
•••• yvwoD OT1
npooEXWV YE 001
TOV VOUV
ô1aTETEÀEKa.
(105a 3-4).
Comme on le constate,
le syntagme utilisé est le
même;
cf.
aussi 5ijoquet 210e1j
Charmide,
160d5-6,
166el-2;
Hippias
Majeur,
295c2;
Alcibiade,
118e8, Euthydème,
303e7.
Q I ..
•
619
consiste en une certaine activité susceptible de s'accomplir
?
'"'"'
?
,.....
op8wI (188). Le terme op8wI est précisément celui qui est uti-
lisé, à deux reprises, pour caractériser l'art de la demande
, ' )
""'"
..,
'"
,
1
(TO op8wI atT€tV
,
14d9) et celui de l'offrande (TO ÔtÔoval
,
1'\\",
op8wI, 14e1). Ce n'est pas de façon désordonnée ou anarchique que
l'on offre ou que l'on demande quelque chose aux dieux. Autant que
ce qui est offert ou demandé,
importe la manière dont il est
effectué (189). De la manière dont s'accomplissent la demande
et l'offrande dépend, en dernière analyse,
le résultat.
§
453. Faire une demande aux dieux n'est pas chose
aisée. L'exaucement de la demande est lié
à la maitrise de
deux facteurs,
au moins. D'une part, le fidèle doit savoir ce
qu'il veut et, d'autre part, il doit savoir comment le demander
?
""
op8wI (190). Or sommes-nous sûrs de toujours connaître notre
bien? Nous ne pouvons être sûrs que nos demandes,
exaucées,
ne
tournera1e",r pas à notre désavantage. Car,
" ••• prayers may be misrti-
rected,
and misdirected prayers were sometimes answered:
witness
Theseus,
wno prayed when he cursed Hyppolytus,
his son,
for
an
-e-C·e-C z-e-... z z =y-A? -< -e 77-< Z Z zxzz-r z z z z
,
t"\\.
1
(188) Sur la définition de technique,
l'op8wI et le BEÀil0V, cf.
no t r e E. T • A• P • ,
§§ 50 - 52 e t
t 0 ut par tic u 1 i ère men t
1 e
§ 5 1.
(189) Nous avons déjà noté (
§ 255 n166)
le formalisme pointil-
leux des Grecs.
(190) 14d9-10.
6LU
adu1tery he did not commit." (191)
§ 454.
L'Alçib1~4e7SeçQng (192), si souvent
décrié,
nous donne du problème de la prière et des demandes à
faire aux dieux une analyse d'une pertinence et d'une hauteur
auxquelles,
nous semble-t-il.
nul n'a suffisamment rendu justice.
Rappelons en l'économie (193). L'opinion tient la prière.
quelle
qu'en soit la forme.
pour l'une des expressions de la piété.
Qui irait s'imaginer que la prière pût être source de maux.
qu'elle pût être autre chose qu'un bien? L'attitude d'un homme en
prière n'évoque,
pour nous.
en règle générale.
que
"la méditation
la plus sérieuse. "(194) La Fausse valeur est ainsi faite qu'elle
ZZ7ZZZZZZYZZZ%ZZZ7ZZZ7ZZZZZ%~
(191) Allen,
loc. cit.
p.59, avec renvoi aux ~ III, 688C;
cf. aussi Hoerber,
Loc.
laud,
p.106.
(192) Assez généralement,
ce dialogue est considéré comme apo-
cryphe.
(193) A partir d'ici (jusqu'au § 460),
nous reprenons les élé-
ments d'une recherche menée à l'Université de Dakar,
sous la
direction de Monsieur D. Sy,
à savoir:
Lez~*U~zgao~zle~ze&gw1ets
P1a19gye§?dez~lat9n*.rLeszdiffé(enteszétape§zg~zS9nzél~h9&ati9n
etzle?4estiozfioalzdezl;eoqyête." Université de Dakar.
1981.
(194)
Traduction Chambry J "
GF:
138a -
138b.
621
inspire çQof1aoçe, car elle a tous les atours de la Valeur
Authentique.
C'est pourquoi La Fausse Valeur ne peut être soup-
çonnée de
prétention illégitime que par l'enquête dialectique.
§
455.
Or
donc,
savons-noos ce que veut dire
prier? Les dieux satisfont certaines de nos demandes et non
d'autres;
ce qu'ils accordent aux uns,
ils le refusent aux autres.
Il faut,
en conséquence,
savoir distinguer les biens et les maux
( § 453),
de
peur de demander ceux-ci à
la place de ceux-là,
en trouvant
wl es dieux en disposition d'accorder ce qu'on leur
demande. W (195).
Tel est le cas d'Oedipe~qui demanda aux dieux
wque ses fils se partageassent leur patrimoine avec le fer.·
(196)
Sans doute,
Oedipe,
gagné par la colèreJne savait plus ni ce
qu'il faisait
ni ce qu'il disait (197). Mais,
nombreux sont
les
hommes qui,
sans être en colère,
wcroient demander aux dieux pour
eux-m~mes, non des maux, mais des biens. w (198) Un Alcibiade
aurait demandé aux dieux de régner sur les Grecs aussi bien que
sur les barbares avec,
en sus,
la célébrité (199).
Cependant,
jamais,
avoue-t-il,
i l n'aurait consenti au sacrifice de sa vie,
ou à souffrir maux et dommages,
fût-ce
pour un
jour.
ZZZ%ZZ%%ZZZXYZ%%ZZ%?ZZZZZYZZ
(195)
Ibidem 138b.
(196)
139a.
(197)
141c.
(198)' 141c
(199) L'Alcibiade Premier
(105b-c)
prête les mêmes ambitions au
jeune athénien •.
1
622
§
456.
Telles sont les Fausses Valeurs qu'elles
nous trompent sur leurs propres promesses. L'un ambitionne la
tyrannie,
croyant qu'il y trouvera son bien,
alors qu'il s'enga-
ge,
du fait même de cette tyrannie,
vers sa propre ruine (200).
Tel Archélaos,
fils
de Perdiccas,
qui mourut,
victime d'autres
ambitieux,
au bout de quatre jours de tyrannie (201).
D'autres,
pour avoir brigué et obtenu la charge de stratège,
se retrouvent.
la partie gagnée,
en proie aux calomnies des sycophantes. Ceux-
ci désirent des enfants,
mais en obtiennent de méchants,
etc •••
Et pouttant,
les hommes ne se retiennent pas de prier (202)
pour
des choses qui,
bien souvent,
leur nuisent plutôt qu'elles ne
leur servent.
§
457.
Il ne s'agit pas,ici,
comme le tente
Alcibiade,
de distinguer entre "prière" et "imprécation",
car
(200)
142c.
(201) cf.
aussi GQ~g1a§, 471d)mais Thucydide (H1§tQ1&e zde zla
gue~+ez4uzeélQp9nè§e, Tome 1. liv.2, c,
Classiques Garnier,
Traduction J. Voilquin, Paris,
1948,
pp.167 et 889)
donne une
autre version des faits.
(202)
143c.
1
5
/1"'5
WD*' 't-
623
l'ignorance peut être un mal ou, au contraire,
un bien (203).
Ignorer ce qui est mieux est un mal (204): cela revient,
néces-
sairement,
à faire le pis. En revanche,
"l'ignorance de certaines
dt.
choses est,
P9ur certaines personnes,
envcertains états,
un bien.·
(205)
" C'est que généralement,
dit Socrate,
la possession des
autres sciences sans la science de ce qui est bien,
risque de
n'être que raremenr utile et d'être au contraire le plus souvent
pernicieuse à ses possesseurs." (206) Seule cette science du bien,
qui se confond avec
"celle de l'utile" (207),
fait de nous des
hommes sensés.
Sans elle, les autres "sciences",
lorsqu'elles
s'évertuent à
juger, apparaissent comme de Fausses Valeurs.
Un
talent particulier ne sert à rien s ' i l ne s'accompagne de
"la
connaissance du bien" (208).
Si les Fausses Valeurs triomphent
T a ? ? ? ? ? ? ? ? ? % ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
(203) 143c.
(204) 143e.
(205) 154a. Par exemple,
Alcibiade sera "sauvé" d'un crime contre
Périclès,
par le simple fait de ne pas le reconnaître (144c),
au
moment où i l tente de mettre en exécution son projet.
(206)
Idem. C'est la doctrine du Ménexène (§
451 n186) qui est
reprise ici, en des termes presque identiques.
(207) 145c.
(208)
146c; nous reconnaissons de nouveau la doctrine du Ménexène
déjà signalée (§ 451 n186 et
§
457 n205).
L'intérêt de ce passage
c'est qu'il permet d'identifier la sophia du ~éQe4èQe à la science
si souvent, c'est parce que nous nous fions
"sans réfléchir à
l'opinion." (209)
§
458. Et Socrate de constater:
"Tu vois maintenant
que,
quand je disais que la possession des autres sciences,
sans
la science du bien, risque de n'être que rarement utile et que
ces sciences sont le plus souvent pernicieuses à leur possesseur,
j'avais évidemment bien raison de le soutenir." (210) Sans cette
science du bien,
toutes "les richesses" que l'on peut acquérir
seront autant de sources de maux. Ces maux croitraient même en
proportion des "richesses" acquises (211). La science du bien.
se présente donc, à nous, comme l'in§tau~ezuD1t1çatt1çe
de
toutes les autres sciences. Elle est la science-guide, régulatrice,
valorisante. Elle constitue le seul véritable bien et, par
suite, le seul véritable critère. Au reste,
grâce au critère,
Alcibiade comprend la nécessité d'être prudent dans les prières
qu'il adresse aux dieux. Socrate propose,en modèle)les Lacédé-
moniens, qui se contentent de demander aux dieux "de le~r don-
ner l'honnête avec l'utile." (212)
(209) 146c.
(210) 147a
(211) 147e.
(212) 149c.
625
§
459. Le mouvement final du SecQn4 Alç1h1a4e
z
peut, maintenant,
permettre la capture de la pseudo-valeur.
Soit les sacrifices des Athéniens. Certes,
ils sont grands et
beaux,
et consistent en "trésors" impressionnants,
tandis que
ceux des Lacédémoniens sont très simples. Mais les sacrifices
des Athéniens'consistent davantage en appa&at et en dém9nst&a z
~, alors que les Lacédémoniens sont prudents dans leurs pri-
ères. C'est pourquoi,
d'après les propos des anciens,
rapportés
par Socrate,
le dieu
par la voix du "prophète"
avait
dit
wqu 'i1
aimerait mieux avoir la réserve religieuse des Lacé-
démoniens que tout le rituel des Grecs. W (213).
§
460. Ce ne sont pas les présents,
les sacrifices,
c'est-à-dire le rituel tout extérieur de la prière, qui importent
aux dieux,
mais bien la disposition de notre âme
wpour
distin-
guer ceux qui sont saints et justes. w (214) Ainsi que l'affirmera,
en des termes mémorables,
le Gorgias,
la véritable question est
de savoir où nous en sommes
wsous le rapport
de l'instruction
et de la justice. w (215) Chez les dieux)aussi bien que chez les
(213)
Idem.
(214)
150b.
(215) 470e -
471d.
1
626
hommes intelligents,
seules
wl a justice et la sagesse W sont en
honneur. Les dieux tiennent en mépris les présents
wcomme Ammon
et le prophète le déclarent W (216).
Prière,
sacrifices et présents
sont dérisoires si l'on ignore
wcomment il faut se comporter à
l'égard des dieux et des hommes. w (217) Aussi bien, Alcibiade
doit-il suspenfire sa prière pour s'instruire.
Car,
i l n'était
(et n'est encore) qu'un exalté. Sa disposition d'âme antérieure
vient d'être enfermée dans une "catégorie infâmante" ( §~27 n7;
460;
462): l'exaltation,
wnom le plus horin~te de la folie. W (218)
§
46i. Ce détour de l'Alcihiade Second nous permet
de mieux apprécier la suite immédiate de notre passage de l'Eutht-
p.hr.on (§
453).
S'il est difficile de savoir ce qui est bon pour
nous ( §§~ 453 sqq), à plus forte raison l'est-il)lorsqu'il s'agit
de la divinité.
En effet,
tout comme quand nous demandons des
faveurs
(§ 453),
lorsque nous désirons offrir des présents aux
dieux,
il nous faut savoir,
d'une part,
ce qu'ils veulent,
et de
l'autre,
comment le leur offrir. Car,
dit Socrate:
CLXal
(216) Alcihiade_Second,
150b.
(217)
ISla.
(218) Idem.
-_. ---------
627
)
1
/
) 71
'1
""
1
OU yap nou TEXVtKOV y av Etn OWPO~OPEtV OtOOVTa T~ TaUTQ Œv
O)U.r'EV .rE"'t At
(219).
E
'
u
u
ua
n acceptant avec empressement cette these,
Euthyphron avoue,
sans le savoir,
la similitude de sa conception
avec celle de la masse
( § 450).
Selon cette conception,
en
effet:
"L'hosios,
l'individu en règle avec les dieux,
est exac-
tement celui qui
s'est acquitté préalablement
par l'accom-
plissement
de rites appropriés
de ses diverses obligations
envers les dieux."
(220)
§
462.
Le devin ne voit pas qu'il est amené à ré-
duire toute la religion (221)
non seulement au culte tout exté-
(219).14e 2-4.
(220) H. Jeanmaire: Le suhsLanLif hQsia eL sa significatiQn
comme Le~me Lechnique rlans le YQcahulai~e ~eligieux, R.E.G.,
LVIII,
1945,
p.74.
(221) Rappelons que,
pour paradoxal que cela puisse paraitre J
les grecs ne poss~daient pas un terme désignant le mot religion.
Cf.
P.E. More
(The R.P.,
p.I-2) qui écrit:
"Creek has no expres-
sion
for
the general idea conveyed by the word
"religion",
which we take
from
the Latin.
The nearest approach
to it
perha?s
is eusebia,
or
~~sobeia; but the meaning of these terms is
rather
"piety",
an aspect of religion,
than religion in
the mo~e
comprehensive sense.
No word,
or combinat ion of words,
can be
found in the langüage of Epicurus,
or of Plato and St Athanasius
to carry the exact equivalent of "religion" in the tremendous
line of the Epicurean poet of Rome:
Tantum religio potuit
sua-
628
rieur, mais plus grave, à une sorte de technique d'échanges (222)
entre les dieux et les hommes.
(221) suite
dere malorum." Précisons néanmoins que les grecs possédaient aussi
le substantif hosia, dont Jeanmaire (loc. cit,
p.66) nous dit qu'il
avait deux acceptions:
"une acception générale et abstraite,
que
l'on
peut rendre valablement
par ce qui est autorisé par la loi
divine" et quLon trouve déjà dans l'Odyssée.
où l'on rencontre
:>
(.
1
l'expression négative OUX OOtn.
et dans un certain nombre de
passages des hymnes homériques,
un sens manifestement plus concret,
pour lequel
les auteurs de dictionnaires ou de traductions
four-
nissent des équivalents tels que rites.
coutume religieuse." Le
passage de l'QdIssée,dont il est question)est certainement le 16,
' ) " ) c
i
412. D'ailleurs, nous y trouvons également l'expression OUÔ OOtD
(J
(16, 423). Cf. aussi Eur. Bacch. 370)où se trouve oota avec le
sens de Loi divine personnifiée; avec le sens de rite sacré, voir
c
1
( /
aussi apud. Eur.
l.T, 1461 (ootaJ ~xaTt); Avec le sens de céré-
monie religieuse, cf. Anth.
9, 91; Jamblique l'emploie dans le
sens de pureté et/ou sainteté in V. Pyth.
176, p.370.
(222) Dans son discours du Banquet rapporté par Socrate (202e-
203a). Diotime nous dit que les démons sont les intermédiaires
A.-
\\
des échanges entre les dieux et les hommes: CLXX
••• nav TO
1
1.:)
/ ' J
\\
\\
........
ôat~ovtOV ~~Ta~u ~OTt e~OU Kat T~ Kat 8VnTOU (202e 1-2). Leur
rôle est très important puisqu'il est d'interpréter et de trans-
mettre aux dieux ce qui vient des hommes, et vice versa:
CLXXl
-
-
- - - - - - - - - - - - - - -
629
D'où l'observation de Socrate: CLxxl\\1
)EJ,l1TOP 1 dl ~pa
r v ' ) /
/
L e
l
"'"
'\\
~ EUTU~POV ~ TEXVn n OOlOTn! 8€Ol!
Kal 1V8p~1T01! 1TaB
(222)
suite
C
1"\\.'
))
IV
\\
.....
1
\\ ,
/
EpJ,lnVEUOV Kal
ôla1TOpSJ,lEUOV SE01! Ta 1Tap avSpW1TWV Kal
avSpW1T01!
,
\\
~
"'"
,
\\
1
1
t'V
\\
\\ . )
1
Ta 1Tapa SEWV) TWV J,lEV Ta!
ÔEnOE1! Kal
SUDla!) TWV ôE Ta! E1T1Ta-
~
0\\
~
~
~El! TE Kal aJ,lOl~a! TWV SU01WV ••• (202e 1-4). La théorie expli-
cite du Banguet déclarant ~ue la divinité ne se mêle pas à l'huma-
\\
\\ )
1
~
1
nité (SEO!ÔE avSpw1T~ ou J,lllVUTal, 203a2) rend nécessaire
et
justifie
le rôle d'intercesseur des démons. Mais Socrate se
dépêche de préciser que chez certains hommes,
i l existe une na-
ture démonique qui rend possible leur commerce direct avec la
divinité.
Il s'agit manifestement du sage opposé aussi bien au
,
,
( '
savant et/ou technicien qu'à l'artisan:
CLXXq
Kal
0 J,lEV 1TEpl
,
"'"
\\
/
) 1 '
/ 1 /
, , ' ) /
')\\
'\\
Ta TOlaUTa oO~O! ÔalJ,lOV10! avnp)
0
ÔE) aÀÀo
Tl
OO~O! WV, n 1TEPl
1 ) \\
1
/
1
TExva! n
XElpOup1la! T1Va!J
SavaUOO!
(203a4-6).
Ainsi dans notre
passage,
c'est moins l'échange en tant que tel entre les dieux
et les hommes qui est récusé que son interprétation matérialiste
et utilitariste par le devin. Cf. aussi Resp. II, 364bc)où Platon
stigmatise
"des pr~tres et des devins" qui,
venant
"à la porte
des riches ••• 1eur persuadent qu'ils ont obtenu des dieux,
par
des sacrifices et
des incantations,
le pouvoir de répàrer au
moyen de jeux et
de f~tes des crimes qu'un homme ou ses anc~tres
ont pu commettre.
Veut-on
faire
du mal à un ennemi,
ils s'enga-
gent
pour une légère rétribution à nuire à l'homme de bien tout
comme au méchant
par des évocations et
des liens magiques,
car.
f· - , WUM""1'.- rr-th (
jo
t lt
_tt
& t
cre,..
. Tt
-) d If tt
3 '
.
t
630
(223).
Ce faisant,
i l enferme la définition d'Euthyphron dans
une catégorie infâmante (§ 460).
Pour bien mesurer la portée de
cette dévalorisation)qui ramène la piété à une simple technique
tri
co~rciale, il faut se rappeler que, dans l'Alcibiade f~emie~,
à travers l'activité bancaire, l'activité commerciale est réduite)
dans la hiérarchie des techniques,
au troisième rang.
Or,
dans
ce morceau de l'Alcibiade E~emie~, les techniques sont classées
selon leur degré de proximité à l'âme.
Il n'en demeure pas moins
qu'Euthyphron est prêt à s'accomoder d'une conception de la
piété élaborée sur le modèle commercial.
§ 463. Une telle conception est peut-être receva-
ble si l'on a en vue des dieux semblables à ceux qui sont décrits
dans l'Iliade.
Car
wSuch gods are forces
which may perhaps be
propitiated or enlisted in your service: you will expect to do
business with
them." (22q) Ce n'est pas pour surprendre,
car nous
(222)
suite
à les entendre, ils persuadent les dieux de se mettre à leur
service." (cf. traduction E.
Chambry ap.
Les Belles Lettres);
sur
ces cérémonies que pratiquaient ces charlatans ou orphéotélestes,
voir Démosthènes in Pro.
Cor.,
9 228; enfin, toujours sur le
problème des échanges dieux/hommes,
voir Leg.
IV,
7l6c-7l7b,
X
906c-907a.
(223)
l4e 6-7.
(224)
Allen,
ibid,
p.lO.
631
connaissons d~ji les soubassements "hom~rico-h~siodiques" de la
th~ologie (225) d'Euthyphron ( § 291). L'un de ses principaux
torts,contre lequel Socrate s'est d~ji r~volt~ (§§
293-294),
c'est de donner une image humaine des dieux,
c'est-i-dire d'être
anthropomorphiste. Comme l'~crit Taylor (226):
"This is a view of
religion
thoroughly in keeping with the more sordid side of the
ancient State cultus,
which was very mu ch regulated on the do
h,'!)
ut des
principle.
It exactly~off, for example,
the spirit of
religio as understood in the early
days of the Roman republic."
(225) Nous employons souvent le mot th~ologie, mais i
l'~poque
de l'Enthlphran,
ce concept n'existe ni dans la langue grecque,
ni dans celle de Platon en particulier. Toutefois, c'est Platon
qui l'utilise pour la première fois au livre II de la Répuhliane,
)
')
' : ) ,
\\
'"
C
l
'\\
1
en 379a 5-6: CLXXIV
aÀÀ
aUTO on TOUTO)
01
TUTIOl
TIEpl
eEOÀOjlaI
l
' ) \\ 7
T1VEf av E1EVj
Renvoyons aussi i
l'important article de notre
maître V. Goldschmidt: Theologia
i", R.E.G., 1950 (LXIII, pp.20-
4~. Il Y montre notamment, contre Jaeger (p.29»)que Theologia
n'est,
dans la Rep.
II,
qu'un terme de critique litt~raire
d~signant une espèce du genre mythologique.
(226) P.M.W.
pp.
147-148.
632
§ 464. Mais,
pour autant,
l'optique de l'échange
( § 462 n222) entre les hommes et les dieux ne doit pas être
rejetée comme une conception absolument sordide et purement ma-
térialiste de la religion.
Si on l'interprète vulgairement,
comme
le fait Euthyphron,
c'est-à-dire si l'on réduit la religion aux
moyens d'améliorer le rituel,
de manière à
obtenir des récompen-
ses tangibles,
c'est une conception sordide,
en effet (227).
Mais,
selon Taylor,
on peut comprendre autrement le texte:
-If
we think rightly of the blessing for wnich i t is proper to pray,
i t will
be a worthy conception of religion
that
i t is an inter-
course between man and God in which we offer
Wacceptable sacri-
fice" and receive in return
the true goods of soul and body. W
(228).
Puis,
i l ajoute (229):
"And there can
be no doubt both
(
1
that
"praying and sacrificing aright" are oatOTnf
and that
c
/
oatoTnf' since, it is virtue or a part of virtue, is in the
Socratic
view ~~taTÂ~n
or T~Xvn an application of knowledge ta
the regulation of practÎce! (230)
(227) De nombreux textes s'accordent avec l'Euthyphron pour
rejeter la conception mercantiliste de la piétéJc~ notamment:
Resp II,
365e;
Leg X 885b8-9;
905d sq;
909b 4-5;
cf. aussi Babut
in La R.P.G,
p.81.
(228) Ibidem,
p.148.
(229)
Idem.
(230) cf.
aussi ~p.155-156, et aussi Hacha,
op. cit.
p.41, qui
suit Taylor sur ce point.
------------------------------------
633
§ 465. Que les dieux puissent (et même doivent)
recevoir de nous des sacrifices (231) acceptables
( § 464)
est
loin d'être ce qui est en cause.
La vraie question est de savoir
si les dieux y ont quelque profit,
et lequel.
Socrate refuse
toute concession étrangère à la vérité
(232)
et pose clairement
1
la question:
CLXIVll
<!>paaov ol
/
( ') lÀ
"-'
"'-
UOl
Tl! n W<!>E
la T01! SE01!
l
' Î " : > \\
IV
1
";"
) c l'V
1
TuY,tavEl
ouaa ana TWV owpwv IDV nap nUWV ÀauSavoualv;
(233).
Ce
qui ne fait l'ombre d'aucun doute,
c'est l'identité de ce que
) \\
,
c ....
.:>
)
\\
les dieux nous donnent.
Car CLXX~t1\\ OUOEV yap nU1V EaT1V ayaSov
(J
')'
\\ ) . . . . .
.....
o Tl av un EKE1VOl owalv (234). C'est donc le bien que les dieux
nous donnent,
et d'ailleurs seulement le bien,
comme l'affirmera
plus tard un texte important du livre deuxième de la Répuhlique
(231) Car,
à l'origine, comme le fait remarquer pertinemment
Chateau (loc.
cit,
pp.
62-63),
le sacrifice est davantage un acte
de renoncement que de demande,
un acte de reconnaissance de la
divinité.
)
l '
(/
l/
(232) En effet,
le devin dit
:
CLXX~
EUnop1Kn)
El
OUTW! nOl0V
")
/
aOl ovouaçE1V (14eB), à quoi Socrate répond: CLXX~l
)AÀÀ)
oGo~v
Cf
"
" ) '
l
')
\\
)J
nOl0V
fU01YE El
un TUYXavEl aÀn8E! ov (14e9).
(233) 14e 10-11.
(234)
15a 1-2.
, ~ ,
';)
l'V
' ) 1
)/
en 379c 5-7 (235):
CLXX~
Kat TWV UEV aya8wv oUôEva aÀÀov
):T
1
."\\.
ô'
""' ')l" )
"li
ô " " ' "
, , /
, . )
')
\\
at~laTEov l TWV
E KaKWV aAA
aTTa
Et çnTEtV Ta atTta, aÀA ou TOV
gE~V (236).
§
466. Ce qui est en cause,
par contre,
c'est
l'utilité,
et peut être même l'usage,
pour les dieux,des dons
CI
\\
') c ~
g 1
/
')
.....
que nous leur faisons:
a ÔE nap n~wv Àa~~aVOuatV
Tt W~EÀOUVTat;
)
(237). Les biens que nous dispensent les dieux sont destinés à
l'amélioration de notre âme ( §§
444-446). Mais,
comme bien nous
savons ( § 431),
nous ne pouvons espérer que nos présents partici-
pent de l'amélioration des dieux.
Faut-il, alors,
analyser en
termes de déséquilibre la balance de nos échanges avec la divi-
nité? Ce déséquilibre serait à l'avantage des hommes,
dont i l
c
(235) Dans ce texte,
Platon rejette l'opinion de la Masse
(wJ
c
\\
\\ 1
ot nO~Àot nEyoUatV, 379c3) qui prétend que dieu est la cause de
tout (TI~VTWV ~V E~n a~TtoJ' 379c2-3). Si donc, Dieu est cause
absolue du bien qui nous arrive,
i l n'est pas cause de tout,
car i l n'est pas cause du mal qui nous survient.
(236) Que les dieux soient les dispensateurs du bien est une
thèse constante du platonisme (Resp.
X,
613a,
Theet.
176b,
Leg.
903c sqq) et,
même,
du socratisme,
s ' i l en est
(ap.
Xen.
in Mem.
5,
4,
5 sq et IV, 3, 3 sq).
(237)
15a2.
635
marquerait la supériorité sur les dieux,
du moins pour ce qui
est de la technique commerciale (238).
§ 467. Le devin rejette cette perspective
avec
une certaine indignation.
Il n'est pas possible que les dieux
soient intéressés aux présents en tant que tels.
Le devin a
pres-
senti la pente dangereusement matérialiste où,
peu à peu, Socrate
l'a entrainé. Mais,
la charge,
pour lui,
demeure de préciser le
sens et la signification,
aux yeux de la divinité,
des présents
qui lui sont offerts.
Il comprend parfaitement le caractère sym-
bolique de l'être matériel et physique des objets en quoi consis-
tent les offrandes.
Ce ne sont pas ces objets matériels qui im-
portent pour la divinité.
En tant que tels,
ils ne lui sont
d'aucune utilité. Comme symboles,
leur fonction propre est de
renvoyer à quelque chose d'aurre qu'eux-mêmes.
Par delà les ob-
jets sacrificiels,
et peut-être même au delà des rites,
les dieux
regardent le sacrificateur lui-même.
Il leur impocte seulement
qu'il manifeste le respect,
l'hônneur qui leur est dû,
en somme
qu'il leur soit agréable. C'est ce point de vue qu'exprime
1
")
?/
-'1
'lI
1
Euthyphron lorsqu'il déclare:
CLXXX
Tl o Ole:l aÀÀo Tl T1UTl Te:
'\\
/
\\
({
)
\\
11
J/
/
Kal ye:pa Kal 07Te:p e:yw apTl e: Àe:yov:> XaplJ; (239) Or, par une telle
= = = = - -
(238)15a 2-5.
(239)
15a 9-10.
6::S6
déclaration,
Euthyphron revient au s.e.d.
(§§
309 sqq) et
s'enferme dans une redoutable aporie.
3. Ell~hlph~an s'enfeLme dans_Ene ~~a~ie
(
15b 1
c 13
)
§
468.
A sa manière,
le devin rejette l'interpré-
tation utilitaire et matérialiste (§§ 464;
467).
Ce rejet est
néanmoins inconséquent puisqu'il consiste seulement à la nier
pour les dieux,
mais non pas pour les hommes.
Là,
gît l'incohéren-
ce de cette position,
parce qu'elle fait des dieux les complices
des calculs intéressés des hommes.
Alors,
dans le fond,
ce
serait les dieux qui seraient au service des hommes,
et non l'in-
verse.
Dans ces conditions,
la piété consisterait simplement)
grâce à des marques de considération,
de respect et d'honneur,
à incliner les dieux en notre faveur,
c'est-à-dire au service
de nos désirs et de nos objectifs particuliers. Ainsi,
non
seulement le devin ne rompt pas,
de manière fondamentale,
avec
la conception vulgairement matérialiste de la piété, mai~ encore
il renoue consciemment
( §
469) avec le s.e.d, qui assimilait
indûment la piété à ce qui agrée aux dieux.
V J I
§
469. Car c'est Euthyphron qui dit lui-même:
' C I
,
'\\ ) / ) 1
1
Kal OnEp EYW apTl EÀEYOV, XaptI ••• (240). De sorte que,
conclut Socrate, le pieux ne se définit ni par ce qui est
utile aux dieux ( § 431) ni par ce qu'ils aiment ( §§ 386 sqq),
mais par ce qui leur agrée: CLXXD
KExaPlOUtVOV (241) ~pa
? I
) \\
/
-'\\..
)
1
r ; - ) '
' u
" " " ) \\
EOTl~ W EUaU~pOvJ TO OOlOV, aÀÀ oUXt W~EÀtUOV OUOE ~lÀOV TOlI
( V
SEotI; (242) Mais Euthyphron n'est pas dupe: il sait à quel
péril il s'exposerait en tentant de discriminer ce qui plaît aux
dieux et ce qu'ils aiment. Il s'agit, en effet, de la même
.~."
1
/
chose. D'où sa réponse: CLXXXlI
Otual EYWYE naVTWV YE uaÀIOTQ
J
~lÀOV (243). Il devient évident que l'on retombe alors dans la
définition, déjà largement réfutée (§§
386; 387; 388 sqq), qui
,...,
')/:>:>
"""
assimile le pieux à l'amour des dieux: C1XXXlII TOUTO ap EOTl vau,
---------.::======---=======-
(240) ISa 9-10.
(241) Remarquer le changement de vocabulaire, intervenu au demeu-
rant en premier avec le devin (14b 2); antérieurement, c'est le
/
1
terme npoo~lÀEI (7al) qui était utilisé. KEXaptOUEVOV est le
1
participe passé de xapl~oual assez fréquent sous la plume de Pla-
ton:. :Crat. 408c~; Gorg~ 502b5; Rep. III 334a5; Crit~as l19d8;
Lois VI .759;b8, VI l 80SC!.
(242) ISb 1-2.
(243) ISb 3.
638
( ) /
' C I
\\ , . . . . ,
/'-
1
WJ EOtKE)
TO OOtOV,
TO TOtJ 8EOtJ ~tÀov (244).
§
470. On a noté)avec raison,
que Socrate ne re-
prend pas le thème relatif aux marques de respect et d'honneur
que,
à côté du désir de plaire aux dieux, Euthyphron a citées
parmi les objectifs du culte.
Ce silence est-il ambigu? comme
semble le croire Phillibert (245).
Tout d'abord,
i l convient de
noter que c'est Euthyphron lui-même qui,
le premier,résume la
l
') JI
'71
11
finalité des marques de vénération (
Tt
Ô OtEt aÀÀo n
Tt~~ TE Kai y~pa••• , 15a 9) dans l'expression wune manière d'~tre
\\
(j
' ) ' ? /
agréable aux dieux w (246)
en précisant:
Kat
O~EP EYW apTt
~
/
EÀEYOV (247).
Par conséquent,
XaptJ (15a 10) ne doit pas être
"
1
1
mis sur le meme plan que Tt~n et YEpa (15a 9) puisqu'en effet,
dans l'esprit d'Euthyphron,
i l les résume.
Pour le devin,
les
manifestations de respect et d'honneur sont bien destinées à
\\
\\
(244)
15b 4-5. Or,
en 10e 2,
i l était convenu que:
To \\lEV
CI
\\
'"
n.
((
(1
1 : >
. , ) . ,
1
; " V
OOtOV Ôta TOUTO ~tÀEto8at
OTt OOtOV EOTtV)
aÀX OU ÔtOTt ~tÀEtTat
fi
~
OOtOV EtVat;
(245) Phillibert,
loc.
ciL
141:
" •• • i1 Y a
un mot de la réponse
d'Euthyphron que Socrate n'a pas repris:
c'est l'idée que le
culte sert à marquer notre vénération.wC n.b.:
le souligné est
de Phillibert lui-même~
(246) Traduction Croiset:
Les Belles Lettres.
(247)
15a 9-10.
639
être agréables à la divinité.
Ainsi,
Socrate ne fait qu'épouser,
à cet égard,
le point de vue d'Euthyphron;
ce qui ne l'empêche
nullement de contester que la piété soit ce qui est agréable à
la divinité. D'autre part,
séparer la vénération de la divinité
du désir d'être agréable aux dieux comme deux choses s'ajoutant
l'une à l'autre dans une même définition de la piété,
non seu-
lement aurait constitué une formidable
régression vers le type
de la première pseudo-définition d'Euthyphron
(§§ 285 sqq),
mais aurait risqué de décentrer le dialogue.
Or,
d'une part,
i l
s'agit ici de mettre en évidence l'aporie à quoi mène la thèse
du devin,
et,
d'autre part,
le dialogue a
déjà atteint ses prin-
cipaux résultats
(
§
447).
§
471.
Si notre interprétation est recevable,
ce
serait à bon droit que Socrate n'aurait pas
(
§ 470) repris
le
thème de la vénération des dieux comme élément spécifique dans
l'intervention (248) d'Euthyphron.
Il n'y a
pas lieu de faire de
ce thème,
à l'instar de Phillibert (249),
une ligne possible
d'interprétation doctrinale.
Socrate n'a pas besoin de réfuter
l'idée de la vénération des dieux.
Nulle part,
elle n'est posée
de façon autonome comme une définition alternative de la piété.
-------------------------------
--------------------------_.
(248)
15a 9-10.
(249) Loc.
cit.
pp.141-142.
640
Elle est constamment posée comme un moyen d'être agréable aux
dieux,
et non comme son équivalent (
§ 470).
D'ailleurs,
le
devin réduit la vénération des dieux à ses aspects cultuel
et
rituel.
Pour le dialecticien,
la vénération des dieux a un sens
autrement plus précis et plus profond.
Elle ne peut signifier
que ceci:
imiter les dieux,
s'efforcer inlassablement de leur
ressembler par des actions justes et vertueuses (§ 446).
§
472.
Or donc,
Socrate s'est plutôt attaché,
avec
raison,
à mettre en évidence la contradiction dans laquelle
s' est enferrn~ le devin. Le dialogue est revenu au même point.
En effet,
i l avait été clairement établi,
antérieurement (
§§ 386-
1
399»)que le pieux et le 8EO~tÀEJ révèlent un comportement dif-
férent
( §§ 389;
396) et même sont en rapport inverse l'un de
l'autre (§§ 387;
389).
Or,
c'est à cette définition minutieuse-
ment et laborieusement réfutée que revient Euthyphron,
oubliant
que la réfutation tient toujours.
Puisqu'on ne peut affirmer
à la fois une chose et son contraire sous le même rapport,
i l
faut choisir entre la d~finition de la piété par le plaisir
des dieux,
et la détermination de celui-ci comme un prédicat de
• 1
)
. -
')\\
1/
')
celle-là.
De sorte que,
dit Socrate:
cL~~~\\~ OUKOUV n npTt ou
.....,(
r-
'"
')
1
" . . . . . . . ,
-:>..,
.......
1
KnÀW! WUOÀOYOUUEV n Et TOTE KnÀW!)
VUV
OUK op8w! Tt8EUE8n (250).
(250)
l5c 8-9.
U'+l
,
.
.
(Donc,
ou bien,
tout à l'heure,
nous n av~ons pas ra~son, ou
bien,
si nous avions eu raison,
maintenant,
notre thèse n'est
pas exacte.)
(251) En fait,
pour le lecteur attentif,
l'option
socratique ne fait l'ombre d'aucun doute.
Elle est celle qui
fait du pieux une ousia et de l'amour des dieux,
si précieux
qu'il soit,
un accident qui survient à cette ousia (§§ 391;
392;
395).
Nous avions déjà pu apprécier la solidité,
la rigueur et
l'élégance de la réfutation menée par le dialecticien contre
la thise euthyphronienne de la piété/plaisir des djeux.
Comment
s'imaginer Socrate,
le dialecticien,
partisan des Idées stables
et immuables,
changeant de position,
après un tel effort de
rigueur et de méthode?
§
473.
Le devin,
par contre,
est versatile dans
ses propos et lunatique dans son attitude (252). Nous l'avons
vu passer,
sous la pression du dialecticien,
d'une définition
à l'autre.
Il ne compte pas à son actif moins de quatre essais
définitionnels
(§§
288;
309;
358;
421).
A l'instar de la masse
qu'il affecte de mépriser (§
242),
Euthyphron est,
en son
genre,
un modèle d'instabilité.
Il appartient au monde de l'opi-
(251) Nous traduisons nous-même.
(252) Il invitait d'abord Socrate à un front commun (§ 243»
avant de prôner le combat individuel
(§ 244).
642
nion aux mille reflets,
monde aussi trompeur qu'un miroir aux
alouettes.
C'est avec raison que,
revenant à
une métaphore
déjà rencontrée
( §
403 n 281), Socrate le compare,
de nou-
veau,
à Dédale.
Le devin est même accusé d'être plus habile que
Dédale puisqu'il a
fait
tourner la discussion en cercle:
CLXX~V
)
\\ ) \\
1
1
,...,
l
'\\
1
1 -
aUTof WV TIoÀu YE TEXVlKWTEPOf TOU ~aloaÀou Kal KUKÀ~ TIEPllOV~
~
TIOlwv ••• (253).
Les propos d'Euthyphron sont semblables à ces
statues de Dédale (254)dont parle le Ménon)et qui s'enfuient
Ci
\\ , . . ,
')\\
\\
\\
/
si on ne les attache:
Cl~~~VIOTl Kal TauTa,Eav ~EV ~n OEoE~Eva
";'"
')
J
\\
1 ) \\
\\
1
/
~} aTIOOlOpaoKEl Kal OpaTIETEUEl, Eav OE OEoE~Eva
TIapa~EvEl.(255)
(253)
15b 9-10.
(254) Croiset (
Les Belles Lettres,
III,
2)
fait cette note
intéressante à
propos de ce personnage (pp.275-276 nI), qui
"sym-
bolisait
toute une période pendant laquelle la statuaire s'était
affranchie du
type rigide issu du xoanon primitif.
Il
passait,
en particulier,
pour avoir le premier représenté l'homme nu,
non plus les jambes jointes,
mais un pied porté en avant,
dans
l'attitude de la marche.
On a ici
(cf.
Euthyphron 11d)
un écho
des plaisanteries qu'éveillaient ces premières apparitions du
sentiment de la vie dans la plastique." Sur Platon et les arts)
plastiques en particulier,
cf.
le travail inimitable de P.M.
2
Schuhl, g.J:Êb.9.!!=~b=.J:~Yb=..Q.~=.§B~b,g]g'p.§" Paris, PUF, 1952 •
(255) 97d 9-10.
643
§
474. Ainsi,
le débat,
après maints détoursJest
revenu au point de départ. D'où la remarque de Socrate: CLXXxvll
)
J
j
(/
C.
1
c. --
\\
/
,
~
'\\
q
OUK alo8av~
OTl
° ÀoyoJ n~lV TIEP1EÀ8wv TIaÀlv E1J TaUTOV nKE1;
(256). Commentant ces lignes, Allen écrit, avec cette fine iro-
nie anglo-saxonne:
"The Daedal us of the argumen t has brough t
things back to where they began." (257). Bien entendu,
Allen
fa i t
a Il u s ion au s. e • d.
(§§ 309 s q q ). Ces. e • d.
n' a gu ère
besoin d'être refuté (258) de nouveau,
l'ayant déjà suffisamment
été (§§
319 sqq). En tout cas, l'illégitime prétention du devin
à connaître les questions religieuses a été capturée au terme
de cette chasse forcenée du dialecticien, dans la ligne de
l'!~B1Bg!~ (§§ 443-445). Car il s'est vu obligé d'affirmer en
même temps une chose et son contraire. Désorienté, il ne lui
restera plus qu'à battre, honteusement, en retraite -
oubliant~
peut-être) son affaire ( § 479).
(256) Euthyphron 15b 11- c 1.
(257) Loc. cit.
p.61.
(258) Heidel, O.P.E.
p.169.
644
D. ~.B-Il§l-J!.~.f~.bl-B.B=!l-E-~1$=~=1.s.=.f$.b.&nb~
g~~.bB.!.EB.!-BE-.
(
15c 14
16a 4
)
§
475. Euthyphron, l'expert auto-proclamé (§
273)
en Théologie, accusateur de son père pour fait d'impiété (§§ 245;
249), épigone prétendu des dieux (§§ 273; 290) a été réduit à
,/
quia par Socrate, lui-même accusé d'impiété (§§
234 sqq). Le
devin,qui prétend agir au nom de la piété)s'est montré' incapable
de la définir de façon cohérente (259). Ainsi, échoue-t-il complé-
tement à légitimer ou à justifier l'action engagée contre son
père. Socràte est bien obligé de dresser un constat d'ignorance.
(259) De même qu'au polymathe Hippias (g~~.E~~§=~l-E-$Y&, 376c 3-6),
,
,
)
\\
Socrate pourrait dire au savant Euthyphron: CLXX'X-Vill Kal EjJE jJEV
')
,
\\
""
")
\\
.,}
')
1
.,
\\
\\ ,
"-
OUOEV SaVjJaoTov
nÀavaoSal
OUOE aÀÀov
lOlWTnV·El
OE
Kal
UjJElf
1
t.
l
""
')/
\\
( " -
1 )
\\
')
C
'"
nÀaVnOEOSE
01
OO~Ol) TOUTO
nOn
Kal
njJ1V
OE1VOV)
El
jJnOE nap UjJQI
)
J
1 " -
/
a~lKOjJEVOl naUOOjJESa Tnf nÀavnf.
§
476.
Il faut donc se remettre à la tâche,
)
,
"'" '1
reprendre la question depuis le début:
E~ apxnJ apa
c ""
1
1
l
')
,
Cl
n~tV naÀtv OKEnTEOV Tt EOTt TO ootOV. (260) Pour ce qui le
concerne,
le dialecticien est disposé à consacrer son temps et
son énergie à cette recherche fondamentale en quoi consiste la
l
,
tentative de déterminer la nature (Tt EOTtV,
15c Il)
du pieux.
Il est d'autant plus disposé à la recherche qu'il ne prétend
(261) nullement savoir ce qu'il ignore. Quant au devin,
dans
la mesure où i l prétend connaître la vérité,
i l doit pouvoir,
en
faisant
preuve d'attention
(261)~i~ dire. De toute façon, pas
plus que le dieu Protée (262),
il ne doit être laché avant
.~
1
11
d'avoir livré sa science infuse:
cL~t~\\X o t oSa yapJ EtnEp TtJ
?I
')
1
\\ : »
1
~(/
, n
1
aÀÀoJ av8pwnwv, Kat OUK a~ETEOJ Et)
wonEp o
pWTEUJI
np~v }&v
)/
EtnDJ'
(263).
------------~--===---------
(260)
15c 11-12.
(261) On sait que cette prétention est le pire des maux.
/
,
""
(261)bis
15d 1: npooEXwV TOV vouv;
littéralement,
en appliquant
son esprit.
(262) Platon pense certainement à l'Odyssée IV,
417-19.
(263) 15d 2-4.
646
§
477.
La gravité de l'action engagée par le
devin contre son père est telle qu'elle peut lui valoir une
sorte de présomption de compétence (§ 249).
Car Socrate n'arri-
ve visiblement pas à comprendre que l'on puisse intenter une
action aussi sérieuse contre son propre père
(§
245) au nom
d'un simple mercenaire (264),
surtout si l'on sait qu'en la
matière,
sa capaci té juridique est loin d'être établie (§ 259)J
et qu'il a ignoré certaines procédures rituelles préalables
(
§§ 260;
261).
Euthyphron est l'homme d'une certitude massive
que n'arrête ni la crainte de la colère des dieux ni celle de
l'opinion publique (265).
Comment du reste,
quelqu'un qui ne
craint pas la colère des dieux,s'embarrasserait-il des humeurs
de l'opinion publique? Toutefois,
si le devin a l'air de ne pas
craindre la colère des dieux
(§
273),
c'est parce qn'il est
convaincu d'avoir raison.
N'invoque-t-il pas l'exemple de Zeus
(§§
290;
291) à l ' a p p u i d e son a c t ion? A ses yeu x,
son a ct ion,
loin de susciter la colère des dieux,
devrait plutôt entraîner
leur approbation.
Par contre,
i l peut avoir des raisons sérieuses
(264)
15d 6.
(265)
15d 6sqq.
647
de craindre les réactions de l'opinion publique.
D'abord,
parce
que
i l le dit lui-même
celle-ci se moque de lui (§§
242;
243;
255) lorsqu'il parle devant les assemblées populaires.
Ensuite,
parce que toute sa famille s'est liguée contr~ lui,
et lui retourne pratiquement l'accusation d'impiété ( §
272).
Enfin,
i l lui sera difficile de faire
passer sa redoutable accu-
sation contre son vénérable père.
Cependant,
tout cela ne semble
guère ébranler le devin.
Il lui revient donc de rendre compte
de sa certitude en livrant son secret
(266).
§ 478.
Pour toute réponse,
Euthyphron se déclare
pressé,
renvoie la révélation de son secret (§
477 n266)
à
plus tard, et décrète qu'il est temps,
pour lui,
de s'éloigner
(267).
Cette réaction d'Euthyphron a
été différemment interprétée
par certains commentateurs ou pas interprétée (268) du tout.
---------------------------
--------------------------_.
(266) C'est-à-dire la définition vraie du pieux. Nous utilisons
le terme "secret" parce que Socrate lui dit,
en effet: CXC
\\
\\ )
1
tJ
."
' ' ' '
Kal ~n aTIOKpUWn 0 Tl aUTO nyn (15e 2).
•
•
(XCI");,,-
1
~
/
•
" - ,
/
(267)
I5e 3-4:
Eloau8lf T01VUV) W EWKpaTEf
vuv yap OTIEUÔW TIOl
l
' i - ?
/
Kal ~Ol wpa aTI1EVal.
(268) Par exemple,
Guthrie,
R.G.P,
IV,
p.I07.
Pour sa patt,
Burnet l'interprète ainsi:"As Euthyphro too had a
case before the
~kin8" and as, at the end of the dialogue, he
suddenly remembers another engagement
(15e3~ we must suppose chat
his business here is over for
the present,
and that he is coming
1
1
out of the aaOtÀEUS otoa when he sees Socrates." (269) Le Profes-
seur R.E.Allen a objecté que
"if that were true,
the introduc-
tion
to
the dialogue would surely have suggested i t , and i t does
not."
(270) Cette objection est inconsistante. Platon n'est
nullement obligé,
pour des raisons dramatiques ou littéraires,
d'indiquer) dès son introduction,
le dénouement proprement dra-
matique de son dialogue.
L'effet de surprise en eût d'ailleurs
été atténué.
§
479. Nous ne partageons pas
pour autant l'inter-
prétation de Burnet. En effet,
on peut penser que, désarçonné,
désoRienté ( §§
447;
474),
littéralement étourdi, Euthyphron
s'en retourne,
oubliant son procès.
Il ne serait donc pas sorti
1
1
du aaOtÀEUJ otoa parce qu'il n'y serait pas entré. Tout le jeu
sur Dédale n'est peut-~tre pas sans rapport avec ce fait
( §
473 ~
Ainsi,
en effet,
le devin va s'en retourner à son point de
départ
( §
474), avant m~me d'avoir déposé sa plainte près le
(269) E.A.C.
p.82.
(270) Loc.
cit.
p.64 nI.
649
1
1
Sa01ÀEU! OToa.
Dans cette hypothèse
optimiste
le dénoue-
ment du dialogue peut s'interpréter en termes positifs. En
quelque sorte,
l'action du devin
Wthough
not his words,
indi-
cates that he has begun
to 1earn the 1esson which Socrates ques-
tionning was designed to
teach:
that he is ignorant of things in
which he thought himse1f wise. n (271).
En somme,
le devin,
acculé,
bat en retraite (
§ 480).
§
480.
Si l'on suit notre interprétation, il s'agit
bien d'une retraite,et non d'une fuite comme le pense Chateau
(272).
Au demaurant,
cet auteur propose une interprétation
•mac-
ceptable de ce passage. La voici:
wQue peut signifier
( ••• )
après
l'effort de dialogue,
la fuite d'Euthyphron? Ne se sent-il,
peu
de Jours avant son procès,
plus près du peuple que Socrate agace
et des
poètes qui,
comme Mé1étos,
mettent leur plume au service
des hommes politiques,
pour tenter de déguiser l'intérêt et de
donner de grands airs à la ca1omnie?n (273).
Plusieurs objections
invalident cette hypothèse.
D'abord le texte 3b-c4 montre nette-
ment qu'Euthyphron,
en son genre,
ne veut nullement faire cause
(271) Allen,
loc.cit.
p.64.
(272) Loc.
cit.
p.38.
(273)
Idem.
650
commune avec la masse ( §§
241; 242)même si ses raisons ne sont
certainement pas celles de Soctate (§ 244). Ensuite, il manifeste
clairement à Socrate une sympathie (§§
242; 243) qu'il n'a
jamais désavouée,ni implicitement ni explicitement, même s'il
voit bien qu'il ne pourra, malgré lui, faire front commun avec
le dialecticien ( § 244). Enfin, s'il est probable que Mélétos
ait accusé Socrate par intérêt (§
228), on ne voit pas quel
intérêt (. § 269) aurait poussé Euthyphron à engager une action
aussi grave que périlleuse contre son propre père. La motivation
sinon unique, du moins primordiale, d'Euthyphron1semble être
d'ordre religieux ( §§ 257;
266). Son action n'est pas proprement
calomnieuse, mais procède plutôt d'une ignorance qui se prend
pour savoir (274).
§
481. C'est cette ignorance qui l'empêchè,
en fait.
d'être utile à Socrate dans la préparation de sa défense contre
Mélétos. Car Socrate espérait pouvoir exhiber l'enseignement (275
du devin pour convaincre son accusateur, et le cas échéant, ses
juges, que)désormais, ne risquant plus d'improviser ou d'innoyer
(274) Il est vrai qu'il s'agit là du pire des maux. Cf.
§ 476 ::126--..
(275) Dans le Premier Platonisme, en effet, toute connaissance
provient ou de la découverte personnelle ou de l'apprentissage
près d'un maître.
6:>1
,
r.--
par ignorance en matière de théologie
(
ta 8Ela ) (276), il
mènerait une vie meilleure (277).
Loin de tout cela,
le devin le
.,)')
1
\\
fait tomber du haut de son espérance:
C)(CII
a7f EÀ7Tloof llE Kata8aÀwv
1
) /
~
'\\'-
llEyaÀnf a7TEPxn nv E1XOV •••
(278).
Bien sûr,
l'ironie socratique
est patente dans ce morceau final.
Le devin ne
pouvait lui appren-
dre réellement ce quJest la piété,
car i l l'ignore lui-même.
Tout comme les politiques ou les poètes de l'~~g1ggb$ ( § 28),
et contrairement aux artisans
(id.
§ 28),
i l n'est détenteur
d'aucun savoir réel.
Ses multiples errements,
son indécision en
sont la preuve évidente.
Et,
pour une fois;
Socrate aurait pu,
s'adressant au devin) emprunter les vers de son vieux détracteur
(279),
Aristophane,
dans les Oiseaux:
"Pourquoi,
mon pauvre
homme,
errons-nous en tout sens? Nous périrons à avancer inuti-
lement."
(280) Mais le dialogue,
en son ensemble,
soumis à une
interprétation adéquate
(§§ 16;
17;
18;
19;
20),n'aura pas été
---------------------------
--------------------------_.
(276)
16a 1.
?/
1
(277)
16a 3-4:
allElvov 81WOOlllnV.
(278)
ISe 5-6.
(279) Dans les Nuées, par exemple,
Aristophane assimile)à tors
Socrate aux Sophistes et l'accuse de chercher à
percer les
mystères des dieux ou de dresser les fils contre leurs pètes.
(280) Paroles prononcées par Evelpides: O.C.
d'Aristophane ap.
GF,
II,
1966,
p.25.
»
•
652
inutile,
comme vont nous le rappeler les résultats de l'enquête.
§
482.
Par l'analyse de la nature du rapport
Justice/piété,
l'~YkB~BB~BB s'inscrit nettement dans l'horizon
de la question classique (§
413) par excellence du premier plato-
nisme,
à savoir la nature des relations entre les diverses vertus.
La structure du rapport Juste/Pieux est nettement définie dans
l'Euthyphron. Tout ce qui est affirmé du Juste peut l'être du
pieux,
mais non pas l'inverse.
Le Juste et le Pieux n'ont ni même
extension ni même compréhension,
et,
par conséquent,
sont incon-
vertibles (mais: §
492).
En somme,
le pieux se définit comme une
partie du juste.
La notion du pieux est incluse dans le concept
du Juste.
Il s'agit de cette sorte d'inclusion que les mathéma-
----_.._.....
-------------_
_
_ _------_ _------_._---_
_-_._-.
653
ticiens appellent inclusion stricte (AcB)
(281).
§
483.
Pour clarifier la nature de cette relation)
Platon recourt successivement à deux illustrations)qui révèlent
un souci d'explicitation progressive de ce qui est en jeu.
La
première,
qui concerne le rapport entre la crainte et le
respect,
est d'ordre empirico-psychologique.
Au contraire du poète
Stasinos,qui détermine la crainte à l'intérieur du respect
(
§
417),
Socrate définit le respect comme une partie de la crainte
( § 418).
Si nous craignons les maladies,
nous ne les respecto~s
pas pour autant.
Cependant,
ce premier exemple n'est pas dénué
d'une certaine ambiguité car on peut se demander si nous crai-
gnons tout ce que nous respectons.
Et même:
la relation entre :e
respect et la crainte a-t-elle un caractère topique? En tout cas,
la question est,
en l'occurrence,
très discutable.
§ 484.
Pour dépasser cette ambiguité,
Socrate
utilise un second exemple en lui-même plus clair et plus
perti-
(281) cf.
M.
Queysanne:
Algèbre.
Premier cycle et préparation
aux Grandes Ecoles,
Paris,
Armand Colin,
1964,
p.18 nI:
WCerteins
auteurs emploient les notations FS-E pour l'inclusion et
Fe. E
pour l'inclusion stricte. W
654
nent. C'est l'illustration mathématique.
Le nombre comporte
deux catégories bien définies:
les nombres pairs et les nombres
impairs.
De nombreux savants ont vu là,
avec raison,
la mise
en oeuvre d'une distinction du genre et de l'espèce (
§ 420).
En tout cas,
sa pertinence est telle qu'elle peut s'appliquer
immédiatement au rapport du Juste et du pieux.
Autrement dit,
le Juste est le genre du Pieux. Par voie de conséquence,
le
Pieux est strictement inclus
( §
482) dans le Juste,
comme l'est
toute espèce dans son genre.
§ 485.
Le sens de ce passage est parfaitement clair.
Il s'inscrit
tout à fait dans l'effort platonicien pour résou-
dre le problème,
si caractéristique du Premier platonisme~de la
nature des relations entre vertus (
§
423).
C'est pourquoi,
ce
serait une erreur d'y voir,
avec Grote (§
422),
une simple
opportunité d'illustrer
"un rapport de subordination entre deux
concepts d'extension et de compréhension inégales." ( § 422).
Il
s'agit plut6t de déterminer la structure dans laquelle nous
pou-
vons penser deux vertus particulièrement liées et qui sont
presque toujours citées ensemble ( §
423).
La solution qu'y
apporte Platon renvoie à la nature de la relation du tout à
la
partie ou du genre à l'espèce. La détermination du pieux comme
partie ou espèce du Juste est,
à tout le moins, une position
constante du premier platonisme ( §
423).
655
§
486. L'~g~~~phfB~ ne nous dit pas seulement que
la piété est une partie de la justice, il nous précise que la
justice comporte deux parties ( § 425). L'une concerne les
rapports au sein même de l'humanité, l'autre les rapports entre
l'humanité et ]a divinité
c'est proprement,
la piété (§ 427).
Il est remarquable que ce soit le devin qui produise cette défi-
nition d'allure, sinon d'essence platonicienne (
§ 423).
En
réalité, Euthyphron en a une conception toute utilitariste,
maté-
rialiste et, en définitive,
vulgaire. Le concept-clef de la
J
définition d'Euthyphron est celui de SEpanEla. Or le modèle
1
courant de la SEpanEla est inapplicable à la divinité. Car le prin-
1
cipe général de la SEpanEla est qu'il vise toujours au bien (13b
1
8: S430) et à l'utilité (idem: §
430) du SEpanEuo~EvOV
• En
1
somme, la finalité de la SEpanEla est l'amélioration du bénéfi-
ciaire.
§
487. Mais il n'en est ainsi que pour les techni-
ques et dans l'espace mondain. Lorsqu'il s'agit de la divinité,
1
la SEpanEla fonctionne sur le modèle inverse ( § 431). Il n'est
pas possible
il est même blasphématoire
d'envisager ou ce
par 1 et·· deI ' am é 1 i 0 rat ion des die u x (
§§
4 3 1 - 4 3 2 ) " Des 0 rte que,
j
dans le cas de la piété comme SEpaTIEla des dieux, celui qui se
0':>0
trouve amélioré est l'homme lui-même.
Ce paradoxe est seulement
apparent puisque,
droitement comprise,
la piété est l'imitation
des dieux
( §446).
Or,
l'imitation du meilleur ne pouvant que
nous rendre meilleurs,
et les dieux étant les meilleurs,
nous
ne pouvons,
en les imitant,
que devenir meilleurs.
§
488.
Bien entendu,
i l ne suffisait pas seulement
/
de disqualifier l'interprétation technique de la 6EpauEla qui,
appliquée aux dieux,
ne peut conduire
qu'à l'impiété ( § 431).
C'est pourquoi,
dès après que Euthyphron a eu proposé d'assimiler
1
la 6EpanEla des dieux à celle qu'un esclave apporte à son maî~re
(§
433),
Socrate suggère,une rectification qui induit à
substi-
!
1
1
tuer l'unnpEbla à la 6EpanEla • Rattachée à l'Apg!Bi!g 30A 5-7,
cette substitution revêt une grande importance du point de
vue
(
1
de l'exégèse de l'Euthyphron.
Elle indique bien que l'unnpEola
est à
prendre,
dans l'Euthyphron,
au sens que lui donne l'Apolo-
~.
489.
Une rapide analogie avec les techniques
(.
1
( § 434) montre que toute unnpEOla
se caractérise par la produc-
tion d'un ?kpyov déterminé:
par exemple,
1,Jtpyov de la médecine
c:
/
est la santé.
Si,donc,la piété est une unnpEOla,
on peut s'atten-
dre qu'elle produise un ~pyov
déterminé.
Mais le devin,
à l'in3-
tar des conceptions traditionnelles ( §
436)}n'a pas de
vraie
657
réponse â cette question. Poui autant,
la question n'est pas sans
JI
réponse. Certes,
l'existence d'un EPYOV des dieux
Wn'est pas posée
de façon apodictique W (
§ 439),
mais le mouvement de l'entretien
suggère l'orientation et le sentiment du dialecticien. L'idée d'un
ÎIEPYOV des dieux n'~3t ni contestée ni subvertie nulle part; qui rios
est,
Socrate regrette manifestement qu'Euthyphron ait lâché prise.
Il ne nous a donc pas paru téméraire,
â partir de ces indications,
et en appli~va~r le principe du coefficient doctrinal (§§ 20; 439),
de tenter d'élaborer la réponse que le devin a été incapable de
produire.
§
490. Nous avons rejeté certaines interprétations
qui supposaient des doctrines certainement informulées â l'époque
de l'~gbh~~fBg
(
§§
441 sqq).
En revanche,
nous avons dû
souligner l'immense mérite de l'un de nos plus illustresprédéces-
seurs dans l'exégèse de l'~gbh~2BbBg, Heidel)qui a marqué (§
443)
le lien entre
1'!2BhB&bg 30A et 1'~gbB~2BbBg 13e - 14a (§
443),
bien qu'il ne l ' a i t pas suffisamment mis en évidence.
En !2BhB&b~
30a 6-7, Socrate proclame
son ardeur â se mettre au service
(
/
(unnpEolav) du dieu. L'intérêt de ce morceau de 1'!2BhB&bg est
qu'il nous dit comment Socrate conçoit le service des dieux.
D'abord,
cette occupation consiste â philosopher (~lÀoooœouvTa:
§ 444,
n144bis») par l'examen de soi et des autres. Ensuite,
les
objets de cette activité
philosophique
-
sont clairement
658
1
)
/
désignés:
la raison
(~pOVnOEWJ, 2ge 1), la vérité (aÀn8EtaJ, id),
,
A
~
""-"
et 1 ame ( TnJ wuxnJ, id) des hommes que rencontre le dialecti-
cien,
qu'ils soient jeunes ou vieux,
athéniens ou étrangers
(282).
Enfin,
le but de cette activité est de rendre l'âme meilleure.
( 2ge 2).
§
491. L'amélioration de l'âme résulte de la pra ti-
que de la philosophie,
laquelle contribue à y installer la vertu.
Mais c'est au service du dieu que s'effectue la pratique philoso-
phique. Car,
en définitive,
ce sont les dieux qui installent
vraiment la vertu en nos âmes.
Il ne faut pas oublier,
en effet,
que les dieux sont cause (283) de tout le bien qui nous arrive.
Dans la mesure où les dieux sont les auteurs de la vertu et de la
justice)qui sont en nos âmes,
la rigide dichotomie/que le devin
avait établie entre la justice et la piété)disparaît. La piété
n'est pas autre chose que la justice conçue comme mission divine.
Le lieu de la dichotomie est donc notre conscience lorsqu'elle
n'intègre pas la dimension divine dans son concept du juste.
Comment pourrions-nous nous comporter justement à l'égard des
hommes,
nos semblables,
si les dieux,
en quelque proportion,
ne
(282) On notera l'universalité de l'objet ainsi désigné.
(283) Et seulement du bien.
659
nous avaient fait don de la vertu? La (re)-connaissance de ce
don de la justice est la piété.
Car alors,
nous savons que
la
capacité à assumer un comportement
juste à l'égard des hommes
nous vient des dieux.
Nous les imitons et,
pour cela, nous les
regardons comme nos modèles.
De sorte que,
dans notre comporte-
ment vis-à-vis des hommes,
nous avons aussi affaire à la divinité.
Mais alors être juste à l'égard des hommes,
c'est être juste à
l'égard des dieux,
et vice-versa.
Ainsi,
dans la conscience
solitaire du philosophe,
justice et piété se résorbent dans
l'unité de leur principe réel:
la vertu comme ~PYOv des dieux dans
l'âme et dans la cité.
Dès lors,
et i l faut être clairement cons ci-
ent de ce résultat:
pour le philosophe,
i l n'y a nulle inconver-
tibilité entre la vraie piété et la vraie
justice.
§
492.
En posant leur inconvertibilité (
§
482),
notamment par le recours aux catégories topiques de tout et ·de
partie)que nous avons appelées genre et espèce,
le dialecticien
était obligé de composer avec l'opinion
pour se faire
entendre.
Cepa~d~hr) à son échelle propre, nulle ligne ne vient séparer
la justice et la piété.
On peut,
maintenant,
comprendre
cette
)
\\
\\
\\
) \\
c /
prodigieuse phrase du gf.8!âg.g.f.â&:
Il
Eyw ~EV yap aUTO! UnEp YE
~I
.~
\\
\\
C
/
)
~
1
?I
"
1
E~aUTou ~atnv av Kat TnV OtKalooUVnV OOtOV EtVat Kat TnV OOtOTDTa
1
(284)
OtKatOV ". Mais,dans le gf.g.~g.g.f.⧠comme dans l'~gbg~g&B~. le
(284)
331b 1-3.
-
660
dialecticien ne parle pas pour lui tout seul.
Il parle à
d'autres
et pour se faire entendre,
i l doit leur parler le
langage qu'ils comprennent,
au risque de ne laisser filtrer
qu'une partie du message de vérité dont i l est porteur.
Ce que
confirme bien la suite du texte du ProtagorasJoù Socrate décla-
re que)s'il parlait au nom de Protagoras,
i l dirait que la
justice est ou identique,
ou très semblable à
la piété.
Lisons
, C . \\
_
/
'>/
' ) /
) \\
ce texte admirable:
CXClII KCl\\ um:p OOU ÔE')
El ].lE E~T"JI)
TaUTa
")\\
. ,..,
':>
/
L/
')/
' ) ;
') ) '
1
C
/
av TaUTa anOKplV01].lTlV.,
OTl
TlTOl
TaUTOV y EOT1V ôlKawrT"jI OOlOTT"jTl
')\\
li
C
/
" 1
/
(/
1
/0"
Tl 0 Tl
O].lOlOTaTOV) Kal
].laÀ10Ta naVTWV Tl TE ôlKalOOUVT"j OlOV
'-
l ' C t
1
7
1
.....
OOlOTTlI Kal Tl OOlOTTlI OlOV ôlKalOOUVT"j
(285). Socrate, bien sur,
n'introduit la réserve qu'à. cause de Protagoras.
Ce passage du
gf9bê&9fê§ confirme donc bien l'interprétation mise en oeuvre
ici.
§
493. Ce que l'interprétation induit à reconnaitre_
c'est l'existence de deux niveaux discursifs dans le logos du
.'
Il
philosophe.
Il y a un premier niveau,
tout logique,
de relatif
compromis avec l'opinion,
si l'on peut dire,
éclairée. A ce
niveau,
le dialecticien se contente,
pour l'essentiel,
de dis-
(285) 331b 3-7.
661
tinctions rationnelles.
Ainsi,
comme dans le gbBbâgBbâ§,
i l se
contentera seulement de proclamer l'extrême proximité entre le
juste et le pieux,
son point de vue qui les assimile choquant
son interlocuteur,
ou bien,
comme dans l'~YbggBgbBB' de déter-
miner la piété comme espèce du Juste.
Ces points de vue ne sont
pas vraiment faux,
ils sont simplement partiels,
et même,
partiaux.
Car lorsque la réalité se présente à eux sous un aspect détermi-
né,
par exemple le Juste comme rapport à la divinité,
ils lui
confèrent une essence prop~e, distincte de celle de la réalité
dont i l émane,
et dont,
en fait,
i l ne cesse pas d'être un aspect.
La conscience imprudente,ou insuffisamment instruite)opère la
séparation de l'aspect en cause,
dont elle ne perçoit plus,
si
l'on peut dire,
l'isonomie avec la réalité globale saisie en son
essence.
Ce premier niveau du discours permet)certes,
quelque
prise sur l'essence,
mais celle-ci est partielle et relative-
ment déformée.
Ce n'est cependant pas un résultat négligeable,
car c'est la vue la plus rapprochée de l'essence où atteint le
philosophe lorsqu'il parle avec d'autres
non philosophes.
§ 494. Il Y a,
ensuite,
un second niveau,"méta-
logique",
oV
le philosophe n'est tenu à nul compromis.
Il ne
parle plus 'pour ni à d'autres.
Il parle pour lui,
tout seul,
en
son nom propre.
Et i l parle sans détour.
Il dit
toute la vérité,
toute l'essence.
Ici,
i l n'a pas seulement
"quelque prise sur
l'essence"
(§
493), mais il a rapport avec la totalité de
662
l'essence. C'est en se plaçant à ce point de vue que Socrate,
le
dialecticien,
pouvait,
dans le g~B~~gB~~§, dire que la Piété
est juste et la Justice pieuse (§
492). C'est ce point de vue
que nous a fait découvrir l'interprétation du morceau final
le
plus important de l'~Ybg~~g~B~. En fait, la finalité ultime de
l'exégèse des dialogues pseudo-aporétiques est de mener l~
lecteur-auditeur (§
400 n268),
en s'initiant à l'exercice philo-
sophique, à se situer sur ce terrain.
Il ne faut donc voir
aucune contradiction entre le discours du niveau l
et le discours
8
du niveau II,
mais seulement un décalage que doit combl&r g&tre
progression en Dialectique. De plus,
ce double niveau discursif,
tout en ménageant, pour le non-philosophe)une vision distante
(et déformée) de l'essence,
en réserve l'accès véritable et plé-
nier au seul philosophe.
§
495.
Pour sa part, Euthyphron reste sourd au
second langage et retourne,
pour ainsi dire,
à ses premières
amours,
c'est-à-dire au s.e.d.
(§
446).
Ce retour n'est pourtant
pas sans intérêt puisqu'il permet de compléter et de
parache-
(286) Ce comblement s'effectue toutefois par un renversement.
C'est le but de nos recherches post-doctorales que de mener,
si
possible, à son terme,l'étude systématique de ces renversements
dans le premier platonisme.
663
ver la critique du ritualisme d'Euthyphron.
Alors que,
pareille
en cela aux vues populaires,
la Théologie d'Euthyphron réduit
quasiment la piété au formalisme de la liturgie (§§
454 sqq),
ce qui importe)pour les dieux,
c'est la disposition de notre
âme (
§ 460).
En définitive,
le devin réduit la religion à
une
sorte de technique commerciale (§
462) qui,
si elle finit
par
nier le profit comme motivation des dieux (§
467),
n'en est
pas moins incapable d'envisager,
pour l'homme,
d'autre motiva-
tion que l'intérêt (
§
468).
C'est donc à
bon escient que
Socrate a enfermé la définition d'Euthyphron dans une catégorie
infâmante ( § 460),
révélant ainsi clairement que sa "piété"
n'est qu'une PV.
Aussi
bien,
saisi de peur et désorienté
(§
479)
par le redoutable déplacement à petits pas (287) du dialecticien,
. i l ne restait au de~in qu'à battre en retraite (§§
479-480).
Mais,
déjà,
le dialogue avait atteint ses résultats essentiels.
Il ne reste plus qu'à indiquer,
dans une ultime section,
que la
tradition scolaire appelle conclusion,
quelques axes stratégi-
ques de l'orientation générale de notre interprétation du
premier platonisme.
00'4
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\\
/
o
ÀOYOl
KE$aÀnV
Àa8Do
Gorgias
SOSd }-4.
i
[
!.
665
§
496.
Voici venu le moment de conclure ce qui
ne se devrait pourtant pas conclure. Mais, comme le Socrate du
ggfg!~§. il ne nous est guère possible de "laisser notre propos
inachevé." (1) Nous indiquerons.
en mahière de conclusion.
quelques grandes directions, qui nous paraissent devoir marquer.
au moins en partie.
l'originalité de notre entreprise herméneu-
tique.
D'abord.
l'originalité de notre méthode.
Elle se manifes-
te sur un triple plan:
-
dans la mise en oeuvre d'une méthode ~g~bZb!~B~,
qui respecte la logique du texte et.
par conséquent.
les inten-
tions pédagogiques et psychagogiques de Platon j
-
dans l'absence d'usurpation, qui caractérise
cette méthode en ce qu'elle laisse.
autant qu'il est possible
dans un commentaire.
la parole à l'auteur, qui.
dès lors.
n'est
plus un prétexte à raisonner ou.
quelquefois.
à déraisonner
ce qui.
souvent.
lorsqu'il s'agit de Platon.
ne se distingue
point nettement (2) j
\\
\\
1
1
(1) A la question:
II
METa~u TOV ÀOYov KaTaÀuooUEV; (505c 7-8),
,
1
Socrate répond lui-même quelques lignes plus bas:
III
Mn yap
,
"""
'\\
1
1
TOl
aTEÀn YE
TOV
ÀOYov KaTaÀE1TI~UEV (505d 7-8).
(2) cf.
ce mot
01
combien admirable
de Goldschmidt:
"Seul.
le constant recours au texte écrit
peut empêcher de déraisonner.
00
encore de raisonner,
ce qui soùvent quand on croit expliquer
Platon.
est
tout
un." in P.P.C.
pp 13-14.
666
-
dans le fait qu'analyse "textologique" et inter-
prétation se mêlent dans le même mouvement démiurgique)c'est-à-
dire philosophique ou,
plus précisément,
dans le fait que l'ana-
lyse se mue et s'institue en interprétation du texte.
§
497.
Soulignons,
d'autre part,
ce qui structure
l'unité de notre travail.
Nous nous sommes efforcé non seulement
de produire une grille générale d'interprétation des Premiers
Dialogues mais encore de la mettre en oeuvre,
grâce au concept
central du Précepte Unificateur et à ses diverses déterminations
(APU et EPU).
Il ne nous appartient pas d~ire si notre entreprise
est couronnée de succès ou si elle a abouti à un échec. Mais,
en revanche,
nous croyons avoir suffisamment mis en évidence
à la fois l'originalité des intentions platoniciennes dans
les
Premiers Dialogues et l'étroitesse de l'interprétation tradition-
nelle,
qui ne l i t dans ceux-ci qu'une vague préoccupation métho-
dologique.
Il n'est certes pas vraisemblablement contestable
que le fondateur de l'Académie ait eu,
dès les Premiers Dialogues,
un intérêt méthodologique.
Mais celui-ci est secondaire et n'est
pas autonome.
Il est articulé aux intentions et aux visées doc-
trinales et pédagogiques de Platon.
§
498.
Les intentions et les visées doctrinales en
premier lieu.
L'ensemble des Premiers Dialogues pourrait être
.'-
667
regroupé sous le titre:
"La chasse aux Valeurs"
(3) et le philo-
sophe (ou dialecticien) se définir "Le chasseur de Valeurs".
Les valeurs (ou ousiai éthiques) sont d' essence !!].g~.§.,;Jg.g!g.yg
ou,
ce qui n'est pas un anachronisme réel, g.g~g.=bg.g~g.yg (4»et
-----------------------------
-----------------------------
(3) Cf. L'admirable ouvrage de Geneviève Rodis-Lewis qui s'inti-
tule justement:
"Platon et "la chasse de l'Etre",
Seghers,
4
1965
(collection:"Philosophes de tous les temps").
Cet ouvrage,
qui est une introduction
et même une invite
à la lecture
de Platon,
est particulièrement impressionnant et,
nous pouvons
l'avouer,
roboratif.
(4) Rien ne s'y oppose,
si ce n'est une vieille timidité exégé-
tique et un scrupule lui-même anachronique,
vite effrayés d'avoi~
au seul mot d'ontologie,
à subir les assauts inquisiteurs d'Aris-
tote,
i l est vrai,
véritable ~g.g§~~~y.§.gb
nous ne disons pas
de la Métaphysique. Car la M~taphysique n'a pas de
fondateur.
Elle s'origine in illo tempore et refuse toute data-
tion factice et fictive.
Ne peut-on dire)en effet)que)dès ses
Il
•
premières expressions)la pensée grecque est onto-logique dans~on
projet encore informulé?
,
,.
000
même,
la fois:
- des paradigmes ou des Idées (ou Formes), c' est-
à-dire des êtres objectifs, qui s'offrent au regard de l'âme
comme expression de la véritable réalité extra-mondaine,
- des reflets) qui !~;!Bb~~~1 les êtres empiriques
qualifiant.
§
499. Les Valeurs sont les choses importantes: ce
qui fait courir le philosophe. Ce sont les choses qu'il a en v~e,
celles sur lesquelles il fixe son regard et concentre toute son
attention. La première liste des Valeurs que nous identifiions
dans les Premiers Dialogues se trouve dans l'!bG!B!~~:gbg~!~~,
-,/
au passage 118a 10-11. Socrate déclare à Alcibiade:
IV
EXE1J
'Y';
>
1'\\..
l
, ; " V : > , . . . . .
\\
,
UE1~W E1TIE1V OlKalWV lE Kal KaÀwv aya8wv Kal aUU~EpoVlWV; Il
s'agit
du juste, du beau, du bien, et de l'utile. Quelques
trois lignes plus haut (118a 7»et cinq lignes plus bas (118b L),
,
1
ces valeurs sont désignées sous le nom générique de lQ UEytalc.
Les trois premiers termes resteront constants, mais le quatriène
ne sera plus évoqué comme existant à part soi, hormis dans l'àbfb-
de son identification avec le juste.
§ 500. Au demeurant, à cette liste, il convient
l
, l .
'\\
certainement d'ajouter la aw~pOaUVn)définie comme lO EaUlOV
669
l
, \\
1
Y1YVWOKE1V (5), non pas en un sens xaTa TnV TEXVnV (6), mais
avec une signification morale et intellectuelle. La ow~poo~vn
semble bien renvoyer à la connaissance du sujet comme en témoi-
1
c . , , : >
'\\
gne le passage 133c 10: Y1YVWOKOVTEJ nuar
aUTouJ. Plus bas, en
l
,
, . ,
,
13 4 cIO-lI,
on retrouve ow~poouvn a cote d une des valeurs de la
l '
1
première liste (7):
ôlKalooUVn KQl ow~poouvn.
Déjà,
pour définir
:>
1
l'homme "EuôalUWV",
le morceau 134a 13-14 dit qu'il faut qu'il
l
':>
'\\
soit ow~pwv Kal ayaSoJ. La liste des valeurs s'enrichira à mesure
que Platon progressera dans sa réflexion "~A-!g.;.g.g1;g.;.~!!~g;.bgg.!gg~".
§ SOI. En tout cas,
la
plupart des Dialogues dits de
jeunesse sont occupés à l'analyse des Valeurs et à la détermina-
tion de leurs rapports réciproques.
L'~Ybg~~9~BB entreprend le
rapport entre la
justice et la piété;
le ~gBg et le g~~êg8~ê§
tentent de cerner la nature des relations que soutiennent les
vertus entre elles;
l'~~!~§;~Jggf s'occupe d'identifier la
nature du Beau tandis que le b~§!§ s'efforce de mettre à jour la
.'
réalité de l'amitié;
le Çg~~~b4g essaie d'élucider le contenu de
la sagesse etc ••• Doctrinalement,
i l nous semble bien que ce
qui fait l'unité des Premiers Dialogues,
c'est la recherche des
valeurs,
avec,pour toile de fond)une
prodigieuse enquête sur la
Valeur.
Si l'enquête su~ les valeurs singulières prédomine dans
(5)
131b 4.
(6)
131b S.
(7) 118a 10.
670
l'espace textuel du premier platonisme, c'est peut-être parce
que la recherche de la Valeur paraît trop ambitieuse, comme
§ 502. Sur la nature des Valeurs,
notre position
peut se dégager clairement et sans équivoque. Le temps est peut-
être loin)où V. Brochard pouvait affirmer péremptoirement qu'il
n'est pas question de la théorie des idées dans ce qu'il appelait,
non sans un certain dédain probablement inconscient, "les petits
dialogues" (9). Aujourd'hui,
avec la tendance à la réhabilita-
tion philosophique des Premiers Dialogues, qui s'esquisse encore
timidement, il semble que la question puisse être posée avec
moins de prévention et plus de rigueur scientifique.'
§ 503. D'abord,
il faut s'entendre sur le sens de
l'expression "théorie des idées", dont on affirme ou nie la
présence dans les dialogues dits de jeunesse. Si l'on entend
1
......
")/
(8) 190c 7-8:
V
M~
.
'1
T01VUV)
W
aplOTE
1
OK07Twl.lE8a
1954, p.36. Cette appellation doit sans doute s'entendre en un
double sens qui renvoie aussi bien à la taille (forme) qu'à la
doctrine (contenu)
les
~(u)l étant mineurs.
671
par "théorie des idées" cet ensemble de vues bien spécifiées et
nettement articulées telles qu'on les trouve dans les dialogues
ultérieurs dits de maturité,
i l faut
répondre immédiatement par
la négative.
Si l'on veut seulement se demander s ' i l y aurait
des traces plus ou moins vagues,
des sortes d'intuitions fugaces
de la "théorie des idées")au sens précédent)dans les Premiers
Dialogues,
la question n'aurait alors qu'un intérêt historique
tout à fait secondaire et ne mériterait pas,
en vérité,
que la
science s'y attardât,
car) avec de la"bonne volonté" et un
peu
d'imagination,
on peut trouver des traces de n'importe quoi
chez Platon.
§ 504. Rejetant également ces deux approches
erronées,
notre analyse aboutit au constat de l'existence d'une
athéorie des idées·qui,
tout en étant originale,
continue d'être
la structure ou le noyau fondamental
de la (ou peut-être des)
théorie(s)
ultérieure(s) des idées.
Dans le premier platonisme.
les idées ont un double caractère:
d'une part,
elles sont
trans-
cendantes
immanentes,
d'autre part,
elles se réduisent
essentiellement aux ousiai
(ou Formes ou Idées)
éthiques.
Elles
sont transcendantes) parce qu'elles sont des paradigmes vers
lesquels doit d'abord se diriger le regard de l'âme)avant
de se
reporter sur nos actes) pour
juger de
leur conformité.
Dans le
même temps,
elles sont immanentes puisqu'elles peuvent in=fQ~~~~
---------
672
.· ...f '
~
(7 bis) lesdits actes (ou objets mondains),
s'y investir et y
g!:!§bg~ à titre de reflets. Il est vrai que,des reflets, on
peut remonter vers la source bg~!~gg§g, à quoi invite en général
le Socrate des Premiers Dialogues. Cette métaphore ne résulte
pas du hasard. En fait,
le rapport entre les Idées (ou Formes)
et les divers actes (ou objets)) dont elles sont prédiquées)est
analogue au rapport entre une source lumineuse (ou réfléchie) et
son image (ou reflet) dans une surface réfléchissante. Le reflet
n'est pas pure illusion; il jouit, au contraire, d'une certaine
réalité en tant qu'émanation (7 ter). C'est une réalité émanée
- réalité qu'il tient entièrement de la source génératrice do:t
il procède. Ces Idées (ou Formes) se réduisent essentiellement
aux ousiai éthiques que nous appelons Valeurs. Ces Valeurs son:
des réalités objectives, c'est-à-dire qui existent en dehors de
ma conscience,
et non de simples concepts subjectifs, dont la
réalité tout entière s'épuise dans leur conceptualité même.
El:es
ne sont pas de simples idées au sens courant, c'est-à-dire
uniquement des vues de l'esprit; elles sont des Idées, au sens
platonicien, c'est-à-dire non pas seulement plus que des vues
de l'esprit, mais la véritable réalité.
(7 bis) Informe~ c'est opérer une donation de forme.
(7 ter) On comprend pourquoi le Grand Plotin est fidèle,
à sa
manière, à Platon,et pourquoi, nous autres,
platoniciens,
le
tenons en si grande estime.
673
§
505. Le bien,
le beau,
le juste,
bref toutes ces
Valeurs qui,
pour le moderne,
ne sont que des notions morales
et,
par conséquent,
ne prennent sens que pour un sujet moral,
sont dotées,
chez Platon, d'un statut non subjectif, et possèdent
une réalité intrinsèque. Elles sont subsistantes et permanentes
car elles sont
et ne sont que ce qu'elles sont:tout ce
qu'elles sont. Leur existence,
dans les Premiers Dialogues,
n'est jamais démontrée,
ni suspectée ou mise en cause. En réalité,
elle ne saurait faire l'objet ni de démonstration ni de suspicion
(§
287). Pour une raison toute simple, encore que nulle part
formulée,
c'est qu'elle est la garantie même de la discussion et
de la fiabilité de ses résultats. Un doute comme le doute carté-
sien est radicalement impensable dans la logique du premier plato-
nisme. A la limite,
peut-on mettre en époché (7 quater) le monde
du devenir, mais il n'est pas possible
il serait même
absurde,
pour Platon
de vouloir faire abstraction de la
réalité des Idées (ou Formes)
fût-ce pour tester négativement
leur nécessité. Car,
posons-le clairement,
les seules réalités
sont les Idées,
du moins aux yeux de Platon et des Platoniciens.
(7 quater) La Dialectique est peut-être avant tout cette mise e~
époché, intervenant il est vrai, selon notre interprétation,
à titre provisoire.
,....
674
§
506. Ainsi,
peut-on comprendre que les valeurs ,
qui n€
sont peut-être pas toutes les Idées, se constituent en un
espace autonome par rapport à la divinité. Les Valeurs ne sont
donc ni le simple reflet d'exigences sociologiques ou subjec-
tives, ni les produits de la volonté divine. Elles existent par
elles-mêmes,
sans doute inengendrées,et de toute éternité. De
sorte que, dans la logique du premier platonisme,
les préceptes
moraux ont une valeur absolue dans la mesure où les Valeurs
sont originaires. Originaires et non originées, telles appa-
raissent les valeurs. C'est bien pourquoi leur nature ne s'épui-
se pas dans leur dimension ou leur manifestation éthique,
quand
bien même serait-elle la plus é=~idenLe.
---------
§
507. C'est ensuite (§
503) pourquoi les valeurs
ont aussi un caractère de fondement ontologique de toute exis-
tence réglée,
qui se donne un idéal d'harmonie et d'équilibre.
De ce point de vue,
qui admet la nature ontologique des valeurs,
la "théorie des idées" n'est qu'un aspect particulier de la
question plus générale de savoir si une visée ontologique est
présente dans les Premiers Dialogues. Lorsqu'on s'est prononcé
sur la nature des Valeurs en général ( §§504-506), on a répondu a
cette question. L'existence d'une visée ontologique est patente
dans des Dialogues comme le bZ§b§ ou l'~Yb~~gf9g, mais elle se
dégage au~si de toute réflexion patiemment conduite et non
prévenue sur lOJnature des Valeurs. Elles sont antérieures à
_---------...
-- - -----_._..-..-'"._...----------- -_....
675
tout logos du sujet moral. Le logos peut bien les découvrir
c'est même sa vocation la plus noble
mais il ne les invente
ni ne les crée. C'est en ce sens que nous avons risqué,
pour
caractériser la nature des Valeurs,
le terme "!lJgb!!-=hggbfl.gg".
Ainsi posé, le terme "méta-logie" est synonyme d'ontologie, du
moins interprété largement. Car, en un sens restrictif,
la "ώta-
logie" désignerait bien plutôt ce qui précède tout acte discur-
sif, et qui en est,
en même temps,
le fondement,
la- garantie et
la condition de possibilité.
§ 508. Dans ces conditions,
on ne saurait guère
s'étonner du statut de la piété tel que nous l'avons identifié
dans l'~gbg~pgfB~. Elle nous est apparue, en même temps que la
totalité de l'espace éthique,
indépendante de la Divinité, subsis-
tante comme aspect ou manifestation de la Justice
valeur
englobante.
Il ne faudrait cependant pas entendre cette auto-
nomie de l'espace éthique comme une atrophie de la Divinité.
Car la volonté divine adhère nécessairement aux valeurs,
elle
est même essentiellement et radicalement adhésion à celles-ci.
C'est que la volonté divine et les valeurs sont de même nature.
Il ne peut y avoir la moindre antinomie ni la moindre contra-
diction entre elles. Pour aller plus loin, et nous exprimer e=
des termes et dans un langage difficilement intelligibles po~~
nos modernes, et dont nous reconnaissons tout le paradoxe,
disons que les valeurs s'b!IJ=PB§g~1 aux humains et aux divins.
Pour la Divinité, cette imposition,
loin d'être une contrainte,
qui entache sa volonté d'impuissance, exprime au contraire son
infinie bonté.
§ 509. Il ne faut toutefois pas oublier qu'en
second lieu (§§
497-498), le travail platonicien recèle d'in-
portantes intentions et visées pédagogiques. La question de
l'éducation (10) est massivement présente dans les Dialogues.
Car à chaque fois que le problème de l'enseignement de la vertu
est posé, c'est l'éducation qui est en cause. Le ~~gg et le
(10) Dans le contexte d'u~e lecture interne, il n'est pas
nécessaire de convoquer le contexte historique pour expliquer
une telle présence, car la question de l'Education est intr~n
sèquement liée à toute philosophie qui s'appuie sur les Valeurs
ou les recherche. Toutefois, nous ne perdons pas de vue ce
contexte. Sur l'Education Grecque, cf.
principalement:
H.I.
Marrov, g!âbB!~g~g=~~~g~~bbgg;~Y§;!~Agbb~Ybb~,T 1 (Le ~ond=
Grec), Seuil,
1948; le toujours actuel P. Girard: l'g4Y~êb~g
aLhénienne, Paris, 1891 et, enfin l'inimitable Eaideia de
----------
-------
W. Jaeger, Oxford, 1944-45, et spécialement le tome II.
IlL---------------
_.,
6 Il
gfgb~gg~ s'interrogent sur la transmissibilité de la vertu.
Soit le gfgb~ggf~§' Protagoras prétend exercer le métier de
sophiste et d'éducateur:
VI
\\
~
"
1
aO~laTnf Elval Kal TIa16EUE1V hvep~-
TIOUf
(11).
Il s'engage à
transmettre la vertu domestique
')
1
\\ " " "
')
l
,
(EuSouÀla TIEpl
TWV OlKE1WV)
(12)
et la vertu civique (TIEPl
'"""
TWV
"'"'
1
Tnf
TIoÀEwf)
(13)
à quiconque se fait
son disciple. Mais
le
sophiste s'enferme dans d'inextricables contradictions en niant
que la vertu soit une science tout en prétendant l'enseigner
(14).
Recourant au mythe
(15)
d'Epiméthée et de Prométhée,
le
sophiste aboutit à deux propositions contradictoires:
d'une
part,
chacun a sa part à la Vertu
(16),
et,
d'autre part,
celle-
ci s'enseigne et,
donc,
s'acquiert par l'application (17).
§ 510. On voit immédiatement, si l'on peut dire,
où le bât blesse. Car dans la mesure où une connaissance pe~t
faire l'objet d'un enseignement,
elle est scientifique;
et in-
versement,
ce qui ne peut faire l'objet d'un enseignement,
(11)
317b 4.
(12)
318e 6.
(13)
319a 1-
(14 ) 318e 6- 319a 6.
(15 ) Pour l'analyse de ce mythe,
cf.
l'article de M.
Luc Brissc=
déjà cité.
(16 ) 322e 3 -
323a 8.
(17)
323c 3-8.
.....
678
n'est
pas scientifique.
Pour Protagoras,
i l en est du maître
de vertu comme du maître de grec,
on le chercherait en vain
car c'est "tout le monde"
(18). Mais alors, ·il faudrait tout
au plus dire de cette vertu là qu'elle n'est qu'une donnée
empirique incapable de rendre raison d'elle-même,
et non une
science.
En fait,
Protagoras lui-même nous livre la clé du
mystêre:
la vertu dont i l parle n'est pas essentiellement
différente de celle de tout le monde:
c'est la vertu démotique.
En effet, il n'est pas vrai que cette "vertu" soit une science.
Elle n'est qu'une somme de considérations empiriques,
qui se
sont progressivement érigées en coutumes plus ou moins diffuses,
en préceptes traditionnels
(19),
mécaniquement repris,
et qui
•
ne peuvent exhiber,
encore moins justifier,
les raisons qui
les
fondent.
N'étant pas une science,
elle n'est
pas non plus
l'objet d'enseignement,
sauf à assimiler le mimétisme à l'ensei-
gnement.
Or,
l'enseignement doit être entendu au sens précis de
ce qui se transmet uniquement
par la production de ses raisons.
cV'
Aussi bien,
ne peut/'s' étonner que "les Périclês et Cie" n'aient
pu,
quoique bons citoyens,
transmettre leur Vertu à
leur progé-
niture
(20).
En réalité,
leur vertu est celle qui ne
peut pas
(18)
327e 3 -
328a 7;
idem in êlfbB.
IlIa 1-4.
(19)
cf.
J. Moreau, Le S.P., pp.23-24.
(20)
31ge 1 -
320c 3.
U 1 ;;
se transmettre: la vertu démotique. Protagoras n'est peut-être
qu'un professeur d'illusions (21) car, en matière de vertu,
il
ne s'y connait pas mieux que ses clients (22). Mais si,
comme
le soutient Socrate,
la vertu est une science et donc suscep-
tible d'enseignement, c'est peut-être qu'il ne parle pas de
la même chose que le sophiste.
§
511. Comment, du reste,
le philosophe pourr~it
il parler de la même chose que le sophiste? Le premier,
dans
ses pensées et dans ses discours, a en vue l'être, le second se
contente d'opiner sur les objets du devenir, qui n'a d'autre
loi que celle de la multiplication des images. Incapable d'en-
visager l'unité ontologique de la Vertu, Protagoras ne voit
entre les vertus qu'un lien sans .consistance réelle; car en
dépit de leur "pseudo-unité"
proclamée (23),
les vertus sont
bien vite renvoyées,
chacune, à sa singularité (24).
(21) c'est-à-dire de pseudo-science.
(22) 313d 9 -
e 1.
(23)323d 3-4.
(24) 32ge 1sqq.
§ 512. L'Education philosophique,
quant à elle,
ne procède pas à la manière d'un Protagoras. Elle est à même
de produire ~~ de montrer ses titres et ses raisons. Pour repren-
dre une métaphore du début du Protagoras (25), elle ne vise pas
seulement à vendre des marchandises sans se soucier du mode
.
' \\ ? \\
\\
\\
d'emploi, mais s'occupe de ce qUl est xpnOTOV n TIOVEPOV TIPOI
'\\
/
\\
TnV wuxnv (26). Or, ce qui est utile (Xr~Grov) ou nuisible
,
(rroV{fCV) pour l'âme ne peut être déterminé qu'à la condition
d'avoir réglé une question préalable: celle de l'Essence, en
l'occurrence,
la nature de la Vertu.
Il est vain de se deman-
der si la vertu peut ou non être enseignée, si l'on ne sait,
premièrement, ce qu'elle est. D'entrée de jeu, le Thessalien
(27) avait commis la même faute méthodologique.
Il y a donc lieu
de commencer par rechercher ce qu'est la vertu en elle-même.
(25) 313d 1 - 314a 1.
(26) 313d 9 -
10.
(27) cf. Première Partie.
681
§ 513. On comprend,
donc,
que l'Education philoso-
phique,
loin de s'édifier sur les amoncellements d'un empirisme
ignorant et prétentieux,
s'institue,
au contraire,
par une
"dissociation"
(28)
constante de l'opinion et de la science.
Celles-ci sont différentes tant par leur nature que par leur
objet
(29).
L'opinion (30),
lors même qu'elle est droite,
n'est
liée par aucune chaine de raisons (31);
la science,
elle,
produit
ses raisons:
elle est raison.
Aussi bien,
le ~gggg, au sujet de
la transmissibilité de la vertu,
débouche sur des conclusions
en apparence mitigées,
ce qui suscite des interprétations diver-
gentes.
Tel fait
de la vertu une opinion droite
(32),
tel autre
un don divin
(33).
En un sens,
ils ont raison:
lorsque la
vertu
(34)
est présente chez certains hommes,
sans y être l'oeuvre
(28)G.R.
Lewis,
op.
cit,
p.22.
(29) Diès, !gb9Yf:g~glâb9g, pp.468; 469.
(30)
Sur l'opinion,
cf.
en dernier lieu,
Y.
Lafrance,
loc.
laud.
(31) ~gggg 98a 1-4.
(32) Brès,
loc.
laud,
p.148.
(33) G.R.
Lewis,
ibidem,
p.23.
On se souviendra que nous avons
nous-même dit de la piété qu'elle était un don des dieux{~4l6J'
(34)
Inutile de rappeler que Vertu et Valeur sont synonymes.
"',T1'''~;>-p:>'"''''',''l,''"'
J
,
,1
682
de l'exercice philosophique,
tant qu'elle produit de bons résul-
tats
et reste en cela similaire à la science
elle peut
-être considérée comme une opinion droite,
ou à la manière d'un
don divin.
En tout cas,
ce n'est pas exactement celle du philo-
sophe. Et,
en un second sens,
la vertu philosophique,
la seule
vraie vertu
en ce qu'elle produit ses raisons et,
est,
par
conséquent,
rationnelle
est science,
seulement science:
objet
de l'enseignement du philosophe~ Le moyen de s'étonner, dans
cette perspective, qu'il faille tracer une ligne de démarcati~
entre éducation populaire et éducation philosophique,
ligne
qui est la même que celle qui sépare,
dans l'ordre de la connais-
sance,
science et opinion,
et dans l'ordre ontologique,
être et
devenir.
*
*
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Djibril
SAMB
Elève Diplômé de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (Vè Section)
Diplômé de l'Institut Français de Presse
Diplômé de la Sorbonne
Membre correspondant de la Société Hellénique des Etudes Philosophiques
Membre Associé de la Société Française de Philosophie
LE PRECEPTE UNIFICATEUR
Dans les Premiers Dialogues de Platon :
L'Exemple de l'Euthyphron
(Structure et contenu Philosophiques)
III. - Annexes, Notes additionnelles, Bibliographie,
Index, Table analytique des matières.
Volume
III
Thèse de Doctorat d'Elal ès Lettres el Sciences Humaines
Présentée sous la direction de M. P. AUBENqUE,
Professeur de Philosophie à la Sorbonne.
Université de PARIS-SORBONNE (Paris IV) 1984
Djibril SAMB
Elève Diplômé de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (Vè Section)
Diplômé de l'Institut Français de Presse
Diplômé de la Sorbonne
Membre correspondant de la Société Hellénique des Etudes
Philosophiques
Membre Associé de la Société Française de Philosophie
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LE PRECEPTE UNIFICATEUR DANS LES PREMIERS
DIALOGUES DE PLATON: L'EXEMPLE DE L'EUTHYPHRON
.(Structure et contenu philosophiques)
III
ANNEXES, NOTES ADDITIONNELLES, BIBLIOGRAPHIE.
INDEX. TABLE ANALYTIQUE DES MA TIERES
VOLUME J Il
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Th è 5 e de Doc t 0 rat d' Et a t ès Let t r e s e t Sc i e n ceetl";:~!:I"'y"l ne s
présentée sous la direction de M.P.AUBENQUE.
Professeur
de Philosophie à 18 Sorbonne
UNIVERSITE DE PARIS SORBONNE ( PARIS IV ) 1984
Djibril SAMB
Elève Diplômé de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes
(Vè
Diplômé de l'Institut Français de Presse
Diplômé de la Sorbonne
Membre correspondant de la Société Hellénique des Etudes
Philosophiques
Membre Associé de la Société Française de Philosophie
LE PRECEPTE UNIFICATEUR DANS LES
PREMIERS DIALOGUES DE PLATON:
L'EXEMPLE DE L'EUTHYPHROK
( Structure et contenu philosophiques)
III.
Annexes,
Notes addi tionnelles,
Bi bliographie,
Index,
Table analytique des matières
Thèse de Doctorat d'Etat ès Lettres et Sciences Humaines
présentée sous la direction de M.P.AUBENQUE,
Professeur
de Philosophie à la Sorbonne
Université de Paris-Sorbo~ne
(Paris IV
)
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~EPn) taut~ ltEOV.
République II~, 3?4d 7-7.
Brachylogie et macrologie dans les Dialogues de Platon
1. A notre connaissance, la brachylogie et la :.acrologie
en tant que procédés de la discussion dialectique dans l'oeuvre èe Pl.2.ton ,
n'ont pas, jusqu'à présent, fait l'objet d'études spécifiques de la p.3rt
des Platonisants. Nous nous efforçons,ici, d'en inaugurer une ét'...de sys-
témique)dont nous attendons, simplement, Qu'elle ait, au moins, le mé~ite
de susciter une étude plus approfondie de chercheurs plus compé:ents.
Seul un tel espoir nous a encouragé et raffermi dans cette ent~rise.
2.Dans plusieurs des dialogues platoniciens de jeunesse,
(Oh d am nt..
Platon ~ !;évèrement la macrologie et, au contraire, prône :a
brachylogie,dont il vante les vertus dialectiques. Cette condamnêtio~ date
684
du début de sa carrière (I). Dans l'Hippias Mineur, il déclare au so-
111-
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(
4)
et.v WE laoalO- OUr/ap av
OLkoÀou8noalWl
373a2-
. Il n'est pas in-
différent que cette déclaration vienne après un contexte où Socrate a
exposé certaines caractéristiques de sa méthode (ténacité etc .. ), déclaré
qu'il livrait toujours ses sources (2) et assimilé son ignorance 2. une
ma.ladie) qui dema.nde une guérison de l'âme 0) 072e7). Mais pourquoi Socra-
te se déclare-t-il incapable de suivre un long discours? On peut identi-
fier trois raisons au moins. La première est d'ordre méthodologique. IPJ1S
l'Alcibiade Premier, Socrate écarte en son principe même le discolè~ :on~
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1
OlOUJ ôn aKOUElV El8loal; ou yap ~OTl TOlOUTOV ~g$ho6b 1-2).
L~licite~nt, c'est la brachylogie qui est supposée être la manière 50-
cratique. Au demeurant, cette observation est mise en relation dL~cte
avec l'interrogation dialectique,qui ne pose/comme seule conditio~ de son
déploiement,que la capacité de l'interlocuteur à répondre aux que5tior~.
(1) cf. Alcibiade Premier Io6b 1-2 (~ infra); Protagoras 334d 5,
336è l
JI
(5 nI4); Gorgias 449b 6-9 (5 n
), 461 d 6-7: Socrate à Polos:
....
xpn 08al •
(2) 372 c 3-8. Ceux qui s'intéressent aux pre~iers dialogues doiv~~t r.é-
diter ce passage où Socrate affirme livrer ses sources.
(3) C'est là une position constante des dialo~es.
685
La seconde raison est clairement révélée par le texte de
l'Hippias Mineur que nous avons déjà convoqué. Socrate s'y déclare inca-
)
\\ ) t )
/
pable de suivre un exposé long
-ou yo.p o.Vo.KoÀou8noo.ll.ll <3732.4). Le
sens de ce texte nous est donné par le Protagoras
334c 10- d Iloù Socrate
"'SI ) /
allègue son peu de mémoire (4) pour récuser la rnacrologie: E0.V 11 f lJ 0 l
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lJo.Kpo.
ÀEY!1 E7T1Ào.v80.vOlJo.l
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ou o.v Tl 0
ÀoyOJ.
verra)p_us ~OlTI)
s'il faut prendre cet argument à la lettre (5). La troisième raison est la
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necesslté de l'lnstructlon. C'est le sens de l'Euthvohron
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O..}Oo.Ço.l
WV npWTWV' o.ÀÀo. yo.p ou 7Tpo8UlJoJ lJE El \\/ • Au demeurant, lorsqu'il
argue de la guérison de l' ârœ dans le texte sus-mentionné de l 'Hiooias-
~ineur (372a 2-4), Socrate ne dit pas autre chose. Car c'est une èoctrine
platonicienne bien connue que l'ignorance, maladie de l'âme, se périt par
l'instruction (supra).
( 4) Lorsque dans le Ménéxène, le personnage du même nom dem311de à Soc:-ate
s'il se rappellerait le discours d'Aspasie, celui-ci répond:" ... j'apprenais
de sa bouche, et j'ai failli recevoir des coups parce que j'oubJi:::is"
236c 1-2 (Budé). En effet, le discours d'Aspasie est fort long.
(5) Cet arfSlIDlent est écarté par Alcibiade dans le Protagoras (5).
000
3. La macrologie présente bien d'autres inconvénients (6) Qui
sont exposés dans le? dialogues. Un passage intéressant du Protagoras
mérite une interpellation. Il s'agit du morceau bien connu 320c 8 - 328d 2.
Le célèbre citoyen d'Abdère vient de faire un long exposé mythique (296
lignes!); l'entretien va reprendre sous forme dialoguée. Après l'avc~r
félicité (7), Socrate compare Protagoras aux orateurs politiques. Ce'~-ci
sont capables de prononcer de fort beaux discours mais ils sont comparables
aux livres, c'est-à-dire à l'écrit)en ceci qu'ils ne sont pas ca~ables
de répondre à une ouestion supplémentaire. Ils ne sont bavards que lorsq'.leJ
précisémentJils ne sont pas intérrogés. Interrogés, ils s'isole~t ~îS
un énigmatique silence (8). Car les livres /~e peuvent ni répor3re roi
interroger (9), tandis que sur ~e sujet traité par eux, parei~s d ces vases
(6) Platon ne manaue pas une occaSlOn de faire l'éloge du Laco:-J.sme des
Lacédémoniens (Prat. 342e sqq) assimilé à la culture de la philosClp:-:tie. Tl
en est de même des anciens sages (Solon, Thalès etc ... ); cf 34)0 4-5. &~
la liste de ces sa~es, voir L. Robin in Les Orip:;ines de la pensée c"'ecc'....'e
p.26 et Prot. 343a 1-3.
(7) Il s'agit du premier texte mythique qu'on trouve dans Platon. =1 est
significatif qu'il soit prononcé par Protagoras.
(8) D.Samb. Le Précente Unificatuer dans les Premiers dialogues de ?lato-:'L
Les différentes étapes de son élaboration et le destin final de l'~nauête.
p. 3. Université de Dakar,
1981.
(9) Sur la position platonicienne concernant l'écrit et son statut cf. )é:~
Hippias !-tineur 365d. 1-2; ProtaP.;oras
32qa 1-8; 'P"~ère 274d; r~c} 2762., .'-:::r"
)
Lettre VII 3111c-d, 34;;b-344c ... et\\ana.lyse intéressante de V.Descœbes 1:.
Le Platonisme, p.9 sqq( Paris, PUF, 1971)
687
d'aùRain qu'un choc fait r~sonner longuement (ID) et qui vibrent jusqu'~
ce qu'on les touche, de même la moindre question leur fait d~velopper un
discours interminable." (II) On croit entendre/ici, les reproches célèbres
que Socrate adresse à l'Ecrit dans le Phèdre (276a-276d). C'est que
l'Ecrit et la macrologie présentent certaines défaillances cOITITIU.œS.
4. L'une de celles-ci est que, comme l'Ecrit, non seule~nt
la rracrologie ne sait pas répondre, mais encore, lorsqu' elle s' y efforce/
elle fait hors sujet. Socrate, s'adressant à Callias, formule ~e double
sm
.-:,-)
'"""
')
"-
exigence pour que l'entretien puisse se poursuivre:
E~ OUV Em8UUE1J EWCü
,
/
')
j
1
1
Cf
, " -
1
" ) '
Kal ITpwTayopou aKOUE1V) TOUTOU ÔEO~ wanEp TO npWTOV UOl anSKplva:o
:>
1
\\
1
\\
) '
,::>
1
CI
ôla I3p a XEwv TE Kal aUTa Ta EPWTWUEva)OUTW Ka\\ ~{JBKp;v f(i~~.1 La
nécessité de la brachylogie est ainsi réaffirmée en même temps qu'~~ re-
proche de diversion est adressé au discours long. Celui-ci est coupable èe
décentrement du processus dialectique~en occultant ce qui est e~ questio~)
et en étant source de déviation. La macrologie est l'envers de l'e~gence
du débat dialectique. A contrario, dans le même morceau
iJrrn§dia:'emen:
après ce passage
Socrate fait remarquer que le discours bref es:' la
/
~)
\\
1
1
(
/
'"))
condition du débat: El ÔE UT1) T1J 0 TponoJ EaTal ~ÀoJ'WV; (13).
(10) Nous soulignons.
(II) 329a4-bl. Cité d'après la traduction de M. Croiset dans la Collectio~
des Universités de France.
(12) cf. Protagoras 336a4-bI.
(13) 336b 1-2.
688
5. A cet égard, il est particulièrement utile de s'attarder
sur l'intervention d'Alcibiade pour que s'organise un débat dialectiqueJ
c'est-à-dire axé principalement sur la brachylogie. Son argument est
subtil. Socrate avoue son incanpétence ès macroloq;ie; en revanche ~ pour
ce qui est de l'art du dialogue, il ne le cède à personne (14). Donc, de
deux choses l'une: ou Protagoras reconnait son infériorité pour ce qui
est de l'art du dialogue
Socrate n'en demande pas plus
ou i l
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prétend le contraire, alors, il doit se S01..L'11ettre à un débat E pWTWV TE Ka l
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(15). A cette occasion, Alcibiade~ qui s'inscr:t ici
dans une ligne tout à fait socratique, fait trois reproches précis au
discours long, à savoir: I) il esquive l'a.."'"'glID1entation, 2) i l re:use de
se justifier et 3) il décentre la discussion en faisant oublier ~
auditeurs "sur quoi portait la question posée" (16). Il est, par ~~lleurs,
si~ificatif que, da~s le 8ême mouve~ent, Alcibiade re~ette en cË~e
l'argument de la mémoire av~cé par Socrate en 334c10-d1 (~ supra). Car,
dit-il, il s'agit d'une plaisanterie, Socrate ayant une excellente
(I4) 336c sqq.
(15) 336c5; id.
Gorgias,où S. demande un entretien qUl se ë~~ule: T~
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(16) 336 (Budé).
689
mémoire (17)
ce qui est, du reste, comme bien nous savons, ~~~ carac-
téristique du p~ilosoPhe (18).
6. Une autre défà'ill èlnce de la macrologie est qu'elle oblige à
s'appuyer sur les mythes ou les citations des poètes. On est ainsi, au
fond, le porte-parole de voix étrangères (19). Or cela pose un problème
herméneutique important. Car on ne peut les convoquer pour répondre sur ce
qu'elles ont voulu réellement signifier (20). Enfants sans père (21),
mythes, légendes et poèmes se prêtent à tous les détournements de sens
possibles, car il est essentiel, d'après un passage célèbre du Go~ias,
que l'interlocuteur témoigne pour lui-même (22). Il faut,donc,comr.e Y.
10 "8
invite la brachylogie, au contraire du discours~se fonder, dans un en~re-
(17) cf'~~r·lrI535cIsqq; Lettre VII, 344a3-4, 6-8 et V. Goldschmidt in Les
Dialogues de Platon. Structure et méthode dialectique. PUF, 1947, p.4.
(18) cf. note 17. On cŒJl)rend du coup que l'argument de la mémoire soit.
ponctuel (2) et tactique.
(19) Protagoras, 347e3.
(20) Ibidem, 347e4sqq; Hippias ~1ineur 365dI-2; Ménon 7Id5-5.
(21) Phèdre 275c - 276ê.
(22) Platon est sans doute le premier penseur à rejeter, par avance, l'ar-
gument d'autorité qui, comme l'on sait, rut si nuisible, pendant lo~emps,
à lê pensée libre et vivante. cf. Gorgias 472b5 sqq.
690
tien dialectique, sur ses propres ressourcesJpour découvrir la vé~ité (23).
AinsiJle refus de la macrologie est l'interdiction du discours par pro2U-
ration.
7. Cependant, les adversaires de Socrate ne s' astreig:lent pas
de bon coeur aux contraintes de la brachylogie. Dans le Prota~oras, e~
329b2-6, Socrate a beau louer la double capacité de Protagoras à ~poirlre
longuement ou brièvement, mais celui-ci maitrise parfaitement l'e~eu
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tit.nn ne se place pas da'1s une optique différente lorsque, tout en se :"J.at-
têTIt d'être un expert aussi ~ien en rnacrol~~ie qu'en brachylogie, il jé-
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(25).
(23) Protagoras, 348aI sqq.
(24) Il faut se souvenir que le Phèdre présente les sophistes; no'carrrne:!t
Tisias et Gorgias, co~e les inventeurs des discours brefs et des dis20urs
longs. Toutefois le Soohiste a l'air de présenter le sophiste pl~ôt ~omme
l'expert en disCGurs brefs, et leonuoÀoY1K6vcomme celui des discot.::"s
longs. Cependant, la différence porte plus sur le point de vue 0".0 Si...::' le
fond.
(25) Gorgias 449bIO-II.
691
8. Il est symptomatique Que Socrate ne conteste pas cette
position du Léontin, se contentant simplement de lui demander des répc~ses
brèves. C'est que, pour la première fois, dans le Gorgias, s'esqùisse un
processus de valorisation de la ~crologie,Qui est reconnue, si l'on peut
dire, d'utilité dialectique (~)
(26).
Socrate vient de prononcer un discours relativement long
pour définir la rhétorique (27) (57 lignes!). Puis, il déclare: "C'es~
peut-être une singulière inconséquence dq ma part d'avoir parlé si loy~ue-
ment après ~'avoir interdit les longs discorœs; j'ai pourtant unq excuse:
quand je te parlais brièvement~ tu ne tirais rien
de mes réponses et tu
me demandais de~ explications. Ir
(28). Au livre \\JI de la Réoublioue, à
Socrate déclarant qu'il avait fallu une lono~e discussion pour àé~~er
~}[i)J
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le philosophe du non-philosophe, Glaucon retorque: l aw l
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OU po.OlOV
(29). Socrate, en effet, l'approuve (30).
Intnédiatement après le passage du Gorgias que nous avons cité
(supra), Socrate précise que les réponses peuvent être développées daJS la
(26) Déjà, le Protagoras, timidement, avait esquissé une limite ~ la
brachylogie (334e).
(27) Gorgias, 464b3 - 465eI.
(28) 465e 3-7.
(29) 4!34a4.
OC)) 484a5.
692
mesure où il les trouverait insuffisantes. Autrement, il revendique le
droit de se contenter de réponses non développées) i.e. brèves.
9. On note, bien entendu, que les condamnations de la rracro-
logie, se font moins nettes à partir du Gorgias (31).) qui semble ::-ême leur
am§nager "une utilité dialectique" (~). Cette tendance, déj à tirr.ideme:1t
esquissée avec le Prota~oras (§7), se confirme dans les dialogues ultéri-
eurs de la maturité et de la vieillesse. Dans le Phèdre, en 267c, Socrate
raconte qu'après avoir présenté à ProdicoslTisias et Gorgias)co.ëCe les
inventeurs '~es discours condensés ou amplifiés à l'infini sur n'impc~te
quel sujet" (32), il se vit répondre que l'art du discours ne co:-.sist=.it
ni dans la prolixité ni dans la concision, mais plutôt dans la j~te 3e-
sure. Ainsi, rracrologie et brachylogie sont toutes deux répudiées C<:Jl":"I:1e
principes devant présider à la discussion dialectique. Comme procédés rhé-
toriques, le Phèdre les rattache très nettement à la Sophistique (33).
10. Confirmant la même tendance, le Politique procè~e à ~
(31) Ce qui confirme une fois de plus le rôle de rupture du Gorg~s. ~f.
D. Samb, op. cit. p.123 sqq.
(32)
Traduction ChaM.bry.
(33) Dans le Sonhiste, l'orateur populaire (ornlO t-oy l K6v, 268b7) est pré-
senté comme le spécialiste des discours longs, alors que le soph:ste est
l'eXPert des discours brefs)~ui contraignent l'adversaire à la ccntréjic-
tion (268b4).
critique méthodologique en règle de la macrologie et de la brachylogie
posées comme principes (34). Il est significatif que l'Etr~r ait, au
préalable, défini le but des entretiens dialectiques. On ne se ~~e pas
à la chasse d'une définition du tissage
''pal' amour pour le tissage l:Li-
même 1/ (35), même si l'on s'attarde longuement sur les détails de cet ::.~--t
(36). Ainsi, le dialecticien prévient-il les reD!'OC'1eS que l'on ;J<mrl2..it
faire à la longueur de certains développements antérieurs toucha..r:: la révo-
lution rétrograde de l'univers (37), le sophiste lui4TIême (38), l'existence
du non-être (39). Ce disant, le dialecticien se prémunit, pour l'aver~)
contre de telles critiques (40). Car, maintenant, le critère gén§~l (41)1
pour juger de la longueur ou de la briéveté est nettement défini corme
J
étant lel-J~TPlOV(42) ou le lTP~lTOV (43)) qui relèvent de la l-JETPl'lLlK~ (44),
(34) L' ambiguité du statut de la brachylogie et de la macrologie ./3. ê-:re
dissipée (II, 12, 13).
(35) Politiaue, 285dI3-I4 (Budé).
(36) 286b 7-9.
(37) 269a-b sqq.
(38) Ibidem, passim.
(39) 284b-c.
(40) 286cI-3.
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(41) 283c 3-7: IIpwTov TOlVUV l6wl-JEV 1Taoav Tl'lV TE UlTEptrOÀr;') K~l TTI\\'
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(42) 28~'a2.
(43) 286d2.
(44) 283dI.
694
SCIence permettant d'apprécier l'excès ou le défaut (45). L'Etranger
confirme donc
et assume pour son corrpte
la position que Prodicos,
dans le Phèdre, par Socrate interposé, opposait aux sophistes Tisias et
Gorgias (9 ) .
II. Cependant, ici, la critique va beaucoup plus loin. En
effet, d'une part, la longueur et la brièveté ne seront pas déterminées p~
rapport aux dimensions des parties du discours, mais bien par rapport au
1
7TPE:7TOV; d'autre part, sernble-t-il, tout ne sera pas soumis au seul cri-
tère dU7TpÉ7Tov(46). Car ni la considération esthétique ni même celle de
l'efficacité quant à la solution la plus économique (47) de la question
débattue ne sont primordiales du point de vue de la raison. Il s'agit~
avant tout, comme l'atteste une déclaration antérieure, non de l'amour de
la définition pour elle-même (§ 10), mais de devenir de meilleurs dialec-
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(48). Aussi bien:Ko:~ tS-n KO:\\ ÀOYOV)lV'TE: 7Tu)..J)..JnKllf ÀE:X8E:\\J 'TOV O:KC'J-
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wCetvfwS·
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&yo:vO:K'TE:1V 1iV'T)
0:0 8po:x6t~P6ry:(49) Du reste, l'adversaire de
(46) 286d3-4.
( 47) 286d8 sqq.
(48) id, d8-9. S'il est vrai que le texte nomme en propres termes la
W ;"V
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...
diaresis ...'ToU KO:'T ElOll ouvO:'TOV E:lVO:l OlO:lPE:·lV ... (286eI), il faut,
néanmoins1 met tre, ici, l'accent sur la méthode en
général.
(49) 286eI-4.
1
695
la macrologie est sommé de produire ses raisons. En d'autres te~s, il
doit démontrer que la brachylo~ie eût mieux convenu aux auditeurs en les
rendant à la fois plus dialecticiens et plus co~étents dans la découverte
des démonstrations qUl conduisent à l'exhibition des réalités
(50) .
C'est du même point de vue que Socrate oppose les o~te~s aux
philosophes. Les philosophes ont du loisir (SI) et s'entretiennent tout q
leur aise: ., nue la discussion soit longue (52) ou hrève, que le:Œ' -z..ri?or-
te pourvu qu'ils atteignent le vrai." (53). Ccmne le fait remarquer, avec
raison, l'intelligent (54) Théétète, l'argumentation est au service du
philosophe, et non l'inverse (55).
12. Il nous faut, à présent, retourner au Phèdre)qui nous
renseigne)aussi clairement que possible> sur la nature du critère suprême
(50) 287a4.
(SI) 272b9-CI et,plus tard,Aristote.
(52) cf. déjà 163d)où Socrate déclare avoir eu recours à une bie~ lo~~e
phrase pour expliquer une question ~ Théétète.
(53) 172d. Il n'en est pas de même des orateurs pressés par le temps et
qui ne peuvent dire tout ce outils veulent (I72d-I73c).
(SlJ) cf. 144a-d.
(55) L'orateur, par contre, est tout entier au servlce de son argume~ta
tion. Il ne pense pas à la vérité mais ~ l'efficacité, c'est-à-dire ~ obte-
nir gain de cause. Citons/de mémoire)l'édifia~tedéclaration de Joeb~ls:
"Je ne parle pas pour dire quelque chose) mais pour obtenir un ce:'tai.'1
effet" !
696
à la détermination de la longueur ou de la briéveté des dis-
cours. Socrate part, en 270b, d'une analogie entre la rhétorique et la
médec ine (56). Pour donner au corps force et santé, i l faut analyser et
connaitre la nature du corps; de même, pour conduire, par le discours,
l'âme à la justice et à la vertu, il faut connaitre la nature de l'â7~.
Il faut pouvoir détermLDer
et classer
les différentes espèces
d'âmes, répertorier leurs affections et leurs passions, repérer leurs
causes spécifiques. Alors, on peut établir les différents types de disco~~}
efficients ou inefficients) selon les différentes espèces d'âmes (27Ib).
Car à chaque espèce d'âme correspond Q~e catégorie particulière de dis-
cours, si bien qu'il y a autant de types de discours qu'il y a d'espè:es
d'âmes)avec leurs qualités et caractéristiques propres. Lorsque l'on est
armé de cette typologie des âmes et des discours (57), on est à même de
déterminer le discours approprié (ou parfois le silence) et l'opport~ité
d'être long, ou au contraire, concis (58). Cependant, il reste q~e, toutes
conditions étant §gales par ailleurs, on choisira la route la plus f~cile
et la plus rapide "car ce serait sottise de nous engager dans les détours
d'u'1e route longue et âpre. Quand nous pouvons en prendre une C0:œte et
',A>;ie. "' (sq). On croit ente!1dre ici les propos bien plus tardifs je
(56) Sur l'utilisation de l'analogie de la médecine dans le corp:.J.S plato-
nicum, cf. R. Joly, Platon et la médecine, in Bulletin de l'Assoc:ation G.
Budé, Ig6I; Y.ucharsky in La Spéculation olatonicienne, 1971, Paris, ç.I7I.
(57) c~un bon commentaire de ces passa~es chez Kucharsky, op. cité ~.I77-Sg.
(58) 272a et sqq.
(59) 272d (Chambry).
69ï
Socrate, dans le Théétète, reprochant à son interlocuteur du même nŒ1,
lorsqu'à l'instar d" Euthyphron (60) pour la piété, il répond
-
pour dé-
finir la science
par une longue énumération de sciences, d'~runter
"une route interminable" au lieu de donner une réponse banale et brève
(61) .
1
11
13. Il est temps, maintenant, de dresser le bilan d~ not~e
1
j
enquête. Les vues platoniciennes sur la brachylogie et la macrologie ~e
sont pas restées figées. Cependant, c'est moins le substrat de ses vues
que son point de vue qui a évolué à mesure qu'il maîtrisait de rrJeux en
mieux les nécessités de la construction d'un entretien dialectiQ~e. Lors-
Qu'on y réfléchit bien, l'exi~nce brachylogique de la part de l'~te~
locuteur, de l 'HiDDias r1ineur au Théétète)demeure identique. Car il œ
peut être question, corrrne le veut le polyrrathe Hippias, d'opposer
"-
rI ).6yov
iicoa
À~YOV-'·" (61 qis), laissant la masse, seul juge. Il est toujo'-'-'.""S derna.n-
dé à l'interlocuteur une réponse brève et précise qui en permette, éven-
1
tuellement, la réfutation en bonne et due forme. Dans aucun dialogue, il
i
1
ne sera laissé libre cours, durablement) à la logomachie des rhéte1JI's et.
Il
(60) Euthyphron 5d7 SQq.
(61) I46e SQq.
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(61 bis)
Hippias ~-1.ineur:
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au
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aVTl1TapaBaÀÀE
ÀC"OV
ëo.J'l
,
. 369 c 6-7.
autres sophistes. Procéder autrement rendrait impossible tout dialogue
(62) et, en lieu et place, s' égren erait une suite de longs momlogues
d'où serait probablement exclu tout intérêt dramatique. Toutefois, à
partir de certains indices du Protagoras (7 ), en tout cas dès le
Gorgias (63) (7-8), Platon cQ~rend peu à peu la nécessité de li~ére~ le
dialecticien des chaînes de la brachylogie. A cet égard, nous n~JS
sommes parfois laissé dire que le mot du Léontin dans le Gorgi2.5 (El:J\\ v
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TIO l El oea 1) (64) pourrait être interprété, non sans d'infini es p:'éca-...r':ions,
corrnne une critique adressée par Platon à une sorte de dOg]l1e que son
maître aurait professé. Du reste, dans un rrorceau postérieur (65), S:>cret::
(62) cf. SODhiste,où Socrate le jeune demande à l'étranger s'i: pré:'ère
s' exprimer\\\\.IaKP~ Àby~ t
(217c 3)} ou s'il préfère la méthode ~"1ter:'Oga-
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tlVe\\.EPwTnOEWV
,2I7c
-5; naturellement
mterrogatlon sl.Qpose lCl
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la brachy ogle.
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10 Ka6 CXUTOV - . 2I7c
-d2. La doclllte de
ll1terlocuteu::' est donc
une qualité pour un bon débat dialectiaue.
(63) cf. 7 n25.
(64) 44gb IO-II.
(65) 465e 3-7.
699
ne s'accusera-t-il pas d'inconséquence pour avoir fait, lui~ême, une
macrologie? Mais, on s'en souvient, il justifie immédiatement le procédé
macrologique par le fait que Gorgias ne comprenait rien à ses discours
brefs. Cette optique) timidement ouverte ici, s'exprimera plus t::>~ par
le double rejet de la brachylogie et de la macrologie qu'opère le
Politiaue,et qui peut s'analyser en termes de distinction entre ~rocédés
et méthode. Brachylogie et macrolof,ie seraient alors nettement perçues
comme simples procédés au regard de la méthode dialectique. Sous ce rap-
port, il n'est pas indifférent que notre texte associe cette dry~le cri-
tique à l'affirmation de la primauté de la méthode dialectique. ~, la
doctrine du Phèdre adapte tout f)J'océdé rhétorique, COT1T'1e le son:' bT'2.chy-
logie et macrologie, à "l'âme-cible" ou, si l'on veut, destinataire du
message. Du coup, c'est l'exigence de vérité qui détermine la forme du
message, et non l'inverse.
En snume, si le dialecticien s'est libéré de la pesanteur
de la brachylogie posée trop rigidement, l'interlocuteur y reste, po~
l'essentiel, soumis. A mesure que nous avançons dans les dialog~es, le
caractère doctrinal du messa::çe s'accuse
et Socrate cède la ~lace à
des Professeurs. Aussi bien n'est-il pas étonnant que, dans les dialogues
les plus taroifs, l'interlocuteur se aoit transformé, peu à peu, en répon-
dant docile et soumis (66).
(66)
Sophiste (supra~ n62).
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ln '::1
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Cette annexe permettra de se reporter constaQment 8J ~exte
de l'Euthyphron à partir du passage 9 b ,c'est-à-dire 2 p8~tir
de la troisième définition,où s'élaborent les argument8~io~s
centrales du dialogue.
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ment l'opposl'e J .. crllc 'l'l'a ';11''''''':'' I,' 1''';'1<', '1"0,,,1 il a ,lit:
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,'r.<I01c, ""ulllr le nombre impair l'st
pÔplOV yàp .. l/i<:l~ oÉouC; ~crnEp &pIOp01) 'Up"'t'tOV, Glou cOx.
UW)
parLie du nOILlbrr
t'n ~éuér.tl. de .,.>rlt' que, s'il Il'Y a pas nombre impair parlout
'(va nEp àp"8p6ç, fv6.:l lCal TlEpl't't6v. \\va oÈ TlEplTt6v, lvSa
ou il ~ a nombre. en rennche, parloul où l'SI un nombre
1C0l1 6cpISpCe;' ~n':l ya.p "ou vOY YE;
impair, il "f a un nombrr. ~le suis-lu 11 présent ~
EV0. ncivu yE,
EUTHTrIlItO:'l, -
ParfllÎteml'ol.
LO, Tb 'tOIOO'tOV 'tolvuv lCat ÈICEI HyColv ~pW1:wv. àpa 'va
:X.cRHP., -
'1. question était tout à fait aoalogue, Je tr
demandai" si parlouL ou il '1 1 justice, il y 1 lussi piél6; ou
OllCOllOV. ~1/6 .. ~Oll bo\\ov ; ~ '(va pCv 1I0\\OV, h6a "ai. S<lCa,o\\l. d
d
birll si. l,.)ul cr qui l'si pieux élant juste, il peut y avoir
'(va ot o lr::CllOV , où nav'tOox.0v lIa,ov' p6PlOV yàp 'toO <S,r::<lLOU 'to
né-annlnins quelque cho.t' de jusle qui ne soil pas pieux,
l!OIOV' olhu ~i"EV ~ 5,),).Cole; 001 <SOKEL ;
La pi.iIJ "~rllil hlM~ uoe parliede la jUltic., . .\\cceploos.nou~
EV0. OVIC, cU.À' °t>'t Col , 't'Cl~V!1 Yel? t'0l 0i'6<:)c; Ài:YE'V,
celle id:"~) ou propo.es-tu lutre dlOse ~
EUT"YI'IlIl(),~, - :"\\00. lu me p~rais dire vrai.
1:0.\\ ~Opa o~ TO ~E'tQ. 'toO'to' Et l'clP t'ipoe; 'tO ~Ol"V 't"o
:'<,CM\\H. -
H"nl3rqll~ donc ce qui ;;'ensuit. Si la piél~
o,r::<llcu. OCI o~ ~t'ii~, we; !:OlICEV, ÊE,EupElV 'tO TlO'OV l'C?O~ 8.v
u,:;t '1'1'1,,111' p.. rlÎe de Id justice, il nous faut dé.:ounir, cr
d'] 'taO ~llCalou 'tO 1I010V, E: pÈv ouv av ~E ~pw'tae; 'lI Té:iv
m.~ ~(,/llLl.,. qUl'llr est l'l'Ut' partir de lu justice; comme duns
vuv5~. otov TlO'ov t'EpOe; ':a't'v &p,O!-,oO 'tO 6pnov Kal '\\tc;
le ('ilS pr"'cédent, si tll Ill'avais dCnland~ quelle partie du
l::;v TuYXà'J[, oC'tOC; b d.pl6t'0e;, ~~nuv .iv b'H bc; &v t'il "~"À'1
nnmbre l'~t le Dombre pair et quel rst son caractère proprl'.
j" t'Mur.li, répondu que c'esl cdui qui est divisible en deu\\
"'OC; ~. ~ÀÀ' too~lI:À~e;' ~ ov OOHl avl :
tnlil'r. ';1l"Ul. Sommes-nous d'accord}
EV0, "Et'o.YE.
f.UT"'Pllkù!'l, -
l'Irf.. itemetll.
!:n, nuoCl O~ ul Où trt: où'tu olo6E,a' "lb TlOIOV pi.poC; c
e
S"CM4TIl, -
Dl' mélol', l'ssaye dl' m'rmcil(ncr qlll~lle parti!'
'taO S'lCa,vu ~al6v ("'l.v, ',_a ~'"
Md,~"t~, Ài.yc.>t'LV t' rl"c8'
de 1. justicl' esl pieus~, afin que nous puissions siJ.;nifil'r i,
~~ae; OO'''E;V t''l0l: d.a,6clae;(p"<f'Ea8a, 6e; l~avwe; l)e'] napel
""lél,,"
d~ 01' plus 0011; chl'rchl'r noise l:0 nous accusant
d'impiété, du nloment que nous aurioos appris de toi parfailc-
ooÙ pf:pC&8']~6T .. e; "tlol 't~ Eùa,ô;l ~al OalO KC&llo. 1''1'
rnrnt cr 'lui esl pieux, ce qui est religieux et Cl' qlli nI' l','st pas,
EV0, T :jl0 'tc<vuv "t'U.)'L ':O'l:, ~ :[';'~i'o:lnc;, 'lI, t'I.p'''.
ElJrllYPUkO:'l, -
f::h bi('n, Socrall', \\'oici Il parlie de la
1:00 o,"cxlou Ehal EùaEOEe; 'lE "ol l::>aluv, "tO 'OEy' "tIl''' 'lw_
justice rlui ml' sembll' élre pieuse et r('ligieuse ; c'I'sl celle qui
8Eé:iv 8Epa11E 'Olv' "to 5t 11Epl "t~ v 'té:iv uvOpc.::nùv 'tO Àomov
concerllc les soins dus lUI dieul; le restl', c'est-à-<liTl: tout c('
/Iui sc rapporte aux hoollTles, forme l'aulre par lie de la jll<licc,
t.1val '\\ou Oll<aluu f'LPUe"
Sf)':ItAlE. -
CC (~U(' lu Jis I~, ~:lIttayphron, Ille pnr~lt 1'\\I~cl-
:[0. K",( "oAwe; TÉ t'0l, .:. E'~&u'1'pçv, 'Fatv!] Ài:YClV. 6.ÀÀà
13
/1'111. 'l'o'llt·fois, eocore lin l'dit éclaircissement. Je Il'I'ol.. nd,
0P'900 't'_a.:; /.,' ~voülC; Elt'l' "tt,v yô.p 8EpaTlElcx'l oOTlw 13
pas Lirll CI' Ilue lu appelles u soills ., Sacs uOllt,· cu nI' wnl
auvl']pl ~V'tlV" 6v0t'6~c'e;' oG yap TlOU HYElC; y~ OtOlL TlCp
pas dt', snillS ordinaires 'Ille lu a" cn vue, Il propos d"s dirul,
lC<lt at nEpl 'tà ~;,Àa 8'pcxnE;Cl~ t:ta,v, 'tO'ClU't'lV lCal TlEpl O(ove,'
Ce lerllle a U/l sens usut'l; nous <fiso/ls, par eump/r.: • loul
Ài:yo\\,u '(elp nou' ct6v cyc&p'v' '(nTlove; av "Ge; lTllO't a't Cl ,
Ir 11l", •• J., "" ;"/lll'nell,a, il soigoer ll's c))I!VSUl; c','sl ]'ulT~jrc
du ""I..frt'nier, a :\\'eSl.c~-pas vrai}
SlI:p .."EÛE'V. dLU" .\\ tnTlllCÔç' ~ yeilp;
EUTlnpURO!'l. -
Assurément.
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nôvu yE.
SOl.k q'~. -
Et, en 1'(T('t, ~a spécialjt~c'l',t/I' soin dl"1 ch('Ylux.
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Sans aucun doule.
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SOCRH!:. -
Pareillemenl tOltlC~ ceJ !Jrllc5 œuvres 'lur
1:0. Tl H ~~ ; 'tWII non~1I Kal ICClÀCII & 01 8EOl &.nEpyc..-
fonl I~s dieux, en quoi 5e réwrncnl-dlts.J
l:;oll'tal, 'tl 'tl> ICE'fl6.:\\l1l611 lo'tl 't~e; lpyaolae; :
EUTUTPlIROII, -
J" ,.iem de le dirr. Socratc, 'lue c'eslunc
EY0.
Kal &Uyoll OOl nF6'tEpoll Etnoll, w :rw"pa'tEe;, !l'tl
b lâche de longue haleine de s'en inslruire en délail. Voici
toulefois l'CSSI'nlit·( : ~a"oir dire el faire çe qui cal agréable
nhlolloe; fpyou lo'tlv &oc:pLllwe; no.lI'ta 'taO'ta c:.e; fXEl pa8ELII'
b
lUX uicux, wit en priant, aoil
en sacrifianl, c'eil là ce qui
't6~E pEv'tOL OOt. àn),we; ),i:yw ~'tl làll ptv lCEXat'IOf'Éva 'tle;
cal pieux, ce qui a5aure Il' salul des famillCJ el celui dca cilt:s l,
lnlo't'l'tal 'tOLe; eEOLe; Hyull 'tE lCal npo.'t"'tElII EÙxopElloe; 'tE
le conlraire cal impie; de là ,.iennenl Il's OOulcyerJ"rnenla
lCal 8U"'II, 'taO't' fon 'tci lIOla
lCal 09l:El 'to. 'tOlaO'ta 'toue;
et lea ruines.
'tE l&loue; ot"oue; Kal 't.), "olvcl 't{;lll noÀE"'v' "[cl ,3' lvav.la
SUCR4TIl.
-
Cerlca,
Eu\\h~'phr(ln, lu allrAi. pli, ,i III
l'a.aia .oulu, me réaumer ce 'lue j.. le dClilulldais bcaurotlp
'twv ICFXaP'Of'i:IIWII &oE6fj,
~ o~ lCal &lIa'tptnEl b.nall'ta lCal
c plus
Lrièvefllenl.
Mais, ul'ridlim"III, III Il'a< l'a. i,
cu",.r
6.n~UuOlII.
de m'irulruire; je le "ois bien, 'l'II ,··loi.' :, l'imlHlIl IlH\\llle
:r0. ·H noÀü pOL oui ~t'axun'p"'II, W EL,60'!'pov, LI 1.600-
aur le poinl ue le faire, el LJrmrl'lI'IIIClIl III lII'as d"'l'o!Jé
Àou, dl1E:; &11 'lb uq>ér.Àaloll ';'11 ~pw'twv
&),),0. yo.p où npo-
ta répon.e i ai lu
me l'H.Hi.
dOIlIl':". j'apprellai,
de loi
6uptle; pE c.l o,ooiE,al' ~~Àoe; d. Kal yàp 11011 InEl~~ ln' au'tL;l C
ce que c'est 'lu'èlre
pieu\\ l'l j'élai~ Jali.!'ail. ~lai. 'l'I'~'
faire} il faul bien que l'amanl 5ui,'l' l'objl'l d" 'IOn amour,
~o8a, &nE'tpo.nou· 1) Et 6.nEICplllw, lUllwe; &11 ~0'l napa 000
parlout où il le conduil '. Voyons donc; com'menl .iCJI5-1u
't~1I bOlo't'l'ta lpElla8~1C'l' NOII ~(-- &1I0.'(1C'l yo.p 't6I1lpC.lI'ta r
de déGnir
.u jUlle ce 'fui esl pieux
cl
SJ
cl'lalilé prc>.
'tlt> lp"'lltver &lCoÀou8ELII, !In~ &v luLvor., ~no.y~ -
'tL ~~ a;'
pre ~ n'esl-<e pas une cerlaine scienct' de sucrifices el rie
ÀÉyue; 'tb llololl Etllal lCal 't~v bOloh'pa; oûXl tnllT'l~~'lV
prière. ~
Hllà 'toO OUElII 'tE lCal EOXEo8a,;
!::UTUTPUROII. -
C'c51 ce Clue j'IIi di!.
SocRHIL -
Sacrifier, n't.."31·cc pa. fain' des pr{'H'nl> au\\
t::Y0. "EYl.>YE,
dieul ~ prier, n'ClI1-<e l>lIa leur ac!re\\H'r de5 de.lI~ndcs}
1:0. O~ICOOII -:0 80(\\11 b'-'pE~(JeaL lo't, 'to'ie; OF.OLe;. 'ti> 0'
EUTUTPUIIOi'l, -- En elTel, Socralc·.
EOXEo6al a[uLII 'toue; 8EOUe; :
d
SOCR4n:, -
D'apr~ cela, la pidé ~erdit la science J(~~
EY0.
Kal pcUa. W :rw<"<l~(e;.
demandes cl de~ pré5enla il faire aU~ dicll\\)
EUTIITPII1J~.
:rO. 'EmlT'l~P'l /Spa al't'l0EWe; u l OéOEWe; 6EoLe; bOlO't'1C; d
-
TrèJ bit'lI, S'>f'rHI,', III rn'd! l'arfailelllclIl
compris.
&11 d'l llC 'tou'tou 'toO À6you
SocRAT~, - C'csl qUCjl' 511i! a,·i./'ld" t'Hl s.I',,,r, Illon ami,
EY0.
nallu lCaÀwc;. ~ :r':"pa'tEe;. oU\\l~"ae; 8 Elnoll.
cl j'y donne uIIlle l'IUII ,<ll"lIl;"/I, r»lIr 11l"~la5 lui.<;er perdre
:rO, 'En,Oull'l't~e; y6.p dl-'"
w,pi.ÀE, 't~e; a~e; oocptae; ul
une mietle de c<: que lu di,. E'pli'llh!-rnoÎ donc en quoi
npootxl.> 'tbll
110011 a~'tft QO'tE 0:' xapal nEoEL'tal Il 'tl &v
1. LM Greci ItL.ch.irnt Il J'lu. Knno. IlTl!,()rL.ncc lU rilllel. Ltl
chois dei .ictim ... , 1... (ormulel dp,I prii-rcI, lOI joun ct le. heurel
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712
TRADUCTIONS DES CITATIONS GRECQUES
DU PREMIER VOLUME
Nb.
Lorsqu'aucune
indication
n'est donnée,
nous
renvoyo~s
à la traduction de Croiset
(Les
Belles Lettres) •
Cette
remarque
est valable
pour la
totalité
du
tra,ail.
/l..}
1. Traductions des citations grecques
(vol 1)
1:
" •.. toi,
Socrate,
qui niais d'abord que la vertu pût
s'enseigner,
voici que tu mets tous tes efforts à te
contredire en démontrant que tout est science,
la justice,
la tempérance,
le courage,
ce qui est le plus sûr moyen de
montrer qu'on peut enseigner la vertu;
car il est clair que
si la vertu était autre chose qu'une science,
ainsi que le
soutenait Protagoras,
on ne pourrait pas l'enseigner,
tandis
que si,
tout entière,
elle est une science,
comme tu le
soutiens, Socrate,
il serait étrange qu'elle ne pût devenir
l'objet d'un enseignement.
D'autre part, Protagoras,
qui
avait d'abord mis en fait qu'elle se pouvait enseigner,
semble maintenant s'appliquer à se contredire,
voyant
en elle
tout plutôt qu'une science,
ce qui lui ôterait toute
possibilité d'être enseignée"
(Croiset ap.
Budé).
II:
"Il semble en effet que tout ce qui trompe fascine."
(id~
III:
Je suis d'accord avec toi sur ce point,
car il me semble
que tu plaides ma cause."
(A. Croiset)
714
IV:
"Ce rôle,
Hippias,
est·celui d'un homme vraiment supérieur
et accompli."
(ibid)
V:
"Pas la moindre obole,
en aucun temps."
VI:
"La vérité,
Socrate,
est que les Lacédémoniens,
par tradition,
gardent toujours les mêmes lois et ne veulent
pas élever
leurs enfants contrairement à la coutume."
VII:
"Chez ces peuples,
on voit non seulement des hommes,
mais
aussi des femmes qui ont la fierté de leur éducation."
VIII:
"je pense que si elle avait quelque valeur,
elle n'aurait
pas échappé aux Lacédémoniens,
dont toute la vie se passe
à étudier et à pratiquer les connaissances et les exercices
qui peuvent leur assurer la supériorité dans la guerre."
IX:
" ••• l'office des vieilles femmes auprès des enfants, celui
qui consiste à leur raconter de belles histoires."
X:
"Aujourd'hui donc,
j'insiste,
tu arrives à point nom::Jé;
enseigne-moi alors ce qu'est le beau en lui-même." (D.Samb)
XI:
" •.• et tâche de me répondre avec la dernière précision ••• "
XII:
"Mince problème,
Socrate,
un problème insignifiant, si
j'ose le dire"
XIII:
"Il me sera d'autant plus facile de m'en instruire et
d'être désormais assuré contre un adversaire."
XIV:
"Le questionneur,
à ce qu'il me semble, me demande quelle
chose est belle?"
XV:
" ... il ne te demande pas quelle chose est belle,
mais ce
qu'est le beau."
XVI:
"C'est compris,
mon cher;
je vais lui dire ce qu'est
le
"le beau ••• "
715
XVII:
" ••• mais en somme cette beauté n'est pas comparable à
celle d'une cavale,
d'une jeune fille ou des autres choses
vraiment
belles."
XVIII:
"Un homme mal éduqué,
qui ose nommer des choses innoma-
bles dans un entretien sérieux" (traduction Croiset
modifiée).
XIX:
"Il va me dire alors:"Si
je t'avais demandé tout d'abord
Socrate,
quelle chose est indifféremment belle ou laide,
la réponse que tu viens de me faire serait
juste."
XX:
"Mais te semble-t-il toujours que le beau en soi,
qui met:
en ordre toute chose et la fait belle lorsqu'il fait
naître en plus sa forme,
soit une jeune fille,
une cavale
ou une lyre?"
XXI:" ce qu'est le beau en soi,
qui met en ordre toutes les
choses et les fait
paraître belles en s'y engendrant."
XXII:
"Nous sommes d'accord que ce qui produit lq beauté de
chaque chose,
c'est la convenance."
(Trad.
Croiset modi-
fiée).
XXIII:
" Est-il
bon pour un
jeune homme,
oui ou non, d' apprer: dre
l'art du combat armé? Que vous en semble?"
XXIV:
"Ainsi toute une série de belles sciences et de nobles
exercices,
dignes d'occuper l'intelligence et l'activité
d'un homme,
se rattachent à cette première connaissance."
XXV:
" ••• ce n'est pas la peine de l'étudier."
(D.Samb)
XXVI:
"Que faire d'autre . . . ?"
XXVII:
"Mais vraiment,
mon cher Criton,
l'opinion de la masse
a-t-elle donc
pour nous tant de valeur?"
(Trad.
Croiset
modifiée)
716
XXVIII:
"C'est sans doute
que
la valeur d'un
jugement dépend
plus de
la
science que
du nombre des
juges."
XXIX:
"Aujourd'hui donc,
nous
devons chercher d'abord s ' i l est
quelqu'un
d'entre nous qui soit compétent sur le sujet
en
discussion:
s ' i l en est un,
nous
devons
l'en croire,
fût-il
seul
de son avis,
et ne
pas
écouter les autres;
sinon,
i l
faut
chercher ailleurs."
11
XXX:
(La
phrase commence par Ou l.lOl
OOKE't):
"(Il ne me semble
pas que)
dès
le début
nous nous soyons accordés sur
l'objet dont
nous délibérons . . . "(D.S.)
XXXI:
"Pour Socrate,
je ne conl'lais
pas encore ses
discours,
mais
je crois connaître ses actes,
et,
sur ce
point,
je l ' a i
trouvé digne du
langage le plus
beau et
de
la
plus entière
liberté de
parole."
XXXII:
~Bornons-nous d'abord à une de ses parties, pour véri-
fier
la qualité de notre savoir."
XXXIII:
"Quand un soldat reste à son poste et
tient
ferme contre
l'ennemi au lieu de fuir,
sache que cet homme est un
brave."
XXXIV:
"Mais,
par ma
faute
sans doute et
parce que
je me suis
exprimé
peu clairement,
tu as
répondu
à une autre question
que celle que
j'avais dans l'esprit."
XXXV:
"Ma question
portait sur
la nature du
courage et
de 12
lâcheté."
XXXVI:
"j'appelle vitesse la
faculté
d'accomplir en
peu de
temps
beaucoup d'actes relatifs à la
parole,
à la course,
et
ainsi de suite."
XXXVII:
"Ne sachant pas ce que c'est,
comment saurais-je
quelle elle est?"
XXXVIII:
" .• • mais encore (que)
je ne crois pas avoir jamais
rencontré personne qui le sût."
XXXIX:
"Et il Y a encore plusieurs autres sortes de vertus,
de
sorte qu'il n'est pas difficile de dire ce qu'est la
vertu."
(D.S)
XL:
'1 • • • pou r
cha que 0 uv ra g e,
il Y a une ver t u par tic u 1 i ère. "
XLI:
"supposons qu'on te demande ce qu'est essentiellement une
abeille."
XLII:
"Il me paraît que la santé est une seule et même chose,
chez l'homme et chez la femme."
XLIII:
"Ce n'est plus tout à fait pareil aux autres cas."
(D.S)
XLIV:
"Quant à la vertu unique,
qui est à travers toutes les
autres,
nous ne sommes pas capables de la trouver." (D.S)
XLV:
"Tu comprends déjà sans doute que la méthode est partout
la même."
XLVI:
" .•• bien qu'elles soient parfois contraires les unes aux
autres . . . "
XLVII:
"Ne comprends-tu pas que je cherche ce qu'il
y a de
commun à tout cela?"
XLVIII:
"Pour moi,
la figuRe est de toutes les choses qui
existent la seule qui accompagne toujours la couleur."
(Chambry ap.
G.F.)
XLIX:
"la figure est la limite du solide"
(D.S)
1
.1 Ù
L:
" . . . mais que c'est aussi de fonder
sa réponse uniquement sur
ce que l'interlocuteur reconnaît savoir lui-même."
LI:
"la couleur est un écoulement de figures
proportionné à la
vue et sensible."
LII:
"J'ai parlé sans doute selon tes habitudes." (D.S)
LIlI:
"or,
c'est de quoi tu as reçu de moi les modèles." (Robin
ap.
Pléiade)
LIV:
"C'est cette beauté en soi,
l'ami,
que
je te demandais de
définir,
et je n'arrive pas plus a me faire entendre que si
j'avais affaire à une pierre et encore une pierre de meule,
sans oreilles ni cervelle." (Chambry)
LV:
"de la masse." (D.S)
LVI:
" Ne sais-tu pas que,
pour enseigner une chose quelconque
il faut d'abord le savoir soi-même? N'est-il pas vrai?"
LVII:
"Donc les savants doivent s'accorder entre eux et ne pas
diverger d'opinions."
(Trad. Croiset modifiée)
LVIII:
" de même pour toutes les choses analogues."
LIX:
" . .• quand
tu erres sans cesse dans tes réponses et quand
il est manifeste que tu ne l'as ni appris de personne ni
,
•
A
"
trouve par tOl-meme.
LX:
" •• . je ne .sais plus ce que
je dis,
et vraiment je me fais
l'effet d'un homme qui perd la tête,
car tantôt
je suis
d'un avis en te répondant,
tantôt d'un autre."
LXI:
"lorsque quelqu'un ignore une chose,
son âme ne peut que
varier de sentiment."
LXII:
"C'est de croire qu'on sait quelque chose,
alors qu'on
ne
le sait pas.
C'est de là,
je le crains,
que viennent
toutes les erreurs où notre pensée à tous est sujette."
(Chambry)
719
LXIII:
"Et c'est aussi,
je crois,
la seule espèce
d'ignorance
qu'on ait appelée sottise."
(Chambry)
LXIV:
"aussi m'est avis que ce serait
justice si
les Homérides
m'offraient une courOnne d'or."
(Chambry)
LXV:
"Pour le moment,
je ne demanderai
qu'une chose:
ta virtuo-
sité se borne-t-elle à Homère ou s'étend-elle à Hésiode
et à Archiloque?"
(Chambry)
LXVI:
"J'expliquerais pareillement,
Socrate,
les sujets sur
lesquels Homère et Hésiode sont d'accord."
(Chambry)
LXVII:
"Eh bien,
qui,
de
toi
ou
d'un
bon
devin,
expliquerait
le mieux ce que ces deux
poètes
disent de
pareil et
ce
qu'ils disent de différent sur
la
divination?"
(Chambry)
LXVIII:
"des relations qu'ont entre eux les hommes,
bons ou
méchants ••• "
(Chambry)
LXIX:
"En effet,
ils ne
parlent
pas en
vertu d'une
technique,
mais
par inspiration divine,
car s ' i l s savaient parler
techniquement de chaque sujet,
ils
sauraient s'exprioer
de la même manière sur
tous
les sujets."
(D.S)
LXX:
"Oui,
par Zeus,
car tu me
saisis l'âme par
tes
paroles,
Socrate,
et i l me semble bien que c'est
par
une inspiratiop.
divine que les bons poètes sont aoprès de
nous les in~er-
prètes des dieux."
(Trad.
Croiset modifiée)
LXXI:
"Alors vous êtes des interprètes d'interprètes?"
LXXII:
"La différence est énorme,
Socrate.
En
effet,
i l est
de
loin
préférable de
passer pour divin."
(Trad.
Robin
modifiée)
LXXIII:
"Alors,
dis-je,
Polémarque est
ton
héritier?"
(Chamt>ry,
Les Belles Lettres)
720
LXXIV:
"Donc faire du bien à ses amis et du mal à ses ennemis,
voilà ce qu'il appelle
justice." (Trad.
Chambry1
Les Belles Lettres,
légèrement modifiée)
LXXV:
"Mais alors,
mon ami,
la
justice n'est pas bonne à grand'
chose,
si elle n'est utile que pour les choses dont on
ne
fait
pas usage."
(ibid)
LXXVI:
"Si donc le juste est habile à garder de l'argent,
il
est habile aussi à le dérober."
(ibid)
LXXVII:
"faire du bien à l'ami bon et du mal à l'ennemi !Jéchant."
(ibid)
LXXVIII:
"Car ce n'est pas conforme à la vérité;
en effet i l
nous a paru évident qu'en aucun cas il n'est juste de
fa ire d u· ID a l
à que l qu' un." (i b id,
l é g ère men t
m0 ct i fié e )
LXXIX:
"Moi,
je vais te le dire.
Tu sembles chercher à répondre
que le beau proprement dit est quelque chose qui ne
paraît
laid
en aucun
temps,
en aucun
lieu
ni à personne."
(D.S)
LXXX:
"Précisément;
à présent,
tu comprends bien."
(D.S)
LXXXI:
"J'affirme donc que,
pour tout homme et en tout temps,
ce qu'il y a de plus beau pour un mortel,
c'est d'être
riche,
bien portant,
honoré de toute la Grèce,
de parve-
nir à la vieillesse après avoir fait à ses parents morts
de belles funérailles,
et de recevoir enfin de ses propres
enfants de beaux et magnifiques honneurs funèbres."
(Croisee)
LXXXII:
"Il me semble que c'est une certaine force de l'âme,
si
nous considérons sa nature en général."
721
LXXXIII:
"Nous le devons
( ••• ) si nous voulons répondre à
notre question."
( \\'.,o~t.S
LXXXIV:
" J e dé fin i s don c 1 a ver tu:
1 e dés i r
des b e Il e sv-::Jc> i n t
au
pouvoir de se les procurer."
LXXXV:
"C'est ainsi que,
comme il paraît,
selon ta définition,
la
vertu est la capacité à se procurer les bonnes choses."
(D.S)
LXXXVI
" ••• et acquérir de
l'argent,
des honneurs et des charges
dans l'Etat?"
(Trad.
Croiset modifiée)
LXXXVII:
"Socrate: Quand tu parles de bonnes choses,
tu n'as
en vue rien d'autre que celles-là?
)l M'
enon:
Non!
j'affirme que
je n'ai pas en vue d'autres
choses que celles-là." (D.S)
LXXXVIII:
" ••• la vertu consiste à acquérir de l'or et de l'argent
••. "
(D.S)
LXXXIX:
" ..• mais je songe à une autre qui conduit au même but
et qui doit peut-être venir la première."
(Croiset)
XC:
"Voyons donc si nous pourrons éclaircir la question de la
manière suivante. Je suppose qu'on veuille
juger,
sur
l'apparence extérieure d'un homme,
de sa santé et de son
aptitude aux exercices physiques,
et que,
n'apercevant
de
son corps que le visage et l'extrémité des mains,
on lui
dise:"Découvre-moi donc ta poitrine et ton dos,
afin que
je puisse mieux t'examiner;" eh bien,
c'est
justement
quelque chose d'analogue que
je réclame en vue de mon
examen."
(ibid)
XCI:
"Peu importe,
repris-je;
car nous n'avons pas à exa:Jiner qui
l'a dite,
mais ~i elle est vraie ou non." (ibid)
722
XCII:
"
ce que
nous avons à
faire
tous
les deux,
c'est de
nous
allier en
faveur
de
ce
qui est
le
plus vrai."
(Chambry)
XCIII:
" •.• i l
Y a
longtemps,
vraiment,
que
ton
paisi ble someeil
m'étonne."
(Croiset)
XCIV:
" .. • la sagesse
(consiste)
à faire toutes choses avec
modération et avec
calme,
que
l'on marche
sur
les routes,
que
l'on cause,
ou que
l'on fasse
toute autre chose."
(D.S)
XCV:
"Dès lors la
sagesse ne
saurait être
le calme,
et la
\\-ie
sage n'est
pas la
vie calme,
du moins d'après
notre
raisonnement,
puisqu'elle doit être
belle,
si
elle est
sage."
(Chambry ap.
G.F)
XCVI:
"J'admets la définition,
dit Critias,
et
je
prends la
place de Charmide."
(Croiset)
XCVII:
" .•• une oeuvre
fabriquée
peut
produire le
blâme si
elle
n'est pas accompagnée
de beauté ..• "
XCVIII:
"Pour définir
nettemen t
la sagesse,
je dis
qu'elle
consiste à faire
le
bien."
(Chambry)
IC:
"Tu as
peut-être raison."
(Croiset)
C:
" Toujours un
dieu
pousse
le
semblable vers le
semblêble."
(Croiset)
CI:
"Mais quoi?
Le
bon,
en
tant que
bon,
ne se suffi t - i l
pas à
lui-même?"
(ibid)
CIl:
"car c'est le
plus contraire qui est au
plus
haut poin:r:
ami
de ce qui
lui est le
plus contraire . . . "
(Robin)
CIII:
"Ainsi,
ni
le semblable n'est ami
du semblable,
ni
le
contraire ne l'est du
contraire."
(Croiset)
723
CIV:
"Ce qui n'est
ni
bon
ni
mauvais devient
donc
ami
du bien
à
cause de la
présence d'un mal?"
(Croiset)
CV:
"L'est-on sans
raison
et sans
but,
ou
pour quelque raison
et en
vue
d'un
certain
objet?"
(ibid)
CVI:
"Mais ne
nous
sommes-nous
pas entraînés ainsi
dans une
progression
sans fin,
à
moins que
nous ne
finissions
par
atteindre
un
point initial au
delà
duquel
nous
ne soyons
plus renvoyés à
un autre
objet ami,
et qui
soit
le principe
même
de
toute amitié,
l'objet en
vue
duquel
nous
disons
que
nous aimons
tous
les autres?"
(ibid)
CVII:
"Donc,
l'objet réel
de
l'amitié,
lui au moins,
n'est
pas
objet d'amitié
en
vue
de
quelque
objet d'amitié?"
(Robin)
CVIII:
"Voilà le
point
sur lequel
je voudrais de
ta
part une
indication
plus
précise:
la vertu est-elle un
tout unique,
dont
la
justice,
la
sagesse et la
piété seraient les
parties,
ou
bien ces
vertus
que
je viens
d'énumérer
ne
seraien~
elles que
des noms différents
d'un
seul
et même
tout?
Voilà ce que
je voudrais encore
savoir."
(Trad.
Croiset
légèrement modifiée)
CIX:
" .. • je te
réponds que
la
vertu est
une et que
les vert:JS
sur
lesquelles
tu m'interroges en
sont les
parties."
(Croiset)
CX:
"Aucune des autres
parties ne ressemble à
une
autre ni
par
ses
propriétés ni
par le
reste."
(ibid)
CXI
"Alors,
repris-je,
cherchons ensemble
la nature
propre
de
chacune d'elles."
(ibid)
n.4
CXII:
"Mais moi,
quoique seul,
je ne me rends
pas;
car tu ne
m' y
obliges,
toi,
en rien:
tu
produis seulement contre moi
une
foule
de
faux
témoins
pour
tâcher
de m'arracher mon
bien et
la
vérité.
Moi,
au contraire,
si
je n'obtiens
pas
ton
propre témoignage,
et lui seul,
en
faveur
de mon affir-
mation,
j'estime n'avoir
rien
fait
pour la solution de
notre débat,
non
plus
que
toi
du
reste,
si tu
n'obtiens
pas l'appui de mon
témoignage,
seul entre tous,
et si
tu
ne renvoies
pas
tous
tes autres
témoins."
(ibid)
CXIII:
"Il n'est
pas
permis,
dit-on,
de
laisser en
plan I;Jême
un
conte:
i l
faut
lui
donner une
tête,
pour l'empêcher de
vaguer sans tête,
çà et
là.
Achève donc
de me
répondre,
pour que notre discussion
reçoive aussi
son couronnement."
(ibid)
CXIV:" Ces vérités,
que
j ' a i défendues et que
tous
nos
précédents
p..
discours
ont démonqées,
sont enchaînées et maintenues,
si
j'ose employer cette image un
peu
prétentieuse,
par des
raisons
de
fer
et de
diamant,
du moins autant
que
j'en
puis
juger
jusqu'ici;
et si tu
ne réussis
pas
à
rompre
ces
liens,
toi
ou quelque autre plus
fort
que
toi,
i l
est
impossible qu'un
langage différent
du mien
soit
juste."
(ibid)
CXV:
"Voilà,
quant a
moi,
ce que
j'affirme et
tiens
pour vra:::."
(Trad.
Croiset légèrement modifiée)
CXVI:
"Pour moi,
je ne répondrai pas à
cette
question
sur la
beauté ou
la laideur
que
j'attribue à
la
rhétorique
a'-ant
d'avoir
répondu sur ce qu'elle est."
(ibid)
IL:]
CXVII:
"Dès lors,
c'est une
telle vertu de sauvegarde constante
à
l'égard
d'une
opinion droite
et
légitimement accré-
ditée sur les choses qui
sont ou
ne sont pas à craindre,
voilà ce
que,
moi
du
moins,
j'appelle courage,
et que
je tiens
pour
tel,
à moins que tu n'aies,
toi,
autre
chose à en dire •.• "
(Robin)
nov5
CXVIII:
"Que voyonsTd'identique dans ces affections si différentes,
pour les désigner
par
un seul nom?"
(Chambry)
CXIX:
"Tout ce qui
nous
paraît devenir
plus ou moins et admettre
le
violent
et le
tranquille,
le trop et toutes
les autres
qualités du même
genre,
i l faut
ranger
tout
cela dans
le
genre de l'infini,
en
le ramenant à l'unité,
suivant
ce
qui
a
été dit
plus haut,
qu'il
fallait,
autant
que possible,
rassembler
les choses
séparées et
partagées en
plusieurs
espèces et
les marquer
du
sceau de
l'unité,
si
tu t'en
souviens."
(Chambry)
CXX:
"Ce qui
n'admet
pas ces qualités et qui
reçoit
toutes
les
qualités contraires,
d'abord
l'égal et l'égalité,
et
ensuite le double,
et
tout ce qui
est comme
un
nombre
est
à
un autre nombre,
une mesure à
une autre mesure,
tout
cela,
nous
pouvons
le
rapporter au
fini
et
passer
pour
de
bons
juges en le
faisant."
(Chambry)
CXXI:
"A la longueur
et à
la
brièveté,
à
l'excès et au
défaut
en général;
car c'est
de
tout
cela que s'occupe
l ' a r t
de mesurer."
(ibid)
726
CXXII:
"Ce qu'il y a de commun dans toutes ces choses que tu
dis multiples et que tu as cru devoir appeler d'un seul
nom,
celui d'image,
appliqué à toutes comme si elles
étaient une seule chose.
Parle donc et défends-toi sans
céder un pouce à l'adversaire." (ibid)
CXXIII:
"Que pouvons-nous donc dire,
étranger,
qu'est l'image,
sinon un second objet pareil,
copié sur le véritable?"
(ibid)
CXXIV:
"Toute connaissance séparée de la
justice et de la vertu
est deI' hab i 1 e té,
mai s non pas deI a .s age s se." (D. S )
727
II. Traduction des citations grecques
du
2ème
volume.
1.
"Je vous annonce
donc,
à vous qui m'avez fait mourir,
que
vous
aurez à subir,
dès
que
j'aurai cessé de
vivre,
un
châtiment
bien
plus dur,
par Zeus,
que celui que
vous
m'avez
infligé.
En me condamnant,
vous avez cru
vous déli-
vrer
de l'enquête exercée
sur
votre
vie;
or,
c'est le
contraire qui
s'ensuivra,
je vous le
garantis.
Oui,
vous
aurez affaire à
d'autres
enquêteurs,
plus nombreux,
que
je
réprimais,
sans que
vous
vous en soyez doutés.
Enquêteurs
d'autant
plus importuns qu'ils
sont plus
jeunes.
Et ils
vous irriteront davantage."
(Croiset)
II:
" ... de sorte qu'en regardant vers elle (i.e.
l'idée du
pieux
-
D.Samb)
et en l'utilisant comme
paradigme ••. "
(D.Samb)
III:
" ... je déclare qu'est pieux tout ce qui est identique,
çue
ce soit fait
par
toi
ou
par un autre,
et que ce
qui n'est
pas identique,
je ne
le déclare
pas
pieux."
(D.Samb)
IV:
"Quelqu'un donc aurait
porté
plainte contre
toi?
car
je
ne
peux
t'imputer,
à toi,
d'accuser
personne."
(Croiset:
V:
"Lorsque l'oligarchie se
fut
établie,
les Trente me
firent:
venir,
avec
quatre autres,
dans
la Tholos,
et
nous
ordonnèrent d'aller chercher Léon à Salamine,
pour qu'on
le
mi't
à mort." (Croiset)
728
VI:
"En fait,
i l ne s'agit
pas
d'une
procédure civile,
mais
d'une
action
publique."
(D.S)
VII:
"Les lois
traitent
séparément de chacun
de ces
cas."
(D.S)
VIII:
"Socrate,
dit-elle,
est coupable de
corrompre
les
jeunes
gens,
de ne
pas croire aux
dieux auxquels croit
la cité
et
de
leur substituer des
divinités
nouvelles."
(Croiset)
IX:
"Cet homme,
d'après
ce
qu'il déclare,
sait comment on
corrompt
les
jeunes gens
et quels
sont ceux
qui
les
corrompent."
(ibid)
X:
"
Car nous
voulons
notre
bien
( ..• ),
mais
nous
ne
voulons
ni
les choses
indifférentes
ni
les choses mauvaises."
(ibid)
XI:
"
Vraiment,
i l me
paraît
être le seul
qui
sait en matière
de
politique commencer
par
où
i l faut."
XII:
"N'a-t-il
pas raison
de
s'occuper d'abord
des
jeunes gens
pour les rendre excellents,
comme
le
bon laboureur doit
prendre soin
des
jeunes
plantes en
premier lieu,
et des
autres ensuite?"
(Croiset)
XIII:
"En vérité,
te faire
du
mal,
à toi d'abord,
c'est,
à mon
avis,
s'attaquer dès son
début à
la
ville dans
ce çu'elle
a
de meilleur."
(ibid)
XIV:
" . . . je ne crois
pas aux
anciens."(dieux,
D.S)
XV:
" Criton,
dit-il,
à Asclépios nous sommes redevables d'un
coq."
(Robin)
XVI:
" •.. et que
je crée de
nouveaux
dieux •.• "
(Croiset)
XVII:
"J'y suis,
Socrate:
c'est à cause de cette voix divine
~hten dre
que tu décla~ toute circonstance: il déduit de là
que tu introduis de nouvelles croyances,
et c'est la
raison de sa plainte." (ibid)
XVIII:
"Quant à mon cas personnel,
au signal de mon Démon,
i l
n'y a pas lieu d'en parler,
car il n'y a,
je crois,
presque personne parmi les gens d'autrefois chez qui
le cas se soit présenté."
(Robin)
XIX:
" Moi-même,
lorsque je parle de choses religieuses dans
l'assemblée,
lorsque je leur prédis ce qui doit arriver,
ils me tiennent pour fou et se rient de moi."
(Croiset)
XX:
"Mais,
vois-tu,
ils sont jaloux des gens de notre sorte."
(ibid)
XXI:
"Qu'importe? ne nous soucions pas d'eux et osons leur
tenir tête."
(id)
XXII:
" ••• pourvu qu'il n'enseigne pas ce qu'il sait"
(id)
XXIII:
"Ceux-là également disent beaucoup de belles choses,
mais ils n'ont pas la science de ce qu'ils disent."
(id)
XXIV:
" ••• non seulement sans me faire
payer,
mais en payant ::Joi-
même de bon coeur,
s ' i l le fallait,
quiconque voudrait
m'écouter."
(id)
XXV : "N a usd i son s
que cel a
(i. e.
n a t r e but -
D. S) est 1 a \\- é r i Lé. "
(D.S)
XXVI:
" ••• tu méneras le combat à ton gré,
et moi de même."
(Croiset)
XXVII:
" ••• je n'imagine pas que le premier venu puisse être
juste en faisant ce que tu fais;
il faut être pour cela
déjà avancé en sagesse."
(Chambry)
730
XXVIII:
"Oui,
Hermogène,
et c'est surtout à Euthyphron de
Prospalte
que
j'attribue cette science
qui
vient de
m'échoir."
(id)
XXIX:
" ••• fût-il
de ceux qui
ont même
foyer
et même
table que
nous.
La
souillure en
effet est toujours
égale,
du moment
que
tu
vis avec
lui,
sachant ce qu'il
a
fait,
et que
tu
ne satisfais pas à la religion,
pour
toi
et
pour lui,
en
le poursuivant
judiciairement."
(Croiset)
XXX:
cf.
XXIX:
début.
XXXI:
"
En
effet i l
est impie qu'un
fils
poursuive
son
père
pour meurtre."
(D.S)
XXXII:
"Mais,
Socrate,
c'est à
tort
qu'ils
pensent
savoir ce
qui est
pieux et ce qui
est impie au
jugement des dieux."
(Croiset)
XXXIII:
" ••• tu crois savoir assez exactement quels
sont les
jugements des dieux,
ce qui
est
pieux
et ce qui
ne l ' e s t
pas ••. "
(id)
XXXIV:
"
-
les choses
s'étant passées comme tu
le
dis -
"
(id)
XXXV:
" ..• cette
fois,
c'est exactement comme
je
te demandais
de me répondre.
Ce que
je ne peux
pas encore
savoir,
c'est
si cette réponse
est
vraie ••• "
(D.S)
.,
.
XXXVI:
"Quand
je t'interroge sur ce qu'est
le
beau
en
soi,
J
a l
beau crier,
je n'arrive
pas
plus à me faire
entendre que
si
je parlais à
un marbre,
à une pierre meulière,
sans
oreilles ni cervelle."
(Trad.
Croiset modifiée)
XXXVII:
"à moins que,
selon
toi,
ce qui
fait
qu'une action
est
pieuse
ne soit
pas toujours
identique . . . "
(Croiset)
731
XXXVIII:
"cf.
n16 (p.369)
XXXIX:
"à moins encore que l'action impie ne soit
pas toujours
le contraire de l'action pieuse et,
par conséquent,
toujours identique,
elle aussi."
(id)
XL:
" Tout ce qui est impie,
en tant qu'il est impie,
ne possède-
t-il
pas toujours la même forme unique?"
(D.S)
XLI:
"Etant donné que le beau est le contraire du laid,
ce sont
là deux réalités distinctes."
(D.S)
XLII:
" Donc,
puisqu'elles sont deux,
chacune constitue une
unité."
(D.S)
XLIII:
"A propos du
juste et de l'injuste,
du bien et du 8al et
de toutes les formes,
ce sera le même langage."
(D.S)
XLIV:
"Maintenant,
dis-moi:
qu'est-ce que le pieux et qu'est-ce
que l'impie?"
(id)
XLV:
"Ce qui est pieux,
je dis que c'est ce que je suis en train
de faire.
Qu'il s'agisse de meurtre ou de vol sacrilège
ou d'un acte quelconque du même genre,
la piété consiste
à poursuivre le coupable,
père, mère ou tout autre,
n'importe;
ne pas le poursuivre,
voilà l'impiété." (Croiset)
XLVI:
"pas de faiblesse envers l'impie,
quel qu'il puisse
être." (id)
XLVII:
"Voilà peut-être pourquoi l'on m'accuse ..• "
(id)
XLVIII:
" ••. je t'ai demandé quelle est la forme en soi par q Doi
toutes les choses pieuses sont pieuses.
N'as-tu
pas
soutenu qu'il existe une idée unique par quoi toutes
~es
choses impies sont impies et les choses pieuses pieuses?"
(D.S)
XLIX:
"La forme du navj..re" ou bien "La structure du navire."
(id)
L:
"Une forme
unique."
(id)
LI:
" ••• en
dirigeant mon
regard
vers elle
(i.e.
cette définition _
D.S)"
(id)
LII:
"le lieu intelligible":
le monde des
Formes.
LIlI:
"Soit:
si c'est là ce que
tu
veux,
Socrate,
je
vais
te
le dire."
(Croiset)
LIV:
"Or donc,
ce qui agrée aux dieux est
pieux,
ce qui ne leur
agrée
pas est impie. " (id)
LV:
"Excellente réponse,
Euthyphron!
Elle
est conforme a présent
au
genre de
réponse que
je cherchais à
obtenir
de toi."
(Robin)
LVI:
" ••. une force
d'âme'~
LVII:
" ••• tant que
nous aurons
un corps,
et aussi
longteops
que
notre âme aura
partie liée avec cette chose mauvaise,
jamais nous ne
posséderons en suffisance l'objet que nous
recherchons.
Et cet objet,
disons-nous,
c'est
la
véri té."
(D.S)
LVIII:
"Cependant cette réponse est-elle
vraie? Je
ne le sai:::
p25
encore,
mais i l est évident que
tu me démontreras qu'elle
est vraie comme tu
le
prétends."
(D.S)
LIX:
"Je dis,
moi,
que la
justice n'est autre chose
que l'in ::.érê:
du
plus fort."
(Chambry)
Les Belles Lettres)
LX:
"A
présent,
dis-je,
j ' a i compris ce que
tu
veux
dire;
mcis
est-ce vrai
ou non?
c'est ce que
je vais tâcher d'exami::Jer."
(id)
LXI:
"
Piété et impiété ne sont pas identiques;
mais
plu[ôt
le
pieux est le contraire de l'impie."
(D.S)
733
LXII:
" ••• que les dieux se combattent,
qU'il existe entre eux
des divergences et des haines •.• " (Trad"Chambry modifiée)
LX III:
"J e l ' ai dit,
en e f f et." (i,d)
LXIV:
"Ces haines et ces colères,
cher ami,
quelles sont les
divergences qui les provoquent?" (Trad.
Chambry modifiée)
<'
/
\\..->- )
L XV:
" Réf 1 é chi s son sun
peu."
(i d )
LXVI:
"Si nous différons d'avis,
toi et moi
à propos de noobre,
sur la plus grande de deux quantités,
ce dissentioent
ferait-il
de nous des ennemis? nous fâcherions-nous
l'un
l'autre? ou bien ne nous mettrions-nous pas plutôt à
compter et ne nous accorderions-nous pas bien vite sur
un tel sujet?"
(id)
LXVIII:
" ••• s'ils divergent ••• " (D.S)
LXIX:
" ••• ne divergent-ils pas pour les mêmes raisons?
(D.S)
(id)
1
LXX:
"Par conséquent,
brave Euthyphron,
les dieux aussi
divergent entre eux d'après ton argument sur le juste,
de
même que sur le beau et le laid et sur le bien et le mal."
(Trad.
Croiset modifiée)
LXXI:
"Et ce sont les mêmes choses,
tu l'affirmes,
que les u;:s
trouvent
justes,
les autres injustes;
de la diversité
de
leurs jugements naissent leurs discordes et leurs guerres."
(id)
LXXII:
"Donc les mêmes choses,
semble-t-il,
sont aimées et haies
des dieux,
et il y aurait identité entre ce que les
dieux haissent et ce qU'ils aiment."
(D.S)
LXXIII:
"C'est pour cela sans doute que nous ne réussissons
;Jas
à savoir comment se forment les gens honnêtes?" (Croiset)
!
J
734
~I LXXIV: "L'opinion vraie nlest donc pas moins utile que la
science."
(id)
LXXV:
IIJe ne te demandais pas de me dire ce qui se trouve être
à la fois pieux et impie." (Croiset)
LXXVI:
"Mais mon idée,
Socrate,
c'est qu'il n'y a aucun désaccord
entre les dieux sur le point en question:
aucun d'eux Le
pense que celui qui a tué injustement ne doive pas être
punL"
(id)
LXXVII:
"Ils commettent mainte injustice,
mais ils font et disent
tout ce qu'ils peuvent pour n'être pas punis."
(id)
LXXVIII:
"s'il Y a discussion entre eux,
c'est sans doute
pour
décider qui est le coupable,
ce qu'il a fait et à quel
moment?1I
(i'd)
LXXIX:
" ••• il n'est personne,
ni dieu ni homme qui ose soutenir
que l'injustice ne doit pas être unie. 1I
(id)
LXXX:
" C'est donc sur chaque fait en
particulier que l'on
discute lorsqu'on discute,
hommes ou dieux,
si vraiment
les dieux aussi discutent."
(id)
LXXXI:
"On diffère d'opinion sur un acte,
les uns
soutiennent
qu'il est juste,
les autres qu'il est injuste."
(id)
LXXXII:
"Après tout,
Socrate,
tout cela peut-être ne sera
rien;
tu mèneras le combat à ton gré,
et moi de même."
(id)
LXXXIII:
"Te le prouver,
Socrate,
ce n'est peut-être pas
l'affaire d'un instant ... " (id)
LXXXIV:
" .•• car à eux,
évidemment,
tu comptes bien dénontrer que
l'acte de ton père est injuste et que tous les dieux
le tiennent pour haissable."
(id)
735
LXXXV:
" . . . je le démontrerai
clairement .•• pourvu qu'ils
m'écoutent."
(id)
LXXXVI:
" Je comprends.
Je
te
parais avoir
la
tête
plus dure
que les
juges."
(id)
LXXXVII:
"Ils t'écouteront,
si
du moins
tu
sembles
bien
parler."
(D.S)
LXXXVIII:
"Qu'est-ce que le
pieux? Qu'est-ce que l'impie?"
(D.S)
LXXXIX:
"Admettons,
si
tu le veux,
que
tous les dieux regardent
cet acte comme injuste et
le réprouvent."
(Croiset)
XC
" ..• et si nous disons que ce que tous les dieux
haissent
eSL
impie,
pieux ce qu'ils aiment tous,
que ce que
les uns
aiment et que les autres
haissent,
ou bien n'est ni
pieux
ni impie ou bien est à
la
fois
l'un et l'autre,
s'agit-il
là,
selon
toi,
d'une définition acceptable du
pieux et
de l'impie."
(D.S)
XCI:
"Pourquoi
pas,
Socrate?"
(Croiset)
XCII
"Oui,
je confirme bien que le pieux est ce qu'aiment
tous
les dieux,
et qu'au contraire,
ce que
tous les dieux
haissent est impie.~ (D.S)
XCIII:
" •.• mais c'est
ta
thèse . . . "
(Trad.
Robin
modifiée)
XCIV:
"Mais comme
les hypothèses sont de
toi,
i l
nous faut
chercher une autre
plaisanterie."
(Croiset)
,
XCV:
"Le pieux est-il aimé des
dieux
parce qu'il
est
pieux,
ou
bien est-il
pieux
parce qu'il est aimé
des dieux?"
(D.S)
XCVI:
" ••. et comprends-tu
que
tous
les
termes analogues sonL
distincts
les uns des autres,
vois-tu en
quoi?"
(D.S)
736
XCVII:
"Dis-moi,
tout d'abord,
ce qui
est porté l ' e s t - i l parce
que quelqu'un
le
porte,
ou
bien est-il porté pour une
autre raison?"
(D.S)
XCVIII:
"car la cause ne
peut être cause de
la cause."
(Croiset)
XCIX:
"Donc de l'acte même de
produire,
i l ne nait
pas autre
chose que l'effet,
mais
non
pas le producteur."
(D.S)
C:
"Donc la cause ne
produit
pas la cause;
elle produit l'effet
qui
vient d'elle."
(Croiset)
Cl:
"La cause n'est
pas l'effet,
pas plus que
l'effet n'est la
cause."
(D.S)
CIl:
" . . . Une chose est le
producteur,
autre chose le produit . . . "
(D.S)
CIII:
"Donc,
le pieux est aimé
parce qu'il
est pieux,
mais ce
n'est pas parce qU'il est aimé que le pieux est
pieux."
(D.S)
lCIV:
"Lorsque quelque chose est aimé,
n'est-ce pas un effet,
ou
un accident qui lui survient."
(D.S)
CV:
" •.. mais ce n'est pas parce qu'il est aimé,
que de ce fait
i l est pieux."
(D.S)
CVI
"D'autre part,
ce qui est aimé des dieux
est aimé simplement
du fait
qu'il est aimé
des dieux."
(id)
'CVII:
"Pour cette
raison
que ce qui
est pieux est aimé à cause
de sa nature propre,
nous
venons d'en
convenir,
et n'est pas
pieux parce qu'on l'aime."
(Croiset)
; CVlII:
"Tandis qu'une chose aimée des dieux
est aimée tout simple-
ment parce qu'ils l'aiment,
et ce n'est
pas sa nature
qui
est en cause."
(Croiset)
1
737
CIX:
"De telle sorte,
Euthyphron,
qu'étant prié par moi de
défir:ir
ce qui est pieux,
il semble bien que tu ne veuilles pas
m'en révéler la vraie nature,
et que tu t'en tiennes à un
simple accident:
à savoir, qu'il arrive à ce qui est
pieux
d'être aimé par tous les dieux.
Quant à l'essence mêoe de
la chose,
tu n'en as rien dit
jusqu'ici. Cesse donc,
si tu
,
le veux bien,
de dissimuler,
et,
revenant au
point de départ,
dis-moi en quoi consiste proprement le pieux,
sans plus
rechercher si cela est aimé des dieux ou susceptible de
quelque autre modalité. Ce n'est pas là-dessus que nous
discuterons.
Applique-toi seulement à me faire comprendre
la nature propre de ce qui est pieux et de ce qui est
impie." (Croiset)
CX:
"Donc,
ce qui est pieux est pieux parce qu'il est aimé ••• "
(Trad. Croiset modifiée)
CXI:
" •.• mais ce n'est pas parce qu'il esr aimé qu'il est ;:lieux."
"
....
CXII:
" Mai s d' au t r e par t
1 eth e 0 phi 1 e5 est - i 1 tel
par c e qu' i 1 est
aimé des dieux."
(D.S)
CXIII:
" •••
.
malS
ce n'est pas parce qu'il est th~ophil~s que de ce
fait i l est aimé. 1I (D.S)
CXIV:
" ..• dire qu'il arrive à ce qui est pieux d'être aimé
de t<..'us
les dieux." (id)
CXV:
"mais dis-moi de bon coeur ce qu'est le pieux et ce qrJ'est
l'impie. 1I (id)
CXVI:
IIje ne sais plus te dire ce que je pense."
(Croiset)
CXVII:
Il • • • je
ne sais plus moi-même ce que je dis."
(Croiset)
738
CXVIII:
" ••• je ne
sais plus ce que
je dis ••. "
(id)
CXIX:
"mais,
je ne sais plus,
moi,
ce que
je disais."
(Chambry)
Les Belles Lettres)
CXX:
" ••• mais elle m'échappe,
je ne sais comment ••• "
(Croiset)
CXXI:
"Toutes nos
propositions semblent tourner autour
de
nous et
pas une ne veut rester en place."
(Croiset)
CXXII:
" Car si cela dépendait de moi,
ils resteraient en place."
(id)
CXXIII:
"Et puisque tu sembles mollir,
je vais m'y mettre avec
toi
pour que
tu m'instruises de ce qui est pieu~." (id)
CXXIV:
"Pas de découragement. ~I (id)
CXXV:
"Examine si
tu ne crois pas nécessaire que
tout ce qui
est
pieux soit
juste."
(id)
CXXVI:
"Je ne
puis te suivre dans tes distinctions ••• "
(id)
CXXVII:
"Mais tout ce qui est
juste est-il pieux? ou bien tout
ce qui est
pieux est-il
juste,
sans que,
pour cela,
tout
ce qui est
juste soit pieux,
une partie seulement de ce
qui est
juste étant pieux,
le reste non."
(id)
CXXIX:
"là où est la crainte est aussi le respect."
(id)
CXXX:
"Eh bien,
je ne crois pas que là où est la crainte soit
aussi le respect.
Car i l me semble que beaucoup de gens
qui craignent les maladies,
la pauvreté et d'autres choses
encore,
ont de la crainte,
mais nul
respect pour ce qu'ils
craignent."
(id)
CXXXI:
"là où est le respect est aussi la crainte."
(id)
CXXXII:
"cf.
CXXIX.
CXXXIII:
"La crainte,
à mon avis,
s'étend
plus loin que le respect."
(id)
r
739
J
1
CXXXIV:
"Le respect est une
partie de la crainte ••• "
(id)
1
CXXXV:
" .•• comme le nombre impair est
une
partie du
nombre en
général,
de sorte que,
s ' i l
n'y a
pas nombre pair
partout
où i l Y a
nombre,
en
revanche,
partQut où est un nombre
impair,
i l Y a un nombre."
(id)
CXXXVI:
" Ma question était tout à
fait analogue."
(id)
CXXXVII:
"Je te demandais si
partout 0;)
i l Y a
justice,
i l y a
aussi
piété;
ou bien si,
tout ce qui
est pieux étant
juste,
i l peut y avoir néanmoins quelque chose de
juste
qui ne soit
pas pieux."
(id)
CXXXVIII:
"Agir à
l'égard des hommes comme i l convient,
c'est
observer la
justice;
à
l'égard des
dieux,
c'est
observer la piété;
or observer la
justice et la piété,
c'est nécessairement être
juste et
pieux."
(Trad.
Croiset légèrement modifiée)
CXXXIX:
"De même,
essaye de m'enseigner quelle partie de la
justice est pieuse ..• "
(id)
CXL:
" •.• la
partie de la
justice qui est
pieuse et sacrée c'est
celle qui concerne les soins dus aux
dieux;
le
reste,
c'est-
à-dire tout ce qui se
rapporte aux hommes,
forme l'autre
partie de la
justice."
(Trad.
Croiset modifiée)
CXLI:
"Toutefois,
encore un
petit éclaircissement."
(id)
CXLII:
"Tout le monde ne s'entend
pas à
soigner les chevaux;
c'est l'affaire du
palefrenier."
CXLIII:
"Or,
l'objet de toutes
les sortes de
soins est en somme
toujours
le même?"
(id)
CXLIV:
" •• (que)
les chevaux,
soignés
par l ' a r t du
palefrenier
s'en
trouvent bien et
(qu')ils en
profitent."
(id)
740
CXLV:
"Mais,
si l'on
fait
du mal. aux chevaux,
deviennen t-ils
meilleurs ou pires?"
(Chambry)
Les Belles Lettres)
CXLVI:
"Es-tu prêt à reconnaître que,
quand
tu fais
quelque
chose de pieux,
tu améliores un
dieu."
(Croiset)
CXLVII:
"et,
de mon côté,
je pense que
jamais rien
de meilleur
n'est échu à la cité que mon zèle à exécuter cet ordre."
(Trad.
Croiset légèrement modifiée)
CXLVIII:
"Quelle est donc cette oeuvre merveilleuse que produi-
sent les dieux grâce à nos services."
(id)
CXLIX:
"
toutes ces nombreuses et belles oeuvres que
produisent
les dieux,
en quoi se résument-elles?"
(Trad.
Croiset
modifiée)
CL:
" Je viens de te dire .••
que c'est une tâche de
longue haleine
de s'en instruire en détail."
(Croiset)
CLI:
"Tu étais à l'instant même sur le point de le faire,
et
brusquement tu m'as dérobé ta réponse;
si tu me
l'avais
donnée,
j'apprenais de toi ce que c'est qu'être pieux
et
j'étais satisfait."
(Croiset)
CLII:
" et quand
un dieu m'avait assigné pour tâche,
COffioe
je le
croyais,
comme
je l'avais admis,
de vivre en
philosophant,
en scrutant et moi-même et les autres •.• "
(id)
CLIII:
" . . . de la vertu provient la fortune
et
tout ce qui est
avantageux,
soit aux
particuliers,
soit à l'Etat."
(id)
CLIV:
"Or,
dans l'âme,
pouvons-nous distinguer quelque chose
de
plus divin
que cette partie où résident la connaissance
et la pensée?"
(id)
1
741
CLV:
"Car les dieux ne sauraient négliger quiconque s'efforce
de devenir
juste et de se rendre par le
pratique de la
vertu aussi semblable à la divinité qu'il a été donné
à
l ' homme."
(Chambry)
_ Les Belles Lettres)
CLVI:
"Car si vous agissez avec
justice et sagesse,
toi-même et
la république,
vous plairez aux dieux
par vos actions."
(Croiset)
CLVII:
"J'affirme donc que,
pour tout homme et en
tout temps,
ce
qu'il y a de plus beau pour un mortel,
c'est d'être
riche,
bien
portant,
honoré de toute la Grèce,
de parvenir
à
la vieillesse après avoir fait à ses parents morts de
belles funérailles,
et de recevoir enfin de ses propres
en fan t s
die b eau x et ma g nif i que s h 0 n n e urs fun è b r es. "
(Croiset)
CLVIII:
"si l'on sait,
dans ses prières comme dans ses sacrifices,
s'exprimer et agir d'une
façon qui plaise aux Dieux,
c'est
là ce qui constitue la piété,
et c'est en procédant de
la sorte que l'on fait
le salut des familles
particulières
comme celui de la communauté politique."
(Robin)
CLIX:
"Certes,
Euthyphron,
tu aurais pu,
si tu l'avais voulu
me résumer ce que je te demandais beaucoup plus briève-
ment."
(Croiset)
CLX:
"Mais,
décidément,
tu n'as pas à coeur de m'instruire;
je le
vois bien."
(id)
CLXI:
"Tu étais à l'instant même sur le point de le faire,
et
brusquement tu m'as dérobé ta réponse . . . "
(id)
CLXII:
"si tu me l'avais donnée,
j'apprenais de toi ce que c'est
qu'être pieux et j'étais satisfait."
(id)
14L
CLXIII:
" . . . i l
faut
bien
que
l'amant suive l'objet
de
son
amour •.• "
(id)
CLXIV:
"E~somme, quelle définition donnes-tu du. pieux et de la
piété?"
(Trad. Robin modifiée).
CLXV:
"n'est-ce
pas une certaine science de sacrifices et de
prières?"
(Croiset)
CLXVI:
"C'est que
je suis avide de
ton
savoir
"
(id)
CLXVII:
"c'est
que
je suis avide de
ton savoir
et
j'y applique
toute mon attention,
pour ne pas
perdre une miette de
ce
que
tu dis."
(Trad.
Croiset légèrement modifiée).
CLXVIII:
" ..• et
tu
reconnaitras
par là avec
quelle attention
je
n'ai cessé de t"observer."
(id)
CLXIX:
"car,
sans doute ce ne serait pas le fait d'un expert
en
cette matière que
d'offrir à quelqu'un des
choses dont
i l n'a
pas besoin."
(id)
CLXX:
" .•• tout ce qui
est démonique est intermédiaire entre
le
mortel et l'immortel."
(Trad.
Robin
légèrement modifiée.)
CLXXI:
" . . . faire connaître et
( . . . )transmettre aux
dieux ce
qui
vient des
hommes,
et aux hommes ce qui
vient des dieux:
les
prières et les
sacrifices des
premiers,
les injonctior.s
des seconds et leurs
faveurs,
en échange des
sacrifices . . . ~
(id)
CLXXII:
"Enfin,
celui
qui est savant là-dessus est un
ho:::ne
eÇt
démonique,
tandis que celui qui~avant en tout ëutre
domaine,
en rapport,
soit à
une science spéciale,
soit
à
un métier manuel celui-là n'est qu'un artisan~" (id)
1
l
"r
!
743
CLXXIII:
"Ainsi conçue,
Euthyphron,
la
piété me fait
l'effet
d'une
technique commerciale,
réglant
les échanges
entre dieux et hommes."
(Croiset)
CLXXIV:
"mais
je voudrais savoir
précisément quels sont ces
modèles qu'il
faut
suivre pour
parler des dieux."
(id)
CLXXV:
"Va
pour
technique commerciale,
s ' i l
te
plaît de
l'appeler ainsi."
(id)
CLXXVI:
"Oh!
cela ne me
plaît que si c'est la
vérité."
(id)
CLXXVII:
"Mais explique-moi quel
profit les
dieux
peuvent bien
tirer des
présents qu'ils reçoivent
de
nous."
(id)
CLXXVIII:
"Nous n'avons aucun
bien qui
ne
nous
soit donné
par éux."
CLXXIX:
"pour les biens,
nul autre que
lui n'en est l'auteur;
mais
pour les maux,
i l faut
en chercher la cause
ailleurs qu'en Dieu."
(Chambry)
Les Belles Lettres)
CLXXX/
~Que veux-tu qu'ils soient, sinon des marques de respect,
des hommes,
et,
comme
je te
le
disais
tout à l'heure,
une manière de leur
être agréable?"
(Croiset)
CLXXXI:
"Alors,
Euthyphron,
ce qui est
pieux,
c'est ce qui leur
agrée,
et non ce
qui leur est utile
ni ce qu'ils
aiment."
(id)
CLXXXII:
"Je pense que ce
qui
leur agrée
est
précisément ce
qu'ils aiment.
"
(id)
CLXXXIII:
"De sorte que si
je comprends bien,
c'est ce qu'ils
aiment qui est
pieux."
(id)
CLXXXIV:
"Donc,
de deux choses
l'une:
ou
bien,
tout à
l'heure,
nous ~ous sommes trompés en commun,
ou
bien maintenant
notre assertion est fausse."
(id)
CLXXXV:
"Quand tu es toi-même bien plus habile que Dédale,
puisque tu les fais
tourner en cercle." (id)
CLXXXVI:
"Parce que ces statues,
si on néglige de les fixer,
prennent la fuite et s'en vont;
il faut
les attacher
pour qu'elles restent."
(id)
CLXXXVII:
"Ne t'aperçois-tu pas qu'en raisonnant,
nous a\\"ons
tourné sur nous-mêmeS et que nous voici revenus au même
point?"
(id)
CLXXXVIII:
"Seulement,
que je sois si peu fixé sur ce point,
moi
et tout autre ignorant,
rien d'étonnant.
Mais que
vous,
les savants,
vous voyez sujets aux même{variations,
voilà ce qui est terrible pour nous-mêmes,
car alors
nous aurons beau recourir à vous,
nous ne serons
pas
tirés de nos incertitudes."
(id)
CLXXXIX:
"Car si quelqu'un la sai t,
c'est bien toi, et on ne doi t
pas plus te lâcher que le dieu Protée,
avant que tu
n'aies parlé:"
(id)
CXC:
" ••• ne me cache pas ce que tu en penses." (id)
CXCI:
"Une autre fois,
Socrate.
Pour le moment,
je suis ;;ressé
et c'est l'instant de m'éloigner."
(id)
CXCII:
" •.• tu t'en vas,
tu me fais retomber du haut de mon
,
esperance ••• "
(l"d)
CXCIII:
"et en ton nom aussi,
avec ta permission,
je répondrais
de même,
que le justice est ou identique ou très seoblable
nl!....~~f,.~-e.
à la piété,
et que la justice\\lplus que tout à lé piété
comme la piété à la
justiC.e." (Trad.
Crois e t
lé gèremen t
modifiée.)
745
III.
Conclusion Générale
1:" Il n'est
pas
permis,
dit-on. de laisser en
plan même un conte:
Il faut
lui donner une tête,
pour l'empêcher de
vaguer
sans tête,
çà
et là.
Achève donc
de me répondre,
pour que
notre
discussion
reçoive aussi son couronnement."
(Croiset)
II:
"Briserons-nous l'entretien sans conclure?"
(id)
III:
"Nous ne
pouvons cependant laisser notre
propos
inachevé!"
(id)
IV:
"connais-tu
quelque sujet plus important que
le
j u s t e ,
le
beau,
le
bien et l'utile?"
(id)
V:
"Ne parlons
pas trop
vite,
mon
très cher,
de
la
vertu dans
son ensemble."
(id)
VI:
" .•• je suis un
sophiste
et un
éducateur ••• "
(id)
746
IV.
Traduction
des citations grecques
de
l'Annexe
l
1:
"je n'en
sais rien
pour le moment;
mais
partout où
le
souffle de
la
raison
nous
poussera,
nous nous
y rendrons."
(Chambry,
Les Belles Lettres)
II:
"Il faut,
Polos,
tenir en
bride ce
long discours
dont
tu
avais commencé
par nous
éblouir."
(Trad.
Croiset légèrement
modifiée)
III:
"Seulement,
si tu
veux
prononcer
un
long
discours,
j'aime
mieux
te dire
tout de suite que
tu ne me
guérirais
pas;
je serais incapable de
te suivre."
(id)
IV:
"Me demandes-tu si
je peux m'expliquer en
de
longs discours,
tels que tu es habitué à
en entendre?
Ce
n'est
pas ma
manière."
(id)
V:
" ••• quand
on me
tient un
long discours,
j'oublie de
quoi
on
me
parle."
(id)
VI:
"Certes,
Euthyphron,
tu aurais
pu,
si
tu
l'avais
voulu,
me
résumer
ce que
je te
demandais
beaucoup
plus
briève~ent."
(id)
VII:
"Si donc
tu
désires m'entendre avec Protagoras,
demande-
lui de me répondre comme i l mla
répondu
tout
à.l'heure,
en peu de mots et sans s'écarter des
questions
posées."
(id)
VIII:
"Sinon comment soutenir
un entretien?"
(id)
,
,
i
747
IX:
" ••• j ' a i maintes
fois,
en
des
luttes de
discours,
rencontré
des adversaires,
et
si
j'avais fait
ce que
tu me
demandes,
de
parler moi-même selon
le désir de
l'interlocuteur,
si
je m'étais
plié à cette règle,
je ne
paraîtrais supérieur à
aucun autre et
la renommée
de Protagoras ne remplirait
pas
la Grèce."
(id)
X:
"11
y a
des
réponses,
Socrate,
qui
exigent de
longs dévelop-
pements."
(id)
XI:
"Probablement en effet,
d i t - i l ,
n'était-ce
pas
possible
en
un
bref entretien."
(Robin)
XII:
"Considérons d'abord
l'excès et le défaut
en général,
afin
de louer ou
de
blâmer
sur de
justes raisons ce qu'on
dit
de trop
long ou de trop court dans des entretiens comme
celui-ci."
(Chambry)
XIII:
" ••• nous estimons davantage et par dessus tout la Qéthode
elle-même ••• Il
(D.S)
XIV:
" ••• qui
est capable de
diviser par espèces ••• "
(id)
XV:
" ••• et,
si
un
discours
très
long rend
l'auditeur
plus inven-
t i f ,
de le
poursuivre
résolument,
sans s'impatienter de
sa longueur ••• "
(Chambry)
XVI:
"Si tu
veux,
oppose discours à discours,
et démontre que
le
second
(Le.
Ulysse -
D.S)
est meilleur."
(D.S)
XVII:
"Il
y a
des
réponses,
Socrate,
qui
exigent de
longs
discours."
(Trad.
Croiset modifiée)
XVIII:
"Si l'on a
affaire à
un
interlocuteur,
complaisant et
docile,
la
méthode
la
plus facile,
c'est de
parler avec
un autre;
sinon c'est de
parler tout seul."
(Chambry)
748
BIBLIOGRAPHIE
( NB : Tous les ouvrages cités dans notre travail ne rigurent pas
dans cette bibliographie • )
1.
TEXTES
-
Editions des oeuvres complètes de Platon:
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(J):
Platonis opera.
Recognovit
brevique
adnotatione
critica instruxit
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Oxford
Classical
17
Texts,
1980
(Texte grec
seul).
2] Chambry
(E):
Platon.
Oeuvres Complètes,
Garnier-FlammarioTI,
1967
(Traduction
française,
sans
texte
grec).
3) Croiset
(A et M,avec la collaboration
partielle de Méridier
(L),
Bodin
(L)
et Chambry
(E)
):
Platon -
Oeuvres
Complètes,
Paris,
les Belles Lettres,
Collection
G.
Budé,
1949
(Texte
grec et traduction française
en regard:
15 tomes.
Sauf
indication contraire,
nous renvoyons au
texte grec
établi
dans cette
collection).
4) Cousin
(V):
Platon -
Oeuvres Complètes -
1826
(Traduction
française
seule).
5)
Fowler
(H.N)
:
Plato with an english
translation,
The Loeb
Classical Library,
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6) Jowett
(B)
:
Dialogues of Plato,
1892.
7)Lamb
(W.R.M)
:
Plato with an
english translation,
London
MCMXXVII.
-
Pour
les
bibliographies systématiques des
études
platonicienneS depuis
1950,
on consultera:
8)
Brisson
(Luc):
Platon
1958-1975,
Lustrum 20,
1977
(Gottingen)
j
9)
Brisson
(Luc)
Platon
1975-1980,
Lustrum 25
(à
paraître
normalement en
1983)
N.B.
Pour ce dernier volume du Lustrum,
j ' a i pu bénéficier des
manuscrits qui m'ont été gracieusement offerts par
l'auteur
lui-même.
Qu'il veuille
bien trouver ici
l'expression de
mon infinie gratitude et
de ma
déférente admiration!
10) Cherniss
(H)
:
Plato 1950- 1957,
Lustrum 4
(1959),
5 (1960).
J
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la Philosophie)
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Essai
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la
problématique aristotélicienne.
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1962. (1982)
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105) Vilhena
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le Socrate historique
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PUF,
1952,
(a) Cf. Dec. Pub .. Univ. VI, Chicago, 1<;04- (pp 12S-214- )
/ ':) /
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106) Blitz
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Interpretation V,
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1975.
107) Bolotin
(D)
Plato's dialogue on frienship.
An interpre-
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the Lysis with a
new translation,
Ithaca/New-York,
1979.
108) Brisson
(Luc)
Le mythe de Protagoras.
Essai d'analyse
structurale,
Quaderni Urbinati Di Cultura
20,
1975.
109)
Brown
(H)
Sophrosyne and
philosophy,
Diss.
New School
for
Social Research,
N.York,
1979.
110) Bruxell
(Christopher)
:
Socratic politics and
self-kno_ledge.
An interpretation of Plato's Charrnides,
Interpretation 6,
1977
(pp.
141-203),
Ill)
Bufford
(Th.
0)
Plato on the educational consultant:
an
interpretation of
the Lachès,
Idealistic
Studies 7,
1977
(pp.151-171).
112) Calogero
Gorgias and
the Socratic Principle;
Nemo sua
sponte peccat,
Journal of Hellenic Studies
LXXVII,
1957
(pp.12-17),
113) Colin
(G)
:
Platon et la
poésie,
REG
XLI,
1928,
(pp.1-72).
114) Cronquist
(J)
:
The point of
the Hedonism in Platc's
Protagoras,
Prudentia
XII,
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A propos d'un passage du Ménon:
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The
techne analogy
in
the Charmides,
Phil.
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Arc he 3,
1 2 2 5,
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de
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final
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de Da ka r,
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L
r
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Paris, Seuil,
1956.
178) Hacha (P)
Etude sur l'Euthyphron de Platon,
Liège,
1936-
37. (Je
remerç:ie
le Professeur R.
Hubien
de .. m-I avoir aimablement communiqué ce travail.
Les mêmes remerciements
s'adressent égale~ent
aux ~yants droit qui ont bien voulu accorder
l'autorisation de communiquerJ
l
764
179) Hall
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Plato:
Euthyphro 10a1-11a10,
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:
Euthyphron,
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1956.
186)
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An essay
toward the
solution of an enigma,
Phronesis III,
1958 (pp.108-120).
187) Rohatyn
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The Euthyphro as
tragedy:
a
brief sketch,
Dialogos
IX,
25,
Novembre 1973.
188) Rose
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A note on
the Euthyphro 10-11,
Phronesis
II,
la, 1965.
189) Rucker
(D)
The Euthyphro as comedy:a brief rejoinder,
Dialogos XI,
28,
Avril
1975
(pp.176-181)-
190) Schanz
(M)
:
Euthyphron,
Leipzig,
1887.
191) Stawell
(F.M)
:
The Euthyphro,
Apology and Crito with
introduction,
translation and notes,
London,
MCMVI •
.
765
192) Stock
(G)
:
The Euthyphro,
Oxford,
1909.
193) Violette
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1967).
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Les oiseaux
(T 3,
1967).
cf.
texte établi
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Victor Coulon et
traduit
par Hilaire Van Daele
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Les Belles Lettres.
200) Aristote
Rhétorique
(Trad.
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Dufour,
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Les Belles
Lettres)
1967.)
201) Aristote
Poétique (Trad.
J. Hardy,
Les Belles Lettres,
5
1969 ).
202) Aristote
ta Métaphysique
(Trad.
J. Tricot ap. Vrin, dernière
édition
1981).
203) Aristote
De la génération et de la corruption
(Trad.
Ch.
Mugler,
Les Belles Lettres,
1966),
204) Aristote
Les Topiques
(Trad.
J. Brunschwicg,
Les
Belles Lettres,
1967. cf.
T l:tv, l-IV).
205) Aristote
Ethique à Eudème (Trad.
V.
Décarie,
en
collabo-
ration avec R.
Houde-Sauvé,
Paris/Vrin et
Montréal/PUM,
1978).
206) Aristote
La constitution d'Athènes
(Trad.
G.
Mathieu
et
8
B.
Haussoulier.
Les Belles Lettres.
19ï5
).
207) Aristote
Physique
(Trad.
H.
Carteron,'
. Les Belles
.L e t t r es,
2 vol,
1 9 6 9 ) •
767
208)
Asclépius
Asclepii in Aristotolis Metaphysicorum libros
A-Z commentaria,
ed.
Hayduck,
Berlin,
1888.
209)
Athénée
Le Banquet des Sophistes,(Trad.
Desrousseaux et
Ch.
Astruc,
Les Belles Lettres,
1956,
cote
Sorbonne LGc 38
(56,1)
in octavo;
i l existe aussi
une
plus vieille
traduction ap.
Lefebre
de Ville-
brune,
Paris,
1789-1791,
cote Sorbo
R 1456(1-5)
210)
Cicéron
De natura Deorum
(Trad.
Charles Appuhn)
Classiques Garnier,
1935).
211)
Cicéron
De officiis
(Trad.
M.
Testard,
.
Les Belles
Lettres,
2 vol,
1965).
212) Cicéron
De resp.
(Trad.
E.
Bréguet,
" Les Belles Lettres,
2 vol,
1980).
213)
Démosthène:
Contre Leptine
(Trad.
L'abbé Augier,
vol 6,
Paris,
1819-21).
214)
Démosthène:
Pro Corona
(idtM,
vol 5).
215)
Diogène Laërce
:
Vie,
doctrines et sentences des
philosophes
illustres
(Trad.
R.
Genaille) . . Classiques
Garnier,
2 vol,
1933)-
216)
Eschyle
Prométhée
(Trad.
Claire Besançon,
Paris,
1972)
217)
Eschyle
Agamemnon
(Trad.
P.
Mazan;
Les Belles Lettres,
1935).
218)
Euclide
Eléments de Géométrie:
1) Traduction française
libre de G.J.
Kayas,
Paris,
édition
du CNRS,
2
vol,
1978;
2)
une édition plus
vieille de F.
PeyraAd,
1 vol,
1809:
cote Sorbo
LGI,
22f,
in 8°).
768
219) Euripide
Iphigénie en Tauride
(Trad.
L.
Parmentier et H.
Grégoire,
vol 4,
Les Belles Lettres,
1925)
220) Euripide
Les Bacchantes
(Trad.
H.
Grégoire avec
le
concours de J.
Meunier,
1961).
221) Eusèbe (de Césarée)
La
préparation évangélique
(Trad.
J.
Sirinelli,
E.
des Places et ati:\\,
5 vol,
Paris,
Ed.
du Cerf,
1974)
222) Eustathe (archevêque de Thessalonique)
:
Commentaire sur
l'Odyssée in Eustathii,
archiepiscopi,
Thessalo-
nicensis,
commentarii ad Homeri Odysseam ad
fidem
exempli Romani,
edidit G.O.
Hildesheim,
IvoI,
1960; cote Sorbo L 17.825 (1-2) in 8°.
223) Héraclite
Fragment 60 ap.
Diels_ Kranz.
224) Héraclite
id.
ap.
G.S.
Kirk,
Cambridge,
1954; cote Sorbo
SPn 4.086,
in 8°.
225) Héraclite
id.
ap.
Bollack
(J)
et Wismann
(H)
in Héraclite
ou
la séparation,
ed.
Minuit,
1972.
226) Hérodote: Histoires ,Trad. Legrand,Paris~es Belles Lettres,
10 vol,
1932-1954.
227) Hésiode
Théogonie
(Trad.
P.
Mazon)
Les Belles ~ettres,
5
1960 ).
().l
228) Homère
L'Iliade
(Trad.
P.
Mazon et -.QUI.
Les
Belles Lettres,
4 vol,
1937-38).
229) Homère
L'Odyssée
(V.Bérard)
Les Belles Lettres.
5'01,
2
1968
).
230) Isoc.rate
Busiris
(Trad.
G.
Mathieu et E.
Brémond \\
Les
Belles Lettres,
1928; cote Sorbo
LGc
38 (28,
1)
IbY
231)
Isocrate
Hélène
(Trad.
G.
Mathieu et E.
Brémond)
Les
Belles Lettres,
T 1,
1963).
232) Jamblique
De vita Pythagorica,
ed.
Teubner
(XX- 158p),
1937.
233)
Lucien
(i.e.
Lucianus Samosatensis)
: Ménippe
(Trad.
J.Ph.
Garnaud,
Thèse 3ème cycle,
Paris IV,
1976
(2 vol);
cote Sorbo
l
3791
(1-2),
in 4°).
234)
Paul
(St)
:
Lettre aux Corinthiens (I,3-,9),Trad.
L. Second,197 E•
235)
Plotin:
Ennéades
(Trad.
E.
Bréhier)
Les Belles Lettres
4
(7 vol),
1968
.).
236 Plutarque
Oeuvres complètes de Plutarque (en 25 vol,
trad.
Amyot avec notes de Brotier et Vauviliers,
Paris,
1801-1805).
237) Thucydide
Histoire de le Guerre du Péloponèse,
(Trad.
J.
Voilquin,
Classiques Garnier,
Paris,
1948).
238)
Xénophon
Les Mémorables (Trad.
P.
Chambry,
GF,
vol
3,
'J
in OC,
1967).
1
770
VI.
OUVRAGES SPECIAUX
239) Branwood (L)
A word index to Plato,
Leeds,
W.S. Maney
and son LDT,
1976.
(Je remercie très vivement
la Librairie Vrin)dont la diligence et
l'efficacité m'ont permis d'acquérir ce
précieux et désormais indispensable outil de
travail pour tout Platonisant de métier).
240) Burgelin (0)
: La Communication de masse,
Paris,
1970.
241) Chantraine (P)
Dictionnaire étymologique de la langue
grecque
T 3, Paris,
Klincksieck,
1974.
2
242) Evans (B)
: Dictionnary of mythology,
London/N.York,
1971 .
243) Grimal (P)
: Dictionnaire de la mythologie grecque et
romaine,
Paris, PUF,
1963.
244) Kane (Amidou Ch.)
: L'aventure ambiguë,
Paris,
U.G.E,
1961.
245) Morin (E)
: La rumeur d'Orléans,
Paris,
Seuil,
1969.
246) Queysanne (M)
: Algèbre (Premier cycle et préparation
aux Grandes Ecoles) Paris,
A.
Coli~, 1964.
247) Schmidt (J)
Dictionnaire de la mythologie grecque et
romaine,
Larousse,
1965.
INDEX LOCORUM (1)
Le premier chiffre renvoie aux pages,
le second, au(x) para-
graphe(s) correspondantes). L~s chiffres en exposant indiquent
les occurrences des passages cités pour les pages ou pour les
paragraphes.
NB: Cette remarque est valable pour le second in.
loc.
Alc.
l
104c7-105c7 : 118 (77)
106c-d sqq
: 84 (47)
106d2-3 : 119 (77)
106d5-6 :84 (47)
107all-dl
:119 (77)
107c6 : 119 (77)
107d4-5 :119 (78)
108b8-9 : 97 (57)
109c6
120 (78)
109d6
120 (
78)
110el
120 (79)
1l0e2-3
83,
120 (47,
79)
lllall-12 : 121 (79)
Illb2-3 : 121 (79)
lllc2
121 (79)
112d9 :122 (80)
113dl-7 : 122· (80)
772
116e2-3
128 (84)
116e2-4
123 (80)
117b :
126 (82bis)
117b2-3 : 123 (80)
117b-e :
124 (81)
119a 1 sq
124 (81)
119b5 - e3
:
124 (81)
127b7
37 (20)
12ge12 -
130e4 :
86 (50)
130e3: 188 (145)
133el
:
134 (89)
Ale.
II
14ge :150 (104)
Apol.
28b-29a
216 (168)
Banquet
200a
:245 (194)
205b-e:
129 (85)
Charmide
159al-160b4
192 (148).
773
159b3-5 : 190 (146)
159b8
191 (147)
159c1
: 192 (148)
160b5
192 (148)
160b7-9 :
193 (148)
160d5-6:
194 (149)
160e4 : 194 (149)
160e9-10 :
1942(..pr~-j»)l)o1» Ag1(...{'5~J
161b2-164c5 : 37 (20)
161b5:
183,
226 (141,
179)
161b6:
194 (150)
161c4-5 :
184 (141)
161d1 sqq
:
195 (150)
161d5-8
183 (140)
161e1
:
183 (140)
161e3-4 :
100 (59)
161e10 sqq
:
195 (150)
162e6 :
195 (151)
163cl-2 :
196 (151)
163d4 :
196 (151)
163d7:
196 (151)
163e8-9 :
197 (152)
164a1:
197 (152)
774
Cratyle
400bl0:
184 (142)
400cl:
184 (142)
433b:
129,218 (85,
170)
431b:
244 (193)
Critias
43al sqq:
186 (144)
43b4-5:
187 (144)
44b8:
187 (144)
44b
10-13:
187
(144)
44b17-21:
187
(144)
44c6-7:
83
(47)
44d:
120 (79)
46b4:
188 (145)
46b4-5
:
189 (145)
46b8-9:
188 (145)
47bl-5:
188 (
145)
47d3-6:
189 (145)
48a7
:
188 (145)
48c7:
189 (145)
49d8:
189 (145)
49d9:
189 (145)
49dl0:
189 (145 )
775
Euphr.
4e8 sqq:
93 (52)
5b : 63 (32)
.5"d-e:222 (175)
6d6:
70 (37)
6e:
245 (194)
7a:
222 (175)
7b-c:
128 (84)
llb-c:
100 (59)
11e4 sqq:
39 (20)
14e6-7
54 (27)
15a-b: 8 (3)
Gorg.
437b:
243 (193)
448a:
242 (191)
448d,
d8-11:
236 (188)
448e2-4:
235 (188)
448e5:
236 (188)
449b5-9:
236 (188)
451b-c:
243 (192)
461b-c:
125 (82bis)
461c3-4:
69 (37)
463c3-6:
242 (191)
464b4-5:
238 (189)
"
,.
i.
776
472b:
83 (47)
472b-c
:
100 (59)
472b4-c3:
217 (169)
473e5-6:
126 (82bis)
481b6-7
: 69 (37)
481d-e:
217 (169)
482a7 sqq:
217 (169)
482a8-9:
217 (169)
483a:
125 (82bis)
491b-c:
243 (192)
493a4:
184 (142)
493a5:
57
(28)
493d3: 57 (28)
497b:
125 (82bis)
497cl-2:
69 (37)
497c:
125 (82bis)
50-::ic::.-503b:
241
504a:
240 (190)
.J,
505b:
240,
241
(190)
505d:
28 (16)
505dl-4:
241
(190)
S06c:
242 (190)
506c-d:
242 (190)
507c8-9:
242 (190)
508e7-509a5:
242 (190)
...
r
777
Hipp. Tc
2
281al:
48,
51
(26
)
281b5-6:
52
(26)
2
281c:
51,
52 (26
)
281d:
53 (26)
281d-282a:
52 (26)
282a4
sqq:
53 (26)
282c:
120 (79)
2 8~d 6 s q q:
5 3 (2 6 )
283cl:
54 (27)
283c3-4:
84 (47)
284b5-6:
54 (27)
284e sqq:
120
285b3-4:
52
(26)
285cl-2:
56
(28)
285c4:
56 (28)
285c5:
56
(28)
285c7:
56
(28)
285dl-2:
56 (28)
285d6:
56 (28)
285d8:
56 (28)
285e9-10:
56 (28)
286al-2
:
57
(28)
286a3:
59
(29)
286bl
: 59
(29)
286b3-4:
59 (29)
286b5:
59
(29)
;,i
1
1
778
286c5:
61
(30)
286c6:
61 ,
116 (30,
73)
286dl-2:
61
(30)
286d8-e1:
62 (31)
286el-2: 62 (31)
286e7:
63 (31)
286e8-9:
63 (31)
287a3:
64 (32)
287a5-6:
64 (32)
287a8:
63 (31)
287c2:
65 (33)
287c5: 65 (33)
287c7-8
65 (33)
287c12:
65 (33)
287d2:
65(33)
287d3:
66 (34)
287d4:
66,
165 (34,
124)
287d6:
66,
165 (34,
124)
287d7:
66 (34)
287d8:
66 (34)
287d10:
67
(34)
287d12-e1:
67 (34)
287e2-3:
67 (35)
287e3:
67 (35)
287e4:
115 (73)
287e4-5: 68 (35)
1
779
288Al:
67 (35)
288b8:
68 (36)
288c6:
115 (73)
288cl0:
68,
116 (36,
73)
288dl-3:
69 ( 37)
288e6-8: 69 (37)
289a2 sq
:
71
(39)
28'3a3 sq
: 7 1 (39)
289a9-bl
71
(39)
289b3 sq
71
(39)
289c9-d2:
73 (40)
289d2-4
: 73 (41)
289d6-el:
74 (42)
28ge2-3:
74 (42)
28ge3 :116 (73)
290cl-2:
75 (42)
290c7:
75 (42)
290d4-5:
75 (42bis)
290e3 sq
:
75 (42bis)
291a3:
76 (42bis)
291a3-4:
75 (42bis)
291b5-6:
153 (108)
291c3-4:
75 (42bis)
291clr~: 153 (108)
1
~
780
291e8-9:
153 (109)
291dl-3 153 (109)
291d 4-5:
154 (109)
291d9:
154 (110)
292e8:
155 (Ille)
292d2:
155 (111)
292d3:
156 (111)
292d3-6:
117 (75)
292e11 sqq:
156 (112)
293a-b:
156 (112)
293b10 sqq:
157 (112)
292dl-4:
157 (113)
294e-d:
83 (47)
297e: 49 (26)
29ge: 49 (26)
Hipp.
II.
364a7-9: 53 (26)
36q.b:
120 (79)
365b8: 97 (57)
366b1~ sqq: 97 (57)
366d-e:
133 (89)
367e12-16:
187 (144)
369b8-e8:
125 (82bis)
36ge6 sqq:
100,
126 (59,
82bis)
36ge7-8:
126 (82bis)
372e-e:
126 (82bis)
781
Ion
530d2-3:
131
(86)
530d7-8:
132 (86)
531al-2:
132 (86)
531a8-b1
:
132 (87)
531b4-6:
133 (88)
531b8-10 :
133 (88)
531cl-2:134 (89)
531.c4:
134 (89)
531c4-5:
134 (89)
531c5-6:
134 (89)
531c6-7:
134 (89)
531c7-8 :
134 (89)
2
2
531c8:
134
(89
)
531c9
:134 (89)
532b8:
138
532c2:135 (90)
532c-d:
136 (91)
533c4 sqq:
138 (92)
533c6:
137 (91)
533d7:
137 (92)
534a:
137 (92)
534c5-7:
137 (92)
535a3-5:
138 (92)
535a9:
138 (92)
535d:
138 (92)
782
535d7-8:
138 (92)
536 d4-7:
138 (93)
536e3:
138 (93)
538a:
139 (93)
538b
:
139 (94)
53ge6:
139 (94)
541a9:
139 (94)
542a8:
140 (94)
542bl-2:
140 (94)
Lach.
179a6:
78 (43)
179c:
78 (44)
178e2:
78 (44)
181c8-9:
79 (45)
181e4: 80 (45)
18~a5 : 80 (45)
182b6-7:
80 (45)
182cl-4
:
80 (45)
182c 5:
80 (45)
182c5-7:
80 (45)
182è1sqq:
81
(45)
182c17-18:
81
(46)
182el-5: 81
(46)
182e6-183a~: 55 (27)
183a-b:
82 (46)
183c-184a: 82'(46)
184b3:
82 (46)
783
184d:
120 (79)
184dl-5:82 (47)
184d7: 82 (47)
184e3: 83 (47)
184e8-9: 83 (47)
184ell-185a3:
84
(48)
185a6: 84 (48)
18Sb3-4: 84 (48)
185b10-11: 85 (49)
185e-d:
86
(49)
185d5-7:
86 (49)
185el-2:
86,,91
(50,
51)
185e4: 86 (50)
186a-b:
86 (50)
186e-d: 86 (50)
186d3-5:
86 (50)
186d4-5:
181
188a-e:
87 (50)
188e5-189a1: 87
189a-b:88 (50)
18gel-3:
166 (125)
190b4-5: 89 (51)
190b-e: 88 (51)
190b7-e1:
91
(51)
J
-
784
2
190c7: 89,91
(51
)
2
190c8-9: 89,91
(51
)
190d:
91
(51)
190d5: 92 (51)
190e3: 92 (52)
190e4:
93 (52)
190e5-6: 93 (52)
190e7-9: 94 (53)
191a-b:
70, 95 (37, 54)
191c6-7: 94 (53)
191d sqq:
95 (54)
191d6: 95 (55)
191d7: 95 (55)
191el-2: 96 (55)
191e9:96 (56)
191el0-ll: 96 (56)
191e12: 96 (57)
192dJ:
97 (57)
192al-3: 97 (57)
192b4: 97 (57)
192b5-8: 97 (57)
192b9-cl:
127,
158 (83,
114)
192c:
126 (82bis)
192c2-3:
158 (114)
1
785
Lettre
VII,
341c-d: 9 (3)
343b-344c: 9 (3)
343c:
128 (84)
Lois
V,
742e:
141
(96)
X, 893 b : 63 ( 32 )
903a-b:
184 (141)
LYS.
204e1:
198 (153)
204e2:
198 (153)
213d6 sqq:
198 (153)
214a6:
198 (153)
214b-214e:
199 (153)
215a6-7:199 (153)
215e3-4:
199 (154)
2 1 6 b 9:
20 0
(1 5 4 )
216c2-3:200 (154)
216e4:
200 (155)
217b5-6:
200 (155)
,
218d5-6:
201
(156)
219al-5:
201
(156)
219c5-d1
:
202
(156)
220a6 sqq
:
203
(158)
220b3:
203 (158)
220b 3-4
:
204
(158)
220b7
:
204
(158)
M~nex.
236cl-2:
99
(59)
246e7-247a2:
254
'-2,00)
1
Men.
70a3:
98 (58)
71b 3-4:
98 (58)
7lc4-5:
99 (59)
7lc9
:
99 (59)
7ld2:
100 (59)
71d6:
101
(59)
7le1:
101
(60)
7le2-3:
101
(60)
71e6:
101
(60)
7le8:
101
(60)
72a:
252 (199)
72a1
:
101
(60)
72al-3:
101
(60)
787
72a3:
101
(60)
72a4:
102
(60)
72a7:
102 ( 61 )
72a9-bl
:
102
( 61 )
72d3:
104 (62)
72d-e:
104 (63)
72e:
104
(63)
72e2-3:
104
(63)
73a4-5:
105
(63)
73al0:
105
(64)
73b9-10:
105
(64)
73cll:
106,
223
(65,
176)
73cll-dl:
223
(176)
73d2-4:
106
(65)
73d7-8:
106
(66)
73d9-10:
107
(66)
73e3 sqq:
107
(66)
74a7-8:
108 (67)
74a9:
108 (67)
74bl-2:
108
(68)
74b4-5:
108 (68)
74b6 sqq:
109 (68)
74d7-8:
109 (68)
74d-e:
109 (68)
75a3-4:
110 (69)
75b9-cl:
110 (69)
75cl-2:
110 (69)
75c5-8:
111
(70)
75d6-7:
III
(70)
7SS
76a7:
III
(70)
76aS:
III
(71)
76c4-6:
111
(71)
7 6d:
112
(71)
76dS:
112
(71)
76d10:
113 (71)
76e3:
113 (71)
77a:
252
(19S)
77a9-b1:
114 (72)
77b4-5:
159 (116)
77d7-S:
159 (116)
7Sa9 sqq:
163 (120)
7Sb13-c1:
161
(117)
7ScS:
161
(lIS)
7Sc9:
161
(lIS)
7Sc9-10:
161
(lIS)
7Scll-19:
161
(lIS)
7Sdl-2:
162
(lIS)
7Sd7:
162
(119)
7Sd9 sqq:
162
(119)
1Cj 0, 9 - ~~= . S'3 (...{~ Ç)
Parrn.
132a-b:
201
(156)
133A:
201
(156)
7<)0
55el-4:
128 (84)
56c:
250 (196)
56e:
250 (196)
57c : 250 (196)
5ge:
179 (137)
Pol.
265c-266a:
249 (196 )
265d-e:
249 (196 )
266a9-10:
249 (196 )
266d:
249 (196)
266e:
241
(190)
272b9-c1:
8 (3 )
275e:
249 (196 )
276c:
249 (196 )
280b:
249 (196 )
281a:
249 (196 )
281e:
249 (196 )
282c:
249 (196 )
282e:
249 (196 )
283b:
249 (196 )
283c11-d2:
251
(198 )
283d:
251,
263 (198,208)
287b:
241
(190)
791
Proto
317a:
120 (79)
320c-324d:
207 (160)
323a-323c:
207 (160)
323C-324d:
208 (160)
323d:
207 (160)
324d-326e:
208 (160)
326e-328d:
208 (160)
327e sqq:
121
(79)
329c5-d2:
208 (161)
329d:
208 (161)
330a7-8:
209 (162)
330b7-8:
210 (162)
330cl:
210 (162)
330c4:
210 (162)
330c7-9:
210 (162)
330d4:
210 (162)
330d5:
210 (162)
330d8-9:
210 (162)
331a8:
210 (162)
331a8-9:
210 (163)
331e6:
213 (166)
332al-2:
213 (165)
334cl0-d7: 99 (59)
335b sqq:
38 (J..o)
342d2-4:
54 (27)
361a6-361c2: 7/8 (2)
792
REP.
1
331a-b:
141
(96)
331bl-2:
141 (96)
331b3:
141
(96)
331B3-4:
141 (96)
331d6-7:
141
(96)
331d8-9:
143 (98)
332a10:
143 (98)
332b11:
144 (98)
332b-c:
144 (98)
332d7-8:
144 (98)
332e6-7:
145 (99)
332e11:
145 (99)
333a1:
145 (99)
333cl-2:
145 (99)
333el-2:
146 (l00)
334a7-8:
146 (100)
334b:
146 (100)
334b6:
123,
151
(80,
106)
334d5-6:
147 (lOI)
335a9-10:
148 (101)
335c-d:
148 (101)
335e5-7:
148 (101)
335e:
51
(26)
336b:
148 (102)
348e8 sq: 148 (102)
793
I I
359d6: 57 (28)
376d9:
57 (28)
378e3:
57 (28)
379a2: 57 (28)
380c2:
57 (28)
392b6:
57 (28)
I I I
413c4-5:
43;
149,
224 (104,
177)
415a3:
57 (28)
IV
430b2-5:
244 (194)
430e:
262 (207)
430e6-9:
244 (194)
433al-434c7:
37 (20)
V
479a3:
116 (74)
479a4:
116 (74)
VI
490bl-7:
184 (142)
509d7 sqq:
67 (35)
510a:
252 (199)
510e4:
57 (28)
515a:
252 (199)
VII
514a-b sqq:
225 (178)
527b-c:
128 (84)
535cl:
99 (59)
VIII
558dI2-e3:
244 (194)
559a3-6:
244 (194)
559b:
262 (207)
IX
588c2:
57 (28)
X
598a sqq:
252 (199)
602d7:
128 (83)
606el-607a8:
61
(30)
Sapho
218c5-8:
260(&O~)
219a:
249 (196)
219c:
249 (196)
21ge:
249 (196 )
220b:
249 (196 )
220d:
249 (196 )
221c:
249 (196)
222d:
250 (196 )
223a:
250 (19"6 )-
223b:
250 (196 )
--
:Jo
ï95
223c-224d:
54 ( 27)
224b:
250 (196)
229c5-6:
124 ( 81)
229c8-9:
124 (81)
239d:
252,
263 (199,
208)
240a:
263 (208)
240a4-6:
253 (199)
240a7-8:
253 (199 )
246d9:
185 (142 )
25ge:
176 (135 )
266a:
250 (196)
266c:
250 (196 )
268d:
250 (196 )
Tht.
146b:
254 (200)
146e:
252,
255 ( 199,
200)
147b:
255,
256,
264
(201,
202 ,.:1..-1-1 )
147e:
256,
264 (202,
210)
148c:
258 (203)
149a:
259 (204)
156d:
135,
221
(90,
174)
159b: 260 (204)
187d:
260 (205)
202a:
260 (205)
797
Tim.
22bl:
57
(28)
49c:
180 (137bis)
2
SOc:
180
(137bis)
67e:
251,
263 (198,
208)
838:
263 (208)
838 sq
:
252 (198 )
848:
252 (198 )
,
lL
----
798
INDEX LOCURUM II
Ale.
l
105a3-4: 618 (452)
105b-e:
621
(455)
106bl-2:
611
(448)
106e5-106e4:
359 (274)
110e2-111e13:
312 (241)
lllal-4:
678 (510)
I l l e :
416
(308)
llle14:
575 (424)
llle14-112d4:
440 (325)
112al-113e8: 482 (362)
116e2-3: 543 (403)
118alO: 669 (500)
118alO-ll:
668 (499)
118e8:
618 (452)
1 2 2a~ 7 9 (4 2 6 )
127d6:
543 (403)
12ge12-130e4:
411
(306)
131b4: 669 (500)
131b5:
669 (500)
133el:
607 (446)
133e5:
603
(442)
799
133clO:
669 (500)
134a13-14: 669 (500)
134e10-11: 669 (500)
134dl-2:
608 (446)
Ale.
I I
138a-b:
620 (454)
138b:
621
(455)
139a:
621
(455)
141e:
621 (455)
142e: 622 (456)
143e: 622,
623,
(456,
457)
143e.: 623 (457)
144e:
623 (457)
145a:
623 (457)
145e:
623 (457)
2
146e:
623,
624,
(457 )
147a:
624 (458)
147e:
624 (458)
14ge:
624 (458)
2
150b:
625,
626 (460 )
ISla:
626 (460)
154a: 623 (457)
Apol.
17al-35d9: 282 (219)
17d2:
290 (223)
j
800
21cl
sqq:
282,
315 (219,
244)
22a9 sqq:
282
(219)
22b sqq:
315 (244)
22c2-3:
316 (244)
22c9 sqq:
282
(219)
22d sqq:
315 (244)
22El
sqq:
282
(219)
24b8-cl:
299
(231)
25c5 sqq:
301
(232)
26b:
305 (236)
28e4-6:
606
(444)
2ge:
658
(490)
2ge1:
606
(445)
2ge2:
606
(445)
30a:
603,
605,
657
(442,
443,
490)
30a2-3:
606 (445)
30a3:
606
(445)
30a4-5:
606
(445)
30 a 5 - 7:
5 9~,
6 5 6
(4 3 3,
4 8 8 )
30a-b:
606
(445)
30b2;
606
(445)
30b3-4:
606
(445)
31d:
310 (241)
2
31d3:
310,
311
(241
)
32c:
292
(226)
32c4 sqq:
293
(226)
32c5-7:
294
(227)
32d-e:
294
(227)
1
OUl
39c4-d3:
281,
282 (218)
Ba~quet
195c sqq:
395 (294)
202el-2:
628 (462)
202el-4:
629 (462)
202e-203a:
628 (462)
203a~: 629 (462)
203a4-6:
629 (462)
210el:
618 (452)
223d8:
289 (222)
Charm.
153a2-3: 289 (222)
160d5-6:
618 (452)
166el-2: 618 (452)
167d:
508 (380)
169d sqq:
474 (357)
176a sqq:
476 (358)
Crat.
383a-b:
381
(286)
396d:
397 (295)
~96d5: 324 (250)
i
802
396d5-6:
325 ( 251 )
399a:
397 (295)
399a 1 : 324 (250)
401bl:
303 (235)
401b4:
303 (235)
401d2:
303 (235)
401e2:
303 (235)
405c5:
303 (235)
405c8:
303 (235)
407d8:
324 (250)
408e3:
637 (469)
409dl: 324 (250)
410c7:
478 (359)
428c7:
324 (250)
428d-e:
382 (286)
Criti.
109b-c: 395 (294)
119d8:
637 (469)
Cri.
54b7-8: 573 (423)
J
~.
_--------------- -
_
_..-..
803
D~f.
412e-413a:
581
(427)
Euthd.
271a1:
289
(222)
303e7:
618
(452)
Euphr.
2al:
288 (222)
2al-3e8:
286 (221)
2al-5c8:
286 (221)
2a3-4:
289
(223)
2a5-6:
296 (229)
2bl-2:
291
(224)
2b10:
291
(225)
2b11:
291
(225)
2b14:
291
(225)
2c3-5:
300 (231)
2c5:
300 (231)
2c8-9:
302
(233)
2d1
sqq:
302 (233)
2d 14:
302
(233)
3 al - 8:
303
(2 34 )
3a9:
305 (236)
3b:
393
(293)
804
3bl-2:
305
(236)
3B~: 308 (239)
3b3:
305 (236)
3b5:
311
(241)
3b5-7:
308 (239)
3b7:
312
(241)
3b9-11:
313 (242)
3b-e4:
649
(480)
3el:
330 (255)
3e2-3:
319
(242)
3e3-4:
314 (243)
3e6:
314
(243)
3e8-9:
314
(243)
3d2:
314 (243)
3d3-4:
315 (244)
3d8-9:
316
(244)
3el sqq:
314 (243)
3e4-6:
467
(352)
3e5-6:
317
(244)
3e9-5e8 :
286
(221)
4al:
318 (245)
4a6
:
319 (245)
4a7:
319 (245)
4a12:
360,
484,
485
(274,
364,
375)
4aI2-b2:
323
(249)
4b:
336
(260)
4b1:
360 (274)
4b2:
360 (274)
4b4:
333 (258)
4b7:
333 (258)
4b9-c3:
352 (269)
4b10:
334 (258)
4b10-c1:
336 (260)
4c1:
338 (262)
4cl-3:
334 (258)
4c5:
341,
344 (263,
265)
4c6:
341
(263)
4 cl 1 : 348 ( 267)
4cl6 sqq:
330,
353 (255,
270)
4d8 sqq:
358 (270)
4d'9-10:
354 (271)
4d10:
355 (271)
4el-2:
357 (273)
4e3 sqq:
356 (273)
4e5:
357 (273)
4e6-7:
357 (273)
4e8 sqq:
330 (255)
5al-2:
358 (274)
5b5: 361
(274)
5b9-c3:
361
(275)
5c4 sqq:
361
(275)
5c8-7a3:
286 (221)
806
5c9:
366,
369,
386
(278,
280,
289)
5c9-dl:
367
(278)
5dl:
379 (284)
5dl-2:
368
(279)
5d2-3;
375
(282)
5d3:
413
(307)
5d3-4:
376 (283)
5d3-6d Il:
408
(304)
5d6-7:
380 (285)
5d7-e2:
383 (288)
5e4-5:
388
(290)
5e8:
388
(290)
6al:
388 (290)
6a6-7:
392
(293)
6a6-8:
392
(293)
6a7-c9:
360 (274)
6b:
393 (293)
6c5-7:
397
(295)
6d 1 :
398
(296)
6d8:
399
(296)
6dl0-ll:
407
(303)
6dl0-el:
401
(298)
6el:
407
(303)
6e3:
409
(305)
6e4:
377,
412
(283,
307)
6e4-5:
409
(305)
,
807
6eS:
283
(220)
6eS-6:
409
(305)
6e6-7:
284
(220)
6e6-7:
409
(305)
6e7:
409
(305)
6e8:
419
(309)
6 e Il - 7 al:
436
(3~-! )
7al:
637
(469)
7a2-3:
420,
433
(310,
319)
7a2-4:
362
7a3-S:
434
(320)
7a3-11e4:
286
(221)
7a7-8:
436
(321)
7a8-9:
436
(321)
7a9-10:
437
(321)
7b2-4:
437
(322)
7bS:
437
(322)
7b6:
439
(324)
7b7:
439
(324)
7b7-11:
439
(324)
7bl0-ll:
441
(326)
7b-e:
416
(308) ,
7e3 sqq: 439 (324)
7e 7 sqq: 439 (324)
7 dl:
441
(326)
7d2:
441
(326)
1
.....
uv._
7d8-9:
442 (327)
7d9:
442
(327)
7el-3:
443 (328)
7e5:
443
(329)
7e6-7:
443
(329)
7e7:
443
(329)
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444
(329)
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444
(330)
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444
(330)
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444
(330)
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(339)
8a10-11:
454
(339)
8b1:
455
(339)
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(342)
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458
(342)
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459 (344)
8b-e:
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(352)
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459
(344)
8c6 sqq:
459
(344)
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(346)
8d7:
462
(347)
8d10-e1:
463 (347)
8e4-6:
465
(349)
8e6:
465
(349)
8e6-8:
465
(349)
9a1
sqq:
466 (351)
9b5:
469
(354)
9b8-9:
469
(354)
9b10-11:
469
(354)
9c1:
470
(354)
9c5-6:
473
(357)
9c9-d1:
474
(357)
9d2:
477
(358)
9d4:
481
(361)
9d5:
477
(359)
9d6:
481
(362)
9d7-8:
482
(362)
9d8:
482
(362)
gel-3:
481,
483
(362,363)
ge4-5:
484
(363)
ge4-7:
486
(365)
ge8-9:
485
(365)
10al-3:
491
(368)
10a2-3:
487
(366)
10a4:
490 (368)
10a5:
495
(370)
10a7-8:
496
(371 )
10a-c:
505,
523 (378,
390)
10b1:
496 (371)
10bl-2:
497,
501
(372,
375)
10b4:
496,
501
(371,
375)
10b4-5:
501
(375)
10b7:
496
(371)
10b7 sqq:
502
(375)
10bll-12:
502
(376)
....
810
10b-c:
511
(382)
10cl-4:
502
(376)
10c2:
515
(384)
10c4:
502
(376)
10c6:
518 (386)
10c6-7:
516
(385)
10c9:
516
(385)
10cl0:
496
(371)
10d5-7:
518,
520
(386,
388)
1))5-
10d6:
51~V(386, 399)
10d6-7:
518,
535
(386,
399)
10d9-10:
519,
520,
535
(387,
388,
399)
10e2:
638 (469)
10e5-7:
520 (388)
10e6-7:
535
(399)
10e9:
538 (400)
10el0:
521
(389)
lIaI:
521
(389)
llal-2:
521
(389)
lla2-3:
521
(389)
lla4:
521
(389)
lla6:
534
(398)
lla6-b5:
527
(393)
l1a7:
534 (398)
l1a8:
542 (402)
lla9:
528 (393)
~ l l
11b2: 542 (402)
11b3: 528 (393)
11 b4-5:
543, 544 (402,
403)
llb6-7:
543 (403)
llb7-8:
544 (403)
11c4-5:
482 (362)
1 1dl:
544 (404)
11dl-2: 545 (404)
11e2-4: 545 (404)
11e4: 556 (413)
11e4-5: 557 (413)
11e4-16a4:
286
(221)
11e7-12a2: 558 (414)
12a3: 557 (413)
12a4 sqq:
559 (414)
12a-d: 575 (424)
12b4-7: 562 (417)
12b5: 562 (417)
12b9: 563 (418)
12c3-4: 563 (418)
12c5: 563 (418)
12c6: 564,
569 (418,
421)
12c6-8: 564 (419)
12c7: 569 (421)
12c10:
567 (421)
12c10-d3: 567 (421)
812
12d4: 567 (421)
2
12d8: 568, 569 (421
)
1 2d 9: 5 64 (4 1 9->
12el-2: 577 (425)
12e3:
578 (425)
12e4:
578 (425)
12e5-8: 578 (425)
12e6-7: 583 (428)
12e9:
583 (428)
12e sqq:
436 (321)
12e9-13al: 583 (428)
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584 (428)
13a12:
584 (428)
13bl:
584 (428)
13b4-5: 585 (429)
13b6:
585 (429)
13b7: 586 (430)
13b8:
586 (430)
13b8-9:
586 (430)
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586 (430)
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13cl0: 589 (431)
13d7-8:
591
(433)
13d9:
591
(433)
13dll-13:
593 (434)
13el-3:
593 (434)
13e4-5:
593 (434)
13e6 sqq:
594 (435)
13ell-13:
594," 598 (435,
439)
813
13e14:
594 (435)
14a1 sqq:
594 (435)
14a2:
595 (435)
14a5:
594 (435)
14a9-10: 595 (435)
14a11-b1:
595,
610 (435,
447)
14b2:
637
(469)
14b2-7: 611
{448)
14b8-9: 611
(448)
14b9-cl : 611
(448)
14cl-2:
612 (449)
14cl-3: 598 (439)
14c2-3: 612 (449)
14c4-5: 615 (451)
14c5-6: 615 (451)
14c8: 615 (451)
14c9:
615 (451)
14d1:
616 (451)
14d2:
615 (451)
14d3:
616 (451)
14d4:
617
(451)
14d4-6: 617 (451)
14d5-6: 617 (451)
14e2-4: 627 (462)
14e6-7:
630 (462)
1\\fe 8 :
633 (465)
14e9:
633 (465)
814
14e10-11: 633 (465)
2
2
15al-2:
633
(465
)
15a2-5: 635 (466)
15a9-10:
635,
637,
638,
639 (467,
469,
470,
471)
15b1-2: 637 (469)
15b3:
637 (469)
15b4-5: 638 (469)
15b9-10:
642 (473)
15b11-c1: 643 (474)
15c8-9:
640 (472)
15c11-12: 645 (476)
15d1:
645
(476)
15d2-4:
645 (476)
15d6:
646 (477)
15d6 sqq:
646 (477)
15e2:
647 (477)
15e3: 648 (478)
15e3-4:
647
(478)
15e5-6: 651
(481)
16a1:
651
(481)
16a3-4:
651
(481)
Gorg.
336d:
611
(448)
449b6-9:
611
(448)
j
815
454el-2:
476 (358)
461d6-7:
611
(448)
468c6-8:
301 (231)
470e-471d:
625 (460)
472b:
572 (422)
478e-47ge:
461
(345)
480d:
323 (249)
502b5:
637 (469)
505c7-8:
665 (496)
505dl-4:
664
507d7-S:
665 (496)
507a10-b3 : 573,
577 (423,
425)
521e: 545 (404)
525a2:
300 (231)
527b:
599 (439)
Hipp.
l
286e sqq: 365 (277)
287d7:
399 (297)
287e4-5:
399 (297)
288b8:
400 (297)
288c6:
400 (297)
288c10:
400 (297)
290c6:
476 (358)
291d9-e2:
610 (448)
616
292d3-6:
366 (277)
293e4:
476 (358)
295e2:
618 (452)
296e13:
514 (384)
296e-303e:514 (384)
297a4-5:
515 (384)
297al0:
515 (384)
297a12-13: 515 (384)
297e2-3:
515 (384)
Hipp.
II
371a3:
300 (231)
376e3-6:
644 (475)
Laeh.
180e8:
421
(310)
190e7-8:
670 (501)
192b9:
421
(310)
192b9-el: 421
(310)
194al sqq:
421
(310)
194b2-3: 543 (403)
194d8:
476 (358)
817
199d8:
573 (423)
Lois
III
688c:
620 (454)
IV
716c-d:
608
(446)
716c-717b:
630
(462)
V
745b7:
303 (235)
VI
759b8:
637
(469)
VII
805c-d:
637
(469)
VIII
848d5:
303
(235)
IX
864d:
354
(270)
818
11i!
x
1
885b8-9:
632 (464)
903c:
634 (465)
1
905d sqq:
632 (464)
906c-907a:
630 (462)
909b4-5:
632 (464)
XI
930e:
579 (426)
931a:
355 (272)
XII
941b:
397 (295)
944al:
478 (359)
959cl: 573 (423)
Ly s.
203al:
289 (222)
1
214c5 sqq:
476 (358)
1
J1
1
Men.
1
72c5-9: 369 (279)
f,,
t
.
73d6-8:
476 (358)
819
78bI3-14:
476
(358)
79al0:
435
(320)
80d:
545
(404)
92e3 sqq:
448
(333)
96e4-6:
448
(333)
91c4-5:
448
(333)
97d7:
397
(295)
97d9-10:
642
(473)
98al:
449
(334)
98al-4:
681
(513)
Phdo.
66B5-8:
387
(290),
430
66b8:
316 (244)
118a6-8:
308
(238)
Phdr.
229c-230a:
397
(295)
243a:
589
(432)
247al:
303
(235)
247a:
663
(495)
,
248d-e:
325 (251)
252c:
387
(290)
820
Phil.
55el-4
Pol.
290e6:
290 (223)
301d2:
573 (423)
Proto
313dl-314al: 680 (512)
313d9-10:
680 (512)
313d9-el: 679 (510)
317b4:
677 (509)
318e6: 677 (509)
318e6-319a6: 677 (509)
319al:
677
(509)
31gel-320c3:
678 (510)
322e3-323a8:
677 (509)
323c3-8:
677 (509)
323d3-4:
679 (511)
327e3-328a7: 677 (509)
32gel sqq:
679 (511)
331bl-3:
659 (492)
331B3-7:
660 (492)
336a4-bl:
611
(448)
336bl-2: 611 (448)
336c:
611
(448)
i
1
J
821
343b:
611
(448)
349bl-2: 573,
577 (423,
425)
351b:
476 (358)
356d sqq:
440 (325)
356d4
: 440 (325)
356e1-2:
442 (327)
357a1:
440 (325)
Rep.
l
334b6:
543 (403)
335a6 sqq:
476 (358)
335b6:
587 (430)
335b:
586 (430)
337a4:
300 (231)
338c2-3:
434 (320)
338c5 sqq:
435 (320)
338e1 sqq:
435 (320)
339a5-6:
435 (320)
f
I I
1
364b-c:
629 (462)
365e:
632 (464)
368b8 sqq:
573 (423)
OLL
377e:
397 (295)
3783:
397 (295)
378b-d:
397 (295)
37935:
631
(463)
379c2-3:
634 (465)
379c3:
634 (465)
379c5-7:
634 (465)
III
3 7 7 e:
3 9 2
(2 9.1- )
39435:
637
(469)
IV
427b:
579 (426)
V
465b:
562 (417)
47631:
378 (284)
:;
l'
47633:
378 (284)
47635:
379 (284)
VI
496c:
310 (241)
496c2-3:
311
(241)
VII
524b:
416 (308)
529c-d:
411
(306)
-
823
VIII
551b3:
527
(393)
x
602d7:
416
(308)
613a:
634
(465)
613a7-b2:
608
(446)
617d:
410 (306)
Sapho
247e3:
478
(359)
248a:
529 (394)
Tht.
176a-c:290 (223)
176b:
387,
573,
608,
634
(290,
423,
446,
465)
Tim.
28a:
410
(306)
53a5:
478
(359)
~~.
•
INDEX NOMINUM
l
Alcime
4
Alexamène (de Téos
)
3
Alexandre (d'Aphrodise)
60,
201
Alfonsi
80
Andrieu
4
Archambault
31
Archiloque
135
Aristote
3,
6,
31,
49;
79,
83,
201,
269
Asclépi~s
201
Ast
76,
130
Athénée
130
Aubenque
3,10,
12,
13,31,
33,
Bacon
147
Berkley
6
Bernhardt
29,
30
Bias
5 f,
5J.
Blitz
90
Bluck
77
Bolotin
198
Borni
31
Brague
10
OL:J
Bréhier
2 ,
76,
112 ,
235
Brès
19 ,
23,
31,
136,
169,
186
Brisson
14,
19,
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Robin
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Solmsen
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Steinhart
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Télanges
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Thucydide
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West
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Willamowitz
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Xénophane (de Colophon)
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539
Zeller
274,
277.
•
840
TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES
Liminaire:
dédicaces et remerciements
l
Code abréviatif des principaux titres
III
Code abréviatif des principales notions
v
In t r 0 duc t ion (§§
1- 2 3 )
1
Première partie: Le Précepte Unificateur dans
les
Premiers Dialogues (§§
24-211)
44
1.
L'Appel du Précepte Unifica tevr
(§§ 24-136)
. Argumen t
(§§ 24-25)
A.
Le lancement de l'Appel du Précepte
48
Uni fica teur ( §§ 26- 72)
1. Hippias Majeur (§§
26-42)
48
2. Lachès (§§
43-57)
76
3. Ménon (
§§
58-72)
98
B. Les obstacles à l'audition de l'Appel
du Pré cep t e Uni fic a te u r
(§§
73 -136)
1 15
1. Le monde changeant des images
(§§
73- 76)
115
2.
Le monde mobile des opinions
( §§
77-84)
118
3. La prétention des Pseudo-Valeurs
(
§§85-106)
129
·...---~---_._---_ .."._--_.
841
a.
Ion (§§
86-94)
b. République l
(§§
95-106)
C. L'Assimilation de la Structur~
152
Dé fin i t ion n e Il e
(§§ 107 -129 )
1
1. L'Audition de l'Appel du Precepte
152
Uni fic a tell r
(§§
107-123)
a. Hippias Majeur (§§
108-113)
b.
Lachès (§ 114)
c. Ménon (
§§ 115-123)
2. La condition de possibilité du
165
l 0 go s (§§ 124 -12 8 )
D. Résultats de l'Enquête (§§
129-136)
171
II. L'Exigence du Précepte Unificateur
179
(§§
137 -18 4 )
. Argument (§§
137-137bis)
)
/
A. L'Exigence d'AÀn8Ela
(§§ 138-143)
181
1.
Un parcours ab exterioribus ad
181
interiora ( §§o
138-140)
2 . Le problème de la vérité
183
( §§
141-143)
B. Vers l'Essence ( §§
144-166)
186
1.'Criton ( §§ 144-145)
186
2 . Charmide ( §§ 14 6- 15 2 )
190
3.
Lys i s
(§§
1 5 3 - 15 8 )
198
4. Le débat sur l'unité des vertus
205
dans le Protagoras (§§159-166)
,
842
C. Les différentes étapes de l'élaboration
215
du Précepte Unificateur ( §§
167-180)
1. La disqualification de l'opinion
215
(§§
167-172)
2 . L'assimilation de la SD (ou audition
220
de l'APU)
(§§
173-177)
3.
L'Exigence du Précepte Unificateur
225
( §§
178-180)
D.
Résultats de l'Enquête ( §§ 181-184)
228
1
III.
Le Destin Fina~ du Precepte Unificateur
233
dan s les Di a log u e sUl t é rie urs (§§ 185- 211 )
. Argument
(§§
185-186)
233
1. Du Gorgias aux Dialogues moyens
234
( §§
187- 195 )
2.
Le Précepte Diviseur et le Précepte
24ï
Unificateur dans les Dialogues du
Troisième Age
(§§
196-204)
3.
Résultats de l'Enquête
261
(§§
206-211)
Deuxième Partie: L'Euthyphron:
Structure et contenu
270
phi los 0 phi que s
(§§ 2 12 - 4 9 4 )
. l n t r 0 duc t ion ( §§ 2 1 2- 2 2 1 )
272
1. Le Départ du Dialogue (exposé des Affaires de
288
Socrate et d'Euthyphron)
(
2a 1 - 3 e 8 )
(§§
2 2 2 - 2 7 5 )
..
843
A.
L'Affaire Socrate (2al-3e8)
288
(§§
222-244)
1. Socrate accusé (par Mélétos)
288
(2A1-2b14)
(§§
222-228)
1
2.
La ypa$~ (2b14-3bll)
296
(§§
229-241)
a. L'accusation de corruption
de la jeunesse (2b14-3a5)
(§§
2 29- 23 3 )
b. L'accusation d'athéisme (3a6-
3bll)
( §§
2 34 - 24 1 )
3.
La différence d'attitude entre
313
Euthyphron et Socrate (3bl1-e8)
(§§
24 2- 24 4 )
B.
L'Affaire d'Euthyphron (3e9-5c8)
318
(§§
24 5- 2 75 )
1. Euthyphron,
accusateur de son père
318
(3e9-4a9)
(§§
245-247
2.
La nature de l'accusation
322
(4al0-4b7)
(§§
248-257)
3.
Le principe d'Euthyphron (4b8-c5)
333
(§§
2 58- 2 6 2 )
4.
Exposé des faits (4c5-d6)
341
,
(§§
2 6 3 - 2 6 9 )
5.
La prétention du devin (4d6-5a2)
353
(§§
2 70- 2 73 )
6.
Socrate,
disciple d'Euthyphron
358
(5a3-.c8)
(§§
274-275)
844
II.
L'Appel du Précepte Unificateur
363
( 5 c 8 - 7a 3 )
(§§
276 - 31 7 )
. Argument
363
1. Première expli~tatio~
365
(5c8-d8)
(§§
277-284)
2. Premier essai définitionnel
380
( 5 d 9 - 6a 6)
( §§
28 5- 2 9 2 )
3. Rebellion de Socrate contre la
392
Théologie euthyphronienne (6a7-
c9)
(§§
293-295)
4.
Vers l'Audition de l'APU (6cl0-
398
7a 3 )
(§§
296 - 311 )
a.
Argument des rivaux (6cl0-
d8)
(§§
296 - 297)
b. Seconde explicitation
(6d9-eI2)
(§§
298-308)
c. Second essai défini~ionnel:
l'audition de l'APU (6eI3-
7a3)
(§§
309-311)
5.
Résultats de l'Enquête (§§ 312-317)
424
I I I . L'Exigence du PU (ou l'Epreuve de Vérité)
431
(7a3-11e4)
(§§
318-411)
. Argument (§ 318)
A.
Examen du s.e.d.
(7a3-9dI2)
433
(§§
319-357)
845
l.
Vérité et divergences (7a3-8a11)
433
( §§
319-338)
a.
l'EPU
(7a3-7)
( §§ 319-320)
b.
les deux axes de la doctrine
euthyphronienne
(7a8-b6)
( §§ 321- 3 2 2)
c.
la résoluLLon des div'ergences
techniques (7b7-c10)
(§§ 323-325)
d .
les divergences éthiques
(7c11-
8a1l)
(§§
326-338)
Cl.
leur nature
(7cl1-d9)
( § 326)
B. chez les dieux (7d10-8a4)
(§§ 327-329)
y.
l'inévitable aporie
(8a5-1l)
( §§ 330-338)
2.
L'indiscutabilité d'une exigence
454
essentielle
(8a12-9d2)
(§§ 339-357)
a.
reprise de l'aporie
(8a12-b6)
(§§ 339 - 3 41 )
b.
l'indiscutabilité d'une
exigence essentielle
(8b7-e4)
(§§ 342-348)
Cl.
chez les hommes . . .
(8b7-d9)
(§§ 342-346)
B..... et chez les dieux
(8d9-e4)
(§§ 347-348)
c.
la discutabilité des actes
particuliers (8e5-9d12)
(
§
349)
846
a.
position de
la
question
( 8 e 5 - 10)
(§§ 34 9 - 3 50 )
B. Euthyphron sommé de
justifier son
cas
( 9 a 1 - c 3)
(§§ 3 5 1 - 354 )
y.
rejet de l'impasse d'une
discussion sur les actes
particuliers
(9c3-d2)
(§§
355-357)
B. La rectification de la seconde définition
475
( 9 d 2 - Ile 4)
(§§ 35 8 - 4 1 1 )
1.
La
seconde définition rectifiée
475
( 9 d 2 -
e 10)
(§§ 358 - 365 )
a.
position de la définition
rectifiée
(9d2-e3)
~§ 358-362)
b.
la nécessité de son examen
rationnel
(ge3-10)
(§§
363-365)
2.
La mise en
place du
principe causal
486
(lOa1-c16)
(§§ 366-385)
a.
position de la question
(10a5)
(§§
366-368)
b.
la discrimination
de
la cause
et de l'effet (10a6-c7)
(§§
369-384)
c.
validité du discriminant
pour
1
le ~l~OU~EVOV (10c8-16)
(§§
385)
847
3.
Essai
d'application du principe
517
causal à l'analyse du
problème de
la piété (10dl-llb7)
(§§
386-402)
a.
premi~re hypothèse:
la piété
comme cause de l'amour des
dieux (10dl-e9)
(§§
386-388)
b.
deuxième hypothèse:
le pieux
/
est identique au eEO~lÀEJ
(lOel0-llb7)
(§§
389-402)
4.
De l'instabilité de l'opinion
543
(lI b8-e4)
(§§ 403-405)
5.
Résultats de l'enquête
547
( §§ 406-411)
IV. Justice et Piété (11e4-16a4)
554
( §§ 4 1 2- 5 1 3 )
.Argument (
412)
554
A.
La nature du rapport Justice/Piété
556
(11e4-12d13)
(§§
413-424)
1.
position de la question
556
(lI e 4 - 1 2 a 8 )
(§§ 4 1 3- 4 1 5 )
2.
le détour:
la nature de la
560
relation entre le respect et
la crainte (12a8-c12)
( §§
4 1 6 - 4 2 4 )
a.
la crainte n'implique pas
le respect
(12a8-blO)
(§§
416-417)
b.
le respect implique la
crainte (12bll-c12)
(§§
4 18 - 4 20 )
848
c.
la piété est une partie de
la
justice (12c13-d13)
(§§
421- 424 )
B. Quelle partie de la Justice est la
576
Piété? (12el-14bl) (§§ 425-446)
1.
Les deux parties constitutives
576
de la Justice (12el-el0)
( §§ 425 - 427)
1
2. Les notions de 8EpaTIEla et
583
d'utilité (12el0-13d4)
(§§
428 - 4 3 2 )
a.
rejet de l'interprétation
1
technique de la 8EpaTIEla
( 1 2e 13-13 b8 ) C§§
4 2 8 - 4 2 9 )
b.
l'objet général de la
/
8EpaTIEla (13b9-c6)
(§ 430)
1
c.
spécificité de la 8EpaTIEla
des dieux (13c7-d4)
(§§
4 3 1- 4 3 2 )
;
3. La 8EpaTIEla des dieux (13d5-
591
14bl) ~§§
433-446)
a.
nouvel essai définitionnel
rectifié (13d5-11)
(§ 433)
b.
les services techniques
(l3d12-e3)
(§
434
c.
la difficulté à spécifier
l'objet du service des dieux
( 13e 4 - 14 b 1) (§§
4 35 - 4 4 6 )
....
849
C. L'ultime essai définitionnel
609
(14bl-15c13) (§§ 447-474)
1. retour au s.é.d.
(14bl-d7)
609
(§§
447 - 4 51 )
2. Examen de la définition (14d7-
618
15 a 13) (§§
452 - 467 )
3. Euthyphron s'enferme dans une
636
a po rie Cl 5 b 1- c 13 ) (§§ 4 68 - 4 74 )
D. Considération finale:
la retraite
644
d'Euthyphron (15c14-16a4) ( §~75-481)
E. Rés u 1 ta t s de l' En q u ê t e (§§ 482 - 495 )
652
Conclusion générale (§§ 496-513)
664
Annexe l
683
Annexe II
700
Traduction des citations grecques (1)
712
Traduction des citations grecques (Il)
727
Traduction des citations grecques
746
de l'Annexe l
Bibliographie
748
Index Locorum l
771
Index Locorum II
798
Index Nominum l
824
Index Nominum -II
831
Table"analytique des matières
840
Document Outline
- CS_00260v1
- CS_00260v2
- CS_00260v3