DETERMINISME
ET
FINALITE
CHEZ
BERGSON
par
ASSAI~E
SYLLA
Thèse de doctorat du 3è Cycle
sou~onue en 1972 à la Faculté
des Lnttrcs et Sciences humaines
de Poitiers

ABREVIATIONS
~:-
E.D.I.C. _ Essai sur les données im~lédiatss de la conscience
par Bergson.
Deux S. Mor.
Rel. -
Les deux sources de la Morale et de la
Religion par Ber§son.
Evol. Créat. -
L'évolution créatrice par Bersgon.
Déterm. et Fin. -
Déterminisme et finalité double loi de la
nature par Louis Bounourc.
N.B. -
Les citations de l'Evolution créatrice,
qui ne portent
pas la mention
(77e éd),
sont tirées de la 38è édition.

2
INTRODUCTION
-:-:-
Il suffit d'un coup d'oeil sur l'histoire de la
philosophie pour s'apercevoir qU8 toutes lBS grandes philo-
sophies,
replacées dans lour contexte historique,
apparais-
sent comme une réaction,
une croisade qtJ'entreprend le pen-
seur contre les conceptions, courantes de son temps.
C'est
d'ailleurs par de telles réactions que la philosophie s'en-
richit ;
elles apportent à un mom~nt donné un redressement
nécessaire,
introduisent dos iJ68s nouvelles,
ou impriment
à la pensée une nouvelle ori n~2t~on. Chez 18s présocrati~
ques la réflexion était oriuntG8 v~rs lu dohors, vers le
monde physique,
50cra~e la tournG vers le dedans : "Connais-
toi, toi-m6me"
;
désormais la pensée se prend elle-mame
pour objet. N'est-ce pas le point de dupart de la théorie
de la connaissance? La thêorie de l'Etre Ch3Z Platon répon-
dait à le nécessité de dépasser les points de vue opposés
de Parménide et d'Héraclite.
Le r~volttion cartésienne de-
vait souligner la nécessité d8 la méthode et l'unité de la
science.
Kant se révolte contre le dogmatisme de ses prédé-

J
cesseurs et entropri t
l ' eXam::n cr.i tique des possibilités de
la raison pour aboutir à un r~lativisme (impossible de
conna~tre le noumène, la chuse en soi).
La philosophie de E~'rgs(Jn ne fait pas exception à
la règle. Il semble m~me qu'~llo puise sa vigueur dans cet
esprit de combat qui l'ani~o, contre les conceptions cou-
rantes de son 5pnqu3. ~u8ll8s étaient cas conceptions phi-
losophiques auX 8nvirons de 1280 ? Emils Bréhier nous le
rappelle en ces termes :
"On na voit quo défenses,
n~gations,
réductions qui annihilent l'ntre et les valeurs intellec-
tuelles ou morales"
(1). Ainsi, libGrté, conscience, moralité,
valeurs spirituelles,
étaient roléguées aU second plan ou
simp18ment niées par un prj~Gndu souci d'objectivité. La
pensr.;·1 philosr:'r-:.iqUF: trav:Jrsait un malaise certain,
devant
un r~3itivism~ triomPDant qui s'appuyait sur les progrès
d~s sC~9nses expérimentales. En particulier les théories
m~~eni~tHs de l'évolution des espèces viVantes soutenues
par LemPTsk ct Darwin scmblcicnt s'imposer.
Cc~~rc le mécanism8 sci~ntiste, bien des r~actions
S8
f5.rcnt jour, entre autres,
celle du positivisme spiri-
tUalist~ Ch8Z Lachelier et Doutroux et celle combien vigou-
reuse de B~rg~~~.
Toutes les philosophies négatives,
nous dit Emile
(1)
HistoirG dG la philosophie,
par E.
Bréhier,
page 1023.

4
Bréhier partaiont de l'idé'~ suivante: "Les données de l'ex-
périence intime sont da m~me type que c~lles de l'expérience
externe :
alles sont des qUantités calculables, et la réalité
psychologique se réduit à d;s él~ments qui se relient selon
des lois précises ; la conscience neus trompe avec son jeu
de nuances qualitatives o~ son apparence d'indétermination
la psychologie affranchie d~ cette illusion, deviendra une
science naturelle"
(1).
L t rdJ :;r,'ur de Matière et Mémoire ne
pouvait souscrire à de t311es affirmations qui ramènent les
réalités psycho-biologiqUF::s au m8me niveau que les phénomènes
de la matière brute,
y introduisant un déterminisme absolu,
négation de la conscience et d8 la liberté.
C'est pourquoi
Sans doute,
l'un des soucis ~rincipaux de Bergson fut de
dénoncer le déterminisme Gogmatique
(2) et d'en montrer les
insuffiSances.
Il s'est attaqué au déterminisme laplacien
qui veut que l'état présent dG l'univers soit ~'effet de son
état antérieur et qu'une intelligence supérieure,
à partir
de la connaissance de toutns 185 forces et positions respec-
....-"'~------
(1) Hi$toire de la philOsophie, par E. Bréhier, Page 102.6.
(2) Lu <;!éterminisme phil-o.r.:1fJ hique est ain si défini par
Lalande
:
"Doctrine p~ilosophique suivant laquelle toue les
évène m7nts de ltuniv~rs, ~t en particulier les actions humai~es,
sont lJ..és d'une façcn t.:lJ.e qU2 les choses étant ce qu'elles
sont è un moment quelconqu8 du tomps,
i l n'y ait pour chacun
des noments antérieurs ou ultéri~urs, qu'un état et un seul
qui soit compatible avec lu prEmiur". Vocabulaire technique
et critique de la philosophie,
Page 222,
Oè éd.

5
tives dBs êtres dG Itunivers pour~uit prévoir tous ses
états futurs:
!ORien ne serait incr:;r-cain pour elle.
et
f
11 avenir comr;,r:; 18 Passé serait présent à ses yeux".
(1) Mais
alors,
réplique Bergeon, cela signifie que tout est donné,
at que le tomps n'apporte rien ct par conséquent n'est rien.
Grave erreur:
que d' ignorer 1:' durée vraie,
pour n'envisager
que le temps abstraitr
irréel qui ontrs dans le calcul des
mathématiciens.
Cetts durée ~st un~ réalité vécue qui coin-
cide avec Itécou18ment continu de nos états dt~me, dans une
continuité de changements irr~vcrsibles. "Plus nous appro-
fondissons la riütù~e du temps, dit Bergson, plus nous com-
prondrons que duréa~~~gnifie inv ntion, création de formes,
élaboration continue dB l'absolumwnt nouveau"
(2).
Bergson a c~mbattu le d6t~rminisme tel qu'il se mani-
fest8 d~ns Ins th~s8S de Lamarck ~t Darwin,
bien qu'il soit
~ransfnrmiste comme eux; en ~lf;2t, tandis qU8 CGS derniers
font intervenir dos causes d'ürdrc mécanique
(action physique
nll mil~.~)u, sélection naturlÜlc.;) POu!' expliquer l'évolution
dAs espècos viVantes,
i l fait 81->'Dl qUant à lui,
à une
c9use
(3) d'ordre psycholog~que : l'Elan vital. Il s'agit
d'u n 3
CaUSE libre,
débarrassée dG toute détermination,
qui
façonne la matière brute pour y introduire le maximum d'indé-
termin ation.
Ille-;
raIe de la viu,
dit-il,
est dt in sérer de
....,....... _-----
(1) Essai philosophiqu8 sur les probalités
Gauthier~Villars,
par P.S. Laplace,
1921, page 3.
'
(2)
Evol.
Créat. page II,
77è 8d.
(3 )
Evol. Créat. page 95, 77è éd.

6
l'indétermination dans 10 matière.
Ind~tormin~es je veux
dire imprévisibles sont les formes qu'elle crée au fur et
à mesure de son évolution"
(1).
Ignorance d3 la durée vraie,
méconnaissance de la
nature intime de la vic,
mais aussi,
illusion rétrospec-
tiv8 et distorsion de l'entendement sont à l'origine des
erreurs dont sont victim~s IDS déterministes. Une fois
l'action accomplie,
i l ~Gt aisé dit Bergson, de dém~ler
après coup,
des relations de Cause 0 effet pour croire
ensuite que les chosé3s sri sont effectuées de la seule
manière possible.
On 50 plar.ü alors aU niveau de l'évolué,
du "tout fait"
au li0u J'~xaminer le mouvement évolutif
"se faisant".
C'est en cela que consiste l'illusion rétros-
pective
; elle nous amèn'-! 2. prendre le résidu de l'évolution,
pour It6volution ellu-m~mG. QUant à la distorsion de l'enten-
dement,
elle serait 18 fruit d'une habitude contract~e par
l'intElligence au contact de la mati~ra brute. Dans les
systèmes artificiels,
dGc'upés dans la matière inerte,
le
calcul, la mesure, la prpvision sont possibles. Là,
tout
changement n'est qu'un d6placcment de parties;
de plus un
état du système peut se repéter autant de fois que l'on veut,
"le groupe ne vieillit pas,
i l n'a pas d'histoire".
De ce
fait,
"comme i l n'y a rien
de plus dans la forme du tout,
(1) Evol. Créat.
page 137.

7
que la disposition des ~artics, los formes futures du sys-
tème sont théoriquement visibl~s dans sa configuration pré-
sente".
(1) L'intelligonca habituée ~ opérer sur de tels
systèmes en a contracté une distorsion qui la rond incapa-
ble de comprendre les réalit6s de la vie;
elle n'est à
l'aise qua dans la discontinu, l'imnobile,
l'inerte de sorte
"qu'elle r§sout l'organisé Gn inorganisé, Car elle ne saurait
san s renverser sa direc tirJll n e~:ur' :lle et san s se tordre sur
elle-m~me, pens3r la continuité vraie, la mobilité réelle,
1 a camp énétration réciproque f'l t,
pour tout dire,
cc tte évo-
lution créatrice qu'est la vie"
(2).
Les m~mes raisons qui ont motivé le rejet du déter-
minism~ sont invoquées p=r ~nrgson contre la finalité. (3)
C'est bien sur la notion d~ durée vraie qu'il s'appuie
lorsqu'il écrit:
"La doctrin~ d~ la finalité, sous Sa forme
extr~me, toIle que nous la trouvons chez Leibniz par exemple,
implique que les choses et les ~tr8s n8 font que réaliser
un programms une fois tracé. M~~s s'il n'y a rien d'imprévu,
point d'invention ni de cr3atian dans l'univers, le temps
(1)
Evol. Créat. 77è éd. p. 8.
(2) Ibid, p. 175.
(3) Lalande définit la finalité:
"A -
Fait de tendre à un
but, carsctère de ce qui tend à un but,
adaptation de moyens
à des fins.
B -
Adaptation cl; parti':Js à un tout,
ou des par-
ties d'un tout les unes aUX autres".
Vocab. tech. et crit. de la philo.
p.
355, 8è éd.

8
oevient inutila ••• comme dans l'hYDotllt.SG mécanistiquo,
bn suppose encore i<:i que tcut est' c!unné"
(1).
Il fait appel
natu:~8
lauSSi à la
intima du courant vital: "La vie dans son
bl
. ,
,
l
t '
" +

t
'
1ensem
e, 8nv1sagee cemma evo u lon cr~aur1ce•••
ranscen~e
la finalité,
si l'on enta:1d par fin,"!lité la réalisation d'Lille
idée préconçue ou concevable par avance" (2). Jankélevitch
développant les idées du maître nous révèle cOr:lQent inter-
vient l'illusion rétrospective dans la thèse finaliste:
"Le vice commun aU finalisme radical ct au mécanisme consiste
à envisager uniqueMent ce que nous appelions les "participes
passés" do la vie, et jamais son "participe présent". L'ill:-
sion de l ' ëlÇte~ÇQ.mpli a ici pour pendant l'illusion de
lr6v~lu~~. Il~.~oursuit "l'évnlutiun v~talc [st ainsi faite
qu'à chaque instant elle a dpssiné Url:, courbe ha:::-münieuse
et orientée, et .9..u.~_alLI!l9..!!!ê.!J-i où ,;11
:.~st 8n train de dessi-
ner, on ne peut préjuger de r,en. Li'
i'ïnalité apparait ainsi
comme un perpétunleffèt de rétrOaction en vertu duquel
l'imagina·tion, s'installant dans If'l .9.8.v_aD.t_~tr.Q. se tourne
vers le se:f9i~p~1, qui devient ainsi du ~~t fait, et en
formule la nature tél~ologique" (3).
Sans dnute Bergson a triomphé dos systèmes méCanistes.
(1)
Evol. Créat. p. 42
(2)
Ibid,
p. 244
(3) Henri Bergson, par Jankélevitch,
p.
133 c'est l'auteur
qui souligne.

9
Les critiques qu'il leur a adressées neus paraissent
définitives et préremtoires. Grâcu à sa vigilante perspice-
cité, à la pronfonde~r de s~s vues, à un talant littéraire
exquis, il a suffisamment d6 0 aoé les valeurs spirituelles
et la conscience des limites trop étroites ou m§me du néant
qui les menaçaient. Cependant,
bien simples seraient les
choses, si nous étions en préS'~ïlC[! d'un rejet catégorique
du déterminisme et de la finalité. Loin de là, les th~s8s
soutenues ici, sont assoupies ail ~urs par un jeu de nUances
~ubtilcs, par des retouchGS ou m~mc par des affirmations où
il semble sc contrGdire. Lus vigour~uses attaques contre
les déterministes ne l'emp~chcnt paS do faire appel à des
déterminations nécessaires dan:; s;;:s propros conceptions
concernant l'évolution dt.;s tJrS1anismus viVants et l'activité
psychiqUG de l ' homme. De m6m e, son rcj ct c at égoriq ue du
"finalisme radical" et ses critiqu~G acerbes contre la fina-
lité interne, ne l'ont point cmp~ché de développer des con-
ceptions finalistes.
Lui-m~mn. nous avertit, que son système
participe du finalisme. Jank~lévitch 8n fait la remarque :
"Bergson para!t s'exprimer tour ~ tour en termes de Causalité
et de finalité ; tant8t il parlo lB langage déterministe
~lf).m8r ; tant8t il formule c:~t-l;,; hypothèso téléolog.iqt.le:-
que le système nerveux ost 12 fin de l'organisation. Ainsi
s'expliquent certaines exprossinns équivoques de l'Evolution
Créatrice" (1). Pourtant il n '~2t pas aisé ds Parler de
(1) Henri Borgson par Jankélévitch,
pag~ 134.

10
contradictions à propos dl.] Ci::: r,.,-cournemfl"Tts.
Bicn souvent,
les épithètes :
radical,
Bxtr~~e, intransig~ant, dogmatique,
et d'autres du m~me genre accompagnent le déterminisme et le
finalisme qu'il attaque,
cc qèi lDisse la porte ouverte à
l'acceptation de quelque choso dt; ces notions.
Dans ses pro-
pres assertions,
c'est l'usac:r
du conditionnel qui vient,
par ti; par là, introduire implicitement un8 restriction,
une note de prudence et do ciru·nspccticn. Bref,
grâce à
la magie do Sa rhétorique,
i l sait combattre vigoureusement
le dogmatisme de ses advursair~s, sans tomber dans l'excès
contraire. La clarté do Sa position pout en
souffrir malgré
la beauté de l'exposé,
bi'.n ::;CoIJV mt émaillé de métaphores.
Mais nous sommes ici en près nc:- d'un penseur qui refuse de
procéder par raisonnem:.:,nts déc!ucti fa à partir de principes
immuablos, ou de notions fi06·;s définies un~ fois pour toutes;
y
; !
i l a dénoncé les systèmes phi1.usophique~S"Où l'on ne cherche
rigueur et cohérence qu'au seul nlv~audes concepts pour
n'atteindre en définitive qu. des abstractions. C'est seule-
ment par l'intuition quo cr~aincs vérités peuvent @tre
saisies, llint811igonc8 discursive n8 les attein~ pas, les
concepts traditionnels sont incapables de les traduire.
Ainsi, ces systèmes spécula~ifs "ne sant pas taillés à la
mesure des réalités que nous vivons",
dit Bergson,
qui
veut qUant ~ lui, nou s liv rnr 1,.8 rC sul tats d'expérience s

1 1
concrètes,
du vécu et du s:;nti, mOris au seul niveau
des
puissances intuitives de l'esprit; certes i l utilise le
langage commun, mais en s'nfforçant de pellier ses insuf-
fisanc8s
:
"Comparaisons ct métaphores suggèrent,
ici,
ce
qu'on n'arrive pas à c>("f.JTim~'rtl dit-il dans la Pensée et
le mouvant
(P.42). Dès l
rs, n'est-ce-pas une entreprise
délicate que de chercher dans cette pensée vivante, mobile,
colorée da nUances et d'imegcs
(1)
des positions nettes au
sujet de deux notions pr6cises : le déterminisme et la
finalité?
Cependant, un r-9ard §ttentif sur les démarches de
sa pensée, nous conduira aS'èCZ vite, dans cette étude,
à
la conviction que son comGet contre le déterminisme et la
finalité est sous-tendu, nuurri par son souci de sauvegarder
la liberté. Celle-ci occupr., en offet,
une place centrale,
fondamentale dans le bergsonisme
(2).
Une réflexion sur l~s rapports entre déterminisme,
finalité et liberté s'imposora alors et nous conduira à
(1)
Face à cette tfop grande subtilité littéraire et philo-
sophique,
j ' a i préféré,
tout aU long de cette étude, donner
des citations textu~lles d~s écrits ds Bergson, par souci
de respecter l'esprit et la lettre de sa pensée.
(2) Lahbabi Mohammed,
affirme dans sa thèse :
Liberté ou
Libération,
Aubier,
éd. tir:ntaigne,
p.
19
: "La liberté est
la thèse essentielle chc:i B.,rsgon, toute son oeuvre y ramène".

~_ a d éCllUvLrt s d~ lic-'n s dial~1c tirlues cntrG co s trois notion s.
Il suffi~ de s:élo~gn=r dGS dogmatiques cxtrémistps pour
s'ap8rcevoir qU'il n'y a pas d'opposition
radicale entre
,:'::":_-~s ; au ccntrair:J elL;(;' c.mtr:, ci: nnont dc:s rapports d'im ..
plic~rtions réciprCiques~ s~_ solides qu'on s'expC'sCl à d'1 gra-
VC?S
difficuJ_tés dès qu'on T' j:-ctG l'une qU81conqur:l d'p.ntro
1'::"~3S pour admcttr8 los aUtrns. EIIGS se ccmp6nètrent et
qu'aucunu d'ellos ne p8Ut ~tro
Grigéc en réalité absolue aU détriment des BUtr8s
comme
nucun'1 d'.ü2.es ne pout ~tr~: d:3finitivem::mt éCartée, réduite
-::>-

CHAPITRE
l
-=-
R~JET DU DETERr-1IrJISr''tE
C'est un fait réel qu'on
a souvsnt,
sinon toujours,
considéré la liberté 8t Ir; d.S'l;;~rminisme comme des notions
radicalrn~;nt opposées, l'un"
étant la négation de l'autre.
Ainsi i l est raro
qu'un dét~rministe no repousse la liberté
(pouvoir de choix) ou inv:rS,;iï::n t
qu'un partisan do cette
lib0rté no cnrnbatte le dét~rrninisme. Et ca n'est pas hasard,
si les deux plus fervents d6f~ns~urs de la liberté, des temps
modernes,
ssient 8n m~me tumps 18s adversaires les plus réso-
lus du d6torminisme comme nous 18 signale Mc GilV~~Y : James
and Bergson shëlro the honor of b';ing the most illustrious
ch~mpions of ~frGodom" in our 9 n~ration. Their united oppo-
sition ta dotorminism has not only IGd the world at large
ta regard thorn aS indissolublo partndrs in a crusading league
e~2~nst = ~~~~~n sn3my ; it has apparently made the two men

, ' . J "
" , .
14
feol that they a:':''J cspousing the sam:, positive ideal (1).
Que Borgson soit un adversaire r*solu du déterminisme,
c'est un fait, mais pout-on affirmur que Sa philosophie
milite on faveur d'un indétcrminism'~ total? C'est là une
question qui ~(;~itQ d'etre éclaircio.
Selon Dursgan le réel est en porpétuel devenir,
lluniv8rs n'ost pas fait, mais sc fait sans cesse. Tout
change, tout évolue ; évnlution d:.s organismes vivants et
des espèces -
(transfo~~iRn8), évolution de nos états de
conscience r1::.:-I;;; une continuité d;.; cilonljr:mcnts irréversibles.
La philosophie repose sur un évolutionnisme intégral. Pour
s'en faire une idée, il faut su r 'prês~nter deux mouvements:
l'un ascendant, cului de l'élan vital, l'autre descendant,
celui dr~ la matière. L t élan vi':al Il t [;~,t autre que la vie
jaillissant r4.
GLm'êre d' où:;J.ln GC;lé1ppe, comm:"'oJ l'énergie
alune fusée qui r~clate. L'exprssiun "élan vital" n'est
qu'une image, la m<:ilJ,cure dit Brlr']son pour rendre compte
do cette sorto 01-
tens~on
...
qu'~mpl~ U
...'''_ .... c ' ,
l av ~o
... ,. QUant à la
matièro, elle n3 fait que descendre comma les débris éteints
qui retombent d8 la fusée.
Da n9 un s':ns circule 11 élan
vital, réalité positive, enveloppant une multiplicité de
(1)
"James, Bergson and dpterminism" nar E. Mc GiJ.\\,ary dans
Modern Philosophy volume XI~ p. 23, U~ivcrsity of California
PubJ.:i.r.;otion.

15
tondances qui s'3ntrcpénètr8nt.
Il s'agit d'un flux indivi~:.
d3 m~mo naturo que la source d'aD i l émane :
"si nos analyse
sont exactes,
affirme Bergson,
c'~st la conscience ou mieux
la supraconsciunce qui est ~ l'origin8 de la vie. Conscinnce
Qt;
supraconscionco ost la fusé~ dunt l~s débris rutombent
en matière,
conscience est GnCQru c~ qui subsiste do la
fusé3 m~mo trE1v.:::rsant los dêbris (~t lus illuminant en orga-
nismes"
(1). En s8ns invers~ circule la matière, qui, elle
aussi B st un flux indiv isé.
:::11'; ne pos sède p aS de parties
absolument cxtérieurFls 1,,8 Unc:s des autres,
c'est notre
intelligence 8t nos sens qui y dCcoupont des corps inorga-
nisés.
D'ail~eurs la matérialit~ d'un corps no s'arr$t~ ?aS
à
ses cnntours affirma Borgson,
~ll~ LSt partout o~ se f~~t
sentir son influf:mce
:
à nr, Cl ï;sic..;éror qua les forces
d'attraction dos corps,
on est obligé dit-il,
d'admettre
que "corps et corpuèculss tund~nt à sc fondre dans une
interaction universelle"
(2).
Nous voici donc en préssn~c de deux principes distincts,
d3UX
substances de natures dif-6r~ntes. On serait tenté de
croire qu L:!lles sont in d.:ipcndan t8S l'un e de l'autre.
En réa-
,
~~~ ~
lité, i l ne faut point les sGparer,
~lles sont unies comme
les deux facos comp16mentairus drun~ ~~me réalité. Toutefois,
la matière oppose une r-,sistanc,~ à l'action de la vie :
(1) Evol. Créat.
p.
283.
(2)
Ibid, p.
205

"l'élan de vie dont nOUS parlons c :1~:iiste, en SOmme dans
une exigence de création.
Il n2 peut c~~or absolumGnt,
parce qu'il r8ncüntre devant lui le matière, c'est à dire
le mouv I3ml3nt ülv8rse du sien. Mai. s il su sai si t
de ca tte
matière qui ust la nécessité mCmo ct il t~nd à y introduire
la plus grande somme possible d'ind~tcrmination et de li-
berté".
(1)
On peut c3rtus admettre: qu'.: .l'élan en tant que puis-
sance créatrice ost en droit, lib~rt6 absolu8, tandis que
la matière est nécessité radicalo. i;~ds l'opposition de
ces deux nbsolu~s (liberté et nécessité) ne nous intéresse
pas puisqu'811~s n'oxist~nt pas en fait.
A partir du momJnt
où l'élan s'est 8ng3gé dans la matière, ni Sa libcrté ni
la nécessité de la matière nD pDUt ccns,.rv;:;r un caractère
absolu. Considérons donc des oxist~;Jlr;es réelles et non d~::s
existences virtu,lles, c'est è dir~
dLS
~tres réalisés,
appartenant à notre monde,
aU champ du notre expérience
là ce qui nous intéresse c'ost l~ rl(·.~rminisme, résidu de
la nécessité qui a dO reculer, ot Ir; d;.gré de liberté du
courant vital subissant le poids d8 la matière.
L'élan originel dans sa r~ncontrG aV8C l'obstacle
matière, s'est fractionné pour cn~~ndrür des ~tres vivants.
(1) Evol. Créat. p. 273.

17
Cette fragmentation
s'expli~uo ~t par la résistance de la
matière et par la force explos~vo cl
la vic due à un équi-
libre instable de tendances.
Ainsi la matière divise
2 Tfectivem8nt
C8
qui n'était qu~ virtuellement multiple (1),
mulsrp. tout elle n'est que passivité,
seule la réalité
vitale ost pos:.tivc
:
"c'est l'é3rrt'1t du procossus vital qui
provoque le processus invurso de la matérialité. Cette in-
version qui crée la matéri21it6 clps choses crée en m~me
temps l'intellectualité de l'osprit
(2). Voilà pourquoi
l'intelligence est accordée à la matière,
~lle suit son
mouvement,
C8
qui explique ';n ,j;__ rni:.r ressort son incapacit';
à saisir les réalités de 10 vic ut sa tendance à y introduire
le m6me degré de déterminisrw qu,; dans les systèmes matériels.
Faite pour comprendre la mati~rL ct pour les besoins de notre
action sur les choses,
elle a dans l'exercice de cette mis-
sion contracté des habitudes: t
d'~s méthodes qu'elle trans-
pose à tort dans les phéno;nèn;;s vitaux; calcul,
prévision,
traduction du qUalitatif en qUantitatif,
de l'intensif en
extensif,
de la totalitG indivise ~n une multiplicité d'élé-
monts distincts,
ignorance du tumps réel etc ••• Or i l n'y a
pas de com~une mesure entro l~ vivant et l'inerte, "plus
la durée marque l'@trc vivant,
dit Bergson,
plus évidemm8nt
(1) Madame J. Delhomme dans son article "Durée et vie dans
la philosophie de Bergson
(Etud~s bergsoni~nnes volume II p.
159,
Albin-f'Hchel ) écrit : "l'élan de conscience trouve donc
dans la matérialité du corps cu qui l'aide à passer de l'p.xis-
tence virtuelle où ses div3rsr;s t:.ndances s' interpénètraient à
l'existenco actuelle où elles div8rgent".
(2) Evol. Créat. p. 273.

18
l'organisme se distinguo d'un mécanisme pur et simple,
sur lequel le temps gli3so '.:t ne pénètre pas ll •
(1)
L'organisme vivant résultat d~ la rencontre do l'élan
vital ~t de la matière,
transcende,
dans ses activités
spécifiques les dét~rminati~ns nécGssaires de la matière
bruto et la causalité mécaniquo.
Une obj action V iL.li l t
naturell ~;m:;n t
à l ' c spri t,
ici,
c' l:;st la suivante :
les vivants étant "chargés d3 matière:: ~
com~ant ne seraient-ils rrS srumis aUx lois de cette matièr3?
En particulier lGS lois physico-chimiques de la mati~re
inortc ne sont-cl1Gs ~as va~Gbles aU s3in das organismes
,..
vivants,
ne peuv8nt- IJ~s rendre compte des phénomènes
vitaux?
Lorsque l[~s mécor,istr;s prétendent expliquer les
réalités de la vio, en particulier son mouvement évolutif,
par des lois physico-chimiquGs, ils s'enlisent répond
Bergson d~ns un certain nombre d'illusions. C3lles-ci pro-
vi8nnent d'une Part d~s distorsions de l'entendement et
d'autre part de la dif;~rcnco d8 nature entre vie et matière.
D~graves défurmetions d~ l'intelligence ct de
l'ignorance de la duréo résulte la tendance à traiter le
viVant comme l'inerte,
~ substituer aUX réalités concrètes
(1)
Ibid.
p. 40.

19
"une représentation née :ssairomr.nt artificielle et symbo-
lique".
D'un mouvement continu,
l'intelligence fait une
juxtaposition d'immobilité~~~ nous amène ainsi ~ d~couper
des "stations" dans le r601 mouvant. Mais alors,
souligne
Bergson "ces repos qui nu sont que des accidents du mouve-
ment et qui sn réduisant d'ail;eurs ~ de pures apparences,
ces qualités qui ne sont quo des instantanés pris sur le
changemGnt deviennent 8 nOS y~ux le réel et l'essentiel,
justement parce qu'ils sont ce qui intéresse notre action".(1)
Certes lorsqu'il s'agit d'un système matériel,
les résultats
ainsi obtenus peuvent ntrc acc~ptablcs. Notre
entendement
qui ne s'intéresse qu'à l'aspect rép~tition des choses pour
pouvoir appliquer certaines lois
(principe de causalité par
exemple) ne se trouve à l'aise que dans ces systèmes isolés
dans la matière brute, où la répétition et le recommencement
sont possibles.
Dès qu'il ét~nd aUX r~alités vitelcs les
m~mes m~thodes, la vérité lui échappe, nous n'atteignons
alors que des apparences.
Corillilrmt en serait-il autrement ?
La vie obéit ~ ses prupres principes, évolue en vertu d'un
dynamisme interne,
et lJS concomitants de son activité n'en
sont que le support ou 10 r6sidu. Cortes la science positive
a le droit de traiter la vivant comme l'inerte, c'est à cette
condition "que le vivant offrira à notre action la m~me prise
que l'inerte", mais i l i:porto de rcconnaS:tre que la vérité
que l'on atteint alors eut toute symbolique et relative à
(1)
Deux. S. ~1or. Rel. P. 261

20
notro faculté d'agir. La philosophie ne peut rester à ce
niveaU,
elle ne peut so contonter de vues extérieures prisf
sur le réel,
force lui sst d~ plonger dans les profondeurs
de la vie et de saisir l~ direction de son mouvement.
Comment dès lors raiscn::er sur la nature profonde de la vie
et de l'univers comme sur lus modalités de la matière brute,
comment en particulier croira que le phénomène vital est
résoluble en faits physico-chimiques ? Si le physiologiste
l'affirme dit Bergson,
~c(.nsciomment ou inconsci~mment il
ent~nd poser une règle de méthude qui souligne qu'on ne
peut assigner d'avance un tnrme à la recharche de ce qu'il
y ~ de physique et de chimique dans le vital" (1). Il est
probable ajoute Bergson que- l'analyse ~e~o~vre de plus en
,
plus dans le processus dr; création organique. un nombre
croissant de phénomènos physico-chimiques. Mais i l n'en
résulte pas que la physique ct la chimie doivent nous
donner la clef de la vie.
~utre est la vie, autres ses
sous-produits.
La sciGne:: n'a d'ailleurs réussi à ~econs-
tituer qUG les déchets do l'activité vitale, "les substan-
ces proproment actives, plastiques restant réfractaires à
la synthèse" (2). Que l'on eXamine les processus de l'acti-
vité vitale: deux phJnDm~nus inve~ses l'un de l'autre
s'offrent alors à notre ettHntion : une anagénèse, c'est-à-
--------------
(1)
Evol. Créatr.
(2)
Ibid, p.
34, 770 éd.

21
dire une élévation de niveau d'énurgie par assimilation
de substances inorganiques 8t un~ catagénèse, dépense
d'énergie pour les besoins d~ l'organisme. Selon Bergson
c'est uniqu8fïHmt sur ces "fai tG ct' ordre catagénique que
la physicochimie aurait pri se, c'; st à dire en somme, sur
du mort et non plus sur du vivsnt ll
(1). Comment la physico-
chimi~ nous donnerait-elle la clef des processus vitaux
lorsque nous découvrons d3S traces d'activité psychologi-
que jusque dans les manifcstat~ons les plus humbles de la
vie (amibes, infu soirs). COr.li·U; nt iJj oute Bergson, les diver-
ses tendances qui s'affrontent dons le développement de
l'organisme viVant pourraiant-'~J..:'.es etre enfermées dans
des formuL~s physico-chimiqu'3s ? D'aiL_eurs les propriétés
vitales ne sont jamais réalisées, mais toujours en voie de
réalisation "ce sont moins dDs 6~EtS que des tendances"(2).
Les phénomènes de régénération sont là pour nous en con-
vaincre ; des tronçons de lumbriculus régénèrent chacun
leur t~te et vivent désormais c··mmc des individus. La ton-
dance à s'individuer étant combattue par la tendance à se
reproduire •
Nous dira-t-on que la matière organisée ne contient
pas d'autr8s éléments chimiqurls qu:..:: CBUX de la matière
------------
(1) Evol. Cré8t. p. 35
(2) Ibid p.
13.

22-23
brute et par conséquent los lois valables dans celle-ci
devraient permettre une explication adéquate des phénomènes
qui se déroulent dans celle là ? D~rgson répond qu'il admet
une identité fondamentale r.ni:r~; r.1atière brute et matière
organisée mais ajoute-t-il 1I1'uniqus question est de savoir
si les systèmes naturels qUD nOUS appelons des ~tres vivants
doivent ~tre assimilés aux syst~m.s artificiels que la
science découpe dans la matii3r:. brute, ou s'ils ne devraient
pas plutSt ~tre comparés à C8 systèm8 naturel qu'est le tout
de l'univers"
(1).
Autrement dit,
cr:: n'L;st pas l'élément
chimique qui importe maisles propriétés essentielles communes
à l'organisme vivant et à llunivi:rs,
et qui n'appartiennent
à aucun système matériel. L'univ8rs comme le vivant foIm~
une totalité mouvante,
tous d .. ux évoluent,
subissent llem-
preinte do la durée,
s'enrici-.isscnt continuellemo-ont de nou-
veautés imprévisibles.
Bref,
rr~j)étons-le, les propriétés
spécifiques de la matière Vivanto transcendent les détermi-
nations physico-chimiques de l~ matière brute. Celles-ci
ne régissent qU8 des phénomèrl.s 8:cC'lndaires ceux "qui se
répètent sans cesse dans l'ntro vivant comme dans une
cornue"
(2).
Nous voilà bien loin dn8 pr~~8ntions des mécanistes
et c'est une vérité bien acquis8 qu~ la vie déborde le
(1) Evol. Créat. p.
30,
770 éd.
(2)
Ibid,
p.
36, 77 éd.

24
d éterm:::'nisme mat6ri'J;. dD la physico-chimic. D'éminEnts
biolagistos ont s~ut~nu un point de vuo identique. Claude
d
·
. ,
+ . , .
8
1 n V1G,
C2
qu~
n ~ppar~1 n~ n~ b la chimiG, ni à la
physique ni ~ =1~n d'autra chuSG, c'ost l'idée directrice
Cl'..I:. sn dév31upp' 'Jt SJ manif';3tc par l'organisation. Pen-
dent t~ut~ sa dur§c, :'etrc vivant reste sous l'influence
d'J catte fnre8 vitale créatriei~ :t la mort arrive lorsqu'
~~_2.e nr::: pC~LJt r.l.l~S sr réalisfJr ll (1). Toute sa vie durant,
~'crganismc n8 sa mainti~nt ~l ign6 dD la mort (~tat maxima
d'entropie), n"":!.!S BxpJ.iquc J.'; phys:i.cicn. Schrodingcr, qu'en
soutiran'c au milinu environnant Je
l ' ~ntrapil1 négative
"it feeds upon nogativ8 entropyll,
il conC~Jntrü sur lui "un
courant d'ordr~n qu'il propage chez 5GS descendants, ce
priv:i.l~ge, II n l 8s t
égalé par ri;~n de tout ce qu:~ nous rencon-
trons dans la matière inanim~o" (2). De son c8té le bialo-
gisto moderne L.
Dounoure neus 83sure qu'on assiste bien ~
des phénomèn8s rln création d'~~~ro vitale (particule génique
c;ui se dédouble dans la mitose, orluf fécondé,
point de départ
d'un organisme différencié), il Jciclare on outre "on a pu
(1)
Introduction à l'6tudc ~~ la m~dccine expérimentale,
chapitre II, p.
161.
(2) cité par L.
BOlln'Jure dans

25
aussi indispGn~ablcs quo soit J.ur reIs, ne sont que des
~jc: lnch~urs, susccptiblos d'ntre rBmplacés par des subs-
tan c :~ s b 3 n ë! l [~ s : ct cl ":' n t I r a c tic· Il fl:, peu t
r 0 n d r e cam pte de
cn qul~_.1. y a d' qUa.l~.te-::if d;)flS la différnnciation" (1).
tabê~ ilI31tè:r:Ti~ on :rien tOLlS C S témoignag8s, puisqu'on
r~ut affi:r':lcI' ;-VDC just,-. raison, c;u. 10 virus ressucité
., ~ ~'­
S,lS
constituants chimiques
(2) •
.... .:.J
\\.1
C,,~p~i;d'1nt affi:rm~r qu:' la vü~ débord8 les mécanismes
ph~sicn-chimiqu3s, no signifin nu~}. ;m~nt quo los phénomènes
vi.tall~~ 3.:nt :::<~-npts d·" -tout,; d,'~;';rrünation - C3tte affirma-
tir::n :,,'c:vir:-,nt '~nLJt simpl'èncnt c.; sout'lnir qu'il Y a dans le
(1)
r::tc:::m.
'Jt fin.
p.
143.
( 2)
Cr -; st r; n
1S' 5 5 que d'~ u x c h ir,ù st ' :S de l r Uni v B r s i t é de
C2~ifr:rniG Dr H~inz at Dr Robl~y sont parv~nus ~ séparer la
fraction protéique at la fractiun
acide nucléique qui cons-
ti-l:L'~nt 1'" ViTUS ce la mOSe:Lqu8 d,
tabac.
En les réunissant,
ils ::"~3s'Jcitcmt :.f."l virus. Don,; un pre.pos rocu~~illi par le
Dr Es:-:"fri::-.::, '_':'lh:i.f'ol:t(~ 8t publié dons lé] journal L:J Monde
ri •.! ':3~1-6b ~
l,: ;;rof' s s:-;ur r,n dI' cS L \\voff,
prix ~·Job el de Médecine
• '" 6 r::
f ~ .
Il C'
, .
-.
b t
.
l
th'
p'u:~
I . · : J ,
2.-·"~T:;'8:
ln
cl
::'~l.èUSSl
Ü
Cl
8 n l r
a
syn
ese
d'acides nucléir:'ps vj,~auX. Il n' ~st paS possible d8 parler
[' co rrf1!'Jos de ~!,ynth~sn rJ:~ le vic", car dans toutes cos
8xp6rinnc~s on r~+ pn ~ouvr~ njc ssairomant uns substance
[·IT';~llr.-':/8 élU v~_rus~ qui. c,sJe .m fait 10 matériol génétique •••
i : il ~-l:;é jusqlJ~ ici im:JossibL' UL) fE'br~~quG= un "organisme",
Il
1 "
.
,
t ·
.
,
t
~3~U
__ ·n:Cf')2n~sm'J
os': viVan
,~C
un organ~3me repreSl3n e
b38"Cr:JUP
plus qU(~ la somr"n u:-J sos ;Jarti8sl:.

26
vivant plus CJu r • ces mécanis, iOS,
::-t
que par conséquent ces
derniers nO p8uvcnt expliquer exhaustivement l'activité.
Ainsi,
on peut belle et bi8n,
cof,lmr:o Claude Bernard et
L. B~u~our8,
d:un8 part admottru que la vie transcende les
lois physico-chimiques,
et d r F.lutr, ;Jart soutenir qu'elle
"implique d8s déterminismes matéri~ls sans lesquels elle ne
saurait exister"
(1). Ces dernJ_é'rs intc.;rviendraient alors
dans l'activité vitalu à titra de condition nécessaire mais
non suffisante. Mais,
m~mG si lion adopte ce dernier point
de vue, le résultat qu'il impor~ait d1établir serait encore
atteint :
à
Partir du momunt aD i l ~st acquis que le vital
déborde lus mécanismes physico-chimiques,
on pBut tenir
pour certain que,
s ' i l y a dos d~t~rminations au niveau du
vital,
~llus nl~nt ni le m~m8 degré ni la m~mo nature que
cclles des systèmes matériGls.
Dépassons le niveau de llorganisme individuel pour
examiner de plus près toute c~:-1; cr; immense évolution dont
l'individu
b t m~me ll3spèce) ni :st quo le sous produit,
pout Otre rencontrerons nous d~s rr6cisions concernant le
degré d r :i.ntorvention du détLrmin·' .r,mr, dans Ir acti vi té créa-
tric~ dG la vic. Il est d'ail
;ur8 nêccssaire,
pour no pas
(1)
Déterm. et final.,
p.
135.

27
restreindre la pen sée de B :rgs('n,
dl envisager avec lui
tout le ch~min parcouru par l'élan vital, et d'entrer dans
10 détail de ses conceptions 8t des critiques qu'il a
adressées aUX autres évolu-~j_urlnistcs, Lamark et Darwin, en
particulier.
Les ëVQlutionnist8s Gon~ unanimes à affirmer que
las form~s lus plus haut~s d~ la vie sont sorties d'une
forme
~1§m8~tAire, que le p~~s complexe a pu sortir du
plus simplo par voie d'év~lu~ion. Pour nous en persuader,
ils nOus prés~ntent les d6c~uv-rtes do la paléontologie,
des faits anatomiques
(similitude d'organes),
d 3 s faits
embryologiquAs etc.
Mais difficultés ct désaccords appa-
raissent d~s qu'il s'agit d~ d~tcrminer le principe mOteur
dB l'évolution,
cl_st à dire d'~xpliquor comment et pourquoi
les formes
élémontaires ont acquis graduGllemont des organes
ct des pAr-ticulari -tés pour ct v~:nir des formes complexes et
dissemblablos.
Darwin fait intorv,mir la sélection naturelle:
des organismes plac~s dans un milieu doiv3nt pour survivre
Vaincre divers obstacles :
i l leur faut donc posséder les
aptitudes nécessaires pour une
bOnne adaptation aU milieu.

28
Ceux d'untrc aux qui par su~tn d'uno quelconque d~ficience
so tr0uvont inadaptés,
sont élimin6s, tandis
que los survi-
va~t8 transmottcnt leurs particularités avantageuses à leurs
descondants.
f,insi par l'accumulation db petites variations
accidont8llns t~:~smisos par h~r6dité s'effoctue la forma-
tion ["Jr'lgrossivu d:c~gancs Gt la diversification des espècos.
:ottc thèse n'est point admisoibl~ solon Bergson.
Comr;,r.mt expliquer ~ di t-il yU
(les variations accidentelles
SD
complètent,
s 1 harm'Jnisrn"~ ::t conv[;rgcmt vwrs un mem3 but.
Comsont CDS acquisitions acc~~~nt 1105, sc succède~t dans
Un ordru accidcntol r;t dens dfJs l.:ir~,ctions indépendantes,
pouvont-:,lLJS donn,:r nê!iéi~i8nc[; ~l des organes similaires
(orJil du vortébré ct rl.3il du P'.'iCjïii"
par exomplo?)
Il affir-
me catégoriquc:mc:nt :
':Lo dlSvullJ:-<_"_.mont parallèlo dc structures
compluxus idontiquus sur rhs lign~;s d'évolution indépendante
no p:,urra tenir à une sim:J1~, accumulation de v<':lriations
accid~ntüllcs" (~J. Dtaill~urs rion no prouva suffisammont
qu~] lQB habitudes contrActéc:s pé:r un individu p::uvünt avoir
un roîentissGmcnt sur SB d~sccnj~ncc. S~ulcs los particulari-
tés cong~nitalcs snnt assur~Ds dl~tru transmisos. L'habitudo
ou la v2ridtior:
E.cquiso conCDrn,
1-: soma,
non lu germon.
(1)
Evol. SrGat. p. 75.

29
... _._
:"::(';:29:':>,)'"
;:j~3ppuiD sur la tlïl~Sl ùe Woisman qui distingue
d2ns ehaqua organir~o deux parties Dssenti~llos : le soma
ou corps et 10 r_=IT~~ constitu~ par lus cellulos rcproduc-
trieUSe
\\jIJuismê'ln soutient qu T un __ ségrégation du gcrmlJn
S \\ opère
l1 Ui1
do l'oeuf,
ainsi
'"
'T'
",o, .. at·
1 - . , CC'
1q_.,---"
(1) ., r;
1 ""
-
.m., r.·
.,1
l'on
a~~~t llinfluenco
c~ttc influ~nce prr~nquG ChL~ l'onfant d3S cQ~actèrcs diff~-
ronts de cn qu:~s~ la taro chc~ 10 rarent. Los faits mon-
trcnt,
conclut-il,
quo la t··c;-,smission héréditaire de
l'acquis est l'~xccption non IG r~glo (2). Du ruste, la
sélcctiO:l na'eur .. lle ne pout jOlle..r 1:.... rôllJ qUci lui attribua
Darw5.n.
::J.lc 8Xi,'.:·,QUL; tout aU plus le.. procussus dl élimina-
SAnce p~sitivc qui onrichit l'~trL; vivant de caractères
110UVC~'J;~. L.:J plus l' él:i.l'lin ,:::t:.nn résul tant du liP. crncurronc[~
(1)
Dans sere r'"'Jr.-.C;"
I]/:'~-~rmiïj~.sr,:u ,:;t finalité ••• , L. BounCJurü
affirm~:; que les vuos oc ~veislïi8:, scmbJ.1Jnt etrs confirmas par
los Gbscrvations C~ bion d'autres s~vents.
(2)
Rom:::r:-quons qU:1 CLt arr:un .. ;·,·c embat toutes los
thèses
8V~11lti["!~n~.sJ;u3. Ln nélj,t5. r;n d ..- l'hérédité d~ l'acquis
ét8b~{t inr~ ~a~tr l'h~r§~jtG drun~ forma ancestralo immuable.

30
las plus vignureux peuvGnt succomber là oD d'autres échap-
pent. La sélc.:ction naturcllw Jst avc}ugle.
"Les grandes
causas natur3110s do mort, conditions climatiques, inonda-
tians, disottos,
6p idsmics, gu r,rros des c spèco s, dêtruison t
188 individus aU hasard ot sans faire de choix",
(1)
décla-
ro L. Bounoure.
I\\V'3C 18s nso-darwini,.ns B:.rgson pensa que los CaUSLJS
ossontizllos de variations r6sidont dans los différ8nccs
inhérentes aUx germas nun dans In8 démarches do l'individu.
Toute fois i l n: admet point qu;
cos di fféJi:;ncos soient puro-
mont accidnnt~lles ct in0ividu~110s. Elles sont 10 fait
"d'une ir.lpulaiôn
quJ. passe de: sr;rmo à gorme à travors los
individus"
(2). Cotte impulsion serait la continuation d'un
soul at m~mo él~n originGl qui s'cst Partagé dans dos diroc-
+'i.r:r;s divcrgontos : chacune d'"8 lignes cl 1 évolution aboutis-
ainsi da suito indéfinimont. C_ci explique d'apr~s Borgson,
l ' [;xist;~n:::o dl. r:5sul tats identiquos (ooil du vurtébré ot ooil
du PGignc, par exomple)
sur d~s lign~s d'évolution indépcn-
den"tos. En cff;:;; dit-il "si 1,,;0 ~-:ausos csscnticllas qui
-----------..
(1)
Dé-b,:r:n.
ct final. p. 69.
(2) Evol.
Cré1Jt~ p. 94,

travaillant 10 long du ces div_rs ch:mins sont d~ nature
psychologique alles doivent conserver quùlquo chosu de commu.
en dépit d~ la divergence dcsf~0ts••• on devrait retrouver
jusque dans les derniers ruiss'~J. ts, qu.lque chose.. d'.: l'impul-
sion reçuo à la source"
(1).
Cé.;pcndant s'il ne s'agit qu,; ci 1 expliquer l'existence
d'apparüils organiques id~ntiquus sur dus lignes d'évolution
indép nd an tes, la thè S8 l amarcki !ln!.; [Je, l'influGnce du milic;u
semble convonable : dus condit~ons cxt~ricurJs identiques
agissant sur la substance viv8ntu
:ntreinerailmt par modi fi-
catiuns physico-chimiques un~ similitude d' "ffots. Borgson
la rejotto, lu jou du hasard dit-il, m~mo "surveillé du
dehors" nu p~ut aboutir à la juxtaposition d'éléments coor-
donnés do la mCm~ manièro dans deux lignes d'évolution indé-
pendantes.
Il ajoute éloqu~mm~nt : "lus conditions sxtéri~urss
ne p~uvont agir à la manière d'un ~oule qui imposerait sa
forme aUX organismes vivants"
(2). Au contraire, il apParti8nt
....
à la vi;;:. d'., sc créer à elle m;m.,: Un', formL appropriée COiilpte::
ten u dQS conditions qui lui s,nt f é' i tes. Croire quo le v iva nt
(1) Evol. Créat. p. 60.
( 2)
lb id,.
p. 63.

32
doive subir unD adaptation passive, c'est ignorer que la
vie est essenti811em8nt activité créatrice.
Ainsi,
conclut
Bergson "bon gré mal gré; c10st à un princip~ interne
qu' i l faut fairi~ appel pour obtonir une convcrgonce d'effet" (1 k
D'ailleurs los faits de régénération nouS invitent à chorchor
unD cause internD
si l'on cxtirpr; le cristallin d'un
triton on assiste & la régén~r~~ion du cristallin par l'iris.
5' i l doit cm etrc; ai n si
le n êolamarckisme n' Dpportc-
t
t-il pas une solution adéquete ? Lomark, en plus de l'inter-
vention des conditions uxtéri uros imposées par le milieu,
soutonait qu~ la fonction crée ct dGvoloppe l'organe. Des
biologistes plaidant dans le m~~, sens, pensent que les
variations qui aboutissent à la création d'organes ou d'es-
pèccs nouvQl~.es no sont pas acciu;:mt"lles :-:;olles 9J nt dues
à l'effet que déploie l'€tru
viVant pOur s'adapter, cet
effort pouvant 8tre conscient ct volontaire et pas seulement
un exercico mécanique de certains organes. Ainsi un organe
qui s'avère indispensable pour une bonne insertion du viVant
dans son milieu,
peut naître Dt s~ d~velopper, s'il devient
inutile, l'offort qui soutunait Gon dévoloppement se relache,
i l s'atrophie alors pou à peu et disparatt.
Bergson applaudit
(1)
Ibid. p. 83.

33
p Brtiellemcnt à cotte thèse et l'on d':vine pourquoi
c'est parc8 qu!elle fait appel 6
unu Cause interne imma-
térielle indépnndantG de la nécessité des forces physiquos.
5'agissant toujours d'expliquer com~c~t dos organes iden-
tiques ont pu se former sur dos ligrl.s d'évolution ind6pen-
dantes, i l admet que les m~m8s ~fforts pour tirer parti
des memes circonstances peuv~nt aboutir aux mômes résultats.
Mais le terme "effort" ne lui paraît pas tout ~ fait adé-
quat pour rendre compte de la réalité.
Il faudrait dit-il
lui donner un sens "plus profond,
plus psychologique encore
qu'aucun néo-lamarckien ne le sup:~C'so" (1). Il faut cr8user
sous l'effort pour trouver une CAuse plus profonde. D'ail-
leurs si lion sien tient à l'effort individuol conscient,
comment l'étendre aU monde dns plant8s, comment chez l'ani-
mal agirait-il sur les organes qui échappent à l'influence
de la volbnté ? MOma si l'on accorde à cet effort le pouvoir
de réaliser des Variations, i l reste qu'il ne pourrait
obtenir un accroissement de cOm~)l:,xité que si les caractères
acquis se transmettaient régulii:,rw\\ .nt d~1 manière à s' addi-
tiOnner. Or COmme nous l'avons déjà souligné,
Bergson estime
que la transmission
héréditaire de llacquis n'est que
l'exception non la règle. L'effort n3 pDut donc présider
à la réalisation d'un organe tel que l'oeil,
dont la formation
------------
(1) Evol. Créat. p. 78.

34
néc~:;ssih~ 'ln nombre énorme de comf1).ications toutes dirigées
dans ;.n
La soulG 8xplicotion vc:ablc serait donc la suivante
lus d5offéront~)s LJrncs d'J la vie. ont consorvé quelque chose
dn la mOrne impulsion initial~, CE qui justifie les homolo-
g~.I1S ':'lnstaté'Js S'JT. des lignes (:;'évolution divergentes.
Cette impulsion initiale se continuo par une poussée inté-
r::'oLire activA,
sr;ule CaUsr, dé~l:rmin8ntB dn l'aciaptction du
ViVant ot
1
08
son
r)volution,
qui,
:tpassant de
qr:rma à gnrmn à travors les ind~_v.~dus porte la vie dans Une
direction dnnnéA è une complicat~on de plus en plus haute"(1).
C'est '!un :Jffor-'.; ô>utr8m8nt p:r:-ofc.1ild que l'effort individuel,
autremrmt :i.ndépcndE'nt das circr.1i~sotance:3, com:Jun à la plUPart
des représentants d'une m~m8 e~pèc8, inhérent aUX germes
qu!ils portsnt plutCt qu'è 18ur s~ulH substance,
assuré par
là de se transm8-t:t..:'e à leurs r; : cunchnts"
(2).
Cette poussée
intérieur8~ d8 nature psych~lügiqu8 serait donc la cause
profonde des °Jariations,
"du r:'0ins,
dit i l de celles qui
se tf'ëlI1Sme'ct8nt régulièr8m(~nt, (~ui st additionnent,
qui créent
(1)
Evol.
Créat.
p. 94.
(2)
Evol.
Créat.
D. 95.

35
(1::";3
espècus nut"J311c~sl1(1) 0
Nous le voyons bier,B,-,xl,jsnn n'a rejeté dans le8
th~ses des évolutionnis~es quo cs qui ~ ses yeux introdui-
rait dans l:EctivitG vitale dS8 dét8rminismes matériels tels
que tout chang~m~n~ s3reit guid6 ~or la n6C83sité des forces
physir:uos.
I~. ticmt afJGfJlum:::;lc à l f 3_dée suivant laquelle
l'6volution n~ob6it qu1è une CAUS~ d~ nature psychologique
danc à W13 ccus? J.ibrr; qui n'~:st iJutr8 quo l'élan vital.
L'ecti~n créatricG de ce dernier t~nd précisément ~ intro-
duirA dans lA mati~rc le maximum dL liberté et d 1 indGtermi-
not:-.on.
I l pnut d~nc s~mbler ~ prnmi~re vue qU'il règne au
niv8au de catts activité créatric(~ une contingence radicale,
une pure indétermination~ Mais c'ust ici que nous rencontrons
dDs affirmations qui viennent tGmpGrer llanti-déterminisme
de De~Json. Il déclare en pf/bt que si l'évolution du monde
.
d . t
.... t
~c1 ' ,
. ,
d
bl
orga nlqU8 n~
01
lpas e re pr~ ~C8rmlnee
ans son ensem
e,
à la dét~rminatifJn une corteine part. Un organe tel que l'oeil,
n~r "x8mplG~ se serait constitué prGcisément par une variation
con~;j.nur.J ..sL::::n_s.u.fl_sons défini" (2). Voilà qui nous éloigne
(J)
::: v,.., 1.
Cr 6 a ta
p.
9 5

36
d'un indét3rminisme ra~icBl. C2rtcs Bergson insiste beau-
coup 8t souvent sur la cwntingenco inhérente à l'activité
vitale comm8 dans 10 passage su::i..vant :
"La part de contin-
gencu est d':"nc grande dalis l' rj'Jolution. Contingentes, le
l
~ouv~r'~
~rnL
'n~ .p
~
Pus
s
adoptées, cu plutBt inventées.
<:J
c.:;
L.,
1
~, ..'1 U
' - ' • ,;:,
. ' . . " ,
CQnting3n~~r rL:ativ8 aUX ~Lst8clos rencontrés en tel lieu,
à tel momant, la dissocia~ion Je la tendance primordiale
en tallas et tellBs tendances complémontaires qui créent
d s lion35 div8~C3nt8s dt6vulu~irn. Contingents les arret~
Dt les reculs : ~ontingont8s danE une J~rge mesure, les
(1). Mais voici qu'il ajoute immédiatement
"deux choses s8ulem"nt sont nt:Scr~s3aires : 1 2 une accLlmula-
tian graduelle d'énargia,
22 une canaliSation élastique de
r.ettc énergie dë'n9 dos dir':cticns variablos et indc':termina-
blos,
ElU
bout desque110s so:,t les aCtes libres ll
(2).
Il est
~nc évidant que, tout un cGm~attant 18 déterminisme, il ne
r. i.~;me n'ost p8S définitivrnG.;nt congédié. Une certaine part
Il';.
3St faite. C',"st co qu".xprime,
s~mblf:;-t-i1, Jankélevitch
lO'~-:aulil écrit ul':§lancélm:'nt vital est donc juste assez
dét~~miné pour ne pas progrnsser aU hasard, Sans cause et
(1)
~vol. Créat. p. 277
(2) Ehid. p. 277

37
sans direction ; son futur innove néanmoins à chaque pas
sur son présent, loin d'en r~sultor mécaniquement" (1).
Reste à examiner si l'activité psychique est totale-
ment ou partiellc:m~nt exempte dl; d~termination.
D. Ph énomèn 1?r3_Ee con sÇ..i.?-.npe..sJ...d.u.tu.;'.!fl_:i;.n.i.§.D1Jl.
Il est temps de nous domander en quoi consistent les
nouveautés quu la vie élabore d~ns l'évolution des organis-
mes vivants. Le progrès vital n'engendro t-il que des organes,
et des formes physiques indisp nsables à une banne adapta-
tion au milieu? La nouveauté qui mOrit à travers des milliers
de générations, déclare Borgson est surtout d'ordre qualita-
tif, et c'est le degré d'intnnsité qu'elle atteint qui condi-
tionne le degré de complexité d~ la structure de l'organisme.
Or ajoute-t-il ec'est du système sensorimoteur que tout part,
c'est sur lui que tout convorge, et l'on peut dire, sans
métaphore, que le reste de l'organisme est à son service" (2).
C'est donc catte partie esscnti.llo de l'~tre vivant qui
subit les transformation s. Do ;rÇJ son l'affirme ; "des organis-
mes les plus simples aux vertébrés lus plus intelligents le
(1) Honri Bergson, par J anké18vitch, p. 135.
(2) Evol. Créat. p. 135.

38
progrès réalisé a été surtout un progrès du système ner-
veux (1). Mais ce progr~s rst av~nt tout celui de la
conscience, C'Gst le degré de lij~ration qu'elle atteint
qui entraine le degré de complc~ité iu système nerveux.
Autrement dit, l'éveil de ln ccnscicnce engendre Une crois-
sanCG de complexité et do
porfcçtion dans les appareils
sensorimotsurs. Le progrès s'.~; octue dans 18 sens de la
libération de la conscience, l~ courant vital tend à fabri-
quer des consciences de plus 8n plus libérées dos entraves
matéri~les, et c'est ainsi qu'il insère en m~me temps de
l~indétermination dans la ~atièro : "un système nerveux,
avec des neurones placés bout Q bout de toIle manière qu'à
l'extrémité de chacun s'ouvrent d:'s voies multiples où autant
do questions se posent est un véritable réservoir d'ind6ter-
mination"
(2). Mais alors, n~ pout-on s'attendr~ à ce que
la conscience la plus évci116e, c Ile de l'hcmmG, soit
exempte do tcute détermination? C'est dans la ligne d'évo-
lution qui aboutit à l'hommo quo
s'ost engagé le gros de la
poussée vitale et là le système nerveux a atteint un niveaU
de perfection adéquat. Partout ailleurs dit Bergson "la
conscience s'ost vu acculée à une impasse, avec l'homme seul
(1) Evol. Créat. p.
135.
(2) Ibid. p. 127.

39
elle a continué son chemin"
(1).
Les conceptions bergsoni~nnes sur la durée semblent
renforcer l'idée que la vie intér~2ure n'est soumise à
aucun déterminisme. Le temps r6cl constitue l'étoffe m@me
da la vie psychique
(2), chaqu~ mn~8nt de cette durée apporte
une nouveauté imprévisible,
ainsi san état d'âme s'enfle,
s'enrichit en aVé3nçant sur la rrJute du temps,
"il fait pour
ainsi dire boulê de neige avec lui-mOme"(3). La vie psychique
est mémoire, ce qui ne veut p;~s dire qu'elle soit "une facul-
té de classer des souvenirs dans un tiroir ou de les inscrire
sur L!:l registr3"
(4), il y a conservation naturelle, automa-
tique du passé. La totalité de notre passé nous suit ~ tout
instant: "ce que nous avons s'nti, pensé, voulu depuis notre
première enfanco est là,
p3nché sur le présent qui Va s'y
joindre"
(3).
Ainsi ce que noUs sommes auj~urdfhui porte la
marque de la totalité de notr~; histoire. De cette survivance
du passé,
Burgson tire une importante coneéquence :
i l est
(1) Evol. Créat. p. 289.
(2) Bergson pense que la théorie de la relativité confirme
ses thèses sur ce point
: pour un être conscien~ seul le temps
qu'il
vit est réel
:"on aPporte 2VCC soi, partout où l'dn Va
Un temps qui chasse les autres",
Dur6e et simultanéités,
p. 238.
(3) Evol. Cruat. p. 2. 77è éd.
(4 )
Ibid
p.
4.
77è éd.
( 5)
Ibid
p.
5. 77è éd.

40
impossible à une conscienco de traverser deux fois le m6me
état. Ceci équivaut à la n :,~:8tion du détc:Jrminisme dans los
phénomènes de conscienco.
Il l'affirme explicitement: "dire
quo los mtmes Causes int8~ncs produisent les mêmes effets,
c'est supposer quo la m~m8 c~uso pout sc représenter à plu-
s i eu r s
r lJ po:: i se s sur l e t h ~ ~ 'l; r (~ deI a c on sc i c nc e (1). 0 r
chaque état d'âme a son rriginalité propre ct ne se renou-
velle j amais id~:ntique à lui_r;;~me.
"Pour le psychologue qui
ne se laisse point égarDr dit-il par d'apparentes analogies,
une CaUse interne profonde dlJnne son effet une fois et ne
le produira plus jamais"(2). Dune, pas de déterminisme,
semble-t-il dans l'activité psychique. Dans un système maté-
riel, on peut répéter autgn~t de fois quo l'on voudra l'état
du groupe, le temps no lui 2ppcrtc rien de plus, le groupe
ne vieillit pas, il n'a pes d'histoire. Toute autre est la
réalité psychique où le chans~mp.nt consiste en une croissance,
un mOrissemont continuel, chaque: moment apportant un lot
d~~xprévisi.b:i.l':_-:Js : "CG qui n'a jamais été perçu, et qui
est en memc temps, simple, est n6cessaircment imprévisible.
Or tel est le Cee de chacun dL nos états, envisagé comme
un moment d'une histoire qui sc déroule: i l est simple, et
---------_._--
(1) [.D.Lr:., p.
152.
{2}
ibid
p. 153.

41
i l n~ peut paS ~voir été perçu,
puisqu'il concentre dans
30;1 :Lndividuali<:;§ 'cout le pr;rç'_l sVcc an plus CG qu 0
10
pré-
s~.Jnt y ajou·te. ~~.,st un L10I,F;ITC
r:~ginal d'uno non moins
original~ histoi~8't (1). Il ust 6vidont qu 1 0n n3 pout parler
de d!St8:,:,minisrn3 r/: s,ns courRnt du t(;rme,
dans des états qui
88
c~r~ct~risant por la simplicité, l'impr6visibilit6,
Tou-V" cctt..J argumsnt ation
s':mb2.8 donc
et ablir un
peint d,! vue définitif qui ne soufiru point dG restriction.
Hais i l suffit dlexaminer los cnncoptinns bcrgsoniunnes sur
l'interaction d~ IIGlan viral at de la matière pour voir
celle-ci p'.;ser sur les phén.;r,lèn:·s d'-J consciGncü et leur
imposer oes' ~~imiti3s. En nf. ,",,'c le r!i2tiBI'c, obstaclo maj eur
à 11 actinn cr(~atrice du crurë.l;-:t vital a plus ou moins écrasé
ca courant sur toutes les lign~s d 1 6volution sauf sur celle
qui aboutit à 1lhomme.
Tout; .i.'I·:'.3·brd d"; la vie,
dit Bergson:
av,üt été C.,1:!.o ,Jl un
.ffort rk
.'.a cc.;nscinc\\:3 pour soulever
la r:l2tièri1 qui l! écrasait.
Dë:;ilS
une saula dir8ction elle a
ou :cs':"scn d:::. la ma-sièrc pCJur DllcF;ndror la conscience humaine.
Un [j C'ln sc LliCG tot alcment lib û:cGG pourrait-on croire.
Non t
(1) Evol. Cr:ato p. 6, 77è éd.

42
Bergson affirme explici t::m:::nt que la conscience humaine
n'est pas enti~rement libérée des ~ntraves matéri~lles
"nous ne sommes pas 10 courant vital lui m~me dit-il,
nous sommes ce courant déjà chargé de mati~re, c'est à dire
de parties congelées de sa substance qu'il charrie le lOng
de SOn parcours':
(1). La présence en nous de la matière
va-t-31Ie imposer è nos activitds psychiques tant soit peu
de détermination ? C'~st bien cc que suggère l'argumentation
de Bergson,
puisqu'il 8n dé~uit une limitation de notre
liberté.
Si tout acte velcntaire,
dit-il,
renferme une part
de liberté,
apporte qu .leye chose dE nouveaU,
"nos créations
~ nous ne sont que des cr~Etions de forme" (2) ; la conscien-
Ce humaine est libre pa~C8 qu'clle marche dans la même direc-
tion que son principe, mais elle traîne un poids :
"elle
est sans cesse tirée un sens inverse,
obligée quoi qu'elle
marche en avant de regarder en arrière"
(3). Bergson ajoute:
"cette vision rétrospc:ctivc_st com,le nous l'avons montré
la fonctiOn naturelle da l'int81li g ence et par conséquent
do la consci8nc8 distincte"
(4). C'est aU niveau de celle-ci
que sn situent nos habitudos d'esprit, nos démarches de
tous les jours qui n8 sont que répértition,
automati9mes,
(1) Evol. Créat. p. 260.
( 2)
l bi d
p. 2 6 L: •
(3)
Ibid
p. 259.
(4)
Ibid
p~ 260.

43
imitations. S8ule la consci3ncG c nfuse est mémoire,
liberté,
spiritualité. Mais i l précise:
bien rares sont
les moments 00 nous réussisG~~s a nous placer au niveau de
cette consci:nce confuse,
c'~st ~ dire ~ produire un acte
libre
(1). Ce n'est pas chos3 fecilc Car i l s'agit "de ramaS-
ser par un~ contraction violDhts dr notre personnalité,
notre passé qui se dérODe pour 1; poussar compact et indivisé
dans un pr6ssnt qu'il cr6~ra" (2). C'ast ~ cc prix,
~ ce
degré de tension qua la consci~nc8 coincidc avec son principe,
et devient liberté.
Comment alors,
exclurlj rl:j l t activité psychique toute
détermination,
puisque malgr~ tuut 3110 subit le poids de la
matière, l'influencG de forces scc~alcs (imitation j
habitudes,
automatismes),
puisque notre pr6s~nt est gros de tout le
pDids de notro passé
(3)
et qu : la liberté se confond avec
Un état d'~me qui est l'exception non la règle? Nous sommes
donc fondés à maintenir nos p.!'écèdontes conclusi~:ns : ni aU
nivBau dos phénomènL'Js vi teu ;:, ni ~ c~lui dB l ' nctivi té
psychique l'indétermination n'est absolue.
(1) E.D.I.C. p.
178 et Evol. Créat. p. 218.
(2) Evol. créat. p. 218.
(3)
H5ffding p~nse que Ber~GDn ~st d6t~rministe : " •••
Bergson définit lui-m~me la li:;rté quand il regarde la con-
tinui té entrc~ 18 passé et l t av(mir C(;:ilmc son caractè.re OSSBn-
tiel.
Il est alors llJi-m~m8 (ici .• rm':'niste, non pas Parce qu'il
définit la "liberté" mais parCi; qu'il la définit de la façon
qu'il ln fait".
La pensée hum9inu,
p. 295,
trad. de J.
de
COuSsan ce ,
Alcan,
1911.

44
[ .
Conclusion du chapitru
~.
Il fau~ d~nc faire u~~ cArtaine part è la d~termi-
nation,
Clar·'·
C'.I~. ,...,,~L1t ;"trL aussi p8titis qUl~ l'on veut
1

t'
Sé:lns
jemais att'1indro z~ro. 50utcrlir le contraire, dire
quo Borgson r8pC'USSG cm
b.:.sc tal:t d6torminismo,
C'Gst l'cn-
fermer Jans t!:l i:ïd6tFJrminisi:l.::'; ~~p.l!ical ct on pourrait alors
soutc'n~.:c qu'il i]f,t r:n l:ontI'ar.1~.ctil.Jn avoc J.ui-m~m8 lorsqu'il
doit so faire " c.;ns U~ sor,s ,-'(~f.';.nill ; lorsqu'il souligne la
nécsssité d;"'! dp..,!x
-
-
'h
0

I l ' '
..' .os , s .
.... ac,=umu 1 a t '
1
J.on gréJOU3 I l e d e
;
lorsqu'il d~cla-
re qU3 la conscionce subit 10 poids de la matière,
ce qui
impose d,]s 15.l11itc;s 2 net:.:':] liberté:
ut surtout on pourrait
alors reprocher ~ B3rgson d~ s'~tr8 donné gratuitement ce
qui ln a n qua i t,
d' f' Pr è s
ses jJ :C, .P r f! S cri tir; u es,
a u x th è ses de
Lamarck et Darwin:
IR possibi~ité d'uro évolution graduelle,
par Eccu;nu18ti.o n prr:grossivr: ,le veriations s'ajoutent .Qlill.§.
nous éCartons cettn P8~t dG J~tGrmination
qui garantie la
~irection du ~ouvomnnt 6volutif, aucune théorie évolution-
nisto nA sa justifie,
pas plus c·lle de Bargson que celles
de LRmarck et Darwin.
RiAn no pour~ait expliquer le déve-
loppomant d'organes vers d3S f'rmes do plus en plus complexes

45
(forma~iOn du systèmo neXVDUX par s~8mp18). Ccmment des
créationS succ~ssivGS Sans aucun lien, des surgissements
forfuits et discontinus pourLaiont-ils constituer une
évol~t~on réalisant des r8rÇoct~ons de plus en plus hautes
Ainsi mAlgré,
cne lutin constante contre le déter-
minismot Burgson introduit dans ses propres thèses des
rG~~~ict~Dns, ~o~ cQncessic~s qui ~ignifi~nt clairement
qu'il faut en acccptcr qu~lquc
chose.
Notons enfin, qus
partout, dans SQS vues, 18 re;cLll d3 la nécc<ssité comporte
comme coro.U.airc 8xplicitem"3nt exprimé l ' épanolJissemer;lt de
léJ l:UJOrti'j.

46
CHAPITRE II.
FIN I\\L l TE.
Bergson déclare dElns l ' Evolu-cüm Créatrice :
ilIa
doctrine d~s Causas finalos n8 sera jam8is r§futée défi-
nitivemsnt ll Car dit-il " son principe qui est d'essence
psyc/::-:logiqu8 es"'c -trÈ;s so'.. plc.
Il est si ~:::xt8nsible, et
par là-mi3me si large,
qu'on en aL:c:ert~: quelque chose dès
qu'on repousse Ir mécanisme pur. La th~S8 qus nous expo-
serons dons ce livre participera donc n§cessaircm3nt du
fin alisme dan s U'-I C c~~ rtainB ITtr~ su r:~" (1). Cep end<Ent il a
vigr.ureusemont f['ml,nttu l~ finalité seus ses formes tradi-
t;i.onn811es : fin'11ism'J radical du L:~ibniz, finalité inter-
C'est ~c systèmR dp l~~bniz que 8~rgscn appelle
"finalisme r~ ~ical" rians un P8SSBQ." déjà cité dans notre
introduc~;i('~•
Leibriz A0utient l'Bxistcnco da~s l'univers d'une
ha::-monie préé"cablie,
dD
sortn qun 1,3 démarches des ~tres
de la nature obéissant à des rap' arts réglés ; chaque
mnn"">(;o (ou substanre simp18) né3 fait r;U8 déployer dans le
(1)
Ev,;l. CréBt. p. 43.

47
tamps CB qui de toute éternité ftait enveloppé dans son
essence:
parmi toutes les essonces possibles,
Dieu n'a
admis à l'existence que calles,
qui,
compatibles entre
elles constituent le meil'.our système de compossibles,
c'est à dire 10 meil~Bur d~s mondes possibles (1). Tout
sc passe donc comme si l'av8nir est déjà donné dans le
présent,
de ce fait tout CD qui arrivera est déjà conçu,
prévu par Dieu et déposé dans 18s ~tres (les monades).
Voilà précisément co que D';r",:son refuse dl admettre.
Selon
lui les thèses de finalisme radical comme celles du méca-
nisms sont incompatibl';s av _'C la notion d'évolution véri-
table: l'univers n'sst pas fait,
i l se fait continuelle-
ment.
Diro que les démarch~s des ~tr8s de la nature ont
été réglées une fois pour tnute,
c'est 8ncore affirmer
qOe tout est donn~ : le t?mps n'apporterait aucune nouveaU-
té et par conséquent n2 sf}rai t
rien.
Il Y a di t - i l mieux
qu~un plan qui se réalise dans IB8 démarches de la vie
"Un plan est un terme assigné ~ un travail : il clet
l'~venir dnnt il dessine la forme. Devant l'évolution de
la vie aU contraire, IdS port8S de l'avenir restent
grand'ouvertes. C'est unE création qui se poursuit Sans
fin en vurtu d'un mouv~m~nt initial"
(2). Si la via réalisait
_____ _ ... _ri..
~
a
_
(1) Théndicée p.::lrtie l,
p.
144,
édition annotée par J.
Jalabert,
Aubier,
éditions r'iuntaigne,
1962.
(2) Evo!. Créat. p.
114.

48
un plan, aj .,ute t-il,
elle Li~v:L:üt
manifester une harmonie
cl e plus en plus complète à 1:1': ~3U re C;U' elle aV an ce, or nou s
constatons pluHH que : "la vit:. s' ép arpillc en rra ni festa-
tions antagonistes et incompatibles 2ntre elles"
(1).
Voilà donc le finalis~~ raJical repoussé par le
besoin do libérer l'avenir de toute pr§détermination ct de
toute prGvision. Le Dieu cElcula~cur de Leibniz écarté,
Berg son lui su bsti tu f3 un Di~' u c:l!i r.: ér i te at t en tian et
réflexion.
Il nOUS intéress':: (~(" saVoir par exem?le sl. son
activité est finalis§e et s'il 8 une vision d8 l'évenir.
"Si nos anolyses sont exactes, écrit Borgson c'est la con ..
sciGnce ou mieux la supra c~nsci .nce qui est à l'origine
de la vie"
(2).
Il s'agirait d'un I1 cen tr3 d'où l~;s mondes
j ail1irainnt comme des fusér:s cl r un immense bouquet", i l
poursuit: "pourvu toute fois ~u~ j~ no donne pas ce centre
pour une chose, mais pour Un'; c<..Jntinuit8 do jaillissement.
Dü; u ,
ai n si dé f i f1 i , n' a r i
n cl:; t C' U t
f ait,
i l <:. st vie
incessante,
action, liberté"
(3). En outro Bergson nous
laisse BntcndrB qu'il est "fmaur l t éprouve Id besoin
d'aimer SDS créatures, l ' hG~;;~ ..;m particulier const-iJ;!,Jaf)t
(1)
Evol. Crést. p. 112.
(2)
ibid
p. 283.
(3)
ibid
p.
270.

49
1 e cOmplément dl: cet amour"
(1).
Comment donc situer ccttG Source de la vie par rap-
port aU temps qU1 occupe une si importante Place dans la
pensée de Bergson.
Est-ce qu1il SD contentE; d'improviser
è chaque instant ses actions,
s~ns ~ucune intention et Gans
visée? So contunte t - i l de vivre lùs nouveautés qu'apporte
chaque mom:<nt dr} la durée sans 1::;s prévoir? Selon Bergson
c'est toujours apr~s coup qu: nous décelons une orientation
qui laisse supposer une finalité
c'est è la lumière du
présent qU3 le passé nous révèle.; des directions suivies par
la vie qui pourrait aussi bien on prendre d'autres.
Que la
porte de l'avenir nou soit fermé·""; ij nous,
~trEJ3 humains,
~ccn~t~nR '~- mais est-elle aU moins ouverte è cette Source
de la vie,
c'est à dire à Di,;u.
S' :'_1 est supraconscience,
liberté,
amour,
nous sommes fondés à croire qu'il réalise
ce qu'il veut dans ses actes,
dons ses "jaillissemEnts",
en rarticulier qu1il crée en fonct~Gn de son ~mour. Que
signifiorait sa liberté,
s ' i l n'oriunt8 pas ses actes dans
UnC direction voulue,
choisie? C ' s t Bergson qui nOUS,j
appIond que :
!lsi con sc ienc e sign:f iD mémoire,
et ant icipa-
tion,
c'est que conscience est synDnymc de choi~ (2).
(1) Les c'C:'JX SDurCPS de la morale ct d,::; la religion,
p.273.
(2)
Energ. SpiT.' ° ,
p.
11.

50
:ommnnt dnnc la supraconsci· nco n,
po~r~ait-el18 concevoir
cl l aVance plu sL~urs actions p .... s<b2.:JS et choisir clle qui
lui convi"nt ? (1) Bergson n'e-t-il écarté le Dieu calculB-
teur de Lnibniz que pour lui substituor un Dieu, à peu près
sonnombulc qui n'sst consci~nt qu~ de l'instant présent
D~-. tout.::! façon si com:,c il l'écrit l'activité vitale
t~nnsc~nd~ 10 finalit6~ d1finic commE la réalisation d'une
id~G précnnçuo il resterait à axpliquer la part de prévision
qu:impliqu8n~ des affirmations comm2 c~lle-ci : "mais il
faut toujou~s sc raprelcr qU~ la vio sociale était comprise
dans ln pIao de structure de ]., .sp;;;ce humaine comme dans
l
d
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Il
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_8,
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B1t nscessa1re,
que la nature
n'a pu s'en r~m8ttre exclusivLncnt à nos volont~s libres,
que dès lors :~Ll("! a dl') faire :;n sDrte qu'un seul ou quelques
Uns commandent 8t qua les autres obéissent" (2).
Il ~mpartc cspandant d~ remarquer qu~ B; grosn s'expri-
me snuv~nt Avnc une prudonte circonsp~ction. Il suggère plus
qu'iJ. :1:: +'r:-,~ch~: s~s points d.; vu':'"; concernant l'essence et
l'activité divine snnt souv~nt sin8n toujours exprimés avec
~ 1) C: 8 S -t 13 c: r Ss C' n qui é cri t P(J Ur .;~ a nt: ". o. t 0 utel a p l' é s r> r .L. '.
etudFl t·.;nrl à établir que le vital nst dans la direction du
volonJ;n~.r'1" On pnurr,üt ':'lonc dir:~ ql!(3 cc prcmizr genre d'ordre:
est celui du vital ou du voulu, par opposition aU second r qui
Bst CGlui do l'J..ner+.,g, ct de It.ê_u_t_o..mJ!.tig,!:!E,". f:vol.
Créat._ p.24 L:.•,
(2)
Deux. 5. Mor.
ReL
p.
30e, 3è Bd.

51
avec 10 conditionnel.
Il faut néanmoins reconnaître qu'il
n'est pas aisé de placor à l'origine des choses un Diou qui
serait Liborté,
5upra-consci~nce, Amour, pour lui pr~ter
ensuite dos actes,
des 'ljai:.lissem nts ll non finalisés,
des
actes dont le réSUltat nu serait ni voulu ni prévu.
Quitons mOmentaném .nt les implications métaphysiques,
de la finalité,
pour envisager c, tto notion au niveau des
réalités concrètes de notr~ ~8nde.
B.
Finalité interne.
Pas plus qu~ le finalisme radical, l'idée de finalité
interne n'est acceptable scIon Bergson.
En quoi consiste
t-olle ? Lalande définit 12 finalité interne: II cel l e qUi
a pour fin l'~tre m!me dont lLS parties sont considérées
comme moycna"
(1). C'ost dunc c~tte sorte de finalité que
l'on croit lire dans un o:9anisme vivant:
ses différentes
parties (cellules, tissus,
or~ancs, ~tc) semblent ~tre
structurées chacune pour une fonction
qui lui est assignée
toutes travaillent aU bon ~quilibro do l'ensemble, à Sa
canser~ation, à sa protection.
Comment Ber§§on juatifie t-il son refus d'admettre
la finalité interne? Dans un organisme complexe,
dit-il,
(1) Vocabulaire technique et critique do la philosophie,
p.
355, B~ éd.

52
l'entante antre los différents é10m nts n'est pas complète,
puisque certains d'entre eux pcuvunt sc comporter comme de
véritables organismes vivants,
ayant une certaine autonomie,
fonctionnant pour l~ur propre intur~t et non pour celui de
l'ensemble.
Ainsi "los phagocytas poussent l'ind~p_ndance
jusqu'à attaquor l'organisme qUi l~'s nourrit" (1)
; les
cellules germinales ont leur viu propre à c6té des cellules
somatiques.
Par ailleurs les faits de régénération nous
montrent, poursuit Bergson,
que cnrtains él~ments qui n'occu-
paient qu'une petite Place et uno fonction
spéciale peuvent
dans cErtains Cas se consid~r8r comma l'équivalent du tout.
A première vue,
i l semble bi n que los finalistes
pourraient facilement retourner ces arguments contre Bergson,
et montrer qUl':: les faits qu'il invc:que militent plut8t en
faveur de la finalité interne. L:!s phénomènes de régénération
par exemple,
r6vèlent plut8t la so~idarité réciproque qui
existe entre le tout et la partie ;
ils prouvent que le
tout est présent d'une certaino manière dans la partie,
sinon
la reconstruction du tout à partir d~ l'élément serait
impossible. Par ail~eurs, dire quo certains éléments se
(1) Evol. Créat.
p.
45.

53
cnmportent comme de véri-;;ablcs organismes, n'est-ce pas
sou~-:tgrœr tout simplemn.nt Une vérité qui n'a pas échappé
~ .Leir:1iz, savoir: "une machine faite par l'art de l'homme
n'e~t pas machine dê.ns chacune de ses parties ••• Mais les
mach:ncs de la nature, c'est à dire les corps vivants sont
enCOI" machines dans leurs muindrus piirties, jusqu'à l'infi-
ni" (~). ~utrcmont dit~ l'organisme vivant contiunt des
partlss Gui an contiennent d'eutrss, ainsi de suite, indéfi-
nirrent, chacune à chaque niv aU étant une organisation
crmplsxe douée d'une certaine autonomie, ce qui n'emp~che
;Jas la parf aite collaboration d;:: toutes aU bien tare de
l'ensemble.
A propos de la rébellion des phagocytes contre
l'organisme qui les nourrit, il semble que Bergson fait
al.'.~;sion Èl des CaS particuliers anormaUX. L'activité phago-
cytaire dcs l~ucocytes a plutet une éminente utilité-poûr
l'organisme PUisqu'elle élimine l(;s microbes qui pourraient
le détru1:pa.
QUant aux cellules gorminalcs qui auraient leur Vie
propre à cOté des cellules SOmatiques, il n'est pas adm~~~ible
~---------------
(1) La Monadologie, p. 179, ~dition annotée par E. Boutroux.

54
de s'en tenir à cvt-te indép,md~ilc::';
r,;lative et taire la
circularité dGS merveilleux ph6nomË':n';s qui conduisent de
la cellule g~rminalG à lù form~ précis~ du corps adulte
et de CO dernier à de nouvlJ,~s cl~ules germinales. C'est
bien en considérant 10 passage du gDrm~ à l'organisme entier
qUE l'on s'aperçoit que le tu ut ~. ut ~tru contenu d'une
certaino manièro dans l'él~m2Gt. L. Bounoure d~clare à ce
su jet : "10 plu s bel 8 X am: ,1 <:3 de fi il al i té de t 0 ut e 1 a na t ure,
CE::lui da l'ontogenèse, traduit d'nutent mieux un isomorphis-
me entre la promorphologic du 0~~~G ct l'organisation de
l'adulte que,
dans csrtains cas, la clLstin~e précoccmont
fixée des divers territoires ovulEïir,1s (oeuf en mosaïque)
en fournit une image prcsqu8 li~~éralel' (1). Ceci prouve
que la forme adulte de l ' organisf.1;; (}-~ ses propriétés spéci-
fiques sont contenues (préfigur~~s) dans le germe: le corps
construit en lui-meme sa propr'"
f;·J,ln[.
on miniature, le germe
destiné à devenir un autre lui-mtJm';.
Il y a là plus que
do la finalité interne puisqu'il nL s'agit rien moinS que
la continuité d~' l'espèce par J.a ;Jroc:r§ation.
Par aillGurs, c'est un foit 6vidcnt que,
malgré le
rej,'t cat égori:ju8 de la finalit~ in-;;.:rno, B'.,rgson nous
(1) Déterm. ct Fin. p.
245.

55
pr6sent2 souvont dos faits ot d~s id6cs propres a 6tablir
l=existcncG d~ c~ttc finalité. Nous r.neontrons par exemple
sun6r;-..::ur est essentiel-
i-
-'-
lcmen~ constitué par un syst~me sr.nsorimct'ur installé sur
cl n sap p i1 j~ ~-: ils J;; d i çp s -'~ iD n,
cl ;; è:' ", fJ ira t ion, d e c ire ulat ion ,
dG sécr6ti~n •• ~ ~te qui nn~ pour r~le de le r§parcr, da le
nottoyn:::,,
de l~ pIot~gcr, do lui er~nr un milieu constant,
8nfin ')t surt'Ju-~ :J8 lui passer ,J'., J.' én:orgie potentielle à
C 'J n v 0 r t ~- r
8 n m0 \\1 V '2 m8 n t
deI tJ c a n1 c tiC' n Il
(1).
l l
pré c i sc
cGrcle comme tout y se~vait de moy'n à tout 11 (2). N'ost-on
pas ~anté d:~ffirm8r qu'il r8cunnait oxplicitement l'exis-
tenco de la finalité interna surtuut lorsque l'on pr~te
suffisanment attsntion à l'~xpru5sion " ••• de lui créer
un mili81' constant ?'l C:est l~, on ":ffet Une allusion aUX
mécanismes des phénomènes do r6gu16tion qUi interviennent
cr~-:--::-:,=-t:i_qU'~'T1cn-t pour rétablir un r.::quilibre, lorsqu'il so
produit un8 psrturbation dans l'organisme. Il s'agit
d'§rArt8~ un danger~ dn corrig~r ~xeès ou d8faut, d'accom-
macler l'r:::'QGr:is!"18 Ù des condi"<;ic'ns ·.xtérisurGs nauv,-üles,
C'8st ~ d~re de m~intanir l? constanco d'un ordre vital par
des réac+i.C':lS sp;:'roprîéss qui :l:'utralisent les perturbations.
(1) Evol. Cr::at.,
p.
135.
(2)
Ibid.
p.
136.

56
Lorsque par exemple le pH
(c1i1~lré d'acidité) du sang baisse,
les centres nerV8UX respiratoires,
situés dans le bulbe
rachidien,
sensibles à cwtte ~aisse due à l'accumulation
d'anhydride carbonique dans le sang veineux,
réagissent en
accélérant lss mouvements r_>';Jirutoires,
lesquels éliminent
lrexcès d'anhydride carbon:".quc.
C'est une rétroaction de
lreffet sur la Cause (1). Dans l~s maladies infectieuses,
dit L.
30unoure,
"les déf~lls,:s de l'immunité naturelle,
production des anticorps ct mlsc ~n jeu de la phagocytose
constituent le type m~mc dJ la r6action régulatrice"
(2).
De son cOté le biologiste CuGnot a attiré notre attentiOn
sur l'existence de mécanisme int~rnes de régulation qui
servent à maintenir une tQmpérature constante chez les
animaux homéothermes
(mammifères,
oiseaux)
mal proté~és
par Un revet8ment naturel
(3). Il est évident que ces phéno-
mènes de régulation qui se pre·duisent à l'intérieur de chaque
organisme individuel témoignant en faveur de la finalité
interne.
Un autre exemple où BQr§§on semble établir lui-même
Ifexist~nce de cette finalité nOUS est offert lorsqu'il
compare très souvent les miL'_i rs de cellules des or~a.nismes;
------------
(1) Déterm.
et fin.
p. 100 par L.
Bounoure.
(2)
Ibid.
p. 102
(3)
Invention et finalité 8n biologie, 160.

57
~ .I n ' société d' ab8illes ~ui f::.Jrm8 If Ui1 systèmo si étroite-
mer:t urganisé qu'aucun des individus ne peut vivre is~lé
au-dGlà d'un cr'rtain temps".
(1) lb cette comparaison il
conclut d'ë>1..UC3urs : "l'instinc'c c;ui snime l'abeille se
confond donc avec la forcFJ cJ r1t 1.::. r:ellule r~st animée,
oU ne fait que la prolonger (2)". C~ci revient ~ reconnat-
trB que dans Un8 sociétj d' 0:,.5.1.1.: f:i comn'3 aU sein de l'orga-
.nisms i l Y a co~vergenc9 das efforts partiels vers un m~me
but : intér~t vital d8 l'individu ou de l'espèce. Comment
nier ccttD convergence, comment nic;r qu'il Y ai t
l~ une
unité téléologique, surtout lorsqu'on admet commE Bergson
que "très prob a blJm8nt Ce ne sont pas les cellules qui ont
fait l'individu par voie d'association, c'est plutôt l'indi-
vidu qui a fait les cellules par v(-;ic dE; dissociation t)~....
Comment poser un individu qui,
Jrâc13 à une poussjie intu;bsure
S8
cr ée des c ~.ll ule s des or gan' s, )_ eur donne une str-uctlP"a.
adéquate aUX fonctions qu~±ls l
U~ assigne, individu formant
un tout indép~ndant (système clos par la nature, comme dit
Bergson) qui vaille ~ sa conserv.:é.,t:;.on, subvient ~ ses besoins,
~,sur8 sa d6fc~sG, pour rej~tcr ~nGuite la finalité interne?
Et cela chez un philosopha pour qui c'est une pouS_~$:,,,,é:'-,,-
( 1 ) ::vol. Créat. p. 180
(2 )
ibid
p.
180
( 3 )
ibid
PA 282

5B
0110 préside à l'adaptatisn du vivant à son milieu, auX
créations d'organes nouvraUX,
b toutes los acquisitions
qui aboutissent à l'appad.-cic'n d'cspècas nouv,:~ll(3s : t:::t
c'est bicn au sein ds chaque rr0anismE individuel qua cette
poussée trav8illeo
CiJrtos pOLl~ BE~rssC'n il n' y El pas lId' individu absolu-
ment tranché l1 •
Et son rGj:}c de la finalité int'~rno n'est
p8ut-être quu la conséqu::nc.:; de son rofus de l'individualit;j.
Cc refus se fonde s810n lui sur Les faits dfJ régénération
et dG rc'production : reCOi, sti tu-c ion du tout à partir de la
partie (tronçon ou germe). Mais 0 notre avis il n'y a là
ri~n d'autre que les ph6nom~nLs de procréation qui témoignent
p~utôt en faveur de la finalité, puisqu'ils prouvent la
sa:~~~rit~ r6ciproqu~ du tout st d. la partie.
c.
Ls finalisme redic;al r_>j;:té, la finalité int8rno
repous5ée~ Eorgson déc18I'u : "la finalité est externe ou
8Jle nlo~t
du tout (1)"" C _p ndant il a formulé des
(1) Evol. Créat., ,'. 44.

59
arguments centre la finalité o:~t'.rnG, finalité en vertu de
laquelle "les 8tres vivants srrcicnt coordonnés les uns aUx
autres" (,).
Il n' y a paS selon BcrlJs':m une parfaite coordination
entrn les ~tres vivbnL~, A m~sure ~uo la via avance dans
son mouvement évolutif, ullc "s'é'Jsrpille en manifestations
antagonistes et incompatiL,lc's 8fl-(;r-l 0118s"
(2). De là Une
"dGsharmonie croissante entre l.s espèces". D'ailleurs il
y a des cs?àces qui piétinent,
d'au~rcs qui régressent,
l'évolution n'étant pas un r;"li)IJIJ~mLnt
à
sens unique. Le pro-
gr~s ne se continue dit EerJcon quo dans deux ou trois
grandes lignes d'évolution où la vic crée des formes de plus
en plus complexes. A cOté, dit-il existent d6s voies oQ
s'eff~ctuont des déviations, des arr~ts et des reculs. Cela
s'explique par lu fait que l'~lan est fini, par conséquent
il ne peut toujours vaincre l~s obstacles qu'il rencontre.
Ainsi il faut faire le part d~ l'accidont et reconna!tre
quo tout n'
st paS coh§ront dans la nature : "cha~ue espèce
(1) Evol. Creat. p. 43 - L8 18ndo définit la finalit~ ex~~na ;
"cullf' qui a pOUl.' fin un th'" élutr::J que cclui qui ~l%t(tC\\~e~
ment ou Par+.isllp""',"nt) un moy' n de réaliger ct'tte f~n". '~~t·
.
\\..' ..., ""': ;:"> h ~
t r; ~ hn. 0 t r: rit. dol a phi l o. p • 350 , Bè éd.
(2) Evol. Croat. p. 112.

60
se comporte comme si le mOuvsment général de la vie
sl a r r êtait à elle, elle ne vit que pour elle. De là les
luttes Sans nombre dont la nature est le théâtre ; de là
Une désharmonie frappante ct choquante~ mais dont nous ne
devons pas rendre responsable le principe de la vie"(1).
Cette argumentation r8pose essentiellemsnt sur deux
faits:
1 2 La désharmonio croiss~nte qui existerait entre
'le~ êtres vivants de la nature. 22 la contingence qu'intro-
duit l'accident.
Sans prétendre quo lps démarches des ~tres de la
nature tradu~sent une harmonie parfaite, disons que ces
arguments de Bsrg$on appellent quelques critiques.
Il semble qu'il n~ d6c,u0~e la désharmonie que dans
les luttes entre individus d~ m~me espèce Ou d'espèces
différentes.
N'est-ce pas là un parti 'pris délibéré qui
laisse de c6té les comp16m~ntarités d'une haute utilité
v i tale,
qui ex'istent entra indiv idus d'une meme espèce,
entra espèces différentes ct ~~mc entre les règnes animel
et végétal {cycle de l'azote}. L'individu est déterminé
à vivte en société, ne serait-c~ que p8ndant la période de
son enfance où i l a encore b::soin de protection
(m~me
l'edulte ne peut vivre dans un isolement absolu), i l est
(1) Evol. Créat. p.
276.

61
solidaire de ses congén~res, de son milieu : son bien ~tre
et sa survie dépendent de lois cosmiques qui permettent
l'épanouissement de la vic sur t'rre. Comme le dit si bien
L. Bounoure :
"tout organisme naturel, tout en étant un
système fermé sur soi s'insèro d'autre part dans un système
plus vaste, la biosphère ou I.. onde des vivants où tous se
nourrissent les uns aUX d6~ons des autres selon un vaste
cycle d'échanges matéri8ls où s'échelonnent végétaux et
animaux jusqu'aux bactéri8s de la putréfaction qui assurent
le retour des matières organiques au monde minéral".(1)
Il existe bien des complémentarités objectives, à un niveau
élevé dans la mesure où 3llos concernent l'intér8t g6néral
de tous les vivants ou d'un grand nombre d'espèces;
tandis
que la désharmonie choquante dont Bergson fait état se
situe dans les "luttes pour la vie", où les vivants d'une
espèce sont massacrés par ci par là pour que vivent des
individus d'une autre ospèce. Cortes ces "assassinats"
continuels heurtent notre s0nsibilité, mais i l s~mble qu'ils
résultent d'une sorte de symbiose qui permet à la vie de
continuer son chemin, assurent à chaque espèce une stabilité
relative. L'individu meurt l'espèce dem8ure.
(1)
Détsrm. et fin.
p. 258.

62
Surtout comment ignorer c~rtaines harmonies, cer-
taines complémentarités comme c~llcs qui existent entre le
mâle et la femelle? L.
Bounourc estime que la finalité
externe lise manifeste en pr~micr lieu dans l'existence des
sexes : chaque individu sex~6, organis6 pour lui-mSme possè-
de d'abord une finalité imnterne,
qui n'est autre chose en
~,
~.
lui que l'utilité réciproque d~;s parties et du tout mais en
outre i l a unS raison d'etre en dohors de lui-m~me, à savoir
l'existence de la fémollè~s'il llSt m~le, et du m~le s'il
est femelle,
puisque c'est dans cette destination réciproque
/
1~3 sl8ss~mplire pour chacun sa nature d'~tre sexué. Cette
finalité externe s'affirme avec évidence dans tous les orga-·
1
nes do la reproduction qui sont complémentaires d'un sexe à
1
1
l'autre; elle se précise dans l'ajustement parfait des
1\\
organes d'accouplement, et jusque dans la fusion indispen-
sable du spermatozoïde et de l'ovule,
qui sont voués à la
mort si ce
-but final n'est paS atteint"
(1).
QUant à la contingence introduite par le hasard des
obstacles rencontrés, contingonce qu~ Bergson évoque contre
la finalité externe,
on peut sc demander si elle ne Va pas
accorder aU milieu physique un privilège que Bergson lui
(1) Déterm.
et Fin. p.
153.

63
avait r8fus~ dans l'adaptat~on et l'évolution du vivant.
En effet il écrit: "si l'évolution de la vie s'était
heurtée à des accidents différ~nts sur la route, si, par là,
le courant de la vie avait été divisé autrement, nous aurions
été, aU physique et aU moral, assez différents de ce que nous
sommes. Pour cos divers~s r8~sons on aurait tort de consi-
dérer l'humanité t~lle que nous l'avons sous les yeux com~e
préformée dans le mouvom-nt évclutif" (1). Voilà qui semble
privilégiétles Causes mécaniqu8s extérieures, au détriment
de la poussée intérieure à laquelle Bergson avait pourtant
accordé une action directrice ~.;6-::"rminante. Si les Causes
extérieures accidentelles impos~nt à la vie dos formes
qu'elle ne contenait pas en puissance, son mouvement serait
comparable à celui d'un tor=cnt qui dessine les formes que
lui impos8nt les accidents du t-rrain. Or s'agissant de réfu-
ter la thèse lamarcki3nne d~ l'influence du milieu dans
l'évolution des organismes, Borgson avait soutenu que les
conditions extérieures n_ p8uvnnt agir sur la vie à la
manière d'un moulo imposant une forme
(2). Le rOle de la
contingence due aux obstaoles mériterait donc d'être ramenés
à de justes ,proportions.
Dlai~-;8urs contingence et finalité
-----------------
(1) Evol. Créat.
p. 288.
(2)
Ibid.
p. 62.

64
~r s'opposent pas: il semble plutAt qu~ la finalité
suppose une contingence relative. C'est cc qu'exprime
Paul Janet en ces termes "ce qui constitu~ essentisllement
la finalité,
c'~st que le rapport dL.S parties aU tout est
contingent: c'est cela m9me qui ~st la finalité. Si en
effet on admet que la matière, obéissant à des lois néces-
saires,
doit forcément prendre la forme d'un organe propre
à t~lle fonction,
i l faut sacrifiar l'idée de finalité,
et n'admettre que la nécessité brutale"
(1).
Par ailleurs, de l'analyse de l'instinct faite par
Bergson, ne peut-on tirer Un arguw'nt ;.m faveur de la fina-
l i t é ? L'activité instinctive suppose chez l'animal des
dispositions innées et une sensibilité sélective destinée
à guider l'action vsrs un but précis,
ayant une utilité
vitale" Bergson le dit : "l'instinct est donc nécessairement
spécialisé, n'étant que l'utilisation pour un objet déter-
l'exemple du sphex qui paralyse sa proir- sans la tuer "le
sphex à ailes jaunos,
qui a choisi pour victime le grillon,
(1) Les causel finales,
Page 578.
(2) Evol. Créat. p.
153.

65
sait qc~ !~ g~i1~~~ à tr~~s cBntrcs nervoux qui animent
sas trois paires de pattes ou du moins il fait comme s'il
le savait. Il pique l'insocte d'é<Jr,r:d sur 18 cou,
puis en
arrière du prothorax, snfin v=rs la ~aissance de l'abdomen"(1).
Comment expliqu::;r quo de t..:l' .:8 dtbcrchcs instinc~ives
puissent atteindra leur bu~ avec pr6cision, sans qU'il y
ait eu auparavant apprcntissagn ? Dnrgson a signalé le fait
Sans 8n arriver à la conclusion qui stimpose : ltinstinct
implique unn finalité naturJlle. L. Bounoure l'affirme
"comme toute grande fonction d~ la vie, il est un mécanisme
monté en vue dtun résultat do val lIr vitale, c'est à dire
un mécanisme finalisé"
(2).
COmment nier la finalité 8~::~Lrne lorsqu'on considère
la place qu 1 occupe dans les déma:::cII8s ries vivants, les acti-
vités concernant la procr6ation ct la protection de leurs
potits, activités qui assurent la cnntinuité de l'espèce?
Bergson y fait allusion: l'amour l"r1EJt.rnel, dit-il, "nous
m, ntre chaque génération penché'..
su:'
c'dle qui la suivra.
Il nous laisse Gntrevoir qUA It~t~8 vivant est surtout un
lieu dg passago ct qU8 l'cssentiul cl:. la vie tient dans le
t : ,
1 1'. ~
(1)
Evol. Créat~ p. 187.
( 2) Dé t e rm ~ e t fin a 1. p. 13 1 •

66
mouvem~nt qui la transmet"
(1). Le fait est frappant choz
certainc:s espèces,
chez 1
:--, a'1~;il1es notamment. Les habi tant'3
de la ruche
(reine,
mâles uu faux-bourdons,
ouvrières)
sem-
blent totalement absorbés par l~: seul scuci de procréer.
La reine n8 sort qu'une s:ulu fois librement,
pour la
fécondation.
Le faux-bourdun
qui a eu 10 privilège de
s'accOuf'ler avec 611e 1; F'f';~'
dG SB via.
Désormais la reine
ne fera riGn d'autr;:: qu; pondre.
Une fois les essaimages
de la ruche terminés,
les m~les dcvnnus inutiles sont maSsa-
crés jusqu'au d3rnicr par l8s ouvrièros. C~lles-ci, dos
femelles "privées dE l'~ur SGXo", s'occupent continuelloment
de travaux div=rs :
soins aUx larves,
sécrétion de la cira,
construction de nouv '1]_8 S c'.:Jlu les,
entr:Jtien de la propret é
et do la ventilation,
récol t~, du miel et du polI en etc (2).
Comme on 10 voit,
l'indiviuu m~n~ unG vie de sacrifice
total pour que l'espèce ., ab'~illell dom[~ure.
Il en est de
m~me dans tuutos les aUtr2s PSp~CBS, mais è des degrés
divers. J.H.
Fabre aU tRrmn cl' SGS longues et minuti8uses
obs~rvations sur les mCJurs des insectes affirmait l'exis-
tence de "la finalité c1'ectionsclirigées vers un
but".
(1) Evol. Creat. p.
139.
lZ} Voir : le problème moral ~t les philosophes par A.
t,esson,
A. Collin,
5è éd.
p.
10 et 11.

67
Il stest penché sur les d6marci,cs ~tonnantos dtun hyménoptère,
le corceris tuberculé qui mot ~~n résr;rve pour la nourriture
de ses futures larves (qutil n~ V3rra pas) une proie qutil
a soigneusem:.nt paralysée sans la tuer. "Tous ces privilé-
giés des aptitudes instinctives, dit Fabro, préparent pour
" 1
leur descenda~ce 10 vivra ct le couvert. A l'intention
\\
d'une famille quo l~urs y ux à focettes ne verront jamais
et quu néanmoins cannait très bien la prévision maternelle,
ils passent maîtres en une foulo.d'industties"(1). La voix
autorisée de L. Bounourf:] d~clar(), d~ son c8té : "conserva-
tion ct constance dGS espèces, c'est là, positivement, le
fait 10 plus général et le plus authentique du monde biolo-
gique ë:ctuol, c~,lui qui parait t:'aduire le but le plus
certain, ou, si l'on prèfèrc la tt~ndanco la plus marquée
de la vie"
(2).
Tout ccci prouve suffisamment qu~ les argument~ pe
Bergson contre la finalité int~rnc ct la finalité extetne
appGll~ do sÉrieuses réserves. S'il n'est pas aisé de
donner un statut définitif, Un·
formulation théorique
adéquate, à ces formes de finalité, il ost bien plus
(1) cité par Veudryes dans D~tcrminisme et aut~nomie, p.66.
(2) Déterm. ct final.
p. 275.

68
difficile do IGS détruire, puisqu'unn multitude de faits
Pourquoi donc BcrOson e-t-il combattu la finalité ?
Il a ses raisons; pour 1ns CUl11ïJ:ccncire i l faut étudier ce
qu'il en adm'Jt.
QU8110 sont donc eos conc~ptions aU sujet dg la
finalit§ ? Tout d'abord,
il nous ~it lui-meme, que la philo-
sophie d~:: la vic (la sienne) sr~ :cél;~:_'rochB du finalisme en
Cu
SEns qU'DIlo "nous repr~scn~ra 18 monde comme argani~6,
comme un 8nsc:mb18 harmoni~Ju·,II. r'I;:"is, '8jout13-t-il, cctt~
harmonie est loin d'~tre parfaite; mieux, olle cède l~ Ras
aUX discordances puisqu'ulla "n'r_xiste paS en fait
elle
existe plutet en droit-"
(1). La raison en est que "l'harmo-
nie se trouvf~rait plut8t en ar::ièro (à la source de la vie)
qu'en avant"
(1). Ainsi les similitudes et complémentarités
qui existent aujourd'hui ontro d:o frrmus appartenant è dos
lignas c1' éve.1lution di ffér3ntns sr-:. aient dues à leur commu-
nautésdrorigine. La compl§m~ntar~t~ qui unissait les diver-
ses tendanc iJS de l ' 61an original, se r!;trouve entre lQ'~
(1) Evol. Créat. p. 51
à 56.

69
manifestations ultérieures da la vi~. Mais selon Bergson,
cotte harmonie s'affaiblit à mcsur~ qu~ l'évolution se
poursuit, parce qua "l'identité d 1 or:gin8 n'entraine pas
une aspiration cOlnmune".
(1)
L'harmonie placée en arrièrG,
Bor.son débarrasse
ainsi l'avenir de toute prédétormination,
anticipation ou
possibilité de prévision.
Il en fait un champ ouvert aUX
innovations,
aUX improvisations do la spontanéité créatrice
de la vie.
Il le précise:
"jamais l'intlJrprétation finaliste
t311e que nous le proposerons,
n,; o.:vra etre prise pour Une
anticipation sur l'avenir. C'est une certaine vision du passé
à la lumière du présent"
(2).
Cot!:,~ v':sion ne concerne d'ail-
leurs pas les organismes indiv'_ducls, puisqu'il rejette caté-
goriquement la finalité interne: "c'est on vain qu'on pré-
tend rétrécir la finalité à l'individualité de l'~tre vivant"(3).
C'est aU niveau do la totalité organ~que qua constitue le
monde vivant que Bergson serait pr~t à situer la finalité
"s'il Y a de la finalité dans le ml::nd:~ d;..; la vie, elle embras-
se la vie entière; dans une soule indivisible étrointe".(4)
---------_-.- ..... -- -~ ......
(1)
Evol.
Crat.
p.
51
à 56.
(Z)
Ibid.
p.
57
(3)
Ibi~.
p.
47
(4 )
Ibid.
p. 47.

70
c..n définit5.ve nous pouvcms dir:::~ qu~ B~ngson, fidèle
è l'esprit de sa philosophie s' ·st rof~sé d'admettre:
1 2
la part d'anticipatinn ~t dB prévision qu'impli-
que la finalité;
2e
Une conception statiqu~ limitant la finalité à
dos réalités p8rti~llcs ct fig6es,
è des systèmes
f~rm6s et solidifiés: individus (unités absolues),
espèces vivantes imr.lllQu18S.
Mais si ce qu'il roj~~tc nous appara!t clairoment,
par cantre ce qu'il nous propusc n'a pas le mérite de la
clarté.
On comprend mal une finalité qui embrasserait "la
vie entière" sans se manifAstcr aU niveau des individus qui
sont les seuls supports do la vic.
Aussi de sévères criti-
ques lui ont-ils été adresséos.
['Jotar";l"cnt celles de E.
Roland
qui écrit "en compromattant la \\/81 ·ur ontologique des prin-
cipGS rationnL~ls, B~rgson st 'st vcué è 1 t incapacité dG for-
muler et de fonder une doctrino
Guthontiqucmcnt finaliste"(t).
Il estime en:!ffet que,
"si J.'on
d(;c.lare Vain le bosoin
rationnel d'a~solu, facticss los principes de la causalité
et de l'etro
(négation d'un substrat pcrmanont du changement),
(1) La fin ali té mOrf-üe dans l~~ :'l~rgsonisme, p. 98.

71
on peut croire à une activité sans substance, mais la pensée
engagée dans cette voie n'a plus qutà se renior elle-même et
à renoncer à toute ébauche d'explication rationnelle, méca-
niste ou finaliste"
(1). Il poursuit: "on ne peut ntre
à demi finaliste,
pas rlus ~uton no p8Ut ~tre à demi réalist~.
Faute de stetre exprimé 2VLC la natteté suffisante sur la
connaissance et la natu~G du r601, Bergson ne peut faire
aboutir comme i l faudrait Gon explication finaliste."
(2).
Consid~réc csp~ndant dans le contexte de sa philoso-
phie,
Sa conception de la finalité reste tout à fait confor-
me à Sa pensée.
Il lui impwrtait d'éCarter le finalisme
traditionnel avec ses sch-~as statiques et fermés sur eux-
m~mes, pour lui substituer un finalÈme du mouv8ment, de
l'ouverture, où des nouv~autés peuvent prendre place.
Il nous importa, ~uant à nous, de noter, d'acCO;9
avec Bersgon,
que la finelité dcm~ure une réalité qui n~
peut être définitivoment réfuté8.
On la conçoit dtune façon
ou d'une autre,
mais on ne p~ut la réduire à néant.
(1) La finalité morals dans lu borgsonisme,
p. 98.
(2)
Ibid.
p. 99.

72
. Il conviendrait d'8il- uurs,
avant toute entreprise
de systCmatis~tion finalistJ ou onti-finaliste de se pencher
sur les faits.,
pour con st ater qU~' la f inalité a un fondem. nt
réel dans la nature des choses:
i l s'agit d'une réalité
perceptible aU niveau d'un g~and.nomhrc de phénom~nes. Nous
la saisissons,
ou du moins nOL!s l ' ,:ntrevoyons chaque fois
que nOUs sommes en pr~sence d'une conv~nanC8 complexe et
harmoni.:luso 3ntr8 une activité i-!irigée Dt son résultat,
entre
une organisation et sa function,
com~D par exemple: entre
la t,;ndance sexL!elle et la n~prodtJc'cion, la structure de
l'oail et la vision,
une réaction
glandulaire régulatrice
et la constance d'un ord 8 vital •••
Au delà de cette coni~
tation~ qui da'llcurs peut Atra faite scientifiquement (~)
sc situent les discutions ct l 'é; t: écries concornant 6e~
implications psychologiques et métaphysiques qu'on ne peut
éluder à partir du moment où l'on ch~rch8 à comprendre et
à expliquer le fond des choses.
La résultat d'actions suc, (.~ssives, ou d'une organisa-
tion,
est ou bien la conséqu~ncc d'un8 rencontre fortuite
ou bien un3 fin,
voulue,
désirée,
ct dont la réalisatiqn,
explique l~agQncement des moyens qui y conduisent. Dan~ ~~
(1) Vendryes é c r i t : "Il es-: difficile, on pnut m~mo dire
impossible,
d'~tre biologiste sans rire finaliste", Déter-
minisme et autonomie,
p.
65.

73
premier cas,
i l s'agit d'un pur hasard, tandis que la
seconde hypothèsG impliqlJ8 Une int;,ntion,
une conscience
libre aU point de départ, c", t
D ,lire un agent qui ne soit
pas une simple étape,
déterminée comme les autres,
dans.
une succession nécessaire de c;a::sC'~ et d'3ff8ts.
Il appô-
rait ainsi que le dé"cerminisr.lu ct la finalité sont liés
au problème de la liberté.
D~r~son l'Q bien senti et il
semble que son attitude ce cUIT.l!at contr3 eux découle de
son souci do faire une large pInce à la liberté dans les
créations du courant v:i_tal 3"C dé.:ns l'activité psychique
de l'homme.

74
CHAPITRE
III
LA LIBERTE S~LLN nEnGSGN
Comme nous l'8vons èléjà rapP81é dans l'introduction,
la philnsophie bergsonicnnc r:.plecGo d2ns son contexte
historiqu3 epparait comns un~ réaction contre le mécanisme
sci8n~iste du XIXè siècle. Or ~rJS conc~ptions mécanistes
réduisant l'hom~e à UnO simple machine vivante, les réalités
psycholugiques à des phénomènes objectivables obéissant
à
des lois précises,
ct aboutis~ai~nt de CG fait à la néga-
tion d2 la conscience ot dE :8 lib8rté. Dès lors il n'est
pas étonnant q~8 la notion rl8 lib3rt6 occupe une place
fondam~nta18 dans la p8nsé~ J
Br.rqson.
Il suffit en effet
da rustaurar IR liberté ~t le spiritualité qu'elle suppose
pour que les th~ses des mécanistes s'6vanouissBnt ou inver-
sement do détruire cos thùs~s ~nur que du m~me coup la
liberté se trouve sauvegardét. Les principales innovations
philosophiquDF do Bergson conc:uiscnt bien à CG résultat,
comme on sten aperçoit,
on l.u :.::aminant d 1 assez près.

75
La notion fondam ;ntal3 de durée concrète qu'il
oppose aU temps abstrait du mathématicien, restaure les
privilèges d~ l'intériori~é, du v~cu, du senti. Durée
signifie invention,
ainsi chacun de sas moments apporte du
nouvoau,
de l'imprévisible.
:118 constitue "l'étoffe" m!me
de la vie psychique,
du la c(lnscience confuse qui est mé-
moire, liberté: en off8t c'
st précisément aU niveau du
moi profond, niveau de l"!xtr~mc tension de la volonté,
que se situe l'acte libr:
(1). L'on comprend alors que la
création libre de nouv8But6 soit le privilège de l'~me
ouverte, du Saint ou du héros moral, c'est à dire de celui
qui,grâce à son émotion c~6atrico rompt l2s barrières du
"tout fait",
échappe aU c.rclr étroit du moi superficiel
qui n'est que conformism~ ct imitation. Cette ouverture
d'âme n'ost paS un état, C'ô"st un mouvemont qui a justement
le bonh~ur d'aller en sens inv~rse de l'intellectualité et
de la matérialité, c'~st ~ dire d'aller dans la m~me direc-
tion que l'Elan vital. Le mCrite du Saint et du héros
réside dans l'effort do torsiDn qu'ils sc sont imposé pour
dominer en eux 10 poids de la ~atérialité ,
si, en fait
ppu nombreux sont ces ~tr~s .. 'xceptionnels, en droit tout
le monde en est capab13, puisque l'esprit déborde le corps
dans la nature humaine.
(1) E.D.I.C. p. 178 et Evol. Cr6at. p. 218.

76
Ainsi las ~hèses essenti l~cs du borgsonisme
convergent bien vers la lib:,rté. t;ohamf)d Lahbabi y décou-
vre une graduation pSLP~dantc "d~ruis la lib8rté-spontan éité
de l'Essai jusqu'à c~l~a des D~ux S~urccs qui 3st llach~ve-
ment et la synthèse dos lib~rtés b- rgsoni8nnes :
12 la liberté coJ.ncide rj\\/:C le moi profond (Essai)
2~ ella domine le corps (Nati~re et M§moire)
32 olle coincide avec "l'El a n vital" (Evolution Créa-
trice)
42
:;118 d;~vient action ch:::.lz l~s inspirés (Les Deux
Sources).
A ce dernier stado, la l:~~rté atteint le niveaU
maximum d'épanouiss~mBnt. La li0~rt~ dB l'Inspiré coincide
avec son moi profond, domin3 so~ c~rps ; 3118 devient ~ la
fois intuition,
élan vital ct ~motion, de l'~me ouverte (1)".
La prépondérance du problèml dE) la liberté,
dans le
bergsonisme ost donc incontp-~tabl(. (2). Reste à savoir si
(1) Liberté ou libération,
p.
1-1, /,ubier
édi tian r-J1ontaigne.
l
(2) La conclusion l'E.D.I.C.
soulignn l'importanc3 que lui
accorùe Bergson qui y affirme : ilLe problème de la liberté
est dOnc né d'un malentendu: II a étC pour les modernes
ce que furent pour le8 anci('Ons, les sophismt;s do l'écolG
d'Elée, et comme ces sophismes oux-m~mEs ; il a son origine
dans l'illusion par laquelle on confond succession et simul-
tanéité,
r.turée et étendue, que15.té ct quantité",
p.
184.

77
(. tte défanse de la lL~:.rté n(; s'est pas faite aUX dépens
de la finalité ct du d~~crminismc considérés comme ses
antithèses, comme radice18mcnt opposés à elle.
Dans l'Essai sur l~s données immédiates da la cons-
ci8nce,
Bergson refuse de définir la liberté qu'il situe
dans "le rapport du moi concret à l'8c i e
qu'il accomplit •••
rapport indéfinissabl-
parce que précisément nous sommes
libros",
i l ponse 'Jn
,fl-nt que:
"toute définition de la
lib~rté donnera raison aU déterminisme" (1). Et s'il écarte
successivement des d6finit~ons possibles de la liberté,
C'8st par~e qu'clIcs ont précisément le défaut de conduire
au déterminisme.
Voil~ qui prouve bi8n quo pour lui ces
doux notions s' OPi'oscnt :::ad.iJ:alcment.
Il n'envisage pas
une possibilité du cocxiot~nce entre elles, encore moins,
une réciprocité d'implicati:ns.
Certos,
l'id68 d'unD cOnsciGnce libérée, mais encore
charlJée de mat ièro
(c _lJ. r~ dl. l t homme) implique cette coexis-
tence.
Mais Bergson insiste plutat sur l'opposition entre
nécessité et liberté,
antI.'D matière 8t via ;
et c'est dan s
la mesure où collo-ci,
triomphe de c~lle-là, qu'elle lui
insuffle 111 e maximum d'indétermination et de liberté ll •
I\\insi,
tout se passe ch:.z lui comme s ' i l no voyait, entre
(1)
E.D.I.C.,
P.U.F., d'.rnières pages.

78
libert6 et déterminisme,
qu'uns opnosit30n de contrarièté
ou de contr~diction. Il n'gteit pas loin, copsndant de
d6pass er co point de vue, puisqu'il n'a pas ménagé les
indéterministes : Jankélevitch nous le rappelle en ces
termes: "de mOrne i l combattra l'indéterminisme classique
afin de mi~ux sauvegarder la l~bGrté" (1). Si pour défendre
la cause de c~lle-ci, il faut.r jeter, ~ la fois déterminisme
et indéterminisme dogmatiques,
nous sommes fondés à croire
qu'elle est compatible aV.C le juste milieu,
c'est à dire
avec un certain déterminis~e relatif, M~s Bergson ne le
dit pas.
Du cOté de la finalité,
i l est aisé de montrer que
ses prises de position r8flèt .nt sas conceptions aU sUjet
de la liberté et dG la spontanéité créatrice de l'élan vital.
Il s'agit en effet, pour lui d'écarter tout finalisme qui
voudrait que los évènemonts, 1':8 Ctres et l~urs démarches
soient réglés une fois pour tOUtL dopuis los origines ;
dans UnD t~lle perspective, 1.: temps n'apporte aucune nou-
veauté, st la liborté devient un non sons.
Il s'agit donc
de débarrasser l'avenir do t[l~ta prédétermination, pour que
la liberté puisse conserV:lr sa caractéristique principale :
la spontanéité,
aussi biGn au niveaU dG l'évolution vitale
(1)
Honri E8rgSon,
par Jankélévitch, 1931, p.
72.

79
qu'à celui de
l'activité psych'.._!l:e de l'homme.
f,ctivité
spontanée, ct m~me instant6n61, puisque cu qu'ell~ vi~nt
do réaliser n ' était en ri~:.;n [J':~crminé dans l'instant précé-
dant, la liberté bergsoni;i:IlL L-ansc8nds prévj.sion ct anti-
cipation. C'est pourquoi la réfl xian na lui apporte rien,
puisqu~ Burgson refuse de la plac:r aU niveau dG la délib~­
ration. En ploin accorel avne lui Jankélevitch déclare: "J.e
liberté n' cst pas dans la dé:..L
ration sIle doit ~tra quelque
part au cours de la décision qui en est la fin réelle, l\\effet
apparent"
(1). Ccci revient à écarter une finalité volontaire
où les motivations randont la d~c~sion prévisible donc pré-
déterminée.
Il sGmblo donc en déf~nitiv8, quo B3rgson, s'en est
tenu à l'idêe suiVant laqu .lle dut~rminism8 et finalité s'oppo-
sent radical ment à la lib rté.
tinsi pour sauvugafdcr celle-
ci, il faut cOQbattre autant qu'
possible ceux-là. Or ce point
de vue est à dépasser.
Il ~st ndccssaire d'aller plus loin~
essayer do découvrir les li ns qui existent entre ces trois
notions : maintenir UnO 0fJ;'os:'.b.on inflcxibll3 antre cllas,
équivaut à un retour aUX schémas statiquos, puisque pour
opposer i l faut découper ct isolGr.
Chacune de ces not~-ons : d6t.:.:rminisme, finalité,
---------------
(1)
H:nri Br.Jrgson, par Jankoluvitch, 1931, p.87.

80
liberté, consid~rée dans d~s liMitGS raisonnables (que nous
aurons à préciser), possèd8 un fond do réalité et de vérité
ainsi aucune d'elle ne p~ut ~trc radical~mcnt réfutée, réduite
aU nCant.
Inversement aucun~ d'-Ile ne peut etre érigée en
réalité absolue aU détriment d~s autres. De plus il n'y a
paS opposition conflictu ~1J.:.:; cn-(;:r:~ '-'110s, c'est à diro
l'affirmation d'aucune n'~quivaut à la négation do l'autre.
Il semble plut8t qu'il existe ~ntr.118s Une sorta de com-
pénétration réciproque, une circularité de rapport ou d'impli-
cations, que nous allons csscyor ds m~ttre en lumière.

BI
CHAPITRE
IV
Implications réciproques 3ntrc d6tcrminisme,
finalité et
liberté.
Uns première indication sur c~ttG réciprocité d'impli-
cations nous sera fournie per un~ sorte d'interférence qui
existe entre leur contenu rcsp~ctif : en effet une analyse
mOmo succiMte de chaCuI\\
d:::s t
rmcs de notre triade rencontre
nécessaircm~nt les deux autres.
Il est à p8ine besoin de souligner l'importance philo-
sophique de ces trois notiOnS : liborté,
déterminisme,
fina-
l i té.
Il nt,èxiste pratiqu;~rl
t
res de système philosophique
qui n'ait pas eu à s'expl~quer sur les problèmes qu'elles
posent. C'est pourq..J oi le nor.\\brc de conc;;;ptions divergentes
qui s'affrontent à leur suj~t ~st énerme.
Il ne peut donc
Otre question ici d'unL analys~ exhaustive qui passerait
en revue los opinions d'un gr.~nd nombr8 de penseurs. Nous
nous contenterons,
pour chaqu
nl tion,
de ses caractéristiques
essentielles,
de son contenu concret,
envisagé dans des limi-
tes précises.
1\\. La liberté.
Pour atteindre dir~c~·m nt la liberté, il faut essayer
de la saisir au niveau des s~ul~s activités oG elle se mani-
feste
: la pensée et l'action.
En effet ce que nous qualifions

82
de libre,
c'est génGra13m:nt une
décision,
un choix ou un
acte. Or, qui dit décision libre, fait appel en m~mc temps,
explicitement à une pensée qui s'ost rcprés8nté plusieurs
orientations possibles parmi lesquelles elle a choisi.
Ainsi Une première vérité s'impose: si la pJnsée n'est pas
elle mtme liberté,
elle ap. ara!t comme la manifestation
subjective la plus imm6c!iate d~ la liberté! L'idée d'une
pensée non libre est propr'~ nt inconcevable à partir du
moment où l'on distingue le ~8nséc des automatismes condi_
tionnés ct du délire mental.
Réciproqu3mcnt,
i l nO peut y
avoir de liberté là où i l n'y a paS une pensée qui conçoit
des év~ntualités possibles ct prépare l'action conforme
aU choix définitif
(l). L~ l~b.rté 8St un pouvoir da choix
qui implique la concepti8n dos possibles dans la genèse de
l'action.
tlinsi,
subj ectiv c. m· :nt elle est pen sée,
et elle
s'objective par l ' acte v'~lontcire. Ce dernier constitue Sa
manifestation extérieure. C:? ndënt i l n'y a pas disconti-
nuité entre la pensée et llacte libre, la pp.nsée POuvant
--------------
(l)
Fichte estime qu,:; "l'imposs.:l.bilit é d'..; penser la contra_
diction n'entraîne rien d'autre, pour Une pensée conséquente,
que la sUPl'rc;ssion complètc~ d,. la lib8rté : le fatalisme
absolu,
le spinozisme".
Th60rie de la science do 1801
p.53
'd M'd'
,
,
e •
e 1CUS,
trad.
de Didi~r Julia, dans Fichte, p. 84
collec-
tion "Philosophes" P.U.F. 1964.
'

83
etre considérée comme un~ 2ction naissante (1). COmm~nt
peut-on donc reconnaître,
ou caractériser l'acte volontaire
par loquel la liberté s; révèle concrètoment ? Eh bien,
le seul critère possible réside dans ce qui le distingue
des actes instinctifs d~ l'habituds et des automatismes
reflexes, c'est à dire le :F.?·..n~..l_ité int_elligsnte (capable
d'invention originale)
qui l'accompagne et qui sait mainte-
nir sa visée en déjouant 1;:5 obstacles par une dépense
d 1 ingéniosité,
de persévér3nce, ou m~m8 par un sacrifice
doulouroux.
La déterm~natiun du patriote qui se laisse
torturer à mort sans livror le s8cret qu'on voulait lui
arracher manifeste aV1C 6clat sa liberté ;
san sacrifice
n'est pas gr atui t,
i l s' [;)'pl. que par son attachement à Un
idéal. C'est bien devant J'obstacle que la liberté se révèle
avec évidence,
aU niveau de l~ pensée comme à celui de
l'action.
Devant l'obstacle imprévu l'habitude recule,
l'instinct demeure impuissant, les automatismes sont bloqués,
seule la liberté,
dans ID mosure ou ulle implique une pensée
par conséquont une puissance d'invention et unD finalité
consc ionte est cap able d,· surfilon ter le s di ff icul tés.
Elle
se manifeste bien dans la
.nsée inventrice et créatrice
(1)
K.
Goldstein écrit
:
"une connaissance sans action n'. st
pas une connaissance;
un', action Sans connaissance n'est pas
Une action;
les deux naissent l'une par l'autre", La struc-
ture do l'organid~, traduct~on de Burckhardt et Kuntz,
Gallimard,
1951, p. 350.

84
de l'homme, comme nous l El CO· 18 t 8 t ons pa r
=xemple d,-ns les
hautes production s de l ' ospri t
:
0,-, uvras
l i t t éraires,
art is-
tiques ou scientifiques que nul n~ songe à oxpliquer par une
nécessité indépendante de la volonté d3 l'auteur.
La liberté,
saisie aU nivoau do la pensée comme à
celui de l'action,
i l nOUS ost faci18 d'admettre qu'elle
s'est pas unD facult~ absolumunt ind6pcndantc do certaines
déterminations corporelles (le "jo" qui pense n'est pas un8
substance d6sincarnée) ct qu'lJü s'appuie sur un équilibre
des mécanismes physiologiques quircn~ant possibles et la
pensée et l'acte volontaire.
Qu,~ cet équilibre soit atteint,
la ponsée s'évanouit ct avoc clIc l'acte volontaire et la
liberté ; c'est bien C8 qui 5·, procJui t
dans los maladies
mQntales où un traumatisme psychoJ.ogique ou physique anéantit
la ma1:trise de la pensée.
Il 'xi.stu donc des M.tê.~minis~
anatomiques et physiologiques qu~ conditionnent la possibilité
de la liberté.
Il suffit d' éül.'.', urs qu'un homme soi t reconnu
malade mental pour qu'on le d6clarn irresponsable, i l n'agit
pas librement, il est agi. Nous sa' sissons par là, unD fois
do plus la réciprocité étrei te G~, la p,~nsée et de la liber't,é
puisqu'on perd colle-ci dès qu'on no possède plus la ma!trise
de cello-là.
Par la m~me oc~asion nOUs découvrons un autre

85
corollaire do la lib,_:rté : ~tr8 libro c' est ~trc rcspon-
sable ; la libert6 ccnstituE la condition premiêro do la
moralité
il n'y a paS d~ problème moral pour un etre qui
,
P,..., r qll~
_'1 ~11'cxl·c.te nl" v ... l"ur,
n';
possibi-
n13 pensL: pas,
dU
.~,
-
'" '"'
....
~
lité de choix. Ll3nimal suit lA chemin déjà tracé par la
nature pour son espèce, i~norant 10 souci do bien faire
il nO connatt jamais cl; " cas de conscience fl • p~:::, contre
l'homme ost toujours ~n sitUation vis à vis d~ ses semblables
Ht vis ~ vis do circonstances contraignantes. Sa conduite
s'insère dans un contu:cl;o psycho-biologiqu13, psycho-social,
moral et mat~ricl. Ainsi différentes forces se présont13nt
à lui sous forme d'-~xigonc8s, avant l'acte qu'il doit accom-
plir, ct après l'act~ sous forme do satisfaction ou de souf-
france. C'ast aU miliou d~ cos sollicitations et de leurs
cO:-lséC;I.'r:'ncos possiblos qu
surgit l'acte libre pour trancher
le plus souvent un confl~t plus ou moins aigu. C'est dire
qU'il n'est jamais un cCJmrll'~nc;:::ment absolu. flvant toute libre
décision, intervicnilCnt t8Uj rJurs des sollicitations, un ou
plusi- urs motifs qui. justifir:nt notre choix (1). ["lais il n'y
Q
pas là un détermin:·.sL;r, infloxible. La relation motif-conscien-
ce n'~st pas de m~mQ nature quo cGlle des forces physiques et
(1) Jean Piaget écrit: "L'unfant, pas plus que l'adulte,
n'exécute aucun sct e, ex'\\: ér il.ur ou memû entièrcme nt int érieur,
que mC par un mobilo
(un b~s~in é16mcntaire ou un intér~t,
unr: question, ctc).ll Six étudos dG psychologie, p. 13, Editions
Gonthier.

86
des interactions mécaniques. L8 motif ost un~ réalité sp~r~­
tuelle, psychologique, tel lu s~·ntimunt do l'honneur, l'amour
de la patrie chez le patriote qu.' . ~~L~fuse do céder à la tœ-
turo. Ces motifs n'encha!nont pas, ils sollicitent; ils
exorcont une aspiration non unG p~ ssien ; ils nu nécessi-
tant pas ils inclinent. La libRrt~ ~c signifie pas absence
de motif ni indiffé:>:'once aUX motifs, mais choix (adhésion
ou refus) do toIle ou telle altnrnativc conforme aux vues
et convictions profondes de l'~.ndividu. Le motif nO j~ue paS
l~ rOla d'une c~ntrainte rigid~ à moins qu'il n8 soit doublé
d'un mObile, je VGUX dire d'un3 impulsion passionnelle due
à un dérèglement psychique ou organ~que. Il ne peut en offet
tHre question de liborté qu [; chez un homme soin d' i3spr i t
et
de corps.
N'avons nOus paS r8ncontr8 aU cours do cotte analyse
les doux autres tormos do notro triad8, liés à la liberté:
finalit_~. intelli.gonte aU niv'·au cl _ la pansée, détürminisme
organique ct d~terminismc psycho-social conditi~nnant l'équi-
libra norrnal do l ' hor'"'iiIO ? C~;t ûC"[u:U_î.brc) est cl' ailleurs
constamment monac6 ainsi qu~ no~r~ disponibilit~ d'osprit.
C'ust pourquoi curtains pensours moc.!ernos oppLs::mt à la

87
conception statique d'une liberté qui serait unc faculté
stable, la notion de lib6ratiun qui rend mieux compte de la
dynamique des forces en présence : tendances psycho-biologiques.
passions, efforts cOnscionts ùu l'individu, conditions maté-
rielles d'existence •• etc •• L'état de libération serait alors
la liberté en tant qu'elle S8 présente comme UnD conqu~te
à préserver par une lutta ccnstante.
B.
~rminisme.
La punsée scientifique s'appuie dans ses démarches
inductives sur ce qu'on app~llo 10 postulat déterministe qui
s'énonce: dans les mnmos conditions les m~mes causes procl..ui-
sent les memes offets. On 8ùmct par là, la constance des rela-
tions causales entre las phénomènes. Et sans la croyance an
ce postulat aucune loi no puurrait etre formulée à partir
d'expéri~nces concrètes. Peur l'homme de science il existe
donc CC que Lalande app,.;l!.c un dc.:tcrminisme expérimental et
qu'il définit: "le caractère d'un ordre de faits dans lequel
chaque élément dépend de c rtains autres d'une façon telle
qu'il peut €tre
prévu, prnduit, ou ompeché à coup sOr, suivant
~~ê&t ~ cA ('1 \\
que l'on connaît que l'on produit ou qU:J l'on ~~~ ~~ O'!"'\\l~'" ~
Deux romarquos s'imposent:
1) Ce détorminismo suppose l'interventi~ rl'ulT-aqerrl
~ibre. Le "on" qu~ co
~t
.
d"t
.

nna~,
qUl pro u~ , emp~cho ou prévoit,
------------
(1) Vocabulaire techn. ut crit. de la philo. p. 222, 8e éd.

88
ne peut ~tre lui-rr.Ome un ùl ..:-::nt pris au môme titra que
les autres;
dans les r~let'cns de dépendance causale.
2) C'est maint.;nant chosn birm connuo que.; ce détor-
minisme r 1'a rier. d'absolu, depuis que lr::s physiciens co
sont heurté à CG qu 1 ils ajl:"~;lJ~:nt l'indétermination cssan-
tielle des phénomènes sous atnmiques.
Cotte découverte a
dic~~ à EisenbcrJ le principe qui porte son nom et suivant
IGquel on n:.: peut con;laîtrD <svec précision à la fois la
vitesse Gt la position d'un corpuscule. f.insi cos phénomènes
ne sont susccrtibll3s quo (J'Un'l interprétation probabilitaire.
Et commo cc sont eux qui soustendant les phénomènes de la
macrophysique,
los lois de c.lle-ci ne traduisont en défini-
tive qu'une régularit~ st6tist~quo (la loi des grands nombres
JOuant à co niveau),
comm~ ln démontre d'ailleurs le théorio
cinétique dGS gaz).
On camprcnd dès lors combion est illégitime le Passage
do la constat~tion d'une cor~ainu régularité ou constanee
de relations causales dans L;s 6vènumcmts naturels,.
fJ l ' affir-
mation d'un détormin i sml3 8bsn~u,
conçu comme une loi univer-
selle et n6cessaire.
G. Bach .lard ~~nonce : " ••• cc passago
à la limite qu'effectua Sans preCaution certains philosophos
déterministes"
(l).
-----------_.,
(1) Le n0~vnl esprit sciuntifique, p. 120, P.U.F. 8è éd.

89
Certes des savants ont émis l'hypothèse qu'on pour-
rait un jour revenir ~ l'interprétation déterministe et
que peut être cc sont nos méthodes actuelles d'observation
qui ne conviennent paS aUX r~alit~8 sous-atomiques. Langovin
déclare : "Pourquoi ne paS admettre plutet quo notre con-
ception corpuseuleirn est inadéquate,
qulil n'est paS
possible de:: rnpris:::nte::r l': monde intra_atomique en B)(tra-
pDilibnt jusqu'~ l'uxtreme limite notre conception mecrosco-
pique du mobilo
(1). M8is il nw s'agit là que d'une inter~
rogation qui n'~nlèvc ri~n aU prestige Et à l'objectivité
scientifique du ~rincipo d'indétermination que bien des
savants iüenmmt p:lur définitiv3m;~nt établi. Huant l' "t'ril!~'\\
"comme Ersenberg lui-mtme, nous pDnsons que le principe
d'indétermination ti .nt à la natur~ m~me dos phénomènes et
non pas à certaines insuffisances supposées de nos moyens
d'obsorvation.
Aucun mcy~n nouveau,
aucune découverte do
l'avenir ne: pourra alJ.cr contre co fait,
que pour observer
un électron (ou mi':L1x un quantum d'action ünvisagé sous
l'aspect corpusculaire) on ne puisse le faire que par
l'intermédiaire d'un Qu~ru qu~ntum d'action: le photon
lumineux"
(2).
Pour nc-us j 3. Y a là un fait dont l ' :ilmpo:ct~
(1) La ngtion d.: co:cpuscu13s ct d'atomes,
Hermann et C~ t
1934, p.
35.
(2) Des fissur"s r~ dé :;rrminisme à l' émerg:mce des fin ali té.,
p.
23.
f
R. S. Lacapr' p ~ns() qu:.nt à lui que ce phénomène ne peut
''tre "un argUJilcnt puur l ' antidét[;rmin isme", Car selon lui il
!,
,.1
t . d' un" "in d6-tcrmi n at ion 100 ale • exp ériment ale.
qui
Ô·, .·l~quu pas un l:'.brr, choix de la nature mais un libre
, ct:' n
v
du
l ' " C' s·' ,.. v
J."
"
I d "
t '
L
.
_. n..... ',', , .. 0, ~~ a ~ .ur
p.
u
son ar ~cle
a not~on de
J.,UJar.:c ut la cr:"SL du déterminisme,
Hermann ct Cl!.

90
philosophique n'a pas échap~~ ~ L. d~ Broglie, qui écri-
vai t
: "Quel quo soi t le sort è:,8s:.;rvé aUX nouv_113s doc tri-
ncs, il est infiniment int6r,ssant pour los philosophes que
los physiciens aiont été am nés,
fut-ce momentanémllnt à
doute:;I' du dé-;:;;rminismo dos phén;w8néJS physiqur::Js et do la
possibilité de 18s décrire d' un'~ façon complète dans le
cadre de l'espace et du temps"
(J).
. -
,
f,in si, m8me dans les P Il n
L,
iJ fT!::l n c. s
de la matière inerte,
i l ne peut plus être qU8stiùn du rJ€:L;rminisme
absolu. Comrnent
pourrait-on donc l'admcttru uans CL:UX de la matière viVante,
et comment surtout, l'introuuire nu niveaU de la p3nsée
humaine, la plus haute activité psychique de l'etre le plus
développé du J_' échr:lle des vivents ? Il est possible que
l'on puisso fairo état de lois d
la p~nséo, mais il ne
peut s'agir que de l'oxpression dL la constance des processus
qui accompagnent la ponsée, ou d: sos conditions de possibi-
l i t é : ces lois ne pOUvant jam8~5 signifier quo son contenu
qualitatif soit déterminé.
Cr.;rtcs il r.lO suffit pas u-' possèder un cr.rveau
d'homme pour avoir unD p~;nséc libre, [lnCoro faut-il qu'il
soit exurcé et informé, ct qu'on s'~fforco d'cn faire bon
(1) Dét~rminismG et causalité dans la physique contemporaine ,
dans la R8VUO de ~1étaphysiqulJ 8t murale, il. Collin, oct--c:!é.c.
1929, p. 443.

91
usage, L~ grand neurologue Chou chard dGclar3 à ce sujet :
"il existe une nature humaine, la poss~ssion d'un cerveau
humain, mais olle n"offre qU(;: dos possibilités d'humanisa-
tian", c'est à dire Je "dév81oppcmc.llt de l'aptitude à la
sont ni un avoir héréditaire, ni un r~f19t du social, mais
la réalisation culturelle et socialD ci:; ce qu'il Y a de plus
essentiel dans notr3 constitution humoinO' (1).
Si r::ette réa--
lisation est possible, c'est parc:; ru'il ':xis+,Q chDz l'hamr;,c'
des détarminismos ana~0~i~u8S Dt physiologiques (structures
et lois fOnc~ionnJllo3 corstantcs) qU~ p~rm8ttBnt leur propres
d§passement : l'état de lib6rati~n auquel aboutit l'effort
soutenu dC:l l'individu s'e,xprime PL?'-' dos réalisations qui n8
peuvont en aucune manière s'8xpl~qucr par dus lois anatomo-
s.
physiologiques, Car cet offort do d6~asscment doit
pers§-
véranca et son dynamisme à Sa f'::'l1aJ.::"':':8 : viséo d'une fin,
d'une valour spirituLlle (l~ bicn, ln vérité, l'honneur,
l'Rm~ur, Ip b8auté, la justice, la charité). C'est bien
cette aspiration vers l'idéal qui ,j",rmet l ' acc.ession à la
lib~rté, aV8C la "permission" d'un substrat organique soumis
à un déturminisme élastique.
Com"L: nn Ir: voi t ce dépasscw~nt
-_._----- .... _-----
(1) Le cerveaU humain, p. 12, Coll[:ction Que:; sais-je, Presslls
Universitaires de France, 1693.

92
n'est paS rupturG et opposition,
mois co~xistance, inter-
action et interf§rences mutu~lles.
QUant aUX évènements histor~quGs ou sociaux, qui
bien SOUVGnt sGmb18nt échepper aUX volontés individuelles,
c'est on v8in qu'on voudrait chercher à y découvrir un
d6tErminisma pur.
Co n'est paS parce que les faits ce sont
souvent liés d' rinG cortaina façon,
c:u' ils s' Bncha!nè:nent
touj ours ain si :
déclarer ce lien n éc;. ssaire c'est tomber
dans l'illusion rGtrospoctive dénonc6~ par Bergson. Elle
consiste,
dit-il "~ repousser dans'
passé sous forme de
possible, cc qui surgit de réalité dans le présont"
(1).
C'est en cela qU~ consiste aussi 10 sophisme do "lr~rgumcnt
Dominateur~. 5chul aU terme d'uno Gtudc critique de CO
sophisme en est arrivé à la conclU5~Gn suiVante qui rejoint
les vues de Bergson:
"Le Caract~ro d'immuable nécessité
que rGv~t le fait UnD fois accompli n'implique paS que Sa
réalisation en ait été nécessairo"
(2).
En tout état de Cause unD p=éd~tcrmination d'évène-
mc:nts futurs,
auxquels prenn.~nt :!8rt clus etres pensants,
no peut ntre donnée pour absolue.
CD: nt) nous l'avons déjà
souligné, la pons6e est liberté,
Dt c l~c-ci se manifeste
(1) La pensée et 10 mOUvant,
p.
19.
(2) Le Dominateur ct les possibles,
per Schul,
p.
81.

par sos viséos
(finalité),
ses choix,
ses créations intel-
~._~S ono.1.yses pr6cédcn-c:;s de la liberté et du déter-
minisme n8US ont déjà éclairé,
du moins en parties,
sur
los roppL:cCS qu: ils entrctitmnt aViJC la finalité
;
reste
à voir si l'étude de ccl18-c~, B son tour, mettra en lumièr8
les traits d'union qui llattac h 8nt ~ eux.
Examinons tbut d'abord ~n notion de finalité aU premier
sens qu' r.n donne Lalande:
lIfa:;.-c de tendre à un but
caraC-
tère de Ce qui tend à un but
;
adaptation de moyens à des
fins
(1). La finalité, ainsi d~finie, pouvons-nous admettre
q u ' i l s ' agit d'une réalité qUi; l'on découvre uniquement au
niv~3u GC l'ê~tivité psych·qu~ d
l'homme,
et qu'on applique
ensuite par extension anthropomorphique à d'autres phéno-
mènes?
Il ~~st vrai que, tout hlmrll:C: en tant qu' ~tre raison-
nabla,
agit toujours en VUG d'unD fin.
C'est ainsi que notre
comportement dtaujourd'hui trouve constamment sa raison
d'~tr8 dans co que nous djs·.rnns réaliser demain; cela est
si inhérent à nos dispos.:.t:.ons ln.entales que nous ne W~~
pas à prendre pour malade,
l ' ·ndividu qui agirait da I&~on
incohérento,
sans but,
sans soucis do réaliser quoi que CD
(1) Voir notG., 3 de la page 7

soit. Mais l'activité fi~alis6e n";st pas l'apanage
exclusif de l'~tro raisonnable. Ne,us avons déjà eu l'occa-
sion de souligner le caractêro f~nelis6 des conduites
instinctives, ei évident chez les insectes. Le fait de
tendre vers un but,
ost tout sim~'.::m nt un provessus imma-
nont à toute activité vitale,
puisque visible dans les
démarches d~
l'~tre raisonnable, com'G dans celles do l'~tre
mO par l'instinct,
i l ne l'0,st pas moins aU niveau des
phénomènes de maturation (1).
De la graine à la plante, de
l'ébauche d'organe à l'organe accompli,
i l y a bien activit~
tendant à un but précis,
et ada:l~otiGns de moyans ~ une fin.
On y découvre meme une sorte de prévoyance des résultats
futurs
: pendant que le foetus g:~endit dans sa vie intrs-
utérine, des poumons et des yeux SA formant en attendant
le contact ultérieur de l'air :Jt U~ la lumière, tandis que
chez la mère se déroulent tous 18~ processus qui, le moment
venu,
assuraront la montée du lait dsstiné à l'enfant.
Que
l'on y voit une "causalité de l'iJ§e", une "idée directrice"
ou une "causalité du besoin", p~u nous importe. Qu'il nous
----- ------
(1) Le biologiste Cuénot après Un' étude critique de th.sIS
méCanistes anti-finalistes,
Dt un c:xpDsé détaillé de pl~sieurs
faits biologiques conclut à "la nécessité d'~ttribuer à la
cellule germinale une propriété téléolog~que d'invention".
Inv~ntion et finalité en biologi~, p. 9.

9~6
suffise de souligner la constanc~ rigour8usG des directions
suivies et des réalisations qu~_ en résultp.nt, dans chaque
espèce vivante : maturation ~t comp~rtcm~nts instinctifs
obéissent à des lois précises, C'LJst à dire à un déterminisme.
Ce dernier ne peut-~tre aosont d'une activité naturelle fina-
lisée. Toute fo:.,.s dans l:Js (]ûflarchos conscientes de l'homme,
il s'assouplit dans une large ~Lsure puisque là intervient
aussi sa self-d6termination, Cf. st à ~ire sa libert~·
C'est saulemont, dans lu p~rspective d'un finalisme
qui assigne une fin dernièro à l'évelution de l'univers, que
la déterminisme dcvit::l.,t total at la liberté des vivants
inexistante,
(ils n'; fon t
qU'EX écuter
des raIes prédétermi-
nés)
(l). ~1ais cette ccmccpticn implique, l'existence, à
(1) C'est ce genre d_ f~nal~8me que nous rencontrons dans
les idé~s exposées par Kant dans un dos opuscules groupés
dans un volume i~titulé : Kant, la philosophie de l'histoire,
~r~~c~tion de PiobQ~~a (~dit. ~ubier). Il dit notamment:
"les hommes ••• ne son l.;~nt guère qu'en su iv ant leurs f'ins
particulières ••• , ils conspirent à leur insu au dessein de
la nature" p. 60 ; "L(~ pI',_,blème essentiBl pour l'espèce ~~
maine, celui qus la natur8 contraint l'homme à rGsoudre~
c'est la réalisation d'un~ Société civil~ administrant l~
droit du façon univ,:rs8J.18" p. 66 ; " ••• final;:;m2nt ce Qui
est le dessein suprAmn d~ la nature, un Etat cosmopolitiq~e
univorsel,
arrivera un jo:r à s'établir: foyer oD se d've-
lo::pcront toutes L~s disposj.t3.ons primitives de l'espèce",
p.
76.

96
l'origine des choses, d'une volGnt6 libre responsable de
ce déterminisme ori8nté, car i l n'
ct paS concevable que
les ~tre6 s'organisent d'eux-m~mes, gratuit~mcnt, évoluent
suivant une direction précise, et: i:mdent à réaliser un but
lointain dont ils n'ont aUcunBm~nt c.nscicnce. ~insi, meme
dans cs finalisme,
déterminisme,
finalité et liberté inter-
fèrent,
puisque les deux premi~rs supposent l'existence
de cette dernière au point de départ de cette évolution
dirigée, orientée vers un but.
Passons à l ' r.-. eXamen du d:1ux:.èmo sen s donné à la
finalité par Lalande :
"adaptat~on du parties à un tout
ou des parties d'un tout les un~s aux autres". Cette défi-
nition exprime la mutUGlle adapta~~on qUG nous découvrons
dans la complémentarité de structure
ct de fonction entre
les éléments d'un mtme organisme,
OU dans les harmonies
vitales tissées entre individus d'un m~me milieu biologique,
entre espèces ou m~me entre les trois règnos, harmonies
matérialisées par des cycles d'échcn9ns.
Telle qu'elle se
présente cette définition nous laisse ~.ntrevôir que la mG me
relation peut être envisagée solon deux perspectives diffé-
rentes: on peut considérer soit l'ajust3mcnt dos parti~s
au tout,
soit son corollaire,
lr~daptatian dos parties les
unes auX autres~ Dans le premier cas, nOUS parlons de f~na­
lité inturne,
dans le second, d': finalité externe. C" est
donc à tort qu'on a voulu séparor c'- G deux aspec ts de la

97
finalit~. Certains penseurs admltt nt l'un pour rejeter
l'autrs. Bergson ponse que la finalité est externe Ou n'est
rien du tout.
Pour Kant c'est le contrai~e. Or i l s'agit
de deux faces distinctes mais ins~pcrablcs d'une seule et
m~me r~alité. Paul Janet, après un
::-:,urie minut~.8Ula des
lilms qui pauvcnt Gxister entre l'! v~. v ant ct son milieu
déclaro :
"il est étrange que Kant n' a~·.t pas été frappé de
cc. point de vue,
que la finalité int .rne ost inséparable
en réalité db la finalité externo Qt n~ peut pas se compren-
dre sans elle.
L't'jtre organisé,
~m cf:<..t, ne se suffit pas
à lui m~me : 3t il n'existe qU~ ~ar 1_ moyen du milieu dans
lEquel i l vit. La nature aurait cl ·nc fait une chose absurde,
si en préparant Un8 organisation,
8llu nlavait pas en meme
temps préparé au dehors les moy~ns nécossaires à cette
organisntion pour subsister"
(1). Il ajoute "la finelité
externe est 1- réciproquè de l~ fin21ité interne, et l'une
est aussi néc3sseire que l'autre"
(2).
Cette mise au point faite,
considrons ce qui int6-
resse notre étude,
è savoir qu~ dnns tcus l8s Cas ces adap-
tations de parties au tout.
ou dr~ ;H'!rb_;~:s entre elles,
con sti tuent des relations constcntcs,
qui d,sn s les m~m'\\3-s
(1) Le s c~usos fineles, par Paul Jcn~t, p. 220.
(2)
Ibid
p.
222.

98
condi tians dem:Juront identiqu..]s ~. ::11c5-m~mes : elles
sont donc, dnns une certaine mcsu~o Exprimables sous forme
da lois physiologiques, chim5.quos, physiques ou psychologi-
qUAS ce qui signifie qu'il y e un d~tcrminismo
qui sous-tend
ces adaptations, déterminisme ù'nut~nt plus évident qu~ dans
~i-~ dos Cas, dos phénomènes de r6~ulation (de réajustement,
de repp ~'. à ;.' Grclre) interv i ''- nn' nt élU tomatiquemcnt pour
rétablir cos no:r-OI03 perturbées. nDis il ne s'agit pas d'une
sur~détermination rigice Gomme clons un~ machine, il y a une
certaine plasticité du vivant Gui prrmet aUX différents
paramètres biologiques de variJr d'ns dos limites assez larges
sans perturbation, grRce ~ des rjsorvEs d'~nergie ou des
suppléances compensatrices. lIon r6sulte une souplesse
d'adaptation qui devient lib::rté (en puissanCG, du moins)
ch~z l'être le plus développé de l'écholle dos vivants,
c'est à dire choz l'homme. B~rgson fait allusion à la haute
perfection de son système nervoux, qui constitue pour lui
une ouvert":,:,e à 18 liberté: "un système nerveux avec cos
neurones placés bout è bout, d8 t
l~~ manière qu'à l'extré-
mité de chacun s'ouvrent des v~~ss multiples aD autant da
questions sc posent est un v~ritQble réservoir d'indétermi-
nation" (1).
Il demeure évident en tout Cas, quo cette liberté
-------------_.~-
(1)
Evol. Créat. p. 137.

99
ne signifie pas absence t~tale de déterminisme. il semble
plutet que celui-ci constitue une sorte de tremplin pour
l'épanouissement de celle-là.
Il reste à préciser que, partout où se manifeste la
finalité, la rationalité frappante (1) des ph6nomènes vitaux
suggère l'existence d'une liberté supr~me qui serait à l'ori-
ne de toute cette organisation. Nous touchons là un aspect
essentiel de la finalité 1 elle 8st grosse d'implications
métaphysiques, dans la m35ure où elle semble manifester la
natu=e DU :a vo18nté d'une intelligence organisatrice de
l'Univers; c'est dire qu'à ce niveau aussi elle interfère
avec le déterminisme et la liberté. Eric WeIl en exprime
quelque chose lorsqu'il écrit 1 "la finalité n'est pas
l'oeuvre d'un esprit, d'un s~jet, d'une personne, elle n'est
que le résultat d'une acti~n, elle ~, olle se rencontre •••
Il faut s'en tenir au fait, à savoir, que nous sommes immé-
diatemcnt saisis par ce cnr2ctère spécifique de la cnose ou
de l'évènement qui en fait un quasi voulu, quesi intentionné,
quasi construit en fonctiun d'une fin"(2). Elle ajoute bien
(1) C'est cette rationalité des choses qui a fait dire à
Aristote et à Kant: "la nature ne fait rien en v~in".
Opuscules sur l'histoire de la philosophie de Kant, tradgc-
tion de Piobetta, Aubi8r, p. 62
(2) Problèmes Kantiens, p. 69, chez Vrin 1963.

100
aUX phénor:lènus r.atuI'81s de n::érc univers et ~n particulier
aUX organismes vivants qu,_:.quc chose ccmme la ma rque d'une
intentionnalité, dt un8 int.lj_igllncG organisatrice que nous
voyons à tI'cvers elle, confus6~~nt, comme par transparence (1).
Maintnant, s'il ~X~Gto un~ sDlidarité circulaire
réelle ~:ntr8 dGterrünisI7l~;, L Ilé:Jlité Et liberté, comme nous
l'a révélé l'annlysc de chc(~unc de ces n;:!tions, catte
interconnexion doit possédLI' un~ soliditÉ, Une certaine
force ;:Jhilosophiqul3 par laqu·lJ.l. elle stimpose aUX esprits
et résista aUX concGpt~ons
qui tendent à la nier. Nous allons
essayer de la mettre en ~vi~Gnco.
(1) Citons ici le témoignao~ du biologiste Cuenot : "13s
qU31ques organes que j'ai uXDminés (j'aurais pu multiplier
les exemples)
sont trop compl~qués, trop bien 6rganisés, trop
efficaces, pour 6tre l'ouuvro du hasard pur •••
Ils nous appa-
raissent comme des oeuvr8~ ~'~rtisan poursuivant un but, et
le réalisant par invc.ntin n ••• " invention et finalitf en bio-
logie, p.
221.

101
Importance philosophique de la réciprocité d'implications
entre déterminisme, finalit6 8t J.3.bErté.
Le poids philosophique d
c~tte solidarité circulaire
appara!t clairement dès qu'un fait suffisamment attention
au fait que d'une part, les penseurs qui ont soutenu l'un
des termes contre l'autre ont r~ncuntré des difficultés
insurmcDtables ; d'autre part le compénétration réciproque
de ces trois notions a tcujours Gt6 sentie et utilisée cons-
consciemment ou non,
par los ph:~csophes, et notamment dans
ce qu'ils appellent la preuve cosmologique da l'existence
divine.
Rien no démontre mL;ux, le ~uissance des liens dW~~
tiques qui unissent déterminismo, finalité et libert4, que
la constation faci13 à faire,
quo
:lf,
grands philosophati.
qui les ont m10connus se sant !"~xposés à des contradictions.,.
qu'ils ont chcHché à résoudre '.,n c1CJv~l:,ppant
dss thèses fart
discutables. D3UX illustres 8xomrlcs s'offrent d'emblée à
nous, concernant Kant et Spinoza. Chez ces d2UX auteurs,
nous assistons d'une part au l'c.ljot C' la liberté aU nOm d'un

102
déterminis~o inflexiblo, et d'outr. pert à une tentative
dG retrouver la liberté sous un,; fU:'filB pour le; mcins incom-
préhcmsible.
Pour Spinoza,
l~ sentim'.nt de notre liberté n'ost
qUG pure il.l.us:Lon~ rlL.3 au fait
qu:; "los
hommes sont cons-
cients de leurs désirs et ign: rants dos CaUS8S qui les déter-
minent"
(1). Pour §taycr c8ttc sffirmatian i l donne l'exemple
de l'enfant 11 qui croit désiror li.br,;m~~nt 10 lait", de 1 t ivro-
gne "qui croit dire par une d cision libre CB qu'ensuite i l
aurait voulu taire'!.
Il cita ~:nc~rr; 1:,: dérnel1t, le bavard et
les individus du ~Ûme genre "qui cruient agir par une libre
décision de leur esprit et non pas portés par une impulsion'~
C'ost l'évidence même,
que c
s
~;.ornp13s qu'il invoque à
l'appui dc S8 thèse sont plus qu.' fragiles:
i l slagit en
effet di:: Cas où l'équilibre psych:J-biologique de l'individu
est perturbé par un agent trRumctisant,
ou est 8n de ça son
.
cl
. l . . ' t
'
1
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;T,é]"url. e normé] 8. 1~r::U:'3 i']vcns r 8Jô sou onu qUE:
a
libe rté n' (' st con cev eble que c::h'. z un homme sain cl' espri t
et
de; corps. Toujours est··il qu~, Spi.no?iJ c,près avoir réjéj;é la
.1)...b~.rté_•._JLOy.v.qi;f._-.9_sLÇhoi~,
n,Jus iropOS8 une liberté qui n8
se rai t
q u 8 1: é t a t
cl' un 0 ch 0 s e " q u j. r, xi ste et agi t
par 1 a
(1)
LEttre LVIII~ à SchulLJr, (3d. de la Pléiade, p. 1307.

103
seule nGcessité de sa natu~en ; et il déclare fermem~nt
qu'il "ne situe pas la 1~'srt6 dans un libre decret mais
dans une libre n6cessit6"
(1). Voilè qui para!t pour le
moins paradoxal.
D8 son côté Kant exclut la liberté du mande phGnomé-
nal auquel nous appartenons,
soutenant qu'il y règne un
d6terminisme sans fail (.;,
,.:.ur la situer ùans un autre monde,
celui des choses en soi. D2ns une grande partie de son oeuvre
i l souti8nt qU3 cos réal~tjs nouménales sont inconnaissables.
Cette libQ~té est donc unL inconnue et pourtant il affirme
qu'elle intervient en nous ~u c:urs de notre vie terrestre,
r~est è dire dans ce monde phénoménal auquel elle n'appar-
tient pas.
Comment cela est-il possible 7 Kant .voue lui-mOme
qu'il y a là quelque chüse d'incompréhensible. Nous devons
nous contenter dit-il dn p::n sar les choses en soi comme l ' ârr, ;
ou la liberté, nous ne pnulJuns les connaître. Et la difficulté
reste onti~re mtm8 si nous 2dmottons sa distinction en l'homme
d'un caractère empirique péJr ].c:quel i l cs~ pris dans le monde
des ph6nomè n 8s et d'un carrctère intelligible par lequel il
échappe è ce monde. Sa cunception de la liberté appelle donc
de s6riuus8s réserves ;
c~mr,~ le signale ~ndré Cresson,
(1) Lettre LVII l, à Schullur,
Gd.
de la Pléiade, p. 1307.

104
Schopenhauer pose un certain n,:.l'.re Li
qu':stion: à propos
d'elle
:
"Comr!ont comprendr8,
dit-il,
la valeur d r un postula"'::
comme celui do la liberté noumGnc18 ? Hr~st-ce paS dans
l'espace et dElns 1:; temps,
et par cunséqucnt comm8 phénom3ne
que nous avons un
devoir ? A ~uni va-t-il donc nous servir
d'etre libre en tant que noumèno ? Et comment pourrons nous
accomplir notre devoir sn tant
quo phénomène,
si,
en tant
que phénomène nous ne 10 som~8S paS 7" (1).
,',insi cionc,
Spinoza ct !(<:nt ont déployé des efforts
pour retrouv~r une certaine f, nif' d,., liberté. Cola prouve
qu'ils ont senti la nécossité de ccncilier liberté et déter-
minisme.
Et ils ne sont pas lGs s~;uls à le sentir : les
in détermin j.stes no vont j arok is jusqu'à la cons équence logiqu e
-~---------~--~-----------~-~--_ .....__... _----------- -------_ .. _---
(1)
Kant, par ,',.
Cr. sson,
p.
6l;,
cr lloction "philosophes"
P.U.F. 1963. Voici co que dit i<mt dans la Préface dE la 2è
édition de la Critique de L-" :Le, '.s-n pure:
"la mêm::; volonté
dans l'ordre dus phénom~nes (des actions visibles) peut fltrc
présentée ccmme nécessairem8nt sGumisB aux lois de la nature,
et,
sous ce rap:'ort,
comme Il.!.G_ts.ïl:c.Y8s_.1ib..;J;:.§. -
et pourtant,
d'autre part,
un tant qutappart~nont à u~e chose on soi, comme
échappant à c~tte lui natur~lle, ~t par cons6quont comme libre,
sans qu'il y ait ici contradictir'n ll ,
traduction de F.
Khodoss,
dans La Raison pure
(textes choisis),
p. 14, P.U.F.

de leur thèse:
le règne du has2~d (1). Ils se heurtent à
l'obligation d'admettra qU8 l'ind6tsrmination ne peut ~tre
complète pour éviter de construire lour système à partir
du chaos.
Inversement les cJèccrministe5 nG peuvLnt s'obstiner
à nier toute forme de libert6,
aU
contraire,
ils en invente
toujours u~e qui puisse ~tr~ rcccordéo à l8urs conceptions.
C'est peut ~tre cette constatation qui a fait dire à A.Fouil18~
dans Une sorte d'introducti n 2 son ouvrage La liberté et le
d6terminismB
:
"La systèmn du cl6terminisme et celui de la
liberté, nlayant pu se dGtruirc depuis une lutte de tant de
siècles,
doiven t
marquer c.!:-,U)~ dir c tion s légitimes de l ' esprit,
qui,
si elles étaient poussGns assez loin,
finiraient par
converger"
(2). Pour obtr:nir c~tte convergence, il suffit
de sc r8ndre compte qU;'1 la divLrgcnce racJicale n'existe
qu'ent~- les conceptions extrémistes, c'est à dire entre la
liberté d'indifférence ut l~ cl0tcrrninisme absolu: or ce sont
-------._-------
(1) La "hèsa, ~u pur hasard, placé à l'origine de la formation
du monre se rencontre chGZ Ills épicuriens : Lu~rèce écrit dans
De rerun natura :
"Ce n' ~st ~BS en v~rtu d'un plan er~~té,
d'un esprit clairvoyant que 1:'8' etomes s'.nt venus se ranger
chacun ~ ln ur place". 581 n lui, ils S8 sont heurtés de mille
ma7")ière'~ essayé toutos les u ni.éjns, tous les mouvem::m t s possi-
bles et à la longue,
apr~s ~nc infinité de siècles, ont pu
f'Jrm8r "ces assemblagos ~ui, soudains réunis, sont ~ l'origine
d3 ces grands objets,
la t
rre, la mer, le ciel,
et les espè-
r.es v:""Jntes", livre V, 417,
à 431,
traduction de 1'..
Ermont
~dition~ Les B~llos LGttras.
'
(2) La l i crté ct le d~t~rm~n~sme, première page.

106
dt...u)~ e;',cès éClal~ment ::"nadmis=·iblos. Il convient do s' élci-
gner d8S absolus: qU:L n.
snt que des vues de l'esprit,
pOll:r:' saisir à trov rs l
s r";21it6s concrètes, liberté et
détorminisme commn deux n~ti~ns coexistant et rolatives.
Lou:'~'s rapj.JoTts d'implic2ti,'n réciproque apiJaraissont dès
qu'un sr=I':rG :;'0 rurü d'éJs::cz près. Lach81i::Jr les découvrait
dans unc sorti; de Ji:;L.ctic:ul' c1:.:; LJ volonté et d_ l'action
choz Ithom~3 8~g~g§ dans son contexe existential : "la li-
borté, la contingunco ,;t l~ JCtcrminisme, dit-il, loin d'~trG
Butent de réalités compl~t's on ~lles m~m8s et par consé-
quent exclusives l'uno d~ l'autre, ne sont, selen moi, que
trLis ~l~mcnts, trGis mum~nt3 comme dirait Hsgel, d'une
seule ut mOme réalité.
Un hommo
pë.lr eXGmplo veut librement,
mais encoro faut-il qu'il v~uil18 dans un sans et dans un
intsrtH déterminGs, Cer ~u-::r mLmt sa vl]lonté no serait pas
de cc monde; et de plus, ccnfarmément à c<.;rtains lTl3 ximes
at à un certain caractère, car autrement ce ne serait pas
lui,
individlJ particuJ.L:r qui aurai t cotte volonté ( ••• ) de
plus il faut bien qu; ln volonté do cot homme se manif~8te
dans une action rrui s~it un phGnomènu physique et qui fasse
partie, par cons~qu~nt" Ju tissu g~néral des ph~nomènes Ou
du mécanisme univ8rsel : car ne v~uloir aucune action ne
serait pas vouloir, et une action qui déchirerait la tissu

107
du mécanisme serait un rèvc ct n"n un év~nement réel" (1).
Voilà qui parait suffisamment conVaincant, cep9ndant cette
vérité éclate davantage si ll~n considère non seulement
l'action et ses motivations dans l'cnvironnem8nt physique
et psychosocial,
mais aussi IJ8 prc,cossus du
substrat crga-
nique.
Une duuble conviction s'impnse en e f f e t :
d'une part
i l ne peut 6tre question d~ ni"r le déterminisme qui s'ex-
prime par des structures an~t~~~1UJS invariables (au sein
d'une m~me espèce vivante), 0t par des lois physiologiques~
d'autre part une grande plasticité,
Une souplesse relation-
nelle infinie,
excluant un d~~~~minisme rigide, caractérise
l'activité psychique au nivoau de la pensée humaine
(pensée
qui se pense).
C'est le haut J~gr6 da complexité, de perfec-
tian,
du système nerveux dD l'hL'm~e qui lui permet d'accéder
à cet échelon suprOme de l'Qctivit6 psychique.
Toute fois,
i l cunvient de précisor que,
st~ucture anatomique adéqUate
et bon équilibre physiologi~ue ne SCi;t que des conditions
nécessaires,
mais non suffis2ntr.s de la pensée et de la liber-
té. Celle-ci,
en effet, n'est pas un pur produit biologique.
Elle a aussi une dimensi~n socir'-culturelle,
qui d'ailleurs
en constitue l'essentielle pUiS~U8 notre liberté ne se
(1) Lettre à Dauriac, 16 nGv~mbrc 1687, Revue de Métaphysique,
1910, p. 189.

lOB
manifests que là où notre c~nrluitc OU notre choix ne
s'§xplique que par une adh::sion cOf,scientc à une val~ur.
C'est ce qu'a bicn vu III gr8ild n-.urologue PElul Chauchard
lorsqu'il ~crit : " "on n'est pas li~r~ d'uno liberté absolue
perm8ttant d·. faire n'importe quni ; :in cst libre dl::: gar;~cr
sa libsrté et étElnt données 8':5 ,;i'.1 n~üons cérébra18s CGci
exige que la liborté s'enchaj.nG rJ dGS ciéterminismos'-,supérieurs
qui l'exaltent car une liberté qu'
s'y refuserait ne tarde-
rait paS à disparaître,
subm8rg6~ snus les déterminismes
inférieurs (l)". l'Jous voici donc 2m:~nés à répC;ter une fois
de plus qu'il n'y a ni détermin:3~c unilatéral, ni liberté
absolue dans l'activité humaine,
mais coexistonce dans un
dynamisme dialectique de deux r6alit6s dont l'une plonge
ses racinG3 dans l'autre. [llos S~ compLnètrcnt et se rela-
tivisGnt mutucllcmrmt, l'une pouv2n-c dominer l ' eut.H~ non
l'an6antir (2).
C'est à un résultat idr~nt::_. in: qU~' l'on aboutirait
(1) Lf"
corveau humain, p. 119 ':!uc sùis-je" P.U.F. 1963.
(2)
C,;;ttc di ah)ctiquc de dé Lrmj.n . sr c ct cl c 1 a libert ~ est
analogue ~ celle que Vendryes m t
n évidence entre autonomie
et d6terminis~9. Il montr~ que l'an:mal acq~iert son autonomiG
par une sorte dB "rupture du d§t rminismc ~ar l~ d~tGrminisme
lui-meme" gr~c~ auX phénomèn8s ~!. Dise 8n réscrve d'én~rgic
et auX régu1a t i.ms qui lui pr~rmJ(;'~ nt dG com;JOtHHa,t' les varia-
tions du rnilieu ~lxtéri.r:ur PéJJ:' S S ,r pres variations. Déter-
minisme et autonomie, p. 15.

109
dans l'étudo dus rapports de 10 finalitB et du déterminisme
il est aisé de montrer que ces cl ux notions sont intim8m~nt
liées. En effet i l ne pout ntr~ qustion de finalité l~ oD
il n'y a qu'une succession du rencontres forfuitcs d'~léments
réalisant un ordre éphémère, c' ,st-~-~ire l~ oD n'existe
aucune détermination constante. D~; plus, c'est un fait que,
la finalité ne p:3ut être exclue ut! r~6tcrminisme relatif des
phénomènes naturels. C' est pou:.~:~:uoi sans doute Lachelier a
voulu introduire un principe dG finalité, en plus, du principe
de causalité, qui dit-il,
n8 p ut fé'nder tout soul l'induc-
tion
(1).
De son ceté Hamelin éc::-:ï_t
: Il ••• en face dG la
Causalité, nous duvons poser If) f5.~éJlité et c',"st par ~Ja
seulement qu 1 achève de se cOns-c i-ci.lor le déterminisme d~,
phénomènes" (2).
Le couple libcrté-finalit6 n'Gst pas moins chargé de
réciprocité. Nous avons d~jà dCv21lp~é l'idée qua la liberté
réside en une pensée, on tant qu'Ile peut se déterminer en
fonction de valeur, et lut ter C',il trD d8S obst aclos pour se
maintenir dans la direction d8 son but.
InvQrsement la fina-
lité renvoie implicitement, ~ une intrntion, une liberté;
en effet nous semmes fort:::;mcmt :-:nclin d'attribuer à une "-.l.:.nté
(1)
Du fondem~nt do l'induction, ~rJ. do 1907, p. 12.
(2)
Essai sur l~ s é16ment s p rinc:-:-; <:lUX ch la représontation,
p. 214, éd. de 1952.

110
libre toute org anisation comp,}, axe' é:rfaitoment adapté': à une
fin et réalisant un tel degré d'ordre qu'il serait absurde
d'invoquer le hasard pour l'exp.1 f;uDr. Nou s touc hons là le
fondem~nt des implications métaphys5quBs d3 la finalité que
nous allons aborder mainten8nt.
Nombreux sont les philosr:phcs qui ont sonti l'existence
d'implications réciproques entre ~6tcrminisme, finalité et
liberté, de 110ns qui en font dos corrélatifs non des opposés
incompatibles ; qu~~lques uns l'ont utilisé comme une sorte
d'axiome sous-entendu, d'autres un ont oxprimé plus ou moins
clairement l'irlée (Lachelier, Hamrlin, Paul Janet, dans des
passages préc'dammaMt cités). C tt~ circularité de rapport
qui unit los termes de notre triada ost surtout utilisée de
façon implicite dans la déductiun qu:: part de l'ordre de la
nature (déterminisme ct finalité pour affirmer l'existence
d'une irt8l1igonce organisatricu du monde. Légitime ou pas,
(1) Cut~e preuve appelée aussi pr uvo téléologique est diffé-
rente de colle que Leibnitz formule ainsi: " ••• des êtres
contingents existent, lesquels n8 sruraiGnt avoir leur raison
dernière ou suffisante que dans l'~tre nécessaire, qui a la
raison de son existence en lui-mOrne". La Monadologie, dans
Douvres philosophiques de Leibniz, a;',n~tées par Paul Janet,
Dclagrange, p. 601.

III
cn~:to déduction n toujo'_'rs existé r;t :.;xistera toujours
malgré los critiques de Kant. Nous la tr;uvons chez les
anciens:
Anaxagoro affirme l ' e .is~ .nee d'un prin~ipe
d'ordonnance du monde,
1=Int81li~ nes (le Nous) (1). D'accord
aV3C lui,
Plnton~ lui roprochc c i' nc1ant d'avoir associé
dos C8llSCS d~nrdT8 mé':ë:lni1uc à l'cJrganisation d:.: l'univers (2).
L!ordre qu!il y découvre rc:èvo,
s Ion lui,
d~ ln soule
intorv~ntion do l:Esprit~ comm~ CGU~U ~remièro. Le monde
sensible est,
di~-il, dans 20 Tim6, l'o~uvre d'un architecte
divin qui 1:8 construit en prcnent m-dèle sur le monde des
idées. Ch8z Aristote tout s'ordonne autour du Premier Moteur,
du 5updlme Désirable qui agi+. sur le m,'nde, nOn à la mani~+e
d'U~8 ':aUsc m6soniqu~, mais d'une c~usc finale, car les &trB5
aspirent à réali')or sa porf'3cticJn :
"Dieu meut le monde comme
l'aimé meut l! amant" •
Comme los ancien s,
des :' :IlS urs r.1r.Jdernes ont sDutenu
ê~'18 l'ordre ot la finalité qu!ils rJ6CGLlVrcnt doms l'univers
( 1) VCt i r
His te':' :':' ,~ cl f::; ,-.:J phi los c phi;; p 0 r t:. Br IJ h i 0 r , p. 73 ,
5À 6do
(2) C'ûs-;; dans le Phédon que
Pl",tfln ;::r1.::ussc c~: r<:.:prochu à
Anexagoro,
daïls un pess-gl] qui c l' .r:nC8 cn CêS 'termes :
"Or voici qu'un jaur j'8nte~dis f8ire une lecture dans un
livre qui 6tait~ disait-on, dr~naxagoru :t oQ 6tDit tenu co
langage "c!cst f;n définitive l'~srr:~t qui a tout mis cn ordro
t ·
t
l '
.
-
,
COs
- U J
q Li J. ;:] s t e au s 0
d,-- t 0 LI tus ChI, sos rr.
Un tel J. a cau s e fit
. ,
'1
,
sa JoJ.e~ J.
~8 sembla qu il y 8VDit, 0n Un sens, avantage
à fairo do l!r:;sprit un::.. caUme univ'-rs ... llc" Phédon 97 c à
101 c, traduction dE Léon Robin,
6J.
"Lc,s b lIes lt.::ttras".

112
t~moigncnt en faveur de l'exist~nc~ divine, notamment
J.J~ Rousseau dans la Confession du Vicuire savoyard. Fabre t
ébloui par le CDmportement dos insectes disait : "je ne crois
pas en Dieu,
je le voie". Plus pr~s do nous, Leconto de Nouy
écrit dans L'esprit entre sav.;~r ct crcire (ouvrage réccmmwnt
publié, édituur Hermann)
: "j'ai 0tG conduit è admettre la
nécessité de l'idée de Dieu par les ~i~mcs faits scientifiques
qui,
soit disant en ont éCarté l~s rationalistes". Tous ces
penseurs partant da la constatat'on d'un ordre et d'une
harmonie dans la nature pour aff~r~cr l'existence de DieUe
Si Kant n'admet point que cette manièrs de voir les choses
puisse constituer Un8 preuve suffisante, i l r-connaît néan-
moins sa force puisqu'il écrit :
"l~ preuve cosmola9iq~~ est,
me somble-t-il aussi ancienne qu~ l'~sprit humain. ~lle est
si naturelle,
si attrayante,
811c s'~largit tellGmG~t à mesu-
r3 des progrès dD nos connaissancos,
qu'~lle durera aussi
longtemps quo subsistera dans une crét~ure raisonnable le
désir de prendre part à la noble cl<nt~mplation de Dieu mani-
festé par ses oeuvres"
(1). Du r:ste cl~tte preuve cosmolo-
gique démeure implicite dans c~rtaincs conceptions de Kant.
Eric Weil déClare que Kant,
"m~m~ quand il développe le
(1) L'unique fundement possiblo d'une démonstration de
l'existence de Dieu. Traduction d~ Paul Festugière, dans
Pensées sUCCGssivos ~p F, Kant sur la théodicée et la reli-
gio",
J. Vrin, 1931, pago 132.

113
concept de finelit~, voi~ Ir mDnJ~ toujours comme monde
de la naturo, cCJmmG cosmos lt ,
il E'jI1UtO ccp'ndant "cc cosmOs,
sens doute, n'est cosmos ct c~mpréh~nsiblG qu'au moyen du
recours à une intGlligcnce souv.raine"
(1).
D'où V".cnt donc la fiH'c8 invincible de C~)tto preuve
cosmologIque du :!~xistoncc d~v~nn. Ne r 6sidc-t-811e pas
dans 10 fait qu'ello SD ramènn t un raiSOnnement syllogistiqua
dont la majeure postule pr~cisum nt la circularité de rapport
entre déterminisme, finalit6 ~t liberté? On peut en effet
l'énoncer de la manière suivante
:) Seule une pensée libro, flc;ut etre, an dernier
ressort, responsable d'une organi.sction complexe déterminée
à réaliser une fin.
2) Or nous découvrons d~ns l'univers, une infinité
d'organiSations finalisées, cl1nstituant un degré d'ordre
hautement improbeblB comme cGmbin~ison farfuite.
1
5
choses,
UnC Intellige~l3
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V '~ n 1963
Kant é.crit lL''; -'11~m,,1 : 1: Il y a uni] tul~olagi8 ~sigue qui
donno ~ notr~ jugcm~nt thérri~u~ r6f16chissant une preuve
suffisante pour ildmQttre l ' c.;,is ': nct.,; d'une Cause intolligGntu
du munde". La critique dG ju~"~nt p. 242, tr8ducticn de J.
Gibelin, édituur : J. Vrin, 1~42.
Il est v~ai ~UD pour Kant 10 ju~ n nt rGfléchissant est pure-
ment subJact~f et n'a paS un~ v~l ur démonstrativo comma le
jug~m~nt déterminant.
.-....

114
organisatrice, une inti;nt:~un, une; p~nsée libre (1).
Ce syllogisme muntr,; b~.un que pour passer de la 2è
proposition ~ la 3è il faut n6c~ssairsment s'appuyer sur
la 1Bro, qu' 011 J soit explici t"ment exprimée ou sous-
entendue. Or cette première preposition qui constitue le
point d'appui do la preuve cosmologique postule explicitement
la solidarité qui unit détorm~n~sme, finalité et liberté.
L'on comprend dès lors la grende importance philosophique
de cette trinité in dissoci abl ';.
-------------
(1) Paul Janet dans son !Juvrag'·. Les Cause finales,
écrit à
propos dG la prouve cosmolLg~qu8 : "Cstto prouve comme O~ sait
a été ramenée à un syllog5.s·"ID dDnt la maj cure est que :' ",
tout ordre, ou pour aller plus rigoureusemont, toute appro-
priation du moyens ct dr:; buts sup: oso une intelligence , et
la mineure ust que: la naturn nous présente do l'ordre et
une appropriation de moyens t des buts" page 425-426.
Il
conclut plus loin :"En un mot: IH nooud de la preuve c'est
que le Hasard ne produira jamô:is une oeuvre ordonnée" p.432.

115
CONCLU5Iljj\\J
Il n"'st pas aisé d~ d6finir do façon précise les
relations qui axistont ",:n-::r'. dl:; cl;rrninisme finalité et li-
berté : nQUS les avons ~.xprir.~5es pClr des t8rmes comme
implicetiGns réciproques, c. rr61etion, rapports circuleires
etc. Ajoutons que chacun~
ne'tians se prés'-nte, par
rapport aux autres, à la filis c;Jmme une envelop;:-ante ct
Une cnvaloppé'3 ; autrcm"nt dit, si nous envisageons cette
réciprocité cl' implicatL' n "'{~ns un (;; persp(,jctive hégelienne,
nous p0uvons dire que ch:'que t~jrrno de notre triade peut
roprésunter la synthèse qui englobe les deux autres. L'oppo-
sition apparente entre liLcrté ct déterminisme s'efface
dans la notion da finalité puisque celle-ci suppose une
liborté qui oriente, qui ct~'::c'rminc ou utilise un ordre P.l'~"cQ
à r6aliser ses fins.
D~ ~~m~, liblrt6 et finalité se rejoi-
g~~nt dans 1
déterminis~e~pu~squc lour coexistence exclut
la chaos, le règne du has~rd. Enfin 18 synthèse des termes
d6termin~sme et finalit6 r6sirlc en la liberté d'une conscience
qui y~ et Drdonne scl:n S~ v"J 1l'm té. C' (;st précisément
cette synthèse que nous r .nc~ntrons sous la plume de Hamelin
qui écrit : "En cherchant à rGunir on une seule notion la
causalité et la finalité,
on aboutit à ce r~sultat : systèmé

116
agissant ( ••• ) i l faut qus l
r
a systlmo
'
appor~ de soi
ag~ssant soit un
avec soi.( ••• ) l
d
• systlm"
0n
présentar
agissant d
un caractère . t
avra
C .
~n srne
. cmèno c'
(. rapport
e so, avec
.
qu,
d
so~-meme. Ce caractère est ill~l: qu'
.
...,.-
e par la fonc-
tian qu 1 on en attcmd. Man ~ fcstcr son ; n"
suffisance
- ".p ndance et
par un caractl
.
sa
rc ~nterne, cl~st
"e'd
l
se f"'~re, ou
~
lib3rt~
er
a
(
)
c 1 est tout
c .
• •• • Donc
ll~tre
pos
est pour lu'

libre qui
agissant, puisqul;l
At
~-m~me. le système
....
est un
~
,
e
ou
a conscience :
te libre sera pour soi' L
pour-soi
1
telle est la synthèse à laquelle nOU~~ Qspirons" (1).
Gxtce ~ Bergson noUS even s CQ~pTès 18 nécessi~ê de
dépasser les concoptio
tradi~ionnDl~.s,
ns
trop rigides du
déterminisme et de la finalité. Gr~C" à lui nOUS avons appris
à assouplir ces notions. à les relativisar, à les ouvrir
{••ns pour cela adm.~tre. surtout .n C. qui cuncerne la
finalité. la totalité des arguments qu'il développe contre
elle (2). De là, il ne rastait pluS qu'un pas à faire pour
. '
liberté et f in alité sont des
découvrir qUG détermlnlsme,
..... ---_...--_... ---
(11 Essai sur les """ ments principaU "
ck la représentatione
éd. 1952, p.p. 265, 266.
(21 Nous estimons avec Goblot que , "Ni'r la finalité org -
. ue
c'est le pluS audaciOU" des parade"es·. Le Système
n~q ,
.
1 c "2
1 YI
des sciences, 1" Coll,n,
,~. O' co.
1
1
/

111
corrélatifs et non des antagonistes incompatibles. C'est
bien c8tt c v6ri té qui a échap,; é aux dGtormini stes dogmatiqu~~.
qui ont livré un combat sans m~rci contre la liberté, pour
atre obligés, ensuite, da la ccnccvoir sous une forme pour
le moins myst~rieuBe, commG_ll~ a échapré aUX indétermi-
••
nistes qui eux aussi sont oblig6s do reculer devant la
conséquence logique de leurs c~nc~ptions : le r!gle du
hasard. Quan t à Bergson, il n' 6t ai t pas lC'in de découvrir
cette vérité. Mais il est resté sur une position qui laiss8
voir qu'il considère le détormin~s88 et la finalité comme
radicalomnnt op~osés è la liburt~, comme des notions à com-
battre pour sauvegarder cslle-ci. Il les 8 combattu de toutes
ses forces et aVGe si peu de ménagement qu'il ne pouvait
en définitive que 18ur accorJer d'. vagues concessions (affir-
m.JJ. -;'18 l'indétcrminé1t:on n8 p w'c Ctre complète ••• et que
son système participe du final~sme).
Pourtant, dès qu'on
tourn e le dos Èl 1;:> sp éculatit;Jn purnm' .nt th éorique, pour
s'efforcer de C~!rn8r le rér;l, com::,e B~rgson nous y invite,
la corrélation entre détermini~no, liberté et finalité
s'offre d'emblée à notre attGntion : c'est une leçon qui
SB
d;jrage dns réalités de notL'r~ monde t.lles que les saisit
l' espri t
humain, et d' autr3 purt C' ::st aU5si une exigence
rationnelle logique qui 5' impD8c dès que nous envis ageons
lloriginc:~ de llordnnnc::ncc du r,wndei le raisonnement
\\
\\

118
syllogistique qui permet d~ passer de la constatation d'un
ordre
(non attribuablo aU hasard)
à l'existance divine
s'appuie nécessairement. sur Une rropnsitio n qui postule
la solidarité circulaire de nos trois termes : déterminisme,
liberté,
finalité.

- 119 -
B 1 8 LlO G R A PHI E
==.===================k~=
G. Bachelard
- Le nouvel esprit 8ctentifique P.U.F. 1963 BO 6d.
H. Bergson
- Essai sur les donn~es imm~diates de la conscience
_ L'évolution cr~atrice 38° éd.
- La pens~e et le mouvant
- Les deux sources de la morale et de la religion
3 D éd.
- Matière st m~moire 50° éd.
- Le r-roblàme de la personnalit~ (conférences)
dans Les études bergsonniennes vol. 7 P.U.F. 1966
Cl. Bernard
- Introduction à l'étude de la m~decine exp~ri-
mentale, 6d. J.D. 8ailli~re, 1865
L. Bounoure
- D~terminisme et finalité, double loi de la nature,
~d. Flammarion 1957
L. de Broglie
- D~terminisme et causalit~ dans la physique contem-
poraine, Revue de m~taphysique et morale A. Collin
dèc. 1929
Paul Chauchard
- Lo cerveau humain, coll. Que sais-je? P.U.F.
1963
A. Cresson
- Kant, coll. "philosophes", P.U.F. 1963
L. Guénot
- Invention et finalit~ en biologie, àd. Flammarion,
1941
Mme J. Del homme - article : Durée et vie dans la philosophie de
Bergson, dans Lee 6tudes bergsoniennes volume Il,
Albin Michel 1949
A. Fouill~
- La liberté et le d~terminisme
E. Mc Gilvary
- article : James, Bergson and determinism, in
Modern Philosophy, volume Xl, University of
California publication.
Goblot
- Le systàme des eciences, ~d. A. Collin, 1922
K. Goldstein
- La structure de l'organisme, traduction de
Burckardt et kuntz, éd. Galimard, 1951
O. Hamelin
- Essai sur les ~l~ments principaux de la représen-
tation, ~d. 1952
...
1
1
.__-.-J

. 120
H. Hoffding
- La pensée humaine traduction de Jacques de Coussange,
Paris, Alcan 1911
E. Huant
- Oes fissures du déterminisme à l'émergence des finali-
tés, éd. Vigot, 1946
Paul Janet
Les causes finales, éd. Germer Baillière et Cie, 1876
Jankélévitch
- Henri Bergson
- La critique du jugement, traduction de J. Gibelin, éd.
J. Vrin, 1942
.
- L'unique fondement possible d'une démOstration de l'e-
xistence de
Dieu. Traduction de Paul FestuQière (dans
Pensées succ2ssives de E. Kant éd. J. Vrin t931)
, .
R.S. Lacape
- La notion de liberté et la crise du déterminisme dans
Exposés de ~hilosophie des sciences, Herman et Cie
Lachelier
- Ou fondement de l'induction, éd. de 1907
- Lettre à Dauriac, 16 novembre 1887, Revue de r~taphy-"
sique et morale, 1910
Lahbabi ~ahomed
- Liberté ou Libération, Aubier, édition ~ontaigne
Langevin
- La notion de corpuscules et d'atomes, ed. Hermann et
Cie, 1934
P.S. Laplace
- Essai philosophique sur les probabilités éd. Gauthier.
Villars 1921
G.W Leibniz
- La monadologie, édition annotée par E. Boutroux, éd.
Delagrave, 1930
- Essai de Théodicée••• édition annotée par J. Jalabert,
Aubier, éd. ~ontaigne 1962
Jean Piaget
- Six études de psychologie, éd. Gauthier
Platon
- Le Phédon
E. Roland
- La finalité morale dans 10 berg.anisme, Paris, Gabriel
Beauchesne, 1937
P.M. Schul
- Le Dominateur et les possibles p.UEF
•••

- .":~
.. 121 -
Spinoza
_ Lettre LVIII à Schuller, ~d. de la PldIade
E. Schrodinger - What ie life, University press of Cambridge,
1945
A. Thibaudet
- Le bergsonisme, 3° édition
P. Vendryes -
_ O~terminismB et autonomie, coll. A. Collin
1956
Eric Weil
- Problème kantiens, êd. J. Vrin, 1963
-~-:-:-:-:-:-:-

- 122 -
TABLE DES MATIERE5
INTRŒJUCTION
2
CHAPITRE l
Rejet du d~terminisma
13
A-
Opposition mati~re-vie
14
8 - Pas d'explioation physico-chimiques
de la vie
18
C - Insuffisance des explications m~ca­
nietes de l'~volution
27
o - Ph~nomènas de conscience et d~ter-
minisme
37
E.- Conclusion du chapitre l
44
CHAPITRE II
finalit~
46
A - finalisme radical
46
8 - finalité interne
51
C - finalit~ externe
58
o - La finalit~ salon 8ergson
68
CHAPITRE III
La liberté selon Bergson
74
CHAPITRE IV
Implications r~ciproque8 entre d~tar-
minisme, finalité et libert~
81
Po -
La libertê
81
a - Lo dét3rminisme
81
C - La finalité
87

- 123 -
CHAPITRE V Importance philosophique de la r~ci­
procité d'implications entre d~tarmi-
101
nlame fina11t~ et liberté.
A- Difficultés rencontr~es par certains
penseurs
101
B- La preuve cosmologique de l'existence divine
110
CONCLUSION
115

La Courbe de Gauss, Expr ssion du déterminismo
8t de ~e finalité·
_::::r.-:-=_
Par rIs ~an' Sylla
Un grand nombrci cb ph6r\\. rnbn~
naturels, et surtout
ceux qui concernent l~s ~tr s vivants, laissent transparattro
d'une part, un haut degr6 clI8T~cnisatiun, une grande constance
de l~urs rspports mutuGls, Dt cll~utr~ part une parfaits ad&qua-
tion de chaque structure Q -lG fCinction qu 1 {olle assume.
[':Jst d'ailleurs l'oj:~~:C:' ct la régularité qui règnent dans
l'essence ot l'interacti n -lec ~~rcs qu~ l'on traduit scus forme
de lois. Ainsi la ccnilrjisssnv
de ces lC'is permet dt; prévoir,
de d6c12ncher ou d'ori~ntcr la prc~uction d~s phénomènes qu'elles
régissent. C::-;}cndant ces 1.' (- r-,
. ü
" CAusalité 'lut,; nous découvrons
dans la nature ne nous op~"rDissunt pas partout avec le même degré
d8 nécGssité. En sffut, si au niV8aU rnacrophysique de la matière
inerte nous constatons un (l~~~rm'nisme riguureux, les choses
chang';nt dès qu'on sa p1.ecc aU niveau du la
m'i.crophysique dos
particules; on sait que l
;·)."nc.i;;D d'ind6termination d'Eisenb,lrg
_ _ _ _
• •
. . D
. . . . . ~ •
..-. . .
_

2
exprime cc: fait qu':~n ne p~ut cOnnettrl' "wc précision, à la
fois,
la vitesse ct la position d'un ~nrruscule. Da m~me,
ch~z
los ~tres vivants, on constate un n~c~ssoir8 assouplissemsnt
du déterminisme lorsqu'on passe du niv pU dos phénomènes biolo-
giques à cElui dr.;,; la vie psychiquo. Les ,_'r, c.ssus vitaux, on le
sait, obéissent de façon
assez rigDu::,'.usc à d~:s lois anatomo-
physiologiques dlJ réGulation,
dc COi";:;' s::;:.''" chimique,
d'équi-
libre physique etc.
C~S lois ont curtes è.s incij~nc~s indubita-
bles sur les états de consciuncc, ma:i.s c";la n ' c;mpêche qUE.; chez
les vivants,
chez l'hnmmD tout aU mnins,
S~ p~su le rr~blème
du libre arbitre.
Il ~:Jst difficil;-J d' c':~n1r:';-~r~: Un ùC:tcrminismo
psycho-biolC1giqLl~_ rigc.:urGux qui enlèv :::7[':.t à ]., hommn toute
liberté da choix.
On p~ut admu'c'i;rc que 10 systèm:.; n';rv[~ux, siègu do la pensée
::lst, soumis à ~;jS lois anatomo-physiul 9-- ,Lles chimiquos ct physi-
ques qui dct:rminont son fcnct:i.onncm nt Il'rl:~al ct rar conséquont
le bon fquilibre mentol.
hinsi, parad~xal m~nt, i l s~mblo quo
c'est ca Jét~rminismc régulat~ur d~s ~~t~vités du système nerveux,
qui rend pi:ssiblo l ' ém Jrg8nce dG la ;) nsi::.; libro ct de l'acte
volontaire.
Il suffit en effet que S~S n~rm~s de fonctionnam:nt
soit porturbées pour que l'hcmme pord0 18 maîtrise d~ Sa pJnsée
et la responsabilité do sos actes.
Il y ~ l~, un 3nch8vetrem~t
dialoctique entre détcrr:Jin;sme ct lii..J::rté ; l'un ne Va pas sans
l'autre bisn qu'on les considère suuv nt Comme étant dos opposés
L
- - - - - - - -

116
agissant ( ••• ) i l faut que le système agissant soit un
rapport de soi avec soi.( ••• ) Le systèm~ agissant devra
dOnc présenter un caractère interno qui 8mèno ce raprort
de soi avec soi-m~me. Ce caractère est incl~qué par la fonc-
tian qu'on en attond. Manifester son ind~p ndance et sa
suffisance par un caractère interne, c'est SC faire,
ou
pos~éder la liberté ( ••• ). Donc c'est tout l'~tre libre qu~
est pour lui-m~me. Le système agissant, puisqu'il est un
~tre libre sera pour soi, Le pour-soi ou la conscience :
t e l le es t 1 a syn th 'ese 'a 1 aqueIl e nous
. "
QSplrons
(
)
1 .
Gr~ce à Bergson nous avons compr~~ la nécessité de
dépasser les conceptions traditionnelles, trop rigides du
déterminisme et de la finalité.
Gr~c8 à lui nous avons appris
à assouplir ces notions,
à les relativiser,
à les ouvrir
(sans pour cela adm8ttre,
surtout ~m c~ qui cuncerne la
finalité, la totalité des arguments qu'il développe cantre
elle
(2). De là, il ne restait plus qu'un pas à faire pour
découvrir qU8 déterminisme, liberté et finalité sont des
(l)
Essai sur les b'::';: monts principaux d •.' le rcprés~ntation
éd. 1952,
p.p. 265,
266.
\\
(2) Nous estimon s avec Gablot que :
Il rHr;r
la finalité orga-
nique, c'est le plus audacieux des parad~xes". Le système
.. ~
des sciences,
fi. Collin, lÇ;22, p. ltH.
~ \\

r
3
irréductibles.
Il se trouv8 maint~:nant, Clu~~ co lI6'~:;rminisme, ùpparai:t,
non seulem: nt cnmme une CGnst~ncn ..} .
w.
r~l~ticns caUsales, mais
aU ssi commn un agc~nc cmunt or ié. ilté v -;rs la réali sation d' un but.
' t
hU
rem':· nt dJ't
. , l'l dnm'
'"'
.. urc f..tro;'~
~
...
','. r:t li5 ÈJ. une finalité lisible
dans les ph.:nomènos naturuls Lt surtrJut dans los structur~:s Lt
démarches des crganismus vivants.
Au rl~V~aU ds la mcrphoganèse,
la finalité appa:cai:t dans les n. :cr;";s fi>çé;;;s p:,ur les l'Hr8S
vivants (18 cha2.uu 'SpèC:~1 dirn..:ns::,un,
f
:cm", pr.icls, taille.
r\\insi
chez chaque individu,
seront ré;].'".S8CS c
s normes avec une légère
mar go do f luctu ation autour cl' un:é:: r:1;;Y" nnc.
De c [; f ai t,
t ou t
individu qui ap·ara!t,
aVGC dos m: nsuretiens trop .31oignéos, en
de ça,
ou 3U d31à,
dos dimons :.~'ns mi"
nnus ost ccnsidéré cc:mme
un monstro,
CDmrne un cas axccptinrmcl ri'3I'issime.
L '~tre vivant
nf; trouve slln bnn équilibre,
3a
i~l)il!l'j santé, sa bemno adaptation
aU miliou phys'~que -.Jt s:ocial ~~u
}. :'sqU:3 chacun dos paramètres
anatomo-physioJ,ugiques a chez lui un
vel~ur voisine de la norme
fixée pour l'é'spècc à laqu1:lle i l '~,;.éJrt~.:.:nt. Par .::,xcmple le
périmètre craninn,
du bGbé humain
5 sa naie8anco~ ét3nt on
t
moy:nno 35 cm,
IG bébG qui s'en ~J,~iuno trop par oxcès:~u par
défaut, souffre d'une macro ou 'd'un,: rnicro-cèphalio préjudiciable
à sa santé.
Tout su passe dOnC co:'!; .. ,
si le dim,msion 35 cm était
voulue at fixée: par 13 détürm:i.n::.s~,10 constructl;ur du bébé de
l'hommo.

f \\ \\ IJ r.Q... -ie.
J'hi.:.to~'t"a ....,~ de oS C"q; \\i e.f.,
~~-
~\\.......
1 8e>
ljt.'c
02"
1
\\
f,Hi
>...
l
...

'
litS
Ia'ES
liL
2.,05
..
•....~ - :.11·
-..;
G
---

4
Il Y a aussi d:JS normes physiolo 9·;·~L· ;:5 fixées par la
Nature pour chaque fJspècG,
comme par ~);<:.;m:;1L; la val:~ur de la
prlssion sanguine, l'acidité du sang, l~~aux de sel OU de sucre,
la raPFort globules blancs et globuL~s :r: u:.;':s, le rythme car-
diaque,
••• otc. Un sait qu,; crlui qui s'l-:n ôl, igne trop,
tomba
malade par hypor •••
ou par hypo •.•
Aussi l '
rganismo mut-il on
o~uvre des systèmes drô rt:gulatirn qui )C.:ic;:mt à ram·.:;ner chacun
des paramètres vi taux à une valeur 6901r; (:U vDisine de la nor. ·s.
Si par ~ x umpIe 1 C i' h
( ri e gré d' a c i cl i -t é)
,- l, usa n 9 bai s S 0 ,
les
contres nerveux rcspiratoiros situés rlans l~ bulbe rachidien,
sensibles à cct.e
baisse,
due à l'accumulGtion d'anhydride
carboni qu e: dan s l,:~ san g v ..:ineu x, r 6ag i. S5 ê: nt ,:-C accèlèru nt ID s
mouvem"nts r,spiretoires, lesqu',ls élilnin' nt l'excès d'anhydride
carbonique.
C' -st une rétroaction de J' --i'f,.t sur la c:;use.
Il faut CGt: :ndant r8marqucr qu
l~l d6ttl::minisme qui fait
intorvenir les causalités nécGssairl~s [] la r alisation des norm,_s
souhaitées,
est assez élastique,
autrm:i :r:t dit,
i l tolère une
marge d'erreur autDur de 10 v21:.::ur mOY·i; ;: cl
c~aqua paramètre
vital.
La tcmpGraturo du corps humain, yst par 8xomple, déterminée
à
avoir la valour n::--rmE11u de 37 Q C. t
,;or.· S
unr} -cumpérature située
antre 36 2 8 ot 37 2 2 peut encore être cnnsir:c.:I'Gc comme normale.
Chacune dus constantss vital=s a Un. marg~ d: tolérance qui
permet une fluctuation
plus ou moins imp~rtante autour do sa
valeur moyenne.

5
Tout ccci nous fait
penser à la cau~b3 da Gauss. Si en
effet,
dans une population de jL3UnDS CJ::ns (~u memo Sge (25 ans
par t::x~m;Jlc:), oppart'nant à la m~m
etl~n:'-::, jo pr61èva aU hasard
un éch antil.1 on d'un millier de j eunc.s ,u plus, et si je mesure
leur taille,
j a p~~ux t:c acor la courb
cl.: fr qu 'nco dos di ff Brantes
tailles,
en péJ:ctant un abscisse l,:~s Jcr : ,-i.' '..;8 ~:t en ordunnGc lr:~
nombr~ dos sujots pour chaqu8 tailla. J':'bt~Gns alors un histo-
grarrlme qui sora d'autant plus semblabl(: à 1.:; cDurba de Gauss quo
le n· .mbre de suj ;~ts cie mnn éch a ntilJ.c1n S' ri:. plus grand.
Si mGn échantillon cumpronait u~~rGs grand nombre de
su jet s, C' l' st une c rJ ur b 0
du G;: us S qu' j 1 t) bt:l. '. n d rai s. C' t;, s t
un fJ
courbc~ en forme de cloche(fig.n, sym6tr·i.Gu,; par rapport à l'axe
des ordonnées, car~etériséD par d~ux P6~am~tr~s : la moy~nne m
(somme dos tailles div3-sée par le n'lmbrr: dc.s suj~;ts) ct l'écart
type (~.( qui est égal à la racine car::-é LI'; le vari.ance 'V ). L'écart
type mesure le cbgré (J'homogéncité (1<.:5 '~:c;::.llL1S,
c'ost à dire
l:.wr dispa-rsion auteur d,; la moyenne. P:~'..ir c .rtéünl;s constantes
v i taIs s comme la tBmp~.ratu re, la mar g .. L; fluctu ation aut ~)Ur de
1 a moyen ne c;st minc 8,
po ur un éch 3nt~~~_.1.l~n c, 'mpos é de su jets en
benne santé,
l'écart type ost donc p,'t.:~t, :-:n nbtiL'nt une courbu
aplatie
(fig.
2).
Pour d'autres la rïl~~~g:~
'st plus impc'rtante
Un
uLJtie~ une ccurbe éVas· 0 (figurr~ 3).

6
Si nous examinons la c~urbD drs f~~qu~nccs dss tail13s,
e bt enUG comme
'
'l'm~rnt
precc.;:J,-" il,e:
J.·ndJ.·qu""
'-'''-',
n. us constatons qu'à l'ex-
tr8mit6 gauche du c tte crurbu S8 tr uv. un
putit nombre de
suj<"ts qui sont d,~ petits tail; e, c iT,1è. Z:. JI autr3 oxtrémité se
trouve un pe;tit nilm~Jrc du SUjGt.s qlJ'
S
:-,t UJ grande taille.
La maj,rité des suje.. ts sc trcuvc concul:':~~éL autDur 08 la taille
mC1y~~ml[.;, laquelle obtiunt 10 plus gj~'J:'d c-ffcctif de sUjets.
On p8Ut di.re :U'; c,tt~; tail.lu "1 Y' nr;~' s2mbl-: ôtra la
v~ll'ur fixée, C'Jmmu finAlité dGS C u8,,1:i.·!~6s qui régiss<::nt la
crcissanco. Si c,~ttc moycnno, vari:: cl 'lin'
:1thni~j à l'autre, DU
s ' i l y a Un': m8rg~ d;.; fluctuati"n aU~ I!:;~ eJ'.Jlle, C'Jst que 10
dLtcrminism:; qui gouvr:rnu la crr~ issancc a UIl:: certaine élastici t~
dOo aU fait
qu'il est sonsible à d8S foct;'urs p~rturbatours
intorncs ou cxtiJrn[.~s. Lus individus ch;z qui la purturbation ost
impcrtanto ct dépass'~ lüs limiL,:s U[) t 'lLL'cncs, r8prés~~ntent
l'infime minorité dus Cas mnnstruuux
(nan~smu at gigantisme)
situés aux deux oxtr6mités du la courbe.
Si au lieu do taille,
j e mGsur~ la prc;:ssion sanguine, ou 1", ;J:'rimèJ.:;ro cranien ou tout
autre constanto physiologique, 10 cour l ,;, cL) fr6qucncG sGra oncors
voisine de la ccurbo d;] Gauss ot tendra Èl c(incider avec olle si
j'au gmcn te ind éf in im~;n t
le nombre cl S GU j: t s de men éch antillon.
La phénomène dom ure constant:
i l y a t: ujnurs un8 valeur moyenne
19quelle
du paramètre mesuré,
autour dOl 1
Sll
lJ:7c:UrU
lEl
majorité des
sujots,
qu'·;1.quus Cas aberrants sc: tr,:Llvant aux J,:UX extrémités.

7
Si la f~~rmation et le f nct:onll .
nt d.lS organes des
,
' t
. .
etres vivants n'étaient pas sous la d6p~ndanco ct un de armlnlSGG
(clest ~ dire dG lois aSsez stables)
.'t d'une finalité qu'exprime
l'orientation des actions vers d~s n~r~8S, les courbas trac6es
pour les tail'.us ou pour tout autra p~ram~tre biologique, na
seraiènt null;ml nt voisinr.s d,:.; lEt c: ILb', d~; Gauss. Un aurait
plutOt dos courb';s on zig zag '-"v:c d', gr6nJé3S variaticns, car
i l n'y aurait aucune raison d[~ n"
r:s trl.u\\Jor dans notre échan-
tillon das hommos de Om,SD, 2m,3J, 4 m ou plus, an aussi grand
n~mbre qUE coux do 1m,70.
L'uniformité des céJréJctèr:;s !"ni tomiquos i..:t physiologiques
d~s milliards d'individus qui unt JGjà oxisté dans
l'aspèce
hum",inc ot dans d'autrDs espèces,
~:(clut 10 hasard et l'anarchie
dans la mcrphogenèse et la physlolcQic des ~tr8s vivants.
Si nnus quitt'ins le ci,main,] d~: ]-8 biologie, pour aborder
celui dB la psycholQgi~, nous const~~crons los m~m~s résultats
que pr~cédGmment : la masur8 do p~rf'rmDncGs psychot~chniques
comma le temps dG réaction, la pr6c~si~n ct la vitGSSC d'exécu-
tion d'une tache (t~st d~s doux b~rc~gcs de Zazzo), 10 quotiont
intel2.;3ctuel,
•• etc,
d3s suj,;ts ck Il. 'sr' échantillon, nous dQn-
ncrait encore un] distribution quasi gaussienne. C'ost pourquoi
J.M. Favorge introduit 10 chapitre IV de son livre Méthodes
statistiques en psychologie appliquG~, ~n disant : "Laplace ot
Gauss ont défini une distribution par 'ntu dl nt l'impcrtanco ost

8
.
. . "
très grando on psych.-;loglD p~ ur plus~. urs ralsons •••

Nous pouvons dunc dj.rc
qu'J nous lisons finalité ct dét(.,r-
!
minismL dans la fixation
d~ Il vdlJur moyunnc dos constantes
vit~lcs, des performances psych0-t~chniquos ot, dBns los struc-
turcs anatomiquos ut l~s lo~s qui régissant la formation ct
los f'inctions des orgoncs.
Cl :-;::;.;; ainsi que nous constatons quo
la courbo do Gauss 8xfHim(·. as,-,~;Z bien C:1 rJÉ:h.:rminisme et ci3tte
finalité.
Un pour~ait nous objct0r quo la dé;;urminatinn de ces
constantws vitalos pr.. u·C "';t··7,; l': résultat dlun long r;ffort
d'ada[)tation dos organis:,HJs ViVrlltS,
aux cunèi tions physico-
chimiques imposées par l'
fi:: J.:·.r:u
oxtéri ..,ur.
Mais c.:.:tt;;; objection
s'évanuuit dès qu'on pI' .nJ
n ~Gnsid6ration le fait que dans
chaque CSp~CG vivantu 53 ~r .. uvc J6posé aU niveau des chromosomos
un c [j d Q
9 é n é t i que qui f ::.)W ù' él van c 8
1;') 5
Car î c t é ris -t i q l r es h é r é-
ditair~s dus individus. C rc_s Gn p~ut ~dmottro le possibilité
do mutetinns au niveau cl.s g~n.s, dOcs à dos perturbations
intcrnus ou i3xternos~ M~is c s mutations sont plut~t rares,
ot
de plus, lL,s apparflis:;cJf1t c[·mr:L.. étant des sortes d' :Jrrcurs
biologiques accid~ntallos. Stanislaw Tomkiowicz écrit à ca
propos "le séquence d:;3 bes.·s cc. trùs ll.'nguos m:.:.lGculos da /,DN
pJut ~trc purturbéc, Gt ~p m indrL modification du cxdo provoque-
ra des modifications dans l'~s rrotéincs synthétisées. I\\insi

9
toute..: me,:: fication
devenant h :r:;dic.::ire, ct qu'en appel18 muta-
tion,
doit etru considérée C-' ..!;l' lJn~ :.-rT,ur dans la séquence
dos paires do basa. Il (1). C' .~st ,;!',rr; qu'à C8 Iliv~;au tout ost réglé
seL1n une néc~]ssité qui ne s ~ J,(_:1.SSéJ i.las d6rangor, sauf r~ar dus
acciùants rarissimLs.
Nous pfJuvons dr.nc dir~ ~uu CL r.locanismc bi::m réglé qui
préside au niveau micrcbinlQg"'l~"; é-l la cOreDJcruction de l ' et ra
vivant on fixant
sa mL.·rphol"g:i.c;, 1<3 s-cructuI:C r"t los fonctions
do ses organes confirme cc d6~:.~m"n~smo Dt cotte finalit~ quo
par ailleurs nuus lison s dans 1- s 1l.lÎs,
dans l a ch a!n 0
de c ausCs
qui régissunt la réalis2t:inn d:JS n rn1~~S anatomophysLüogiques
fixéos aUX activités vitales.
Ccrt~s, cett~ finalité quit~Ansparait d~ns los carectèros
"t61éDnnm~qucs" d•. s ~tr~s vivents, impliqua, comme 18 souligna JA~4~e'
~ Monuù, l'ièée subjective; cL... prc jute Or SIÜOn Monod, la n2ture
ost obj cctiv8,
non proj oc·tivr.::.
tlut
.mlJnt dit,
la propriété téléo-
nomiquc dos ~tr8s vivants ost (m cl,ntrEldiction evoc 10 postulat
d'objectivité rlL la scic;;nco. Pl,ur fir;rltld,
la sciGncn ne peut avoir
recours à unG interprétation d~s ph~nom~nes on t8rm~s de Causas
finales.
Là, 18 biologiste somLl.; Dubliur los préoccupations dus
médL.cins, pour qui la noticn de scn-cé Gst dircct:;mcnt 8n rapport
avec la noti,-,n scientifique de
nc::cmalité,
de cDnfr:rmité à des
normes mesurables
: les r.sult2ts chiffrés d'une anolysu d~ sang

10
n~ sont ils pas int~Tprétés en fcncti Il cl:; normus fixéc.s, "VOUlUf;s"
par lé] Nature.
En :r.éi:l1 i t é, la di ffic ul té à laql:'"'ll Q sc heurte Monod,
c'est gèle tJ'l!n~ ;Jart i l roconnait CDm:.,I; t'~LJt le monde que l'inva-
riance et la téléonomie sont deux pTJpr~~t6J; caractéristiques
des @trL.s vivants,
st d'autra part i l ·.st partisûn d'une épisté-
mologie qui aprose comme contradict"i:tL p.-:ur la science ces d[?ux
propriétés. Dès lors i l ~_;st obligé d' Cl~abli:t par un acte dÇl--f.2i.
(non peI' une c -rti tude scianti fiqUE),
une R'.LiOJ:r.i té
do l'une sur
l'autre.
Il postul r:1 en effet:
"l'hY;-JDthéso consiciérée comme
seule Vë;lable aUX yeux dG la
sci'~ncc mdcrnr
à sav::,'ir
que l'inva-
riance précède nécGss8iroment la t81éon(~mi13l1, 8utx-8ilH'nt dit,
l'~tre vivant a d'ab~rd possédé (par h2s~rd) unD structure, et
par suite de réactions adaptatives G-G du j(~U de la sélcct;i.on
naturelle,
i l a acquis des propriétés téléonomiqu8s.
Nous disons,
quant à nous,
qu'il n':;;st pas aisé ,L; Gl:paro:=,
dans l'~trn vivant,
structure ct fonction,
m~mc par un subiarfugc évolutionniste, qui
n·_~ peut ~tre, rien d'Autre qu'un fy,stulat. En ;3ffct si "la prédis-
position opérationl1811e suppose l';:ss,mce" inversGm nt "le struc-
ture de l'~ssuncc est en fonction d~
s~ finalité ll • Par ailleurs
on ne psut 8cceptnr qu'on fasse passer peur vérité scientifique,
un postulat qu'on s' '-'st donné gratui·~'Iil'.nt. Voici par exemple,
une affirmation d'
co genre qUI~ fait j'lI nad "1:.; hasard s8ul est
à la source de:: toute:: nouvc;auté,
dD tuut:~ création dans la

1
1 1
biosphère"
;
malgré tout,
i l r
C]fi;'ê.~,t à la structure incrééE3
una propriété d' invariance,
c~' qui -FiJi t dire à Marc Oraison :
"étran ge combin a';.so n d' un h aS1n\\ qu i. iilt Ic;rd i t
le h as ard"
(l).
Eh cui !, i l n'est pas aisé d'év~cu:r l'intentionnalité qui se
l i t dans L:s ph:',nomènes vitaux.
Cc .s,'l,t les biologistes modernl3s,
eux m~mGs, qui s'exclament et C:6cli"lrc:lt 1[;6 mécanismes vitaux
"sntièr8mJnt logiques",
"mnrv~~lusu~ nt cohérents et ration-
naIs"
(2)
et chorchant à traduir8 cc qu'ils obsorv8nt par des
termes comme: projet, massage,
cheix,
désir,
idée dir~ctrice etc.
Monod n'a-t-il pas lui môm3 appelé r:~~I\\- messager,
la molécule
d' acid~'; ribonucl éique qui n)cu :l::,,~,',rj des in f(jrm ation s auprès des
mOlécules do DNA des chromosom.:s d~ nOyaU do la cellule vivante,
pour al,l.er les transmottra aUX rib"s.'mi.JS ÙU cytüplasmc ? Ces
ribosomes "déchiffront" le mCSSE:iJi; .:-c i.ndiqu.3nt aU fur et à. mesure
do leur lecture,
aux molécules de ~N~-t~ansfert, los acides amin~s
à lib6rer pour la synthèso do t
l~:' cu telle
autre protGine.
Tomkiawicz écrit è cs propos "L. Drl:, juuG ainsi 10 rôle dG donnour
d'information, 10 m RN~ celui d
t
~nsm~ttcur d'information,
tandis que le ribosome Gt le tl~~ f, nt f8nction do machines d'une
usine automatiqu13 qui fabriqu ,:':"ait l":s protéinos."
(.~).
Commo on ID voit i l ost inf~nimcnt plus rationnel de plac~r
à l'ori.,gin(~ dG ces m~rveilJ_l3ux rn'~l~ 11~5mt'S, uno Intal1igcnc8 orga-
nisatrico qu'un
simple hasard.
(1)
Dt
(2) LD hasard et la vL.,
.'i:r r~2rc Crsisun, p. 143 Gt 144.
(3) Lo dûvul::prcm nt bio1ogicl'j~; cJ'
l ' ,,';nfùnt
; p. 17.

12
En définitive, i l faut plut~t é12r~ir l'6pistém ologic
trop étroite do Ir obj ectivi té puro, peur r ':CDnna!tro comme le
biologisto Louis Bounouro que déb:rmin~.8rn~; ct finalité sont
deux lois do la nature,
intimc;m~;nt liéos choz los organismos
vivants Dt dans la biosphère (1). C'est C:ûns c:ttc perspective
que LachDli~r nous invitait ~ adm~ttrG le p~"ncip8 da Finalité,
en plus du principG ch C'.1usalité,
qui tcut s~ul, dit-il ne peut
!
fonder l'induction.
Il écrit en effet " •••
sn faco da la Causa-
1
lité, nous d;3vons pùsGr la Finalité ct c'r:st par i:J1le scu18mr:nt
~1
qu'achève de su constituer l-:J détormin'sffie (1::s phénemènes."
(2).
On ne pout en tout cas,
dovant un . distribution dos
J'0,·'.
..: "'+~
Valeurs d'un paramètre) biolCJgique aut:.û'rc-' cl 1 une l'llP"Y:~f1nD, ne pas
/ .....
.
',-
.'\\
:'"l'.'~
1
,
';
S8
demander pourquL.:i c~;tta homogénej_t~:éù.J'tilJF_:~.§l~c~rCmoyenne,
et pourquoi c.:."tte mDY(:JlI1nG. La prise
.1~'·c;m13ir:,~~~d~ CGS dL:luX
.-'
'-'::j;/
intorrogations nous amènu à xt::connaîtro qu ! 'la nrûi ti tude dB
phénomènes biolCJgiquGS dont la distribut:'(~n Gst représ::.:nt3ble
par la courbe de Gauss suggèrent un d6~.!rm~nisme et une finalité
qui les ont ordonnés et orientés.
(1) Voir son cuvragu : D6terminisr.le f.li fin21itu,
double loi de
la nature.
éd. Flammarion.
(2)
j
Du fondement d~ l'induction.
1
t