UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET ECONOMIQUES
LA SUCCESSION DU CHEF D'ETAT EN
DROIT CONSTITUTIONNEL
AFRICAlN
(Analyse juridique et impact politique)
THESE POUR LE DOCTORAT D'ETAT EN DROIT
Présentée et soutenue publiquement
le 29 Juin 1991 par
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JURY
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Président:
M. Bakary TRAORE \\"
",,/.
Maître de Conférences,
Di-Eeéteur de l'Institut des
droits de l'homme et d·è"'·.. la,:p~·ix de l'U.C.A.D.
Suffragants:
M.
Ibrahima FALL
Professeur Agrégé des Facultés de Droit,
ancien Doyen,
ancien Ministre
M. Crawford YOUNG
Professeur de Science Politique à
l'université
de Madison-Wisconsin
M. Moustapha SOURANG
Maître de Conférences Agrégé de Droit Public, Doyen
de la Faculté des Sciences Juridiques et Economiques
M. Babacar KANTE
Maître de Conférences Agrégé de Droit Public,
Directeur de l'U.E.R.
de Droit de
l'Université de
Saint-Louis

L' Univers i té
Cheikh
Anta
Diop
de
Dakar
n'entend
donner
aucune
approbation ou improbation aux opinions émises dans les thèses; ces
opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

REMERCIEMENTS
A mon père Zidane et ma fille Ndèye Faly,
toujours présents
à mes cotés.
A ma famille et mes parents pour leur sincère affection.
A mes chers Maîtres de
-l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar
-l'Université de Bordeaux l
pour le savoir qu'ils m'ont transmis.
A tout le personnel de l'U.S.l.S de Dakar, et particulièrement
l'ancien
et
l'actuel
directeur,
MM. Robert
Lagamma
et
Robert
Palmeri,
l'ancien et le nouvel attaché culturel,
Helen Picard et
Leslie High pour l'assistance matérielle et intellectuelle apportée
à
travers la bourse Fulbright qui m'a permis de mener à terme ce
travail. L'impression de cette thèse n'a été possible que grâce à
la générosité du centre culturel américain.
Au
Professeur
Donald
Rotchild
de
l'Université
de
Davis-
Californie; p.qur: les précieux documents,
ainsi que poü:r sa grande
disponibilité durant mon séjour à Davis
(Californie).
Au Professeur Crawford Young pour avoir réussi à m'intégrer
dans le staff du département de science politique de l'Université
de Madison-Wisconsin, à rendre mon séjour aux Etats-unis particu-
lièrement fructueux,
et surtout de m'avoir assisté intellectuel-
lement,
psychologiquement,
et matériellement
durant
toute
cette
période de préparation de la thèse.
A la famille Eileen Mc Namara de Madison-Wisconsin qui m'a
adopté,
et m'a aidé à expérimenter la culture américaine.
A mes chers collègues et mes chers étudiants des universités
de
Bordeaux
l
(1980-1981
et
1981-1982)
et
Cheikh Anta
Diop
de
Dakar.
A tous ceux qui, de loin ou de près, m'ont aidé matériellement
et moralement à la confection de cette thèse.

LISTE DES ABREVIATIONS.
Annal. Afr.
Annales Africaines
Année Afr.
Année Africaine
A.Asie
Afrique-Asie
A.C.
Africa Confidential
A. News
Africa News
Afr.
Today
Africa Today
A.
R.
Africa Reports
B.A.N.
Bulletin de l'Afrique Noire
D.
Dalloz
G.A.J.A.
Grands Arrêts de la Jurisprudence
Administrative
J.A.
Jeune Afrique
J.A.S.
Journal of African Studies
J.M.A.S.
Journal of Modern African Studies
M.T.
Marchés Tropicaux
N.E.A.
Nouvelles Editions Africaines
No.
Numéro
Pol. Afr.
Politique Africaine
p. (ou) pp.
page
(ou)
pages
pp et s.
pages et suivantes
R.A.D.S.P.
Revue Africaine de Droit et de Science
Politique
R.C.A.D.I.
Recueil des Cours de l'Académie
de Droit International
R.D.P.
Revue de droit public
R.F.E.P.A.
Revue Française d'Etudes Politiques
Africaines
R.F.S.P.
Revue Française de Science Politique
R.I.D.C.
Revue Internationale de Droit comparé
R.I.P.A.S.
Revue des Institutions Politiques et
Administratives du Sénégal
R.J.P.E.M.
Revue Juridique Politique et Economique
du Maroc
R.J.P.I.C.
Revue Juridique et Politique

l
1,' étude
de
la
succession
relève
à
priori
d'une
hérésie
constitutionnelle. Considérée comme un procédé à travers lequel le
pouvoir politique change d'agents d'exercice,
la sUcceSSlon trouve
sa
prédilection
dans
l ' inst i t ut ionna l i sa t ion
cons idérée comme
la
phase
la
plus
achevée
de
If organisation
du
pouvoir.
De
fait,
la
permanence
du
pouvoir
e::3t
garantie
par
l'existence
de
normes
abstraites procédant à
sa dévolution et à
son exercice.
Le pouvoir
se détache de ceux qui
sont
chargés
de
sa
mise
en
oeuvre
et
qUl
SOilt
éphémères
physiquement
(1).
C'est:
pour
ces
raisons
que
les
constitutions
prévoient
des
techniques
permettant
de
garantir
la
continuité du pouvolr.
Pa cler
al(~!rs ct' une
sucees s ion
de
gouvernant s
st i ns cr i t
à
contr'2--cou:cant cie
l'évolution du pouvoir.
En droit,
la succession
urJoque l'idée de tran.sfert de biens di lJJl dé-cujus à ses héritiers.
L'étymologie de la notion vient du lat_in "successio" signifiant le
"
fait
de venir.
,~
la
place
ou
a
la
suite
de . .. ".
fi Le
Robe r t "
la
définit
comme
"
la
transmission
du
patrimoine
laissé
par
une
personne décédée
(l'auteur)
a une ou plusieurs personnes vivantes.
Cette définition repose sur l'idée de transfert d'un
1
Burdeau ins lS te
sur "le ca ractère volontaire et,
en quelque
sorte,
artificiel"
que
revêt
l ' i nst i t_ ut ionna l isation.
Pour
lui,
l'institutionnalisation a pour "objet de créer artificiellement un
lien
juridique entre une
institution qui incorpore l'idée de droit
et
l'homme qui est
le
chef en
vertu
du
statut organique de
cette
-,
institution."
Cf.
Burdeau
(G.),
Trait_é
de
Science
Politique,
3.éd.,
T.I,
Vo.2,
Paris,
L.G.D.J.,
J980,
p.120.

3
ture,
il convient de
s'atteler à montrer la mesure
avec
laquelle
cette
notion
a
fait
l'objet
d'une
acculturation
juridique
et
politique dans les régimes africains.
L'idée
de
succession
s'intègre
dans
la
perspective
d'un
transfert
du
pouvoir
entre
deux
leaders
ayant
de
profondes
affinités politiques. Ayant la même vision du pouvoir,
l'accession
du
remplaçant
est
généralement
facilitée
par
le
prédécesseq~,
préoccupé par la continuité d'une politique qu'il a
définie,
mais
dont
il
n'est
plus
en
mesure
d'assurer
sa
réalisation
en
raison
d'une limitation juridique ou physique de ses compétences
ratione
temporis.
C~est le cas
lorsque
le mandat du
titulaire de
charges
politiques est limité dans le temps ou qu'il renonce,
volontaire-
ment ou involontairement,
à
ses attributions.
Le recours à la notion de succession est encore plus pertinent
lorsque
il
s'agit
du
transfert
d'un
pouvoir
personnalisé
par ~n
leader charismatique,
autoritaire ou d'un bâtisseur de régime.
Une
simple transmission du pouvoir ne suffit pas. Elle doit s'accompa-
gner d'un transfert de légitimité au profit de la personne choisie
pour incarner la continuité du pouvoir.
Or la légitimité est
une
condition
de
stabilisation
du
pouvoir
politique.
L'opération
juridique nécessite ce complément sociologique indispensable pour
garantir
le
transfert
harmonnieux
du
pouvoir.
Cette
double
dimension de la succession apparaît de manière évidente même dans
les
régimes
considérés
comme
les
berçeaux
de
la
démocratie
libérale.
En France,
par exemple,
les
spéculations
sur la
survie
de
la

République
à
son
fondateur,
le
général
De
Gaulle,

5
à
cette valorisation en raison du volume des études générales
(9)
et
sectorielles
("J)
consacrées
à
la
succession.
Inversement,
les
publications
en
français
sont
souvent
limitées
a des
études
sectorielles qUl ne font pas ressortir l'intérêt que présente une
ét ude g loba le de la sucees s lon
(II).
Cet te situation s' expl ique par
le
fait
qu'aux Etats-Unis
l'étude du
pouvoir politique intéresse
une variété de chercheurs venant de plusieurs disciplines complé-
mentaires en réalité:
le droit,
la science politique,
l'histoire,
Voir par exemple:
Burling (Robbins),
The Passage of Power: Studies in Political
Succession; New York,
New York Academie Press;
1974;
Calvert
(Peter)
The Process of Political Succession;
London,
Mc Millan Press,
1987;
Le Vine (Victor T.),
The politics of Presidential Succession;
Africa report,
Vo1.28,
No.3,
1983,
pp.22-26.
Voir
également
"Political
:3uccession
ln
the
Third
World",
numéro spécial de "Third World Quaterly",
Vol.1,
Janvier 1988.
III Voir entre
autres:
Hayward (Fred), La succession politique au Sierra Leone: 1985-
1986; Année Africaine 1985-1986,
Paris,
1988,
pp.121-145;
Karimi
(Joseph) et Ochieng
(Phil~p)~ The Kenyatta Su~cession;
Nairobi,
Transafrica,
1980;
Katz
(Stephen),
The
Succession
to
Power
and
the
Power
of
succession: Nyayoism in Kenya;
Journal of African Studies, Vol 12,
No.3,
1985,
pp.156 et s.;
"
Kenya
after Kenyatta",
numéro
spécial
de
"Africa
Today",
Vo1.26,
No 3,
1979;
Todd
(Michael),
Tanzania
after
Nyerere;
London-New
York,
Printer Publishers,
1988.
Il
Voir par exemple:
Burdeau
(G),
La
sucees s ion
du
Général
de
Gaulle:
rég ime
présidentiel ou régime parlementaire? Revue politique et parlemen-
taire,
Mai 1969,
pp.23 et s.;
Shwartzenberg
(R.G.),
La guerre de succession:
Les élections
présidentielles de 1969;
Paris,
P.U.F.,
1969,
292 p.;
Pétot
(J.),
La vè République et la continuité du pouvoir sous
de Gaulle et Pompidou
(1968-1974),
R.D.P.
1974,
pp.1649-1701;
Martin (O.)
& Oauch
(G),
L'héritage politique de Kenyatta:
la
transition politique au Kenya 1975-1982, Paris, L'Harmattan,
1985.

7
nants de faire prévaloir leur volonté sous le couvert du droit
(1.).
Ce
constat
apparaît
à
travers
la
succession
du
chef
d'Etat
africain.
Les mécanismes successoraux sont souvent banalisés dans
les
consti tut ion s
des
régimes
africains
a lors
que
la
sucees sion
esc
considérée
comme
un
véritable
" test
de
la
stabilité
" des
régimes
en
développement
(15).
Une
certaine pathologie,
illustrée
par
les
distorsions
apportées
aux
techniques
Lraditionnelles
de
trans fert
du
pou voir,
semble frapper
l' inst i t ut ion
sucees sorale
dans les régimes africains. La circonscription des termes de notre
réflexion permet alors de mettre en lumière l'anomalie qui frappe
l'institution successorale dans les régimes africains.
1: LA DEFINITION DU SUJET.
La technique successorale avait été opportunément adoptée au
début
des
années
1980
par
des
chefs
d'Etats
préoccupés
par
la
survie des régimes qu'ils avaient bâtis.
L'optique stratégique de
la
succession
apparaît
en
filigrane
derrière
le
juridicisme
apparent
de
l'opération
de
transfert
du
pouvoir.
En
effet,
la
succession
se
pose
avec
acuité
dans
le
contexte
particulier des
Etats africains dans la mesure où la notion de "chef" influence les
1.
Gonidec
parle
à
cet
égard
d' "un
impérialisme
naturel
du
pouvoir".
Celui-ci
est
"habile à
camoufler
les
violations
de
la
constitutions et même à faire croire que ces violations ne sont que
l'application de
la constitution."
Cf.
Gonidec
(P.F.),
Les
droits
africains:
Evolution
et
sources;
2.éd.,
Paris,
L.G.D.J.,
1976,
p.10S.
15
Cf.
Tarmakin,
The
Roots
of Political
Stability
ln
Kenya;
African Affairs,
Vol
77,
No.30B,
July 1978,
p.3l9.

9
a:
La succession d'Etats.
Dans une perspective large,
la succeSSlon peut
se poser dans
le cadre des
rapports
entre deux ou plusieurs
entités
étatiques.
C'est tout
le probème de la succession d'Etats
(17).
Celle-ci peut
être
la
résultante
d'une
scission
d'un
ancien
Etat,
unitaire ou
composé,
en deux ou plusieurs Etats
(IX)
Elle peut
aussi être la
conséquence de
l'accession d'anciens
territoires
sous
domination
coloniale à la souveraineté internationale. Ce fut le cas des Etats
africains
aux
lendemains
des
indépendances
oG
de
nouveaux
Etats
étaient
nés
des
cendres des
anciennes
colonies.
Enfin,
elle peut
être engendrée par la prise du pouvoir de l'Etat par un autre Etat
à
la suite d'une guerre entre Etats.
La
succession
d'Etats
repose
sur
l'idée
d'un
transfert
de
pouvolr.
Toutefois,
le transfert se produit
uniquement
entre les
personnes publiques étatiques.
La personnalité
juridique interna-
tionale
conférée
au
nouvel
Etat
lui
permet
ainsi,
non
seulement
d'organiser
son
pouvolr
interne,
malS
surtout
de
succéder
aux
17
.
,
Sur cette questlon,
VOlr
Fouilloux
(G.),
La succession aux biens publics français dans
les Etats nouveaux d'Afrique,
A.F.D.I.1965,
pp.885 et
s.
Zemanek
(K.),
State Succession after Decolonization,
R.C.A.-
D. 1.
1965,
T. 116,
pp. 245 et s.
Thiam
(C.T.),
La
convention
de
Vienne
sur
la
succession
d'Etats
en
matière
de
biens,
archives
et
dettes
d'Etat;
Annal.
Afr.,
1983-1984-1985,
pp.283-3ü4.
Prélot
(M.) et Boulouis (J.), Institutions politiques et droit
constitutionnel,
9.éd.
Paris,
Dalloz,
1984,
p.193;
IR
L'Etat
unitaire du Pakistan avait donné
naissance en
1971
à
deux Etats
unitaires distincts
Le
Pakistan
et
le
Bengladesh.
De même les Etats d'Autriche et de Hongrie sont nés des cendres de
l'empire
Austro-hongrois
qui
s'était
désintegré
à
la
fin
de
la
première guerre mondiale.

11
etc.)
ou
pacifiquemmenL
('u).
Généralement,
le
nouveau
régime
se présente comme l'antagoniste du régime précédant qu'il a
détruit.
La
succession
de
régimes
dépasse
le
changement
de
personnes physiques pour affecter profondément la philosophie même
du pouvoir au
sein de
l'Etat.
Dans cette
forme
de
succession,
il
est
constaté
une
mutation
des
règles
d'établissement
et
de
fonctionnement du pouvoir.
Au
delà
du
problème
de
légitimité
qu'elle
implique,
la
succession de régimes donne souvent naissance à des régimes de fait
qui
n'attirent
pas
l'attention du
juriste qui
se
préccupe
de la
stabilisation
du
droit
et
non de
sa déstruction.
C'est
pour ces
raisons
qu'il
convient
d'écarter
du
champ
d'application
de
l'étude les coups d'Etat,
en dépit du constat que "les relèves ont
été
plus
fréquentes
par
coups
d'Etat,
révolutions,
que
par
transfert
de
pouvoir
pacifique"
e\\).
Abstraction
faite
de
la
littérature abondante consacrée à ce phénomène
(u)
à la fois ancien
Un
régime peut
se
réformer par
évolution
coutumière ou
par l'action du pouvoir constituant dérivé. La révision peut,
tout
en
respectant
la
régularité
formelle,
se
traduire
par
une
véritable révolution
larvée.
Cette situation correspond à
ce que
Liet-Veaux appelle "la fraude à la constitution".
Cf. Liet-Veaux
(G.) ,
Essai
d'une
théorie
juridique
des
révolutions,
Paris,
Sirey,
1942.
2\\
Cf.
Conac
(G.),
Portrait du
chef d'Etat;
in
"Les pouvoirs
africains",
Pouvoirs No.25,
1983,
p.123.
22
Voir à
cet
égard Yannopoulos
(T.)
et Martin
(D.);
Régimes
militaires
et
classes
sociales
en Afrique
noirs,
R.F.S.P.
1972,
pp.847 et s.

13
titulaires de rôles politiques au sein d'un régime légitimé par son
environnement est une étape appréciable dans
le processus devant
aboutir au développement politique.
Or en
Afrique,
la
doctrine
est
relativement
unanime
quant
aux limites de la règle juridique qUl doit toujours être analysée
par rapport à son contexte socio-culturel. One définition juridico-
politique de la succession s'avère dès lors nécessaire pour mieux
rendre saisir de l'intérêt de la succession constitutionnelle dans
illégalité",
peut être légitime si le gouvernement de fait .qui en
est issu,
se conforme au principe du droit naturel.
Cf.
Ouverger
(M.),
Contribution à
l'étude des
gouvernements
de fait,
R.O.P.
1945,
p.77.
H
La dichotomie entre procédés violents et procédés pacifiques
de dévolution ou de transmission du pouvoir ne rend pas compte de
la démarche méthodologique adoptée dans cette étude.
En
effet,
l'accent
est
mis
sur
l'opposition
entre
les
successions
contitutionnellement
prévues
et
organisées, et
les
success ions
extra -con st i tut ionnelles.
La
success ion
extra -cons-
titutionnelle
suppose
généralement
le
recours
à
la
violence,
il
peut
arriver
des
cas

cette
forme
de
succession
soit
plus
pacifique que certaines successions constitutionnelles.
C'est ainsi que la IV République française a été pacifiquement
détruite en application de ses propres règles constitutionnelles.
Un tel procédé de révision correspond à ce que Burdeau appelle "la
fraude à la constitution" qui se manifeste par "un changement dans
les
formes
constitutionnelles
mais
sans
aucune
solution
de
continuité ne s'introduise en la forme entre le texte ancien et le
régime nouveau
par
lequel
s'extériorise
la
réussite
de
l'opéra-
tion" .
Cf. Burdeau
(G.), Traité de Science Politique,
3.éd., TIV,
Le
Statut du pouvoir dans l'Etat,
op.cit.,
p.
Inversement
la
succession
de
Bourguiba
s'est
déroulée
en
parfaite conformité
avec
les
stipulations de
l'article 57
de
la
constitution tunisienne. La procédure de constatation de l'empêche-
ment définitif avait été formellement respectée. Il reste que cette
succession ne s'était pas opérée pacifiquement.
On a
pu parler à
cet
égard
d'un
"coup de
force,
puisque
M.Bourguiba
n'était
pas
d'accord".
Cf.l'ambassadeur
de
France,
,Jean
Bressot,
cité
dans
J.A.,
No.14ü2 du 18/11/1987,
p.28.

15
l'attribution
ou
l'exercice
d'une
compétence
(27).
La
dévolution
concerne alors l'exercice d'un pouvoir et non les conditions de sa
transmission. A cet égard,
la première signification, au demeurant
la plus commune dans la littérature juridico-politique, est adoptée
dans le cadre de cette réflexion.
La dévolution est une forme de succession car le pouvoir fait
l'objet d'un transfert d'un
gouvernant
à
un autre.
Toutefois,
ce
passage peut emprunter plusieurs
formes.
Elle peut être violente
ou
pacifique,
réglementée
ou
di ffuse,
populaire
ou
inst i tut ion-
nelle.
La dévolution est alors plus large que la succession.
Si on
ramène l'analyse au
changement organisé dans
le cadre
d'un
régime,
la
dévolution
s'oppose
3.
la
succession
quant
à
la
détermination du moment
et aux
circonstances mêmes dans
lesquels
intervient
le
transfert
du
pouvoir.
La
dévolution
intervient
à
titre principal au moment des
élections en vue de
la désignation
de
nouveaux
gouvernants
alors
que
la
succession
s'effectue
généralement dans le cadre d'un pouvoir préalablement dévolu. Elle
peut
intervenir
avec
ou
sans
la
participation
des
gouvernés
au
choix du successeur (28). Toutefois, dans certains régimes, ces deux
27
C'est
ainsi
par
exemple
que
l'on
parle
de
dévolution
du
pouvoir exécutif au seul président de la République dans un régime
présidentiel.
28
Les exemples tirés
de
la succession à
la tête du pouvoir
exécutif aux Etats-Unis d'Amérique ou
dans
les
régimes parlemen-
taires majoritaires permettent de mieux circonscrire les contours
de la succession.
Aux
Etats-Unis
le
pouvoir
exécutif
fait
l'objet
d'une
dévolution
quadriennale
tandis
que
la
succession
intervient
en
cours d'un mandat déjà confié à un président élu. En cas de vacance
de
la
présidence
de
la
république,
le
Vice-président
prend
en
charge les pouvoirs du Président de
la République et ce,
jusqu'à

17
b:
La succession et l'alternance.
L'alternance
est
un
changement
du
personnel
dirigeant
qUl
n'affecte pas
l'infrastructure
juridique ou politique
du
régime.
Elle est
souvent
confondue avec
la
succession
en
raison
de
leur
objet et de l'encadrement du changement. Cette confusion apparais-
sait
dans
le
dernier
message
à
la
nation
du
président
Senghor.
Celui-ci devait procéder à une assimilation entre l'alternance et
la succession dans la mesure où ces deux notions ne s'excluent pas,
la succession étant une certaine forme d'alternance. Cette dernière
pouvait
se manifester
soit par "l'alternance des
partis exprimée
par des
élections
libres" ou
"l'alternance au
sein
du même"parti
exprimée par la montée des
jeunes"
eo).
Toutefois,
les
deux
notions
recouvrent
des
significations
différentes.
L'alternance
est
une
condit.ion
de
la
démocratie
pluraliste
(JI).
La démocratie repose en effet
sur le pluralisme des valeurs,
des comportements et désirs et s'efforce de concilier empiriquement
les
antagonismes
sociauz
à
travers
l' ezpres sion
du
pouvoir
de
suffrage. Dans cette perspective elle admet la compétition institu-
tionnalisée en vue de
la conquête et l'exercice du pouvoir. Cette
compétition est
inconcevable sans
l'existence d'une
opposition à
30
CLMessage
à
la
nation
du
31/12/1980;
R.LP.A.S,
No.1,
Avril-Juin 1981,
p.1S.
31
Burdeau
considère
à
cet
égard
l' alternance
comme
"la
conséquence d'une exigence rationnelle
inhérente au
concept même
de démocratie."
Cf.
Burdeau
(G.),
Traité de
Science
Politique,
3. éd. ,
T. V,
Les régimes politiques,
op.ciL.,
p.S63.

19
la dèvolution que la transmission du pouvoir. De surcrbit, elle est
inconcevable dans un
régime monopartisan
alors
que
la succession
pourrait être une technique de conservation d'un régime d'essence
néo-patrimoniale.
La succession,
sous l'angle constitutionnel et politique, met
l'accent
sur le transfert ordonné du pouvoir de l'Etat. Coakey la
considère comme "un transfert pacifique du pouvoir effectué d'une
portion de l'élite à une autre ou,
dépendant des circonstances de
matières et de définitions,
d'une élite à une autre, à l'intérieur
d'une structure de règles autoritaires établies
"
(34).
La succes-
sion,
au sens étroit,
concerne la circulation des élites beaucoup
plus que la succession des
régimes constitutionnels.
Elle vise à
la conservation du régime et non à sa destruction. Sa finalité est
d'assurer
la continuité,
sinon
la
perpétuation
de
l'ordre
cons-
titutionnel en vigueur.
Dans
la
succession,
l'accent est mis
sur
le changement physique à
la tête de l'Etat et la conformité de ce
changement aux règles d'organisation du pouvoir de l'Etat.
B:
LE CHEF D'ETAT AFRICAIN.
La
succession
ne
présente
d'intérêt
que
par
rapport
à
son
objet:
le chef d'Etat africain.
La détermination du titulaire de
la
fonction
au
sein
de
laquelle
s'opère
le
transfert
d'une
compétence donnée est importante.
En
effet,
la dysfonctionnalité
des règles successorales s'explique par la place réservée au chef
~ Coakey (John), Political Succession During The Transition
to
Independance:
Evidence
from
Europe;
in
Peter
Cal vert,
The
Process
of Political Succession,
Mac Millan Press,
1987,
p.59 et
s .

21
pouvoir
réel
est
entre
les
mains
d'un
chef
du
gouvernement
responsable devant le parlement et le pouvoir symbolique confié à
un chef d'Etat.
L'échec du parlementarisme se répercute
sur la structure du
pouvoir exécutif africain.
Le chef de l'exécutif symbolise l'Etat
à travers les attributions traditionnelles du chef d'Etat et exerçe
le pouvoir réel
localisé au sein de l'exécutif dont
il assure la
direction.
L'attrait du modèle des Etats-Unis d'Amérique apparait ainsi
dans la structuration institutionnelle des régimes en place. Ceux-
Cl
confèrent
au
Chef
de
1'Etat
un
leadership
incontesté
sur
le
pouvoir
exécutif
qui
est
monocéphal
par
nature
dans
un
régime
présidentiel.
Le chef d'Etat est entendu en Afrique au sens de Président de
la République. L'héritage pré-colonial des chefs traditionnels, et
colonial du chef blanc
(~), ainsi que le prestige qui s'y attache,
expliquent la préférence accordée au titre de chef d'Etat. Ceci est
tellement évident que même dans les régimes marxistes où le pouvoir
est
incarné par un parti unique,
le
secrétaire
général
du parti
s'approprie
également
du
manteau
de
chef
d'Etat
qui
est
plus
majestueux surtout dans les relations internationales.
2:
Un chef mythifié.
en Afrique noire francophone;
Penant,
No.790-791,
Janvier-Juillet
1986,
pp.129-140.
3H
Voir Coquery-Vidrovitch
(Cathérine),
A propos
des
racines
historiques
du pouvoir:
"Chefferie" et
"Tribalisme";
Pouvoirs No
25,
op.cit.,
pp.51-62.

23
nelles ou politiques permanentes au "contexte spécifique" africain
procède d'une vision éxotique du
pouvoir africain qu'on s'entête
à ne jamais considérer comme un pouvoir sur lequel s'appliquent des
paramètres politiques universels. Ainsi,
la thèse de " la politique
du
ventre
"
de
Bayart
céduit
la
représentation
du
pouvoir
politique
africain
à
sa
plus
simple
expression
à
savoir
la
satisfaction des intérêts matériels des gouvernants.
Illustrant sa
thèse de nombreux adages africains
(~), l'auteur dégage un certain
nombre
de
traits
caractéristiques
de
"
la
politique
du
ventre",
expression qu'il a
empruntée aux
camerounais.
Elle est appréciée
par rapport aux" situations de pénurie alimentaire qui continuent
de
prévaloir
en
Afrique
"

ajoute-il,
"
se
nourrir
reste
fréquemment un problème, une di ff icu l té, une inquiétude." En dehors
des
" envies et des pratiques"
alimentaires,
l'auteur ajoute
la
politique du " marivaudage "et" de manière suspecte ", précise-t-
il,
"la
localisation
des
forces
de
l'invisible
dont
la maîtrise
est
indispensable à
la conquête et
à
l'exercice du pouvoir"
(JA).
Cette "politique du ventre"
qui présente une dimension à
la fois
institutionnelle
et
sociale
nous
semble
être
une
illustration
caricaturale
et
une
vision
unili.méaire
du
politique
dans
le
University of California Press,
1982.
42
Bayart
(Jean-Francois),
L'Etat
en Afrique,
Paris,
Fayard,
1989,
43 9p.
013
Par
exemple
"
Les
chèvres
broutent


elles
sont
attachées",
Bayart
(J.F.),
L'Etat en Afrique; op. ci t ., p. 288 .
JA
Bayart
(J.F.),
L'Etat en Afrique,
op.cit.,
p.12.

25
des coups d'Etat militaires au cours de la troisième décennie des
indépendances
(~)
II:
LA PROBLEMATIQUE DU SUJET:
UNE ANOMALIE?
La
prise
du
pouvoir
présidentiel
par
des
moyens
extra-
constitutionnels se présente à prlorl comme les procédés de droit
commun de succession en Afrique.
Cette
anomalie
est
cultivée
par
la
stature
du
leader
à
succéder,
l'absence de
règles
lég i t imes de
succes s ion
ou
l ' inef-
fectivité des mécanismes successoraux.
En fait,
c'est la philoso-
phie
même
du
chef
qui
empêche
l'épanouissement
de
l'institution
successoLale.
Ainsi que le fait
remarquer Kodjo,
"le chef
(africain)
est là
et i l entend demeurer.
Il accède au pouvoir,
le consolide,
et s'y
maintient
jusqu'à sa mort"
(J~)
De son vivant,
le problème de
sa
succession
est
renvoyé
aux
calendes
grecques.
A
la
limite,
constitue même "une offense criminelle",
le fait d'inventer,
ou de
vouloir la mort ou la déposition du Président"
eo). Même la rumeur
Ainsi
l'année
1988
fut
la plus
pacifique
que
l'Afrique
ait jamais connue depuis 1962. En effet,
elle s'était achevée sans
coup
d'Etat
ni
même
de
succession
pacifique.
Cette
absence
de
succession marque-t-elle
un
lassement des militaires
ou bien
une
nouvelle
vision
de
la
conception
relative
à
la
dévolution
du
pouvoir? Il est encore prématuré de tirer des conclusions généra-
les
surtout
à
un moment
00
le continent
est
atteint par
le
vent
démocratique de la fin de la décennie 1980-1990.
J9
Kodjo
(E.), in "La Démocratie est-elle possible en Afrique?;
J.A.P1us,
No.3,
Novembre-Décembre 1989,
pp.16-17.
50
Menace
adres sée
aux
responsables
du
mouvement
pour
le
changement
de
la
constitution
par
Charles
Njonjo,
in
Africa
Contemporary Record,
1976/7,
p.B 219.

27
Il
s'agit
des procédés techniques organisant
les
conditions
dans
lesquelle
s'opère
le transfert du pouvoir présidentiel.
Ces
mécanismes
sont
souvent
prévus
et
aménagés
par
les
chartes
constitutionnelles ou
les statuts des partis.
Dans la pratique,
les règles successorales apparaissent comme
de
simples
clauses
de
style.
Leur mise
en
application
n'est
pas
souhaitée
du
vivant
du
Chef
qui préfère mourir
au
pouvoir,
s ' i l
n'est
pas
forcé
à
l'abandonner.
En
conséquence
les
mécanismes
successoraux sont libellés en termes très généraux faisant planer
des incertitudes sur la survie du régime en cas de disparition du
chef en place. Dans d'autres régimes, les règles successorales sont
mises en veilleuse au moment même de l'avènement des circonstances
qUl
just if ient son exi stence
(').
Les exemples montrant l'ineffectivité du mécanisme successoral
sont
nombreux.
La
succession
constitutionnelle
n'arrive
pas
à
s'acclimater dans les régimes africains. Ce constat vaut également
dans les régimes où la règle successorale a pu remplir la fonction
pour laquelle elle a été créee. En effet,
là également,
l'observa-
tion
montre
que
cette
règle
est
souvent
manipulée
par
un
chef
voulant
assurer
à
tout
prlx
sa
succeSSlon.
De
fait,
les
règles
successorales
sont
souvent
créees ou supprimées
au gré des
chefs
en place. L'institution successorale devient alors une institution
circonstancielle,
à
la
limite une institution
scélérate,
appelée
54
Ainsi
dans
l'ancienne
République
Populaire
du
Congo,
les
successions ont toujours été arrangées en marge du droit
succes-
soral en vigueur.

29
rit ion du chef d'Etat ou le fruit d'une stratégie du chef en place
pour transférer le pouvoir à un successeur de son choix. Appliquant
la démarche du "civiliste",il est possible d'opposer la succession
d'un héritier à un dé-cujus et la succession entre vifs.
Dans le premier cas,
la vacance du pouvoir présidentiel étant
indépendante de la volonté de son détenteur,
la succeSSlon s'effec-
tue
sans
arbitrage venant d'en haut.
La transition est effectuée
à
la
suite
d'une
guerre
de
succeSSlon
entre
les
prétendants,
généralement du vivant du chef. La guerre de succession intervenant
durant
la
vacance du pouvoir présidentiel affaiblit
le régime en
le
mettant
à
la
portée
d'un
coup
d'Etat
e5 ). Enfin en cas de
succession
résultant
de
la
mort
du
chef
d'Etat,
le
successeur
dispose
d'une marge d'iniative plus
grande.
Cherchant à
secrèter
une
légitimité distincte de celle du prédécesseur,
il n'a pas de
compte à
rendre à une quelconque tutelle.
La
succession
peut
intervenir
aussi
entre
vifs.
Ici
le
prédécesseur s'assure généralement du succès de son opération.
Sa
présence,
vis ible ou
invi s ible,
pourrait
a lors gêner les
initia-
tives du successeur.
La recherche d'une
légitimité propre pour ce
dernier ne peut intervenir qu'à la suite d'un conflit ouvert entre
~
La prise du pouvoir par l'armée en Guinée le 6 Avril 1984
montre en effet que la classe gouvernante d'un pays s'auto-détruit
en
se
tiraillant
à
des
moments

la
cohésion
est
impérative.
Contrairement au cas kenyan où un groupe a
accepté la défaite au
nom du maintien du système'.1S'i} place, en Guinée l'irréductibilité des
clans avait sonné le glas du régime mis en place par Sékou Touré.

:n
et
sociologique,
est
particulièrement
visible
à
propos
de
la
succession du chef d'Etat africain.
1:
La dimension juridique.
La
succession
pose
le
problème
des
"mécanismes
à
travers
lesquels
un
nouvel homme peut ètre choisi pour occuper le sommet
du pouvoir dans sa société"
(58).
Etant un procédé de transmission
du pouvoir,
se pose alors la question de la nature et des modalités
techniques
successorales.
Celles-ci
dépendent
de
la
nature
des
cégimes et des préoccupations des gouvernants.
Le
régime
relève
du
domaine
du
construit,
contrairement
au
système qui relève du vécu d'une société
(SY).
Chaque régime dispose
de règles fondant son originalité par rapport aux autres régimes.
En
est-il
ainsi
des mécanismes
successoraux
qui
dépendent
de
la
nat ure
d1J
rég ime.
Aux
régimes
démocratiques
correspondent
des
procédés démocratiques de dévolution et de transmission du pouvoic
et
inversement,
aux
régimes
non
démocratiques
correspondent
des
procédés
non
démocrat iques.
Or
la
front ière
entre
ce
qui
est
démocratique
etce qui ne l'est pas est très fluide.
De
plus,
étudier
la
succession
à
partir
de
la
nature
des
régimes africains suppose un préalable qui est la détermination de
la
nature des
régimes africains.
Il est
admis que
les catégories
58
Bu r lin g
(R • ) ,
The passage
of
Power:
Studies
in
Political
Succession,
op.cit.,
p .1.
5Y
Voir à
ce propos Duverger
(M.),
Institutions politiques et
droit
constitutionnel,
Tome 1;
Paris,
P.U.F.,
16è édition,
1980,
p.27.

33
perspecti ve étroite)"
(64).
L'Etat, dans la perspective large, c'est-à-dire comme un slège
de principes organisationnels,
est un Etat fortement
décentralisé
notamment en ce qui
concerne ses
sources de
légitimité.
Dans
les
Etats
multi-ethniques
ou
fortement
régionalistes,
les
règles
d'organisation de l'Etat coexistent avec les règles périphèriques
pour concourlr au fonctionnement et à la stabilisation du pouvoir
de
l'Etat.
Dans
ce
cadre,
le
débordement
des
règles
modernes
d'organisation
et
d'exercice
du
pouvoir,
peut
être
source
de
difficultés relatives à la détermination des principes ayant valeur
de
lois
de
l'Etat
en
rai son
des
rival i tés
inter-ethniques
et
surtout la faible marge d'autonomie de l'Etat
(65).
Une telle con-
ception du fonctionnement de
l'Etat garantit la pérennité du chef
en place. Celui-ci est plus préoccupé,
non pas par la rationalité
des règles,
mais par la permanence de son pouvoir.
En clair,
dans
ces
pays,
ce
sont
les
chefs
eux-mêmes qui
font
planer
le doute,
l'incertitude sur le devenir de la société de manière à apparaître
toujours indispensables. La stratégie aàoptée est alors de souffler
64
Rothchild
(Donald),
Social
Incoherence
and
the
Mediatory
Role
of
the
State;
ln
Arlinghaus
(Bruce
E.)
African
Security
Issues:
Sovereignty,
Stability,
and Solidarity;
Westview Press,
Boulder,
Colorado,
1984,
pp.99-l25.
~ C'est pour ces raisons que Jomo Kenyatta et Houphouèt Boigny
d'Etat devaient profiter des ambigüités résultant du fonctionnement
de
l'Etat,
siège
de
principes
organisationnels,
pour
cultiver
volontairement
des
incertitudes
relatives
à
la
continuité
des
régimes qu'ils avaient bâtis.
Au Kenya les principes d'organisation du pouvoir débordaient
largement le cadre de l'Etat dans
la mesure où Kenyatta,
un chef
charismatique, n'hésitait pas à recourir aux règles traditionn~lles
dans
la détermination de ses
rapports avec les autres
organ~s de
l'Etat ou avec les gouvernés. C'est ainsi qu'il devait par exemple
institutionnaliser le
serment
d'allégeance des
autorités gouver-
nementales
ou
traditionnelles.
Cette
pratique
n'avait
pas
été
expressement prévue par la constitution.
En Côte d'Ivoire également la source du pouvoir politique de
l'Etat
ne
se
réduit
pas
exclusivement
aux
règles
posées
par
la
constitution.
Le
Président
Boigny,
un
chef
traditionnel
Baoulé,
recourt
souvent
à
la
coutume
pour
justifier
sa
philosophie
notamment de la succession.

35
Seulement
même
dans
les
cas

le
chef
d'Etat
en
fonction
organise sa succeSSlon,
il faut noter que la succession n'est pas
tout
à
fait
libre.
Celle-ci
fait
intervenir plusieurs paramètres
et
variables
qui
tiennent
compte
"des
intérêts
du
chef
d'Etat
sortant,
de
ses
supporters
et
de
ses
associés
malS
aussi
les
ambitions des divers concurrents pour le pouvoir,
des
desseins du
dauphin
officiel,
et
finalement
les
intérêts
du
peuple.
Les
objectifs de
ces
acteurs
n'étant pas
nécessairement
compatibles,
ce qui favorise
les uns handicape les autres"
(0).
A côté des préoccupations liées à la nature des régimes et des
stratégies des gouvernants,
la succession intègre une autre donnée,
cette
fois
sociologique,
relative
à
la
faible
légitimation
de
l'opération successorale.
2:
La dj,rnension sociologique.
La
succession
ne
se
réduit
pas
à
un
simple
inventaire
des
rès les
de
tran smis s ion
du
pouvoir.
Il
faut,
en
plus,
garant ir
l'effectivité du processus successoral.
Il faut une acceptation de
la règle successorale et celle du successeur.
Le problème posé est
relatif
à la légitimité considérée comme le fondement de l'obéis-
sance
des
gouvernés
à
l' act ion des
gouvernant s.
I l s ' ag i t
de
la
dimension sociologique du pouvoir juridique des agents d'exercice
du pouvoir étatique,
c'est-à-dire du consentement des
citoyens au
w
)
Hayward
(F.
,
La
succession
politique
au
Sierra
Leone;
op.cit.,
pp 122-123.

37
particulièrement opératoire pour l'analyse des régimes africains.
En effet, ces trois formes de légitimité se retrouvent à des degrés
plus
ou
moins
variables
dans
la
perception
et
l'aménagement
du
pouvolr politique en Afrique.
L'application
de
la
typologie
webérienne
à
l'analyse
des
régimes
africains
montre
que
les
légitimités
traditionnelle
et
charismatique sont plus perceptibles
que
la
légitimité légale et
rationnelle.
En
effet,
ces
réglmes
modernes
manquent
souvent
de
légitimité du
fait
qu'ils
sont
une
création
étrangère.
Ils
sont
construits autour d'un
syncrétisme
constitutionnel
combinant
des
modèles
empruntés aux anciennes
puissances
coloniales,
au
régime
présidentiel des Etats-Unis et à celui parti unique de l'URSS
(73);
sans
aucune
préoccupation
sur
la
réceptivité
du
modèle
par
son
usages
qui
s'enracinent
dans
un
passé
ancestral,
la
légitimité
chari smat ique,
elle,
se caractérise par le dévouement des
su jets
à
la cause d'un homme et par leur confiance en sa seule personne"
en tant qu'elle se singularise par des qualités prodigieuses,
par
l' héroisme
ou
par d'autres
qualités
exemplaires
qui
en
font
le
chef"
( Le savant et le politique,
op.cit.,
p.1ü2).
La
légitimité légale-rationnelle,
par contre,
est celle qui
s'impose en vertu de "la légalité",
en vertu de la croyance en la
validité
d'un
statut
légal
et
d'une
compétence
fondée
sur
des
règles
établies
rationnellement.
Cette
forme
de
légitimité
correspond à
la légitimité
formelle.
(Le savant et
le politique,
op.cit.,
p.1ü2).
Pour
des
développements
sur
la
théorie
webérienne
de
la
légitimité,
Voir:
Weber
(M.),
The Theory of Social
and Economic Organization,
translated
by
A.M.
Henderson
and
Talcott
Parsons
ed.,
with
an
introduction by Talcott Parsons, London, The Free Press of Glencoe,
1947,
436 p.
Weber
(M.),
Economie
et
Société,
traduit
de
l'allemamd ... ;
Paris,
Plon,
1971,
651 p.
73
Voir à
ce
propos
l'analyse
de
Owona
(Joseph),
Le pouvoir
Executif;
Encyclopédie
juridique
de
l'Afrique,
T.1,
L'Etat,
Abidjan-Dakar-Lomé,
N.E.A.,
1982,
p.98

39
La nouvelle dimension à introduire dans l'analyse est relative
à la légitimité internationale qui est indispensable à la stabilité
des gouvernants africains.
La persistance des intérêts hérités de
la
colonisation
et
l'exportation
vers
le
continent
africain
des
conflits idéologiques font de la succession du chef d'Etat africain
un
problème
qui
n'est.
pas
purement
domestique.
Cette
variable
internationale apparait
de plus
en plus comme une donnée
interne
car
elle
peut
équilibrer
ou
arbitrer
définitivement
le
combat
opposant
les
protagonistes;
chacun
cherchant
à
bénéficier
du
soutien des puissances
étrangères intéressées par la
succession.
La
légitimité
internationale
a
un
impact
dans
le
choix
des
gouvernants
africains
à
côté
des
autres
formes
de
légitimité
dégagées
par
Weber.
Le
succès
de
l'opération
successorale
est
dépendant d'une certaine
bénédiction
de
l'environnement
interna-
tional.
La recherche va dès
lors s'articuler autour de l'identifica-
tion des techniques successorales permettant d'atteindre l'objectif
assigné à l'institution successorale.
Il s'agira de montrer que la
continuité
du
régime
dépend
de
l'effectivité
des
règles
de
transmission
du
pouvoir
présidentiel.
L'existence
de
mécanismes
successoraux légitimes et mlS en oeuvre conformément à l'ordonnan-
cement constitutionnel garantit la survie de l'infrastructure cons-
titutionnelle et politique. Au delà du simple transfert du pouvoir
successeur.
Cf.
Schwartzenberg
(Roger Gérard),
Sociologie politique,

éd.,
Paris,
Montchrestien,
1988,
p.249

41
successions
constitutionnelles
intervenues
dans
les
régimes
africains
a
été opéré
en
vue
d'analyser
tous
ces
transferts
de
pouvOlr dans une perspective à la fois théorique et dynamique. Une
monographie
ne
permet
pas
de
saisir
les
données
du
problème
successoral
en
Afrique
du
fait
de
l'absence
de
comparaison
fructueuse
permettant
de
dégager
un
modèle
global
de
succession
constitutionnelle
en
Afrique.
Les
matériaux
d'analyse
accumulés
devra ient
permettre
de
mieux
j usti fier
l' opt ion
méthodologique.
Dans
cette
perspective,
toutes
les
situations
sont
prises
en
compte:
les
successions
qui
se
sont
déjà
produites
et
celles
à
venlr.
En
effet,
sans
anticiper
sur
le
cours
de
l'histoi"re,
il
convienc de remarquer que les problèmes posés sont presque partout
les mêmes.
De
même,
la
référence
au;:
Etacs
de
l'Afrique
francophone,
anglophone,
lusophone
ou
arabophone
manifeste
une
volonté
de
dépasser
la
division
artificielle
souvent
adoptée
par
les
afri-
canistes
fondée
sur
le
critère
linguistique.
Les
réalités
du
pouvoir
africain
étant
les
mêmes
(76),
une
délimitation
fondée
uniquement sur le critère linguistique ne peut rendre compte de la
dynamique des régimes africains. Le politique en Afrique doit être
saisi dans
sa globalité et non dans
sa diversité linguistique ou
70
Il
en
est
ainsi
par
exemple
de
la
personnalisation
du
pouvoir,
du système du parti unique ou dominant,
du multipartisme
déséquilibré,
du poids des traditions etc.

43
"l'encadrement
juridique des phénomènes po l i t iques"
(78),
le droit
constitutionnel,
en tant que discipline normative,
est d'un grand
secours
pour
la
connaissance
des
règles
de
fonctionnement
d'un
régime donné.
Discipline juridique qui lmpose une méthode qui est
celle
du
droit
(9),
les
matériaux
d'analyse
qui
ont
cours
dans
cette discipline
(w)
assurent une bonne compréhension des
règles
d'organisation et de fonctionnement des régimes considérés.
Mais
il
est
nécessaire
de
dépasser
le
cadre
de
l'analyse
exég~tique et
recourir
également
à
l'approche
institutionnelle.
Celle-ci permet de dépasser le cadre de l'interprétation exégétique
en prenant en considération les facteurs historique ou politique.
1/ application
de
cette méthode
à
l'étude
de
la
succession cons-
titutionnelle
permet
de
rendre
compte
des
règles
positives
de
transmission du pouvoir et ceci dans une perspective dynamique du
fait
de
l'impact
des
données
historiques
et
politiques
qui
constituent
le
soubassement
d'une
institution
donnée.
Ainsi,
l'adoption d'un modèle successoral et la procédure de transmission
du pouvoir,
du déclenchement de la vacance jusqu'à l'intronisation
du
successeur,
sont
les
conséquences
de
l'agencement
des
règles
juridiques
et
ne
peuvent
être
comprises
qu'à
travers
la méthode
n
Hauriou
(A.)
et autres,
Droit constitutionnel et
in-
stitutions politiques;
6.éd.,
Paris,
Montchrestien,
1975, p.9.
N
Luchaire (François), De la méthode en droit constitutionnel.
R.D.P.
1981,
p.
275
8()
Les
textes
constitutionnels,
ainsi
que
les
exposés
des
motifs qui les accompagnent, les jurisprudences constitutionnelles,
les statuts des partis politiques sans oublier les déclarations des
hommes politiques.

4S
l'encontre des buts qui lui ont été assignés par leurs auteurs
(~).
Le
champ
d'application
du
droit
constitutionnel
est
limité
aux
seules
règles
constitutionnelles;
l'effectivité de
ces
règles
ne
peut
pas être appréhendée à
travers
une méthode d'analyse essen-
tiellement exégétique.
b:
Le dépassement de la démarche institutionnelle.
Pour
étudier
la
portée
des
dispositions
juridiques,
une
nouvelle école de droit
constitutionnel
(84),
propose de dépasser
la
simple exégèse et élargir l'étude du droit constitutionnel en
t.enant
compte
des
instruments
d'analyse
forgés
par
la
science
politique qui entretient des
rapports d'osmose avec le droit
(u).
U
Ainsi les règles successorales forgées par M.Ahidjo avaient
permis d'assurer sa succession sans pour autant atteindre l'obje-
ctif
visé
qui
est
la
continuation
de
la
politique
qu'il
avait
déterminée.
~
Chantebout
(Bernard),
Droit
constitutionnel
et
science
politique; 7.éd., Paris, A.Colin,
Paris,
1986. Dans l'avant-propos
de
cette édition,
l'auteur mettait
l'accent sur l'impor kance de
la
science politique dans
la
formation
de
la culture générale du
futur juriste. La science politique est l'une des bases essentiel-
les
de
la
culture
générale.
Appelé
à
manier
le droit,
le
futur
juriste
doit
d'abord
comprendre
ce
qu'il
est
et
comment
il
s'élabore.
Cette conclusion est pertinente surtout pour les jeunes Etats
confrontés
eux-mêmes
à
la
recherche
d'un
droit
adapté
considéré
comme
"
instrument
de
progrès"
avec
notamment
"l' avè ..... nement
du
droit au développement".
Cf. Kouas s igan
(Guy
A.),
Quelle
est
ma
loi
?
Tradition
et
modernisme
dans
le
droit
privé
de
la
famille
en
Afrique
noire
francophone;
Paris,
Pédone,
1974,
p.178.
85
"Le droit est ainsi replaçé dans
la science politique,
les
deux
s'éclairant
mutuellement. "
écrit
Duverger,
Institutions
politiques
et
droit
constitutionnel,
Tl
Les
grands
systèmes
politiques -,
Paris,
P.U.F.,
16 éd.,
1980,
p.22.
Pour
Duverger
cette
double
approche
simultanée
caractérise
\\lune
méthode
européenne
et
surtout
française
d'analyse
des
phénomènes gouvernementaux" . . .
qui "freine le développement d'une
véritable science politique tout en étant un antidote utile contre

47
valeur
heuristique
indéniable
( RH )
Indépendamment
du
travail
d'investigation
et
de
systématisation
de
Easton,
la
méthode
d'analyse offre un cadre général de réflexion applicable à toutes
les
sociétés;
traditionnelles
ou
modernes,
développées
ou
en
d ,
l
t
(H~).
eve oppemen
L'application
de
la
méthode
systémique
à
la
succession
constitutionnelle du chef d'Etat africain permet de rendre compte
des modalités et de la finalité de l'opération successorale.
Deux paramètres de l'analyse systémique peuvent être utilisés
dans les modalités:
les exigences et l'auto-alimentation.
S'agissant
des
exigences,
il
faut
noter que
le
départ
d'un
mysthification, Revue Française de l'Enseignement Supérieur,
1965,
No.4;
- Voir aussi le numéro spécial de la Revue Française de Socio-
logie
,1970/1971;
notamment
les articles de t1.
Charles Roig,
La
théorie générale des systèmes et les perspectives de développement
dans
les
sciences
sociales,
pp.84-90;
Georges
Lavau,
Le
système
politique et son environnement,
p.169-181;
Cot
(Jean-Pierre)
et
Mounier
(Jean-Pierre),
Pour
une
sociologie politique,
Tl,
Paris,
éd.du Seuil,
1974,
pp.222-225;
-Denquin (Jean- Marie), Science politique, Paris P.U.F, 1985,-
pp.165-170.
"
Pour une critique des critiques de l'analyse systémique,
VCJlr
Seurin
(,J.L.),
Pour
une
analyse
conflictuelle
du
rapport
majorité opposition en .démocratie pluraliste, op.cit., pp.1ü7-111.
~ Bipoum-Woum fait remarquer que l'analyse systémique a été
explicitement appliquée à l'Afrique par J.W.Zartman en 1966-67 dans
le domaine des relations
internationales.
Dans son étude sur la succession présidentielle intervenue au
Cameroun, Bipoum-Woum devai t i n s i ster sur" l' incontournabl e ana lyse
des systèmes" qui permet "d'avoir de la vie politique et des
ins-
titutions d'un pays donné
une compréhension
suffisamment
précise
et large qui s'appuie non seulement sur leur connaissance intrin-
sèque mais aussi sur leur conditionnement extérieur".
Cf. Bipoum-Woum (Joseph Marie), Le nouveau Cameroun politique;
R.J.P.I.C.,
1983,
No.3,
p.656-657.

49
systémique pour mieux analyser les
règles
juridiques
relatives à
la
succession.
Cette
complémentarité
permet
de
montrer
que
le
succès d'une opération successorale dépend avant tout de l'adoption
de modèles
successoraux
légitimes
dont
la
mise
en
oeuvre vise à
assurer
la
survie des
régimes considérés.
Or la pratique succes-
sorale dans les régimes africains montre une vaine recherche d'un
modèle successoral légitime
(première partie). En outre,
la conti-
nuité recherchée est souvent hypothétique
(deu::ième partie) .

49
b/s
PREMIERE PARTIE:
L'INTROUVABLE MODELE SUCCESSO~~L
LEGITIME.
La succession est, a prlorl, une simple opération juridique
visane à
aménager le transfert du pouvoir entre ses différents
agents d' e:::ercice dans le cadre d'une structure constitutlonnelle
et politique donnée. Toutefois,
cette opération technique n'est
pas
abstraite.
Elle doit
tenir
compte
de
la
cohérence
interne
des
régimes
concernés.
Le
mécanisme
successoral
est
en
effet
conditionné
par
la nature du
régime en
cause.
Ainsi,
dans
les
réglmes où le pouvoir est consldéré comme une propriété collec-
t ive
rés idant
dans
le
corps
socia l,
la
techn ique
su ccessora le
doit
être
organisée
de
manière
à
ce
que
le
prlncipe
de
la
participation
des
gouvernés
au
shoix
des
gouvernants
soit
effectivement
garanti.
Inversement,
dans
les
régimes

le
pouvoir
est
entre
les
mains
d'une
oligarchie
(dynastique,
militaire,
partisane etc.),
la succession est organisée en vue
de garantir la perpétuation du groupe qui est 'auz commandes de
l'appareil d'Etat.
Toutefois,
la dépendance du modèle successoral de la
nature du régime n'est pas absolue.
Les techniques succes-
sorales pouvent varier à l'intérieur de régimes appartenant à
une même catégorie constitutionnelle.
Ce constat est pertinent
particulièrement dans les régimes africains qui ne sont pas
encore identifiés par rapport aux catégories classiques et
dont les règles d'organisation sont aménagées en vue de sauve-
garder les pouvoirs du chef en place.
Ces préoccupations

51
TITRE 1: DES MODELES SUCCESSORAUX SYNCRETIQUES.
Les modèles successoraux sont nombreux et variés.
Il
s'avère indispensable de les classer.
Or toute typologie pose
des difficultés.
Les méthodes d'approche utilisées sont sou-
vent contingentes et conduisent à une relativité des clas-
sifications proposées.
Aucun critère théorique n'est univoque
car aucune approche doctrinale n'est à
l'abri de critiques
mettant en lumière les insuffisances qu'elle recèle.
La classification des modèles successoraux ne fait pas
exception à la règle.
Plusieurs approches ont été proposées et
chacune contient ses propres insuffisances.
L'approche lût. plus extensive est celle qui oppose les
procédés démocratiques et
les procédés non démocratiques de
dévolution ou de transmission du pouvoir. Mais la faiblesse
relative de cette démarche réside dans
la notion même de
démocratie. Celle-ci,
ainsi que le soutient Robert Dahl,
est
non seulement une chimère
(1),
mais constitue le modèle de
référence de tous les gouvernants.
Ce critère tiré de la
1
R.Dahl écrit à
ce propos:
"La démocratie du fait qu'elle
n'a
jamais
été
complètement
réalisée,
a
toujours
été
et
est
encore
une
doctrine
révolutionnaire
en
puissance.
Car
tout
système qui se prétend démocratique est vulnérable à l'accusation
de
ne pas
l'être
assez,
de
ne
pas
l'être
réellement
ou
tota-
lement.
Cette accusation
est
fatalement
justifiée,
car
aucune
forme de gouvernement n'a
jamais été entièrement démocratisée.
Aujourd'hui encore,
comme nous
le savons tous,
les
régimes
que
l'on
appelle
ordinairement
démocraties
sont
loin
d'être
des
systèmes
politiques
totalement
démocratisés.
La
démocratie
ne
s'est jamais approchée de près de ses limites théoriques,
qu'il
s'agisse de l'Etat . . . ou d'autres institutions."
Robert Oahl, Après la révolution, Calmann-Lévy, 1970, p.15.

53
spécificité des techniques au sein de régimes politiques de
même nature.
De surcroît,
il est exclusif. En effet,
il ne
prend pas en considération le régime monarchique qui,
évi-
demment,
n'est ni républicain,
nl communiste,
ni tiers mon-
diste. Surtout,
le Tiers Monde ne doit pas être considéré
comme un modèle général,
global ou permanent.
Enfin un critère,
fondé
sur le moment même 00 intervient
la succession,
est proposé par Fambaré
(4).
Cette approche qui
oppose la succession entre vifs et la succession suite au
décès du titulaire de la fonction présidentielle,
nous semble
ajouter plus de confusion â
la tentative de classifier les
modes de succession.
L'auteur range dans un même bloc des
modèles fort variés en tenant compte uniquement des cir-
constances de la succession
(').
Ce critère ne présente d'inté-
rêt que par capport â
la période post-successorale s'agissant
de la position du successeur face à
un prédécesseur vivant ou
bien face â un régime orphelin du fait de la disparition du
chef fondateur.
La relativité des critères de classification des modèles
successoraux conduit â proposer une autre démarche plus em-
pirique.
Le paramètre d'analyse et d'évaluation repose simple-
Burling
(Robbins),
The
Passage
of
Power,
Studies
in
Political Succession,
op.cit.,
p.4.
4
Fambaré
(Natchaba Ouattara),
La succession constitution-
nelle du chef d'Etat dans les régimes africains; Penant No.796,
Janvier-Mai 1988,
pp.5-42.
5
IL nous semble que le modèle gabonais de succession adopté
en 1967 se rapproche plus du modèle sénégalais en vigueur de 1976
â
1983 ou du modèle camerounais de 1979 â 1984 que des modèles
du Kenya,
de l'Angola ou de
l'Algérie.

55
CHAPITRE 1: LES PROCEDES PARTICIPATIFS DE SUCCESSION.
Les procédés participatifs de succession sont ceux qui
présupposent l'intervention des gouvernés au processus de
désignation du successeur.
Il s'agit là d'une technique plus
conforme aux exigences de la démocratie entendue comme un
système dans lequel les gouvernants sont investis d'une légi-
timité populaire provenant de leur élection directe ou in-
directe par les gouvernés.
Toutefois,
ce caractère démocra-
tique peut être relativisé par le fait que l'élection est de
plus en plus considérée comme une condition nécessaire mais
insuffisante pour déterminer la nature démocratique d'un
régime ou d'un procédé constitutionnel.
En outre,
un procédé
peut être démocratique sans
recevoir l'onction populaire,
comme c'est le cas de la succession sans élection du Président
des Etats-Unis par le Vice président.
L'élection implique une compétition entre plusieurs
acteurs politiques.
Elle confère ainsi un pouvoir de choix au
citoyen
(")
dans l'expression de la volonté populaire. Or i l
6
Schumpeter définit par exemple la démocratie à partir de
la
variable
concurrentielle.
Pour
lui,
la
démocratie
est
"le
système institutionnel,
aboutissant à des décisions politiques,
dans lequel des individus
acquièrent le pouvoir de statuer sur
ces décisions à l'issue d'une lutte concurrentielle portant sur
les votes du peuple". Cf. Schumpeter, Capitalisme, Socialisme et
Démocratie,
extrai t
publ ié
dans
"La
démocratie
plural i ste" ,
textes réunis et présentés par Jean-Louis Seurin, op.cit~, p.32.
Autrement
dit,
i l
ne
saurait
y
avoir
de
démocratie
sans
compétition
entre
adversaires
politiques
reconnus
et
protégés
contre
les
manipulations
éventuelle
de
la
fraction
qui
a
en
charge les affaires de la collectivité publique.

57
de la légitimité qUl permettait à ses prédécesseurs d'exercer
une autorité sans partage dans la direction de la société
civile.
Seulement,
l'élection,
entendue comme un choix des gou-
vernants,
va connaitre des vicissitudes qui vont la vider de
toute sa portée.
L'élection-choix devint incompatible avec
cette nouvelle conception du pouvoir en ce sens que sa mise en
oeuvre passe par l'existence d'un pluralisme fonctionnel
(7)
Ce manque de choix populaire se répercute sur le paysage
institutionnel des
régimes concernés.
Les parlements étant
monolithiques
('),
les représentanLs du peuple sont souvent
appelés à
ratifier qu'à arrêter un choix politique.
Il
faut
néanmoins se garder de généralisations hâtives.
Certains
régimes africains ont toujours fonctionné selon le modèle
pluraliste
(9)
et en 1990,
l'Afrique,
dans son ensemble,
allait
7
Au
demeurant
l'existence
d'un
pl ural isme
n'est
pas
une
condition
suffisante de la démocratie.
En effet,
la démocratie
pluraliste peut être structurelle sans être fonctionnelle.
Dans
plusieurs
constitutions africaines,
par exemple,
le pluralisme
était consacré mais dans les faits
il était ineffectif.
Même dans les régimes où le pluralisme partisan était réel,
la démocratie ne pouvait se mesurer par le nombre des partis. Il
faut
rendre
fonctionnel
ce pluralisme
en
secrétant des
règles
statutaires et politiques~antissantla participation effective
de l'opposition dans le fonctionnement du régime.
En outre,
l'existence d'une opposition
institutionnalisée
n'est pas une condition suffisante si celle-ci ne s'intègre pas
dans
le
régime
en
acceptant
les
règles
du
jeu
et,
plus
par-
ticulièrement, sa vocation à conquérir le pouvoir par suite d'une
alternance électorale. Pour remplir ces conditions,
l'opposition
doi t
se
structurer,
avoir
un
programme
credible
et
surtout
disposer d'un leader reconnu comme tel.
x Sur
les Assemblées africaines,
voir Christine Desouches,
Les Assemblées,
in Encyclopédie juridique de l'Afrique,
op.cit~,
pp.57-96.
" La Gambie,
l ' I l e Maurice,
le Botswana.

59
elle a été instituée.
A:
LA REPRISE DU MODELE FRANCAIS.
La réforme constitutionnelle de
1962 introduisit une
dimension nouvelle au régime politique mis
en place par la
constitution de 1958
(")
avec l'élection du président de la
république au suffrage universel direct et,
de manière inci-
dente,
la catégorisation d'un modèle successoral qui se spéci-
fie à
la fois des modèles parlementaire et présidentiel de
succession.
La "succession à la française"
se distingue de la "suc-
cession à
l'américaine" sur deux points.
Le régime français ne
prévoi t
pas l' e:üstence d'un vice-pré s iden t
(12).
En outre,
la
Il
Sur
cette
réforme
et
les
controverses
sur
le
cons-
titutionnalité
du
recours
à
l'article
Il
pour
réviser
les
articles 6 et 7 sur l'élection du Président de la République au
lieu
de
la
procédure
de
révision
expréssement
prévue
par
l'article
89 de
la constitution
française
de
1958,
voir entre
autres:
-Lampué
(P.),
Le mode d'élection du
Président de la République
et la procédure de l'article Il,in R.D.P. Sept-Oct. 1962, pp.931-
935.
-Hauriou (A.), Le problème de la constitutionnalité du référendum
du 28 Octobre 1962,
in R.D.P.
Sept-oct.1962,
pp.
936-949.
-1'1aestre
(J. Cl. ),
Remarques
sur
les
procédures
utilisées
pour
réviser
la constitution en vingt ans
de Vè République,
in Mel.
Kayser,
P.U.A.M.,
1979,
pp.151 et s.
-Pour une présentation académique de la controverse doctrinale,
voir les développement de Debbasch (Ch.), Pontier (J.M.), Bourdon
(J.),
Ricci
(J.Cl),
Droit
constitutionnel
et
institutions
politiques,
op.cit.,
pp.534-539.
12
Si la création de l'institution vice-présidentielle a été
préconisée par un courant doctrinal
comme un moyen de garantir
la continuité juridique du
pouvoir d'Etat
(Cf.
Jacques Robert,
S'il y'avait un vice-président,
"Le Monde" du Il Avril 1974),
la
doctrine
constitutionnelle
et
polit ique
considère
en
général
cette
institution
inutile
et
source
de
complication
dans
le
régime politique français où l'exécutif est déjà bicéphal
( Cf.
Debbasch (Ch.), Pontier (J.M.), Bourdon (J.), Ricci (J.Cl), Droit
constitutionnel et institutions politiques, op.cit., pp.576-577,
Voir aussi les raisons
invoquées par le Général De Gaulle,
pour
justifier
le
réjet
du
régime
présidentiel
en
France,
Conférence de presse du 31 Janvier 1964,
in " Les grands textes

61
Techniquement.
ce modèle passe par deux étapes dont la
première est commune à tous les systèmes 00 la succession est
élective
(élection-choix ou élection-ratification):
il s'agit
de la suppléance et de l'élection directe du successeur.
1: LA SUPPLEANCE.
La suppléance est une technique d'aménagement de la
continuité juridique du pouvoir garantissant sa permanence
alors que la personne physique qui l'incarne est dans l'impos-
sibilité juridique ou matérielle d'exercer ses prérogatives
('~). Ils' ag i t d'une technique j ur idique qui a cependant des
incidences politiques dans
la mesure 00 son aménagement dépend
non seulement de la philosophie du régime mais aussi et sur-
tout des rapports de force prévalant entre les organes de
l'Etat. Ainsi en France,
la volonté de restaurer l'autorité du
Sénat,
affaibli
sous
l'empire de
la constitution de la Ivè
République et la détermination du Général de Gaulle de renfor-
cer l'autorité du Chef de l'Etat ont amené le constituant de
1958 à mettre en place un système original de suppléance
(16).
électorale,
issue des élections,
et d'autre part sa "légitimité"
historique,
issue
du
16
Juin
1940.
Son
successeur
ne
pouvant
posséder la seconde "légitimité" qui était pour lui la première
dans le temps et la première en valeur,
i l fallait tenter de la
remplacer par une élection lui donnant la même autorité."
Cf.
Cadart
(J.),
Institutions
politiques
et
droit
cons-
titutionnel,
op.cité,
pp.858-859.
15
La
suppléance,
l'intérim
et
la
délégation
sont
les
principales
techniques
d'organisation
de
la
continuité
du
pouvoir. Pour l'étude approfondie de ces techniques, voir infra,
?~RT, II, ..,.~ 1 (J-\\.!.
16
Sur ce problème,
voir
Godfrin (Ph.),
La suppléance au Président de la République:
échec ou succès,
0.1969,
chr.XX,
pp.167-170.
Berlia
(G.),
Le
référendum
du
27/4/1969
et
l'intérim
présidentiel; R.O.P.
1969,
pp.451-459.
Rivero
(J.).
Intérim et con...kinuité;
"Le Monde" 15/5/1969.

63
les sénateurs.
Le Sénat,
dans l'esprit des auteurs de la Vè
République,
était appelé à modérer les ardeurs éventuelles du
pouvoir politique partagé entre le gouvernement et l'Assemblée
nationale.
Or les
résultats de cette entente voulue ne furent
pas à
la hauteur des espoirs du premier chef d'Etat de la Vè
République.
La détermination du premier président du Sénat,
Gaston Monnerville,
à
s'opposer au recours à
l'article Il pour
réviser l'article 7 de la constitution
(19)
avait grippé la
dimension humaine de la collaboration recherchée.
De surcroît,
le second président du Sénat de la Vè République avait con-
tribué au départ du premier président de la vè République en
se jetant personnellement dans la bataille contre les projets
initiés par le Général de Gaulle et soumis au référendum pour
son adoption en 1969.
La victoire du " NON" qui avait en-
trainé la démission du Général de Gaulle devait par la suite
rendre difficile la cohabitation entre le suppléant A.Poher,
et le gouvernement formé par le prédécesseur.
Surtout la
candidature de Poher à
l'élection présidentielle de 1969 face
au candidat soutenu par le gouvernement
(Pompidou)
avait mis
en lumière les imperfections du système de suppléance.
En
effet,
loin d'être une autorité indépendante incarnant la
continuité,
le suppléant devait descendre dans l'arène politi-
que,
donner ou recevoir des coups de nature à porter atteinte
à
sa credibilité.
Le suppléant ne peut remplir correctement sa
19
Voir notamment
son
discours
du
9/10/1962
et
recours
en
inconstitutionnalité
qu'il
avait
introduit
auprès
du
Conseil
constitutionnel.
Cf. Maus
(D.).,Les grands textes de la pratique institution-
nelle de la vè République;
op.cit.,
pp.50-51.
Les grandes décisions de la jurisprudence constitutionnel.

65
Jours au moins et:. trente--cinq jours au plus
(22)
à
compter de
la survenance du
fait générateur de la vacance.
Le point de
départ du delai
varle selon qu'il s'agisse d'une élection
présidentielle intervenant en
fin de mandat ou d'une élection
présidentielle anticipée.
Dans
la première hypothèse,
le delai court à compter de
l'expiration des pouvoirs du chef d'Etat en fonction si bien
qu'il n'y a pas de discontinuité dans l'exercice de la
fonc-
tion présidentielle.
Toutefois,
11
peut se poser un problème
de compétence ratione temporis si le chef d'Etat en fonction
ne s'est pas reprèsenté à
sa succession ou a été battu aux
élections présidentielles.
Il pelle cohabiter avec
le chef
l:j'Et:.ac nouvellemenr. élu
(Ll)
Dans
l'autre nypothèse,
qUl ·:ôst celle de la vacance,
le
delai se compte,
sauf cas de force majeure constatée par le
conseil constitutionnel,
à
partir de l'ouverture de la vacance
~I Le constituant prévoit généralement un delai plus ou moins
court pour éviter l'application par le suppléant d'une politique
personnelle.
~ Ce problème s'était posé en France en 1981. Le septennat
de M.Giscard d'Estaing venait à echéance le 24 Mai 1981 si
l'on
tieclt
compte de
la proclamation des
résultats des
élections de
1974.
Son successeur était élu le la Mai 1981 et proclamé le 15
Mai 1981 de sorte que deux présidents se trouvaient en fonction
pendant neuf jours.
Par
une
formule
suggérant
une
sol ut ion
conci l ia t r iee,
le
conseil constitutionnel
indiqua dans sa décision de pr061amation
que le cessation des fonctions du président sortant aurait lieu
"au plus
tard",
le
24
L"lai,
date intermédiaire entre l'echéance
du
septennat
compté
à
partir de
l'élection
précédente
(la
Mai
1974) ou compté à partir de la proclamation des résultats
(24 Mai
1974).
Une partie de la doctrine devait considérer que,
juridi·-
quement le président sortant s'était implicitement démis de ses
fonctions
sans que cette démission entraine la vacance dès
lors
que le successeur était déjà proclamé élu
Cf.
Prélot
(M.)
et Boulouis
(cT.),
Instltutions politiques
et droit consticutionnel;
op.cit.,
p.67 7 •

67
et
non pour la période restant â courir du mandat de son
prédécesseur.
Le transferc du pouvoir présidentiel s'opère lCl
dans
le cadre d'une véricable dévolution alors que la succes-
sion,
dans sa conception étroite,
intervient dans
le cadre
d'un pouvoir déjà dévolu.
Le modèle fcançais est plus conforme â
la
légitimité
populaire des gouvernants en raison du
choi~ direct du succes-
seur par
les citoyens.
Il présente également des avantages
indénlables pour le successeur qui est alors
investi d'une
légitimité propre et non déléguée,
même si le tranfert des
légitimités concurrentes est toujours
indispensable pour
renforcer
L'autorité du successeur,
surcout lorsque ce dernier
?st appelé a remplacer un leader charismatique.
~e~ avancages indéniables
justifient
la
reprise de ce
modèle dans plusieurs régimes africains.
B:
LES AVATARS DU MODELE FRANCAIS EN AFRIQUE.
Le modèle de l'élecclon-cholx consticuait
jusqu'en 1990
une exception en Afrique en
raison de
la rareté du multipar-
tisme et surtout de la volonté des constituants des rares
Etats pluralistes de faire
l'économie d'électlons
(M).
Le modèle de l'éleccion-choix connait des dysfonctionne-
ments en raison des imperfections du pluralisme fonctionnel en
Afrique.
Les parcis d'opposition se trouvent dans une position
telle qu'ils ne constituent réellement pas une menace pour le
parti au pouvoir.
Dans ces conditions,
le choix du peuple est
26
En
é ta i t - i l a i n s l
du
modèle
successoral
sénégalais
de
1976
â
1983
ou
bien
du
modèle
actuellement
en
vigueur
au
Botswana.
Sur ces modèles,
'Je_LI
plus
loin.

69
Septembre 1971,
la suppléance est assurée par le vice-prési-
dent.
Désormais il revient au président de l'Assemblée du
Peuple ou,
au cas 00 celle-ci serait dissoute,
au président de
la Haute Cour Constitutionnelle
(art.84,
al.l)
de veiller à
la
continuité du pouvoir présidentiel en cas d'interruption avant
terme du mandat du chef de l'Etat.
La structuration du régime égyptien
fait apparaitre une
coexistence de techniques d'organisation du pouvoir inspirées
à
la fois du régime présidentiel et du régime parlementaire.
Au sein de l'exécutif cohabitenc un président de la Républi-
que,
un Vice-président et un Premier ministre.
Le chef de
.
l'Etat détermine les grandes options nationales et contrôle
l'activité gouvernementale alors que le Premier ministre est
chargé du quotidien politique.
Il
est responsable devant le
chef de l'Etat qui
le nomme et
le
révoque
discrétionnai-
rement.
Toutefois l'originalité du régime se situe dans les
relations entre le Premier ministre et le Parlement.
L'Assem-
blée du Peuple devenue le Parlement depuis 1971
(w)
est com-
posée de membres élus au suffrage universel direct.
Elle
dispose d'un droit de critique de l'action gouvernementale
sans cependant être investie d'un pouvoir de censure.
En effet
le Premier ministre n'est responsable ni devant le Parlement,
ni devant le parti
el).
Quelle est la place du Vice-président dans toute cette
architecture constitutionnelle? Le Vice-président égyptien se
W
Waterbury
(John),
Egypt: Burdens Of The Past, Options For
the Future; American Universities Field Staff,
Inc.1978,
p.250.
31
John Waterbury,
op.cit.,
p.250.

.. .1
une
nouveauté.
Le système écait
en
vigueur de 1963 à 1976.
La
suppléance est confiée dU
président de
l'Assemblée
nationale qui est
investi
d'une double
légitimité:
populaire
eL
parlementaire.
Ce modèle est
généralement
considéré comme
étant
le plus conforme é
la
légitimité démocratique des gou-
vernants dans un systeme de démocratie plurallste à
partir du
moment
ou
i l permet :lU l::Jeuple de désigner: dir:ectemenc
celui à,
oui
sera confiée
La continuité
du
pouvoir d'Etat.
Le suppléant
sénégalais
jouit même d'une légLtimité encor:e plus grande que
son
homologue français
en ce sens
que
ce dernler est élu au
second deare alors que
le p~ésident de
l'Assemblée nationale
est
élu aL
premier degré.
Dans
cette même
perspective compara-
Clve,
l'organlsatio~ de
la
suppléance nous
parait beaucoup
plus démocratiqU\\:" dl] Sénégal
ne
serait.-ce
suc
le plan théorl-
que.
En
effet,
alors que
la
suppléance
du
suppléant
français
est
assur:èe par le gouvernement,
au Sénégal
elle est toujours
assurée par des autorltés élues.
La
révision constitutionnelle
du
1 Mai
1983 confie en effet
la
suppléance du
suppléant aux
Vice-présidents de l'Assemblée nationale
dans
l'ordre de
préséance
(art.33,
al.2
de
la constitution) .
II:
LA PATHOLOGIE DE L'ELECTION-CHOIX EN AFRIQUE.
Dans ces deux pays considérés,
le
successeur est élu au
suffrage universel par
le corps des électeurs.
La
succession
passe par une compétition politique entre
les différents
protagonistes.
Elle impllque une possibilité pour
les élec-
teurs de choisir entre deux ou plusieurs
candidats à la suc-
L.S.Senghor au Président P-bdou
Diouf,
R.D.P.1985,
1513-1552.

73
de l'absence de choix réel des gouvernés dU processus succes-
soral organisé par le parti unique.
Le régime égyptien va se structurer sous Sadat qUl,
malgré son autoritarisme et ses recours constants au référen-
dum,
devenu un moyen de gouvernement lui permettant de passer
par dessus la tête des députés,
sera l'initiateur de la cons-
titution du Il Septembre 1971 et du multipartisme avec la
transformation des
forums de l'ancien parti unique en partis
politiques.
Le pluralisme entendu comme la faculté
reconnue
aux partis politiques de se constituer et de lutter pour
gagner les suffrages des électeurs,
devenus acteurs et non
sujets politiques,
est le cricère déterminant permettant
d'intègrer l'Egypte de Sadat ,et ensuite de Moubarak,
dans
les
ilôts de démocratie J[wltipartisane qui existaient en Afrique
jusqu'à la fin des années 1980. La succession de Sadat n'avait
pas fait
l'objet d'une compétition entre les acteurs en raison
du choc provoqué par son assassinat et de la protection du
régime menacé par des
forces centrifuges de tout bord.
Toute-
fois,
elle est
intervenue dans un environnement constitution-
nel permettant
juridiquement aux acteurs de lutter pour la
conquête du pouvoir présidentiel.
Contrairement à
l'Egypte,
le Sénégal a
eu à expérimenter
pendant longtemps
la démocratie libérale.
Les partis 201iti-
ques foisonnaient pendant la décolonisation et aux lendemains
des indépendances.
Le système du parti unique de fait
n'avait
existé que de 1965 à
1976 à la suite des dissolutions et

75
code électoral controversé
(30).
La flexibilité de l' identifi-
cation de l'électeur rendait "plus aisée une fraude électorale
par substitution de personne sur une grande échelle" alors que
le passage facultatif par l' isoloir
(~) affecte la sincérité
du pouvoir de suffrage dans une "société structurée sur la
base de données traditlonnelles propres à
l'Afrique"
(41).
La
régularité des élections est contrôlée par la Cour Suprême qui
dispose d'une compétence de droit commun en ce qui concerne
W
Sur les problèmes posés par l'ancien code électoral, voir:
- Debène
(M.)
et
Gounelle
(M.),
Le
Sénégal,
du
Prés ident
L.S.Senghor au Président Abdou Diouf;
op.cit.,
pp.1532-1538.
-Nzouankeu
(J.M.),
R.I.P.A.S.,
No.6-7,
Janvier-Juin 1983,
pp.80-82.
-Diop
(Serigne),
Le
Code
électoral
sénégalais;
in
"Le
Citoyen",
No.5,
Septembre/Octobre 1983,
pp.2-10.
40
I-1'article
2
de
la
COllstitution
(Loi
constitutiol1nelle
No78-60 du 28 Décembre 1978)
posait le caractère secret du vote
dans
les
conditions
fixées
par
la
loi.
L'art.
L. 50
du
Code
électoral
devait
prévoir
l'usage
facultatif
de
l'isoloir.
Le
P.O.S. (Parti
Démocratique
du
Sénégal)
devait
intenter
deux
recours
non
fructueux
contre
l'art.
L. 50,
les
requêtes
étant
irrecevables pour tardivité.
Dans
l'arrêt du
13 Mars
1978,
Abdoulaye
Wade
c/Elections
prés identielles
du
26
Février
1978,
la
Cour
Suprême
devait
préciser
la
portée
du
caractère
secret
du
vote.
Pour
le
juge
suprême,
cette règle "a pour objet de protéger les électeurs et
impose à
l'administration chargée d'organiser les élections, de
mettre à
la disposition des votants
des
installations qui leur
permettent
de
se
soustraire aux
regards
pendant
qu'ils
intro-
duisent le bulletin qu'ils ont choisi dans
l'enveloppe qui leur
est
remise
à
cet
effet . . . le
votant . . . peut
renoncer
à
cette
protection; qu'il a la faculté,
soit par l'usage de l'isoloir mis
à sa disposition,
soit par tout autre moyen de se soustraire aux
regards
au
moment
d'introduire
son
bulletin
dans
l'enveloppe;
mais
qu'il
lui
est
également
possible
de
passer
de
l'une
à
l'autre
formalité,
sans
que
cette
attitude
puisse
lui
être
opposée pour tenir son vote nul et non avenu,
à condinon que son
comportement soit volontaire."
Voir à
ce propos Sylla
(S.)
et Diop
(S.),
Les compétences
de
la Cour Suprême du Sénégal en matière constitutionnelle;
in
"Les Cours Suprêmes en Afrique",
T.1,
Paris,
Economica,
p.333.
41
-Debène
(M.)
et Gounelle
(l''L),
Le Sénégal,
du Président
L.S.Senghor au Président Abdou Diouf;
op.cit.,
p.1534.

77
Ce second procédé démocratique fait appel non au peuple,
mais à
ses représentants élus.
C'est généralement dans les
régimes parlementaires que ce procédé est le plus usité.
La préeminence des parlementaires sur le chef d'Etat
trouvait son fondement dans la légitimité populaire dont les
parlementaires étaient les seuls à
jouir au
sein des pouvoirs
publics.
Le chef d'Etat ne dispose que d'une
légitimité délé-
guée qui le met dans une situation inférieure vis-à-vis des
parlementaires et aussi,
dans une certaine mesure,
des membres
du gouvernement qui proviennent du parlement et qui sont
responsables de la politique nationale devant
les députés.
L'élection du chef de l'Etat par le parlement,
n'a pu
s'acclimater à
l'environnement des
régimes africains.
Cette
technique a pratiquement disparu avec
l'échec des
régimes
parlementaires dès les lendemains des
indépendances.
Ce cons-
tat doit cependant être nuancé.
Dans certains régimes politi-
ques de tradition britannique,
le parlement peut participer au
choix du chef de l'Etat. Qui plus est,
l'élection du succes-
seur par le Parlement a été expérimentée avec succès au Bots-
wana en 1980.
A:
LA PART DU PARLEMENT DANS LE CHOIX DU CHEF DE L'ETAT.
La participation du Parlement dans
le processus de dési-
gnation du chef de l'Etat est encore dynamique dans
le~ Etats
africains de la "common law".
Ici,
l'héritage du modèle de
"Westminster" constitue un trait marquant des
régimes dans la
mesure où les chefs d'Etat sont en étroite relation avec les
parlementaires.
Si actuellement il y'a une forte tendance en
faveur de l'élection du Chef de l'Etat au suffrage universel

79
peuple. Ce fut
le cas au Kenya de 1964 à 1968 et de nos
jours
les cas de la Zambie et du Botswana.
Le poids du parlement des
Etats africains de tradition
juridique britannique dans le processus de désignation du chef
de l'Etat se
justifie par le fait que le parlement sous le
colonisation était le seul lieu où les représentants des
populations pouvaient faire entendre leurs voix.
Une autre raison réside dans le statut hybride du prési-
dent qui est à
la fois
chef de l'Etat et chef du gouvernement.
En tant que chef de l'Etat,
il entretient des relations proto-
colaires avec le parlement,
mais en tant que chef du gouverne-
ment,
il est membre du parlement,
ce qui lui permet de par-
ticiper à la procédure législative. Son élection à
la tête de
l'Etat passe d'abord par son élection au parlement.
Ainsi,
le
chef de l'Etat et les membres du gouvernement
sont avant tout
des représentants de leurs circonscriptions législatives.
Ce
statut hybride trouve son fondement dans "l'approche africaine
du chef", "approche directe et simple" qui est "le reflet de la
pensée et de la tradition africaines voulant que l'élu de la
nation ait sa résidence et ses racines dans une localité où i l
est l'élu de ses concitoyens",
ce qUl fait que le peuple" ne
veut pas d'un Président de la république incapable de gagner
une élection dans sa propre circonscription ou dans son propre
district"
CM)
46
Selon
Tom Mboya,
ancien
ministre
de
la
Justice
et
des
Affaires
constitutionnelles
du
Kenya,
dans
son
discours
de
présentation de la nouvelle constitution Kenyane à
l'Assemblée
Nationale
le
7/10/1964.
Dans
la
logique de
l'architecte de
la
constitution républicaine du Kenya du 13 Décembre 1964,
disait-
il, i l est inconcevable d'avoir "un président incapable de gagner
une élection dans sa propre circonscription. Nous ne voulons pas

81
législatif.
Cette dépendance apparait ~ travers
l'élection
simultanée du président de
la République et des députés,
la
responsabilité du cabinet,
y inclus
le chef de l'Etat,
devant
les députés et
le droit de dissolution accordé au chef de
l'Etat.
Si celui-ci est élu au suffrage universel direct,
l'élection de son successeur en cas de vacance prématurée du
pouvoir présidentiel incombait â
l'Assemblée nationale.
Ce
système est
logique â
la structuration des régimes des Etats
anciennement colonisés par la Grande Bretagne et surtout â
la
nécessaire concordance entre les élections présidentielles et
législatives.
Etant membre de droit de l'Assemblée nationale,
élu à
la
magistrature suprème par le biais de
l'élection des députés,
le successeur du chef d'Etat disparu ne pouvait valablement
ètre désigné que par l'Assemblée nationale,
d'autant plus que
le successeur est élu pour terminer le mandat du prédécesseur.
Il n'y a pas de successeur préalablement déterminé par la
constitution,
mais un dauphin politique,
généralement le Vice-
président qui,
nommé par le chef de l'Etat au sein des membres
élus ou nommés de l'Assemblée nationale est en position privi-
légiée pour remplacer le président en cas d'interruption
prématurée de son mandat. Après le décès en Septembre 1980 de
Sir Seretse Khama,
la continuité du régime fut assurée con-
formément â
la constitution,
par le Vice-président Quett
Masire.
Cinq jours après la disparition du dirigeant histori-
que,
Masire fut
unanimement choisi par
le parti au pouvoir et
élu par l'Assemblée nationale pour achever le mandat de Khama

83
tout de même pas
la démocratie à
partir du moment 00 le plura-
lisme politique est garantie ainsi que les droits des citoyens
qUl,
en dernière instance,
arbitrent
le
jeu politique
SECTION II:
LA SUCCESSION -
RATIFICATION.
Cette forme de succession met
les citoyens devant une
situation leur imposant de se prononcer sur un choix préala-
blement arrêté. A la différence de l'élection directe par les
gouvernants,
ou indirecte à
travers ses représentants,
impli-
quant ainsi un choix,
la succession-ratification ne laisse aux
citoyens aucune possibllitè réelle de choix.
Un pouvoir d'ar-
bitrage n'esc pas reconnu au niveau du choix mais les gou-
vernés disposenc d'un pouvoir de sanction de l'opération
successorale. Ce pouvoir de sanction est
relativement
limité
en ce sens qu'il n'intervient que
longtemps après l'opération
successorale comme c'est le cas dans
les régimes parlemen-
taires majoritaires alors qu'il est purement inexistant dans
les régimes de parti unique du fait de l'absence de choix
politique.
La succession-ratification présente dès lors deux
variantes:
-Une variante démocratique,
ce qui est le cas dans les
régimes multipartisans où l'électeur dispose d'un pouvoir de
sanction même lointain.
La variante démocratique se réduit
actuellement à
l'unique pays africain qui a
réussi à ac-
climater le régime parlementaire:
l ' I l e Maurice.
-Une variante plébiscitaire qui est encore la règle
générale en Afrique et qui s'explique par une détermination
unilinéaire de l'électeur dans le sens défini par l'oligarchie

85
vient à
la suite du décès,
de la démission ou de l'empêchement
du chef du gouvernement.
Dans une
telle situation,
i l
revient
à
la coalition dirigeante et non au corps électoral de choisir
le successeur.
La succession fait
l'objet d'une "cuisine
interne" au sein de l'oligarchie du parti et ensuite d'une
simple ratification institutlonnelle.
En falt,
la
succession pose globalement le problème de la
localisation des centres de décision du parti
(ou de la coali-
tion)
dirigeant.
La pratique successorale s'articule autour de
deux axes:
d'abord la nomination par l'autorité compétente
d'un successeur coopté par l'oligarchie partisane en
l'abs~nce
de toute incervention des gouvernés,
et ensuite la sanction
populaire qui s'exerce à
postériorl au moment des élections
législati~.En d'autres termes, cette technique successorale
passe par une institutionnalisation du choix partisan et un
arbitrage populaire postérieur.
A:
L'INSTITUTIONNALISATION DU CHOIX PARTISAN.
La vacance du pouvoir exécutif en cours de législature
n'entraine pas nécessairement un nouveau recours au pouvoir de
suffrage.
Le régime parlementaire est celui qui fait
le moins
appel au suffrage des électeurs car les détenteurs de l'exé-
cutif reçoivent
le plus
souvent
une légitimité déléguée par
les représentants du peuple.
Le chef d'Etat parlementaire est
élu par les membres du parlement,
alors que le chef de l'exé-
cutif est formellement
nommé par le chef de l'Etat,
mais

87
Celui-ci est structuré selon le modèle des dominions avec
l'existence d'un Gouverneur Général représentant la couronne
britannique et faisant office de chef de l'Etat.
Le pouvoir
politique est exercé par l'Assemblée nationale de laquelle
émane un cabinet composé de l'état-major du parti ou de la
coalition majoritaire.
Toutefois cette structuration du régime
mauritien pourrait êcre modifiée avec l'institutionnalisation
d'un chef d'Etat parlementaire qui serait néanmoins sans
incidence sur la nature du régime
(~).
L'ILe Maurice fait
figure d'Etat-pionnier de la démocra-
tie pluraliste en raison de l'alternance politique intervenue
en 1982.
Jusqu'en 1991,
l'Ile Maurice était le seul Etat
africain où l'alternance ne s'est pas traduite par une chûte
du régime
(54).
Les élections du 12 Juin 1982 avaient en effet
vu la victoire de
la coalition de gauche,
et la nomination en
conséquence du
leader de l'opposition
(Aneerood Jugnauth)
au
poste de Premier ministre.
Toutefois cette coalition fut
fragile et en Mars
1983,
des divisions profondes devaient
entrainer des scissions
se traduisant par l'exclusion du
~ Le projet de transformation de l'Ile Maurice en républi-
que avait déjà fait l'objet d'un rejet en Décembre 1983 en raison
des
désaccords
entre
le
gouvernement
et
l ' oppos i tion
sur
la
nature des pouvoirs à reconnaitre au Chef de l'Etat. La coalition
gouvernementale
(M.S.M.,P.M.S.O.,
M.L.P.)
voulait
choisir à
ce
poste
l'ancien
premier ministre
Sir Seewoosagur Ramgoolam qui
devant l'echec du projet fut nommé Gouverneur-Général jusqu'à sa
mort en 1986.
Cf. Mauritus,
ln "Africa South of the Sahara",
1988,
p.683
54
Au
Sierra
Leone
l'alternance
intervenu
en
1967
devait
aboutir à
une prise du pouvoir par l'armée.
Stevens,
le leader
de
A11
The
People
Party,
fut
d'abord
déchu
en
1967
avant
de
retrouver son post€
en 1968 à la suite d'un autre coup d'Etat.
En
1991,
l'alternance
devait
intervenir
dans
deux
pays
africains:
le Cap Vert et Sao Tome.
~-------------

89
pouvant exister au sein de l'oligarchie dirigeante pour choi-
sir un chef de gouvernement pouvant réunir autour de lui un
sout ien au se in et à
l' extér ieu r
de son part i
(56).
Ce choix du
chef de
l'Etat est limité par le fait
qu'il ne peut choisir un
chef du gouvernement en dehors du parti
(ou de
la coalition)
majoritaire.
Si
le choix du successeur engage l'autorité investie du
pouvolr de nomination,
i l ne lie ~ependant pas
les gouvernés
qui disposent de la faculté de remettre en cause l'opération
successorale en mettant en oeuvre $e~pouvoir
de sanction.
Cette sanction populaire,
bien qu'intervenant à postériori"à
l'occasion d'élections législatives organisées en fin de
législature ou suite à une dissolution de
la chambre élue du
parlement,
permet de sanctionner positivement ou négativement
le choix préalablement opéré par la majorité gouvernante.
B:
LA SANCTION POPULAIRE POSTERIEURE.
Elle intervient de manière générale à
postériori,
à
l'occasion des consultations nationales.
Cette sanction popu-
laire garantit le caractère démocratique du procédé de succes-
~
Ainsi en Grande Bretagne,
le pouvoir de nomination de la
Reine
a va i t,
au
cours
des
sucees s ions
de
Premiers
ministres
soulevé des controverses quant à son intrusion dans la politique
quotidienne. Par exemple, après la démission du Premier ministre
conservateur,
Sir Anthony Eden en Janvier 1957,
la Reine nomma
Harold Macmillan comme Premier ministre
conservateur préféré à
R.A.
Bu1ter.
La même
procédure
fut
appliquée
en
Octobre
1963
quand
Harold
Macmillan
annonça
sa
démission
et
la
Reine
sur
conseil
du
Premier
ministre
démissionnaire,
nomma
Sir
Alec
Douglas
Home
à
la
tête
de
l'exécutif
sans
tenir
compte
des
dissensions existant au sein du parti conservateur.
Voir à
cet effet:
Loewenstein
(K.),
L'investiture
du
Premier
ministre
en
Angleterre,
R.D.P.,1966,
pp.1063 et s.
-Mathiot,
La
désignation
du
leader
du
Parti
conservateur
en
Grande-Bretagne,
in Mélo
Chevallier
(J.J.),
1977,
pp.185 et s.

91
de James Callaghan pour succèder à
l'ancien leader du parti
travailliste et Premier ministre dèmissionnaire,
Harold Wilson
en 1976.
La défaite en 1979 des travaillistes aux élections
législatives anticipées suivant la censure par les conser-
vateurs du gouvernement dirigé par Callaghan pourrait ap-
paraitre comme une sanction négative de l'opération succes-
sorale entreprise pour organiser la succession de Wilson.
En
dépit de
la popularité de Thatcher,
la non reconduction de
Callaghan qui avait été élu à la tête du parti travailliste et
du gouvernement sans recevoir l'adhésion populaire,
met en
lumière le pouvoir des électeurs de remettre en question un
choi~ effectué par
l'oligarchie du parti majoritaire.
En définitive,
le modèle de la succession-ratification
reste la technique commune d'organisation de la transmission
du pouvolr dans
les régimes parlementaires majoritaires.
Tout
en faisant
résider ce pouvoir de choix au sein d'un cercle
céduit de leaders politiques,
à
l'exclusion de toute interven-
tion directe du peuple au processus de transmission du pou-
voir,
ce procédé conserve néanmoins un caractère démocratique
en ce sens que la ratification se fait dans un cadre permet-
tant aux électeurs d'approuver ou de sanctionner un choix
préalable.
C'est le pluralisme qui garantit la légitimité
démocratique de ce procédé et qui le distingue des procédés de
la succession-plébiscitaire où l'élection exclut un choix
autre que celui du parti unique.

pouvoir.
Au cours de la troisième décennie des
indépendances,
des
chefs d'Etat historiques allaient organiser de leur vivant leur
succession de manière à tester la stabilité des structures
constitutionnelles et politiques d'encadrement de
la société
politique.
L'organisation de cette succession met en lumière les
soubassements et les stratégies qui entourent la succession d'un
puissant leader.
En effet, dans les pays où s'est déroulée cette
forme successorale
(Tanzanie et Sierra Leone),
les chefs d'Etat
en fonction avaient fait
jouer des règles de succession autres
que celles expréssement prévues par la constitution en vue
d'empêcher un dauphin d'accèder au pouvoir ou de consolider par
le peuple l'autorité du successeur désigné.
De surcroît,
la
succession est partielle en ce sens qu'elle est limitée à
l'Etat
et non au parti qui,
particulièrement en Tanzanie,
exerce une
primauté absolue sur les institutions de l'Etat.
Toutefois les
deux successions se différencien~ par les préoccupations profon-
des des prédécesseurs:
D'un côté il y'a une volonté expresse de
manipuler le droit successoral alors qu'en Tanzanie la motivation
profonde est de tester la stabilité du régime à
l'épreuve de la
succession.
A:
LA SUCCESSION MANIPULEE: L'EXEMPLE DE LA SIERRA LEONE.
LB.succession de Stevens est une illustration des stratégies
mises en oeuvre par certains chefs d'Etat africains pour or-
ganiser et faire accepter par le corps électoral les conditions de
(eUY succession.
Pour assurer la survie du régime sierra leonais

blique.
Membres du cabinet,
les Vice-présidents ne sont pas investis
de pouvoirs constitutionnels propres mais de compétences à eux
déléguées par le chef de l'Etat.
Celui-ci dispose à leur égard
d'un pouvoir discrétionnaire de révocation à côté d'autres
conditions prévoyant la fin des
fonctions
des Vice-présidents
(61).
La constitution fait d'eux de simples assistants du chef de
l'Etat et surtout deSgarants de la continuité en cas d'interru-
ption prématurée du mandat présidentiel suite au décés,
à la
démission
(art.28 al.2),
à l'empêchement
(~) ou à la mauvaise
conduite du chef de l ' Etat
("~').
La suppléance est assurée par le
Premier Vice-président ainsi que le stipule l'art.29,al.1,a.
En cas d'empêchement du Premier Vice-président,
le président
de la République peut autoriser le Second Vice-président ou un
autre membre du cabinet à exercer les fonctions
du Premier Vice-
président
jusqu'à ce que le chef de l'Etat revienne sur cette
6'Ces conditions sont prévues par l ' a r t . 85, al.l de la cons-
titution et sont relatives à
la dissolution du parlement,à la
démission ou au décés du titulaire de la charge,à l'incapacité
résultant de sa maladie,à son accession à
la présidence de la
république ou à
la perte de sa qualité de membre du parti.
62
L' empêchement ~j ~constaté par un conseil de santé de 5
membres nommés par le Speaker après consultation du chef du
service médical de Sierra Léone,
saisi par le cabinet
(art.30,-
al. 1) .
8
Cette mauvaise conduite est constatée par une motion du
parlement adoptée à la majorité des deux tiers,
après que le
Président de la Cour suprême,
informé par le Speaker,
eut désigné
un magistrat qui,
après investigations,
prépare un rapport
adressé au parlement et établissant la culpabilité du Président
de la république
(art.3I).

rivalités entre les prétendants de la classe politique,
annonçant
sa faveur pour un candidat et remettant ensuite ce choix en
cause.
Le Premier Vice-président,
compagnon de longue durée de
Stevens,
n'avait pas les préférences de celui-ci en raison de son
âge avancé et de sa santé précaire.
En décidant d'abandonner le
pouvoir,
Stevens ne pouvait prendre le risque de démissionner car
la vacance du pouvoir entrainerait une suppléance automatique
assumée par le Premier Vice-président qUl se trouverait ainsi
dans une situation favorable d'autant plus qu'il n'avait pas
abandonné ses prétentions.
La suppléance ne garantit pas l'acces-
Slon au pouvolr mais elle met son titulaire dans une situation
privilégiée lui permettant de bénéficier des avantages qu'offre
l'exercice du pouvoir.
Pour cette ralson,
Stevens organlsa sa succession à travers
les procédés de dévolution du pouvoir par le biais notamment
d'élections présidentielles
intervenant en fin de mandat con-
formément aux dispositions prévues par l'art.23,
al.7,
b.
de la
constitution. Chef de l'Etat et du parti unique,
il profita de la
fin de son mandat pour coopter un successeur de forte stature en
mesure de garantir l'unité nationale encore précaire et surtout
de préserver ses avantages acquis pendant l'exercice du pouvoir.
Le successeur doit en effet le protèger une fois
redevenu citoyen
et être en mesure de contrôler l'ensemble du pays.
Le Général
Momoh présenta ce profil et,
la loi étant l'expression de la
volonté du chef du parti unique détenant la totalité des sièges
au Parlemenc,
le chemin vers la présidence sera balisé pour le

TI
fut élu ensuite au po~ de Sécretaire général du parti et can-
didat unique aux élections de Octobre 1985.
Il fut alors porté à
la magistrature suprême par une importante majorité électorale.
Cette succession en Sierra Léone procède d'une manipulation
des mécanismes successoraux.
Elle s'est effectuée conformément au
droit électoral mais contrairement au droit successoral.
Elle a
combiné la légalité constitutionnelle et la légitimité popu-
laire ~vchoix du successeur. Mais derrière cette façade démocra-
tique,
l'objectif recherché par Stevens était d'assurer la
légitimité d'une succession visant à garantir la pérennité des
avantages conférés par un système b§ti selon un réseau de clien-
tèlisme politique.
La succession de Stevens se différencie à cet égard de cette
de Nyerere.
Si le modèle sierra leonais procédait de la manipu-
lation,
en Tanzanie l'accent était mis sur la surveillance par le
chef en place du processus de sa succession.
En Tanzanie,
la
succession était un simple test opéré par le prédécesseur qui
devait se réserver la possibilité théorique de remettre en cause
le choix de son successeur.
B:
LA SUCCESSION-TEST:
L'EXEMPLE DE LA TANZANIE.
Le chef d'Etat en place peut ne pas viser un intérêt person-
nel dans
l'organisation de
la succession.
Il peut néanmoins
orchestrer sa propre succession afin de garantir la perpétuation
du régime qu'il a b§ti.
La succession de Nyeréré apparait à
cet
égard comme un modèle de succession-test. Ce modèle se caracté-
rise par un transfert partiel et progressif du pouvoir présiden-

défense nationale,
de la politique étrangère
(68),
de la sécurité
interne,
des services publics et des services d'immigration. Si
Zanzibar est bien représentée au parlement et au gouvernement de
la Tanzanie,
l'ancienne Tanganyka ne dispose pas de structures
gouvernementales propres.
Les organes de la communauté disposent
d'une compétence plenière pour tout ce qui concerne la partie
continentale du territoire.
Cette division entre les deux Etats membres de la République
Unie de Tanzanie,
apparaissait également dans
le système par-
tisan.
De 1964 à
1977,
l'ancienne Tanganyka et l'ancien
sultanat de Zanzibar avaient chacun un parti
unique conser~ant
leur identité individuelle bien que participant en commun aux
décisions politiques majeures
intéressant la collectivité natio-
nale.
ToutefoLs,
la T.A.N.U.,
le parti
continental,
et l'Afro
Shirazi Party de Zanzibar allaient fusionner en 1977 pour donner
naissance au Chama Cha Mapinduzi
(C.C.M.)
ou "parti révolution-
naire"
("")
Bien que la constitution du parti adoptée le 21-1-1977
posait le principe de la primauté du parti sur les organes de
l'Etat,
le C.C.M.
reste une fusion de partis et non de gouverne-
~ Selon Yaeger, dans les années 1960, Zanzibar entretenait
des relations privilégiées avec la République Démocratique
d'Allemagne mettant ainsi en danger les relations du continent
avec la République Fédérale d'Allemagne.
Cf.
Yaeger
(Rodger),
Tanzania:
An African Experiment,
Coll.Profiles
/
Nations of Contemporary Africa,
Westview Press,
Boulder,
Colorado,
1982,
p.53.
&!
Yaeger
(R.),
Tanzanie:
An African Experiment;
op.cit.,
p. 74.

affectant l'autonomie même de Zanzibar
(").
b:
Une succession contrôlée.
La répartition des compétences entre l'Etat et la parti
posée par le constituant de 1977 se traduit par la consécration
de la primauté du parti sur les structures de l'Etat.
Celles-ci
sont considérées comme des instruments de concrétisation des
directives du parti.
En conséquence,
la succession de Nyerere à
la tête de l'Etat apparait comme une succession partielle,
amenagée par un père-fondateur pour tester à
la fois
la stabilité
du régime face à la transition entre deux
leaders et la fiabilité
du successeur mis en place sous son autorité.
Cette succession ne s'est pas
déroulée en parfaite confor-
mité avec la mécanisme successoral prévu par la constitution. A
l'instar de Stevens,
Nyerere avait profité du renouvellement du
mandat présidentiel pour organiser sa succession.
Celle-ci passe
en effet par une suppléance préalable et
l'organisation d'élec-
tions anticipées pour la désignation du successeur.
Conformément à la constitution,
en cas de vacance de la
présidence,
c'est le Premier Vice-président qui est chargé de la
suppléance en attendant l'organisation de nouvelles élections.
En
cas de vacance du suppléant,
i l revient au Second Vice-président
M
Ainsi,
la démission du second Président de Zanzibar,
Aboud Jumbo qui avait remplacé le président
Karamé tué en 1972,
avait été provoquée par le Président Nyerere qui avait par la
suite nommé M.Ali Hassan Mwinyi provisoirement à la tête de
Zanzibar en attendant l'organisation d'élections anticipées qui
allaient se traduire par une ratification de ce choix par le
corps électoral de la partie insulaire de la République Unie de
Tanzanie.

La succeSSlon de Nyerere ne s'est pas effectuée conformément
au schéma relatif à
la
succession suite à
une vacance du pouvoir
présidentiel.
Toutefois,
à
la différence de Stevens,
Nyerere ne
procède pas à
une manipulation successorale.
En effet,
que la
succession soit
intervenue suite à une vacance ou résulte du
processus d'élection du Président de la République tel qu'il a
été prévu par la consLitution,
le résultat restait le même.
Nyerere avait supervisé la désignation de son Premier Vice-
président comme candidat à
sa succeSSlon en respectant l'esprit
et
la lettre de
la constitution alors que Stevens s'est débar-
rassé de toutes
les dispositions qui constituaient un obstacle à
son choix.
Après avoir annoncé son intention de ne pas briguer un
nouveau mandat
Nyerere,
resté près de 24 ans à
la tête de
l'Etat,
avait prononcé la dissolution du parlement
le 30-7-1985 en vue
des élections présidentielles du 27 Octobre.
Le Chama Cha Mapin-
duzi tint un congrès
spécial le 15-8-1985 et désigna
le Premier
Vice-président du parti et de l'Etat Ali Hassan Mwinyi,
originai-
re de Zanzibar,
comme candidat unique à
l'élection présidentielle
(72)
Il fut confirmé par le corps électoral en Octobre 1985 et
72 Ali
Hassan Mwinyi n'est pas en réalité l'héritier de
Nyéréré.Ils ont pratiquement le même âge
(Mwinyi est
le cadet de
trois ans de Nyerpré)
et
le profil des deux leaders est aussi
différent.
Nyerere était plus marqué idéologiquement que son
successeur qui était plus pragmatique et disposé à appliquer les
recommandations du F.M.I.
Toutefois au début des années 1980,
Nyérere avait commencé à
préparer sa succession à
travers la personne de Edward Sokoine,
nommé Premier ministre à la place de Kawaka,
un des pères
fon-
dateurs du régime."Jeune fonctionnaire avec une réputation pour
la direction,
la discipline professionnelle et l'efficience
technique"
(Yaerger
(R.),
Tanzania: An African experiment;
op . ci t .,
p. 7 4) .

La succession impliquant une participation directe ou
indirecte des gouvernés au processus de transmission du pouvoir
présldentiel n'est pas en elle même un procédé démocratique en
raison des distorsions apportées à l'élection et surtout s'agis-
sant en particulier de l'Afrique,
de l'absence de choix caracté-
ristique des
régimes politiques africains.
Si généralement les
constitutions prévoient l'élection comme procédé de transmission
du pouvoir présidentiel,
c'est précisement parce qu'elle est
devenue une technique légitimant une domination et surtout une
longévité politique des gouvernants en place. Appliquée à
la
succession dans les régimes politiques africains,
l'élection
permet d'assurer la pérennité d'une oligarchie politique en
mesure de garantir sa perpétuation ~ travers la sélection du
successeur et
le contrôle de l'opération électorale.
De fait
la partlcipation populaire ne garantit pas néssaire-
ment une transmission démocratique du pouvolr présidentiel.
Pour
ces ralsons,
elle peut présenter un caractère moins démocratique
que le processus successoral excluant la participation populaire
au choix du
successeur. La souveraineté nationale étant exercée
par les citoyens ou
leurs représentants
(~), ceux-ci peuvent être
délégués par les dépositaires du pouvoir souverain pour aménager
indépendamment de toute intervention populaire la transmission du
la présidence de la Lépublique.
~ Voir par exemple l'article 3 de la constitution sénégalai-
se du 7 Mars
1963 qui reprend à cet égard les dispositions de
l'article 2 de la constitution française du 28 Octobre 1958.

~~
CHAPITRE Il:
LES PROCEDES NON PARTICIPATIFS.
La succession du chef de l'Etat peut se dérouler en dehors
de toute èlection par le biais d'artifices
juridiques écrites ou
coutumières régissant l'organisation du pouvoir politique.
Généralement considérée comme un procédé non démocratique en
raison de l'absence du peuple dans le processus de transfert d'un
pouvoir qui
réside en lui,
la succession non élective se justifie
par des
considérations dépendant de la nature des régimes et
surtout de la part réservée au peuple dans
l'exercice du pouvoir.
Dans
la perpétuelle recherche d'un modèle successoral adéq0at,
certains
régimes ont eu recours à des techniques successorales
qUl,
eXC1\\lant
le peuple du choix du successeur,
renforcent la
complexlté de
la succession présidentielle en Afrique.
Le critère tiré de la démocratie est utile pour mieux
catégoriser
les procédés non participatifs.
Les procédés démo-
cratiques tiennent compte de la participation
indirecte des
gouvernés au processus successoral.
Cette participation se fait
par le biais de la légitimation populaire à priori du futur
successeur du chef de
l'Etat ou de la ratification institution-
nelle par les organes représentatifs du choix effectué par une
institution habilitée à cet effet.
Inversement
les procédés non
démocratiques sont exclusifs de toute participation,
directe ou
indirecte,
des gouvernés qui sont des
spectateurs étrangers à
la
succession.
Les procédés non électifs
se caractérisent ainsi par leur

111
De fait
l'adoption du dauphinat dans les régimes africains
résulte de considérations stratégiques ou d'opportunité.
A
travers cette technique,
on Vlse à
faire de la succession une
prérogative exclusive du chef de l'Etat en place.
Les successions
organisées du vivant du chef et par la voie du dauphinat
(')
résultaient d'un calcul savamment élaboré en vue de procèder à
la
reproduction de l'élite dirigeante appelée à sauvegarder l'héri-
tage légué par le chef fondateur
(').
Cette notion de dauphinat est variable.
Il a connu des
dysfonctionnements qui
le dénaturent de toute sa portée.
Sa
fonction
latente
(le
legs d'un héritage)
a primé sur sa fonction
manifeste
(instrument de la
continuité).
Sa signification étymo-
logique a changé selon
les conditions de son application.
En
effet,
alors qu'aux Etats-Unis
le dauphinat fait partie du vécu
du régime,
en Afrique le dauphinat est
justifié par les cir-
constances particulières.
Il
s'agit dès lors d'un dauphinat subi.
PARAGRAPHE 1:
LE DAUPHINAT VECU.
était dès
lors connu de tous.
Le monocentrisme présidentiel est en revanche une raison
pertinente expliquant les difficultés d'acclimatation du dauphi-
nat. Le pouvoir ne pouvant faire
l'objet d'un partage entre ses
détenteurs
( Cf. ces dictons:
"Deu:; caimans ne sauraient coexister
dans un même marigot";
"Il ne saurait y avoir deux béliers dans
un même troupeau" etc.).
Un dauphin est de nature à porter
ombrage à
l'autorité du chef et surtout de remettre en cause
l'idée cultivée du chef indispensable.
Gabon en 1967,
Sénégal en 1981 et Cameroun en 1982.
On se reportera sue ce point à
l'article de Kamto
(M.),
"
Le dauphin constitutionnel dans
les régimes politiques afri-
cains";
Penant,
No.781-782,
pp.256-283.

A:
LA SIGNIFICAT10N DU DAUPHINAT VECU.
Aux Etats-Unis,
le Vice-président est considéré comme une
part entière du régime politique.
L'institution est appréhendée
non du point de vue fonctionnel
(7),
mais comme technique de
rationalisation du pouvoir exécutif,
un simple "bouche-trou" du
pouvoir présidentiel.
Toutefois,
sa
Légitimité vient du fait de
son élection simultanée avec celle du Président de la République,
e~ de son indépendance vis-à vis des autres organes constitués,
notamment du chef de l'Etat qui ne peut se séparer de lui en
cours de mandat.
Deux traits caractérisent dès
lors
le dauphinat
vécu:
il s'agit d'une part d'un dauphinat arbitré et d'aut~e part
d'un dauphinat inaliénable.
1:
UN DAUPHINAT ARBITRE.
La légitimité du
vice-président est à titre principal
populaire et exceptionnellemeIlt institutionnelle. Mais elle est
dans tous les cas démocratique en raison de la participation
directe,
à travers l'élection du président de la République,
ou
indirecte,
par le jeu des mécanismes constitutionnels,
au proces-
sus du choix du dauphin.
a:
La légitimité populaire du dauphin.
Elle est la conséquence logique de la participation du corps
électoral à l'élection du Vice-président.
Aux Etats-Unis,
i l y'a
une coincidence sinon une confusion des électorats du président
de la République et de celui qui a vocation à recueillir l'héri-
"La fonction
la plus insignifiante que l'homme ait pu
inventer" selon le premier Vice-président américain John Adams.

président
(10).
Ainsi.,
malgré la succession non élective du
président par le vice-président,
ce dernier est investi d'une
légitimité populaire.
En effet,
en se prononçant pour les can-
didats présentés par les partis politiques,
les américains se
prononcent principalement sur l'homme appelé à prendre en charge
les destinées de l~ nation et,
de manière latente,
sur celui qui
peut ~ortir un
Jour de l'ombre pour assurer la continuité du
pouvolr présidentiel.
2:
La légitimité institutionnelle du dauphin.
La légitimité populaire du dauphin peut cependant faire
défaut si en cours de mandat,
le Vice-président décède,
démis-
sionne ou est définitivement empêché.
Le xxvè amendement est à
cet égard une pièce ma~tresse du dispositif successoral du fait
qu'il met en place un système de garde-fou permettant de sur-
monter les incertitudes pouvant résulter de
la vacance de la
vice-présidence. Cet amendement permet au chef de l'Etat de
nommer un nouveau Vice-président " qui entrera en fonction dès
10
Le choiz de Dan Quayle par Georges Bush à l'occasion des
élections de 1988 peut s'analyser comme une volonté de M.Bush,
ancien Vice-président de Reagan pendant toute la durée du mandat
de ce dernier,
de manifester sa suprêmatie totale au sein de
l'exécutif et de réduire toute tension pouvant résulter de la
coexistence de deuz fortes personnalités au
sommet de l'exécutif.
Rappelons qu'après l'attentat manqué contre le président
Reagan en 1981,
il y'eut une confusion totale à la suite d'une
conférence de presse nationale convoquée par l'ancien secrétaire
d'Etat,
Alexandre Haig,
au cours delaquelle i l déclara assumer la
suppléance du chef de l'Etat,
nonobstant
les dispostions consti-
tutionnelles faisant du Vice-président la
seule autorité habili-
tée à exercer les prérogatives du Président de la République en
cas d'empêchement de ce dernier.

harmonie avec l'évolution subie par la vice-présidence.
Si le
parti reconnait
la possibilité pour le candidat â
la présidence
de choisir son colister,
la constitution permet au président en
place de désigner un coéquipier pouvant garantir l'harmonie de
l'équipe exécutive au pouvoir.
Ce qui imprime un caractère
démocratique â
ce processus de nomination du dauphin,
c'est
l'intervention indirecte du peuple par le biais des
représentants
de la volonté nationale â
la ratification du choix présidentiel
qui n'est pas un choix exclusif.
II:
UN DAUPHIN INDEPENDANT.
Le qualificatif indépendant est utilisé pour rendre compte
des limites des prérogatives du chef de l'Etat vis-à-vis de son
dauphin.
Dans
les régimes africains,
le chef de l'Etat est
généralement investi d'un droit de vie '2..f de mort politiques sur
son dauphin qu'il peut changer pour n'importe quel motif.
La
situation est autre aux Etats-Unis 00 le chef de l'Etat est
obligé de composer avec son dauphin pendant toute la durée de son
mandat.
Cette inaliénabilité du dauphin est
la conséquence
logique de l'indépendance du Vice-président vis-à-vis des organes
constitués et particulièrement du président de la République.
Une
fois élu ou nommé,
le dauphin devient politiquement
irresponsable
à
la fois
devant le chef de l'Etat qui ne dispose pas d'un
pouvoir de révocation à son égard,
et devant
le Congrès qui ne
peut mettre en
jeu la responsabilité de l'exécutif aux Etats-
Unis.
Seule sa responsabilité pénale en cas d'"
impeachment
"demeure.

112
expérimenté au Gabon oû i l avait permis la succession de Léon Mba
par Bongo.
En Côte d'Ivoire en revanche la réinstitutionnalisa-
tion,
le 6/11/1990
(15),
du dauphinat réadapté à
l'environnement
du régime
ivoirien s'est
justifiée par des circonstances par-
ticulières liées à
la succession du Président Boigny.
1:
LE DAUPHINAT VECU AU GABON EN 1967.
Le dauphinat vécu avait permis d'assurer le transfert
pacifique du pouvoir présidentiel au Gabon.
En 1967,
un amende-
ment constitutionnel,
adopté par l'Assemblée nationale
(6),
supprima les postes de Vice-présidenL du gouvernement dont les
titulaires étaient nommés par le président de la République qui
disposait à
leur endroit d'un pouvoi~ de révocation. Ces vice-
présidents du gouvernement "n'étaienL en réalité que des mlnlS-
tres d'un rang
supérieeJr"
(17).
A la place de cette institution
originale,
fut
instituée une Vice-présidence de la république
dont le titulaire était élu en même cemps que le président de la
République qu'il était chargé de remplacer en cas de vacance
conformément à
l'art.6,
al.5 de la loi du 17-2-1967.
L'esprit de ce dauphinat diffère cependant du modèle améri-
cain en raison d'une part du régime du parti unique de fait qui
prévalait au Gabon et de la fonction manifeste assignée à
l'ins-
15 Cf.
Fraternité-Matin,
Mercredi 7/11/1990,
pp.7-8-9.
16
Loi 1/67 du 1"7-2-1967 portant révision de certains ar-
ticles de la constitution;
J.O.Gabon du 1-3-1967; p.161.
17
cf.Decheix
(P.),
La réforme constitutionnelle gabonaise:
Chronique conscitutionnelle;
in R.J.P.I.C.,
No.3,
1967,
pp.329 et
s.

121
risquant "de mourir d'un momenc à
l'autre",
Il faut
recon-
naitre que la tentative avortée de coup d'Etat de 1964 avait
fortement pesé sur l'équation de la succession.
Les mêmes preoccupations sécuritaires
justifient l'adoption
du dauphinat constitutionnel en Côce d'Ivoire pour résoudre le
problème précis de la succession du Président Boigny.
II:
LE DAUPHINAT VECU EN COTE D'IVOIRE EN 1990.
La Côte d'Ivoire avait expérimenté sans succès plusieurs
techniques successorales,
mais l'jnstitution successorale n'a pu
s'épanouir au paysage institutionnel lvoirien
(D).
L'article I l
de la constitution de 1960 fait depuis 1975 l'objet de révisions
quinquénales I::ycl iques.
Il y' a eu un perpétuel revirement de
situation dans
La
mesure où une technique successorale adoptée et
modifiée le cycle suivant flnit par retrouver sa place dans
le
disposicif constitutionnel en actendant d'être à nouveau modi-
11
L'auteur va plus loin en donnant une image pittoresque des
pressions exercées sur Léon Mba pour l'obliger à adopter l'amen-
dement constitutionnel et à se présenter à de nouvelles élections
présidentielles avec son colister,
Bongo. Citons quelques
passages de l'ouvrage:
"Foccart tient à
cette revision consti-
tutionnelle.
Il souhaite aussi que Mba accepte de se présenter
une dernière fois avec un Vice-président nommé Bongo ... Léon Mba
sait qu'il livre là sa dernière bataille,
il n'en peut plus,
mais
résiste ... Finalement,
épuisé,
Mba accepte la comédie de nouvelles
élections avec Bongo comme colister . . . 11 ne pourra pas se reposer
pour autant.
Le vieux doit se plier à des séances de photos à
l'ambassade du Gabon . . . Le 19/3/1967,
la liste l'emporte avec
99,55.
Le Gabon est normalisé.
On attend plus que la mort du
vieux."
Cf.
péan
(P.),
Affaires Africaines;
op.cit.,
pp.64 et
65.

Gouvernement,
les fonctions de Président de la République sont
dévolues de plein droit au Président de
l'Assemblée nationale"
(2.5).
La succession présidentielle en Côte d'Ivoire exclut toute
participation directe des gouvernés au choix du futur président
de la République.
L'efficacité semble prévaloir sur les con-
sidérations démocratiques.
Elle se traduit par une succession qu
exclut tout vide au sommet du pouvoir exécutif.
Comme devait le
préciser le Garde des Sceaux c'est
"dans le souci d'assurer la
continuité du pouvoir sans recourir à un int~rim qui peut être
générateur de confusion,
(qu')
i l est apparu indispensable de
reg 1er de façon simple et immédiate le processus de succession
chef de l'Etat ... "
(26).
Le dauphin ivoirien jouit néanmoins d'une légitimité popu-
laire et démocratique.
En tant que député i l est désigné par le
corps électoral et en tant que Président de l'Assemblée natio-
nale,
il est l'élu de ses pairs.
Il
jouit alors d'une indépendan
ce incontestée vis-à-vis du chef de l'Etat qui ne peut le révo-
quer pendant toute la durée de
la législature.
Enfin,
à l'instar
du Vice-président américain,
le dauphin ivoirien est chargé de
terminer le mandat présidentiel en cours.
Toutefois,
ce procédé successoral est incompatible avec la
nature présidentielle du régime ivoirien.
En effet,
il revient à
une autorité législative d'assurer la continuité du pouvoir
!.5
Fraternité-Matin du 7/11/1990,
p.7.
M
Fraternité-Mation du 7/11/1990,
p.7.

Le dauphinat vecu n'a pas pu s'adapter en Afrique. Au Gabon
il s'était révélé
inutile une fois que l'objectif visé par
l'institution a été atteint.
En Côte d'Ivoire l'institution a été
imposée par les circonstances.
Elle est certainement appelée à
disparaitre une fois opérée la succession du Président Boigny. En
raison de son caractère relativement démocratique du fait de la
limitation des pouvoirs du chef d'Etat en fonction qui ne peut
plus
remettre en cause son dauphin une fois désigné,
certains
Etats ont eu recours à un système qUl,
bien qu'inspiré du modèle
américain,
se détache de ce dernier du fait de l'opportunité
offerte au chef d'Etat d'imposer le successeur de son choix qUl
se trouve dans une situation plus précaire du fait qu'il dépend
entièrement de celui qui le nomme.
C'est
le système du dauphinat
subi ou imposé expérimenté par la Tunisie,
le Sénégal et le
Cameroun.
PARAGRAPHE II:
LE DAUPHINAT SUBI OU
IMPOSE.
Le dauphinat subi est une altération du dauphinat vécu,
car
le dauphin se trouve dans une situation de subordination vis-à-
vis du chef de l'Etat,
maître de sa succession.
Cette forme de
dauphinat est une expression de la patrimonialité du pouvoir
politique dans la mesure 00 ce pouvoir,
exercé comme une proprié-
té personnelle,
fait
l'objet d'une transmission relativement
République élu par le peuple,
la logique du système commande que
sa succession soit assurée par un Vice-président choisi par
lui . . . L'adoption du présent projet de loi aura pour effet d'ache-
ver de donner à notre régime politique son vrai visage de régime
présidentiel démocratique".
Extrait tiré du B.A.N.
no 1072 du 10/12/1980.

127
Précisement,
c'est ce statut du Premier ministre façonné par
la pratique
que certains Etats africains vont réintroduire dans
leurs dispositifs constitutionnels,
après
l'échec de l'exécutif
bicéphal des lendemains des indépendances.
Il s'agissait,
~
travers
la mise en place du "Premier ministre de la seconde
génération"
(il),
de déconcentrer un pouvoir exécutif dont la con-
centration entre les mains du chef aboutit à des effets pervers
qui sont l'érosion politique du chef ou l'irresponsabilisation
des agents.
Seulement l'institution s'est révélée par la suite
efficace pour préparer la succeSSlon du chef en ce sens qu'elle
peut se présenter comme une école de formation d'un leader à
l'image de celui en place.
En raison des
liens privilégiés et des
relations de subordination existant entre le président de la
République et son Premier ministre,
l'institution de déconcentra-
tion du pouvoir exécutif va se transformer en institution de
succession du chef de l'Etat.
Ce fut d'abord la Tunisie qui initia ce procédé le 31
Décembre 1969
(TI),
elle sera suivie ensuite par le Sénégal avec
d'un pouvoir discrétionnaire de fait en ce qui concerne sa
révocation.
Ces prérogatives présidentielles ont été admises par
tous les premiers ministres successifs de la Vè République à
l'exception toutefois du premier ministre de la cohabitation de
1986 à 1988,
imposé par le corps électoral au Chef de l'Etat.
i l
Diop
(Serigne),
Le premier ministre africain.
La renais-
sance du bicéphalisme exécutif en Afrique à partir de 1969,
Thèse
de doctorat d'Etat en droit:,
Dakar,
1985,
p.12.
33
Sur la révision constitutionnelle tunisienne de 1969,
voir:
LADHARI,
La révision de l'art.51 de la constitution du 16
Juin 1969; R.J.P.I.C.,
No 2,
Avril-Juin 1970,
pp.320-350.
DEBBASCH
(C.)
et CAMAU
(M.),
La Tunisie;
Coll. Encyclopédie

129
déconcentration en faveur d'organes placés sous l'autorité unlque
du président de la République.
Au demeurant les initiateurs de
ces réformes n'avaient pas manqué d'attirer l'attention des
acteurs sur cette nouvelle philosophie de l'exécutif.
Dans son rapport de politique générale présenté au Vllè
Congrès de l'U.P.S.
du 27 au 30 Décembre 1969,
le Président
Senghor expliquan~ l'économie du projet de la nouvelle réforme
constitutionnelle
(~), précisait qu'elle "laisse intact un régime
présidentiel mais déconcentré où les pouvoirs du Président de la
République d'une part,
des ministres d'autre part,
et d'abord du
Premier Ministre,
sont moins séparés que définis et partant
distingués.
Car il s'agit du même pouvoir exécutif ou mieux,
de
la même fonction exécutive dont
le chef de l'Etat est le
chef"
\\6
L' U . P . S.
(U!1 ion Pro g r es sis t e duS é n é gal) .
La réforme,
adoptée par référendum constitutionnel le 26
Fevrier 1970,
apparaissait comme une véritable hérésie consti-
tutionnelle au regard du schéma classique des régimes politiques.
En effet,
elle introduisait des mécanismes du régime parlemen-
taire dans une constitution présidentielle avec l'institutionna-
lisation de la notion de gouvernement/et surtout le principe de
la responsabilité politique du gouvernement devant l'Assemblée
Nationale investie du pouvoir de censure.
Sur la réforme constitutionnelle de 1970,
voir:
-AJAMI
(S.M.),
Réfle;v;ions sur la "déconcentration" de l'exé-
cutif au Sénégal après
la révision constitutionnelle de 1970",
R.J.P.I.C.
1970,
pp.
247 et s.
-DUCHEIX
(P.),
La réforme du 26 Février 1970 de la constitu-
tion du Sénégal,
R.J.P.I.C.,
No 2,
1970.
-FALL
(1),
La réforme constitutionnelle du 26 Février 1970 au
Sénégal,
Penant No 731,
Janvier-Février-Mars 1971,
pp.91-111.
-SY
(S.M.),
La réforme constitutionnelle du 26 Février 1970,
Annales Africaines 1970,
tiré à
part,
Paris,
Pédone,
1970,
24p.
fl
Senghor
(L.S.),
Rapport de politique générale du VIIè
congrès de l'U.P.S.
27-30/Décembre 1969;
Dakar,
G.I.A.,
p.159.

seul.
Ils ne disposent d'aucun pouvolr propre pour prendre des
actes réglementaires ou des mesures individuelles.
Ils ne peuvent
agir par conséquent que dans le cadre des pouvoirs qUl leur sont
délégués par le Président de la République".
Ainsi,
le Premier
ministre camerounais n'était pas attributaire d'une parcelle du
pouvoir exécutif.
Celui-ci reste toujours
incarné par le prési-
dent de
la République qui en est son détenteur exclusif et qui
disposait d'une libre appréciation quant au choix de ses col-
laborateurs et notamment du Premier ministre.
Sa désignation
était une prérogative exclusive du chef de l'Etat.
Celui-ci,
en
tant que chef de l'exécutif,
disposait d'un pouvoir dis-
crétionnaire non pas en ce qui concerne l'opportunité de pourvoir
le poste
(excepté au Cameroun de 1975 à
1979),
mais quant au
choix du titulaire de la fonction
(,9).
Aucune condition juridique
ou politique n'a été posée pour la nomination du Premier minis-
tre.
En vertu de la légalité constitutionnelle en vigueur
(~), le
chef de l'Etat n'est pas tenu de solliciter les avis du parti ou
des autres organes constitués.
Il y'a en fait une constitution-
nalisation de la pratique française relative au choix du Premier
ministre,
choix laissé à l'entière dévotion du chef de l'Etat.
39
. .
, .
.
La constltutlon ne prevoyalt pas expressement une condl-
tion d'âge en ce qui concerne la nomination du Premier Ministre.
Toutefois,
à
partir du moment où i l pouvait succéder au President
en cas de vacance d'une part et d'autre part à partir du moment
où l'âge minimal requis pour assumer la présidence est fixé à 35
ans,
on pouvait logiquement penser que le Président ne pouvait
pas nommer Premier ministre âgé de moins de 35 ans.
WArt . 5 0
de la constitution Tunisienne,43 de la constitution
Sénégalaise et 8 de la constitution Camerounaise.

président de la République,
celul-ci pouvait mettre fin à tout
moment aux pouvoirs du Premier ministre.
Les prérogatives exorbltantes du chef de l'Etat
sur le
Premier ministre pouvaient théoriquement se
justifier dans
l'hypothèse de la rationalisation du pouvoir exécutif avec une
distinction entre la fonction de détermination des options
fondamentales confiée au chef de l'Etat et la concrétisation de
la volonté présidentielle relevant du gouvernement.
Les choses
changent cependant de portée à partir du moment où le Premier
Ministre devient
le dauphin constitutionnel du chef de l'Etat.
II:
LE CHOIX DISCRETIONNAIRE DU MOMENT DE LA SUCCESSION.
En disposant d'un pouvoir de vie ~k de mort politiqueSsur la
personne de son premier ministre,
le président de la République
s'arroge ainsi
le droit de se substltuer à la volonté populaire
pour désigner celui qui est appelé à le remplacer à
la tête de
l'Etat.
Du fait de l'interchangeabilité des Premiers ministres,
i l a le pouvoir de désigner un Premier ministre,
d'en faire son
héritier politique et de lui céder le pouvoir en l'absence de
toute ingérence du peuple ou de ses représentants.
En effet,
le
chef de l'Etat dispose également de l'opportunité du choix du
moment précis de la succession du fait de l'usage discrétionnaire
du pouvoir de démission.
La démission ne fait pas
l'objet d'une
réglementation
juridique. Si moralement ou politiquement un chef

13.":J
prochaines échéances électorales de 1983.
Sa démission effective
le 1/1/1981,
entrait ainsi dans
la ligne
logique de la stratégie
successorale en réalité mise en oeuvre depuis 1970.
Au Cameroun,
la démission-surprise de Ahidjo intervenue le
4/11/1982 avait pris au dépourvu tous
les observateurs.
Théoriqu-
ement rien ne le laissait présager malgré les spéculations sur
son état de santé.
Toutefois sur le plan de l'analyse de la
succession,
cette démission entre également dans l'ordre logique
des choses. Après l'unification de son pays et les progrès
économiques du Cameroun,
le chef de l'Etat avait dès 1975 initié
un processus devant aboutir à sa succession avec l'institutionna-
lisation du Premier ministre en 1975 et surtout la constitution-
nalisation du dauphinat en 1979.
Toutes
les conditions étaient
alors réunies pour voir le chef d'Etat faire usage de son pouvoir
de démission lui permettant de transférer le pouvoir présidentiel
entre les mains d'un successeUI de son choix.
Au total,
à
la différence du dauphinat vécu,
le dauphinat
subi repose sur le principe de la subordination et de l'aliénabi-
lité du dauphin qui dépend du bon vouloir du chef en place.
Il
s'agit dès lors d'un procédé éminemment monarchique intervenant
dans un cadre républicain,
dénaturant ainsl le principe de la
légitimité populaire et démocratique des gouvernants et par-
ticulièrement du président de la république qui,
en Afrique,
en
l'absence d'une légitimité traditionnelle ou coloniale,
se
retourne vers la sanction populaire comme source de son autorité.
B:
L'ESSENCE MONARCHIQUE DU DAUPHINAT SUBI.

"exercice solitaire"
(.lt».
La conception monarchique du pouvoir est encore plus per-
tinente en Afrique où le chef de l'Etat s'identifie à
l'Etat,
et
érige le pouvoir personnel en système de gouvernement.
"L'exerci-
ce solitaire du pouvoir" est encore plus accentué du fait de
l'accaparement des
ressources qu'offre le pouvoir présidentiel en
Afrique,
notamment le pouvoir de distribution des
richesses et
celui de punir tous ceux qui ont la velléité de s'opposer à la
volonté du chef.
La limitation du pouvoir du chef d'Etat africain
est une chimère.
Le droit se présente beaucoup plus comme un
instrument de gouvernement qu'un moyen de limitation du pouvoir
en raison du pouvoir normatif du chef de l'Etat,
chef du parti
unique ou maJoritaire à
l'Assemblée nationale.
Cette situation
lui permet ainsi de créer ou de supprlmer toute règle opportune
ou inopportune.
Cette faculté apparalt particulièrement dans
la
succession car l'adoption du modèle successoral dépend beaucoup
plus de considérations stratégiques du chef que de
logique
constitutionnelle.
La preuve en est que les modèles qUl ont
permis la succession ont par la suite été supprimés par leurs
principaux bénéficiaires
(~).
Le dauphinat constitutionnel confié à
un Premier ministre
soumis à
la discrétion du chef de l'Etat est une illustration de
~ Valéry Giscard d'Estaing qualifiait ainsi le pouvoir du
Général de Gaulle en 1967.
~ Il en est ainsi de la suppression du dauphinat consti-
tutionnel au Sénégal en 1983,
au Cameroun en 1984 et en Tunisie
en 1989.

que des acteurs au choix du gouvernant suprême.
II:
UNE ATTEINTE A LA REPRESENTATION DEMOCRATIQUE.
La démocratie repose sur le principe de la participation
directe ou indirecte des gouvernés,
par le biais de leurs repré-
sentants,
à
la chose publique. Cette intervention est par-
ticulièrement sacrée s'agissant du choix des gouvernants.
Ceux-
ci,
pour être légitimes,
c'est-à-dire acceptés par la masse des
gouvernés,
doivent au préalable recevoir une onction du peuple.
Dans
le système du dauphinat subi,
la légitimité populaire
et démocratique fait cruellement défaut.
Le peuple est purement
spectateur d'un
jeu dont
il est étranger.
Il n'est pas appelé à
donner son avis au choix de celui à qui sera délégué l'exercice
de la souveraineté nationale.
Ce viol de la volonté populaire est
encore aggravé par le fait que la procédure d'élaboration et
'-l'adoption du dauphinat est monopolisée pa L
une assemblée monoco-
Lore à
la dévotion du chef de l'Etat,
chef du parti unique ou
dominant.
Les procédures de révision des constitutions,
calquées
sur le modèle français,
offrent une alternative au chef de l'Etat
lui permettant de faire adopter une révision constitutionnelle
par le peuple se prononçant à l'occasion d'un référendum consti-
tutionnel ou par les Assemblées parlementaires à une majorité
qualifiée.
Seulement on constate dans la pratique des révisions
constitutionnelles,
une "utilisation systématique" de la "procé-
dure subsidiaire de révision" qui aboutit ainsi à des révisions

141
nature à
lui donner le maximum de chance de rester au pouvoir.
Le dauphinat subi est également dépourvu de toute légitimité
démocratique en ce sens qu'il exclut les acteurs du régime de sa
mise en oeuvre.
Si en effet les assemblées parlementaires monopo-
lisaient le processus d'élaboration et d'adoption du dauphinat,
elles n'en demeurent pas moins exclues de la succession propre-
ment dite dans
la mesure 00 elles ne sont pas amenées à
ratifier
le choix du successeur. En dépit de la mainmise du parti unique
ou dominant
sur l'appareil d'Etat et de la subordination des élus
à
la volonté du chef de l'Etat,
les représentants du peuple sont
étrangers à
l'opération successorale,
contrairement au Congrès
américain qui dispose d'un pouvoir d'approbation d'un dauphin
nommé par le Président de la république conformément au XXVè
amendement à
la constitutlon.
En Tunisle,
au Sénégal et au
Cameroun,
la
légitimité du dauphin résultait simplement de son
investiture par son décret de nomination et non de
l'approbation
parlementaire qui aurait pu renforcer sa stature même si le
parlement n'est qu'une simple chambre d'enregistrement.
Au même titre que l'Assemblée nationale,
le parti dirigeant
est spectateur.
Pourtant le parti appara;t comme un instrument
d'action du chef en place.
Il est en effet chargé de la mobilisa-
tion,
de l'expression des soutiens et de la réduction des exigen-
ces à
l'égard du chef. Le parti se présente comme une courroie de
transmission entre l'oligarchie gouvernante et les gouvernés.
Instrument du chef,
le parti se trouve dans une situation de
subordination qui ne lui permet pas de contester les choix de son

paysage constitutionnel africain aussitôt que disparaissent les
circonstances qui l'ont
jus~ifié. En effet dès leur accession au
pouvoir,
les anciens dauphins ont aussitôt supprimé l'institution
qui leur a permis d'accèder au sommet de l'Etat au profit du
modèle participatif considéré comme plus démocratique contraire-
ment au dauphinat subi qUl se rapproche beaucoup plus des modèles
autocratiques que des modèles démocratiques de succession.
Cette
remise en cause n'est qu'une manifestation de la vaine recherche
d'un modèle adéquat de succession.
En effet les modèles imposés
n'obéissent à aucune logique juridique.
Dans les cas où cette
logique existerait alors
le problème de sa conformité aux canons
de la légitimité se pose.
Cette seconde
situa~ion correspond
surtout aux modèles autocratiques de succession.
SECTION Il:
LES MODELES AUTOCRATIQUES DE SUCCESSION.
Les modèles autocratiques de transmission du pouvoir se
caractérisent par leur fermeture ou
leur repliement autour de
cègles visant à perpétuer le pouvoir d'une oligarchie ou d'une
dynastie.
Les régimes autocratiques
sont ceux des régimes "dont
les gouvernants ne sont pas issus de l'élection. L'hérédité,' la
cooptation,
la conquête violente du pouvoir sont les principaux
procédés autocratiques de désignation des gouvernants"
(~). Ces
modèles autocratiques survivent dans
les
régimes contemporains
sous deux variantes essentielles.
La première variante est constituée par le modèle inclusif
54
Duverger
(M.),
Institutions politiques et droit consti-
tut ion n el,
0 p . c i t..,
p. 9 5 .
J..0;; AUXY-%. J1.a"!iiL.kYt
~_.

mesure au Lesotho
55 ,
(
) .
Il 's'avére alors indispensable d'intégrer
les successions monarchiques dans l'étude de la succession des
chefs d'Etat africains à partir du moment où la disparition du
monarque régnant
(Hl
est de na~ure à influer sur le fonction-
nement normal du régime politique en question.
Ainsi,
les formes autocratiques de succession s'analysent
comme étant des procédés non démocratiques de transmission du
pouvoir.
Elles englobent une variété de techniques
successorales
qui aboutissent à une finalité commune:
l'exclusion des gouvernés
du processus successoral au profit d'une oligarchie civile ou
militaire dans
les républiques ou d'une dynastie royale dahs
les
régimes monarchiques.
~ Dans le cas précls du Lesotho, le coup d'Etat civil du
Chief Jonathan en 1969 avait profondément altéré la nature
monarchique du régime politique.
Resté Premier ministre,
Jona-
than avait maintenu la monarchie mais avait dépouillé le roi de
toutes ses prérogatives politiques.
Le coup d'Etat militaire
intervenu en 1986 n'avait pas modifié la disposition des pouvoirs
dans la mesure où le souverain est toujours maintenu mais sans
pouvoirs réels.
~ Il en fut ainsi du ~ouverain Mohammed V du Maroc en 1961
et du Roi Sobhuza II du Swaziland en 1982.

147
constitutionnelles,
le
tranfert
du
pouvoir
se
caractérise
par
l'exclusion des gouvernés du choix de
leurs gouvernants au profit
d'une oligarchie partisane ou militaire.
A:
LA SUCCESSION DANS LES REGIMES AFRO-MARXISTES.
Les
régimes
afro-marxistes,
qui
constituent
une
réalité
indéniable dans l'Afrique contemporaine
(~), se caractérisent par
~ Certains auteurs sont sceptiques quant à l'existence
d'une
véritable idéologie ou de véritables régimes marxistes en Afrique.
Folson (B.D.G.) oppose le marxiste africain à l'afro-marxiste.
La première catégorie est composée d'intellectuels ou de dirigeants
politiques
appliquant
rigoureusement
les
principes
du
socialisme
scientifique à l'Afrique alors que les afro-marxistes sont ceux qui
tentent
d'adapter
les
principes
du
socialisme
scientifique
aux
conditions
africaines
tout
en
ut i lisant
la
terminologie
et
les
catégories analytiques de la doctrine marxiste-léniniste. L'auteur
n'a pas trouvé un seul régime marxiste en Afrique mais des régimes
afro-marxistes qui au demeurant contribuent à l'enrichissement du
courant marxiste.
Cf
Folson
(B.D.G.),
Afro-Marxism:
A
Preliminary
View,
in
African Review,
vol 6,
No 4,
1976,
pp.92-117.
Jowitt
(Kenneth), de son coté,
estime que malgré les déclara-
~ions de principe,
ces Etats ne se rapprochent pas des conditions
requises
du
marxisme-léninisme.
Aucun
ne
s'oppose
à
la
religion
comme
institution sociale ou ne dispose
d'une classe ouvrière en
nombre suffisant pouvant servir de base pour un parti d'avant-garde
et
tous
ont
tendance
à
avoir
des
traits
plus
nationalistes
et
populistes qu'internationalistes et
léninistes.
Jowitt
(Kenneth),
Scientific
Socialist
Regimes
in
Africa.
Political
differentiation,
Avoidance,
and
Unawareness;
in
Carl
Rosberg & Thomas M.Callaghy,
eds," Socialism in Sub-Sahara: A New
Assessement",
Berkeley,
California,
Institute
of
International
Studies,
1979,
135-140.
Si la thèse de Jewitt contient une grande part de vérité, elle
doit cependant être appréhendée par rapport à la période à laquelle
elle a été formulée. En 1976, en raison de la jeunesse de ces Etats
afro-marxistes
(le doyen des régimes afro-marxistes,
la République
Populaire du Congo,
avait six ans d'âge),
i l n'était pas possible
de dégager des tendances générales
ou
de
faire de la prospection
d'autant plus que le Mozambique et l'Angola venaient tout juste de
sortir d'une guerre de libération.
De
surcroît elle ne tient pas
compte
de
la
variable
relative
à
l'adaptation
de
la
théorie
du
marxisme-léninisme aux circonstances historiques et environnemen-
tales particulières du milieu concerné.

IL] 9
populistes
se
réclamant
du
socialisme.
Les
premiers
mettent
l'accent
sur
la
notion
de
classe
contrairement
aux
seconds
qui
insistent sur celle de masse ou de peuple. De surcroît les régimes
afro-marxistes
sont
plus
récents
dans
l'histoire
politique
africaine.
En
effet,
alors
qu'ailleurs
le
socialisme
adapté
aux
réalités
africaines
était
une
référence
officielle
de
certains
régimes post-coloniaux ('J), "la doyenne des régimes afro-marxistes"
61 •
(
) ,
le Congo Brazzaville, n'a adopté cette philosophie du pouvoir
qu'en 1970.
Les régimes afro-marxistes ne sont pas homogènes dans la voie
1. Un
socialisme
scientifique
adapté
au
contexte
africain
mais
respectant les grandes lignes de l'orthodoxie marxiste-léniniste.
2. L'analyse des
situations politique,
économique et
sociale en
termes de classes.
3.La détermination que la société et l'Etat doivent être dirigés
par un parti d'avant-garde qui représente
(mais ne se
réduit pas
exclusivement)
la classe ouvrière.
4.L'engagement à renforcer l'Etat et les institutions de l'Etat.
S. L'acceptation
ouverte
de
la
transformation
révolutionnaire
impliquant si nécessaire l'usage de la force pour établir un nouvel
ordre social.
6.L'engagement à
créer "les conditions sociales et économiques"
pour la redistribution des biens et le triomphe du socialisme.
7.La
conviction
que
"l'orientation
socialiste"
entraine
la
recherche "d'alliés naturels" dans le bloc socialiste.
f(J
Le
Ghana
sous
Nkrumah,
la
Guinée
sous
Sékou
Touré,
La
Tanzanie pour ne citer que ces pays.
61
Young
(Crawford),
Ideology
and
development
ln
Africa,
op.cit.,
p.32.
Un an après sa prise du pouvoir en 1969,
le Capitaine Marien
Ngouabi devait proclamer en Décembre 1970,
la République Populaire
du Congo, organisée selon les principes du socialisme scientifique.
L'expérience
congolaise
sera
suivie
chronologiquement
par
la
République Populaire du Benin en 1974,
la République Populaire et
Démocratique
de
Madagascar
en
1975,
la
République
Populaire
de
Mozambique en 1977,
la République Populaire d'Angola en 1977 et la
République Démocratique et Populaire d'Ethiopie en 1987.

l 's 1
les
contradictions
entre
l'infrastructure
socio-politique
et
la
superstructure. Les règles relatives à l'organisation constitution-
nelle du pouvoir se rapprochent beaucoup plus de la constitution
de la vè République française que du modèle marxiste-léniniste
(~).
Toutefois, l'emprise absolue du parti sur l'appareil d'Etat intègre
le
régime congolais de
1970 à
1990 dans
la catégorie des
régimes
fondés
sur
le principe
du
"gouvernement
du
peuple
par
le
parti
communiste"
t'). Sa suprématie sur le pouvoir d'Etat est en effet
consacrée constitutionnellement
(65).
M
Analysant le régime de la république populaire du Congo, M.
Breton constate qu'au regard des fondements du régime,
"les bases
politiques de celui-ci,
qui trouvent leurs sources dans le modèle
des démocraties populaires de l'Est
européen,
s'opposent dans une
certaine mesure à
son
infrastructure
juridique,
encore
largement
marquée par les principes et les données formelles du droit public
français".
Cf.Breton
(Jean-Marie),
Le Congo après vingt-ans de régime
socialiste.
Principes
et
forces
politiques;
Penant
No
786-787,
Janvier-Juin 1985,
p.91.
Pereira est plus explicite dans
la mesure où il considère le
régime institué par la constitution
congolaise du 8 Juillet
1979
comme étant "une nouvelle forme du présidentialisme ou "présiden-
tialisme renforcé" qui "repose généralement sur le système du parti
unique de
fait,
c'est-à-dire dans
le cadre d'un système partisan
qui n'établit pas juridiquement l'institution du parti unique".
Cf. Pereira
(Claude
C.),
Evo lut ion
constitutionnelle
et
politique
du
Congo
de
la
Communauté
française
à
la
République
Populaire,
Penant No 785,
Juillet-Août-Septembre 1984,
p.324.
(La première partie de l'étude est publiée in Penant No 784, Avril-
Mai-Juin 1984, pp.167-192.)
Pereira (Claude C.), op.cit~, in Penant No.784, Avril-Mai-
Juin 1984,
p.169.
M
La souveraineté réside dans le peuple et s'exprime à travers
le
parti
congolais
du
travail
(art.2
de
la
constitution
du
8/7/1979). Elle est exercée au moyen des organes représentatifs du
pouvoir
d'Etat
constitués
des
assemblées
populaires
(art.3).
L'art.S pose le principe de la responsabilité des représentants du
peuple devant les organes du parti.

153
succession
à
la
tête
de
l'Etat
n'est
que
la
conséquence
de
la
succession au sommet du parti. Au demeurant les constitutions sont
explicites
en
faisant
prévaloir
la
qualité
de
chef
du
parti
sur
celle de chef de l'Etat. La désignation du chef du parti,
chef de
l'Etat,
suite à une vacance au sommet de l'Etat,
peut être le fait
soit du congrès du parti,
soit d'un comité restreint du parti qui
est
généralement
le
Comité
Central
délégataire
des
pouvoirs
du
Congrès dans
l'intervalle des
réunions de celui-ci.
a:
Le choix du successeur par le congrès.
Au Congo,
le président du Cami té Cent ra l
du
P. C . T. (1)
était
de droit président de la République
(art.17
des statuts du P.C.T.
adoptés
à
la
sUlte
du
congrès
de
tv1ars
1979;
art.61,
al
l.
de
la
Constitution du 8 Juillet 1979)
(1). Les dispositions constitution-
nelles et statutaires qui régissaient
jusqu'en 1991 l'ordonnance-
ment des structures politiques congolaises
faisaient du président
du
comité central
le chef de l'Etat alors
que la constitution du
24 Juin 1973 faisait du président du Parti Congolais du Travail (et
non du président du Comité Central du parti),
le président de la
République et chef de l'Etat
(art.36 de la dite constitution) .
Le
comité central
ne désignait
pas
lui
même
son président.
Celui-ci
était
l'élu
du Congrès
du
parti
qui
se
réunissait
tous
les 5 ans
(art 13 des statuts du PCT).
Le parti était le garant de
la continuité en ce sens qu'il
intervenait à tous
les niveaux du
71
P.C.T.
(Parti Congolais du Travail)
n
Gabou
(Alexis), Les constitutions congolaises; Paris-Dakar,
L.G.D.J.-N.E.A.,
1984,
547 p.

155
A cet
effet,
il
peut
être habilité à
organiser
la
succession du
chef du
parti
et
de
l'Etat
suite à
une
vacance
intervenue
entre
deux congrès du parti.
Au Mozambique
l'art
47
de
la constitution pose
le principe:
ilLe
Président
de
la
République
Populaire
du
Mozambique
est
le
Président du FRELIMO". Conformément à cette logique,
l'élection du
chef de l'Etat est une affaire exclusive du parti.
Il revient à ce
dernier,
en
application
des
règles
statutaires,
d'élire
son
président
qUl
sera automatiquement celui de
la République.
C'est
à
l'organe souverain du parti en l'occurence le Congrès du FRELIM~
qu l
se réunit tous
les
5 ans
(3) 1 que
revient
la tâche de dés igner
les dirigeants du parti et de l'Etat.
Toutefois,
s' ag issant de la vacance des pou vo i rs
du chef de
l'Etat
et
du
parti,
le
congrès
se
décharge
sur
son
comité
per-
manent. En effet,
dans l'hypothèse j'une disparition prématurée du
chef
du
parti
et
de
l'Etat,
ses
fonctions
"seront
immédiatement
/
assumées par le Comité Central du FRELIMO qui devra designer dans le plus
.
,
brefdelai possible le nouveau President de la RRpublique" (art.52 de la constitution
du 20 Juin 1975). L'usage du pronom relatif qui pourrait
introduire
une
confusion
sur
la
nature
de
l'organe
habilité
à
désigner
le
successeur:
S'agit-il du FRELIMO ou du Comité Central du FRELIMO?
Le recours à
la pratique successorale apporte une lumière à cette
13
Voir
Egera
(Bertil),
t1ozambique:
A Dream
Undone.
The
Political Economy of Democracy 1975-1987, Nordiska Afrikainstitut,
Uppsala 1987,
pp.lü9-11ü.

157
de la République".
Le choix du
suppléant par un organe
restreint
et
le
silence
observé
quant
à
l'organe
habilité
à
choisir
le
successeur
peuvent
amener
à
penser
que
la
dévolution
et
la
succession du pouvoir présidentiel sont toutes l'oeuvre du congrès.
Seulement
la
pratique
successorale
observée
en
1979
lors
de
la
disparition de Agostino Neto montre que,
face à la pesanteur de la
structure
du
congrès,
le
recours
au
Comité
Central
se
présente
comme une meilleure garantie du succès de l'opération successorale.
Alnsi Dos
Santos a été élu par le Comité Central aux postes clés
de président de la République,
chef du parti et commandant en chef
des
forces
armées.
Le
communiqué
annonçant
officielleme"nt
son
élection précisait qu'il demeurerait en fonction "jusqu'au prochain
congrès"
(5).
La désignation
du
successeur par
le comité
central
devait entra1ner sa ratification par le Congrès.
En
attendant
la
réunion
du
congrès
le
successeur
se
trouve
dans une situation précaire. Elu par le comité central,
i l devient
comptable
de
l'exécution
de
la
politique
définie
par
le
parti
devant ce même organe. En conséquence,
le comité central pourrait,
dans
l'intervalle
des
réunions
du
congrès,
le
révoquer
si
ses
performances ne recoivent pas l'assentiment des membres de l'organe
permanent du congrès.
Au
total
dans
les
régimes
afro-marxistes,
la
succession
du
chef
du
parti
et
de
l'Etat
se
décide
au
sein
d'une
structure
oligarchique du parti d'avant-garde. Ce dernier s'arroge un mandat
75
Ango la:
"Post -Neto
Reverberations";
Afr. Con f id.
Vol
2 Ü,
No.2ü,
pp.1-4

159
d'une idéologie en réalité commune sont des paramètres observables
dans
toutes
les
successions
des
régimes
marxistes-léninistes.
Néanmoins,
l'analyse des pratiques successorales dans ces régimes
montre l'existence de mécanismes rôdés permettant de transférer le
pouvoir sans heurts préjudiciables au régime. Ainsi la doyenne des
régimes
communistes
-l'URSS-
a
surmonté
avec
succès
tous
les
problèmes
de
succession
qui
se
sont
posés
à
elle
en
dépit
de
l'extrême concentration des pouvolrs entre les mains de secrétaires
générauj: personnalisant le pouvoir des
soviets.
Les mêmes préoccupations sont aussi présentes dans les régimes
afro-marxistes en raison de la Jeunesse de ces Etats confrontés de
surcroît
à
des
crises
internes menaçant
leur existence même.
Ces
soucis apparaissent clairement a la lecture d'un article de presse
faisant
état
de tous
les cas de figure possibles pour assurer la
succession de
Samora Machel
(6):"
Une
des
questions
essentielles
qui se posent maintenant est celle de savoir qui remplacera Samora
Machel,
le Président charismatique qui vient de disparaitre.
Deux noms s'imposent à priori: celui du Premier Ministre Mario
Machungo,
compétent mais effacé,
et celui du Ministre des affaires
étrangères
qUl
garde
un
grand
prestige
dans
l'armée
et
fut
le
premier président du gouvernement de transition entre les accords
de
Lusaka
et
la
proclamation
de
l'indépendance.
Une
solution
de
compromis
pourrait
mener
au
choix
de
Marcellino
Dos
Santos,
le
secrétaire permanent du parlement,
considéré comme plus proche des
" .
76
"
Après
Samora Machel, qui?
,
Marchés
Tropicaux;
No 2137
du 24 Octobre 1986; p.2696.

161
environnementaliste
par
rapport
aux
circonstances
particulières
dans lesquelles se retrouvaient ces deux Etats.
La contestation de
la
légitimité
du
pouvoir
en
Angola
et
au
l'1ozambique
commandait
l'unité des prétendants â
la succession. Dans ces deux pays malgré
le
charisme
des
leaders
disparus,
les
cons idéra t ion s
liées
â
l'environnement
hostile
faisaient
du
succès
de
la
succession
un
impératif pour la survie des
régimes concernés.
La sit.uation fut différente chez la "doyenne des régimes afro-
marxiste".
En
effet,
toutes
Jes
successions
intervenues
au Congo
ont
été opérées en
dehors
des
règles
institutionnalisées,
ce qui
montre la faible articulation du régime congolais et l'ineffectivi-
té des
règ les suc:cessora les
(').
Les sucees sion s
son t
tou j ours
le
reflet des
luttes
au
sein de
la
classe dirigeante et
s'analysent
en définitive comme des
coups cie force
(9).
L'acte Fondamental du
5 Avril
1977
qui
se
présentp en
fait
comme
une
charte
du
Comité
militaire
procèda
l'abrogation
de
certaines
dispositions
fondamentales
de
la
constitution
du
24
Juin
1973
notamment
les
organes politiques instaurées par celle-ci, ainsi que les différen-
tes assemblées populaires confiant aux masses l'exercice du pouvoir
d'Etat: Assemblée nationale et Conseil exécutif. En fait
i l revint
n
Les règles
successorales
n'ont
jamais été mises
en
oeuvre
au
Congo
aussi
bien
en
1963
entre
Flubert
Youlou
et
Massambat
Débat,
entre ce dernier et Ngouabi en 1968,
â la suite de l'assas-
sinat
de
Ngouabi
en
1977
et
a u
moment
de
l' acces sion
de
Denis
Sassou Nguesso â
la magistrature suprême.
N Après
l'assassinat de Ngouabi,
le parti s'était déchargé sur
un Comité Militaire du
parti
dirigé par Joachim Yombi Opango.
Or
ce
dernier
exclu
du
Comité
central
sous
Ngouabi
va
mener
une
politique qui s'écarte de plus an plus des orientations du parti.

163
comme l'incarnation de la classe laborieuse réside dans une série
de prétentions qui
sont
loin d'être
remplies dans
la plupart des
pays
essayant
une
transition
socialiste.
Cela
veut
dire
qu'en
pratique,
le
parti
est
dirigé
par
un
avant-garde
qui
n'est
nl
ouvrier ni paysan.
Le développement
idéologique du parti dépend à
un
haut
degré
d'un
leadership
central.
Le
parti
devient
le
véritable pouvoir central de
la
société.
La question du pouvoir,
originairement discutée en termes de contrôle et de leadership de
la base,
de la classe ouvrière,
change en terme de pouvoir exercé
au sommet par le leadership partisan"
("0).
La confiscaLion de la souveraineté proclamée des travailleurs
apparait
clairement
à
travers
la
composition des organes
chargés
de
la désignation du successeur.
En Angola,
le comité cer;tral du
MPLA-PT chargé de désigner le successeur de Neto était composé de
45 membres
('1);
au Mozambique,
Joachim Chissano a été désigné par
les 125 membres du comité central
du FRELIMO pour remplacer Samora
Machel
(n).
Au Congo,
la base populaire du chef du parti,
chef de
l'Etat,
est théoriquement
plus
large que celle de ses homologues
angolais ou mozambicain dans la mesure où i l est toujours élu par
le congrès du parti.
Seulement
i l est
chef de l'Etat parce qu'il
préside les destinées d'un Comité Central dont la composition varie
entre" 50 membres au moins et
60 membres au plus"
(art.18,
al.3
W
Egero
(Bertil),
Mozambique:
A Dream Undone.
The Political
Economy of Democracy;
op.cit.,
p.42.
"' Afr.
confid,
Vol 20,
No 20
U
Afrique Asie,
No 387,
17/30 Novembre 1986,
p.16

165
en relief le processus de transfert du pouvoir présidentiel au sein
d'un régime militaire existant.
L'accent sera mis sur la structure
des réglmes militaires qui reste encore insuffisamment étudiée.
Les
règles
des
régimes militaires sont hermétiques.
Nés
sur
les cendres d'une légalité qu'ils
ont détruite,
ces
régimes
sont
généralement
organisés
selon
les
règles
usuelles
de
l'armée.
L'analyse est
cendue encore plus délicate dans
la mesure 00
le régime militaire peut revêtir plusieurs catégories chacune ayant
des règles spécifiques d'organisation (u). L'intérêt de l'étude des
règles
institutionnalisées
de
transfert
du
pouvoir
au
sein
de
l'armée est relatif ~ l'aménagement de la continuité d'un pouvoir
~,
Dirk
Berg-Schlosser
propose
trois
catégories
de
régime
militaire:
-Les régimes militaires personnalisés:
i l s'agit du régime d'un
Caudillo
qui
est
un
homme
fort
prenant
le
pouvoir
avec
ses
partisans immédiats.
Ce qui caractérise ce régime c'est le peu ou
l'absence d'inputs formels.
Le caudillo s'appuie
essentiellement
sur un appareil d'outputs très centralisé. En raison de son extrême
personnalisation
ce
type
de
régime
est
instable,
le
caudillo
pouvant être
renversé
par
des
rivaux plus
heureux ou
le
système
peut se désintegrer à
la mort du chef militaire.
-Les régimes militaires corporatistes: ici,
c'est l'armée en tant
que
corps
qui
prend
le
pouvoir.
A
l'intérieur
des
rangs
de
dirigeants des différentes sphères des forces armées, une certaine
institutionnalisation des transferts du pouvoir a été établie.
-Les
régimes
militaires
progressistes
avec
une
orientation
à
prédominance
idéologique.
L'intervention
est,
ici
politique
car
généralement
la
fraction
de
l'armée
qui
prend
le
pouvoir
se
présente
comme
l'avant-garde
de
la
révolution
qui
se
traduit
à
moyen
terme
par
la
mise
en
place
d'un
parti
unique,
ft'),~,trument
d'intervention des militaires révolutionnaires.
La première
forme
de
régime militaire trouvait
sa prédilection
en
Amérique
latine
alors
que
les
deux
dernières
formes
sont
particulièrement courantes en Afrique.
Cf.
Dirk Berg-Sclosser,
Les systèmes politiques du Tiers Monde,
in
Mél.Duverger,
Paris,
L.G.D.J.,
1985,er·S18 et~.

Ad_.
-,
-
• • g
!'M' -
" ' t...r '
167
Banté.
Ces coups de palais
se
sont
effectués au
sein d'une même
structure militaire règnante
(le Derg), mais traduisent non pas un
conflit
de
personnes
malS
une
lutte
de
tendances
idéologiques
aboutissant
à
la
transformation
en
régime
afro-marxiste
de
l'Ethiopie par les représentants du courant vainqueur.
En Mauritanie aussi
des
coups de palais se sont déroulés au
sein de la structure militaire gouvernante sans effusion de sang
suite à un conflit non pas d'ordre idéologique,
mais de personnes
et d'alliances internationales. La prise du pouvoir par Bouceif en
Avril
1979 aurait
pu être
analysée
comme un coup d'Etat
s ' i l
ne
s'était
pas
accompagné du
maintien
des
mêmes
hommes
en
dépit
du
changement de structures
avec
la
transformation du CMRN en
CMSN.
Aucune
affiliation
idéologique
n'existait
entre
Bouceif
et
les
auteurs du coup d'Etat contre le Président Ould Daddah en
L978.
Si
Bouceif avait été nommé ministre de
la pêche par Ould Saleck,
ce
fut essentiellement en vue de maintenir l'unité de l'armée tout en
ayantç\\l'oeil
un
puissant
rival.
En
prenant
le
pouvoir,
Bouceif
procéda à un véritable renversement d'alliances à propos du conflit
du
sahara
tout
en
instituant
au
se ln
de
la
nouvelle
structure
gouvernante un compromis étrange laissant Ould Saleck à la tête de
l'Etat tout en le dépouillant de toutes ses prérogatives transfé-
(.L!'1SI
rées
au
nouveau
Premier
ministre
qui
devenait" le
chef
réel
du
gouvernement.
Après
son
décès
accidentel
en
Mai
1979,
i l
fut
remplacé à la tête du gouvernement par Ould Haidalla~qui, progres-
sivement,
finit par mettre fin à la dyarchie au sommet de l'Etat,
en exerçant un pouvoir personnel avant d'être à son tour victime

171
ministre de la défense. Ces deux postes sont de nature à aiguiser
les
appétits
et,
par
conséquent,
à
engendrer
des
relations
conflictuelles pouvant aboutir à la prise du pouvoir par ceux qui
contrôlent
les
leviers
de
l'armée.
Cette
situation
explique
également
la
tendance
des
chefs
d'Etat
militaires
à
concentrer
entre leurs mains les postes de ministre de la défense et de chef
d'état-major des forces armées.
b:
La dimension institutionnelle.
Cette dernière technique de succession militaire s'effectue
en dehors de toutes considérations
idéologiques,
stratégiques ou
personnelles.
Elle est
simplement
le
reflet
d'une
règle d'or de
l'armée: le respect de la hierarchie ou de la gérontocratie. Cette
règle
. combine
l'ancienneté et
le grade / et aboutit
au
choix du militaire le plus ancien dans
le grade de la hiérarchie
militaire du pays concerné.
L'ancienneté
dans
le
grade
le
plus
élevé
est
une
règle
traditionnelle de l'armée. A égalité de grade,
le plus ancien dans
le grade
(ce qui ne correspond pas toujours au plus ancien dans le
corps)
bénéficie
d'une
certaine
préeminence.
Cette
règle
qui
reflète la discipline du corps, présente l'inconvénient de projeter
au sommet de l'Etat un homme qui n'est pas toujours préparé pour
exercer
des
responsabilités
suprêmes.
L'exemple
de
la
prise
du
pouvoir par l'armée en Haute Volta
(maintenant
Burkina Faso)
en
1966, est révèlateur de cette situation. Suite à des manifestations
syndicales,
le pouvoir légal de Maurice Yaméogo était dans la rue.
L'armée
fut
"sollicitée"
par
les
syndicats
à
prendre
le pouvoir

173
l' intér im
et
la
suppléance
(90)
L'intérim du
chef de
l'Etat est
assuré par
le Premier Ministre,
chef du
gouvernement.
En
cas de
vacance
de
la
présidence,
il
revenait
au
Président
du
C.N.D.
d'exercer la suppléance en attendant la désignation du successeur
du chef de l'Etat.
L'intérim et la suppléance étaient assurés par
des autorités
civiles.
Il n'en était cependant pas de même
pour
l'organisation de la succession. Celle-ci incombait exclusivement
aux militaires par l'intermédiaire du C.M.S.
Ce
comité restreint
de
10
membres
a
dès
lors
le
privilège
de
désigner
le
chef
de
l'Etat.
Ce
fut
le cas avec la désignation
du
GénéraL Ali
Seibou
comme
successeur
du
Général
Kounché
en
application
des
règles
militaires institutionnalisées de transmission du pouvoir. Dans le
cas d'espèce,
le Général Seibou apparaissait
comme
"l' homme fort
du régime" en raison du contrôle de l'appareil milit'aire à travers
ses fonctions de chef d'état-major des forces armées depuis 1975.
Il reste que sa désignation obéissait surtout au critère de l'an-
cienneté dans
le grade le plus élevé de la hiérarchie militaire.
Cette forme de transmission est tombée en declin au cours de
la troisième décennie des coups d'Etat. En effet sa mise en oeuvre
dépend essentiellement de la cohésion au sein de
l'armée qui,
en
tant que corps organisé, exerçait le pouvoir politique. L'ancienne-

dans
le
grade
n'est pas
compatible
avec
la
prise
du
pouvoir
suite à
des
factions
au sein du corps,
de rivalités personnelles
ou
de
conflits
idéologiques
au
sein
des
tenants
du
pouvoir
90
Pour
l'étude
approfondie des
techniques
juridiques
de
la
continuité du pouvoir,
voir infra,
pp ~~~ et~

175
Maroc,
par exemple,
le roi
(Amir Al Moumini),
est considéré comme
le chef de la communauté des croyants
(~) alors qu'au Swaziland le
souverain,
appelé
le
Ngwenyama
ou
le
"Roi-lion",
dispose
d'un
"pouvoir absolu, religieux et politique"
(l4). En outre,
les sources
de la légitimité y sont variables en raison de la coexistence des
principes
traditionnels
et
modernes,
des
règles
coutumières
et
écrites.
La
régulation de
la
succession met
en
lumière deux modèles
différents d'aménagement de la continuité du pouvoir monarchique:
le modèle marocain et le modèle swazi. La différence des techniques
successorales requiert
dès
lors une
étude
séparée de ces modèles
successoraux.
A:
LE MODELE MAROCAIN.
Le statut et les pouvoirs du souveraln n'ont pas subi
l'usure
du
temps
et
particulièrement
de
la
colonisation.
En
dépit
du
protectorat
français
de
1909
à
1956,
les
règles
coutumières
régissaient la couronne royale. Le caractère absolu de la monarchie
était
la
règle.
Le
roi
disposait
d'un
pouvoir
théocratique,
d'essence religieuse.
Ce pouvoir était absolu car il règnait sur
toute
la
communauté et
jouissait
de
prérogatives
lui permettant
d'imposer sa volonté aux composants du régime.
Il était le symbole
de l'unité de la royauté à laquelle i l s'identifiait. Il incarnait
~
Rousset
(Michel),
Le
Royaume
du
Maroc;
Paris,
Berger
Levrault,
1978, p.65.
~ Cornevin (Robert), La mort de Sobhuza II et le Swaziland;
in "Afrique contemporaine",
No 123,
Septembre-Octobre 1982,
p.3.

177
dimension
nationale
(97)
Le
prestige
que
le
roi
tirait
de
son
statut et sa légitimité purement personnelle rendaien~avorable la
transmission pacifique de pouvoir royal à
son héritier désigné.
Le nouveau roi n'avait pas une légitimité
identique à celle
de son père. Il devait dès lors normer les rapports entre le trône,
les sujets ainsi que les représentants de ceux-ci. Ce fut l'oeuvre
de
la
constitution
du
7
Décembre
1962
(98).
Cette
constitution
affirme la nature héréditaire du pouvoir du monarque et,
surtout,
inscrit
pour
la
première
fois
dans
un
texte
officiel
écrit
les
règles
de
dévolution
et
de
transmission
du
pouvoir
royal.
La
nouvelle constitution marocaine du
10 Mars
1972,
actuellement en
97
Le
souverain était en effet un martyr de
la colonisation.
Déposé
le
20/8/1953
et exilé en
dépit
des
engagements
souscrits
dans
le
traité
de
protectorat
faisant
obligation
à
la France de
protèger
le
souverain
et
sa
dynastie,
Mohammed
V
fut,
sous
la
pression des masses populaires,
relaché et autorisé à rentrer sur
Rabat le
19/11/1955.
Les années d'exil avaient
fini
par faire de
lui un martyr et l'immense prestige dont i l était désormais revêtu
allait peser d'un poids considérable dans la vie politique.
Cf.Rousset M.); Le royaume du Maroc,
op.cit.,
p.17.
~
Le
processus
constitutionnel
initié
par
le
souverain
Mohammed Vaux lendemains des indépendances fut concrétisé par le
roi Hassan II. Cette constitution manifeste le caractère absolu de
la monarchie constitutionnelle marocaine. En effet, i l s'agit d'une
constitution
"sur
mesure"
comme
cela
devait
apparaitre
dans
le
discours radiodiffusé du roi Hassan II en date du 18 Novembre 1962:
"Ainsi,
la constitution que j'ai construite de mes propres mains
cette constitution est avant tout le renouvellement du pacte
sacré qui a toujours uni le peuple et le roi".
Cf.
Palazzoli
(C.),
Le Maroc Politique,
op.cit., p.76.
Rousset
remarque à
juste titre qu'il
s'agit d'une "consti-
tution octroyée qui fait une place exclusive au roi", "une constitu-
tion mon bon plaisir".
Cf. Rousset,
Le royaume du Maroc;
op.cit.,
p.65.).

179
l'accession automatique du fils
du monarque en cas de vacance du
pouvoir royal. Ce G(e~t1'e~- se transmet de père en fils et dans
l'ordre de naissance des princes. Cette technique limite ainsi les
pouvoirs
du
souverain
quant
au
choix
de
son
successeur.
Toute
succession autre que la forme héréditaire est prohibée. A travers
l'hérédité l'objectif recherché
est
la garantie de la continuité
en ce sens que le trône n'est jamais vacant. Le dauphin devient roi
dès que se produit l'évènement créateur de la vacance.
Ce procédé successoral est cependant autocratique.
Il exclut
les
sujets
du
processus
de
dés ignat ion
de
son
" Représentant
Suprême". Ni le peuple ni ses
représentants élus au Parlement ne
peuvent intervenir dans la succession royale qui vise en définitive
à
la perpétuation d'une dynastie royale,
dans le cas d'espèce de
la dynastie Allaoui.
Le pouvoir royal ne peut être assumé q~e par
le souverain,
son fils ainé ou,
le cas échéant,
un fils qu'il aura
désigné de son vivant ou,
en l'absence de descendant mâle en ligne
directe,
ses frères ou ses neveux.
b: La loi de la masculinité.
Dans
les
monarchies
traditionnelles
la
success ion
exclut
généralement
les
femmes
du
trône.
L'objectif
recherché
est
la
continuité de la dynastie à travers la perpétuation du nom royal.
Cette exclusion peut être totale et concerner même les descendants
mâles de la succession
(101).
Elle peut être relative et bénéficier
101
L'art.1 de la constitution française de 1791 maintenait la
royauté qui était "déléguée héréditairement à la race règnante de
mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle
des femmes et de leurs descendants".
Cf. Duverger (Maurice), Constitutions et documents politiques;

181
a:
Le choix discrétionnaire du dauphin.
Dans
les
monarchies
traditionnelles
la
qualité
de
dauphin
résultait simplement de l'ordre de primogéniture et elle s'imposait
au monarque qui ne pouvait pas altérer l'ordre des choses. On a pu
écrire à propos de l'accession automatique du prince au pouvoir que
"le Roi ne peut exhéréder "l'héritier nécessaire": celui-ci ne tire
en effet pas son droit de la volonté du défunt,
dont il n'est pas
l'héritier:
il
a
un
droit
formé
dès
sa
naissance
à
accéder
au
trône.
Nul
ne peut
l'en
priver.
C'est
la
loi
fondamentale
qui,
établissant d'avance le successeur,
l'impose à toutes les volontés
et en premier lieu celle du roi vivant qui ne peut la transgresser
sous
quelque motif que
ce
soit"
(103).
Le
roi
est
à
partir de
ce
moment considéré comme le successeur de son prédécesseur et non pas
son héritier en raison
de
la non
partimonialité de
la couronne.
Celle-ci
était
régie
par
des
règles
coutumières
établies
dans
l'intérêt exclusif de la Inonarchie. Elles transcendaient la volonté
du monarque règnant qui ne pouvait s'opposer à la dévolution de la
couronne au prince aîné.
Celui-ci monte sur le trône par la force
des lois fondamentales qui le désignent à
l'avance et impérative-
ment.
C'est la théorie statutaire de la couronne.
Au Maroc,
la tradition arabo-musulmane et la constitution de
1962 faisaient du fils
aîné du roi
son successeur naturel et non
pas son héritier. Le principe de l'hérédité garantit la continuité
103 Cf. Saguez-Lovisi
(Claire), Les lois fondamentales au XVlllè
siècle. Recherches sur la loi de dévolution de la couronne; Paris,
P . U . F .,
1 984,
pp. 3 2 - 3 3 .

183
b: La suppression de la Beia.
Si
l'hérédité
est
la
règle
générale
dans
la
succession
monarchique,
i l n'en est pas de méme de l'accession au trône.
Le
successeur peut faire l'objet d'une investiture par la communauté
des croyants. C'est la beia
(ou Baya) qui est l'acte traditionnel
d'investiture
du
roi
(106)
.Elle
aurait
une
connotation
"
contra-
ctuelle,
de
reconnaissance,
et
-étrangement peut
étre
commer-
La
beia
n'est
pas
automatique.
Elle
est
révocable.
Cet te
possibilité n'est pas théorique
(I~). A travers la beia, c'est le
principe de la responsabilité du monarque devant la communauté des
106
Selon
Durant,
la
baya
e s t "
un
serment
de
fidélité
au
prophète
par
lequel
les
membres
de
la
communauté
s'engagent
à
combattre pour lui,
les armes àla main,
après s'être engagés dans
un premier temps à lui être fidèles".
Cf. Durant
(Bernard),
Histoire comparative des institutions;
Dakar-Abidjan-Lomé,
NEA,
1983,
p.164.
Legs de l' histoire de l' arabie islamique,
la baya finit par
être institutionnalisée dans
les
régimes théocratiques musulmans
et devenir un procédé de légitimation des autorités politiques.
101
Zartman
(I.William),
Destiny of a Dynasty:
The Search
For
Institutions
in
Morocco's
Developing Society,
University
of
South Carolina Press,
1964, p 8.
A partir
du moment

le prince ainé est
le
successeur
du
souverain,
la beia ne va pas porter sur le choix mais sur l'accep-
tation du successeur. Elle se fait en deux étapes:
-La
première
étape
est
celle

la
beia
est
accordée
par
les
notables,
généralement la communauté des oulémas;
-La
seconde
est
celle
de
la
beia
de
la
communauté
en
tant
que
ensemble ou,
plus exactement,
comme part de l'ensemble,
ville par
ville, district par district, à mesure que le roi voyage à travers
le pays pour recevoir sa déclaration d'allégeance.
108
Deux
sultans
qui
avaient
règné
immédiatement
avant
le
protectorat
(Moulay Abdelaziz et Moulay Hafid)
en avaient été des
victimes.
Cf. Rousset
(M.),
Le Royaume du Maroc,
op.cit.,
p.38.

185
,
lnves t'l
d ans l a personne d
(1\\0).
u
monarque
Le
rOl'
(Ngwenyama
ou
Roi-lion),
assisté
de
la
reine-mère
(Ndlovukan
ou
Eléphante),
s'appuie sur une Assemblée traditionnelle le Libandla
(reunissant
les chefs de lignages
une
fois
par an)
et
le Liqoqo qui est
un
conseil privé composé de parents et d'amis du souverain.
La monarchie swazi est gouvernée selon des règles coutumières
organisant
les
relations
entre
le
souverain
et
ses
sujets.
Les
principes traditionnels n'ont pas été altérés par l'accession en
1968 du ro"aume à la souveraineté internationale,
ni par l'adop-
tion d'une constitution inspirée du modèle de Westminster (111)
qui
110
L' histoire du royaume est très contestée s'agissant de ses
origines,
mais
les
historiens
sont
unanimes
pour
attribuer
à
Dlamini
la
création
du
clan
royal
au
17è
siècle.
Hilda
Kuper
soutient à ce propos qu'"
il y'a plusieurs versions de l'histoire
traditionnelle Swazi.
Les historiens des tribus,
généralement des
personnes agées intéressées par le passé,
se contredisent fréquem-
ment chacun et entre eux-mêmes".
Cf. Kuper (Hilda), The Swazi: A South African Kingdom; 2. Ed.,
New-York,
Holt Rinehart & Winston Inc.,
1986, p.9.
La
monarchie
swazi
a
duré
sans
transition
surmontant
la
période du protectorat signé en 1906 en vue de préserver la royaume
de son absorption par l'Afrique du Sud. La politique du gouverne-
ment
indirecte
pratiquée
par
l'Angleterre
dans
ses
anciennes
colonies avait consolidé la monarchie Swazi dans la mesure où les
pouvoirs
du
monarque
étaient
demeurés
intacts
vis-à-vis
de
ses
sujets.
111
Cette
constitution
de
l'indépendance
instituait
une
assemblée
bicamérale
dont
le
1/5
des
membres
de
l'Assemblée
nationale
(à côté de 24 députés élus)
et la moitié des sénateurs
étaient nommés par le roi.
Les élections d'Avril 1967 voyaient le
parti
royal:
Le
Imbokodvo
National
Movement
(I.N .M.)
gagner
la
totalité
des
sièges
de
l'Assemblée
Nationale
contre
le
parti
républicain le Ngwane National liberatory Congress
(N.N.L.C.).

187
Swaziland des corps de règles écrites procédant à l'aménagement de
la continuité du pouvoir monarchique. Tout repose sur les coutumes
traditionnelles.
Celles-ci,
en
conformité
avec
les
traditions
bantou, privilègient la succession héréditaire dans la lignée mâle
du souverain règnant. Dans la tradition swazi,
observe Burling,
"
la propriété d'un homme doit être partagée entre ses fils".
Si ce
principe pouvait être admis en ce qui concerne la propriété privée,
ajoute-t-il," i l ne pouvait pas en être de même pour le royaume car
une telle situation aboutirait à
la disparition du royaume et les
fragments
de royaume deviendraient ainsi des
proies
faciles pour
leurs voisins"
(115).
La problématique de la succession swaZl était
de définir un système héréditaire dans une voie telle qu'un homme
parmi tous
les qualifiés puisse être désigné pour le trône.
La loi de l'hérédité était dictée par
la structuration même
du royaume.
Celui-ci est constitué de 150 chefferies dirigées par
des
vassaux
provenant
presque
tous
du
clan
royal
Dlamani.
Ces
vassaux sont nommés par le souverain mais ces chefferies tendaient
à
devenir
héréditaires.
Normalement
les
sujets
finissent
par
admettre que le fils remplace le père à
la chefferie.
Cette
pratique
locale
a
encouragé
les
swazi
à
accepter
le
principe similaire pour le trône.
La
succession patrilinéaire au
sommet
de
la
monarchie
n'est
que
la
reproduction
à
l'échelon
central des pratiques locales de transmission du pouvoir. La règle
selon
laquelle
le
roi
occupe
une
position
héréditaire
qui
est
115
l '
f
Bur lng
(R.),
The passage 0
power . . . ,
op.cit.,
p.20

189
alors
que la reine-mère est
chargée de
la seconde Haute Cour.
Le
roi
distribue les terres mais en collaboration avec
la reine-
mère.
Celle-ci a en charge les objets nationaux sacrés mais ceux-
ci
ne
sont
pas
effectifs
sans
la
coopération
du
roi.
Pour
ces
raisons,
les conflits entre le roi et
la reine-mère sont toujours
considérés
comme
des
menaces
potentielles
pour
la
sécurité
nationale et le bien être du royaume. Des palliatifs ont été prévus
pour réduire les possibilités de conflit entre les deux autorités
~
( 117) •
supremes
Une
règle fondamentale de
la
succession est que le rOl doit
sa position à sa mère beaucoup plus qu'à ses qualités intr{nsèques.
Si
du
vivant du
roi aucun héritier ne
peut
être désigné,
dès
sa
disparition i l revient au conseil de famille,
présidé par le prince
aîné,
de
décider
de
la
succession.
Le
titre
de
"Premier
cir-
conscrit"
(118)
est conféré au fils aîné. De fait,
à partir du moment

i l
ne
peut
être porté
à
la
tête
du
royaume,
il
jouit
d'une
certaine neutralité lui permettant de réduire les rivalités entre
les
prétendants
et d'exercer
ses
prérogatives
en
toute
indépen-
dance.
Dans
le
choix
du
successeur,
le
Conseil
de
famille
tient
compte d'un certain nombre de critères parmi lesquels le rang des
117
Il y'a par exemple la séparation spatiale de leurs résiden-
ces respectives et la reine peut rester des semaines sans recevoir
la
visite
du
roi.
Des
intermédiaires
diplomatiques
assurent
la
correspondance.
Cette
séparation
permet
ainsi
d'éliminer
les
frictions pouvant être engendrées par un face-à-face entre eux.
118
Burling
(R.),
The Passage of Power . . . ;
op.cit., p.23

191
rOl
défunt
(120),
la
coutume
secrète
des
germes
d' un
conflit
de
succession.
Si,
ainsi
que
l'écrit
Burling,
les
swazi
ne
peuvent
se
permettre
de
laisser
les
règles
successorales
"devenir
trop
explicites de peur que l'héritier soit connu à
l'avance"
(121),
il
n'en
reste pas
moins
que de
son
vivant
le
roi
Sobhuza
II
avait
tenté de légaliser les institutions traditionnelles de transition
en signant un décret en date du 21 Juin 1982, soit précisément deux
mois avant sa disparition le 21 Août 1982. Ce décret chargeait la
reine-mère Dzeliwe (122) d'assumer la régence et désignait un Prince,
parmi
les fils aînés comme la personne autorisée
(The Authorized
Person)
devant agir à
la place de
la
régente si,
pour n'importe
quelle
raison,
elle n'était
plus
en mesure
de
remplir ses
fonc-
tions. Enfin le Liqoqo changea de statut devenant "Conseil Suprême
d' Et'a-t",
composé de membres nommés' sur la base de leur mérite et
non de leur affiliation au roi. Le Liqoqo avait ainsi une fonction
exclusivement
consultative
sur
toutes
les
affaires
de
l'Etat.
Seulement le roi meurt sans pourvoir les postes au sein du Liqoqo
120
Ainsi, le Roi Sobhuza II aurait~lus de 65 épouses provenant
de 32 différents clans. Auraient survécu à sa mort 30 reines-mères
et 110 enfants parmi lesquels 40 garçcons.
Cf. Kuper
(H.),
The Swazi: A South African Kingdom,
op.cit.,
p.162.
121
Burling
(R.),
The Passage of Power ... ; op.cit.,
p.23
lU
Dzeliwe la reine-mère sous
Sobhuza II n'était pas la mère
de ce dernier. Elle faisait partie des premières épouses de Sobhuza
II. Elle avait été déclassée à la mort de la mère du souverain pour
remplir l'office.

193
mais le modèle peut être abstrait.
Sa fonctionnalité dépend de son
acceptat ion
par
l'environnement
du
rég ime
cons idéré.
En
effet,
destinée
â
garantir
la
continuité
du
pouvoir
présidentiel,
l'institution successorale ne peut laisser indifférents les acteurs
des régimes concernés. Ceux-ci doivent procéder à sa légitimation.
La
légitimité est une variable déterminante du processus succes-
soral.
C'est elle qui met en lumière
les
enjeux et
les multiples
facettes
de
la
succession.
Or
cette
légitimation
du
modèle
successoral est souvent factice dans les régimes africains.

195
Cette légitimité participe à
la succession présidentielle en
Afrique. Ainsi que
le soutient fort Sylla,
parler d'un mode de
succession revient en réalité à parler d'un mode de légitimation
du pouvoir,
car à chaque mode de succession correspond un mode de
légitimation.
Un transfert de pouvoir ne peut réussir s ' i l n'est
pas sanctionné par une légit imité dominante
e).
La légitimité des règles de transfert du pouvoir est une des
conditions de la stabilité des régimes africains.
Comme le fait
remarquer Hayward "la succession devient une question par-
ticulièrement épineuse lorsqu'il n'y a pas de mécanismes reconnus
et régulièrement utilisés pour remplacer les dirigeants.
Si la
nécessité de règles et procédures successorales perçues comme
légitimes s'impose,
encore faut-il qu'elles soient effectivement
appliquées."
(4).
Or les règles successorales sont posées pour ne
pas être appliquées dans la mesure où le chef d'Etat africain
meurt souvent au pouvoir.
La peur du lendemain incertain se
traduit ainsi par une conception sécuritaire du pouvoir.
Cette
hantise explique le blocage de l'institution successorale en
Afrique et,
en conséquence le recours à des formes violentes de
transfert du pouvoir présidentiel
e).
j
Sylla
(L) ,
Succession of the Charismatic Leader . . . ,
op.-
cit. ,
pp.11-12.
4
Hayward
(F.)
La succession politique au Sierra Leone:
1985-1988;
op.cit.,
p.2.
5
Nous adhérons à
la thèse soutenue à cet effet par le Doyen
Lanciné Sylla pour qui le changement est souvent chaotique et
hasardeux et les tentatives d'organisation rationnelle de l'Etat
ont été au mieux erratiques venant généralement dans
la vague des

167
Banté.
Ces
coups
de palais
se
sont
effectués
au
sein d'une même
structure militaire règnante
(le Derg), mais traduisent non pas un
conflit
de
personnes
mais
une
lutte
de
tendances
idéologiques
aboutissant
à
la
transformation
en
régime
afro-marxiste
de
l'Ethiopie par les représentants du courant vainqueur.
En Mauritanie aussi des
coups de palais
se sont déroulés
au
sein de la structure militaire gouvernante sans effusion de
sang
suite à un conflit non pas d'ordre idéologique,
mais de personnes
et d'alliances internationales. La prlse du pouvoir par Bouceif en
Avril
1979 aurait
pu
être
analysée comme un coup d'Etat
s ' i l
ne
s'était pas
accompagné
du
maintien
des
mêmes
hommes
en
dépit
du
changement de structures
avec
la transformation du CMRN en CMSN.
Aucune
aff il ia t ion
idéolog ique
n' exi stai t
entre
Boucei f
et
les
auteurs du coup d'Etat contre le Président Ould Daddah en 1978. Si
Bouceif avait été nommé ministre de
la pêche par Ould Saleck,
ce
fut essentiellement en vue de maintenir l'unité de l'armée tout en
ayant<:tl' oeil
un
puissant
rival.
En
prenant
le
pouvoir,
Bouceif
procéda à un véritable renversement d'alliances à propos du conflit
du
sahara
tout
en
instituant
au
sein
de
la
nouvelle
structure
gouvernante un compromis étrange laissant Ould Saleck à la tête de
l'Etat tout en le dépouillant de toutes ses prérogatives transfé-
LLI,l S 1
rées
au
nouveau
Premier
ministre
qUl
devenait" le
chef
réel
du
gouvernement.
Après
son
décès
accidentel
en
Mai
1979,
i l
fut
remplacé à la tête du gouvernement par Ould Haidalla~qui, progres-
sivement,
finit par mettre fin à la dyarchie au sommet de l'Etat,
en exerçant un pouvoir personnel avant d'être à
son tour victime

169
Ce
cas
de
figure
peut
être
aisément
explicité
à
travers
l'évolution
du
régime
militaire
de
la
Mauritanie
suite
aux
successions
intervenues
entre
les
différents
chefs
militaires
depuis
la
chûte
du
pouvoir
civil
en
1978.
Dans
ce
pays,
les
successions
ont
toujours
été bénéfiques
aux
officiers
ayant
une
prise directe sur l'armée.
Il est apparu,
à
travers
le processus
de transmission du pouvoir,
que le poste de ministre de la défense
et
celui
de
chef
d'état-major
des
forces
armées
constituent
un
tremplin menant son titulaire directement au sommet du pouvoir. La
succession
de
Bouceif
n'a
pas
bénéficié
à
ceux
des
membres
du
C.M.S.N.
qui
étaient
considérés
comme
ses
héritiers.
Au
contraire,
on
avait
assisté
à
un
réalignement
de
la
structure
dirigeante avec la désignation de Ould Haidallah par dessus la tête
des
premier
et
deuxième
vice-présidents
du
CMSN
-l.es
Lieunant-
colonels Ould Sidi et Abdel Kader - au poste qui devai t
normalement
revenlr à
l'un d'entre eux.
Haidallah était "l'éminence grise du
régime"
(88).
De tendance pro-algérienne et pro-sahraoui, contraire-
ment
à
la
tendance pro-occidentale et
nationaliste
incarnée
par
Ould Bouceif,
i l avait acquis une influence grandissante tout au
long des
premières
années
du régime militaire en
jouant
un
rôle
actif dans le renversement du régime civil de Ould Daddah. Sous le
règne de Ould Saleck,
i l avait en charge l'armée en tant que Chef
d'état-major
et
ensuite
ministre
de
la
défense.
Nommé
Premier
n
Comité Militaire de Salut National
88
f
C . Afr.
Confid. Vol 20,
No 14,
July 4,
1979,
p.7.

197
(Chapitre
II)

199
sorales souvent adaptées à
la volonté du chef. Ces règles mettent
en place un modèle adéquat,
abstraction
faite de son bénéficiaire
éventuel,
ou confèrent au chef en fonction des ressources
insti-
tutionnelles lui permettant de concrétiser sa volonté d'organiser
comme i l l'entend sa succession.
Des moyens
juridiques et politi-
ques sont mis à la disposition du chef d'Etat en vue de lui
permettre d'une part de forger ses propres règles successorales
et,
d'autre part de protèger sa stratégie contre toute déstabi-
lisation émanant de l'intérieur ou de l'extérieur du régime.
PARAGRAPHE I:
LES TECHNIQUES DE STRUCTURATION DE LA SUCCES-
~ION.
La succession est une opération technique qUl a de profondes
incidences politiques sur la continuité du pouvoir,
par-
ticulièrement dans
les régimes marqués par un faible degré
d'institutionnalisation du pouvoir.
Ainsi,
dans les régimes
africains où le chef d'Etat est engagé dans sa succession,
celle-
ci obéit à des considérations sLratégiques tenant aux conditions
de passation de son pouvoir,
au maintien et à
la garantie des
avantages tirés du pouvoir,
à
la sécurité de ses associés,
à
l'arbitrage des prétendants au pouvoir,
et aux intérêts du public
en général.
L'existence d'une stratégie de retrait explique la minutie
avec laquelle est préparée la succession.
Rien en effet n'est
laissé au hasard des circonstances.
Dans
la mesure où il bénéfi-
cie d'une maîtrise totale des instruments lui permettant de faire
prévaloir sa volonté,
le chef d'Etat-acteur dispose d'une faculté

201
directement ou indirectement,
fait usage de son pouvoir normatif
pour traduire institutionnellement sa volonté,
et la concrétiser
par des assemblées à
sa dévotion.
a:
Une traduction institutionnelle de la volonté présiden-
tielle.
La pratique du dauphinat en Afrique met en lumière la
conception instrumentale du droit qui est au service des gouver-
nants.
En effet,
pour normer la volonté des chefs en place,
l'ordonnancement
juridique est souvent modifié en vue de répondre
à
leurs sollicitations.
Ceci es~ particulièrement vérifiable
s'agissant de la succession d'un leader charismatique.
Celui-ci
est considéré comme un bâtisseur de régime.
Il est dès lors
préoccupé par la survie du régime qu'il a mis en place.
Les
manoeuvres
juridiques des chefs historiques pour garantir leur
succession illustrent cette préoccupation.
Au Sénégal,
le Président Senghor était très tôt préoccupé
par sa succession
(6).
Après la crise de Décembre 1962,
i l s'é-
tait senti obligé de tout recommencer à
zéro en mettant en place
une nouvelle constitution,
celle du 7 Mars
1963,
instituant un
régime présidentiel
().
Le processus successoral est déclenché
6
Voir:
La retraite du Président Senghor,
in Afrique Con-
temporaine,
No 113,
Janvier-Février 1981, p.21
7
A notre avis,
le régime présidentiel permettait au Prési-
dent Senghor,
qui venait de sortir d'une crise politique majeure,
de se protéger en se mettant à l'abri de toute pression de
l'Assemblée nationale où les "diaistes" étaient encore puissants.
Il s'agissait d'abord de contenir la crise avant de passer à
l'étape suivante qui est le contrôle de l'Assemblée nationale qui
fut réalisé
avec la réforme de 1967 permettant au Chef de

2U3
gouvernement,
le président Senghor se donnait ainsi l'opportunité
de fabriquer un héritier sur mesure.
Formé dans
les rouages de
l'Etat et du parti,
le dauphin subit une socialisation aux
valeurs du régime dont
il est chargé de sa continuité.
L'évolution fut
identique au Cameroun.
Le poste de Premier
ministre s'inscrivait dans la perspective de la déconcentration
du pouvoir exécutif.
L'objectif recherché était
la bonne direc-
tion de la sociéte conformément aux voeux du Président Ahidjo
pour qUl:
"Diriger,
c'est
(donc)
déléguer"
(").
L'institution
nouvellement créee,
ne porte donc pas atteinte à
l'unité du
pouvoir exécutif incarné par le chef de l'Etat qUl est en ~ême
temps
Le chef du gouvernement.
Le Premier ministre peut être
analysé comme une institution de décongestion d'une présidence
monocentriste.
Au demeurant,
sa nomination etait même laissée à
la discrétion du chef de l'Et.at qUl
" peut nommer un Premier
ministre". En outre,
dépourvu de pouvoirs constitutionnels
propres et n'exerçant que des pouvoirs délégués par le chef de
l'Etat,
le Premier ministre camerounais apparaissait à travers
l'ordonnancement constitutionnel de 1975 comme" un primus inter
pares,
c'est-à-dire,
le premier des ministres,
nommé en même
temps que les autres membres du gouvernement dont il se distingue
simplement par son rang"
(").
Seulement ce statut de " premier
" Ahidjo,
Conférence de presse du 9 Février 1973;
cité par
Mbarga
(E.),
in " La
réforme des articles 5 et 7 de la constitu-
tion de la République Unie du Cameroun",
op.cit.,
p.27ü
1)
Kamto
(M.),
Le dauphin constitutionnel . . . ;
op.cit.;
p.259.

,.-jo'"
. . . ,-
..
~ . ~
-.
".-' :
~,?;",.,
205
ticulièrement le "clan gabonais" pour légitimer l'accession au
pouvoir suprême de Bongo,
un allié fidèle de la France
(13).
Ce tour d'horizon des circonstances du dauphinat consti-
tutionnel montre que le recours à ce système n'est pas fortuit.
Tout part en effet de la volonté d'un homme qui,
pour sauvegarder
son patrimoine politique,
constitutionnalise une stratégie
personnelle de transfert de son pouvoir en dépit des stipulations
constitutionnelles coriférant le pouvoir de commandement originai-
re et suprême aux gouvernés.
b:
Une concrétisation par des .assemblées monolithiques.
Le souci de garantir le dauphirlat consiitutionnel se traduit
par l'exclusion du peuple de son adoption.
Celle-ci est souvent
le fait des assemblées. Au Gabon,
ce fut
l'Assemblée nationale
qui vota
la
révision des articles 8,
9 et 10 de la constitution"
dans l'une des formes prévues par l'article 69
(majorité des 2/3)
"
(14).
En Tunisie,
cè fut l'Assemblée nationale qUl vota un
amendement constitutionn~l modifiant' l'article 51 de la constitu-
tion et qui faisait d'un Premier ministre nommé et révoqué
librement pa~ le chef de l'Etat son dauphin constitutionnel. Au
Sénégal,
l'Ass~mblée nationale fut â l'origine de la réforme
const i t ut ionne,~Jl:',"du 6 Avril 1976 consacrant le pr,~ncipe de la
succession aut6~atique'du chef de l'Etat par son Premier minis-
8
Péan
(P.), Affaires africaines,
op.cit.,
pp.64,et s.
14 Hervouet
(Françoj..s),
Le processus de concentration des
pouvoirs par l~ 'Président de la République du Gabon; ~enant No
779,
Janvier-Mars 1983, p.22

207
procédure de révision constitutionnelle
(17)
établie par le
constituant français de 1958 en reconnaissant
l'initiative de la
révision au Président de la République,
librement ou sur proposi-
tion d'un corps constitué
(IX)
et aux membres du parlement,
c'est-
à-dire aux seuls députés en raison de la structure monocamérale
du parlement,
généralement adoptée en Afrique.
L'adoption de la
révision constitutionnelle peut être
le fait de l'Assemblée
nationale se prononçant à une majorité qualifiée.
Toutefois,
le
Président de la République peut décider de soumettre directement
l'adoption de l'amendement constitutionnel au peuple par la voie
du référendum. Ainsi le chef de l'Etat dispose d'un pouvoir
discrétionnaire quant au choix de l'Assemblée nationale ou du
peuple en ce qui concerne l'adoption d'une révision constitution-
L'adoption d'une révision constitutionnelle par une assem-
blée représentative s'inscrit parfaitement dans
le cadre de la
légalité constitutionnelle.
Seulement
l'intervention des parle-
mentaires peut se justifier par le souci d'éviter un recours
J7
Voir à ce propos l'article de Michel Prouzet:
Les procédu-
res de révision constitutionnelle,
in
" Les institutions consti-
tutionnelles des Etats d'Afrique francophone et de la République
Malgache",
sous la direction de M.Gérard Conac,
Coll.
La vie du
droit en Afrique,
Economica,
Paris,
1979,
pp.28l-320.
lB
Contrairement à la constitution des Etats-Unis qui exclut
le pouvoir exécutif de l'opération de révision constitutionnelle.
I~ La technique d'adoption diffère légèrement en Tunisie dans
la mesure où le constituant tunisien ne prévoit pas la saisine
directe du peuple par référendum pour l'adoption d'un amendement
constitutionnel qui est toujours l'oeuvre de l'Assemblée natio-
nale.

209
révision constitutionnelle sénégalaise du
6 Avril 1976 faisant du
Premier ministre le dauphin constitutionnel du chef de l'Etat,
les révisions opérées au Cameroun du 9 Mal
1975
instituant un
Premier ministre,
et du 9 Juin 1979 faisant
de ce dernier le
principal bénéficiaire de la vacance du pouvoir présidentiel,
avaient été toutes adoptées en application de
la procédure
parlementaire.
Une telle procédure parfaitement admissible dans
les régimes 00 le parlement conserve
jalousement son indépendance
vis-à-vis de l'ezécutif et où les députés
se prononcent en toute
âme et conscience sans recevoir de mots d'ordre des états-majors
partisans,
se justifie difficilement dans
les pays où l'Aisemblée
nationale est composée de députés entièrement dévoués à la cause
du chef de l'Etat. Celui-ci
jouit en effet d'une autorité absolue
dans
la mesure où,
chef du parti unique ou du parti dominant,
i l
jouit d'une transcendance incontestée sur
l'Assemblée nationale.
Celle-ci devient une simple chambre d'enregistrement de la
volonté du chef de l'Etat qui peut lui faire avaler n'importe
quelle pillule.
La procédure de l'adoption par les assemblées
parlementaires des régimes ne fait que revêtir en habit juridique
la stratégie arrêtée par un chef souverain.
En votant la révision constitutionnelle relative au dauphi-
nat,
l'assemblée parlementaire se dévêtit même d'une partie de
ses prérogatives d'organe d'expression de
la volonté populaire.
Le texte adopté lui retire toute possibité de superviser la
succession de celui qui partage
juridiquement
l'exercice de la
souveraineté nationale avec elle.

211
décongestionner la présidence de la république,
et surtout de
répartir les
tâches entre un président de la République chargé de
déterminer les grandes options de la nation et un gouvernement
qUl,
sous l'autorité du Premier ministre,
applique et concrétise
la volonté du chef de l'Etat.
Au Sénégal la réforme constitutionnelle de 1970 était
destinée à
lutter contre le "ponce-pilatisme",
c'est-à-dire
l'esprit d'irresponsabilité qui était une conséquence de l'absen-
ce de pouvoirs propres
reconnus aux agents d'exécution de la
volonté présidentielle.
Elle visait aussi à protéger le chef de
l'Etat de l'usure politique résultant des critiques qUl lui sont
directement adressées en raison de la centralisation des respon-
sabilités.
Au Cameroun l'objectif recherché à travers
la réforme du 9
Mai 1975 se ramenait aussi à la déconcentration du pouvOlr du
chef de l'Etat.
Le monocentrisme du pouvoir présidentiel n'était
pas affecté par l'existence d'un Premier ministre.
C'est au cours
du congrès de
l'D.N.e.
tenu à Douala le 14 Février 1975,
que le
Président Ahidjo a eu à préciser les contours de la réforme
envisagée:
"
Je tiens
(cependant)
à le dire sans équivoques:
le
régime camerounais continuera à être un régime présidentiel ... -
c'est dire que les grandes orientations nationales continueront à
être définies et les grandes décisions prises par le Président de

213
tion"
e4 ), l'in vest i ture rés u l te du seu l décret prés identiel .
Désigné par le chef de l'Etat,
il "n'est pas astreint à demander
l'investiture du parlement,
ni même mettre en
jeu la vie de son
gouvernement devant les députés à
l'occasion de son discours-
programme à
l'Assemblée ... "
(25).
Parallèlement au pouvoir de Vle,
le chef de l'Etat disposait
également d'un pouvoir de mort politique à
l'égard de son dau-
phin.
Les constitutions prenaient en effet
la précaution de poser
clairement le principe de la responsabilité du Premier ministre
et des autres membres du gouvernement devant
le président de la
République.
Au Cameroun où le Premier ministre n'avait pas le statut de
chef du gouvernement,
poser le principe de
sa responsabilité
éventuelle devant
l'Assemblée,
serait aller à
l'encontre des
raisons qUl
avaient justiflé la création de
l'institution,
c'est-
à-dire une simple déconcentration des pouvolrs du président de la
République.
En conséquence,
l'article 8,
al.3
stipulant la
responsabilité du Premier ministre devant le seul chef de l'Etat
ne faisait que traduire la volonté politique du Président Ahidjo
de circonscrire l'autorité du Premier ministre.
Si ce dernier
pouvait faire
l'objet d'un contrôle par l'Assemblée nationale,
i l
nement:
sa désignation par le chef de l'Etat et son investiture à
la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale.
24
Diop
(S.),
Le ~emier minist re a fr ica in ... , thèse préci-
tée,
p.12.
25
Fall
(1),
La réforme constitutionnelle du 22 Février 1970
au Sénégal,
Penant,
No 731,
1971,
p.26.

215
La situation de dépendance du dauphin constitutionnel à
l'égard du chef de l'Etat,
illustrée par la précarité de son
statut,
montre que " si le poste de premier ministre institution-
nalise le dauphin,
(mais)
le titulaire du poste peut n'être qu'un
dauphin provisoire"
(u).
La nomination au poste de Premier
ministre n'implique pas en elle même la consécration du dauphin
car le chef de l'Etat se réserve toujours
le droit de revenir sur
cette nomination.
Tout dépend de la confiance manifestée au
Premier ministre,
et de l'aptitude de ce dernier à
assumer
l'héritage politique.
b:
Une suprématie vis-à-vis des ministres.
La subordination du dauphin à
la volonté du chef de l'Etat
était tempérée par la reconnaissance à
son profit d'une autorité
incontestée sur les autres membres du gouvernement.
Ainsi que le
soutient Kamto,
le dauphinat constitutionnel procède d'une
"technique d'arbitrage dans la catégorie des aspirants"
el). En
effet,
en nommant une personnalité à la primature,
le chef de
l'Etat manifeste une préférence au sein de l'élite gouvernante en
ce sens que la personne choisie bénéficie automatiquement d'une
certaine prééminence vis-à-vis des autres.
Au Cameroun où la constitution le ramenait au simple rang de
collaborateur du chef de l'Etat,
le Premier ministre
jouissait
néanmoins d'un certain nombre de. prérogatives.
En effet,
"bien
W
Kamto
(M.),
Le dauphin constitutionnel ... ,
op.cit.,
p.270.
31
Kamto
( M.),
Le dauphin constitutionnel. . . , op.cit.,
p. 267.

217
membres du gouvernement. On peut présumer que Sl le président
dispose de la faculté de passer outre l'avis du Premier ministre,
la bonne coordination de l'activité gouvernementale impose la
nomination de ministres agrées par le chef du gouvernement.
Il en
est de même pour la révocation des ministres qui est une prèroga-
tive exclusive du chef de l'Etat.
L'autorité du Premier ministre
apparaît également à travers le contreseing du décret présiden-
tiel de nomination des ministres.
Toutefois,
c'est par rapport à
la direction de l'action gouvernementale que la suprématie du
Premier ministre est manifeste.
Si dans les deux pays,
la
détermination de la politique nationale est
du ressort
du chef de l'Etat,
l'exécution de cette politique relève de
l'autorité du gouvernement dirigé par le Premier ministre qui
dispose à cet égard de moyens constitutionnels lui permettant
d'atte1ndre l'objectif arrêté par le chef de l'Etat.
Il dispose
d'un pouvoir de coordination de l'action du gouvernement,
d'un
pouvoir de contrôle sur l'administration,
et d'un pouvoir régle-
mentaire propre,
contrairement aux ministres qui ne peuvent
prendre des actes réglementaires que sur délégation présidentiel-
le ou primatoriale ou,
conformément à la jurisprudence Jamart,
des "mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administra-
tion placée sous leur autorité"
(').
En définitive,
en désignant son dauphin,
le chef de l'Etat
lui délègue des ressources
institutionnelles lui permettant
JJ
C.E.
7 Février 1936,
Jamart;
Rec.172;
S.1937.3.113;
note
Rivero; G.A.J.A.
No 57,
p.236.

219
B:
LES STRATEGIES POLITIOUES.
La succession préparée passe par une série de manoeuvres
juridico-politiques destinées à
faire aboutir la volonté du chef
d'Etat,
chef d'orchestre de sa succession.
Ainsi,
la consti-
tutionnalisation du dauphinat procèdait de la volonté du chef à
contrôler tout seul le processus de transfert de son pouvoir. A
côté du dauphinat,
certains Etats avaient crée des règles paral-
lèles assurant le transfert du pouvoir dans l'orientation définie
par le chef d'Etat.
L'élection présidentielle normale,
intervenant en fin de mandat,
était à
cet égard un moyen permet-
tant aux chefs d'Etat en place de contourner les dispositions
successorales aménagées par le constituant ou de procéder à une
manipulation de l'infrastructure
juridico-politique pour or-
ganiser une succession sur mesure.
Qu'il s'agisse du dauphinat constitutionnel ou du recours à
une procédure parallèle de succession,
la stratégie mise en
oeuvre est partout la même.
Dans tous ces pays,
l'apparente
orthodoxie
juridique occulte une tactique assurant au chef d'Etat
en place le pouvoir d'institutionnaliser un dauphin politique à
qui i l confère des ressources propres garantissant son accession
au pouvoir suprême.
1:
L'INSTITUTIONNALISATION DU DAUPHINAT POLITIQUE.
A partir du moment où le chef d'Etat,
chef d'orchestre de sa
succession,
cherche à
se prémunir contre tout échec éventuel de
sa stratégie,
le candidat qu'il désigne pour assurer la relève
doit présenter un profil
jugé réconfortant.
Le dauphin devant

221
institution avaient fini par faire du bénéficiaire du dauphinat
constitutionnel une autorité dépendant exclusivement du chef de
l'Etat.
En désignant son dauphin,
le chef de l'Etat choisissait
par la même occaSlon son héritier.
Le dauphinat politique caractérise les situations où l'ac-
CGSSlOn à la présidence n'est pas automatique mais où,
à
travers
les ressources du pouvoir,
le chef en place essaie de placer un
poulain considéré comme étant le plus apte pour continuer l'oeu-
vre entamée. L'objectif recherché à travers le dauphinat politi-
que est la perpétuation du régime mis en place par le chef-
bâtisseur.
Le successeur bénéficie d'une promotion rapide "au sein
des appareils partisans et étatiques.
L'intimité des relations
fait penser à des rapports de paternité spirituelle faisant du
dauphin un héritier spiritue1.
Seulement,
à
la différence du
dauphin constitutlonnel,
le dauphin politique n'accède pas
automatiquement au pouvoir.
Il devra subir l'examen électoral qUl
n'est pas une tâche de tout repos.
On le voit,
le dauphinat constitutionnel ne recouvre pas
automatiquement le dauphinat politique.
On peut être dauphin
constitutionnel sans être héritier politique comme le montre
l'exemple des rapports entre le président américain et son Vice-
président. Seulement dans le contexte précis des régimes afri-
cains,
le dauphinat constitutionnel se double du dauphinat
politique. En effet,
disposant d'un pouvoir discrétionnaire de
nomination et de révocation de son dauphin constitutionnel,
le
chef de l'Etat a la faculté d'ajuster les deux dimensions du

223
soutien de la majorité parlementaire.
L'alternance démocratique intervint en 1967 suite à
la suite
de la victoire électorale du parti d'opposition l'APC
e5) qui
obtint une majorit~ relative de 32 sièges sur 66 sièges contre 28
pour la SLPP. Avec le soutien des indépendants,
l'APC contrôla la
majorité parlementaire et en conséquence son leader Siaka Stevens
fut chargé par le Gouverneur Général de constituer un nouveau
cabinet.
L'expérience fut cependant de courte durée en raison de
l'intervention d'un coup d'Etat défavorable à Stevens suivi d'un
contre coup d'Etat qUl le ramena au pouvoir en 1968.
La Républi-
que allait être proclamée en 1971 et Stevens fut porté à
la tête
de l'Etat.
C'est à partir de ce mornent que la Sierra Léone va
rejoindre le lot des
regimes prèsidentialistes avec l'interdic-
Clon de l'opposition en 1973 sUlvie en 1978 de l'établissement du
parti unique de Jure.
La nouvelle constitution de 1978 institue
un nouvel ordre de succession
(-).
Le mécanisme adopté par le constituant ne fut pas appliqué
pour la succession de Stevens. Ce dernier,
"passé maître dans
l'art de la manipulation"
(n)
va contrôler lui même le processus
de la succession.
Il s'impliqua dans la guerre de succession pour
éliminer certains prétendants,
faire jouer les différentes
factions entre elles,
user de son pouvoir de révocation pour se
~ APC (All People's Congress).
%
Sur ce modèle,
voir supra,
pP 9~-96
n Hayward
(F.),
La succession politique au Sierra Leone;
op.cit.,
p.123.

225
Stevens va obliger l'élite dirigeante à
faire acte d'allégeance
au candidat Momoh dont la candidature au poste de secrétaire
général du parti et à
la présidence fut présentée par le Premier
Vice-président S.I.Koroma. Momoh,
il faut cependant le préciser,
n'est pas un héritier sur mesure de Stevens.
Si Stevens avait
voulu lui transférer le pouvoir c'est parce qu'il estimait que
seul Momoh était en mesure de bien garantir la continuité de son
régime et,
sur~out la sécurité du réseau clientèliste qu'il avait
constitué pour consolider la base sociale de son pouvoir.
Ainsi à propos de la succession de Stevens,
s ' i l nous parait
exagéré de parler de coup de force
(N)
du fait que l'armée n'a
pas investi Momoh,
cette succession met en lumière les talents
stratégistes de Stevens qui avait abouti au même résultat que
Senghor ou Ahidjo en utilisant toutefois une procédure conférant
à
son héritier une légitimité populaire.
Dauphin constitutionnel ou héritier politique,
le candidat à
la succession doit présenter un profil réconfortant pour le chef
d'Etat en place.
b:
Le profil du dauphin politique.
Le dauphin est celui qui est jugé par le chef d'Etat en
place comme la personne la plus à même de veiller à
la continuité
de l'oeuvre du fondateur.
Sa subordination à
la volonté du chef
39
Natchaba parle à cet effet de remise des "clefs du coffre"
"au voleur éventuel en imposant la candidature du chef d'état-
major de l'armée ... "
Cf.
Natchaba
(O.
F.),
La succession
constitutionnelle du chef d'Etat dans les régimes africains;
op.cit.,
p.22.

227
dans certaines situations,
le recours de certains ministres à
l'arbitrage directe du chef de l'Etat,
donc par dessus la tête du
Premier ministre. Analysant la réforme constitutionnelle du 26
Février 1970,
le Doyen Fall n'avait pas manqué de soulever des
interrogations sur la contestation éventuelle de l'autorité du
Premier ministre par les ministres placés sous son autorité.
Le
problème éta i t
formulé en ces termes:
"On peut se demander si ce
partage de compétences entre le Président et
le Premier Ministre
dans un domaine aussi important que la formation d'une équipe
gouvernementale ne porte pas une atteinte grave à
l'autorité que
le chef du gouvernement doit pouvoir exercer sur les membres de
son cabinet.
Un ministre dont les compétences font partie du
domaine réservé,
ou qui sait avoir été choisi par le Président
(et non par le Premier Ministre),
ne sera-t-il pas tenté de se
montrer moins soumis que les autres aux directives de son chef de
gouvernement? L'esprit d'équipe qui doit prévaloir au sein du
gouvernement ne risque-t-il pas d'être battu en brèche? Cela est
d'autant plus à
redouter que le Premier Ministre n'a aucune arme
contre un ministre qui ne veut pas lui obéir.
En effet,
ce n'est
pas le Premier Ministre,
mais le Président de la République seul,
qUl est compétent pour révoquer les membres du gouvernement par
un acte discrétionnairement pris,
dispensé du contreseing du
Premier Ministre
(article 43 nouveau)
("2)."
Ainsi que nous le constatons,
la disposition des pouvoirs
d2
FALL
(1),
La rerorme constitutionnelle du 26 Février 1970
au Sénégal,
Penant,
Janvier-Février 1971,
p.

229
sation de la gestion de
l'Etat et plus particulièrement de la
discrétion professionnelle qUl
est une constante des obligations
qui pèsent sur les techniciens de l'administration.
Les dauphins
avaient tous présenté cette caractéristique dans la mesure où ils
faisaient partie des premières promotions des administrateurs
civils de l'après-indépendance.
Les critères techniques ont
davantage présidé ~ leur choix dans la mesure où leur poids dans
l'appareil partisan est beau coups plus formel que réel.
Ce profil illustre le degré d'implication du successeur dans
la survie du régime.
Minutieusement sélectionné dans l ' é l i t e
dirigeante et imprégné des valeurs du régime,
il ne peut,
à
l'avenir,
se désolidariser avec la politique de son prédécesseur,
ou révolutionner le régime qui
l'a formé et qui fonde sa con-
tinuité sur luL.
II:
LES RESSOURCES DU SUCCESSEUR.
Le terme de ressource est envisagé comme tout moyen par
lequel un acteur politique peut agir sur le régime.
Ces moyens
sont nombreux et variés:
i l peut s'agir de moyens matériels
(les
avantages qu'offre l'exercice du pouvoir),
de moyens culturels
(le soutien de l'appareil
idéologique d'Etat).
Le statut de dauphin confère à son bénéficiaire
des prlvl-
lèges qui lui permettent de se positionner dans l'optique de son
accession ultérieure au pouvoir.
Ces ressources cultivées par le
chef d'Etat en fonction au profit de son dauphin peuvent être ap-
préhendées à travers
la combinaison de deu]~ facteurs:
sociolo-
gique et technique.
Le facteur sociologique recouvre ce que Max

231
même des qualltés dont il est dépourvu
(ti).
En aval,
cette
routinisation apparaît dans
le discours officiel de
légitimation
de l'institution successorale.
Dans la présentation de son
rapport pour l'adoption de la proposition de loi 27/76 consti-
tutionnalisant le dauphinat au Sénégal,
le député Abdoulaye Niang
justifiait en ces termes
l'opportunité de la succession du chef
de l'Etat par le Premier ministre:
" Pour éviter à l'une quelcon-
que de ces éventualités
(décès,
démission ou empêchement défini-
t i f du chef de l'Etat)
que la mission
(du chef de l'Etat)
soit
interrompue,
le Premier Ministre alors en exercice,
dépositaire
de la confiance et de la volonté présidentielle,
assurera la
continuité du régime en exerçant les fonctions du Président de la
République"
(45).
La doctrine officielle va même très
loin en
faisant
le parallèle entre le Premier ministre et le Président de
l'Assemblée nationale qui éLait chargé de la suppléance avant la
révision de 1976.
Le Président de l'Assemblée nationale,
écrivait
Habib Thiam "est élu par le peuple comme député,
mais ce sont ses
pairs qui le portent à
la présidence de l'Assemblée pour cinq
ans.
En d'autres termes il est investi de la confiance des
députés".
Il semble alors
reconnaître une autre dimension au
~ Dans son dernier message à la nation,
le président Senghor
avait par exemple présenté son successeur comme un "spécialiste
du droit et des Finances",
contrairement à l'homme des lettres
qu'il était.
Cf.
Senghor,
Message à la nation du 31/12/1980,
op.cit.,
p .16
45
Cité par Diop
(S),
Le Premier ministre africain.
thèse
précitée,
pp.311-312.

:233
laire à
son héritier.
b:
La mainmlse sur l'appareil d'Etat.
Etant le second du chef de l'Etat qu'il est appelé à rempla-
cer,
le dauphin est alors ini t iè au pou voi r
de commandement sous
les auspices du chef.
L'acquisition par le dauphin d'une autorité
propre se fait dans le cadre de l'acceptation de l'autorité
incontestée du président de la République qui dispose de la
faculté de revenir sur le choix de son dauphin à tout moment.
L'appareil d'Etat est compose des
structures et organes
d'expression de la volonté étatique.
Cette notion fait abstrac-
tion de toute séparation des pouvoirs.
Au contraire,
l'appareil
d'Etat
fait intervenir des structures aussi varié~Sque l'adminis-
tration,
l'armée ou la
justice qui,
placées sous l'autorité du
chef de l'Etat,
lui permettent d'assurer la concrétisation des
objectifs qui lui sont assignés par le régime.
Seulement,
le
dauphin est de plus en plus associé à
leur mise en oeuvre.
Le contrôle de l'administration par le dauphin eit par-
ticulièrement manifeste dans les régimes qui lui reconnaissent le
statut de chef du gouvernement
(Sénégal et Tunisie). Dans ces
deux pays,
les Premiers ministres disposent d'une autorité
directe sur l'administration.
L'article 37 de la constitution du
Sénégal telle qu'elle résultait de
la révision de 1970,
stipulait
dans son al.2:
" Le premier ministre dispose de l'administra-
tion".
Si l'alinéa 1 du même article confiait le pouvoir de
nomination "à tous les emplois civils" au chef de l'Etat,
le
Premier ministre avait à
sa disposition des prérogatives très

235
supérieur de la magistrature.
Seulement,
indépendamment du fait
que le chef de l'Etat peut associer le Premier ministre dans la
mise en oeuvre de ces deux mlSSlons,
ces organes reconnaissent en
lui le garant de la continuité d'un régime auquel ils par-
ticipent.
Ils remplissent ainsi une fonction de légitimation qui
ne fait que renforcer l'autorité du dauphin.
Le dauphinat est une oeuvre de longue haleine.
Il passe en
effet par une recherche continue d'un bon modèle assurant le
transfert du pouvoir dans
le sens de La volonté du chef en place.
A partir du moment où celui est le chef d'orchestre de sa succes-
sion,
la tendance est alors de secréter des règles suffisamment
souples pour lui permettre d'intervenir comme il l'entend dans
le
processus.
A travers ces
règles,
le chef se protège de son
dauphin.
Seulement,
en sens lnverse,
le chef cherche aussi à
protéger l'architecture ainsi bâtie contre les tentatives de
déstabilisation de l'ouvrage.
Le chef se réserve en d'autres
termes le droit exclusif de modifier les règles du
jeu succes-
soral.
Les acteurs du régime ne peuvent aucunement porter at-
teinte à sa volonté en raison des barrières protégeant la techni-
que successorale instituée.
PARAGRAPHE II:
LES MECANISMES DE GARANTIE DU PROCESSUS
SUCCESSORAL.
La préparation de la succession suppose un recentrage de
l'infrastructure sur laquelle repose le régime.
L'objectif visé
par cette réorganisation du tissu juridico-politique est de
garantir une transmission pacifique du pouvoir présidentiel qui,

237
l'Etat,
le dauphin
jouit d'une protection structurelle du régime.
A:
L'ARBITRAGE FAVORABLE DU CHEF DE L'ETAT.
L'étude de la garantie n'est de ce fait pertinente que par
rapport aux régimes dans lesquels
les chefs d'Etat avaient
manifesté une volonté non équivoque de transférer le pouvoir à
leurs héritiers.
La préparation de la succession conduit alors
à
un transfert progressif de la légitimité et de l'autorité du
chef de l'Etat à son dauphin.
Celui-ci est souvent perçu comme un
"chef d'Etat-adjoint" tant par l'étendue de ses pouvoirs que par
le processus de pénétration progressive de l'appareil politique.
Détaché du cercle commun des prétendants,
il est projeté au
sommet des responsabilités de l'Etat et du parti grâce à
l'arbi-
trage opéré en sa faveur par le chef d'Etat en place.
Cette
situation, qui se rencontre dans tous les régimes confrontés à
l'épineux problème de la succession présidentielle,
se manifeste
par un double arbitrage favorable du chef d'Etat:
gouvernemental
et partisan.
1: L'ARBITRAGE GOUVERNEMENTAL.
Les rapports entre le dauphin et l'appareil gouvernemental
ne présentent d'intérêt que dans
les régimes où les dauphins
avaient la qualité de chef du gouvernement.
Il en était ainsi du
Sénégal où le processus successoral fut amorcé après les éle-
ctions présidentielles et législatives de 1978,
quand il apparut
aux yeux des observateurs que le Président Senghor n'allait pas
terminer son mandat devant expirer en 1983.
De fait de la révi-
sion constitutionnelle de 1976 jusqu'aux élections présidentiel-

239
qUl porte désormais ses empreintes personnelles. Commentant la
nouvelle structuration gouvernementale,
le dauphin insista sur
"le souci d'accroître l'efficacité de l'action gouvernementale et
de mobiliser les moyens et énergies du secteur public ... " qui
l'ont conduit proposer au Président de la République qui l'a
accepté,
un réaménagement des structures gouvernementales et
administratives"
(0).
Le contenu du commentaire ne constituait
pas en soi une nouveauté.
Le Premier ministre faisait simplement
état de ses prérogatives constitutionnelles car c'est lui qui
propose au chef de l'Etat la nomination des ministres.
Toutefois
dans
la forme empruntée,
ce commentaire parachève le processus de
valorisation du dauphin.
Il prouve qu'à la veille de la succes-
sion,
le dauphin constitutionnel,
sous
la haute bienveillance du
chef de l'Etat,
bénéficiait d'une autorité incontestée sur
l'élite gouvernementale.
L'autorité sur les personnes était confortée
par l'impact du Premier ministre sur la structure gouvernementale
elle-même. Si la constitution lui reconnaissait le statut de chef
de gouvernement depuis 1970,
i l faut
reconnaitre que ce statut
n'a été réellement valorisée qu'après
le remaniement ministériel
de 1978 amorçant le processus devant déboucher sur la succession.
La prévalence de ce statut fut manifestée par une circulaire
primatoriale du 29 Août 1979 relative à
l'organisation du travail
gouvernemental.
Une nouvelle structure coutumière fut
instituée:
50
Voir "Le Soleil" du 3 Janvier 1980,p.1

241
ne pas entrainer des conséquences directes sur la Vle du parti.
En effet,
les règles constitutionnelles sont indépendantes des
règles statutaires des partis même si,
dans certains régimes,
la
coincidence était parfaitement assurée
(~).
Au Sénégal et au Cameroun la séparation entre les règles
constitutionnelle
et partisane était absolue.
En conséquence,
i l
n'y avait pas de relation de causaliLé entre les statuts con-
stitutionnel et politique du Premier ministre.
En effet,
les
statuts des partis ne faisaient pas du premier ministre la
seconde personnalité du parti.
Au Sénégal,
le Premier ministre
était membre de droit du conseil national et du comité central du
parti. Toutefois,
il était pas membre de droit du bureau politi-
que qui est l'organe restreint
00 sont prises les décisions
fondamentales.
Le dauphirl sénégalais parLageait ce sort avec son
homologue camerounais.
Celui-ci était aussi membre de droit du
comité central et non du bureau politique. Pourtant,
à
travers la
technique de la cooptation,
le Premier ministre finit par devenir
le second personnage du parti.
Il est rapidement propulsé au
sommet de l'appareil partisan derrière le chef du parti.
Le processus fut
relativement rapide pour le dauphin sénéga-
lais. En effet au moment de sa nomination à la tête du gouverne-
ment en 1970,
M.Abdou Diouf n'occupait que le poste de secrétaire
~ Ainsi en Tunisie, le poste de Secrétaire général du parti
était jusqu'en 1987 automatiquement dévolu au Premier ministre.
Il ne s'agissait donc pas d'un poste électif dans la mesure où le
Premier ministre n'est pas élu,
mais nommé discrétionnairement"
par le chef de l'Etat.

243
de sélection des candidats de SOIl parti à
la députation.
Le
Président Senghor avait crée des règles politiques destinées à
réglementer sa succession au sein du parti à travers la coopta-
tion dans
les instances dirigeantes du parti de son second à la
tête de l'Etat.
A côté de l'arbitrage favorable du chef d'Etat,
les ap-
pareils d'Etat et du parti prennent aussi part à
l'opération
successorale car le dauphin garantit la continuité du régime bâti
par le père-fondateur.
B:
LA PROTECTION STRUCTURELLE DU DAUPHIN.
Toute succession engendre une guerre entre les prétendants
en vue de gagner les
faveurR de l'arbitre de
la
succession.
Ains i,
les guerres de .sucees s ion peuvent:. créer de s
fis sures
profondes au sein de l'appareil de l'Etat et:. du parti.
Seulement
une fois
le choix du chef arrêté ou la victoire conqulse par l'un
des prétendants,
la tendance générale est alors de s'unir en vue
de garantir et de consolider le processus successoral.
En effet
la survie du régime implique nécessairement des
sacrifices de la
part des protagonistes car une lutte irréductible peut mettre en
cause l'existence du régime.
Une fois
le choix clarifié,
l'appa-
reil d'Etat se met au service du dauphin.
En effet,
le dauphin
est formé dans les valeurs autour desquelles est articulé le
régime.
L'intérêt de l'appareil d'Etat s'identifie dès lors à
celui du dauphin dans la mesure où la succession a pour finalité
la continuité des autorités
et des valeurs du régime.
L'exem-
ple du "dauphinat subi" montre la mesure avec laquelle l'appareil

245
électorale ...
cette tentative pragmatique s'est voulue dans
l'intérêt de la Nation et du parti dominant"
(~). Dans le con-
texte multipartisan sénégalais,
la continuité du parti à son chef
fondateur passe par le soutien apporté au dauphin.
Le parti doit
jouer le rôle de bouclier proeégeant le dauphin désigné ou ayant
remporeé la guerre de succession contre les tentatives de désta-
bilisation tant à
l'intérieur qu'à l'exeérieur du parti.
De
surcroît,
la tendance à
la personnalisation du parti par son chef
et la précarité du parti par rapport à l'appareil d'Etat,
facili-
tent le transfert du leadership du prédécesseur à
son successeur
désigné.
La survie du parti dépend dès lors du soutien accordé au
dau~frl"qui di.spose du pouvoir de l'adapter aux circonstances
changeaIltès,
et mêm,~ de lE:' t::.ransformer s ' i l ne répond plus aux
exigences du moment.
La survie du parei passe ainsi par le
protection du dauphin.
Au toeal la
succession arbitrée se manifeste par l'interven-
tion personnelle du chef d'Etat dans l'organisation du transfert
du pouvoir présidentiel. A travers
la manipulation de l'infra-
structure juridico-politique,
le chef en place cherche à confier
à des héritiers façonnés à
son image la perpétuation de la poli-
tique qu'il a préalablement définie.
Cette forme de succession
traduit la conception patrimoniale du pouvoir.
Celui-ci est
considéré comme une simple propriété de son détenteur.
Ce dernier
~ Sy (S.M), La démocratie multipartisane au Sénégal à la
lumière de la révision constitutionnelle de 1976, Annales Afri-
caines,
1976, p.1S.

247
conflits opposant les prétendants.
Deux situations sont à envisager:
dans certains pays,
l'incertitude réside dans l'instabilité du modèle successoral qui
ne peut s'acclimater à l'environnement ou qui
fait
souvent
l'objet d'une politique de déstabilisation.
En revanche,
dans
d'autres pays
la nature du modèle successoral
importe peu,
l'accent étant mis exclusivement sur la guerre de succession que
se livrent ouvertement les prétendants sous le regard amusé du
chef en place.
PARAGRAPHE 1: L'INSTABILITE DU MODELE SUCCESSORAL.
La mise en place d'un modèle successoral adéquat peut être
problématique.
La recherche de règles consensuelles garantissant
le transfert harmonieu;~ du pou'vroir présidentiel peut rencontrer
des difficultés liées à l'irreductibilité des modèles succes-
~t-
sorauxIJà
l'~nvlronnement du régime.
A cet
égard,
les règles
successorales rencontrent des difficultés d'acclimatation se
traduisant par une recherche incessante d'un modèle qui ne peut
faire
l'objet d'un consensus. Cette situation caractérise la
succession du Président Boigny de la Côte d'Ivoire.
Toutefois,
dans certains régimes,
le consensus sur le modèle
successoral peut exister mais l'instabilité affecte plutôt le
successeur éventuel. Dans ce cadre,
on cherche à déstabiliser le
dauphin du chef d'Etat en faisant planer des menaces sur l'insti-
tution qui lui est favorable.
Cette situation prévalait au Kenya.
Dans ce pays,
la succession de Kenyatta s'était posée dès les
lendemains de l'indépendance en raison de l'âge avancé du père-

légitimité hIstorique ec
s~rtout traditIonnelle (fi)
Le constituant
ivoirien devait
alors
manifester sa volonté
de procéder à un amènagement.
rationnel
de
l'institution succes-
sorale.
Les règles
relatives a
la
succession du chef d'Etat
ivoirien ont
fait
l'objet de multiples alnénagements constitucion-
nels
visant cous à garantit- la
continulcè du pouvoir dans
un
régime encore instable.
Mais ces
règles
crouvent des difficultés
d'acclimatation qui se tradUIsent
par
une
recherche perpétuelle
d'un modèle successoral adéquat.
A cravers
la suppression et
la
reprise de techniques successorales
préalablement critiquées et
teJetées,
le consticuant
ivoirien
devait
faire de ]'arti:cle 11 de
la
,:onstitutlon cie
196(1
'Jn
"cûméleon",.:jul
s'est adapté à
t.ous
les
c: Cl C k l cl ils con s ( i t u L ion 11(~ l. S
~I 0 n 0 b s c a II "
l r,1
'.: 0
n fig u rat i 0 r. pré s i cl e Cl -
ci e l l. e
ct u
ré 9 i rn e
i v 0 i r i en
(").
"
Le Présidenc 3:,:)1gn1' ':levait
expre:::'iseIIH:.:nt déclare:L à
cet
egard:
"Contrairemenc à mes homologues
chefs d'Etat que v,:>us
connaissez,
je ne SUIS pas devenu
chef en
accédant à la magistra-
ture suprême de mon pays.
Je
suis
né chef.
Autrement dit,
je
connais
les hommes depuis ma naissance,
et
m'attends à tout de
leur part."
Cité in
"R.C.I.
Chronique d'un départ annoncé";
J.A.,
No.1531,
7/5/1990,
p.18.
~ Il en est aInsi des pouvoirs législatifs du président de
la république qui dispose de l'initiative
en matière législative
(art.13,al 1) 1
du pouvoir référendaire
(art.14).
Le président de
la république peut également. intervenir
dans
la procédure légis-
lative
(art.40)
ou demander une
seconde
lecture d'une loi déjà
vôtée par le Parlement
(art. 13,
al. 4-6).
Enfin les pouvoirs
exceptionnels de l'art.16 de la
constitution française de 1958
qui constituent un miracle
juridique pour
les chefs naturellement
portés
au pouvoir personnel ou à
l'autoritarisme ont été repris à
l'art.19 de la constitution
ivoirienne.
Toujours dans la logique
de
la rationalisation du pouvoir gouvernemental,
les pouvoirs de
l'Assemblée Nationale ont ét.é
rigoureusement
limités.
En est-il
ainsi de la limitation du domaine de
la
loi
(art.41),
l'habilita-
tion législative en matière d'ordonnance
(art.45)
et surtout la

:: .':l!
est
fait état d'une personnalité choisie au se ln de l'Assemblée
par son président et
non du prèslclent.
Le constituant
semblait
IOaire du President de
l'Assemblée nationale un arbitre et non un
d<:::teur.
Or on ne peut êt re arbi t re et acteur en même temps.
L'esprit de la constitution excluait également une
telle
possibilite.
En effet,
11 resultalt des travaux préparatoires que
le projet initial
faisait du President de l'Assemblée un acteur
de la succession dans
la mesure ou il était chargé d'assumer
provisoirement
les
fonctions du chef de l'Etat
(57).
Si
le Prési-
dent de l'Assemblée nationale se
voyait ainsi exclu de
la succes-
310n,
c'est
paLce que
la constitullon de
1960 ne
fut
pas une
oeuvre puremerlr
nationale malS
regi_anale.
En effét,
les pays du
Conseil (je l' Entent.('; s' étalent
-::nt(~n(jus sur la nécessité de
mettre en plac~ un cadre unique d'organisation des
institutions
politiques des Etats membres
(~)
La
Haute Volta ne donna pas son
'lssentiment :lU projet
initial pOUl
des
raisons ethniques
e~)
Il était donc clair que le Président de l'Assemblée se
voyait investi du privilège de désigner la personnalité chargée
n
TOGBA
( Zogbélémou
),
L'article 11 de la constitution de
1960 dans le système politique
ivoirien,
Penant,
No 780,
Avril-
Juillet 1983,
p.159.
~ Le Dahomey (devenu par la suite le Benin), la Haute Volta
(devenue par la suite le Burkina Faso),
la Côte d'ivoire,
le
Niger et le Togo.
W
En effet
l'adoption de ce projet devrait bénéficier â
l'ethnie Bobo dont
faisait partie le président de l'Assemblée
nationa~e, ce que voulait éviter â
tout prix le Président de la
République issu de l'ethnie mossi,
l'ethnie dominante dans ce
pays.

253
du successeur éventuel du chef de l'Etat en place le dauphinat
garantit un transfert progressif de légitimité du chef à son
successeur.
Les problèmes posés par le dauphinat sont relatifs à
son aménagement technique et politique.
En effet,
la technique
doit concilier le respect de la forme d'organisation du régime
avec les principes de la démocratie.
A des variantes près,
le
constituant ivoLrien avait tenté de concilier ces deux exigences
sans pour autant aboutir à un modèle consensuel.
La Côte d'Ivoire
a
eu à expérimenter un dauphinat exercé par le Président de
l'Assemblée nationale de 1975 à
1980,
et ensuite par un Vice-
président de la République.
a:
Le Président de l'Assemblée nationale:
dauphin
(1975-
1980) .
La loi constitutionnelle No 75-365 du 31 Mai 1975 modifia
pour la première fois
l'article 11 de
la constitution ivoirienne.
Cette révision fut rendue facile par la disparition de fait des
constitutions originelles suite à la généralisation dans les
Etats membres du Conseil de l'Entente des coups d'Etat militai-
res.
Constituant une exception au pouvoir militaire,
la Côte
d'Ivoire n'était plus liée par les engagements institutionnels
antérieurs. Elle disposait alors d'une liberté entière d'organi-
ser comme elle l'entendait
la continuité du pouvoir présidentiel.
Un nouveau mécanisme successoral fut alors adopté en 1975
(~).
~ L'article Il nouveau fut ainsi stipulé:
"En cas de vacance de la Présidence de la République par
décés,
démission ou empêchement absolu,
le Président de l'Assem-
blée Nationale devient de plein droit Président de la République,
avec les rangs,
pouvoirs et prérogatives attachés à ce titre.

255
ture,
le dauphin
se trouvait dans une situation d'indépendance
vis-à-vis de celui qu'il est appelé à
remplacer.
La réforme de 1975 semblait être un habit constitutionnel
confectionné à
la mesure de Philippe Yacé,
Secrétaire général du
PDCI
(0\\).
Compt e t enu d e son appar t enance e th '
nlque et d e ses
relations avec le Président Boigny dont i l était
le fidèle
lieutnant,
le président de l'Assemblée nationale devait apparai-
tre comme le garant de la continuité du régime.
La réforme porte
aussi atteinte à
la séparation des pouvoirs exécutif et législa-
t i f du fait que la continuité de l'exécutif était assurée de
l'extérieur par un représentant du pouvoir législatif.
C'est pour
ces raisons que le constituant de 1980 va réajuster
l'efficacité
à la rationalité en faisant d'un Vice-présldent élu,
le succes-
seur constitutionnel du Président de la République.
b:
Le Vice-président:
dauphin
(1980-1985).
La loi constitutionnelle vôtée le 25 Novembre 1980 semblait
résoudre de manière définitive le problème de la succession
présidentielle avec la création d'une institution expressement
destinée à garantir la continuité du pouvoir exécutif.
En effet
pour la première fois depuis la mise en place du régime présiden-
tiel,
une vice-présidence avait été créeeconformément à
l'archi-
tecture de l'exécutif présidentiel.
A l'institution nouvelle fut
61
TOGBA
(Z.)
qualifie la réforme de 1975 de "
révision sur
mesure",
"commandée par la personnalité du Président de l'Assem-
blée Nationale d'alors".
Cf.TOGBA
(Z.),
L'article 11 de la constitution de 1960 dans
le sytème politique ivoirien,
op.cit.,
p.161.

257
tant de son indépendance vls-à-vis du chef de l'Etat qui ne peut
le révoquer en cours de mandat.
Cette réforme de 1980 devait dans
l'esprit de la classe
gouvernante et surtout de la doctrine constitutionnelle et
politique trancher le problème de
la succession après une vaine
recherche d'un modèle adéquat
(63).
L'optimisme fut de courte durée.
La réforme constitution-
nelle,
adoptée en application de la procédure d'urgence par une
Assemblée nationale en firl de législature,
est intervenue posté-
rieurement à l'élection présidentielle du 12 Octobre 1980 qUl
avait vu la reconduction de Boigny pour un
nouveau quinquénat.
Se
posait alors le problème du titulaire de la vice-présidence.
ContraireHlent au 25é amendement à
lô constitution américaine
permettant au Président de la République de pourvoir la vacance
de la ".fiee-présidence,
La constitut:ion ivolrienne ne prévoyait
aucun système de remplacement du Vice-président.
De surcroit,
elle n'avait pas envisagé l'hypothése de la vacance simultanée de
la présidence et de la vice-présidence.
En conséquence,
loin de
constituer une "solution définitive" au problème successoral,
la
révision de 1980 ne faisait que
jeter un flou sur le problème
qu'il était censé résoudre,
rendant ainsi indispensable une
~ Sylla (Lanciné) faisait observer que finalement après
avoir tenté tous les arrangements constitutionnels à un moment ou
à
un autre pour ensuite les rejeter comme impraticables,
le
Président Boigny opta,
lors du congrès du POCI de Septembre 1980
pour une solution politique définitive
Cf.
Sylla
(L.),
Succession of the Charismatic Leader ... ,
op.cit.,
p.25.

259
la succession élective.
A travers l'adoption de cette révision constitutionnelle,
le
Président Boigny entendait apporcer une solution définitive au
problème de sa succession qui est désormais
reléguée au second
plan par le chef d'Etat ivoirien.
Le transfert de la continuité
du pouvoir présidentiel d'un Vice-président non pourvu au prési-
dent de l'Assemblée nationale assurant la suppléance en attendant
l'organisation de nouvelles élections trouvait son fondement dans
la méfiance que le Président Boigny a éprouvée vis-à-vis du
système du dauphinat.
(66).
A.
la conception de la succession
individualisée.
il opposait une conception de la succession
collégiale avec: la mise en exergue de l'idée "d'équipe" de
l~quelle devra émerger le futur successeur.
La notion "d'équipe"
illuminait dés
lors
les soubassements
de la réforme de 1985 car il s'agit de confier provisoirement les
pouvoirs du chef de l'Etat au président de l'Assemblée nationale
en attendant précisément que "l'équipe" s'entende sur le nom du
candidat à
la succession.
Pour éviter l'exercice d'un pouvoir
personnel,
le constituant apportait des
restrictions aux pouvoirs
6<>
Pour le Président Boigny,
le dauphinat est "mauvais pour
nos
jeunes Etats" en ce sens qu'il suscite des jalousies en amont
et en aval:
d'une part dès sa désignation,
le dauphin est "com-
battu par les autres" et d'autre part le dauphin,
si ce n'est pas
lui c'est son entourage,
"commet des erreurs en disant: Vous
verrez ce que vous verrez quand nous serons au pouvoir".
Interview à "Jeune Afrique",
No 1039,
3/12/1985,
pp.32-34.

26]
Président Boigny avait été déclaré clos par le principal concer-
né,
le constituant ivoirien amenda "pour la cinquième fois"
et
"par acclamations par l'ensemble des députés"
l'article 11 de la
constitution
(").
Ainsi que le fait remarquer un observateur,
l'article 11 nouveau
" constitue en réalité un retour à la case de départ.
Car en fait
ce nouvel article n~joint ipso facto celui de 1975"
(1).
La
technique successorale adoptée avait été critiquée et rejetée par
la classe politique ivoirienne en 1980,
il convient de s'inter-
roger sur l'opportunité du retour au dauphinat constitutionnel en
Côte d'Ivoire.
Le dauphinat offre
la garanLie d'une transmission paisible
du pouvoir présidentiel à travers notamment
l'économie d'élec-
tions présidentielles anticipées. Toutefois,
c'est une technique
perfide qui. peut occulter une ruse pol i tique:
la transmi s s ion du
pouvolr à un héritier sur mesure. En Côte d'Ivoire,
ce retour au
dauphinat répond "aux nouvelles exigences du moment. A contexte
nouveau,
dispositions nouvelles"
(72).
Le contexte nouveau est
relatif à la démocratisation du régime ivoirien.
Devant la
70
Texte de la révision de 1990:
"En cas de vacance de la
Présidence de la République par décès,
démission ou empêchement
absolu constaté par la Cour Suprême saisie par le Gouvernement,
les fonctions de Président de la République sont dévolues de
plein droit au Président de l'Assemblée Nationale.
Les fonctions du nouveau Président de la République cessent
à
l'expiration du mandat présidentiel en cours".
71
Breka
(Nazaire),
. . . Pour la Sème fois;
Fraternité-Matin,
7/11/1990,
p.9.
n
Bréka
(N.),
Pour la Sème fois;
op.cit.,
p.9.

263
avait l'objet de multiples tentatives de déstabilisation sous la
bienveillante neutralité de kenyatta qui avait observé du haut de
son perchoir la lutte dramatique livrée par les prétendants à
sa
succession.

265
toujours des conflits
intervenant préalablement à toute transmis-
sion du pouvoir présidentiel.
Au Kenya, nonobstant l'existence de règles constitutionnelles,
la
succession
n'avait
jamais
fait
l'objet
d'une
clarification
politique
alors
que
toute
la
présidence
de
Kenyatta
s'était
déroulée dans
le contexte même de
sa
succession en
raison
de
son
âge avancé. Au-dessus des contingences politiques, Kenyatta n'avait
]amalS
prlS
une
position
arbitrale
dans
la
guerre
successorale.
Celle-ci
se
déroulait
dans
"l'allégeance
quasi-permanente
au
Président"
('"),
tout
au
plus
devait-il
"autoriser
la
guerre
officieuse pour la succession
se tenir de son vivant"
(')
Sur le
plan
purement
constitutionnel,
la
guerre
de
succession
s'était
traduite par une recherche mouvementée d'un modèle successoral qui,
malgré
son
adoption
allait
être
combattu
jusqu'à
la
mort
de
Kenyatta.
1:
LA RECHERCHE MOUVEMENTEE D'UN MODELE SUCCESSORAL.
La stratégie de Kenyatta apparaît explicitement à travers
la
banalisation de
l'institution
successorale.
En
effet,
au
lieu
de
procéder à une rationalisation du droit
successoral,
la constitu-
76
Martin
(Denis),
Le Kenya,
pion ou allié de l'Occident,
" Le
Monde Diplomatique",
Février 1977,
pp.16-18.
77
Tamarkin
(M.),
From
Kenyatt.a
to
Moi.
The
Anatomy
of
a
Peaceful
Transition
of Power;
Africa
Today,
Vol.26,
November
30,
1979,
p.22.
Ainsi Moi n'était pas
le dauphin de Kenyatta contrairement à
l'opinion
de
Natchaba
(O.F.),
selon
laquelle
Moi
é t a i t "
le
dépositaire de
la pensée du
vieux
leader
kenyan"
ou
"
l'homme
du
Président Kenyatta".
Natchaba
(O.F.),
La succession constitution-
nelle du
chef d'Etat
dans
les
régimes
africains;
op.cit.,
pp.29-
30.

267
minorités raciales et ethniques. En conséquence le pouvoir exécutif
était confié à un Premier ministre nommé par un Gouverneur Général
représentant
la Reine d'Angleterre.
Le
Premier ministre,
chef du
gouvernement,
était
responsable
devant
l'Assemblée nationale qui
partageait
le
pouvoir
législatif
avec
un
Sénat
au
seln
d'un
Parlement
bicaméral
('0)
Sous
l'empire
de
cette constitution,
la
succession
ne
faisait
pas
l'objet
d'une
réglementation
consti-
tutionnelle.
Elle devait s'effectuer en application des règles du
régime parlementaire sur l'investiture du
chef du gouvernement.
La
"Constitution
Majumbo"
fut
de
courte
durée.
Elle
était
incompatible
avec
la
volonté
e:J.primée
par
Kenyatta
d'unifier
le
système politique. Une nouvelle constitution fut adoptée le 12-12-
1964
Cette
constitution,
tOUjours
en
vigueur
au
Kenya,
-'" La Chambre des Représentants étai L
composée de 117 membres
élu spou r
5
ans
et
de
12
membres
3 péc ia lement
dés ignés
par
les
représentants
élus.
Le Speaker qui
3U
départ
pouvait
être choisi
hors
de
la
chambre,
ainsi
que
l'Attorney Général
(ministre de
la
Justice)
sont des membres
de droit
de
la Chambre.
Le Sénat était
composé
de
41
senateurs
représentant
les
40
districts
et
d'un
Speaker. Les sénateurs sont élus pour 6 ans.
Ils sont renouvelables
par tiers tous les 2 ans.
Suite
aux
élections
législatives
de
Mai
1963,
la
K.A.N.U.
(Kenya African National Union)
de Jomo Kenyatta était majoritaire
à
la Chambre des Représentants avec 66 sièges contre 31 à sa rivale
la
K .A. D. U.
(Kenya
African
Democratie
Union),
et
15
candidats
indépendants qui vont se rallier à la K.A.N.O. Au Sénat la K.A.N.O.
obtenait 19 sièges, la K.A.D.O. 16 et les indépendants 3.
(chiffres
tirés de l'ouvage de Horrut
(C.),
La République du Kenya; op.cit.,
p.22) .
En
conséquence,
Jomo Kenyatta
fut
nommé
Premier Ministre du
gouvernement de transition
qui va mener
le pays
à
l'indépendance
le 12-12-1963.
sI
Les
traits
de
la
110uvelle
organisation
constitutionnelle
avaient été esquissés par Jomo Kenyatta dans
un discours prononcé
à
la seconde session parlementaire du
14-8-1964 et développés par
Tom Mboya,
Ministre
de
la
Justice
et
des
Affaires
Constitution-
nelles devant
la Chambre des Représentants
le 7-5-1964.

269
cette
structuration,
il
en
résultait
qu'en
cas
de
vacance
du
pouvoir
présidentiel,
le
recours
au
suffrage
populaire
pour
la
désignation du successeur n'était nullement nécessaire. La Chambre
des députés devait simplement se réunir, et élire parmi ses membres
élus
(~~)
le
successeur
du
chef
de
l'Etat
appelé
à
terminer
le
mandat de son prédécesseur.
Ce
mode
d'élection
du
chef
d'Etat
kenyan
n'a
jamais
fait
l'objet
d'une
appl ica tion
concrète.
En
e f f et,
le
premier
Chef
d'Etat
n'avait
pas
été
élu,
et
d'autre
part,
ce
mécanisme
fut
supprimé par une réforme constitutionnelle postérieure.
S'agissant
de
la
désignation
du
premier
Président
de
la
République,
le
premler
amendement,
Act
No
28
du
24-11-1964,
instituant
la République,
stipulait que le premier Président sera
l'homme investi de la charge de Premier ministre à
la veille de la
proclamation
de
la
République.
Jomo
Kenyatta,
Premier
ministre
depuis
l'indépendance,
devait "accéder à
la présidence -sans avoir
à
se prêter au système de désignat ion" prévu à
cet effet
(86).
Pour ce qUl concerne désormais l'élection présidentielle,
le
10è amendement,
Act No 45 du 12-7-1968,
fait
désormais du chef de
RS
A côté
des
députés
élus,
i l
était
prévu une
catégorie de
députés
spécialement
élus
par
les
députés
élus.
Le
nombre
de
députés
spécialement élus était passé de
10 dans
la constitution
de l'indépendance à 12 en application de l'amendement 4, Act No 40
de 1966.
Plus
tard,
le
10è
amendement
en
date
du
12-7-1968
devait
accorder au Président de la République le privilège de nommer les
12
membres
supplémentaires
de
l'Assemblée
Nationale,
devenue
chambre unique du Parlement après la réforme de 1964.
"Horrut
(C.),
La République du Kenya;
op.cit.,
p.32.

271
clans impliqués dans la guerre de succession.
Les projets consti-
tutionnels reposaient beaucoup plus sur les stratégies propres des
prétendants
que
sur
la
volonté
de
mettre
en
place
un
mécanisme
successoral
rigoureux.
Deux
formules
avaient
été
proposées:
le
dauphinat constitutionnel et le système de la suppléance.
1:
Le dauphinat constitutionnel.
Ce
projet,
introduit
par
le
gouvernement
en
Mars
1968,
s'inspirait
du
modèle
des
Etats-Unis
d'Amérique.
Il
faisait
du
'.fiee-président,
le
dauphin
constitutionnel
du
chef
de
l'Etat.
Pouvant accèder automatiquement au sommet du pouvoir exécutif sans
passer par le suffrage des électeurs
(~), le Vice-président voyait
ainsi son statut et son prestige rehaussés.
Ce projet était voué
à
l'échec car s ' i l était
favorable au Vice-président en exercice,
Daniel Arap Moi
(w),
il allait à l'encontre des intérêts de l'homme
fort du moment,
Tom Mboya qui contrôlai L les
rouages
du parti et
de l'appareil d'Etat. Mboya devait convaincre l'Assemblée nationale
de
l'inopportunité
de
ce
mécanisme
successoral
considéré
comme
moins
démocratique
que
l'élection du
successeur par
l'Assemblée
nationale.
Ce
projet
ne
fut
pas
adopté
malgré
"l'insistance
de
Kenyatta.
Ce
dernier
avait
essayé
de
convaincre
et
ensuite
de
W
Seulement
le Vice-présiden~ devait,
à
l'instar des
autres
membres
du
cabinet,
être
désigné
parmi
les
députés
élus.
Son
élection préalable à l'Assemblée nationale lui confèrait ainsi une
légitimité populaire de second degré.
90
Daniel
Arap MOI
avait
été
nommé
à
la
vice-présidence
en
Janvier
1967.
Il
était
le
troisième
vice-président
de
Kenyatta
après Odinga Oginga 1965-1966 et Murumbi
qui
devait démissionner
quelques mois après sa nomination.

273
(91),
le
Vice-président
pouvait
de
ce
fait
se
débarrasser de
ses
adversaires les plus influents,
et garantir aisément son élection.
Le Parlement était entrain de discuter du projet quand Kenyatta eut
brusquement une attaque cardiaque en Mai 1968. Les spéculations sur
la
succession
étaient
ainsi
relancées.
Dans
ces
circonstances
alarmantes une troisième version de la succession fut proposée.
*Le suppléant sans pouvoirs.
Cette dernière version fut
l'oeuvre de Daniel Arap Moi et de
l'Attorney Général Charles Njonjo. Profitant du choc ressenti à la
suite de la maladie de Kenyatta,
ils voulaient faire aboutir leur
stratégie
successorale par un
vote
de
l'Assemblée
nation~le. Ce
projet maintenait le principe de la suppléance assumée par le Vice-
président
pour
une
durée
de
\\)
mois
malS
retirait
les
pouvOlrs
étendus que
lui
ceconnaissait le projet précédant.
Le
nouveau
projet
se
voulait
conci l ia teur.
Toutefois,
son
objecti f
inavoué était
d'écarter 'Tom Mboya
de
la
succession.
En
effet,
incidemment
à
la
procédure,
fut
int rodui t
un
amendement
relatif à l'âge des candidats à la présidence. L'âge minimal requis
devait passer de 35 ans à 40 ans. Ce relèvement écartait automati-
quement certains aspirants de la succession
et,
au premier chef,
Mboya qui était âgé en ce moment de 38 ans.
Evidemment ce projet,
92
Cette
légalité
exceptionnelle
a
été
introduite
dans
le
dispositif constitutionnel du Kenya par le Vlè amendement,
Act No
18 du
7-6-1966 qui permet au Président de
la République de faire
arrêter
et
emprisonner
sans
jugement
quiconque
constituant
une
menace à
la sécurité et à l'ordre public du pays.
Pour une analyse approfondie de cette législation; Voir GHAI
(Y.P.)
&
MC AUSLAN
(J.P.W.),
Public Law and
Political
Change
in
Kenya,
op.cit.,
pp 254-258.

275
égard
d'un
pouvoir
de
révocation
(Y5) •
Contrairement
à
son
homologue américain, le Vice-président kenyan participe à l'exerci-
ce du pouvoir exécutif en tant que membre du cabinet
(%)
En
dehors
des
compétences
qUl
lui
sont
confiées
par
le
président de
la République,
la
constitution
lui
confie
l'intérim
du chef de l'Etat en cas d'absence,
de maladie ou de toute autre
cause
("7).
Proche
collaborateur
du
chef
de
l'Etat
et
jouissant
d'une légitimité électorale,
le Vice-président remplit toutes les
conditions
pour
assumer
la
continuité
du
pouvoir
exécutif.
Néanmoins,
ce principe souffre d'une exception.
2:
L'except.ion.
Dans un souci
de pallier
les
inconvénients pouvant
résulter
de la vacance simultanée de la présidence et de la vice-présidence,
la section 6,
paragraphe 2,
b,
de la constitution prévoit l'hypo-
thèse
d'une
suppléance
e~'{ercée par
un
ministre
désigné
par
le
~ Ce pouvoir de révocation ne peut cependant être exercé que
par le Président de
la République en exercice,
contrairement aux
ministres qui
" peuvent être
révoqués par le Président-suppléant
avec l'accord du cabinet".
Les pouvoirs du Vice-président peuvent également prendre fin
en cas de perte de son mandat parlementaire (section 15, paragraphe
6,
b,
de la constitution) .
GHAI
(Y.P.)
&
Mc AUSLAN
(J.P.W.),
Public
Law and Political
Change in Kenya; op.cit.,
p.229.
%
Ainsi
Daniel
Arap
Moi
fut
en
charge
du
ministère
de
l'intérieur pendant toute la période de sa vice-présidence.
Y7
Section
Il
de
la
constitution.
La
constitution
kenyane
distingue clairement la suppléance de l'intérim.
Si la suppléance
est automatique,
i l n'en est pas de même de l'intérim dont la mise
en application est
conditionnée car elle dépend de la volonté du
Président de la République.
Sur ce problème,
Voir infra, pp. 4.2.'3 Qt~,

277
sa succession imminente et devaient amener les factions en présence
à
ouvrir très
tôt
le
feu
dans
leur
tentative de
consolider
leur
position. Une action occulte et une action ouverte furent directe-
ment menées contre l'ordonnancement successoral kenyan.
L'action occulte
était
caractérisée par des
rumeurs
lancées
par les politiciens Kikuyu-Kiambu qui voulaient contrôler le Kenya
de
l'après-Kenyatta.
Il
aurait
été
question d'institutionnaliser
le
poste
de
Premier
ministre.
Celui-si
serait
le
détenteur
du
pouvoir exécutif
à
côté
d'un
chef d'Etat
qui serait
confiné dans
des
fonctions
purement
honorifiques.
En
application
de
cette
stratégie
(~), Kenyatta,
âgé et fragile,
devait cohabitér avec un
Premier
ministre,
jeune
et
dynamique,
à
la
tête
de
l'exécutif.
Cette stratégie introduisait un élément de complexité dans la
,structuration du pouvoir exécutif kenyan.
Introduisant une triade
au sommet de l'appareil d'Etat,
elle portait atteinte à
l'unité du
pouvoir
gouvernemental
et
pouvait
engendrer
des
conflits
de
compétence entre le Vice-President et le Premier ministre qui, tous
les deux,
procèdaient
du même pouvoir exécutif.
En
outre,
un tel
ordonnancement des
organes
de
l'exécutif pouvait participer à
la
désacral isa tion de l'image char isma tique de Kenyatta
(100).
W
Les
rumeurs
faisaient
état du
Dr Njoroge MUNGAI,
neveu et
docteur personnel
de
Kenyatta,
ministre de
la
sécurité
nationale
et
de
la
défense
et
plus
tard ministre
des
affaires
étrangères.
Karimi (J.)
& Ochieng (P.),
The Kenyatta Succession, op.cit.,
pp 15-16.
\\00
Le Commissaire Provincial Mahihu raconte qu'il aurait posé
un
jour cette question
à
Kenyatta
qui
lui aurait
répondu
qu'il
"
ne peut y avoir un Premier Ministre là 00 vous avez quelqu'un qui
a
libéré le pays.
Je ne peux accepter d'être un figurant."
Cité par Karimi et Ochieng: The Kenyatta Succession; op.cit.,

279
éprouvait un certain penchant pour l'alternance ethnique qui con-
tribue
à
consolider
l'unité
nationale
mais
sans
devoir
porter
atteinte aux intérêts de sa propre famille.
Cette abstention occultait en
réalité une véritable maîtrise
du processus
successoral par Kenyatta.
C'est lui qui traçait
les
frontières
encadrant
le s
limites
a utor isées
de
la
compét i t ion.
Celle-ci ne doit pas affecter le systeme mis en place par Kenyatta
qui
n' hésitait
pas
à
intervenir
directement
pour
siffler
les
infractions aux règles du jeu. C'est ainsi que face aux dérapages,
Kenyatta était descendu dans l'arène pour condamner les membres de
sa propre famille
(lll3).
Une telle prise de position montre
les
limites de
la guerre
de succession. Longtemps spectateur amusé des luttes factionnelles

sa
succession ,
Kenyatta
devait
lntervenlr
pour
trancher
un
conflit qui risquait de miner les fondements de son régime. S'étant
toujours
considél.-è
au-dessus
de
la
mélée
politique,
i l
se
vit
obligé
de
descendre
de
son
perchoir
pour
tempérer,
modérer
et
surtout
fixer
les
limites
à
ne
pas
dépasser.
Ce
"coup
franc"
sanctionnant
la
brutalité
du
Jeu
de
sa
famille
consolide
la
103
Dans
un
discour s
à
la
na t ion,
i l
déclara
que
le
fait
de
.. semer
des
genres
de
discorde
réelle
ou
apparente
entre
les
indi vidus
peut
mettre
en
danger
les
fondations
de
l'uni té
pour
laquelle nous nous sommes tous battus . . . Nous avons connu de temps
à autre
le son infortuné des voix de la discorde, de la suspicion
et même de l'hostilité. Pour moi,
je le déplore profondemment. Mais
laissez-moi
redire
que
mon
gouvernement
est
prêt
à
s'opposer
à
toute
menace
à
l'intégrité
nationale
du
Kenya
et
qu'il
en
est
parfaitement capable."
Cf.
Text
of
the
President's
Speech,
The
Weekly
Review
25/10/1976,
p.4.
(Tr.
de l'auteur de la thèse)

281
général qu'on retrouve dans tous les régimes. Seulement, l'intensi-

de
la
lutte
dépend
du
degré
d'intervention
du
chef
dans
le
processus de
sa succession.
Si
la guerre de
succession trouve sa
prédilection
dans
les
pays

le chef de
l'Etat
secrète,
volon-
tairement ou involontairement,
des incertitudes quant à la survie
du régime à son fondateur,
il
n'en demeure pas moins qu'elle est
aussi présente même dans les pays où le chef arbitre sa succession.
Toutefois,
dans
ce
cadre,
son
pouvoir d'arbitrage
lui
permet
de
réduire la portée des conflits.
L'intérêt de l'étude des guerres de succession est manifeste
dans les pays où le chef est un acteur passif de sa succession. En
fonction
de
l' incertitude
des
règles
successorales
ou
de
la
pléthore d'héritiers,
la guerre successorale peut être dominée par
le chef d'Etat ou par les prétendants.
Dans
la
première
hypothèse,
le
chef
d'Etat
intervient
directement dans le champ de la compétition.
Il occupe la première
ligne en
intervenant dans
le conflit opposant
les candidats
à
la
succession.
Cette situation était caractéristique des successions
de Bourguiba de la Tunisie,
et de Boigny de la Côte d'Ivoire.
Dans la seconde hypothèse,
face à une inertie volontairement
cultivée
ou
imposée,
le
chef
d'Etat
se
place
au-dessus
des
contigences
locales,
en observant une neutral i té
toute bienve i l-
Iante dans le conflit qui se déroulait sous ses yeux.
Le Kenya et
le Swaziland intègrent cette dimension de la guerre de succession.
A:
LES GUERRES DOMINEES PAR LES CHEFS D'ETAT.
La
guerre
de
succession. est
souvent
localisé~ dans

283
Tunisie
le
7 Novembre 1969 avec
la
nomination
du
premier Premier
Ministre
tunisien,
M.Bahi
Ladgham.
Il
fut
constitutionnalisé par
l'Assemblée nationale le 31 Décembre 1969
(104).
Le poste de Premier
ministre,
chef du
gouvernement,
n'était pas
un
poste circonstan-
ciel.
En effet,
i l n'a pas été affecté par de multiples révisions
constitutionnelles. De surcroit,
i l a surmonté avec succès le test
décisif de
la succession sans avoir été supprimé par la suite.
En
fai t,
la
préoccupation
du
constituant
a
été
de
fa i re
du
Premier
ministre
une
véritable machine
de
gestion
courante
des
affaires
politiques du pays sous le leadership incontesté du chef de l'Etat.
Nommé librement
(article 50) et pouvant être révoqué pour n'importe
quel motif par le chef de l'Etat
(article 59),
le Premier ministre
n'est pas
simplement un premier parmi des égaux.
En tant que chef
du gouvernement,
i l jouit,
sous
réserve de
l'arbitrage du chef de
l'Etat,
d'un
leadership sur
les
autres
membres
du
gouvernement.
Responsable
devant
le
chef
de
l'Etat,
le
Premier
ministre
est
chargé de
la coordination et de l'animation de
l'activité gouver-
nementale.
A cet effet,
en plus de ses pouvoirs constitutionnels,
i l
est
le
principal
délégataire
du
chef
de
l'Etat
sur
le
plan
national et dans
les instances internationales.
Sur
le
plan
de
la
politique
domestique,
si
l'autorité
104
Ladhari
(M),
La constitution de la Tunisie:
Révision de
l'article 51 de la constitution du 19 Juin 1959,
R.J.P.I.C.,
No 2,
Juin 1970,
pp.307
et s.

285
Premiers
ministres
(106).
Si
l'institution
dauphinale
bénéficiait
d'une stabilité incontestée qui est la conséquence de sa consécra-
tion constitutionnelle,
son titulaire dépendait par contre de
la
volonté exclusive du chef de
l'Etat qui disposait à
son encontre
d'un pouvoir de vie ou de mort
Sur le plan institutionnel.
Cette
instabilité était en outre,
la conséquence de la fonction manifeste
qui lui avait été attribuée,
c'est-à-dire la succession du chef de
l'Etat.
Dauphin
constitutionnel,
le
poste
de
Premier
ministre
attire
des
jalousies,
des
rivalités
entre
les
candidats
à
la
succession.
En outre en Tunisie,
l'indécision de Bourguiba avait
~iguisé les conflits autour de sa succession. Celui-ci n'était pas
un
acteur
pas s i f
car
il
intervenéii t
lui
même
dans
le
proce s sus
successoral.
Seulement,
cette
intervention n'était pas destinée à
clarifier mais à ajouter des incertitudes à une situation confuse.
La
défaillance
de
ses
capacités
physiques
et
psychiques
devait
aboutir à un transferc du pouvoir réel entre les mains d'un cercle
oligarchique autour du
chef d'Etat devenu simplement
la main
qUl
signe les afraires décidées ailleurs.
Le Premier ministre tunisien avait
fini
par être
" un anti-
dauphin",
ce qu'il a toujours été au demeurant. De fait,
une étude
diachronique montre qu'à travers le choix de ses Premiers ministres
Bourguiba
n'entendait
pas
apporter
une
réponse
à
sa
succession.
Aucun d'entre eux n'avait
le profil de dauphin politique du chef
1%
Concrètement,
il y'a eu une succession de cinq (5)
Premiers
ministres depuis l'adoption de l'institution en 1969. Surtout, dans
les
années
qUl
avaient
précédé
la
chute
de
M.
Bourguiba,
le
7
novembre 1987, la Tunisie avait connu trois (3) Premiers ministres.

287
désignés
dans
le
contexte
même
de
la
guerre de
succession à
une
période 00 l'état de santé du Combattant Suprême était déclinant.
L'avènement du Premier ministre Mzali était marqué par un aiguise-
ment
de
la
lutte
successorale
qui
était
encouragée
par
une
multiplication autour de Bourguiba des centres de décision mettant
en cause l'autorité du Premier ministre. La position de la famille
de Bourguiba
(~) et des gardiens de l'orthodoxie du régime sur la
légitimité du modèle de succeSSlon ou sur le choix du
successeur
faisait
du
poste
de
premier ministre
une
voie
de
garage
et
non
d'ascension vers
le pouvoir suprême.
Rachid Sfax,
le successeur de Mzali,
n'était qu'un sursitaire
dépourvu des ressources politiques dont disposaient ses prédéces-
seurs.
Il
avait
eté nommé
à
la
cête du gouvernement
à
un moment
marqué par de.:: tensions familiales
sociales et politiques
(10'1).
La
conjonction
de
tous
ces
fact.0urs
avait
abouti
à
une
certaine
WH
Mme Wassila Bourguiba s'était montrée très réservée sur la
disposition constitutionnelle relative à la succession automatique
du
Chef
de
l'Etat
par
le'p'remier
ministre.
Dans
une
interview
accordée
à
l' hebdomada ire
"Jeune Afrique",
elle déc lara i t:
"
Je
suis pour la révision de
la constitution de manière à
laisser au
peuple toute liberté de choisir son chef.
Bourguiba ne pourra pas
continuer à diriger le pays à partir de sa tombe!
et puis,
il est
temps
de
se demander si
le peuple tunisien n'est
pas
fatigué de
voir les mêmes têtes depuis trente ans".
"Jeune Afrique",
No 1125
du 28/7/1982,
p.18.
Cette
interview
montre
nettement
le
degré
d'engagement
de
l'épouse de M. Bourguiba dans le jeu politique tunisien.
10'1
Sur le plan familial M.
Bourguiba se sépara de
son épouse
qui fut particulièrement influente au sein du pouvoir. Sur la plan
social la révolte du
pain avait
fortement
secoué le fondement
du
régime.
Cette période
fut
marquée
aussi
par
le développement de
l'intégrisme religieux qui était
hostile à la politique libérale
de M.Bourguiba.

289
II: L'ECRASEMENT DES VEILLEITES DAUPHINALES EN COTE D'IVOIRE.
La
personnalité
écrasante
du
Président
Boigny
trouve
son
fondement
dans
la
conjonction
des
légitimités
traditionnelle,
historique du Président-fondateur de la Côte d'Ivoire. Boigny entre
en
effet
dans
la
catégorie
des
"
chefs
charismatiques".
Or
la
question
fondamentale que pose l'autorité charismatique est celle
de la succession
(IIU).
En Côte d'Ivoire
la pertinence du problème
transparait
à
travers
l'instabilité
de
l'article
Il
qUl
organise la succeSSlon du chef de l'Etat.
A
travers les modifica-
tions
constitutionnelles était
posée en
réalité
la problèmatique
même de la succession.
Le
premler
trait
de
cette
philosophie
est
relatif
à
la
technique
successorale.
Il
s'agit
pour
Le
Président
Boigny
de
trouver un modèle successoral devant garantir la survie d'un régime
encore
insuffisamment
structuré.
Pour
Boigny
la
continui té
est
mieuz
assurée
à
travers
un
système,
c'est-à-dire
un
ensemble
structuré de relations coordonnées,
et non à travers un individu.
C'est toute la philosophie de la succession collégiale.
Le second trait porte sur
la non-cohabitation entre un chef
et son dauphin prohibant ainsi toute spéculation sur la succession
du vivant du chef.
Cette vision
successorale devait,
sans
succès
(Ill) ,
permettre
au
chef
en
place
de
ge 1er
les
conf lits
sur
sa
110
Voir Sylla
(L.),
Succession of the Charismatic Leader . . . ,
_.op . ci t .,
p. 14 .
111
La révision constitutionnelle du 6/11/1990 devait consacrer
le retour au dauphinat, donc à la désignation du successeur du chef
en place.

291
celui-ci,
du moins
pour
le moment"
(112).
Cette démarche
est mlse
1
l
d'
ff'
. .
l ' f
'
rn exergue par e lscours 0 lClel re atl a la succession. Ce
discours prend en considération
la démocratisation nécessaire du
régime et la revalorisation de la direction collégiale.
D'une part,
le Président Boigny pensait que la seule issue au
problème
de
3a
succession
résidait
dans
la
démocratisation
du
régime. Par là il n'entendait pas ouvrir le régime au multipartisme
(ln).
Au contraire,
le parti unique devait être maintenu mais son
fonctionnement
démocratisé
grâce
à
la
réorganisation
du
droit
e'lectoral
(114)
.
eL-
d es
s t rue t ures
.ln t ernes
pour
se
t ra d '
Ulre
par
"l'injection d'un
sang
nouveau"
("5)
dans
les appareils étatiques
et partisans.
La
révision de
1980, votée par l'ancienne assemblée
dont seuls 27 membres avaient été reconduits,apparaissait comme un
garde-fou face à une nouvelle assemblée dont les membres seraient
tentés d'élire un dauphin n'ayant pas l'aval du chef de l'Etat.
D'autre part,
le VIIè congrès de 1980 procèda à une transfor-
mation
des
structures
du
parti
avec
la
suppression
du
poste
de
112
Brard
(Yves)
&
viou
(Michel),
La
démocratisation
des
institutions politiques de la Côte d'Ivoire, R.J.P.I.C.,
T.
36, No
2,
Juin 1982, p.756.
113
Le multipartisme allait être imposé par les circonstances
politiques en 1990.
114
La
loi
électorale
devait
être
modifiée
de
manlere
à
supprimer le système de
liste nationale remplacé par le découpage
du
pays
en
différentes
circonscriptions
électorales
au
sein
desquelles
tout
citoyen
remplissant
les conditions
d'éligibilité
peut
se
présenter
librement,
le
parti
observant
une
neutralité
entre les candidats.
115
Sylla
(L.),
Succession
of
the
Charismatic
Leader . . . ;
op.cit., p.25.

293
et,
de surcroît,
ne désigne pas :3on héritier
(1'").
Cette vision collégiale condamnant touce prévalence accordée
à
un
individu allait être écartée pour
la
succession pratique de
Boigny
du
fait
du
retour
au
système
du
dauphinat
le
6/11/1990.
Toutefois,
l'existence
d'un
dauphin
ne
porte
pas
atteinte
à
la
collégialité.
En effet,
Sl
le président de
l'Assemblée nationale
redevient
le
successeur
conscitutionnel
du
chef
de
l'Etat,
l'institutionnalisation d'un gouvernement,
placè
sous
l'autorité
d'un
Premier
ministre
(II~),
manifeste
l'intention
du
Président
Boigny
d'associer
tous
les
membres
de
l'équipe
au
pouvoir
à
la
survle du
régime après sa disparition.
b:
La non-cohabitation encre un Chef ec son dauphin.
En
plus
de
la
conception
,.::ollégiale
de
sa
succession,
le
E'ré~idenc Boigny
eut
recours
à
une
lègitimité
concurrente
pour
justifier l'absence d'un dauphin.
Dans sa conférence de presse 14-
10-1985,
i l devait déclarer clos le débat sur sa succession mettant
en
relief
sa
volonté
de mourir
au
pouvoir
et
surtout
de
ne
pas
désigner un successeur. Déjà dans sa conférence de presse du 1-10-
1980,
i l manifestait subtilement sa volonté de ne pas se prononcer
IlR
Cette vi s ion apparaît nettement dans
l ' interv iew accordée
à Jeune Afrique:
" Croyez-vous que Lénine avait prévu Staline pour
lui succéder? Que Staline lui-même avait pensé à Khrouctchev?
Moi,
je fais
confiance" aux hommes.
,Je
reconstitue une équipe.
Et c'est
de cette équipe qu'émergera celui qui devra assurer la relève."
J.A.
No 1048 du 4 Février 1981,
p.30.
119
Article
12
nouveau.
Cf.
Projet
de
loi
No.90-1529
portant
modification des articles
Il,
12 et
24
de
la constitution adopté
par
l'Assemblée
nationale
le
6/11/1990;
in
"Fraternité-Matin du
7/11/1990.

295
s' ag issant du Prés ident
Boigny,
l' attachement
à
la tradition est
une constance dans sa démarche politique.
La valorisation de la "
démocratie de l'arbre à palabre et du bois sacré"
(123)
et l'autorité
qu'il reconnait à ses soeurs même dans l'exercice du pouvoir sont
une manifestation évidente du
t.raditionnalisme et du néo-patrimo-
nialisme du régime du Président Boigny.
Néanmoins le recours à la
succession traditionnelle est opportune car elle permet de t.rancher
définitivement
la
succession
en
Côte
d'Ivoire
reléguée
aux
dernières préoccupations du moment sous la période de Boigny (114).
Tout comme en Tunisie,
le problème de
la succession en Côte
d'Ivoire
est
rendu
délicat
par
le
cefus
du
chef
en
place
de
clarifier
les
règles
autour
desquelles
devrait
s'opérer
la
transmission du pOUVOLC.
Dans ces deu:-; pays,
la guerre de succes-
sion fuc marquée par
une présence
imposante des chefs d'Etat dans
l'arène politique.
Bourguiba
et Boigny étaient
des
chefs d'Etat-
acceu rs
de
la
success ion.
Seulement,
cont rai remem::
à
Senghor,
Ahidjo,
Stevens ou
Nyéréré qUl
étaient
profondément engagés,
les
premlers
étaient
passifs
dans
la
mesure
où,
loin
d'apporter
un
opportunément
invoquees
pour
justifier
l'absence
d'un
héritier
politique,
alors
que
les
lois
traditionnelles
sur
la
succession
favorables
au
matriarca1::,
avaient
été
condamnées
dès
1964
avec
l'adoption de lois civiles sur la succession.
Cf: Togba
(Z),
L'intérim de la Présidence de la République en
Côte d'Ivoire ... ; op.cit.,
p.224.
ID
Sylla
(L.),
Démocratie de l'arbre à palabre et bois sacré,
in
Annales
de
l'Université
d'Abidjan,
série
D,
tome
13,
1980,
pp.71-75.
114
Seulement, la révision constitutionnelle du 6/11/1990 allait
boulverser toute cette stratégie successorale avec l'existence d'un
dauphin cohabitant avec un chef qu'il est appelé à remplacer.

.:.97
guerre de succession s'est déroulée et achevée avant la succession
proprement dite.
Au Swaziland par contre,
la guerre de succession
n'occupe qu'un laps de temps allant de la disparition du monarque
règ~a~tà la désignation de son successeur.
Le seul pOlnt commun est la neutralité des chefs en fonction.
Toutefois,
cette neutralité est
justifiée différemment.
Au Kenya
elle a
été voulue alors qu'au Swaziland elle est
imposée par les
règles coutumières.
1:
LA NEUTRALITE VOULUE AU KENYA.
La
succession de Kenyatta
s'était
déroulée
dans un environ-
nement
conflictuel
dominé
pal
des
rivalités
internes
visant
à
contrôler,
plus qu'à détruire,
l'architecture bâtie par Kenyatta.
L'opposition se situe dans les moyens mis en oeuvre pour atteindre
une finalité qui était parcagée par tous
les acteurs du régime.
a:
Une finalité commune.
Les
prétendants
à
la
succession
de
Kenyatta
étaient
animés
d'une
volonté
commune
de
garancir
la
perpétuation
du
réseau
de
clientèlisme et de revaloriser le parti dans la perspective de la
conquête du pouvoir présidentiel.
1:
La perpétuation du clientèlisme.
L'Etat "Kenyatta" est articulé autour d'un réseau de clients
du
régime.
Le
système
de
distribution
des
biens
avait
permis
à
Kenyatta de
s'attacher de
clients
qUl,
surmontant
les
divisions
ethniques,
apparaissaient comme
les
débiteurs
d'un
régime qu'ils
sont
appelés
à
protéger
en échange
des
privilèges
grâcieusement
octroyés.
Ce clientèlisme,
ainsi que le soutient Rothchild,
est à

299
succession de Kenyatta,
illustrait
l'intensité du
combat
interne
à
l ' é l i t e
ok"
h '
.
,
gouvernante ,cac alt en réallte une cohésion des préten-
dants
qUl
sont mûs
par
l'instinct
de
conservation
des
avantages
hérités du régime. Un autre consensus sur la place réservé au parti
dans la stratégie de conquête du pouvoir était également une donnée
de la guerre de succession au Kenya.
2:
La perception stratégique du parti.
Le
système
partisan
Kenya
se
caractérise
par
sa
faiblesse
structurelle
et
fonctionnelle.
En
effet,
alors
qu'ailleurs
en
Afrique,
le
parti
unique
était
cons idéré
comme
un
instrument
d' act ion
des
gouvernants,
souvent
juridiquement
ou
pratiquement
place au-dessus des
institutions étatiques,
au Kenya la K.A.N.U.,
parti unique de fait de 1964 ~ 1982
(lU),
et parti unique de droit
depuis 1982, se singularise par son absence dans la scène politique
quotidienne. Il s'aglt d'un parti décentralisé. Cette décentralisa-
tion
était
le
résultat
du
banissement
des
formations
politiques
nationales
par
le
gouvernemenc
colonial
et
le
développement
des
structures d'expression au niveau des régions
(m). Cette léthargie
était accentuée par l'inertie de ses organes et de ses structures.
127
En
1964,
la K. A. D. U.
devait
se
dis soudre et
intégrer la
K.A.N.U.
qui devint parti unique de fait.
Mais après la conférence
de
Limuru
de
Mars,
les
radicaux,
sous
le
leadership
de
Oginga
Odinga, quittèrent le parti pour constituer la K.P.U.
(Kenya People
's Union)
qui fut déclaré illégal en Octobre 1969.
.
Cf.Okumu (John J.), Party and Party-State Relations; in Barkan
(Joel D.),
Politics and Public Policy in Kenya and Tanzania;
New
York-Westport,
Connecticut-London,
Praeger,
1984,
pp.45-69.
128
Okumo
(J. J.),
Party
and
Party-State
Relations,
op. cit.,
p.51.

JOl
vider
des
contentieux
relatifs
à
la
succession
de
Kenyatta.
Il
avait permis à Mboya d'éliminer en 1966 son rival Oginga. En outre
c'est
la
neutralisation
du
pa:;::-ti
en
1977
qui
devait permettre
à
Moi,
aidé en celà par Njonjo et Kibaki de
surmonter les derniers
écueils à
la succession.
*La marginalisation de Odinga.
La première guerre
de
succession
avait
opposé Tom Mboya
et
Oginga
Odinga,
deux
leaders
que
tout
semblait
unlr
au
départ.
Originaires
de
l'ethnie
Luo,
ils
avaient
été
élus
au
Conseil
législatif en 1957
(132).
Après l'accession du Kenya à
la souveraineté interriationale,
ils
se
retrouvèrent
tous
les
deuy.
au
sommet
du
pouvolr
(iJ3).
Toutefois
les divergences
personnelles
(1:\\4)
et
idéologiques
(135)
132
Faisant partie des premiers leaders kenyans élus au suffrage
universel,
ils avaient occupé tout le terrain pendant la détention
de Kenyatta suite à
la révolte des Mau-Mau. Après la " Conférence
de Lancaster House",
ils participèrent à la création de la K .A. N. U,
ôtant ainsi toute coloration ethnique au parti de Kenyatta.
ID
M.Oginga Odinga fut
nommé Vice-président de la république
et du parti alors que Tom Mboya devenait Ministre de la Justice et
des
Affaires
constitutionnelles
et
Secrétaire
Général
du
parti
dirigeant:
La K.A.N.U.
134 Tom Mboya incarnait la jeunesse, la rationalité et l'effica-
ci té
dans
la
gestion
des
affaires
politiques
de
la
société.
A
travers
le mouvement syndical,
il s'était dôté d'une personnalité
propre
qui
lui
permit
de
contrôler
les
rouages
de
l'Etat
et
du
parti.
Oginga Odinga, l'ainé de Mboya,
incarnait plutôtl le tradition-
nalisme et le populisme.
Défenseur des Luo contre l'hégémonie des
Kikuyu,
il
avait
une
base
populaire
plus
réduite.
Son
discours
populiste
axé
sur
l'éradication
de
la
pauvreté
paysanne
et
la
dépendance du Kenya vis-à-vis du capitalisme.

303
depuis l'indépendance. L'objectif recherché était l'intégration des
leaders
de
la
K.A.D.U.
qui
s'était
auto-dissoute
en
1964
et
la
réorganisation
en
conséquence
des
structures
du
parti
unique
de
fait.
En
fait,
la
conférence marqua
l'élimination
des
radicaux,
plus précisément du discours socialisant au sein du parti. Odinga
fut
affaibli
par
la
création
de
8
vice-présidents
du
parti
qui
correspondaient aux 7 provinces ainsi que le district de Nairobi.
Se sentant visé à travers cette restructuration,
il démissionna de
son poste de vice-prés ident et créa son parti:
la K. P. U (138).
Le processus de
liquidation manoeuvré par Mboya
fut
rapide.
Une
réforme
constitutionnelle
hâtivement
adoptée,
exigea
que
le
parlementaire
qui
rompt
avec
le
parti
auquel
il
appartenait
au
moment de son élection démissionne de son
siège et se soumette à
une nouvelle élection (13~) • La disgrâce de Odinga atteint son apogée
lors des élections
législatives de 1969 où tous
les candidats de
la K.P.U.
furent disqualifiés.
Exclu de l'Assemblée nationale et
du
gouvernement,
Odinga
ne
constituait plus
un
danger
potentiel
pour Mboya.
lB
La K.P.U. se voulait nationaliste et anti-impérialiste mais
sa
base
politique
était
essentiellement
ethnique
du
fait
de
la
préeminence des Luo.
IW
Le vè amendement,
acte No 17 du 30-4-1966.
A la suite des
"petites élections" pour le renouvellement partiel de l'Assemblée,
les 30 députés qui avaient suivi Odinga furent réduits à 9.
Une
telle
législation
fait
défaut
dans
les
régimes
de
tradition juridique et politique française,
notamment au Sénégal.
Ici,
les
conséquences
institutionnelles
de
la
souveraineté
nationale se traduisent par
le caractère représentatif du mandat
faisant du député l'élu de la nation et non d'un parti. En consé-
quence,
la démission
d'un
député de son parti est
sans incidence
sur la continuité de son mandat parlementaire.


305
que la cause était perdue pour le groupe des challengers"
(141).
Cet
ajourne~ent définitif scelle la défaite de la famille et consacre
la victoire du Vice-président Moi
(w)
qui disposait de
l'appareil
d'Etat et du parti pour gagner la guerre de succession.
Si
les
prétendants
partageaient
les
mêmes
objectifs,
les
moyens
mlS
en
oeuvre
manifestaient
l'intensité
du
combat
pour
s'assurer du controle du système de Kenyatta.
b:
Les moyens mis en oeuvre.
La
guerre
de
succession
fut
dramatique
en
raison
de
la
violence physique et des manipulations orientées vers
la conquête
de la suppléance.
1: La violence physique.
L'élimination physique d'adversaires
semble être
une donnée
t
permanene d u paysage po l , t .
llque krenyan
(1.13).
Elle de' borde le cadre
ethnique du fait de la complexité des alliances à l'intérieur d'un
système clos orienté vers le contrôle - et non la déstruction - du
système en place. Elle frappe tous ceux qui sont impliqués dans la
141
I l s ' agi t
du point de vue de Tamarkin
(M.),
From Kenyatta
to Moi ... ;
op.cit,
pp.26-27.
Toutefois,
selon
"
The
Weekly Review"
et
"Africa
Confiden-
tial",
cités par Karimi et O'Cheng,
The Kenyatta Succession;
op.
cit.,
p.106,
Kenyatta
était
tombé malade et
s'était
trouvé
dans
l'impossibiLté de présider le déroulement de ces élections.
1~ Durant la même période des pressions auraient été exercées
sur Kenyatta afin de l'amener à remanier son cabinet et à remplacer
Moi à
la vice-présidence par un membre de la famille.
Voir: MM. Karimi & O'Cheng,
The Kenyatta succession,
op.cit~,
p.106.
143
Le dernier
assassinat politique est
celui
de
Robert
Oko,
ancien ministre des affaires étrangères et membre de l'ethnie Luo.
Il fut enlevé et tué dans des conditions mystérieuses en 1990.

307
représenté par Jean Marie Karuiki. Membre du Parlement,
il bénéfi-
ciait à l'instar de Kenyatta d'une onction de légitimité historique
résultant
de
sa
participation
au
mouvement
Mau-Mau.
Député
populiste,
il
constituait une menace
directe
pour
le
système de
Kenyatta.
Il
était
devenu
par
la
suite
un
puissant
leader
qui
tissait
des
contacts
directs
avec
"
la
masse
des
politiciens
désenchantés"
et
au
dessus
de
tout,
i l
devint
"le
champion
des
masses
Kikuyu"
(146).
Il
fut
assassiné
dans
des
conditions mysté-
rieuses le 3 Mars 1975.
Contrairement à Mboya,
Karuiki était une menace provenant de
l'intérieur de l'ethnie détentrice du pouvoir.
En conséquence son
assassinat
ne
manqua
pas
d'ébranler
le
système. de
Kenyatta
en
portant atteinte à sa solidarité sociologique.
La base sociaLe du
pouvoir
fut
affectée· car
des
Kikuyu,
mécontents
de
l'influence
exercée sur KenyattapaE la Famille s'opposèrent à d'autres kikuyu.
Cette division intra-ethnique montre l'impact relatif des divisions
ethniques
dans
la
succession de
kenyatta.
En
fait,
la guerre de
succession
se
présentait
comme
une
tentative
désespérée
de
la
"famille" qui tenait à la préservation de ses acquis et qui était
prête à
faire usage de tous
les moyens pour y arriver.
En effet,
la
famille n'a pas hésité à
se débarrasser de ses adversaires de
l'extérieur ou de l'intérieur de son propre groupe ethnique. A côté
de
la
violence
physique,
elle
eut
aussi
recours
à
la
violence
politique
pour
déstabiliser
celui
qui
est
chargé
d'assurer
la
I~ Tamarkin, From Kenyatta Ta Moi ... , op.cit., p.23.

\\
309
Il en
fut
alnSl
de
Daniel Arap MOI
\\47)
.
(
qUl,
bien qu'ayant battu
le record de longévité, présentait un profil dénué de tout charisme
et
de 4poids
politique
(148).
Nommé Vice-président
à
la
suite
des
départs de Odinga et Marumbi,
il présenta le profil-type de l'anti-
candidat à
la succession et,
en tant que tel,
i l
fut
accepté par
tous les clans en lutte.
Le choix de la personne de Moi satisfai-
sait toutes
les parties impliquées dans la succession.
Effacé et
originaire d'une petite ethnie,
Moi ne constituait pas
un danger
pour les kikuyu-kiambu qui étaient plus préoccupés de l'ascension
de Mboya.
Inversement dépourvu de tout poids politique au sein de
l'Etat et de
l'appareil du parti,
il ne pouvait
faire
obstacle à
la suprêmatie des principaux candidats à la succession.
Po.ur
toutes
ces
raisons,
Moi
apparaissait
comme
le
Vice-
président
du
consensus.
Seulement
le
paysage, politique
kenyan
connuL un
boulversement
avec
les
disparitions
de
Mboya
et
de
Karuiki. Devenu par la suite l'unique obstacle à l'hégémonie de la
famille,
l'équation Moi fut
prise avec sérieux.
La
famille
lança
alors une offensive constitutionnelle avec le mouvement en faveur
147
Moi se trouvait "de l'autre bord au moment de la lutte. Son
statut
de
membre
nommé
du
Conseil
Législatif
faisait
de
lui
un
allié
de
la
puiisance
coloniale.
Au
moment
de
la
formation
des
partis
nationaux,
i l
se
retrouvait
encore de
l'autre bord de
la
K.A.N.U.
Il
milita
en
effet
au
sein
de
la
K.A.D.U.
fortement
marquée par sa coloration ethnique."
Cf.
Victoria
Brittain,
Le
Kenya:
Une
situation
explosive
derrière la vitrine de pospérité; "Le Monde Diplomatique", Novembre
1982,
p.21.
l~ MOI n'avait rejoint la K.A.N.U. qu'après la dissolution de
la K.A.D.U.
Il fut élu parmi les 8 Vice-présidents de la K.A.N.U.
en tant que" représentant de la Rift Valley."
Cf.Karimi & Ochieng,
The Kenyatta Succession,
op.cit.,
p.9.

311
tradition
Swazi
aussi
longtemps
que
vit
le
père.
L'objectif
cecherché,
à
l~ravers
le
flou
des
règles
successorales,
est
la
double protection du souverain et du royaume. En effet,
l'existence
d'un
héritier
connu
de
tous
suscite
des
j a lous ies
qui
sont
préjudiciables à
la continuité du pouvoir royal.
L'effet pervers de la sécurisation esc l'existence de conflits
rnévitables
de
succession.
En
effet,
la
guerre
de
succession
n' lntervient
jamais du vivarlt ,iu 3üuveraln.
En üucre,
la désigI}.?-
tion du souverain n'incombe pas à un individu malS à un système qUl
inl~ègre Les membres éminents du clan royal.
L'acuité des conflits s'e~pllque par le tait que là dû il y'a
plusieurs
reines,
il
y' a
plus::.eurs
pCLnces.
Les
familles
des
différentes
ceines sont alors appelées à
lutter en vue de garantir
J'accession ~u
fiLs de leur propre soeur au pouvoir.
La guerre de
succeSSlon est sous-tendue pal
la
lutte entre
les
familles en ~ue
ci' ezercer
une
influence
sur
le
fut.ur
souverain.
Dans
certaines
situations,
l'unanimité peut se faire
sur
la
personne
du
succes-
seur. Toutefois, celle-ci n'exclut pas une certaine persistance des
conflits dans
le clan royal.
La succession de Sobhuza Il met en
relief la nature conflic-
tuelle
de
la
succession
dans
le
royaume
Swazi.
Elle
montre
une
guerre
dramatique
au
seln
du
clan
royal
visant
à
conquérir
le
pouvoir réel de direction du royaume derrière
le pouvoir apparent
du futur monarque.
Ainsi malgré la complexitè du processus successoral,
le choix
du successeur de Sobhuza II fut effectué rapidement avant l ' inhuma-

3L~
qu'au sein du Parlement.
b:
Un interrègne anarchique.
La
monarchie
est
cons idéree
comme
un
héritage
culturel,
un
trait principal de l'identite nationale. Les conflits s'exprimaient
dans
un
cadre
consensuel et
se
réduisaient
au
simple choix d'un
nouvea u
souverain.
La
success lon
de
Sobhuza
II
était
intervenue
dans
un
contexte
de
renouveau
institutionnel
avec
l'adoption
de
nouvelles règles écrites organisant la continuité de la monarchie.
Loin
d'apporter
une
sol ut ion
déf in i t i ve
à
la
suc ces s ion du
roi,
les
nouvelles
dispositions
secrétaient
des
conflits
qui
présen-
taient une dimension à
la fois
institutionnelle et indivlduelle.
1:
La dimension instituLionnelle.
Cette dimension du conflit mettait en cause les organes cons-
titues,
notamment
les relat::cons
entre
le
gouvernement,
le Parle-
ment,
la
Re',jente et le LIQO,jU.
La particularité du
régime monar-
chique Swazi est qu'au-dessous de la monarchie dualiste, existe une
certaine
spécialisation
des
rôles
entre
un
pouvoir
moderniste
partagé
entre
le gouvernement
et
le
parlement
d'une part,
et un
pouvoir
coutumier
très
puissant
localisé
dans
le
LIQOQO
qui,
d'organe consultatif, était devenu dans les faits l'organe suprême
du royaume. Le LIQOQO va faire prévaloir cette prérogative au cours
de l'interrègne notamment dans ses relations avec lè gouvernement
mais aussi avec la Régente.
Dans ses rapports avec le gouvernement,
le LIQOQO va profiter
des contradictions internes à l'exécutif pour obtenir la révocation

315
Après
avoir
remporté
la victoire sur le pouvoir moderniste,
le LIQOQO devait se retourner ensuite contre la Régente. La guerre
de succession se déplaça vers les structures du pouvoir tradition-
nel.
Le 2 Août
1983,
un document
émana du LIQOQO pour transférer
plusieurs
attributions
de
la
Régente à
"La
Personne
Autorisée".
Devant son refus,
une décision attribuée à "La Personne Autorisée"
prononça sa déchéance. Un recours en justice contestant la légalité
de
cette déchéance
fut
introduit
par la
Régente
devant
la
Haute
Cour
de
Justice.
Sur
l'instigation
du
LIQOQO,
une
action
en
réplique demandant à
la Cour de
reconnaître
son
incompétence sur
une
question
intéressant
la
tradition et
les
coutumes
swaZl
fut
publiée dans
le
journal gouvernemental. Finalement,
la Cour ne se
prononça
pas
sur
cette
affaire.
Ce
mutisme
juridictionnel
fut
favorable au LIQOQO qui nomma
une nouvelle Régente en la personne
de la reine Ntombi,
mère du prince héritier.
Le prince héritier,
fut ramené au pays et présenté officiellement à la population.
Il
s'agit là d'un acte traditionnel de légitimation de la succession.
Toutefois, dans le contexte particulier de la guerre de succession
i l
manifestait
la
liquidation
définitive
de
l'ancienne
Régente
(156).
Le texte
qu'elle
a vai t
refusé d' avali ser,
fut
signé
par
la
nouvelle Régente qui reconnaissait ainsi la suprématie du LIQOQO.
Ayant
assuré
son
leadership
institutionnel
sur
tous
les
organes
de
l'Etat
et
sur
le
pouvoir traditionnel,
le
LIQOQO
se
trouva par la suite confronté avec ses contradictions internes. Le
I~ La reine Dzeliwe fut explusée physiquement de sa résidence
officielle et déchue de ses insignes royales.

317
éminents
de
l'oligarchie
traditionnelle
finit
par
créer
un
sentiment de mécontentement.
En Octobre
1985
ils
furent
amenés
à
démiss ionner
du
LIQOQO.
Ce
départ
était
la
conséquence
de
leur
impopularité
(160)
et de la réaction des modernistes contre
leur
. .
.
l
.
d
('61) •
malnmlse sur COUS
es pouvolrs
u royaume
La chûte du duo
(162)
entraina une nouvelle
redistribution du
pouvolr au sein du royaume.
Le décret
de
1982
faisane
du
LIQOQO
le
"Conseil
Suprême de
l'Etat"
fut
abrogé
et
modifié
par
de
nouvelles
dispositions
le
confinant dans ses fonctions consultatives. Le pouvoir exécutif fut
rendu
au
Premier
ministre
et
au
cablnet
devenus
les
principaux
. Il
d
(163)
consel
ers
u monarque
L'accession du nouveau rOl marque la ~in de la régence, et en
,conséquence
la
guerre
de
succession.
En
effet,
le
pouvoir
est
enraciné dans le Roi et la Reine-mère conformément à
la tradition
160
Selon
les
raisons
officielles,
ils
avaient
été
déplacés
"dans l'intérêt de la Nation."
Levin
(Richard),
Swaziland.
Recent History,
op.cit.,
p.976.
161
Le prince Mfanasibile fut déchu
de toutes ses prérogatives
notamment celle de président du Conseil de la fonction publique où
i l
fut
remplacé par un
représentant de
l'ancien ~emier ministre
et première victime de la guerre de succession.
162
En Février 1986 le prince Mfanasibile fut arrêté et accusé
en connivence avec le chef de police de tentative de coup d'état,
de tentative de garantir la détention
illégale de détenus par la
confection de preuves et de trafic d'influence sur les témoins.
Il
fut
condamné à
7 ans
d'emprisonnement;
ce
qui marque
son élimi-
nation définitive du pouvoir.
163
,
Ces nouveaux développements précéderent de peu l'intronisa-
tion du Prince héritier Makhosetive couronné le 25 Avril 1986 sous
le nom de Roi Mswati III.

319
CHAPITRE II:
L'ACCEPTATION DU MODELE SUCCESSORAL.
La
préparation
de
la
succession
est
une
oeuvre
qUl
dépend
essentiellement de la volonté des gouvernants.
Il en est autrement
de
l'acceptation
de
la
stratégie
successorale.
Celle-ci
fait
intervenir
des
variables
multiples.
Ces
variables
peuvent
être
relatives aux circonstances particulières entourant l'adoption de
l'institution,
à
l'attitude
des
prét~endants,
à
la
réaction
de
l'opposition,
à
l'équilibre
des
forces
sociales,
et
enfin
à
l'environnement
lnternat ional.
La
sucees s lon
présente
alns l
des
facettes multiples:
juridique,
sociologique,
historique,
etc.
Ces
variables,
qui ne sont pas prises en compte par la norme constitu-
tionnelle,
conditionnent dans
une
larqe mesure
la
réussite de
la
succession du chef d'Etat dans les régimes africains. Elles posent
toutes
le
problème
de
la
légitimité
d~s modèles
successoraux
en
vlgueur dans ces régimes.
La
légitimation
se
fait
en
amont,
au
moment
de
la
mise
en
place de l'institution,
et en aval,
après son adoption. Ce dernier
aspect de la légitimation garantit le succès de l'institution car
elle met celle-ci directement
en
contact
avec ses destinataires.
Cet te dimens ion garant i t
l' effect i vi té,
ainsi que
la
récepti vi té
du modèle successoral déterminé par la règle juridique.
Les formes de légitimité dégagées par Max Weber
(1)
se retrou-
vent avec une intensité variable dans le fonctionnement des régimes
1
Voir supra,
pp.l6#38

321
adoption en conformité avec les normes directrices du régime. Plus
précisément,
à partir du moment où c'est la constitution elle-même
qUl détermine les conditions à travers lesquelles le pouvoir change
de
titulaires,
la
légitimité
formelle
du
modèle
successoral,
découle
alors
de
la
norme
constitutionnelle.
Seulement,
si
la
constitutionnalisation d'une stratégie successorale conditionne sa
légitimité formelle,
le processus de
légitimation doit
néanmoins
prendre en
considération certaines données
théoriques
liées
à
la
philosophie politique
du
régime,
et
des
données
pratiques
arti-
culées autour des rapports qu'entretiennent les acteurs
impliqués
dans
le processus successoral.
De manière générale,
i l est permis
de
constater
l'existence
de
difficultés
r-éelles
de
légitimation
formelle
des
mécanismes
successorauz
tant:
en
ce
qui
concerne
la
conformité des modèles par
rapport
aux
catégories
classiques que
les incidences politiques du choix institutionnel.
PARAGRAPHE
1:
LES DIFFICULTES DE LEGITIMATION FORMELLE DES
MODELES SUCCESSORAUX.
L'organisation de la continuité du pouvoir présidentiel obéit
à des préoccupations particulières tenant compte de la disposition
des
organes
et
des
rapports
entre
les
pouvoirs
publics.
A cet
égard,
trois modèles successoraux correspon~dnt aux trois grandes
catégories
constitutionnelles
peuvent
être
dégagés:
Les
modèles
parlementaire,
présidentiel et partisan.

323
étatiques
n'exerçant
qu'un
pouvoir
apparent.
La
succession
ne
présente alors d'intérêt que par rapport au chef du parti et non
de l'Etat.
C'est donc à travers
les règles partisanes que s'opère
la désignation du futur chef du parti.
Ces trois catégories se retrouvent avec quelques variantes en
Afrique.
Toutefois,
en
dehors
des
régimes
partisans
les
mécanismes
successoraux
se
caractérisent
par
un
syncrétisme
résultant
de
la
conciliation
de
modèles
différents,
mais
se
justifiant par
les
"impératifs
d'efficacité
et de cohérence"
(4)
que vise la continuité du pouvoir présidentiel en Afrique. Dans les
L'année 1990 marque une rupture de ce modèle avec le retour
à
la
démocratie
multipartisane
notamment
dans
les
anciennes
démocraties
populaires.
En
Afrique,
les
régimes
afro-marxistes
perdent
toute
leur
raison
d'être
avec
l'abandon
de
la
doctrine
marxiste-léniniste comme modèle d'organisation du pouvoir d'Etat.
Tous
ces
anciens
régimes
se
sont
ouverts
au multipartisme
(
Le
Benin,
le Cap vert,
la
R.P.C.,
Mozambique,
Angola,
à
l'exception
de l'Ethiopie).
• Selon le professeur Juillard,
c'est à
la fois un impératif
pragmatique d'efficacité et
un
impératif dogmatique
de
cohérence
que doivent traduire les règles relatives àla continuité exécutive.
(p.159).
Plus loin,
l'auteur précise que le premier impératif requiert
que " les mécanismes de remplacement ou de suppléance soient aussi
simples ,et efficaces que possible,
de
sorte que le vide ouvert à
la tête de l'exécutif n'affecte ni la fonction ni le pouvoir dans
leur permanence".
Quant au second impératif,
il "se situe dans l'ordre normatif.
Elle commande que les mécanismes de dévolution présentent un degré
minimal
de
compatibilité
aux
principes
généraux
du
système
constitutionnel dans
lequel ils s'insèrent". (p.160) .
Cf.
M.
Juillard
(P.),
La
continuité du pouvoir exécutif,
in
Mél.
Burdeau:
"Le Pouvoir"
,
L.G.D.J.,
Paris,
1977,
pp.158-177.

325
préalablement définie. Si cette corrélation n'est pas absolue
(7),
dans
les
régimes africains la continuité du
régime s'identifie à
celle
de
la
politique
jusqu'alors
menée.
Ainsi,
le
dauphinat
constitutionnel
dans
les
régimes
africains
vise
précisément
à
former et à éduquer le dauphin pour ses tâches futures.
Le dauphin
constitutionnel apparait souvent comme la seule personne en mesure
de
garantir
la
continuité du
régime
en
raison
de
ses
relations
privilégiées avec celui qu'iJ
est appelé à
remplacer.
Se trouvant
dans
une situation de dépendance vis-à-vis
du chef de l'Etat
(8),
le dauphin se voit reconnaître un statut de " Prince héritier" ou
de "Prince Consort"
().
Il doit
suivre une
formation politique à
l'école du chef de l'Etat dont i l est chargé de sa succession.
Les
rapports étroits entre
le Président de
la République et
son dauphin,
qui bénéficie ainsl d'une légitimité déléguée, garan-
tissent
l'efficacité de cette technique mieux à même de sécuriser
un régime dont les fondements sont encorE fragiles.
Cette préoccu-
pation
fut
constante
dans
les
justifications
officielles
de
ce
procédé.
Au Sénégal,
la commission de la législation devait saluer la
7
En effet,
aux Etats-Unis,
le choix du dauphin,
dicté par des
considérations
électoralistes,
peut
aboutir
à
l'accession
d'une
personne
non
préparée
aux
responsabilités
suprêmes
ou
bien
ne
souscrivant pas la politique arrêtée par son prédécesseur.
Le
chef
de
l'Etat
nomme
son
dauphin
ou
bien
le
désigne
intuiti-personae comme son co-lister à son élection à la présiden-
ce.
~ Mbarga (E.), La réforme des articles 5 et 7 de la constitu-
tion de la République Unie du Cameroun; op.cit.,
p.278.

327
cette responsabilité"
(11).
On le voit,
l'efficacité recherchée est à
la fois
temporelle
et matérielle.
En effet,
i l ne s'agit pas seulement de combler un
vide résultant de la vacance du pouvoir présidentiel, mais surtout
de confier ce pouvoir à
une personne spécialement préparée à
cet
effet.
Seulement,
la recherche de l'efficacité se fait
souvent au
détriment
de
la
cohérence
en
raison
des
atteintes
portées
à
la
structuration de la succession dans un régime présidentiel.
II:
LES INCOHERENCES STRUCTURELLES.
Les
régimes
qui
avaient
adopté
le
système
du
dauphinat
constitutionnel avaient légitimé ce choix par leur appartenance à
la catégorie des
régimes présidentiels.
Le régime présidentiel,
qui sert de modèle de référence à la
doctrine
officielle. de
légitimation
rationnelle
de
la
technique
successorale adoptée,
subit des distorsions profondes notamment en
ce qui
concerne
le
statut particulier du dauphin constitutionnel
ainsi que les pouvoirs qui lui sont reconnus.
a:
Le statut complexe du successeur.
Aux Etats-Unis,
la légitimité formelle du dauphin ne résulte
pas d'un décret
présidentiel
(12)
mais de
l'expression
du pouvoir
11
Intervention d'un orateur au cours du débat sur la révision
constitutionnelle
de
1979;
cité par Mbarga
(E.),
La
réforme
des
articles
5
et
7
de
la
constitution
de
la
République
Unie
du
Cameroun;
op.cit.,
p.274.
12
Sauf
évidemment
en
cas
de
vacance
de
la
vice-présidence
auquel cas le xxvè amendement confère au Président de la république
un
pouvoir
de
nomination
du
Vice-président
sous
réserve
de
l'approbation de cette nomination par le Congrès.

329
prévalant aux Etats-Unis
(15).
Pour lui,
" la constitution permet
au Président de
la République de se choisir,
dès
qu'il éprouvera
le desir,
son vice-président"
(16)
Qu'il s'agisse du Sénégal en 1976 ou de
la Côte d'Ivoire
en
1980,
la référence au système américain manquait de pertinence. La
nomination
du Premier ministre senégalais est
la
règle alors
que
celle du Vice-président est l'exception.
De surcroît,
la désigna-
tion
discrétionnaire
du
dauphin
par
le
chef
de
l'Etat
aboutit
à
exclure
le peuple ou ses
représentants du
processus
successoral.
La légitimité populaire du chef de l'Etat est affectée, alors qu'il
partage l'exercice de la souveraineté nationale avec les députéSou
le peuple.
De
fait,
le pouvoir souverain peut être exercé par un
homme devenu président par la volonté d'un autre.
Aux
Etats-Unis,
le
XXVe
amendement
prévoit
un
garde-fou
à
l'arbitraire eventuel du président de la République en ce sen~ que
le
Congrès,
non
pas
seulement
le
Sénat
(17),
doit
approuver
la
" A la suite de la démission du Vice-président
Spiro Agnew,
le Président Nixon avait nommé Gérard Ford pour remplacer le Vice-
président démissionnaire.
Victime lui-même du
scandale du
Water-
gate,
Nixon devait démissionnner de la présidence en
1974 permet-
tant
ainsi
l'accession automatique d'un Vice-président
non élu à
la magistrature suprême. Ford devait nommer par la suite Rockfeller
à
la vice présidence.
Ainsi de
1974
à
1976,
le
pouvoir exécutif
américain
était
pris
en
charge par des
personnalités
dépourvues
d'une légitimité populaire directe.
16 M.
Yacé: cité par Brard (Y.)
& Viou
(M.), La démocratisation
des institutions politiques de la côte d'Ivoire; R.J.P.I.C.,
T.36,
No.2,
Juin 1982,
p.754.
17 Le Sénat est généralement investi du pouvoir de ratification
des nominations présidentielles. ( Article II,
Section II,
2 de la
constitution.)

331
b:
L'autorité relative du successeur.
La constitution américaine ne reconnait en effet aucun pouvoir
exécutif au Vice-Président,
même si ce dernier peut dans certaines
circonstances
jouir de pouvoirs
à
lui,
délégués
par le président
de la République.
Ces pouvolrs,
il faut
le reconnaître,
dépendent
de
la
bonne
volonté
du
chef
de
l'Etat
qui
peut
les
retirer
n'importe quand et pour n'importe quelle ralson.
En
Afrique,
le
dauphin
procède
du
pouvoir
exécutif
et
participe à son exercice. C'est en effet la constitution elle même
qui
lui
confie
des
pouvoirs
propres
(Sénégal
et
Tunisie)
ou
qui
permet,
comme
ce
fut
le
cas
du
Cameroun,
au
chef
de
l'Etat
de
déléguer certains de ses pOUVOlrs à
son dauphin.
L'existence d'un
dauphinat
ne
porte
cependant
pas
atteinte
à
l'unité
du
pouvoir
e:-;:écu-c if.
Le dauphinat
institué,
mais
non pourvu,
en Côte d'Ivoire de
1980 à
1985
se
rapprochait
de
celui des
E-cats
Unis
parce que
la
Vice-présidence
n'était
prévue
que
pour
assurer
la
succession.
Ainsi
les critiques adressées
à
la réforme ivoirienne de
1980 et
relatives
à
l'alourdissement
de
" la structure gouvernementale"
suite à
la création du poste de Vice-président nous
paraissent à
vrai dire peu justifiées
(u).
En fait,
de telles critiques ne sont
lU
Qual i fiant
la
formu le
ivoirienne
"audacieuse
parce
que
risquée"
Togba
écrivait
à
ce
sujet:
"
La
coexistence
de
deux
leaders pose des problèmes au moment du choix des personnes par le
Part i unique et dans l'exercice des fonct ions". Plus loin i l devait
envisager l'hypothèse de "conflits
(pouvant)
surgir entre les deux
personnalités . . . pour des
raisons
personnelles
entre
un Président
faible et un Vice-président ambitieux ... (et)
pour des
préoccupa-
tions purement politiques . . . . Les divergences de ce genre conduisent
(suite . . . )

333
B:
LES IMPERATIFS DE DEMOCRATISATION DE LA SUCCESSION.
La démocratie est
le concept le plus galvaudé pour légitimer
le
fonctionnement
d'un
régime
donné.
Elle
se
présente
en
effet
comme
"un
fourre-tout"
pouvant
recouvrir
des
réalités
fort
différentes.
Elle
est
généralement
mise
en
exergue
dans
le
processus de choix des gouvernants qui,
agissant au nom et pour le
compte des
gouvernés,
doivent être désignés
par ces derniers.
Le
mode
d'expression
de
la
démocratie
reste
l'élection
qui
est
le
moyen privilégié de sélection des gouvernants.
Cette adhésion aux valeurs démocratiques est souvent présente
dans
les débats sur l'adoption des modes de
succession mais à des
fins stratégiques. La démocratisation de l'institution successorale
est
en
effet avancée pour
cemettre en
cause un modèle qu'on veut
combattre ou pour banaliser la succession du chef de l'Etat.
1:
UNE STRATEGIE DE DESTRUCTTON D'UN MODELE SUCCESSORAL.
La nature anti démocratique du modèle successoral adopté par
la
constitution
fut
l'arme
utilisée
pour
combattre
à
la
fois
l'institution successorale et la personne bénéficiant du mécanisme
de succession.
Les motivations peuvent être différentes,
mais
les
résultats recherchés se rejoignent.
Au Kenya le modèle successoral
institué
en 1968 et confiant
au Vice-président la suppléance du président de la République fut
considéré par les dirigeants du mouvement en faveur du changement
constitutionnel comme contraire aux principes de la démocratie qUl
voudrait
que
la
suppléance
soit
assurée
par
le
président
de
l'Assemblée nationale qui est une autorité élue,
contrairement au

33~
application des règles constitutionnelles qUl, même si elles n'ont
été soumises au
référendum,
n'en sont pas moins
des
règles de la
légalité objective en
raison leur adoption en conformité avec
la
procédure constitutionnelle en vigueur. La nature "quasi-monarchi-
que" du processus successoral réside uniquement dans la faculté que
la
constitution
reconnait
au
chef
de
l'Etat
d' aujourd' hui
de
choisir celui de demain,
mais la légitimité légale et rationnelle
du dauphin ne saurait être contestée carla règle de droit, une fois
régulièrement adoptée, revêt une autorité incontestée lui conférant
ainsi une valeur obligatoire.
11:
UNE STRATEGIE DE BANALISATION DE LA SUCCESSION.
L'exemple de
la
Côte d'Ivoire est révélatrice de
la
volonté
d'un chef d'Etat
de
secréter des
incertitudes et
inquiétudes
sur
la
survie
d'un
rég lme
après
la
disparition
de
son
fondateur.
Différents modèles de succession avaient été tentés sans succès de
1975 à 1990, amenant le constituant de 1990 à un modèle antérieure-
ment
en
vigueur
mais
abandonné
pour
des
ralsons
d'opportunité
politique. Des raisons de cohérence structurelle avaient été mises
en exergue
pour
justifier
l'adoption
du
dauphinat
assuré
par un
Vice-président.
Seulement en
1985,
des motifs tirés
du
caractère
démocratique de l'institution successorale avaient été avancés pour
légitimer
la
suppléance
confiée
au
président
de
l'Assemblée
nationale et l'organisation d'élections présidentielles anticipées.
L'Assemblée nationale,
exclue de la succession par
la
réforme de
1980
au
nom
du
principe
de
la
séparation
des
pouvoirs,
avait
retrouvé les prérogatives dont elles avaient été déchues au nom de

331'
par l'existence d'une période de
suppléance
pouvant dévoiler les
contradictions internes du réglme. De surcroît,
le système institué
en 1980 n'était pas anti démocratique dans
la mesure 00,
en plus
de
sa
conformité
avec
les
principes
d'organisation
du
régime
présidentiel,
il conférait une légitimité populaire au successeur
élu dans
les mêmes
conditions
que
le
chef de
l'Etat.
Ce que
les
auteurs
de
la
réforme
v6ulaient
occulter,
c'est
la
volonté
du
Président Boigny de mourir au pouvoir
(-').
Au total, la légitimation formelle fait intervenir des données
théoriques
qu'il
convient
de
dynamiser
en
prenant
notamment
en
compte les incidences politiques du choix institutionnel.
PARAGRAPHE II:
LES INCIDENCES POLITIQUES DU CHOIX
TNSTITUTIONNEL.
La succession présidentielle fait
intervenir la situation de
la personne qui est appelée à assurer la continuité du pouvoir ou,
dans
le
cas
de
succession
élective,
celle
qui
bénéficie
des
meilleurs
chances
d'assurer
la
relève
du
chef
en
place.
Le
successeur fait en effet partie de l ' é l i t e gouvernante. Ainsi,
le
fait d'être désigné dauphin constitutionnel ou de suppléant du chef
de l'Etat en cas de vacance du pouvoir,
est une situation institu-
8
Au demeurant,
le Président Boigny avait été très explicite
dans
sa
conférence
de
pres se
du
14/10/1985
en
déclarant:
"Je
voudrais qu'on considère comme définitivement clos ce débat sur ma
succession".
Cf."Houphouët parle;
op.cit.,
p.9.

339
générat ion.
En
effet,
dans
tous
les
rég imes
con sidérés
(26)
le
successeur
était
coopté
parml
les
membres
de
la
génération
qui
vient
après
celle
des
pères
de
l'indépendance.
Toutefois,
cette
approche n'exclut pas
la diversité d'intérêts
au
sein de
l'élite
au
pouvoir
rendant
ainsi
inévitables
les
conflits
internes
différemment arbitrés.
A:
L'APPROCHE GENESIQUE DE LA SUCCESSION.
Une telle approche prend en considération
la reproduction de
l'élite sur la base de la succession de générations.
A cet effet,
la succession pose le problème de la continuité du régime.
Un tel
objectif ne peut êcre atteint que par un successeur appartenant à
la
génération
qui
suit
celle
dll
chef
en
place.
La
succession
présidentielle soulève dès lors la problématique du renouvellement
de
l'élite
dirigeante
par
delà
des
divergences
doctrinales,
idéologiques,
régionales
ou
ethniques.
Dans
cette
analyse
de
l'élite gouvernante,
l'accent est mis sur la masse indifférenciée
des gouvernants,
abstraction faite de tout débat théorique sur la
localisation du pouvoir décisionnel ou la détention du pouvoir réel
face au pouvoir apparent.
La réflexion ne porte pas sur l'essence
de l'élite,
la classe dominante ou les catégories dirigeantes. Une
telle
étude
est
du
ressort
de
la
sociologie
politique
et
des
quantités
d'analyses
de
qualité ont
été
consacrées
à
ce probème
26
Avec
une
exception
relative
au
cas
de
la
Tanzanie

la
succession de Nyerere se présentait comme un test.

341
société.
La génération des pères-fondateurs est composée de dirigeants
ayant
comme points communs,
leur
formation,
leur part.icipation à
l'émancipation de leurs pays
et
leur perception
de la politique.
Les
premiers
leaders
africains,
à
quelques
exceptions
près,
se
recrutaient au sein des enseignants. Ces futurs" pères-fondateurs"
étaient
beaucoup plus préoccupés
par
la
libération de
leurs pays
que par les politiques à mettre en oeuvre une fois
l'indépendance
obtenue.
Ils
n'étaient
pas
des
gestionnaires
préoccupés
par
les
problèmes de rationalité économique.
Ils apparaissaient. plus comme
des
politiciens véhiculant
des
théories
et
distribuant
des biens
aux gouvernés sans se préoccuper des grands équilibres politiques,
économlques et sociaux du pays.
lis s'opposaient ainsi a l'élite de la seconde génération qui,
au moment
du
processus de
libération,
faisait
l'apprentissage de
la gestion dans les grandes écoles de formation tout en participant
au mouvement de décolonisation. Cette élite est constituéeau moment
des indépendances des premiers administrateurs africains.
Ceux-ci
étaient
beaucoup plus préoccupés
par
le
décollage
économique
en
conformité avec les enseignements
reçus
que par
la vision débon-
naire, paternaliste de la politique. Elle est arrivée à la maturité
politique à
un moment où les Etats africains
sont confrontés aux
dures réalités des crises économiques résultant de leur dépendance
vis-à-vis des mécanismes du marché international. Avec la crise des
années 1970,
le réalisme politique devait s'accommoder mal avec le
réalisme
économique.
Ainsi
la
génération
des
pères
fondateurs

343
(29).
Au delà de son conservatisme,
cette hypothèse laisse toujours
intact le problème de la succession. Elle n'apporte qu'une solution
ponctuelle alors
que
la problématique de
la
succession présiden-
tielle
dans
les
Legimes
africains
est
de
trouver
des
mécanismes
légitimes et surtout intériorisés dans les consciences collectives
des gouvernants
et des
gouvernés de sorte que
la
transmission du
pouvoir
présidentiel
pUlsse
s'effectuer
de
la
manière
la
plus
normale.
La
vieille
garde,
c'es-c-à-dire
L'élite
de
la
génération
du
cnef
d'Etat
partant,
est
appelée
a
incarner
l'orthodoxie
et
la
continuité
du
réglme
dont
elle
ci
contribué
à
sa
mise
en
place.
c'est elle qui,
procédant de la légitimité historique et en contact
avec
les
différentes
composantes
de
la
société
traditionnelle,
permet de
réconforter
la continuité du
régime après
le départ du
chef
fondateur.
Incarnant
le
passé,
la
vieille
garde
oeuvre
en
faveur de
la nouvelle
élite qUl constitue
la
"
couche moderniste
de la population qui parait apte à recueillir la légitimité de type
légal
et
rationnel"
(.lu)
tout
en
maintenant
les
liens
avec
les
agents de légitimation traditionnelle.
Si
l ' é l i t e
moderniste
est
le
principal
bénéficiaire
de
la
succession,
i l n'en
reste pas moins
que
l ' hétérogénéité de
cette
élite
rend
l'arbitrage
relatif
à
la
désignation
du
successeur
29
TOGBA
( Z) ,
L'intérim de la Présidence de
la
République en
Côte d'Ivoire"'f
op.cit.,
p.233.
3u
Debène
(M.)
&
Gounelle
(M.),
Le
Sénégal,
du
Président
L.S.Senghor au Président Abdou Diouf;
op.cit.,
p.1521

sanction
lui
permettant
de
faire
cesser
n'importe
quand
les
conflits
relatifs
à
sa
succession.
Dans
ce
cadre,
l'action
des
prétendants
est
plutôt
orientee
vers
la
quête
des
faveurs
de
l'arbitre suprême que la confection d'une image d'homme d'Etat par
dessus la tête du chef d'Etat en place.
Le Sénégal offre à cet égard un exemple frappant de l'arbitra-
ge
actif
du
chef
d'Etat
en
place
au
sein
des
prétendants
à
la
succession.
Au
Sénégal,
l'ancien
Président
de
la
République
devait
in~ervenir directement dans la lutte officieuse opposant le Premier
ministre 1 M.Abdou
Diouf,
le
dauphin
constitut'ionnel
en
raison
de
son
statut,
il
l'ancien
ministre
de
l'Economie
et
des
Finances,
M.Babacar
Bà.
Ces
deux
leaders
appartiennent
à
la
nouvelle génération de l'élite qouvernante et avaient suivi le même
cursus
intellectuel,
administratif et polltique. Formés à l'ENFOM
(31) 1
ils s'étaient retrouvés très tôt dans les rouages de la haute
administration du pays. Avec la réforme constitutionnelle de 1976,
dont
le
soubassement
était
la
préparation
de
la
succession
de
Senghor au sommet du pouvoir d'Etat,
ils occupaient respectivement
au gouvernement les postes stratégiques de Premier ministre et de
Ministre des Finances.
Après
la
révision
constitutionnelle
de
1976,
le
poste
de
Premier
ministre
focalisait
les
enjeux
politiques.
A défaut
de
viser
la
présidence
de
la
république,
dont
le
titulaire
non
'1
E.N.F.O.M.:
Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer. Cette
école était chargée de la formation des administrateurs coloniaux.

était dépourvu
de base politique depuis que
le Président
Senghor
lui
avait
demandé
de
se décharger
de
ses
mandats
locaux
pour
se
préserver
d'une
usure
politique
éventuelle.
Il
était
aussi
en
faveur du maintien des relations privilégiées avec la France.
La
guerre
de
succession
au
Sénégal
avait
fait
l'objet
d'un
arbitrage dynamique
du
Président
Senghor.
Après
les
élections de
1978,
il avait
déclenché
le
processus
de
sa succession en
recon-
duisant Abdou Diouf à
la tête du gouvernement,
et en lui laissant
la
liberté de choisir librement
les
membres
de son
gouvernement.
Si
M.Babacar

devait
faire
partie
du
gouvernement,
i l
devait
perdre
son
pOSL.8
stratégique
de
Ministre
de
l'Economie
et
des
Finances
pour se
retrouver à
la
tête de
la diplomatie.
En
consé-
quence,
non
seulement
il
fut
placé
en
retrait
du
quotidien
politique,
mais
il
devait
perdre
par
la
suite
une
ressource
e:':traordinaire:
la
distribution
des
moyens
économiques
(33) •
L'arbitrage de Senghor devait
être définitif avec
le
remaniement
ministériel
de
Septembre
1978
qUl
vit
la
chûte
définitive
de
M.Babacar

qui,
limogé
du
gouvernement,
devait
par
la
suite
perdre
tous
ses
mandats
électoraux.
La
voie
fut
ainsi
déblayée
personnellement
par
le
Président
Senghor
qui
avait
arbitré
sa
succession.
L'arbitrage actif peut également intervenir dans
le cadre du
33
La gestion du compte spécial devait être placée après les
élections de
1978
sous
l'autorité
exclusive du Premier ministre,
ainsi
"
doté
d'un
moyen
efficace
pour
contrôler
une
classe
politique fortement
liée au crédit bancaire."
Cf.
Diop
(S.),
Le
Premier
Ministre
Africain . . . ;
thèse
précitée,
p.332

349
en Tun is ie,
l' arbi trage des
chefs d'Etat était
pas s if.
En effet,
ils avaient résolument refusé d'indiquer la voie avec laquelle ils
entendaient
organiser
leur
succession,
et
mettaient
l'élite
dirigeante dans une position constante d'attente.
Ils confortaient
leur
suprématie
incontestée
à
travers
le
maintien
de
rivalités
constantes au sein des potentats ambitieux des régimes considérés
et des clans politiques qui se sont formés autour d'eux.
Toutefois,
le problème
successoral a été
solutionné différemment
dans les pays considérés. Le système de Kenyatta ressemble à celui
du
Président
Boigny.
En
effet
les
dem;
leaders,
intouchables
en
raison
de
leurs
statures,
n'avaient
pas
clarifié
les
règles
successorales,
se
contentant
d'observer
de
leurs
perchoirs
la
guerre fratricide se déroulant al] sein de l'élite.
Il n'en restait
pas moins -- vraI
que-les
formes
qu'ont
revêtues
les
luttes étaient
différentes
dans
ces
dew-:
pays.
En
Côte
d'Ivoire,
le
président
Boigny
avait
décidé
de
clore
définitivement
le
problème
de
sa
succession en remettant en cause le processus qui lui aurait permis
de désigner de son vivant
la personne en charge de
la continuité
du régime ivoirien
('5).
Au Kenya par contre,
le conflit au sein de
" Mais
i l fut
obligé de
revenir sur ce principe en
1990.
Au
demeurant l'année 1990 marque le retour en Cote d'Ivoire au système
de l'élection-choix. Les élections présidentielles de 1990 avaient
vu
une
compétition
entre
le
président
Houphouet
Boigny
et
M.
Laurent Gbago,
le candidat
du Front Patriotique Ivoirien.
Agé de
85
ans,
le
président
Boigny
devait
préciser
qu'il
s'agit

du
dernier
mandat
présidentiel
qu'il
allait
solliciter
du
peuple
ivoirien.
Le quinquenat
à venir
( 1990-1985)
risque alors d'être
placé sur sa succession.
Une
fois
encore
l'article
11,
opportunément
qualifié
de
"caméléon constitutionnel"
allait
être modifié pour tenir compte
des exigences nouvelles.

351
lutte
pour
l'indépendance.
Cette
dichotomie
entre
leaders
de
la
première
et
de
la
seconde génération
fut
vi te
dépassée,
rendant
pertinent un troisième niveau d'analyse fondé sur la configuration
des clans en fonction de la diversité des positions occupées dans
l'appareil d'Etat et du parti.
La position occupée par les prétendants au sein des appareils
du parti
et de l'Etat était déterminante pour l'issue du conflit.
Dans les années 1970,
trois tendances étaient caractéristiques du
paysage politique kenyan:
-La famille de kenyatta:
Il s'agit d'un groupe de dirigeants
Liés ~ Kenyatta par des liens de sang ou par des
liens d'intérêts
économiques ou politiques
(~). Pour ce groupe la sécurisation des
intérêts
passe
par la continuité du pouvoir présidentiel assurée
par un de ses membres.
-Le groupe des titulaires: Constitue du triumvirat composé du
Vice-président MOI, de l'Attorney Général Njonjo et du ministre des
Finances
Kibaki,
ce groupe contrôlait les rouages de l'Etat et du
H
Karimi
& Ochieng,
The Kenyatta
Succession;
op.cit.,
p.8,
opposent la Famille
(avec F)
à
la famille
(avec f).
La
Famille englobe,
en
la
dépassant
la
famille,
en
ce sens
qu'elle prend en considération
les critères
politico-économiques
qui
déterminent
l'appartenance
au
groupe
gravitant
autour
du
président Kenyatta. Les membres du groupe peuvent être liés par des
liens
de sang ou de mariage,
mais ce qui était
déterminant c'est
le lien de solidarité politique,
économique ou financière.
La famille par contre se compose éxclusivement de membres liés
par
des
liens
de
sang
ou
de
mariage.
"Africa
Confidential"
du
25/8/1978
donne
une
liste
indicative
des
membres
de
la
famille:
Njoroge
Mungai,
le
neveu;
Mbiyu
Koinange
le
beau-frère;
Peter
Mungai Kenyatta,
le fils;
Ngengi Mungai,
le neveu;
Udi Gecaga,
le
beau fils; Ngina Kenyatta,
l'épouse; James Mungai le frère de cette
dernière;
Margaret Kenyatta,
la fille.

353
pouvoir
remarquablement
douce
e~), permettait ainsi surmonter la
. succession,
l'ultime test de
la stabilité d'un régime
(~)
b:
Les hypothèques posées pdr l'élite ivoirienne.
En Côte d'Ivoire,
la guerre de succession apparaît à travers
les disgrâces frappant
les différents prétendants à
la succession
du président Boigny. Cette lutte intra-élitiste,
animée générale-
ment par les prétendants,
se
déroule sous
le
regard bienveillant
du principal concerné qui profite ainsi des fruits de cette lutte.
Celle-ci
renforce
en
effet.
l'idée
du
chef
inàispensable,
seul
garant
de
l'unité
nationale
et
la
stabilité
du
pouvoir
d'Etat.
Effectivement,
à partir du moment où " il est pratiquement certain
qu'il
a
l'intention
de
rester
en
fonction
jusqu'à
sa
mort,
un
événement qui
inévitablement
présagera
une
crise politique"
(40),
le président Boigny ne peut que tirer profit du combat fratricide
se déroulant à un niveau
inférieur,
ne pouvant affecter sa propre
légitimité.
L'etude de
la
succession en
Côte d'ivoire,
indissociable de
celle de
la
configuration
de
l'élite dirigeante,
montre
que
les
victimes sont souvent ceux qui profitent d'une situation privilé-
giée
résultant
de
l'ordonnancement
constitutionnel
ou
bien
ceux
qui,
à
travers
leur
poids
politique,
se
placent
dans
une
bonne
~ Marshall S.Clough, Kenya after Kenyatta. An Introduction;
in " Kenya After Kenyatta",
op.cit,
p.6.
39
Tamarkin
(M. ) ,
The
Roots
of
the
Political
Stability
in
Kenya;
op.cit.,
p.319
40
Ivory Coast: To the Bi t ter End,
(la fin amère),
in " Afr ica
Confidential",
Vol 26,
No 22,
30 October 1985,
p.8

355
historique
de
nature
à
rassurer
les
inquiétudes
de
la
classe
gouvernante en attendant la clarification de la succession
(~).
-"Les technocrates" constituent la seconde catégorie de la classe
gouvernante
ivoirienne.
Cette génération
est
favorable
à
l'émer-
gence
d'une
bourgeoisie
nationale
à
travers
la
distribution
de
crédits
spéciaux et
le renforcement des
liens
traditionnels avec
les
pays
capitalistes
(4').
Au
sommet de
l'appareil
d'Etat
et du
parti de la Côte d'Ivoire de la troisième décennie après l'indépen-
dance
se
retrouve
cette
génération
de
technocrates
(44).
Cette
génération a été la plus affaiblie par la guerre de succession du
fait de l'existence de leaders ayant apparu à des moments comme des
,~ Apparaît souvent comme la tête de file des barons du régime
ivoirien
l'ancien
Président
de
l'Assemblee
Nationale,
ancien
secrétaire Général
du parti
unique eL dauphin
constitutionnel de
1975 à 1980, M.Philippe Yacé qui fait une cemontée après une légère
disgrâce de
1980 à
1985.
Il bénéficierait du soutien d'une grande
partie
des
membres
de
l'appareil
du
parti
et
de
vieux
leaders
encore puissants au sein de l'appareil d'Etat notamment du Ministre
d'Etat Mathieu Ekra,
ancien beau-frère de
Yacé,
et qui
serait en
faveur d'un compromis ethnique à
la "kenyanne".
Cf:
Ivory Coast:
Houphouet Boigny s t i l l
in Charge;
"Africa
Confidential",
Vol 22,
No.7,
March 25,
1981,
p.7.
Ivory Coast:
After Houphouet Boigny;
"Africa Confiden-
tial",
Vol 25,
No.15,
July 18,
1984,
pp.5 et 6.
43
A l ' intérieur
de
cette
génération,
une
subdivision
est
souvent opérée entre ceux qui sont venus à
la politique à
la fin
des années 1950 suivant la loi-cadre de 1956 et la jeune génération
qui,
venue
au
pouvoir
après
l'indépendance,
avait
bénéficié
du
miracle
économique
ivoirien
en
accumulant
de
grosses
fortunes
personnelles.
Voir"
Africa
Confidential",
Vol
23,
No
19,
September
22,
1982,
pp.1-3.
~
Une
génération
est
incarnée
par
M.Henri
Konan
Bedié,
Président de
l'Assemblée nationale depuis
1980.
Il est devenu le
dauphin
constitutionnel
du
chef
de
l'Etat
depuis
la
révision
constitutionnelle du 6/11/1990.

357
Sur cette structuration de l'élite gouvernante ivoirienne se
greffent deux autres variables:
-La mainmise du chef de l'Etat sur les secteurs vitaux de l'armée
(~) renforce sa suprématie dans le régime. Elle se traduit par le
contrôle
des
postes
stratégiques
de
l'armée
par
les
membres
de
l'ethnie du chef de l'Etat
(~).
-La
seconde
consiste
à
intégrer
l'armée
dans
la
gestion
des
affaires
politiques
et
administratives
du
pays.
Confrontée
aux
rédlités du pouvoir,
l'armée est alors appelée à prendre la mesure
des
câches de direction/et pourrait être découragée par
le poids
des responsabilités politiques.
La
réussite
de
la
succession
de
Boigny
passe
par
l'entente
entre
les
différentes
composantes
de
la
classe
gouvernante.
Le
n
L'étude
de
l'elite
ivoirienne
serait
lncompléte
sans
une
référence à
l'armée qui constitue la grande inconnue.
La sécurité
publique
et
l'armée
sont
placées
sous
l'autorité
d'hommes
de
confiance de Boigny.
Ilôt
de
stabilité
politique,
la
Côte
d'Ivoire
n'a
pas
toutefois
échappé
à
des
mouvements
d' humeur
des
militaires
qui
avaient menacé à plusieurs
reprises le régime.
La stratégie de M.
Boigny a été de promouvoir des officiers d'origine étrangère à qui
seront confiés
les postes stratégiques;
ce qui constitue un moyen
de
prévenir
l'établissement
d'un
pouvoir
de
base
de
coloration
ethnique qui serait de nature à menacer le système en place.
A une certaine période,
il y'avait dans le haut commandement
de l'armée un sénégalais d'origine:
le Général N'Daw qui fut
chef
de l'Etat major avant d'être élevé ensuite au poste de Ministre des
Forces armées, et un béninois d'origine,
le Colonel Zinzou, délégué
du
chef d'état-major
(Voir:
Africa Confidential,
Vol
24,
No
24,
November
30,
1983,
p. 7),
mort
mystérieusement
dans
un
accident
d'automobile (Africa Confidential, Vol 27, No 17, August 20,
1986).
~ C'est ainsi qu'il a été remarqué que les portefeuilles de
la défense et de la sécurité ont été détenus depuis l'indépendance
par des ressortissants de l'ethnie baoulé.
Africa Confidential,
Vol 27,
No 17, August 20,
1986,
p.4.

359
La double légitimation formelle de l'institution successorale
et de la personne bénéficiaire de l'institution ne suffit pas pour
garantir
la
réussite
d'une
opération
successorale.
De
fait,
la
détermination unilatérale de
la
légitimité légale et
rationnelle
par ceux qui détiennent du pouvoir normatif rend fragile l'institu-
tion imposée. En effeE,
l'institution est souvent considérée comme
une
technique ponctuelle de
résolution
d'un problème donné.
Elle
obéit à des considérations qui ne sont pas toujours consensuelles
rendant
fragile
l'équilibre
institutionnel
en
place.
Pour
ces
raisons,
il
est
loisible
de
constater,
la
prévalence
d'autres
formes
de
légitimité
qui
participent
à
l'exercice du pouvoir
en
Afrique.
Ces
légitimités
concurrentes
qUl,
de
manière
générale,
sont
plus
réceptives
que
la
lég l t imi té
légale
et
rat ionne lle,
entrent en jeu dans la succession présidentielle. Elles condition-
nent en effet l'effectivité de l'ordonnancement de la succession.
"9( ••• suite)
à
recevoir
application
en
Côte
d'Ivoire
pour
la
succession
du
Président Boigny.

361
justifient alors une approche plus large des mécanismes d'organisa-
tion
et
de
fonctionnement
du
pouvoir
( 54).
E
'
n
consequence,
la
dimension
structurelle des
cégimes
africains
ne peut être appré-
hendée
que
par
rapport
aux
forces
sociales
avec
lesquelles
ils
entretiennent des rapports d'osmose.
c'est pour ces raisons qu'en matière de succession présiden-
tielle,
la
relativité
de
la
légitimation
formelle
justifie
le
recours
à
des
légitimités
concurrentes
qui
présentent une double
dimension:
nationale et
internationale.
Au plan domestique, la légitimité traditionnelle joue un role
fondamental
de
régulation
des
systèmes
politiques.
Confér~e par
des
forces
sociales
variées
qui
sont
déterminées
en
fonction
de
considérations ethniques, celigieuses ou régionales, elle contribue
à
la stabilité du pouvoir é~atique.
L'environnement international intervient de plus en plus comme
une
variable
interne dans
la
succession présidentielle.
Bien que
relevant
de
la souveraineté de
l'Etat,
la
dynamique successorale
peut être influée par l'environnement international.
En
défini t i ve,
le
succès
de
la
sucees s ion
pas se
par
une
onction
de
légitimité
traditionnelle
et
par
une
indispensable
légitimation internationale.
PARAGRAPHE l
LA LEGITIMATION TRADITIONNELLE.
Fondée
sur
des
lois
et
coutumes
ancest rales,
la
lég i timi té
traditionnelle contribue à la consolidation des pouvoirs politiques
54
Voir
à
ce
propos
Gonidec
(P.F.),
Pour
une
sociologie
politique de l'Afrique;
"Le Mois en Afrique,
1986,
pp.7-22.
- - - - - - - - - - - - - - -

363
régionale ou des croyances religieuses.
La pratique de la succes-
sion met en relief deux procédés de légitimation traditionnelle des
stratégies successorales: la légitimation par les forces religieu-
ses ou celle émanant des forces ethniques qui composent la société
civile.
A:
LA LEGITIMATION MARABOUTIQUE.
La
religion est un facteur de socialisation politique.
Elle
contribue
en
effet
à
l'intériorisation
dans
les
consciences
collectives des gouvernés de la culture dominante. Elle entretient
des rapports étroits d'osmose avec le pouvoir temporel nonobstant
la proclamation formelle de la laicité de l'Etat. A cet égard, elle
participe à la diffusion des normes édictées par le pouvoir ou au
renforcement de l'autorité des gouvernants.
Ce
rôle
régulateur
peut
être
aisément
perçu
à
travers
la
succession du président Senghor. Au Sénégal les forces religieuses
sont des acteurs politiques particulièrement dynamiques. Elles par-
ticipent de manière latente à l'élaboration et l'application de la
politique nationale. Elles renforcent en conséquence l'autorité de
l'Etat.
En
contribuant à
"
légitimer l'autorité du gouvernement"
et en servant "de relais à son action"
(56),
elles constituent des
agents de régulation du régime. C'est dans ces conditions qu'elles
étaient impliquées dans l'organisation de la succession de Senghor.
1: DES AGENTS DE REGULATION.
Les rapports que le pouvoir maraboutique entretient avec les
~ Coulon (C), Le Marabout et le Prince: Islam et pouvoir au
Sénégal;
Paris,
Pédone,
1981,
p.233.

365
trè de la volonté des seconds
(~). Le pouvoir des marabouts est en
outre limité par les avantages matériels accordés par le pouvoir
t
l
(00).
empore
En définitive,
les relations entre le régime politique et le
pouvoir
maraboutique
fonctionnent
à
la
satisfaction
des
parties
concernées. Si l'autorité des marabouts n'est pas absolue,
i l n'en
reste pas moins qu'ils contribuent à la consolidation du régime et
plus particulièrement des gouvernants en place grâce au clienté-
lisme politique.
Cette dimension
religieuse a
été considérée comme la grande
inconnue de la succession du président Senghor. A la veille de son
départ,
toutes
les observations sur la continuité de la stabilité
59
L' histoire
politique
du
Sénégal
montre
l'existence
des
conflits déchirants ayant opposé ces deux formes de légitimité sans
"," que
ces
conflits
aient
abouti
à
une" mise
en
cause
du
pouvoir
politique. Il en fut ainsi du refus du Président du Conseil Mamadou
Dia de
réserver
un
quota de
40
députés
sur
les
80
que
comptait
l'Assemblée Nationale au "Conseil Supérieur des Chefs Religieux".
De même
suite
à
l'agitation
développée
par
ses
fidèles,
Cheikh
Tidiane Sy de la confrérie Tijiane et leader d'un parti islamique
"
le Parti
de
la
Solidarité",
opposé
au
"diktat"
de
l'UPS,
fut
arrêté,
emprisonné et,
plus tard,
libéré après
la promesse de ses
co-partisans de dissoudre le parti.
Enfin,
le code de la famille
voté en 1972 avait également mobilisé,
sans succès,
les marabouts
contre
le
nouveau
régime
matrimonial
inspiré
de
la
culture
occidentale.
Sur tous ces problèmes,
voir
Coulon
(C.),
Le marabout et le
prince . . . ;
op.cit.,
pp.312 et s.
00 Associés
de manière informelle à l'exercice du pouvoir,
ils
bénéficient souvent des faveurs des gouvernants.
De même,
ils ont
l'opportunité de récompenser leurs fidèles qui sont au service de
l'Etat.
C'est ainsi que dans
les
nominations aux postes ministé-
riels,
le
pouvoir
temporel
prend
aussi
en
considération
les
sensibilités religieuses, alors qu'à l'échelon local, les marabouts
disposent
d'un
certain
droit
de
véto
sur
les
nominations
des
représentants
locaux
du
pouvoir
central,
avec
un
pouvoir
de
promotion ou de sanction.

367
générale en confessant publiquement devant
le Khalife Général des
Tijianes en 1980:
" J'ai pris
l'habitude de venir vous consulter.
La prospérité de notre pays est une oeuvre commune parce que j'ai
su tirer de grands profits de vos conseils et de vos prières"
(64).
Le président Senghor avait su mettre en avant son successeur qu'il
chargeait souvent de le représenter dans
les cérémonies religieu-
ses.
Il
lui offrait ainsi l'opportunité d'établir personnellement
des
contacts
directs
avec
les
chef s
religieux.
De
surcroît,
i l
s'était lancé corps et âme dans la bataille de légitimation de son
successeur.
C'est
ainsi
qu'au
cours
de
sa
dernière
année
au
pouvoir,
i l n'avait pas manqué de rendre des visites de courtoisie
aux chefs des grandes confréries religieuses pour leur faire part
de son intention de quitter le pouvoir et/en même temps, solliciter
leur bénédiction pour le succès de sa manoeuvre successorale
(e).
Il ne devait pas manquer "de convaincre les chefs religieux du bon
63 ( • • • suite)
suivi,
car l'enjeu politique du Sénégal est entre les mains de ces
derniers.
Nul militant PS
(parti
socialiste)
ne pourrait ou même
n'oserait
nous
démentir
à
dire
que,sans
le
soutien effectif
des
chefs religieux, aucun régime au Sénégal ne saurait s'imposer à la
nation"
Cf." Promotion" No 52,
Février 1979.
64 Jeune Afrique du
14 Janvier 1981
e Pour Diop
(S.), le modèle successoral aurait été approuvé par l ' immens'
lajorité
des
marabouts
"
qui
avaient
explicitement
approuvé
le
choix
d,
1. Senghor
et
avaient
promis
d'apporter
leur
soutien
à
Abdou
Diouf"
~éanmoins,
i l
souligne
une
relative
exception
à
Touba

les
propos
dl
(halife Général des mourides avaient pu être"
interprétés corrune comportan1
Iuelques
réserves",
le
Khalife
"
semblant
inviter
à
des
élections",
à
li
)lace d'une succession automatique discrétionnairement organisée par le che:
i' Etat partant.
Cf. Diop
(S.),
Le Premier ministre africain . . . ; thèse précitée, p. 345.

369
tâche
de
création
d'entités
nationales
pouvant
leur
servir
de
support
sociologique.
Les
conflits,
ouverts
ou
latents,
inter-
ethniques constatés dans plusieurs Etats africains,
avaient amené
Bayart à remarquer "la réduction du politique au tribalisme,
qui
balise la fantasmagorie africaniste de l'occident"
(68).
Ce tribalisme
est
souvent
confondu
avec
l' ethnicisme,
bien
que les réalités que recouvrent ces notions soient différentes
(~).
L'analyse ne s'appesantit sur"
une
conceptualisation opératoire
de nature à ajouter un surplus à un impressionnisme inutile,
source
d'attitudes préconçues "
(u).
La
variable
ethnique
est
pertinente
dans
le
transrert
du
pouvolr en Afrique.
Elle a été avancée pour légitimer un
système
rotatif de succession.
L'idée d'alternance ethnique au pouvoir a
été considérée comme ,un facteur de consolidation et de cohésion de
l'uni té
nationale .
Elle
a
été
heureusement
appliquée
pour
la
succession
de
Kenyatta
alors
qu'elle
est
encore
au
centre
des
préoccupations théoriques pour la succession de Houphouët Boigny.
1: L'ALTERNANCE ETHNIQUE AU KENYA.
68
Bayart
(Jean-François),
Les
sociétés
africaines
face
à
l'Etat,
Pouvoirs, No 25,
op.cit.,
p.26.
~ Ainsi que le montre Aguessy, "la même réalité est désignée
par certains par les mots
tribu,
clan,
ethnie,
lignage,
Etat ou
peuple, nation, pays race . . . Ainsi, parle-t-on de problèmes tribaux
à propos de véritables problèmes relevant de l'Etat africain".
Cf. Aguessy (Honorat), Cadre théorique: les concepts de tribu,
ethnie,
clan,
pays,
peuple,
nation,
Etat,
etc.
et
les
sociétés
africaines; Présence Africaine,
No 127-128,
1983, p.38.
ro
Traoré
(Baka~y), De la genèse de la Nation et de l'Etat en
Afrique noire,
Présence Africaine,
No 127/128, 1983, p.150.

371
de succession qui avait vu l'intervention directe de sa famille,
et qui avait aboutit,
malgré tout,
à
l'avènement à
la présidence
d'un
non
kikuyu
justifie
la
nécessaire
relativisation
de
la
réduction
de
la
politique
africaine
à
la
variable
ethnique.
Ce
mutisme
pourrait
être
interprété
comme
une
volonté
de
Kenyatta
d'organiser une rotation du pouvoir politique entre les différen-
tes ethnies. En effet,
s ' i l le voulait,
Kenyatta aurait désigné un
successeur issu de son ethnie. Disposant d'un pouvoir de nomination
et
de
révocation
du
Vice-président,
Kenyatta
pouvait
placer
un
représentant de son ethnie dans une position favorable pour bénéfi-
cier des
règles
successorales.
Seulement,
malgré
les
manoeuvres
constitutionnelles organisées par la famille pour déstabiliser Moi,
Kenyatta s'était abstenu de remplacer son Vice-président. Il avait
laissé le~règles successorales, ainsi que la personne bénéficiaire
~
de la suppléance, assumer les missions qui leur étaient assignées.
En agissant ainsi,
il devait laisser à
l'élite au pouvoir le soin
de choisir en son sein la personne appelée à le remplacer.
L'alternance ethnique avait des soubassements différents selon
les préoccupations des parties à
la guerre successorale. Pour les
ethnies
minoritaires,
elle
était
considérée
comme
un
facteur
positif de
consolidation de
l'unité nationale.
Par
contre,
chez
certains protagonistes,
notamment l'Attorney Général Njonjo,
elle
devait simplement cacher des ambitions personnelles. Il s'agissait
de couvrir la
continuité d'un pouvoir
kikuyu
réel,
mais vidé de
tous
éléments
ambitieux
qui
gravitaient
autour
de
Kenyatta.
Ce
pouvoir kikuyu devrait être exercé sous le paravent d'un président

373
diaux
qui
sont
la
prévalence de
la
survie
d'un
système
sur les
intérêts personnels de ses membres.
II:
L'HYPOTHEQUE ETHNIQUE EN COTE D'IVOIRE.
L'importance
du
facteur
ethnique
dans
la
distribution
des
rôles et des ressources politiques du régime ivoirien est équivoque
à
la
lumière
des
doctrines
et
des
discours
des
gouvernants
ivoiriens.
S'il
faut
se
garder
de
réduire
le
fonctionnement
du
régime
ivoirien à
l'unique variable ethnique,
i l
n'en
reste pas
moins que celle-ci est une réalité incontournable pour la compré-
hension du
jeu politique ivoirien.
Jusqu'à
l'instauration
dans
les
faits
du
multipartïsme
en
,1990,
le
P.D.C.I.
était
considéré
comme
un
creuset
de
l'unité
nationale dans
la mesure où son objectif était d'intégrer toutes
les
couches
ethniques
dans
l'exercice
du
pouvoir.
Le
statut
de
"père-fondateur" qui s'attache à la personne du président Boigny,
mettait ce dernier au-dessus de toutes les contingences nationales
et notamment ethniques. Sa politique repose sur l'échange hégémoni-
que qui lui permettait de constituer une base articulée autour de
certains membres
de
son groupe
ethnique malS
dépassant
ce cadre
dans la mesure où i l devait y intégrer des leaders émanant d'autres
groupes ethniques.
Tous les membres de cette alliance hégémonique
sont
unis
par
les
mêmes
intérêts
qui
sont
la
perpétuation
du
système mis
en place par le Président
Boigny.
Ainsi
que
l'écrit
Africa
Confidential,
ce
dernier
a
"
prudemment
crée
un
système
complexe
de
poids
et
contre-poids,
utilisant
à
la
fois
les
différences tribales et
les animosités politiques contemporaines

375
un
équilibre
ethnique:
"
Quant
à
dire
que
le
Vice-président
appartenant à une ethnie minoritaire serait la meilleure solution
pour éviter les troubles,
cela reviendrait à
interdire peut être
pour toujours l'exercice du pouvoir suprême aux membres des groupes
les plus importants et à le réserver à une ethnie ou à des ethnies
déterminées,
ce qui parait bei?ucoup plus dangereux"
es).
Allant plus loin dans sa thèse,
il soutient: " On ne peut pas
dire qu'une institution
déterminée
soit
la
"
chose"
d'un
groupe
ethnique précis"
(76).
On
le voit,
ce dernier ne nie pas
l'impact
du facteur ethnique en raison de la structure ethnique complexe de
la population ivoirienne,
il
relativise néanmoins ce facteur qui
est loin d'être déterminant.
Contestant cette thèse,
Togba devait poser son postulat que
"le tribalisme est une donnée de la vie politique ivoirienne"
(77).
Il fait reposer toute son argumentation sur la notion d'alternance
ethnique au profit des ethnies minoritaires au nom" d'une réaction
~
Tessy
D.Bakary,
Logiques
du
recrutement
politique
et
éventuels changements à
la tête de l'Etat; op.cit.,
pp.20-21.
Il faut remarquer que ce point de vue avait été soutenu à un
moment où l'organisation de la succession reposait sur le système
du dauphinat constitutionnel assuré par un Vice-président.
Sur le
plan
organisationnel
cette
position
a
perdu
tout
son
intérêt
d'abord avec le système de la suppléance de 1985 à 1990, et ensuite
avec le dauphinat institué en
faveur du Président de l'Assemblée
nationale. Par contre au fond,
cette thèse conserve tout son impact
dans le débat ethnique en Côte d'Ivoire.
76
.Tessy
D.Bakary,
Logiques
du
recrutement
politique
et
éventuels
changements
à
la
tête
de
l'Etat,
in
"
Le
Mois
en
Afrique",
No 237-238,
Octobre-Novembre 1985, p.20.
77
Togba
(Z),
L'intérim de la Pésidence de la République en
Côte d'Ivoire
( Analyse juridique et impact politique),
op.
cit.,
p.229.

377
ethnique dans le quotidien ivoirien.
En définitive, la légitimation traditionnelle des institutions
politiques
modernes,
reste
une
donnée
permanente
des
régimes
africains
post-coloniaux.
Courroies
de
transmission
entre
les
gouvernants et les gouvernés, généralement exclus du jeu politique
qui se construit sans eux,
les
forces de légitimation tradition-
nelle sont des agents de consolidation ou de déstabilisation des
pouvoirs en place.
C'est
ainsi
que
le problème de
la
succession
présidentielle s'est posé,
dans l'ensemble,
par rapport au milieu
social du pouvoir.
La finalité des opérations successorales était
de mettre en place une technique
successorale bien
légitimée par
.,·,l'environnement domestique de façon à renforcer ou à consolider la
base du
successeur.
Toutefois,
les
systèmes
africains
sont
dans
l'ensemble. précaires,
car
ils
dépendent
des
forces
domestiques,
mais
aussi
de
l'environnement
international
qui
participe,
de
manière latente ou expresse,
au
choix des gouvernants africains.
L'implication des forces étrangères dans la scène africaine montre
la dépendance des Etats africains et rend plausible la thèse d'une
81 ( • • • su i te)
Akan.
Il devait,
en effet,
déclarer dans une conférence de presse
en date du 14/10/1985:
" Dans le groupe Akan dont je suis,
le mort
n'a
pas
droit
à
la
parole.
Il
n'existait
pas
de
testament;
la
coutume veut que l'on hérite d'oncles à neveux après la disparition
des frères et des cousins utérins. Mais du vivant du chef,
que ce
soit
au
niveau
d'une
région
ou
d'une
famille,
personne
ne
doit
connaître le nom de son remplaçant".
Cf. "Houphouët parle"; op.cit.,
p.8.
Ainsi
qu'on
le
voit,
il
devait
clôturer
le
débat
sur
sa
succession
en
se
fondant
sur
les
pratiques
coutumières
de
son
groupe ethnique érigeant de ce fait ces coutumes traditionnelles en
lois non écrites d'un Etat multi-ethnique.

379
qui
légitime
la participation
d'Etats
étrangers
dans
la
dévolu-
tlO~
du
pouvoir
d'un
Etat
souverain.
Une
seconde
dimension,
plus
subt i le,
rés ide
dans
l' intervent ion
occulte
de
l'environnement
interna. tional
dans
le
processus
de
transmission
du
pouvoir
présidentiel pour garantir la continuité des alliances tradition-
nelles.
A:
LA PARTICIPATION OUVERTE.
L'indépendance nationale se traduit par la mise en place d'un
pouvoir propre qui trouve sa source dans une nation souveraine. A
cet égard,
il revient théoriquement aux gouvernés de procéder à la
dévolution du pouvoir à
ceux qui sont chargés de
l'expression de
la
volonté
nationale.
Or
la
structuration
des
régimes
africains
1.·
met
'en
l'umière
la
nature
chimérique
de
la
responsabilité
des
gouvernants devant les gouvernés.
Les seconds ne disposent pas de
moyens
d'action
efficaces
leur
permettant
de
sanctionner
les
premiers.
L'influence de l'environnement international sur le comporte-
ment des gouvernants africains est par contre incontestable. Elle
est particulièrement manifeste dans le transfert du pouvoir politi-
que.
L'impact
de
la
variable
internationale
dans
le
choix
des
gouvernants
des
régimes
africains
trouve
souvent
son
fondement
médiat dans le droit international et non dans le droit de l'Etat.
L'intervention de l'environnement international se traduit par une
immixtion directe dans le processus de choix,
de la stabilisation,
ou du remplacement d'un gouvernant donné.

381
de l'intérieur même des régimes.
Dès lors le principe de la souveraineté nationale,
qui situe
le pouvoir dans le corps social, et qui a pour conséquence le choix
des gouvernants par les gouvernés, devait connaître des violations
flagrantes commandées essentiellement par la volonté de maintenir
les alliances traditionnelles. Celles-ci devenaient de plus en plus
des variables de
la dévolution et
la transmission du pouvoir des
anciennes colonies devenues souveraines.
II:
LES MANIFESTATIONS.
Les Etats africains entretiennent avec la communauté interna-
tionale des
relations
en amont et
en aval
(~)
L'impact
dé cette
donnée internationale explique l'engagement des anciennes puissan-
ces coloniales dans
la dévolution du pouvOlr en Afrique.
Dans
ce
cadre,
l ' intervent ion
vise
soit
à
protèger
un
régime
menacé
de
l'intérieur soit à mettre en place un nouveau régime favorable aux
intérêts de la puissance intervenante.
a:
La protection d'un régime menacé.
L' intervent ion
n'est
pas
orientée
vers
la
protection
de
l'Etat
signataire
contre
un
autre
Etat,
mais
la
défense
des
gouvernants locaux qui sont menacés par des forces nationales. Elle
se manifeste par des opérations militaires destinées à rétablir un
chef d'Etat
victime d'un coup d'Etat,
ou
incapable de
faire
face
à un péril interne.
M
Rubin
(Les lie)
& Weinstein
(Brian),
Introduction to African
Politics.
A
Continental
Approach;
New
York,
Praeger
Publishers
Inc.,
1974,
p.259.

383
des affaires africaines auprès de l'Elysée, manifestait la préoccu-
pation
des
gouvernants
français
de
maintenir
la
continuité
de
l' inf luence dans les anciennes colonies (86). La pol i tique africaine
de la France est marquée du sceau de la constance malgré les styles
de gouvernement des différents chefs d'Etat françai s
(87).
La France était intervenue au Gabon pour remettre au pouvoir
Léon Mba victime
d'un
coup d'Etat militaire
le
18
Février 1964.
Cette
intervention
était
fondée
sur
les
accords
de
coopération
franco-gabonais conclus en Novembre 1960 autorisant le gouvernement
français
à
intervenir pour défendre les autorités
gabonaises sur
leur demande
(88).
%
Ce département avait été placé sous l'autorité de M. Jacques
Foccart
qui
ava i t
été
considéré
comme
un
"
faiseur
de
chefs
d'Etat". En effet,
son nom était souvent associé aux coups d'Etat
militaires.
n
Voir à ce propos:
-Quantin
(Patrick),
La vision gaullienne de l'Afrique noire.
Permanences et adaptations; Pol.Afr., No.5, Février 1982, pp.8-18;
-Dagut
(Jean-Luc),
L'Afrique,
la France et
le monde dans
le
discours giscardien;
ibid,
pp.19-27;
-Médard (Jean-François), La Conférence de Paris
(3-4 Novembre
1981) :Le changement dans la continuité,
ibid,
pp.28-34.
~
Toutefois,
i l
semble,
ainsi
que
le
soutient
François
Hervouet, que "la décision française ait des fondements politiques
au moins aussi importants que ses fondements
juridiques: il s'agit
de tenter d'enrayer
la vague de
coups
d'Etat
qui,
depuis
un an,
secoue
l'Afrique
francophone
(assassinat
de
Sylvanus
Olympio
au
Togo
le
13
Janvier
1963;
chute de
Fulbert
Youlou
au
Congo-Braz-
zaville le
13 Août
1963 et de Hubert Maga au Dahomey en Octobre
1963); il s'agit aussi de défendre un gouvernement ami dans un pays
qui
occupe
une
place
stratégique
tant
du
fait
des
relais
qu'il
offre
à
l'armée
française
que
de
ses
richesses
en
matières
premières nécessaires à
l'approvisionnement de la France"
Cf.
Hervouet
(François),
Le
processus
de
concentration
des
pouvoirs
par
le
Président
de
la
République
au
Gabon;
Penant,
No.779,
Janvier-Mars,
1983, p.18.

385
d'Etat de Bokassa en 1965.
Dès
lors
le président
français devait
s'ériger en juge de la légitimité d'un chef d'Etat africain, ce qui
renforce
la
thèse selon
laquelle
l'exercice
du
pouvoir dans
les
pays
considérés
comme
la
"chasse
gardée"
n'est
pas
absolument
indépendant des préoccupations de la France
(~).
Une
nouvelle
donnée
de
l'intervention
étrangère
dans
le
fonctionnement des régimes africains ne doit pas être occultée. Il
s'agit
de
l'environnement
régional
dans
lequel
évoluent
ces
régimes.
Si
des
Etats
africains
ont.
eu
à
intervenir
dans
les
affaires
intérieures
d'autres
Etats
pour
défendre
des
régimes
alliés
ou
protéger L~uy' propre
sécurité
intérieure
(YI),
la' guerre
civile
qui
a
frappé
le
Liberia
en
1990
introdui t
une
dimension
nouvelle,dans
le processus de l'intervention régionale. Face à la
dislocat.ion du tissu social de ce pays, une conférence de la CEDEAO
(Y2) ,
réunie
en
Août
1990
à
Banjul,
devait
mettre
en
place
un
gouvernement intérimaire avec un chef d'Etat désigné par les chefs
d'Etat
de
l'organisation régionale ouest africaine nonobstant la
présence formelle à la tête de l'Etat de l'ancien président Samuel
~ Jody Powel, porte-parole du Président Carter,
légitima en
ces termes l'opération "Barracuda":
"Vive La France."
YI
Quelques exemples:
-L'intervention du Tanganyka en Zanzibar en
1964 qui devait
se traduire plus tard par la fusion des deux parties de l'actuelle
Tanzanie.
-L'intervention
de
la
'l:'anzanie
en
Ouganda
en
1979
et
qui
devait se traduire par la chut.e de Idi Amin Dadda.
-L'intervention du Sénégal en Gambie en 1981 pour rétablir le
régime de Jawara,
victime d'une tentative de coup d'Etat.
Y2
La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

387
L'influence de l'environnement international appara{t dans la
confection
des modèles
successoraux.
Elle
trouve
son
expression
dans
le syncrétisme des techniques
successorales
(~), et dans la
dynamique successorale.
1: LA CONFECTION DES MODELES SUCCESSORAUX.
La donnée internationale devient de plus
en plus une simple
variable interne dans la définition des stratégies successorales.
Elle n'est pas la résultante d'un acte juridique. Elle est souvent
latente.
Elle se traduit dans l'influence du choix des modèles et
dans la légitimation des dauphins.
a:
l'influence du modèle.
Dans
le cadre de l'ordonnancement
juridique,
l'influence de
la
variable
internationale
se
retrouve
dans
le
processus
de
confection
du
modèle
successoral.
A
cet
effet,
la
référence
à
Y4( ••• suite)
loi
(l'article 11 révisé)
est nécessaire,
utile et rassurante pour
la Côte d'Ivoire et les étrangers,
partenaires du progrès par le
développement et la sécurité".
Cf.
Fraternité Matin du 13 Octobre 1985,
p.3
Ce
discours
montre
clairement
que
l'organisation
de
la
succession présidentielle n'est pas neutre.
Elle doit nécessaire-
ment
tenir
compte
des
préoccupations
des
partenaires
étrangers
concernés par la stabilité politique qui est une condition de
la
sécurisation des investissements.
95
Dans
une
étude
consacrée
au
pouvoir
exécutif
des
Etats
africains, M.Owono n'avait mis en relief l'originalité de l'exécu-
t i f africain.
Pour lui,
"
la conception du pouvoir exécutif dans
les Etats de l'Afrique noire d'expression française est finalement
marquée
par
des
influences
multiples:
l'influence
française, ...
l'influence
des
Etats
Unis
d'Amérique
et
l'influence
des
Etats
socialistes".
Owono
(Joseph),
Le pouvoir exécutif;
Encyclopédie
juridique de l'Afrique,
Tome 1;
op.cit.,
p.98.

389
rapprochait de la succession "à la française"
en raison de l'appel
au peuple pour la désignation du successeur.
Toutefois la réforme
de 1967 allait s'inspirer du modèle américain,
alors que Léon Mba
était
considéré comme "un grand admirateur de
la France"
(96).
Ce
modèle était-il imposé par Jacques Foccart,
ainsi que le soutient
Péan
(97),
pour
l'obliger
ensuite
à
désigner
comme
co-lister
un
poulain de la France? Toujours est-il que tous
les actes relatifs
à
l'organisation de la succession,
tels que
le projet de réforme
constitutionnellequi,
curieusement,
portait
la
signature de Bongo
l'acte
de
dissolution
du
parlement,
l'organisation
des
élections et
la prestation de
serment
ont
été pris
alors ·que
le
Président était hospitalisé en France.
Face à
la santé déclinante
du chef d'Etat gabonais,
les conseillers du gouvernement français
chargés des affaires africaines devaient confectionner technique-
ment,
et organiser politiquement la succession en plaçant dans les
hauts leviers du pouvoir Bongo, élu à la vice-présidence et devenu,
par la même occasion, le garant de la continuité d'un régime consi-
déré comme une chasse gardée de
la France.
Si donc
le procédé de
succession était
formellement présenté comme étant
l'oeuvre d'un
président âgé et malade visant à garantir la survie de son régime,
il
n'en
reste
pas
moins
que
sa
formalisation
cache
l'influence
96
Hervouet
(François),
Le
processus
de
concentration
des
pouvoirs par le Président de la République au Gabon; op.cit., p.21.
~ Péan (Pierre), Affaires Africaines; op.cit., pp.64-66.
%
Alors que Bongo, en tant que Vice-président du gouvernement,
n'était pas constitutionnellement investi du pouvoir d'initiative
en matière de révision constitutionnelle.

391
et de confirmation"
(99).
Le qualificatif de "dauphin" utilisé par
le Premier ministre, Raymond Barre, devait consacrer officiellement
l'adhésion
de
la France à
l'opération
successorale
aménagée par
S
h
( \\00)
eng or
La visite à
la même période du Vice-président des
Etats-unis
offrit
l'opportunité
au
Président
Senghor
de
faire
légitimer et,
surtout,
de
recommander
son
successeur
auprès
des
Etats-Unis.
A côté
de
la
légitimation
internationale
du
dauphin
cons-
titutionnel,
il est permis de soutenir la thèse de l'intervention
occulte dans la mise en oeuvre même de l'opération successorale.
II:
LA MISE EN OEUVRE DE L'OPERATION SUCCESSORALE.
Dans
le
cas
du
dauphin
constitutionnel,
le
prédécesseur
dispose du pouvolr de choisir le moment précis de la transmission
de son pouvoir du fait de l'usage discrétionnaire de la démission
(101) •
D~' fait,
rien n'empêche la puis sance a Il iée de fa ire press ion
'sur le chef d'Etat en fonction pour l'amener à faire jouer la règle
successorale.
Les
successions
présidentielles
au
Sénégal
et
au
Cameroun montrent que si la succession est une affaire de souverai-
neté nationale,
l'environnement
international peut
encourager la
Q9
Editorial de Bara Diouf,
"Le Soleil",
No
2683,
du
30 Mars
1979,
p.1.
\\00
Cette
légitimation devait
se
traduire
par
l'octroi
d'un
crédit de 21 milliards de francs Cfa destiné à
supporter le plan
de redressement économique défini par Diouf en
1979.
Ce plan qui
fait
recours
au
F.M. 1.
et
à
la
Banque
Mondiale
visait
aussi
à
rassurer les partenaires occidentaux de la continuité des alliances
traditionnelles du Sénégal au delà du départ de Senghor.
101 Voir
infra,
Pp'
4A8 <z-t>.

393
et programmée; elle a été décidée
(par l'intéressé lui-même)
après
son
mystérieux
voyage
à
Paris.
Un
événement
que
l ' histoire
se
chargera de révéler
-
diagnostic erroné établi par ses médecins,
fatigue intense ou pressions politiques orchestrées par les jeunes
réformistes du gouvernement socialiste français,
etc.- l'a obligé
à
abandonner
brutalement
le
pouvoir"
(1U3)
L'encouragement
des
forces
extérieures
à
mettre
en
oeuvre
le
mécanisme
successoral
aboutit
ainsi
à
un
changement
dans
la
continuité
au
sommet
du
pouvoir exécutif camerounais.
En définitive,
la multiplicité des sources de légitimation en
Afrique
montre
que
la
succession
présidentielle
n'est
pas
une
opération isolée. En évitant de tout réduire à un simple "problème
sociologique et non constitutionnel ou juridique du fait même qu'il
s'agit d'un pouvoir dont les principes de légitimité débordent la
coutume
et
le
droit
positif"
(\\04),
il
faut
cons idérer
que
la
succession
dépend,
pour
sa
réussite,
de
considérations
qUl
dépassent le cadre du droit constitutionnel et qui font appel à des
disciplines
très
variées.
Néanmoins,
le
droit
a
organisé
avec
succès la transmission du pouvoir dans plusieurs Etats africains.
La
continuité
du
régime
est
en
effet
aménagée
par
la
norme
juridique qui
prévoit
des
techniques
organisant
le
processus
de
transmission du pouvoir entre les agents d'expression de la volonté
~ Monga (Célestin), Cameroun: Quel avenir ?;
Paris,
Silex,
1986, P 60.
104
Sylla
(Lanciné),
Tribalisme
et
parti
unique
en
Afrique
noire; Paris,
Presses de la F.N.S.P.,
1977, p.318.

PARTIE II:
UNE CONTINUITE INCERTAINE DU REGIME HERITE.
Considérée
comme
une
simple
t.echnique
de
transfert
d'une
compétence dans le cadre d'une infrastructure juridique, l'institu-
tion successorale vise à garantir la permanence du pouvoir par delà
la rotation des personnes physiques qui l'incarnent. Cette finalité
exclut
toute
idée
de
rupture
par
rapport
à
l'ordre
légal
dans
lequel
intervient
le
transfert
du
pouvoir.
En
effet,
la
rupture
traduit
une
remise
en
cause
de
l'ordre
antérieur
qui
est
alors
remplacé par un nouvel ordre qui
se
veut différent
du précédant.
Dans ces candit ions,
la sucees sion n'est pas "ordonnée ou régul ièr-
e"
(1)
car cet te passation du pou voi r
ne s'est pas opérée dans un
cadre léga 1.
Le caractère ordonné de la succession suppose une rationall-
sation des mécanismes
à
travers
lesquels
s'effectue
le transfert
du pouvoir.
Cette rationalisation pose le problème de l'articula-
tion
intrinsèque
des
règles
juridiques
d'ordonnancement
du
transfert
de
l'autorité
présidentielle
de
son
détenteur
à
son
successeur.
En
d'autres
termes,
elle
pose
la
question
de
la
dynamique successorale. En effet,
le modèle successoral est destiné
à
pallier
le
vide
résultant
de
la
disparition
avant
terme
du
titulaire de la fonction présidentielle.
Seulement,
l'institution
n'a de valeur que par rapport
à
la
situation de
fait
qu'elle est
chargée de réglementer.
1
Blondel
(J.),
World
Leaders;
London
and Beverly
Hills,
Sage,
1980,
pp.83-85.

397
d'épanouissement
dans
les
régimes
africains
dans
la
mesure

l'aménagement de la continuité juridique (Titre 1)
ne garantit pas
toujours pas la perpétuation des régimes hérités
(Titre II).
TITRE 1:
L'AMENAGEMENT DE LA CONTINUITE JURIDIQUE.
La succession
n'intervient que dans les situations de vacance
physique du détenteur du pouvoir, lorsqu'un agent public n'est plus
en mesure d'assumer les charges qui lui ont été conférées par les
textes. Toutefois,
si physiquement la disparition d'un gouvernant
influe sur
le quotidien politique,
elle est,
juridiquement,
sans
effet sur la permanence du pouvoir institutionnalisé.
De fait,
la
protection de la continuité se traduit par l!existence de techni-
quespermettant de surmonter cette hypothèque, particulièrement la
période de transition qui
suit
le départ du prédécesseur et
qUl
précède
le
choix
du
successeur.
A
cet
égard,
i l
existe
des
dispositions pertinentes déterminant le moment précis où le pouvoir
présidentiel
est
supposé
être
vacant.
En outre
ces
dispositions
garantissent
la
permanence du
pouvoir pendant
la
période
inter-
médiaire et déterminent les conditions dans lesquelles s'effectue-
ront
le
choix
du
successeur
et
le
transfert
à
son
bénéfice
du
pouvoir.
L'aménagement technique des
conditions de
la
succession
fait ressortir, à des degrés
variables, deux variantes fondamen-
tales.
La première est relative à la réglementation minutieuse de la
vacance en vue de protéger le titulaire de la
fonction présiden-

CHAPITRE 1: LA VACANCE DU POUVOIR PRESIDENTIEL.
La vacance du pouvoir peut être définie comme "toute situa-
tion,
période où les organes institutionnels du pouvoir politique
ne
sont
plus
en
mesure
de
fonctionner"
(4)
L'idée
de
vacance
suppose une interruption résultant de ce que la personne physique
exerçant
une
compétence
donnée,
n'est
plus
en
mesure
d'assumer
matériellement les tâches qui lui ont été confiées par la légalité.
Cette vacance ne s'attache donc pas
au pouvoir qui perdure,
mais
à
l'agent
d'expression
qui
a
perdu
ses
aptitudes,
physiques
ou
juridiques~ qui faisaient de
lui
le dépositaire de la volonté du
pouvoir.
La vacance occupe une place importante dans l'organisation du
pouvoir en général, .et ·du pouvoir présidentiel dans
les
régimes
africains en particulier. Il n'est pas surprenant de constater une
réglementation stricte de la vacance de sorte que la discontinuité
physique ne se traduise pas par une discontinuité juridique.
La vacance du pouvoir présidentiel soulève un certain nombre
de
questions
liées
à
sa réglementation et à
ses
conséquences.
A
partir du moment

i l
s'agit de mieux protéger le titulaire du
pouvoir présidentiel,
la vacance de la présidence de la république
ne
peut
souffrir
de
lacunes
qui
seraient
de
nature
à
mettre
en
question
la
stabilité
de
son
titulaire.
Dans
ces
conditions,
4
"
Le Robert",
Dictionnaire de
la langue française,
Vol.
9,
p.613.

tation vise à
déterminer et
à
rationaliser
les
faits
qui
sont à
l'origine de la vacance d'une part,
et à aménager la procédure à
travers laquelle ces faits font naître juridiquement une situation
de vacance.
PARAGRAPHE 1:
LE FAIT GENERATEUR.
La vacance ne concerne pas le pouvoir qui est caractérisé par
sa permanence. Parler alors de la vacance à la tête d'une institu-
tion n'a alors de sens que par rapport à l'absence de son titulai-
re. En effet,
la volonté du pouvoir est exprimée par une personne
physique. Cet état de fait place le pouvoir institutionnalisé dans
une situation matérielle de dépendance vis-à-vis des individus qui
sont appelés à le symboliser. En conséquence,
les constitutions ne
manquent
pas
de
prendre
en
considération
les
situations
dans
lesquelles le pouvoir change de titulaire suite à une vacance.
La
réglementation trouve
son
fondement dans
la nécessité de
réguler
les
rapports
entre
les
pouvoirs
publics.
Il
s'agit
d'éviter
l'existence de troubles ou d'incertitudes résultant de la situation
flottante causée par la vacance. En Afrique particulièrement, cette
réglementation
est
étroitement
dépendante
des
contingences
politiques.
L'organisation
de
la
succession
présidentielle
s'attache," plus à la personnalité du successeur qu'à la succession
elle-même"
e).
Le
fait
à
l'origine de
la vacance peut trouver
son
origine
5
Cadoux
(Charles),
Le statut et les pouvoirs du chef d'Etat
et des
gouvernements;
in
Conac
(G.),
"
Les
institutions
consti-
tutionnelles des
Etats d'Afrique francophone et de
la République
Malgache",
op.cit.,
p.74.

Le recensement des cas de succession constitutionnelle montre
qu'en Afrique,
le décès
est
la
principale cause de transmission
organisée du pouvoir présidentiel
().
A l'exception du Gabon où la succession était rigoureusement
organisée,
et
du
Maroc

la
succession
s'était
déroulée,
con-
formément
aux principes monarchiques,
aucun
chef d'Etat
n'avait
sérieusement préparé sa succession C). Or, les premiers présidents
étaient des
fondateurs
d'Etat
ou des
leaders qui avaient person-
nalisé
leur
régime.
Ce
statut
rendait
ainsi
hypothétique
la
continuité du régime après leur disparition.
Il n'en
restait pas
moins
vrai
que,
malgré
les
difficultés
inhérentes
à
toute
succession,
la
transmission
du
pouvOlr
avait
été effectuée avec succès dans
l'ensemble des Etats confrontés à
recherché par les puuchistes est d'écarter le titulaire du pouvoir
présidentiel.
L'élimination
physique
n'intervient
souvent
qu'en
dernier ressort.
La première succession constitutionnelle suite au décès du
chef
de
l'Etat
intervint
en
1961
avec
le
décès
du
souverain
Mohammed V du Maroc. Suivent chronologiquement le Premier Ministre
Mil ton Margai
de
la
Sierra
Léone
en
1963,
Léon Mba
du Gabon
en
1967,
Gamal Abdel Nasser de
l'Egypte en 1969,
William Tubman du
Libéria en 1971, Marien Ngouabi de la République Populaire,du Congo
en
1977,
Jomo
Kenyatta
du
Kenya
en
1978,
Houari
Boumédienne
d'Algérie
en
1979,
Agostino
Neto
de
l'Angola
en
1979,
Seretse
Khama du Botswana en 1980, Anouar El Sadat d'Egypte en 1981, le roi
Sobhuza II
du Swaziland en
1982,
Samora Machel
du Mozambique en
1987, Ahmed Abdallah des Comores en 1989.
Toutefois les décès de Sékou Touré de la Guinée en 1984 et de
Samuel
Doe
du
Liberia
en
1990
n'avaient
pas
donné
lieu
à
une
succession constitutionnelle.
8
Au
Libéria,
malgré
la
douceur
du
transfert
de
la
charge
présidentielle,
William Tolbert n'était pas l'héritier de William
Tubman.
Il n'occupait
que le poste de Vice-président,
impliquant
celui de dauphin constitutionnel.

une fin mouvementée
(10).
Le lieu du décès du chef d'Etat en place ne présente pas un
intérêt
juridique
évident.
En
revanche,
i l
peut
soulever
des
considérations
politiques
dans
l ' hypothèse

son
exploitation
pourrait entrer dans la stratégie globale de la succession. C'est
ainsi
qu'au
Kenya,
le
dernier
recours
de
la
"Famille"
était
d'amener
Kenyatta
à
mourir dans
sa
résidence
familiale
à
Nakuru
afin d'éliminer physiquement
les membres
éminents
du
"groupe des
titulaires"
(11).
Ainsi
un
membre
de
la
"Famille"
prendrait
en
charge
la suppléance de Kenyatta plaçant alors
la
"Famille" dans
une
position
stratégique pour conserver
le
pouvoir.
Le
d~cès de
Kenyatta
à
Mombassa
(12).
devait fausser
cette tactique en ce sens
~.~ que le Vice-président Moi fut informé avant que le décès n'ait été
rendu public. Avec l'appui de ses alliés,
Moi amorça le processus
de
prise
en
main
du
pouvoir
avant
même
d'être
intronisé
comme
suppléant.
Ainsi qu'on peut le constater,
l'intérêt du lieu de décès est
politique
mais
des
conséquences
juridiques
peuvent
néanmoins
en
10
Il
en
est
ainsi
de
Somora
Machel
mort
à
la
suite
d'un
accident d'avion hors du territoire national ou de Ngouabi qui a
été tué chez lui à la suite d'une tentative de coup d'Etat.
11
Cf.
Tamarkin
(T.),
From Kenyatta to Moi.
The Anatomy of a
Peaceful
Transition
to Power;
Africa
Today,
Vo1.26,
No.3,
1979,
p.32.
12
Pour de plus amples développements sur les circonstances du
decès
de
Kenyatta,
ainsi
qu~
du
complot
visant
à
assassiner
certains
dignitaires
du
régime
avant
l'annonce
de
sa mort,
Cf.
Karimi
(J.)
& Ochieng
(P.), The Kenyatta Succession, op.cit., pp.-
158-161.

conséquence
d'une maladie
(16)
d'une
capture,
ou prlse en otage,
d'un voyage amenant
le titulaire d'une compétence à quitter tem-
porairement
le siège des pouvoirs publ ics
(17)
etc.
L'empêchement
temporaire n'est pas une cause de vacance du pouvoir présidentiel.
Le chef d'Etat provisoirement empêché retrouve toutes ses préroga-
tives une fois disparus les obstacles qui étaient à
l'origine de
son empêchement. Seul l'empêchement définitif justifie la mise en
oeuvre des règles successorales.
L'empêchement définitif peut être défini
comme la
situation
mettant le titulaire d'une compétence dans l'impossibilité absolue
et définitive d'exercer les compétences qui
lui ont été confiées
par
la
légalité en vigueur.
Il peut
trouver
son origine dans
un
fait matériel ou une situation juridique.
a: Le fait matériel.
La situation matérielle peut résulter d'une maladie grâve du
chef
de
l'Etat
frappé
par
exemple
d'une
paralysie
physique
ou
mentale telle que sa présence physique occulte en réalité un vide
à
la tête de l'Etat.
De manière générale,
l'empêchement physique
16
Une
simple
grippe,
par
exempl e,
peut
mettre
le
chef
de
l'Etat dans l'impossibilité matérielle d'assumer ses fonctions pour
une
durée
définie
sans
pour
autant
hypothèquer
ses
chances
de
diriger le pays.
17
Le Président Georges Washington considérait le déplacement
du chef de l'exécutif à
l'extérieur du territoire national comme
un
empêchement
entrainant
une
incapacité
provisoire.
C'est
pour
cette raison qu'il refusa de se rendre à Rhodes Island tant que cet
Etat
ne
fut
pas membre de
l'Union.
Cette
interprétation allait
être abandonnée par la suite par ses successeurs.
Cf.
M.
Colvin
(E.S.),
The President,
Office and Powers;
New
York University Press, 1957; cité par M. Juillard,
" La continuité
du pouvoir exécutif,
in Melanges Burdeau,
op.cit·, p.164.

pouvOlr échappait
de
plus
en
plus
au Président
Bourguiba
devenu
simplement une ma in signant des papiers préparés ailleurs
(19).
Le
pouvoir était dans un état de flottement total comme l'atteste au
demeurant la succession des Premiers ministres. Etant lui même une
future victime de la guerre successorale,
le dauphin constitution-
nel
accéléra
le
processus
en
faisant
constater
par
un
rapport
médical
signé
par
7 médecins
traitants
personnels
de
Bourguiba,
requis par le Procureur général de la République,
une déclaration
constatant la sénilité de Bourguiba. En conséquence, ce dernier fut
frappé d'un empêchement définitif ouvrant constitutionnellement la
magistrature suprême à son successeur. Le recours à l'avis médical,
qui n'a pas été expressement prévu par l'article 57 de la constitu~
tion,
permet
d'ôter
à
l'initiative
de
succession
du
Premier
ministre "tout caractère subjectif. ,Le recours à
un avis médical
collégial signé par des médecins traitants du Chef de l'Etat,
quoi
que non exigé par la loi,
confère à la décision du Premier ministre~
un "plus" en matière de légitimité"
(20).
b: La situation
juridique.
L'empêchement
définitif
peut
être
constaté
alors
que
le
19
1.' ancien ministre des Affaires Etrangères Habib Chatt y fait
remonter
l'incapacité de
Bourguiba
au début
des
années
1970.
Il
souligne en effet que "c'est depuis
1971 que
l'incapacité est en
Bourguiba.
Le
7
Novembre
1987
ce
n'est
pas
Bourguiba
qui
a
été
déposé,
mais son ombre.
Ce n'était pas à lui que le pouvoir a été
pris,
mais
à
son entourage qui l'avait trahi en profitant de son
état de santé pour le lui confisquer".
Cf Jeune Afrique,
No 1402,
18 Novembre 1987,
p.57.
21\\
Selon
Dali
Jazi,
Professeur
à
la
Faculté
de
Droit
de
l'Université de Tunis;
Jeune Afrique,
No 1402,
18 Novembre
1987,
pp.46-47.

411
conflits
latents
qui
avaient
suivi
la
disparition
du
président
Ngouabi devaient trouver leur résolution au sein du parti. En tant
que Premier Vice-président du C.M.P.C.T.
(D)
chargé de la coordina-
tion
des
affaires
du
parti
(D),
Denis
Sas sou
Nguesso
devait
exploiter ses ressources partisanes pour renverser son prédécesseur
Yhomby-Opango
Joachim.
La
responsabilité
partisane
n'est
pas
chimérique dans
les
régimes partisans
ainsl que
le confirmait
le
statut du chef de l'Etat dans
l'ancienne République Populaire du
Bénin. En effet, il était élu par l'Assemblée Nationale Révolution-
naire sur proposition du Comité Central du Parti de la Révolution
Populaire
du
Bénin
(24).
L'article
64
stipulait
certes
que
"Le
Président
de
la
République
Populaire
est
responsable
de
ses
activités devant l'Assemblée Nationale Révolutionnaire", mais aucun
mécanisme constitut~bnnel de mise en
jeu de cette responsabilité
n'avait été expres·sement prévu.
Il
fallait
dès
lors se
retourner
vers le parti et appliquer le principe du parallèlisme des formes
pour
montrer
que
le
comité
central
du
parti
pouvait
déclarer
l'empêchement
définitif
du
chef
de
l'Etat
en
lui
retirant
sa
confiance.
D
Comité Militaire du Parti Congolais du Travail
n
Acte No 001-PCT-CMP du
3 Avril
1977 fixant
l'organisation
et la structuration du C.M.P.C.T.
Cf.
Gabou
(Alexis),
Les
constitutions congolaises;
op.cit.,
p.429.
24 Article
53 de l'ancienne Loi Fondamentale de la République
Populaire du Bénin ( Constitution)
amendée par la Loi Constitution-
nelle
No
84 -003
du
6
Mars
1984;
Cotonou,
Presses
de
l'Office
National d'Edition,
de Presse,
de Publicité et d'Imprimerie de la
République Populaire du Bénin,
1984.

1:
LE REGIME JURIDIQUE DE LA DEMISSION.
Les règles juridiques qui s'appliquent à
la démission du chef
de l'Etat se caractérisent par leur extrême souplesse. Le souci de
respecter
la volonté du titulaire
de
la
fonction
se traduit par
l'existence de règles non contraignantes rendant facile le départ
du démissionnaire.
Le régime s'articule autour de la nécessité de
protéger
la volonté du démissionnaire.
La démission est en effet
"un
acte
de
la personne,
non un
acte
de
la
fonction"
(27).
Cette
prise en compte du caractère volontariste se traduit juridiquement
par
le
fait
que
les
conditions
de
la
démission
ne
sont
pas
rigoureusement réglementées par les textes constitutionnels.
La démission relève du pouvoir d'appréciation du titulaire de
". la
fonction
déléguée.
S'agissant
principalement
du
chef
d'Etat
africain,
elle est
soumise
à
son
total
pouvoir
discrétionnaire.
Cette situation est la conséquence du
statut particulier du chef
de
l'Etat
africain
(D).
Les
régimes
africains
ne mettent
pas
en
place des mécanismes,
manifestes ou
latents,
qui pourraient être
de nature à amener un chef d'Etat à
se démettre de son mandat.
Le
n
Barthélemy
(Joseph)
& Duez
(paul),
Traité de droit consti-
tutionnel;
(édition de 1933),
Paris,
Economica,
1985, p.615.
D
Hormis les régimes partisans,
les chefs d'Etat ne sont pas
constitutionnellement
responsables
devant
un
organe
constitué
quelconque. Seule la haute trahison est prévue par les dispositions
consti tutionnelles,
or
celle-ci
relève
du
domaine
de
l'utopie
politique dans la mesure où elle ne peut être mise en oeuvre contre
un chef qui a une emprise totale sur le régime.

véhicUler une information in~ressant au premier chef la nation. Le
chef de
l'Etat étant
l'élu
de la nation,
cette dernière devrait
être
la première à
être
informée de son départ
éventuel
eo).
Il
n'existe
pas
de
règles
précises
déterminant
le
processus
de
communication entre les acteurs politiques. Toutefois, une certaine
pratique fut mise en lumière par le Président Senghor.
L'informa-
tion est
communiquée
" d'abord au Premier Ministre avec qui
(le
Président
de
la
République)
a toutes
les
semaines
une
séance de
travail,
ensuite,
suivant
l'importance du problème,
aux députés,
aux membres du Conseil Economique et Social,
aux partis,
en com-
mençant
par
le
parti
majoritaire,
aux principales
personnalités
ci vi les
et
religieuses,
enfin,
dans
les
circonstances
les
pl us
graves,
à la Nation par un message radiotélévisé"
el).
Au Cameroun également,
la pratique montre une orientation de
l'information
en
direction
d'abord
des
structures
institution-
nelles,
et ensuite-vers la nation. La démission d'Ahidjo avait été
accueillie avec surprise de l'intérieur et de l'extérieur du pays.
Revenant
d'une
visite
improvisée
de
France,
i l
devait
en
effet
annoncer
à
ses
collaborateurs
du
gouvernement
et,
ensuite,
au
comité central de son parti son intention de démissionner. Ce n'est
que tard dans
la
journée qu'il devait confirmer à
la nation par,
W
Dans
son dernier message à
la nation
le président Senghor
devait mettre le scoop du journal "Le Monde" au compte de l'indis-
crétion qui a " d'abord profité au journaliste du " Monde" et à son
journal, mais aussi à une certaine opposition, qui a voulu en faire
un argument contre le Président de la République."
Message
à
la Nation du 31/12/1980;
R.I.P.A.S
No.l,
Avril-Juin 1981,
p.15
31
Message à la nation du 31/12/1990,
op.cit.,
p.14.

417
démettre
de
ses
fonctions
en
demandant
à
la
Cour
Suprême
"de
prendre
les dispositions nécessaires en vue
de l'application des
articles
35,
alinéa
2
et
31
de
la
Constitution"
e4). La Cour
Suprême dressa alors un procès verbal de réception de la lettre de
démission du président de la République "pour servir et valoir ce
que
de
droit".
Le
procès
verbal
fut
ensui te
publié
au
Journal
Officiel
Un
tel
formalisme
n'était
pas
imposé
par
la
constitution
e6). Dans le déclenchement de la vacance, la Cour
Suprême n'intervenait que pour déclarer le caractère définitif de
l'empêchement. Aucune prérogative explicite ne lui a été conférée
dans
la démission du chef de l'Etat.
Toutefois,
on peut soutenir
que l'organe de constatation de l'empêchement définitif était mieux
indiqué pour recevoir la démission.
Les pouvoirs de l'organe de recueil sont aussi limités en ce
qui concerne l'acceptation de la démission.
Il doit formellement
l'accepter dans la mesure où il ne peut obliger le démissionnaire
à
rester en fonction contre son gré.
Tout dépend de la volonté du
chef. La réaction de l'élite camerounaise (n), une fois informée de
~ Lettre No 2999 PR DC.1 du 31 Décembre 1980 portant démission
du
Prés ident
de
la
République;
in
R. 1. P . A. S .,
No
l,
Avril-Juin
1981,
p.11.
H
J.O.R.S.,
No 4808,
2 Janvier 1981,
p.1
~ L'article 35, dans sa rédaction du 6 Avril 1976, stipulait
expréssement: " En cas de décès ou de démission du Président de la
République ou lorsque l'empêchement est déclaré définitif par la
Cour Suprême ... "
37
Après
l'annonce
de
la
démission,
une
voix
"excédée
et
presque au bord de la dépression" réagissait ainsi:
" Mais, qu'est
ce que nous attendons
ici? On ne va tout
de même pas
rester
les
bras croisés. Faisons quelque chose!"

mélangeant des techniques hétéroclites d'organisation du pouvoir,
finit par identifier son pays à sa propre personne.
La
politique
de
secrétion
du
chef
indispensable
finit
par
donner une autre dimension à la démission. Celle-ci est considérée
comme une technique de ressourcement permettant au chef de tester
sa popularité au sein des masses.
En faisant planer une menace de
démission,
réelle ou fictive,
le chef de l'Etat
cherche à
tester
la fiabilité
de son régime
(w)
ou à cultiver une
image de leader
unique garant de la sécurité et de la stabilité du régime. En fait,
derrière
cette
technique
se cache une menace
adressée
au
régime
qUl,
pour
sa
survie,
doit
renouveller
sa
confiance
à
son
chef
indispensable.
La
démission
peut
être
considérée
comme
une
"technique
de
routinisation du charisme".
Elle s'analyse comme une stratégie de
perpétuation
du
pouvoir
charismatique.
En
effet,
à
travers
la
menace
de
démission,
le
chef
d'Etat
crée
une
sorte
d' hystérie
favorable à un regroupement de masse en sa faveur
(~).
W
Le premier chef de l'exécutif à démissionner du pouvoir fut
Nyerere qui,
après
l'indépendance de son pays,
devait abandonner
le
leadership de
l'exécutif pour se consacrer au
parti et,
plus
précisément,
à
une formule politique devant aboutir à la primauté
du parti sur l'Etat dans le cadre des principes de la participation
populaire
et
du
contrôle
des
gouvernants.
Une
fois
l'objectif
recherché atteint,
il
revint au pouvoir en 1965 pour concrétiser
les objectifs assignés au nouveau régime.
Cf.
Potholm
(Christian),
Four
African
Poitical
Systems;
Prentice-Hall,
Inc.,
Englewood Cliffs,
New Jersey,
1970,
pp.141-
142.
~ Cette technique de gouvernement a été mise ~n application
pour la première fois par le Président Boigny qui avait " envisagé
publiquement pour la première fois les conséquences d'un changement
à la tête de l'Etat ... au cours du Ivè congrès du Parti Démocrati-
que de
Côte d'Ivoire"
en Septembre
1965.
Les
menaces
pesant
sur

( 41)

ques
1: La démission du Président Senghor.
Cette
démission
était
prévisible
depuis
la
révision
cons-
titutionnelle de 1976 l'autorisant à désigner en toute liberté son
successeur
en
la
personne
du
Premier
ministre.
Cette
réforme
touchait
incidemment
la
durée
du
mandat
présidentiel
(42).
La
suppression
de
la
limitation
du
mandat
devait
permettre
au
Président Senghor de solliciter un nouveau mandat
en
1978 afin "
de poursuivre la tâche qu'il s'est assignée pour le plus grand bien
du
peuple
sénégalai s"
(43).
Dès
lors,
ayant
annoncé
à
pl us ieurs
reprises son intention de ne pas se perpétuer au pouvoir,
i l était
alors évident que cette suppression s'inscrivait dans le cadre de.
'. 1.' aménagement
de
sa
succession.
Etant
en
mesure
de
bénéficier
~. facilement de la reconduction de son mandat,
i l pouvait démission-
ner avant la fin de son mandat afin de permettre à
son successeur
de contrôler les rouages de l'Etat et du parti et de consolider le
pouvoir qui
lui a été transmis.
Sur
les
raisons
officielles
de
la
démission,
une
raison de
principe et
une
raison de
fait
étaient
avancées.
Sur
le premier
41
Contrairement
en
Sierra
Leone
et
en
Tanzanie

la
succession
n'est
pas
la
conséquence
d'une
démission
mais
de
l'expiration du mandat présidentiel.
42
L'article
21,
alinéa 2 de la constitution adopté lors de
la révision de 1970 limitait la durée du mandat présidentiel à un
seul renouvellement.
4J
Selon
les termes de l'exposé des motifs de la
loi No 76-01
du 19 Mars
1976 portant révision de
la constitution;
in J.G.R.S.
du 3 avril 1976,
p.SOl.

attention
à
la
démission
du
chef
de
l'Etat.
Celle-ci
avait
été
réglementée de manière à lui permettre de décider du moment de son
retrait
du
pouvoir,
mais
aussi
de
superviser
le
choix
de
son
successeur.
L'évolution
du
droit
successoral
camerounais
permet
d'attester
l'importance
accordée à
la démission.
Le
tournant
de
cette rationalisation de la démission du chef de l'Etat trouve sa
manifestation dans
la
loi No 69-LF-14
du
10 Novembre
1969 qui
"
peut être regardée à juste titre, sur le plan constitutionnel, comme
le grand tournant en ce qui concerne la conception de la succession
présidentielle"
(4.5).
Cette loi est venue renforcer le poids du chef
de
l'Etat
démissionnaire
dans
sa
succession.
En
effet,
si
à
l'instar de la situation
juridique antérieure à cette réforme le
chef de l'Etat ne disposait d'aucune prérogative lui permettant de
d ,
.
(46),
eSlgner
son
successeur
la
loi
de
1969
lui
reconnait
un
pouvoir de supervision de sà succession à travers la réglementation
de
la
démission.
Celle-ci
disposait:
" En cas de vacance de la
Présidence par démission,
la démission ne devient effective que le
jour de la prestation de serment du nouveau Président élu".
La
démission
n'est
pas effective avec
son
acceptation malS
avec la prestation de
serment du successeur.
Dès
lors,
le démis-
sionnaire conserve
la plénitude de ses
compétences,
notamment le
4.5
Abiagbag
(1.),
La
réforme
des
articles
5
et
7
de
la
Constitution de la République Unie du Cameroun,
op.cit.,
p.267,
46
La
succession
plébiscitaire
était
en
effet
le
modèle
de
transmission du pouvoir présidentiel au Cameroun jusqu'à la réforme
constitutionnelle
du
29
Juin
1979
instituant
le
système
du
dauphinat constitutionnel.

S'agissant précisement de
la démission du Président Ahidjo,
il
faut
reconnaître
qu'elle
ne
fut
pas
une décision préparée et
mûrement
réflêchie.
Elle
n'est
pas
intervenue
à
un
moment
jugé
opportun
par Ahidjo
dans
la
mesure

le
démissionnaire
devait
complèter,
en catastrophe,
toutes les opérations préalables à une
bonne transmission du pouvoir à son successeur. Après avoir annoncé
son intention de quitter le pouvoir dans la matinée du 4 novembre
1982,
le
Président
Ahidjo
convoqua
d'urgence
les
42
membres
du
comité central du parti unique de fait,
l'U.N.C.,
pour amorcer le
processus
d'installation
de
son
successeur
dans
les
rouages
du
parti.
En tant que
Premier ministre,
le dauphin était membre de
droit du comité central conformément à
l'article 21 du statut du
parti (49). Sur proposition de son prédécesseur, le dauphin fut élu,
à
l'unanimité, membre du bureau politique du parti unique de fait
(~) devenant ainsi la seconde personnalité du parti après Ahidjo
qui
devait,
néanmoins,
conserver
la
tête
du
parti
après
sa
démission de la tête de l'Etat. En un jour,
le dauphin avait grimpé
toutes
les
hiérarchies
du
parti montrant
ainsi
la précipitation
avec lequelle le Président Ahidjo avait organisé sa succession.
Au total la démission était devenue une technique de gouverne-
ment et de transmission du pouvoir présidentiel à un héritier sur
~ Sur le plan juridique devenu chef de l'Etat, donc n'étant
plus Premier ministre,
i l devrait perdre son statut de membre du
comité central,
amenant ainsi une situation où le chef de
l'Etat
n'est pas membre des instances dirigeantes du parti.
~ Sur les denières touches du président Ahidjo à l'appareil
du
parti,
cf.
MONGA
(Célestin),
Cameroun:
Quel
Avenir?;
Paris,
Silex,
1986, p.16

autorité qui entretient des rapports de nature politique avec les
autres organes constitués de l'Etat,
il est alors légitime de faire
intervenir
des
organes
politiques
dans
la
constatation
de
la
vacance. En effet, délégataire de la volonté d'organes politiques,
sa
disparition
ne
saurait
laisser
indifférents
ces
organes
qui
doivent participer à la supervision de l'opération de constatation
de
la
vacance.
Ce
procédé
ne
tient
pas
compte
de
la
nature
du
régime en cause.
Il peut se retrouver aussi bien dans les régimes
articulés
autour
de
la
séparation
des
pouvoirs
que
des
régimes
partisans.
Dans
les
régimes
fondés
sur
la
séparation
des
pouvoirs
exécutif et législatif,
l'organisation de la succession présiden-
tielle intéresse au premier chef le pouvoir exécutif.
Les techni-
ques successorales doivent en principe tenir compte de l'indépen-
dance de l'exécutif vis-à-vis du pouvoir législatif.
Seulement,
un tel ordonnancement ne doit pas faire illusion.
En
effet,
d'autres
pouvoirs
peuvent
être
impliqués
dans
le
processus de
constatation
de
la
vacance du
chef de
l'Etat.
Même
dans le régime présidentiel,
on constate une ingérence du pouvoir
législatif dans
le
processus
de
constatation de
la
vacance.
Aux
Etats-Unis
par
exemple,
le
Congrès
s'est
vu
conféré
le
rôle
de
superviseur de l'incapacité du chef de l'Etat
el).
51
C'est
ainsi
que
le
Président
pro-tempore
du
Sénat
et
le
Speaker
de
la
Chambre
des
Représentants
sont
informés
par
les
autorités investies du pouvoir de saisine. En outre le Congrès est
appelé à arbitrer
les différends
pouvant opposer le président de
la République et les autorités ayant déclenché l'empêchement s ' i l
intervient un contentieux portant sur l'appréciation de la fin de
l'incapacité. Le Congrès devra trancher le différend à la majorité

transférer à la Cour Suprême le pouvoir de constater l'empêchement
du
chef
de
l' Et.a t,
i.l
n' exc l uai t
pas
pour
autant
l'As semblée
nationale dont le vote à
la majorité des deux tiers des membres la
composant,
devait
donner
effet
a
la
constatation
préalablement
opérée par la Cour Suprême
(E).
En fait c'est
la technique du plénum qui est la plus usitée.
Ce plénum est ~n corps collégial composé de représentants d'organes
techniques ou politiques.
c'est ainsi qu'en Sierra Leone,
l'article 30 de la constitu-
tion de 1978 fait
intervenir le cabinet,
un corps technique et le
Speaker du parJ.ement. Il revenait au cabinet d'apprécier l'opportu-
nité d'informer
le Speaker de l'état
de santé mentale ou physique
du président de
la
République.
En accord avec le chef du
service
médical
de
la
Sierra
Leone,
le
cabinet
met
'2[[
place
un
conseil
composé d'au moins 5 membres choisis parmis les médecins praticiens
du
pays.
Après
investigations,
le
conseil
adresse
un
rapport
au
Speaker
sur
l' incapaci té
ou
non
du
chef
de
l'Etat.
En
cas
de
réponse affirmative, le Speaker devra certifier par écrit l ' incapa-
cité ouvrant ainsi selon
les cas à
l'intérim ou à la suppléance.
Au Cameroun également,
le législateur avait prévu un conseil
technique chargé de donner un avis à caractère technique sur l'état
3396,
31 Août 1960,
pp.381-387.
n
L'article 35 de la constitution du
7 Mars 1963 devait être
modifié par la loi No 70-15 du 26 Février 1970 portant révision de
la constitution
(J.O.R.S.
du 28 Février 1970, p.230).
La nouvelle
rédaction
de
l'article
35
fait
désormais
de
la
Cour
Suprême
l'organe
exclusif
de
constatation
de
l'empêchement
définitif
ouvrant droit à
la vacance du pouvoir présidentiel.

431
présidentielle
découle
de
l'ordonnancement
constitutionnel
du
régime.
L'avantage d'un
tel
procédé
se situe dans
l'indépendance
des organes juridictionnels qUl sont soumis à l'autorité de la loi
alors
que
les
organes
politiques
peuvent
se
déterminer pour
des
motifs purement subjectifs.
Les juridictions,
chacgées de veiller au respect de la règle
de
droit,
sont.
appelées
à
garantir
la
cégularité
juridique
des
opérations
de
désignation
du
chef
de
l'Etat,
ainsi
que celle
du
processus de constatation de la vacance du chef de l'exécutif. El-
les ~ont de plus en plus elevèes à la dignité d'ocganes régulateurs
du fonctionnement règulier des régimes du fait qu'elles int~rvien-
nent
dans
des
domaine~
traditionnellement
réservés
auz
organes
politiques.
Les
cours
suprêmes
(")
ont
pris
en
charge
le
pouvoir
de
constatation de la vacance qui
relevait
traditionnellement de
la
compétence des assemblées parlementaires. Au Sénégal, sous l'empire
de
la consti tut ion or ig inaire du
7 Mars
1963,
la constatation de
l'empêchement
du
chef
de
l'Etat
devait
être
opérée
par
la
Cour
~
_
(5")
:::iupreme
mais
ne
produisait
d'effets
qu'après
un
vote
de
l'Assemblée nationale à
la majorité qualifiée des deux tiers des
57
.

VOlr a
ce propos:
Les
Cours
Suprêmes
en Afrique,
Tome
1,
(Sous la direction de Conac
(G.)
;
Paris,
Economica,
1988.
~ Ainsi que l'écrit Aurillac,
la Cour Suprême du Sénégal est
"une Juridiction unique qui juxtapose effectivement ... les fonctions
du
Conseil
constitutionnel,
de
la
Cour
de
Cassation,
du
Conseil
d'Etat et de la Cour des Compt.es."
Cf. Aurillac
(M.),
Naissance de
la Cour Suprême du Sénégal;
in "Les Cours Suprêmes en Afrique",
op.cit.,
p.75.

sur
l'organe
chargé
de
la
const.atation.
C'est.
ainsi
qu'en
Côte
d'Ivoire,
ce
fut
seulement
en
1978
qu'est.
"enfin
consacrée
constitutionnellement
la
compétence
reconnue
à
la
Cour
Suprême
pour
constater
la
vacance
du
pouvoir"
(61).
Il
ne
s'agissait pas
d'une
reconnaissance
de
cette
prérogative
à
la
Cour
Supême
ivoirienne,
malS à une chambre de cette cour instituée par la loi
du
5
Aout
1978
relative
à
la
composition,
l'organisation,
les
attributions et le fonctionnemenL de la Cour Suprême. L'article 20
de
cette
loi
dispose
en
effet:
"
La
chambre
constitutionnelle
constate la vacance du PrésidenL de la République".
Cette chambre
constitutionnelle
(~) de la Cour Suprême,
est chargée d'apprécier
la
réunion
des
conditions
Justifiant
la
vacance
du
pouvoir
présidentiel.
B:
LA PROCEDURE DE CONSTATP.TION DE LA VACANCE.
La
constatation de
la vaca~ce aboutit
à
reconnaître l'exis-
tence d'un vide politique. Elle entraine dès lors le déclenchement
d'un
processus
de
transmission
du
pouvoir
à
un
autre
agent
d'expression de la volonté du pouvoir. Il importe alors de procéder
rigoureusement à sa réglementation afin de protéger les titulaires
61
Togba
(Z.),
L'article Il de la Constitution de 1960 dans le
système politique ivoirien;
op.cit.,
p.161.
~
Il
s'agit
d'une
chambre
spéciale
de
la
Cour
Suprême
ivoirienne et non d'une cour distincte expressement habilitée à se
prononcer
sur
les
matières
constitutionnelles.
En
dépit
de
l'annonce
par
le
Président
Boigny
de
la
création
d'une
cour
constitutionnelle
(Fraternité-Matin
du
7
Janvier
1981,
p.4),
l'organisation juridictionnelle de la Côte d'Ivoire ne prévoit pas
l'existence d'une cour constitutionnelle compétente pour trancher
les différends portant sur la constitution.

déclencher le processus de choix du futur chef d'Etat.
En
dépit
de
son
importance,
la
détermination
des
organes
chargés
de
saisir
l'organe
de
constatatlon
n'est
pas
souvent
clairement
posée.
Les
constitutions
se
contentent
souvent
de
prévoir
l'empêchement
définitif
(6")
sans
s'étendre
sur
l'organe
appelé
à
salSlr
la
haute
juridiction.
La
saisine
de
l'organe de
constatation
tait:
souvent
intervenir
les
différents
pouvolrs
publics
qUl
se
partagent
l'exercice
du
pouvOlr
politique:
le
pouvolr
législatif
qui
est
investi
de
certaines
prérogatives
en
matière successorale, et le pouvoir exécutif qui est principalement
intéressé par
la succession de son détenteur exclusif
(65).
A côté
de ces organes constitutionnels,
le parti peut disposer d'un poids
important dans
la procédure de constatation de
la vacance de son
chef.
a:
La saisine par une autorité législative.
La participation du législatif dans le processus de succession
du chef de l'exécutif peut être double. Le pouvoir législatif peut
6d
Articles
7,b
de
la
constitution
camerounaise
révisée
en
1979,
article 35 de la constitution sénégalaise,
article 11 de la
constitution ivoirienne etc.
65
Il
est
pratiquement
superflu
de
parler
de
l'exclusion du
pouvoir
judiciaire.
D'une part,
le pouvoir
judiciaire
n'est
pas
investi
d'un
pouvoir
gouvernemental
entendu
au
sens
large
et,
d'autre part,
dans la tradition libérale,
c'est un pouvoir inerte
qui ne peut s'auto-saisir;
la procédure judiciaire étant toujours
déclenchêedes agents externes.
Cette
"inertie"
des
juridictions,
en
l'espèce
de
la
Cour
Suprême,
va à
l'encontre du point de vue de Kamto de " l'éventua-
lité (que)
La cour Suprême pourrait se saisir d'elle-même,
dans la
mesure où elle a
la compétence de sa compétence."
Cf.
Kamto,
Le dauphin constitutionnel ... ,
op.cit.,
p.266.

437
les conditions d'élection et
de suppléance à
la Présidence de
la
République,
en cas d'incapacité physique permanente constatée par
la
Cour
Suprême,
celle-ci
est
alors
saisie
par
le
Président
de
l'Assemblée Nationale sur avis conforme d'un Conseil de santé"
(67).
La
loi
84-01
du
4
Février
1984
modifiant
l'article
7
de
la
constitution n'apporte pas de modifications à propos de la saisine
de
la Cour Suprême.
L'article 7,
alinèa
4 confiant
la suppléance
du
chef de l'Etat au président de l'Assemblée nationale ou à
ses
suppléants dans l'ordre de préséance n'institue pas une procédure
particulière
t:'elative à
la
saisine.
Tl est possible d'en déduire
que
la
procédure organ i sée
par
la
loi
du
7
Décembre
1973
reste
toujours applicable:
le président de
l'Assemblée nationale étant
investi de ce pouvoir après
l'avis conforme du Conseil de Santé.
Au Sénégal,
le pouvoir de saisir la Cour suprême d'un recours
en constatation de l'empêchement dèfinitif du chef de l'Etat,
n'a
pas
été
conféré
au
président
de
l'Assemblée
nationale
en
tant
qu'institution. La saislne n'est en effet reconnue qu'au suppléant
du chef de l'Etat.
A cet
égard,
la loi du 1 Mai 1983 avait rendu
à
l'Assemblée nationale ses prérogatives antérieures en matière de
succession
(68).
Si
la
Cour
Suprême
est
toujours
chargée
de
la
constatation de l'empêchement,
le pouvoir de saisine est transféré
67 Mbome
(F.),
Réflexions sur la réforme constitutionnelle du
9 Juin 1979 au Cameroun;
Penant 1981,
p.39.
6"
Si la constitution parlementaire du
29 Aout 1969 confiait
la suppléance du chef de
l'Etat au Président du Conseil
(Article
22, alinéa 4); la constitution présidentielle du 7 Mars 1963 allait
confier au président de l'Assemblée nationale la suppléance du chef
de l'Etat de 1963 à
1976.

au cabinet.
Il en est ainsi des Etats-Unis où
le cabinet
fait
partie des
nombreuses
autorités habilitées à
salSlr l'organe de constatation
de l'incapacité du chef de l'Etat. En effet,
dans le droit positif
des
Etats-Unis,
les
autorités
pouvant
déclencher
le
processus
conduisant
à
la
constatation de
l'empêchement
provisoire du
chef
de l'Etat sont nombreuses et variées.
D'une part,
le chef de l'Ecat
lui-même
est le meilleur juge de son empêchement
et de
la
fin
de cette
incapacité
eo). D'autre part,
l'empêchement
peut être déclenché de l'extérieur par des autorités désignées par
Le
constituant.
Il
s'agit
du
vice-president,
et
Sl
ce
dernier
manifeste
une
,.::ertaine réticence
(II),
la
majorité
des
membres du
cabinet
ou
de
"tout
autre
corps"
dés igné
par
une
loi
du
Congrès
pourrait
SE:
substituer
à
lui.
Dans
le
système
américain,
Sl
l'exécutif
joue
un
role
fondamental
dans
le
déclenchement
de
l'empêchement
du
chef
de
l'Etat,
la
saisine
de
l'organe
de
constatation n'est pas de son ressort exclusif.
Dans les régimes africains,
l'organisation de la procédure de
saisine
de
l'organe
de
constatation
ne
tient
pas
compte
de
la
70
Dans
tous
les
cas,
il
lUl
suffit
simplement
de
faire
parvenir au
président
"pro-tempore"
du
Sénat
et
au
Speaker de la
chambre
des
Représentants
une
déclaration
écrite
leur
faisant
connaitre
son
incapacité à exercer les pouvoirs et de remplir les
devoirs de
sa charge et,
s ' i l s'estime en mesure de
reprendre ses
fonctions,
i l
lui
suffit
de manifester
son
intention
en
avisant
par écrit
les mêmes autorités.
71
Comme
le
fit
au
demeurant
le
Vice-président
Georges
Bush
lors
de
la
tentative
d'assassinat
du
Président
Ronald Reagan
en
1981.

441
du
Premier
ministre
car
i l
est
le
principal
bénéficiaire
des
dispositions de l'article 57. Ainsi que le soutient Dali Jazi," Il
reste qu'à partir d'une exégèse de cet article,
on peut déduire que
le Premier ministre,
appelé,
d'après
la constitution,
à
succèder
automatiquement
au
Chef
de
l'Etat,
joue un
rôle
de
premier plan
dans
la constatation
de
cet
empêchement et dans
le déclenchement
du processus
de
succession"
(73)
En effet,
à
partir du moment

il est
le chef du gouvernement,
et de surcrort secrétaire général
du parti gouvernemental,
le Premier ministre est mieux placé pour
déclencher le processus de succession en cas de décès par exemple
du chef de l'Etat.
Ce qu'il peut faire pour un cas de vacance,
i l
peut logiquement
le faire pour un autre cas,
notamment
l'empêche-
ment absolu.
c:
La saisine collégiale.
La collégialité se manifeste par un pouvoir de saisine reconnu
à
plusieurs
autorités
qUl
interviennent
cumulativement
à
la
procédure.
Cette technique vise à protéger le chef de
l'Etat des
manoeuvres
éventuelles
pouvant
émaner
d'une
seule
autorité.
La
préoccupation
sécuritaire
prime
à,
cet
effet,
sur
la
volonté
d'associer les différents organes à la procédure de constatation.
Seulement ce procédé a
généralement cours dans
les
régimes ayant
institutionnalisé
le
parti.
L'objectif
recherché
est,
non
pas
seulement d'associer
le parti à l'opération de
succession de
son
chef,
mais surtout à
lui reconnaître un certain droit de véto.
Il
73
Dali Jazi;
ibid,
pp.46-47.

en prenant une décision
juridique.
Toutefois l'organe de constatation ne dispose d'aucun pouvoir
d'appréciation
en
ce
qui
concerne
les
circonstances
qui
sont
à
l'origine de la vacance.
Le décès dépassant
l'entendement humain,
la
démission
étant
un
acte
de
l' homme
et
non
de
la
fonction,
l'empêchement définitif devant se fonder sur des éléments d'accom-
pagnement
de
la
demande,
l'organe
se
prononce
sur
des
éléments
objectifs.
Il doit alors
tirer
Jes
conséquences
iuridiques de
la
situation de fait
(~)
Au
Cameroun
la
Loi
de
1973
avait
institué
un
certain
for-
malisme devant entourer la déclaration de vacance. Celle-ci devait
en
effet
faire
l'objet
d'une
publication
destinée
à
porter
la
décision
à
ses destinataires
à
saVOlr:
les
gouvernés.
Au Sénégal
il n'y a pas une procedure particulière instituée. La démission du
Président Senghor avait été remise au Président de la Cour Suprême
qUl
devait· simplement.
la
constater
dans
la
mesure

aucune
disposition
légale ne
lui
donne
un
pOUVOlr
d'appréciation
de
la
démi s sion.
En
Tunis ie
en
l'absence
d'une
procédure
spéciale,
le
constat de l'empêchement était effectué par le Premier ministre qUl
s'était basé sur un rapport médical qui avait été publié.
b:
L'ouverture de la succession.
La
situation de fait
ouvre
juridiquement droit
à
la vacance
76
C'est
ainsi
que
les vacanceS des présidents de Gaulle et
Pompidou
avai~rété
formellement
déclarées par
le
Conseil
cons-
titutionnel saisi par le gouvernement et avaitt,lfait l'objet d'une
publication.
Cf.
Obs
sic Cons.
Const,
4-4/1974,
Déclaration
de
vacance;
G.D.J.C.,
pp.296 et s.

ne
pourra
plus
retrouver
ses
prérogatives
même
S l
l'incapacité
cessait subitement après la déclaration de l'empêchement définitif.
Si
dans
le
cadre
du
dauphinat
constitutionnel
le
pouvoir
est
automatiquement
transmis
à
son
successeur,
dans
la
succession
élective,
i l devra solliciter un autre mandat au corps électoral.
Dans
cette hypothèse,
il perd ses
pouvoirs dans
l'intervalle des
élections puisque le pouvoir est temporairement pris en charge par
son suppléant.

441-
La confusion est souvent cultivée par la doctrine et par les
textes
constitutionnels.
La
doctrine
est
fluctuante.
Certains
auteurs
qualifient
d'intérim une situation qui
relève
en
réalité
de
la
suppléance
Ainsi
que
le
souligne
le
Doyen
Auby,
"l'intérim
n'est
pas
dépourvu
d'ambigüité
et
se
voit
souvent
prendre comme un simple synonyme de suppléance"
(9).
Sur le plan des Lextes,
certaines constitutions utilisent la
notion d'intérim pour qualifier en réalité une
suppléance.
Il en
78
Cf.
Rivero
(J.),
L'intérim et la continuité;
"Le Monde"
Pétot
(J.),
L'intérim présidentiel; R.D.P.
1969,
pp.457-459.
N
M.AUBY
(J.M),
L'intérim; op.cit.,
p.869
Certalns
n'hésitent pas
à
tort à
ramener l'analyse du
Doyen
Auby sur
le terrain
exclusif du droit
administratif.
Togba
(Z.),
écrit à ce propos:
"Adoptant un point de vue administrativiste,
le
professeur J.M.Auby estime qu'il y'a suppléance et non intérim dès
lors
que
la
constitution
désigne
elle-même
le
remplaçant
de
l'autorité empêché".
Togba
(Z.),
L'intérim de
la
Prés idence
de
la
Répub l ique
en
Côte d'Ivoire;
op.ciL.,
note No 10,
p.209.
Sn fait le juriste de Bordeaux n'avait pas hésité à
critiquer
la rédaction de
certaines dispositions
constitutionnelles.
Il
en
est
ains i
par
exemple
de
l'article
41
de
la
const i tut ion
du
27
Octobre 1946.
Le Doyen Auby souligne à ce propos que
cet article
stipulait "à tort" que l'intérim du chef de l'Etat était confié au
Président de l'Assemblée Nationale,
alors qu'en réalité "le texte
constitutionnel
désignant
lui
même
le
remplaçant
de
l'autorité
empêchée établissait une suppléance".
Cf.
Auby
(J.M),
L'intérim; op.cit.,
p.87ü
On peut ajouter également que le Doyen Auby considérait comme
"disposition mal rédigée" celle stipulée à
l'article 21,
alinéa 4
de
la
constitution
de
1958.
Selon
cette disposition,
le
Premier
Ministre peut, à titre exceptionnel,
suppléer le Président pour la
présidence
d'un
Conseil
des
Ministres
en
vertu
d'une
délégation
expresse et pour un ordre du jour déterminé.
Le doyen Auby précise
qu'il "s'agit évidemment d'une délégation et non d'une suppléance".
Cf. Auby,
L'intérim; op.cit.,
p.868
On peut
dès
lors
considérer que
ramener
le point
de
vue
du
doyen Auby à une démarche exclusivement administrativiste, procède
plus d'un parti pris que d'une analyse rigoureuse de ces mécanismes
juridiques.

texte,
mais i l
semble qu'il
puisse
largement être mis
en
jeu sur
la base de règles non écrites"
(X3).
L'autorité respective des textes à l'origine de ces situations
est
une
autre
différence
majeure.
La
suppléance
est
organisée
généralement par une règle supérieure aux autorités impliquées dans
le processus
tandis
que
l'intérim peut être une manifestation de
la volonté de l'autoritè provisoirement empêchéeou de son supérieur
hiérachique.
En outre,
le suppléant est désigné in abstracto,
es qualité.
Inversement,
Sl
un texte peut déterminer de manière impersonnelle
l'intérimaire (N), cette détermination n'est pas absolue. En effet,
le chef de
l'Etat peut
discrétionnairement confier son
intérim à
une autorité désignée intuiti-personae.
Enfin
la
mise
en
oeuvre
de
ces
deux
mécanismes
montre
également
des
oppositions
significatives.
La
suppléance
se
caractérise par son automatisme. Elle intervient dès la réalisation
du fait-condition qui est à son origine
(~). En revanche, l'intérim
Cf.
Auby
(J.M),
L'intérim;
op.cit.,
p.874.
M
Cf. Auby
(J.M),
ibid,
p.874
R4
Il
en
est
ains i
par
exemple
du
décret
No
84-1165
du
10
Octobre
1984
organisant
l'intérim
du
Président
de
la
République
(JORS
No 5029 du 13 Octobre 1984.
p.667)
confiant
l'intérim du
chef de l'Etat au premier des mini S tres présents sur le territoire
du Sénégal dans
l'ordre du décret de nomination.
85
Le
recours
au
droit
positif
français
permet
en
lumière
l'automaticité
de
la
suppléance
qui
ne
dépend
pas
d'un
acte-
condition,
mais d'un simple fait-condition.
A la suite du décès le 2 Avril 1974 à 21 heures du président
Pompidou,
le
Conseil
Constitutionnel
dans
sa
séance
du
3
Avril
devait
constater
la
vacance
du
pouvoir.
Comme
le
font
remarquer
deux
constitutionnalistes
français,
"
il
s'agit
d'une
simple

pouvoirs
sont plus ou moins étendus malgré
la mission assignée à
l'institution:
la
continuité
du
pouvoir
présidentiel.
Ainsi,
l'analyse de l'aménagement de la suppléance passe par la prlse en
compte du statut et des pouvoirs
reconnus aux suppléants dans les
régimes africains.
A:
LE STATUT DU SUPPLEANT.
La
suppléance est
une
technique
juridique d'aménagement des
compétences
reconnues aux diverses
autorités.
En
tant que telle,
sa
mise
en
oeuvre
tient
compte
des
variables
et
paramètres
du
régime.
Elle
peut
ètre
aménagée
de
sorte
à
ne
pas
menacer
la
préeminence du chef sur le système,
ou à
réconforter le régime en
cas de disparition
inopinée de
son
représentant
suprême.
A cette
double préoccupation correspondent souvent deux philosophies de la
suppléance: la suppléance personnalisée et la suppléance collégia-
le.
La première traduit la préoccupation sécuritaire du régime en
faisant mettant en relief l'idée d'un second personnage du régime,
alors que la seconde traduit la préoccupation sécuritaire du chef
en place.
En effet,
ce dernier n'est pas inquiété par une person-
nalité qui pourrait contribuer à sa démythification dans la mesure
où sa présence pourrait véhiculer l'idée du chef remplaçable.
1:
LA SUPPLEANCE PERSONNALISEE.
Cette technique d'organisation de la continuité se caractérise
par le fait que la suppléance est confiée à
une autorité exerçant
personnellement les prérogatives présidentielles pendant la vacance
de
son
titulaire.
Cette rnodalité
est
plus
conforme à
l'exercice
unipersonnel du pouvoir. Elle traduit mieux l'idée de cohérence et

.1.Q3
France sous
la
IVè République.
Le chef de
l'Etat
étant
l'élu des
par lementa ires,
il
devena i t
a lors
norma l
que
le
parlement,
plus
particulièrement sa chambre élue, assume sa suppléance en attendant
l'élection d'un nouveau le chef d'Etat.
Conformément à cet esprit
d'organisation)
la
suppléance
est
confiée
au
président de
l'Assemblée qUl
est
le
second personnage de l'Etat.
Cette
forme
de
suppléance
Iut
reprise
dans
toutes
les
premières const i tut ions des Etats a f rica in s d' expres s ion française.
Toutefois,
elle allait connaître par la suite diverses fortunes en
raison du cecours constant au dauphinat constitutionnel. En dépit
de ces
parenthèses,
il faut
ceconnaître qu'elle est
la technique
privilégiée d'organisation de la succession. En effet,
elle est le
point de départ et d'arrivée de toutes les stratégies successorales
dans
les régimes africains.
2:
Une personnalité indéterminée.
Tout
en
instituant
un
système
de
suppléance
personnalisée,
certains constitutions ne déterminent pas à priori celui à qui sera
dévolue la mission de veiller à la continuité du pouvoir présiden-
tiel.
Cette personne peut être choisie,
en cas de vacance,
au sein
de
l'institution
parlementaire,
tout
comme
elle
peut
ne
pas
appartenir à
l'institution parlementaire.
Un tel ordonnancement du droit de la suppléance trouve souvent
son terrain de prédilection dans
les
régimes qui
sont
fondés sur
le principe de la collégialité dans l'exercice du pouvoir d'Etat.
Il
en
est
ainsi
de
la
constitution
de
la
République· Populaire
d'Angola.
Le pouvoir
suprême
angolais
est
investi
dans
le parti

Dans les régimes du commonwealth africain,
le pouvoir exécutif
est confié à un cabinet restreint composé du Chef de l'Etat,
d'un
ou de deux Vice-présidents et des ministres du cabinet.
La vice-présidence ne procède pas du bicéphalisme de l'exécu-
tif,
ce
dernier
étant
dévolu
au
seul
chef
de
l'Etat.
Le
Vice-
président
est nommé par le chef de l'Etat
parmi
les membres élus
ou nommés de l'Assemblèe natlonale (S~). Inversement, il est politi-
quement
responsable devant
l'autoritè qui
l'a nommé.
En fait,
le
Vice-président n'est qu'un assistant du chef de l'Etat qui peut lui
confier ou non la gestion d'un département ministériel. Sa fonction
manifeste est la prise en charge de la suppléance du chef de l'Etat
en cas
de vacance.
La vice-présidence est un
poste convoitè dans
la perspective de la succession du chef de l'Etat en ce sens qu'en
assumant
la
suppléance,
le
Vice-président
dispose
assez
de
res-
sources pour se faire élire.
C'est
ainsi
qu'au
Kenya,
le poste
de
vice-président
est
le
plus
convoité
après
celui
de
... chef
de
l'Etat.
L'amendement
constitutionnel
adopté
le
25 Juin 1968 par
l'Assemblée nationale
(W)
lui confie la suppléance du chef de l'Etat.
Ce n'est qu'en cas
de vacance ou d'empêchement du Vice-président,
qu'il revient à un
ministre du cabinet de veiller à la continuité du pouvoir présiden-
89
C'est
ainsi
qu' ~
la
suite
des
élections
législatives
de
1969,
l'ancien Vice-président et actuel chef de l'Etat du Botswana
Quett
Masire
avait
perdu
son
siège
au
Parlement.
En
vue
de
le
conserver au cabinet,
Sir Khama devait le nommer d'abord membre du
parlement avant de le reconduire ensuite à la vice-présidence.
W
L'amendement est devenu la section 6,paragraphe 2, a. de la
constitution

vacance
déclarée.
Toutefois
l'automatisme
n'est
pas
absolu
en
raison des
lois qui procèdent à
la dévolution de la couronne,
et
qu l
prèvoient,
entre
a ut res
conditions,
la
ma jor i té
du
pr ince
héritier.
Des palliatifs ont été prévus en cas de minorité de ce
dernier pour garantir
la
continuité
du
pouvoir en attendant
son
accession à
la majorité légale.
Un Conseil de régence est mis en
place pour gèrer le pouvoir royal durant
la minorité du souverain
désigné.
Ce conseil de régence est souvent composé des membres de
la famille royale auxquels peuvent être adjoints des représentants
des organes constitués.
Dans le droit positif africain,
le conseil de régence dans sa
dimension organisationnelle n'existe qu'au Maroc.
La constitution
de
1972
(93)
a
prévu
un
conseil de
régence en
cas de minorité du
prince héritier. L'article 21 de la constitution marocaine stipule
"Le Roi est mineur jusqu'à dix-huit ans accomplis". Si le souverain
règnant décède ou abdique alors que
le prince héritier est encore
mineur,
"un conseil de régence exerce
les pouvoirs et
les droits
constitutionnels
de
la
couronne".
Une
fois
la
majorité
légale
atteinte,
le conseil de régence ne dispara~t pas pour autant.
Au
contraire,
il
se transforme
en organe
consultatif
auprès
du
Roi
jusqu'au
jour

ce
dernier
atteindra
l'âge
de
vingt-deux
ans
révolus.
Ce conseil de régence,
est "présidé par le parent mâle du roi
le plus proche dans la ligne collatérale mâle et ayant vingt-et-un
~ Voir le texte de la constitution, in Rousseau,
Le Royaume
du Maroc;
Paris,
Berger-Levrault,
1978,
pp.91-99.

succession du chef de l'Etat.
L'article 7 de la loi constitution-
nelle française du 25 Février 1875 confiait la suppléance du chef
de l'Etat au cabinet "investi du pouvoir exécutif".
Seulement,
dans
le
contexte
des
régimes
africains,
cette
philosophie de la succession collégiale procède du souci d'écraser
toute
vélléité déstabilisatrice
en
verrouillant
le
régime
contre
les
tentatives
d'usurpation
du
pouvolr
durant
la
vacance.
La
succes 3 ion du
chef
de
l ' Eta t
ne
se pos ant
pas
de
son vivant,
il
revient à l'élite gouvernante de s'entendre,
après son départ,
sur
le
choix
de
celui
qui
est
appelé
à
incarner
la
continuité
du
pouvoir présidentiel. D'autre part,
l'objectif recherché à travers
cette technique d'aménagement de
la
suppléance est
la protection
des
intérêts
du
parti
institutlonnalisé
qUl' est
rigoureusement
as socié au processus s ucces sora l
(Ys).
Il en fut ainsi du Gabon où l'article 10 de la loi No.1/75 du
15 Avril 1975 portant révision et rénovation de la constitution de
1975 réorganisait la vacance des fonctions présidentielles
(w). La
constitution
modifiée
avait
mis
en
place
un
collège
composé
du
Premier
ministre,
du
président
de
l'Assemblée
nationale,
d'un
~ En l'état actuel du fonctionnement des régimes africains,
on peut considérer cette technique comme circonstancielle. Elle est
incompatible avec l'ouverture multipartisane qui exclut l'associa-
tion d'un parti déterminé à
la mise en oeuvre des institutions de
l'Etat.
99
Cet te
loi
supprimait
l' inst i tut ion
du
Vice-prés ident
du
gouvernement et mettait à sa place un Premier ministre assisté d'un
Vice-Premier ministre. Elle élargissait en outre l'intervention du
Bureau Politique du PDG dans l'exercice de certaines fonctions.
Cf. Ndong (Obiang),
Le Parti Démocratique gabonais et l'Etat;
op.cit.,
p.148.

membre du Bureau Politique du Parti Démocratique Gabonais élu par
le
dit
Bureau
parmi
ses
membres,
et.
du
Ministre
chargé
de
la
défense
nationale.
Ce
collège
était
automatiquement
investi
des
prérogatives présidentielles en cas de vacance du pouvoir présiden-
tiel.
Il prenait les décisions à
la majorité
des trois quarts
de
ses membres. Si le P.O.G. était logé à la mème enselgne que l'Etat,
i l n'en restait pas moins
que le parti bénéficiait de la réforme
constitutionnelle de 1975.
Le constituant
faisait du parti unique
un censeur du processus successoral.
La suppléance collégiale se retrouve également au Mozambique.
L'article 50 de la constitution du 20 Juin 1975 donnait au 'comité
central
du
FRELIMO
le
pouvoir
d'exercer
"immédiatement"
les
pouvoirs du chef de l'Etat en cas de mort,
démission ou incapacité
permanente du titulaire de la charge présidentielle. La suppléance
est
ass.urée
en attendant
que
le
comité
central
désigne
"dans
le
.plus bref delai possible
le nouveau Président
de
la République".
De
même,
au
Togo,
le
bureau
politique
du
R.P.T.
(100)
était
chargé d'exercer provisoirement la fonction présidentielle
(101)
en
attendant
qu'il
convoque
un
congrès
du
parti
unique
dans
les
quarante
jours qui suivent l'ouverture de la vacance.
Cette même technique se retrouvait au zaire,
où la suppléance
es t
'
assuree par l e b ureau pol'l t .lque d u M P
. . R .
(102).
Tout.efol' s,
la
100
Le Rassemblement du Peuple Togolais
101
Article 13 de la constitution de 1979
102
"
Le Mouvement Populalre pour la Revolution

conditions
qui
lui
permettent
d'exercer
en
toute
quiétude
la
continuité
du
pouvoir
présidentiel
affecté
par
la
disparition
prématurée de son titulaire. La meilleure solution à la lumière des
pratiques
successorales
est
alors
de
faire
en
sorte
que
le
suppléant exerce un arbitrage dans le combat opposant les préten-
dants. En effet,
l'arbitrage ne peut être objectif si l'arbitre est
engagé
dans
le
jeu.
Ainsi,
le
suppléant
ne
peut
que
veiller
difficilement à la continuité de l'Etat s ' i l est impliqué lui-même
dans la guerre successorale.
Certains
constituants
africains
ont
eu
recours
à
cette
stratégie
d'aménagement
de
la
suppléance.
L'article
84
de
la
constitution
égyptienne
du
Il
Septembre
1971
avait
procédé
à
la
modification des règles relatives à
la suppléance. Celle-ci passe
passe du Vice-président au président de l'Assemblée du Peuple.
En
outre,
il est
interdit au suppléant,
et au
suppléant
éventuel du
suppléant titulaire
(IW),
de se présenter à la succession présiden-
Si la constitution égyptienne fut la première à
institution-
naliser la
suppléance arbitrale,
le mécanisme devait
fonctionner
pour la première fois en Afrique en 1979,
lors de la succession de
!W
Le Président de la Haute Cour Constitutionnelle.
I~ Cette règle avait été mise en oeuvre après l'assassinat de
Sadat
le
6
Octobre
1981.
La
suppléance
était
revenue
à
M.Soufi
.~outaleb, Président de l'Assemblée du peuple,
alors que le parti
dominant déclenchait le processus de désignation du successeur avec
le choix de M.Bosni Moubarak qui fut
confirmé par l'Assemblée du
Peuple le 7 Octobre en conformité avec l'article 76 de la constitu-
tion.
La candidature ainsi proposée fut ratifiée par le référendum
du 13 Octobre 1981 à une majorité écrasante.

Cette
expérience
avait
certainement
inspiré
le
constituant
camerounais
de
1984
qui
transfère
au
président
de
l'Assemblée
na t ionale la suppléance du chef de l ' Eta t
(108).
Seulement, l'alinéa
5 de la nouvelle version de l'article 7 lui
interdisant formelle-
ment d'être" candidat aux élections organisées pour la Présidence
de
la
République".
Le
président
de
l'Assemblée
nationale
est
désormais confiné au rôle d'arbitre des prétendants à la succession
présidentielle en cas de vacance dudit pouvoir.
II: LA SUPPLEANCE ENGAGEE.
La suppléance engagée peut être définie
comme une technique
d'organisation
juridique de
la
continuité du
pouvoir don~ant la
possibilité
au
suppléant d'être partie à
la
conquête
du pouvoir
présidentiel,
tout
en
veillant
en
même
temps
au
fonctionnement
normal
des_
institutions.
Cette
technique
est
la
plus
usitée
particulièrement
dans
les
démocraties
libérales

l'autorité
chargée de la suppléance bénéficie souvent d'un prestige incontesté
sur le régime.
En effet,
ce prestige est la conséquence de toute
l'autorité du Parlement dont le chef était souvent le suppléant du
chef de l'Etat.
Cette autorité était un atout appréciable dans la
perspective
de
sa
candidature
éventuelle
à
la
présidence
de
la
république.
La suppléance engagée fut reprise dans les constitutions des
Etats africains indépendants. Elle se présentait généralement comme
un
compromis
au
sein d'une élite gouvernante
non
encore unifiée
108
Article
7
de
la
loi
constitutionnelle
84-1
du
4 Février
1984.

arbitre et partie.
Le suppléant est
en effet chargé de veiller à
la
continuité de
l'Etat.
Il dispose
à
cet
égard de
prérogatives
constitutionnelles
fort
étendues
difficilement
conciliables avec
l'équilibre devant prévaloir entre les candidats à
la succession.
En
Afrique
les
suppléants
engagés
ont
dans
l'ensemble
bénéficié du processus de succession dans la mesure où ils avaient
tous été élus par la suite à la tête de l'exécutif.
En Egypte tout d'abord,
lors de
la
succession de Nasser,
il
revenait
au Vice-président
d'assumer
la
suppléance
en
attendant
l'élection d'un nouveau chef d'Etat.
Anouar El Sadat,
nommé Vice-
président un an avant la disparition du Raïs,
profita de l'incer-
titude
résultant
de; la
situation
de
guerre,
et
des
conflits
internes aux héritiers de Nasser pour se faire élire à la tête de
l'Etat.
Considéré
comme
un
président
de
transition,
il
déjoua
toutes les prévisions pour dominer le régime égyptien qu'il allait,
par la suite,
profondément transformer.
On retrouve cette même situation au Kenya après la disparition
le 22 Aout 1978 de Kenyatta.
Le Vice-président Moi prêta immédia-
tement
serment
devant
le
Président
de
la
Cour
Suprême
(Chief
Justice)
une fois la mort de Kenyatta officiellement annoncée.
Il
fut
investi
dans
ses
fonctions
de
suppléant,
conformément
à
la
section
6
de
la
constitution
(Ill).
L'exercice
provisoire
de
la
111
A l'issue
de
la
réunion
du
Cabinet,
l'Attorney
General
Charles
Njonjo
déclara
que
Moi
a
été
investi
président
de
la
République alors que,
sur le plan constitutionnel,
i l n'assumait
que la suppléance du chef disparu.
Toutefois,
la déclaration de Njonjo engage tous
les membres
du cabinet,
particulièrement les membres
de
la " Famille" qui ne
pouvaient se dissocier des autres en raison de la collégialité du

du moment
ou'
le
B.D. P . ("2)
con t r o~ l
.
al t
l
o .
a
maJorl t 'e
par l emen t '
alre,
la succession devenait alors un privilège de l'oligarchie du parti
contrôlant les rouages de l'Etat. Ainsi après la mort de Sir Kama
en 1980,
le Vice-président, Quett Masire,
assumant la suppléance,
fut
conduit
sans
difficulté à
la tête de
l'Etat
par
l'Assemblée
nationale dominée par son propre parti.
Dans ces cas de succession engagée,
la forte personnalité du
suppléant a pu influer sur le processus de la succession. Etant le
second de fait du président de la République,
le suppléant devenait
une sorte d'héritier automatique. Connu des gouvernés et garant des
avantages des gouvernants,
il pouvait alors réconforter le régime
qu'il
a
d'ailleurs
contribué
à
façonner
avec
son
prédécesseur.
Ayant une mainmise sur l'appareil d'Etat, il bénéficie pratiquement
des institutions. successorales.
'".
PARAGRAPHE II:
LA LIMITATION DU SUPPLEANT.
La
suppléance
traduit
l'expression
du
pouvoir
institution-
nalisé,
c'est-à-dire la continuité d'un pouvoir permanent et qui
s'exerce selon des
règles anonymes,
impersonnelles,
s'imposant à
tous les composants du régime. La continuité ne peut dès lors être
affectée par la disparition prématurée de ses agents d'exercice.
C'est pour
ces
raisons
que les
constitutions
aménagent
des
périodes de transition au cours desquelles,
sans être atteinte par
la
vacance
physique
du
pouvoir
présidentiel,
la
continuité
du
pouvoir
est
réduite
à
sa
plus
simple
expression.
Le
suppléant
112
B.D.P.
(Botswana
Democratie
Party)
Parti
Démocratique
Bostwanais.

gestion
des
affaires
courantes
est
réduite
à
l'exécution
des
décisions
préalablement
arrêtées
par
le
cabinet
démissionnaire.
Elle
exclut
ainsi
la
détermination
d'une
politique
nationale
propre.
La suppléance se distingue toutefois de la situation résultant
de la démission d'un cabinet ministériel. La gestion courante dans
le cadre de
la
suppléance
exclut
certes
la mise
en
place
d'une
politique personnelle dans
l'intervalle de la vacance.
Seulement
le suppléant peut mettre en oeuvre la plénitude des pouvoirs qui
lui sont reconnus par la constitution, et ces pouvoirs ne sont pas
insignifiants. En effet,
l'organisation de la suppléance dépend de
la volonté des
constituants qui,
en fonction de leurs préoccupa-
tions propres,
peuvent
réglementer dans
les détails
les pouvoi~s
Jiu
suppléant
ou,
inversement,
n'accorder
aucun
intérêt
à
cet te ,-
organisation.
Au
Sénégal,: la
détermination
des
pouvoirs
du
suppléant
ne
figurait
pas
dans
l'ordonnancement
constitutionnel
jusqu'à
la
réforme
de
1970.
La
constitution
du
29
Aout
1960
confiait
la
suppléance du chef de l'Etat au président du Conseil sans délimiter
les
contours
du
pouvoir
du
suppléant.
L'article
22,
alinéa
4
précisait simplement le caractère provisoire de la suppléance. Dans
cette même perspective,
l'article 34 de la constitution du 7 Mars
1963 faisait du président de l'Assemblée nationale le suppléant du
chef
de
l'Etat
dont
i l
devait
"assumer
ses
pouvoirs
jusqu'à
l'entrée en fonction d'un nouveau Président de la République".
La

de l'Etat mais ne procèdent à aucune détermination des pouvoirs du
suppléant
laissant
ainsi
la
porte
ouven::.e
à
toutes
les
inter-
prétations
possibles
sur
l'étendue et
les
limites
du
suppléant.
Est-il
autorisé
tout
ce
qui
n'est
pas
interdit,
ou
inversement
interdit
tout
ce
qui
n'a
pas
été
expressement
autorisé
par
la
constitution?
En fait
l'interrogation trouve
sa solution dans le
parti
unique
qui
monopolise
la
vie
politique;
les
institutions
constitutionnelles étant,
dans
ces conditions,
d'un
secours très
limité.
Actuellement la tendance est
à
la
réglementation rigoureuse
des pouvoirs du suppléant pour éviter toute situation confliétuelle
durant la période de transition. Ces pouvoirs,peuvent être exercés
personnellement ,fou:,avec le concours d'un organe constitutionnel.
Ainsi
dans;·l'a
mesure

i l
a
en
charge
la
continuité
du
pouvoir présidentdel,
le suppléant dispose de prérogatives à
lui
reconnues
par
la
constitution,
et
qui
sont
celles
du
Chef
de
l'Etat,
sous réserve néanmoins des domaines exclus du champ de la
suppléance.
En effet,
en dépit de
leurs
préoccupations intrinsè-
ques,
les régimes africains d'expression française ont emprunté au
régime
français
la
technique
de
limitation
les
pouvoirs
du
suppléant
(115).
Des re'strictions plus ou moins rigoureuses ont été
115
La
constitution
française
de
1958
détermine
positivement
les attributions du suppléant en enumérant
les prérogatives dont
la mise
en
oeuvre est
prohibée
durant
la
"période
qui
s'écoule
entre
la
déclaration du
caractère définitif
de
l'empêchement
du
Président
de
la
République
et
l'élection
de
son
successeur"
(article 7,in fine). Le suppléant peut, à contrario, exercer toutes
les compétences reconnues au chef de l'Etat à l'exception cependant
du pouvoir référendaire
(article 11),et du pouvoir de dissolution
de l'Assemblée nationale
(article 12).

l'alinéa 5 de l'article 7 de la loi 84-1 du 4 Février 1984 précise
qu'il
"ne peut ni modifier la constitution,
ni la composition du
gouvernement.
Il ne peut recourir au
référendum".
En clair,
dans
les rapports entre le suppléant et les membres du gouvernement,
le
constituant camerounais est explicite là où son homologue sénéga-
lais
observe
un
mutisme
total.
De
cette
comparaison,
on
peut
estimer que le suppléant camerounais est obligé de composer avec
le cabinet qui lui a été légué par le chef disparu, alors que face
au silence du texte suprême,
le suppléant sénégalais dispose d'une
marge de manoeuvre plus grande vis-à-vis des ministres nommés par
le chef disparu. Rien ne lui interdit en effet de se séparer d'un
minis,tre dont il ne souhaite pas la présence dans le cabinet.
Si dans les'régimes influencés par la France la tendance est
à l'exercice peLsonnel des compétences, dans les régimes africains
de tradition ianglaise les prérogatives du suppléant sont diverse-
ment~aménagées. Certains
régimes
reconnaissent
des
prérogatives
personnelles limitées au
suppléant alors
que d'autres
soumettent
l'exercice des pouvoirs importants à l'accord préalable du cabinet.
En
Sierra
Leone,
l'article
29
de
la
constitution
de
1978
relatif
à
la
suppléance
du
chef
de
l'Etat
prévoit
dans
son
paragraphe 3 que la personne désignée pour assumer la suppléance
(I1H)
ne peut faire usage des pouvoirs du président de la République
pour révoquer le Premier vice-président ou le Second Vice-président
118
Il s'agit du Premier Vice-président
(article 29,
1,
a),
ou
en cas d'empêchement de ce dernier,
du Second Vice-président ou de
tout autre ministre désigné par le cabinet
(article 29,
1,
b).

l'état d'urgence et l'état de siège ont été reconnus à
l'autorité
exécutive par la
jurisprudence qui contrôle par la même occasion
la régularité de sa mise en oeuvre
(lW). L'article 16 constitue par
contre
une
innovation
constitutionnelle.
Il
permet
au
chef
de
l'Etat de prendre en cas de crise grâve de prendre toute mesure,
législative ou administrative, visant au rétablissement de l'ordre
public ou au fonctionnement normal des institutions.
Ces pouvoirs ont été reconnus au chef de l'Etat en vue de la
sauvegarde même du
régime.
Il n'est pas alors surprenant de voir
ces pouvoirs de crise conférés au
suppléant en cas de vacance de
la présidence de la république. Le constituant français lui réserve
des
pouvoirs
fort
importants
et
à
la
limite
dangereux
dans
la
mesure où sa mise en application constitue un acte de gouvernement
insusceptible de
tout
contrôle
juridictionnel
(121).
Une
fois
ces
pouvoirs
mis ·en
oeuvre,
le
chef
de
l'Etat
exerce
une
véritable
dictature constitutionnelle du fait du monopole à son bénéfice des
pouvoirs législatif et exécutif. La reconnaissance au suppléant des
pouvoirs
exceptionnels
montre
que
le
constituant
a
entendu
lui
conférer tous
les moyens nécessaires pour faire face à une crise
intervenant suite à
la disparition du chef d'Etat en exercice.
120
C.E.
28
Juin
1918,
Heyriès;
Rec.651;
S.1922.3.49,
note
Hauriou; G.A.J.A.,
No.35,
p.136;
C.E.28 Février 1919, Dames Dol et Laurent; Rec.208; S.1918-
1919.3.33,
note
Hauriou;
R.0.P.1919.338,
note
Jèze;
G.A.J.A.,
No.37,
p.150.
121
C.E.
2
Mars
1962,
Rubin
de
Servens
et
autres;
Rec.143;
S.1962.147,
note
Bourdoncle;
0.1962.109,
chr.Morange;
R.O.P.
1962.288, note Berlia; R.O.P.
1962.294, concl.
Henry.

complexe en raison de
la faiblesse relative du controle
juridic-
tionnel
sur les pouvoirs de crise et surtout du manque d'emprise
de l'opinion sur les gouvernants en place.
B:
LA LIMITATION TEMPORELLE.
La suppléance par définition est temporaire.
Elle prend fin
une fois
le successeur désigné et
investi en conformité avec les
constitutions
ou
les
statuts
des
partis
dirigeants.
Durant
cet
intervalle
les
citoyens
sont
appelés
à
participer,
selon
des
modalités
variables,
à
la désignation
de
celui
qui est appelé à
prendre en charge le pouvoir présidentiel.
Les textes statutaires
procèdent
à
la détermination
de
la période au
cours de
laquelle
devront êt~e organiséé$ des élections pour le choix du successeur.
Cette période correspond à la limite dans le temps des pouvoirs du
sUPPléant.
En effet,
l'automaticitè de la suppléance apparaît non
seulement à travers le fait-condition justifiant sa mise en oeuvre,
mais également l'acte~condition correspondant à
l'investiture du
successeur.
Le pouvoir présidentiel cesse
d'être vacant une fois
investi un nouveau chef d'Etat.
Sur le plan de la stratégie successorale,
la prise en compte
du
delai
dans
lequel doit
intervenir
le
choix
du
successeur est
importante surtout dans la mesure où le suppléant peut être partie
à
la succession. En effet,
à partir du moment où le chef de l'Etat
exerce de plus en plus un pouvoir gouvernemental,
le delai devient
de
plus
en
plus
une
variable
importante
dans
le
choix
du
successeur. En effet, un delai très long peut lui permettre d'avoir
une prise sur l'appareil d'Etat et du parti. De fait, le successeur

Cette limitation de la suppléance à une période d'un mois se
retrouve aussi dans la constitution sierra-leonaise de 1978. L'ar-
ticle
23,
7,
b,
de
cette
constitution
stipule
en
effet
que
l'élection
d'un
nouveau
président
de
la
République
doit
être
organisée dans
le delai
d'un mois
suivant
la vacance
du pouvoir
présidentiel.
La
constitution
camerounaise
prévoit
également
un
delai
relativement raisonnable pour l'élection du successeur. C'est ainsi
que la période électorale en vue du choix du successeur est limitée
à 20
jours au moins et à 40 jours au plus,
après l'ouverture de la
vacance.
De manière générale,
la période de désignation du successeur
est
étalée
dans
des
delais
souvent
très
longs.
Au
Sénégal,
le
constituant_ du
1
Mai
1983,
reprenant
à
cet
effet
la
technique
successorale aménagée dans la constitution du 7 mars 1963,
impose
la désignation du successeur dans les soixante jours de la vacance.
Ce delai est inférieur à celui de quatre vingt dix jours prévu par
la Section 6, alinéa 1 de la constitution kenyane. Il est toutefois
supérieur
à
celui
prévu
à
l'article
117
de
la
constitution
algérienne du
19/11/1976 qui
prévoyait
une
durée maximale de
45
jours
au
cours
de
laquelle des
élections présidentielles
seront
organisées,
ou
de
l'article
56,
alinéa
3
de
la
constitution
congolaise du 8/7/1979 convoquant le congrès du p.e.T. dans les 40
jours suivant la vacance.
Cette réglementation de la période de la vacance appelle deux
observations.

chef,
mais
aussi
amener
les
acteurs
intéressés
à
éviter
toute
précipitation qui
serait de nature à
fausser
la régularité de la
succession.
En définitive,
la
limitation temporelle de
la suppléance ne
répond pas
à
des préoccupations exclusivement techniques
liées à
la volonté de faire respecter la régularité
juridique du choix du
successeur.
Elle permet au suppléant de disposer d'une période de
réflexion suffisante pour superviser les choix opérés par l'élite
gouvernante
dans
le
respect
des
équilibres
macro-politiques
du
, .
( 127) •
reglme
Le
processus
successoral
ne
s'arrête
pas
au
choix
du
s~ccesseur.~ll intègre la régularité de la transmission du pouvoir
au successeur.
127
Au
cours
de
la
suppléance
faisant
suite
au
décès
de
Boumédienne en 1979,
M.
Rabah Bitah
avait
attiré
l'attention de
l'oligarchie
dirigeante
sur
"la
complexité
de
toute
période
transitoire"
pour
faire
prévaloir
la
nécessaire
adhésion
des
dirigeants du régime algérien "à la légitimité constitutionnelle,
au respect de la Charte Nationale, à la continuité de la révolution
et à
la sauvegarde de ses acquis."
Rabah
Bitat;
cité
par
Hubert
Michel,
Algérie.
Chronique
politique;
in Annuaire de l'Afrique du Nord,
1979, p.356

484
et un autre qui est en voie d'entamer le sien,
pourrait soulever
des conflits de compétences. Elle pose le problème de la détermina-
tion de l'autorité qui,
juridiquement, engage la volonté de l'Etat.
Or
celle-ci
ne
peut
être
que
l'agent
qui
a
été
régulièrement
investi à cet effet
(2).
L'absence de règles constitutionnelles claires rationalisant
le
point
de
départ
du
mandat
présidentiel
peut
entraîner
des
distorsions préjudiciables au fonctionnement normal du régime
e).
En effet,
les
incertitudes ainsi
cultivées ne réconfortent point
un régime qui n'a pas encore
intégré le consensus dans son vécu.
Les
constituants africains pourraient
s'inspirer de l'exemple du
pragmatisme du constituant américain qui procède à une assignation
2
Togba
(Z.)
soutient au
contraire la thèse selon
laquelle,
"dès l"acte de candidature,
le Président est démissionnaire".
Cf.
Togba
(Z.),
L'article 11 de la constitution de 1960 dans
le système politique ivoirien; op.cit., p.170.
.
3
Au Sénégal ce
fut
la
jurisprudence qui devait
suppléer le
vide constitutionnel.
Le problème du point de l'expiration des compétences présiden-
tielles
s'était posé au
Sénégal
en
1988.
Alors
que
le
candidat-
président,
M.Abdou Diouf,
fixait au 3 Avril 1988 l'expiration de
son mandat de 5 ans,
son challenger,
M.
Abdoulaye Wade,
estimait
que le président en exercice perdait ses privilèges présidentiels
le
soir
des
élections.
Saisie
d'un
recours
électoral,
la
Cour
Suprême
fut
appelée
à
se
prononcer
sur
l'expiration
du
mandat
présidentiel. Appliquant la règle du delai franc,
le juge suprême
fixait au 4 Avril 1988 la date d'expiration du mandat du président
en exercice. Celui-ci est de 5 ans. Or M. Diouf avait été installé
le
3 Avril
1983.
Pour
le
juge
des
élections
présidentielles
et
législatives,
le
jour de l'installation et celui de l'expiration
ne sont pas pris dans le calcul du delai.
Sur ce problème,
voir notre communication:
"L'après-élection
présidentielle
aux
Etats-unis
et
au
Sénégal";
Colloque
sur
les
élections américaines,
Dakar,
U.S.l.S.,
1988, pp.181-190.

486
aménageant
le
processus
de
transmission
du
pouvoir
suite
à
la
disparition prématurée de son agent d'exercice.
Ces règles jouent
un rôle important dans les rapports politiques. Elles sont édictées
en vue de protéger les destinataires du pouvoir ou même le pouvoir
contre
ses
propres
agents
d'exercice.
La
portée
de
ces
règles
s'apprécie
par
rapport
à
la
légall té
des
actes
pris
par
les
autorités
régulièrement investis.
En effet,
la
force
obligatoire
qui s'attache à
ces actes dépend avant tout
de
l'accomplissement
des formalités d'investiture.
Les constituants accordent souvent une importance particulière
à
cette étape du
processus
de
transfert
du
pouvoir présidentiel
(~) . Le pouvoir présidentiel ne peut être mlS en oeuvre que si le
chef
choisi
fait
l'objet
d'une
intronisation
par
des
organes
expressement désignés à
cet effet.
L'intervention de ces organes
se manifeste par l'accomplissement de rituels qui marquent le point
de départ de l'exercice des pouvoirs présidentiels.
La détermina-
tion de la nature des organes qui interviennent dans le processus
d'installation
du
successeur
ainsi
que
le
régime
juridique
de
l'investiture s'avèrent indispensables pour mieux saisir l'impor-
tance
que
les
constituants
entendent
réserver
à
la
procédure
d'installation d'un chef d'Etat ou de son successeur.
6
Il en est ainsi par exemple de la constitution
sénégalaise
dont les articles 30 et 31 ont été consacrés
à
l'installation du
Président
de
la
République
dans
ses
nouvelles
fonctions;
de
l'article 79 de
la constitution égyptienne de
1971 qui impose au
chef de
l'Etat le rituel du serment, "avant de prendre possession
de ses fonctions".


488
mise
en
oeuvre pour installer un
chef d'Etat
dans
ses nouvelles
fonctions.
1:
LES JURIDICTIONS COMPETENTES.
La structuration des
juridictions africaines fait apparaître
un modèle assez largement répandu avec cependant des variantes. Ce
modèle général est l'institution d'une Cour Suprême et la variante
est
la
mise
en
place
d'une
cour
constitutionnelle
ayant
des
attributions
spécifiques.
Il
peut
être
fait
recours
à
ces
deux
formes
de
juridiction
pour
installer
un
chef
d'Etat
dans
ses
fonctions.
a:
L'installation par une Cour Suprême.
Dans
les
régimes
ayant
adopté
le
système
dec, l'unité
des
jur~dictions, la Cour Suprême se trouve placée au-dessus des cours:·
et
tribunaux.
En plus de ses prérogatives
judiciaires tradition-
nelles,
elle
se
voit
de'plus
en
plus
reconnaître
un pouvoir· de
régulation des'. rapports entre les pouvoirs publics , e t · surtout de
contrôle de la régularité de l'investiture des gouvernants.
Ces prérogatives
peuvent être exercées exclusivement par la
Cour Suprême
considérée comme un tout.
Cette solution est celle
qui
a
été adoptée par le Sénégal.
Elle
fut
celle
qui
était
en
vigueur
au
Congo sous
l'empire de
la
constitution du
8 Décembre
1963
e). Dans ces deux systèmes juridictionnels, la Cour Suprême
est
divisée en plusieurs sections.
Chaque section est compétente
7
Cf. Moderne (F.), L'évolution des juridictions constitution-
nelles; in "Les inst itutions const i tut ionnelles des Etats d'Afrique
francophone
et
de
la République Malgache"
(Sous
la direction de
Conac
(G.);
Paris,
Economica,
1979,
p.194.

490
rectement
par
le
biais
"d'une
Juridiction
professionnelle,
généralement
intégrée"
à
la
Cour
(10).
Il
s'agit
de
la
chambre
constitutionnelle qui
exerce
les
attributions
constitutionnelles
dévolues
à
la
Cour
Suprême
(II).
Il
revient
à
cette
chambre
de
connaitre
de
toutes
les
affaires
relatives
au
processus
de
dévolution
ou
de
transmission
du
pouvoir
présidentiel
de
la
constatation de la vacance à l'installation du nouveau chef d'Etat.
A
coté
d'une
Cour
Suprême,
certains
régimes
africains
introduisent
un
niveau
supplémentaire
dans
l'agencement
des
structures
juridictionnelles
avec
la
mise
en
place
un
modèle
inspiré du conseil constitutionnel français.
b: L'installation par une cour constitutionnelle.
S'~n~Brrogeant sur
l'évolution des
juridictions africaines,
un autenn, faisai L, remarquer que "rares sont les, .Etats
(africains)
qui
sec.' sont
inspirés
de
l'exemple
du
Conseil
Constitutionnel
>- ':; français et ont crée des organes à
caractère nettement politique"
(12).
La raison de cette lacune réside dans la politique d'unifica-
10
Cf. Moderne (F.), L'évolution des juridictions constitution-
nelles; op.cit.,
p.194.
Il
C'est
la
solution
adoptée
en Côte d'Ivoire.
la loi du 5
Août 1978 confère à la chambre constitutionnelle de la Cour Suprême
le pouvoir de veiller à la régularité juridiques des opérations de
constatation de la vacance.
12 Cf. Moderne
(F.), L'évolution des juridictions constitution-
nelles; op.cit.,
p.194.
L'auteur cite néanmoins les exemples du Conseil Supérieur des
Institutions de la République Malgache issu de la constitution du
19
Avril
1959
et
le
Conseil
Constitutionnel
de
la
République
Centrafricaine qui fut
supprimé en 1966.

492
dans les juridictions
(14).
Dans les régimes présidentiels africains l'observation montre
deux voies souvent suivies par les juridictions chargées d'instal-
1er le futur chef de l'Etat dans ses fonctions:
la notification et
le réquisitoire.
a:
La notification.
La notification est une démarche destinée à porter le contenu
d'une
décision
à
son
destinataire.
En
droit,
c'est
à
partir de
l'accomplissement de
cette
formalité
que
la
décision
est
censée
être opposable à ses destinataires.
Sur le plan du droit constitutionnel,
la notification est une
procédure très peu usitée. Elle n'intervient que très excepti"onnel-
leIJl~.nt, du fait des décisions qui,
prises pa,i' les autorités publi-
ques.i .. sont:
destiB$es
à
régir tout
un
corps> social. ·Pourtant,
la
nQ:t.+fication d'une décision de la volonté-populaire peut intervenir
s'agissant des
résultats d'une élection.
Certes l'élection prend
un caractère national dans la mesure où elle est une expression de
la
volonté
nationale.
Les
résultat s
de
l' élection
font
l'objet
d'une
publicité
par
les
organes
appropriés.
Pourtant
dans
les
régimes où la procédure électorale s'arrête à la proclamation des
résulats,
l'entrée
en
fonction
du
futur
chef
président
de
la
14 Aux
Etats-Unis par exemple,
le chef de l'Etat est installé
dans ses fonctions après sa prestation de serment. Seulement malgré
sa solennité,
il n'y a pas une modalité particulière de prestation
de serment qui a été prévue par un constituant pourtant particuliè-
rement méticuleux. La pratique montre que l'installation se réduit
simplement
à
une
formule
prononcée
par
le
Il
Chief
Justice
Il
et
reprise
par
le
nouveau
chef
de
l'Etat
en
présence
des
corps
constitués.

494
uQe manifestation des habitudes judiciaires. En effet,
en instal-
lant
un
chef d'Etat
dans
ses
fonctions,
l'organe compétent
agit
comme s ' i l siègeait en session juridictionnelle normale.
L'exemple de l'installation du président de la République au
Sénégal permet de mleux saisir la démarche judiciaire de la procé-
dure d'installation
du chef
de
l'Etat.
La
Cour
Suprême,
chargée
d'installer le chef de l'Etat dans ses nouvelles fonctions
(Art.31,
al.l),
siège dans ses sections réunies en présence des présidents
de sections, des conseillers,
des auditeurs,
du Procureur général
près
la
Cour
suprême,
du
Premier
Avocat
général,
des
Avocats
généraux et du greffier en chef.
Les auxiliaires de
justice sont
représentés par le Bâtonnier de l'ordre des avocats pour le barreau
al'nS].
que
par
le
président
de
l'association
des
Huissiers.
L'audience
eommence
avec
l'entrée
solennelle
de
la
Cour et
l ~!0Uverture
de
la
séance
par
son
président.
Sur
sa
demande,
le
greffier fait appel de l'affaire
inscrite au rôle"
Prestation de
serment et installation de M .. . dans ses fonctions de Président de
la République du Sénégal."
Le futur
chef de l'Etat est
introduit
devant
la
Cour.
Le
Prés ident
de
la
Cour
donne
la
parole
au
Procureur de la République qui procède à un véritable réquisitoire
demandant
à
ce qu'il
plaise
à
la Cour de recevoir le
serment du
président de la République,
de lui en donner acte et de l'installer
dans ses
fonctions.
Ensuite
la parole est donnée au Bâtonnier de
l'ordre
des
avocats
qui
fait
sa
plaidoirie.
Enfin
le
Premier
Président de
la Cour Suprême prend
la parole pour prononcer son
allocution.
Après son intervention,
i l
invite le nouveau chef de

496
Toutefois,
si les juridictions sont de plus en plus associées
à
la dévolution et au contrôle de l'exercice du pouvoir,
il reste
que ce dernier est l'apanage des organes politiques.
Ainsi,
dans
la plupart des
régimes africains,
i l
incombe essentiellement aux
organes politiques d'installer le nouveau chef de l'Etat dans ses
fonctions présidentielles.
B: LES ORGANES POLITIQUES.
Dans plusieurs régimes africains,
la mise e V1 oeuvre du pouvoir
est cantonnée dans les instances politiques et ceci au nom du sacro
saint
principe de
la
sépara~ion des
pouvoirs.
c'est
ainsi qu'il
revient aux organes
politiques
de
veiller à
la
régularité de
la
procédure de désignation et d'installation d'un chef-d'Etat.
Ces
, y
t,0·rganes
sont
nombreux
et
variés.
Ili'- peut
s'agir
de
l'Assemblée
t.~·nationale ou d'instances dirigeantes. du parti au pouvoir.
1: L'ASSEMBLEE NATIONALE.
Si le pouvoir exécutif des
régimes africains
émane de moins'
en moins des assemblées parlementaires,
celles-ci sont de plus en
plus
étroitement
associées
à
l'investiture
du
chef
à
travers
notamment
leur
érection
en
organes
d'installation
du
chef
de
l'Etat.
Toutefois
cette
compétence
peut
ne
pas
être
plenière
notamment
dans
les
cas où un organe peut être
appelé
à
assister
l'Assemblée dans l'exercice de ce pouvoir d'installation.
a: La compétence exclusive de l'Assemblée.
L/Assemblée nationale donne une réalité vivante à l/expression
de
la
volonté
nationale.
Sa
participation
à
la
dés ignation
des
membres
de
l/exécutif
est
traditionnelle.
Dans
les
régimes

498
fa i re
de
cet te
assemblée
l'organe
compétent
pour
introniser
le
nouveau titulaire de la fonction présidentielle.
Enfin la sollicitation de l'Assemblée nationale pour l'instal-
lation d'un
nouveau
chef d'Etat,
peut
être expresse.
La consti-
tution
congolaise
du
8
Décembre
1963
donnait
une
illustration
parfaite
de
cette
sollicitude.
L'article
26
stipulait
que
le
"
président de la République" prête serment devant l'Assemhlfe nationale
convoqu~~ spJicialement(x.cec effet". La convocation de l'assemblée des
représentants en vue de recueillir uniquement
le serment du chef
d'Etat
montre
l'importance
qu'accordaient
les
constituants
congolais de
1963 à
l'assemblée législative.
Au demeurant,
cette
importance n'était que la conséquence de la subordination du choix
du chef de l'Etat,
ou de son successeur,
à
la volonté des membres
de l'Assemblée nationale, des conseils préfectoraux, sous-préfecto-
raux et municipaux
(article 24).
Elu par un organe politique,
il
devenait normal
qu'un corps
de même
nature
intronise le chef de
l'Etat dans ses nouvelles fonctions.
b:
L'association d'un organe à
la compétence de l'Assemblée.
Certaines constitutions prévoient l'assistance d'une cour de
justice dans
la procédure d'installation du nouveau chef d'Etat.
Cette
situation
associant
un
autre
organe
à
la
compétence
de
l'Assemblée pourrait faire penser à un partage des compétences pour
installer le chef désigné.
Cette situation juridique, à vrai dire
exceptionnelle,
vise
simplement
à
mieux
garantir
la
régularité
constitutionnelle
de
l'opération
d'installation
du
nouveau
chef

500
a: Les organes partisans.
Dans
les
anciens
régimes
a f ro-marxi stes,
le
chef de
l'Etat
était avant tout l'élu du parti.
Il exerçait le pouvoir au nom et
pour
le
compte
du
part i,
et
en
conséquence
était
politiquement
responsable devant les instances dirigeantes du parti.
Cette logique est tellement évidente que certaines constitu-
tions ne prévoient même pas une procédure formelle d'installation
du chef de l'Etat désigné dans ses nouvelles fonctions.
Au Congo, depuis le tournant révolutionnaire de 1969 jusqu'au
tournant
démocratique
de
1990,
le
parti
congolais
du
travail
apparaisait
comm8
le
moteur,
l'impulseur
de
la
vie
politique
nationale.
Déterminant
les orientations nationales et habilité à
désigner le chef-de l'Etat,
le parti était également chargé,
sous
les régimes constitutionnels de 1969 et de 1973,
de l~investiture
du président de la république.
L'article 41 de la
constitution du
30 Décembre 1969 précisait clairement le préalable à l'exercice des
pouvoirs du chef de l'Etat. Celui-ci ne pouvait être installé dans
ses
fonctions
qu'après
avoir
prêté
serment
solennellement devant le
Comit! Central du Parti Congolais du Travail.
Le même
article
de
la
constitution
du
24
Juin
1973
devait
reconduire
la
formule
avec
une
précision
qui
n'apportait
aucune
modification quant à
la
nature de
l'organe d'investiture et
ce,
malgré une préci~n qui pourrait prêter à équivoque. En effet,
i l
était stipulé que le chef élu prête serment "solennellement, devant le

502
devenue inadapté au nouveau contexte multipartisan de ce pays
(\\8).
Ces révisions consacraient la participation du P.D.G. à l'exercice
du pouvoir d'Etat. L'article 13 de la constitution mettait en place
un corps où étaient représentées les différentes
institutions
du
pays pour garantir la continuité du pouvoir présidentiel en cas de
vacance et pour installer un nouveau chef d'Etat.
Présidé par le
" d
d
l '
bl'
.
l
l'
presl ent
e
Assem
ee natlona e, ce p enum ~.ta.it,
compose des
.
memores
du
Comite' Central du parti unique, de l'Assemblée nationale et de la Cour
Suprême. L'intervention de ce dernier organe n'ôtait en rien la
nature politique de
l'organe d'installation en
raison
surtout de
la place privilégiée qu'occupait le parti unique dans le processus
de dévolution et d'exercice du pouvoir présidentiel., Seulement si
l'ancien parti unique de droit ne pouvait pas orchestrer comme i l
l'entendait
le
processus
d'installation
du
chef
d'Etat,
i l
n'en
demeurait pas moins que la présence du comité central aux côtés des
autres organes constitués garantissait la persistance des vues du
parti dans tout
le processus de dévolution ou de transmission du
pouvoir présidentiel. Etant placé dans ses fonctions par un plénum
où était représenté le parti,
le successeur devait
s'engager par
la
même
occasion
devant
ce
dernier
à
pérenniser
les
idéaux
du
parti.
18
En effet le retour en 1990 au multipartisme doit se traduire
par la suppression de toutes
les dispositions
constitutionnelles
qui
associaient
le
Parti
Démocratique
gabonais
à
l'exercice
du
pouvoir
d'Etat.
Une
constitution
transitoire
avait
été
mise
en
place en
vue
de tenir
compte du pluralisme partisan.
Dans
cette
constitution toutes les références au PDG avaient été abrogées.

504 ,
dans
certains
régimes
contemporains,
ces
constitutions
prévoient
des
préalables
à
l'exercice
de
la
fonction
présidentielle.
Le
processus d'investiture obéit à des modalités particulières qu'il
convient de circonscrire avant d'analyser sa portée.
A:
LES MODALITES DE L'INVESTITURE.
Deux techniques sont à considérer relativement à la dévolution
ou a la transmission du pouvoir présidentiel:
-La proclamation officielle des résultats peut être considérée
comme une formalité substantielle dans la mesure où,
conformément
auz
dispositions
en
vigueur,
elle pourrait
suffire
à
elle- mê.me.
pour commander l'exercice de la fonction présidentielle.
-La"prestation
de
serment,
souvent
instituée
dans
certains
dispositifs
constitutionnels,
est une formalité
substantielle et
préalable qui s'ajoute à
la proclamation des résultats.
1:
LA PROCLAMATION-INVESTITURE.
Certaines
constitutions
limitent
le processus
de
dévolution
ou de transmission du pouvoir à
la proclamation des résultats des
élections présidenLielles par l'organe habilité à cet effet.
Une
telle
formalité
peut
trouver
ses
fondements
théoriques
dans la nature même du régime en cause ou dans
la philosophie des
rapports politiques qui prévalent au sein du régime.
Dans certains régimes où le pouvoir réel n'~st pas situé entre
les mains
d'un
chef omnipotent,
la formalité
de
l'investiture ne
présente qu'un
intérêt
relatif.
C'est notamment
la
situation qui
prévaut dans
les
régimes parlementaires
du
fait
du
statut effacé
du
chef
de
l'Etat
dans
la
disposition
des
pouvoirs
publics.
Le

506
tion officielle des résulats par la Cour Suprême qui est l'unique
préalable à l'exercice de la fonction présidentielle. Au demeurant
la constitution ivoirienne du 3 /11/ 1960 modifiée par la loi 63/1
du 11/1/1963 (w)
ne contient dans son titre II relatif au Président
de la République et au gouvernement que 3 articles
el)
réglementant
l'organisation du mandat du président de la République sur un total
de 19 articles montrant ainsi
la volonté du constituant ivoirien
de privilégier les prérogatives du chef de l'Etat sur le processus
de son élection et de sa vacance. La loi 60-359 du 7 Novembre 1960,
relative
à
l'élection
du
chef
de
l'Et.at
modifiée
réglemente
la
procédure
électorale
relative
à
l'élection
présidentielle
en
donnant des pouvoirs fort étendus à la Cour Suprême qui est chargée
de
la, régularité
des
opérations
électorales.' Son
Président
est
habili~é'à proclamer~es résultats (u). De la combinaison de ces
diverses' dispositions,
se dégage le constat qu'en Côte d'Ivoire,
~l'"
le
processus
de
désignation
du
chef
de
l'Etat
s'arrête
à
la
proclamation officielle des résultats des élections présidentielles
par
l'organe
habilitée
à
cet
effet.
Cette
formalité
est
suivie
w
Loi
60-356
du
3 Novembre
1960
portant Constitution
de
la
République de Côte d'Ivoire, modifiée par la loi 63-1 du 11 Janvier
1963.
Cf.
Blaise
(Jean-Bernard)
et
Mourgeon
(Jacques),
Lois
et
décrets de Côte d'Ivoire; Université d'Abidjan, Librairies Techni-
ques,
1970, pp 339~347.
21
L'art. 9 fixe la durée de son mandat à 5 ans et la rééligi-
bilité
du
chef
de
l'Etat;
l'art.
10
fixe
les
modalités
de
son
élection,
alors
que
l'art.
11
réglemente
la
succession
du
chef
d'Etat.
U
Art. 22,
al.3 de la loi 60-359 du 7 Novembre 1960.

508
mettait l'accent beaucoup plus sur les formalités qui entourent la
désignation du candidat et la régularité juridique du scrutin que
sur les formalités d'investiture. Cette lacune dans la réglementa-
tion était d'autant moins préoccupante dans
le
fonctionnement
du
régime togolais que les déviations éventuelles du chef d'Etat dési-
gné par rapport aux normes et valeurs du régime étaient théorique-
ment atténuées par la suprématie du parti sur les institutions, et
en conséquence sur le chef de l'Etat.
Dans
toutes
ces
situations,
l'inexistence
d'une
formalité
supplémentaire suivant la désignation mais précèdant l'investiture
n'altère en rien la dévolution du pouvoir présidentiel. Ce dernier
est transmis â son détenteur une fois
les formalités de sélection
effectuées·-.:-·' Cette
simplification
des
formalités
permet
de
faire
l'économiec-de procédures' alourdi s sant, sans en garantir l' effect i-
vité, le~'~onditions d'exercice du pouvoir présidentiel. Ainsi, les
: élections présidentielles ou la désignation partisane du détenteur
de l'exécutif constituent en elles-mêmes une procédure lourde dans
un
environnement
qui
requiert
l'efficacité
et
la
rapidité
des
décisions.
En fait,
des
supplétifs tirés de
la légitimité incon-
testée du chef élu ou réélu peuvent se revèler plus efficaces que
des mécanismes constitutionnels souvent inéffectifs ou irréceptifs.
II: LE SERMENT-INVESTITURE.
Le serment est un engagement solennel devant Dieu,
la Nation,

510
tions
africaines.
Son
insertion
dans
l'ordonnancement
juridique
reflète des influences historiques et contemporaines de l'organi-
sation du pouvoir dans les régimes africains.
Dans le temps,
le serment peut être considéré comme un apport
des régimes précoloniaux qui lui accordaient une place déterminante
dans
les
rapports
entre
gouvernants
gouvernés
relativement
à
l'exercice du pouvoir.
Le serment
dans
les
régimes contemporains
se présente à cet égard comme un retour aux valeurs traditionnelles
africaines.
Dans
les
royautés
et
chefferies
anté coloniales,
la
doctrine
considérait
qu'à
travers
la
prestation
de
serment
s'établissait un contrat d'allégeance des
gouvernés à
l'autorité
du chef nouvellement dés igné et,
inversement,
l'engagement
de ce_~;·
T~ idernier à respecter et protéger les valeurs de la société politi-
,--que.
Ainsi que le soutient
une partie de la doctrine,
le serment
";;',;. impérial était consacré par la
coutume constitutionnelle dans
la
plupart des royaumes pré-coloniaux
(~).
~
Le Doyen Fall
(1.)
écrit à ce propos:
"Le serment impérial
était consacré par la coutume constitutionnelle dans la plupart des
royaumes précoloniaux situés dans
l'espace
soudano-sahélien".
Il
donne les exemples du Cayor,
du Walo,
du Djoloff et du Baol.
Cf.
Fall
(1.),
Le
droit
constitutionnel
au
secours
de
l'authenticité et de la négritude:
Le serment du Président de la
République, Acculturation ou retour aux sources; Annal. Afr.
1973,
p.212.
De
même,
analysant
le
pouvoir
traditionnel
dans
l'aire
culturelle du Mali ou Manden,
Oumar Konaré devait mettre l'accent
sur l'impact du serment dans le processus d'intronisation du Mansa.
Il
revenait
au
chef
des
griots
ou "Jelikuntigi "de
définir
les
responsabilités
nouvelles
du
successeur
avant
de
lui
faire
lui
faire prêter serment
Cf.
Konaré
(Oumar),
La
notion
de
pouvoir
dans
l'Afrique
traditionnelle et l'aire culturelle manden en particulier;
in "Le
concept de pouvoir en Afrique";
Paris,
Les
presses de
l'UNESCO,
1981, pp 142-144.

512
même
qUl
devait
en
rédiger
la
formule
(-),
pour bien marquer
la
primauté qu'il entendait donner au droit sur la force.
Repris
dans
plusieurs
constitutions
africaines,
le
serment
soulève cependant quelques observations relatives à
la nature.
26
Selon le professeur Lavroff
(D. G.), membre de la commission
technique restreinte préparatoire de la Constitution. Cf. M.Lavroff
(D.G.),
La République du Sénégal;
Paris,
L.G.D.J.,pp.104-105.

514
Le critère de distinction entre le
serment
judiciaire et le
serment
politique
réside
essentiellement
dans
la
procédure
de
prestation du serment, ainsi que dans la nature de l'organe chargé
de son recueil. Le serment judiciaire s'oppose en effet au serment
politique
dans
la mesure

la
prestation
du
serment
effectuée
devant
une
juridiction
se
fait
en
conformité
avec
la
procédure
judiciaire et
se traduit par une décision
de
justice revêtue de
l'autorité
de
la
chose
jugée
(29).
Le
critérium
de
distinction
réside
dans
le
fait
que
les
autorités
chargées
du
recueil
du
serment judiciaire incarnent le droit dont elles sont investies de
la mission de protection contre les violations éventuelles émanant
de personnes physiques ou morales publiques ou privées . . , ; ; ,
En outre,
la nature judiciaire du serment peut résulter d'une
volonté non équivoque du constituant.
La préoccupation du consti-
tuant
sénégalais
de garantir
la
régularité
juridique du
serment
s'intègre dans cette~perspective. En effet
l'article 31,
al .. l
de
la
constitution
stipulait:
"Le
Président
de
la
République
est
installé
dans
ses
fonctions
après
avoir prêté
serment devant
la
Cour Suprême".
Or l'ordonnance 60-17 du 3 septembre 1960 portant
loi organique sur la Cour Suprême précisait dans son art.36 al.l
que
les
séances
de
la Cour
suprême
statuant
en matière
consti-
tutionnelle ne sont pas publiques.
La prestation de serment entre
dans le champ d'application de cette disposition.
En conséquence,
~ Sur ce point, voir supra, pP. 493-496

516
qu'après
avoir respecté toutes les
formalités
de transfert de ce
pouvoir.
B:
LA PORTEE DES FORMALITES D'INVESTITURE.
L'accomplissement
des
formalités
d'installation
consacre
l'intronisation de l'élu dans ses nouvelles fonctions.
Il y'a ainsi
une rupture entre le statut de président élu et celui de président
en
exercice,
les
deux
statuts ne
coïncidant pas
toujours.
L'élu
bénéficie d'une
légitimité populaire,
partisane,
ou
institution-
nelle, mais devra être investi constitutionnellement pour jouir de
la légitimité légale et rationnelle résultant des normes consacrées
juridiquement
par
la
société
politique.
L'accomplissement
des
formalités
d'installation
du
chef
de
l'Etat
(proclamation
ou
serment)
détermine
le point
de départ de
l'exercice des pouvoirs
dB chef de l'Etat.
La proclamation officielle des résultats ou la
'p.restation de serment apparaissent en conséquence comme étant une
formalité préalable et
substantielle à
l'exercice de
la fonction
présidentielle.
1: UNE FORMALITE PREALABLE.
L'investiture est une formôlité préalable à la prise en charge
du
pouvoir
présidentiel
car
l'acquisition
du
statut
de
chef de
l'Etat passe l'installation officielle de la personne désignée pour
incarner le pouvoir présidentiel.
Inversement,
la non investiture
s'oppose
à
l'exercice
des
pouvoirs
qui
sont
reconnus
par
les
textes. Ainsi que le soutient le Doyen Fall " . . . aussi longtemps que
le
Président
élu
n'aura
pas
prêté
serment,
i l
ne
saurait
être
réputé installé dans
ses fonctions,
et ne saurait en conséquence

518
fonctions
après
avoir prêté serment ... "
(article
31) .
Pouvait-on
en déduire que le serment n'était une formalité préalable que pour
le président de la République élu ou réélu et non pour le Premier
ministre qui est arrivé à
la magistrature suprême suite au décès,
à la démission ou à l'empêchement définitif du Chef de l'Etat?
Cette
interrogation
est
en
réalité
injustifiée
pour
des
raisons
pratiques
et
théoriques.
La
pratique
a
infirmé
cette
remarque car le successeur du Président Senghor avait prêté serment
devant
la
Cour
Suprême
avant
d'être
investi
dans
sa
fonction
présidentielle.
Sur
le
plan
de
l'interprétation
éxégétique
des
dispositions de la constitution, le Premier ministre devient certes
président"de la République une fois
les conditions de
la vacance
sont
réalisées,
mais
i l ne peut être installé dans
ses
fonctions
de prés~dent de la République qu'après avoir accompli
les
forma-
lités du serment.
Ains i
le
chef
dés igné
ne
peut
être
un
chef
léga l
qu'après
avoir été
régulièrement
installé dans
ses
fonctions
conformément
aux règles d'investiture. En conséquence tous les actes qu'il peut
prendre
sans
avoir
été
investi
sont
irréguliers.
En
effet,
l'installation est une formalité qui présente en plus un caractère
substantiel.
II:
UNE FORMALITE SUBSTANTIELLE.
L'installation du chef de l'Etat dans ses fonctions après la
proclamation-investiture ou le serment-investiture marque juridi-
quement
le point de départ de l'exercice des
fonctions
présiden-
tielles.
Il s'agit là d'une formalité substantielle,
"c'est-à-dire

520
premiers actes pris par les chefs de l'Etat, nouvellement installés
sont
relatifs
à
la
nomination
des
membres
du
nouveau
cabinet
ministériel.
Le
choix
des
collaborateurs
intervient
bien
avant
l'investiture mais le décret de nomination n'est opposable qu'après
la prestation de serment.
Au Sénégal l'article 35 de la constitu-
tion,
dans sa rédaction de 1976 stipulait que le Premier ministre
devenu président de la République devait nommer un nouveau Premier
ministre.
Ici
également,
la
nomination
ne
peut
avoir
une
base
légale qu'après
l'investiture "du dauphin couronné".
Le
respect
des
formalités
de
l'installation
permet
de
légitimer
formellement
les
actes du chef de
l'Etat
en
fonction.
Ces formalités peuvent être analysées comme des garanties destinées
à'protéger le titulaire de
la
fonction contre
les abus éventuels
pouvant résulter d'un pouvoir qui "rend fou".
En fait,
l'hypertro-
-,
phie des pouvoirs du chef d'Etat 3.fricain rédui.t considérablement
la portée de ces gardes-fous. Toutefois, ces formalités remplissent
une
fonction
latente.
Elles
instituent
en
effet
des
obligations
réciproques entre le successeur et le régime. Le premier est chargé
de garantir la perennité du second. Dans le cadre de la succession
présidentielle des régimes d'essence néo-patrimoniale, i l s' instau-
re
entre
le
successeur
et
le
régime
un
contrat
de
gouvernement
faisant naître des obligations constitutionnelles et politiques à
la charge du successeur à qui est dévolue la charge présidentielle.
Ainsi,
une fois
la succession opérée selon
les règles du régime,
se
pose
alors
la
question
de
son
statut.
En
tant
que
chef
de
l'Etat,
i l
assume
la
totalité
des
pouvoirs
présidentiels.
Mais

522
Ces
réglementations portent
sur la détermination des
compétences
temporelles et matérielles du nouveau chef d'Etat.
PARAGRAPHE 1: LA COMPETENCE RATIONE TEMPüRIS.
Les
motivations
profondes
des
constituants
africains
con-
frontés à
la problématique successorale s'articulent autour de la
garantie impérieuse de la simultanéité des mandats présidentiel et
parlementaire.
En
d'autres
termes,
i l
s'agit
de
cantonner
la
succession dans un cycle électoral préalablement déterminé par le
constituant
afin d'assurer
la concordance des
mandats du chef de
l'Etat et des députés. La technique successorale adéquate consiste
alors
à
charger
le
successeur de
terminer un
mandat
déjà
entamé
pour
que
la-,cadence
électorale
ne
soit
pas
affectée
par
la
succession des gouvernants. Le fonctionnement harmonieux du régi~e
,:est ainsi assuré dans la mesure où la succession apparaît comme un
simple
accident,
insti,t1;1tionnellement
surmonté,
ne
portant
pas
atteinte
à
la"
faculté
reconnue
au
peuple,
le
moment
venu,
de
choisir
en
même
temps
le
chef
de
l'Etat
ainsi
que
sa
majorité
parlementaire.
Cette recherche de la concordance peut néanmoins entraîner des
effets
pervers.
En
effet,
appelé
à
terminer
un
mandat
qUl,
au
départ, n'était pas le sien,
le successeur peut accèder au pouvoir
présidentiel à un moment où i l n'aura pas assez de temps pour se
préparer et guider son parti à la victoire électorale. Ces effets
pervers expliquent
l'éclectisme de
la réglementation relative au
mandat qui peut être divisible ou indivisible.

524
mandat
du
successeur
obéit
à
une
logique
institutionnelle.
Toutefois dans les régimes africains,
les préoccupations stratégi-
ques prennent le dessus sur la logique institutionnelle.
a:
La logique du mandat divisible.
Les
architectes
de
la
constitution
de
Philadelphie étaient
plus préoccupés des impératifs de stabilité ou d'efficacité que de
ceux de cohérence ou de rationalité des
règles du nouveau régime
institué.
Ils devaient,
pour ces
raisons,
inventer la " fonction
la
plus
insignifiante
que
l' homme
ait
pu
imaginer"
(selon
John
Adams)
pour
confier
au
titulaire
de
cette
fonction
l Cl. mission
vitale de sauvegarde de la continuité du pouvoir exécutif dans le
cadre
de
la
cadence
électorale
organisée
par
la
constitution
relativement aux élections présidentielles. Celles-ci se déroulent
régulièrement tous les quatre ans et ne sauraient être anticipées.
Un mandat de quatre ans est accordé au prés ident de la,_ République.
Toutefois,
la
nécessité
d'assurer
une
continuité
du _pouvoir
exécutif se traduit par la succession automatique du chef de l'Etat
par son Vice-président. Cette succession pérennise un mandat déjà
dévolu qui ne peut alors être prématurément interrompu.
La dispa-
rition avant terme du chef de l'Etat n'a aucune incidence sur la
durée du mandat présidentiel dont le Vice-président est le garant
de la continuité. Par rapport à la limitation du mandat présiden-
tiel à deux termes,
les pères-fondateurs prévoient des palliatifs
au renouvellement du mandat du dauphin devenu chef de l'Etat.
En
effet, si le dauphin accède au pouvoir suprême dans les deux années
qui suivent l'accession de son prédécesseur au pouvoir,
il ne peut

526
b:
Les préoccupations stratégiques du mandat divisible.
Les
régimes
qui
avaient
emprunté
la
technique
successorale
américaine avaient également circonscrit dans le temps la durée du
mandat du
successeur.
Celui-ci,
à
l'instar du Vice-président des
Etats-Unis,
est appelé à
terminer le mandat de
son prédécesseur.
Les constitutions du Sénégal dans sa version de 1976
(Art.35),
du
Cameroun
de
1979
à
1984
(art. 7),
de
la
Tunisie
de
1969
à
1989
(art.57),
du Gabon dans sa version de 1967
(art.9),
et de la Côte
d'Ivoire de 1980 à 1985 et réintroduit en 1990
(art.11),
prévoient
l'obligation
pour
le
dauphin
constitutionnel
d'achever
la
durée
qui reste à
courir du mandat du prédécesseur.
,"
Ainsi,
la
rédaction de
l'ancien
art.
35
de
la
constitution
sénégalaise
chargeant
le
dauphin
constitutionnel
-d'exercer
le
pouvoir
présidentiel
'~ jusqu'à
l'expiration
du
mandat
en
cours",
s'inscrivaiDdans la logique qui fut celle de l'article 9 de la loi
gabonaise du
17 février
1967
limitant le mandat du successeur "à
la date où aurait normalement pris fin
le mandat du Président de
la République".
Les
rédactions successives de
l'article 11 de la
constitution ivoirienne de 1960 en 1975, 1980 et 1990, ne faisaient
pas exception à la règle de la terminaison du mandat du prédéces-
seur par son successeur. Toutefois la durée du mandat du successeur
du Président Bourguiba n'était pas déterminée en raison du statut
de Président à vie
(H)
qui avait été reconnu au chef-fondateur du
H
L'article 39 de la constitution tunisienne modifiée par la
loi
constitutionnelle
No.76-37
du
8
Avril
1976
apportait
une
dérogation
expresse
au
quinquénat présidentiel.
Il
stipulait
en
effet:
"
A
titre
exceptionnel
et
en
considération
des
services

528
dirigeante. La survie de celle-ci dépend de celle du régime et plus
particulièrement du
parti qui contrôle les
rouages
de l'appareil
d'Etat. En déterminant le moment précis où il accepte de se retirer
du pouvoir,
le prédécesseur met son successeur dans une situation
favorable.
Ce
dernier
pourra
alors
renforcer
son
emprise
sur
l'appareil d'Etat et placer son parti dans une situation privilé-
giée dans les perspectives électorales à venir
es).
En
définitive,
aux
Etats-Unis
le
moment
de
la
succession
échappe
souvent
à
la
volonté
du
président
de
la
République
en
exercice. Ainsi,
le successeur peut être investi d'un mandat plus
ou moins
long.
Dans
les
régimes
"néo-patrimoniaux"
africains,
la
durée du mandat
est
strictement calculee de
sorte
à
permettre
à
l'institution successorale de remplir convenablement la mission qui
lui a été assignée parle constituant. Cette technique du régime
présidentiel
devait cêt1re
rapidement
acclimatée
par
des
régimes
africains s~~nspirant d'une autre philosophie du pouvoir.
II:
L'ACCLIMATATION DU MANDAT DIVISIBLE.
La technique qui consiste à confier à un successeur la mission
d'achever un mandat déjà entamé n'est pas une règle exclusive du
régime présidentiel. En effet, une constitution ou les statuts d'un
38
Ainsi que l'écrivait fort justement le Recteur Seydou Madani
Sy,
il
faudra
"
un
vaste
mouvement
d'opinion
pour
menacer
la
position du
parti
au pouvoir mené par l'ancien
Premier ministre
devenu Président de la République". Il devait ajouter: "De ce point
de vue,
la réforme constitutionnelle est tout à
fait
favorable au
parti socialiste qui tient les commandes de l'Etat."
Cf.
Sy
(S.M),
La
démocratie multipartisane au
Sénégal
à
la
lumière de la révision constitutionnelle de 1976; Annal. Africaines
1976, p.14.

530
fondement
n'est
pas
le
même.
En
effet,
dans
ces
régimes,
un
présidentialisme de type nouveau est né des cendres du "modèle de
Westminster".
Ce
présidentialisme
intègre des
valeurs
du
régime
parlementaire avec,
entre autres,
le maintien de la compatibilité
des
fonctions
gouvernementales
et
parlementaires
et
surtout,
la
conception
d'un
chef
d'Etat
qui
est
avant
tout
un
député.
En
conséquence,
ces
régimes
reposent
sur la coincidence des mandats
du chef de l'Etat et des députés.
Le chef de l'Etat est élu pour
un mandat dont la durée correspond à celle du mandat des députés.
En d'autres termes,
le chef de l'Etat est élu pour une législature.
Qu'il s'agisse des régimes de tradition française ou ceux de
tradition britannique,:~a coincidence obligée des mandats du chef
de l ':,EtGat et des députés se répercute sur l'aménagement du mandat
du successeur. ~elui-ci est élu pour achever un mandat qui finit
avec <}:a
législature.
Des
aménagements
peuvent
toutefois
être
apportés en vue de corriger les inconvénients résultant d'une telle
solution.
En effet des élections
rapprochées peuvent se traduire
par un lassement des électeurs et entraîner leur désaffection vis-
à-vis
des
gouvernants.
En
outre,
dans
les
régimes
instables
du
tiers monde,
des changements répétés à
la tête de l'Etat sont de
nature à instaurer des incertitudes au sommet de l'Etat.
Ainsi,
tout
en
maintenant
la
règle
de
la
concordance
des
mandats
du
chef
de
l'Etat
et
des
parlementaires,
certaines
constitutions prévoient une "prime de la chance" pour le successeur
désigné
au
cours
d'une
période
proche
de
l'expiration
de
la
législature.
Ains i
en
Côte d'Ivoire,
la
loi votée
le
12
Octobre

532
chie
dirigeante,
la
personne
appelée
à
prendre
en
charge
la
continuité
du
pouvoir
présidentiel.
Ce
successeur
est
souvent
chargé d'achever le mandat du prédécesseur. Cette règle trouve son
fondement dans
le statut même du
chef de l'Etat.
Celui-ci est en
général élu par le Congrès qui
est
l'organe souverain du
parti.
Seulement, le congrès ne se réunit que de manière épisodique et ses
réunions offrent l'opportunité de procéder à un renouvellement du
personnel au SOMnet de
l'appareil du parti et de
l'Etat.
Si donc
\\
une vacance intervient dans l'intervalle des rencontres du congteS1
le
successeur
peut
faire
l'objet
d'une
désignation
soit
par
un
congrès
extraordinaire
soit
par
un
organe
restreint
du
parti.
Quelles que soient les modalités à travers lesquelles il est
choisi,
le sueeesseur achève généralement un mandat qu~prend fin
avec la prochaine échéance du congrès du parti unique~·. L'~organe qui
a
la plénitude. des
compétences peut alors consolidero:. ou
remettre
en:cause la succession préalablement opérée
(~).
Cette organisation du mandat du successeur présente évidemment
l'avantage de garantir la cadence électorale normale du régime. En
faisant coïncider les élections présidentielles et législatives ou
bien le choix du chef de l'Etat avec les rencontres cycliques des
~ C'est ainsi que la succession de Samora Machel avait été
essentiellement orchestrée par le comité central du Frelimo.
Cet
organe
restreint
qui
exerce
les
prérogatives
du
congrès
dans
l'intervalle de ses rencontres,
devait,
en la personne de Joachim
Chissano,
choisir
un
homme
de
compromis
pour
faire
face
à
la
disparition prématurée du chef charismatique. Le successeur avait
placé
sa
politique
dans
la
perspective
d'achèvement
du
mandat
confié à son prédécesseur en attendant que le congrès
lui
confie
un mandat présidentiel personnel.

534
Une
tel
modèle
d'organisation
de
la
succession
trouve
sa
prédilection
dans
le
régime
de
la

République
et
fonde
le
qualificatif
de
"succession
à
la
française".
Toutefois,
par
la
force des circonstances cette technique d'aménagement du mandat du
successeur finit par être adoptée par certains régimes politiques
africains.
1:
LA LOGIQUE DU MANDAT INDIVISIBLE.
Le
choix
du
mandat
indivisible
trouvait
son
terrain
de
prédilect ion
dans
les
régimes

le
chef
de
l ' Etat
occupe
une
position secondaire par rapport aux autres organes constitués.
La
durée
de
son
mandat
pouvait
ne
pas
être
une
préoccupation
du
régime.
Sèulement à p~~tir du moment où le choix du chef de l'Etat
est
soustrait
de
la
volonté
des
parlementaires
pour
devenir
un
attribut" du peuple,
la durée du mandat présidentiel devient alors
une
variable
d'évaluation
des
engagements
électorauX du
chef
de
l'Etat.
Il convient alors d'instituer une durée identique pour le
chef d'Etat arrivé au pouvoir à la suite de la vacance du pouvoir
présidentiel.
Le
mandat
indivisible
est
une
donnée
constitutionnelle
du
régime politique français qui fait de l'élection du chef de l'Etat
est
une
affaire
personnelle
et
non
partisane.
En
effet,
les
,,
candidatures
sont
individuelles
et
le
candidat
est
élu
intuiti
personae~à travers le scrutin uninominal. Il en résulte alors un
caractère personnel du mandat dévolu au chef de l'Etat.
Ce mandat
de 7 ans,
accordé au chef de l'Etat,
est en outre indivisible.
Il
est
exercé
par
son
titulaire
pour
une
durée
qui
ne
peut
être

536
faciliter
l'exercice
de
son
mandat.
Une
telle
conception
se
concilie difficilement avec l'idée du mandat indivisible,
même si
celui-ci reste toujours personnel.
Toutefois,
une
tendance nouvelle se dégage en
faveur
de
la
dissociation des élections présidentielles et législatives. Ainsi,
le constituant égyptien de 1971 adopte une philosophie du mandat
présidentiel relativement proche du modèle français,
tout au moins
en
ce
qui
concerne
la
dissociation
des
mandats.
Conformément
à
l'article 77 de
la constitution du 11 Septembre 1971,
le chef de
l'Etat est élu pour une durée de 6 ans, alors que l'article 92 fixe
à
5 ans
le mandat des
députés
dont
le delai
commence à
courir à
compter de
la date de
la première
réunion des
députés.
Ainsi
la
,
.coincidence des élections présidentielles et législatives ne peut
(~,_-:.,;Tésulter que, d'un accident de parcours dans la mesure_ où elle n'est
.(.?,L,~,'pas la résultante de la volonté délibérée du constituant. En cas
de succession,comme ce fut le cas en 1981, le successeur est appelé~'
à exercer un mandat personnel,
indivisible et indépendant de celui
des parlementaires.
En
conséquence,
le successeur n'est
pas
lié
personnellement par la politique de son prédécesseur même s ' i l doit
souvent son statut de dauphin politique à son prédécesseur qui l'a
placé dans cette position favorable à son accession à la présidence
de la République.
De même,
le constituant sénégalais de 1983 devait adhérer à
la théorie du mandat indivisible. Désormais, en cas de vacance,
il
est procédé à une élection présidentielle anticipée pour le choix
du
successeur.
Ce
dernier
bénéficie alors
d'un
mandat
de
5
ans

538
capacité du successeur d'assurer la continuité et la consolidation
de
l' héritage
légué par
le
père-fondateur.
L'analyse des
compé-
tences
ratione materiae
du
successeur,
après
son
intronisation,
permet
d'apporter des éclairages
sur l'étendue et
les
limites de
ses capacités réelles.
PAHAGRAPHE
II:
LA COMPETENCE
RATIONE
MATERlAE.
l I s e
pose
ici
la
quest ion
des
moda lités
d'exercice
des
pouvoirs
présidentiels
par
le
successeur.
En
d'autres
termes
se
trouve-t-il dans une situation pareille à
un
intérimaire ou bien
est-il amené à exercer la plénitude des pouvoirs présidentiels dès
son
investiture à
la magistrature
suprême?
La tendance
générale
qui
se dégage de la théorie et de
la pratique successorales fait
ressortir une controverse sur la statut du
dauphin accèdantà la
magistrature suprême:~outefois, ce déba~ ne présente qu'un intérêt
théorique dans lames:ure où les textes et la pratique conf'èrent au
successeur la plénitude du pouvoir présidentiel.
A:
LE DEBAT THEORIQUE.
Le successeur qui accède à
la magistrature suprême voit
son
statut modifié. Il devient en effet de plein droit président de la
République avec toutes les conséquences juridiques qui y affèrent.
Désigné
par
voie
électorale
ou
institutionnelle,
le
successeur
n'est pas investi d'un pouvoir intérimaire.
Il n'est pas non plus
chargé
de
l'exécution
des
affaires
courantes.
Les
limitations
souvent apportées aux pouvoirs du suppléant disparaissent automati-
quement
une
fois
le
successeur
installé
dans
ses
fonctions.
Il
acquiert alors la plénitude des prérogatives présidentielles.

540
of the Land" qui devint par la suite une loi constitutionnelle avec
son insertion dans le dispositif de la légalité objective américai-
ne par le xxvè amendement à
la constitution de Philadelphie
(~).
Ce même problème allait
déborder
la
sphère géographique des
Etats-unis et se poser dans certains régimes africains.
En
Côte
d'Ivoire
d'abord,
de
multiples
précisions
allaient
être
apportées
par
le
constituant
relativement
au
statut
du
successeur.
L'article
11
de
la
constitution
lvoirienne
de
1960,
dans
sa
version
initiale
et
celle
corrigée
de
1975,
faisait
du
successeur
(la personnalité désignée par le président de l'Assem-
blée nationale en 1960 ou le président de l'Assemblée nationale lui
même
en
1975),
un
"Président
de
la
République
avec
les
rangs,
pouvoirs et prérogatives attachées à ce titre". Cette précision ne
"
fut
pas
reprise par le constituant
de' 1980
sans qu'il
y' ait
lieu
~,::. ~..:id'd' interpréter
cette
omission
dans
le' - sens
d'une
restriction
apportée aux attribut ion s du Vice-prés ident devenu Prés ident"
(47).
Les constituants de 1985 et 1990 observaient également un mutisme
total
sur
l'étendue
du
statut
du
successeur.
En
réalité,
cette
expression qui n'a pas été reprise par les constituants de 1985 et
de
1990
est
simplement
superfétatoire
dans
la
mesure

elle
n'ajoute
ni
ne
retranche
rlen
aux
pouvoirs
du
nouveau
Chef
de
l'Etat.
Elle peut dès
lors
être
analysée
comme une simple clause
~ Cf. notre communication: "La continuité du pouvoir exécutif:
La
place du Vice-président dans
le
système politique américain";
op.cit.,
p.146.
47
f
C .
Togab
(Z.),
L'article
11
dans
le
système
politique
ivoirien:
art.
précité,
p.161.

542
à la nomination d'un nouveau Premier ministre. En fait,
depuis 1979
pèse sur lui une obligation constitutionnelle de nommer un nouveau
premier ministre car si ce dernier n'est pas
le chef du gouverne-
ment
i l
n'en
restait
pas
moins
que
sa
nomination
n'était
plus
soumise
à
la
discrétion
du
chef
de
l'Etat
et,
de
surcroît,
le
constituant
faisait
de
l'institution
premier
ministérielle
le
garant de la continuité du pouvoir exécutif camerounais.
Néanmoins,
en
prévoyant
la
nomination
d'un
nouveau
Premier
ministre
les
constituants
sénégalais
et
camerounais
entendaient
déclarer
la
vacance
du
poste
de
Premier
minist.re
en
raison
de
l'accession de son ancien titulaire à la magistrature suprême. Sur
le plan juridique,
l'ancien Premier ministre,
remplace définitive-
ment
le chef de
l'Etat.
Il devient
de
ce
fait
un
véritable chef
d.'· Etat et non pas un simple "bouche-trou".
En
conséquence,
sans
revenir
sur
l'étendue
de
ses
pouvoirs
constitutionnels,
il
convient
de
considérer
que
le
successeur
... )
hérite en même temps de tous ses pouvoirs en accèdant à
la magis-
trature
suprême.
Les
successeurs
n'ont
pas
manqué
de
mettre
l'accent sur l'acquisition de ce nouveau manteau. Dans son premier
message à la nation le Président Diouf avait insisté sur son statut
de "Président de tous les sénégalais sans exclusive"
(48),
manifes-
tant sa volonté de se mettre, non pas seulement au-dessus des con-
tingences
locales,
mais
surtout
d'apparaître
comme
le détenteur
exclusif des prérogatives que la constitution reconnait au chef de
48 Message à
la nation du 1/1/1981; op.cit.,
p.35.

TITRE II:
LA STABILISATION DE L'OPERATION SUCCESSORALE.
La succession ne s'arrête pas au simple transfert du pouvoir.
A la continuité juridique organisée par les textes doit s'ajouter
une
continuité politique.
Au
delà
de
la
transmission du
pouvoir
présidentiel,
il s'agit d'appréhender la mesure avec laquelle le
successeur est
appelé à conforter le régime hérité en conservant
le pouvolr et en stabilisant ses assises
(1).
Une succession régulière confère au successeur des ressources
considérables. Elle s'accompagne souvent d'un préjugé favorable au
successeur. Ce dernier réconforte l'oligarchie gouvernante qui est
alors assurée de la préservation de ses acquis.
En outre,
il peut
consoli~er le régime qui,
en plus de
ses soutiens traditionnels,
intègra souvent ceux qUl en étaient traditionnellement exclus.
Il
,
reste néanmoins entendu que le maintien Slnon la persistance de sa
légitimité
dépend
de.· ses
capacités
à
répondre
aux
demandes
de
stabilisation qui lui sont adressées par le régime.
La stabilisation de l'opération successorale dépend alors de
la coexistence harmonieuse de deux sortes de légitimité en faveur
1
L'exemple de
la succession de
la
Somalie
en
1969 est une
illustration du lien indélébile entre la continuité physique et la
continuité politique. A la suite de l'assassinat de Abdel
Rashid
Ali Shermarke,
la succession avait été organisée conformément aux
règles constitutionnelles du régime en
faveur
de Mohamed Ibrahim
Egal.
Seulement,
à
la suite des conflits au sein de l'oligarchie
gouvernante,
le
successeur
fut
déchu
par
l'armée
qui
prit
le
pouvoir. La continuité qui est l'objectif de la succession n'a pas
été atteinte du fait de la rupture avec l'ordre constitutionnel et
politique antérieur.
Au lieu de la succession de chefs d'Etat la
Somalie avait plutôt offert l'exemple d'une succession de régimes.

CHAPITRE 1: UNE LEGITIMITE
D'ENTREE
HYPOTHEQUEE.
La
légitimité
de
départ
ou
d'entrée
s'attache
aux
préjugés
favorables
qui
accompagnent
l'accession
d'un
nouveau
leader
au
pouvoir suprême. Cette forme de légitimité existe généralement dans
tous les régimes,
abstraction faite de la manière dont le pouvoir
a été conquis par le titulaire. Elle n'est pas exclusive au pouvoir
de droit car le pouvoir de fait peut être positivement accueilli
par les gouvernés
(4). Seulement,
elle prend un relief particulier
dans les régimes en développement.
Une succession bien orchestrée
est
un
test
de
la
stabilité
du
régime
car
elle
contribue
à
la
banalisation de lap,ersonne du chef d'Etat en faveur de l' in-stitu-
tion
incarnée.
Cependant,
la
légitimité
de
départ
ne
doit
pas
o.cculter
les
incertitudes
qui
pèsent
sur
les
régimes
fortement
personnalisés. En effet,
la logique néo-patrimoniale de ces régimes
fait souvent planer'des hypothèques sur la légitimité d'ent~ée du
successeur.
Il
convient
alors
d'analyser
l'expression
de
la
légitimité d'entrée du successeur avant d'appréhender l'hypothèque
qui pèse sur elle.
SECTION 1:
LA LEGITIMITE D'ENTREE DU SUCCESSEUR.
La
discontinuité
des
ordonnancements
constitutionnels
des
4
Sans
revenir
sur
les
rapports
entre
pouvoir
de
droit
et
pouvoir de fait,
i l est permis
de constater,
sous
l'angle de
la
légitimité
du
pouvoir,
que
le
coup
d'Etat
peut
par
exemple
bénéficier d'un préjugé favorable s ' i l a pour conséquence de rendre
au
peuple
un
pouvoir
confisqué
par
une
oligarchie
sans
assise
populaire, ou bien gouvernant le régime à l'encontre des voeux de
la volonté populaire.

548
définitive la perpétuelle recherche du régime adéquat.
La tâche assignée au successeur est dès lors de perpétuer les
fondements
du
régime
et
de
le
stabiliser
dans
le
temps.
Pour
arriver
à
cette
fin
le
successeur,
formé
dans
un
réseau
de
relations bien tissées,
est appelé à
gouverner dans
un cadre qui
l'a
intégré.
Sa propre survie dépend alors
de
la
survie même du
cégime
qUl
secrète
à
son
tour des
soutiens
indispensables
à
la
stabilisation du successeUL.
A:
LA CONTINUATION DU REGIME.
Le changement de dirigeants est indispensable au maintien du
régime. Toutefois, il ne doit pas avoir des répercussions profondes
:",sur
le
quo.tidien.
La
stratégie
successorale
élaborée
dans
les
régimes
africains
permet
d'atteindre
ce
résultat.
En
effet, .•~ les
successeurs désignés sont les principaux bénéficiaires de l'insti-
:,. '..;;::
tution qui leur a permis d'accèder au pouvoir suprême.
Ils s0I1Lle
détenteur du,flambeau transmis à eux,
comme la consécration ultime
de
leur
processus
de
socialisation
politique.
A cet
égard,
ils
veillent
à
la
conservation
de
l'architecture
du
régime
et
au
maintien de ses valeurs traditionnelles.
1:
LA CONSERVATION DES STRUCTURES DU REGIME HERITE.
Le
régime
se
caractérise
par
sa
permanence.
A
travers
l'expression du pouvoir de suffrage ou par
le
jeu des mécanismes
juridiques,
la
gestion
de
ce
régime
passe
entre
ses
différents

550
successeur. Sur ce dernier pèse une obligation de moyen de veiller
à
la continuité du régime bâti par le chef-fondateur. L'avènement
d'un nouveau leader est un indice permettant de saisir la stabilité
d'un régime.
Sous
le chef-fondateur,
le fonctionnement normal du
régime
est
mis
en
parenthèse
du
fait
que
ce
chef
dispose
de
ressources extra-institutionnelles pour faire prévaloir sa volonté;
ce
qui
n'est
pas
le
cas
du
successeur
souvent
appelé
à
faire
recours
à
la
légitimité
légale
et
rationnelle.
L'avènement
du
successeur renforce
la
foi
au droit
qui
a
permis d'atteindre ce
résultat et il est difficile pour le successeur de renier le régime
qui
lui
a
confié son destin.
Ainsi
la pratique de
la succession
;,-ffiontre
que',
sous
réserve
des
aménagements
apportés
en
vue
de
consolider
ses
assises,
l'architecture
constitutionnelle
et
politique héritée du prédécesseur reste maintenue.
C'est ainsi qu'au Kenya,
la constitution de Kenyattan'~ été
modifiée qu~en vue justement d'adapter le droit à la réalité avec
l'institutionnalisation d'un
régime
de
parti
unique en
1982.
Au
Sénégal
les premières
réformes
initiées
par
le
successeur élar-
gissaient
le
cadre
du
multipartisme
initié
par
le
Président
Senghor. Dans cette même perspective, le changement de dénomination
au
Cameroun
avec
la
transformation
de
la
République
Unie
du
Cameroun en République du Cameroun,
s'inscrit dans
la logique de
consolidation de la politique d'unification patiemment construite
par le Président Ahidjo.
La constante est que la forme du régime n'a pas été atteinte
du fait
de la succession.
Les réformes
introduites visaient dans

technique
des
organes
d'expression
de
la
volonté
du
pouvoir
politique. Il déborde le cadre de l'ordonnancement constitutionnel
en
prenant
en
compte
les
règles
juridiques
et
politiques,
les
autorités
qui
expriment
la
volonté
du
pouvoir,
ainsi
que
les
croyances fondamentales
de
la société qui constituent
la culture
politique.
Plus précisément,
les valeurs,
croyances
ou comporte-
ments
autour
desquels
sont
articulées
les
relations
entre
les
différents acteurs politiques, expliquent la dynamique des régimes.
D'ailleurs ces valeurs sont affirmees, consacrées et protégées par
les chartes fondamentales,
car la constitution détermine également
la philosophie de l'Etat.
,_>!,
Appliquée à
la théorie et à la pratique de la succession du
chef
d'Etat
africain,
la
recherche
du
maintien
des
valeurs
cultivées Est une donnée. incontournable dans l'organisation et la
mise en oeuvre du processus successoral.
a: Les fondements théoriques.
Si
l'on
part
du
post ulat
que
ces
valeurs
sont
celles
qui
figurent dans la doctrine du prédécesseur, le successeur moulu dans
cette ambiance politique, ne peut écarter celles-ci sans mettre en
péril ses propres assises.
Au
demeurant,
certaines
constitutions
n'hésitaient
pas
à
prévoir des garde-fous visant à la perpétuation de ces valeurs même
après le départ du chef-fondateur. Ces verrous se traduisent dans
certains cas par le poids
accordé au parti
dans
le processus de
choix du successeur. Dans les anciens régimes afro-marxistes,
les
chefs d'Etat n'étaient que des exécutants de la volonté du parti

s'appliquaient
"qu'à
celui
qui
deviendra
après
lui
Président
du
M.P .R. et Président de la République"
(9)
sur qui pèse une obliga-
tion
de
conservation
des
valeurs
constitutives
du
"Mobutisme".
Cette
garantie
constitutionnelle
de
protection
des
valeurs
du
régime
est
actuellement
incompatible
avec
l'ouverture
multipar-
tisane du
régime.
En outre,
elle ne
valait que dans
l'hypothèse
d'une succession aménagée par le chef en place ou garantie par les
orthodoxes du "Mobutisme".
b: Les manifestations pratiques.
La pratique de la succession met en lumière l'importance de
l'obligation qui pèse sur le successeur de veiller à la conserva-
tion des valeurs d~ régime.
C'est ainsi que tous
les successeurs
devaient
mettre
l'accent
sur
la
continuité
de
la
politique
préa:lablement
arrêtée
par
le
prédécesseur 1 ainsi
que
sur
la
reconduction de l'équipe gouvernementale léguée par l'ancien chef
d'Etat.
C'est ainsi qu'au Kenya,
le Président Moi devait articuler sa
poli tique
autour
du
"Nyayo"
s igni fiant
les
"empreintes"
ou
les
"Pas". Suivre MOI signifiait suivre Kenyatta. Comme devait l'écrire
Katz, cette forte identification donna aux Kenyans l'impression que
l'avènement de MOI ne va pas se traduire par une révolution,
mais
une
continuation
réformée
des
relations
passées
(\\0).
Pour
le
9 Bwana N' Sefu Lumanu-Mulenda,
Les révisions constitutionnelles
au Zaïre; art.précité,
p.48
10
Katz
(Stephan),
The Succession to Power,
and the Power of
Succession: Nyayoism in Kenya; Journal of African Studies, Vol.12,
No.3,
1983, p.158.

En Tanzanie la conservation des valeurs relève plus du parti
que de l'Etat. Ainsi un changemenL au sommet du pouvoir étatique
est sans effet sur la continuité des valeurs politiques. Le pouvoir
est une propriété du parti. En outre, la marge de manoeuvre du chef
de l'Etat est limitée en raison d'une part de sa subordination au
chef du parti,
et d'autre part du fait de la structure dualiste de
la République Unie de 'Tl
'
... anzanle.
En Sierra Léone,
si le successeur coopté par Stevens devait
acquérir,
avant même
son élection,
une
légitimité
(13)
qui
devait
l'amener
par
la
sui te
à
se
démarquer,
dans
ses
discours
de
la
politique
de
son
prédécesseur,
la
composition
de
son
premier
gouvernement
devait
néanmoins
s'inscrire
dans
le
cadre
de
la
continuit.é, avec les valeurs du régime de Stevens
(14)
Le,imême scénario d,evait se retrouver en Tunisie où,
en dépit
de la "mamière dont est arrivé au pouvoir le Général Ben Ali,
les
>,~~;;ijvaleurs du "bourguibisme"
(15)
n'avaient pas été profondément af-
fectées. C'est ainsi que dans la composition de son gouvernement,
13 Le recours à
la légitimité électorale se justifiait pour le
Général Momoh par deux raisons:
"
D'abord,
nous
devons
obéir
aux
principes
démocratiques
usuels:
les masses doivent avoir l'occasion d'exercer leur droit
de vote sur une question aussi importante.
Il s'agit par ailleurs
d'une exigence légale . . . 11 est préférable de permettre aux citoyens
d'exprimer leur préférence en ce qui concerne le futur président".
Citation rapportée par Hayward (Fred), La succession politique
au Sierra Leone:
1985-1988; art.précité,p.130.
W
C'est
ainsi
que
le
Vice-président
Minah,
un
candidat
malheureux
à
la
succession,
avait
été
reconduit,
ce
qui
devait
contribuer à réconforter les inquiétudes de la vieille garde.
15
Cf.
Clement Henry Moore,
Tunisia and Bourguibisme:
Twenty
Years of Crisis; T.W.Q., Vol.1,
January 1988,
pp.176-190.

maintien des soutiens traditionnels du régime.
Si l'approche successorale dans les régimes néo-patrimoniaux
est souvent génésique,
la nouvelle équipe ne peut s'imprégner des
réalités
de
l'exercice
du
pouvoir
que
dans
le
cadre
de
son
encadrement par la vieille garde. Celle-ci garantit une transition
harmonieuse entre gouvernants n'appartenant pas à la même généra-
tion,
et surtout assure la perpétuation des soutiens traditionnels
au
successeur
(16).
Cette
vieille
garde
n'est
pas
directement
affectée par l'opération successorale. Au contraire,
son influence
dans le fonctionnement du régime persiste en raison de sa présence
physique dans
l'appareil gouvernemental.
En outre,
elle bénéficie
.,~- de moyens juridiques lui permettant d'avoir un droit de regard SUF
l'action du successeur.
1: ê::BA PRESENCE PHYSIQUE DE LA VIEILLE GARDE;,
S,h'lai- logique du
fonctionnement des régimes -africains repose
essentiellement
sur
le
monocentrisme
présidentiel,
les
limites
'L• •·,
matérielles
ou
physiques
du
chef
d'Etat
africain
sont
souvent
occultées. Ce dernier ne peut pas régenter tous les aspects de la
politique nationale. En fait le fonctionnement du régime repose sur
des principes non écrits articulés autour du partage du pouvoir et
de la distribution des rôles au sein de l'élite gouvernante. Il est
16 Le Président Diouf devait souligner à
l'occasion du congrès
extraordinaire du Parti Socialiste des
21 et 22
Janvier 1984 que
"ces
cadres
chevronnés
peuvent
être
encore
très
utilca..s par
leur
expérience".
Cf.
Sénégal,
Le pari du Président Abdou Diouf face
au Parti
Socialiste: Tranformer la machine électorale en "moteur du sursaut
national"; Marchés Tropicaux,
3 Février 1984, p.246.

étatiques qu'il noyaute de l'intérieur ou contrôle de l'extérieur,
mais
il
lui
revient
de
sélectionner
les
candidats
aux
postes
électifs. De surcroît, avec la tendance à l'identification, de fait
ou de droit,
du chef de l'Etat à celui du parti
(17),
on assiste à
un processus de domestication de l'appareil politique qui bénéficie
au
détenteur
du
pouvoir
présidentiel.
Le
successeur
est
alors
appelé à
affirmer sa suprématie sur le parti hérité.
Ce contrôle
du parti est le préalable indispensable pour consolider le pouvoir
suprême.
Or
ce
parti,
une
émanation
du
prédécesseur
à
la
tête
de
l'Etat,
reste encore sous une forte influence de la vieille garde
qui a
participé
à
sa création,
et qui
est
le
dépositaire de
sa
lègimité historique. La sclérose du personnel dans les régimes héo-
pacrimoniaux et
la perception de la chose publique encore consi-
dérée
comme
une
voie
privilégiée
d'accession
aux
richesses
publiques
expliquent
l'instinct
de
conservation
de
la
vieille
garde.
Cette
dernière
avait
participé
à
la
politique
du
chef-
fondateur.
Elle
est
alors
impliquéepar le
survie du
régime.
Son
emprise sur les postes stratégiques du parti dont le renouvellement
obéit à des règles de périodicité,
n'est dès lors pas susceptible
d'être mise en cause dans les premiers jours de la succession. En
effet,
le
renouvellement
du
personnel
du
parti
n'intervient
17
Souvent
au
détriment
des
stipulations
constitutionnelles
relatives aux incompatibilités entre la charge de président de la
Républ ique
et
l'exercice
de
toute
autre
fonction
publique
ou
privée.
Voir
par
exemple
l'article
32
de
la
constitution
du
Sénégal,
l'article 6 in fine de la constitution du Cameroun ...

562
les faits,
des tractations
des partis qui contrôlent
la majorité
parlementaire.
Ainsi,
les pouvoirs du chef de l'exécutif dans
le
choix des membres
de
son cabinet
sont
limités.
En sens
inverse,
dans les régimes présidentiels,
la liberté du chef de
l'Etat est
théoriquement
absolue
du
fait
qu'il
est
considéré
comme
le
détenteur exclusif du pouvoir exécutif
(18).
Il choisit
librement
les ministres qui ne sont que ses collaborateurs. Cette liberté de
choix donne
au
successeur
la
faculté
d'éliminer
le
poids
de
la
vieille
garde
dans
l'appareil
gouvernemental
au
moment
de
son
accession au pouvoir suprême.
Dans les régimes africains,
le poids du chef d'Etat reste le
même quelle que soit
l~ forme
d'organisation du pouvoir.
Certes,
dans les régimes de tradition anglo-saxone
la liberté du chef de
l'Etat· est
théoriquement
limitée
par
le
fait
que
les
min:istes
doivent tous
être des membres,
élus ou nommés
selon
les
cas,
du
parlement.
Dans
ces
conditions,
la
réduction
de
l'influence
des
barons ne peut
en principe
intervenir qu'à
la
suite
d'élections
législatives
normales
(au Kenya
en
1979)
ou
anticipées
( Sierra
Leone en 1986). Seul le renouvellement du personnel des assemblées
permet au successeur d'éliminer les membres de la vieille garde non
réélus du cabinet ministériel.
Toutefois sous
l'angle
juridique,
la réélection d'un membre du gouvernement n'entraîne pas ipso-facto
sa reconduction à
un poste ministériel.
En effet,
même dans
ces
régimes,
le
chef
de
l'Etat
dispose
d'un
pouvoir
d'appréciation
18
Cf. par exemple l'art.12 de la constitution ivoirienne.

Dans
le
régime
sénégalais
de
1970
à
1983
(19),
le
droit
de
dissolution
faisait
partie
de
l'ordonnancement
juridique.
Prévu
par l ' a r t i c l e
79 bis
de
la constitution,
i l
ne pouvait
cependant
être
mlS
en
oeuvre
qu'en
cas
d'adoption
par
les
députés
d'une
motion
de
censure
à
l'encontre
du
gouvernement.
La
réalisation
d'une telle condition pouvait permettre au successeur d'abrèger le
mandat
des
députes,
et
procèder
à
une
modification
du
paysage
parlementaire
dans
un
sens
plus
conforme
au:::
nouvelles
données
politiques.
Toutefois
rien
ne
pouvait
empêcher
les
députés,
hostiles au successeur,
de mener une guérilla contre le gouverne-
ment_
en
refusant
d'adopter
les
projets
ou
en
votant
des
lois
dètavorables
à
la nouvelle politique du
successeur.
Le
soutien
de
la
vieille
garde
était
indispensable
au
successeur
pour
la
période
du
mandat
du
successeur
restant~ à
courir.
De
fait,
au
Sénégal
la
politique
de
libéralisation
politique amorcée par le successeur
(w)
n'a pu être menée à termes
qu'avec
le
soutien
des
orthodoxes
du
régime
encore
puissants
à
l'Assemblée
nationale.
Ce
soutien
n ' était
toutefois
pas
à
sens
unique.
C'est
ainsi
que
l'adoption
du
nouveau
code
électoral
19 Le constituant sénégalais devait réinsti tutionnaliser cette
forme de régime avec la révision constitutionnelle du 21 Mars 1991.
2{)
Il
en est ainsi par exemple de la ~é.."'SiO(\\ constitutionnelle
adoptée par la loi constitutionnelle 81-16 portant modification de
l'article
3
de
la
constitution
et
qui
rétablit
le
pluralisme
intégral
en
supprimant toute référence à
la
notion
de
courant de
pensée.
Des mesures d'accompagnement avaient été prises à
travers le
vote des
lois
du
6/Mai/1981 portant amnistie
(JORS
du
15/5/1981,
p.521;
81-19
du
6/Mai/1981 portant
suppression du visa de sortie
du territoire national
(JORS du 15/5/1990,
p.522

566
En définitive,
les premiers pas des successeurs sont générale-
ment guidés par un esprit de conservation. Ne pouvant pas s'aliéner
des soutiens traditionnels du régime face à une nécessité impéra-
tive
d'ouverture
du
régime
mais
dont
la
fixation
des
contours
requiert une maîtrise des variables politiques et décisionnelles,
le successeur ne peut que réconforter les orthodoxes du régime en
axant sa politique sur la
continuation de celle du prédécesseur.
Seulement une telle démarche aboutit à
long terme à
une
sclérose
du régime. La stabilisation de celui-ci est fonction de sa capacité
d'adaptation aux circonstances changeantes. Il lui revient dès lors
d'intégrer les acteurs
exclus ou qui étaient dans
l'expectative.
Ainsi
l'élargissement
de
la base sociale du
régime passe par la
conservation
des
soutiens
traditionnels,
indispensables
à
la
sécurisation
de
l'opération
successorale,
et
l'acquisition: de
soutiens nouveaux ouvrijnt ainsi le régime vers une perspective plus
consensuelle.
PARAGRAPHE II:
L'ADAPTATION DU REGIME POLITIQUE HERITE.
La succession contribue à la reproduction de l ' é l i t e gouver-
nante
et
à
l'intégration
des
exclus
traditionnels
des
régimes
longtemps repliés
sur eux-mêmes.
A travers le passage des hommes
aux commandes du pouvoir, la succession 9Q.f'a.n ti t
le.. renouvellement
du personnel gouvernant. En effet, ainsi que le montre la pratique,
le blocage
du
fonctionnement. normal
du
régime
peut
trouver une
solution à travers
l'issue successorale.
Le changement physique à
la tête de l'Etat peut offrir au successeur l'opportunité d'aérer
le régime en faisant appel à ses opposants ou à des personnalités

568
du jeu étaient à usage interne. Elles étaient créees dans l'intérêt
du
chef
en
place
et
n'offraient
qu'une
seule
alternative:
la
caporalisation ou la marginalisation.
De telles règles sur mesure
ne pouvaient s'accommoder d'une politique d'intégration.
Toutefois,
le changement doit tenir compte de l'organisation
des organes
du pouvoir
ainsi
que
l'aménagement des
relations
au
sein
des
régimes
qUl
sont
souvent
organisés
en
fonction
des
préoccupations
propres
du
titulaire
du
pouvoir
présidentiel.
Souvent articulée
en
vue de
pérenniser
l'autorité du
chef ainsi
que l'oligarchie qui gravite autour de lui,
la structure du régime
ne tient souvent pas compte des exigences de ceux qu'il n'intègre
pas.
La matérialisation du
changement doit tenir compte de cette
donnée~.Le nouvel ordonnancement du régime doit viser à
aérer le
régime en attirant ses opposants traditionnels.
: cee changement d'ordre qualitatif se traduit par l'édiction de
mesures que
le successeur peut prendre dans
le cadre des
compé-
tences
qui
lui
sont
reconnues
par
le droit
objectif.
Il
en
est
ainsi
des
mesures
de
clémence
prises
par
le
successeur
ou
des
modifications constitutionnelles
initiées en vue de tenir compte
des exigences du changement.
Les
mesures
de
clémence
qui
s'expriment
par
la
grâce
ou
l'amnistie s'inscrivent dans la tradition républicaine voulant que
l'avènement d'un nouveau président de la République s'effectue dans
le cadre d'une communion, d'une paix des esprits et d'une réconci-
liation nationale. Dans le contexte des régimes africains marqués
par
l'autoritarisme,
ces
mesures
peuvent apparaître
à
l'analyse

ainsi qu'une refonte de la loi électorale.
L'ancienne rédaction de l'art.3 bloquait certaines forces qui
ne
se
reconnaissaient
pas
dans
les
courants
définis
par
la
constitution, et qui n'avaient d'autres moyens de lutte que d'agir
dans la clandestinité (~). La politique du changement du successeur
se concrétise par l'ouverture du régime vers un multipartisme total
(ZO)
avec
comme seules limitations
le respect des principes
de la
démocratie et
la non identification des
partis à
une ethnie ou â
une région; ce qui est tout à fait dans la logique de la politique
d'intégration nationale
(n).
Cette démocratisation ouverte devait
s'accompagner de
verrous
destinéS
à
stabiliser
le
gouvernement
avec
l'existence
d'une
maJorité
parlementaire
solide
soutenant
l'action: gouvernementale.
La
loi
électorale devait
être modifiée
2.~ L'article 3 de la constitution dans ses modifications de
1976 et de 1978 instituait un multipartisme limité d'abord à trois
et ensuite à quatre. A chaque parti devait correspondre un courant
de pensée préalablement déterminé par la constitution.
~ ~
inconvenients
de
cette
réforme,
Cf.Gounelle
(M.),
Les
effets
pervers
du
multipartisme
constitutionnellement
limité;
Penant,
No.774,
Octobre-Décembre 1981, pp.44-52.
u
Loi 81-16 du 6 Mai 1981 portant révision constitutionnelle,
J.O.R.S.
No 4834 du 15/5/1981,
p.518.
n
Sur cette réforme,
voir:
Hoss
(Jean-Pierre),
La révision constitutionnelle du
6 Mai
1981 au Sénégal; Ethiopiques,
No.27,
Juillet 1981,
p.21-23.
Gounelle (M.), L'institution du multipartisme illimité et le
nouveau statut des partis politiques; Penant 1983, No.779, pp.1ü4-
114.
Nzouankeu
(J.M.),
La consolidation et
le renforcement de la
démocratie au Sénégal et le multipartisme illimité; R.I.P.A.S.
No
2,
Octobre-Décembre 1981,
pp.323-384.

stratégique dans les rouages du parti
(l9).
Ainsi,
le successeur est tenté de modeler le parti dans une
direction plus conforme à ses
aspirations et, notamment, de lever
les hypothèques qui pèsent sur sa politique d'ouverture. Celle-ci
passe
par
une
toilette
du
parti
hérité
et
une
adaptation de
ce
dernier aux exigences nouvelles.
a:
La toilette du parti hérité.
Le successeur ne peut mener harmonieusement sa politique de
renouveau
dans
le
cadre
du
parti
qui
lui
a
été
légué
par
son
prédécesseur. La concrétisation de la politique d'intégration passe
par l'élaboration de nouvelles chartes destinées à
incorporer les
opposants traditionnels ou ceux quj veulent profiter du changement
physique pour intégrer le
cégime.
Le parti
au pouvoir est
alors
amené à s'adapter au changement.
Cette adaptation rencontre inévitablement des obstacles liés
aux
intérêts divergents des membres de
la vieille garde qui sont
souvent réticents à
la conduite du changement.
La réalisation de
la
volonté du nouveau
chef passe alors
par
une
domestication du
parti qui est menacé de l'intérieur par la volonté du chef de se
~ Au Cameroun par exemple le Premier ministre, dauphin consti-
tutionnel,
était certes membre de droit du comité central mais i l
n'appartenait pas au bureau politique de l'D.N.C.
Au Sénégal,
le Président Senghor
avait,
au préalable, placé
son dauphin au sommet des structures du parti en tant que secrétai-
re général-adjoint du parti.
Dans ces deux pays le statut constitutionnel du dauphin était
sans
incidence
sur
la
répartition
des
rôles
au
sein
du
parti.
Accèdant
au
pouvoir
présidentiel,
les
dauphins
sont
appelés
à
conquérir
une
autorité
partisane
suprême
sur
les
membres
de
la
vieille garde.

ser
un
parti
qUl
avait
eu
à
occuper
sans
partage
le
terrain
politique
jusqu'à
la
naissance
du
P.D.S.
en
1974
el).
Pour
le
successeur,
la mise en oeuvre de
la politique d'ouverture
devait
passer par
un
changement
de
conception
des
rapports
politiques.
Sans
aller
jusqu'à
créer
son
propre
parti,
le
successeur
devait
procéder à une réforme profonde des structures et du personnel du
parti
hérité.
L'acquisition
par
le
successeur
d'une
légitimité
populaire à
la suite des élections presidentielles de 1983 allait
lui
offrir
l'opportunité
de
nettoyer
le
pouvoir
exécutif
des
vestiges
du
passé
et
d'amorcer
le
processus
de
prise
en
main
du
parti au pouvoir. Le point culminant de cette toilette du parti fut
le congrès du renouv.eau et du changement des 21 et 22 Janvier 1984.
Ce
congrès
devait
procèder
à
un
écrasement
des
hiérarchies
partisanes
et
un
nivellement
des
responsabilités
à
travers
la
suppression du secrétariat général. Comme on le fait remarquer,
"il
n'ya
plus
qu'un
Secrétaire
Général,
Le
Président
Abdou
Diouf,
assisté
de
20
secrétaires
nationaux
non
hiérarchisés,
et
ayant
chacun un secteur d'activité bien déterminé"
e2). Le congrès devait
aussi opérer un
changement
notable au sein de l ' é l i t e dirigeante
du
parti.
L'objectif
recherché
par
le
successeur
du
Président
Senghor,
était
comme
le
faisait
remarquer
Schissel,
de
réduire
l'influence de
la vieille garde et de renforcer
la prise en main
31
Cf.
Desouches
(C.),
Le
Parti
Démocratique Sénégalais:
Une
opposition légale en Afrique;
Paris, Berger-Levrault,
1983,
241 p.
32
Le Sénégal,
Le pari
du Président Abdou Diouf face au Parti
Socialiste: Transformer la machine électorale en "moteur du sursaut
national"; Marchés Tropicaux du 3/2/1984,
p.246.

monopartisan en vigueur ou tenir compte des exigences du pluralisme
politique.
La
structuration
des
régimes
monopartisans
de
droit
ou
de
fait,
ne tient pas souvent compte de la philosophie du régime. Le
parti
unique,
émanation
des
régimes
marxistes-léninistes,
s'est
adapté aux régimes africains dans la mesure où sa finalité est de
renforcer et consolider la primauté des chefs en place
(~). Cette
préoccupation
apparaît aussi
en
cas
de
succession
à
la
tête
de
l'appareil
du
parti.
Le
souc:!.
du
successeur
est
de
stabiliser
l'opération
successorale en
consolidant
ses
assises.
Pour cela,
l'instrument
partisan
doit
être
adapté
a
ses
préoccupations
sécuritaires., L'adaptation du parti est orientée vers le renforce-
ment de la légitimité d',entrée du successeur
(17).
Dans les régimes
de parti unique de fait,. c'est à travers une politique d'ouverture
que les successeurs cherchaient à adapter le parti. Les techniques
~
L'exploitation
des
principes
d'organisation
des
partis
marxistes-léninistes
permet
d'atteindre
cet
objectif.
Il
en est
ainsi par exemple de l'acclimatation du centralisme démocratique
ou de l'encadrement des militants du parti.
Le centralisme démocratique exclut en réalité le dialogue et
se traduit par une confiscation du pouvoir décisionnel.
L'enca-
drement autoritaire des militants permet par contre aux détenteurs
du
pouvoir
suprême de manipuler comme
ils
l'entendent
l'opinion
publique.
TI
Ceci vaut même dans les anciens partis afro-marxistes. Dans
ces
régimes,
le chef est théoriquement l'agent d'exécution de la
volonté du parti dont l'idéologie,
le programme et les alliances
internationales ne pouvaient pas être affectés par le transfert du
pouvoir entre deux leaders. Seulement on constate dans ces régimes
ce processus de conservation et de stabilisation du pouvoir hérité
par
le
successeur.
En
Angola
par
exemple,
par
des
procédés
de
mutation,
d'affectation,
de
recyclage
ou
de
stage,
les
membres
éminents du MPLA sous Néto allaient être progressivement neutrali-
sés par Dos Santos

d'une charte accordant un statut à l'opposition. Celle-ci, en tant
qu'alternative au parti au pouvoir, doit bénéficier d'un régime qui
rend
possible
l'alternance.
Toutefois,
la
fonctionnalité
d'une
démocratie requiert un répondant en aval,
c'est-à-dire la capacité
de
l'opposition
à
jouer
effectivement
la
fonction
qui
lui
est
dévolue
En
plus
de
sa
nécessaire
structuration,
de
la
crédibilité de ses programmes et de l'unification de son leader-
ship, l'opposition doit refuter le sectarisme et favoriser l'esprit
de négociation. La stabilisation du régime dépend du consensus qui
repose
sur
des
variables
telles
que
l'intégration
des
forces,
l'acceptation des règles du jeu,
la négociation et la tolérance de
l'autre.
Il
revient ainsi à
l'héritier d'adapter son parti à ces
exigences pour mieux consolider le régime
(40).
Cette
adaptation
du
parti
au
pouvoir
aux
circonstances
nouvelles pe'1:l;tr."~'ailer jusqu'à affecter substantiellemeat les valeurs
de,' référence
.du
parti.
Ce
dernier
pourrait
même
être
amené
à
remettre en cause son idéologie si celle-ci est incompatible avec
39
L'opposition
se
présente
comme
un
"service
public".
En
effet,
elle est destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général
qui est la possibilité de satisfaire les aspirations d'une partie
des gouvernés.
~ L'idée de consensus avait été lancée par le président Diouf
avant, pendant et après les elections présidentielles et législati-
ves de 1983.
Elle avait reçu un début d'application en 1988 avec
la table ronde réunissant les différentes forces politiques de la
nation.
Seulement, les
résultats
n'ont
pas
été
à
la
hauteur des
espoirs suscités en raison de l'irréductibilité des positions des
protagonistes rendant ainsi chimérique tout consensus politique.
Toutefois un consensus de type nouveau a vu le jour au Sénégal
avec le concept d'élargissement de la majorité présidentielle qui
a permis d'intégrer dans le gouvernement de deux partis d'opposi-
tion.

effet,
le
successeur d'un
chef
charismatique
cherche toujours
à
acquérir
une
légitimité
distincte
de
celle
qui
lui
avait
été
déléguée
par
son prédécesseur.
La
politique
du
changement
ainsi
cultivée
lui
offre
l'opportunité
de
bénéficier
d'un
flux
de
soutiens
nouveaux
qui
contribuent
ainsi
à
l'élargissement de
la
base
politique. du
régime.
Ces
soutiens,
indispensables
à
la
consolidation
des
aSSlses
du
successeur,
peuvent
émaner
des
environnements domestique ou international du régime.
I:
LES SOUTIENS DE L'ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE.
Ces
soutiens
concernent
les
forces
qUl,
au
plan
national,
entretiennent des rapports d'influence réciproques avec le pouvoir
gouvernemental.
Ces
forces
peuvent
être
regroupées
en
deux
cat.égories
distinctes.
La
première
qUl
est
en
contact
avec
le
pouvoir
central,
se
préoccupe
du
partage
du
pouvoir
ou
de
la
ref;ormulation de nouveaux rapports
entre les. acteurs politiques.
La seconde en revanche,
peu portée à
intervenir directement dans
le champ politique, n'en est pas moins impliquée dans la mesure où
elle participe au processus de légitimation du pouvoir. La démarche
opposant les forces centristes aux forces périphèriques rend mieux
compte de la disposition de ces différentes catégories de soutien
du régime.
a:
Les forces centristes.
L'avènement d'un nouveau chef d'Etat offre l'opportunité de
décrisper
les
rapports
qui
prévalaient
jusqu'à
présent
dans
le
régime. La succession lui permet d'incorporer de nouveaux acteurs,
et de renforcer le processus d'intégration. Par rapport à l'équipe

la
réponse
fa vorable
du
P . D. S. (43)
allaient
amener
certains
analystes à
poser les
jalons d'un gouvernement d'union nationale
(M). La communication entre les acteurs politiques cultive l'inté-
gration politique.
Elle
cultive
l'idée d'une
opposition
dans
le
régime qui se substitue à une opposition au régime dont la finalité
est de désintègrer les règles en place.
Dans cette perspective,
la succession procède au renforcement
de la stabilité du régime sans pour autant affecter la finalité de
l'action même de l'opposition. En effet, dans le cadre de l'ordon-
nancement
des
règles
du
régime,
l'opposition
doit
'chercher
à
conquérir et ~ exercer le pouvoir. En d'autres termes,
l'ouverture
du régime peut être défavorable au successeur qui peut mettre en
péril
son
pouvoir.
Mais
il
reste
que
le
régime
en
t_ire
les
principaux fruits avec le développement du processus d'intégration
politique.
2:
la prolifération des groupes de soutien.
La pratique successorale montre également que l'avènement d'un
nouveau chef d'Etat est souvent accompagné d'une prolifération de
groupes
de
soutien
plus
ou
moins
personnalisés.
Ces
groupes
se
démarquent
des
soutiens
traditionnels
tout
en
se
réclamant
du
~ Le 23/7/1983,
le P.D.S.
répond favorablement
à
l'appel du
Président Diouf et décide de mettre fin au boycott de l'Assemblée
nationale qui avait été décidé après les élections présidentielles
et législatives
de Février
1983.
Le 5 Août
1983,
son
Secrétaire
Général,
M.
Wade,
fut reçu en audience par le Chef de l'Etat.
M
Voir à cet égard la réflexion de Fall
(Mar),
Les perspec-
tives d'un gouvernement d'union nationale au Sénégal;
in "Le Mois
en Afrique",
No.213-214,
Octobre-Novembre 1983,
pp.42-51.

du pouvoir, ils ne sont pas constitutionnalisés. Ils ne participent
pas au fonctionnement du régime,
notamment ne sont pas présents à
l'Assemblée
nationale
qui,
contrôlée
par
le
parti
unique
ou
dominant,
est la seule institution qui est en mesure d'offrir au
nouveau chef les moyens de
sa politique.
De surcroît,
les partis
peuvent obstruer l'action de ces groupes de soutien
(~). Enfin, la
légitimité de ces groupes est fragile. N'ayant aucune implantation
dans le pays profond,
ils ne constituent pas une menace sérieuse
pour les partis traditionnels qui sont fortement enracinés dans le
régime.
Au
total
ces
soutiens
nouveaux
renforcent
la
légitimité
du
successeur malS sont d'un poids limité. La sélection des candidats
aux
postes
électifs
est
l'apanage
des
seuls
partis
qui
peuvent
alors tenir ces groupes en marge du processus de recrutement.
En
outre,
ils ne sont pas représentés dans
les structures décision-
nelles
de
l'Etat
et
du
parti.
Ils
ne
peuvent
en
conséquence
concrétiser la volonté de leur parrain.
Ils sont dès lors appelés
à
se fondre dans
le parti.
Ils
peuvent de ce fait
insuffler une
dynamique propice au changement
(~).
~ C'est ainsi qu'au cours du congrès extraordinaire du P.S.
de 1984, le parti avait bien tenu à borner ses frontières avec les
groupes qui oscillaient autour du successeur en interdisant l'accès
dans l'enceinte du congrès à tous ceux qui n'en sont pas membres,
y comprises toutes les organisations qui sont affiliées au parti.
47
Au
Sénégal
par
exemple,
le
G.R.E.S.E.N.
(Groupe
de
Ren-
contres et d'Echanges pour un Sénégal Nouveau), devait publier une
déclaration
par
laquelle
ses
membres
apportent
"leur
concours
actif,
militant et
solidaire
à
la poli tique du changement et
du
renouveau du Président Abdou Diouf,
au sein du Parti Socialiste,
en confirmant leur adhésion ou en y adhérant
individuellement et
lbrement et
ce,
en
leur qualité
de membre d'une association
qui

milieu social.
Dans
les
régimes

l'équilibre
social
est encore
fragile,
une bonne rotation du pouvoir présidentiel participe au renforce-
ment de l'intégration nationale.
C'est dans cette perspective que
l'alternance ethnique avait été fortement soutenue et défendue par
des
chefs
d'Etat
historiques
comme
un
procédé
permettant
de
réconforter l'unité nationale.
Cette stratégie avait été mise en
oeuvre pour la succession du
chef d'Etat au Kenya et au Cameroun
Toutefois
la
conception
patrimoniale
du
pouvoir
était
incompatible avec l'institutionnalisation du pouvoir
(~).
Des soutiens peuvent également être accordéS
intuiti-personae
au successeur en raison de son appartenance ethnique, ses croyances
religièuses,
ou son
identité
régionale.
De tels
soutiens person-
nalisés' renforcent
les
assises
dl]
pouvoir
du
successeur
mais
présentént l'inconvénient de se réduire exclusivement à la personne
~~
de son bénéficiaire.
Il ne s'agit pas de soutiens durables.
Ils ne
48
Pour le Kenya,
cette alternance était une manifestation du
réalisme politique du Mzee et un moyen de jouer sur les divisions
pour mieux règner.
Au
Cameroun,
en
revanche,
il
y' avait
une
pratique
de
la
balance entre le nord et le
sud dans
la composition du gouverne-
ment~ Cette pratique se traduisait par l'existence d'une règle non
écrite voulant que le Premier ministre n'appartienne pas à la même
région
que
le
chef
de
l'Etat.
Cette
alternance
allait
être
reconduite
après
la
révision
constitutionnelle
de
Mai
1991
réinstitutionnalisant
l'institution
premier
ministérielle.
Un
ressortissant du nord,
Sadou Ayatou,
fut nommé Premier ministre.
~ En effet, comme nous tenterons de l'analyser, la persistance
des enjeux conflictuels accompagnant la succession devait relati-
viser
la théorie de
l'alternance
ethnique et,
dans
une
certaine
mesure,
le consensualisme
social
qui
est
la pierre angulaire de
toute politique stabilisatrice d'un régime politique donné.

avantages
matériels,
des
visites
symboliques
dans
des
coins
les
plus reculés pour aller à la rencontre des chefs religieux avaient
fini par tisser de nouveaux rapports entre le pouvoir temporel et
le
pouvoir
spirituel.
Ce
dernier
allait
se
même
délier
de
ses
réserves
traditionnelles pour soutenir le
successeur dans toutes
ses
act ions,
notamment
dans
la
conquête
des
suffrages.
Les
manifestations
de
soutiens
des
chefs
religieux
en
faveur
du
Président
Diouf
devenaient
un paramètre
d'analyse
des
élections
présidentielles et législatives de 1983 et de 1988.
Les consignes
de vote et
l'implication directe dans la scène politique de chefs
religieux
ne
sont
que
l'expression
des
soutiens
des· forces
religieuses
au
successeur.
Ces
soutiens
contribuent
ainsi
â
stabiliser son assise sur le régime. Néanmoins,
ils ne doivent pas
faire
illusion en ralson de leur identification à un homme et non
à
une institution.
La qualité des soutiens internes ne doit cependant pas cacher '.
l'importance des soutiens externes dans le processus de consolida-
tion du processus successoral. La dépendance des régimes africains
vis-à-vis de l'environnement international, et les impératifs liés
à
la continuité des relations traditionnelles expliquent l'impact
arabe."
Cf.
Debène et Gounelle,
Le Sénégal du
Président L.S.Senghor
au Président Abdou Diouf; op.cit.,
p.1527.
52
Le Khalife Général des Mourides devait
lancer son fameux "
NDIGUEL
"
qui est un appel à connotation
religieuse
lancé à
ses
fidèles pour un vote massif en faveur du candidat Diouf.
Dans une même perspective,
Cheikh Tidiane Sy de la confrérie
des Tidjanes mettait en place un mouvement en vue de la réélection.
du Président Abdou Diouf.

La nouvelle orientation de la politique étrangère peut procèder à
une
redéfinition
des
alliances
nouvelles
dans
le
cadre
de
la
conservation des acquis traditionnels ..
c'est ainsi que la politique étrangère du Sénégal allait être
placée sous le double signe de la continuité et de l'ouverture. Les
alliances
traditionnelles
avec
le
bloc
occidental
restaient
maintenues et surtout renforcées.
Sur
le
plan
régiona l,
le
succes seur
allait
manifester
sa
volonté de renforcer les relations traditionnelles existant entre
le Sénégal et ses voisins. Le Président Diouf allait même plus loin
que son
successeur en faisant
intervenir
les
troupes
sénégalaise
en
Gambie
pOUl:
rétablir
le
régime
du
Président
Jawara,
victime
d'une tentative de déstabilisation.
Cette action devait déboucher
sur une confédération plus tard avortée entre ces deux Etats
(~).
Une
certaine:orientation
progressiste
devait
également
se
faire
JOUiE
dans
la politique africaine
du
Sénégal.
Le Président
Senghor
était
l'un
des
chefs
de
file
du
bloc
des
modérés
qui
s'opposaient
aux progressistes
dans
les
conflits
africains
(55).
~ Sur la Confédération de la Sénégambie, voir entre autres:
-Le
Pacte
du
29/12/1981
instituant
la
Confédération
de
la
Sénégambie;
RIPAS,
No.3,
Janvier-Mars 1982,
pp.160-219.
-Traoré (Bakary), La Sénégambie, R. 1. P . A. S ., No. 10, Avril-Juin
1984,
pp.399 et s.
55
C'est
ainsi que
le Sénégal
était
à
la tête des Etats
qui
apportaient
un soutien sans
réserve à
la politique saharienne du
Maroc et à
la prise en compte des intérêts de l'U.N.I.T.A. ( Union
nationale pour l'indépendance totale de l'Angola)
dans le partage
du
pouvoir
angolais.
Les
progressistes
par
contre,
étaient
en
faveur
de
l'autod~termination des
sahraoui
et
soutenaient
le
gouvernement
pro-soviétique
du
M. P . L. A.
(Mouvement
pour
la
libération de l'Angola)
en Angola.

SECTION II: L'HYPOTHEQUE DES CRISES POST-SUCCESSORALES.
A propos de la succession du chef d'Etat africain,
on a fait
remarquer que les "dauphins des "pères-fondateurs" ne doivent pas
se contenter de gérer un héritage,
si prestigieux soit-il.
Encore
leur
faut-il,
au
bout
de
quelques
années
d'"
état
de
grâce",
acquérir une légitimité propre"
(63).
En effet,
sur le successeur
pèse un dilemme.
La consolidation du processus successoral passe
par
la
conciliation
indispensable
de
deux
exigences
souvent
contradictoires:
la persistance de la légitimité de son prédéces-
seur
et
la
quête
par
le
successeur
d'une
légitimité
propre.
La
recherche d'un équilibre entre ces deux préoccupations rend0lors
incontournable
la
crise
de
légitimités.
La. dialectique entre
la
conservation de l'ordre établi et le changement qui se produit en
même'.: temps
que
la
succession
de
leaders
secréte
les
germes
des
crises post-successorales
(64)
,Ces crises qui avaient affecté,
à " ,
des
degrés
variables,
tous
les
régimes
africains
qui
étaient
confrontés à la succession présidentielle,
apparaîssent comme des
défis lancés au régime. Leur résolution peut alors être le prélude
8
Jeune Afrique du 11/8/1982,
pp.28 et s.
64
Calvert constate
fort
justement que
l'arrangement
ordonné
du
transfert
du
pouvoir
au
sein
de
l'élite
gouvernante
doit
concilier la crise momentanée de
légitimités,
inévitable du fait
du changement et l'idée même de changement.
Pour l'auteur,
cette
crise
de
légitimités
doit
être
réduite
à
des
proportions
con-
venables,
le changement ne doit pas être total au point d'amener
un boulversement du régime.
Cf .Calvert
(P.),
Political
Succession and Political
Change;
in " The Process of Political Succession",
op.cit.,
p.1

594
secondes
débordent
le
cadre
même
des
rapports
internes
dans
la
mesure où elles font
intervenir les variables extra-constitution-
nelles
qui
déterminent
ce pouvoir dans
ses
interactions
avec
le
milieu considéré.
1: LES CAUSES ENDOGENES.
Les gouvernants africains se sont préoccupés essentiellement
de la stabilisation de
leurs
assises politiques.
Cette stabilité
personnelle prime souvent sur celle des régimes pris en charge. La
logique
du
pouvoir
présidentiel
s'articule
alors
autour
de
la
protection de la suprêmatie absolue du chef sur tous les composants
du
régime.
Elle
se
répercute
dans
la
succession
du
chef
d'Etat
africain.
A
l'~nstar
d'une
propriété
personnelle,
le
pouvoir
présidentiel fait l'objet d'une transmission de son détenteur à un
successeur sur mesure. En conséquence ce dernier est appelé à gérer
un héritage
sous
la
tutelle de
la vieille garde.
Or
le droit
de
regard de celle-'-c:i:est de nature à rendre difficile la g,estion de
cette héritage. Le pouvoir étant monocéphal en Afrique,
la présence
physique ou politique du prédécesseur peut couver une tension.
En
effet,
à
partir du moment

la
légitimité personnelle prend le
dessus sur les autres formes de légitimité,
le successeur ne peut,
accepter de partager un pouvoir concentré sur l'institution qu'il
exprime.
Ainsi,
les
difficultés
de
la
gestion
de
l ' héritage
et
l'impossible
partage
du
pouvoir
sont
les
principales
causes
endogènes des crises post-successorales.
a: Les difficultés de la gestion de l'héritage.
La gestion de l'héritage se pose avec plus d'acuité dans les

qu'il pourrait donner aux gouvernés est celle d'un chef apparent;
la réalité du pouvoir se situant ailleurs dans la résidence de son
prédécesseur ou dans l'état-major du parti gouvernant qui arrête
les grandes lignes de la politique nationale
(e).
Cette gestion de l'héritage contient en elle-même les germes
d'un conflit post-successoral dans la mesure 00 elle est difficile-
ment compatible avec l'adaptation du régime. Elle place le succes-
seur
au
centre
d'un
tiraillement
entre
le
maintien
de
l'ordre
hérité et la prise en compte de l'ouverture. Toutefois, la pratique
successorale met en lumière la volonté des successeurs de prendre
en charge la totalité de la charge présidentielle.
L'exemple du Sénégal est révélateur de la volonté du succes-
seur
de
marquer son
empreinte
dans
le
régime
hér i té .. L' une
des
premières
mesures
prises
par
le
successeur
fut
l'ouverture
multipartisane du régime. Sur le plan théorique, on peut.~onsidérer
lax.évision de 1981 comme le point d'aboutissement de la démocrati-
sation
expérimentée
1976
(66)
et
poursuivie
en
1978
(67)
par
son
e
Pour prendre l'exemple du Sénégal, pendant quatre ans (1981-
1984),
la vieille garde du parti était présente au bureau politi-
que.
Or
i l
est
apparu
que
les
grandes
lignes
de
la
politique
nationale étaient préalablement arrêté~au sein de cette instance
avant d'être appliquées par les organes de l'Etat.
Cette structure
du
parti
était
en
outre
le
lieu
privilégié
d'expression
ou
de
résolution des conflits latents entre les membres de l'oligarchie
gouvernante.
66
L'article 3 de la constitution dans sa modification de 1976
limitait
à
trois
(3)
le nombre
des
partis
reconnus
et à
chaque
parti devait correspondre un courant de pensée.
~ Un courant rénovateur allait être reconnu par la révision
constitutionnelle de 1978.
Ce courant
fut
pris
en
charge par le
M.R.S. ( Mouvement des Républicains du Sénégal).

régimes
non encore stabilisés
(69).
Inversement,
tout en rejetant
l'idée d'une "désenghorisation",
le Président Diouf devait refuter
la notion de succession en faveur de celle d'un simple remplacement
à
la tête de l'Etat
(70)
Si la tension entre le prédécesseur et
son successeur était
canalisée par
les
principaux protagonistes
el),
i l
en était au-
trement
des
rapports
entre
le
successeur
et
les
membres
de
l'oligarchie.
La vieille garde restait attachée à la conservation
des acquis alors que le successeur était plus préoccupé par l'élar-
gissement de ses soutiens au sein du régime. La nouvelle politique
initiée par le successeur constituait une menace à l'hégém9nie de
la
vieille garde.
Avec l'élimination,
dès
les
premiers
jours de
règne;cdu Président Diouf, de certains membres- éminents des conser-
.::J;.-
69
Dans
une
interview
à
"
Marchés
Tropicaux lt ,
le
Président
Senghor
avait
abordé
le
problème
relatif
à
la
démocratie
qu'il
avait instituée au Sénégal et qu'il avait assortie de garde-fous
que
son
successeur a
supprimés.
Après
avoir mis
l'accent sur
la
longue
tradition
démocratique
du
Sénégal,
le
Président
Senghor
avait estimé, après l'avis de M.Mitterand le Premier Secrétaire du
Parti Socialiste Français,
que le Sénégal pouvait se contenter de
quatre
(4)
partis. Toutefois dans l'esprit du premier chef d'Etat
Sénégalais,
la solution défendue par Abdou Diouf se
justifie sur
le plan tactique car Itell e prive d'arguments une opposition qui se
divise du même coup".
Cf.
"A
bâtons
rompus
avec
Léopold
Sédar
Senghor" ;
M. T.
15/10/1982, p.2761.
70
Le Président Diouf devait
soul igner à
cet effet:
" Il n' y
a
ni
désenghorisation,
ni
dioufisation.
Il
y'a
simplementr
construction du Sénégal". B.A.N.,
No.1135 du 29-4-1982.
TI
Ayant manifesté sa volonté de rompre définitivement avec la
sphère du monde politique en
faveur
de
la
culture,
le Président
Senghor devait prendre un recul par rapport aux conflits opposant
les différents protagonistes du jeu politique.

600
velléité
oppositionnelle.
En
outre,
ils
n'avaient
pas
hésité
à
faire
planer
leurs
légitimités
historique,
charismatique
ou
traditionnelle au-dessus de
la légitimité
légale et
rationnelle.
Les successeurs des chefs d'Etat historiques se trouvent par contre
dans
une
situation
délicate dans
la
mesure

ils
sont
souvent
pourvus
de
légitimité
simplement
déléguée.
Ils
ne
peuvent
pas
compter sur la légitimité légale et rationnelle car celle-ci est
rendue fragile par le caractère non consensuel du régime en place
et,
surtout,
par le pouvoir de manipulation des règles
juridiques
dont disposent les acteurs dirigeants. En effet à partir du moment

c'est
le
prédécesseur
qui
le
choisit
ou
le
met
dans
une
situation favorable pour la succeSSlon,
le successeur se trouve au
centre d'une stratégie dont les tenants et aboutissants peuvent'~e·
,dépasser.
En d'autres termes,
s'il détient
le pouvoir suprême d~
commandement, les autres ,pouvoirs constitués peuvent être contrôlés
par des personnes placées par son prédécesseur et dont-il ne peut
se défaire. C'est ainsi qu'en ce qui concerne le pouvoir législa-
tif, les députés investis du pouvoir d'octroyer des moyens d'action
à l'exécutif,
sont élus pour un mandat que le chef ne peut abrèger
pour des raisons constitutionnelles ou politiques. Même au sein de
l'exécutif,
si en théorie
le chef de
l'Etat
dispose
de pouvoirs
absolus
sur
la
composition
des
membres
du
gouvernement,
les
sensibilités
politiques
ainsi
que
la
nécessité
d'assurer
la
cohésion des acteurs du régime peuvent l'amener à composer avec les

602
l'ambiance dans
laquelle évoluent les
régimes
considérés.
Entre-
tenant des rapports d'osmose avec leur environnement,
les liens de
dépendance peuvent se répercuter aussi sur la stabilité du pouvoir
présidentiel.
II:
LES CAUSES EXOGENES.
Ces
causes
débordent
le
cadre
de
la
philosophie
et
des
conditions
d'exercice
du pouvoir présidentiel.
Elles
s'attachent
aux
interférences qui
existent entre le
régime et
son milieu.
Le
paysage politique des régimes africains avait été fortement marqué
par un monolithisme réduit au système du parti unique ou dominant.
Or ce système partisan s'était mué en technique de
camouflage du
règne de
l'autoritari'sme.
Il devait,
par
la
suite,
rendre
incon-
tournables les aspirations démocratiques des gouvernés .
.. Les réponses alors apportées aux demandes peuvent recevoir une
réception variable en fonction des stratégies. propres aux acteurs
du régime.
Ainsi une nouvelle conception des
rapports politiques
peut imposer des contraintes au successeur et favoriser des crises
post-successorales.
En effet,
les
intérêts
des
forces
politiques
sont
souvent
divergents et celles-ci
attendent
du
successeur une
satisfaction de leurs doléances sans tenir compte de ses capacités.
La recherche
de
l'équilibre entre les différentes
exigences peut
amener
le successeur à
se départir de
ses
soutiens
traditionnels
ou s'aliéner des soutiens nouveaux indispensables à l'ouverture du
régime.
L'exemple du
Cameroun
illustre les
obstacles
que
les
forces
politiques
font
peser
à
la
stabilisation
de
l'opération
succes-

l'appareil du parti unique se traduisait par une certaine dyarchie
au sommet incompatible avec la conception monocratique du pouvoir.
Les tensions, cultivées et encouragées par les conservateurs et par
les rénovateurs, apparaissaient comme les prémisses de l'éclatement
de l'inévitable crise qu'allait
connaître le régime camerounais.
Au total,
la disposition des
forces
politiques au moment de
la
succession,
peut
mettre
le
successeur
dans
une
situation
d'impasse totale. Les tiraillements des situations antagonistes et
L'autorité relative du successeur sur le régime,
sont de nature
à
secréter
des
germes
de
conflits
pouvant
affecter
l'évolution
ultérieure du régime. Toutefois, pour importants qu'ils soient, ces
obstacles d'ordre politique,
peuvent être second~ires par rapport
aux déséquilibres socio-cult1;1rels qui minent les .régimes africâins.
b: Les déséquilibres socio-culturels.
La succession présidentielle en Afrique ne pose pas seulement
des problèmes
relatifs
à
l'aménagement du pouvoir politique
(u),
elle doit intégrer la dimension
socio-culturelle.
Dans plusieurs
régimes africains,
le discours des gouvernants,
les revendications
de certaines couches sociales montrent la pertinence de la donnée
76
Au
Sénégal,
la
dimension
institutionnelle
avait
pris
le
dessus sur les considérations socio-culturelles dans la mesure où
le pays avait été présidé pendant deux décennies par un chef d'Etat
Sérère et catholique
(9% de la population)
alors que le pays est
à
plus
de
40%
ouloff
et
90
%
de
religion
musulmane.
Mais
la
présidence
de
Senghor
n'avait
pas
été
marquée par
des
troubles
ethniques ou religieux. Sa succession par un chef d'Etat Ouloff et
musulman peut apparaître à priori comme l'expression d'une certaine
alternance
sociologique.
Cette
dimension,
il faut
le noter,
est
tout à fait secondaire par rapport à la manifestation institution-
nelle.

606
D'abord la rotation du pouvoir entre
les différentes
forces
sociales
garantit
la
justice
sociale.
Ces
avantages
peuvent
toutefois être obtenus au
détriment de l'efficacité de
l'action
gouvernementale. En effet, le pouvoir
eSt
cons idéré, dans
cette
perspective,
comme
un
gâteau
à
partager
à
travers
une
succession de gouvernants choisis sur la base de leur appartenance
religieuse
ou
régionale.
On
pourrait,
de
ce
fait,
aboutir
à
un
résultat
autre
que
celui
qui
a
été
expressement
recherché
au
départ:
à
savoir l'intégration nationale.
Au lieu d'une
intégra-
tion,
cette alternance sociologique
renforce
le
secta-
risme,
le
népotisme
et
la
gabégie
car
la
couche
contrôlant
le
pouvoir pourrait être tentée de favoriser le recrutemeEt sociologi~­
que au détriment de la compétence technique.
En outre le successeur pourrait être confronté à
l'hostilité
d'un appareil politique encore contrôlé par la couche sociale du
prédécesseur.
Cette
couche "t>.lJ; ..solJveV\\,;t d'un
mauvais
oeil
l'avènement
d'un
chef
non
lSSU
d'elle.
Le
successeur
pourrait
apparaître
comme
un
usurpateur d'un pouvoir considéré
comme
une
propriété naturelle d'une région, d'une ethnie ou d'une religion.
Les manifestations
des crises post-successorales mettent en
lumière la complexité des crises qui peuvent affecter l'existence
même d'un régime confronté au test de la stabilité que représente
la succession de ses chefs d'Etat.
B:
LES MANIFESTATIONS DES CRISES POST-SUCCESSORALES.
La
transformation
du
paysage
du
régime
à
la
suite
d'une
succession
fait
naître
des
tensions
latentes
qui
prennent
une

avait
en effet
été
confronté
à
une
crise
de
régime
d'abord,
et
ensuite à une crise dans le régime.
a: La crise de régime: Le coup d'Etat au Kenya.
L'origine des crises post-successorales au Kenya réside dans
les circonstances mêmes de la succession de Kenyatta.
Les guerres
de succession étaient une donnée permanente du paysage politique
kenyan de la fin du
règne du " MZEE".
La victoire de Daniel Arap
Moi en 1978,
loin de d'entraîner
la fin
du tourbillon politique,
devait au contraire déclencher la lutte au sein des nouveaux agents
d'expression de la volonté du pouvoir kenyan. En sourdine pendant
les
premières
années
de
la
présidence
de
t10i,
les
crises
post-
successorales
allaient
éclater
ouvertement
avec
la
tentative
de
coup d'Etat militaire de 1982.
La tentative de prise du pouvolr fut
l'oeuvre de l'armée de
l'air
kenyane
(N).
Elle ne constitue pas
en soi un-précédent au
. Kenya.
Sous Kenyatta,
le pays
avait
connu une mutinerie en 1964
(80)
et une tentative de coup d'Etat en 1971
(81).
Néanmoins celle
Cf. Kenya:
Post Mortem,
A.C.,
Vol 23,
No 17, August 25,
1982.
Cf Kenya:
Un regime en
sursis;
Jeune Afrique,
No 1166,
15/05/1983, p.38.
W
Pour plus de détails sur cette rebellion,
Cf.
Mazru (A.A.)& Rothchild (D.), The Soldier and State in East Africa:
Some
Theoretical
Conclusions
On
The
Army Mutinies
of
1964";
in
A.A.MAZRU;
Violence
And
Thought:
Essays
on
Social
Tensions
in
Africa,
London,
Longmans,
1969,
pp.3-23.
81 La tentative de 1971 impliquait
le Major Général Doe Ndolo,
Commandant en chef des forces armées et le Chief Justice Mwendwa,
tous deux des Kamba.
Pour plus de détails sur cette tentative de
coup d'Etat,
cf.
Africa
contemporary
Record:
Annual
Survey
and
documents;
London, Rex Collings,
1972, pp.B 131-B.132.

de Moi était alors de se créer une clientèle politique puissante
au sein de son groupe ethnique au détriment des kikuyu.
Les
contradictions
entre
la
société
civile
et
le
pouvoir
politique
étaient
également
une
constance
du
paysage
politique
kenyan. Toutefois, elles avaient pris une autre dimension avec Moi
qui,
contrairement à son prédécesseur,
n'avait pas un charisme ou
une
légitimité
historique.
La
montée
de
la
contestation
univer-
sitaire
(Dl,
le mécontentement
des
travailleurs et
les
critiques
acerbes portées par des députés mêmes de la K.A.N.U. dénoncant des
scandales
allaient
entrainer
un
durcissement
mettant
en
cause
l'équilibre fragile réalisé avec la conciliation ethnique
(w l .
2: Une contestation de l'ordre établi.
Ces contradictions montraient que la tentative de coup d'Etat
de
1982
n'était
pas
intervenue
dans
un
ciel
serein.
Le
régime
n'était plus parvenu à canaliser les contradictions inte~nes. Cette
incapacité à réguler les tensions
internes a favorisé la crise de'
régime.
En effet,
les
mutins
contestaient
l'ordre
en place.
Ils
dénonçaient
"la
dictature"
du
Président
Daniel
Arap
Moi"
et
invitaient les kenyans
à
lutter "contre la corruption et pour le
83
En
Mars
1982
l ' univers i té
de
Naïrobi
fut
fermée
et
les
étudiants renvoyés dans leurs foyers où "ils devront rester jusqu'à
nouvel ordre, en se présentant aux autorités locales deux fois par
mois".
Cf Afrique Asie,
No 275,
du 16 au 29/08/1982,
p.28.
~ Odinga Oginga qui s'était réconcilié avec le pouvoir central
et qui s'était vu confier la direction d'une société d'état devait
perdre son poste et
fut
exclu de
la K.A.N.U.
pour avoir dénoncé
"l'emprise des intérêts étrangers sur l'économie,
le gaspillage de
l'aide extérieure et la corruption."
Cf. Afrique Asie No 275,
16-29/08/1982,
p.28.

nelles
Njonjo,
l'homogéneité
du
groupe
était
affectée
par
la
suprêmatie manifeste de Njonjo,
"l'homme fort" du régime.
Cette
dispersion
de
l'autorité
allait
se
traduire
par
une
déliquescence de l'autorité gouvernementale rendant inévitable une
reprise en main du régime par le Président Moi.
1:
La déliquescence du pouvoir gouvernemental.
Les
premières
années
de
la
prés idence
de
Daniel
Arap
Moi
étaient marquées par une "déliquescence du pouvoir exécutif"
(86).
Cette déliquescence était
le résultat du partage des pouvoirs au
sein
du
triumvirat,
et
du
profil
bas
adopté par Moi durant
ses
premières années de règne.
En effet,
de 1978
à
1983
le Kenya
reposait
sur un
polycen-
trisme décisionnel.
L'autorité ne résidait pas entre les wains du
chef
de
l'exécutif
mais
était
dispersée
au
sein du
triumvirat.
Cette
multiplication
des
centres
de
décision
était
surtou~.
manifeste
quand
le
Président
Moi,
encore
novice
à
la
tête
de
l'Etat,
était
en
retrait
du
quotidien
politique marqué
par
une
guerre
à
peine
voilée
que
se
livraient
les
deux membres
de
la
coalition victorieuse de la guerre de succession: Kibaki et Njonjo.
"Attorney
General"
pendant
tout
le
règne
de
Kenyatta,
Njonjo
disposait
d'une
autorité
incontestable
dans
le
régime
Architecte de la transition présidentielle,
il avait été considéré
U
Afrique Asie,
No 294,
25 Avril au 8 Mai 1983, pp.25 et s.
~ Il était chargé de l'interprétation de la constitution et
avait
un
droit
de
regard
à
la
fois
sur
la
puissante
fonction
publique que sur la magistrature.

présidence,
un
puissant
poste
ministériel
également
taillé
sur
mesure: Ministre des Affaires Constitutionnelles et de l'Intérieur.
Il
allait
profiter
de
sa
nouvelle
position
pour
consolider
ses
pouvoirs.
Seulement cette acquisition de légitimité populaire ainsi que
les
pouvoirs
réels
et
occultes
de
Njonjo
allaient
aiguiser
les
luttes
intestines
au
sein
du
pouvoir
exécutif.
De
fait,
Njonjo
était le véritable détenteur du pouvoir gouvernemental.
Ce
renforcement
des
pouvoirs
de
Njonjo
semblait
s'inscrire
dans
la
perspective
d'une
stratégie
à
moyen
terme
destinée
à
remplacer le Président Moi à la tête de l'Etat après l'expiration
de son premier mandat présidentiel
(~l). Dans cette perspective, le
Président Moi n'était qu'un président de transition, la présidence
devant revenir à Njonjo. Toutefois cette stratégie n'avait pas tenu
compte
de
la
ferme
détermination
du
successeur
de
Kenyatta
de
conserver le pouvoir présidentiel qUl,
en Afrique,
ne peut faire
l'objet d'une cogestion.
2: La reprise en main du pouvoir par le Président Moi.
Le pouvoir africain
est monocratique.
En
effet,
il
procède
d'une seule source qui est
la présidence
de
la république qu'il
est plus facile de conserver que de conquérir. Les ressources mises
à
la
dipositions
du
chef
de
l'Etat
lui
permettent
en
effet
de
~ S'il faut en croire Africa confidential, l'accord non écrit
sous-tendant la succession de Kenyatta, était que, " dans l'intérêt
de l'unité nationale,
un non kikuyu devait succéder Kenyatta pour
tout au plus un mandat".
Cf The Njonjo Puzzle; Africa Confidential, Vol.21, No 12.

Accusé d'être à l'origine de tous les maux du régime,
Njonjo
démissionna de son siège de député et de son poste de président de
la
branche
kikuyu
de
la
K. A. N. U.
Un
conseil
exécuti f
national
convoqué
d'urgence
devait
l'exclure
du
parti
unique,
ce
qui
l'empêcha d'office de se présenter aux élections législatives.
Derrière le personnage
de
Njonjo
se
faufilait
un
véritable
conflit interne au régime.
Ce dernier n'était pas menacé en
lui-
même
car
le
conflit
opposait
les
acteurs
du
régime
qui
avaient
intérêt à
sa perpétuation.
En
fait,
les différents protagonistes
ne
cherchaient
qu'à
tisser
des
réseaux
de
clients
devant
leur
permettre de contrôler le pouvoir
(w).
Toutefois,
si au Kenya,
une crise de régime avait révéLé une
crise
dans
le
régime,
au, Cameroun
l'incapacité
du
successeur
~"
surmonter
les
contradictions
qui
existaient
au
sein
du
régime
devait déboucher sur la tentative de coup d'Etat du 6 Avril 1984
qui visait à renverser le régime lui-même.
II: LA CRISE DANS LE REGIME DECLENCHE LA CRISE DE REGIME.
La succession du Président Ahidjo avait été présentée comme
un
modèle
réuSSl
de
transfert
légal
d'un
pouvoir
présidentiel
_\\.
1981,
abus
de pouvoirs
de
Njonjo
du
temps

il
était Attorney
General~ et
aussi
Ministre
des
Affaires
Constitutionnelles;
tentative d'oeuvrer en faveur de l'établissement de relations avec
l'Afrique du Sud en dépit de la politique kenyane d'isolement de
Prétoria" etc.
94
Ainsi 'que l ' é c r i t " The Weekly Review " dans sa parution. du
8 Juillet 1983 " Njonjo n'est pas seulement une personne. C'est un
système et bien que la personne ait chûté,
le système est encore
en place et il va prendre du temps au gouvernement de démanteler
ou de neutraliser le système."

processus d'unification du Cameroun
(95)
sous une bannière fédérale
unique: la République Fédérale du Cameroun. Cette politique allait
se
concrétiser
avec
la
proclamation
de
la
République
Unie
du
Cameroun en 1975.
Les
ressources qui avaient permis au Président
Ahidjo de mener son oeuvre à terme étaient nombreuses et variées.
Ainsi le parti unique de fait crée en 1968 se juxtaposait avec un
pouvoir de nomination qui lui avait permis de placer ses hommes de
confiance dans les rouages de l'Etat et une politique de répression
de
toute
velléité
oppositionnelle.
Le
régime
camerounais
était
"dominé par la stature du Président Ahidjo"
(6)
Une fois la succession opérée,
"l'effet Ahidjo" continuait à
-planer
sur
le
régime.
Cette
situation,
Ahidjo
la
devait
à
son "charisme"
(97).
Toutefois,
cet état- de grâce devait
s'èroder-progressivement~En effet,
la perte du statut président~el
entra~ne celle des avantages
y
afférant
(98),
EOn
dépit
de
son
~ Le Cameroun Occidental était placé sous protectorat anglais
alors
que
le
Cameroun
Oriental
était
soumis
à
l'autorité
de
la
France.
%
Gonidec (P.F.), Un régime dominé par la stature du Président
Ahidjo;
"Le Monde Diplomatique", Août 1976.
97
Momo
(Bernard);
Un bicéphalisme de
fait,
in "Le Renouveau
Camerounais: Certitudes et défis", Yaoundé, Ed. ESSTI, 1983, p.90.
~
Toutefois,
Ahidjo
jouissait
du
régime
de
la
retraite
"active". En effet selon Momo, "le décret No.81/407 du 10 Septembre
1981 accordant une pension et des avantages en nature aux anciens
présidents de la République ne fait pas de ceux-ci des paisibles
retraités mais les maintient plutôt en activité" Cf. Momo
(B.), Un
bicéphalisme
de
fait
malgré
le
soutien
de
l'ancien
Président,
op.cit.,
p.93.
Plus loin l'auteur devait préciser qu' "outre une pension égale
aux deux tiers de la liste civile du
Président en exercice
(non
imposable et
insais issable à
concurrence
du
quart),
un
logement
équipé,
des locaux pour bureaux,
deux véhicules avec chauffeurs,

Le
Président
Ahidjo
avait
semé
lui-même
les
germes
d'un
conflit
en
procédant
à
une
succession
partielle
du
fait
de
sa
présence à
la tête du parti.
De surcroît,
à
partir du moment 00
l'appareil du parti est
dirigé contre l'Etat pour introduire des
révisions constitutionnelles visant à affaiblir le chef de l'Etat
et les institutions étatiques
(100),
l'éclatement de la crise post-
successorale était inévitable. Cette crise est dramatique car elle
consacrait directement une rupture de légitimités entre les acteurs
de la succession.
b:
La rupture de légitimités.
Le déroulement de la crise post-successorale s'inscrivait dans
la logique du fonctionnement du régime camerounais.
Toutefois,
il
devait
prendre
une
dimension
particulière
en
raison
des
liens
affectifs
qUl
existaient
entre
les
deux
acteurs.
En
effet,
la
légitimité
du
successeur
dérivait
de
celle
du
prédécesseur
en
raison même de la technique successorale mise en oeuvre.
De fait,
le
successeur
ne
disposait
pas
politiquement
d'une
marge
de
manoeuvre
lui
permettant
d'exercer en toute
quiétude
le pouvoir
présidentiel.
Le conflit de légitimités allait inéluctablement se manifester
100 Owona
écrit à
cet égard que "le projet de
révision -
une
véritable révolution
constitutionnelle -
prétendait
instaurer la
primauté du Parti donc de son Président,
faire du Premier Ministre
le Chef du Gouvernement renvoyant le Président de la République aux
chrysanthèmes . . . Par ailleurs la for ~mation de tout parti politique
devait être subordonnée au vote d'une loi en bonne et due forme par
l'Assemblée".
Cf.
Owona
(Joseph),
La querelle de
l'Etat et
du Parti;
"Le
renouveau camerounais:
certitudes et défis",
op.cit.,p.
84.

de son successeur
(1~) allaient marquer officiellement la rupture
des rapports entre les deux acteurs de la succession au Cameroun.
Perdant toute
ressource lui permettant de prendre
la mesure
de la situation politique et pour éviter tout limogeage humiliant
à
la tête du parti,
le prédécesseur démissionna de
la présidence
du parti unique de fait dont la direction allait revenir de droit
à
son
successeur
qui
en
était
le Vice-président.
Le
successeur
finit
par
détenir
tous
les
pouvoirs
étatique
et
partisan
pour
s'octroyer enfin d'une suprêmatie incontestée dans
le régime.
Pour réajuster le système constitutionnel à la situation nouvelle
née de cette crise dans
le régime,
le successeur devait apporter
une nouyelle touche au droit successoral en vigueur.
La
révision
constitutionnelle de 1983 allait permettre au dauphin devenu chef
de l'Etat de solliciter du peuple la légitimité populaire indispen-
sabl e
'
a l '
' d
exerClce
u
' e
pouvolr
n Af'
rlqu e
(103).
Dans
l'esprl't
du
~ Le 24 Août 1983, M.Ahidjo fait son autocritique en déclarant
que M. Biya, qu'il croyait être un homme "faible",
l'avait "déçu".
Deux
jours
plus
tard,
à
travers
les
ondes
de
R.F. 1.,
i l
traita
M.Biya d'''hypocrite'',
de "fourbe" victime de la "phobie des coups
d'Etat".
Cf. Monga
(C.),
Cameroun: Quel Avenir?,
op.cit.,
pp.60-61.
103
Dans
sa
conférence
de
presse
du
30
Novembre
1983,
le
Président
Biya
devait
insister
sur
la
nécessaire
légitimation
populaire des autorités de l'Etat en général,
et du chef de l'Etat
en particulier. Se fondant sur les stipulations de l'article 2 de
la
constitution
camerounaise,
le
successeur
constitutionnel
du
Président Ahidjo considérait qu' "il est donc normal de modifier la
constitution pour que le nouveau président puise sa source dans la
légitimité
démocratique".
De
plus,
ajoutait-il,
"l'expérience
a
montré
que
la
personne
devenue
président
par
les
mécanismes
constitutionnels apparaît plus ou moins comme ne jouissant pas tout
à fait de la plénitude du pouvoir".
Cf. B.A.N. No.1207 du 8/12/1983.

et de stabilisation du régime en place. En outre,
ce fut à travers
les procédures légales ou les règles statutaires du parti que les
protagonistes devaient valoir leurs prétentions.
Toutefois,
cette
crise déboucher sur une autre qui allait
ébranler le régime dans
ses fondements.
2:
La crise de régime.
Le
conflit
latent allait
prendre
la
forme
d'une opposition
ouverte à partir du moment où
les protagonistes
étaient amenés à
s'écarter de plus en plus des règles légales et légitimes du régime
pour recourir à
des procédés extra constitutionnels de réglement
de
leurs
différends.
Il
en
est
ainsi
de
l'appel
lancé
par
le
prédécesseur
à· tous
les
m:inistres
nordistes
de
démissionner
du·~·';f;-·'I
cabinet
présidentiel
pour
manifester
son
désaccord
avec
son
.. successeur sur,la composition du gouvernement qui a été remanié le
.,,·-:.18 Juin 1983. Cet appel allait déclencher le conflit ouvert entre
... ~.:•• :f
les deux acteurs de la succession présidentielle camerounaise.
La
dichotomie
des
forces
rénovatrices
et
conservatrices
à
laquelle
se
greffaient
les
tensions
régionales,
ethniques
ou
religieuses, allaient se traduire par une perturbation du fonction-
nement normal des pouvoirs publics,
notamment au
sein du gouver-
nement,
de l'Assemblée nationale,
de l'administration et du parti
où les forces étaient sensiblement égales. Le risque de blocage du
régime était alors inévitable et le recours à
la force incontour-
nable.
Les
transformations
profondes
apportées
aux
rouages
du
régime et les changements de dirigeants introduits par le succes-
seur, pour désamorcer le conflit latent,
devaient trouver un point

626
nécessaire. Elle permet en effet de tester la stabilité du régime
concerné.
Néanmoins,
cec i
ne
va ut.
que
dans
les
cas
où,
loin
de
l'emporter, la crise post-successorale révèle la capacité du régime
à surmonter cet obstacle à travers les ressources qui ont été mises
à sa disposition.
PARAGRAPHE II:
LA REGULATION DES CRISES POST-SUCCESSORALES.
L'appréciation du "test de la stabilité" d'un régime à travers
une
succession
ordonnée,
s'opère
en
fonction
de
paramètres
qui
s'articulent
autour
de
la
capacité
du
régime
à
surmonter
les
hypothèques qui pèsent sur lui.
Le
régime doit être à
même de se
protèger contre les menaces
internes ou externes et de se stabi-
liser grâce aux ressources
institutionnelles prévues
à
cet effet
.1 par
l'ordonnancement
de
ses
règles
juridiques
ou
de
ses
usages
""politiques.
Inversement,
la
lég i t imité
de
ces
armes
exclut
le
~.-<, :recours à des techniques non prévues par les règles du régime pour
la résolution des différends qui existent au sein du régime. Cettel
capacité à régulatrice permet de
jauger de la solidité du régime.
L'étendue des mécanismes de réglement des différends internes
déborde le cadre des techniques
juridiques. En effet,
à partir du
moment où le peuple est considéré comme la source et
la finalité
de tout pouvoir,
i l
s'avère
indispensable,
en cas d'inefficience
des
ressources
institutionnelles,
de
recourir
à
l'arbitrage
de
l'opinion publique.
A:
LE RECOURS AUX TECHNIQUES INSTITUTIONNELLES.
L'institution,
considérée comme la chose créee par
l'homme,

alors que dans d'autres elle n'avait pas pu s'épanouir. Dans tous
les cas où elle résultait de simples usages politiques, la dyarchie
pouvait être tolérée tant qu'elle ne constituait pas une menaçe à
l'autorité de l'Etat. En cas de conflit, l'Etat retrouve toutes ses
prérogatives.
Inversement,
dans
les cas où cette dyarchie résulte
d'un
ordonnancement
explicite
du
régime,
il
appartenait
à
ce
dernier de fixer les frontières
entre ces deux ordres
juridiques
et d'aménager les
rapports
entre
l'Etat
et le parti.
Les
crises
post successorales ont montré à
cet effet l'échec de la dyarchie
de fait et la réussite de la dyarchie de droit dans la résolution
des conflits post-successoraux.
a:
L'échec de la dyarchie de fait
La dyarchie de fait
se traduit par un bicéphalisme qui
n'a
pas été expressement prévu et organisé-par la règle de droit. Cette
situation est souvent une conséquence de la dichotomie entre ~es
pouvoirs
étatique et
partisan
qui
sont
confiés
à
des
autorités
indépendantes
et
soumis
à
des
légalités
distinctes.
Une
même
autorité peut
incarner
ces
deux
légalités
et
jouir ainsi
d'une
concentration des pouvoirs de l'Etat et du parti.
A ce titre,
la
mise en oeuvre de ces légalités obéit à un dédoublement fonctionnel
du
titulaire
de
ces
différentes
compétences.
C'est
ainsi
qu'en
droit et dans la pratique,
le chef d'Etat africain bénéficie de ce
dédoublement fonctionnel en raison de son statut de chef de parti
en même temps. En tant que chef de l'Etat,
il prend des décisions
qui engagent la collectivité étatique,
et en tant que simple chef
d'une
faction
politique,
i l
exerce
des
pouvoirs
dériv-ant
des

cette
interprétation
ne
trouve
pas
son
fondement
dans
le
texte
constitutionnel,
et de surcroît,
va à l'encontre même de l'esprit
de
la
constitution
qui
reconnaît
formellement
le
pluralisme
partisan même si l'D.N.C.
occupait seul le terrain politique.
En
outre,
cette thèse ne tenait pas compte de la capacité de l'Etat
à garantir sa survie.
L'Etat dispose de moyens lui permettant de
contrer la puissance du parti.
La stratégie d'ouverture du régime
à
la multiplicité des
candidatures aux élections présidentielles
et le rappel de l'option multipartisane du régime sont autant de
signes tendant à ramener le parti unique de fait à la place qui est
la sienne,
c'est-à-dire,
un simple instrument qui est placé à
la
disposition du détenteur de l'appareil d'Etat.
,:. ...
Le retour à la normale allait intervenir avec la prise en main
:du parti
par-le
chef
de
l'Etat,
son nettoyage
de
ses
éléments
J.8onservateurs,
ainsi que son noyautage par des éléments acquis
à
la cause du successeur. La transformation, à l'issue du congrès de
Bamenda de 1985,
de
l'D.N.C.,
considérée comme une émanation
du
Président Ahidjo,
en R.D.P.C.
(109),
un parti qui se réclame de
la
légitimité de son successeur,
illustre les limites d'une dyarchie
de fait opposant les légalités étatique et partisane. En raison de
sa permanence et de sa généralité,
le droit de l'Etat prime sur le
de nos possibilités et des aménagements qu'appellent les réalités
concrètes et les circonstances.
Cf.
Ahidjo,
Interview
au
"Cameroon
Tribune",
repris
par
M.Monga
(Célestin),
Cameroun: Quel Avenir?; op.cit.,
p.37.
109 Rassemblement
Démocratique du Peuple Camerounais.

632
Cette dyarchie de
droit est une caractéristique des anciens
régimes
afro-marxistes.
On
la
retrouve
également
dans
certains
régimes d'orientation socialiste comme celui de la République Unie
de
Tanzanie.
Dans
ce
pays,
la
const i t ut ion
de
1977
aménage
un
pluralisme
institutionnel
qui
est
une
manifestation
de
la
com-
plexité du paysage physique et social de cet Etat.
Cette consti-
tution instituait un régime partisan avec le C.C.M.
qui voit ses
structures se superposer à celles des appareils étatiques autonômes
de la partie continentale du pays et de Zanzibar. La constitution
de 1977 consacrait une unification partisane du régime tanzanien.
La constitutionnalisation du C.C.M.,
considéré comme le parti de~
tanzaniens du continent ou de sa partie insulaire,
érige ainsi le
'_l' parti
unique en noyau centralisateur du; régime. En tant que moteur
é , du'
régime., l'appareil d'Etat est constitutionnellement placé sous
<,~o, son autorité exclusive. Le parti dispose dès lors de moyens juridi-
ques
lui permettant de
faire prévaloir
sa propre suprêmatie.
En',
effet
il
détermine
la
politique
nationale
et
charge
l'appareil
d'Etat
de
veiller
à
l'application
ou
à
la
concrétisation
des
directives arrêtées par ses instances dirigeantes.
Le régime tanzanien repose ainsi sur une subtile répartition
des rôles entre le parti auquel est rattaché l'appareil d'Etat et
le gouvernement qui ne prend en charge que l'appareil administratif
d'Etat
ramené au
rang
d'instrument
d'exécution de
la volonté du
parti.
Cette détermination des rapports entre le parti et l'Etat est
reconnue et acceptée par tous les acteurs du régime tanzanien. En

contre le parti.
Il
reste que sous
l'angle de
la philosophie de
l'Etat ainsi que des rapports d'autorité et de légitimité,
l'Etat,
en tant que détenteur de la force publique, dispose matériellement
de moyens lui permettant de domestiquer, d'anéantir le parti ou de
le remplacer par un autre parti à sa dévotion. En effet, de par sa
nature,
le parti ne peut être un protagoniste de l'Etat.
Il n'est
qu'une
simple
institution
placée
sous
l'autorité
exclusive
de
l'Etat qui dispose à son encontre de moyens de domestication.
Seulement,
c'est
à
travers
les
mécanismes
juridiques
de
réglement
des
différends
que
les
conflits
doivent
trouver
des
solutions.
La
confiance
aux
règles
secrétées
par
le
régime
apparaissent à
cet effet comme un facteur de consolidation et de
stabilisation des régimes politiques.
:n :LE RECOURS AUX MECANISMES DE REGLEMENT DES CRISES.
La
résolution
des
crises
doit
s'insérer
dans
le
cadre
des
mécanismes
ordonnancés
par
la
règle
de
droit.
Les
procédés
de
réglement
des
conflits
trouvent
leur
légitimité
dans
les
règles
adoptées conformément aux procédures légales prévues à cet effet.
Le
consentement
au
pouvoir
de
contrainte
perd
toute
sa
raison
d'être
à
partir
du
moment

l'Etat
a
recours
à
des
armes
non
,
prevues par sa propre l 'ega l 'l t 'e pour se pro t 'eger
(111).
Or,
l'e'ven-
tail de quelques mécanismes classiques de
réglement des conflits
111
A la suite des tentatives de coup d'Etat au Kenya en 1982
et au
Cameroun
en
1984,
les procès à huis
clos
en
violation du
respect des droits de la défense,
et les exécutions sommaires de
prévenus avaient mis
en
lumière les tares
des
régimes
inaptes à
exploiter
les
ressources
qu'ils
ont
forgées
pour
assurer
leur
protection.

l ' a r t icle 47 de la constitution
(113)
On retrouve également cette forme de légalité dans les régimes
africains
de
tradition
britannique.
Des
pouvoirs
exorbitants
de
droi t
commun
sont
en
effet
reconnus
au
chef
de
l'Etat
en
vue
surtout
de
renforcer
sa
suprêmatie
sur
le
régime.
Au
Kenya
par
exemple,
le
6
amendement,
Acte
18
du
7/6/1966
porte
sur
la
préservation
de
la
sécurité publique.
Il
s'agit
là d'un
pouvoir
exorbitant
du
droit
commun
qui
permet
au
chef
de
l'Etat,
en
l'absence de tout contrôle du pouvoir judiciaire,
de faire arrêter
et emprisonner sans jugement quiconque constituant une menace à
la
sécurité
et
à
l'ordre
public
du
pays.
Devant
l'ambigüi"té
des
conditions
dont-.l'appréciation
relève
du
seul
titulaire de cette
\\_. :compétence
exceptionnelle,
cette
disposition
devait
permettre
à
-_.:~,.Kenyatta d'abord, et à son successeur ensuite,
de se débarrasser de
'"'
leurs adversaires de l'extérieur ou de l'intérieur du système
(114).
Les régimes disposent ainsi de puissants moyens de protectiom
qu'il peuvent exercer en période de crise.
S ' i l faut alors mettre
en veilleuse la légalité dans toutes ses manifestations chaque fois
que le régime est confronté à une crise,
les droits et libertés des
gouvernés risquent alors de dépendre de la bonne volonté du prince.
Inversement,
la légitimité du régime risque de s'effriter. Le droit
prévoit toutes les situations auxquelles pourrait être confrontée
113
Sur tous ces textes,
cf.
Le Recueil
des
textes relatifs à
l'organisation
politique
et
administrative
du
Sénégal;
Dakar,
Imprimerie Nationale,
1985.
114
Vincent
B.
Khapoya,
The
Polit ic
of
Succession
ln
Kenya,
op.cit.,
p.
101.

dévouée
à
la
cause du
successeur.
Le
pouvoir
d'organisation
et
celui de nomination constituent des armes de protection du régime
contre
toute
tentative
de
déstabilisation
de
l'intérieur.
Ils
assurent au bénéficiaire de cette compétence le contrôle direct des
rouages du régime
(115).
Cette exploitation des ressources institutionnelles de l'Etat
par
le
successeur se
retrouve
également
au
Kenya.
A travers
sa
personnalité énigmatique (116) le Président Moi a su dominer progres-
sivement
l'appareil d'Etat après
les évènements
de 1982 et 1983.
Cet appareil offre à son détenteur des
ressources
lui permettant
d'agir
directement
sur le
régime.
Grâce
à
l'exploitation de
son
pouvoir de nomination,
il devait apurer l'appareil d'Etat de tous
les éléments qui lui étaient hostiles.
Tous
les centres vitaux du
.régime
furent
placés
sous
l'autorité
de
collaborateurs
fidèles.
Déterminé à
assurer sa suprêmatie sur tout
le
régime,
Moi devait
procèder à une dispersion des rôles afin d'éviter une trop<grande
. concentration de pouvoirs entre les mains d'une seule autorité (111).
115
Pour
une
analyse
plus
approfondie
des
ressources
insti-
tutionnelles
du
chef
d'Etat
au
Cameroun;
cf.
Ngayap
(P.F.),
Cameroun,
qui gouverne? De Ahidjo à Biya,
l'héritage et l'enjeu;
Paris,
L'Harmattan, 1983,
352 p.
116 Oginga Odinga qui fut
son prédécesseur à la Vice-présidence
disait de MOI en 1966:
"Il
est comme une giraffe.Il peut voir de
loin les troubles venir."
Cf. A.
C.,
Vol 21, No 4,
February 1980.
117
C'est ainsi que la fonction de "Chief Secretaire", chef de
la puissante fonction publique devait être abolie par une révision
constitutionnelle
en
1986
garantissant
que
désormais
aucun
individu,
en
dehors
du
Président
de
la
République
ne
pouvait
cumuler
d'énormes
pouvoirs.
En
outre,
le
Prés ident
Moi
allait
abaisser
l'âge
de
la
retraite
à
55
ans
,
voir
à
50
ans
dans
certains cas. Cette réforme devait lui permettre de remplacer les

allait
se
déplacer
en
faveur
des
"Kalenj in",
et
surtout
de
la
petite ethnie "Tugen" à
laquelle appartient le Président Moi.
Un
cabinet à
"la cui sine kalenj in",
épicé de quelques membres venus
d'ailleurs à l'exception du " kikuyuland " ou du " luoland" fit son
apparition.
Ce
cabinet,
également
appelé
"groupe
de
la
Rift
Valley",
const i tue "les oreilles du Prés ident"
(120)
A travers la
constitution
d'un
réseau
de
clientèlisme
que
lui
procurent
ses
pouvoirs de nomination et de sanction,
Daniel Arap Moi ne faisait
que se conformer à une logique constante de l'exercice du pouvoir
présidentiel en Afrique.
L'exploitation
des
règles
juridiques
de
résolution
des
différends
pourrait
conduire à des
détournements
de
pouvoir.
En
outre
les
textes
juridiques
sont
souvent
adoptés
au
gré
de~"
circonstances et de l'humeur des gouvernants. Ainsi,
la légitimité~~
lé~ale est alors précaire car il ne traduit pas les aspirations des:~·
gouvernés.
Pour' ces
raisons,
le
recours
à
la
magie
du:. suffrage
universel permet d'opérer un arbitrage relativement effectif des
différends qui se posent au sein du régime.
B:
LA HAGIE DU SUFFRAGE UNIVERSEL.
L'élection
dans
sa
signification
classique
est
considérée
comme
une
technique
d'arbitrage
des
différends
politiques.
Elle
permet aux gouvernants de se retourner vers le titulaire théorique
du
pouvoir
souverain
pour
trancher
les
conflits
opposant
les
différents acteurs.
Ce recours au suffrage populaire renforce la
120
Cf The President's Ears"; A. C., Vo1.23,
No.8,
14/4/1982.

représentants
(121).
Le régime électoral kenyan se caractérise par la possibilité
pour un
candidat à
une élection
législative,
d'être élu avec ou
sans l'expression directe du pouvoir de suffrage des électeurs. En
effet depuis la consécration de
la K.A.N.U comme parti unique de
fait
de 1969 à
1982,
et de
jure depuis
1982,
les élections sont
internes au parti unique.
Si le candidat ne rencontre pas d'oppo-
sants dans sa circonscription électorale,
il est déclaré élu sans
même l'intervention des électeurs. Par contre, en cas de pluralité
des candidatures,
le choix de l'élu se fera selon le système des
primaires.
Les -r.és.ultats des élections sont importants eR ce qui concerne
l'exercice du pouvoir: En effet une tradition initiée par Kenyatta
et
suivie par Moi consiste à
ne
choisir au gouvernement
que les
ministres
préalablement
élus
à
l'Assemblée
nationale.
L'échec
électoral' constitue "un purgatoire institutionnel"
(122)
car il se
traduit par la perte d'un poste ministériel.
A cet effet,
l'utilisation de la technique électorale par le
Président Moi lui a permis de surmonter l'hypothèque que représen-
tait Charles Njonjo.
Ainsi,
après
la tentative de coup d'Etat de
1982 et le conflit latent existant au sein du triumvirat dirigeant,
12\\
Cf. Bourmand (Daniel), Elections et autoritarisme: La crise
de régulation politique au Kenya; R.F.S.P., Vol.35,
2, Avril 1985,
pp.2ü6-235.
122
Selon
Bourmand
(Daniel),
Les
élections
au
Kenya:
Tous
derrière et Moi devant;
in " Politique Africaine",
Octobre 1988,
p. 86.

d'avancer dans
le processus de consolidation de
son pouvoir avec
le démantèlement du "système Njonjo".
II:
UNE TECHNIQUE DE CONSOLIDATION D'UN POUVOIR HERITE.
La
pratique
successorale
contribue
au
renforcement
du
processus d'institutionnalisation du pouvoir présidentiel. A défaut
d'une légitimité historique,
les successeurs des chefs-fondateurs
sont souvent amenés à
se retourner vers le corps
social.
L'appel
au peuple est une arme privilégiée qui permet aux successeurs de
s'émanciper de la tutelle des gardiens de l'orthodoxie qui sont à
priori
hostiles
à
toute
ouverture
du
régime.
Les
élections
présidentielles
confèrent
ainsi
au
successeur
une
légltimité
distincte de celle de son prédécesseur
(125).
Toutefois,
un nouveau recours à la pratique électorale post~.~
législatives
soit reconduit au cabinet,
évincer Rubia du
nouveau
cabinet,
ainsi que l'allié Maasai de Njonjo -
Stanley Oloitipitip
-ancien
ministre
de
la
culture
qui
avait
reconnu
publiquement
durant la campagne contre Njonjo,
avoir été un proche de l'ancien
homme fort du régime. Magugu,
quant à lui,
avait été reconduit au
cabinet mais fut muté au ministère du travail.
Cf.Wells
(Rick),
What
Mandate
for
Moi?;
Africa
Reports,
Vol.28,
1983,
pp.1ü et s.
125
Au Sénégal par exemple,
le Président Diouf devait obtenir
une
investiture
présidentielle
démocratique
avec
les
élections
présidentielles du 27/2/1983.
Comme le soutient O'Brien,
M.Diouf
"n'est plus "homme de Senghor",
l'héritier de la présidence par le
simple
jeu
d'une
technique
constitutionnelle.
Il
est
désormais
président de par la volonté populaire".
Cf.
O'Brien
( Donald Cruise),
Les élections
sénégalaises du
27-2-1983,
Pol. Afr.,
Vol.11,
Sept.1983,
p.7.
De
même
au
Cameroun,
les
élections
présidentielles
du
14
Janvier 1984 consacraient la succession totale du Président Ahidjo
par le Président Biya. Ce dernier "possède désormais l'indispensa-
ble légitimité que confère le suffrage universel".
Cf. Monga (C.), Cameroun: Quel Avenir?; ouvrage précité, p.7ü.

tituaient
une
source
de
gaspillage
des
deniers
publics.
Pour
économiser l'argent du contribuable,
il choisit alors la technique
de
"la
file
indienne"
qui
serait
plus
conforme
à
la
tradition
africaine
d'expression
de
la
volonté
nationale.
Les
électeurs
doivent dès
lors s'aligner derrière
le candidat de leur choix ou
sa photographie. Malgré l'hostilité de Kibaki et
l'opposition de
certains députés et membres du
cabinet,
des organisations socio-
professionnelles ou religieuses
(ln)
et des droits de l'homme, Moi
fit adopter la réforme en fin 1987.
La réaction du corps électoral fut hostile car seuls 35% des
inscrits allaient participer aux primaires du 21/2/1988 en vue des
législatives de mars 1988. Seulement,
ces nouvelles règles du jeu
électoral
avaient ,-néanmoins
"favorisé une
remise
en ordre-ode la
classe politique -conforme aux voeux du Président"
(w).
En effet,
le~ élections de·1988 mettaient fin à la dyarchie appar~nte qui
ln Le dirigeant du Conseil National des Eglises,
Ndingi Mwana,
devait déclarer à ce propos: "Il n' y avait rien de plus totalitaire
que ce mode de scrutin".
Cf.
Jeune Afrique No 1449 du 19/10/1988, p.36.
128
Bourmand~ (O.), Les élections au Kenya: Tous derrière et Moi
devant;
op.cit., p.86.

6y 8
CHAPITRE II: UNE PERFORMANCE CONSERVATRICE.
La réussite d'une opération successorale est appréciée sur la
base des résultats du successeur.
Celui-ci est en effet appelé à
relever
un
défi
qUl
est
la
continuité
du
régime
hérité.
La
réalisation de cet objectif conditionne la stabilisation du régime.
Toutefois, la consolidation du régime est souvent assimilée à celle
des assises du successeur.
En effet,
l'observation de la pratique
successorale des régimes africains, montre que la stabilisation du
processus successoral est essentiellement ramenée à la personne du
successeur souvent au détriment du régime lui-même.
La légitimité
de
performance
est_
alors
détournée
de
ses
nobles
idéaux.
Elle
s'identifie désormais
à
la
recherche
des
voies et moyens
devant
permettre au successeur de disposer d'un leadership incontesté au
sein
du
régime
hérité.
Il
y' a
dès
lors
une
orientation
conser-
vatrice
de
la
légitimité
de
performance
qui
laisse
entier
le
problème de
la
succession
présidentielle
dans
les
régimes
afri-
cains. En effet, malgré le transfert physique du pouvoir présiden-
tiel,
la prévalence de l'individu sur l'institution reste toujours
de rigueur. Aussi, assiste-t-on à un retour au statut quo ante et,
en conséquence,
à une mise en veilleuse de
l'institution succes-
sorale qui reste toujours à valoriser dans les régimes africains.
SECTION 1: UN RETOUR AU STATUT QUO ANTE.

institutions politiques
sont aménagées de manière à
consacrer sa
suprématie. Le chef d'Etat africain plane sur tout le régime.
L'équation
qui
se
pose
au
successeur
est
de
procèder
à
un
recentrage du régime en vue de bénéficier des mêmes avantages que
son prédécesseur. Pour atteindre cet objectif,
i l est alors obligé
de procéder à un double recentrage institutionnel et politique des
régimes hérités.
A:
LE RECENTRAGE INSTITUTIONNEL.
L'adaptation des constitutions aux circonstances changeantes
apparaît
comme
un
impératif
pour
tout
régime.
En
effet,
la
constitution
ne
saurait
étre
figée.
Adoptée
en
fonction
des
considérations du moment,
elle doit tenir compte des mutations de
la société qui "ne sont des épures offertes à
l'application d'une
mathématique
dégagée
des
contingences"
e)
Ce
principe
de
la
mutabilité est souvent concilié avec une rigidité des constitutions
qui ,dans
les
régimes
africains,
est
souvent
atténuée
par
la
reconnaissance d'un pouvoir constituant dérivé au chef de l'Etat.
ment applicable au statut du chef d'Etat africain.
Le constituant
de 1958 cherchait à restaurer l'autorité de l'Etat en confiant au
chef de l'Etat une mission d'articulation des règles du régime en
vue d'assumer la fonction de continuité de l'Etat.
Cf.
Discours de M.Debré devant le conseil d'Etat le 27 Août
1958,
in Maus
(Didier),
"Les grands textes de
la pratique insti-
tutionnelle de la Vè République" (Textes rassemblés par ... ); Paris,
La Documentation Française,
1982, pp.2-8.
En
tant
qu' "édifice
inachevé",
l'Etat
africain
est
en
construction.
La
disposition
des
organes
constitutionnels
fait
ainsi apparaître une articulation d'un ensemble structuré autour
du
chef
d'Etat
que
les
constitutions
placent
au-dessus
des
différents organes constitués.
2
Burdeau (G.): Traité de Science Politique, Tome IV: Le Statut
du pouvoir dans l'Etat,
Paris, L.G.D.J.,
3.éd.
1984, p.196.

cause de
l'ordonnancement
traditionnel
du
pouvoir exécutif.
Les
organes et structures qui constituaient un obstacle à
la préemi-
nence
du
successeur
sont
alors
remplacées
par de
nouvelles
qui
consacrent sa primauté totale sur l'exécutif.
Le Gabon offre une illustration significative du processus de
refonte du pouvoir gouvernemental après la succession présidentiel-
le
de
1967.
Jusqu'à
cette
période,
le
pouvoir
exécutif
était
composé
du
président
de
la
République,
de
vice-présidents
du
gouvernement,
de
ministres
et
secrétaires
d'Etat.
Les
vice-
présidents du gouvernement procèdaient de la seule volonté du chef
de l'Etat. Ils dépendaient du chef de l'Etat qui les nommait ou les
révoquait
discrétionnairement.
Au
nombre
de
trois,
les
vice-
;V~
présidents du gouvernement étaient, en réalité des "super-ministres"
chargés d",as s ister le chef de l'Etat dans l' accompl is sement de ses
tâches. La réforme de 1967 supprima- la vice-présidence du gouverne-
ment
en
faveur
d'une. vice-présidence
de
la
république
dont·, le
titulaire était élu en même temps que le chef de l'Etat et assurait
sa
succession.
Le Vice-président
Bongo
fut
le principal
bénéfi-
ciaire de cette
réforme
constitutionnelle.
Seulement,
après
son
accession
à
la
magistrature
suprême,
il
devait
nommer
un
vice-
président du gouvernement alors que l'institution n'existait plus
constitutionnellement. Il y'avait là une violation manifeste de la
constitution gabonaise visant à consolider l'autorité du successeur
au sein du régime. Certes la révision constitutionnelle de 1967 ne
disait mot de la succession du vice-président.
Toutefois,
devant
cette lacune juridique, le successeur aurait dû laisser l'institu-

chef d'Etat gabonais
(6).
Le processus de refonte des
institutions exécutives fut mené
à
terme
avec
l'adoption
de
la
loi
No. 1/75
portant
révision
et
rénovation de la constitution
().
L'établissement d'un poste de
"Premier ministre choisi et nommé par le Président de la République
est
l'innovation
principale
introduite par
la
loi
constitution-
nelle"
(8).
L'institution premier ministérielle est calquée sur le
modèle du "Premier ministre de la seconde génération"
t ) ;
c'est-
à-dire,
"une institution intuiti-personae",
qui est placée "dans
une
subordination
hiérarchique
se
manifestant
par
son
mode
de
désignation" et la jouissance "de la confiance du chef de l'Etat
devant lequel il est responsable"
(w)
Ainsi,
malgré
l'apparente
dyarchie
au
sommet
du· pouvoir
exécutif,
le Premier ministre
n'était
qu'un
simple chef d' éta,t-
6
En vue de renforcer le processus d'allégeance des membres
de l'appareil d'Etat,
une ordonnance No.14/69 du 26 Février 1969
institue un serment de fidélité prêté devant le chef de l'Etat par
le président de la Cour Suprême,
le président du Conseil Economique
et Social et tous les membres du gouvernement.
Cf.
Gabon:
Deux ans
de
rénovation
nationale;
"La Politique
Africaine en 1969", No Spécial du B.A.N.,
Paris,
La Documentation
Africaine, pp.138 et s.
7
Loi No.1/75 du 15 avril 1975; Année Afr. 1975, Paris, Pédone,
pp.66-68.
8
Lavroff
(D.G.),
L'évolution constitutionnelle et politique
de la République du Gabon; Année Afr.
1975, op.cit., p.66.
9
Diop (S.), Le Premier Ministre africain . . . . , thèse précitée,
p.12.
10
Tchivounda
(Guillaume
Pambou),
Essai
de
synthèse
sur
le
Premier Ministre africain; R.J.P.I.C., T.33, No.3, Septembre 1979,
p.270.

Le
Premier
ministre
est
généralement
considéré
comme
une
institution circonstancielle dans les régimes africains. L'institu-
tion est en effet créeeen vue d'apporter des solutions ponctuelles
à des problèmes précis.
C'est ainsi qu'elle avait été utilisée en
vue
de
permettre au
chef
d'Etat
en
place
de
préparer
en
toute
quiétude
sa
succession.
En
conséquence,
l'institution
perd
sa
raison d'être si les circonstances qui étaient à
l'origine de sa
création disparaissaient. Il en est ainsi de l'avènement du dauphin
à la tête de l'exécutif. En effet,
une fois le pouvoir présidentiel
hérité, le successeur ne va plus s'occuper de sa propre succession.
Au. contraire,
le Premier ministre du
successeur se présente
"un
anti dauphin" du "dauphin couronné"
(12).
,,_
La
pratique
post-successorale
au
Sénégal
et::: aœ Cameroun
confirme cette~volontédes successeurs de maitriser, les rouages ,de
l'appareiL.i!'gouvernemental
par
le
biais
de
lac!.::suppression
de
l~institution primatoriale.
1:
La disparition du poste de Premier ministre au Sénégal.
Le bicéphalisme a eu des problèmes d'acclimatation au Sénégal
en raison des crises ou des tensions qu'il a souvent engendrées au
12
":
Diop
(S.),
Le Premier Ministre africain:
La renaissance
du
bicéphalisme
exécutif
en
Afrique
à
partir
de
1969;
Thèse
précitée,
p.355.

s'agissait de revenir au "régime présidentiel pur"
(14).
A travers
la suppression de l'institution du Premier ministre,
le constituant
de 1983 consacrait la suprêmatie incontestée du chef de l'Etat au
sein du pouvoir exécutif (u)
En conséquence l'institution gouver-
nementale
fut
supprimée
de
l'ordonnancement
constitutionnel
(16).
Ainsi, tout en conservant les prérogatives qui étaient les siennes,
le chef de
l'Etat
s'arroge également de celles
qui
relevaient du
Premier ministre.
Ne
faut-il
pas
dès
lors
s'interroger
sur
"les
raisons
14 Cf.
Nzouankeu
(J .M.),
La révision constitutionnel du 1 Mai
1983 et la.re.stauration du régime présidentiel;
R.LP-;A.S.,
No.8,
Octobre-Décembre 1983,
pp.618-650.
Une telle qualification nous paraît contestable'.
En effet le
modèle
présidentiel
institué
par
le
constituant
du
7
Mars
1963
était
préc.i::sément
"impur"
du
fait
de
l'ingérence, ;manifeste
du
pouvoir
exécutif
dans
l'exercice
de
la
fonction
législative.
Au
c0ntraire dans
le
régime présidentiel,
le Parlement dé_tient tout
le
pouvoir
législatif,
le
chef
de
l'Etat
ne
disposant
même
pas
d'une initiative en matière législative.
15
Expliquant
les
raisons
de
la réforme
constitutionnelle de
1983,
le Président
Diouf mettait en relief les
impératifs
liés
à
la nécessité de permettre au gouvernement
"de
remplir sa mission
avec encore plus d'efficacité,
de rapidité et de
simplicité." Cet
objectif
ne
pouvait
dès
lors
être
atteint
que
si
l'action
du
gouvernement est placée "sous l'autorité directe du Chef de l'Etat"
afin
de
lui
permettre
"de
diriger,
d'animer
et
de
contrôler
directement l'administration".
Cf. Message à
la nation du 3/4/1983;
ilLe Soleil" du 5/4/1983.
~
Le
nouvel
article
43
stipule
que
le
Président
de
la
République
est
assisté
par
les
ministres
et
secrétaires
d'Etat
choisis
et
nommés
par
lui.
Ils
sont
responsables
devant
le
détenteur du pouvoir exécutif.
Le nouvel article
92
transfère au
chef
de
l'Etat
les
compétences
qui
avaient
été
attribuées
au
Premier ministre
par
les
dispositions
législatives
ou
réglemen-
taires en vigueur et tant que celles-ci n'auront pas été modifiées
ou abrogées.

enjeu politique, non seulement en raison de son statut de dauphin,
mais
de
sa
prise
en
charge
par
M.Maïgari
Bello
Bouba
imposé,
semble-t-il,
par le Président Ahidjo à
son successeur et par les
circonstances propres de l'environnement du régime camerounais (w).
La légitimité du Premier ministre dépendait alors beaucoup plus de
l'ancien chef de l'Etat que de son successeur.
Seulement
au
lendemain de
la
succession,
le
Président Biya
était préoccupé par l'acquisition d'une légitimité autre que celle
qui
résultait
de
son prédécesseur.
Le Premier ministre,
en tant
qu'institution d'équilibre ou de modération ne constituait pas une
menace immédiate au pouvoir du successeur. En d'autres termes,
la
~JffienaCe au leadership présidentiel se si~uait essentiellement dans
la vieille·garde regroupée derrière son prédécesseur ..
Cette.;double préoccupation explique
les portées
respectives
des révision:s
constitutionnelles de 1983 et de. 1984'.
La première
~' révision appara.issai t comme la réponse à' la quête par le successeur
d'une légitimité propre.
Cette réforme ne portait pas atteinte à
la diposition des organes au sein du pouvoir exécutif.
En effet,
W
M.Maïgari Bello Bouba,
35 ans au moment de
sa nomination,
est un nordiste,
originaire du même département que l'ancien chef
d'Etat Ahidjo. L'équilibre ethnique avait été avancé pour justifier
son choix.
"Marchés Tropicaux" écrit à ce propos:
"En lui confiant
le poste de Premier ministre qu'il occupait auparavant,
le nouveau
chef d'Etat compense aussi l'arrivée d'un sudiste à la magistrature
suprême.
Sa
désignation
traduit
ainsi
la
préoccupation
de Biya
d'éviter d'éventuelles divisions ethniques, ce qui le dispose, dans
un premier temps, d'avoir à négocier avec les membres influents des
deux principales ethnies du Cameroun,
les Foulbé au Nord et les
Bamileke à
l'Ouest".
Cf
Cameroun:
Nouveau
Premier
Ministre;
"M.
T. ,
No .1931,
12/11/1982, p.3ü26.

supprimant l'institution du Premier ministre et, en conséquence au
renforcement de la primauté du chef de l'Etat dans le régime
(n).
La disparition du Premier ministre au Sénégal et au Cameroun
devait entrainer des effets pervers. En effet,
elle profite à une
institution de coordination qui
finit par s'arroger des pouvoirs
du Premier ministre. Le Secrétaire Général de la présidence de la
république ou du gouvernement, en tant que passage obligé entre le
chef de l'Etat et les autres ministres,
"n'exerce-t-il pas en fait
une véritable primature de l'ombre?"
(23).
Le
processus
de
consolidation
déborde
le
cadre
du
pouvoir
exécutif. Elle s'étend aussi au contrôle de l'appareil d'Etat qui
garantit
effectivement
la' mainmise
du
successeur
sur
le
régime
hérité.
II: LE CONTROLE DE L'APPAREIL D'ETAT.
L'appareil d'Etat recouvre l'ensemble des institutions et des
-
···structures permettant au
chef de
l'Etat
d'assumer
la, mission
qui
lui a été assignée par la constitution
(24).
22
Monga
(C. )
voit
deux
explications
à
cette
réforme.
La
premlere:
"le
chef
de
l'Etat
se
débarrasse
ainsi
d'un
poste
encombrant, parce que terriblement
Convoité dans tous les cercles
du pouvoir". La seconde: "il a choisi de monter lui-même au créneau
pour affirmer qu'il
n'a pas
-encore-
l'intention de désigner un
dauphin".
Cf. Monga
(C.),
Cameroun: Quel Avenir?; op.cit., pp.70-71.
23
Debène
(M.)
et
Gounelle (M.),
Le
Sénégal,
du
Président
L.S.Senghor au Président Abdou Diouf;
op.cit., p.1546.
24
La conférence de presse du Général De Gaulle du 31/1/1964
permit à une partie de
la
doctrine de circonscrire
l'étendue du
pouvoir
d'Etat.
Le
Président-fondateur
de
la

République
soulignait à
cet effet
que"
l'autorité exclusive de
l'Etat est
confiée toute entière au chef de l'Etat par le peuple qui l'a élu
et
qu'il
n'existe
aucune
autre
autorité,
ni
administrative,
ni

l'état des rapports politiques.
L'ordonnancement
des
règles
du
régime
met
en
lumière
la
déviation présidentialiste des régimes africains.
L'introduction,
dans
les constitutions présidentielles africaines,
des
artifices
du
parlementarisme
rationalisé
place
l'Assemblée
nationale
dans
une
situation
de dépendance vis-à-vis
du
chef de
l'Etat.
Malgré
l'adhésion
formelle
des
régimes
africains
à
la
séparation
des
pouvoirs, certains textes constitutionnels ont tendance à confèrer
des pouvoirs
exorbitants au pouvoir exécutif.
Ce dernier dispose
de moyens
qui
lui
permettent de
faire
prévaloir
sa
volonté
sur
celle du législateur (25). L'indépendance du pouvoir législatif vis-
à-vis
du pouvo'ir présidentiel en Afrique apparaît
comme
un voeu
pieux,
une
simple
déclaration
d'intention
alors
que
celle
de
l'exécutif vis-à-vis du législatif est. rigoureusement protégée (26).J'
Toutefois
cette
preeminence
du
chef
de
l'Etat
sur
les
25 C'est ainsi qu'au Sénégal,
l'art. 75 bis de la loi No.67-32
du 20 Juin 1967 portant révision de la constitution du 7 Mars 1963
(J.O.R.S. du 10 juillet 1967, p.1033),
permettait au président de
la République élu,
à
condition qu'il se soit écoulé trois ans au
moins depuis le début de la législature
(delai pouvant être ramené
à un an lorsque le chef de l'Etat avait été élu pour terminer le
mandat
de
son
prédécesseur),
de
prononcer
la
dissolution
de
l'Assemblée nationale. Toutefois, en cas de dissolution,
le mandat
présidentiel était soumis à renouvellement en même temps que celui
des membres de l'Assemblée nationale.
Cette
disposition
se présentait
comme
une
hérésie
dans
un
régime
présidentiel.
Elle
apparaissait
comme
une
manifestation
institutionnelle du présidentialisme.
U
Au Sénégal,
le pouvoir exécutif peut utiliser la procédure
de l'irrecevabilité des amendements de nature législative ou finan-
cière pour contrer les ardeurs des parlementaires (art. 71). Il peut
aussi exploiter à loisir la procédure de délégalisation des textes
de forme législative
(art.68, al.2)
ou du contrôle de la
consti-
tutionnalité des lois parlementaires
(art.63).

doit alors
refléter le changement au sommet de l'Etat. A travers
la mainmise sur le parti, le successeur peut veiller à la sélection
des députés les plus dévoués à sa cause.
Seulement la mainmise
du
successeur
sur
l'assemblée ne
lui
confère pas la totalité des ressources indispensables à la mise en
oeuvre de sa nouvelle politique.
Encore
lui
faut-il s'assurer du
contrôle
de
cet
instrument
de
domination
qu'est
le
pouvoir
administratif.
b:
La mainmise sur le pouvoir administratif.
L'administration concrétise la volonté du pouvoir politique.
Cette mission d'application met le pouvoir administratif en contact
direct
avec
le:s', administrés.
Ceux-ci
sentent
les
pesanteurs
du
pouvoir gouvernemental à travers l'administration qui, investie de.
prérogatives
de
puissance
publique,
est
en
mesure
d'imposer
sa'
volonté aux administrés.
Pour les gouvernants africains,
la stabilisation du pouvoir
gouvernemental passe par une mainmise Sur l'appareil administratif.
Dans
leur
entreprise
de
stabilisation,
les
successeurs
ont
eu
recours au pouvoir administratif pour s'assurer de la mainmise de
toutes
les
structures
de
domination
Instrument
de
con-
n
Cette préoccupation se trouvait dans
les motivations de la
réforme constitutionnelle intervenue le 1 Mai 1983 au Sénégal. Le
Président Diouf avait avancé une raison d'rodre administratif dans
son message à la nation du 3/4/1983. Cette raison "n'obéit qu'à des
nécessités liées au fonctionnement efficace,
harmonieux et raipde
des rouages de l'Etat"
(ilLe Soleil ll du 5/4/1983).
En fait,
ainsi que le font observer Debène et Gounelle lI ayan t
pratiqué, comme Premier ministre,
la formule de la déconcentration
de
l'exécutif,
M.
Abdou
Diouf
en
a
vécu
les
inconvénients
qui
tiennent à la complexité des rouages et à la lourdeur des réseaux.
Aujourd'hui,
le
Président
veut
être
en
contact
direct
avec

à
l'encontre
des
fonctionnaires
de
l'Etat.
Les
emplois
réservés
sont à sa disposition et ils constituent un moyen de promotion des
fonctionnaires
dévoués à
la cause présidentielle.
La disposition
des règles
juridiques fait ainsi de l'administration un moyen de
réalisation de la volonté du chef de l'Etat
(~). Il s'agit pour le
nouveau chef d'Etat, de placer ses partisans les plus dévoués dans
les rouages essentiels de l'appareil administratif.
Au total
la politique de stabilisation du successeur repose
sur l'exploitation des
ressources que le droit positif reconnaît
au
chef
de
l'Etat.
L'action
sur
les
institutions
aboutit
à
renforcer son indépendance vis-à-vis des autres organes de l'Etat.
L'exploitation
de
ses
prérogatives
explicites
et
implicites
lui
garantit une maîtrise totale de l'appareil d'Etat.
Toutefois
le pouvoir d'Etat
reste fragile. sans
la prise
en
compte de son substratum qu'est le pouvoir politique. Le recentrage
politique du rég imehér i té permet alors au successeur de rompr.e le
rubicon qui
le liait à
la légitimité heritée de son prédécesseur
et de se doter d'une légitimité propre qui garantit
la stabilité
de son pouvoir.
B: LE RECENTRAGE POLITIQUE.
L'action sur les institutions juridiques s'accompagne souvent
~ Cette
mainmise
du
chef
de
l'Etat
sur
l'administration
territoriale renforce ses pouvoirs sur les administrés. En effet,
dans les régimes multipartisans,
le contrôle de
l'administration
territoriale place le parti du
chef de l'Etat dans
une position
privilégiée vis-à-vis des autres partis en raison
de la crainte
qu'inspirent les représentants locaux du pouvoir central et surtout
des
obstructions
pouvant
être
apportées
à
l'action
des
partis
d'opposition.

canaux de décision et de communication.
Le personnalisat ion
des
partis
rend parfois
diff icile
leur
survie après le départ de leurs fondateurs.
Certes,
dans certains
régimes,
le parti hérité avait surmonté avec succès le test de la
succession présidentielle après avoir néanmoins subi une transfor-
mation
en
profondeur
de
ses
structures
et
de
ses
dirigeants.
Toutefois
dans
plusieurs
régimes,
la
succession
du
chef
d'Etat
s'accompagne d'une
succession de partis correspondants.
Celle-ci
se manifeste
souvent par la création d'un nouveau parti
sur
les
cendres du parti hérité. La mise en place de ce parti peut être la
conséquence de la léthargie dans laquelle se trouvait le parti au
moment ide
la
sU0c:e.ssion
(Gabon)
ou d'une
rupture
de
légitimités
entre le.prédécesseur et son successeur
(Cameroun)
a: La léthargie du parti hérité.
Dans un régime en développement,
les fonctions assignées a~
parti peuvent êt~e: ~raduées en fonction des préoccupations du chef
en place.
Celui-ci peut faire prévaloir le souci de stabilisation
de
son pouvoir sur
celui
de
l'intégration nationale.
Dans
cette
même perspective, son successeur peut hériter d'un parti relative-
ment
stable
sur
le
plan
structurel
et
mettre
l'accent
sur
la
dimension fonctionnelle.
Les règles du régime sont alors ajustées
aux nouvelles données
résultant de la succession présidentielle.
La dynamique partisane pourrait, en conséquence, être affectée par
ce changement d'orientation et nécessiter une revitalisation.
Le
Gabon
offre
à
cet
égard
un
exemple
significatif
de
la
création
d'un
nouveau
parti
présidentiel
pour
faire
face
à
la

s'accommoder d'un parti
léthargique.
C'est
pour ces
raisons
que
Bongo devait très vite s'atteler à
créer un parti nouveau adapté
à
sa propre politique
(D).
Le P.D.G.
allait apparaître comme
"son"
parti
car il était
conçu comme un instrument d'action de la politique présidentielle.
Créé
en
1968,
le
parti
n'est
sorti
"de
la
clandestinité
cons-
titutionnelle que le 29 Juillet
1972"
e3)
Constitutionnalisé ,
le P.D.G devient ainsi/et jusqu'en 1990(le noeud gordien du régime
gabonais,
et le gardien de l'orthodoxie de ses valeurs.
La politique de recrutement ou d'installation
des partisans
dévoués du chef de l'Etat au sommet de la hiérarchie du.pàrti et
de l~Etat finit par transformer le P.D.G.
en un moteur du régime
gabonais et un
instrument privilégié de renforcement des assises-_
personnelles du Président Bongo.
La naissance d'un nouveau parti peut aussi être la résultante 'f
d'une rupture de légitimités entre celle du prédécesseur; et celle
de son successeur.
32
De
fait,
la
création
du
P. D. G.
serait"
le
couronnement
logique des efforts poursuivis par Bongo ... depuis de nombreux mois
avant même son accession définitive à
la magistrature suprême en
Novembre 1967,
pour rénover la vie politique gabonaise".
Cf. Gabon: Reconciliation nationale; R.F.E.P.A., Mai 1968, pp.
2-3.
TI
Pour reprendre l'expression de M.
N'Dong Obiang,
Le Parti
Démocratique
Gabonais
et
l'Etat;
op.cit.,
p.147.
En
effet,
des
mesures avaient été prises dès 1968 pour instituer le P.D.G. comme
parti unique avec la suppression par la loi No.2/68 du 29 Mai 1968
de
la
disposition
constitutionnelle
relative
au
multipartisme
politique.
Mais
ce
fut
la
loi
No
14/72
du
29
Juillet
1972
qui
devait introduire le P.D.G. dans le fonctionnement constitutionnel
du régime politique gabonais.

pouvoir étatique tout en se réservant un certain un droit de regard
sur son exercice à travers le parti unique. L'U.N.C. était en effet
devenu
le
dernier
refuge
des
adversaires
du
changement.
La
multiplication des
centres de
décision entre la présidence de la
république et la présidence du parti devait aboutir à des tensions
entre les deux sommets du pouvoir et à l'éclatement de la crise de
1983. La prise en main du parti par M. Biya n'allait pas désamorcer
entièrement les tensions internes du fait
de la forte présence de
la
vieille
garde.
Après
les
élections
de
1984,
l' autor i té
du
sucesseur allait trouver une consécration politique avec le congrès
de BAMENDA des 2-24 Mars
985 qui vit
la transformation_ de
l'UNC,
une émanation du-Président Ahidjo en R. D.P.C,;, un parti au service
exclusif du successeur constitutionnel. Ce congrès était avant tout;
un. procès de l'U.N.C,
le parti hérité dont la faillite avait été
condamnée par son propre ~résident (w). Tirant les conséquences de~
cette
rupture' de'
légitimités,
le
Congrès
vota
une
résolution
portant changement de dénomination et modification des statuts du
:l4
Le Président Biya devait déclarer à cet effet:" Il nous faut
cependant
convenir,
ainsi
que
chacun
a

le
constater
et
le
déplorer,
qu'en
ces
circonstances particulièrement graves,
notre
parti
n'a
pas
pu
démontrer
la
pleine
mesure
de
ses
capacités
d'encadrement
et
de
mobilisation
des
masses.
Notre
parti
aura
davantage
révélé
les
faiblesses
de
ses
structures
et
de
son
fonctionnement, telles qu'elles se sont manifestées dans l'impres-
sion de flottement qu'il a laissé apparaître et dans son attentisme
qui a pu être perçu comme traduisant de sa part,
sinon l'irrésolu-
tion,
du moins un manque notoire d'organisation".
Extrait de Monga (C.), Cameroun: quel Avenir?; op.cit., p.218.

676
Démocratique"
e7). En d'autres termes, l'ancien parti qui se
réclamait de la légitimité du père-fondateur de la Tunisie moderne
allait laisser sa place à un nouveau parti entièrement acquis à la
cause du successeur. Le Rassemblement Constitutionnel Démocratique
devient
ainsi
un
instrument
de
mise
en
oeuvre
de
la
nouvelle
politique définie par le successeur constitutionnel de Bourguiba.
Au
Cameroun
et
en
Tunisie
la
pratique
fut
la
même.
Le
recentrage politique ne se traduit pas par l'adaptation du parti
existant au changement mais
par
une
révolution en profondeur de
l'infrastructure politique héritée du prédécesseur. Cette révolu-
tion est une manifestation de la volonté du
successeur de. couper
les
fils·' liant
les; structures
du
passé
à
celles
du présent.
En
effet, aux préoccupations propres des successeurs correspondent des
structures adoptées sur mesure. Celles-ci peuvent aller jusqu'à la
transformation radicale de la physionomie du régime hérité.
II: LA TRANSFORVillTION DU REGIME HERITE.
Le processus est différent à ce niveau de l'analyse. En effet,
la
succession
présidentielle
se
traduit
ici
par
une
certaine
rupture des règles et pratiques traditionnelles. Une telle rupture
présente
une
dimension
positive.
Du
changement
physique
de
gouvernants
peut
résulter
une
transformation
qualitative
des
principes et valeurs du régime.
L'analyse de la pratique successorale montre qu'une person-
nalisation de départ du régime peut déboucher sur une redéfinition
TI
Jeune Afrique,
No.1501 du 9/10/1989,
pp.28-13.

démocratisation d'un
régime
(y).
Toutefois,
Sl
un tel pluralisme
garantit une possibilité de choix au
sein du parti,
ce choix ne
peut
s'étendre
sur plusieurs
partis.
Cette
limite
relativise la
portée démocratique du système. Toutefois, cette stratégie vivement
encouragée par les successeurs pourrait apparaître comme un prélude
à l'ouverture multipartisane du régime monopartisan hérité.
Au Cameroun, par exemple,
le congrès de BAMENDA se présentait
comme un nouveau départ du régime. En effet,
i l devait marquer la
fin du système de la cooptation des candidats par l'état-major du
parti
au
profit
du
choix
laissé
à
la
libre
appréciation
des
électeurs.
En Sierra Leone par contre,
le successeur avait développé à
l'occasion
des
élections
législatives
qui
avaient
suivi
son
accession
à
la
magistrature
suprême,
un
code
de
conduite
qui.
s'imposait à tous les candidats. L'objet déclaré était de garantir_
la
sincérité
du
s~crutin et
la
régularité
des
opérations
élec-
torales.
Ce code était défavorable à
la vieille
garde
longtemps
habituée à la manipulation électorale.
Toutefois,
l'annulation de
l'élection de certains membres de la vieille garde du parti devait
renforcer
la
dimension
affective
des
acteurs
vis-à-vis
des
autorités du régime.
De même au Kenya, en dépit du monopartisme institutionnel, la
pluralité
des
candidatures
aux
élections
législatives
devait
y
Sy
(S.M.),
Formes et structures de l'Etat:
L'Etat multina-
tional et le pluralisme politique; Présence Africaine, No.127/128,
1983, pp.298-3ü7.

(fj).
Les élections organisées en Juin 1980 achevaient le processus
de
démocratisation
du
régime
égyptien
avec
la
représentation
multipartisane au Parlement (M) .L'ouverture démocratique montre que
le
pluralisme,
loin
de
constituer
une
certaine
menace,
est
un
facteur de stabilisation des régimes.
Renforcement du pouvoir présidentiel à travers
l'action sur
les institutions et sur l'environnement socio-politique, mais aussi
consécration
de
l' hégémonie
du
successeur
sur
tous
ses
ri vaux
éventuels, telles sont les tendances générales observées dans les
pratiques suivies par les successeurs pour stabiliser l'opération
successorale. La recherche de cette hégémonie passe souvent par un
retour vers la banalisation des institutions' successorales.
PARAGRAPHE
II:
LA BANALISATION A POSTERIORI
DE L'INSTITUTION,
SUCCESSORALE.
L'institution
successorale
n'est
pas
bien
intégrée
dans
le-
fonctionnement-
des
régimes
africains.
En
effet,
la
place
qui
devrait lui revenir n'est pas valorisée dans le système des valeurs
gouvernementales.
Elle
s'épanouit
difficilement
dans
un
système
bâti
autour de
la mythification
du
chef.
Dans
la perception du
pouvoir,
le
chef
d'Etat
africain
ne
pense
pas
à
ses
limites
physiques
mais
à
la
perpétuation
de
sa
préeminence
Sur
les
institutions et ses composants.
fj Mc Dermott
(A.); Egypt: From Nasser to Moubarak ... ; op.cit.,
p.111.
M
Mc Dermott (A.); Egypt: From Nasser to Moubarak ... ; op.cit.,
p.112.

(fj).
Les élections organisées en Juin 1980 achevaient le processus
de
démocratisation
du
régime
égyptien
avec
la
représentation
multipartisane au Parlement (44) • L'ouverture démocratique montre que
le
pluralisme,
loin
de
constituer
une
certaine
menace,
est
un
facteur de stabilisation des régimes.
Renforcement du pouvoir présidentiel à
travers
l'action sur
les institutions et sur l'environnement socio-politique, mais aussi
consécration
de
l' hégémonie
du
successeur
sur
tous
ses
rivaux
éventuels,
telles sont les tendances générales observées dans les
pratiques suivies par les successeurs pour stabiliser l'opération
successorale. La recherche de cette hégémonie passe souvent par un
retour vers
la banalisation des institutions success0rales.
PARAGRAPHE II:
LA BANALISATION A POSTERIORI DE L'INSTITUTION
SUCCESSORALE.
L'institution
successorale
n'est
pas
bien
intégrée
dans
le
fonctionnement
des
régimes
africains.
En
effet,
la:place
qui
devrait lui revenir n'est pas valorisée dans le système des valeurs
gouvernementales.
Elle
s'épanouit
difficilement
dans
un
système
bâti
autour
de
la
mythification
du
chef.
Dans
la
perception
du
pouvoir,
le
chef
d'Etat
africain
ne
pense
pas
à
ses
limites
physiques
mais
à
la
perpétuation
de
sa
préeminence
sur
les
institutions et ses composants.
fj Mc Dermott
(A.); Egypt: From Nas ser to Moubarak . . . ; op. ci t. ,
p.111.
44 Mc Dermott
(A.); Egypt: From Nasser to Moubarak . . . ; op. ci t . ,
p.112.

Dans le cadre du dauphinat constitutionnel,
la détermination
du
choix du
successeur
se
fait
à
priori,
au
moment
même
de
la
dévolution du pouvoir présidentiel.
Le dauphinat
constitutionnel
avait
été
aisément
acclimaté
aux
particularités
du
pouvoir
africain,
notamment
à
la
conception
patrimoniale
du
pouvoir
présidentiel.
Il devait
en
effet
apparaître
comme une
technique
adéquate permettant au chef-fondateur de choisir un successeur qui
sera préparé ensuite à la gestion des affaires publiques.
Le dauphinat présente néanmoins des inconvénients pour le chef
d'Etat qui ne songe pas à sa succession. Il apparaît en effet comme
"une épée de Damoclès" suspendue sur la tête du chef.
Cette
perception~- théorique
du
dauphinat
peut
néanmoins
,_~;,'\\
constituer une_ voile qui cache les, motivations profondes qui sont
:'-'] -- à l' origil1e de la suppres sion du dauphinat con st i tut ionnel dans les
~
régimes qui y avaient recours comme technique d'organisation de la
succession présidentielle.
I: LES MOTIVATIONS PROFONDES.
Elles
tiennent
à
la
volonté
du
"président-successeur"
de
renvoyer aux
calendes
grecques
le problème de
sa
succession.
En
effet,
la présence d'un dauphin à ses cotés va à
l'encontre de la
conception monocentriste du pouvoir du chef d'Etat africain. Celui-
ci ne saurait accepter "qu'une dyarchie existât au sommet"
(<Ci)
et
que
la
permanence
de
son
pouvoir
soit
affectée
par
l'existence
<Ci
Formule empruntée au Général De Gaulle dans
sa conférence
de
presse
du
31/1/1964;
in
"
Les
grands
textes
de
la
pratique
institutionnelle
de
la

République"
(rassemblés
par
D.Maus) ;
op.cit., p.17.

ressources
pouvant
lui
permettre
de
se
constituer
d'une
base
politique et de menacer l'hégémonie présidentielle.
Cette recherche de l'hégémonie du
successeur n'était pas en
soi une
nouveauté dans
la pratique
successorale
africaine.
Elle
était déjà présente dans la
réforme constitutionnelle entreprise
par M.Bongo
en
1968.
Celui-ci
avait
en
effet
supprimé
la vice-
président de la république et réinstitutionnalisé la vice-président
du
gouvernement.
Le
titulaire
de
cette
nouvelle
institution
se
trouvait alors dans une situation de dépendance totale vis-à-vis
du chef de l'Etat. Au surplus, confronté à une tâche historique de
reconstitution
d'un
tissu
politique
nouveau
sur
les
cendres
du
régime mis~en place par Léon Mba, M.Bongo ne pouvait pas s'accom-
moder
d'un
second
qui
pourrait
avoir
alors
le
statut
de
co-
fondateur du nouveau régime gabonais.
Les
divisions
ethniques
ou
régionales
peuvent
également
justifier la suppression de l'institution faisant office de dauphin
constitutionnel. Au Cameroun,
la suppression du poste de Premier
ministre
dépassait
le
simple
contexte
du
partage
impossible
du
pouvoir
exécutif
pour
intégrer
les
tensions
ayant
suivi
la
succession d'Ahidjo. La désignation du titulaire de l'institution
primatoriale
contenait
en
elle-même
les
germes
d'une
crise
de
nature
à
opposer
chef
de
l'Etat
et
son
Premier
ministre.
Le
remplaçant
de
M.Biya
au
poste
de
Premier ministre
apparaissait
comme
le
bouclier
de
l' éli te
nordiste,
mûe
par
l'instinct
de
conservation
des
ressources
acquis
sous
le
règne
du
Président
Ahidjo. En dépit du fait qu'il n'était pas le chef du gouvernement,

successoral de type nouveau est adopté sur les cendres du mécanisme
successoral
qui
avait
permis
l'avènement
du
successeur
à
la
magistrature
suprême;
dans
d'autres
par
contre,
l'ancien
droit
successoral
renaît
du
modèle
successoral
qui
avait
été
oppor-
tunément adopté pour remplir une fonction bien déterminée.
a:
L'adoption d'un nouveau droit successoral.
Cette situation est caractéristique des
avatars de l'insti-
tution successorale au Gabon après l'avènement du président Bongo.
Ce dernier était arrivé au pouvoir suprême grâce à
l'institution
du
vice-président
de
la
république
qui
était
une
institution
circonstancielle.
Une
fois;
le
pouvoir, présidentiel
transféré,
la conjonctul?e
~~;qui légitimait un tel modèle successoral disparaît.
Au demeurant
'.:.,.).::-:::1' inopportuni té du débat successoral ,tra'nsparaî.t "à travers la prise
',".:ci3.
en compte du profil même du successeUT de Léon Mba.
Contrairement
au
premier président
du. Gabon,
le
second était
un
homme
jeune,~)
dynamique
et
plein d'énergie.
Sa succession
ne
saurait alors
se
poser
dans
l'immédiat,
d'où
une
certaine
perte
d'intérêt
de
l'institution successorale.
La
stratégie de M.Bongo
fut alors
de
détruire
le mécanisme
successoral.
La
vice-présidence
du
gouvernement
réintroduite
en
1968
devait
s'inscrire
dans
cette
perspective
(48).
La
nouvelle
48
Pourtant
ce
préalable
n ' avait
pas
été
respecté
par
le
président Bongo qui, après son accession à la magistrature suprême
et avant même toute
retouche de la constitution,
avait nommé un
vice-président du gouvernement au mépris des textes en vigueur. Il
anticipait
ainsi
sur
la
révision
constitutionnelle
qui
allait
adapter le droit à la réalité. Certes la constitution gabonaise ne
prévoyait pas la vacance de la Vice-présidence
suite au décès,
à

Au
Sénégal,
au
Cameroun
et
en
Tunisie,
les
successeurs
allaient revenir sur le modèle successoral antérieur au dauphinat
constitutionnel. Des révisions constitutionnelles initiées par eux
allaient se traduire par le remplacement de l'institution succes-
sorale qui
avait
été profitable au
"dauphin-couronné"
en
faveur
d'un modèle théoriquement plus démocratique, mais visant en réalité
à
ajourner la problématique de la succession même du successeur.
Toutefois,
les techniques mises en oeuvre diffèrent dans ces trois
pays.
Au
Sénégal
et
au
Cameroun,
le
retour
au
statut
quo
ante
s'exprimait
jusqu'en 1991 par la suppression de
l'institution du
Premier ministre alors qu'en Tunisie, l'institution reste maintenue
mais perd son statut dauphinal .
... _-_:"<!
Au Sénégal,
le processus
de
suppression
du dauphinat
cons-
~:~~-titutionnel avait été amorcé au lendemain des élections présiden-
~~;tielles et législatives de 1983 qui avaient abouti à
l'acquisition
par le Président Diouf de la légitimité populaire qui lui faisait~
défaut.
A l'occasion du
renouvellement
du
bureau de
l'Assemblée
nationale,
l'ancien
Premier
ministre,
M.Thiam,
fut
porté
à
la
présidence de l'institution parlementaire. Ce déplacement ouvrait
ainsi les spéculations sur l'avenir de l'institution primatoriale.
C'est
à
travers
son
message
à
la
nation
du
3/4/1983
que
le
Président
Diouf
devait
clarifier
sa
nouvelle
stratégie
consti-
tutionnelle.
Il annonça une révision tendant à la rationalisation
du
régime
sénégalais
et,
surtout,
au
retour
à
l'ordonnancement
constitutionnel
de
1963.
La
conséquence
logique
de
ce
nouveau
programme constitutionnel fut alors la suppression de l'institution

692
modifications
majeures
en
1983
et
surtout
en
1984.
La
révision
constitutionnelle de 1983 balisait la voie permettant au chef de
l'Etat, arrivé au pouvoir à la suite d'une succession constitution-
nelle,
de solliciter une légitimité populaire sans même attendre
la fin du mandat qu'il était chargé d'achever.
La révision constitutionnelle du 4 Février 1984 devait lever
toutes les équivoques. L'institution dauphinale, source de conflits
dans un régime qui vient de sortir d'une douloureuse crise post-
successorale,
allait
être
supprimée.
Cette
suppres s ion
profite
également au président de l'Assemblée nationale. Le constituant de
1984 est en effet revenu sur l'esprit du modèle de la succession
élective
qui
était
en
vigueur
jusqu'en
1979.
Le
président
de
l'Assemblée
nationale
retrouve
une
partie
de
ses
prérogatives
successorales dans la 'mesure où il assure la- suppléance du chef de
l'Etat:c:en attendant l' élect ion du successeur qu i doit" impérat i ve-
ment
avoir lieu
vingt
jours
au moins
et quarante
jours
au
plus
après l'ouverture de la vacance"
CI).
Enfin en Tunisie,
l'institution"premier ministérielle ......a
été
affaiblie par la séparation des
fonctions
gouvernementales et de
secrétaire
général
du
parti
au
pouvoir.
En
outre,
le
Premier
ministre perd
son
statut
de
dauphin
constitutionnel
du
chef
de
l'Etat.
La succession du chef de
l'Etat passe désormais par une
suppléance assurée par
le
président
de
l'Assemblée nationale
en
attendant
l'organisation
d'élections
pour
la
désignation
du
51
Art.7,
a1.6. de la Loi No.84-1 du 4 février 1984.

alors
de
mener
une
action
tendant
à
ramener
l'institution
de
succession
dans
la
position
banale
qui
lui
est
généralement
réservée dans le fonctionnement des régimes néo-patrimoniaux.
La
pratique
successorale
met
en
lumière
la
volonté
du
successeur
de
remettre
en
cause
le
système
du
dauphinat,
cons-
titutionnel
ou
politique.
Si
l'institution
successorale ne peut
être
supprimée dans le dispositif constitutionnel,
le successeur
dQ.. l''Y\\ ~ d ~LC2 Y'
dispose
de
ressources
pouvant
lui
permettre Il les
institutions
chargées d'arbitrer ou d'organiser la succession dans une situation
rendant délicate
l'accession à la magistrature suprême.
Les
techniques
d'écrasement
des
vélleités
dauphinales
sont
nombreuses
et
variées.
Dans
certains
rég imes
la
tendance ~ est de
faire
du
bénéficiaire de
la
suppléance
un
simple
arbitre
de
la
succession. Ce statrut pose un obstacle à sa- candidature éventuelle
à
la- succession.
D'autres régimes prévoient par contre la possi-
bilité pour le suppléant d'être candidat à la succession. Toutefois
ce suppléant est placé dans des conditions juridiques et politiques
qui
l'amènent àse préoccuper plus de
ses propres assises que de
la mlse en cause l'hégémonie du chef d'Etat en fonction. A ces deux
stratégies correspondent le système de la suppléance arbitrale et
celui de la suppléance engagée instable.
1:
LA SUPPLEANCE ARBITRALE.
Cette
technique
d'organisation
de
la
succession
fait
du
suppléant
un
arbitre
chargé
de
veiller
au
bon
déroulement
du
processus
de
transmission
du
pouvoir
présidentiel
suite
à
sa
vacance. Or en règle générale un arbitre ne peut pas être un acteur

696
privilège
pouvant
le
placer
dans
une
bonne
pos i tion
dans
la
perspective
de
la
succession
du
chef
de
l'Etat.
Toutefois
son
statut
de
suppléant-arbitre
pose
un
obstacle
juridique
à
sa
candidature à
la
succession.
Sur
le
plan politique
cet
obstacle
peut
néanmoins
être
contourné.
En
effet,
cette
prohibition
ne
concerne que l'institution chargée de la suppléance.
Le titulaire
physique de cette institution peut démissionner de celle-ci en vue
de
se
présenter
intuiti-personae
à
la
succession.
Ainsi,
le
président de l'Assemblée nationale, en tant que personne physique,
peut se"présenter à la succession. L'irrecevabilité de sa candida-
ture ne vaut que dans
l'hypothèse où i l se maintient à
la tête de
cc.>;i'L l ' inst i tut ion
parlementaire.
Dans
ces,,~ conditions,
la
personne
physique .:'doiL_ simplement
démissionner
de
l ' institution
prise
en
charge avec'-de
risque de. perdre son poste en
cas
de
rejet de sa
candida,ture ,: par
le
peuple.
La
suppléance
revient
alors
à
son
'lremplaçant
à
la
tête
de
l' assemblée'parlementaire.
Seulement
la
démission
du
bénéficiaire
de
la
suppléance
arbitrale
pour
les
besoins de sa candidature à la succession risque d'être mal perçue
par les acteurs du régime. En effet, en démissionnant de son poste,
l'ancien
président
de
l'Assemblée
nationale
va
à
l'encontre
de
l'objectif pour lequel
i l avait été porté à
la tête de
l'insti-
tution parlementaire,
à
savoir l'arbitrage éventuel des
conflits
intervenir
au
cours
du
processus
successoral.
Inversement,
l'accomplissement de
cette
fonction
renforce
son
prestige et
sa
sagesse tant au niveau de l'oligarchie partisane qu'au
niveau de

succession du Président Biya ne se pose pas dans l'immédiat. Avec
la suppression du Premier ministre
(1984-1991),
le président de
l'Assemblée nationale retrouve sa grandeur et son prestige d'antan.
Toutefois il devait perdre un privilège appréciable par rapport à
son devancier d'avant la réforme constitutionnelle de 1979. Jusqu'à
cette période le suppléant pouvait être candidat à
la succession
présidentielle. Désormais en tant que second personnage de l'Etat
i l est chargé de veiller à
la procédure successorale par la voie
d'" élections auxquelles- suprême subtilité- il ne peut être lui-
même candidat"
e4)
L'écrasement
des
vélleités
dauphinales
du
président
de
l'Assemblée
nationale
camerounaise
n'est
pas
sans
inconvénients
liés à la difficulté de maîtriser les rivalités internes à l'élite
et délicat'es, à arbitrer en
raison
de
l'absence d'un
chef
incon-
testé.
Dans' le
cas
particulier
du
Cameroun,
cette
compétition
difficile
à
arbitrer,
n'est-elle
pas
de nature
à
réveiller
les
vieux
démons
du
régionalisme
ou
des
conflits
ethniques
dans
le
processus
transmission
du
pouvoir
présidentiel?
Ce
qu'il
faut
retenir de
la
nouvelle organisation du process'us
successoral
au
Cameroun,
c'est
la
stratégie
du
"dauphin
couronné",
dont
les
premières
années
d'exercice
du
pouvoir étaient
secouées
par
de
profondes crises post-successorales,
de contenir les prétentions
successorales avec d'une part la suppression du poste de Premier
ministre,
et
d'autre
part
la
neutralisation
du
président
de
~ Monga (C.), Cameroun: Quel Avenir? .. op.cit., p.71.

700
période de transition
fixée
par
la
constitution en attendant
la
désignation du successeur. Ensuite,
contrairement à la suppléance
arbitrale
qui
est
essentiellement
fondée
sur
la
neutralité
du
garant de la continuité,
la suppléance engagée se traduit par le
reconnaissance
d'un
droit
de
compétition
successorale
à
son
titulaire.
L'adoption
de
cette
suppléance
engagée
dans
les
régimes
africains trouve son fondement dans le legs de la colonisation mais
aussi par la position particulière du suppléant dans la hiérachie
des organes et des autorités de l'Etat.
En raison du poste qu'il
occupe,
le suppléant
apparaît
dans
les
faits
comme le véritable
',.1
second du chef en place. Une telle situation se retrouve aussi bien
dans
les
régimes .africains
de
la
commonlaw
que
dans
ceux .. ,de
tradition française.
Dans les régimes. des Etats africains de tradition· anglaise,
la suppléance incombe généralement au Vice-président. Le titulaire
de
cette
institution
est
souvent
choisi
en
fonction
de
ses
capacités intrinsèques tenant compte de la recherche de l'équilibre
des forces politiques composant la dynamique de l'environnement du
régime.
Représentant
d'un
groupe
ethnique,
d'une
région
ou
détenteur d'une certaine légitimité historique, le Vice-président,
dauphin politique du chef,
se présente comme la personnnalité la
mieux à même de garantir la continuité du
régime bâti en commun
avec le chef-fondateur.
Il se trouve dans une situation favorable
pour remporter la guerre de succession.
Dans les régimes africains de tradition française,
le poste

trouve
son
fondement
dans
la
suppression
du
gouvernement
comme
institution constitutionnelle
(n).
L'institution parlementaire est ainsi chargée de veiller au
bon
déroulement
des
opérations
successorales
à
travers
les
prérogatives reconnues à son président. Ce dernier est en effet le
second personnage de l'Etat et, à l'instar du chef de l'Etat, jouit
d'une
légitimité
démocratique
e~).
Il
bénéficie
en
outre
d'un
statut assez privilégié dans l'agencement du droit successoral au
Sénégal. Le président de l'Assemblée nationale n'est pas seulement
chargé d'arbitrer les conflits liés à la succession.
Il peut être
partie à
la succession.
Seulement,
le
processus
de
consolidation
des
pouvoirs
présidentiels
deva;it, mettre en
lumière
la
volonté du
successeur
d'écraser' toute :v.éllei té
successorale des
dauphins
éventuels.
En
effet,
une actiort constitutionnelle allait être menée à l'encontre
du
président
de
l'Assemblée
nationale.
Des
armes
juridiques
allaient
être
forgées
en
vue
de
le
soumettre
à
la
dépendance
directe de sa base parlementaire/et à l'influence indirecte du Chef
de l'Etat. Dans la disposition antérieure des pouvoirs,
ce dernier
n
Dans un régime présidentiel,
le cabinet ministériel est un
instrument
de
direction
à
la
disposition
du
président
de
la
République
qui
est
l'incarnation
même
du
pouvoir
exécutif.
En
conséquence,
la disparition du chef de l'Etat devrait entraîner la
caducité du cabinet qu'il a nommé et qui ne trouve sa légitimité
qu'à travers le chef de l'Etat.
58
De surcroît, après les élections de 1983,
l ' institution fut
placée sous l'autorité de M. Habib Thiam, l'ancien Premier ministre
et ami du Président Abdou Diouf. Ce choix contribue au rehaussement
de l'autorité de l'Assemblée nationale.

règle
de
l'annualité
du
mandat
du
président
de
l'Assemblée
nationale
dans
certains
régimes
(~).
Les
motifs
tirés
de
la
démocratisation du poste en vue de mieux renforcer le principe de
la responsabilité du mandant devant ses mandataires furent avancés
pour justifier la proposition de réforme constitutionnelle. Si dans
l'exposé
des
motifs
et
dans
les
différentes
interventions
des
députés, l'accent était mis sur la dépersonnalisation du débat dans
la
mesure

'Il a
réforme
n'était
dirigée
contre
personne",
i l
apparût
vite
qu'avec
la
démission
du
Président
Thiam,
que
"le
coefficient
personnel"
(62)
était
déterminant
dans
la
révision
constitutionnelle du 24/3/1984. Le renouvellement annuel du mandat
il,
du président de l'Assemblée nationale contribue à Faffaiblissement
61
La constitution Malgache de 1975
( Année Afr.
1975,
pp.21-
43),
stipulait dans son article 68:
"Le Président de l'Assemblée
Nationale Populaire et les membres du Bureau sont élus chaque année
au début de la première session.
Ils sont rééligibles".
De même
l'article
103
de
la
constitution
égyptienne
du
11
Septembre 1971 imposait également la règle de l'annualité du mandat
du
Président
de
l'Assemblée.
Celle-ci
élisait
au
cours
de
sa
première séance de la session annuelle ordinaire son Président et
deux Vice-présidents pour la durée de la session.
Ajoutons
aussi qu'au Maroc,
le Président et
les membres
du
Bureau de la Chambre des Représentants sont élus chaque année au
début de la session d'Octobre. Art.43, al.3. de la Constitution du
Royaume du Maroc du 10 Mars 1972. Cf." Etats de la Ligue Arabe",
(Textes réunis par Bourgi
(A.)
et Weiss
(P.),
p.238.
62
Cf.
Kanté
(B.),
Le Sénégal,
un
exemple
de
continuité
et
d'instabilité constitutionnelle; op.cit., p.154

révision constitutionnelle de 1984
(~).
Alors
que
le
mécanisme
successoral
de
1976
favorisait
le
parti,
celui de 1983 complété en 1984 et adopté dans
le contexte
du
multipartisme
ouvert
pourrait
être
de
nature
à
affaiblir
le
parti dans la perspective d'une succession présidentielle en raison
de l'absence d'un véritable "numéro deux" de l'Etat et du parti.
En définit ive, la pratique successorale montre l ' inopportunité
de l'institution successorale une fois assumée la fonction en vue
de
laquelle
l'institution a été aménagée.
En d'autres termes,
la
nature circonstancielle dans
le dispositif
juridique des
régimes
africains eBt
incontestée.
Pourtant dans
le cadre- des
régimes en
.. développement, l'institution successorale doit être valorisée. Elle
est en effet un facteur de stabilisation d'un
régime qui est,. de
ce
fait,
détaché
de: la
personne
du
chef
suprême
exerçant
une
suprêmatie transcendante sur tous ses composants.
~ Alors que le Sénégal n'avait connu que
deux présidents de
l'Assemblée Nationale de 1960 à 1983
(Lamine Guèye et Amadou Cissé
Dia), soit une moyenne d'un par douzaine d'années, trois présidents
allaient défiler de 1984 à 1988
( MM.Habib Thiam de
1983 à 1984,
Daouda Sow 1984-1988,
Abdou Aziz Ndaw 1988 . . . ),
soit
une moyenne
d'un président tous les dix huit mois.

été
ni
voulue
ni
préparée
par
le
chef
d'Etat
en
place
(2).
En
contribuant au détachement du régime de la personne de ses agents
d'exercice, l'institution successorale met fin aux supputations qui
entourent généralement la fin de règne d'un chef d'Etat. Toutefois
La normalisation de la succession est subordonnée à des conditions
dont
la
réalisation
permet
de
revigorer
la
fonctionnalité
de
l'institution successorale dans les régimes africains.
PARAGRAPHE I:
LES CONDITIONS DE LA NORMALISATION.
La constitution traduit le phénomène de l'institutionnalisa-
tion
du
pouvoir.
Elle
est
"un
titre
pour
commander",
et
elle
définit
les conditions dans lesquelles
ce titre doit être acquis
e) . En conséquence, tout régime institutionnalisé doit prévoir des
mécanismes de dévolution ou de transmission du pouvoir entre ses·Y·
agents d'exercice.
Les
constitutions
africaines
ne
font
pas
exception
à
cette.,
règle générale:
S:eulement,
si la
succession constitutionnelle du
chef d'Etat africain reste toujours un problème actue~, c'est parce
que
l'institution
successorale
se
trouve
dans
une
situation
d'extrême banalisation cultivée par la
conception autoritaire du
chef.
Ce
dernier
garantit
lui
même
la
continuité
du
régime
à
travers sa propre personne. L'effet pervers de cet état de fait est
que le régime prend fin avec la disparition du chef pour renaître,
2
En Egypte en 1969 et en 1981,
au Kenya en 1978, au Botswana
en 1980,
au Swaziland en 1982 par exemple.
3
Burdeau
(G.),
Traité de Science Politique,
T.IV,
Le Statut
du Pouvoir dans l'Etat,
3.éd. Paris,
L.G.D.J.,
1984, p.136.

l'Etat.
-un phénomène de dépersonnalisation du pouvoir présidentiel
pouvant être accentué par une succession répétée de ses détenteurs
successifs;
-une perception
positive
des
rapports
entre
gouvernants
et
gouvernés qui se manifeste par un certain renforcement du poids de
l'opinion publique
dans
le
fonctionnement
d'un
régime
longtemps
exclusif.
I: LA DEPERSONNALISATION DU POUVOIR PRESIDENTIEL.
L'institutionnalisation garantit la permanence du pouvoir qui
est ·détaché
de
ses
agents
d'exercice.
Seulement,
"l'institu-
tionnalisation du pouvoir n'est jamais totale" car "le coefficient
personnel des agents :ct.' exercice du pouvoir" n'est pas à
négligB,r
(4) • Pratiquement,
cette_dose personnelle se manifeste de nos jour~
par
une
généralisat-i.on
du
phénomène
de
la
personnalisation
du
pouvoir dans les démocraties contemporaines
e).
4
Burdeau
(G . ),
Trai t é
de
Science Politique,
T. 1,
Vol.2,
Paris,
L.G.D.J.,
1980, p.121.
5
L'importance de ce phénomène a justifié la tenue du colloque
de
Dijon
de
1964
sur
la
personnalisation
du
pouvoir.
Dans
son
rapport
introductif,
pp.12
et
s.
le
Professeur Albert
Mabileau
devait circonscrire les contours du concept qu'il a
distingué du
concept
voisin
de
la
personnification.
La
personnification
se
manifeste à l'intérieur des institutions qui fixe les cadres et les
limites
de
l'action
des
gouvernants.
Le
Pouvoir
personnalisé
s'incarne par contre dans la personne de son détenteur.
Cette
distinction
est
fondamentale
pour
Burdeau,
car
"la
personnification touche à
la forme alors que la personnalisation
concerne le fond.
La première est
un phénomène sociologique,
la
seconde un concept juridique".
Cf.
Burdeau
(G.),
Traité de
Science Politique,
T. 1,
Vol. 2,
p.163.

tion
conforte
la
cohérence
et
la
stabilité
du
régime.
Cette
dépersonnalisation,
qui
n'est
pas
incompatible
avec
la
person-
nification du pouvoir, peut trouver son fondement dans la banalisa-
tion de la personne du chef par le biais d'une pratique constante
de la succession constitutionnelle.
Une telle pratique contribue
à cultiver et à conforter l'idée de la normalité de la succession
physique à
la tête d'un pouvoir permanent.
Ce processus de socialisation se répercute dans les rapports
entre les gouvernants et les gouvernés.
La démythification de la
personne
du
chef
se
traduit
par
le
renforcement
du
poids
de
l'opinion qui,
de spectateur, pourrait de plus en plus s'ériger en
acteur des régimes africains.
II:
LE RENFORCEMENT DU POIDS DES GOUVERNES.
L'opinion publique est inhérente à toute société politiquement,,,
organisée.
En
Afrique;.' les
interrogations, sur
l'existence _ ou:,:;
l'inexistence,' ,de, l'opinion
publique
s'expliquent
par" l'état
de
marginalisation dans lequel elle se trouve placée .. Celle-ci n'est
pas un acteur actif entretenant des liens d'osmose avec le régime
qui est censé l'intègrer dans sa dynamique. A cet égard la doctrine
des gouvernants africains se détache des réalités quotidiennes. En
effet,
les
textes posent souvent comme "principe fondamental une
sorte de dogme:
le peuple source première du pouvoir;
on proclame
sa participation au pouvoir et son
contrôle sur
le pouvoir,
sur
tout pouvoir dans l'Etat" (6). La réalité, par contre, met en relief
6
Glélé
(M.A.),
La constitution
ou
loi
fondamentale;
Ency-
clopédie Juridique de l'Afrique,
op.cit.,
p.38.

714
double niveau exclue du processus successoral. Elle était d'abord
directement marginalisée dans la mesure où le choix du successeur
était
l'apanage
des
institutions
de
la
République.
Ensuite
l'exclusion était indirecte car
leurs
représentants au Parlement
ne pouvaient même pas ratifier le choix du successeur du chef de
l'Etat;
la
désignation
de
celui-ci
restant
une
prérogative
exclusivement présidentielle.
Même dans
les
régimes où
les gouvernés
pouvaient participer
à
la désignation du successeur,
ce choix n'était pas entièrement
libre,
conscient
ou
effectif.
L'élection
se
faisait
sans
choix
véritable.
Elle
n'était
qu'une
simple
ratification
d'un
choix
préalablement opéré par une oligarchie dirigeante.
Les déclarations S~T la source populaire du pouvoir étaient
en conséquence infirmées par la pratique. de l'exercice du pouv0ir~.
Cet te
césure
entre ·1.es
principes
et
leur
e ffect i vi té
devait., se
répercuter· sur
la
légitimité
des
régimes
auxquels
ne
s'identi-
fiaient
pas
les
principaux acteurs
que
constituait
la masse des
gouvernés. En effet, à partir du moment où la légitimité des règles
du
régime n'est qu'un voile destiné à
cacher
la
confiscation du
pouvoir réel par des oligarchies dirigeantes,
l'opinion publique,
ne pouvait éprouver aucun sentiment affectif vis-à-vis des règles,
autorités et valeurs du régime.
Néanmoins,
l'évolution
irréversible
qui
s'est
dessinée
récemment
dans
les
régimes
africains
transforme
la
nature
des
rapports entre les gouvernants et les gouvernées. Ces derniers ont
conquis leurs droits politiques naturels notamment ceux des droits

716
pourrait
exiger
de
ceux-ci
la
mise
en
place
de
règles
plus
conformes à la vision démocratique du pouvoir.
Ce
poids
de
l'opinion
est
nécessaire
mais
i l
n'est
pas
suffisant
pour
protéger
l'institution
successorale.
La
variable
populaire doit en effet s'accompagner d'une protection juridique-
ment organisée.
B:
lA PROTECTION JURIDIQUE DE L'INSTITUTION SUCCESSORALE.
Soulever la problématique de la protection de
l'institution
successorale revient à s'interroger globalement sur les conditions
de la perpétuation des mécanismes et règles d'encadrement
du
jeu
tels qu'ils résultent du statut fondamental du pouvoir de l'Etat.
La
revalorisation
du
droit
dans
les
rapports
politiques
,....
devieFl:t.,'une des conditions de stabilisationde~{I::égimesafricains..
Ce n,~ est qu'à partir du moment où l'idée de droit est intégrée dans
les,:c.0D:S ciences
collect ives
que
les
mécé}I),i!3m~!3, a ins i
secrétés,
pourraient bénéficier d'une pro~~ction effective qui conforte,
de
ce fait,
la perception institutionnalisée du régime.
1:
LA VALORISATION DU DROIT DANS L'EXERCICE DU POUVOIR.
Le droit et
la politique s'excluent à priori dans
la mesure
où les subtilités de
la politique ne peuvent pas être saisies et
réglementées
de
manière
satisfaisante
par
le
droit.
Le
monde
politique
est
en
effet
un
univers

la
règle
de
droit
trouve
souvent des difficultés d'épanouissement. Cette situation prévaut
particulièrement dans les régimes africains. La conception du "chef
bâtisseur"
ou
"prophète-fondateur" plaçait
le chef au-dessus des
règles
qu'il
a
forgées
pour
le
régime.
Le
droit,
instrument
de

S'agissant du droit africain, le procès d'un droit non infanté
par
son
environnement,
d'un
droit
ineffectif
du
fait
de
son
extraversion
est
certes
fondé.
Toutefois,
i l
faut
se
garder de
généraliser ou d'adopter des conclusions hâtives. Ces régimes sont
encore confrontés à une perpétuelle recherche de modèles fondés sur
leur
logique
intrinsèque
et
non
sur
des
catégories
juridiques
artificielles.
Il
reste
toutefois
que
le
droit
constitutionnel
africain n'avait pas
répondu pas aux préoccupations des peuples.
Il était souvent orienté vers la perpétuation de la domination des
gouvernants sur les gouvernés. Seulement,
même sous cet angle,
le
droit
a. fait, dans
une certaine mesure "ses
preuves
dans
certains
régimes africains. Il a su jouer son rôle d'équilibre et d' harmoni-
sation des rapports:.entre les acteurs en conflit.
Il est apparu à
cet égard comme uFlèinstrument de régulation des conflits entre les
acteurs
du
rég·ime.:d'une part,
et d'organisation du
jeur po'litique
d'autre part.
S'agissant
tout
d'abord
de
la
régulation
des
conflits
politiques
il
faut
noter
l'existence
d'un
principe
et
d'une
exception.
Le
principe
est
la
mise
en
veilleuse
de
la
règle
juridique dans les cas où prévaut l'harmonie au sein des acteurs
politiques.
L'exception est
le recours à
la règle
juridique dans
tous les cas où les coutumes ou les usages ne sont pas en mesure
de
résoudre
les
contradictions politiques.
Ce principe et
cette
exception peuvent être illustrés à travers
l'exemple de la crise
post-successorale qui avait affecté le Cameroun.
Au
Cameroun
le
conflit
post-successoral
avait
trouvé
sa

que
la
succession
avait
été
opérée.
Dans
tous
ces
régimes,
les
chefs d'Etat
avaient
agi
sur
le
dispositif constitutionnel
pour
faire
adopter des
règles
qUl
ont,
par
la
suite,
rempli
avec
un
certain succès,
les fonctions en vue desquelles elles avaient été
effectivement
instituées.
Ce
droit
successoral
rigoureusement
aménagé avait même permis, en ce qui concerne notamment la Tunisie,
d'anticiper sur la volonté du chef en place dans
la mesure où le
successeur
avait
forcé
la
mise
en
oeuvre
des
mécanismes
de
succession.
En définitive le probème posé aux régimes africains n'est pas
celui de l'impact du droit dans les rapports intra-sociétauxmais
plutôt celui des conditions de son épanouissement.
b: Les conditions d'épanouissement du droit.
La préoccupation tournant autour des voies et moyens permet~
tant une succession o~ganisée du pouvoir présidentiel, l'impact de
la règle juridique dans la détermination des organes et des rôles
institutionnels ne devrait être occulté.
Au regard des pratiques
observées dans le fonctionnement des régimes africains,
i l s'avère
sur
indispensable de s'interroger/les conditions de son épanouissement.
Les
diagnostics
du
problème
du
droit
de
la
succession
présidentielle en Afrique justifient une thérapeutique, à vrai dire
usuelle, dans les régimes intégrés: le rejet de l'unilatéralité en
faveur du consensualisme. En effet, le droit pouvant être considéré
comme
un
simple
instrument
de
gouvernement
à
la
disposition
exclusive
du
chef,
celui-ci
dispose
de
ressources
lui
garantissant
l'adoption
directe
ou
la
ratification
de
règles

consensusuel
des
règles
de
dévolution
ou
de
transmission
du
pouvoir. Cette nolition existe tant dans l'oligarchie gouvernante
que dans les rapports que celle-ci entretient avec l'opposition ou
avec les gouvernés. Elle apparaît dans le processus de germination
de la règle
juridique mais aussi dans son adoption.
L'exemple de
la révision constitutionnelle dans les pays de tradition juridique
française met en lumière les limites du consensualisme juridique.
Dans ces régimes, deux techniques d'adoption inspirées de l'art.89
de
la
constitution
française
de
1958
sont
instituées:
la
voie
normale qui est le recours au
référendum et la procédure abrégée
qui consiste à
faire
ratifier la réforme par un organe constitué
qUl
est pratiquement l'Assemblée nationale en' raison du choix du
monocaméralisme .par,lementaire dans ces Etats. Or la pratique .. suivie
pour l'adoption~ dQ droit successoral montre que
l'exceptiort tend
à devenir la r'.ègle générale et,
inversement,
la technique' de droit
commun ',devientl' exception.
En d'autres
termes,
il est
constaté
dans les
régimes africains,
une "utilisation systématique" de la
procédure
subsidiaire
de
révision
qui
conduit
à
une
"révision
furtive"
apparaissant
comme
une
facteur
de
réduction
de
la

par une
règle écrite.
Au Swaziland,
par contre,
une règle coutu-
mière se superpose à
la constitution écrite du pays pour prévoir
les
modalités
de
la
transmission
du
pouvoir
du
monarque
à
ses
héritiers. Dans toutes ces situations juridiques, il est permis de
constater une absence de stratégie unilatérale de manipulation de
la succession dans la mesure où les acteurs savent, à priori et en
dépit de la personne du chef d'Etat en place,
les conditions dans
lesquelles la continuité de pouvoir présidentiel est assurée.
Des
barrières existent. Elles permettent de limiter la marge d'orches-
tration du chef en place qui n'est pas libre d'organiser comme i l
l'entend sa propre succession.
",>-~"En revanche au Gabon,
au Sénégal,
au._ Cameroun et en Tunis ie,
la suppression~hâtive du mécanisme prouve la nature conjoncturelle
d'un droit
s1:lc:cessoral sur mesure.
De même,
la mise,; en,; place de
verrous rendantldifficile l'émergence d'un dauphin met-'.en lumière
le8-- -moti vations personnelles
à
l' origine_ ;de
la
règle
juridique.
Dans
tous
ces pays
il
est
permis
de
soutenir
la thèse d'un_non
droit de la succession. En effet, s ' i l existe des règles juridiques
/
formelles
organisant
la
succession
du
chef
de
l'Etat,
dans
les
faits,
ces règles sont instituées en vue de protèger le chef d'Etat
en
place.
Cette
discordance
entre
la
règle
et
les
faits
rend
toujours actuel le problème de la succession du chef d'Etat dans
les régimes africains.
En définitive, l'épanouissement de l'institution successorale
est fonction de sa dépersonnalisation,
de son abstraction et de sa
nature
consensuelle.
A cet
effet,
i l
est
constaté une évolution

726
africaines.
Celles-ci peuvent
être
facilement
modifiées que
les
simples
lois
parlementaires.
Ainsi
l'adoption
et
la
suppression
d'une disposition constitutionnelle, opportune ou inopportune,
ne
soulèvent
aucune
difficulté
particulière
en
raison
des
moyens
juridiques et politiques reconnus au chef d'Etat.
En résulte-t-il
ainsi une certaine désacralisation de la constitution?
Le renforcement de la légitimité du régime requiert dès lors
une plus grande protection de la légalité constitutionnelle. Cette
dernière repose d'abord sur l'idée d'un consensus
sur les règles
juridiques, mais aussi sur la consécration de mécanismes garantis-
sant
le respect
du
droit objectif par les
détenteurs
du pouvoir
~l~décisionnel. La protection de la règle .juridique passe alors par
une
atténuation
des
moyens
dont
dispose
le
chef~· d'Etat
sur
la
création;",,j:a" suppression ou la modification des nO'r-mes du régime.
En conséqaence,
une plus grande rigidité des p~océdés de révision
"et un renforcement de l'autorité des juridictions constitutionnel-
<"
'. les s'avèrent indispensables pour protéger les mécanismes légitimes
de dévolution ou de transmission du pouvoir présidentiel.
a: Une inflexibilité des techniques de révision.
Les
constitutions
adoptées
par
les
Etats
africains
sont
théoriquement
des
constitutions
rigides
dans
la
mesure

leur
modification
nécessite
des
règles
particulières
de
procédure
distinctes des procédés d'adoption de la loi ordinaire. En outre,
s'y
ajoutent
des
barrières
que
le
constituant
originaire
a
instituées
pour
protéger
la
charte
fondamentale
déterminant
le
statut
du
pouvoir
dans
l'Etat.
Dans
les' fai ts,
Il
est
souvent

nationale.
Ainsi
en
France,
la
procédure
d'approbation
de
la
proposition
ou
du
projet
par
les
deux
assemblées
en
termes
identiques permet au Sénat de bloquer éventuellement les
initia-
tives émanant d'une Assemblée nationale tributaire du pouvoir de
suffrage
(13).
En
outre,
la
ratification
de
la
révision
par
le
Congrès
constitué
de
l'Assemblée
nationale
et
du
Sénat
à
la
majorité
qualifiée
des
trois
cinquièmes
des
suffrages
exprimés
traduit
la
reconnaissance
d'un
pouvoir de
blocage
reconnu
à
la
minorité
(14).
En Afrique
l'identité
des
techniques
juridiques
n'entraîne
~as la même dynamique constitutionnelle.
Le parlement
bicaméral
cède
ici
sa
place- à
une
Assemblée
nationale
tributaire, de
la
volonté du
chef
de
l'Etat
qui
est
en
général
le
chef
du
parti
;\\:';;,,:,,:-~_,;''f;-, 13 Le Prés ident Valéry Giscard d~ Estaing n' avai t
pas manqué
d'insister sur l'accord indispensable du Sénat pour toute modifica-
tion constitutionnelle.
Pour. lui,
la seule procédure de révision
est bien celle qui a été expressement prévue par l'article 89 de
la
constitution.
En
outre,
s'agissant
des
modalités,
il
devait
préciser qu'''aucune révision de la constitution n'est possible que
si elle
est
d'abord votée
en
termes
identiques
par
l'Assemblée
nationale et par le Sénat. La procédure constitutionnelle est ainsi
différente de
la procédure législative,
où l'Assemblée nationale
peut
avoir
le
"dernier mot".
Ici,
l'accord de
chacune
des
deux
assemblées est indispensable."
Cf. M. Giscard d'Estaing, Allocution au Conseil Constitution-
nel,
le 8/11/1977;
in D.
Maus,
Les
grands textes de
la pratique
institutionnelle de la vè République,
op.cit., p.224.
14
Voir à
ce
propos
la
pos i t ion
de Pompidou
sur
les
incer-
titudes
du
Congrès:
"C'est
pourquoi
je
n'ai
pas
l'intention,
actuellement,
de convoquer le Congrès et je n'ai pas l'intention
d'entrer dans les négociations et les marchandages pour essayer de
décider untel ou untel
à
modifier le vote qu'il a
émis dans
son
assemblée en première lecture."
Cf. Pompidou,
Entretien radio-télévisé du 24/10/1973,
in D.
Maus,
Les grands textes de la pratique institutionnelle de la Vè
République,
op.cit., p.223.

730
cette étude.
Le droit positif
le prévoit expressement.
Pratique-
ment,
cette limitation avait permis de stabiliser des régimes qui
étaient en gestation.
Au demeurant,
suivant en cela les disposi-
tions de l'art.89 in fine de la constitution française,
on trouve
souvent
dans
les
constitutions
africaines,
une
interdiction
de
porter atteinte à la forme républicaine de l'Etat
(art.89 in fine
de la constitution du Sénégal) .
De manière empirique, n'est-il pas possible alors de protèger
davantage
les
dispositions
constitutionnelles
considérées
comme
fondamentales pour sauvegarder la nature du régime ou les droits
et
libertés
reconnus
aux
gouvernés.
Il
ne
s'agira pas
seulement
d' interdire l,a révision:de certaines règles constitutionnelles mais
aussi de recourir à
l'approbation populaire pour la modification
de tou~e disposition constitutionnelle relative à ~a participation
des gouvernés au choix des gouvernants,
à l'exercice du pouvoir ou
toute modification apportée à un droit fondamental. Le constituant
pourrait,
par exemple,
imposer le référendum pour toute révision
constitutionnelle portant atteinte au choix populaire du chef de
l'Etat ou de son successeur.
S'agissant plus particulièrement de la protection de la règle
constitutionnelle,
le
constituant
pourrait
aussi
rationaliser
davantage
la procédure de
ratification
en
instituant des
cas
de
recours
obligatoire
et
de
recours
facultatif
à
la
sanction
populaire pour
l'adoption d'une
révision.
De ce
fait,
maître de
son destin,
le peuple pourrait se réserver le droit de contrôler
davantage le processus de choix de ses gouvernants. La saisine du

taux ou arbitrent le jeu démocratique
(15)
Ce pouvoir de contrôle est toutefois limité techniquement. La
rationalisation du droit de saisine et la nature du contrôle par
voie d'action excluent souvent les gouvernés de la protection des
droits constitutionnels. En outre, la consécration et l'aménagement
de
libertés
publiques
dans
le
corpus
constitutionnel
privent
généralement le juge d'un pouvoir normatif.
La non spécialisation
des juges en matière constitutionnelle et la constitutionnalisation
des
libertés publiques limitent le développement d'une
jurispru-
dence constitutionnelle.
Le renforcement de l'autorité des juridictions de contrôle de
la constitutionnalité suppose alors une plus grande protection des
15
Au
Sénégal
par
exemple,
La
Cour
Suprême
avait
fait
une
entrée remarquée dans la scène politique à
travers le discours du-
Président Kéba Mbaye prononcé à
l'occasion de
l'intronisation du
Président Diouf.1Alors que
la mission
de
la
Cour Suprême est de
dire le droit ou de veiller à l'équilibre des pouvoirs tel qu'il
résulte
du
droit
positif,
M.Mbaye
avait
attiré
l'attention
du
nouveau Président sur les difficultés quotidiennes des sénégalais
qui "sont fatigués". En outre,
il devait lancer un appel pour que"
gouvernants
et gouvernés,
membres
ou
non
des
partis
politiques,
acceptent
sans
arrière-pensée,
le principe
de
l'alternance à
la
tête
de
l'Etat.
Ces
affaires ne
sont
le
bien de personne;
elles
appartiennent au peuple qui en délègue la gestion temporaire,
non
pas
à
un
maître comme on a
souvent tendance
à
le penser sur ce
continent,
mais à un serviteur".
Extraits du discours du Président Kéba Mbaye;
in R.I.P.A.S.,
No.1,
op.cit., pp.29-30.
Concrètement
les
compétences
deJa Cour suprême en matière
d'arbitrage du jeu démocratique allai
être renforcée>avec la loi
No.81/16 du 6 Mai 1981 portant révision de la constitution. Cette
loi
élargit
les
compétences
en
matière
électorale
de
la
Cour
Su~me. Alors que cette compétence était jusqu'alors limitée à la
régularité des élections présidentielles, désormais l'arbitrage des
élections
présidentielles
et
législ4.tives
est
confié
à
la Cour
Suprême,
un organe neutre et indépendant.

obligatoire de tout projet ou toute préposition de révision portant
sur
les
modalités
de
dévolution
ou
de
transmission
du
pouvoir
présidentiel.
Le
contrôle
préalable
obligatoire
exercé
par
la
juridiction compétente en matière constitutionnelle permet d'opérer
une
vérification
technique
de
la
conformité
du
projet
ou
de
la
proposition de révision à
l'expression du pouvoir de suffrage.
La
déclaration de non conformité devrait alors entraîner le rejet de
l'opération
constitutionnelle
avant
même
que
le
peuple
ou
ses
représentants n'aient à se prononcer sur la révision.
La thèse du
"gouvernement
des
juges"
est
irrecevable
en
l'espèce.
En
effet,
toutes
les
interrogations
tournent
autour
de
la
recherche
d'un
substitut
technique
à
la défaillance
du
pouvoir
de
contrôle des
assemblées domestiquées.
En
définitive,
une
institution
successorale
consensuelle et
protégée
contre
toute
tentative
de
manipulation
constitue
un-
facteur préalable à
la stabilisation de l'institution successorale
dans les régimes africains. Une fois l'idée de succession démythi-
fiée
par
la
confiance
aux
règles
légitimes
d'organisation
et
d'exercice
du
pouvoir,
l'institution
successorale
pourrait
être
fonctionnelle et stabiliser efficacement le régime.
PARAGRAPHE
II:
LES FONCTIONS
DE L'INSTITUTION
SUCCESSORALE.
Sous l'angle juridique,
la succession pose essentiellement le
problème
des
techniques
à
travers
lesquelles
le
pouvoir
change
d'agents d'exercice. Mais ces techniques ne sauraient être isolées
de
leur
environnement.
Elles
sont
appelées
à
prendre
en
consi-
dération
la
philosophie
du
régime,
la
disposition
des
organes,

système
est
une
affaire
d'équilibre ... ,
un
équilibre
entre
les
grands
pr incipes
constitutionnel s,
entre
les
inst i t utions,
mais
aussi
entre
les
institutions
et
les
citoyens...
i l
évolue
en
fonction
des
circonstances,
des
moeurs
de
la
société
civile
ou
politique et des rapports de force"
(16).
Les régimes africains sont
dès lors confrontés à cette recherche constante de l'équilibre. En
effet,
l'instabilité
est
encore
considérée
comme
la
principale
gangrène qui ronge les régimes africains post coloniaux.
L e s
causes de cette
instabilité sont nombreuses
et variées.
Il reste
ses
que la personnalisation du pouvoir constitue un de'~ fondements les
plus
manifestes.
De
fait,
les
hypothèques
qui
pèsent
sur
la
continuité
des
régimes
se
ramènent. souvent
auxc.voies
et
moyens
permettant
de
dépasser
l'exclusivisme
ou
le
sectarisme.
En
contribuant au
rodage des
mécanismes
de
transmission
du pouvoir
prés ident iel, l! insti tut ion sucees sorale stabi li se le régime;. Elle
renforce
l' institutionnalisation,
et
participe
au
processus
de
socialisation des règles du régime.
I:
L'INSTITUTIONNALISATION DES REGLES SUCCESSORALES.
L'existence
de
mécanismes
d'organisation
des
rouages
du
pouvoir
et
des
rapports
entre
tous
les
acteurs
-formels
ou
informels- du régime, est une des conséquences de l'institutionna-
lisation.
Seulement,
ces mécanismes doivent
ressortir du domaine
du vécu et non du construit exclusivement. Ainsi conçue, l'institu-
tionnalisation garantit la permanence et l'intégration du régime.
16
Cf.
Kanté
(B.),
Le
Sénégal,
un
exemple
de
cont inui té et
d'instabilité constitutionnelle;
op.cit.,
p.21.

règles institutionnalisées de succession.
La confiance en la capacité de discernement des gouvernés et
la
foi
aux
institutions
consensuelles
devraient
contribuer
davantage
au
renforcement
de
l'autorité de
l'institution
sur
la
personne qui l'incarne et,
en même temps,
restaurer la légitimité
du pouvoir.
L'année 1990 est un point de repère dans
l'évolution
des régimes
africains.
C'est l'année où
"l'Afrique bascule" dans
le
mul tipart isme
et
"l'exception
devient
la
règle"
(17).
Cette
démocratisation n'est pas le résultat d'un "output" du régime, mais
d'un
"input",
d'une
exigence
de
l'environnement.
Les
nouvelles
règles du régime ~ont alors le fruit d'un compromis entre gouver-
"
nants "et
gouvernés.
Elles
s'imposent
alors
au
chef
qui
voit
sa
survie dépendre dé' l'acceptation des normes
consensuelles et, non
plus de son pouvo:ir',,',de manipulation du droit
(18).
D'instrument de
gouvernement, Ce~d~bit légitime devient alors une limite à l'action
du chef de l'Etat.
b:rNn facteur d'intégration du pouvoir africain.
17

Cf.
Sud Magazine,
No.14, Avrll 1990,
pp.2-4.
18
Le
Bénin
et
Le
Gabon
offrent
à
cet
égard
des
exemples
significatifs de l'autorité des règles imposées au régime par son
environnement.
Au Bénin le régime afro-marxiste de Kérékou devait se saborder
sous
la pression de l'opinion publique.
Une Conférence nationale
fut
mise
en
place
pour
élaborer
de
nouvelles
règles
du
jeu
politique.
Au Gabon, également le multipartisme avait été considéré comme
un facteur de division,
incompatible de surcroît avec les impéra-
tifs du développement. Pourtant, le Président Bongo fut poussé, par
les circonstances,
à
ouvrir son régime avec la reconnaissance du
multipartisme
et,
surtout,
l'adoption
d'une
constitution
tran-
sitoire mettant fin à
l'hégémonie du P.D.G.

La
dynamique
de
l'institution
successorale permet
d'opérer
des réajustements au sein des acteurs du régime. Elle contribue à
l'élargissement des assises du régime à travers le maintien de sa
base traditionnelle et l'intégration de ses exclus traditionnels.
En
raison
de l'extrême personnalisation du
débat politique,
les
conflits
traditionnels
pourraient
être
désamorcés
suite
au
changement physique à la tête de l'Etat.
Une
institution
successorale
stabilisée
et
fonctionnalisée
participe
ainsi
au
renforcement
de
l'intégration
du
pouvoir
politique. Cette intégration présente un coefficient personnel et
un coefficient institutionnel. Sur le plan individueL,
la c6mposi-
t~on
numér~que
de
l'oligarchie
dirigeante
s'éteffe
avec
le
recrutement
de
nouveaux:,dirigeants
dans
le
crû
de
l' opposit,ion,
:traditionnelle. Sur le, plan institutionnel, au delà du recrutement,
le
successeur
pourrait
amorcer
un
processus
d' intégration~ de
l'oppositiDn dans le régime.
Il peut, en conséquense,.circonscrire
cette opposition dans
le cadre des
règles
du
régime· et non plus
contre le régime lui-même.
Il lui suffit simplement de banaliser
l'opposition en lui reconnaissant un statut à la fois juridique et
politique qui
lui permettrait de participer en toute
liberté au
fonctionnement
du
régime
en
assumant
notamment
"sa
fonction
tribunitienne" qui est une fonction de modération des ardeurs des
gouvernants
Ainsi
au
Sénégal
la
légalisation
des
oppositions
clandestines à la suite de la révision constitutionnelle du 6 Mai
1981 et
l'intégration dans la nouvelle élite gouvernante d'oppo-
sants
traditionnels
au Président
Senghor
s'inscrivaient
dans
le

donnée
sont
intégrées
dans
les
consciences
collectives.
La
socialisation politique est à cet égard une fonction politique par
excellence qui contribue au maintien et à l'adaptation d'un système
politique. En effet, elle aide le système à "former son personnel,
pourvoir
aux
rôles
sociaux
qui
le
composent
"en
inculquant
aux
individus"
les
valeurs,
attitudes
et
orientations
qUl
leur
permettront de "tenir" leur rôle poli tique"
el). Ce processus qui
s'amorce
dès
l'enfance
vise
à
intérioriser
les
règles
juridiques et sociologiques du régime.
Le problème de
la socialisation
politique
dans
les
régimes
africains se pose avec acuité pour des raisons à la fois histori-
ques et pratiques.
Sur le plan historique,
ces régimes sont encore en g,es,t-ation
et
les
gouvernants" .. sont
formés
dans
des
valeurs
héritéeç des
anciennes
métropoles
coloniales.
La
soumission
à
l'autorité
occupait
une
place
privilégiée
dans
ces
valeurs r
alors
que
son
pendant,
le principe de la participation,
était particulièrement
21
Cf.
Cot
(J.P.)
et
Mounier
(J.P.),
Pour
une
sociologie
politique,
T.2,
op.cit., p.67
22
Easton
(David)
&
Dennis
(Jack),
Children
in the Political
System. Origin of Political Legitimacy; New York, Mc Graw Hill Book
Company,
1969.
Easton (D.)
& Dennis
(J.), The Child's acquisition of regim
norms: Political Efficacy; American Political Science Review, L.VI,
1967,
pp.25-38.
Percheron
(Annick),
La
conception de
l' autori té
chez
les
enfants
français;
R.F.S.P.,
Vol.XXI,
No.1,
Février 1971,
pp.103-
129.
Roig (Billon-Grand), La socialisation politique des enfants;
Paris,
A. Colin,
1968.

actions peuvent influer de manière décisive sur le fonctionnement
du régime. Elles peuvent même modifier les principes posés par la
charte fondamentale
(D).
Ce
cadre
constitutionnel
peut
être
conforme aux catégories
constitutionnelles
classiques.
Il
peut
tout
aussi
emprunter
des
formes différentes pour tenir compte des préoccupations du milieu
considéré
(24).
La recherche d'un cadre constitutionnel accepté est un travail
de
longue
haleine.
Elle
repose
avant
tout
sur
l'adoption
d'un
modèle qui.constitue une réponse à une exigence du milieu social.
En.. conséquence ily' a une perpétuelle recherche devant inclure tous
.J."e.s"acteurs sociaux qui doivent disposer .. du droit de faire entendre
leurs points de vue.
L'émergence
d'un
cadre
consensuel
confère
une>.plus
grande
légitimitèl~qu'i' garantirait
la
survie
d'un
régime
dont
l' infra-
':structure est l'oeuvre de toutes les parties concernées. Le régime
consensuel se traduit ainsi par l'existence-'d'une culture politique
intégrée dont
la finalité
est de mieux
renforcer les assises
du
régime.
D
On
pourrait
prendre
l'exemple
du
régime
présidentiel
assaisonné du monopartisme ou du parti dominant,
le tout adapté à
l'univers paroissial de la société traditionnelle africaine.
24 Ainsi la formule
du présidentialisme des Etats africains du
commonwealth traduit bien la fonctionnalité d'un modèle qui heurte
la logique constitutionnelle classique du régime présidentiel mais
qui répond au système de valeurs d'un environnement donné. Un chef
d'Etat,
député d'abord et chef d'Etat ensuite confirme un célébre
dicton:
" Quelqu'un qui ne peut supporter le poids de sa tête ne
peut évidemment supporter le poids d'un pays".

Enfin cette intériorisation devrait rapprocher davantage les
gouvernants des gouvernés considérés de moins en moins comme sujets
et de plus en plus comme citoyens.
En effet l'idée de succession
intégrée dans la culture du
régime lève à
jamais les hypothèques
ou incertitudes qui faisaient dépendre la survie du régime de la
personne de son chef.
Ce
dernier n'est plus une condition de
la
continuité du régime,
mais un simple instrument de la continuité
du pouvoir.
Il est en conséquence parfaitement substituable.
Cette analyse de la fonction stabilisatrice de l'institution
successorale
fait
apparaître
une
seconde
fonction
qui
est
tout
aussi - primordiale:
la
fonction
modernisatrice.
En
effet
la
,transformation qualitative des institutions et des usages illustre
la dimension
modernisatrice
d'une
institution
successorale
bien
intégrée .
. B~:;··-;·LA MODERNISATION DES REGIMES EN DEVELOPPEMENT.
L'institution
successorale
est
à
priori
une
institution
conservatrice.
Elle
traduit
les
préoccupations
sécuritaires
du
régime
de
garantir
la
perpétuation
de
ses
règles
et
valeurs.
L'instinct de conservation semble prévaloir sur toutes les autres
considérations.
En
effet,
le
but
recherché
est
de permettre
au
régime
de
prévoir
les
conditions
dans
lesquelles
sa
propre
continuité est
organisée
et
de
se protéger
contre
les
ruptures
violentes de l'ordre constitutionnel en vigueur. La succession est,
à cet égard, antinomique à la révolution. Cette dernière boulverse
l'ordre constitutionnel en place alors que la succession conforte
cet ordre contre l'usure du temps.

l'institution successorale i l s'avère indispensable de montrer que
la continuité exclut le continuisme et,
inversement, qu'il existe
une différen~de nature entre le changement et la révolution.
a:
La continuité exclut le continuisme.
Le
continuisme
est
une
technique
de
gouvernement
caracté-
ristique
des
régimes
latino-américains
(25).
Il
s'exprime par un
changement apparent du détenteur du pouvoir présidentiel dans la
cadre du maintien de l'oligarchie gouvernante ou d'un leader,
qui
dans l'ombre, exerce le pouvoir réel en tirant les ficelles du jeu.
Le continuisme est un moyen détourné
de perpétuation au pouvoir
d'un ancien chef d'Etat.
Il trouve son fondement dans les straté-
gies mises eI1... oeuvre poyr. contourner la clause de la non-réélec--'
tion, définitive ou immédiate,
instituée dans certains régimes. Le
·1 ._- ..
.chef d'Eta~ en fonction peut alors mettre en oeuvre ses ressources
institutionnelles et politiques, pour faire désigner un successeur
qui, pendant la durée d~ son mandat,
se cons idère comme le préposé
de
celui
qui
l'avait
fait
élire.
Le
successeur
entretenait
sa
clientèle et utilisait à son tour l'autorité présidentielle pour
assurer la réélection de son maître à l'expiration de l'intervalle
légale.
Ces moyens
sont,
du point de
vue des
apparences
consti-
tutionnelles,
parfaitement corrects et ont été bien plus souvent
employés
(26).
~ Cf. Lambert (Jacques), Amérique Latine: Structures sociales
et institutions politiques, Paris, P.U.F., 2è.éd. 1968, pp.422-426.
U
Lambert cite par exemple le prestige personnel de certains
présidents, les "machines"politiques qu'ils ont pu mettre en place
pendant leur passage au pouvoir, la possibilité aussi de pressions
dans les élections.

E
750
politique
se
traduisait
par
l'octroi
d'un
mandat
en
blanc
du
prédécesseur
au
successeur.
Sur
ce
dernier
ne
pesait
plus
une
quelconque tutelle de son prédécesseur.
Au Cameroun et en Sierra Leone dans
une certaine mesure,
la
volonté des prédécesseurs de tirer les
ficelles
du
jeu,
en dépit
du transfert total du pouvoir d'Etat,
devait aboutir à un conflit
ouvert qui allait marquer la rupture du
lien ombilical liant les
principaux
act.eurs
de
la
succession.
Cette
rupture
avait
été
dramatique
au
Cameroun,
contrairement
en
Sierra
Leone

le
successeur
avait
acquis
une
légitimité
propre
avant
même
son
élection. L'acquisition d'une telle ressource devait le plac~r hors
de toute tutelle de ,s.on-e.prédécesseur.
En outre,
,le Général,Momoh
, :" ~
jouissait
de
moyens
qui
lui
avaient
permis
par
la
suite
de
nettoyer la vieille garde de l'appareil d'Etat ~t du parti.
Ces exemples montrent qu!en Afrique
ce sont
les successeurs~'
eux-mêmes qui s' opposen,t à la technique du continuisme. Malg,r;é les
techniques constitutionnelles ou politiques par lesquelles ilsunt
été placés à
la tête de l'Etat,
les
successeurs prennent souvent
la précaution de s'écarter de la tutelle éventuelle des gardiens
de
l'orthodoxie
du
régime
en
prenant
l'initiative
d'adapter
le
régime aux circonstances changeantes sans procèder à un boulverse-
ment de son infrastructure constitutionnelle et politique.
b:
Le changement n'est pas la révolution.
Le
changement
peut
présenter
une
double
dimension:
une
qualitative et quantitative. A la première correspond la révolution
qui se présente comme un boulversement de systèmes, et à la seconde

maintien
de
ces
règles
et
valeurs.
La
révolution
peut
être
juridiquement définie
comme
"la subst i tut ion d'une
idée de droit
à une autre en tant que principe directeur de l'activité sociale"
(29).
La révolution se traduit par un "changement dans le personnel
gouvernemental,
la
transformation
des
institutions"
et
cette
rupture
"ne
fait
qu'extérioriser la victoire de
l'idée
de
droit
nouvelle"
eu).
La
succession
n'est
pas
révolutionnaire,
mais
elle
peut
préluder un changement.
Le régime n'est pas en effet immuable.
Il
doit s'adapter à l'évolution de la société civile qui lui sert de
substratum et changer avec les circonstances.
Il peut s'agir d'un
changement
en
profondeur
qui
peut
aller
jusqu'à
affecter-les
rapport&_entre les organes de l'Etat sans toutefois porter atteinte
à
l '-infrastructure
même
du
régime.
En
d';autres
termes,
les
changements peuvent profondément affecter le-régime,
dénaturer sa
logique intrinsèque
sans
que
ses
règles
et
valeurs
essentielles
29
Cf.
Burdeau
(G.),
Traité
de
Science
Politique;
T.IV,
op.cit.,
p.554.
Burdeau a adopté une conception très élastique du droit. A la
page 555 de ce traité i l écrit que le droit "n'est pas
seulement
l'ensemble des règles
inscrites dans un code et qu'expliquent les
répertoires à l'usage des praticiens". Au delà des règles formel-
les, "il existe un imaginaire juridique" qui est "d'abord représen-
tation d'un type de société,
mais cette représentation n'est pas
un quelconque fantasme dès lors qu'elle est structurée par l'image
d'un certain nombre de règles dont l'établissement assurerait
la
réalisation.
Encore
qu'elles
ne
soient
encore
que
pensées,
ces
règles sont des règles de droit".
W
Burdeau
(G.),
Traité de Science Politique;
T.rv,
op.cit.,
p.557.

avaient
été
opérés
sans
que
ceux-ci
se
soient
traduits
par une
rupture avec l'ordre constitutionnel en vigueur. On pou~rait parler
de
"purification"
de
ces
régimes
dans
la mesure où
l'action des
successeurs avait d'abord porté sur les mécanismes de succession
qui leur avaient permis d'accèder à la tête de l'Etat et dont ils
avaient, par la suite,
reconnu leur incompatibilité avec la nature
juridique du régime ou la légitimité démocratique et populaire du
chef de l'Etat. La préoccupation des constituants dérivés portait
essentiellement sur la réorganisation du droit successoral et sur
le
renforcement
de
l'autorité
du
successeur
dans
le
cadre
de
l'ordonnancement
juridique hérité.
Tous
ces
changements
sont
évolutionnaires.
Ils
affectent,
certes
la
disposition
traditionnelle
des
pouvoirs,
mais
ils
interviennent
dans
le
cadre
des
règles
et
valeurs
du
régime.
;w'0~Llobjectif recherché à travers cesch~ngements dans la, continuité
est de mieux enraciner le régime en l'adaptant aux circonstances
changeantes en vue d'assurer une meilleure intégration du pouvoir
africain.
II:
L'INTEGRATION DES REGIMES HERITES.
Dans une perspective plus globale,
la fonction manifeste de
l'institution successorale est d'assurer un transfert du pouvoir
présidentiel de sorte à
sauvegarder la perpétuation des
règles et
valeurs
forgées
par
le
prédécesseur.
Le
transfert
régulier
et
ordonné du pouvoir pourrait alors
être
le point de
départ d'une
remise en cause de la perception néo-patrimoniale du pouvoir dans
les régimes africains.
En effet,
même si la succession présiden-

756
Au
demeurant,
la
succession
organisée
par
les
chefs
d'Etat
africains ne se présente-t-elle pas comme une certaine manifesta-
tion de "la politique prébendale"? En effet,
après avoir joui des
privilèges
du
pouvoir
présidentiel
jusqu'à
la
limite
de
leur
capacité physique,
le chef d'Etat en place,
usé par l'exercice du
pouvoir et préoccupé par son retour au quotidien social, orchestre
une
succession
formellement
constitutionnelle
qui
confère
en
réali té
à
un
successeur
discrétionnairement
coopté
au
sein
de
l'oligarchie dirigeante,
un
titre donnant
droit à
la prébende et
ceCl en gage de sa fidélité.
Le
transfert
du
pouvoir
présidentiel
selon
les
règles
constitutionnelles et statutaires du régime pourrait contribuer à
détacher
:1e
pouvoir
des
personnes
physiques
qui
l'expriment
ternpor,a:irement.
Le pouvoir n'apparaît plus comme une propriété de
son .• détenteur.
Au
contraire,
celui-ci
s'érige
en
serviteur
du
régime.
En outre l'opération successorale renforce l'idée de bien
public.
En effet,
en transférant
le pouvoir à
son successeur,
le
prédécesseur
laisse
sur
place
les
biens
qUl
constituent
le
patrimoine de l'Etat.
C'est
le début
d'une pratique qui pourrait
renforcer le principe de l'inaliénabilité du bien public qui n'est
pas
la propriété des
gouvernants.
Ceux-ci
ne disposent
que
d'un
pouvoir de gestion du bien public dans l'intérêt de la collectivité
nationale.
Toutefois,
la
tendance
constatée
chez
les
prédécesseurs
à
conserver le réflexe d'anciens chefs d'Etat pourrait constituer un
accroc à cette remise en cause de la néo-patrimonialité.
L'un des

patrimonialité du pouvoir,
la succession contribue également à la
modernisation des régimes africains en raison
du renforcement de
la
légitimité
constitutionnelle
et
politique
que
sa
pratique
cultive.
b:
Le
renforcement
de
la
légi t imi té
démocra t igue
du
chef
d'Etat africain.
La
confiance
aux mécanismes
juridiques
de
transmission
du
pouvoir est un facteur de consolidation de l'institutionnalisation
du pouvoir.
Le
remplacement d'un
chef d'Etat
entre dans
l'ordre
normal des choses. Le, pouvoir étant une chose collective et non la
propriété de son agent d'expression,
les spéculations et hypothè-
ses sur les "conditions" de la succession, "l'après" chef de l'Etat
en place,
"l'avenir" du régime deviennent en fait peu fondées.
Il
s·uff it
simplement
que' .les
acteurs
aient
conf iance
aux
règles
abstraites
qUl
orga'nisent
de manière
anonyme
les
conditions' de
dévolution ou de transmission du pouvoir présidentiel.
Ce droit,
répondant aux préoccupations
du milieu et protégé
de sorte à
éviter les manipulations éventuelles des chefs d'Etat
en
place,
renforce
la
légitimité
des
gouvernants
sous
tous
ses
aspects.
Il
cultive
la
règle
du
consentement
à
l'autorité.
La
légitimité démocratique ne réside pas exclusivement dans le choix
populaire mais aussi dans le respect de la réglementation relative
à
sa
transmi s sion
(34).
Cette
légitimité
const i tut ionnelle
doit
34 Aux
Etats-Unis par exemple,
personne ne
songe à contester
la légitimité constitutionnelle du successeur qui est choisi soit
directement
par
le
peuple
à
l'occasion
de
l'élection
du
chef
d'Etat,
soit choisi par les représentants des gouvernés
(choix du
chef de l'Etat approuvé par un vote majoritaire des deux chambres

CONCLUSION GENERALE.
L'anomalie
qui
caractérisait
la
succession
présidentielle
dans les régimes africains était une conséquence de la conception
jusque là admise du pouvoir politique.
La vision patrimoniale du
pouvoir
justifiait
l'adoption de mécanismes
successoraux,
oppor-
tunément adoptés par le chef d'Etat en place pour remplir manifes-
tement la fonction qui leur est dévolue. Celle-ci se ramenait à la
perpétuation du régime bâti, et surtout au maintien des valeurs et
avantages que l'oligarchie gouvernante avait acquis de l'exercice
du pouvoir.
La
fonctionnalité
des
règles
de
transmission
du
pouvoir
présidentiel
était
dès ..le
départ
faussée
par
les
préoccupations
stratégiques qui sous-tendaient leur logique intrinsèque. En effet,
les règles
successorales avaient été formellement
consac~ées ~ar
les dispositions statutaires des régimes mais leur mise en oeuvre
n'étai t
pas
souhaitée
du
vivant
du
chef en
place.
Dans
les
cas
ultimes où la succession du chef devait intervenir,
volontairement
ou involontairement,
elles étaient appelées à
jouer dans
le sens
voulu par le chef ou l'oligarchie gouvernante.
L'anomalie ainsi constatée est en réalité éphèmère.
Elle est
liée à un stade de l'évolution des régimes africains. En effet, un
régime dont la logique du fonctionnement repose sur un néo-patrimo-
nialisme
peut
engendrer
des
institutions
faisant
du
régime
une
propriété du chef en place.
Sur le plan des règles successorales,
ce
chef
dispose
de
ressources
lui
permettant
de
transférer
ce

régime.
Cette
évolution
affecte
surtout
la
philosophie
du
pouvoir
présidentiel
qui
n'est plus un pouvoir transcendant
sur tout
le
régime. La démocratisation des régimes africains affecte avant tout
la personne du chef d'Etat qui est de plus en plus démythifiée. Les
qualificatifs
de
"chef historique",
"Président-fondateur"
ou du
Père de la nation" trouvent désormais leur place dans les archives.
Les interrogations sur son départ perdent leur portée (2). L' histoi-
re
et
le
charisme
sont
de moins
en
moins
considérés
comme
les
fondements
de la légitimité du chef suprême alors que
la volonté
populaire prend de plus en plus une ampleur dans la détermination
"".de la nature de ses rapports avec les gouvernés.
Cet·te- perception
du
statut
du
chef
influe
sur
le
mandat
présidentiel. La pérennité, de droit ou de fait
du mandat du chef
1
est de plus en plus révolue. Il n'est plus question pour les chefs
d'Etat
de
mourir
au
pouvoir.
Au
contraire,
même
les
chefs
fon-
dateurs s'arrangent pour trouver une porte de sortie honorable e)
2 ·
l
VOlr par exemp e:
Côte
d'Ivoire:
Après
Houphoüet ...
qui?,
J.A.
Plus,
No.2,
Septembre/octobre 1989;
3

,
VOlr a ce propos:
- Bourgi
(A.)
et Fall
(E.); Houphoüet peut-il encore réussir
sa sortie?,
J.A. No.1534 du 28/5/1990,
p.6
-Mobutu:" je serai parti si . .. ";
J.A. No.1533 du 21/5/1990.
-Houphoüet Boigny:" Je ne m'accroche pas au pouvoir. Je suis
tout disposé à
partir,
mais ça ne se fera ni dans le désordre ni
sous la pression de la rue. Car un chef n'abandonne pas ses troupes
en pleine bataille"; Côte d'Ivoire, Chronique d'un départ annoncé,
J.A. No.1531 du 7/5/1990.

normalisation
des
régimes
africains.
Ainsi
que
le
montre
Samir
Gharbi, "de Janvier 1991 à la fin de Mai 1991, sept Etats africains
ont connu des changements à
leur tête.
Un record dans
l'histoire
de l'Afrique indépendante"
(6).
Toutefois
l'institution successorale ne peut être rangée au
fond des placards constitutionnels du seul fait de cette mutation
qualitative des régimes africains pour deux raisons fondamentales.
Elle est
une technique
juridique d'aménagement
de
la
continuité
d'un pouvoir institutionnel. Or aucune institution n'est technique-
ment satisfaisante
(). En outre,
la technique juridique a souvent
des
incidences
politiques.
Elle
est
généralement
adoptée
en
fonction des' ·rapports de force entre les acteurs pol:it iques .
Il faut alors rationaliser l'institution successorale dans les
régimes, africains afin de stabiliser le passage du pouvoir entre
les
gouvernants.
Dans
le
cadre
de
l'élaboration
d'institutions
politiques
nouvelles,
les
constituants
pourraient
conforter
l ' institution succes sora"le en garanti ssant sa "cont inui té fonct ion-
nelle" dans le cadre du respect de la "continuité structurelle" des
Sur
les
sept
départs,
trois
sont
intervenus
à
l'issue
d'élections démocratiques
(Cap Vert,
Bénin,
et Sao Tomé et Prin-
cipe) , trois autres sont dus au mécontentement populaire
(Somalie,
Mali et Ethiopie)
et un seul à un coup d'Etat
(Lesotho).
Pour
le
chroniqueur
de
J .A.,
"cette
évolution
est
de
bon
augure.
Même
si
d'autres
chefs
d'Etat
ne
sont
pas
partis
et
s'accrochent à leur pouvoir,
ils ont d'ores et déjà perdu beaucoup
de leur superbe. Pour tout dire,
ils sont en sursis".
Cf.
Samir Gharbi,
Alternance;
J.A.,
No.1588 du 5 au 11 Juin
1991.
7
Aux Etats-Unis par exemple la succession présidentielle n'a
connu une solution définitive que 180 ans après la constitution de
Philadelphie avec l'adoption du xxvè amendement en 1967.

en vue de garantir la continuité du pouvoir exécutif
(8).
Dans les régimes parlementaires,
la sucession du chef d'Etat
ne pose pas de difficultés particulières en raison de son statut
effacé. Le régime parlementaire a la particularite d'être un régime
très
souple.
Il
peut
s'accommoder
avec
l'aristocratie
ou
la
démocratie
et
s'articuler
structurellement
selon
une
forme
monarchique ou républicaine.
Dans ces deux cas de figure,
le chef
de l'Etat tire sa légitimité des
règles monarchiques ou républi-
caine.
Dans
cette
dernière
situation,
il
peut
être
désigné
directement
par
le
peuple
ou
bien
par
ses
représentants
au
parlement.
b:, Faire confiance à la volonté populaire.
Dans les régimes contemporains la tendance est de privilégier
les
préoccupations
de
légitimité
sur
celles
de
la
rationalité
constitutionnelle. A partir du moment où
la légitimité l'emporte
sur
l'efficacité,
il
faudrait
alors
laisser
les mécanismes, tels
./
qu'ils
ont
été
légitimement
adoptés 1 remplir
les
conditions
qui
justifient leur existence.
Le choix électoral du représentant suprême figure par exemple
dans
la plupart des
textes
constitutionnels
africains.
Ce
choix
peut intervenir dans le processus de dévolution ou de transmission
8
Aux Etats-Unis,
le Vice-président dispose d'une légitimité
démocratique et populaire assez
suffisante pour exercer en toute
quiétude
ses
prérogatives
successorales.
En
outre,
la
vice-
présidence n'entraîne pas un bicéphalisme à la tête de l'exécutif.
En
effet,
bien
qu'élu
au
suffrage
universel,
le Vice-président
n'est
investi
d'aucune
ressource
lui
permettant de
contester
le
leadership du chef de l'Etat.

dévolution
ou
à
la
transmission
du
pouvoir
une
stipulation
prohibant formellement toute atteinte au principe de la participa-
tion directe ou indirecte des gouvernés au choix de leurs gouver-
nants.
Un contrôle à priori de conformité pourrait être institué.
L'organe de protection de la constitution pourrait,
à l'instar du
Conseil
Constitutionnel
français,
forger
de nouvelles
techniques
de contrôle élargissant,
au delà du corpus constitutionnel ou de
son
préambule,
le
bloc
de
la
constitutionnalité.
La
prise
en
considération des valeurs républicaines pourrait contribuer à cet
élargissement.
Le
problème du
renforcement
des
prérogatives des
juridictions
constitutionnelles
est
ainsi
posé.
Celles-ci pour-
raient
se
voir
reconnaître,
en dernière
instance,
le pouvoir de
neutraliser les tentatives d'aliénation de la volonté des gouvernés"
par
un
contrôle
systématique
des
projets
ou
propositions
de
révision
de
la
constitution qui
affecteraient
les
valeurs
cons-_,
titutionnelles ou républicaines des régimes concernés.
En
plus
du- contrôle
juridictionnel,
un
pouvoir
de
blocage
pourrait être reconnu aux gouvernés
à
travers une réglementation
plus rigoureuse de la procédure de révision constitutionnelle. Le
référendum constituant doit être de droit dans tous les cas où la
révision
porte
sur
l'expression
du
pouvoir
de
suffrage
des
gouvernés notamment en ce qui concerne le processus de désignation
de leurs représentants.
Le
processus
de
rationalisation
et
de
socialisation
de
l'institution successorale doit cependant s'accompagner de mesures
d'accompagnement
qui
renforcent
l'institutionnalisation
de
la

ductible une seule fois.
Cette
rationalisation
du
mandat
comporte
des
avantages
évidents.
Elle
renforce
l'intégration
des
régimes
africains
en
garantissant
une
rotation permanente du
personnel
placé
au
haut
sommet du pouvoir.
Dans
cette même perspective,
elle attenue
le
processus
de
personnalisation
du
pouvoir
qUl,
dans
un
régime
dépourvu
de
contrepoids,
pourrait
aboutir
à
l'appropriation
du
pouvOlr par une personne dont la pérennité lâl'Y\\t2Y)<l.-f'o.."lt à se détacher
de plus en plus des préoccupations de l'environnement du régime.
Cette
limitation
du mandat
présidentiel
favorise
la multi-
plication des pratiques de dévolution et de transmission du pouvoir
présidentiel dans les régimes africains .
. 11
faut
néanmoins
prévoir dans
le dispositif
juridique des
mesures de protection des anciens chefs d'Etat.
e:
La reconnaissance d'un statut aux anciens chefs d'Etat.
Le
sort
réservé
aux
anciens
chefs
d'Etat
est
toujours
une
préoccupation majeure des africanistes
(10).
La peur de redevenir
un simple citoyen alors qu'il était habitué aux privilèges qu'offre
la fonction présidentielle et la crainte de représailles justifient
dans une certaine mesure la réticence
des chefs d'Etat africains
à abandonner le pouvoir présidentiel. Pour normaliser l'institution
successorale
des
mesures
d'accompagnement visant
à
protèger
les
anciens
chefs
d'Etat
contre
toute mesure de
retorsion
devraient
être prises.
10
Quel sort pour les chefs d'Etat? Les scénarios du possible;
"Africa International",
No.235,
Février 1991

772
régulièrement
investi.
La
légitimité
du
pouvoir cadrant
souvent
avec
sa
légalité,
les
affaires
de
la
collectivité publique
sont
confiées à une personne disposant d'une habilitation juridique. La
perte de cette compétence ratione materiae et ratione temporis se
traduit alors par la perte de toute prétention à gouverner.
Une
démocratisation
des
régimes,
traduite
par
l'existence
de
mécanismes intégrés et protégés
de dévolution ou de transmission
du pouvoir,
fait
sauter les hypothèques
successorales qui pèsent
sur tout régime en développement.

LES CHEFS D'ETAT AFRICAINS.
PAYS ET
CHEFS D'ETAT ET
DUREE AU
MODE D'ACCESSION
INDEPEN-
DE GOUVERNEMENT
POUVOIR
AU POUVOIR
DANCE
AFRIQUE
1.
Dr.Hendrik
1958-1966
Modèle
DU SUD
Verwoerd
parlementaire
31/5/1961
(Premier ministre)
2.
John B.Vorster
1966-1978
//
(Premier ministre
puis Chef de l'Etat)
3.Peter Botha
1978-1989
Elu
(Chef de l'Etat)
4.Frederik de Klerk
Sept.1989
Elu
ALGERIt;
T:' Ahmed Ben Bella
JUll.
l':::JbL
Elu a
Juin
1965
l'indépendance.
3/7/1962
2.
Cl.
Houari
Juin 1965
Coup d'Etat
Boumédienne
Déc.
1978
3. Cl.
Chadli
Fév.1979
Succession-
Benjeddid
plébiscitaire.
ANGOLA
1.
Antonio Agostino
Nov.
1975
Désigné par un
11/11/1975
Neto
Sept.
1979
mouvement de
libération
2.
José Edouardo
Sept.1979
Succession
Dos Santos
partisane
BENIN
1.
Hubert Maga
Déc.196ü
Elu à
Oct.1963
l'indépendance

1 .
5/8/1960
Baptiste Ouedraogo
Août 1983
5. Capt.Thomas
Août 1983
Il
Sankara
Oct.1987
6. Capt. Blaise
Oct.1978
Il
Compaoré
BURUNDI
1. Roi Mwami
1915-
Succession
1/7/1962
Mwambutsa II
Juil.1966
monarchique
2.
Roi Mwami
Juil.1966
Il
Ntaré IV
Nov.1966
3. Cl. Michel
Nov.1966
Coup d'Etat
Micombéro
Nov.1976
4. Cl. Jean-Baptiste
Nov.1976
Il
Bagaza
Sept.1987
5. Maj. Pierre
Sept.1987
Il
Buyoya
CAMEROUN
1. Ahmadou Ahidjo
Mai 1960
Elu à
1/1/1960
Nov.1982
l'indépendance
2. Paul Biya
Nov.1982
Dauphinat
constitutionnel
CAP
VERT
1. Aristide
Juil.1975
Désigné par un
Juil/1975
Pereira
Avr.1991
mouvement de
libération
2. Antonio
Avr.1991
Alternance
Mascarenhas
présidentielle
Monteiro
électorale
R.C.A
1. David Dacko
Nov.1960
Elu à
Rép.
Déc.1965
l'indépendance
Centr-
2. Jean-Bedel
Déc.1965
Coup d'Etat
africaine
Bokassa

DJIBOUTI
1. Hassan Gouled
Juin 1977
Elu à
27/6/1977
Aptidon
l'indépendance
EGYPTE
1. Roi Farouk
. . . 1952
Succession
Oct.1951
monarchique
2.
Gl.Néguib
Juin 1953
Coup d'Etat
Nov.1954
3.
Cl.
Gamal Abdel
Nov.1954
Révolution de
Nasser
Sept.197ü
palais
4. Anouar Al Sadat
Oct.
1970
Succession-
Oct.1981
plébiscitaire
5.
Hosni Moubarak
Oct.1961
//
t;'l'H 1 uP l E
1 . . . Halle Selassle
l~jU
Successlon
Sept.1974
monarchique
2.
Gl. Michael Aman
Sept.1974
Coup d'Etat
Andom
Nov.1974
3.
Gl.
Teferi Bante
Nov.1974
Révolution de
Fév.1977
palais
4.
Cl. Haïlé Mariam
Fév.1977
Révolution de
Mengistu
Mai 1991
palais
5.
Tesfaye Gabre
Mai 1991
Kidane
Mai 1991
//
6. Melès Zenawi
Mai 1991
Conquête
militaire
GABON
1. Léon Mba
Août 1960
Elu à
17/8/1960
Nov.1967
l'indépendance
2.
Elhadj Omar Bongo
Nov.1967
Dauphinat
(Albert Bernard)
constitutionnel
GAMBIE
1. Daouda Jawara
18/2/1965
(Premier ministre)
Fév.1965
modèle
Avr.197ü
parlementaire
(Chef de l'Etat)
Avr.197ü
Avènement de la

c
-,
GUINEE
1.
Francisco Macias
Sept.1968
Elu à
EQUATORIALE
Nguema
Août 1979
l'indépendance
12/10/1968
2. Teodoro Obiang
Août 1979
Coup d'Etat
Nguema Mbasogo
KJ::NYA
1.
Jomo Kenyatta
12/12/1963
(Premier ministre)
Déc.1963
Modèle
Déc.1964
parlementaire
(Chef de l'Etat)
Déc.1964
Avènement de la
Août 1978
République
2. Daniel Arap Moi
Août 1978
Désignation sans vote
(candidat unique)
LESOTHO
1.
Roi Moshoeshoe II
Mars 1960
Succession
4/10/1966
monarchique
-LIBERIA
(18 Chefs d'Etat)
1847-1944
1847
-.-1 . William V.S.
1944-1971
Dauphinat
Tubma
constitutionnel
2 . William R.
Avr.1971
//
Tolbert
Avr.1980
3. Sgt.C. Samuel K.
Avril 1980
Coup d'Etat
Doe
Sept.1990
4 . Amos Sawyer
Sept.1990
Désigné par la
. . .
C.E.D.E.A.O.
LIBYE
1.
Roi Idris
1951-1969
Succession
Déc.1951
monarchique
2. Mouammar Kaddafi
Sept.1969
Coup d'Etat
. . .
MADAGASCAR
1.
Philibert
Juin 1960
Elu à
Juin 1960
Tsiranana
Mai 1972
l'indépendance
2. Gl. Gabriel
Mai 1972
Insurrection
Ramanantsoa
Fév.1975
civile

1-81
-Lt.Cl.
Ahmed Ould
Avr.1979
Révolution de
Bouceif
(Premier
Mai 1979
palais
ministre)
-
Lt.Cl. Mohammed
Mai 1979
//
Khouna Ould Haïdalla
Janv.1980
(Premier ministre)
3.
Lt.Cl
.Mohammed
Juin 1979
//
Ould Louly
Janv.1980
4.
Lt.Cl. Mohammed
Janv.1980
//
Khouna Ould Haïdalla
Déc.1984
5. Maaouya Ould Sid'
Déc.1984
//
Ahmed Taya
MOZAMBIQUE
1.
Samora Machel
Juin 1975
Désigné par un
25/6/1975
Oct.1986
mouvement de
libération
2.
JoaquimAlberto
Oct.1986
Succession
Chissano
partisane
NAMIBIE
l .
Sam Nujoma
Mars 1990
Elu à
22/3/1990
. . .
l'indépendance
NIGER
l .
Hamani Diori
Août. 1969
Elu à
8/8/1960
Avr.1974
l'indépendance
2 . Seyni Kountché
Avr.1974
Coup d'Etat
Nov.1987
3.
Ali Saïbou
Nov.1987
Succession
. . .
militaire
NIGERIA
l . Abubakar Tefewa
1960-1966
Elu à
1/10/1960
Balewa
(Premier
l'indépendance
ministre)
2 . Namdi Azikwe
1963-1966
Avènement de la
(Chef de l'Etat)
République
3. Gl.Johnson Aguiyi
Janv.1966
Coup d'Etat

2.
Juvénal Habyarimana
Juil.1973
Coup d'Etat
SAO TOME
1. Manuel pinto
Juil.1975
Désigné par un
Juil.1975
Da Costa
Avr.1991
mouvement de
libération
2. Miguel Trovoada
Avr.1991
Election-choix
SENE GAL
1.
Léopold Sédar
Août 1960
Elu à
20/8/1960
Senghor
Janv.1981
l'indépendance
2. Abdou Diouf
Janv.1981
Dauphinat
constitutionnel
SEYCHELLES
1.
James Mancham
Juin 1976
Elu à
Juin 1976
Juin 1977
l'indépendance
2.
France Albert René
Juin 1967
CoupdfEtat
SIERRA
1. Sir Milton Margaï
1961-1964
Elu à
LEONE
(Premier ministre)
l'indépendance
27/4/1961
2.
Sir Albert Margaï
1964-1967
Succession
(Premier ministre)
parlementaire
3. Lt.Cl. Andrew
Mars
1967
Coup d'Etat
Juxon Smith
Avr.1968
4. Siaka Probyn Stevens
(Premier ministre)
Avr.1968
//
Avr.1971
(Chef de l'Etat)
Avr.1971
Avènement de
Oct.1985
la République
5.
Gl.
Joseph Saïdou
Oct.1985
Succession-
Momoh
plébiscitaire

Nimeri
(Chef de l'Etat)
Avr.1985
10. Gl. Abdel Rahman Swar
Avr.1985
Il
Août 1987
11.
Conseil Présidentiel
Succession
(Ahmad Ali Al Mirghani;
Août 1987
de régimes
Idis Albannai Ali Hassan
Juin 1989
Taj Addin; Pacifico Lado
Lolik; Mirghani Al Nasri)
-Saddeck El Mahdi
Août 1987
Modèle
(Premier ministre)
Juin 1989
parlementaire
12. Gl Omar Hassan El
Juin 1989
Coup d'Etat
Béchir
SWAZILAND
1 . . . Roi Sobhuza II
1922
Succession
9/9/1968
Sept.1982
monarchique
2.
Roi Mswati III
Avr.1986
//
TANZANIE
-
Julius Nyerere
Déc.1961
Modèle
9/12/1961
(Premier ministre)
Janv.1962
parlementaire
-
Rashidi M.Kawa
Janv.1962
/1
(Premier ministre)
Déc.1962
1.
Julius Nyerere
Déc.1962
Avènement de
Nov.1985
la République
2.
Ali Hassan Mwinyi
Nov.1985
Succession-
plébiscitaire
TCHAD
1.
Ngarta
(François)
Avr.1962
Elu à
11/8/1960
Tombolbaye
Avr.1975
l'indépendance
2. Gl.
Félix Malloum
Avr.1975
Coup d'Etat
Mars 1979
3.
Goukouni Oueddey
Mars 1979
Conquête
Juin 1982
militaire
4.
Hissène Habré
Juin 1982
Il

• :
i.·
. .,":',
ZAMBIE
1. Kenneth Kaunda
Oct.1964
Elu à
24/10/1964
l'indépendadce
. ~
ZMR.ll.RfrJE
1. Cannan Banana
Avr.1::ltlU
Elu a
18/4/1980
(Chef de l'Etat)
1989
l'indépendance
. :
.
'-"
-
.' ,A..__ _ " '~ :,
-Robert Mugabé
(Premier ministre)
2. Robert Mugabé
1989
Avènement de la
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1988,1989 .
. i~ ~.

Z··,·.
LES VICTIMES DE LA VIOLENCE APRES L'EXERCICE DU POUVOIR.
PAYS
Chefs d'Etat
Chûte
Mort
Cause
CONGO
l .
Massemba Debat
1969
1977
Impliqué dans
l'assassinat
de
son
prédécesseur
GUINEE
2 •
Francisco
1979
1979
Jugé et exécuté
EQUATORIALE
Macias Nguema
après un coup
d'Etat
GHANA
3.
Ignatius Kuttl
1978
1979
Jugé et exécuté
Acheampong
après un coup
d'Etat
4 •
Frederick Akuffo
1979
1979
Jugé et exécuté
après
un
coup
d'Etat
Cette liste ne prend pas en compte les Chefs d'Etat qui sont morts
en
prison
L'Empereur
Haïle
Selassie
en
Août
1975
après
un
an
de
détention et Modibo Keïta en Mai 1977 après 9 ans d'emprisonnement)
ou
les
chefs
d'Etat
morts
après
leur
libération
(Grégoire
Kayibanda
du
Rwanda ou Hamani Diori du Niger) .
LES CHEFS D'ETAT REVENUS AU POUVOIR.
PAYS
Chef d'Etat
Retrait
Modalités
Retour
Modalités
du retrait
du retour

LES SUCCESSIONS REGULIERES.
PAYS
CHEFS
D'ETAT
ANNEE
CAUSE
MODELE SUCCESSORAL
1.Algerie
1.Chadli
1979
décès du
succession
Bendjedi
prédécesseur
plébiscitaire
2.Angola
2.Jose E.
1979
Il
succession partisane
Dos Santos
3.Botswana
3.Quett Masire
1980
Il
choix parlementaire
4.Cameroun
4.Paul Biya
1982
retrait
dauphinat
volontaire
constitutionnel
du prédé-
cesseur
(démission)
S.Cap Vert
S.Antonio M.
1991
alternance
participation-choix
Monteiro
présidentielle
du prédécesseu
6. Comores
6.Saïd Djohar
1990
décès du
participation-choix
prédécesseur
7.
Egypte
7. Anouar El
1970
Il
succession
Sadate
plébiscitaire
8. Hosni
1981
Il
participation-choix
Moubarak
8.
Gabon
9. Omar Bongo
1967
Il
dauphinat
constitutionnel

16. Swaziland
18.Mswati III
1986
décès de son
succession
prédécesseur
monarchique
17.
Tanzanie
19. Ali Hassan 1985
retrait
succession
Mwinyi
volontaire
plébiscitaire
du prédéces-
seur
(non repré-
sentation aux
élections prési-
dentielles)
18.
Tunisie
20
Zine El
1987
retrait
involon-
dauphinat
Abidine
taire du prédé-
constitutionnel
Ben Ali
cesseur
(empê-
chement)
Treize
(13)
successions sont intervenues à la suite du décès
du chef d'Etat en fonction.
Cinq.; '(5)
successions
furent
la
conséquence
d'un
retrait
volontaire
(démi$Lon,
non
représentation
aux
élections)
du
chef
d'Etat en fonction.
Une
(1)
succession
trouve
son' origine
dans
l'empêchement
définitif du chef d'Etat.
Une
(1)
seule succession fait
suite à l'alternance présiden-
tielle.

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TABLE DES MATIERES.
INTRODUCTION.
1:
LA DEFINITION DU SUJET
7
Â:
LA SUCCESSION CONSTITUTIONNELLE
8
1: Une notion multidimensionnelle
8
a:
La succession d'Etats
9
b: La succession de régimes
10
2: Une notion circonscrite
14
a:
La succession et la dévolution du pouvoir
14
b: La succession et
l'alternance
17
B:
LE CHEF D'ETAT AFRICAIN
19
1: Un pouvoir monocratique
20
2: Un chef mythifié
21
II:
LA PROBLEMATIQUE DU SUJET: UNE ANOMALIE?
25
A: L'INEFFECTIVITE DES MECANISMES SUCCESSORAUX
26
B: LA LEGITIMITE FACTICE DES MECANISMES SUCCESSORAUX
28
III:
LA METHODOLOGIE ADOPTEE
30
A: LA DOUBLE DIMENSION DE LA SUCCESSION
30
1: La dimension juridique
31
2: La dimension sociologique
35
B:
LA DEMARCHE PROPOSEE
40
1 :
Une approche globale de la succession
40
2 :
Une approche dynamique de la succession
42
a: La démarche institutionnelle
42
b: Le dépassement de la démarche
institutionnelle
45.

w
1: Un régime de compromis
100
II: Une succession controlée
103
CHAPITRE II: LES PROCEDES NON PARTICIPATIFS
109
SECTION 1: LE SYSTEME DU DAUPHINAT CONSTITUTIONNEL
110
PARAGRAPHE 1: LE DAUPHINAT VECU
111
A:
La signification du dauphinat vécu
113
1: Un dauphinat arbitré
113
II: Un dauphin indépendant
117
B:
La pratique du dauphinat vécu en Afrique
118
1: Le dauphinat vécu au Gabon en 1967
119
II: Le dauphinat vécu en Côte d'Ivoire en 1990
121
PARAGRAPHE II: LE DAUPHINAT SUBI OU IMPOSE
125
A: Un chef d'Etat maître de sa succession
126
1: Le choix discrétionnaire du dauphin
128
II:
Le choix discrétionnaire du moment
de la succession
133
~:.~'essence monarchique du dauphinat subi
135
1: La compétence exclusive du chef d'Etat
en place
136
II: Une atteinte à
la représentation
démocra tique
139
SECTION II: LES MODELES AUTOCRATIQUES DE SUCCESSION
143
PARAGRAPHE 1: LES SUCCESSIONS AUTOCRATIQUES DANS
LES REPUBLIQUES
146
A:
La succession dans les régimes afro-marxistes
147
1: La monopolisation du processus successoral
par le parti
150
II: La valeur du procédé
151
B:
La succession dans les régimes militaires
164
1: La révolution de palais
166

TITRE II: UNE LEGITIMATION FACTICE DES MODELES
194
CHAPITRE 1:
LA PREPARATION DE LA SUCCESSION
198
SECTION 1:
LA SUCCESSION ARBITREE
198
PARAGRAPHE 1:
LES TECHNIQUES DE STRUCTURATION DE
LA SUCCESSION
199
A: L'habillage juridique
200
1:
La création du dauphinat constitutionnel
200
II:
Le statut
juridique du dauphin
210
B: Les stratégies politiques
219
1:
L'institutionnalisation du dauphinat
politique
219
II:
Les ressources du successeur
229
PARAGRAPHE II:
LES MECANISMES DE GARANTIE DU
PROCESSUS SUCCESSORAL
235
A: L'arbitrage favorable du chef de l'Etat
237
1: Un arbitrage gouvernemental
__
237
II: Un arbitrage partisan
240
B: La protection structurelle du dauphin
243
SECTION II:
LA SUCCESSION DU CHEF D'ETAT SPECTATEUR
246
PARAGRAPHE 1: L'INSTABILITE DU MODELE SUCCESSORAL
247
A: L'instabilité de l'institution
successorale en Côte d'Ivoire
248
1: La désignation institutionnelle
du successeur
250
II:
Le dauphinat constitutionnel
(1975-1985)
252
III:
La succession élective
(1985-1990)
258
IV:
Le retour circonstanciel au dauphinat
constitutionnel
260
B: Les tentatives de déstabilisation de

amr'z$p'''e......,...fl'O/"
W""'W=8"'h "';4 ." .
.," "'.~... :,',
.~-'
II;
L'option en faveur de la nouvelle élite
342
B: L'arbitrage au sein de l'élite
344
1: L'arbitrage actif
344
II: L'arbitrage passif
348
SECTION II:
LE RECOURS A DES LEGITIMITES CONCURRENTES
360
PARAGRAPHE 1: LA LEGITIMATION TRADITIONNELLE
361
A:
La légitimation maraboutique
363
1: Des agents de régulation
363
II:
L'expression de la légitimation
maraboutique
366
B:
La légitimation ethnique
368
1: L'alternance ethnique au Kenya
369
II:
L'hypothèque ethnique en Côte d'Ivoire
373
PARAGRAPHE II:
UNE LEGITIMATION INTERNATIONALE
378,
A:
La participation ouverte
379
1:
Les fondements juridiques
380
II:
Les manifestations
381
B: La participat ion. latente dans la succession
3~86.
1:
La confection des modèles successoraux
387
II: La mise en oeuvre de l'opération successorale
391

PARAGRAPHE II:
LA LIMITATION DU SUPPLEfu~T
468
A:
La limitation matérielle
469
1:
La gestion des affaires courantes
469
II:
La
jouissance des pouvoirs de crise
475
B:
La limitation temporelle
478
ÇHAPITRE II:
L'INVESTITURE DU SUCCESSEUR
483
SECTION 1: LA PREOCEDURE D'INVESTITURE DU SUCCESSEUR
485
PARAGRAPHE 1: L'INTERVENTION DES ORGANES CONSTITUES
487
A:
Les organes juridictionnels
487
1:
Les
juridictions compétentes
488
II:
La procédure judiciaire d'installation
491
B:
Les organes politiques
496
1:
L'Assemblée nationale
__
496
II:
Un organe politique autre que
l'Assemblée nationale
499
PARAGRAPHE II:
LE REGIME DE L'INVESTITURE
503
A:
Les modalités de l'investiture
504
1:
La proclamation-investiture
504
II:
Le serment-investiture
508
B:
La portée des formalités d'investiture
516
1:
Une formalité préalable
516
II:
Une formalité substantielle
518
SECTION II:
LA PRISE EN CHARGE DU POUVOIR PRESIDENTIEL
521
PARAGRAPHE 1: LA COMPETENCE RATIONE TEMPORIS
522
A:
Le mandat divisible
523
1:
Une règle traditionnelle du régime
présidentiel
523
II:
L'acclimatation du mandat divisible
528
B:
Le mandat indivisible
533

......
, 1f.1l'~• • •
TITRE II:
LA STABILISATION DE L'OPERATION SUCCESSORALE
544
CHAPITRE 1: UNE LEGITIMITE D'ENTREE HYPOTHEQUEE
546
SECTION 1: LA LEGITIMITE D'ENTREE DU SUCCESSEUR
546
PARAGRAPHE 1: LA GESTION DE L'HERITAGE POLITIQUE
547
A:
La continuation du régime
548
1:
La conservation des structures du
régime hérité
548
II:
Le maintien des valeurs traditionnelles
du régime
551
B:
La persistance des soutiens des orthodoxes
du régime
557
1:
La présence physique de la vieille garde
558
II: Les moyens d'action de la vieille garde
561
PARAGRAPHE II: L'ADAPTATION DU REGIME POLITIQUE HERITE
566
A:
Le changement dans la continuité
567
1:
Les mesures d'intégration
"
567
II:
Les actions sur le jeu partisan
571
B:
L'élargissement des soutiens du régime
579
1:
Les soutiens de l'environnement
domestique
580
II:
Les soutiens de l'environnement
international
589
SECTION II:
L'HYPOTHEQUE DES CRISES POST-SUCCESSORALES
592
PARAGRAPHE 1: L'EXPRESSION DES CRISES POST-SUCCESSORALES
593
A:
Les causes des crises post-successorales
593
1:
Les causes endogènes
594
II: Les causes exogènes
602
B:
Les manifestations des crises post-successorales
606
1:
La crise de régime déclenche

SECTION II:
LA NORMALISATION DE L'INSTITUTION SUCCESSORALE ... 707
PARAGRAPHE 1: LES CONDITIONS DE LA NORMALISATION
708
A:
Le primat de l'institution
709
1:
La dépersonnalisation du pouvoir présidentiel .. 710
II:
Le renforcement du poids des gouvernés
712
B:
La protection juridique de l'institution
successorale
716
1:
La valorisation du droit dans
l'exercice du pouvoir
716
II:
Les techniques de protect ion
725
PARAGRAPHE II:
LES FONCTIONS DE L'INSTITUTION SUCCESSORALE
734
A:
La stabilisation des régimes
735
1:
L'institutionnalisation des règles
successorales
736
II : La socialisation des institutions
~- :-.-==-":'"':.:-;-.....
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L'adaptation des régimes aux circbh~tan~~s
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CON CL USION GENERALE
7 60
LISTE DES CHEFS D'ETAT AFRICAINS
773
BIBLIOGRAPHIE
794
TABLE DES MATIERES
815