UNIVERSITE
DE
DAKAR
*-
Faculté Mixte de Médecine
et
de Pharmacie
)
1968 N~ 13
)1(
SUR
LA
TRANSPLANTATION
NÉGRO - AFRICAINE EN FRANCE
(ETUDE CLINIQUE ET PSYCHOPATHOlOGIQUE)
~
~
' \\
. .
>
THESE
présentée et soutenue publiquement le
pour obtenir le grade de :
Docteur en Médécine,
(Diplôme d'Etat J; .
l '
par
.~ .. -.~,
,'!t.,~<~~
..
,_..
;;"fI ni; .- .. ~.;
;
Serigne M Baye Babakar' DIOP
Neuro - Psychiatre
Né le 1er Juin 1933 à Diourbel
~
Président de Thése:
Henri COLLOMB

-
2 -
UNIVE~SITE DE DAIU~R
1-1 EDE C I
N E
FACULTE 1nXTE
DE MEDECINE ET DE PHJJRlij~CIE
... =-
LISTE .DU PERSOH1ŒL ENSEIGNANT 1967-1960
-----~---------------------------------
PROFESSEURS
M. Robert
CA1S.~1 r
_::iGtologie et Embryologie
t-1. Jean
CHù.BAL
Chirurgie Générale
IJ1.
Henri
COLLOlŒ
Neurologie et Psychiatrie
i:
Paul
-.
CORREA
Obstétriquo
1-; • René
l·IhS SEYEFF
Chimie Biologique
Ir .
~
André
Physiologie
H. Michel
REY
Clinique des Iiialadies Infectieuses
N. Jean
REYIIIf\\UD
Clinique O.R.L.
H. t'larc
SANKl'..LE
Clinique Nédicnle
H. Pierre
SATGE
Pédiatrie
PROFESSEURS SANS C~U~IP~
H. Jacques
LINF.Jd::J
hémntologie
H. Alfred
QUENU:r:
Histologie
Iv".tAITRES DE COl'-JFERENCES .AŒ(EGES
M. René
BAYLET
Hygiène
K. Yves
BRESSOn
Physique Biologique
M. Gérard
DESI'1ET
Biochimie-
H. Berthème
JIDGNER
Parasitologie
!JI.
René
LOUIS
Anatomj_e
H. Cyprien
QUENUH
Anntomie Pathologique
... / ...
'"

" -~..,...-.- ,-._-

-,
A GRE G E 5
1 •
-
..
M. Vincent
DAN
Pédiatrie
M. Biram
DIOP
Médecine Générale
,
M. Alioune Badâra
DIOUF
Chirurgie Générale
M. Serge
FABRE
Médecine Générale
M. Christian
Lt~FAIX
C1inique des Ma1adies In:feotieuses
M. Adol.phe
MENYE
CAncérologie
M. Yvan
PRIVAT
Dermatol.ogie
M. Henri
TOSSOU
Uro1ogie
M. Mawupe
VOVOR
Chirurgie
M. René
ZINSOU
Obstétrique
HAITEΠDE CONFERENCES ADJOINT
M. Gabriel.
. SENGHOR
Pédiatrie
CHARGE ASSURER SERVICE EMPLOI VACANT
( Emp10is de Ma1tres de COn:férences )
M. Jacques
BERT
Pathol.ogie Expérimenta1e
Mme Monique
CASTETS
Bactério1ogie
:M. Jacques
LAFFONT
Anatomie
CHARGES ASSUIrl~R S1!.aVICE EHFLOIS VACANTS
( Emp10is dt Agr6g6s)
t
M. Bernard
COURSON
Neuro-Chirurgie
M. François
DIENG
Médecin Léga1e
M. Joseph
DIJ...LLO
Ophta1mol.ogie
CHi\\RGE D'ENSZIGNE1JlENT
M. Guy
GRAPPIN
Chirurgie Dentaire
.../...
1
i

'.
-,4 ..
CHEFS
DE
TRJ:..VAUX
~,.
M. Patrick
CAHERLYNCK
. Parasitologie
Mlle Simone
DAUCHY
Hygiène
Mme
Yvette
VEZARD
Bactériologie
ASSISTl4NTE TITULAIRE
Mme
Yolande
NOUHOUAYI
Histologi.e
AT'l'ACHES DE FACULTE-ASSISTANTS DE SCIENCES FONDAl/iENTALES
J

M. Eusèbe
ALIHONDU
Histologie
}II. André
BELLOSSI
Physique
Mlle Ma!mouna
CŒ-1AN
Bactériologie
Mlle 'Nicole
FICAJA
Physmologie
A
Mme
Véronique
LA~'lSON
Anatomie Patho1.ogique '
'4
l-hne Françoise
HOREIGNE
N uro-Psyohiatrie
11. René
NtDOYE
Physique l1édicale
11me Anne
TOURANE
Physiologie
M. Zaccharia
TOURE
Physiologie
M. Abdoul Biram
\\'l!cNE
Chimie Biologique
"
Mme 1-1ari.e-Claude
ZISS1JILLER
Chimie Bio1.ogique
ATTACHE.s CHEFS DE CLINIQUE
11. Fadel
DI1\\.DHIOU
Obstétrique
M. Michel
LACOUR
Chirurgie Dentaire
M. François
QUICHAUD
.../ ....
C:C;}''(tfh.;<~~:,~::~L~;1~<;;
.,,±.,,:.,- ~
"'x -~;,. -~, '::;;"-:~;;(": '. ,;.::,>~
~ të%'.",: -"'~'.; ,
>
-,'

- 5 -
CHEFS DE CLIN:LgUE ASSISTiJJTSPE F.t~ULTE.
ASpISTANTS DES SERVICES lJNlVèP...SrrAIBès DES HOPITA't1X
M. Jean-Pierre
AJlCELLE
Clinique Médicale
M. Claude
B1'~LLON
Chirurgie
M. Gérard
BALLON
Physique Médicale
M. Daniel
BARTOLI
Neuro-Psychiatrie
Mme Jacqueline
BLOlJ:JE::',
Chimie Biologique
M. Claude
CONTY
Orthopédie
M. André
DEBROISE
Pédiatrie
Mme Catherine
DEBROISE
Pédiatrie
Mme Georgette
DIEBOLT
Héraa't o Lo gd,e
M. Adrien
DIOP
Chirurgie
M. Lamine
DIOP
O.R.L.
M. Mar
DIOP
rvIaladies Infectieuses
M. Michel
DUl.{f,LS
Neuro~Psychiatrie
M. Ibrahima
FAYE
Dermatologie
M. Vincent
FRAMENT
Clinique lJIédicale
M. Edouard
GOUDOTE
Chirurgie
M. Michel
GUERIN
Anat.Path.et l1aladies Inf'ect~
M. Bamba
GUEYE
Chirurgie
M. Abdourahmane
KJùŒ
Clinique 1-1:édicale
M. Papa
KDATE
Clinique Médicale
H. Joseph
LAUROY
Obstétrique
M. Georges
LEl-1ERCIER
Histopatolog:i.e
M. Aristide
HENSiili
Urologie
. . .1•· ..

- 6 ...
M. Papa Demba
N IDL"I.Y'li;
Ariat omd.e Pathologique
,-·"i
~l
11. Abdou
SANOKHû
Pédiatrie
1
M. Dédéoù
SI~lAGA
Chirurgie
M. Ahmédou H.
SOW
l-iédecine Générale
M. Alain
TASSY
Ophtalmologie
t·i. Guy
COHL1.l.l'J
Anatomie Path. Stage en Franoe
M. Samba
DIALLO
Parasitologie.Stage en France
,
,M. Anicet
NOUHOUAYI
Bactériologie.Stage en France
'~
,
M. Ibrahima
SECK
Biochimie.Stage en France
~~i;
.~
. "
-'~
.../ ...
je
*

- 7 -
PHARMACIE
LISTE DU PERSONNEL EN9EIGNP~T 1967-1968
M. Michel
ATTISSO
Pharmacie Galénique & Parasitologie
r4. Olivier
CESAIRE
Chimie j~alytique & Toxicologie
M. Humbert
GIONO-B~tBER Pharmacologie et Pharmacodynamie
M. Dumar
Pharrn.Chimique et Chimie Organ.
PROFESSEURS A3S0GIES
H. Paul
DENIEL
Physique et Hydrologie
M. Joseph
KERHARD
Botanique et Matière Médicale
MAITRE DE CONFERENCES AGHEGES
11.
Jacques
JOSSELIN
Biochimie Pharmaceutique
DELEGUE DANS LES FOnCTICH8 I{[:..IT:lΠDE CONFERENCES
î4. Georges
GRAS
Chimie Hinérale
C:HEFS DE TRJ\\.VAUX
Mme Paulette
GIONO-BARDER Pharmacodynamie
Mlle Urbane
TANGUY
Chimie Organique
DELEGUES Di..NS LEC~ FONCTI01::r8 DE CHEFS DE r~Rf..VAf.JX
Mme Elisabeth DUTRUGE
Biochimie Pharmaceutique
M. Daniel
GOHEZ
P'nysique
M. Guy
l-iP...YNART
Botanique
Mme Arlei;i;e
QUE1WH
Zoologie
MJ.le Catheri.ne
PELLISIER
Chimie l~alytique
.../ ...
C>

ASSISTi...IJTS STAGL\\IRES
M. Hamadou
BADIl.lNE
Chimie Organique
Mlle Suzane
FAZJ.JI
Pharmacie Galénique
H. Joseph
GOUDOT~
Toxicologie
Mlle Marie
Pharmacodynamie
M. Max
TOUR.:?ETT:I;
Chimie Analytique
CüLL\\.BORJ',.TEUR TEC:-;:NIQUE
1-1. Housse
DAFFE
Chimie Organique
*
*
*

- 9 -
A la mémoire de mon Père
Mon enfance a coïncidé avec le début de ten difficultés
dans les affaires. Envers et contre tous,
tu m'as
cependant toujours exhorté à poursuivre mes ~tudes le
plus loin possible. Gor au plein sens du terme,
tu
m'as appris à agir toujours selon l'idéal social du
gor.
A la L1é~oire du Docteur Houssa DIOP
Exemple de gentillesse, de modestie
et d'abnégation. :-:0r.11::::e et Neuro-
Psychiatre, ton comportenent reposait
sur la co:.::pr'hen~iont au sens littéral
du terr.:e c'est à dire,
Il
prendre avec
soi ".
L
ta veuve Anna, à tes en~ants et à tes
parents, l'humble técoignage de l'ami.
A la mémoire de ma soeur Fatou ~IOP et du petit L~ONA
A ma Lère
qui a su attendre avec dignité ce terme.
il.. Awa,
MS L, Papa r:J'..1~Gm{t Hagatte.
Serigne DJI3~IL, Amadou ~lIIŒ,
Sayère WALY et Aicha Yvonne.
Le cercle de famille enfin se referme •
.../ ...
-:,.;
..

- IO -
A mon Frère Arona DIOP
qui n'a cessé de m'encourager dans
mes études et de m'aider dans les
problèmes de la vie.
A mon Oncle
LAMINE DJJJNE
sa
A mon Oncle Anadou MOUSTAPrU~SY
..~
A mon Oncle Sayère Jupiter WALY GUEYE
A toute ma Famille
et plus particulièrement à mes soeurs.
A mes Beaux-Parents
Por-z- leur a s s Ls tiarrc e
efficace.
A ;~erigne FALL
Yves BADARA DIAGHE
Amady Aly DIENG
E1hadj DJIBRIL GAYE
Amadou NfDIAYE
• Vai.ncre s'appuie sur 1a fraternité"
••• 1...
- ·_i:.'~~,;i::;:;:~,/;;:-~~-l._
-":.'f(.\\~ p. ;;,,,<,Q;:.;__",,.'-.;:~,_\\::,_,_," ,;.~.~~

------_..
-
_-...,.~
-
------~-....,.
--
~.---
----:-."1
Aux Docteurs Mak..lJ.tar N 'DIJ:..YE
J'ilimédoul1. sow
Aux Membres de l'Amicale des Etudiants et
stagiaires Africains ,et Malgaches de
Sarcelles ( A.F.E.S.A.î~~.S ).
Ce témoignage du l'résident-Fondateur

qui vous rappelle que l'A.F.E. S .1'....r,1/;..8
a été créée pour faciliter votre
adaptation en France.
A tous mes Amis
.•••
~u Personnel de l'H~pital Henri Rousse1le
et des services d'admission du centre
Psychiatrique Sainte-f~e ( PfJKIS)
A Monsieur HELLER
A Monsieur GESSJ:..IN
Sous Directeur du Musée de l'HOI~
A Mademoiselle Le Docteur So1ange Ff.klDE
Pour 1'assistance qu\\elle nous a apportée durant notre
séjour en France et l'amitié qu'elle nous a témoignée.
En nous recevant au C.E.P.P.A, elle a inspiré et
guidé oe travail. Profonde gratitude.
..../ ...
,..

~
A Monsieur Le Docteur Jean LAPLJ~CHE
Pour l'a remercier d'avoir été notre tuteur et
notra initiateur à la lecture. des textes fr~diens.
A Monsieur Le Pro~esseur Jean DELAY
( chaire de Psy~hiatrie Paris )
,~,. r"".~):r '2 d c l'Ac·adémie de ïofédecine
~.'I8:~~Or() de 11 Insti tut
.W'
et
A Monsieur Le Pro~esseur Pierre PICROT
( ohaire de Psychologie Médicale Paris )
Qui nous ont ~ait l'hormeur de nous avoir feçu et de
s'~tre intéressé à ce travail. Respectueuse gratitude.
A Monsieur Le Docteur Jacques LACAN
qui s'est chargé de notre
,r
psychanalyse didactique,
cet
autre " WEKHA.L " ••••••
J
A nos MaItres de la ~aculté Mixte
de Médecine et de Pharmacie de DAKAR.
A nos Maïtr~ de la f'a.cu.Ltié
de .W~decinede PARIS .•
.../-...
. "~·,i.,..;~~!~·~:,:~J;"jit:
'4-··-4
,.,Co:'-'""'-
.) -",:'ri;:"--'

- I3-
AUX MEMBRES DE NOTRE JURY DE THESE
Monsieur Le Professeur Agrégé BAYLET
Maitre de conférences agrégé d'Hygiène
Qui nous a fait l'honneur de faire partie de ce jury.
Profonde gratitude.
Monsieur Le Professeur Agrégé Biram DIOP
( Médecine Générale )
Nous étions tout jeune lorsque
nous vous avons rencontré pour la
première fois. Vos compagnons
dralors se sont arrêtés en chemin.
Vous seul
avez continué vers les
sommets, donnant ainsi à la jeu-
nesse un exemple de courage, de
travail et d 1intelligence au ser-
vice de l'HOHME.
Monsieur Le Professeur Paul CORREA
( chaire d'Obstétrique )
Depuis le début de nos études médicales vous
n'avez cessé de vous intéresser à notre formation,
de nous encourager, de nous assurer de .otre sympathie.
Vous nous faites aujourd'hui l'honneur de faire partie de
notre jury de Thèse •

Soyez assuré de notre profonde et respectueuse gratitude •
.../ ...

-- ~-,
'.,.
~
- I4 -
No"tre Ma!"tre Le P):'of'esseur Henri COLLOMB
( chaire de Neuro-Psychiatrie )
Qui nous a fai"t l'honneur d'~tre no"tre Présiden"t
de Thèse.
Grâce à vous FANN est devenu un des hauts lieux
de la Psychiatrie en Afrique Noire. Venu d'un
Il
autre monde ", vous avez su, à force de
disponibili"té,
dliT~31J_:::'Go:;'-:CG,et c:;.thwnanité,
vous rapprocher du monde Négro-Afrioain,
le sai-
sir dans la pléni"tude de ses valeurs et la com-
plexi"té de sa mouvance.
Dépassant l'anecdotique et le folklorique
vous 8"tes allé directement à l'essen"tiel.
Après avoir guidé nos premiers pas dans la
psychiatrie à FANN, vous avez préparé et permis
no"tre formation en France ( C.~.S. de Neuro-
Psyohiatrie, Psychanalyse,
initiation à la re-
cherche en Psychopathologie )

L'iden"tification de l'Elève au Mattre, signe de
notre admiration et de notre reconnaissance
infinie, témoigne de la nature singulière de
notre rencontre.
.../ ...
' , '
: ~

~<
. 1
~ I.5 -
Notre Maftre Le Professeur
Marc SANKf~LE
Doyen de la Paculté de Médecine et de PHarmacie.
Nous ~vons suivi votre enseignement.
Nous nous santons hOilOré de vous compter parmi
les Membres de notre Jury de Thèse.
L'Intérêt que vous portez à la formation et à
la promotion des jeunes médecins, votre souci
d'une médecine efficace et adaptée aux conditions
actuelles de l'Afrique Noire, votre abattage et la
rigueur de vos travaux scientifiques, votre
U
esprit large Ut votre sens de l'humain vous
situent dans la ligne des grands patrons attentifs
aux problèmes de leurs Elèves.
.../ ...

- I6 -
I
N T R 0 DUC T ION
Comme beaucoup de problèmes contemporains, la transplantation
Négro-Africaine en France a été marquée par la deuxième guerre mon-
diale.
Avant I9J9, ce sont surtout des " Travailleurs Sénégalais "
que l'on vit en France. Issus pour la plupart du milieu paysan tradi-
tionnel, ne parlant pnatiquement pas le français,
ils auront à faire
fac& à un défiéît instrumental important, notarnnent sur le plan lin-
guistique. Henri AUBIN (4) a étudié leur psychopathologie et les
syndromes psychiatriques quI ils présentaient, apportant ainsi une
contribution importante à la psychiatrie transculturelle.
Depuis llindépendance des pays Africains, l'afflux de tra-
vailleurs surtout Sénégalais, Maliens et Mauritaniens en France, pose
de graves problèmes médicaux et sociaux. Originaires du paya Sarakollé
" Higrateurs de tout temps ", ils présentent le même handicap linguis-
tique que les militaires d'autrefois, mais parviennent à reconstituer
leurs structures sociales traditionnelles dans le milieu d'accueil
français. Ce mode d1adaptation vise à s'en tenir aux conditions de
vie habituelles et à se protéger contre les dangers de la transplan-
tation. Tant que le travailleur transplanté deceure au sein de ce
cadre protecteur,
sa sécurité semble assurée; mais le risque de mala-
die. mentale cro!t rapidem~nt avec l'isolement ( hospitalisation, sé-
paration volontaire du groupe etc •••
).
La fin de la deuxième guerre mondiale et. le bouleversement
des mentalités opéré par ce conflit, ont accru remarquablement la
population estudiantine Négro-Africaine en France. Intellectuels,
ayant plus ou moins assimilé la culture française, mais se réclamant
farouchement de la culture Négro-Africaine, la venue en France des
,
Etudiants Négro-Afric~s obéit à des motivations complexes. Ils as-
pirent à une " re - connaissanoe " et à " con -
na!tre " au monde
moderne. Ce moment important de leur vie va se dérouler au contact dl
un monde blanc, dans le pays àncien colonisateur. Ceci confère un
caractère particulier à leurs problèmes.
.../...

Pendant notre stage au Centre d'Ethna-Psychopathologie Afri.-
caine ( O.E.PP.A.
) à PARIS, nous avons été chargé de dépouiller
le~ dossiers de malades Négro-Africains hospitalisés au Centre Psy-
chiatrique Sainte-Anne à PP~IS ( Hepita1 Henri Rousselle, Services
d'admissions
) et d'analyser le matériel ainsi collecté.
Parallèlement nous avons eu des entretiens avec d es Etudiants dans
le but .d1une approche psychopato1ogique du vécu de la transplanta-
tion. Ceci a été comp1ét~ par des enquêtes dans le milieu des
Travailleurs.
Nous nous proposons dans ce travail :
d 1ana1yser les principaux syndromes cliniques rencontrés chez leS
malades Négro-Africains et de souligner les particularités de la
symptomatologie.
- A partir
des caractéristiques ainsi dégagées et de l'étude du
vécu de la transplantation, nous tenterons une approche psychopa-
tho1ogique de certains sentiments et troubles des Négra-Africains •
.../,...

- I8 -
o
a:
0
T LI 1) E"
a: L 1 1) / / t » U E""
I
- Considérations Générales et Données Statistiques.
A -Le matériel Clinisue
Nous avons recensé 54 dossiers de malades hospitalisés
entre I946 et I960 nu Centre Psychiatrique Sainte-l~e mais 4 dos-
siers s'étant révélés inutilisables, nous n'en avons retenu que 50
pour ce travail.
Le matériel ainsi collecté révèle une nette prédomi-
nance du sexe masculin ( 48 hommes ) sur le sexe f'éminin ( 2 f'emmes).
Ceci n1est pas surprenant car la venue en France de l'élément
f'éminin n'a acquis une réelle i~portance que tout récemment. Préci~
sons d'ailleurs qutil stagit de deux femmes mariées n'exerçant au-
cune prof'ession.
La répartition par catégories prof'essionnelle~ ( Tableau 1 ) montre,
une représentation plus importante des Intellectuels 50 %.
Cette catégorie comprend en fait
20 Etudiants
2 Elèv~s c:'1 "l~:ne ~cole Technique
I
Lycéen en classe terminale
I
Séminariste
I
vétérinaire venu se faire soigner en France.
Parmi les travailleurs, nous avons distingué les
Ouvriers Qualif'iés nyant suivi les cours dtune école pro~essionnelle,
les Ouvriers Spécialisés et les Hanoeuvres. Cette catégorie regroupe
des manutentionnaires, des n plongeurs" et un n boy cuisinieX' ft.
Le seul commerçant de l'ef'~ectif' était venu en Europe pour faire le
pélérinage à R01~.
f/j . . . /
. . . .

••
-
I9
TABLEAU 1
CATEGORIE PROFESSIONNELIE
NOHBRE
POURCENTA~I
1
Intellectuels • • • • • • a • • • • • •
25
5 0%
1
1
Travailleurs ..... .." ." , . \\
2I
42%
Ouvriers Qualifiés ••••••• 0
8
I6%
,.
Ouvriers Spécialisés ......
2
4%"
/
Manoeuvres
II
227;
• • • • • • • • • •
0
• • • • •
Sans Professi01;l . . . . . . . . . . . 1
3
6%
1
Conunerçant
. . . . . . . . . . . . . . . . 1
1
2r~
J
l
Le Tableau II indique les particularites de la distribution par
moyenne
dtâge
Celle des intellectuels ( 27 ans 5 mois
) semble élevée
puisqu'aucun èes Etudiants ne prépare un dip18me. d'études' supérieures
ou une spécialité. Il y a lieu de tenir compte cependant
:
1° - du fait que nous avons compri~ dans cette catégorie un
vétérinaire non Etudiant ego do 45 ans.
2° -
du cas de deux sujets de 35 et 36 ans qui, après avoir
intorrompu leurs étu~es pour des difficultés financières, les ont
reprises,
llun à 33 ans, l'autre à 34 ans.
La moyenne d'âge ainsi corrigée se ramène à 25 ans 7 mois.
I l convient aussi de souligner que certains de nos malades Etudiants
onù passé de longs mois en Sanatorium.
Si Iton note par ailleurs que le Négra-Africain va à l'école à 7 ou 8
ans, est bachelier à 20 ou 2I ans et termine ses études supérieures
entre 26 et 29 ans,
la moyenne d'âge corrigée des Etudiants reste
dans les limites de la normale en Afrique. L'aba.issement de cette
moye:rme " normale Il est posffib.J.e et souhaitable car i l réduit la pé-
riode de dépendance de ce futur cadre. C'est un problème d'hygiène
mentale.
. .. 1..•

-
20 -
Llâge moyen des autres catégories ne nécessite pas de commentaires
particuliers car i l s'agit surtout de sujets ayant déjà travaillé en
A~rique et arrivés en France à l'~ge adulte •.
TABLEAU II.
-
+========-- _. --..__. __
_._=,.========
- - ' " .....,-", ,.
.
~
,r
Moyenne d'âge globale
12 8
,
..
ans
3 liois
~,,
1
1
,
1
,
Moy. d'âge des Intellec.
122 ans
.5 moisi
Moy. d'âge corrigée des
1
Etudiants
ans
12 5
7 moisi,
!
Moy. d'âge des autres
1
Catégories
12 9
1
B -
Les cadres nosologiqu~
Nos 50 mal~des sont plus ou ~oins détribalisés. Les
Intellectuels du ~ait
de .1 eu:.:' origine citadine,
de leur f'o rmat Lo n
et de leur comportement ~uturiste devant l'évolution de leur pays.
Les travailleurs dtabord parce que leur venue en France témoigne du
désir de changement des conditions socio-économiques dans lesquelles
ils vivent en A~rique
ensuite pnrce que,
plongés dnns le If circuit
de la production " en L.frique,
puis en France, ils appréhendent le
problème de 1ear devenir dQns une perspective de plus en plus indi-
vidualiste.
La transplantation, dans ln mesure où elle confronteen
chacun le monde Négra-Africain. au monde Occidental.
accélère le pro-
cessus de détribalisation.
.../ ...

- 2I ..
La manière dont cette confrontntion de deux ci.vi~isations
est vécue;
la disponibilité à l'égard de cet autre monde et I J a t t i ...
tudo de celui-ci vms à vis du transplanté Négro-id'ricain, le degré
d'adhés.ivité au milieu d'ori6ine~ l'histoire antérieure du sujet et
la façon dont i l a résolu les conflits qui se sont déjà posés à ~ui
constituent la plate forme sur laquelle va se jouer.1'ad.aptation.
Plus la plateforme est étroite
plus apparente sera ~a
J
fragilité du sujet et plus grande la probabilité d'éclosion de trou~,
bles ?sychopathiques

Ceu}::-ci vont··ils rev~tir une forme particulière au trans-·
:planté Négro-Lf'ricain?
La ma1o.die mentale se manifeste~a t-el1e au
contraire sous une forme commune à tous les transplantés?
chez nos malades.
TABLEAU III
1
DIll..GNOSTIC
l POUaCENTL.GE
1
1--p-s-y-C-h-o-s-e-d-é-1-~--r-an--t-e-a-i-gu-.-o--I----------li----;8 %--
1
I9
I---S-yn--d-r-o-m-e-s--s-C'-h-i-Z-o-p-h-r-é-n-i-q-U-C-s~I-------";i--·
T---!
IO
5
,
t
-
1
,
,
Etats Dépressifs et
1
1
,
,
70
,
Hypochondriaques
1
6
t
i
I2
1
,
,
.. ,
,~
E.thy~iGr.:J.e
1
8
r- I6 %
,
,, -
Troubles du cara'C1tère et
du comportement
1
6
I2 %
1
1
,
Etats névrotiques
J
6 ~~
--
-
...
-
f
Psychose Hallucinatoire
,
,,
2
f
chronique
1
l
%
J
1
--
Psychose Puerpérale
,
~
1
L l
2 %
1
f
-
,Etat Maniaque
1
l
%
1
2
.../ ..

_ 22
Dans 64 % ( J2 maladies) il s'agit d'états aigus, les
états chroniques représentant J6 '10 ( I8 cas ) de notre statistique.
Le matériel réduit rend d'autant plus c~itiquables les
pourcentages ainsi donnés,
surtout lorsque certains diagnostics n'
ont été portés qu'une fois.
I l res~e cependant intéressant à comparer nos statistiques tant
avec celles de l'Equipe de DAKAR-FANN du Professeur H. COLLOMB
( I2, IJ, I4, I5 ) qui donne les pourcentages des syndromes notés
dans le service de NeurO-PsYI)~'1ié"\\-triG du Centre Hospitalier de FANN,
qu1avec les données fournies par lI. AUBIN ( 4 ) dans une population
de militaires N4gro-Africains transplantés, et celles, plus glo-
bales, indiquées par Y. CI~1PION ( IO ) à partir des travaux de
divers auteurs ayant étudié les problèmes de llémigration en
Amérique du Nord et ceux des personnes déplacées.
2°_ Distribution des cadres Nosologiques à FANN.
TABLEAU IV
1
,
Etats dépressifs
I4, 6 à I6,J %
1
,
1
,
,
lAgitations psychomotrices
IO,4 %
1
l
i-
1
JSchizophrénies
1
I2,I 10
1
Etats délirants
1
2I,J %
,
1
,,
IEtats démentiels
2,6 %
1
,
!
,
1
IEtats névrotiques
8,8 %
1
1
.../ ...

- 23 -
( suite TABLEAU IV )
!PSYChOSeS Puerpérales
d
2,
09 /0
1
Ethylisme
II '
I2 cz,
E}
1
1Divers
8 %
J
.30_ Henri AUBIN a relevé chez les militaires les syndromes suivants:
Les états de fureur assez fréquents
-
L'onirisme terrifiant
-
L'onirisme euphorique
Le suicide(non exceptionnel)
-
Les tendances paranoïaques
-
Les bouffées délirantes(fréquentes)
-
Les états névrotiques
-
Les états dépressifs
•.•
Il
de beaucoup les manifes-
tations les plus fréquentes
Il
-
Les délires chroniques
La démence précoce
-
L'éthylisme
4°_ y. CHJ~1PION ( IO ) oppose les Etats Aigus aux Etats chroniques 1
dont ln fréquence r-e apec t Lve est difficile à apprécier Il compte
tenu des conceptions nosogrnphiques en usage dans llécole Anglo-
saxonne Il qui a p1us particulièrement étudié les problèmes de
1 1 émigration. Cependant dans les Etats aigus~états francs de
d~pression et d'excitation, Etats délirants aigus (bouffées
délirantes et états confuso-oniriques)_I, l'auteur note Il qu'en
ce qui concerne l'aspect clinique, cJest on général l'état dé-
pressif anxieux qui est alors considéré comme l'épisode initial
.../ ...

- 24 •
1e p1us caractéristique et 1e point de départ évo1utif auque1
peuvent se ramener toutes les histoires c1iniques aiguës des
transplantés ••• ".
Dans les Etats chroniques C:-:AI·IPIOIT distingue :
-
Il
~ains .types ct'.atti tude " où domine Le
sentiment d'une hostilité de 1'entourage.
-
Il
Les états dépressifs au 10ng cours qui occupent
une place importante dans ce groupe
:
(états dépressifs à
symptornato1ogie hypochondr1aque, dépressions hyposthéniques graves
et trainantes)".
" Les états dé1irants ehroniques qui paraissent
p1us fréquents que leur p1ace relativement réduite dan~ la
littérature ne le laisserait supposer".
B -
1- Plus du tiers de nos ma1ades (J8%) ont fait une psychose
délirante ~iguë au sens où l'entend E. ZY (23), c'est à dire en
fait la bouffée dé1irante po1ynorphe de l'école française. Le
dernier pourcentage donné par COLLOl1B à DJ,.-s:J.l.::_~ est de 28%.
AUBIn et CRJ...MPION ne fournissent pas de chiff:::ces; cependant,
outre les bouffées délirantes mentionnées par le premier, certains
des états de fureur,
d'onirisme terrifiant, d'onirisme euphorique
qulil décrit peuvent se ramener au cadre nosologique des bouffées
dé1irani:es. Dans les états délirants aigus, C:-iAL?IOH accorde une
plus grande importance aux bouffées délirantes et remarque que
1eur expression clinique 1a plus frappante est l'état dépressif
anxieux.
Or presque toutes 1es psychoses dé1irantes aiguës
que nous rapportons ont une coloration dépressive certaine.
I1 appara!t done que 1a différence de 10% entre notre
pourcentage et celui fourni par 1'équipe de DAIUL( au XIème Co11oque
Afrieain de Psychiatrie, est due essentiellement à 1a transp1anta-
tion.
.../ ...

- 25 -
2° -
Syndromes schizophréniques :
Nous n'employons pas le terme schizophrém.:i.e car le
crit~re évolutif nous a fait défaut. " La Schizophrénie se trouve
non pas cm début mais à la fin de l'évolution " dii; H. EY ( 2J ).
La part de la transplantation qui sera discutée plus loin,
sravère
difficile à préciser pour ce cadre nosologique. Leur représentation
( 10 % ) dans notre travail est du même ordre de grandeur qua celle
des schizophrénies à DûlvlR ( 12,01 % ). La production délirante
parano~de est riche dans la majorité des cas.
JO - Etats dépressifs et hyPochondriaques:
Leur pourcentage ( 12 % ) est relativement plus bas
que celui relevé à DAKAR ( 14,6 à I6,J % ). Rappelons que AUBIN
fait des états dépressifs les manifestations les plus fréquentes
chez les Il Tirailleurs Sénégalais ". lfous développons plus loin ce
que nous pensons de
ce problème compte tenu de la tonalité
dépressiYe et anxieuse dominante dans les syndromes psychiatriques
relevés chez nos malades.
4° - Ethylisme:
On n'en trouve pas d'évaluation chez AUBIN. COLLOMB
( 12 ) note par contre que " la proportion cles éthyliques hospi-
talisés à DAKAR se situe aux environs de II à 12 %de la totalité
de la populatio~ hospitalière africaine ••• ". Nous arrivons en ce
qui nous ~oncerne à un pourcentage de 16 %avec une sur-repré-
~entation des Etudiants. Ceci corrobore l'affirmation de COLLOî{B
selon qui " l.e facteur occidento.lisation joue un r~ne f.I dans 1 t
alcoolisme. Cela est évident chez les Etudiants Négro-Africains en
France, éloignés du groupe de pression traditionnel. et chez qui,
l'éthylisme apparo.!~ bien souvent comme un moyen de surmonter des
difficultes. Notons par ailleurs la note dépressive dominante dans
l.a majorité des cas.
~ ~ ./ ...

- 26 ...
5° " Sous la rubrique états d'agit~tion ( Io,4 % ), COLLOMB ( I4 )
range " un ensemble disparate caractérisé surtout par les troubles
de l 1humeur ,
l'agitation psycho-motrice .•• ".
Les troubles du caractère et du comportement ( ~ )
groupent dans notre étude des états de revendication développés
sur un fond pseudo-paranoïaque et des troubles sinples du compor-
tement liés à l'hospitalisation. Les troubles du cnractère et du
comportement apparaissent plus nettement liés aux difficultés dl
adaptation.
6° - Etats névrotiques .( ~ )
ne sont guère différents de ceux que décrivent AUBIN et
COLL0l1B. Le relttchement de la " cohésion de tous les uns en un
tout organique ",
la délimitation plus ou Qoins impréoise de If
unité ainsi surgie et l'irruption consécutive d'une certaine" éner-
gie flottante ",
sont source de tensions auxquelles la transplan-
tation va conférer un caractère plus manifeste.
7° " Les autres syndromes ( 1 Psychose Hallucinatoire chronique,
1 Etat maniaque, une Psychose puerpérale
)
:
sont trop peu nombreux pour nécessiter un commentaire parti-
culier. Notons cependant que la psychose puerpérale a été notée
chez une jeune femme de 22 ans qui avait,
lors de son premier
accouchement,
présenté une Llanii'e:otation délirante analogue.
TJ:..BLEliU V
" Distribution des cadres nosologiques Qar catégories
professionnelles.
.../ ...

- 27 -
,.~-~
J
25
I I
I
J
8
1Intel-
Ouvriers 1
2
Ouvriers
Jl.:Ian-
Corn.. Sans
lectuels Qualifiés Spécialisés
oeuvres mer-
Profes
1
çuntf
sion
........_-
I9 Psychoses déli-
rantos Aigues
1
9
.5
J
I
I
-
1
.5 Syndromes
Schizophréniques
f
2
1
J
1
1
1
6
Dépressifs
J
Etats
1
1
!
ct
1
1
Hypochondriaques
2
1
I
2
I
1
.
8 Ethylismes
6
1
I
1
1
-
1
6 Troubles du
1
1
,
caractère et du
c ompo r-t emerif
2
2
1
I
I
~
1
1
J Etats
1
Né vz-o tLque s
2
I
1
)'~"';P
1
1
J. P .l-I"C.
I
1
1
1
1
.... _...-.,,-
1
---r--"
J: Psychose
1
1
1
Puerpérale
1
1
I
1
,
1
l
_ 0
-",.,~~
!
1-
-
l
Etat
1
i'1aniaque
I
1
1
1
1
"'",_.,"'....
....
"'-~'
.../...

.. 28 -
C -
Les Thèmes délirants
:
Nous avons relevé dans nos àossiers 15 Thèmes
délirants dont le plus fréquent est la persécution. La fréquence
Qe ce Thème est en fait plus grande puisqutil apparalt dans la
majorité des cas comee ltélément central dont
~~ivent par
exe~ple les idées d'influence, d'empoisonnement, de revendication,
de magie et de sorcelerie, d'indignité ainsi que les thèmes
raciaux.
Beaucoup dtidées de transforcation, mystiques et sexuelles se
ranènent aussi à la persécution.
Ainsi la persécution apparaît co~~e la thématique délirante la
plus répandue chez nos malades.
H. COLLOlvD3, g. DIOP et collaborateurs (21)
soulignent également qutelle "colore toute la psychiatrie
africaine". CHAHPICN note aussi sa grande fréquence liée à
ltisolement linguistique, à un sentiment d'hostilité de l'entourage.
Le polymorpnisme des thèmes rencontrés (voir tableau Vl) et la
nette coloration persécutive de la symptomatologie chez nos
malades peuvent être rattachées à la plus grande fréquence des
psychoses délirantes aiguës et au caractère singulier du vécu
de la transplantation du Hégro-Africain dans le cilieu français.
Ce probl~me important sera étudié en détail dans
la partie psychopathologique de ce travail.
.../ ...

- .30 -
Les thèmes dé~irants de grandeur, de politique et
de revendication se rencontrent surtout chez les Intelleotuels. On
peut voir là le signa d'un plus grand décalage entre la réalité
objective du milieu d'accueil et l'image r~vée, et: ainsi mise au
niveau des désirs personnels, du cadre futur de la transplantation.
D -
Période d'éclosion des troubles mentaux
Y. CHAl1PION ( IO ) et les auteurs auxquels i l se
réfère, distinguent - deux périodes critiques se situant respec-
tivement entre trois et six mois environ postériourement à la
transplantation 11 et qui constituent la période d'éclosion des Etats
aigus.
Le transplanté Négro-Africain en France connatt,
durant les premiers jours, une phase de désadnptation au cours de
laquelle i l est littéralement Il choqué ". Sa consci.ence subit un
certain obscurcissement et i l se meut plus ou moins cow~e un auto-
mate. Le milieu ambiant et le présent deviennent " monstrueux " à la
mesure du décalage entre ce monde qu'on avait imaginé merveilleux
et la réalité anonyme, impersonnelle, gigantesque avec ses mille
diffiCUltés. Certains ont été jusqu'à envisager leur retour en
Afrique pour échapper à CG sentiment d'écrasement. Mais, bien vite,
apparatt une réaction de défense qui consiste à refuser cet ano-
nym.-e"
par la recherche éperdue des If frères Il à qui 1 'on peut
serrer la main, au milieu desquels on se sent revivre.
L'insatisfaction éprouvée au contact du nouveau
milieu, pousse. ainsi le Négro-Africain vers des groupes au sein
desquels se développe
une instense activité cathartique. Des réac-
tions de types paranoraque et hypomaniaque apparaissent. C'est alors
une augmentation effective du travail, un militantisme assidu au
sein des Associations d'Mudiants ou de Travailleurs, une intensi-
fication des relations avec les " frères ,~. Cette réaction de
défense se montre efficace puisque la désadaptation du début et les
.
petits troubles qu'olle peut entrainer sont rarement suivis de mani ....
festations nécessitant l'hospitalisation.
.../ ...

-
3I -
TABLEAU VII
Période d'éclosion des troubles mentaux
Débu"t rapide
Début mayen
Début tardif
Début
,
1 a
6 mois
1
à 3 ans
3 à plus de
Indéterminé
IO ans
_.
7
6
30
7
:
I4%
I2 %
60 %
I4 %
On remarque que I4 % seulement de nos malades ont
été hospitalisés durant les 6 oois qui ont suivi la transplantation.
Les sujets tombés malades dans cette période se sont trouvés, dès
leur arrivée en France dans une situation catastrophique, plongés
dans un isolement dramatique ( voir observations 3, 3 6, 37, 39, 47,
48 t
) .
Par contre dans 72 %des cas les troubles mentaux se sont déclarés
plusieurs années après la trans~lantation.
Pour 7 malades ( I4 % ) le dôbut est indéterminé.
Précisons toutefois, que sont compris dans ce no~e, deux sujets
tombés malades en Afrique et venus,
se faire soigner en France.
Nous pouvons donc affirmer avec A et H. TORRUBL\\ ( 57 ) que
" en règle générale,
c'est plusieurs années après l'arrivée, que
le trouble mental appara!t. Il
Ainsi, malgré la différence entre le milieu d'accueil occidental
et le milieu d'origine Négra-Africain, le regroupement des trans-
plantés leur permet de baigner dans une ambiance qui rappelle leur
•• •1•••.

-
)2
milieu traditionnel t
leur offre une. communauté de pensée et
leur assure une protection efficace contre la dangereuse désadap-
tation du nouveau venu. Les contacts avec les autochtones, limités
pendant cette période, se développeront plus tard selon les posai-
,
bilités relationnelles de chacun. Le milieu d'accueil est alors
prudemment et patiemment exploré par le transplanté qui, paral-
lément se rend de plus en plus indépendant du groupe protecteur de
départ. C'es~ alors que peuvent ~tre confrontés en lui les mopdes
Négro-Africain et Occidental, que le MOI revient au premier plan
pour poser ses exigences. C'est la période exaltante de l'affir-
mation de s~i, mais c'est aussi le moment dangereux des ajustements
nécessaires et des choix inévitables.
La conflit qui na!t objectivement de cette situation se situe ainsi
selon A e-t R. TORRUBIA ( 57 ) IJ entre une conscience actuelle du
monde et les conduites qu'elle l.ui dicte, d'une part,
et la façon
de penser dt d'agir résultant de l'expérience passée d'autre partn.
La transplantation en tant qu'elle actualise le
conflit groupe-individu et se double d'une confrontation de deux
conditions humaines, apparaIt comme un moment privilégié susceptible
de faire délirer les MOI les plus faibles.
.../ ...

- - ------ ----_.
-r--'" - - -_ _
- .33 -
II - DONNEES CLINIQUES
A .. Psychoses Délirantes AifiU:ës.
I l slngit essentiellement des bouffées délirantes
polymorphes de llEco1e Française. Les I9 diagnostics qui rentrent
dans ce cadre, ont :fait l:objGt c:'une étude critique à partir de.s
cr~tères dé:finis par H. EY ( 23 ).
Elles sont caractérisées cliniquement par la diversité et la com-
plexité de leur symptomatologie, la brusquerie de leur apparition,
le polymorphisme des thèmes délirants, le caractère onirotde de là
conscience et l'habituelle guérison rapide de 1 laccés.
La thématique délirante est dans tous les cas dominée par la persé-
cution et centrée. sur le sentiment d'une hostilité de l'entourage.
La situation catastDophique qui favorise l'apparition de la maladie
peut ~tre créée par l'iso1enlent, la perte de la bourse ou du travail
ou par un problème con:f1ictue1 aigu.
a) -
L'Isolement
De nombreux auteurs
( 4, IO, II, 29, J7, 53, 57 ),
traitant des rapports de l'adnptntion et des troubles mentaux chez
les transplantés,
ont insistG sur les" di:fficu1tés instr'W:lenta1es
d'insertion au milieu n
La èifférence est grande entre le milieu
:français 'd'accueil et le Qi1ieu Négro-Africain d'origine tant sur
le plan technique,
social,
1in~Jistique que culturel. Ce qui semble
surtout manquer au Négro-A:fricain en France, c'est cette ft cohésion
de tous les uns en un tout organique tI, rna1gr'- l'a:f:firmation d'une ...
certaine individuation.
Les trois observations qua nous analysons ci-après,
où la ma~adie
est apparue durant les premiers mois qui ont suivi la traQ$p+ant~
tion, montrent que le Négro-Africain subit un choc traumatisant et
aliénant chaque. :fois qu li1 y a manque de oommund.on entre l'individu
et ses voisins.
... . 1. · .

.. 34 -
1°) - ~bservation 48
11me E •• née' E.E. est une Guinéenne de 33 ans qui
accompa&.e à PP~JS son mari Français. Un mois après
leur arrivée, lionsieur :-:. est hospi tal;i.sé au Val de
Grâce pour une maLadd,e chirurgicale. l.::oe H. reste
seule à l'hôtel,- ne sortant que pour faire ses courses
et rendre visite à Don cari. Elle ne connait persor~e
d'autre à Paris et ne fréquente pas ses voisins. Trois
semaines après l'hospitalisation du ~ari, elle se sent
menacée, voit ~0S sorciers partout et pense que tous
les gsnies malfaisants de Don pays se sont donné
rendez-vous à Paris pour la tuer; elle se lève la nuit,
ne trouvant pas le so~neil, s'entend ,appeler en
èialecte soussou, croit qu'on lui demande d'aller au
secours de Dersonnes en danger •
..\\;;
~
A,l'adnission le 5.5.55 à Sainte-Anne on note s
conviction dé Ld r-an t e c ompLè t e , Hallucinations visuelles
et auditives. Converse avec des sorciers; entend des
propos à caractère péjoratif et ~enaçant. Recrudescence
nocturne des troubles. ~éalité vécue Ges scènes qui
ne sont pas critiquées. Anxiété vive oal-co=pensée par
QCS
déclarations pieuses.
Le 18 liai on Si.gnale une aoélioration notable J
mais aussi des hémorragies provoqùées par un fibro~e.
Une hystérectocie est faite le 27 1~i; les suites
opératoires sont bonnes.
Le 23 Juillet 1955, après 2 mois et demi d'hos-
pitalisation, l~e H. sort guérie des troubles qu'elle
présentait à l'entrée.
Le premier intérêt de cette observation réside
dans l'éclosion des troubles avànt "la période critique
d'adaptation de J à 6 mois" postérieure à la transplan-
tation. Nous avons déjà noté que certains auteurs
oonsidèrent cette période co~~e privilégiée pour
l'éclosion des états délirants aigus. 1Jotre étude ne nous
a
pas conduit aux mêmes conclusions. 0ur les 19 psychoses
délirantes aiguës que nous rapportonst~'5 seule:nent sont
apparues durant les 6 mois qui ont suiVi la transplanta-
~ion.

- 35 -
I l s'agit chez Mme H. d'une véritable expérience
délirante 'primaire. Le :facteur déclenchant a été lJhospito.lisation
du mnri, la perte du seul soutien à Paris, un mois après llarrivée
en France. Mme H. siest trouvée ainsi plongée dans un isolement
social et moral aggravé par les soucis nés de l'hospitalisation du
mari. Sa compréhensmon du :français nlest pour elle dlaucun secours.
Elle se trouve dans l'incapacité de :faire :f~ce à la situation
~ouvelle qui est la sienne. Le présent dès lors lui appara!t comme
un U aujourdlhui monstrueux ". Le délire qui jaillit équivaut à un
,
,.
véritable, appel au secours; la thématique délirante persécutive
puise en e:f:fet dans le :fonds culturel pour s'extérioriser. Mme H.,
ce :faisant, clame son désarroi mais, en même temps,
essaie de le
surmonter en stentourantde puissances surnaturelles qu'elle connait.
Elle se sent isolée, angoissée, mais elle choisit Jtembléè la voie
de la sécurité et de la guérison. Ce ne sont pas d$s Blancs, des
puissances étrangères qui,
directement la persécutént, mais bien
des sorciers de s.ori pays, avec qui elle converse, qud, la tirent de
son isolement;
elle ~, d'autre part, que l'on peut s'arranger
avec eux.
L'intervention des sorciers apparatt comme la réali-
sation sur le plan de l'imaginaire, de la co~union que ~~e H. n'a
pu établir avec ses nouveaux voisins. Plongée dans une situation
dramatique,
elle essaie de replonger dans un m~de compréhensible
et humanisé,
où morts,
esprits et vivants" se donnent la main ".
On lui demamde d'aller au secours de personnes en danger, mais
c'est elle-même qui est menacée d'anéantissement. D'où sn tentative
morbide de rompre l'isolement par la recréation imaginaire d'un
passé, ce qui témoigne en :fait de la désorganisation intime de son
~tre.
Le délire de Hme H.,
intéressant par ce qu'il montre, vaut surtout
par ce qu'il signi:fie.
le re:fus du manque de communion entre les hommes, la tentative
désespérée de renouer avec" le seBS sacré de ses coutumes li •
.../ ...

- 36 -
2°) -
Observation 36
l~.C. Togolais de 39 ans, marié, père de deux
filles,
bon chef de famille,
s'occupe dans son
pays de comoerce de voitures, de métaux, de
tissus;
ses affaires sont prospères. Très religieux,
i l vient en Europe pour se faire opérer d'une
hernie et ensuite aller en pélérinage à a6ME.
Opéré début Juin 1950 dans un hôpital parisien,
i l ne dorme a:::.cun signe cl' inquiétude au personnel
médical.
Puis brusqueDent,
sans prodronec, le 26 Juin i l
présente un état d'excitation avec logorrhée,
agitation,
tentatives de fuite. I l est admis à
Sainte-Anne le 28 Juin.
Dans son discours apparaissent des idées de
persécution : on veut le natraquer, le tuer,
lui
prendre son argent. Hallucinations auditives
actives
t
ses persécuteurs lé nenacent du purga~oire;
i~ chante des cantiques, invoque les saints,
réclame l'absolution. Eobilité de Ithumeur avec
réactions d'agitation et d'anxiété.
La sismothérapie amène une sédation rapide des
troubles et, le 7 Juillet, le malade comnence à
critiquer son délire. Un coti.n, venu de LOHD:.:'.EC,
indique que M.C. a toujours été sobre, n'a pas
d'antécédents psychiatriques, nais était
11
dur dans les affaires n •.
Ii.C. sort le 18 Juillet 1950, guéri et regagne
1
directement son pays.
Nous avons souvent noté chez des
Travailleurs Négro-Africains hospitalisés pour une
infection parasitaire, l'éclosion de troubles
mentaux aigus,
sans que la mé cLoat Lon employée
(exception faite d'un nouveau céGicament utilisé
dw~s le traitement de la bilharziose) ait pu ~tre
incriminée. C'étaient des bouffées d'excitation
consécutives à la séparation d'avec leur groupe,
à leur iso1emer-t linguistique et moral à Ilhôpita~ •
.../ ...

37 -
M. C. semble relever de ce type d'isolement, d'
autant plus qu'il est hospitalisé et opéré dès son arrivée en France.
Il y a lieu, certes, de discuter la part de l'intervention chirur-
gicale dans la génèse des troubles; mais nous ne connaissons pas la
nature de l'anésthésique qui lui a été administré. Remarquons cepen-
dant que les troubles ne sont pas app~rus ausaitet après l'opération
L'on sait d'autre part que les intoxications engendrent une plus
grande confusion, des hallucinations visuelles vives et une alté-
ration significative de ~'état général. t
L'importance de l'intervention chirurgicale réside,
en fait, dans ce
qu'elle signifie pour ce sujet" qui a réussi fi
:
Il
on veut le tuer,
lui prendre son argent
•.• on l'accuse de rnalhonnéteté dans ses
affaires ".
Les affaires de M. C. sont propères mais sa réussite
ne s'est pas faite sans certaines méthodes qui ont bouleversé sa
conscience d'homme profondément croyant. Le pélérinage à ROtŒ ap-
paratt ainsi comme un désir d'absolution et un aveu de culpabilité.
La réussite faite sur le clos des autres, alors qu'elle doit, dans
une perspective Négro-Africaine,
s'obtenir pour les autres,
explique
en partie, pourquoi M. C. se sent menacé du purgatoire •
I l y a eu trangression à la fois sur le plan culturel et sur le plan
chrétien.
.•..........
'..
..'
En somme l'intervention chi~gicale, l'éloignement
du malade de sa fw~ille et de son nilieu, son isolement à l'h~pital
( ce qui a pennis un retour sur soi ) ont manif6stemen~.servi de
révélateurs.
Sur le plan clinique, ce qui domine le tableau c'est la thématique
délirante persécutive centrée sur les idées de damnation, d'indignité
et de ~pabilité. Bien souvent on affirme la rareté, voire l'~exis­
tence des idées d'indignité et de culpabilité chez lBS psychopathes
Négro~fricains. En réalité fi faute et culpabilité sont structuréea
différemment Il dans nos sociétés comme le montrent H. COLLOI4B ( IJ )
et M. DIOP ( 20 ) et ainsi que nous le verrons plus loin.
.../ ...

- 38
JO)
H. AUBIN (4) rapporte plusieurs ,cas d' états délirants chez
les ft Cfirailleurs Sénégalais" consécutifs à l'isolement etlmique
et linguistique. L'isolement linguistique peut revêtir
différentes formes. Le parler français des Intellectuels
Négro-Âfricains peut-être source de problèmes. Peu accoutumé
à cet accent, le français fait répéter parfois ce qui vient
dl~tre dit. Çe handicap peut être aggravé par un trouble du
langage; nous avons parmi nos malades, deux Etudiants dont les
troubles ont été accentués. sinon déclenchés par un fort
bégaiement. Le problème est plus dramatique lorsqu'il s'agit
d'un analphabète brusque~ent plongé dans une situation
catastrophique.
Observation J9
M.D.
jeune Guinéen célibataire de 21 ans est amené
en France par son e~,:ployeur qui l'utilisait comme
"boy à tout fair'e". Il n'a janais :fréquenté l'école
:française et ne co~prend que quelques mots de
français. Peu de tel:~ps après son arrivée en France,
i l est congédié par son patron et se trouve livré
à lui-même dans Paris, avec une petite so~e
d'argent en poche. Le 24 Juirt 1957, i l est pris de
j
j
malaise sur la voie publique et conduit dans un
h8pital général. où i l prés~e une agitation
'1(- ,
j
incohérente avec cris et "hurlements sans
i
!ligni:fication"; i l est adressé le même jour·à
1
;
Sainte-Anne.
l
1
1
Le certificat ir.1médiat mentionne
,
1
"
Bouffée
1
cenfuso-délirante probable. Anxiété. agitation.
11uet. prostré.
opposant (variabilité des sympt6mes).
Ne ,se laisse pas examiner. Attitude d'écoute.
Hurmures."
Le certificat de quinzain..2, précise 1" Agitation
psycho-motrice.
excitation incohérente. Cris,
hurlements, répétition des mêmes stéréotypies
j
~
(crachements). ~e:fus d'alicents et de boissons.
1
l
Hallucinations et idées d'empoisonne~ent probables.

,
J
Difficultés linguistiques ne permettant qu'un
contact limité. Labilité de l'humeur".
r

- 39 -
r~lgré la sismothérapie et les neuroleptiques,
l'amélioration ne se dessine qu'au bout de deux mois. Le contact
reste li8ité du fait des difficultés linguistiques, mais le
nalade se montre coopérant et souriant. Le rapatriement est
envisagé et obtsnu grâce au l1inistère de la France d'Qutre-Her;
l'hospitalisation est cependant prolongée pour une syphilis
(B.U. +++).
Le 25 Novembre 1957 I~.~. guéri, quitte Sainte P~e pour Nantes
où i l s'embarque à destination de Konakry.
Abandonné par son employeur, M.D. dépense rapidement
son maigre capital pour ,s'alimenter, mais bient8t se trouve à
la rue, en proie à un désarroi s~~s issue. Perdu dans Paris, ne
sachant pas le français, 11.~. ne sait pas non plus à quelles
portes frapper pour trouver un secours. Si le présent est vécu
co~~e terrifiant, l'avenir lui apparait cou~e un anéantisse~ent
inéluctable. Au fur et à mesure que s'écoule ce tecps qui lui
échappe et que s'accentue en conséquence la dramatisation du
vécu de cette situation, se réalise un obocurcissenent de la
conscience du sujet et se précise sa mort dans l'instant.
" Euet, prostré, inerte", E.V. étale son désarroi devant ce
monde avec lequel i l ne peut pas comnuniquer, son icpuissance
en face de ce temps qu'il ne peut saisir~our opérer un retour
vers des bases connues et plus sOres, lareeréation, fût elle
imaginaire, de son milieu traditionnel.
Ainsi l'exRérience de la transplantation est vécue
de façon d'autant plus dramatique que l';solement est plus
complet. et que s'accentue " l ' é_~art entre,>].~rJilieu d '.oriE..ine
e.t le nouveau Il!,ilieu de résidence Il.
La. destructurstion de la conscience que nous avons
. notée dans les observations ci-dessus, est plus importante chez
l~.D. Devant celui-ci en effet ne s'ouvre que le néant. Tout lui
échappe: le présent monstrueux, l'avenir fatal,
le passé
impossible à recréer.
.../ ...

- 40 -
B -
La suppression de la bourse pour l'étudiant et la perte de
l'emploi chez le Travailleur, réalisent une situation grossè
parfois de dangers. Pour l'Etudiant, i l n'est pas question de
" retourner au pays " sans le " dip15me " qui, dans le contexte
socio-économique de l'Afrique Noire,
lui confère une situation
privilégiée. Pour le travailleur isolé. non intégré dans une
communauté de camarades susceptible de le prendre en charge
jusqu'à l'obtention d'un nouvel emploi, la situation devient
catastrophique si le ch5mage se prolonge. Ainsi se trouve créée
une forme d'iso1enent plus grave chez le transplanté Négro-Africain.
S'il n'est" jamais bon de se singulariser", i l est autrement
plus dangereux de se sentir rejeté de son groupe.
Observation 3
J.G. âgé de 31 ans en 1955, marié, p3re de 4 enfants,
est diplômé de l'ancienne Ecole de I~èdecine de DAKAR.
Il arrive en France en Décembre 1950, pour continuer
ses études de médecine; mais la bourse qu'il perçoit
à Paris est inférieure à celle de ses autres collègues.
Le gouverne=ent de son pays ne répondant pas à ses
demandes d'explication, i l retourne chez lui en Ears
1959 pour essayer de résoudre le problème ~ur place. Il
semble que c'est pour des dettes au Trésor qu'on ne lui
veroait que le 1/4 de sa bourse. On lui suggère
néanmoins de solliciter une a1loéation d'études auprès
de l'Organisation HO:ldia1e de la Santé. Il revient en
France le 11 11ai 1959 mais. dès sa descente d'avion,
i l se rend au cOL~issariat de police d'Orly, pour
demander protection; i l est très agité, parle sans
arrêt. déclare qu'on veut le tuer. Il est admis le
même jour à Sainte Anne où l'on note: Bouffée
délirante, Subconfusion sans désorientation temporo-
spatiale. Excitation psychomotrice. Logorrhée et fuite
des idées. Idées délirantes polymorphes de grandeur,
de persécution et de culpabilité : déclare que ses
frères Noirs le jalousent parce qu'il essaie de
s'élever au dessus de son niveau social et veulent
le tuer à cause de ses mérites. Autoaccusations :
désire qu'on le tue irnnédiatement. Pas d'automatisme
mental. Hallucinations auditives.

... 4I -
••• probables. Pas d'antécédents psychiatriques.
J. G. est transféré J jours après dans une clinique privée alors
que les neuroléptiques avaient déjà entra1né une certaine séda-
tion des troubles.
Nousrnpportons néannl0ins ce cas cnr le lien ap-
para1t ici évident entre la situation financière précaire de ce
malade ( ISO F.F à Paris par mois ) et lléclosion des troubles.
Ce qui est ressenti chez tous les Etudiants Négro-Africains
conune une brimade, plomge au contraire J. G. dans le boulver-
sement psychotique. L1absence de renseignements sur la person-
nalité du sujet ne nous permet pas de saisir ce qui rendrait plus
compréhensible ( au sens de Jaspers ) cette expérience déJ.irante.
La désadeptation du nouveau venu aggravée par ~es probJ.èmes dt
argent est certes à retenir.
Pour J. G. la situation appara1t traumatisante en tant qu'eJ.J.e
emp~che son désir légitime d'ascension sociaJ.e et d1indiv:l.duation.
Clest ce que nous montre son déJ.ire dont le contenu fait appa-
rtl.ttre. cependant J. 1atti tude ambigqë du sujet dans Sa protestntion
( accusation et autonccusation ). Derrière J.'impr3ssion qu'il a
contribué, par ses dettes au Trésor, à créer J.a situation drama-
tique quliJ. vit, J. G. nous indique son véritable probJ.ème.
J.o.
difficile dialectique entre J.a réaJ.iso.tion de son. " ~ Il en
tant qu'Existant ,
et la réalis:.;,tiün de If 1 f ~tre chez J.es autres
honnnes 11.
c _ Situation conflictuelle aigqë
Le mariage est une des principaJ.es sources dloppo-
sition entre le groupe et l'individu en Afrique Noire. Pour des
sujets détribaJ.isés et en voie d' individuation, le choix d1une
compagne appara1t comme une affaire personnelle. Sli~ s'agit d'
un mariage interracial,
les palabres deviennent LnterrninabJ.es
et les pressions multiformes.
Faire un mariage mixte slavère alors une entreprise
de haute stratégie et de tactique s~e. le groupe cherchant p~
.../ ...

- ,
- 42 ..
•••
tous les moyens à emp8cher la réal~sat±ondu projet. CI
est l'irruption de tous les préjugés sédimentés depuis touJours;
c'est ltactual~sation de tous les tabous sexuels.
Sur le plnn N~gro-.ù.fricain, le fo.i t
est saisi o omme une o.tteinte
à la cohésion interne du groupe, un signe de désintégration de
celui-c~. Ln reconnaiDsance de la virilité d'un de ses mêmbres
par la femme dtune autre race, n'enorgueillit pas le groupe qui,
au contraire y voit la contestation de son autcrité, de sa
propre virilité.
La ferr~e choisie et dann6e par le groupe à l'individu chargé
de " la cultiver ", dont les" fruits" appartiennent au groupa
et qui peut se transmettra par héritage, se voit concurrencée
par la -femme dtun seul, non.cessible: selon les lois du groupe.
Le phallus individuel s'~2pose~~nsi COmTIîe un absolu a~ phallus
collectif. L' Anc~tre mythique se laisocra t-il assassiner? Le
nouvel Oedi.pe sait i l ce qu'il fait et eGt-il sar de sa force?
Sinon, s'ost-il ménagé des positians de rel)li et pout-il con-
va:i.ncre l'AUT?.E,
de détenir une partie de SA LO:r? Le ch~tiPlent
tombe souvent, sous la forme d'une perte de la virilité du sujet
qu'un pardon magnanime ( corn-préhen~ion ) de lrj\\nc~tre, permet
de recouvrer.
Dans le cas sui.vant, cJest l'aliénation mentale.
Observation 1.
A. T. né en 1932 au Cameroun, arrivé en France i l
y a 4 ans, est élève à l'Ecole Nationale de la France d'Outre
Mer. I l poursuit de bonnes études et n'a pas eu de dif~iculté
particulière d'adaptation. Dans ses antécédents on note toute-
:t'ois trois crises épileptiques. Il fréquente urre jeune étu-
diante en médecine Ooz-é erme
les fiançailles sont célébrées;
avec le consentement des parents de la jeune fille mais, ses
propres parents qulil informe de ~es ~ro~ets de mariag~, lui
répondent qu'ilS lui réservent une jeune Cameroum:ta..ieeda bonne
famille. A.T. n'en fixe pas moins la date de son ma~iage àu 12
Juil~ét ):958.
• •~'I ••

l\\lli '"
- 4.3 -
Le .3 Juillet il se réunit avec ses amis pour discuter
des préparatif's du mariage. Une vive discussion l'oppose à oertains
d'entre eux qui lui reprochent de " n1avoir pas assez réf'1.éehi la •

A. T. est d1autant plus af'f'ecté, qulil a llimpression que ses f'u-
turs beaux-parents veulent " saboter n la f'@te prévue pour ses
noces. Il dispara!t alors pendant trois jours; on le retrouve le 5
Juillet dans un état lamentable : i l a tenté de mettre f'in à ses
jours par section des veines du poignet gauche; ml se sent menacé,
entouré d'ennemis.
A. T. ert hospita1.isé le même. jour à Sainte Anne où lIon note:
Bouf'fée dé1.irante à thème de persécution J on veut enlever sà f'ian-
cée. Des inconnus le menacent. Anxiété très v~ve. Sentiment dt
inséourité. Manif'estations oniriques le soir 1 se croit poursuivi;
voit des gens qui le menacent. Agitation et réactions de f'uite en
conséquenoe. Plaie prof'onde au poignet gauche passablement suppurée.
Traitement par les neuroleptiques. Sédation de l'agi-
tation; disparition des hallucination au bout d'une semaine, mais
le malade reste perplexeet asthénique. Un E.EG f'ait dans le service
montre un élément paroxystique typique. Le 24 Ao~t 58, A. T. sort"
guéri de l'état délirant aigu pour lequel i l avait été admis, après
45 jours d'hospitalisation.
On pourrait discuter l'étiologie de cette f'ugue de
.3 jours, mais rien dans 11anammèse ne nous permet d1af'f'irmer son
origine comitiale.
I l est plus intéressant de discuter une dépression
réactionnel1.e étant donné certains aspects de 1.a sYmptomatologie.
~mis le choc émotionnel qu·a, subi 1.e ma1.ade est souvent à llorigine
d'une psychose délirante ai~l3. En f'aveur de celle-ci" le début
soudain, la recrudescence des troubles dans les phases parahypniques,
1.'atmosphère de l'état crépusculaire de la eonscience, le caractère
d'actualité immédiatement perceptive et intuitive de l'expérience
délirante, 1.a brièveté de l'accés ".
A. T., au terme de ses études en France, doit re-
tourner travailler dans son pays, vivre au milieu
••• / •••

- 44 ...
des siens et de se replonger dans sa culture d'
origine. I l 8&~~ qu'il est partie constitutive du groupe, et que
celui-ci lui donne sa force et sa vie. Le cheminement historique
de sa personnalité lui rovèle cependant ses propres prétentions
à ceté des exigences de son groupe. Il aime la fiancée qu'il s'est
librement choisie et veut fonder un ménage selon ses désirs. Il
affirme sa Il puissance voulante " et se sent exister; mais son
mariage n'est pas accepté par los siens qui lui ont Il réservé Il
une autre jeune fille. Placé dans l'obligation d'opter pour l'une
ou l'autre solution, i l lui appara1t qu'elles sont toutes les
deux inacceptables car,
Il
dans un cas comme clans l'e,utre, c'est
toute sa personnalité qui est en jeu ".
Devant cette situation conflictuelle aiguë,
l'entrée
dans la maladie se révèle la seule issue. Il n'y a pas eu dépas-
sement de la frustation.
Pour avoir transgressé la LOI du groupe et surestimé
la force de son MOI, A. T. est submergé par l'angoisse née de sa
faute.
Le contenu de son délire exprime la condamnation des siens qu'~l
accuse de lui avoir volé sa fiancée,
mais aussi sa dé~esse d~t
la Il nature étrange Il et faible de son ~tre.
*
*
.../ ...

Y'w
----- -----.,
Pour l'Eoole de Magnan (23 ), les bouffées déli-
rantes riaissent sur 'lU'l' terrain prédispos.é, affaibli par l'accumu-
lation ohez les anc~tres immédiats de maladies graves ayant af"
fecté le système nerveux cérébro-spinal. Cette 11 dégénérescence If
entraine ainsi une aptitude à d6lirer considérable chez ceux quI
elle affecte.
Pour H. EY ( 23,24 ) les bouffées délirantes se développent sur un
terrain prédisposé, mais sont le fait d'une " destructuration de
la conscience qui,
à mi.chemin (>.~ r~ve, devient imageante pour
vivre un.a expérience dé~irante. C'est cet état intermédiaire entre
la veille et le sommeil, cet état oniroide, qui constitue par
excellence le Il fait primordial " de ces expériences: Il.•
L'organisme du Négro-Africain est fragilisé par
la ma1nutrition et une ~oule de maladies infectieuses; on admet
aussi que les mariages consanguins créent une accumulation de tares
chez les descendants. Hais ce ne sont là que des fa.cteurs consti-
tutifs des conditions nécessaires d'éclosion de la maladie.
On a
souligné le caractère religieux, voire mys-
tique du Négro"Africain et la facilité des états d'extase tels que
le If danou 1ère Il des sénégalais. L'on conna1t également, chez le.$'
Wolof du Sénégal, un état particulier appelé" diénère ", dJappa-
rition brutale et de disparition rapide, qui na~t dans certains
états de relâchement de la vigilance et s'accompagne d'halluci-
nations visuelles. Le Il diénère ", véritable expérience délirante,
remarquable par la brièveté de sa durée, est l'image-guide qui
peut; nous mener au coeur du problème. Chez le Négro-Africain,1a
transplantation, du fait de son lieu et de son temps, exige une
confrontation redoutable de deux " manières d '3tre au Inonde l',
confrontati.on qui. doit déboucher sur une attitude posi'tive, mais
qui ac'tualise aussi les conflits latents. L'angiilisse qui stirgi't,
devient panique chez les IJ10I les plus faibles,
à l'occaei.on dJun
évènement exigean't du sujet un choix entre deux' possibli~és
irréduo'tibles.
~.. ~/...
,

- 46 -
L'éclosion préférentielle de la psychose délirante
aigu~ ( 38 %dans nos dossiers ) peut résulter à la fois de
toute l'histoire du sujet, du sens que l!ovènement a pour lui,
des facilités culturelles que celui-ci trouve en lui et de ses
modalités réactionnelles du moment.
*
*
*
.../ ...

47
B
SlPdrornes SC~~3~phrén~~~.
Nous en avons recensé 5 (2 chez des Etudiants
et 3 chez des Nanoeuvres). La production délirante est
particulièrement riche dans 4 c~s et est bien souvent
superposable à ce qui est noté,
en particulier, chez les
Français. C'est dire la difficulté à préciser le rôle de la
transplantation dans la dissociation de l'~tre. Nous allons
cependant, à l'aide de la meladie de Y.D. que d'aucuns appele-
raient n Schizophrénie aiguë", ~ais qui souligne l'importance
du facteur évolutif, essayer de saisir la signification pour
Y.D. d'une transplantation non réussie et son articulation avec
des défaites antérieures, "sens de l'échec de la création
personnelle ".
Observation: 37
Y.D. âgé d'environ 25 ans,
est Guinéen.
I l a véeu jusqu'en 1946 dans la maison de son père,
parmi ses nombreux frères et soeurs, auprès de sa
mère e:t des co-épouses de celle-ci. Mais la I!!è...!:2.
est atteinte de ~~oubl~s ment~; depuis 9 ans e110
présente des épisodes plus ou moins réguliers,
d'excitation avec agitation, cris, logorrhée et
diseours incohérent.
~
,1
Y.D. souffre de cet état; ne pouvant plus supporter
la maladie de sa mère, i l quitte Konakry pour
Dakar où i l travaille, de 1946 à 1949, con~e
cordonnier dans une entreprise privée. Il est
content de son travail, écrit régulièrement à son
père pour avoir des nouvelles de sa mère. I l ne
reste pas isolé,
ce fait des anis et s'attache
plus partieu1ièrement à l'un d'eux. Cependant
Y.D. r~ste, obsédé par la maladie de sa mère. Il
envisage alors de.q~~t~~r l'Afrique pour oublier
tout ça, et, en Aoat 1949 le voilà qui débarque
en France avec son ami.
.../ ..'.',

- 48 -
Ils éprouvent beaucoup de difficultés à trouver
du travail,
sont renvoyés d'un bureau d'embauche à un autre. Au
mois de Septembre ils sont embauchés par un cirque qui se produit
à Genève. Les deux amis se rendent en SUISSE. Leur r~le consiste
à contr~ler les billets à l'entrée du cirque et à aider au montage
et au démontage du matériel; ils travaillent pratiquement toute la
journée.
Au bout de deux mois de ce travail prenant, un changement important
s'opère dans l'attitude de Y. D • • Il a l'impression que les autres
employés du cirque se moquent de lui, ne supporte pas qu'on dise, à
son passage,
" tiens, voilà le Négus 1/; i l pense qu'ils sont jaloux
de lui parce qu'il plait aux femmes. A une f~te locale où i l est
invité; i l entend sans arr~t " voilà le Négus qui danse " ••• Un
homme le regarde farouchement; un autre lui offre de la bière: i l
ressent immédiatement après l'avoir bue,des douleurs à ~e de
brdlure et se croit empoisonné.• La vie au cirque et à Genève de-
vient impossible; i l démissionne de son emploi, revient à Paris
avec son ami qui n'a pas voulu le laisser partir seul. Les nouvelles
difficultés d'embauche qu'il rencontre sont ressenties comme des
refûs méprisants et des injures; i l trouve cependant une place de
manoeuvre dans une grande entreprise française de fabrication d'
automobiles, mais n'y re5te pas longtemps, car là aussi,
i l se sent
en butte aux sarcasmes de ses compagnons de travail;
i l a l'impres-
sion à présent que tout le monde le persécute et reste clo!tré dans
la chambre qu'il partage avec son ami; mais, m~me seul dans sa
ehambre, i l entend tout le mal qu'on dit de lui.
Avant de venir en France i l était sobre, mais, depuis le début de
sa maladie, i l lui arrive de boire 2 litres de bière ou de vin par
jour.
I l est admis le II Novembre à Sainte JUllIe avec le
diagnostic de " Syndrome hallucinatoire et interprétatif d'évo-
lution récente. Automatisme mental. Composante dépressive chez un
transplanté récent. Ethylisme récent."
. . .1. · .

- 49·-
On note qu'avant l'hospita2isation, i l a présenté
plusieurs crises de 2armes, i l pleurait sans raison, parlait seul
et tout haut.
Il se plaint dl~tre regardé par tout le Qonde; on
parle de lui à la radio; on l'accuse de crimes dont i l ~test pas
coupable ; on le traite de malfaiteur, de tire au flanc. d'ospion
alors qu'il est venu en France pour travailler honnêtement. Les
journaux écrivent des choses bizarres qui se rapportent à lui; son
nom ntest pas mentionné, mais i l sait que c'est de lui qu'il s'agit 1
-
on l'accuse notamment d'avoir plusieurs femmes. Il se plaint de
l'attitudo des gens à son égard: " Si je veux sa.luer quelqu'un, dit
-il, i l me tourne le dos; si je regarde une personne,
elle ne me
regarde pas,
lorsque je ne regarde personne, tout le monde me re-
garde ".
Il a le faciès triste, déprimé. Quelques petits signes d'éthylisme
sont notés.
Onze s~ances d'électrochoc sont pratiquées; le malade amélioré, sort
au bout de cinq semaines d'hospitalisation, à la demande de son ami.
Dix-sept jours plus tard, le 16-1-50, i l est réa-
dmis à Sainte AMne. Dans une lettre à ses parents i l se plaint d'
avoir échoué à l'agrégation dlJwglais et de subir les s6~ces d'un
certains M d'A •••• Celui-ci lui aurait" sectionné le frein de la
verge n, serait responsable de 20. Il remontée anormale de ses testi-
cules n,
lui donnant ainsi Ir une infirmité génitalellqui l'empêche d'
avoir des rapports sexuels normaux et l'oblige à se masturber. Il
chante et danse pour Ir chasser les douleurs du coeur n; éclate de
rire sans raison; présente des réponses à e~té, des parakinésies
stéréotypées, un automatisme mental complet.
Le certificat de sortie ( transfert à l'hOpital de Villejuif)
mentionne notamment Il Evolution schizophrénique possible n.
.../ ...

- 50 -
Y.D. est-il un tlpsychopathe d'importation" ?
Si l'on se ré~ère aux renseignements ~ournis par l'ami, Y.D.
est sain d'esprit au moment de son arrivée en France. Mais qu'elle
est la signi~ication clinique de sa "~uitG" ? C'est pour ne plus
avoir à supporter la maladie de sa mère (qui le chagrine pourtant)
qu'il quitte Konakry pour Dakar. I l lui apparaît vite qu'il n'y
a pas assez de distance entre sa mère malade et lui et i l décide
d'aller plus loin encore" pour oublier tout ça ". L'espace et le
1
temps qui pasze n'y peuvent rien: Y.D. reste obsédé par la
1
maladie de sa mère. Les trau~atismes de la tranzplantation vl'nt
alors le précipiter dans le bouloversenent psychotique qui
permettra l'oubli. I~ais même dans son aliènation l'oubli ost
impossible car Y.D. est devenu CO~le sa mère.
Son attitude ambiguë devant les troubles maternels,
les changements successi~s de lieux et d'emplois semblent être
les signes"d'un désarroi plus intime" chez Y.D.
I l se passe. déjà en lui quelque chose qu'il ne veut pas connattre,
mais qui pourtant le bouleverse. Où qu'il aille, i l ne peut
oublier puisqu'il porte en lui.mêce ce qu'il ~uit. les signes
avant coureurs de la maladie
Cette attitude ambivalente de Y.D. est signe de l'amour-haine
qulil porte à sa mère, sentiment qui lui-mê~e renvoie à la nature
pro~onde de la relation de Y.D. avec sa Dère.
Etant donné l'~ge du sujet, l'ancienneté des troubles
psychiques de la mère, Y.D. n'a pas dd avoir une en~ance heureuse
et bénéficier notamment d'un comportement normal de sa mère. Le
père rendu distant par la ~orce des choses (nombreux en~ants et
épouses), la mère peu disponible ( au sens où nous entendons la
maladie mental~ comme un aboutissenent), Y.D. a structuré sa
personnalité avec les "moyens du bord". Son attitude et le contenu
de son délire, indiquent qulil est pro~ondément insatis~ait du
monde réel et cherche à fuir consta~~ent dans un monde imaginaire •
.../ ...

"
- .5I -

Y. D. nIe pns réussi à s'adapter à lui-m~me
tan~ sont intenses les conflits nu niveau de son MOI.
Ln tr~nsplnntation, en tant qu'elle rénctunlise
leS tensions conflictuelles du MOI, devait ~tre un échec de plus
pour Y. D. et le plonger, par conséquent, dans la rnnlndie men-
tale.
La thémntique délirante persécutive est ici
encore l'élément dominant et central. On remarquera aussi ln
composante dépressive nette chez ce mnlade.
.~
.../ ...

··52 -
'i
C-
Eta~s Dépressifs et Hypochondriaques
Chez 5 de n~s 6-malades qui font partie de ce
grpupa, l 1 état dépressif 'et les' préoccupat'ions hypochondriaques
coexistent étroitement, ce qui explique leur rangement dans un
même cadre.
A:1,nii E • .R. ( ob s c r-va't Lon 3J ) sc plaint de vertiges, de
douleurs abdominales, dl Gto.uf'f'e:llonts qu 1aucun exar.len
~ ne peui; ex-
pliquer et pour lesquels i l a plusièurs fois consulté.
I l esi; anxieux,
triste et se présente coome un déprimé.
Cette intrication des deux symptomatologies e~
plus nette dans l'observation suivante •
. Observation I9.
N. G. 24 ans, Ivoirien, venu en France à l'ttge
de I5 ans, Etudiant en Droit non boursier, i l fait ses études à
".,,".
'Grenoble grâce à llargent que lui envoie son père. Il a trois
frères Etudiants en France.
Début des troubles en Juillet I956 à l'occasion d'un surmenage et
d'ennuis avec une jeune fille;
dlautre part son père vient de llaver-
t i r que n l4tant pas content c:e ses résultats scolaires, i l ne lui
enverra plus d'argent. I l éprouve des lourdeurs dans la t~te, est
asthénique, constipé. Ses vacances passées en Afrique ne lui pro-
curent aucune amélioration; une insonmie apparat.t. A son retour en
France i l est de plus en plus fatigué. En Novembre I956, après
avoir subi une appendicectomie, i l passe J semaines de convales-
cence en montagne, 'm<;tis ne se sent guère mieux. I l quitte peu après
Grenoble afin de rejoindre ses frères à Paris et consulter de
Il
grands médecins' ".
. .•1..•
-,
;,
;

- .5.3 -
A i'admission à Sainte Anne le 2 Mai 57. il se
plaint fi d'avoir une impression de vide total Il
1 tout oe,qui l '
entoure a perdu de l'attrait pour lui, i l n'a plus de dynamisme,
se sent changé, indifférent, asthénique, sans inté~~'t pour rien
,
.
mais l'affectivité est conservée.
Multiples préoccupations hypochondriaques. N. G. a consulté beau-
coup de médecins, s'est fait faire des examens de toutes sortes
qu'il ne peut payer. I l se plaint de brouillard devant les yeux,
de douleurs dans la région hépatique, de constipation. S'alimenter
n'offre plus d'intérêt pour lui.
Il se montre exigeant dans le service. n'est jamais
satisfait, refuse parfois son traitement. Un bilan complet a été
fait qui ne montre qu'une éosinophilie à I4 %.
Un traitement à base de neuroleptiques et d'
hypnotiques n'entratne qu'une légère amélioration. N.
G.
sort le
8 Mai avec une ordonnance de tranquillisants, de soIDD.ifère et de
stimulants.
Le I6 Juillet i l vient en consultation; i l est toujours asthénique~
et anidéique ce qu'il met au compte du traitement.
L'état dépressif' et les plaintes hypoohondriaques
sont intimement associés dnns oe cas.
a
t


- 34 -
Si celui-là a été l'élément innugura1, ce sont
ce11es-oi qui, à présent, amènent le malade à consulter sans cesse.
Ce compDrtement montre l'engrenage dans lequel entre N. G.
: 1 tétn-
Lemerrë douloureux de sa maladie qui investit tout .on oorps, 'tout; son êtrej
a t
1'attitudc revendicatrice du sujet jamais satisfait qui ex~ge d'
1
avantage dt examens , de soins et d'attentions.
N. G. craint dravoir rendu enceinte sa maîtresse.
Bans la même période son père, non content de ses résultats scolaires,
lui supprime son aide. Jusque là sans pro~lèmes et 1itté~lement p0rié
par son père, i l se voit subitement abandonné par celui-ci; i l cons-
tate son extrème dépendance à l'égard de son père. Le mondedes.~ausse
l;berté s'écroule et fnit apparn!tre son immaturité.
1
Désarmé an face de ses nouveaux problèmes, désor~enté par son passé,
N. G. se sent envahir par une lassitude extrème 1 i l se sent changé,
n'a plus de dynamisme; i l a une impression de vide total. Les vaoances
passées chez lui n'y font rien car son père reste inflexible 1 son
aide sera fonction des résultats de son fils.
Le, oontenu de cet état dépressif et hypochondrinque •
nous montre que N. G. essaie de résoudre la situation oonf1ictue11e
qui se pose à lui par une véritable regression au stade du " portage fi.
" portai.;,.'e " par le père dans le passé immédiat qui renvoie à un autre
" portage If, oe1ui plus doux par la mère.
La dépression peut résulter d'un traumatisme violent
engendré par la transplantation e.t se traduire. par une véritable
retraction du MOI.
Observation 42.
K. A., 27 ans, originaire d8 la République 6. Guinée,
est amené en France par Monsieur S ••• Ingénieur des Mines qui l'avait
à son service à Konakry oormne 11 1:J)y-ouisinier ft.

- '. • l
• • • •
'4~

... 55 ...
I l semble s'~tre b~en adnpt~ pendant sa pr~mière anné~
de s~jour.en Franoe; ~l entretient de bonnes relations aveo la
famille de son employ~ur, a des amis Français et Africains e1; entre-
tient une liaison amoureuse avec une bonne M11e P •••
Au moment de l'indépendance de la Guinée en I958
i l
t
manifeste le désir de rester Français. En Mars I959 i l devient ~­
quiet, a des gestes confus et surprenants; i l jette ses gris-gris.
Un vendredi, au retour de ln prière à la Mosquée de Paris, K. A. s'
enferme dans un mutisme complet; i l refuse de s'alimenter, se montre
méfiant, pleure.
Le 24 Avril 59 i l est conduit à Sainte-l~a dans un état de pro8*ra-
tian quasi totale avec une inhilition motrice nette. Il répond à
peine, et encore avec lenteur et difficulté, aux questions mais ne
manifeste aucune agressivité. Il parait bien orienté et ne semble pas
avoir d'hallucinations. L1état général est assez mauvais. Il restera
dans cet état d'inhilition psycho-motrice pendant de longs mois
malgré le traitement neuroleptique et cinq séances de sismothérapie.
Vers la fin de l'année i l se montre ouvert et détendu avec Bon amie.
Lta~élioration des contacts sociaux et de l'activité se fait lente-
ment. Après une période de permission permanente, le malade sort
.'
guéri après I3 mois d'hospitalisation.
Devant l'absenco de signes plus manifestes de catatonie,
les antécédents et la bonne réinsertion sociale ultérieure du sujet,
le oonflit aigu qui a entra1né la maladie, nous penchons pour une
forme stuporeuse de mélancolie.
K. A. n'est pas tombé malade en septembre 58 quand i l a fallu ohoisir,
.
.
à chaud, entre la France et la Guinée. Mais les difficultés de la
Guinée après l'indépendance, les nouvelles qutil reçoit des siens,
la clarté plus nette du choix entre son If nouveau monde " et Bon
" anoien monde ", voilà ce qui progressivement boul......rse le sujet.
D'un c~t6, ln France avec son prestige et son confort;
Monsieur S •.• qui lui assure la sécurité matérielle et se montre
plein d'attentions pour lui; Mademoiselle P •.• qu'il aime et qui le
lui rend; ses amis Français qui se mottrent si compréhensifs •.
, ,., / .~ .
't


- 56 -
De 1 lautre, son pays libéré avec ses prob1~mes; sas
parents avec qui i l entretient une correspond~ce suivie; tout son
univers culturel. 9pter s'avère déchirant.
C'est ce choix impossible entre de~ ~idélités qui
crée le drame de K. A.
• Le rejet des gris-gris traduit son déta-
chement des siens, de ses Ancêtres, mais aussi, sa détresse car le
port des gris-gris ne l'a pas protégé, nia pas empêché qulil vive
cette situation catastrophique.
Tiraillé entre son origine religieuse, politique et culturelle dlune
part,
et celle de son patron, de sa mattresse et de ses amis Français,
d'autre part, K.A. se libère des deux peles qui llattirent, en
clamant son impuissance, par une véritable rétraction de sur MOI.
*
*


- 37 -
D .. ETHYLISME.
6 sur les 8 cas relevés dans nos dossiers ont été
notés chez des Etudiants ( 2 chrétiens et 4 Musulmans ). Dans ln
majorités des cas, llathylisme est lié à des difficultés renoontrées
par le transplanté Négro-Africain dans son nouveau lieu. Les pro-
blèmes d'adaptation, les difficultés universitaires, sentimentales,
financières,
la libération plus grande des oontraintes sooiales,
poussent. ces Intellectuels: à chercher dans 1 1 alcool le moyen de sur-
monter leurs tensions conflictuelles. Ils ae placent dès lors dans
un cercle vicieux, l'alcoolisme s'accentue à la mesure des conflits
personne&s qui slaiguisRnt d'autant et poussent d 1avantage à boire.
Observation I2.
G. S. 29 ans, Sénégalais est Etudiant en chimie. Marié
en France à une Antillaise de IO ans son a!née avec qui i l a deux
enfants. En instance de divoroe au moment de son hospitalisation
pour Ethylisme.
Les excés éthyliques ont commencé début I950 quand, au
retour d'un voyage au Sénégal pour faire admettre son mariage à sa
famille qui n 1y avait pas souscrit, G. S. trouve sa. femme enceinte
d'un ami. Il cherche alors à noye.3\\! son chagrin dans l ' 0.10001. La
séparation de corps est prononcée en Septembre I950; les ivresses
deviennent plus fréquentes.
G. S. essaie de se reprendre pour terminer sn dernière
année de chimie mais échoue à l'oral de son examen. I l sombre alors
dans llalcool, arrive à boire IO à I2 apéritifs, 3 litres de vin
rouge et un demi...lit~ de rhum par jour •
. I.l est alors admis à lthepital de la cité Universitaire
puis tran.sréré le I7 Aodt SI à Sainte-Anne. Il est bien orienté,
rtioonte ses conflits conjugaux avec une parfaite luoidité. Ce qui
llaffec~e d1avantage, cSest que son jère n'a jamais souscrit à son
mariage. Il a eu plusieurs périodes de cafard aVec crises de larmes
•••1,•••

58 -
et a cherché, i l y
a une semaine, à mettre fin à ses jours en se
tailladant les veines du pli du coude gauche ce qui avait motivé
son admission à l'h8pital de la Cité Universitaire.
A l'examen physique on trouve des signes manifestes
de polynévrite; les épreuves hépatiques sont perturbées. Le malade
déclare ne plus vouloir sc recettre à l'alcool et accepte la cure de
désintoxication et de déconditionnenent qui lui est proposée. Il
sort le 21.9 • .51.
L te1tVlisme apparaît nettement lié, dans ce cas, aux
difficultés conjugales et universitaires du sujet. Le sentiment
de sa faute à IJégard des siens, le fait qu ti1 se soit marié avec
une femme nettement plus âgé que lui ( ce qui semble peu fréquent au
Sénégal), font préjuger chez oet homne de 29 ans, dJun manque de
consistance de sa personnalité.
Dans l'observation 16 on trouve chez 11.G. le mê~e
senticent de culpabilité et des déboires sentimentaux. Il s'agit
d'un ancien Instituteur.à qui le père, Marabout, a donné une solide
~struction religieuse islaoique. Juste avant d'aller en France en
1940, i l a une déception sentinentale qu'il supporte nal. Pour oublier
l'être aimé, i l se met à boire dès son arrivée en France. L Ja1cool
lui procure une certaine euphorie et le sommeil. Hais les excès
deviennent de plus en plus importants et M.G. en arrive à boire
4 à 6 litres de vin rouge par jour. Son sommeil à présent peuplé
de serpents et de crocodiles, des crampes dans les mollets, des
pitu1tes matinales, une anorexie l'amènent à consulter et à se faire
1
hospitaliser du 21 Janvier au 23 Février 1952 à Sainte-Anne.
On note une humeur triste; le malade avoue quelques
idées de suicide que seules ses convictions religieuses lui
empêchent de mettre en pratique.
M.G. a voulu se marier à Dakar contre le gré de ses
parents. I l a renoncé à Itêtreaimé mais reste douloureusenent frappé
par son abdieation devant la volonté de son père.
.../ ...

. i
- .59 -
Llé~hy1isme prend a±DJi chez lui une dimension
nouvelle. C'est nu delà de la tento.~ive d'oublier ft l 1ima.ge chérie V
la mise à profit de son séjour en France pour renier ltenseignement,
de Bon père, l'utilisa~ion de l lalcool pour s 1affirmer. ,
Comme le héros de l'Aventure Ambiguë i l dit à son père I"
••
je ne
crois pas
••• Je ne sais plus grand chose de ce que ~u rn1avais appris".
Ici encore la transplan~ation révèle les conflits au niveau du MOI
et, en plus de la confrontation clos deux cultures qu 1elle suscite,
renvoie le sujet à lui-m@ce. Dl 0 Ù la coloration dépressive.
I l est renarquable que chez nos malades éthyliques
on note 3,tentatives de suicide e~ qu'on relève un thème de suici~e.
L'éth~isme se double ainsi chez eux d'idées de culpabilité qui
apparaissent plus franches en rapport avec l'importance des tensions
oon:f'lictuelles.
*
*
*
•. .1•••

-:·60 -
E - Troubles du carao~ère e~ du compor~ement
Nous avons vu que le Négro-A~ricain lutte contre la
désadaptation du nouveau venu en se réfugiant au sein de groupes où
l'on décharge,verba1ement le produit des ~rustations subies. Cette
réaction paranoïaque peut se ren~orcer par la suite du ~ait des
moda1i~és réac~ionne11es de chacun, de la constitution plus ou mo±ns
parano!aque de +'individu.
La relation co1onisé-ao1anisateur, devenue relation
anoien co1onisé-anoien colonisateur, peut-~tre un ~acteur d'inadap-
tation pour le Nétro-A~ricain en Fronce d'autant plus qu'intervient
le ~aoteur' racial.
Observation 2
E'. B. 25 ans, Etudiant en Droit est en France <dépuis
I954. A déjà an des incidents disciplinaires au lycée. Dès son arri-
vée en Franoe i l milite dans les Associations d'Etudiants et réussit
à occuper un poste importan~ dans la principale Associations des
Etudiants dlA~rique Noire; i l sera exclu
peu nprès pour" indéli-
catesse e~ activi~é ~rnctionnel1e ". Il vii; largement au dessus de
ses moyens, af~iche des prétentions politiques démesurées. En Avril
I959 i l est adjoint suppliant des services économiques dans une
éoo10; i l refuse de donner les renseignements administrati~s qu'on
lui demande, se montre If ~orma1iste, rigide, pointilleux " dans l '
application du règlement. I l exige d1être payé le .JO Avril at,
devant le refus de l'économe, ~rappe oelui-ci de même qu'un profes-
seur qui tentait de sri~terposer. Il est admis à Sainte-Anne le
même jour où l'on note 1
11
conduite persécutive, revendicatrice et agressi.ve
mani~estant vraissemb1ab1ement un délire de type paranoïaque, avoué
,
sGulement par des expressions mystérieuses et quelques idées mégalo-
j
,
maniaques.
• ••1,•••
1
%'-"
-

- 6:I ..
Sthénie. Conviction ferme. Pas de syndrome d'
~mprég.nation éthylique •• ~ a.
El. B. a
toujours eu une attitude passionnelle
davan't les problèmes de son pays', les relations franco-africawes,
les rapports entre Nègres et Blancs. Ce qui, pour ses camarades-,
était une option politique révolutionnaire, devenait transposé'
sur
le plan de sd per~onnalité. dans le cadre de la France, une atti-
tude systématique de revendications ~ormalistes et rigides. Sa
constitution paranolaque le poussait, ainsi à déceler partout une"
hostilité.
Dans l'observation 5 l'attitude revendicatr~e
apparait plus Il légitime· Il. A. F. 25 oo;a.s, Etudiant SénégalaiS, est
hoàpitalisé en Avril I958 pour des troubles somatiques. On le, traite
de " tire au flanc " ce qui l'énerve et l'amène à injurier le per-
sonnel soignant. Il est transféré d~s un autre h~pital où le dia-
gnostic de. Mal de Pott est fait. Opéré et placé dans une coquille
pl!trée, i l est renvoyé dans le premier h~pital où il avait été
admis. I l reprocha alors aux médecins d'avoir passé à c~té du dia-
gnostic,
se montre insupportable à 11égard des infirmiers, refuse
de faire le moindre effort,. exige la présence continue d1un infir-
mier à ses c~tés pour satisfaire ses moindres désirs. L1attitude
de revendicat~on, d1opposition et d'hostilité devient si affirmée
que le malade est tr~sféré à Sainte-l~e OÙ ,il restera du IJ Mai
au 2I Juillet 59.
I l s'agit dans ce cas d'une rigidité plus pasion-
nelle qu'intellectuelle. Â'. F. exige le service d'autrui. mais n
oontredit pas systématiquement. Il reconnait d'ailleurs qu1il 0.
voulu profiter de sa maladie pour, ,à travers ceux qui llont traité
de"1;ire au flanc fi, se venger de tout ce qu 1 i l a subi pendant son
séjour en France.
.../....

_ 62 -
Ces deux observations i~lustrent la tt non réussite "
de l'adaptation chez E. B. et A. F • • Ltéquilibre étroit né de ~aux
ajust~ents se trouve rompu dès Que le sUJet se trouve dans HA momen~
critique et se Voit renvqyé à lui-m~me. Alors surgissent' les insàtis-
factions accumulées au cours de la transplantation, génératrices
parfois de troubles du comportement.
*
*
*
,

- 6, -
F ft Autres Smdr6mes
a) - Etats llJTévrot.iques
S. K.
• 23 ans,
en France depuis :3 ans,
triple la préparation du C.E,L.G.
2 ème de 5 enfants. père décédé.
Mère remariée, au tuteur des en:f'nn'ts.
Au cours de sa première année de séjour en
. France. S. K, a souf:fert de troubles non d':finis et d1une :fatigue
générale. qu1il appelle neurasthénie, et qui a entrainé un séjour
de 2 mois en maison de repos, Sa bourse étant supprimée, i l tra-
vaille à mi-temps pour subvenir à ses besoins. Y~is ce travail le
:fatigue d'avantage et :fait appara~tre un état dtangoisse~ Il est
hospitalisé en Avril I959.
I l accuse des douleurs à l'estomac et surtou~
des douleurs dans la nuque comme s ' i l étai't soumis à un poids éora-
~t. Il est conscient du :fait que ses échecs universit~res sont
psychologiques et non intellectuels : ft Je sens confusément que.
j1ai des ennuis; mon attention e.st disper~ée, je ne peux pas
travailler. Il I l se sent"écrasé par sa condition de seul Entel1ec-
tuel
u. de sn. :famille Il, dl étudiant entravé par sa liberté nou«
velle . , de Il Noir parmi les blancs Il, de Il garçon parmi. les filles"
I l parle de son père oomme d1un homme grand,
moralement :tn'tègre. Ses relations avec son beau-père ne sont pas
bonnes 1 n I l :faisait tout m'arr~ter dans mes études ••• Clest un
père fictif ••• Il
.../ ...
'pi'
,. x .
q-
'if

_ 64 ..
S. K.
est adressé à un psychothérapeute.
I1 est évident que S. K. nra surmonté quren sur~ace
des prob1èmes personne1s. Les contacts avec au~ui sont ressentis
par 1e sujet comme dou1oureusement insu~~isants. I1 se sent ft écrasé"
par ses responsabi1ités fami1ia1es, par 1a con~ontation qu'exiga la
transp1antation.
Sur ce terrain pnrticu1ier où 1es tensions co~1ic­
tue11es sont importantes, 1a tragsp1antation appara!t comme un
facteur de fragi1isation en tant qu te11e renvo;e 1e sujet à 1a
" ma1formation " de son )&oi.
..../...
. .--et'*,

- 65 -
b) -
1° Nous ne parlerons pas de la psyohose hallucinatoire ohro~
nique, ni de l'Btat Maniaque renoontrés dans nos dossiers car ils
ont été présentés par des sujets tombés malades en Afrique et venus
se faire soigner en France. Le râle de la transplantation dans ces
deux cas apparalt nul d'autant plus qu'il ne s~mble pas avoir influé
sur le cours de la maladie.
2° La seule psychose puerpérale relevée chez nos malades est
par contre à souligner car nous y trouvons évoqué le phénomène du
" Deum n que nous analysons dans les considérations psychopatolo-
giques en relation avec la persécution.
Observation 49
1
Madame T. T • • • 22 ans, Camerounaise, mariée, 2 enfants
i
est ndmise en Juillet I955 à Sainte Anne avec le diagnostic suivant 1
Il
Psychose Puerpérale. Confusion. Désorientation. Anxiété. Impres-
sion de vivre un cauchemar. Insomnie. Onirisme. Agitation. Désordre
du comportement. Hallucinations auditives à thème accusatemr n on
m'accuse d'avoir tué des gens, on me traite de sorcière ".
Bradypsychie. Inhibition. Obnubilation, Dé~t huit jours après son
dernier accouchement datant du 29 Juin dernier. A néanmoins pu
rentrer chez elle et assurer les besoins du ménage jusqu'à hier.
Un épisode analogue après son proQie~ accouchement le 23 Mai I954.
Disparition totale des troubles entre les deux grossesses. Actuelle-
ment pas de température, pas de pertes sanglantes', Pouls lent et
régulier. T,A. bonne. Réflexe. vifs. Douleurs abdominales mais uté-
rus non palpable. Secrétion 1actée
tarie artificiellement. If
Elle sortira le I2 Novembre I955 " très améliorée quant aux troubles
J
mentaux post-puerpéraux à forme dépressiva et confusionnelle quI
1
elle présentait à son entrée. n
•.• 1•••

- - - - - - - - - _.......~"""'==~--~==::::;,;;:..:.;.. - - -
- 66
Le o orrt enu délirant est intéréDsant~car il soulève
le probème de l'anthropophagie. Surgi dan. un autre milieu
(le Sénégal" J
on aurait parlé de " diafoU1~.'c", ~ntendant par là
que le sujet est tombé malade poUf avoir .tt mangé ft un individu
à l ' ft esprit large If. Sa psychose appara1trait comme un aveu
dé culpabilité. La plupart des Négro-Africains que nous avons
intérrogés à Paris sont douloureusement affectés par une
certai.ne Il image tt que les Français se font de leur pays et de
leur peuple. La thématique délirante de l~e T sémb1e ainsi
renvoyer aux difficultés de la confrontation de deux cultures
tant i.1 est vrai qu'on ne délire qu'avec ce que l'on a.
*
*
*

III -
PREMIERES CONCLUSIONS

L'analyse des syndromes psychiatriques trouvés
chez nos malades ne fait appara!tre aucune manifestation psycho-
pathologique propre au Négro-Pdrricain transplanté en· France.
.
,
La psychose de1irant,e aigutJ est cependant, de
1oin, 1a manifestation "la plus oouramment rencontrée aussi bien
chez les Etudiants que chez les Travailleurs.
La plupart des syndromes rencontrés sont oolorés
par la persécution et comporten_ en. ~o~té dépressive oertaine.
La transplantation est vécue d'une manière drama-
tique ohaque fois que le sujet est plongé dans une situation
conf1ictue~e aigu~. La confrontation de deux conditions humaines,
que favorise la transplantation, renvoie toujours 1e Négro-Afri-
cain à son univers ou1turel et à la relation groupe-individu.
*
*
*
*
*
-

- 68 ..
DEUXIEHE PARTIE
******
Que le Négro-Africain soit venu en France chercher
fortune afin de monter une petite affaire en pays Sarakollé, ou
Il
décrocher le dipl8me " qui dans les conditions socio-
économiques actuelles de l'Afrique Noire lui confère une
situation privilégiée, le voyage e~ France est saisi comme un
départ pour la Terre Pro~iSe~. Il s'agit d'une Luite en avant
pour vi~~e d'une manière anticipée la réalisation de ses désirs
de libération
économique, sociale et individuelle.
Dans l'ancien temps, nos sociétés connaissaient une stabilité
relative. Elles s'étaient créé des superstructures idéologiques
adaptées à leurs bases. Eais l'd.nfluence d'évènements historiques
tels que la Traite et la colonisation, et de Douvements moder-
nistes venus de l'extérieur, a abouti à des changements import~ts.
Le travail des homnes en dehors de la famille traditionnelle
a sapé les activités co~~unautaires et posé le problème de
l'individualisation des familles et des patr~moines. La~onscience
actuelle née des nouvelles conditions d'existence a amené à
repenser les valeurs traditionnelles.
La dininution ou la perte de la cohésion du groupe entraîne ainsi
une individuation plus ou ~oins marquée. ~ais n'ayant pu définir
nettement l'objet de leurs aspirations, ni trouver des
perspeotives claires et attractives, les Il unités libérées "
apparaissent ambigqës. Ainsi s'actualise le conflit latent
entre le groupe et l'individu.
Ct est donc une 11 nature étrange ~Jl?i ér.J.igre
et va confronter son lI~trell avec celui du Fran9ais.
Le lieu de cette confrontation importe beaucoup à l'affaire •
.../ ...
'

- 69 -
Issu d'un Continent rendu exsangue par la Traite qui lia amputé
de " plus de deux cent millions de ses f i l s "
(50), originaire
d'un pays ancienne~ent colonisé, l'émigrant IJégro-Africain va
viVre sa transplantation dans le pays ancien
col.anisa't.eur.
Le besoin de vivre d'une manière anticipée la réalisation de ses
désirs se trouve donc g~né dès le départ du fait de la "nature"
étrange ft de l'émigrant et des rapports historiques entre son
milieu d'origine et le milieu d'accueil.
Le Négro-Africain semble avoir du mal à assumer sa condition en
France. I l a la n.désagréable impression d'~tre, pour la première
fois de sa vie, un point de mire, une attraction 11 (1). Si certains
parlent de racisme, beaucoup pensent qu'ils sont l'objet d'une
curiosité déplaoée et interprètent mal certaines attitudes,
certains propos. Il s'en suit une Il attitude générale de méfianoe,
de réserve, d'insatisfaction vis à vis du milieu Blanc Il (29).
I
-
LE PIWBI..ZliE DU REGA..:"l.D -
a) La plupart des Négro-Africains estiment être
regardés dans la rue, les transports publics, les einémas eto •••
Certains éprouvent un malaise à se sentir ainsi scrutés mais
':f"
admettent qu'il s'agit d'une curiosité normale chez les Français.
Beauooup, par contre, oroient que ce ~egard est oha:gé d'hostilité.
Dans la mesure où ~tre regardé, comme le souligne J.P. SARTRE
(46), Il o'est se saisir con-.me objet inconnu d'appréciations
inconnaissables, en partieulier d'appréciations de valeuZj~J •••• I1,
le phénomène équivaut à une aliénation pour Ego qui se s~trt ainsi
exister uniquement par la grâce d'Autrui. On est ce que pense
et veut l'autre. Bien que le regard d'Autrui soit susoeptible de
le valoriser, le Négro-Africain en France réagit d'une manière
qui semble écarter cette possibilité. Considérer que le regard
d'Autrui est mauvais, qu'il ne peut qualifier que d 1une manière
péjorative, o'est introduire dans le phénooène quelque chose
d'autre qui fait qu'Ego et Autrui sont en hostilité délibérée.
Lorsque le Négro.Africain se sent saisi comme " différent, mais
!
d'une différence dévalorisante 11 du Blanc, i l projette dans la
situation to~s les préjugés ayant trait à sa race •
.../ ...

.
~------
.,
--_._-----
-
70 -
Ce ne s~nt plus le Négro-Africain et le Français actuels qui
sont en présence. C'est le colonisé devant le colonisateur
avec tout le contentieux colonial. C'est le Nègre devant le
Blanc avec tout le problème de la Traite. " Une situation
objectivement claire est ainsi e~poisonnée ". Ceux qui sont ici
en présence, malgré toute leu.r bonne volo,nté, ne peuvent pas
ne pas ~tre, sollicités par leur histoire et leur inconscient
collectif.
" Je déqouvris ma noirceur, mes caractères ethniques, et me
défoncè~ent le tympan, l'anthropophagie, l'arriération mentale,
le tétichisme, les tares raciales, les négriers ••••• "
dit
F. FANON (26).
Un Négro-Africain nous a dit à Paris: " Au cinéma, on est
g~né quand on montre un certain visage de l'Afrique. Tous vo~s
regardent co~me si on représentait ce monde-là. Toute notre
It
attitude consiste alors à prouver que nous ne so~~es pa~à
cette image. C'est pourquoi nous som~es corrects.
Mais si la
correction dans le comportement, la politesse, ~st issue du
fonds culturel Négro-Africain, la correction vestimenthire
entre dans le cadre de la réaction au racisme."
I l est évident que le tout tend au m~ce : Para!t~ de telle
façon que l'appréCiation dévalorisante que l'on pense qu'Autrui
porte sur vous soit effacée. Cette attitude est en fait ambiguë.
Ayant idéalisé la France, saisie comme l'image de sa"
ibu
future,
prospère et heureuse",
le tremplin qui doit 1
'ermettre
au cours de son séjour fte préciser son individuation, 'le Négro-
Africain se voit renvoyé à lui-même, retrouve ses traumatismes
séculaires, revit la civilisation de ses pères pour staffirmer
et y puiser la force qui lui peroettra d'engager le di~logue
avec l'autre. hais refuser d'être aussi l'Afrique des
documentaires, e'est se f'uir,
se désolidariser d'avec son monde,
rechercher l'identité avec l'autre. Ainsi paraître sigp.ifie
aussi disparaltre au milieu des Français. Ce n'est plus la
revendication éperdue de soi. C'est l'inauthenticité acceptée.
,
.../ ...

- 71 -
Dans 1e monde Blanc, sous 1e regard Bl.anc. l.e Négro-Africain
dev:Lén,t tt esc1ave de son appara!tre ".
C.H. KANE (J3) fait dire à un de ses personnages 1
Il
Sur mon dos,
je sentais l.e poids de nombreux regards •••••••••••
Ce que j'éprouvais éte.it p1us profond qu'une simp1e sédition de .
mon corps. Ce tremb1ement oe parut l.'~cho fraternel. de mon corps
à un désarroi pl.us intime,"
b) L'importance du phénomène du regard chez 1e
"
transplanté Négro-Africain en France, renvoie au support que ce
problème trouve dans 1e société sénéga1aise par exer::p1e avec
1e E!!ll1.
DEill.l, que l.es 1ettrés traduisent généra1ement par sorcier ou
anthropophage, a en fait une signification différente.* Il. s'agit
d'un ~tre dont la vie est " doub1ée, qui possède " deux yeux en
arrière Il en plus que 1 ' individu norma1 et qui, œieux que 1e'
radiologue, découvre aisément jusqu'au fond des entrai11es·de
toute personne qu'i1 rencontre.
Les If DEUl1S " forment une société, tendent d~s"ièges
'.'
a:ux hommes,
1es terrass~nt et se partagent 1es parties nob1~ de 1eUr corps,
••
surtout le " f i t "
(force vi tale). I1s transmettant Leur- pouvo,.
à 1eur progértiture nais seulG·~".ent en lignée mlterne11e. Un " detim "
1If>
dont 1a f'ernme n'est pas " d oum "n'engendrera qu'ùh" NOKHO:: n.
Ce1ui-ci n'hérite de ce fait que de 1a seule faculté d~ voir 1es
entrai11es des gens. Physiquement le " dC'lL-:1 " ne se différencie par
aucune
particu1ari t~ extérieure de l ' individu normal • •,
""'
La réaetion devant 1e regard prend u:rietoute
autre signit'ication dès l'instant que la croyance popu1airc
attribue à eertains individus 1a faeu1té de pénétrer par 1e
regard jusqu'au p1us profond de toute personne regardée. Le
malaise éprouvé par 1e sujet se comprend aisément. Et de fait. dans
1a société sénéga1aise, on supporte mal d'être observé par un
individu dont on ne conna!t pas1a 1ignée. Ce que l'on risque,
ce n'est plus seu1ement d'~tre un ft objet inconnu d'appréciations
de valeur n

C'est qu'ici et maintenant, 1'on va ~tre néantisé.
Tous les fantasmes de dévoration surgissent qui signifient au
sujet qu'une menGee grave est dirigée sur 1tli. ~1 s'agit d'une
véritab1e QU,oisse de mort.
..*/

- 72' -
Avec le regard blanc,
ce qui est important ce n'est ~as
que le Bl.anc soit considéré comme n DEUl".i U (il semble d'aiJ.leurs
qu'il ne soit jamais pris c omme tel), c ! est plut8t que Le Blanc
soit saisi c~~e celui gui a longtemps été_dangereu~ pour le
Nègre. en tant qu'esclavagiste et col.onisateur. Le Blanc comme
le " DEUE " est senti COmI:1e persécuteur •.
Ce qui domine en effet dans le problème di regard, o'est la
néantisation vécue sur le mode persécutif. Ce trait qui na!t
de l'oeil de l'autre et installe son pouvoir dans le sujet·e~t
essentiellement considéré conme mauvais et aliénant.
I l n'est donc pas étonnant (21) que la manifestation
..
psychiatrique présentée par celui qui se croit terrassé par le
" néUl:1 "
se traduise par une erise d'angoisse aiguë : le sujet
e s t " atteint dans son vivant v.
C'est aussi à propos du DEUl~ que l'on observe la plus typi~ue
des manifestations délirantes à thème de culpabi4fté que
l'on connaisse au Sénégal: le DIAFOUR.
I l est oulturelle~ent possible de faire~âcherprise
au DEUM grâce à l'action d'un l/larabout (au sen.large-et s Yncré:
u~
du terme comme nous le verrons plus loin) ou d'un BILODJI.
Ce dernier est un d.eum neutralisé ( un marabout lui a
tt
orevé "
les yeux qu'il a
h
derrière la tête"
) et reconverti eft chasseur
de deums. Quand i l est trop tard, Marabout et Bilodji pe
nt
intervenir pour rendre indigeste la victime. C'est ce re
8
rendu
indigeste par l'action du l~arabout ou du Bilodji, ou encore
par " la dose de surhumain Il que la victime avait en elle, qui,
à l'instar d'un sérum de vérité, amène le Deum à avouer son méfait
dans le DIAFOUR. Rien n'est alors tu du piège tendu à la victime,
de la mort de celle-ci, du repas et des " personnes " qui y ont
participé.
Une différence notable apparaît là entre le Il repas anth:J:'()pophagique ft
dans le dia:four et le repas, fait de If morceaux choisis " du Deum •
.../ ...

Dans celui-ci ne sont" mangées If que les. parties
nobles de l'individu ( ~oeur, foie, généralement le " f,;i.t If).
Dans celui-là aucune partie du corps n'est négligée. Celui-ci est
entouré d'un certain mystère et nul ne sait en 'réalité comment
i l se déroule. Ce1ui-~à est, au contraire, minutieusement décrit
et détaillé.
En réalité le " diafour Il est une expérience délirante
primaire dans laquelle le sujet s'accuse d'avoir fait un repas
anthropophagique. Tout est bâti sur cette idée et autour'du
thème de culpabilité. I l s'agit d'un" délire d'emblée" car le
sujet se met brusquement à s'accuser d'avoir dévoré tel
individu. Si le discours est abondant, logorrhéique, si l'on
note une certaine agitation psychomotrice, la conscience altérée
semble dominée par la confusion. Le sujet quitte parfois soudaine-
ment son domicile, déanbule dans la rue, apostrophe les passants
pour leur relater son méfait. I l ne s'en tient pas à l'individu
dont le décès est à l'origine de son diafour. I l s'accuse
également d'avoir dévoré des individus souvent décédés' depuis
plusieurs années dans la même agglomération ou dans d'autres
parfois assez éloignées. I l se produit· ainsi, dans le temps
et dans l'espace, une extension du délire qui s'anrich±t en
détails macabres au fur et à mesure qu li1 évolUe.
Ce genre de malades est rarement hospitalisé. La famille, attérée,
intervient rapidecent pour l'adresser à un guérisseur."~n note
alors des guérisons rapides, mais bien souvent s'instaile un
état délirant chronique dont les thèmes apparaissent assez
-éloignés de la thénatique délirante du départ.
Il s'agit là d'un aperçu schématique assez théorique
qui a eependqnt l'avantage d'inciter à une étude complète
(notamment clinique et culturelle) du phénomène •
."./ ... "
. ,

... 74 ..
Les deums sont par~oû~ chassés, persécutés et ont, de ce fait,
une existence mouvementée, itinérante· et chargée d'inquiétudes.
Leur réalité est de plus en plus controversée. surtout dans les
nouvelles générations; la culture africaine leur confère cependant
une réalité objective. Ils servent à fixer une certaine angoisse
de l'homme négra-africain: angoisse vitale, angoisse du
morcellement et de l'anéantissement, angoisse de la mort.
*****

-
-
-..-.-
- 75 -
11 -
LA SOLIDARITE
C'est 1e sentiment qui assure le regroup_ment des
Travailleurs en cor.~unauté et leur perr.1et de vivre, sans grand
dommage psychologique le temps de la transplantation. Elle
conditionne égalenent la prise en charge de l'arrivant et
f'acilite la résistance à la " désadaptation du nouveau venu ".
Ce ne sont pas les f'rustrations et l'insatisf'action qui en font
le fondenent. Celui-ci est assuré par la conmune participation
à une m~me culture, à un mêne sens du sacré, à une vision de la
m~ce ft durée anticipée ".
A propos du Regard nous avons noté cepend~~t l'aspect
j
contradictoire du sent~ment de solidarité. Durant l'expérience
de la transplantation le lTégro-Africain veut être toute l'Af'rique
pour trouver son authenticité; oai$ la confrontation de son
monde avec celui du Français, l'amène bien souvent à refuser
un certain visage de l'Af'rique. Ce choix ne s'effectue pas
d'une manière libre par une volonté de dépasse~ent conséquen~de
certaines structures et vieilles id~es. Il s'opère sous la
pression de l'hôte et aboutit à la recherche d'une identité avec
.
celui-ei. Mais déjà,
en Afrique,
ce sujet acculturé n'avait
pas une " t~He lucide entre les deux termes d'un cho Lx Il (JJ).
Bien des auteurs en particulier J.C. CAL10THERS
(9) ont souligné l'importance du conditionnement du Néglfo-Af'ricain.
Ltenf'ant " vit depuis la naissance en contact avec un oonde doux,
chaud, bien rythmé, peu éloigné de son monde prénatal. Le jour,
i l entend la voix de sa mère lui parlant ou chantant, et la
nuit i l repose à son côté ••••.••• ". Cet enfnnt jusqu'alors
installé dans une 11 souveraineté exclusive " est sevré brutalement
vers 18 mois -
2 ans. Cepend~~t. quelle que soit ln gravité
de l'évènement, ce n'est pas une perte co~plète de Itimage
maternelle car l'eni'ant reste encore longtemps dans les pagnes
de sa mère. I l découvre ses liens avec tous, avec les viv~'lts
comme avec les morts. Un espace enclos dans sa maison,ctest
1'endroit réservé au 11 Rli.B ", au " TOUR n, esprit de ses ancêtres
qui veillent sur lui.
.../ ...

- 76 -
Il sait qu'à chaque moment de sa vie i l peut compter sur
l'aide effective des autres, au moins sur leur présence
morale. I1 se sent en sécurité dans son cadre, à 1'i8térieur
de ses traditions. Si l'image de la mère appara1t prévalente,
celle du père se révèle multiple, à la fois proche et lointaine,
familière et mythique.
L'individu peut compter sur les autres mais tous doivent pouvoir
compter sur lui.
La plupart des Etudiants Négro-Africainsinterrogés à Paris ont
insisté sur la relation entre leurs études et la promotion de
leur pays. Ils s'affirment Il aussi solidaires de 1eur passé
que de leur avenir •••••••••••• ; leur personne à une étendue
illimitée, depuis l'origine des familles
jusqu'à l'inage
d'une tribu ~ture, prospère et heureuse ". (E. V~AIS).
Cependant la pratique des hocnes à évolué sous l'influence de la
dynamique propre du groupe et d'apports exé~ri0urs. L'individu
tend ainsi à supporter de plus en plus son groupe dès qu'il
obtient une promotion. L'attitude des sujets interrog~s est
ambiguë sur ce plan. Ils soulignent parfois que le fait d'~tre
sorti de la masse qui compte " beaucoup de j''lozart assassinés Il
donne le sentiment que l'on a pris la place d'un autre. Le
désir de réparer Il l'injustice" est alors susceptible de
se muer en une solidarité plus grande avec le groupe. Ils
parlent aussi du sentiment écrasant qu'ils ont de leur
responsabilité.
La fati6-le,
la symptomatologie n euz-a s tihé nd.f'o rrae actée chez
beaucoup d'Etudiants Négro-Africains en France pourraient ainsi
~tre considérées COlTIne une réponse de leur corps aux Il charges II·
qu'ils lui font porter (S.K. observation 11). Le séjour en
France apporte un autre éclairage à la relation individu-groupe.
L'individuation naissante subit diverses fluctuations selon
les péripéties de la transplantation, expliquant ainsi certains
échecs et la difficulté qu'il y a parfois à retourner Il 'Elu pays n •
. . 1. · .

1
77
Primauté' du groupe ou primauté de l'individu?
Certes un compromis est toujours recherché et bien>souvent
trouvé, mais la conscience individuelle actuelle poslt'de pfus
en plus le problème de la révision des rapports entre le
groupe et l'individu.
Pour le Négro-Africain qui a réussi. la situation privilégiée
que lui confère sa situation fait qu'il est constamment
sollicité. Sa richesse ne sera appréciée et reconnue qu'autant
qu'il acceptera de donner leur part aux autres, de faire preuve
de solidarité. Beaucoup refusent ce choix. et prennent le
risque d'une vie à l'écart. La plupart consent seulenent à aider
les parents les plus proches. Cette crise profonde dans les
idées s'accompagne de la difficulté de se déterminer sur le
plan national pour ou contre telle doctrine. Bien souvent cette
-~
attitude conduit à l'indifférence, au renonceDent et au repli
i'1
sur soi.
Mais l'individu s'estime parfois persécuté et accusera les autres
de le jalouser (obzervations 3 et 36). En s'isolant i l court le
risque d'être abandonné des siens et de ne plus-pouvoir compter
1
sur leur présence morale. Comœe le dit Denise Pau1me " Leur
./
j
désertion lui ôte tout sentiment de sécurité. Très vite cet
homme se croira l'objet de pratiques de sorcellerie 1 on lui en
veut. on le persécute, i l n'est plus en sûreté". Cette
persécution qui atteint l'individu coupable de se singulariser
est appelée " LIGUEY"
au Sénégal • Ce not qui signifie trà.vail.
indique, que le sujet subit une influence extérieure qui lui enlève
son dynamisme, ses possibilités, voire la santé p~ysique ou
mentale. Le phénomène est habituelloment traduit par
" Haraboutage " •
Marabout désigne en général le lettré islamique
qui s'occupe 6e l ' écuoat Lon relig±euse des je1.Ules gen~, que l'on
peut consulter pour obtenir une protection contre un éventuel
danger; c'est le' représentant reconnu de Dieu.sur ter~e •
..•1..•

'-~--
• 78.
I l s'applique aussi au féticheur dont on sollicite l'aide
..
~
pour nuire à un voisin, pour obtenir un avantage aux dépens d'un
autre individu. I l y a fusion des deux personnage~ltun magique,
11 autre religieux dans le phénomène du " Llguèy " . -

Le sujet qui est l'objet de cette pratique se sent affaibli,
diminué; i l est atteint dans ses facultés créatrices,
d'exécution et de représentation, dans sa puissance virile. C'est
sa sexualité en général qui est directement ou symboliquement
visée. Le If marabout If apparatt ainsi comme un être eastrateur,
mais son action peut ~tre déviée par le guérisseur traditionnel.
La persécution vécue ici sur le plan de la castration est
_

cc
.
génératrice d'une angoisse bien définie.
Le " marabout" n'est en fait que l'intermédiaire commode ,
l'écran derrière lequel se profilent le groupe et l'Anoêtre
mythique.
L'opposition au groupe renvoie donc à une tentative de rivaliser
avec ltAnc~tre.
En s'attaquant au groupe gardien de la Tradition,
le sujet en
fait 's'en prend au Fondateur du groupe. C'est tout l'édifice
qui est menacé d'écrouleoent. Bien que ce ne soit pas son
intention, le sujet est cependant convaincu d'avoir trans&ressé
la LOI de l'Anoêtre. Ainsi dans le If liguèy " se retrouvent les
sentiments de persécution et de culpabilité.
Le couple " Harabout " - Halade rne t
en présence
le sujet et l'Ancêtre par l'intermédiaire de l'auteur du
If
Liguèy lt. Ce face à face insoutenable est rompu par un
déplacement vers le couple Guérisseur .. 1'lalade. Cc dernier met
en présence l'individu et son groupe ' susceptible de donner à
sa demande une réponse dans le oadre précis de son organisation.
Pour recouvrer la santé, le malade est donc invité à s'abandonner
à la volonté du guérisseur ga~Mnt de la cohésion du groupe et
de sa pérennité. En somme la senté n'est recouvrée que par
la DEINDIVIDUATION •

L'acculturation de plus en plus manifeste des populations montre
qu'à la crise profonde dans les idées, une solution valable
ne peut être trouvée qu'autant qu'une restructuration s'est
opérée grâce à des perspectives claires drépanouissement
offertes au groupe et à l'individu.

-79 -
,.
Ces considérations un peu théoriques '.'font ..,
appara!tre que les sentiments de persécution et de culpabilité
sont inhérents à l'organisation actuelle du monde Négro-
Africain. III ayant pu dODiner la nature, le Négro-Africain la
peuple de puissances et d'êtres surnaturels cherchant ainsi
à 11 personnifier l'épouvantable n.
LJapparition de nouveaux systèmes d'explication
de la nature et l'éveil d'une conscience actuelle du monde
ouvrent une brèehe dans l'organisation traditionnelle. créant
un grand malaise dans la société.
Le problè~e de la santé mentale appara!t ainsi
lié à toute une série de données politiques, écononiques,
socio -
culturelles etc ••••••••
*
*
*
*
*

/
CON C L U) IOn ï
Le Négro-Africain qui arrive en France est déjà
en voie d'option. La transplantation, dans la mesure où elle
confronte en lui le monde Négro-Africain au monde occidenta~,
accélère le processus d'aeeu1turation.
Le senticentdlappartenir à un groupe uni et cohérent, la
possibilité de recréer un. cadre à l'image de celui-ci, lui
perme~tent de faire faee à la désadaptation du nouveau venu.
LI éclosion des troubles men.t.aux ni est notée dans cette période
que si ~'individu se trouve plongé dans une situation
~
eatastrophique d'isolement, avec impossibilité de cownuniquer
4
avec ses nouveaux voisins et de communier avec des personnes
de son groupe d'origine.
C'est au cours de la période d'assimilation, lorsqulapparait
la nécessité des ajustements et des choix inévitables, que la
transplantation actualise les problèmes conflictuels et
fragilise les individus les plus faibles qu1elle peut alors
plonger dans le bouleversement psychotique.
La psychose délirante aiguë est, de loin, la
tI
manifestation délirante la plus fréquente. Dlautre part tous
.•
les SYndromes psychiatriques relevés chez nos malades sont
fortement colorés par la persécution et comportent une tonalité
dépressive certaLne,
Slil n'y a pas de cadre nosologique propre au transplanté
Négro_Africain, les idées délirantes de nos malades expriment
des conflits rié-s pendant la transplantation ou révélés par
eelle-ci. I l s'agit le plus souvent d'un choix difficile entre
les exigences dictées par une conscience individuelle nouvelle
et la €.~délité aux structures et règles tradit~onnelles•
.../...

-
81 _
Les insatisfactiono nées pendant le séjour en France
renvoient bien souvent le Négro - Africain à lui-nême et à
ses traumatismes séculaires et accentuent encore lJarnbiguité
de sa personnalité. I l existe ainsi une transgression
potentielle des règles du groupe. Ceci pourrait expliquer
que le Négro - Africain soit habité par la détresse, aie un
sentiment latent de culpabilité et se sente souvent
persécuté.
*
*
*

-
82 .,.
Vu le Président du Jury
Vu le Doyen 1
Vu et pe~is d'imprimer,
Le Recteur de l'Université
1

.. 83 -
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Editions Sociales - 1964
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Les idéologies Négro-Africaines d'aujourd'hui.
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Les nouvelles générations africaines entre leurs traditioD$
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Essai sur l'athéisme moderne
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