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Université Lyon Il
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UER des Sciences du Langage
~-'~-~._-'" .... ,
, CONSEIl. AFRICAIN El' NL·';_.';ÏJ\\~~;
POUR L'ENSEIGNf:MG:U :;J,~;:;RJEUI'
C. A. M. E. S. -
OUAGADOUGOU:
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Etude pragmatique et sémiotique
des effets du bilinguisme
dans les œuvres romanesques
de ousmane sembene
','
/'
TH:ESE
de Doctorat de 3e cycle
présentée et soutenue en Mai 1981
par
Alioune TI N E
sous la direction de: Pierre BANGE

A
NAFISSATOU
TINE

Nous tenons surtout à renercier M:>nsieur Pierre BANGE
qui a bien voulu assurer la direction de cette recherche: ses
conseils, ses critiques et ses suggestions ont beaucoup contribué
il l' orientation et à la qual~té de ce travail. Nous avons égale-
ment une dette à l' égard de rt.onsieur Bruno GELAS qui nous a
soutenu par ses conseils et 'ses encouragerœnts.
Nous tenons à remercier aussi Michèle SEX::HEHAYE et
Malick TINE qui nous ont soutenu rroralerœnt.
Enfin nous remercions tous ceux qui par leurs sugges-
tions et leurs encouragements ont contribué à la réalisation
de ce travail.

_. l
-
TABLE DES HATIERES
-
-
INTRODUCTION
p. 1
AI ErUDE DES PR)BLEMES LINGUISTlÇUES POSES PAR J~
BILINGUISME
p. 8
• Remarques introductives
p. 8
Z - ETUVE VES APECTS GENERAUX Vf L'INTERFERENCE
p. 10
I.l. BINLINGUISME ET/OU MULTIL1NGUISME
INTERFERENCE
J
LINGUISTIQUE ET AIllE CULTURELLE
p. 10
I.2. L'INTERFERENCE LINGUISTIQUE COMME L'INDICE D'UNE
ALTEB.A2'ION DES NORMES D'UNi!,' LANGUE
PRODUITE PAR
J
LE CONTACT D'UN SYSTEME LINGUISTIQUE DIFFERENT
p. 12
2 .1. Définition de l'interférence linguistiqlle
p. 12
I.3. LES DIFFERENTS ASPECTS DE L'INTERFERENCE DU
~/OLOF ET DU FRANCAIS
p. 16
3.1. Problèmes méthodologiqùes
p. 16
3.2. Etude du systèlœ vocalique du \\'.Olof et du
français
p. 30
3.3. Systèmes des sons consonantiques du vwolof et
du français
p. 34
3.3.1. Tableau des sons consonantiques du français
p. 35
3.3.2. Tableau des sons consonantiques du wolof
p. 36

- I I -
I.4. ETUDE. DES PROBLEMES GENERAUX POSES PAR LE BILIN-
GUISME ET L'INTERFERENCE LINGUISTIQUE CHEZ UN
ECRIVAIN COMME OUSMANE SEMBENE
p. 41
4.1. Rem3.:rques préliminaires
p. 41
4. 2. Problème de la prééminence d'une langue dans la
production de l' interfé~-ence linguistique
p. 43
4.2.1. Prééminence objec,tive du français / Prééminen-
ce subjective du wolof
p. 43
4.2.2. La prééminence objective du français
p. 44
4.2.3. Sur l'hYPJthèse d'une prééminence subjective
du \\'lOlof
p.
I.6. ETUDE DES ASPECTS DE LA FRANCISATION GRAPHIQUE
DU FRANCAIS
p. 62
5.1. Quelques remarques sur la pratique descripti.ve
p. 63
5.2. La phase de la francisation orthographique du
wolof
p. 65
5.2.1. présentation de l'échantillon
p. 66
5.3. Etude de la défrancisation orthographique du
\\';olof
p. 74
• Présentation du corpus
p. 75
BI LES PRINCIPAUX EFFEI'S DE SENS DE L' lNI'ERFERENCE
DANS lA ProoœrION LITI'ERAIRE DE SD1mNE
p. 87

- I I I -
1. Remarques prél:LïÙ.naires
p. 87
. 2. Les deux rroàaJ.ités dl inscription du locuteur ",.'Olof
et de production de l'interférence
p. 87
1 - LE PARLER "PETIT NEGRE" COMME CODE VE REPRESEN-
TATION VU LOCUTEUR INDIGENE, ANALPHABETE ET CO-
LONISE
p. 91
I.l. QUELQUES ASPECTS GENERAUX DU PROBLEf.Œ
p. 91
I.2. ETUDE DU PARLER PETIT NEGRE COMME NIVEAU DE
LANGUE
p. 97
I.3. TYPOLOGIE DES DIFFERENTES FONCTIONS DU PARLER
"PETIT NEGRE"
p. 101
3 .1. Le verbal carrrne babi.l dans P pays, JlOn beau
peuple
p. lL2
3.2. Les rrotivations qui sous-tendent la production
du parler "petit nègre"
p. 106
3.3. Le parler "petit nègre" dans les aœ:res textes
de SEMBENE
p. 112
I.4. LES PROBLEMS ENONCIATIFS ET NARRATIFS POSES
PAR LE PARLER "PETIT NEGRE"
P. 119
·Z.5. ETUDE DE LA TRADUCTION ET/OU DE L tnvTERPRETA-
TION PRODUITE PARALLELEMENT AU PAlŒiER "PETIT
NEGRE"

p. 126
II - ETUVE DE L'ORALITE FEINTE
p. 134
II. 1. REMARQUES
p. 135

- rv _.
II. 2. ETUDE DES RAPPORTS OP.ALI'.tE/E'CRITURE:
p. 141
. 2. 1. L 1oralité canne m:>dèle de corrrnuni.cati.on
p. 141
II. 3. L'ORALITE FEINE COMME: MODELE DE COl"g.JUNICATION
DE LA LI'.tl'ERflTURE AFRICAINE' ECRITE
P. 152
II. 4. MISE EN PLACE DES CONCEPTS QUI RENDENT COMPTE
DE L'ORALITE' FEiNTE
p. 161
4.1. La tranposition dans la fiction littéraire
p. 161
4.2. Le concept de transposition d' énoncés
p. 161
4.3. La notion d' etno-texte
p. 162
4 4
di
d "~ , ..
"
• • Le
scours
e
'L-op'l-n'l-on "oommune
p. 163
4 •S. La transp:>sition cx>rrrre processu.s de c1iscur-
sivisation
p. 164
II.S. ETUDE DES EFFETS PRAGMA1'IQUES DE LA TRANSPOSI-
TION
p. 166
5.1. Le public de l' oralité feinte
p. 166
II.6. L'ORALITE FEINTE COMME TRADUCTION
p. 182
II. 7. ORALITE FEINTE ET PARLER "PETIT NEGRE"
p. 189
II. 8. LA TRADITION ORALE ET SON' LOCUTEUR CG.'MME OBJET
DE REPRESENTATION DANS LE ROMAN OU LA NOUVELLE
D'OUSMANE SEMBENE

p. 191
8.1
La transPJsition eatn'C processus de discursivi-
sation dans VElU-<::IOSANE, LE MANDAT et XALA
p. 191

-v-
8.2. Etude de la spatialisa.tion
p. 191
8.3. Etude du processus de temporalisatian
p. 201
II.B. ETUDE DES CODES DE REPRESENTATION DU LOCUTEUR
WOLOF
p. 205
9.1. Etude de l' actorialisation
p. 205
9.2. Etude des ètifférents aspects du locuteur wolof
p. 208
9.2.1. Le statut culturel et linguistique du locuteur
\\'JOlof
p. 208
9.2.2. Les signes du bilinguisrre chez le locuteur tra-
ditionnel
p. 209
9.3. Etude des différents indices énonciatifs qui rnar-
que..l1t la narration c1u locuteur \\'.Olof
p. 217
9.4. Etude du xénisme VJOlof comne marque è1e l' énon-
ciation du narrateur \\'.t>lof
p. 219
II. 10 ETUDES DFSMARQUES SEMANTIQUES ET RHETORIQUES
DU DISCOURS TRADITIONNEL
p. 236
II.l1 ETUDE: DES MARQUES SEMANTIQUE DU DISCOURS
TRADITIONNEL
p. 237
II. 12 ETUDE DES MARQUES RHE2'ORIQUES DU DISCOURS
TRADITIONNEL
p. 248
II. 13 L'AUTEUR COMME NARRATEUR QUI PARODIE OU QUI
PASTICHE LE DISCOURS DU LOCUTEUR TBJWITIONNEL
p. 270
13.1. Imitation, pastiche, parodie
p. 270

- VI-
13.2. L' oralité feinte conrre pastiche du griot et/ou
du récitant
p. 273
13.2.1. Les irrq;>lications pragmatiques de cette pra-
tique discursive
p. 273
13.3. Le pastiche carme narration mimée du griot
p. 278
13.4. L' irn.itation du locuteur v..'Olof par l ' auteur
le discours auto-réfle~f
p. 281
C. EI'UDE DE L'ORALITE FEINl'E mm TRANSR:>SITION
D'ENONCES
p. 293
1. PROBLEMES METHOVO LOGIQUES
p. 293
I.l. ETUDE DES DIALOGUES COMME ESPACE DE PRODUCTION
DES PALABRES
p. 295
II. ETUVE VES PALABRES COMME SIMULATIOM VES MOVELES
V' INTERACTION VE LA TRADITION ORALE
p. 304
II. 1. REMARQUES
p. 304
111. ETUVE VES MOVELES f.THNOLITTERAIRES ENCHASSES
p. 324
III. 1. REMARQUES
p. 324
III. 2. ETUDE DU FONCTIONNEMENT TRADITIONlNBL ET INS-
TITUTIONNEL DU PANEGYRIQUE : LE "'JfAG" ET/OU
LE "BAAK"

p. 328
2 .1. Etude du panégyrique dans \\lEm-eIOSM'Œ
p. 332
• Le premier moment du panégyr-r:::zu.e
p. 333

- VII -
• Le deuxième moment du panégyrique
p. 335
• Le troisième moment du panégyrique
p. 337
2 • 2 • Etude du panégyrique clans LE lVil\\NDAT
p. 340
2.3. Etude du panégyrique dans ~
p. 344
III. 3. LA JOUTE ORATOIRE COMME MODELE ENCHASSE
p. 352
3.1. Etude de la fonction ludiqœ de la joute,
dans VEHI-cIOSANE et XALA
p. 354
1.1. Etude de la joute qui accarrpagne le jeu de
"yothéll dans VEHI-eIOSANE
p. 354
1.2. Etude de la joute oratoire dans XAIA
p. 363
1.3. Etude de la joute oratoire dans ~ MANDAT
p. 368
- OJNCLUSION
p. 376
- BIBLIOGRAPHIE
p. 383
- INDEX
p. 414

- l -
INTRODUCTI.ON
La présente étude a pour objet d'examiner les différents
aspects que soulèvent les problèmes du bilinguisme et de ses effets
dans une oeuvre romanesque africaine francophone comme celle d'Ous-
mane SEMBENE. Sujet très complexe, peu abordé par les sémioticiens
et la critique littéraire africaine. On imagine donc les difficul-
tés énormes que susciteft l'étude d'une telle prob 1ématique. Auss i.
notre dessein n'est pas de régler cette question une fojs pour tou-
te. mais de procéder tout simplement à un IIba1isage\\l permettant de
mettre en évidence les principaux centres d'intérêt d'un problème
qui présente de redoutables difficultés.
Aborder la question dü bilinguisme et de ses effets dans
la littérature africaine d'expression française ne se réduit pas
uniquement à s'interroger sur le modèle de compétence
d'un écrivain dont la langue de communication littéraire est une
langue d'emprunt. Cela revient aussi à cerner les différents ef-
fets du bilinguisme sur la production et la réception du texte
c'est-à-dire sur l'ensemble des effets pragmatiques induits ici.

- 2 -
Parmi les concepts fondamentaux autours desquels s'orga-
nisent cette étude. nOliS trouvons d'abord celui d'interférenoe
lûzguistique. Les principaux aspects formels et linguistiques du
bi 1ingui sme apparaissent sous 1a forme de l'interférence 1inguis-
tique; c'est ainsi qu'elle constitue la manifestation la plus
immédiate, la plus apparente et la plus "pa1pab1e ll des effets
du bilinguisme dans la production littéraire d'Ousmane SEMBENE.
Nous allons par conséquent procéder dans un
premier temps à
l'examen des différents aspects de ce concept-clé. Car il pennet
de comprendre les rapports qui se nouent dans l'espace textuel,
entre la langue de communication littéraire de l'auteur (le fran-
çais) et sa langue maternelle (le wolof -- une langue de tradition
et d' expressi on orales -).
Mais le problème de l'interférence linguistique, telle
qu'elle se manifeste dans une fiction littéraire, exède le cadre
classique et restrictif qui lui est traditionnellement assigné
celui des aspects formels du bi1inguisme~
Dans l'oeuvre de SEMBENE, comme nous le verrons plus
loin, l'interférence linguistique nia pas ~ne forme fixe, elle
peut évoluer et même s'effacer complètement. Sa forme varie éga-
lement en fonction de la langue qui la p~oque ou qui la subit.
Quand le français la provoque ~r exemple, elle se ma~
nifeste uniquement au niveau orthographiq~. Car le wolof étant
une langue de tradition et d'expression orales, c'est le français
qui assume la prise en charge de sa forme graphique -- cela ne va
pas, bien entendu, sans problème.

- 3 -
Si c'est le français qui subit l'interférence linguisti-
. que, cas le plus fréquent, c'est l'enselT'ble des normes graphiques,
.
.
syntaxiques, sémantiques et mélodiques qui sont affectées. Dans les
deux cas cependant, nous constaterons un effacement ou une trans-
formation de la forme d'expression de l'interférence. Ce phénomène
s'explique surtout par l'évolution de l'auteur mais aussi des per-
sonnages de la fiction qui produisent l'interférence linguitique
comme discours.
C'est ainsi que les différentes fonctions qu'assument
l'interférence linguistique sont tributaires de facteurs extra-
textuels, ccnjœcturels, idéologiques ou simplement 1ittéraires.
C'est pour cette raison que notre démarche fera appel aussi bien
à des données diachroniques que synchroniques. Car l'interférence
n'a pas la même forme dans les romans de SEMBENE parus dans la
période coloniale que dans les romans parus dans la période post-
coloniale. Et cela aussi bien au niveau de la francisation du wo-
Zof. que de la l.JoZofisatwn du français.
Dans la période coloniale par exemple, on peut observer
dans les romans d'Ousmane SEMBENE, la présence du colon comme ac-
tant de la communication (intra-diégétique), mais en face, nous
avons également l'indigène comme actantc ('est ce contexte, qui
explique par exemple la production du parler "petit nègrell chez
Ousmane Sn1BENE.

- 4 -
Tandis que dans la période post-coloniale. le locuteur
wolof est devenu indépendant, il n'est plus considéré comme indi-
gène. dans le texte français. il est œnsé s'exprimer en wolof.
Mais ici. l'auteur fait appel à une autre forme d'expression de
l'interférence pour représenter son discours.
Et c'est ici qu'intervient un autre concept-clé qui se-
ra examiné d'une man ière systématique: c'est celui d'oralité fein-
te.
Avec le concept d'oralité feirnte, intervient la dimen-
sion culturelle et littéraire de l'interférence linguistique.
-
Sur le pl an 1i ttéra ire, des procédures narratives et én.on-
ciatives misesen jeu, simulent la parole proférée; ce faisant au
niveau de la réception elles font appel aussi bien à l'écoute
qu'à la lecture.
-- Sur le plan culturel, l'influence de la tradition orale se
manifeste dans le roman par l'enchâssement de micro-modèles nar-
ratifs et de modèles d'interaction sociale propres à la tradition
orale africaine : proverbes, panégyriques, jeux de langage, pala-
bres, etc.
Les problèmes qui apparaissent ici, sont d'ordre inter-
culturel, intertextue1 et inter1inguistique. C'est pour cette rai-
son que nous examinerons également les différentes modalités d'ins-
cription du public: du lecteur qui partage le même univers

- 5
culturel et linguistique que l'auteur, le wolof, sollicité sou-
vent comme "auditoire impl icite". Et du lecteur étranger aux
codes culturels et symboliques de la tradition orale, qui est
souvent inscrit dans te texte sous le mode de la forme autonymi-
que d~ discours.
"
La notion d'oralité feinte dont ~ertains- aspects vien-
nent d'être évoqués, nous permettra de re·ndre compte des effets du
bilinguisme dans la fiction narrative. A cet effet, nous avons
"
mis en place deux concepts: la transposition comme processus de
di scursivi sation et l a transposition d' énoncés •.
\\
La problématique du bilinguisme et de ses effets va ainsi
,
permettre la mise en oeuvre d1un faire-cognitif, dont nous essaye-
rons de t~ndre compte des différents aspects. Mais parrallèlement
au faire cognitif, se déploie un faire-ê~~ qui ne peut être mis
à jour qulau terme de cette étude. Car l'intégration des mots wo-
lofs, des mythes et des micro-modèles narratifs dans le roman et
la nouvelle a une fonction emblématique dans le texte, comme nous
le verrons plus loin , elle procède dl une stratégie de démarcation
culturelle. Nous verrons d1ailleurs qu 1el1e contient i~plicitement
une quête d1identité ; la construction de soi à travers la cons-
truction d1un objet littéraire. Mais comme pour toute quête,
celle-ci suppose un manque à combler. Pour SEMBENE, ce manque c1est
le wolof comme écriture littéraire. Il n1est d'ailleurs pas le seul
éérivain africain à nourrir ce désir. SENGHOR, étudiant, déclarait

- 6 -
lors d'une conférence restée célèbre li cause de son "succès de
-
-
scanda1e" (ce sont les propres termes de 11 auteur)
"Il n' y a. pM une. civili.6a:t.1.on ~a.n.6 Wte. Li.:tté.Jtettwte.
qu-i. e.n e.xplthne. e.t J.1J:.JJ...6:tJte. le.~ vale.UM, c.omme. le.
bijoutie.!Z. tell joyalD'.. d'une. c.ouJWnne.. Et .baJt.6 W-
té.JuU:u.!Z.e é.cJlJ..Xe, pM de civiU.bCLtion qui a.1Lte a.u-
,"
de.fli. de la. .b-ûnp!e c.UJlA.o.baé. ethnologique" (1).
Telles sont, les questions fondamentales qui seront dé-
battues dans la présente étude. Il"est évident, que la complexité
des interrogations chardées ici, ne va pas sans poser de sérieu-
ses questions méthodologiques. La con ce pt.-u a1isat ion du bi 1ingui s-
me et de ses effets linguistiques a été surtout operée à l ' inté-
rieur du cha~ d'investigation de la socin-linguistique (cf.-U.
WEI~REICH.FISHMAN. L~gOV, etc.). Or dans ce champ, il n'est pra-
tiquement jamais question des rapports du bl1inguisme et de la
production 1it~éraire. Pour oarnbler cette lacune, nous ferons ap-
pel à la sémiotique littéraire. Mais là également les problèmes
ne manquent pas. Car la littérature africaine d'expression fran-
çaise. nia jamais constitué un champ d'ap,p1ication privilégié de
la sémiotique littéraire. Seule l'ethno-linguistique
s'intéresse
à la littérature africaine, mais ses préférences vont généralement
à la tradition orale. Nous sommes donc en face d'une réalité com-
p1exe. mais pour en rendre compte, les concepts sémiotiques font
(1) Cf. Leopold Sedar SENGHOR, in Liberté l, p. 14. Seuil, Paris,
1971 - le poète est bien entendu revenu sur cette position
qu'il considère comme e~1ée, depuis qu'il est devenu un
chantre de la francophonie.

- 7 -
défaut. C'est ici que lion sentira les l~mites les plus évidentes
de cette étude.
Nous nDUS appuierons sur un corpus de textes qui reflète assez
bien ~a situation linguistique et culturelle du SENEGAL. Pour ce
-faire,· nous avons choisi 0 Pays, mon beau peuple, Les Bouts-de
bois-de-Dieu, Le Mandat r Vehi-Ciosane et Xala qui ont tous pour
cadre le Sénégal.
La méthodè qui sera donc uti
J
li sée i ci fera appel à des
disciplines diverses, nous la considérons quant à nous comme 1les-
quisse (quelque peu grossière) dlune approche pragmatique et ethno-
sémiotique de la littérature africaine dlexpression française.

- 8 -
A. murE DES PR:>BUl€S
LINQJISTI~ PŒES PAR LE BILINCVISME
~s introductives
La productia1 œ l'interférence linguistique dans l' oeu-
vre d'OUsnane SEMBENE, œmplit œs fmctials ptécises pamd. les-
quelles il cxnvient surtout œ citer en priorité celle qui est
œstinée A reptésenter le discours œ locuteurs qui vivent dans
m mivers culturel caractérisê par l'existence du bilinguisrœ
wolof-français. Mais, si la productim œ l' interféœnce llnguis-
tiqœ chez m l.oa1teur bilingue apparait cxmœ un };i1énœène in-
vo1cntaire, incxnscient, il en est tout autœ.rœnt dans une pro-
ductim littéraire. Par ccnséqœnt avant d'aborder les fmctims
discdJnjnatoires œ l' interféœnce dans l' ceuvre littéraire
d'OUsnane SEMBENE, il cxnvient œ s'interroger sur l' interféœnce
linguistique cx:mœ processus d'encodage. AutreIœnt dit il faut
ocnsid§rer l'interférence linguistique dans sa manifestaticn la
plus 1J'médiate, la plus "palpà:>le", c'est-A-dire au niveau œ
sa rêa1isaticn œ "surface·. Pour ce faire il nous senble utile
œ passer par l' exanen œs questicns suivantes :
- OlE faut-i1 entendre d'me manière gênérale par interfé-
rence linguistique ?
- Quelles sent les circx:nstances particu1.ières œ productia1
et/ou d'ênmciatim œ l'interférence ?
- Cament saisir l' inf1œnce œs œux langues en cxntact qui

- 9 -
~t.enninent la producticn de l'interférence ? Comrent S};écifier
la langue "c.1bleft et la langue "source" de l'interférence linguis-
qœ ?
Q1 ne peut aborder ces questicns sans auparavant étu-
dier les noticns qui smt traditiamellenent associées il la pro-
ducticn de l'interférence: celle œ bilinguisre et d'aire cul-
turelle.

,.
-10-
1. ETUVE VES ASPECTS GENERAUX VE L'INTERFERENCE
I.l. BILINGUISME ET/OU MULTILINGUISME, INTERFERENCE LINGUISTIQUE
ET AIRE CULTURELLE
L'existenœ de l' .interférenœ linguistique came typ!
èS ~scours est liée à me situation de cx:mnunicaticn sp§cifiqœ
cl§tetndnée par l' .intervention de facteurs sociolinquistiqœs di-
vers et oanplexes. Parmi les plus maxquants en peut relever:
La oo-existenœ dans me zcne gêograrhiqlE bien dêter.m.1née, de plu-
sieurs
c::x:mmnautês 1.inquistiques et l'existence d' me aire cul-
ture1le qui subit l' .inf1uenœ d'une 1angœ et d'me culture dif-
férenteS. C'est œtte situatien 00 des 1angœs différentes sent en
ccntact qui est ~néra1errent ~signée_ par des tenœs tels qœ :
bilinquisœ et/ou mu1ti11nquisre.
Il nous senb1e toutefois néœssaire de lever une arrbi-
gultê qui est liée à la situatien de l'Afrique franCQI:hcne, ang1o-
mene ou 1uSO{i1ene
: Ici, nous renccntnns aisérœnt deme types
èS bi1.inquisœ et/ou de mu1ti1.inguisrre.
D'abord m bi1.1nquisre et/ou multi1.inguisre caractérisé
par la pIésenœ de p1usieures langues africa.ines dans un nêœ
pays, par exemple le wolof, le sérère, le dio1a etc. au Sénégal.
ce bi1.inguisre et/ou mu1tilinguisre des langues inter-africaines (1)
(1) Cf. AN'llIROPOIŒIE LINGUISTIQTJE DE L'AFRIQUE NOIRE, de Mauriœ
HOOIS, P. 10, P.U.F. Paris, 1971.

- 11-
ne sera pas cbordê ici.
Nous avens d'autre part un bilinguisœ induit par le
ccntact des lanCJ\\Es africaines et d'une langue occiCÈIltale.Jen
l'occurœnce, le wolof et le français dans le cas du Sénégal. La
productien de l'interférence dans cette situatien precise,' est le
fait de locuteurs bilingues, qui, soos la pœssien œ facteurs
socio-historiqœs et ~litiques divers ent été arrenés à partager
la n&e aiœ cultuœlle et lJnguistiqœ. C'est ce type de bi-
linguisœ et/ou de multilJnguisœ entre me langue africaJne et
me langue européenne dalt il sera questien ici.
Au Sénégal a1 la langœ wolof est parlée par plus œ
80 % de la populatien, ce bi1inguisre est souvent le resu1tat du
man1enent altemé du wolof dals le milieu socio-cu1tw:e1 d' ori-
gine (en famille par e~le) et du français dans l'adnJnistratien
QI dans le milieu sco1aiœ et universitaiœ. cette situatien
(1),
(1) A propos de cette situatien, une enquête (d§jà datée, 1964)
Iœnée par F. WIOI1\\ND liVIe cette cx:nc1usien :
"La seule affitmaticn qœ l' en ~ut avancer : le français
n'est pas pratiqueIœnt parlé cx:mœ eremièœ 1angœ par la
plupart des é lèves en âge œ sco1ar1satien :
. 0,87 % à DAKAR
0,22 % au SENEGr\\L
ces ~uroentages sent plus faJbles qu'en J:éa1ité car ils ne
tierment pas canpte des élèves de l'enœignerœnt libœ". Cf.
"L'expansicn du wolof au Sénégal", in Bu1letJn de l'I.F.A.N.
Tare XXIX, série B nO 3 et 4, 1967.

';'12-
engendre des effets socio-linguistiq\\Es bien CXI'U1US, caract:êri-
sês surtout par l'existenœ ce la dig'Lossie, c'est-à- dire :
"La. l,1.;tua,t.ion bUlngue dQ1t.() l.a.queUe une du deux
lmtguu ut de l,tQ.tut lloc.i.o-po.u.:ti.que .in6WeUlt': (1)
VoilA, d'me manière générale, le cx::ntexte qui penret ce ~cifier
l'univers culturel et linguistiqœ dans leqœl m peut observer
la productim de l'interférence linguistiqœ.
I.2. L'INTERFERENCE LINGUISTIQUE COMME L'INDICE D'UNE ALTERATION
DES NORMES D'UNE LANGUE, PRODUITE PAR LE CONTACT D'UN S1S-
mME LINGUISTIQUE DIFFERENT
1.2.1. Dêfiniticn de l'interférenœ linguistique
Si l' m cx::nsië@re les différentes dêfiniticns que les
dictiamaUes ce linguistique dament tE l'interférence linguis-
tique m relève d'une manière gênéraIe : l'idêe que 1'interfé-
renœ linquistiq\\E resulte d'un amalgarœ des nonœs des systèrres
linguistiques en cxntact par les locuteurs bilingues. Amalgmte
qui ~éralerœnt aboutit à l'altÉraticn des nomes des syst.êrœs
(1) Cf. Dictiamaire de linquistigue Larousse, de Jean DUOO18 et
ex>llâbôrateurs, Paris Larousse, 1973, p. 155.
selm Henri GOBARD, le ccncept de dig'Lossie a étÉ cree par
Ch. FERGUSSCN pour qui, il se caractérise "par une ~paratim
qui se faisait sur deux orientatims, une langue H (high éle-
vé) utili*pour la religim, l'enseignenent et d'autres as-
pects de la culture, une langœ L (!cM, camnme) emplO}'ée pour
les sujets qtX>tidiens, pour la maison, la famille et le milieu
de travail manœl". Cf. L'Aliénation linguistique, Flamnarlm,
Paris 1976", p. 32.

-13-
linguistiques en cx:ntact. Dans le Dictiamaire de LinQUistique
Laroosse, œtte idêe apparait dans œtte ~finiticn :
-
.
,
"On dli:. qu'il. tj a .inteJt6lJlenc.e tbtgLLi..6:Uque quand
un /'ujet bil1.ngue
(••• ) ~e dan/, une langue
.cible A un tJuU:t. phonU.ique, moltphologi.que, te-
x.ic.a1.. ou /'yn-taX-ique c.alr.act~w:Uque de la langue 6.
L'empJlUn-t et te c.a1.que /,on-t /,ouvent ~, a ,l' oJt.i-
g.ine il du .intelt6éltenc.u. M~ l' .in;teJt6~.Jr.enc.e 1tU-
te. .ind.ivi.duelte et .involonta1Jr.e, alou que l'em-
p1WJtt et le c.alque /,on-t en c.ouu d' W~gJtaÜOn ou
~on.t .in;t~gltl.6 dan/, la langue A" (7)
A qualques nuanœs pres, nous retrouvcns la nêne ~finitial dans
le Dictiamaire de la L!NGUISTICUE de Georges mmm. Sous la plu-
ne de Ja~s Ren:;ERO, al peut lire :
"Lu c.hangemenU ou lu Uen.t.i6.ic.aJ:1..ont, 1tl.6uUan.t
de/, c.ontac.U avec. une au.tJte langue, du 6a..U:. du b.i-
tbtgaUme du lo c.u.teuu, c.ont,muen.t le phbtomble
d'.intelt6~Jtenc.e .ung~ti.que.
L' .in.teJt6~Jtenc.e /,e man.i6ute dan/, te/, deux aJr.:ti.c.ula-
üon/, du langage. Au n.iveau de l4 pltem.ièJte aJtÜc.u-
l.td1.on, dan/, te doma.ine du tex.ique, eth d~tvun.ine
l'empJtWt.t (p. ex. foot-baU) ou le e.td.que (p. ex.
6.in de /'ema.ine c.ont,.t!tuU /,UJt le modèle de l&7eek-end).
Van/, le doma-ine /'yn-tax.ique une phJuUe du. 6Jtança.i.6
du M.idi comme: les FABRE sont venus avec ses (au
lieu de avec. leurs) en6an.t6 ut due, du mow il'
l' oJt.ig.ine, il l' .in.te.lt6~Jtenc.e du /,tj/,tème pltovenç.al
du po/,/,u/,.i6/,.
Au n.iveau de l4 deuU1.me aJtÜc.ula.t.i.tJn du .iden.t.i-
6.ic.a:tiont, de phonèmu /,e pltoduilton-t, qu.i abouü-
Jr.On-t il du /,tj/,tème/, /'.impUfyilÂ. Un b.iUnguL6me
6Jtan co-u pagnol, pair. exemple, 4/,/,.imil.vr.a. la c.huht-
.tan;te et la /'.i66lan..te du ~JtanÇ4U Isl et ISI. On
pMteJut Q.Ul,/,.i d' WeJt6éJtenc.e a pltOpo/' du mod.i6.i-
C4Û.0n/, /,ubfu pair. le 6Jtanç~ d'A.f..6ac.e en c.ontact
avec. un
tÜJ1lecte a.U.emand, donnant en 6Jtanç~ du
tJr.a1.:U phonU.iquu de c.e cLi.a.h..de" (2)
(1) op. cit. p. 265.
(2) Dictioonaire de la Linguisti~, P.U.F., Paris 1974, p. 181.
/

... 14 -
Au travers de œs œf:initms, m peut interpréter l'in-
terfêrenœ linguistique wolof-français came un eÏfet de l'usage
altemé CE œs deux langues en œhors ce l'aire culturelle et géo-
graPl1que œ La Franœ. ce faisant l'interférenœ l:inguistique
inteJ:Vient cxmœ un processus d'identificati01 et d'interacti01
œs nomes du systène linguistique \\\\~lof à œ1le du français ou
vice-versa. De œ1a peut résulter aussi bien la l1\\3Ilifestati01 d'un
accent, qœ la proouctim d'un parler "petit nègre". L'accent ré-
sultant d'une prcn01ciati01 prcduite par un déplaœnent œ la st.ruc-
tuœ né1odiqœ, articulatoire ou intmative , se manifeste prati-
quenent dans le français parlé à Dakar ou dans les capitales afri-
caines. Chez les locuteurs bilingues qui cnt une maltrise œs nor-
DeS syntaxiques et sfunantiques du français standard, la prcxluctim
œ l'acœnt ne porte pas atteinte à la ~rehensim du Dessage.
A œt égard, il peut être e:x;:mpal:é à la productim de "l' acœnt" tel
qu' m peut le ccnstater dans œrtaines regims œ Franœ ou de la
CCJI1llUl1auté francq::h01e : l'acœnt marseillais, œ1ui du jura, ou de
Borœaux, l'acœnt quebeoois ou suIsse etc.
Dans le cas de la productia1 du parler "petit nègre" par
exemple, le prd:>lêne est différent, car le sujet a une ~tenœ
très rud.iIœntaire de la langue françaire, et de œ fait l'altératim
des nonœs linguistiq..l3S résultant de l'interférenœ affecte l'en-
senble des nomes du français: syntaxiques, sS..mantiques, Plméti-
qœs et né1cdiques. ce qui entraine la producti01 d'un Dessage qui
souvent ~ trouve à la limite de l'intelligibilité cx:mre nous le
verrens plus loin.

- ] 5 -
Il. existe par ocnséqœnt des œgrés et des variatials
dals la productial œ l'interférence linguistique chez les locu-
teurs bilingues, et œla tient à des facteurs tres divers.
ces d>œl:Vatials liminaires pemettent de damer me
~ générale de l'interférence linguistique.
Nous alloos maintenënt essayer de cemer qœlques pro-
blêIres néthodologiqœs que soulève l'étude de 11 :Interférence l:ln-
guistique du wolof et du français.

- 16 -
1,3. LES DIFFERENTS ASPEcrS DE L'INTERFERENCE DU WOLOF ET DU
FRANCAIS
3,1. Prd:>lèIres rréthodologiques
SUr le plan stricterœnt linguistiqlE, l'lituœ œs aS-
~cts formaIs œ l' interflirenœ suppose la œscripticn œs sys-
têrres linguistiques en cx:ntact, la recherche œs difflirenœs qui
~uvent se manifester et qui ccnstituent la plupart du temps
la sourœ œs difficultés œsultant du double cx:ntrôle œs dif-
férentes nomes œs deme syst:è:rres linguistiques par le locuteur
bilingue. cette ~che qui est souvent adq>tée par les sIécia-
listes œ la qœsticn est œlle qui est pœcx:niree notarment par
Uriel WEINREIQI (1). Elle ccnsiste à <i§œler quelle est la langœ
sourœ "Sn qui provcque l'interférenœ linguistique, et langue
c:lble "C" qui la subit. Car à l'origine œ
l'interflirenœ, ln
nécanisrre intervient, qui est ainsi <i§crit par U. WEINRE:laI :
fi Lu ~.igne~ de la. langue "e",
c.' e~t à. diJte w
lllmeJt:to de ~on ~ y~t~me ~.i.gn.i.6.i.é ou o6..l.gn.i.6.i.a.nt,
6bt~~ent pM ê:tlte .i.denü6.i.éo6 avec. W o6..l.gne~
deo6 élémen.-U de la. langue" S;' gJtâc.e à. deo6 o6.i.m.i.-
Wu.deo6 de 60lUne eo6.6enUeUeo6 ou paJLt.i..eUeo6.
Vù lOM, le. bLUngue o6oumet &06 ê-Umenu
.i.denti6.f.lo6
de .ta o6O!l:te a un 4ai.:teme.n:t u.Ué-
mM obwo6ant aux nolUneo6 de.'" S;' le..6queU,u
(1) Cf. Uriel WEINRElœ, "Unilinguisrœ et Multilinguisœ", in
IE LANGAGE, Ehcycl~àie ce la Pleiaœ, (ouvrage collectif
sous la directicn d'André 1'1ARl'INET) , Gallimard, Paris 1968,
p. 649.

- 17 -
pOWl C.VLttWt4 po-in:t6, peuvent b.ie.n ne. plU CO/(.-
Jœ.6poncfJte il Cf.Ue.4 de. Cil (1).
. .
Chez un locuteur wolof parlant "~tit nègre" par exemple,
la cxnsame fricative [z) est souvent iœntifiée à la sifflante (sJ •
Cela p:>ur une raiscn bien sinple : la fricative [z) est une cxnscn-
ne qui n'existe pas en wolof. Sa st:bstitutim par [sl s'explique
par les traits qu'elle a en carmun avec cette cxnsame.
- leur ltICXÈ d'articulatim : nous avms affaire il deux cxnscn-
nes fricatives.
- La prox1mité de leur p:>int dt articulatim
( s1est pœ-dorso-alvêolaire
(z) est apico-post-alvêolaire.
- Ce sent œs ft iœntités da fonœs essentielles ou partielles"
qui· expliqœnt par exemple la productim de "bonsour" au lieu de
''bonjour'' dans le parler ."p!tit nègre".
Par cxnœqœnt, pour procéœr à l'étuœ da l'interféren-
ce du wolof et du français, il est impossible de faire l'écxnanie
d'une descriptim cxxrparative da leurs nonœs linguistiqœs res-
pectives. Car seule une telle d§mard1e nous penœttrait œ ocm-
prendre le prmcft:e qui se trouve à la base du proœssus d'enco-
dage œ l'.interférenœ linguistiqœ chez SEMBENE.
(1) Cf. "Unilinguisœ et Multilinguisrœ" cp. cit. p. 652
Cf. égal.errent Uriel WElNRElaI, in Languages in Ccntact,
2e éditim reVlE et argum:mtée, La Haye, 1962.

- 18 -
La d§marche êlaboIée par WEINRElaI accxmrodée au fcnc-
tiamalisre ce MARl'INET, il soovent pemds ce ~cr1œ le fcnctim-
nerrent de 11 interférenœ linguistiqœ en Afrique francq;hene.
Panni les nœbœux travaux cx:nsaCIés à ce sujet, et en
.
particulier à l'interférence du wolof et du français, il ne se-
rait pas inutile de s'an:êter sur ceux études (1) qui se d!st:in-
guent par leur exhaustivité et leur systéJnaticité. La viEée de
œs travaux est d'ordœ ~dagogiqœ -
ëIlélioœr llenseignerrent
du français et du 'Wolof au Sénégal - .
Il s'agit d l abord d l un article de Mauriœ CALWl', cx:n-
sacIé à l'étude des "Interférenœs du Ibenétisœ wolof dans le
français parlé au Sénégal, dans la Iégicn du Cap-Vert". Et œ la
thèse de Pierre 00MCNr, intitulée "les Emprunts du wolof au fran-
~" (2).
(1) Panni les ouvrages ccnsacres à l'étude du wolof, œux néritent
d'être signalés auxqœls nous fermt Iéférence égalerrent 7 il
Si agit de 11 étude de Serge SAWAGFt:Jr :
- DESCRIPI'ICN SYNQIRCNIOOE D'mol DIAIECIE \\\\OlOF: lE PARtER 00
DYOIDF, b'1.èse publiée dans res M§moires de l'Institut Français
d'Afriqœ Noire (œvenu aujourd'hui Institut fcndarrental d'Afri-
que Noire), nO 73, I.F .A.N., DAKAR 1965.
- Et du l ivœ de Pathé DIACNE : GRAMMf\\.IRE DE wor..œ MDERNE, :in
Preœnœ Africaine, Paris 1971.
(2) Pour œ qui est d'autres travaux cxnsacz:és à llétucè œ l'in-
terférenœ du français et des langtes africa:ines, en J;:eut cxn-
sulter avec intéret, les différents articles cxntenus dans les
Actes du colloque du Calseil Intematiooal de la Langte Fran-
çaiœ, a:nsacrés aux "REIATIO'J'S ENTRE LES IA'JQJES NEGRO-AFRI-
CAINES et lA UNGUE FRANCAISEii .Signalcns notarnrent les arti-
clës suivants :
- "I.a Situaticn du français au Sénégal" par Janine BA'I2ULLE,
p. 198-190
- "I.e Français du Sénégal et ses particularités" par Daniniqœ
GCNTIER, p. 190-208

- 19 -
Pour CALVE:r, ccm:re pour DUMCNT, l'interférence lmguis-
tique produite par le locuteur wolof résulte d'un transfert néga-
tif d lhabit\\rlesarticulato1res du \\'JOlof sur le syst:èIre français
(cf. IXJM:NT p. 12 et CArNET p. 525). A partir œ ce cx:nstat CAIr
VET dent le but est -œ "simplifier" et "dl adapter" llenseignenent
du français au Sénégal va proc:éœr à la œscriptien œs péanènes
dl interférence pour réduire les fautes œ français chez les élèves
œœgalais.
Dans cette ~r~ctive, en ~ut cx:nsià'her la dfunarche
œ M. CALVE:r, came relevant Çi'une étuœ du processus œ lJ)olofisa-
_tion du français au niveau œs norrœs Plenétiqœs et nélodiqœs.
ce qui 11 éltène à êtablir une narenclatw:e œs différents PlenèIœs
du. wolof et du français, à canpaœr aussi la structure syllabiqœ
et intcnative œs Œme langlEs. Travail qui aboutit à l'esquisse
dl un tableau presentant SOlS une fOIIŒ! S}'Ilthétiqœ les différences
suite œ la note (2) œ la page
-"Bilan œs Iecherd1.es nenées par le C.L.A.D. sur la langlE
française, DAKAR, p. 317
- m Colloqœ du. Censeil Intematienal œ la langlE fran-
çaise, DAKAR, 23-26 mars 1976.
Signalens enfin un ouvrage collectif qui vient œ paraltœ :
lexiqœ du français du Sénégal, par J. BIlNDE, D. cnwIER,
P. IXJMCNT. Nouvelles Editials Africa:tnes, DAKAR 1980
- Maurice CALVE:r "Interférences du Iilenétisrre wolof dans le
français parlé au Sénégal dans la Régien du Cap-Vert", con-
municatien pxésentée au Fourth-West-African Cengress (lbadan
1964) ptbliê dans le Bulletin œ
lIIFAN, t. XXVI, férie B
n~ 3-4, p. 518-531
- Pierre W~, les ~runts du wolof au français, thèse ce
3e cycle dactylograrne, pûbliée par le C.L.A.D. nO SO, 1973
642 pages.
Cf. égalerrent Geneviève N'DIAYE, in Initiatien à la linguisti-
que générale. ASFScts et prd:>lèrres du bilmguisre C.L.A.D.
XXVI bis (llenseignerrent du français au Sénégal),DAKAR, 1967.

'- 20-
et les similit1.l.Œs qu'm peut d:>server entre le syst:êIœ IilO15na.-
tique du wolof et celui du français. cette ~marche ~tive
cx::mporte d'énomes avantages sur le plan ~dagoqique, car elle
~met de dêgager toutes les fomes virtuelles des interof~l'8nces
fautives, en nettant en évidenœ ses causes. cette rethode dite
contNstive et/ou differentiel,1,e a fait largerrent ses preuves en
linguistique awliqu§e (1).
L'étude de CALVET prend cc:mre point de départ le anstat
suivant: chez les élèves africams, il existe ml "accent" qui, dit-
il,
"Si l'on ft' lJ p1Le.nd gaJr.de wque de compJUmIe.t.tJte l' br.ûJr.-
compll~enl,.i..on", celu.i..-d, "p1Lovoqu~ pa1I. te lLe..toUJl
l,lJ~téma:Uque d'un ceJr.ttUn nomblle d'écalLh pltonW-
quu, el,t déteJlm.i..né pM
te l,ub~:br.a:t .ung~:ti.que ;
c'ut le :tJr.o.n66e1r.t d' habUudel, aJtilc.u.tJ:t:to.i..Jr.u IUjth-
mlquel, et .i..ntonativel"
pJlDpllel, a ta langue matell-
neUe danl, ta langue "é.tJr.ang~lle". En un mot, ct ut
un
phé.no";~ne dt .i..ntvr.6êJr.ence" fp. 519).
0' après mUlET, toutes les realisations de nIt acœntn
ne gênent pas la a:mnunicatim, d'a1 la nécessi.té de cemer
l'existence d'me "marge de tolérance de l'accent" jugée came
• acceptable". Car au-delà de œtte marge de tolérance
le nes-
sage produit par les locuteurs bilingues est ''brouil,U'' et de
(1) J. Paul VINAY, soutient que cette n'éthode a êb§ inauguree par
Wiliarn G. MCUL'Im (in La LiIlqui.st~ et les professeurs de
langues, in langues Médëmes, Paris
963). cC "Enseignerrent
et app:œ.'"ltissage d'une langue reccnde", in IE IA"lGAGE, MARl'I-
NET (ot'rJrage collectif), op. cit. P. 707.

- 21-
œ fait s'identifie à ce qu'm pourrait appeler avec les théori-
ciens de la cxmnunicaticn du "bruit". Il s'agit par ccn~t de
cirocnscrire de tels effets, produits par me ];el:Versicn des nor-
res linguistiques du français par les locuteurs bilingues.
C'est aJrisi qœ l'êtude carparative de la structure syl-
labique du wolof et du français, dame le œsultat suivant :
Français:
l-hlof :
cv
cvc
ccv
vc
v
cv
cvc
YC
ce qui permet de ccnstater l'existence d'une tendan-
ce à la syllabaticn fentée en wolof et ooverte en français. CALWl'
va aussi entreprendre me êtude statistique des êcarts linguisti-
qœs produits par les êlèves à la suite d'me enquête effectœe à
'1b1es. Etude qui ];errœt de classer les êcarts suivant
leur fœ-
quence :
"Le calcul poJ1te ~UJl 225.000 phonb7u :
Le poUJlc.entage e.~t c.alc.ulê. non pllû en 6oncûon
du phonèmu, mai.6 e.n 6oncûon du nombJLe total.
du éc.lVtt.A (••• ), ~oU 35 % du éc.lVtt.A globdUX
Aortt c.on~tUué~ pM la ma-uvtti6e. cUldJti.blLÛ.On de.
i' dc.c.ent!' (p. 525).
D'autres resultats aussi intéressantsn'éritent d'être si-
gnalés, ils portent mIr l'altératicn des nomes rncnétiques, mais

- 22 -
SQl.t liés, œlm l'auteur, r àu {hénaœne ce "1' acœn17". Ainsi :
"l'attongemen-t du voye.t.i.L6 .ina.cce.ntu.é.u vient
au" :tJLoi.4.i.hne ILang du é,c.aJr.:tJ"
a.vec pW de 1000
mœU6e~.ta.t.ionJl ~ou. un poUllc:en:ta.ge de 15 %".
ce p,.ênarène s'expliqua par le fait qlE la quantitê vocalique est
un trait Ibmologiqœrœnt pertinent en wolof et nm en français.
res rêsultats qui nous intêresœnt portent égalenent sur la ~
llsatim du [r] apical en p::>sitim fmale : 8,50 % des écarts.
ce qu'il ccnvient ce relever, c'est qu'en wolof il existe un[ rJ
apical et nœ le[R]uWlail:e français. Or, il est plus facile de
~œr le Cr) apical wolof qlE le [R] uwlaire français. Ainsi
pour éviter la ccnfusim de roots tels qlE "tour" et "toux", "jour"
et "joœ", l'auteur estiIœ "qu'il est souhaitable d'entra1ner les
élèves à prmcncer le [R) uwlaire", d'autant plus qlE le wolof
di5poœ ce la fricative velaire source [x) (reali~ came la "jo-
ta" espagnole) qui est p:œ~ realire a::mœ le [R1uwlaire. Il
existe toutefois une différence entre ces œux phcnèrœs, c'est
qlE le [R] est \\J'le vibrante et pas le [x] .
L'incapacité à rendre les grcupes de cxnsames, reprê-
œnte 6 % des écarts (fr, kr, gz, sp, etc••• ). I.e rzJ représente
5 %J la nasalisatiœ 5 %, le r31 5 % : la cxnfusicn rü] - [ i] et rü] -
(uJ1 %, et parmi les écarts dent la frequence est inférieure à
1 % œ note la cxnfusicn [ J] et [s J ' la chuintante et la sif-
flante.

- 23 -
L'intérêt d'une telle approche èe l' interfére."lœ est
évident, dans la Iœ5Ure où les sources essentielles èe Z' intez-
f6rence fautive Salt localisées d'une manière irrrrédiate. les
orientatims et les Iésultats èe œtte étuèe appellent œpendant
qœl.q\\:es œnm:qœs.
Tout d'abord, la productim èe l' interférenœ étudiêe
ici, est œlle qui se manifeste prioritai..r:eIœnt en milieu soolai-
re, d'autre part les altératicns linguistiques cx:nstatées ici,
portent uniquenent sur les nomes };hmétiqœs et rrélodiqœs du
français. Si bien qœ l'chjectif èe l'auteur œnble se :réduire à
l'arrélioratim èe la prcnmciatim des élèves sénêgalais. ce fai-
sant, il ac::cx:>rœ une priorité trop étendœ, à notre sens, au
"Code oral" sur "le code écrit" français. Pour l'anélioratim èe
l'enseignexœnt du français au Sénégal, cette visée nous œnble
.
.
réductrice dans la nesure a? d'autres aspects èe l'interférence
ne sent p3s pris en ccmpte, et qui ont égalerrent leur pertinence :
l'interférence Bênantiqœ et syntaxiqœ par exemple pour ne citer
qœ celles-là.
les limites èe œtte étude aI=Çëlraissent également dans
les cx:ncepts utilisés ici, et surtout le ccnœpt "d'accent" autour
dupal s'organise sen étuœ œ l'interfé:œnce du wolof et du fran-
çais. Ce ccnœpt awartfent beaucoup plus à la };hcnologie expres-
sive et/ou à la fhœostyli&JŒ, qu'à la fhcnologie pI'q?renent dite.
\\
.Or pann1 les chjectifs qu'un linguiste cx:mœ Nicolas S. TlUJBETZKOJ
assigne à cette discipline
-
qu'il canpare à l'étude du oosturre

- 24 -
en etlmologie
-- on note :
"Le;., p,'Loc.édé.o pf1orJ.que1:> quJ.. caJc.a.c.téwtn.t J!..e6
-6uj ut, pa..-'LhtI1.tt. c.omme appa.JL.tenan:t à du type6
hwncUn6. • ." (1 J
C'est pour cette raison qu'on peut considérer l'accent
sénégalais corrrœ un des traits distinctifs du français parlé au
Sénégal, ccmre l'accent belge ou quebequois penœt.tent d'indiquer
le français belge ou québéquois. L'accent est un discriminant de
type idiolectal et/ou sociolectal et de ce fait, il pennet de dif-
férencier le français parlé dans les différentes cœmu!1a.utés de ce
qu'il est convenu d'appeler la francophonie.
Dès lors, on peut légitiJnem:>..nt s'interroger sur la valeur
opérationnelle du concept d' acœ.nt tel qu'il est utilisé par lA..aurice
CALVEI'. on ne voit pas en effet ccmnent l'accent penoot de différen-
cier des types d'interférence aussi éloignés que le français parlé
il DAKAR et le parler "petit nègre" qui relevent de deux rrodèles de
c::acpêtence du français qui se situent pratiquement aux antipodes
l'un de l'autre.
Or le paradoxe de la démarche de CALVEl', c'est qu 1elle
pemet de rendre cœpte des deux phénanènes d'interférence. Par
cons€quent
ce n'est pas sa description de l'interférence qui. se
trouve en cause, mais sa conceptualisation
réd:uctrice.. L'accent
subsumant chez lui des phénanènes d'interférence qui se m:mifes-
tent à des degrés différents et sur des Œ'~tés linguistiques qui
ne sont pas toujours les mêrres. Le français dakarois produit par
(1) Nicolas 'l'rom3ErZKùJ, in Princi~..s de Phonol<.?g'ie p. 19 (Trad.
J. CANI'INFAU).

- 25 -
ces intellectuels ne se differencie du français standard qu'au
niveau .intmatif et nélod.1qua, tandis que le parler "~tit nègre"
qui est le produit d'une altératiœ œ toutes les unités linguis-
tiqœs françaises se rapproche beaucoup plus d'un "pidgin". Cette
diffê:renœ est capitale car elle a œs effets aussi bien au niveau
œ ).a productiOl que œ la œœptiOl du rœssage.
CALVE:r, œnble être ccnscient œ œ prc:b1èrre, car il va
.introduire la notiOl œ "seuil œ tolêranœ" œ l'accent graœ
aUIŒl la productiOl da l'interférenœ ne ruine pas la ccmnunica-
tim, œ qui est le cas, sela1 lui, œ l' acœnt œ Marseille ou
c}a Lille. Exenple qu'en ~ut aussi appliqœr au français parlê par
les :Intellectuels africa.ins. Mais la notien œ "seuil de tolércmœ"
es~floœ, il est préfêrable œ recourir au ccnœpt œ ~le œ o::m-
~tenœ qui ~J:Iœt œ mieux êvalœr les différentes fomes œ l'in-
terfê:renœ.
les réserves qœ noos venens œ formuler n'ôtent rien à
la qualité. renm:quable œ l'étude œ CALVEl', qui dans œ danaine
a fait œuvre dP piamier. Dans le d'lamp d'.investigatiOl œ l!in-
terfêœnœ wolof-français, sen article est œvenu une référenœ
classique.
Quant à la thèse œ Pierre DtJM:Wr, elle s'attad'le es-
sentiellerrent à la descriptien d'une catégorie lexicale qlE l'en
pourrait à§signer avec Louis GUIlBERI', par le ccnœpt de xénisme
(1), parœ qu'il s'agit precisérrent ce xrots étrangers intégrês
dans le lexique wolof, en \\ID m::>t d'un Fhénarène d'empnmt.
(1) Cf. la Créativité lexicale, Peris, I~arousse 1975, p. 91 et 8;1.

- 26 -
Pour Pierre DUM:Nr, il s'agit d'examiner l'ensemble œs
.
.
cxnsidératials qui president à l'intêgratial du :J:~nisme fran-
çais dans le systêrre lexical œ la lang'.E wolof. ce qui suppose
l'analyse ces cxntraintes Iflcnétiqœs et Iflalo1ogiqœs, IOOXJ:i1o-
~taxiqu:!s et sêmantiqœs qui interviennent. Projet qui l'arœne
dans une partie cx:nsacl."ée à l'étuœ Ihalétiqœ et IflO'lologiqœ à
OCIlpëlI'er la cxnfiguratial œs systèIœs voca1iqœs, cœ.sc:nantiques
et œ la structure sy11abiqœ œs œux languas en cxntact, le wo-
lof et le français. ce qu'il faut souligner c'est que toute cette
partie ce l'étuœ œ Dt.Jl'.INr s'appuie 1argerœnt sur l'étu-
de œ CALVEJr et sur celle œ serge SN.N1IGFJ:1r (Descriptial
synchralique d'un di-alecte wolof: lE PARtER 00 DYOIDF, op. cit.
cf. Note supra). Ensuite dans une partie cœ.sacœe à "l'étude
fxéqŒmtie1le et lexicale", l'auteur va proœœr à une typologie
œs mots français dent la fzêqu:mœ dans œs occurences produites
par les 100lteurS wolofs est élevée, rooyenne ou faible. Et une
troisiêne partie œ la thèse rera reservée à l'étude ces ccntrain-
tes ~taxiques liées à l'intégratial œs rrots français dans le
lexique wolof.
en ne peut dalc pas procéœr à une cc:rrpa.raisc:n ce la
~ œ DtKNT à celle œ CALVET, rrêrœ si œ temps à autre
quelques sirnilituœs se manifestent ici et là, œr ici, le pro-
jet est plus anbitieux, d'autre part c'est le prcb1êrœ œ z.'em-
pl'W1t qui est abord3 avec toutes les implicatials que cela sup-
pose.
Ainsi, si CALVET s'en tient à une cescriptial stricte
du pr0c2SSUS de h'o'Lofisation du français, c'est à dire à un cas
àl l'interférenœ est provoqu§e par le wolof qui est la "sourœ"

- 27 -
ce l' mterférenœ
I>UM:Nr au cxntraiJ:e est ooligê d'adopter une
f
.
.
nêthoœ qui traite l'interférenœ wolof-français en "am.::nt" et
en "aval". Autrerœnt dit IX.JM:N"r analyse aussi bien le Fhénaœne
ce la woZofisation du français, ou le français apparait cxmœ
1angœ "cible" ce l'interférence dans le danaine phooétique et
Ptalo1ogique, que ce la francisation du woZof, ou le wolof est
"cible" de l' interfél"'eIlce dans le dana1ne lexical. cette cemiè:œ
se manifestant surtout par l' intégratioo massive œ x~nismes
français dans la langue wolof.
ce qœ décrit Pierre Dt.JM:Nr, proŒce en SCJ11Te d'm Pté-
nϏne ce dAtemtoriaUsation et de reterritoriaUsation (1) du
français par le wolof, car il y a intégratial dans le systêne ],aü-
cal wolof ce lexèrres français qui scnt totalerœnt assimilés, voiI:e
"Ptagocytês" par la 1angœ wolof. ce processus est perceptible dans
cette J:emanIUe ce Pierre DUM<Nr :
"La. tangue. wot06 e~.t oolttement .in6tuencée. pail te
6Ilança.i6. Celle .in6tue.nce e..6t ~WLtout llema1lquabte
dan~ te~ zonu UJLbcUne~ et en paJt.:U.c.uUe.1l à VAKAR
te.~ deux tangue~ ~ont en étnoit contact.
En dehou du p!lobtè.me~ b.œ.n plLéc.i6 que po~e.
t' a.ppJten:tl.6~a.ge d'une tangue ~e.conde, on peut b.ien
vW6-i.vr. que te.6 .tJt.aJt~ 6ew ne ~ont p~ toujOuM
de ta. même. tangue e.-ible veJtSta tangue ~0U!lc.e.
(1) Nous uti1isc:ns ici les cxncepts de Gilles DEIEUZE, qui alt };er-
mis ce décrire les rrêrres phénarènes cnez les Noirs ces Etats
Unis et chez les juifs Tchèqœs. C'est ce qui explique :
"Comment t'angta.i6 véh..l.c.u1.a.hr.e dUe.Jr.JUtoJri.lJ.l.,Ue te.6 Nofu qu..{.
~e. 1'ueNLUoJt.ia.UJ.,e.nt dan~ te Btac.k.-Engwc.h. Comment t'a.ttemand
de. P1la.gue. était déjà déte.MitoJri.a.U..6é ; comment le.~ ju..l.6~ 'lu..{.
~e. ~ont ~épaJt~ du Tchèque !lU1la.t, u~a.i.e.nt de ~e JLetR.NU:toJUa.-
fuVt ~U1l cet a.U..e.mand a.vec .tou.te~ .sOMU d'aJtt..l.6..l.cu l1..ngu...l..6-
Uque~ et c..uttu.J-..eù etc". Cf. La. préfaœ de l'Aliénatim lin-
guistique œ Henri GOBAHD, p. 13 (Cf. note-supra).

- 28 -
L'int~6~enee de ta langue ~eeonde en l'oe~en­
c.e. le 61Ut1lç.lÛ6, ~UJt /JJ. tangue pJr.emfue ut ~uJr.:totLt
v-Ui.ble dan/) te domaine leuca1.. Le woto6 de VAKAR
u t bnaU.lé de. mot6 6Jr.anç-t:t.U, plu.6 ou mo.in6 woto-
6-U~, ~'ut a d1Jr.e. .in:t1.gJr.ù dan~ ta langue woi..o6.
On petLt cUeJl li ex.empte de. SIS qui vient du 6Jtan-
Ç-t:t.U ch0.1.-6e" (l. )
Il faut relever ici un problêJœ Iœthodologiqœ sur le-
quel l' auteur n'insiste pas assez et qui a des implicaticns épis-
télt'Ologiqœs sérieuses :
le processus de lIJoZofisation des nomes };hcnétiqœs du
français, intervient clans le· cadre d' me f2"ancisation du systême
lexical wolof : chaise qui est un lexèIœ français, dame en wo-
lof la prcncnciaticn SIS
• ce qui s'explique notarrtrent par
l'absenœ du IbcnêJœ (f) en wolof, auquel se substitua [s], et
le [ZJinexistant"wolof qui devientIsj.
li1
I.e
qui passe à
.
[ l Jsoos la pression de l'entouraÇ2 {ilmétique. Ce prcblèIœ est
essentiel et surtout dans le cadre d'une étude ccnsacree à l'in-
terférenœ linguistiqœ, car on proc:Ède souvent à me utilisaticn
qlElqœ p:!u abuslve de la distincticn langue cible/langue sourœ,
oc:mœ si œla allait hatu:œllerœnt de soi. Il nous senble légiti-
Ire, à la lumière des analyses qui preœdent de nous interroger sur
la p:!rt:1nenœ des fcnderrents sur 1eSIŒls peuvent rep:>ser une tel-
le distinction. Nous avons pu çxnstater qlE dans les empnmts du
(1) lES EMPmNTS 00 \\<.ur.Œ 'AU FRl>NCAIS, op. cit. p. 18.

- 29 -
wolof au français l'interférence linguistique n'intervenait pas
dans un seul sens, ce qui prouve qu'il existe bien me interfê-
rence reciprcque des sytênes en cxntact.
C'est pour cette raiscn
principalerrent, qu'il est néces-
saire de proœder à un rêêxarœn ·des cxncepts de langue cible et de
langue source et de preciser éventœl1.eIœnt dans qœlle nesure leur
usage peut s'avérer pertinent dans me pratique descriptive.
Par cxn!!êquent, il est nêcessaire, si 1'00 proœde à l'ê-
tme de l'interférence du wolof et du français de preciser preala-
blerœnt, en ce qui cxnceme par exenple la bJoZofisation du français:
qœ c'est le français qui cxnstitue la lëllgue cible de l'interfê-
rence linguistique. Mais si cette precautim est nécessaire, elle
ne senble pas pour autant suffisante. Aussi faut-il ~tenniner avec
precisial l'enserrble des uni~s linguistiques qui, sous la pressial
ou l'influence du wolof oot fait l'd:>jet d'me al~ratioo des nor-
nes du français. Et cela en precisant les niveaux P:iO'lêt!qœs,
syntaxiques et l.éxicaux du français ayant fait l'd:>jet d'me altê-
ratioo sous l'influence du cxntact de la langue wolof.
Ensuite pratiquer me dêma.rd1e analogue en ce qui cxncer-
ne par exenple la francisation du bJoZof. Par cxnsêq1Ent l'utilisa-
tial de la notim de langue s:>uree et de langue cible, ne peut s'a-
vérer prcbante qœ si au préalable, 00 a prooêder à me loca1isatial
des uni~s et des niveaux linguistiques ayant fait l'd:>jet d'une al-
~ratial soos l'influence du ocntact d'un syst:èœ linguistique dif-
fêœnt.

- 30-
cette démarche penret d'expliquer que l' introductim
d'me nouvelle mité lexicale du français dans le wolof, :relêve
d'une francisation du système le:cical bJolof. Mais aussi le fait
qœ œtte mité lexicale se sourrette aux contraintes rhmétiques
du \\VOlof, :releve de la bJolofisation phon~tique du français .. Nous
avens l' exerrple de "sarbe t" qui vient du français "servie tte" •
Nous allcns maintenant p~der il me cx:mparaiscn de systêIœs
};i1cnétiques du wolof et du français.
3.2. Etude du svstêrre vocali9œ du wolof et du français
Nous nous appuie~s ici sur la classificat1cn êlabo-
ree par P. IXJK't.."T qui a fait la synthêse des :recherches él.aboœes
dans œ cbmaine par Maurice CALVE'l' et serge SN.NN;FJ:Jr.
Pour élabo:rer la canparaiscn des deux systênes };i1C11olo-
giqœs et rhm€tiques
du wolof et du français, Dt.JM:Nl' s'a};Plie sur
trois critères; Pour les voyelles :
- le degré d'aperture
- la classe de localisatim
- la présence ou l'absence de nasalité.
Des critères qui donc traditiamellerœnt relêvent de la
rhcnologie structurale. Ce qui lui penret, pour ce qui est du voca-
lisne français me représentation qui apparait dans trois tableaux :

- 31-
Le tableau 1 {X'rte sur les degrés dl a[erture
DEGRE
APERrURE
PHCNE:-iE
degré 1
miniJnale
i
--
u
degré 2
noyenne feInée
e
-
Q

degré 3
m::Yje1Ule ouverte
~
..
:)
degré 4
maximale
a
~
Le tableau 2 {X'rte sur la classe de locallsatim
ClASSE
I.œALISATIŒ
PHCNEME
clasEe nO 1
i - e - f-
a
classe nO 2
u - 0 -~-
classe nO 3
U-llS-
le tableau 3 {X'rte sur la nasalib§
VOYELIE ORAlE
NMALITE
VOYELLE NASAIE
-
-
a
a
-
;)
?
-
E
-
-
E
....
CS!
-
~

- 32 -
Quant.-au systène vocaliqœ wolof :·nous avalS :
Tableau 1 : le degré d'aperture
PHOOE}Œ
.
degrê 1
miniJrale
i : , u : , i , u
degrê 2
noyenne fenœe
e : , 0 : , e , a
degrê3
troyenne ouverte
degrê 4
maximale
Remarques : li :1 represente le Iii 1cng par oppositicn au
Iii bref. les 1:1 nw:quent ici l' a1101genent vocalique, car la
quantité vocalique a une valeur P'1a'lologique en wolof et non en
frël"lçais a1 il est souvent ~tenninê par l'enviramenent Ii'101éti-
qœ ou la structure sy11abiqœ (1). Ainsi en wolof nous pouvœs avoir
par exemple le rrot "tis" [tis]
qui signifie éclabousser par ap-
position à "tiis" [~i: ~ qui se1m le cx:ntexte peut signifier
inqui.êtude ou tristesse.
te tableau N 2 represente la classe de localisaticn
(1) Pour œ qui est du systè!œ vocaliqœ wolof cf. égalen'ent Ser-
qe SMNN;ECIr, in I.E PARIER DYOIJJF, op. cit. p. 35-37 et Pathé
DIAGm : g;:alltnaire dlL wolof r-lôêlê'me p. 31 et sq.

- 33 -
CIASSE
IDCALISATIŒ
PHrnEH:
clasœ 1
antêriew:e ncn
1 : , e : , E :, 1, e
arrmdie
f,
classe 2
tx>stêriew:e ~
u, o :, ~:, u; :)
Ialdie
classe 3
antêriew:e ~
ë
Ialdie
Nota: /6/ peut être pnncnœ a:mrre le ~ de "feu" /f~/
La nasallté n'est pas un trait lil010log:lquerœnt pert:1nent
en wolof.
La oanparaiscn du systàTe vocalique du wolof et français
est ainsi schêmati9"'e par Maurice CM.VEI' (p. 520).
u
~---_--:=-
yO
u :
,..----:I1S:;-::::O:-----------t CJ
o
A
o :
a :
• = rnonèTes c:xmmms aux èeux syst:ênes
t1 = IilO1êrœS du wolof n'existant pas en français
o = Iilcn~s du français n'existant pas en wolof.
/

- 34 -
3.3. Systêmes des sms ccnscnantiqu::s du wolof et du français
3.3.1. Tableau des SO'lS ccnsmantiques du nrançais
voir page 35
3.3.2. Tableau des sens cx:nsenantiques du wolof
voir page 36
."
......

OCCWSIVES
ceNSTRICTIVFS
CRAIES
NASALES
FRICATIVES
·IATERA!ES
VIBRANTES
Somdes
scnoœs sourdes sc:noœs
Sourdes
sc:noœs
SQloœs
Bilabiles
p
b
m
Apico- dentales
t
d
n
-
Dorso-palatales
n
'1
y
Dorso-ve laires
k
g
Labio-dentales
f
v
-
PJ:ê-oorso-alvêolaiœs
s
z
Apico-prêdorso-alWolaiœs
J
3
1
r
Uvulaires
w
R

oœœSIVES
CCNSTRICl'IVES
ORMES
NASAIES
FRICATIVES
IA'l'EPAIES
VIBRANTES
sourdes SCI'lOœs
sourdes scnoœs
sourdes
scnoœs
scnoœs
.
~ilabial.es .
p
m
b
~ic:x>-à:mtales
t
d
n

,.,
borso-palatales
c
y
3-
n
borso-vela1œs
k
9
')
iLabio-œntales
f
rPxé-dorso-alvêolaires
s
iAPico-pre~rso-alvêolaires
l.
r
~wlaiœs
q
x
w
\\.
Séries <Ès cxnsames p~-Ilasa-
nisêes
tnP
.-nb
Bilabiales
(",:
~t
nd
Apico-dentales
01

Apico-dorso-palatales
ne.
.... J
1
Apico-velaires
nie
na
Apico-uvulaire
n~

- 37 -
'Remarques : L'étude des ccnscnnes prénasalisêes fait pl:d:>lèœ 1
serge SMNAœDr sien fait d l ai1leurs l'écho dans sm "Etude syn-
du:mique d' m dialecte wolof : le parler du
Dvo1of". Après
1
avoir classe
les ccnsames pœnasa1isées wolof dans le chapitœ
- "
.
)l.. cx:asacœ aux "CXI1binaisc:ns de P'lmênes", cil les ccnS)l'lIles en
Q\\Estial sent ccnsi<i§rees came m grouperœnt nasal + occlusif,
11 écrit:
"CU ~on.6onne~ qu-i. ~onJlUtu.ent lA. pJr.em-i.Vl tvune de
ee.6 gllOupemen.u p1t~~entent la c.aJr.a.d~wti.que de ne
p~ po~~èdeJl de paJr.:t1.~ul.aJLit~ de loc.o.l,..Ua.:ti..on. Il en
1t~uLte un aJr..chlphonème n~al., lequel ut ~onc:ü:tLon­
nl extVû.e.uJtement, c.' e~t-a-d1Jr..e, dont la loc.aUJla-
üon
.6e ~on~oJlme a la. ~lJtie de loc.aUJlaJ:ion de l' oc.-
eltL6-i.ve qu-i. ~u.U. Ai..n~i.., on a :
J
le
[",,,],[ttll].[n~]. [~P"1.[~.14J, [!J'I
I l Y a danJl toLLil c.e..6 CM, neutJr.a.t.i.l,a.:ti..otU du op-
po~WonJl e.ntJLe toute~ le~ nc.t6ale.~, le tJr.aU:. peJt-
tine.nt ltant la. n~aU.t1." (p. 46) (1) •
A la suite de œs ~ s SA~or rose la questial suivante :
"Vu 6aU qu'aucun a.utJr.e type. de gJr.oupe.ment c.on~onan­
tlque n'a pu êtJt.e. Jr.el.ev~ dan.6 le.JI pol,UlonJl c.i..-du-
.6LLil -i.ncü.qu~e6, il. y a l1..eu de Jle demandVl JI-i c.e que
noUJ! avonJl c.on~i.d~Jr.l jMqU' -id c.omme la ~omb..inai..Mn
de deux
honè",e~ ne. doit ~ êtJr.e i...nfelr.. Jtêtê. comme
un
tOn me wu ue.
ft
eJl
eJUneJl, ~ommeJl-no~
en pJtUe.nc.e
oc.Ct..u..6i..veJ! du. type ~em-i-n~~~([b .
::! ,~
i' 1:, ] ) etc.
Deprls lors, les recherdles dans le danaine de la P'l0'lê-
tique africaine mt o:rmu un œrtain progres. Car ccnsi~rant les
ccnscrmes prenasalisêes dans leur ouvrage intitulê Initiatim à la
Phcnêtique, J. THCMJ.\\S, L. l3CI.JCUIAtJX et F. c:rmREC-HEISS notent:
(1) c'est nous qui soulignms.

- 38 -
"Ce.t:te aJt1:1.c.ula:Ucn e.omphxe, eommençan.t comme une
n(Ua,4, '.&' a.chève colmfe une o1Ul1..e, au même po-int
d'aJr:t.<.c.ula.tion. I c.i.. non plu6, on ne doU~ la.
c.onllhféJr.vr. comme une llue.c.elllli.on de deux
c.u.l.a.-
llânll : nallâle + oïiâ1i
ma..-tll e.omme une unué. all-
Uëi11â1ohœ., dont lill âeux. lempll pJtbtupaux, la
6vr.më1Wie pu..U la. Jr.~ouvVf1J.LJr.e de l' oe.c.tu.ll-i.cn bue.-
eo.t.e, lie combbtent a.\\Lee. du typell d'aJLt.i..cu.la.tionll
di~6~Jr.entll, llelon que l'o.1Jr. expiJr.~ empJr.unte une ou
deux vow"
.
ils ajoutent :
"La. dwrl.e de Jr.~aLi...llo.ti.on d'une llem1.-nMo.h, pJr.~- ou
pollt-nMo.te n'ut pM llupVueu.Jr.e, ou lleu.hment de
6a.ç.on 1.mpeJr.e.ep.üble a l' oJr.eille, à. c.e.Ue d' wte oJr.a.-
le; eUe ellt llouvent a tJr.èll nettement, bt~éJùe.UJt.e
a e.ille d'une: nMo.l.e" (7)
cette op1nicn est égalenent partagée par Pathé D:IJ\\œE
dans sa Gramnaire œ wolof moderne, quand il écrit:
"Le llYlltème con4onantique wolo~ pOllllède un c.e.Jr.taln
nombJr.e d' ~lb!enu Jr.éllu..Uant de la. nMo.t1.lla:ti..on d'u-
nU~ll phonétiquell 6ondamento.tell.
Ce pltoe.ellllUll de nMa..U..6a.tion ellt alllleZ g~lJr.o.t. Il
4~necte la. ma.jeu.Jr.e p~e dell ll~Jr.1.ell e.onnuell.
Vu pobtt de vue de ta. Jr.~a...U..llo.ti.on, une conMnne
~ondamentale nMa..U..6~e e.OnlleJr.ve lion pobtt d'aJr.tic.u.-
la:ti..on btUJ..o.le. La nouvea.u.t.~ Jr.~llu.Ue de l'~a­
.tion dell 60114U nMaf.ell pou.Jr. expi.Jr..eJr. l'aJ.Jr.. comme à.
pltDpOll d'une e.on.&onne nMo.te ll-imph. L' ano.tylle du.
ph~nomène Jr.lvète que la. tJr.an1l6oJr.mo.ti.on ll'e66ec.tu.e
conme ~ c.ombbta.i.Aon entJr.e la. e.onllonne 6onda.menta.-
le U
nMâle de la. mVne lléJr..ie. ThéoJr..i.quement tell
e.onllonnell nM~.&ée~ llont c.Onll1.d~Jr.~ell comme
onê-
mell un~QUell
et
(1) in : Initiaticn à la Iilcnétiqœ, PUF, Paris 1976, p. 73-74
(c'est nous qui souligncns).
(2) c'est nous qui soulignons.

- 39 -
(b peut ainsi foumir qœlqœs exeq>les
le end] par OW'sitian à [d] :
,"
"
"ndi/p" : danse œ la possêssicn et dDp : couvrir
le [ nd] par oppositicn au
n
:
"nà1Jp" et "n6p" : pourri
le [ libJ par op[X)siticn au (b] :
11b6l' : lutteur et bOl' : vacanœs ~laiœs
r
le
IIbl par opposition au[ m]: .
"11batu" : cuill~re en bois et "matu" : se Dl)rdre, etc.
Signalcns enfin qœ la prênasalisaticn intervient êgal.erœnt au ni-
veau de la foncticn syntaxique du wolof, notamnent dans le Iflêno-
nèle de la nan1nalisatf.cn : exemples
"gHr6m" : rendre hcmrage , "ngHrëm" : honmage
"baa:r:"
: ben
, "rrbaa:r:"
: bentê
"dof"
fou
,"ndof"
: folie.
Apœs ces reI'llëll::qUes cxncemant les cxnscrmes pœnasali-
sêes nous allcns essayer de recenser les cxnsames camunes au
français et au wolof, les sens cxnsonnantiques du français n' exis-
tant pas en wolof et vice-versa.
Sens cxnsc:nantiques cxmm.ms au wolof et au français
p, b; m
t, d, n
-.
n
k
Cl
y
f
s
1
w

-40-
Sals cx:nscnantiques du français n'existant pas en w0-
lof. Nous relevcns particuliê:œnent la série des fricatives:
v
z
la vibrante uvulaire
R
la senti-cx:n!DU1e
'i
rt1i ]
les cx:nsames du wolof n' ex:I:-stant pas en français.
la œrie des affr~es, n'ayant pas de valeur y;henolog1que en
frëllçais : :
C,
J
Notals toutefois que nous p'UVO'lS les reno:ntœr en
français
dans des n'Ots tels que :
tient: [if; ] Il
ou budget [b Il d3(]
la cx:nsc:rme : [ , ] , me nasale dorro-velaire sourde dans ['J -"' ]
qui veut dire nad1o~.
La cx:nsame occlusive p:>st-velaire rourœ r~ 1
~s "faqa le" : gounnand
La fricative p:>st-velaire[ X 1
exeJ1t'le "xam:r:am" : savoir
en p!ut enfin dcnner la liste de l'enserrble des cxnsames prena-
salirees wolof : [""b J, ["cl). ["i J. ['" 'J Jete.

4'
- 41-
Nous disposcns maintenant d'un ensenble de <blnées,
p!:mettant de cx:rrpœndIe la manière Cblt va s'QI:érer le proces-
sus d'encodage de l'interfêrenœ linguistique dans l'œUVI'e de
Mais avant d'aborder les diffêœnts aspects linguisti-
qœs de l'interfêœnœ chez SEMBENE, il nous parait utile d'exa-
miner les prcblêrœs que );Osent les effets de l' interfêœnœ dans
me œuvre littéraiœ.
I.4. ETUDE DES PROBLEMES GENERAUX POSES PAR LE BILINGUISME ET
L'INTERFERENCE LINGUISTIQUE CHE:Z UN ECRIVAIN COMME OUSMANE
SEMBENE.
4.1. Ren1.argues prélirr'.inaires
Fn abordant l' œuvre rananesqœ de SEMBENE, une êvidence
nous apparait d'errblée et qui va s' avêrer ~cisive dans le proces-
sus d'encx:>dage de l' interfêœnœ linguistique: c'est que la lan-
gue de camunicatial littéraire de l'auteur, c'est la langue fran-
çaise.
A partir de ce ccnstat, al peut ~tre tenté de prendre la
langœ française ocrme la seule langœ cible de l'interfêœnce lin-
guisticpa. Mais orientée dans œtte seule perspective, l'êtude de
.
l'interfêœnœ linguistique se réduirait essentiel1errP..nt au reœn-
senent des difféœnts aspects de la bJolofisation du français. 00-

- 42 -
marche qui aboutirait à l'occultatiOl œs prOOlêrœs fœdarœntaux
posês par le cx:ntact d'me langue œ traditiOl et d'expressiœ
orales (le wolof) et d'une langtE écrite (le français). Car l'inter-
Mrenœ CC'IITIe diSOOur5 d'm locuteur bilingtE, intervient d'une
manière générale, cx:mœ un p,ênarene involor:taire. inconscient.
D'ailleurs c'est œtte ~tence irrplicite du locuteur bilingtE
que la plupart œs chercheurs oc:mte CALVEl' ou DUM:Nl', ~crivent.
C'est ainsi que la plupart œs recherches effectœes sur l'inter-
fêrenœ du wolof et du français s'appuient souvent sur un corpus
~énalœs appartenant au code oral.
Dans ln texte littéraire cx:mœ celui œ SEMBENE, l'in-
terférenœ 1inguistiqœ est codAe par l'auteur, sa productiœ est
volontaire et consciente. L'interférenœ loin d'être l'expressiœ
d'me ~tence impUcite, est au cx:ntraire expUcite.
La productien de l'interférence linguistique apparalt
ici ccmre é1énent
d'me stra~gie de producticn litt:êraire, dent
les fenctiœs dist:f.nctives serœt abor~s dans la œuxiêrre
. Partie de notre étude (cf. le chapitre B). Pour le m::mmt, nous
a11ens surtout nous :interroger sur les prd>lêrœs suivants :
- D'abord sous quels aspects et sous quelles fomes appa-
rait l'inf1œnce de la langue source "Sn de l'interférence dans
l' œuvre œ SEMBENE ?
- Peut-œ déœler une influence en retour de la 1angœ cible
"c" Sur la 1angœ sourœ "S"? Si oui à quel niveau intervient
,,,,,.

- 43 -
cette influence ? AutreIœnt dit quelles smt les diffêrentes ma-
'nifestaticns de la 1I10lofisation du fr(J)1çais et de la franaisation
du 11107,0f ?
Pour nüeux situer l'intêl:êt de ses questicns, il faut
au prealable p~œr à un exarœn œs rapp:>rts qui lient l'auteur
.
à la langue frëllçaise et à la langue wolof. Ici intervient œces-
sa1œnent la questim de la pré4minenae d'une langue dans le {ilê-
n<Jtêne de l'interfêrence linguistiqœ. cette questien d'ordre
sociolinguistique {:enœt de c1§tentrlner œrtaines notivatims sous-
jaœntes à la productien de l'interfêrenœ.
4.2. le prcblèrre de la pJ:ééminenœ d'une lanque dans la producticn
de l' interfêrenœ linguistique
2.1. Prêêminenœ objective du Français / P:reêminenœ subjective du
Wolof
Distingœr un aS{:ect objectif et subjectif de la p~4mi-
nence 'Linguistique nous {:emet d'éviter l'utilisatien hâtive œ
.cxnœpts tels que "langue daninante" et "lë1lgue dcminêe", qui ~ê-
raleIrent reduisent d'une manière manichéenne 1esprob1êIres cx:m-
plexes pores par le cx:ntact des langœs.
cette distinctim a êga1eIrP.nt m autre avantage : celui.
qui {:enœt de d§gager à partir des situatims et des circx:nstances
cxncrêtes d'errq:>loi du wolof et du français, ce qui dans l'utilisa-
tien œ la langue de carm.micatioo littéraire, relève de la n4aes-
"

- 44 -
B'lU, du contingent ou siIrp1eIœnt d'un choiz dAl/wére.
2.2. La préBninence cbjective du français
La préênUnence cbjective du français soulève la qœstiOl
traditiame1le œs ccnditiOlS œ productial et œ cxmm.nicatiOl œs
auteurs africains franOO(i1Oles, ang1O};bcnes et 1uSOIflOles, c'est-
à-dire d'écrivains bi1ingœs qui ne pouvant écrire dans leur pr0-
pre lang'lE
-
qui souvent est une lang'lE œ traditiOl et d'expres-
siOl orales -
, Olt recours à une 1angœ "étrangère". En tant
qu'écrivain africain, SE:MB'E:m' n'écnappe pas à cette situatiOl. Et
c'est dans ce CCJ'ltexte qu'il _CCJ'lv1ent œ placer les différents as-
pects ce la préêm:inence cbjective œ la langœ française.
A cet égard, ce qui ccnfère au français une préênUnence
cbject1ve et ce qu'Ol peut d3signer cc::mœ sa "Ugitimation de fait"
repoôd sur trois facteurs essentiels:
-
Sur le plan politique, institutiame1 et historiqœ : le
français est la langue officielle
(1) au Sénégal, œpuis l'aube
(1) • LoJtaqu' on pa.1Lte. rh. la tangue .6an.6 autJLe pJr1..c.U.wn, on .6e !té-
6lJLe tacLtemen.t il la.l.angue o66ic.J..ttLe.e. d'une unUé pol.i.üque,
e' ut-il-CÜJte il la. tangue qui, dan.6 tu UmUu teJt.Jt.UoJt.ia1.u
de c.e:tte unité, ut :tenue poUJt. la. .6eCLl.e. légUime, et eela.
d'a.utan:t plu.6 60Jr:temen.t que l' cec.a.6ion e.6t plu.6 o66icie.Ue
(lu angla..i.6 di...6a.i2.n.t 6oJUn'1l), e' e.6:t-il-dUr.e la tangue éClLU:.e
ou quaLli-éCltUe (i..-e rUgne d' UJte écM.Ul, pJt.OduLte. pM de.6
agen:t.6 a.yant a.u:towé poUJt. éeJUJr.e, tu éeJt.ivain.6, 6ixée, co-
cU6iée et gaJtaYt.t.i.e. pM l'a.u:toJt.Ué d'un co!tp.6 de .6pécl.aU.JdU,
ltu gJtammaiJr...ien.6 et, plu.6 généJt..a!.emen.t, tu pJr.o 6e.6.6euJt..6 chaJl-
gé.6 d'inc.u.lqueJt (au mo.&tl»
le Jt.e.6pec:t du eode Ungt.U4ûque et
dt. .6anmOtUleJt le.6 manquemen:t.6".
..

- 45 -
de la colcnisatiœ. De ce fait, il bénéficie d'un statut privi-
légié, ccmne langœ de l' aàninistraticn et de l'intelligentsia.
-
Sur le plan linguistique, culturel et litt:êraire, le fran-
çais apparait ccmœ une langœ rigoureuserœnt codifiée, bênéfi-
ciant d'un patr.1moine littéraire reculaire, rid1e et universel-
lement recamu. Et cela parce qte le français a le statut de tan-
gue 4crite.
-- On p!ut enfin souligner les énOIITleS possibilités de dif-
fusicn de la langœ française dans le m::nde. C'est ainsi que le
français fcnctiame came langœ de cxmnunicaticn intematicnale,
en Afr1qœ francoFhcne, elle' apparait ainsi ccmne 7,ingua franca
dans les cx::mmmicaticns inter-afriea1nes.
Par rapp:>rt au français, le wolof apparait, certes, cx:m-
ne la langœ matemelle de SEMBENE, mais sen statut n'awarait
qu'à travers le tenre flou de langœ "natiœale", pour ne pas di-
re langœ vemaculail:e ou véhiculaire (te%:ne d'ailleurs plus pre-
cis).
Produite' dans une langœ de traditicn et d'expressicn
orales, la littérature wolof relève plus du folklore, de la lit-
suite de la note (1) œ la page 44
"La. l.a.ngue 06 6-icJ..e1.1e ne /,' hnpo/,e p~ pM /'d /,eu.t.e oOllce .in-
.tJWt.6~qUe.i C'u.t la. po-Uü.que qu-i lui. donne /,u l.iJnUu g~o­
glla.ph-iquu eX démoglldph.i.que./', ce6 ollon..t11.lle.6 .tJutnch~u que
te/, oJtCnilllLu po.e.ilique/' 6on.t peu a. peu e.w.teJL" .in "LE FE-
TICHISME OE LA LANGUE", Ac:te.6 de la. Re.cheJtche en Scle.ncu
So c'ullu
4, j uill.e.-t 1Ci 15 • p. 2 e.t 3, alrLicltz. pubU~ pail P-<vvr.e
BOURVIEU eX Luc BOLTANSKI.

- 46 -
teratw:e populaire (cx:ntes, mythes, épofée etc.) qœ œ qu'il est
cxnver1U d' ag;eler la traditicn èes Belies lettres (1).
Enfin, o::mpa.r:êe à la diffusicn èe la 1angœ française,
œ1le du wolof est re1ativerrent restreinte. le wolof est parlê au
Sênêgal par 80 % de la populaticn et J;eut-être assez J;eu dans les
pays 1imit.rq;hes.
en voit à travers œtte brève canparaisen du statut des
èeux langœs, le parti qu'un écrivain came OUsnane' SEMBENE I2ut
tirer èe l'utilisaticn du français :
-
La possibilité "d'intematimaliser" sen oeuvre et de
satisfaire au rêve d'universel auqœ1 aspire tout écrivain, l'ac-
quisitim d'un nom d'auteuro, œ qume 1angœ ce traditim et
(1) D~ ~a GRAMMAIRE DE WOLOF MODERNE, Path~ DIAGNE ~~ :
L' unUe de Li langue ~, .unpo~e ~uJLtout quand on con~..i.dèJœ le.
ph~nomène UftélUti.Jte auquel -U a donné r.a,U~ance e;t a paItÜIL.
duquel no~ tentort4 de la ~a,U.iJr.. SUIt. ce p.tan une UftêJr.a.tuJr..e
UJolo6 extlLêmement abondan-te ex.-i.1Jte. EI.te accumule depu-i.1J quel-
quu deux. ~..i.èc.le~ au moW de~ oeuv1te.Ll qu..<. no~ ~on:t paJLvenuu
p.t.u6 ou moht~ httac.te~. L' e6 60lLt de It.enouveUemen.t do.t:t c.eUe
ac.üvU:.~ C/lécWU.ce témo-i.gne a pw a po.Jr.ÜJr. de ta. pJtem.ièJLe
mo.i..ü.~ du XIXe ~-i.èc.le une amp.teUlt. 1UJ./tIl.. Il e~t atOIL6 domht~
pail le JuJU6C.Ort4u.lte. du N'V.iamboUlt., MacU.akha.té Kata" (op. cU.
p. 72). QueUe que ~oU ta. peJL:Ûttenc.e du JtemlVlquu 6aU:.e~
pail l' a.u.:UUIt. au ~ujet de ta. "u...tté.'la.tWt.e wo.to 6", un cVLtah:.
nombJLe d' Uémel'/.Ü d'appJLéc.-i.a.t-i.on JLuten:t non cJ..<.;U. L' auteUlt.
ome.t de paJLtvr. de l'ut-U-i.1Ja.t-i.on de c.aJLac.tèJr.e..6 "ajami" (aIlabu)
dan~ la p1'..oducü.on lU;t~e à laquelle U 6aU JLé6éJLenc.e. V' auJ"-!Le
paJtt dan~ le. teJune "LU::t~JLa.tuJLe" wo.to 6, ~e tltouvent c.l~~~
du textu qu-i. JLelèven:t de l' ex.e.9è~e b.ibUque, de poèmu apo-
.togWquu, de textu jWt.i.diquu e.t même du métalangage ~ci.e.n­
ti6-i.que. Le c.onc.ept "-U:U.é.JtaiJr.e" e~t donc. u:tLU-6é -i.c.-i. d'une
m~ quelque peu .l.mpJLéwe, -U awr.aU ét~ pJLé6éJLable. de ptVl-
leJr. -i.c.-i. de textu UJo.to 6~.
.
....

·- 47 -
d'expressicn ora1a;ne ~met pratiquenent pas (~).
cependant, un certain nonbre œ faits qui apparaissent
aussi bien dans 11 oeuvre que dans la biograIfrle œ l' auteur ~nret­
tent ce s'interroger sur l'existence d'une preêminence stbjective
.
du wolof chez II auteur.
2.3. Sur l'hypothèse d'une p~nûnence subjective du wolof
Si la preêrn:lnence objective du français nous awarait
d'enblée à travers sen utilisatim a:mœ langue de ccmnunicatim
lit~raire, la p~êminence sUbjective du wolof quant à elle sem-
ble noins évidente. C'est fOUr cette rais:n qu'elle est posée ici
amœ une hyp::>thèse dent il faut vêrif!er le bien fmd§, en fai-
sant apçel à deux tyr:es de damées:
- les daméesbiograt=h1q\\Es susœptibles de livœr les
principaux évenenents qui cnt ~ d'une manière èécisive l'évo-
luticn d'OUsmane SEMBENE.
- Et, en plus œ ces d::>nnées sitœes hors-texte, nous allms
essayer d'examiner ccmrent à l'in~rieur nêœ de l'oeuvre de
(1) Dans les ccntes d'Amadou Kourrba, par exemple, Birago DIOP se
Mclette le mx1este porte-parole du griot Amadou Kounba, qui
SOtIVeIlt apparait
a::mœ narrateur dans le texte, jamais c:x:rn-
ne llauteur. Ce n'est qu'avec l'avènerœnt de l'écriture que
surgit le non d'auteur. Ceux qui (X)I\\1OO Bira.go DIOP ou Bernard
GADIE, cnt CXl'ltribœ à la vulgarisatirn CE la traditicn orale
africaine, ne doivent leur œlébrité qu'à leur nom d'auteur.
Faut-il égalerrent souligner que la notim de nol'!'l dlauteur est
égalenent liée à œlle d1oeuvre,rrêrre si cette entité reste
encore mal définie. Sur œ sujet, al p:!ut cxnsulter avec intérêt
l'article CE Michel FCUCAULT : "Qu'est-œ qu'un auteur ?",
Bulletin œ la SOciété Française de PhilosoIflie 1 63e année,
juillet-septembre 1969.

- 48 -
~ se dêve10ppe me prd:>lémati.qœ de la 1angœ et de la oan-
mmicatim. A cet égard, nous essaiercns de m:nb:er cament à par-
tir de cette prd:>lêmatique, nous voycns se ccnstitœr progressive-
nent la quête d'un objet de valeuzo, qui pendant toute l'évo1utim
de SEMIDm apparait c:x:rrrœ \\l'l manque : la langue rJol0f. cormze langue
~critej Cette quête came nous le wrrœs plus loin s'identifie
avec me quête d'identité,
En ce qui CCI'lceme les damêes, biograptiques,
il nous sercb1e utile de preciser qœ nous ne dispoSOlS à l'heu:œ
actue11le qœ de feu d'élênents. L'oeuvre littéraire de SEMBENE,
souvent ccnsidêree à tort ccmre une oeuvre mineure, ou parce
qu'elle est re1ativenent ccnternporaine, n'a pas souvent damé lieu
à des investigat1ms systématiqœs. C'est ainsi que le seul ou-
vrage qui traite de la biograplie de l'auteur est celui écrit par
le critiqœ de cinéma Paulin Soumanou VIEYRA : Ousmane SE'1BENE ci-
œaste (1). Par ccnsêquent, c'est sur ce docurœnt qui retrace
d'U"le manière chrcno1ogique les différentes étapes de la vie de
l'auteur, qœ nous nous appuiercns.
La vie d'ousm:me SEMBENE, écrivain est principalenent
JDanIlÉe par l'existence de deux {ilases :
- l'me sitœe dans la ~rioc:e oolmiale, s'est dêr.oulêe
surtout en France, l'autre sitœeàans la t=érioèe post-001cnia1e
, .
(1) Presence Africaine, Paris 1972.

- 49 -
est notamrent caractêriœe par sa detble activité d'~criva1n et
de netteur en sœne. Ce tn:e œ déooupage d1rmologiqœ ne œlAve
~solment pas œ l'amitraim mais œs pn:bl.ênes œ cx:mnunicatim
qui Ee SOlt nanifestés entre SEMBENE et le public africain. En
effet le raRX'rt œ SEMBENE au public africain a ~té doù:>letœnt
lIlëU:ql1ê par la distance grogrçhiqœ et linguistique.
Dans les annéas SO, dl l' 0'1 .peut situer les cW>uts œ
la productiO'1 littéraire œ SEMBENE, aucune questial ne s'est ja-
mais poœe à l'auteur quant aux rapports à SOl public africain.
Et œla pour une raiscn bien simple, l'auteur était ooUIé du ccn-
tinent noir, par un séjour ininterranpu en France qui va œ 1948
à 1960.
D'apres P. S. VIEYRA, c'est Eeu1eIœnt en 1960, que l'au-
teur effectue scn premier séjour en Afrique œpuis SOl départ. Et
c'est au cours œ ce séjour qu'il a été anené à réaliEer avec
stupeur, à q\\El point la littératuœ africaine d'expœssiO'1 fran-
çaise ~tait l'lécx:rmœ et sans inpact. Et ce, pour œs raiscns qui
~
tiennent esrentiellenent à l'analfhabetisrre chronique régnant.
cette découverte sera vécœ cxmœ un d'loc et \\ID édlec ck:nt les cx:n-
séquenœs serent durables, mais aussi
à§cisives dans la vie œ
l'~crivain. C'est ainsi qu'il abandamera m:rœntanéœnt la litté-
ratum pour se cx:nsacrer à l'expérienœ c1nérnatograIflique :
"U v.i.ent au cinéma. pail nlCU>lli..:tl, dU:. P.S. VIEYRA
En Ile Jt.enda.nt c.ompte. qu r a.vec. llU Jr.omQ.nl, et llU nou-
ve.t.1..u i l n' a.t:tei.n;t qur un pe.:ti.t nombJt.e de g~ qu..i.

-50-
ont d~ja qu.anU.U. de. po/)/)-i.b~ de. /)e. cul.tivVt"
(p. 44)
(1) •
01 };eut cknc situer l'origine œ l'abanckn œ la littérature
~~ l'auteur dans sen échec à établir une carmunicaticn avec le pubiic
africa:in noo occidentaliœ. D'autant plus que l'auteur en tant que
militant progressiste, anti-colooialiste et anti-capitaliste, se
rêclarre d'une icl'§ologie anti-élitiste (2). en canprend ~s lors
d'lez lui, que la fooctfon idéologique œ la littérature prirre sur
la fooctioo esthétique, la littérature africaine, se manifestant
dans le Caltexte historique ~ l'époqœ
came un instruœnt œ-
vant cxntribuer à la lMratioo œs t:euples sous daninatioo colo-
niale. Ainsi, chez OUsnane SEMBENE, l'efficacité du rressage lit-
térai.œ a toujours pr1lœ sur sa fooctioo esthétique. D'a) l'imper-
t.anœ que revêt la réœptioo du texte littéraire. Or dans me so-
ciété qui est encore largenent tributai.œ œ l'oralité, le 'fTédiwn
livre ne IEUt assurer l'efficacité èe la <XllInmicatioo littéraire.
Car noos sames dans une société a) l' 00 ~coute beaucoup plus les
histoires qui se disent qu'al ne 'Lit œlles qui 8'~crilXmt. C'est
ce que SEMBENE a canpris, et c'est œ qui explique sa recc:nversicn au
'fTédiwn cinéma, mputé plus populaire. le recours au 'fTédiwn c:inéma, ne
rel.êve en fait que d'une démarche tactique et d'un souci didac-
tiqœ, car il vise prioritaireIœnt à !:établir le fil œ la cxm-
(1) Oêclaratiœ faite à Franœ-eulture, en Avril 1967, au cours
d'un entretien avec M. REGENT en 1967.
(2) SEMBENE a milité dans le Parti Ccmnuniste Français pendant
les mmées 50.
.

- 51 -
l'IUlicaticn ratpJe avec le public "populaire" africain :
"Ve touXu lR../) ~c.olu, expUque SEMBENE, lA. meil.-
h.UJte chez. noU/), c.' ut lR.. c1.n~ma qui 1léwU:t pM
d'adeptu que n'impoJr.te que.tlR.. mo/)qu~e, ~g~e,
ou paJr.Ü po.t.U:-i.que" (7)
cependant l'adieu à la 1ittêratuœ, n'est que provisoi-
re, et l'auteur aine se ~finir davantage rorme ranancier que ccm-
ne netteur en sœne. La littêrature CCIlstitue de loin la fome
d'expressicn preféIée de SEMBENE :
"oui
je /)~ JtOmandeJl avant d' me metteCLJl en
/)c.lne
(••• ) pOCLJl noUl», poU1l l' A6JLique, j' 4UJla,U
pJtl6~~ davantage de tec.teUJr./) que de cin~phil.e/).
Je c.on/).i.dlJLe .ta .ti.t-tlJt..atwr..e comme un aJr.:t c.omplLt,
v1laiment, on peuX 60uiUeJL l' homme en plW60n-
deUJL" li J
I l est néœssaire de preciser toutefois, qlE l'échec qui
~oc:ule du rapport de SEMBEM: au ptblic africain "traditiame1",
n'a pas que des a~cts négatifs. Car œt échec t=emet
l'énergenœ d'me série d'interrogatims portant sur le rôle de la
1angœ dans la cx:rrmunicaticn 1ittêraire. Dans l'oeuvre de SEMBENE,
noos verrens surgir progressivenent me prise de cx:nscienœ néta-
11nguistique qui se traduit par l'existenœ de rapports OCl'lI>lexes
entre le français et le wolof, mais aussi entre la littêrature et
le c1néna. ces rapports valt beaucx>up évoluer avec le tenps. Pour
en damer quelques aspects, il suffit d'examiner œrtains titres
. (1) op. cit.

- 52 -
èS ranans ou de nouvelles de SEM3ENE, mais aussi de cx:nsi~rer
)es cxnd1tims dans le~lles la producticn littéraiœ de SEMBENE
a êtê adaptée à l'êcran.
Dans les armêes SO, paraissent deux ranans de SEMBENE
portant des titres français: Le Docker Noir et 0 pays, rrcn beau
Fuple (1).
Dans les armêes 60, la plupart des oeuvres de SEMBENE
portent un titre bilingue : dans un français wo1ofisê ou simplenent
en wolof. en t:eut voir là l'indice d'un Pn:>ŒSSUS de "ùJoZofisation"
èS la producticn littéraire de SEMBENE.
Nous avalS ainsi :- Les Bouts-de-Bois-de-Oieu (2), qui
est la traàuctim littérale en français de "Banti-mam-laZl.a"
-
le
sous titre wolof du ranan-.
En 1964, est paru VFlII<IOSl\\NE (3), une nouvelle qui
porte un titre wolof et un sous-titre "BLANOIE GrnESE" qui en est
la trac1ucticn littérale en français. cette nouvelle sera adaptêe
à l'êcran, sous le titre de "Niaye", c'est le demdàre court rœ-
trage œalisé par SEMBENE, en versicn française.
(1) I.e Dod<er. Noir est pub1iê en 1956, aux êditicns Debresse, à
oc:rrpte di auteur•
o aYS, trCI1 beau p!uple !, en 1957 aux Editicns Amiot Dlm:nt,
Par s.
(2) ParU aux êditiCllSdu Livœ Ccntemporain, Paris 1960.
(3) ParU aux êditiœs Presence Africaine, Paris 1964.

- S3 -
Eh 1968, est paru I.E MANDAT (1), œtte nouvelle porte
ln titre frêl1çais. La nouvelle œra êga1eIœnt adaptée à l'êcran,
dans une versioo française et une versicn wolof. A œt êgard, il
est utile œ preciser que c'est la premiêre fois qu'un film est
produit dans une langte africaine. En wolof le titre du film
est Mandat-bi , car le rrot "nandat" est un errprunt du wolof au
français. Avec ce film le prcblêIœ de o:mnunicaticn qui existe en-
ue SEMBENE et le pblic africain "traditiamel" est levê - mais
il ccnv1ent d'ajouter:dans U'1 médium autre que le livre. C'est
ainsi que le wolof qui faisait figure de pazent pauvre du français
devient tout d'un COlp le véhicule d'une fictioo cinêmatograFhiqœ,
c'est-à-dire ln médium réputé prestigieux.
cette êta~ de la wolofisaticn de l' œuvre clnêmatogra-
Ihiqœ de SEMBENE aura plus tard des retarbées œcisives sur le
plan littéraire.
Eh 1971, l'auteur êcrit~, U'1 nmm qui porte un ti-
ue wolof mais qui cette fois-ci, n'est pas sous-titré. L'auteur
se ccntente seulerœnt de damer la traducticn du titre dans me
note en bas de page. De cette oeuvre littéraire sera êgalerœnt ti-
~ ln film en versicn bi11ngte : français et wolof. Mais les ~rSOl­
nages ne s'expriIrent en français qu'au CW>ut du film, dans des dis-
coo.rs rltualires qui prennent plaœ dans une instituticn ccmre la
chanbre de cx:mœrœ.
(1) Aux Editicns Présence Africaine, Paris 1968.

- 54 -
Par conséquent dans !:@.lWIDAT et dans XAIA, nous
pouvons constater l'existence d'une avan::e de l' œuvre ciné-
matographique sur l'oeuvre littérai.re dans le processus de
wolofisation. Tout parait carrre si enfin de cetrq?te le cL'1ara
ccmne médiwn, ne représentait gu''lUle valeur d'ersatz des projets
littéraires de l'auteur. Carme si l'on assistait à un transfert
des rêves et des désirs d'écrire en langue wolof sur le médium
cinêma. Par conséquent, nous pouvons dire (que le vouLoir-éonre
en \\\\Olof, trouve avec le cinéma un exutoire provisoire.
Pour l'auteur, parler \\\\Olof au cinéma deIreure un ac-
quis incontestable, nais scmre toute limité, d'où la poursuite de
la quête de l'écriture \\\\Olof. C'est ainsJ., que SEMBENE va créer le
premier journal \\\\Olof : "KADDU" (le discours) avec le linguiste
Pathé DIAGNE, journal destiné à l'apprentissage de l'écriture \\-''Olof.
A ce propos, Paulin Soummou VIEYRA écrit :
"I.e. ne. .6 e. Li.mU:e. pM .6 e.u.lLlne.n-t à. ta. LUtéJt.a.;tu;te. ou
au. cinéma., i l .6' Oc.cupe. au4~..{. de. Ungu..i.6.:Uque. a.ve.c.
~ U a.mi...6 pouJt VOA.Jr.. comme.n.t .te. wo.to 6 paJr1..é pM 80 %
du peA6onne..6 a.u. SENEGAL~ pouJ'Jr.a.,{"t de.ve.rUJr.. ta.ngue.
de.
c.uLtu.tt.e.. Ce. n' e..6.t d' a.i.lie.uJL6 pM d' a.u.jouJtd' fu.U
que.
.te. pM b.tè..me. .te. pltéoccape." (op. cit. p. 24).
Dans cette renarque de Paulin Sournanou VIEYRA, l'expres-
sion "langue de culture" iItplicitement identifiée à la langue écri-
te, mérite d'être relevée. Car elle sous-entend. qu'une langue ora-
le n'est pas une "langue de cultureIl , ce qui évidemœnt n'est pas
vrai, mais là n'est pas la question. Ce qui est révélateur ici,
, 1

- ss -
soit profoodénent ressentie came \\nl nanqœ. C'est pour cette
raiSŒ1 d'ailleurs que SEMBElŒ senble se trouver dans me situa-
tia1 dl il lui faut conbler ce manqœ en ayant recours à des
no-
yens éidéquats : l'êcrituœ wolof et l'lQ'l aux valeurs d'ersatz telle
que le cinérra.
ce n'est qu'avec la parutioo de CEDDO qui est le pre-
mier livre de SEMBa.IE entiêrerœnt écrit en wolof, que l' d:>jet de
valeur, l'écriture wolof, serrble trouver une .réalisaticn concrète.
CEDDO sera égalenent adapté à l'êcran, d'ailleurs c'est le pre-
mier scénario de SEMBENE êcrit en langœ wolof. Il ne serait d'ail-
leurs pas inopportun d'apporter qœlques explicatiœs sur la si-
gnificaticn du rot "CEDDO" : le "ceddo", c'est le sénégalais qui a
résisté à la fois à la colO1isatiœ arabe et à la colœisaticn
occidentale, en same le sénégalais authentiqœ, qui vit dans
l'univers des fétiches, qui par cœséqœnt n'est ni islamisé ni
christianisé. ce n'est pas un hasard, si le cadre historique du
film est située au ~Ie siècle.
~)
ce qu'il convient de noter, c'est qœ le rêve de SEMBENE
ne s'accanplit qu'à rroitié, car le livre et le film serent inter-
dits au Sénégal à cause d'une ••• faute d'orthographe ••• en wolof (1).
(1) La censure du film et du livre s'expliqœ apparerment par me
querelle de nomes orthographiqlEs. Ainsi, à la norme ortho-
q.ca{i1ique qui précœise l'usage d'un seul "d" à "ceddo",
SEM3ENE oppose l'usage de la géminée pour des raisœ phoné-
tiqœs. C'est à dire la nome orthcgra{i1iqœ du wolof utilisé
par l'équi~ du journal "KADDU". C'est cette faute d'orthographe
qui officiellerœnt pénalise le film et le livre. Ch peut en fin
de conpte se derrander qui de SEMBENE ou du gouvemenent sénéga-
lais, fait preuve d'une attitude plus nonnative. car pour SENBENE

- 56 -
, tes différents éléIœnts pl:êsentés ici, cxnstitœnt des
cbm€!es
extra-textuelles suffisantes pour accœditer l'hypothèse
d'une prêéninenœ subjective du wolof, qui se manifeste sous la
fome d'un 'lJÇJuLoir-éarire en woLof, d'un désir de produire des
textes littéraires en wolof. A ces dam€!es
extra-textuelles, il
ocnvient d'ajouter des élêrœnts ccntenus dans le texte littéraire.
Aut.renent dit, il est nécessaire de chercher maintenant, dans
l'œuvre de SEMBENE, et notanrœnt, dans les éléTents qui ccnsti-
tu:mt la langœ came thàœ de reflexioo, cament transparait la
prêêninence subjective du wolof.
Dans les écrits de SEMBENE, ce prd:>làne de la prééminence
subjective du wolof, s'intègre dans le cadre global d'une prd:>lé-
matiqte des rapports culturels et linguistiques du français et du
wolof. cela apparatt d'abord dl une manière nalve par la producticn
de l'interférence linguistique came pratique de prcx1uctioo lit-
téraire.
Ensuite, nous avons surtout la manière récurrente dont
la langœ apparalt came thàre de reflexioo dans l'oeuvre de SEMBENE.
Dans Ô pays, rrcn beau peuple !, c'est à travers les prd:>lèrœs de
carrnunicatioo que soulève le oontact de carmunautés culturelles et
linguistiques différentes, que ce thêne apparalt. Deme persamages
suite de la note de la page 55
qui inscrit fiè--rerrent "GALLE CEDOO" (la maiSal du ceddo) sur un
mur de sa villa de Yoff, le maL'1tien de la geminée est une glEs-
tien de princip:!, rrêIœ si en demière instance c'est le public
sénégalais qui est pénalisé.
Pour ce qui est de la définiticn nêœ de la noticn de nome, en
peut consulter avec intérêt le Nméro spécial qte la Revue
"I1\\NGUE F'RANCAISE" coosacre à ce sujet : "IA N)RME", nO 16,
Décembre 1972.

- 57 -
I2Dœttent œ vehiculer le t:hêIre : Isabelle, une française et la
œre Rckheya me diola (analIbabète) qui est la be1le-nère de
la française.
Pour sw:rocnter leur handicap qui dacoule œ l'absence d'un <XlCÈ
linguistiqœ cc:mnun dans lequel elles p.rlssent CXJ:lTll\\n1qœr, thacu-
ne d'elle ~ciœ d'apprendre la 1angœ œ l'autre.
Ainsi, en s'adresSêl1t à sen mari Oumar FAYE, Isabelle
lui révèle :
ttra m~ ~aU de~ pJLogJL~~ en ~JLanç.ai6, pendant
touû. la ~ai6on j J a,.L appJÛ6 .ft. dicla (1) JJ •
cette ~c1araticn nérite toutefois d'être rep1aœe dans
sen CXJltexte : les p!rsamages qui exprirœnt ici l'id§a1 d'une cx::m-
JrUlicatial entre les différentes cultures et les différentes ÜI1-
gœs, sent œs parents liés par a1lianœ, d'autre part ce sent œs
femres, ce qui explique certaines facilités œ ocntact•
.
Dans les Bouts-œ-Bois-œ-Dieu cependant, nous avens le
thàre œs raworts œ à:lninaticn du français et du wolof qui se
profile œrriere les rapIX>rts existant entre oolcnisateurs et
oo1cnisés.
les cfules œ l'auteur sent les effets œ la IX>litiqœ
d'assJmi1aticn culturelle qui entraIne le népris œs langœs et
œs cultures traditiamelles par les éooliers africains. cette
situaticn apparait dans cette rep1iqœ œ Niakoro-1a-viei1le,
(1) dio1a : lan~ parlée dans la regicn œ la Casamance.

- 58 -
adressée à sa petite fille Adjibidji :
" (••• ) je n' al j amtû6 entendu r:tiJœ qu'un :tOu.-
bab()u.
(1) ait applriA le bambaJr.a. ou une a.utJc.e langue
de ce paYli. MtLi.& VOUl! a.u:tJr..u lu dé.1ta.ciné..6 VOUll ne
pen.6ez qu'a çà. (appltendJte. le toubabou). A CJlo.iJrJ!. que
notlte. langue ut tombée en déllué.:tude" (p. 20).
00 enoor.eJquand la vieille Niakoro
reproche à sa petite fille œ
lui rêpcndre en français, quand elle lui parle èn bcmbara :
"alollll, a1.o1111, Ir.épéta-t-elh., je te paille en bam-
baJt4 ~..t :tu me lr.époncU danll ce langage de 11dUVagu,
de voulo 1" (p. 24).
Au <Durs d'une assenb1ée <jmêrale rêunissant le syndicat
œs chem1nots, qui, :fOUr la -plupart sent analJ.=habètes, et l' ins-
pecteur du travail EOOuard, le prcblêrre de l' idiare linguistique
va œ paœr. Ainsi, en visant BAKAYOKO, qui au cours des
œunia1s syndicales, s'adresse à ses camarades en wolof ou en bam-
baro, Victor, puis Edouard lui demandent avec insistanœ et ncn sans
irmie dans CJ'Elle langue il fallait s'expriner :
"L' .inllpec.teUll.
du tJtavaU cJr..t.â:. de lion devo.iJt de ml-
cUateUlr. de paJtlelr. le pltem.ielr. :
- NOfl4 empto.ielr.onll
le 61r.ançtû6 dit-a en 1tegalr.dant
BAKAYOKO
- pu.illque noUl! 1l0mmU en.t1le 61lançtLi.& ajouta V.ic:tiJ1r.
hum.ique.
Ce ~ut Lahb.ib qu.i Ir.époncü.:t :
- Il n' y a pal!
de langue Welr.mécü.a1Jr.e, al.OIr.ll va
pou.Jt le. 6Ir.ançtû6. MtLi.& Edoualr.d .inll.illta :
- VOUll Uu d'acc.oJtd, mOnll.ieUll. BAKOYOKO ?
(1) 'Ibtbabou : p:rcncnciaticn en barrbara du llDt wolof "toubab" ;
français ou européen.
/ '

- 59 -
r••• )' - Je ne /)f.l..-Û, pa.6 /)eul dan/) c.eti.e glt.~ve, ma..i6
'ttant donn~ votfte ignoJt.ance d'au mo~ une de no/)
languu ut un hancUc.a.p poUIL vou/), noU/) emploQJt.on/)
lt.. 6Jt.anç.a.-U, c'ut une que/)wn de potue/)/)e. Ma.-U
c'ut une puWu/)e qui n' auJta. qu' un temp/).
ToU/) lt.. JtegMdè.!Lent. Le v~a.ge de VEJEAN /), empoUIL-
'plUt. Vidolt. /)e 12.va. cl demi de /)on /)iège :
- MuuJtez vo/) paJtOlu ! Il poUllJUti.t voU/) en coû.teJt. 1"
Cp. 277).
Par cxn~t l'id§ologie qui est dfulcnœe ici., c'est
œlle de la su~rioritê "naturelle" du français sur les langues
africaines et l'êvidenœ "naturelle" de sen emploi came langue
ce cx:mnuniœtim.
Dans VEHI-<:IOSmE, les œflexims de l'auteur sur le wo-
lof Salt d' ordœ rœtalinguistique, et se rap{x)rtent aux marques
du pluriel du rrot wolof "niaye".
"Le n.la.ye ut au /).i.nguUelt. en wolo6. Lu coloniA.-
tute/) l'
éClLiva..i.ent a.u p~l" Cp. 19).
Dans XAI/\\, nous voyms se d§vel~r un véritable plai-
-
doyer en faveur de l'écriture wolof, dans le dialogœ qui oppose
El Hadji Abdou Kader BEYE à sa fille Rama :
"- c'ut quoi" demanda. El Ha.dji,
.- du wolo6" lt.épondU Rama.,
- tu. é~ en wolo6 ?
.
. - Oui, noU/) a.von/) un jouJt.na.l Ka.ddu et l'en/)ugnon4
a qui .le veut.
- Pen/)e/)-tu. que cette langue /)eJt.a. u..t1.UAée pM 12.
pa.!!/)
, - 8S % du peuple l'~e. Il .lui 1UUte cl /)a.voâ
l'é~e.
- ft le oJt.anç.a.i4 ?
- Un a.cc.iden.:t h~taJt.4ue. Le wolo 6 ut notJte langue
na.tlona.le ".

-60-
Ici, l'auteur se fait l'écho œs travaux et œs prises
de IX'sitiO'l de l'équipe œ sen joumal, "KADOO", qui est explici-
te:rœnt cité dans le texte. C'est ainsi qu'O'l reut voir par exem-
ple que l'ad~iO'l du wolof came langue écrite :relève d'm choix
~l.ibêœ.
C'est ainsi q\\E l'ensemble œs éléIœnts que nous venO'lS
d'ênurrê:rer, penœttent œ ~gager me preoccupatiO'l œntrale : le
~sir d'écrire en wolof q\\E nous avalS m:>dalie§ came le lJouZoir-
4cnre en lJo 'Lof. ce faisant, c' est l~ enserrble œ ces asr;ects qui
attestent le bien fon~ œ l'hYFOthèse œ la p:r:êêminence subjec-
tive du wolof. ce qu'il faut preciser, c'est que la quête d'un
m:x'E œ synbolisatiO'l linguistiqœ, par l'écriture wolof, n'est
en fait qu'une certaine fonœ œ qŒ!te d'identitê. Cette situaticn
s'expliqœ par l'existence de deux Ihênarènes culturels:
- te premier, c'est l'absence d'une écriture wolof, :resrentie
cxmœ manq\\E, et le ~sir profcnd de CXJTbler ce manque.
- Le deuxiène qui est étroiterrent lié au premier, ~CX)\\1le de
la situatiO'l mbiguë, voire cx:ntradictoire dans laqœlle se tral-
ve l' écrivain africain francorhO'le. L' utilisatiO'l œ la lan<JlE
française came lan<JlE œ cx::mm.nicatiO'l littérai:re dA terri tOl'ia'Lise
l'écrivain africain et sen td>lic. Et ce, en creant un ~calage
entre l'affinnatiO'l d'une identité lin~stiqœ et culturelle, sou-
vent exhibée dans le texte, et l'idiaœ linguistique qui la' prend
en charge. Car en écrivant dans me lan<JlE d'emprunt, l'auteur se
sent cxmre étranger à sa prop:re producticn littérai:re. ce qui est

- 61 -
vrai en partie si l' m ccnsidêre qlE cette oeuvre est beaucoup
plus ccnsc:mtée à l'extérieur qu'à l'intérieur de ses propres fren-
tiêres linguistiqœs et cultm:elles. C'est dans ce cmtexte qu'il
faut notamœnt replaœr le proœssus de subHroatim de la langue
et de la culture d'origine par SEMBENE.
Tout porte à croire éga1.eIœnt que la producticn de l' in- .
terférenœ dans le texte lit~raiœ, vise à reduire le décalage qui
existe entre l' i<ÈI1tit:~ culturelle de l'auteur et l' idiaœ qui le
prend en charge. Car à défaut d'écrire en wolof, al inscrit le w0-
lof a:mre actant de la ccmminication dans le texte et ce faisant
des fragments de SOl disc~s. Ainsi dêterritorialisê par le fran-
çais came langœ de conmunication lit~ra:Lre, l'auteur se reter-
ritorialise par l'interférence linguistique ou par un nédillll. can-
ne le cinéma.
C'est dans ce ccntexte qu'il ccnvient de replacer l'étu-
de de l'interférence linguistique d1ez Ousnane SEMBENE. En ce qui
cx:nceme les prcDlèTes sou1e~s par l'encodage dans la producticn
de l'interférence, nous allcn:s d'abord examiner ici l'étude des
aBJ;ects orthograIfliqœs de la francisaticn du wolof dans l' œuvm
de SEMBENE. tes autres aspects de l' enoodage serent abo~s dans
notœ étude des fcncticns discr:1rninatoires de l'interférence lin-
guistiqua.

- 62 -
I. S. ETUDE DES ASPECTS ORTHOGRAPHIQUES DE LA FRANCISATION DU WOLOF
Dans le J:anan, l' interféœn03 linguistique came occuœn-
03, se situe en œhors œ la d'laIne orale, pour ne se manifester
qœ par la nédiatiOl d'une c:ha!ne exclusivenent graIfl.iqœ. D'a) la
questiOl œ transcodage linguistiqœ qœ pose le ccntact d'une lan-
glE orale et d'une langœ écrite. En effet, dans O3tte situatien
.
quels oodes et qœls synboles graIfl.iqœs utilisés pour assurer l'o~
tOgrap1e œs xénisres wolofs inscrits dans le ranan ou dans la nou-
velle ?
Cette qœsticn est d'autant plus p:!rtinente qœ le wolof,
jusqu'à me date œlativenent reœnte, n'avait que le statut œ
lan-
glE orale (1), alors qœ OUsnane SEM3mE écrit œpuis 1954.
I.e prc:blèrre qui se pose ici est d'ordre tedmiqœ car il
scWève la qœstien œ l'orthograIfle œs rots wolofs à l'aiœ œ
l'alIflabet français. Si l'en cx:nnait la difficulté que pose l' orthcr
graIfle française (2) à cause œ l'absen03 d'isaroq:hie entre le ooœ
oral et le cx:>àa écrit français en p:!ut ais§rœnt deviner la eat'Plé-
xité du prc:blêIre pore ici. Car came nous l'avals déjà signalé, il
~ste qœlques diffêœn03s entre les nonœs Iflenétiqœs et Iflencr
logiques du français et O3lles du wolof. Par exemple cament écr~
les sens \\rwulofs [ x) ,[t) Jet[q] qui n'existent pas en français ?
(1) La transcriptien officielle du \\'lOlof a fait l'd:>jet d'tm dé-
cret (71-566) le 21 mai 1971 : in I.e Joumal officiel du Sé-
négal du Lundi 28 jlrln 1971.
(2) Cf. René 'l'lIDnH-lIER, in LE SYS'lEME GRAPHI(UE 00 FRANCAIS, P1cn,
Paris, dans 1 1 éditicn de 1976.
- Claire BIA~CHE-BENVENISTEet André OIERVEL, in L'ORI'HOORAPHE,
MasFéro, Paris 1974.
Cf. éga1erœnt le nO SFécial de "tANGUE FRANCAISE" nO 20 -
Dêœrrbœ 1976 consacré à "L'ORIHOGRAPHE" (sous la directiOl œ
Nina CA'mOI) •

- 63 -
cament :rendre la c1ul:êe èes voyelles wolofs ? Tels sent les pro-
blênes que soulèvent la francisatlcn orthograp.,1que du wolof.
Mais, à la francisatim orthcgrap.,1que du wolof, su~de
me Ptase d'effaœIœnt progressif qui sera désignée ici c::x:mœ
!hase de défrancisati01 orthograt:h1qtE du wolof. cette p,ase
camait une importance éminente par ses effets sur l'évo1uti01 u1-
têrieure de la prat1qtE de producti01 1ittêraire d'OuSl'ane SEMBENE.
car le p.,ênaœne detectê ici, n'est que la manifestaticn plus ou
noins cxnfuse œ la quête d'écriture wolof. Par ~t, il est
nêœssaire de faire qœlques ohservatims sur la pratique descrip-
tive qui va s'articuler ic1.
5.1. Que1C{lEs Rerr.amues sur la pratique descriptive
ra dénarche qui sera suivie ici, s'appuie sur des o:nsi-
dérations pann1 lesqœ1les figun"..nt en premier lieu les données
diachraliqœs et extra-textœ11es. celles-ci pernettent œ canprench:e
les différentes Plases qui cnt marqœ la francisation orthograt:hi-
que du wolof et ce faisant les différentes étapes de la cxnscienœ
néta1inguistique de l'auteur.
ra francisaticn ort.'lograt:hiqœ du wolof, intervient d'une
manière prep:ndérante dans les oeuvres parues dans la période colo-
niale, telles qœ : Ô pays, m:n beau reup1e ! I.e Docker Noir (1) et
(1) le nod<er Noir oomp:>rte très peu' de cas d'interférence linguis-
tique. Cela résulte saI1S doute de l'ancrage spatial
de la fic-
ti01 qui se déroule p:>ur une bame part en Franœ. Il ne sera
cknc pas fait rrenti01 ce œ ranan dans no~ étude.

- 64 -
les Bouts-œ Bois-de-Dieu.
Tandis qœ dans les oeuvres parues dans la pêricx:1e post-
oolmiale et preciséIrent à partir de VEHI-CIOSANE, nous dêcelO'1s
l'existenœ d'm processus d'effaœrrent de la francisatiOl ortho-
gItaI:iliqlE du wolof qui atteint sen teIIœ avec~. Dans ce ranan
en effet, nous relevcns l'existenœ d'un nodêle orthograIflique w0-
lof distmct du ~le français qui a jwqu'alors inspire SEM3mE.
A partir œ œs observatims, nous al1als dist!nglEr trois
Ihases dans le processus œ francisatiOl orthograIhiqœ du wolof.
La première Iflase p:!ut être située à partir œs années 50
et part jusqu'en 1964 (date ai parait VEHI-CIOSANE). Dans œtte Ifla-
se, c'est le ~le orthograIflique français qui va p:!mettre la réa-
lisatim des mots wolofs inscrits dan& le texte.
La œ\\DCièrœ Iflase se· sitœ entre 1964 et 1972 (c'est-à-
dire œ VEHI-cIOSANE à~. Dans œtte Ihase, nous relevals œux
~ricx:1es.
celle qui correspcnd â l'acqu!siticn d'une relative can-
~tenœ écrite en wolof, qui se manifeste par l'arrorœ d' m proœs-
,
sus œ œfrancisatim du wolof. en relève surtout l'existenœ d'nn
flotterrent orthograI;hique dans œrtains rots wolofs. Nous avalS une
sorte d'altemanœ entre l'utilisatim œ l'alIflabet français et
d'une transcriptio"l wolof distincte œ œt alIflabet. cela awaratt
notëmœnt dans VEHI-ClœA'lE et dans LE MANDAT.
/

- 65 -
La deuxiêrre pêriode de la deuxiêne rhase con:esp:nd à
l' a~sit1al d' \\.me CCIl1pêtence orthograrhique wolof par l'auteur.
cela grâce à l'existence d'\\.m a1rhabet wolof. C'est dans cette ~­
riode qu'en c:bserve l'effa::enent total du proœssus de francisatien
orthograrhique du \\'101of.
On };eut enfin signaler l'existence d'une troisièrœ };hase,
sans pour autant l'aborder ici, car elle dêborde du cadre restric-
tif de l'interférence linguistique. Notals seuletrent qu'elle ccnsa-
cre le dêpasserrent de ce que nous d§finircns plus loin cx:mœ la
pratiqœ scripturaire de l'interférence linguistique. cette rhase
intervient avec l' avènetrent de CEDOO (1977), entièrenent écrit en
wolof. ce fait rerite d't!t:re nenticrmé car il rend canpte d'un
Iflénaœne pratiqœnent unique dans l'évo1utien d'\\.m écrivain fran-
cq:hœe. n'autre part, nous voycns là l' aboutisseIre11t de la quête
d'un vouloiza-~oztire en bJolof.
cette étude va date s'articuler sur les principaux axes
qui viennent d'être dégagés ici.
5.2. la mase de la francisatim orthogragligœ du wolof
Nous a11œs d'abord présenter ici \\.m échanti11œ repré-
sentatif des différents aspects de la francisatiœ orthograJ:h:ique
du wolof, ensuite nous p~derons à \\.me classificat!œ des dif-
férents faits d'interférence linguistique.

- 66 -
2,1, Prése!lta.tion de l'échantillcl'l.
I.e rorpus qui va suivre est tiré de 5: Pax;s, rrrn. beau
g;upl~
et Les Boub,....de-Bois-àe-Dieu.
Dans 0 Pay~l, mon ~au Pe'l1J>le, nous avens pu relever les
exemples suivants :
Il y avoli RJi. toM â~ habUuéll 1.... )
Il ~1Ct6hhté. N' GOM €ltU
/1' avaU: pM hon pevr.e.il dCUtll RA.
c.onna.Wumc.e dell ft.ac.me,6 d'aJtbft.ell e.:t ([tU pou,6,6a,{,t
la pl(Ue,t.tion j U1>qu' à. he ~OtnpCVteJr au guéJ!..i.611etUt.
toubab (blanc.) e..t enM.n Sœnba-Raba, le w.6VtMd
avec. hO/1 méilelt, quA.. pJr.u'ULU: paltt à. la c.aUleJrJ..e
hMh aJt.Jr.êtel( de pédalent te gninc.ement de.6 bo~
qu'il ne g!ta1..6ha1.:t jama1.1> 1.J1VUa.U:. leh diell.quènes
(6ernme..6) a jeteJr. un c.oup d'oeil hUit âh bande.ô
d' eto6 ne..6 lULY. c.ou.le.UM vi..vu e.:t vaJUéeh" (p. 17).
" 8.tilie. VI AGNE eht venu me he.Me.Jr. la. mlUn cM
j'Uai..h "c.apa/Lal" (c.apoJULl), ptUh Le nouh lréWtU
en cUAant que le Mi. de Tougueul c.ompto.it hUI( noM
poUJt chcu,lle.J[ fe.6 allJ..mandil lille.mand6) ••• Lu llcl-
dm btanc.h Itépé:tâlen~ avic. noM "Lakhat diacou71" (1)
(p. 19)
"Avec. abnégat.um, eUe-6 .6f. pUaJ..ent, h' a.Meya.n:t peUt
te.J!Jte avec. gJtâc.e danh 1.01 mouvement d'enllemble pM-
6a.U, le pagne. blanc. ou, le thiavaU (2) COUVlta.Lt
leM tUe" (p. 21.).
(1) "Verset du Coran que les musulli'ans recitent au oours d'une ba-
taille r-our se préserver des balles ennemies" (c'est l'auteur
qui traduit dans une note en bas de page).
(2) "pagne blanc passé à l'indig-o. Le milieu est, bleu, les côtés
rouge foncé rayé de blanc ou autres 'teintes" (id.)

- 67-
"Hm' jOCJ..!L6 arJL~A la. naLs.6ilJ1ee., We. [Rokhe.yaJ
dvaJ.:t 6ai.:t à .f.' e.t16an.t un tJwu. ddJ1.ll te. lobe. de.
l.' ofuUtte. gau.cJH!. e.n lUi donnant: le .6{t.J:nom de
"HMe Yalta" (Atte.l1d-6 V.(...""';.u.)" (po 23).
"Rokheya, la :ti.Jc.o.nt pM 14 ma..<.n, .&U 6U 6a.1Jte
pM.[eUllell 60.<..6 .te. toui. dell hambes (1) en chan-
tant, en mUJl.mU}l.ltltt plutô.t une mélopée 01LX llon.6
étJr.al1gement modu.lé.h"
(p. 127).
"Quant aux 6e.mme.ll, e.Uu, ava1.e.nt ;(.lt.Oqu.é. lell pagnell
de la lle.ma..ine poWt .e(! tawas (2) qui le.ll 6a..i.6a1.en.t
Ilell.6e.mbleJi à c1e.ll gtWtéèl1nell
• •• " (p. 134).
"'1aJ!e [mèll.el apreto. F~tje.
- Ca.Ue. (v.ie.I1'.\\' Jr..époncfLt .ta vkiU..e" (p. 31).
Dans les Bout-De-Bois-De-Dieu, on peut :relever:
" AUcune. UcU.t a peu pllU du même âge que Beaugou,e e.t
polltalt un §abadord (3) veu et un CM que qu' 1.1. po-
llO. llU/t le bu.Jr..e.aull
(p. 75).
"A pM poll, Be.augclllle., la pet..i:te PoJLtu.galAe. m'a dU
h'[e.Jr..
qu.e. .tell paJtenU on..:t :tué. un polle, je ne lla..i.6
pM à. quelle aeCa1J.[on, et qu' eUe pllé.pMa.U de. la.
Cathioupa" (p. 75).
(1) "L'enœnble des pilons et <Ès canaris 00. se pratiqœ la sor-
œllerie dans une case. OU lieu que seuls peuvent fréquenter
les fétid1istes" (id.)
(2) Camisole qui s' arrête aux reins.
(3} "La paix soit avec toi, frère.

- 68 -
It ( ••• J Ramatoula.ye. tOWlna à. gauche et towm.a VeJ[.6
ta. plac.e. du P1{J~~, wte g1ulJldc. ~tendue ~ablOl1YteM{l_
au. c.c./tfJte de. l(Lquc..e.le ~e dJl..e,Ma.-<;t la. mo~qu.é.e.- c.athé-
dJtale avec. ~e~ de.ux. mmaJte.u dont le~ rJr.o.u~anu
pobl:taien.:t VeJt.!l le c.J..eli' (p. 71 J
ItVe temp.6 en temp~ lel> VOi6-Ulli envoya-œnt dell balA
ou de~ rn 'batous e.11 demandant a gaûteIL la l>auc.e, U
lu enQanu ~e J/.aMembiai.e.nt at..tenciant avec. .impa-
UeI1c.e le moment où. on leu.Jr.. ll..VJr.e.JLaa f.2. cha.u.d!ton à.
1Lâ.c.iJur."
(p. 93).
"SUahi, HadlLamé, cLU alCJt.6 Rama.tou..taye, tu n'al>
pM de c.oeulL et tu M la Fitmohte c.all.JLte. ! Vonne-moi
un Wa jU..6te pOWL tJr.ompeJt .ta 6aJ.m" (p. 80).
"Et llouda..in, c.omme la. Mua c.ontowrnaU une petUe.
c.otUne, Me vo.i.x d' ltomme.W.A. : t.ta.laveILd, t.i.ala.-
ve1Ld, banga. (vo.i.ià. le towûJ.i.Uon J" (p. 309)
"BaiJ'...uka rncWJahe. ba11.1.ka. mouvahe (la..i.6l>ez-le
pMleJr.?" (p. 335)
"Si cUame dom
l1dê.yelt (JI (p. 349).
Nous allé:ns maintenant procéder à la de:scriptim et à la
classificaticn des différents faits qui marqumt la francisaticn
orthograFhique du wolof.
Nous J:X>UV01S relever les cmtraintes IiDrtflo-syntaxiquèS
l:1ées à l'intégratim des xénisres wolofs dans la prrase française.
c'est ainsi qu'en note par exemple la présoJlœ cl:! crosames ou œ

- 69 -
voyelles muettes, qui gén~ralenent rn:u:qœnt en français le genre
ou le narbre dans certains nots.
Pour le narbre, œs le plus fréquent en relève surtout
le /s/ final qui !T'arque le pluriel. Alors qu1en wolof par exemple
les substantifs ne p:>rtent génêralerœnt pas la rrarqœ du ~uriel,
seuls les ~tenninants sent marqœs.
Nous aVOlS par exeI'l'ple les nots suivants :
"harriJes" dans "eUe lui. 6U 6oJ.Jr..e te. tOuJL de.6 hambu"
"ta!bas" (1) dans "eUe.6 a.vlÛent tJwquée.6 te.6 pa.gne.6 de ta.
.6enuwte pOuJL te..6 ta1JJtu"
Alors qu'en wolof, c'est le détemrlnant "ri" s:>uvent p:>st-
posê au substantif qui marqœ le pluriel des rrots. Par cxnooqu:mt
pour "ha:niJes" et "ta'Chas" en aurait eu no:r:malerrent "hanbe-yi" ou
"ta1bas-yi" en wolof.
Nous relevoos aussi des {hœarènes qui sent ~galerrent
typiques de la francisatien qui appartiennent au niveau rroqilolo-
gique :
Nous avalS les mots tels qlE
"sabadord " (tunique)
"tialavel'd" (tow:billen)
Ces ITOts qui visiblenent n' <:nt aucune parenté avec le
lexique français sent écrits avec \\ID "d" final, qui ici est une
ccnscnne muette. Rien n' expliqu:, sinan l'influence de l'ortho-
(1) "taibas" est une ~fonnati01 du français "taille basse".

- 70-
grarne française, la presenœ de œ ~ à la finale de œs rots.
Nous allœs ma.intenant relever les faits liés à la nœ iso-
rroq:hie Iflcnétique du wolof et du français. Pour écrire par exem-
ple les nots wolofs dent les sens n'existent pas en frmçais,
l'auteur utilise souvent un graIflêrre français qui correspcnd ap-
proximativerrent au sen wolof. Il arrive toutefois que œrtains
nots posent de rerieme prcb1ênesà l'auteur. Il en est ainsi par
exemple de la fricative uvulaire sourde[x1. cette cmsame qui
se rapproche le plus du [n] uvulaire français est souvent rendu
par le
/hl aspire. Cela entraIDe quelquefois des cmfusims.
Nous FOuvms signaler les ~ts came : "harriJes" {xaniJ7et "hare-
l'
. • ,
yalla"
:t:aaro-yalla. Ici le sen [x]est grarhié par /hl.
Or le h aspire existe en wolof dans les nots tels que
''biZahi", ou le nom propre Hadmrré. Pour un locuteur qui ignore
le wolof la cxnfusic:n entre le /hl de "hanbes" et le
/hl de
"bilahi" est totale. ce qui fait que dans le texte le /hl aspire
se comporte cx:mœ un archigraIflêrre qui neutralise la distinctic:n
Ixl et /hl
"hanbe"
[HJ/
~bi1ahi
Nous relevons ~galerrent le prcb1êrre poE'.é par la grarnie
des cmsames affriquées wolof, qui mt une valeur distinctive dans
œtte lanCJl.~, nais pas en français. Ici il s' agit surtout de [d31

- 71 -
et ce [tI]. Pour graphier ces SŒlS, l'auteur a recours à une cx:m-
b.inaisen de grélJ:ilênes. A.insi nous pouvcns trouver par exemple deux
graphies ccncurrentielles pour les ceux sens. Ce qui m:u:qœ l'exis-
tence d'un flottement orthographique.
d+i
: dans dieugu~ne (ferme)
Pour [~1 nous avens /
:J
"-..d + j
dans djouma (nosqœe)
t + h + i
thiavali
Pour
{tI]/
~ t + i
: tialaverd
Il Y a ~galerrent ces ccnfusicns qui apparaissent dans la
gral,i1ie des semi-voyelles [w Jet [y]
le [lA1J wolof est transcrit par èeux gral,i15œs concurrentiels
le Ivl français et lefw/
:, tialave rd
[wJ~
~~"'ahe
C'.e flotteIrent dans l'utilisaticn du Ivl et du llA11 s'explique mal,
car le wolof ne dispose pas de la consame fricative labio-dentale
SŒlorn LV]. Seule l' .influence du français r;eut expliquer un tel I1lé-
nClt&e.
Quant à [ 11]
(le yod), il est gral,i1i~ par toutes les for-
xœs gra~'1èlT'atiques existant dans le systèrre français.

4,
- 72 -
';] (a) t : "tatbas"
[ YJ~)y ': "yaye"
~') (a)iZ : ''baiZZika"
Pour la transcripticn vocalique, on note êgalerrent l' uti-
li~ti01 du &yst:àre gratflêrnatique français. Or nous savcns qu'en
wolof par exemple la durée a une valeur distinctive et ncn en fran-
çais : le fa.) lcng wolof est rendu par le laI français.
dans "bisabes" et "tapates"
:) "bisabes" au lieu de ''bisaab''
fa ]"""""""-
~ "tapates" au lieu de "tapaat"
le lai bref est êgalenent rendu par le trêIre graphêrre
dans "yaye"
et
"caye"
le [9SJ \\orolef est rendu par leul dans "tougueuZ"
,le [u] par loul dans toubab.
De œs faits qtE nous venons de décrire, nous IX>UVŒlS
tirer les n:'•.rrarques suivantes:
- le proœssus de la francisation orthogratbique du wolof,
resulte d'une irnitaticn du troàèle orthogra{hique français IX>ur
transcrire les sens wolofs. ce faisant le systè!œ graphiqœ "bâtard",
,,/,.,

- 73 -
n'est que le resultat d'me ofération de transcx:>dage linguistique
et partant , fcnctianne sous le rrode de la mimésis graphique (1).
- D'autre part l' o~raticn de transc:x:xlage linguistique mire
en oeuvre ici, s'aco::mpagne d'une fcnction 1Œtalinguistique et/ou
,
.
neta-textuelle ~s spcntanée qui re rranifeste ici à des degrés
et à èes niveaux différents t
1) Nous avens d'abord, l'existenœ de divers marqueurs ~'pc>­
grar:hiques : les guillerrets et l'écriture en italique
qui ~nœt-
tent d'instaurer une dé..J11arcation nette entre le wolof et le fran-
çais, et de œ fait ont pour foncticn de signaler les xénisrœs wo-
lofs came étrangers à la lahgœ française. C'est ainsi que nous
avens : "Zakhat-diaaown"J "HCflIe-YaZZa"J "Sidiame domu
n' œye"
entre guillerents. Tandis que "harrbes"J "aathioupa" et "sabadord"
etc. re manifestent en itali.q1E.
2) !.es guillenets et les parenthèses fonctiament égalerrent
o:mœ des indicateurs de traducticn, ils sent d'ailleurs ccncurren-
œs en œla par les notes en bas àe pages: "toubab (blanc) ", "yaye
(rrère)", "Caye (viens)" etc.
Came nous le verrons plus loin, l'enserrble de œs indi-
cateurs ~nœt d'inscrire le lecteur ncn wolof ccmre ·public étran-
ger".
(1) Cf. Himologiques Cle C,érard GENETrE, notamœnt le chapitre inti-
tul~ "milrogra~Üsrres", p. 71 et sq, Ed. àu Seuil, Paris. 1976 0
/

- 74 -
Nous pouvcns enfin signaler éga1eIœnt que le processus
de francisaticn orthograpli~ du wolof, cx:nstitœ le premier in-
diœ œ la manifestaticn d'm voutoir-écl"ire en wowf dans le tex-
te d'Ousmane SEMBENE, il ccnvient d'ajouter œp:mdant, au niveau
œ la forme de l' expressiœ (Louis HJEIMSlliV).
Nous allcns maintenant nous p:mmer sur la œuxiêIœ
Ihase : celle qui est caractérisée not.an'n'ent par un processus
d'effacenent de l'interférence.
5.3. Etuœ œ la œfrancisaticn orthograplique du wolof
Noos avens d§jà signalé ~. le proœssus œ ~francisa­
tim orthograP'tiqœ du wolof se œroulait en œux temps. Dans m
pI:emier temps, m note l'existence d'm IT'OCè œ transcriptim œs
JOOts wolofs distinct. œ l' qératlm œ transcodage linguistiqœ.
Mais néanrroins, m relève ici et là, qœlqœs flotterœnts ortho-
grëqiliq'..Es. Cette ~tenœ orthogratbiqœ flottante se manifeste
dans VElU-CIQSANE et dans I.E MA..~T. Dans m œuxièrre temps œt=eJl-
dant et notarment dans XAIA, apparait me écriture wolof beaucoup
-
plus é laboree.
Nous allms dooc presentar m émantillen des faits qu'm
{eut cbserver dans VEHI-CIOSA"œ et dans lE l-WIDAT, et ensuite nous
pœsenter01s les faits qui apparaissent dans ~.
Dans VEHI-erOSANE, en r:eut relever les énmœs suivants:

- 75 -
"'PoWt tol, VEHI-'CIOSMJE, ~'GO."JE (t'AR Tf{!I\\NVUM •••
(BLANCHE-GENESE, WGONE WAR THIANOUM, p~~~-.tu
plté.paJl.eJt l4 genè.se de no.tJte monde nOLLveau" (p. 17).
"Le Niaue. e~:t au ~btgu.t<.e.1L en wolo6, le6 coRLml~­
tel> l'écJUvaieJtt au pt..u.JLiel" (p. 19).
"Le~ he.Jr.be~ du de.rJ't-i.elL na'Jet rhlve.Jrnage.}, mouu.•
cM~éu, ~'eJ1~onçai~.n;t cJr•.tl~ le. ~ol dou,x.. Lef., swnps
hew~tU.ent leUJL.6 épbteA en heJL6e." (p. 20).
" Avant
none d!tame
-
I,l dJr..ame 1.1.. tj a. --, San:tJtJ..u.-
Nlatje.avait VIL ,bOit é:toUe. b.':.U1e/(, ~on pcut6 ba.t.tJte
de la. vitalité du temp~ de no~ p~e.6, même de no~
~è~e.~-g~and~-paJl.ent6,
du te.rnp~ où le. sahhe •••
(g~en.œ.~-él".onoma..tl ~e~v(1U d'épo.JtgJ1e à. ta. 6amille"
(p. 22).
"Ve la. j ouMée. d' h-i.e.Jr:, ni. ce.lle d'a.vant, non pM
de la. p~él".édeJ1.,te., eUe
N'GOME!tJ. THIANVUM
ne
~'était Uolgl".ée pl!L6 .toht que .ta. paJde de la. l".u-i.-
Abte., b-i.en que ce~ :t.Jto..Lo jOUJL6 n~~ent ~Olt a-'îye
(arue-moral : ~ynortywe.6, nombJr:.e de j OUM qu'un po-
lygame l".OIt~aCJte :t Me époMe)" (1) (p. 27).
"Gnàgna GrUSSE était de Aon âge, .ta. quaJtantai.ne pa.l>-
~ée a peine, de c~te g~te : elle. était l>on guewe-
lid';'udu
(gJvl.ote généalog-i.que)" (2) p. 35).
(1) C'est l'auteur qui traduit dans les paranthèses.
(2) id.

- 76 -
"Et tu. te l>ouv-ie.n6 de lui...
(1 l>on lletouJr. du l>eJr.- .
vi..ce miLUa»r.e. C'ua.u toi.. qui l'ava-U ZaZZal." (1)
(p. 38).
"SaL5-tu, Guedj, que KhaJt ut nemme. EUe i' ut de-
puil> le ba!'ahl.u thuLtième mo~ du calendlUvt wol06".
"Ill> l>' éta.i..ent d~ja Val> à. la pJr.i..~e du fadjal' (aube)'·.
(p. 55).
" - Dul. (MeJtde) ! Molll> :ta. cha.Mgne de peau ! ...
Peau de 6el>l>el> ?.. ~el>M.. d'âne, .c'âne. ut mo1l1: ! M01l1:
le~ peu l>ont 6i..n~" (p. 60).
"Ici, Lt. n'y"a peJt-6onne de tel> nawie (Ila.ng l>0Ua.t)"
(P. 68).
"f'-lam (Paix) ! Il n' y a Jr.i..en, plM de. pa.-ix alOIll>".
Dans IE MANDA'r, on relève les énonœs suivants :
"Mety, -inteJr.peUa. R.e nltc.te.uJr., j' habUe le qUlVl;üell
et j e l>~ que l bJtah.i.mlt e~t le mm'!e de. céanl> - je
ne l>uil> pcUl toubab (EUJtopéen ou blanc)" (2) (p. 113).
"Nidi.a.ue (3 ), Bah, le 6ac:teuJr., ut venu. Tu a.6 une
le.:tbte" (p. 118).
(1) Dans 1.D"le note, l'auteur traouit : "lallal : dtez les wolofs,
les serves, les iTandings on accueille 1 'hôte en étalant les
plus beaux pagnes sous ses pieds".
(2) T. d. A.
(3) id.

- 77 -
Il
_
Veholtl. ! huJtla. .te!> gaJu, : AttJ..aCibiti" (p. 138)
"Apltè.ll le d.iuma !mollqu~e.-ca.tJ1.é.cVud.e) !>e 6.{)[en:t lell
v-iAUV:J che.z de!> paJ"lZn:U tl. dell am-iA" (p. 153).
"Aplt~ la. no.u. de c.ota, "fUlj enc.ouJta.gée JXVl la plté-
.llenc.e de .6a veu..dieu (c.o-lpou.6e.) habC'Jtda :
. - Comment c.e.ta. ~'e.!>:t-U f..1Id.llllé ?
- Je n'a). ,.Jen Itê.pond-Lt-il" (p. 134).
"La. p~è.lte de t.L6baJt ache.vée, .il.!>e ltencU..t chez
M' BAYE. Le ge1lJ 6i.n-i., lteveJ'lant e.n..6e.mble V-i.eug éVM1.~
ltépondaU à. c.ô.té de!> quuti.on!>" (p. 184).
".. Cottna1tJLe. ! Tu e!> b-i.e.n. nlÜ6. V' -i.ei j'a1.. entendu.
Mn santa (nom
de ~amill(d et j'a.-i. bltodé de.6!>u..6"
.(p. 132).
"- Me.wlla, c.et aJlgent n'~.t pCL6 à. mo-i.. Ce maJtda1:
~WL lequel clta.c.un baUt ,6lm e~po-i.Jt Yi.' ut pab à. mo-i..
- Je ~!ÛÂ c.ela. Avant que. ton nevea.u Jr.ev-i.enne de
tugl!l (EWLOpe), je pe.nlle Ü
le JtendJz.e" (p. 160).
"Le c.ou.p de po.i.ng Iteç.u au nez ~.tLU..t un atte-yalla
W1.e volon-té de V-i.eu" (p. 166).
.
flans XAI.A, nous avms les énoncés suivants :
.
-
.
Il La Badiè.ne -
!>oeult du pè,~, tan-te de la rruvûée -
du nom de Yay BINErA, maU.1te!>.6e. de la. c.~émon.-i.e., doc.-
tement dWgea.U tout!' (p.. 14).

- 78 -
"Tout NdakFia.Jw. c.onna.U, VOP.R.. JLenommée à l;ou-
l;e~ li!J de.ux n' e!J:t p.(J.L6 a M).Jte" (p. 33)
.
rr -Qui de noM de.ux, e.Ue DU. moi, doU ~e me..tVte.
a l'~~ de t'auto ave.c l;oi ?
El Hadji n'eut même pM iL l;e.mp~ de JtépondJr.e, qu'eUe.
ajouta. :
- Eh bien, tD~ .e.e~ :tItoü J c.aIt c.e _n' e~:t pM ~on
l;oWr.. de moome (p. 32)
"- Que 6tU.6ol1~-no~ id l;oi et moi?
- NOM
a.ttendor:..~ i' aJlJUvê.~ de no:t're. wëjë (c.o-épouoe.)
JtépondU Adja, l' oeU à. l4 nai!Jbanc.e~c.ou de ta
deux-i.ème 6e.mme" (p. 35)
"On en.œndaJ.;t te.b appe.ù du. muezzin poUIL ta pJr1.èJte
du faejaar (aube)" (p. 44)
"Ya.y BINETA Uo.U pOt.t.Jt1>ui.u.L pM ta guigne, Ü. ay-
gaat (p. 54)
"El Hadj! Abdou KadeJl BEYE ava...U c.on~u..Ué de.~ ta.6 de
face-kat, c.hacun avait pltUCJr.U !Jon olLdonnanc.e. On
le. ~~ de safara, on R.ui. en 6U bo.LJLe ; on lu.i.
donYïildU zatim" (p. 60)
.
"Son be.a«-pèJte, lR. pèJte. ail. ta :tIto~1brre, le vieUx.
Babac.dIL, c.onndÜ~aft un ~ut:-ka..e' (p. 81)
"'Oumi
N' VOVE ~' é:ta,i;t na..t:tée lu c.heveux" a ta
Xason'k4 ~uJL le. 61Lo~ ; eth. ava..it. a.:tto.ch.é un an-
neœl en OIL l;o,~adé à. la ~~e médûvte c.ouiant jM-
qu'a ta nu.que." (p. 86).

- 79 -
" - Jam t c'ut un ca.6 ponc.tUa.-t-e1.1R.." (p. 92)
" - SOM le po.l.cU :tM.lde du .6ole1.1. de Coronn. La.
na.tuJte ~tcUt Jr.ecouveJLte d'une 6hte peu...ic.ul.e de
pOM.6.f1.Jr.e gJuii>atAe" (p. 105).
"Le chem.l.n tolttueux coula.lt ettble deux ha1.u de
\\
ngeer" (p. 109)
"Le muezzin a.vili appe.1.~ if. la. pJr.lèJL.e du ta1<kusan
de :t1.m1..6 et celle de geer.,e a.vili a.Ul..6.l. a.ccom-
pLie" (p. 123).
" - Maœn, tu a..6 le bonjoUIL de ta. 6u.te Rama." (p. U3).
Avant d'aborder l'exaITeI1 de ce corpus, il nous renble né-
cessaire de faire qŒ!lques remarques preliminaires sur les inten-
tiens qui ont presidé à son élaboraticn et sur la pratiqœ descrip-
tive qui ~ra suivie ici.
En rapportant plusieurs eXeIT!ples d'interférenœ, nous
a\\'OI'lS simplerrent voulu signaler le caractère quantitativenent mar-
qœ de la production des xénisrres dans la {hase de la défrancisaticn
orthogra};i1iqœ du wolof. Nous avens voulu signifier qu'me é~JOlu­
tien intervient ici, qui ~ra 'abordée d'me manière plus systé.Trtati-
~ dans le èeuxièrre partie de œtte étude.
Nous allcns maintenant signaler les nouvelles nm:qœs
gra{hèmlatiqtEs qui indiquent l'aCXjuisition d'une nouvelle CCJll!.:étp..nœ

--,
- 80-
orthograrhiqœ du wolof (1).
Nous avons ainsi l'apparition du gramèJre lai pour re-
presenter l'affriquée (i,J dans le titre VE:nI-CIOSk~ par exemple.
Mais dans la première période de la mase de défrancisation ortho-
grarhique du wolof, son errploi n'est ni systématique ni ~érent.
L'auteur hésite entre l'utilisatirn du grarh~ lai et la c:x:rtbinai- .
sen gra};i1È'lTlatique It+h+il et It+il. C'est ainsi que dans ~­
CIOSANE trois types de transcriptirn apparaissent :
. ':]
G = "aiosane"
[tJ J----;:: + i -"thiorone"
~ t + i ="ai.ta-aibiti
cette hésitation n'est pas à rrettrc sur le ccmpte de
l'ignorance, mais plutôt d'un souci de lisibilité. SEMBrnE évite
de surd1arger SOl rressage par de nouveaux signes grathiques incx:n-
nus du lecteur. D'ailleurs la note que l'auteur donne à la page
17 de VEHI-CIOSA.."lE ~r la façcn drnt-il faut pronrncer le graIhè-
ne lai le prame tres· bien : "prrnrnœrthiosane-. Mais dans l'ex-
pression "a7:tia aibiti" (allez, dehors 1), nous aV01S la rnaI:qUe
du flott:.errP..nt. orthograrnique :

(1) La nome orthograI=hique que SEMBENE utilise ici est sensible-
nent différen1:e de celle de la nome officielle. cette nonre
est celle de l' équit:e de KADDU. On p9ut dire que c'est celle
qui appartient à "l' éoole" du linguiste sénégalais Pathé DIA-
GNE.

- 81 -
t .,. i = dans "aitia"
[+fJ~
~)'c = dans "cibiti"
c'est égalerrent dans la deuxiàre Plase qœ nous ccnsta-
tcns l' utilisaticn de la geminée dans l' orthograIfle de œrtains
nots \\'lolofs. A œt égard, il faut si.gnaler <JlE l'usage de la ~­
nœ est actuellerœnt béUmi
de 11 orthograPle officielle (1) du
wolof. Mais SD1BENE fidèle à "l'éoole" du linguiste Pathé DIAGm,
utilise quant à lui, la fo~ geminœ - c'est la raison pour la-
qœlle CEDDO a été interdit au SENEGAL - La géminée apparait pe-rr
exemple dans les rrots suivants : "ya2Za", "Za2ZaZ", "sahhe", "ad-
Il faut relever ici l'arrbigiiité pro~ par llutilisa-
tien de la géminée dans "sahhe", car /hh/ est destiné à represen-
.
.
ter le [q] : "saq". Le [q] est me ccnsorme occlusive post-velaire
sourde qui se rapprcx:::he du Il<.JOÏ" arabe. On peut opposer par exem-
ple "saq" (grenier) à "sax" (pJusœr). L'utilisation de la geminée
/hh/ par SEMD....ENE peut. s' expliqœr par deux raiscns : d'abord par
m dêfaut de CO'TlFétenœ, car le san[q] est perçu par Pathé DIAGm
came la fome gerrdnée de /xx/. Ce qui est ccntesta.~le, dans la
rresu.re 0..) (q] est me occlusive et [x] me oonstrictive. SEMBENE
ne se réfère (bnc pas ici au rrodèle orthographique wolof de Pathé
DIAGNE.
(1) LI interdicticn de la geminée est e...'1trée en vigueur en 1977.

- 82 -
Une autre interpretatim peut senbler plus plausible
le 'tlolof de la Casamanœ ne ~stin~ pas souvent le [x] , le [q]
et ['!J. Si bien qu'il existe un archirncnèJre IBI qui neutralise
la distinctim entre fl] et [x] . Or SEM3ENE est originaire de la
CasélJT1éU1œ. D'ailleurs plusieurs ITOts inscrits dans le texte le prou-
vent
: le ITOt "santa" par exemple mur "sant"~ "vendieu" mur
"lV'Uj" (ro-émuse) et "sanga" mur "sa#g". A œt égard en peut in-
terpreter l'utilisation de la fome géminée de "sahhe" cx:mre un
thênorrène d' idiolecte.
Sur le plan vocalique, nous notcns l'apparitioo du gra-
IilèJre luI au lieu de loul, d\\,l lël au lieu cie leul. Nous avals ain-
si "gamu" au lieu de "gamou" et "barahZu" au lieu de ''barahZou'',
"duZ" au lieu de "douZ"~ "tugé·Z" au lieu de "tougueul," etc.
Mais si la première partie œ la œuxiène Iilase est surtout
~e par l'aCX}Uisitien d'une nou,,-elle <:X:mlI=étenœ grap1ique, qœl-
ques mints d'orrbre existent qui relèvent d'un défaut de a:mpétenœ
orthogra};hique wolof. Cela est perœptible dans l'écriture de la
cmsame fricative uvulaire sourde [x] • Corrrre œtte oonsame
n'existe pas en français, l'auteur va pallier à œtte carenœ en
utilisant le
/hl français. C'est œ qui explique par exemple l'oI--
thogra{i1e de : "barahZu" au lieu de "bara:x:Zu".
C'est éga1eIrent œ qui explique l'existenœ de la CCJTbi-
naiscn grar:hèrratique Id + il et Id .,. j 1 P'llr rendre l' affriqŒe
[a,]

- 83 -
"veudieu"
(~J--)
~) "djwna"
Le prcb1èrre de l' orthograp.~e de la quantité vocalique reste
ent~r dans la première partie de la èeuxiêrre mase égalerrent
dans "morne", les deux formants de ° : sont rendus par le simple
/0/ français:
"mome" a.u l.i.eu de "moorœ"
les deux fonnants de Ce:) de "gell" sont rendus par le /e/ français.
Nous avens "gelJ" au lieu de "geelJe" et/ou "geelJ".
Il faut attendre donc l'avénerrent. de la èeuxiêIre partie
de la deuxièrre Iflase p:>ur que l'ensenble de ces probl6œs puissent
être résolus. Entre .1a preIllière partie et la àeuxièIœ partie de la
deux1êIre p,ase se produit m êvenerrent majeur qui nal:qœ l'éve1u-
tioo de la cx:nscienœ ITÉta1inguistique de l'auteur. C'est notamœnt
la créatioo du journal "KADDU" doot l'objectif est d' ~u1ser l'ap-
prentissage de l'écriture et de la lecture an 1angua wolof. Ce jour-
nal paru en 1970, entérine l'existenœ d'me canpétenœ écrite en
wolof chez SEM3ENE. Sa paruticn est antérieure à XAIA, ce n' est
-
dOle pas m hasard si la défrancisation orthograp,ique du wolof at-
teint son terne avec ce ranan d'Ousmane SEMBENE.
came dans VElU-CIOS~J\\"'E, dans X1ù.A, dès le titre, nous
-
-
scmœs infomés de l'acquisition d'une nouvelle ~tenœ ortho-
grap,ique dtez SEMBENE. Nous allons procéàer à l'exarren des signes

- 84 -
orthograIfli.qlEs qui ccnsaareIlt la défrancisaticn définitive de
l' orthograIfle wolof dans l'oeuvre de SEMBENE.
oos le titre, la consonne fricative uvulaire soure(x)
est graIfliée ccnvenablerrent. A œt égard l'explicaticn que l'au-
teur fournit sur la manière de pl:OIlcnœr le mot, Cbnne m aperçu
sur la façcn dont fonctiame la francisatioo orthographique du
"
wolof. Ainsi quël'ld l'auteur note en bas de page : "xala : prcncn-
œr hala", c'est qu'il identifie irnplicit:eIœnt le /hl aspiré fran-
çais à la a::noonne uvulaire .."olof Ixl. Nous relevons égalenent l'u-
tilisation de Ixl dans "xasonke".
ta a:nsonne affriqlÉ~[~1n'est plus graIfliée par Id +
il ou Id + jl mais par le graIflère Ijl.
a:insi : "diarre" et "fadjar" apParaissent dans ~ dans
l'orthographe : "jam"et "faajaal"".
te prd:>lèrre de la quantité vocalique est égalerrent réso--
lu
les deux formants deCa:] lcng sent représentés par laal
nous avons ainsi : "aygaaf"
les deux fonnants cè [0:] par
1001
nous avons "moorOO" au lieu de "morOO".
œux deL~ :] par leel
"ngeero au lieu de "nger"
Nous relevons égalerrent \\.me utilisaticn plus syst..éroati-
que du gra};hèrre IcI pour rendre l'affriquée (t!]
"Coronn" au lieu de "thiorone"
...-.-

- 85 -
Un d1.angem?.nt s'oFère égalerœn.t dans la lettre /v/ qui
passe définitiverrent ~ /ùJ/ :
"wëjë" au, lieu de "veudieu"
Ch note égalerrent un changenent: dans la grarhie ces cx:n-
sames prénasalisées. Dans la première phase la prénasalisatioo
étaft rendue par /n' + la cx:nscnne orale
"Ndakkaru '''au li.eu œ".' Dakarou" (X.lüA)
Nous };Ouvoos;bien entenc1u,lT'\\11tiplier les exemples. ce
qu'il faut noter dans les différentes tilases de la francisaticn
orthograplique du wolof c'est le passage du vouloir écrire en wo-
lof au. pouvoir écr'ire en wolof. Cette évolution qui arrive à ter-
ne avec la prcx:1uctian de "CEDDO" ];enret èe damer la rœsure du
sens vers lequel s'oriente èe la pratiqtE de productioo littéraire
de SEMBENE. en p:!ut la s~cifier CCMl'E une 1.Jo'tofisation, sinan une
afri.canisation progressive de sa productioo littéraire francq:h01e.
Il est q' ailleurs frappant œ cxnstater que malgré l'inflœnœ
qu'exerœ la littérature française sur la littérature africaine,
celle-ci échappe aux différentes rcodes qui ont marqœ celle-là.
Nous alloos essayer d'étudier à travers la productioo de la \\'1010-
fisatim du français les différentes raiscns qui expliquent œ
p-ténorrène chez OUsmane SEMBENE.
Notals enfin ql:e la francisation orthograIflique du \\'10-
lof n'est en fait qœ l'envers de la wolofisatioo du français. Car
rornre nous l'avens œjà soulignEf
c'est le français qui est d'une

- 86 -
maniêre prepcndérante la langue cible da 11 :interférence dans
l' œuvre da SEl.ffiENE.
!es différents a5IEcts de l' :interférence q1E nous a1lcns
abordé à présent ~passent da tœs loin les prdJ1èlœs fonre1s qte
soulèvent la francisatiœ orthograp,iqœ du wolof. LI :interférenœ
sera aborŒ'emaintenant ccmre une stratégie da producticn textuelle
œstinre à creer l'effet de sens "littérature africadme".

- 87 -
B. LES PRIR::IPAUX EFFErS DE sms DE L' IN1'ERFERmcE DANS LA
PR)Dœl'ION LIT1'ERAIRE DE SEMBEl-Œ
1. Remarques préliminaires
Dans les études qui. vont suivre, nous voudrions surtout
répondre aux questions suivantes :
- Quels sont les différents effets de sens de l'interférence
linguistique dans la production littéraire de SEMBENE ? Pour
répondre à cette question, il fnp:>rte de s'interroger également
sur les locuteurs qui dans le texte produisent l'interférence
linguistique ; mais aussi sur l'ensemble des problàœs liés à
la production de 11 interférence, par exercple :
Quels sont les indices et les IllaIqUeS qui. pennettent de
dêoeler la carpétence bilingue de l'auteur : cxmnent spécifier
dans le texte ce qui relève de l'interférence linguistique de
ce qui relève de la traduction ? A cet égard, faut-il considérer
la traduction ocmne un ccnplênent ou un prolongement de l'inter-
férence linguistique ?
Tels sont les différents problàœs que nous tenterons
d'éclairer dans les études qui suivent.
Dans la production littéraire de SEMBENE, l'interférence
est généralement produite ocmne discours par le locuteur wolof,
et de ce fait, elle fonctionne généralement canme code et/ou com-
vention de 'Pep'P~sentation de ce locuteur et de son discours. On

- 88 -
distingue ainsi, deux IOOdes de représentation du locuteur wolof
dans le texte.
2. Les deux IOOdalités dl inscription du locuteur wolof et de
pnxïuction de 11 interférence
Pour saisir les fonctions distinctives de 11 inter-
férence, oous allons surtout oous pencher sur la structure dl inter-
action intra-diégétique, clest-à-dire les dialogues qui constituent
11 espace privilégié de production de 11 interférence. car Cl est
lA qulest s:l.rmùé llensemble des situations dléoonciation et de
cxmnunication
pennettant la production du discours du locuteur
wolof.
Ici, oous allons distinguer deux IOOdalités distinctes
dl inscription du locuteur wolof et de production de 11 interférence.
- Dans un premier tanps oous allons considérer la produc-
tion~ de 11 interférence linguistique sous la fonne du parler
"petit nègre".
Ici, Cl est le locuteur wolof, ocmne analphabète, actant
indigène et colonisé qui se manifeste cxmne protagoniste dl une
interaction sociale. LI interférence
linguistique apparatt donc
oc:mœ code et/ou convention de représentation de ce locuteur.
Nous avons gênéralanent un dialogue dont le schéna est le suivant
LI interaction oppose deux locuteurs wolofs analphabètes
ayant une c:x::mpêtence française très pauvre ; ou bien un locuteur

- 89 -
analphabête et un locuteur francophone -un 'NOlof bilingue ou un
français-.
Dans cette situation, on peut observer l'existence de
quelques variantes dans le contexte de cx:mmmication, d'un ranan
A l'autre, mais il daœure toujours une constante, un invariant:
le parler "petit nègre" ocmne code de représentation de l'actant
indi9ène, colonisé et analphabète. La. fonction distinctive
de l'interférence ici, c'est de différencier le statut linguistique,
culturel et social des locuteurs qui se manifestent dans le :ranan
ou la oouvelle.
La. deuxiàne nodalité d'inscription du locuteur 'NOlof
et de son discours, c'est l'interférence linguistique ocmne
orau,t~ feinte. Le problàne qui se pose ici est beaucoup plus
oarplexe que celui du parler "petit nègre". car la production
de l'interférence ne met pas en cause la CCJtq)étence française
du locuteur 'NOlof, car celui-ci est censé s' expriIrer en 'NOlof
dans le texte. Le problèlœ posé ici, peut être fonnulé dans
cette question:
- cemœnt. coder en français, un dialogue se déroulant en
'NOlof et opposant deux locuteurs 'NOlofs ?
Ici à:>nc, nous allons assister à la mise en place
d'une stratégie' éoonciative et narrative destinée à représenter
le locuteur 'NOlof cx:mne actant de la oc:mmmication de la tradition

- 90 -
orale. Nous assisterons par exerple à la mise en scène du ritue!
qui caractérise l'interaction traditiormelle avec la reproduction
des conventions, des schénas et des tics de la cxmmmiœtion
spécifique à la palabre • Ici, l'interférence garde des liens
três étroits avec la traduction littérale.
D'autre part, la p:robl€matiqtœ
de l'interférence, ne
se p::>sera plus tmiquanent en teJ::mes d'altération de la langue
cible ou de la langue sourœ. car mus assistons êgalanent à
la production d'une interférence qui intervient au niveau des
"éooncés", des "texteS" ; et cela par le p:rocessus d'enchâssanent
dans le ranan et dans la muvelle de lOOdèles ethrx>-littéraires
de la tradition orale. Par conséquent la fonction distinctive
de l'interférence n'est pas seulanent de produire un langage de
connotation sociale, mais de créer une convention littêraire qui
puisse spécifier la littérature africaine francqilOne. NoUs
parlerons donc ici d'oralité feinte p::>ur spécifier ce type
d'interférence •
Les deux m:x1a1ités d'inscription du locuteur wolof,
de son discours et de son univers culturel, et les deux m:x1a1ités
de production de l'interférence qui leur sont consêcutives, sont
d'inégale :inp:>rtance. Dès lors, on <X:Itprendra p::>urquoi mus avons
accordé une place plus importante à l'étude de l'oralité feinte
car la fonction distinctive de 11 oralité feinte
n'est pas
seulement de différencier les locuteurs, mais aussi les littéra-
tures francop1'Y;)nes, l'africàine de la française proprement dite.

- 91 -
1. LE PARLER "PETIT NEGRE" COMME COVE VE REPRESENTATION VU LOCUTEUR
INVIGENE, ANALPHABETE ET COLONISE
I.l. QUELQUES ASPECTS GENERAUX DU PROBLEME
Si l'on se réfère au français ccmne langue objectivement
prê€m:l.nente,
le parler "petit nègre" se distingue par les traits
suivants :
Il est caractérisé d'une manière générale par le processus
de "\\\\IOlofisation du français", car ici, c'est le français qui
apparait ccmœ langue cible, qui subit l'interfêrenœ linguistique.
Dans le ranan, le parler "petit nègre" apparaIt ainsi ccmne la
transcription d'un discours censé représenter la parole orale,
le "dire" des actants analphabêtes, indigênes et colonisés.
Ici, le parler "petit nègre" se situe d'anblée entre
l'oral et le scriptural, et de ce fait, se manifeste ccmne une
transcription graphique dans le ranan ou la nouvelle. Et ccmne
telle, il oanporte l'ensemble des propriétés spécifiques A une
transcription de la voix ; et cela A cause de la reproduction
des variations situées aussi bien au niveau segmental (des
unités linguistiques) que supra-segmental (la mélodie et les
pauses etc.). D' oü la présence des interférences fautives qui
apparaissent A travers les altérations poonétiques, sYntaxiques
et lexicales. Les altérations fonctionnant ici ccmne marques
d'énonciation
du locuteur indigène, analphabète et colonisé.

- 92 -
Consiclêmns par exsrp1e les êooncês qui suivent ~ iéi,
le dialogue de Ramatoulaye et de l'officier de police dans Les
Bouts-de-bois-de-Dieu, 00 oous avons une interaction dont ] es
protagonistes sont un locuteur indigène et un locuteur francais
" - V.L6-.f.uA.. que noLL6 ne plLencVto.u que le mouton
e;t qu'eUe poUJrJLd verWr. dema.-i.n. V.L6 -.f.uA.. que je ne
.6u.L6 pM mlc.ha.nt•••
- Mlça.nt, pa..6 mlçant ? Moi c.onnaUlLe ~, inteJr.-
ItOmpU Rama:toulA.ye. VendIl.ecU (1) pM pâ;U ••• .f.uA..
manzeJr. m, moi c.oupeJr. c.ou ! En6an:t.6 beau.c.oup 6a..im,
VendlLecU manzeJr. m en6an:t.6. Moi ven.i.JL avec. toi,
VendJr..ec:U pa..6 ven.i.JL, VendIl.ecU pouJr. manzeJr.." (p. 124).
ou encore, cette réplique qu' Arona adresse à Beaugosse qui oontan-
p1ait avec tristesse ses chaussettes trouées :
" - S' 0 c.c.upeJr. de .6GtLL6.6 uJr.U
e;t de .6GtLL6.6 e.ttu c.' ut
bon, c.' ut bon pouJr. c.eux qui mangent a leuJr. 6a..im."
(id. p. 71).
Quand l'oncle Amadou s'adresse à Isabelle dans 0 pays,
ncn beau peuple, mus avons un exarp1e du type :
"Bo.uouJr. lu en6an:t.6, c:Ut Amadou (••• J ma.u.6on•••
6.inU ..• pLUt•.. pLUt.
- Oooh, oui••• .6ou6la-t-eUe. Il ne noLL6 ~ute
ptti.6 beau.c.oup Ci 6~e.
- PLUt ? •••
Il ac.heva .6a phJr.a..6e pM du gutu." (p. 51).
Ainsi du dialogue de l-t:mssa et d'Isabelle sa belle-fille,
après la ranise des œ-deaux :
(1) Vendredi, c'est le ron du nouton ég'orgé Par Ramatoulaye.
Pâti: Parti, ici il y avoealisation du Irl apical.

- 93 -
" - MeJLu, 6U le t.eJrJr..ible v.ieux. P~e d m~e
6~~e f
EUe 6U ou..<. de la. t.ê:te.
- Content... i.il f
- ou..<. ~~pondU-e.tle (••• )
- y en a. 6~~u ?
- Une ~oe.ulL, dU 1~a.be.Ue." (Ibid p. 45 et 59).
Dans ces exatples, il est facile dl énumérer les marques
dlénonciation
qui pennettent d l1rx3exer le parler "petit-nègre"
canne transcription graphique dl un discours censé se dérouler
oralement. Il suffit de relever les fautes et écarts graphiques
et phoniques qui €maillent
le disoours des actants indigênes
nous avons la liste suivante
"Ma.nzeJL" pOUIL "ma.ngeJL"
"Sau.6~ et:tu" pOUIL "cha.J.u~ et:tu "
"Sau.6~UlLu" pOUIL "cha.J.u~UlLu"
"Bo~oUIL" pOUIL "bonjoUIL"
"Pliu" pOUIL "pe.t.U"
"FJu:l~~ e" pOUIL "FJu:l~~ e"
Les écarts syntaxiques se manifestent dans les énoncés
suivants
"Co ntent. •• .<.U"
"Yen a.
6~èJLu"
"M'
1 :.A :.,.
",i ~ i 1"
:.,.:.,.
"
a..<...ll~on O-U~... ~... p~.
"Méça.nt. p~ méça.nt moi conna.U:Jte p~", "lu..<. ma.nzeJL
Jr.i..z, mo'<' COUpeJL cou !" de.
sur le plan phonétique et graphique, 11 interférence
provient ici, du fait que les locuteurs analphabêtes, identifient
les OOImeS phonétiques de leur langue maternelle à celles du
français. Ils analgarœnt ainsi, les oonnes phonétiques du \\\\Ulof

- 94 -
fI
et du français. Ainsi, l'absenCe du phonàne
en langue ~lof
explique la production de s~es telles que
"SaLL6l1U1LU" pOUIL "e.hatJ.lIlIUlLU"
"SaLL6l1 ettu" powr. "e.hatJ.lIlI ettu "
De même l'absence du phonàne p] en ~lof justifie la
production d'occurrences telles que :
"Bonzowr." au. lieu. de "bonjOUIL"
ou.
"MMZeJt" au. lieu. de "ma.ngeJt" de..
SUr le plan syntaxique, on rote la substitution du
pronan oanpl€ment
au pronan sujet : "noi cormaitre pas", "nDi
couper cou", ou simplement, l'effacanent du pronan persormel
dans "content••• ici", et l'effacement des marques de t.enps
dans le verbe et l'utilisation abusive de l'infinitif. Ici,
l!galement, des processus dl identification des roImeS syntaxiques
du ~lof et du français intervierment. ce sont là les principaux
indices qui. attribuent au Parler "petit nègre" l'aspect d'une
transcription de la voix.
La production des dialogues s'apparente ici à ce que
Roland BARl'HES appelle Z '~criture à haute voix, car la pen'eption
des marques ~nciatives qui. constituent le locuteur ~lof anal-
phabète, indigêne et colonisé c:x:mre actant de la c:x:mm.mication
sont inscrites dans le texte, grâce à la reproduction des alté-
rations linguistiques :

- 95 -
"Eu ~gaJLd. aux .60M de la langue, l 1~eJtU:uJr..e
a haute vou n'ut p<U phonolog,ique, ma..i..6
~honUi.que ; .60n objec:ü.6 n' ut pM .eac:Lvt.t~
U mU.6agu, le th~â:tJr..e du ~OUOM ; c.e qu 1eUe
c.heJr.c.he (da.n6 une peJr1.lpecti.ve de j orU.6.6t1Ylc.el ,
c.e .6ont lu -i..ncident6 put6.i..onneh"
c.' ut le
langage ta.p.i6.6~ de peau, un texte où. l'on pu..(.6.6e
entendJLe le gwn du gO.6.ieJr., la pa:t.ine du c.OMon-
nu, l i volû.ptl du vo yël1u, toute une .6t~~o­
phonie de la c.htWt p1I.06onde : l'aJt:Üc.u.l.ti:tlon du
C.OlLp.6, de la langue, non c.eUe du .6eM du langage.
(... l c.' ut peut-me aujoUiLd' hu.i au c.-i..n~a. qu' on
la tILouveJta..it le plu.6 6a.c.Uement" (1).
cette réflexion s'applique d'autant plus à la production
du parler "petit nègre" chez SEMBE1'Œ, que celui-ci est aussi
cinéaste.
Mais la mise en oeuvre de l'écriture à haute voix
apparaIt surtout dans le nécani.sœ oonstitutif du parler "petit
nêqœ" ocmne langage de ooI'lJK)tation sociale. car ici, l'ensemble
des altérations phonétiques et graphiques mais aussi syntaxiques,
fonctiorme ocmne chaine signifiante et/ou ocmne fonne de l' ex-
pression (HJEIMSLE.V), et de ce fait elle oonstitue une oonfiguration
.sênantique "de second degré", pe:onettant de percevoir le discours
du locuteur 'NOlof analphabète et oolonisé ocmne celui d'une caté-
gorie socio-culturelle, et ocmne :rcodèle d'un français "déterri-
torialisé" .
Ainsi, si nous prenons les exemples d'altérations
linguistiques qui s'expliquent par l'absence d'une isœorphie
(1) Cf. Roland BARl'HES, in LE PlAISIR DU TEX!'E, p. 104-105, seuil,
oollection "TelQuel", Paris, 1973 (c'est nous qui souligmns).

- 96 -
de phonànes ~lofs et de phonànes français, mus pouvons oonstater
les faits suivants :
COnsidérons par exemple les phonànes ft] et ~] qui existent
en français et mn en ~lof où il n'existe qu' un seul phonàne pour
pallier à cette carence {S). Dans les exarples qui suivent, ce
phonèœ a le statut d'un archiphonème qui représente le ff] et
le [J] français; sur le plan graphique mus avons un archigraphàne
[S) p::>ur (g + e), (ch) et (j) :
(g + e)
" ~ eJtg e.nt- che.6"
"~eJL6 e.nt-~ e.6"
(ch)
"cha.u.6~Wle."
"~a.LL6~Wle."
(j)
"bonjoWl"
"bo~OWl" etc.
Si mus procédons à une foxmalisation approximative, à
un niveau de surface, mus obtenons le sch€ma.
suivant :
.__________"' (g + e)
archigraphème {S] ,;
)(j)
--------> (ch)
graphèmes français
Si nous considérons l' explication que Roland BARI'HES
dorme du fonctionnement du mécanisrœ de la conootation, c'est-
à-dire :
"Un ~y~t'bne.· connoté ut un ~y~tème. dont lil. plan
de. i' e.x.plLu~,(,on ut co~:tU:.u.é ..f..tU-même. paJl un
~y~tème. de. ~.<..gn.<.6,(,c.a.:üon" (1).
(1) Roland BARI'HES, in "El€ments
de s€mi.ologie",
carmunications
nO 4, p. 130, Seuil, Paris 1964.

- 97 -
Nous pouvons observer alors que 1 rarchiphonàne et/ou
11 archigraphàne f~ fonctio~ carrœ un signifiant de COI'lIX>tation
dont le signifié est le parler "petit-nègre". Les altérations
syntaxiques qui dans le parler "petit-nègre" se manifestent par
la réduction des fonnes verbales â 11 infinitif, mais aussi la
substitution des pronans sujets aux pronans OCItplênents ''noi
content", fonctiorment égalanent cx:mne des signifiants de
connotation, dont le signifié est le parler "petit-nègre".
crest le m::nent dlaborder llétude du parler "petit-
nègre", cx:mne niveau de langue, mais aussi cx:mne position dl érx>n-
ciation, autrerœmt dit cx:mne m:x1alité d rancrage socioculturel
et linguistique du locuteur wolof analphal::lête, indigène et colonisé.
I.2. ETUDE DU PARLER ''PETIT NEGRE" COMME NIVEAU DE LANGUE
Le parler "petit-nègre" carrœ niveau de langue est
indiqué·d rune manière explicite, à 11 aide du procédé traditiormel
du discours ''méta-linguistique'' :
par le oc:mrentaire qui se situe sur un plan méta-narratif
et/ou méta-diégétique.
Les ootations en bas de page, carrœ cette parenthèse

- 98 -
de 0 pays, non beau peuple, 00. l'auteur êcrit à propos du disoours
de la rœre roKHEYA" (beaucoup d'ouolofs parlent quelques nots de
français, quant à la prononciation, il faut en chercher le défaut
dans les cordes vocales)" (1)
(p. 31).
Nous avons aussi des ccmnentaires qui a~aissent
sous une fonœ méta-narrative,
quand l'auteur précise dans Les
Bouts-de-bois-de-Dieu, parlant du discours d'Awa, que "c'est un
français approximatif", ou tout sinplement quand il emploie le
tez:me "petit nègre" pour dêsigner le discours de la rœre roI<HEYA.
Dans ces explications, nous avons un ccmnentaire mêta-diêgêtique,
fonctionnant ocmne un nodèle de rêception du parler "petit-nègre".
Cette OCIYpêtence du français, dêcrite ici, et qui s'écarte de
très loin du français standard, se manifeste dans les occurences
suivantes:
"- Bon.6oUIL, Ma.dame., dU:. ROKHEYA en .6 eIVU1n.t la.
main de. .6a blW ( ••• )
- BonjoUIL maman ~~pondU:. I.6abe.tte.. ( ••• ) Elle.
ch~cha. .6 U moU pu.i.6 dU:. :
- Beaucoup .6oUe.... Madame., papa, marna,
f~.6 e..
- Oui ~~pondU:. la. jeune. 6enme. dan.6 un .6ou66te..
- f JU1n6.6 e.. •• .to.<.n... T0)., 6a.ti.gu~e. ? VOJurWt ?"
(O.p.m.b.p. p. 31).
Nous pouvons êgalement donner l' exarple du dialogue qui q:.pose
l'oncle Amadou à Isabelle:
"VOu..6 ne. mange.z pM ? Q.uuüonna-t-e.tte. ?
- Mang~ ••• mo). ve.~. (It vou.ta.i..t ~e.
j' ai. mang~ avant de. ve.~)" (1) (Ibid. p. 53).
(1) C'est l'auteur qui prêcise dans la parenthèse, nous avons là
êgalement un exarple de ccmnentaire mêta-narratif accarpagnant
la production du parler "petit-nègre".

- 99 -
ou encore cette réplique de Balla, s'adressant à l'un des repré-
sentants de la régie:
"- S.i.. no~ cont:ent..6, no~ paJtleJL 6Jta.nça..i..6 U hJ.i..
compllendlte, mai6 -6.i.. noU[) pa.6 cont:ent..6, hJ.i.. pa.6
compllendlte, dJ.;t Ba..U.a. en Jta.-6-6embla.n:t -6on meUlewr.
6Jta.nçai6 , e:t hJu.t heuJLeu.x de -6a. Jr.~pUque."
(L.B.d.b.d.D., p. 279).
Dans ces exE!Tples, nous avons un discours spécifique
d'une catégorie socio-culturelle de l'Afrique francophone que
SEMBENE oonna.tt très bien pour l'avoir côtoyé d'assez près. car
l'auteur lui-même a été maçon, mais aussi l'un des principame
acteurs de la grève des cheminots qui est raoontée dans Les
Bouts-de-bois-de-Dieu. C'est ce côté autobiographique qui
donne à ce type de discours une fonœ de rénanence, de rappel,
mais aussi de "citation", d'un univers socio-culturel dans
lequel il a baigné. Dans cet univers bariolé, grouillent pële-
nêle des harmes et des femnes analphabètes de la génération de
l'après-guerre et de la période ooloniale, telles Niakoro-la-
vieille, IDKHEYA, DIEYNABA, RAMAroULAYE, AWA, mais aussi ~ussa
~YE, l'oncle Amadou, et la plupart des chanioots de la régie
BALLA, AroNA, DElJNE, 5amba. NOOUIDlIDU etc. Et c'est là qu'on
s' aperçoit par exanple que la production du parler "petit nègre"
oc:mne registre du locuteur analphabète et oolonisé n'est pas
dénuée d'arrières pensées tactiques, de présupposés idéologiques
et axiologiques. car dans un ranan ccmœ Les Bouts-de-bois-de-
Dieu, on peut très bien établir une hcm:>logie entre le problàne

- 100 -
de la lutte des classes qui s' y trouve posé et la récurrence
du registre "petit-nègre", ocmœ discours des locuteurs colonisés
et analphabètes qui pour la plupart sont les ouvriers de la régie.
Il inp:>rte de préciser par ailleurs, que le parler
"petit-nègre", n' a pas toujours la même fonœ, et n' assume pas
la même fonction discriminatoire d' un ranan à l'autre. Car nous
pouvons déceler un certain ranbre de facteurs
qui interviennent
et qui tiennent à divers facteurs panni lesquels on relève :
- un facteur d' ordre diachronique : dans la période coloniale,
les l:allaIlS parus offrent des exanples oü l' on oote la récurrence
du parler "petit-nègre", alors que dans les l:allaIlS post-ooloniaux,
oous ootons l' anorce d' un processus d' effacaœnt progressif du
parler "petit-nègre", dans VEHI<IœANE, le MANDAT et XALA par
exEltple. Cela nontre assez bien que la production du parler
"petit-nègre" penœt égalanent de situer historiquement le
locuteur colonisé.
- Il oous faut aussi considérer la structure et le roodèle
d •interaction spécifiques à chaque ranan et à chaque nouvelle :
ici, la situation de ccmnunication des locuteurs dans le dialogue
joue aussi bien que les traits socio-culturels qui définissent
les partenaires de l' interaction.
- Notons enfin les différents aspects liés à la thânatique
d'une oeuvre et qui ont égalanent leur pertinence dans l'élabora-
tion des dialogues.

- 101 -
Pour ces différentes raisons, il oonvient donc de
dresser une typologie des différentes fonctions discriminatoires
du parler "petit-nègre" -ccmne niveau de 1angue-. Pour cela,
nous allons procéder à l'étude du parler "petit-nègre", en adoptant
une démarche qui resPeCtera autant que faire se peut, l'ordre
chronologique de parution des écrits de SEMBENE. L'avantage
d'une telle démarche, c'est qu'elle nous pennet de repérer les
différentes mutations et les différentes ruptures qui caracté-
risent l'oeuvre d'ousmane SEMBENE, mais également de saisir les
ItOtivations fondamentales qui sous-tendent la pI:Oduction de
l'interférence ocmne parler "petit-nègre".
I.3. TYPOLOGIE DES FONCTIONS DISTINCTIVES DU PARLER ''PETIT-NEGRE''
Ici, oous allons privilêgier l'étude de deux :ranans oü
l'on note une très forte récurrence du parler "petit-nègre"
o pays, non beau peuple, et Les Bouts-de-bois-de-Dieu.
D'une manière générale, on peut noter l'existence de
deux terœnces qui se manifestent dans ces oeuvres:
Dans 0 pays, ItOn beau peuple, la pI:Oduction du parler
"petit-nègre" semble être organiquement liée aux problènes de
camn.mication oonsêcutifs au oontact de deux langues et de deux
cultures, tandis que dans Les Bouts-de-bois-de-Dieu, bien que
ce thème ne soit pas entièrement absent, on relève surtout la

- 102 -
fonction de discriminant social du parler "petit-nègre".
Les possibilités d'expression offertes par l'interférence
oc:mœ parler "petit-nègre" sont èbnc m.ù.tiples, nous allons donc
voir cx:mnent l'auteur essaie de les épuiser dans son oeuvre.
3.1. Le vemal cx:mne babil dans 0 pays, non beau peuple .
Le teJ::me babil est utilisé ici pour caractériser une
cœpêtence linguistique très primaire caractérisée par la
production d'écarts phonétiques et surtout syntaxiques qui à
bien des égards rappellent le langage enfantin (1).
Dans certaines occurences de 0 pays, non beau peuple,
nous ootons dans la production du parler "petit-nègre" l'existence
d'altérations linguistiques si importantes que le message produit
est à la limite du CCf'lPrêhensible. Considérons à cet égard, ce
fameux dialogue qui owose Isabelle à la mère R:>KHEYA :
"- Oncle Ama.dou couché ? dema.nda. 111abeU.e poUIL ne
paA manqUeJL cefte oCc.a.lJ.wn qui lJ..U.. é:tJU:t o66eJLte.
- TOUll 0 U/Lll. ••
ma.la.t:te... HUtu 1 Bien, Jr.épo ncü;t-
e11.e liaM enl.eveJL lia bou6 6a.Jr.de. Et: poU/Llluivant
da.YI1l lion 6Jr.a.nçaill peü,t-nègJr.e : Papa... content •••
Ouma.Jr..
•• ouaw••• ouaw••• , concl.u.a.Lt-e11.e. EUe
ava1.:t .i..mU:é l'abo-Lement d' un ch-Len, ce qui 6ft
1U.Jr.e 111abe11.e qui dU encoJr.e :
- Ouma.Jr. VuJ.vOvifte, VuJ.vOvifte beaucoup, paA doJr.m-i.Jr..
- Papa... e11.e cheJLcha1.:t lu mo.t6 en c.la.qu.a.n t lia
langue. •• Papa••• plUé, 6UA plUé .•• mamaplUé,
6UA plUé... Owna.Jr. ouaw... ouaw 1•••
(1) roMAN JAI<OB9JN, in : IAl'G\\GE mFANl'IN El' APHASIE, p. 23 et sq.,
Editions de minuit, Paris 1969.

- 103 -
- Chien... Ouaw... Ouaw, -inteNLOfJPU 11.abeU.e.
- OumM
chien dU. la. mèJLe.
Le dialogue était di66-icile. 11.abeU.e l.e leva et
p!LLt ROKHEYA pail le po.ignet. Comp~a.nte, 1.0.
v-ieil1.e la. l.u.i.vU. EUu v~UèJLent la. m~on de
60nd en comble avec, po~ ~oute expt.i.cation del.
g el.~el. • (. '.J') EUe l.' était o.M.êtée l.~ lu maJt.chel.
conc1u.-i..6ant aux cha.mblLu du ha.ut et contempla.
l' eYll. emble, e66lewta.nt lu meublel. du bout del. do.igu.
- Bon 6emme, Madame.
EUe a.u!La.U voulu cUJr.e ~e chol.e. EUe monologu.a.U.
Secouant la. ~ête. SaM' doute lLeglLe:t.ta.U-eU.e de
ne pouvo.i.IL PdILleIL comme t.U.e l'a.u!La.U voulu ?"
(O.p.rn.b.p., p. 111-112).
Cette séquence est assez éloquente sur les difficultés
de ocmnuni.cation liées à l'absence d'un code linguistique ccmnun
et sur l'ensemble des effets qu'elle produit.
La oonfiguration fonnelle de certains éooncés, m::mtre
bien, pourqooi, à propos du discours de la mère IDI<HEYA, on peut
parler d'un babil. car ici, la eatFétence en français de la mère
IDI<HEYA, peut être c:arparêe à certains égards à celle d'un enfant,
ou d'un sujet atteint de troubles du langage.
Nous avons un disoours qui se situe à la limite de
l'intelligibilité, et cela par le niveau primaire de la cx::mbina-
toire, et l'absence des règles les plus élénentaires de la syntaxe
française : nous relevons ainsi des phrases sans verbes ou si
elles existent, on mte une altération systématique des fonnes
verbales : "papa... prié... marna... prié.... fils prié... Oumar •••
ouaw. •• ouaw••• Il. Quant â la. carpétence lexicale, elle est ~s
réduite à sa plus sirrple expression, -de èe fait l'accumulation

- 104 -
de lêxànes ou de fragments de lêxànes mal articulés tient souvent
lieu de principe dl organisation et de oohérence du sens. Le dis-
cours de la mère IDKHEYA, se manifeste également par une quantité
pléthorique de p::>ints de suspension, de pauses, signes évidents
des hésitations, et des silences fonctionnant carme un trou dans
le langage. Dloù le caractère quelque peu enfantin du parler
"petit-nêgre", qui en fait traduit plus profondément la difficulté
de Si exprimer dans un code linguistique que lion ne mattrise pas.
cet aspect apparatt également chez dl autres acteurs, chez le père
Moussa quand il dit à Isabelle :
"CoJ1-te.J1-t ••• i.c1.." ou "V e.n a 6ILVtU",
ou chez 5eynabou qui à part un laconique "bonsour" n 1arrive à rien
articuler dl autre sinon des gestes :
"- B0n.60WL, Madame. eUt ga.i.eme.n-t une. voi.x. deNr1.èJle.
eU.e..
- Ti.e.n.6, Se.yna.... BonjoWL. La j eu..ne. 6ille. lui avaU
6aU c.ompILe.ttdtLe.
paJL gutu de. l'atte.ttdtLe.. EUe.
paJLttU.,t a I~abeU.e., ma.l..6 lu pa.JLOlu ILUta.i.e.J1-t
i.nc.ompIL~he.n6i.blu pOWL la blanc.he.. Se.yna.bou ne.
pouvaJ1-t ~ e. 6a.i.JLe. c.omplLe.ttdtLe. l' e.ntJuûna. paJL le.
poi.gne.t. "
On peut également citer les paroles de 1 1oncle Amadou quand il
rép::>nd ainsi à 11 invitation dl Isabelle : "- mangé. •• noi venir."
que 11 auteur explique ainsi dans une parenthèse : "(il voulait
diz:e j lai mangé avant de venir)." (p. 55).
Par conséquent le parler ~Ipetit-nègre" carme babil, ne
peut aller au-delà du phatique, et cela à cause des contraintes

- 105 -
qu'iJrp:>se l'absence d'un code linguistique ocmnun. Cela inp:>se

un rroc1èle d'interaction qui se situe entre la ocmnunication
gestuelle, le silence et l'onanat:opée. On mte à cet égard le
reoours au signe autonymique "ouaw ! ouaw 1" qui imite l'aboiement
du chien pour désigner le chien, ici on assiste à une régression
vers le langage inarticulé de l'animal.
L'absence de ëxxie linguistique ccmnun développe chez
certains locuteurs indigènes, des cœp:>rtements qui se rapprochent
de ceux des sujets atteints de troubles de langage. Il en est ainsi
de la mère mKHEYA, dont le discours est constarrrcent ponctué de
silences, de pauses, ou quand l'auteur la décrit "claquant la
langue", ou nomloguant toute seule. Pourtant, il n'en est rien,
l'auteur veut simplement xœttre en exergue les problèmes de
oarmunication liés à l'absence d'un code, quand il précise mtam-
ment à propos des difficultés de R:>KHEYA : "Sans doute regrettait-
elle de ne pouvoir parler ccmne elle l'aurait voulu" (ibid. p. 112).
On peut relever ici l'existence d'une analogie en~
les problèmes de la carrnunication liés aux troubles du langage
et ceux consécutifs à l'utilisation perverse d'un code linguis-
tique.
ce qu'il faut relever également ici, c'est l' ~rtance
accordée à la gestualité dans l'interaction, elle semble apparaître
ccmne un relais et un cc::rrplélœnt nécessaires au parler "petit-nègre".
Dans 0 pays, non beau peuple, avec la cx::mmmication gestuelle
envisagée souvent ccmne le prolongement de l'interaction, on

- 106 -
semble assister â une régression de la ccmnunication vers Sa
fonne la plus primaire et la plUs spontanée, â une cœmunication
Itd'avant le langage". Entre Isabelle et roKHEYA - et Isabelle et
5eynabou, elle prend la dimension d'une ccmnunication prise "â
bras-Ie-co:z:ps". Ainsi dans l'impossibilité de continuer le dia-
logue avec IDKHEYA, Isabelle lui prend le poignet et le dialogue
se poursuit avec "pour toute explication des gestes". De mêrre,
incap;ilile de se faire OCIlq?rendre d'Isabelle, 5eynabou lui prendra
le poignet, elles feront le tour àu marché de ZIGUrncIDR, avec
pour toute ccmnunication des gestes. Chez l'oncle Amadou on dis-
tinque deux attitudes : le silence et la oc::mnunication gestuelle
ocmœ oanplénent et prolongaœnt du parler "petit-nègre" :
Il LOlL6qu' -UA
6WLent a.tta.b.t~, Amadou, ap!lè.6 .eeWL
avoJ.Jt. .6 ouha.Ué "bD n appw..t", i l cU:t .6 1a.dIr..U.6 ant
a I.6abeUe :
- MeJlc'<' pOu.ll cadeaux... Mon 6amille a.u..6.6'<', VOu..6
.6entil.te beaucoup. A ce langage 'lu..<. veYULU dADa
du. COeu.1l, eUe ne .6ut que !lépottd!Le, e-t i.I.Li.. 6a.u.te
de mot.6 61la.ttç.a.i6, n' en put CÜJte cia.va.n.ta.ge. I.e
.6 1 en a.Ua.." (p. 42), ou encore :
"- Ma.i6.6on... 6,itt.<.... pUli... pUli.
- Oooh, ou..<.••• .60Uôla-t-elle. I.e ne nou..6 !lute
p.tu..6 énollmément a ôa.J.Jt.e.
- Pili:t ? ••
I.e acheva .6a ph1La..6e pM du gutu" (p. 51).
3.2. Les rrotivations qui sous-tendent la production du parler
"petit-nègre"
ce qu'il cxmvient d'examiner à présent, c'est l'ensemble
des présupposés idéologiques, des tactiques et des ruses qui sous-
tendent la production du parler "petit-nègre" et qui cxmstituent

- 107 -
le discours du locuteur indigène ou analphabète et colonisé.
car le parler "petit-nègre~1 enbraye directelœnt sur les problèmes
d'interoc::q>rêhension et d' interc:cmnunication liés au contact des
langues et des cultures.
Il suffit de considérer certains aspects liés au débra-
yage et à l'enbrayage ênonciatifs pour s'en rendre CCllpte.
Si l'on considère par exercple la SPatialisation, on
peut établir le constat suivant: le cadre dans lequel se déroule
la fiction dans 0 pays, rron beau peuple, c'est le Sénégal, et
prêcisérœnt dans la région de la êasamance, à Ziguinchor, et ce
en pleine pêricx1e coloniale.·
L' histoire prend place dans une famille sénégalaise
relativement rrodeste, fonnée surtout de pêcheurs. Dans ce contexte
l'introduction d'Isabelle, une fernœ française mariée à 0Urnar
FAYE, le fils aîné de la famille, va créer les conditions idéales
de production de dialogues riches en parler "petit-nègre". car
dans ce huis-clos familial, des représentants du français et du
\\IWOlof
ccmne langue et;. oc::mre culture sont présents. L'auteur
dispose ainsi d'une locutrice française, unique et centrale,
Isabelle, autour de laquelle gravitent tous les locuteurs 'I.Olofs
analphabètes qui ne "parlent que quelques rrots français". D'où
la relative sÏll'q?licité de la structure d' interlocution intra-
diégétique, qui ne semble être en fait que la répêtition d'un
mêrre rrodèle d'interaction dont les protagonistes sont les mêmes
actants : un locuteur wolof analphabète et indigène / un locuteur

- 108 -
français. car en fait, l'auteur ne fait que procéder à une astu-
cieuse pennutation des mêmes rôles distribués tantôt à Rokheya
tantôt à Moussa, tantôt à seynabou et Amadou, qui tous représen-
tent le même actant de la ca:rmunication (intra-diégétique) : le
locuteur ~lof analphabète, interlocuteur d'Isabelle. celle-ci
delœure .la seule protagoniste stable de la structure duelle du dialogue.
Dans la structure d' interlocution, la relation duelle se manifeste
par les pronans (je-tu), souvent inscrits dans le parler "petit-
nègre" à l'aide de pronans canplêments (noi-toi), mais fonction-
nant ccmne équivalents syntaxiques et sémantiques. Autant d'indices
et de marques qui donnent la mesure des grands traits qui définis-
sent la CCltq?étence française des locuteurs ~lofs indigènes.
OisCX)urs qui pennet d' ~crer les Personnages dans leurs univers
socio-culturels.
Mais il Y a égalanent les m:x1alités d'inscription de
la oarmunication gestuelle qui ici, fonctionne ccmne passerelle
et conme relais vers une canpréhension mutuelle -des locuteurs
wolofs analphabètes et d'Isabelle, la locutrice française.
cependant la ccmnunication gestuelle est inscrite, par l'auteur-
ênonciateur sous la fonne du ccmnentaire ou de la description,
par conséquent dans une narration qui apparatt à la troisiàne
personne du singulier et directement assumée par l'auteur :
ilEUM v,uUèJLeYl-t la. ma..i..6on avec. pOWl 4eu.ie
expUc.a.ü..o n de6 9 M:tM ", "ne pouvaYl-t 4e. 6abLe
c.ompILendJte, elle l'ew..a1.na pM le po..tgnd",
"il ac.heva 4a p~e paJLdM gM:tM."

- 109 -
Ici, i l ne s'agit. plus du discours des locuteurs
indigènes, mais de celui de "leur corps" que l'auteur décrit. Tout
cela pennet de mettre en évidence les difficultés d'expression
et de ccmnunicaUon dues à l'absence d'un cxx1e linguistique
oœmun dans le texte. Nous assistons ainsi à une savante distri-
but;on entre une instance narrative assumée par les locuteurs
\\\\1Olofs analphabêtes se produisant par le (je-tu), dans un parler
"petit-nègre" et une instance narrative assumée par l'auteur qui
assure la descriPtion des gestes avec le "il" du récit. Distinction
sans laquelle d'ailleurs on aurait affaire à ce que Jean PEYTARD
appelle "l'écriture théâtrale". Mais n' est-ce PaS précisénent la
fonction de la fiction :rananesque que de pouvoir intégrer des
él&nents aussi divers.
ce qu'il convient de relever également, c'est l'existence
d'un "continuun" entre l'isotopie du contact des langues et des
cultures -inscrite dans le parler "petit-nègre" cœme interférence
linguistlque-, et la thématique de l'intercanpréhension et de
l'interocmnunication culturelles chères à la production littéraire
de l'époque. Ainsi se met en place une espèce d 'hcm:>logie entre
le parler "petit-nègre" cœme babil ou quelquefois carme "charabia"
et la présence d'un thème qui, par la médiation de la situation
du couple mixte développe les difficultés de carmuni.cation consé-
cutives à la rencontre de l'autre, ccmœ sujet parlant une autre
langue et awartenant à une autre culture.

- 110 -
Ici, nous apparaît une des fonctions essentielles
du parler "petit-nègre" oc:mœ interfêrence linguistique : la
diffêrenciation linguistique et culturelle. Et c'est ainsi,
qu'il apparaît clairanent, que ce n'est absolurœnt pas un
hasard, si
la production du parler "petit-nègre" intervient
surtout dans la période coloniale, marquêe surtout par l'anal-
phabétisme chronique. ce n'est pas un hasard, s'il se dêvel6ppe
sous la fonne d'un "babil" chez une catégorie sociale recrutœ
surtout chez des pêcheurs de la Casamance. Et ce n'est pas un
hasard, si le parler "petit-nègre" s' êpuise dans la cx:mnunication
Platique, dans l'anorce de la cx:mnunication. Car l'intêrêt de la
carmunication qui se déroule entre les diffêrents actants, ne
porte pas prioritairement sur l' oohange d' infonnations ou de
messages, car ceux-ci, même s'ils ne sont pas tout à fait
absents, s'avèrent en fin de ccmpte très pauvres -et cela du
fait même des linû.tes de la canpétence française des locuteurs
indigènes-; En téroigne la question qu'Isabelle pose à la mère
IDKHEYA, oon pas pour s' info:rrner à proprement parler de la santé
de l'oncle Amacbu -elle le sait-, mais parce qu'elle esccmpte
avoir une rêponse à sa question et ainsi êtablir un contact avec
sa belle-mère :
"Oncle Amadou couché ? demanda. l~abe.U..e powr.. ne
pa..6 manqueJt. cet:te oCCMion qui .t.J.U UcUt o66eJLte
(de palLteJt. a ROKHEYAj • "
D'ailleurs, le reste de la conversation est assez êloquent sur ce
sujet, car elle ne porte pas sur l'état de santé de l'oncle Amacbu,

- 111 -
mais sur l'inpiété d'OUrnar.
On mte aussi, chez les locuteurs indigènes une très
forte réccurence d'énoncés laooniques relevant également de la
fonction phatique. car mus avons l~ un certain nanbre de pro-
tocoles spécifiques des oonventions sociales africaines déstinées
à tester si "le oourant passe", et qui souvent consistent à ex-
primer la reconnaissance ou l'admiration, c'est-à-dire la mise en
place de tout un code de séduction. Cela apparaît à traVers la
P1r'ase lapidaire de la mère RDKHEYA, glissée subrepticenent dans
la conversation : "bon femœ', MadaIœ", chez le vieux Moussa FAYE
"ëOntent••• ici" et chez l'oncle Amadou linon famille oontent•••
VOUS sentille beaucoup" etc. Paroles souvent dérisoires par leur
insignifiance, mais souvent porteuses d'une charge affective,
beaucoup plus destinée à cœmunier qu'à cxmnuni.quer, parce que
obéissant surtout au rituel du phatisrœ, Parole que les locuteurs
indigênes articulent avant d'avoir recours à la ocmnuniœtion
gestuelle ou de s'enfenner définitivement dans le silence.
Et c'est à partir de ce m::::ment que le cri animal ou
le"lanqage du oorps"-la gestualité-retrouvent toute leur
signification de langage premier sinon prinordial, et de ce fait
Irême atteignent la dimension d'un code universe! dans lequel se
reconnait tout hatrt'e. Ainsi, came espace privilégié de la recon-
naissance de l'autre, nul code n'était donc mieux placé pour
assurer le relais du parler "petit-nègre".
/

- 112 -
Avec. 0 pays, non beau peuple, le parler "petit-nègre",
c:x::ItI'le interfêrence linguistique, est surtout l'expression des
diffêrents blocages et des différentes entraves à la cc:mm.mi.cation
que l'absence d'un code linguistique ccmnun~peut entra!ner. Aussi,
voyons-nous à la fin du livre, Isabelle apprendre le \\\\Olof et la
~re IDKHEYA le français. can:ne si, conscientes de cette rêa.litê,
elles essayent de crêer les conditions leur pennettant d'aller
au-delà du cri et du geste, mais aussi du parler "petit-nègre",
c'est-à-dire vers un type de camumi.cation rêsolurœnt adulte.
3.3. Le parler "petit-nègre" dans les autres textes de SEMBENE
Dans les autres ranans et nouvelles de SEMBENE, et en
l'occurrence dans Les Bouts-de-bois-de-Dieu, l'interférence
ocmne niveau de langue apparaît sous une fonœ plus élaborée. Ici,
oous sarmes loin du discours fragm:mté et peu intelligible de la
~re IDKHEYA. Notons que nous sannes en presence d'une classe
sociale forroêe surtout par les cheminots de la régie Dakar-Niger.
cette démarcation sociale semble mince canne indice mais elle
est sensible dans le discours de l'actant indigène et par consé-
quant dans la fonction discriminatoire du parler "petit-nègre".
COnsidérons à cet égard les exemples qui suivent :
()Jand Dieynaba réplique ainsi à SOUNKARE, venu quémander
une bouchée de riz :
"Je n'ai. pM M.6ez pOWl tout te monde. To-i. :tu.
tJr.a.va..il1.u. Tu. n' M pM qu..Uté te dépôt. Lu
hommu .6ont en glLêve, toL non. Qu.e 6ai..6-.tu. de

- 113 -
l'allgen-t que tu gagnu ? VemaYLde a M-U~é VEZEAN
1i l te donne de quo-i.. t'acheteJL a mangeJL !"
(p~ 120).
ou bien dans le dialogue opposant l'officier de p:>lice aux
fercmes des cheminots :
"- No~ voulo~ vobL Ra.matou.la.ye et lt.epILenélJr..e le
"Jguton 1
-' Le mouton, le mouton••• lt.épUèlLen-t lu 6emmu
cOlmle ~-i.. eUu ne compJteruu.eYLt pM.
( ... )
- Maaou (~ilence !) lt.ep!l.U:. l' au~e. No~
vobL Ramatou.la.ye.
- PM habUeJL -i..u, M-U~ é BLANC, d.,U l'une du
6emmu en 6Jta.nç.a.-i..6 ~'a.dJtu~an-t al' eu.Jt.opéen
qu.-i.. commanda..i.,t le détachemen-t.
- EUe ment,lt.épU.qu.a. l' au~e" (id. p. 122).
Nous p:>uvons êgalarent citer le dialogue qui oppose Awa à
Lahbib :
" - AppltOche-to-i.. Awa..
La. 6emme ~ e pla.YLta. deva.n-t Lahb-i..b, l' 0 eU bJU.Ua.n-t,
lu naJ'vi.nu ouveJt.tu comme une cha.tte plt.Ue au
combat. EUe It.épéta. le nom de ~on maJU : "SENE
MASENE, con-t' malt' m-i..~-i..eJL."
- PM~e d.,U Lahb-i..b en 6a.-i..6an-t une CIt.O-i..x ~WL .6a
Wte ~~ It.deveJL la. tUe.
- Tu CItO~ que j' a.-i.. l' hab-i..tude de me 6a.bLe ~eJLvbL
pail. une p.Uing (1).
( ... )
- Je te vo~ ven.Ut, c'ut la. tJt.o~-i..ème 60~ en
qu.-i..nze joUM que tu pltOvoquu une bagaJLJt.e.. PeYLda.
.6~, ~~-là !
( ... )
- Ze ne veux pM que la. piling me ~eJU:. ! (... )
. Pend« ~'appltOcha :
- AJJJa., je ne paJtie pM le 6Jta.nç.a.-i..6 ma.-i..6 c' ut
"o-i.. qu.-i.. te ~eJLv.br..a.,(" p~onne d'a.u.tJt.e ! Lahb-i..b
~ aux a.u.tJt.u de coYlÜYlUeJL, eUe pM~ eJta. pail.
mo-i.. !
- Je ne paItle pM avec lu couche-to-i.. là· J" (p. 223-224).
(1) Piting : putain (c'est llauteur qui explique) • On relève ici
la confusion entre /i/ et /y/ qui apparaît souvent chez les
\\«>lofs et qui Si explique par 11 absence de la voyelle /y/ en ~lof.

- 114 -
La fonne du parler "petit-nègre" semble avoir êvolué,
entre 0 pays, rron beau peuple et Les Bouts-de-bois-de-Dieu.
Cela tient à plusieurs raisons, panni. lesquelles, il faut
mtamnent retenir :
la différence qui apparaît dans les traits socio-culturels
qui définissent les locuteurs \\\\Olofs indigènes, analp~tes et
oolonisés dans Les Bouts-de-bois-de-Dieu, 00 mus avons affaire
à la classe ouvrière.
Sur le plan thênatique, oous avons l'esquisse, sous
la fonne d'un ranan historique, d'un m:ment privilégié de la
lutte du rrouvanent ouvrier africain. Par conséquent la pr€oc-
cupation de l'auteur ne porte pas essentiellanent sur les pro-
blêmes de cxmmmication consêcutifs au contact des langues et
des cultures, mais sur la manière dont les conflits de classe
sont codifiés dans le discours, ici; le parler "petit-nègrell.
Il faut enfin insister sur le m:x1èle d'interaction et
mtamnent sur les traits soci07'CUlturels qui définissent les
différents locuteurs.
Dans les exemples que nous avons précédalTnent ex{X>sés,
mus pouvons ~lever deux types de contexte qui pennettent la
production du parler llpetit-nègrell dans le dialogue.
Dans un premier cas, le parler "petit-nègreIl se mani-
feste dans un dialogue 00 nous notons la présence d'un locuteur
\\\\Olof et d'un locuteur francophone, dans une interaction se

- 115 -
déroulant en français. C'est cette structure d' interlocution que
oous trouvons d'ailleurs dans 0 pays, non beau peuple. Dans Les
Bouts-de-bois-de-Dieu, cette structure apparatt c:3aI'.s le dialogue
qui oppose l'officier de police aux fE!'l'lœs. des cheminots de la
rêgie, ootanment dans la sêquence oil l'une d'elles dêclare
Quand RAMMUJIAYE elle-même qui est recherchée par la police,
pour avoir égorgé le bélier de El Hadj i Mabigué, "Vendredi"
dêclare :
"Méç.a.nt, pa..6 méçant, mol conna.tvLe pa..6 ( ••• l
VenclJLecU pa..6 pâti... etc" (op. cit.).
On peut également citer cette réplique de Balla à Pierre qui. lui
demandait de traduire ce que les chemioots racontaient en \\\\Olof
"- Si noM content.6, MM paJLteJL 6Jta.nça..ilJ et :toi
compJLen.ciJle, ma..ilJ -61 noM pa..6 content.6, :tol pM
complLenciJle ••• " (id. p. 229).
Dans cette situation, nous avons une interaction qui
généralement oppose un locuteur français et un locuteur indigène ;
ce que nous relevons, c'est que l'organisation fonnelle de l'éoon-
ciation éooncée présente les mêmes êcarts phonétiques, graphiques
ou syntaxiques, que dans 0 pays, non beau peuple. A UI".e différence
près cePendant, le parler "petit-nègre" est beaucoup plus élaboré
et plus intelligible que le babil de la mère roKHEYA. Malgré tout,
oous relevons l'existence des pronans CCl'lpléments à. la place des
.,.'

- 116 -
pronans sujets : "nei connaître pas", "nous contents", "toi
canprendre", l'effacement des fonnes verbales et leur réduction
A la seille fonne infinitive, enfin les écarts graphiques et
phonêtiques qui se manifestent carme les insignes traditionnels
du parler "petit-nègre" : "Missiê BIAN::" , "mêçant, pas méçant",
la YOCalisation du. (r) apical : ''Vendredi PaS pâti" etc. Mais ce
qu'il faut noter, c'est que l' ensanble de ces écarts qui ont
pour fonction de connoter le disoours du locuteur indigène,
vont ra.renent jusqu'à ruiner l' inte1ligibilitê globale du message.
Ici l'auteur ne met pas l'accent sur les problèmes de cœmunication
cx::mœ dans 0 pays, nen beau peuple.
C'est que dans !.es Bouts-de-bois-de-Dieu, la production
du parler "petit-nègre" intervient dans une situation toute par-
ticulière : ainsi nous pouvons observ-er que le parler "petit-
nègre" se produit dans un contexte où un conflit de classes oppose
les responsables de la régie qui sont en gênêral des colons
français et les actants indigènes : RAMA'lXX.JLAYE et l'officier
de police, Balla et Pierre. Ce qui pennet d' êtablir que derrière
le cx:>nflit de classes, se glissent en filigrane les problèmes
linguistiques et culturels. Ainsi, le dialogue en mettant en
scène le locuteur indigène et son discours "petit-nègre" et le
locuteur français, pennet de mettre en place avec une relative
êoonanie de noyens, les deux camps qui s'affrontent. Cette fonne
d'interlocution, n'est cependant pas la seule qui prêvaut dans
!es Bouts-de-bois-de-Dieu.
/

- 117 -
Nous allons donc êvoquer un type de dialogue qui met
en scêne deux locuteurs indigènes qui sont censés s'exprimer en
t«>lof, mais dans le proIX>s desquels se glissent de ~s à autre
quelques nets ou quelques expressions françaises. Ici, la pro-
duction du parler "petit-nègre" n' apparatt pas dans l' articula-
tion d'une phrase, mais s:iI!1pleœnt d'un not qui apparaît souvent
dans une s~e bien fonnée. Ce not ou cette expression appa-
ratt cxmne la seule unité linguiste déviante. C'est par exenple
le cas d'un dialogue DIEYNAEA/SOUNI<ARE :
"Je n'ai pa.6 dl,.6ez poUIL :tolLt le monde, :tu. n'dl,
pa.6 quU:té le dépô:t. Lu hommu .6ont en gIL~ve,
to-i non. Que 6tU.6-.:tu de l' aJtgent que :tu. gagnu ?
demande a "M.i..6.6-ié VEZEAN" qu'il :te donne de quoi
ac.he:te!L a mange!L" (op. cit.).
C'est ainsi qu'on s'explique également cette phrase de
Awa qui, IX>ur se dénaJ:quer socialement des autres femœs, refuse
de se faire servir par Penda, considérée par elle cx::mœ ferme de
petite vertu :
"SENE MASENE c.ont' ma.U' rnin-i.6-ie!L" et s'adressant
à Lahbib : "Tu c.!Lo-i.6 que j'ai l' habUu.de de me
6a.bLe .6e!Lva paJt une piling" ou encore "Ze ne veux
pa.6 que la. piling me .6 eJLt" •
Dans le dialogue qui oppose N'Dèye Touti à Awa, on
peut relever aussi :
"Il 6a.u.:t que :tu. ILépondu a une le:t:t!Le que j'ai
ILecue. Mon maJt-i. dit m'avo~ envoyé un mandat il
y a un mo-i.6 •••
. '

- 118 -
- Où. ut:.-il ?
- A Madame Caspcœ (Madageuc.aJtl (1). Il a é.t~
nomm~ ".6 eJL6ent-.se6" , et je do-iA le JLejo.lttdJr.e
avec. lu en6ant.6" (p. 102).
C'est ce même procédé que nous retrouvons également dans les
autres z:anans, dans le Mandat par exatple, nous avons le ~alogue
de MIWU<A et DIEN; :
"- C' ut:. c.omb.len le fU.i.o ?
- Même pJthc. ! Ya.U.a.h ut:. mon t:.émo.ln que j'ai.. gJta..iA.6é
d~ gen.s pOUJL obt:.erWL c.e ILi.z" (p. 121).
Ensuite dans un dialogue qui oppose MErY à MBARKA, on peut lire
"MErY, je ne t:.e paJtle peu, c.' ut:. une hi.6t:.o.iJLe
d' hommu. Je paJtie il t:.on maJU. Il me doli et
.son nom 6.igUJLe. dan.s mon lteg-iA:tJr.e, là ...
- Sustement
(jU6t:.ement) (2), c.' ut:. pCVLc.e que
c.' ut:. mon maJU que c. ' ut:. mo.l qtU. vena-iA plLettdJr.e
lu c.ho.6u en mai..n. I... l
- Merde ponc;t.u.a..,U en 6Jta.nça..i..6 pOUJL la :tJr.o-iA.lème
6o-iA MEry" (p. 176).
Nous pouvons également relever cette réflexion de MErY
à Ibrahima DIENG son mari, quand ce denûer, au ccmble du dêses-
poir se mit à distribuer dans la rue, le demi sac de riz que
venait de lui raœttre l'escroc M'BAYE :
"- IbJtalWna VIENG, POUJLquo.l c.efte pJtocUgatli~
maladive ? Où. a-t:.-on vu deptU..6 que le monde
. ut:. monde lu pau.VltU j eteJt le ILi.z ? Même lu
risses (lLi.c.hu l (3) .6e gaJtdent de c.e gut:.e" (p. 188).
(l) C'est l'auteur qui explique.
(2) C'est l'auteur qui traduit dans la parenthèse.
(3) ldan.

- 119 -
ce qui se passe dans ces exanples apparaît cœme un
~ne tout à fait anodin, mais mérite qu'on s'y arrête.
Contrairement aux dialogues évoqués prêcêdemnent, ici
rx:>us scmnes en présence d'interactions dont les protagonistes
sont tous des locuteurs w::>lofs, et dont les propos sont censés
se dérouler êgalanent en w::>lof. Par conséquent nous sames en
presence de faits qui relêvent de plusieurs instances
- de la narration et de l'énonciation,
- de la traduction et de l'interprètation et enfin de faits
qui tiennent aux probl€!'res
pragmatiques, à la lisibilité.
I.4. LES PROBLEMES ENONCIATIFS ET NARRATIFS POSES PAR LE PARLER
''PETIT-NEGRE Il
Les problèmes narratifs et énonciatifs qui apparaissent
ici sont en rapport avec une traduction qui se déroule dans le
texte, qui est assumée par l'auteur et qui souvent demeure irn-
~licite. Il s'agit en l'occurrence de la traduction en français
des propos tenus en w::>lof par les locuteurs indigènes et anal-
phabètes. Un certain nanbre d'indices inscrits dans les occur-
rences des locuteurs indigènes pennet d'établir l'existence
de la traduction.
D'al:ord, les altérations linguistiques apparaissent
dans un net ou une expression articulée Par le locuteur indigène,
alors que le reste de la phrase produite est fonné selon les

- 120 -
no:ones du français standard. C'est que les expressions déviantes
qui apparaissent dans la s~ence, sont les seuls nots français
qu'on puisse vraisemblablement attribuer aux locuteurs indigênes.
car c'est par ces dêviances qui apparaissent dans leur discours
que les lacunes de leur carpêtence linguistique en français sont
signalées. C'est là une convention qui pennet d'indiquer les
traits socio-culturels du narrateur, mais cette indiœ.tion
s'effectue à l' êchelle du not et mn à l'échelle Ph7astique
cxmœ dans les exE!t'g?les précédents. Dans le discours du locuteur
indigène, le français a une valeur "citationnelle". Ici mus
n'avons plus affaire au discours de RAMA'IDtJIAYE, de B1lLLA et
encore noins de la mère rol<HEYA.
Il reste à expliquer It'aintenant les raisons pour les-
quelles, les occurrences pJ:Oduites par les 10C'..lteurs \\\\Olof sont
bien fonnées à l'exception d'un seul not et d'une seule expression ;
autrsrent dit que le parler "petit-nègre" porte uniquanent sur le
''m:>t'' et non sur la phrase.
Ce problème s'explique par la prise en charge de la
"traduction" des prop:>s du locuteur indigène par l'auteur. Si la
traduction produite ici est différente d'une traduction courante,
cela tient ici aux différents a&pects de l'énonciation et de la
narration dans un texte de fiction.
Ainsi, si l'on considère les propos 'tènus par le locu-
teur indigène, on peut déceler l'existence d'une éoonciation
_typique du. dialogisrre de BAKHrnm :

- 121 -
Cela se manifeste explicitement dans les marges du
texte, dans une espèce de narration méta·-diégêtique où l'auteur
corrige dans des parenthèses ou des notes en bas de page toutes
les expressions déviantes du locuteur \\\\Olof :
Ainsi, l'auteur nous précise dans une note en bas de page
que' "Missié DEZEroil" correspond en français standard â "Monsieur
DEJEAN", "sustement" â "justement" dans une parenthèse, que
"risses" correS};X>nd â "riches", "piting" à "putain" etc. Bref,
nous avons là, un ensenble d'opérateurs stylistiques désarI'bi-
guIsants, qui établissent des équivalences sémantiques avec les
expressions déviantes. Ces explications fournies par l'auteur
portent donc sur l'explicitation du parler "petit-nègre" cc:mœ
ocde, elles tiennent donc de la fonction métalinguistique de la
oc:mm.mication (JAKOBSON) ,leur fonction étant d'assurer la
lisibilité du texte. D'autres types d'opérateurs existent sur
lesquels nous reviendrons plus loin. Pour le rranent, nous pouvons
établir que cette pratique métalinguistique pennet de rendre
~feste la traduction par l'auteur des prop:>s du locuteur
indigène.
La "traduction" qui derœure irnplicite s'explique par
le fait que nous ne cliS};X>sons pas de l' "original" des propos
tenus en \\\\Olof par le locuteur indigène, d'autre part il n' y
a aUC"ùJ1 indice qui vient signaler l'existence d'une "traduction".

- 122 -
L'originalité de cette traduction c'est qu'elle
apparaIt dans une énonciation bivocale,
ccmne par exemple dans
le cas du discours indirect-libre. Car dans l'espace d'un rrêœ
énoncé, nous distinguons parfaitement l'existence de deux voix,
de deux énonciations : celle du locuteur l«:>lof analphabète,
perceptible à travers la déviation linguistique qui se manifeste
dans un not ou une expression de la sêquence phrastique produite,
et celle de l'auteur qui est JIOins manifeste, mais qu'on devine
parfaiteIrent dans la partie bien fomée de la sE§quence produite,
c'est-à-dire, celle-là rcêne qui a fait l'objet de la traduction.
Car une position énonciative plus logique et plus cohérente
aurait été la reproduction des déviations qui marquent le di.scours
du locuteur ~lof indigène à l'échelle phrastique et non seulement
du not.
Cette situation s'explique par la situation inter-
culturelle et interli.nguistique de l'auteur, ma.is aussi par le
caractère hétérogène de son public. Les raisons de la traduction
~nt donc d'ordre pragmatique. L'auteur se trouve dans une situation
où le modèle de réalité qui lui sert de référence est en décalage
avec sa langue de ccmnunication littéraire. Le problè.ïIe qui se
pose est alors le suivant : cx:mnent raRJC)rter le discours des
locuteurs wolofs arJalphabètes et c."Olonisés en français, tout en
conservant la cohérence et la lisibilité du texte. D'Où la pro-
duction de ruses et de conventions stylistiques qui, tout en
~J:Jœttant la production du parler "petit-nègre", maintient

- 123 -
êgalement un ''minimum de lisibilitê". La mise en place d'une
telle stratégie aboutit à la production d'une énonciation dia-
logique, d'une bivocalité, mais aussi parallèlement, nous avons
la production d'un récit méta-narratif qui apparaît dans les
marges du texte. Là nous avons une série d'indicateurs qui se
~festent oonme nodèles de réception du parler "petit-nègre".
Ce qui fait que l'auteur apparaît souvent conme une
espèce de narrateur ormiprésent et anniscient. Nous avons l' im-
pression que l'auteur semble jouer sur plusieurs claviers à la
fois, partagé qu'il est, entre les contraintes de la production
d'un texte de fiction qui rœt en scène des personnages étrangers
il la culture et il la langue de conmunication littéraire qu'il
utilise. Ainsi, la nécessité d'assurer un ''minimum de lisibilité"
l'accule à la production du carrmentaire méta-narratif qui souvent
rarpt la continuité de la fiction, mais aussi à la réduction
des altérations linguistiques qui spécifient le parler "petit-
nègre", car leur redondance risque de <:XXCq?ranettre la lisibilité
du texte. C'est ce qui explique ici, le recours à la "traduction".
Ce qu'il faut retenir ici, c'est le changement qui a
eu lieu dans le mx1e d'inscription du parler "petit-nègre" et
surtout de ses aspects sur les plans narratif, énonciatif et
pragmatique.
Dans 0 pays f non œau peuple et dans une partie des
Eouts-de-bois-de-Dieu, nous avons en général la manifestation d'un

- 124 -
dialogue où se confrontent un locuteur \\'.ulof analphabète, indi-
gène et colonisé, et un locuteur francophone (français et colon
en général). Le parler "petit-nègre" se manifeste sous la fome
d'une transcription graphique d'une Parole proférée, avec tout
ce que cela iIrplique sur le plan orth.ographique. C'est pour cela
que dans ce cas, nous avons just.e.rrent parlé d'une écriture à
haute voix, tandis que dans une Partie des Bouts-de-bois-de-Dieu,
et dans LE MANDAT nous notons la réduction des altérations qui
m:u:quent le parler "petit-nègre" à l'échelle du rrot ou de l' ex-
pression. Le rot ou l' exp:ression se manifestant généralement
ccmne une "citation" où l'écriture en italique et les parenthèses
sent>lent. tenir lieu de guillanets. Ici, nous avons noté que la
partie bien fonnée de la séquence a fait l'objet d'une traduction
et de ce fait manifeste l'existence de deux voix dans un l'CIêIœ
énoncé prêté au mêrre locuteur (ici le locuteur wolof indigène
et colonisé) •
Ce qu'il convient de relever maintenant, c'est le
processus de réduction et d' effacerrent prog-ressifs du parler
"petit-nègre" dans les autres oeuvres d'OUsmane SEMBENE.
La réduction du parler "petit-nègre" est perceptible
dans VEHI-eIOSANE, où il apparaît sous la rnêIœ fonne et où il
est pratiquerrent produit par le n✠persormage : ici TANJR N<DNE
DIOB, personnage lunaire, qui ne semble avoir retenu de ses
pérégrinations militaires, que le discours de l'ordre et les

- 125 -
chansons paillardes :
"0 pJr..èIJ de ma. b'ande qu. '.i 6a.,U:. bo
bo 1 bo 1 doJtmiJr." etc.
Mais .le fait essentiel qu'il i.rrp:>rte de souligner ici,
c'est que la réduction progressive du parler "petit-nègre" va
aboutir à long tenne à son effacanent total. Ainsi, dans un
ranan ccmœ XALA, il n 'y a aucun exerrple de parler "petit-nègre"
pourtant ce ne sont pas les locuteurs w::>lofs analphabètes qui
manquent dans ce J:ana.n.
Tout coopte fait, la fonction distinctive prépon-
dérante du parler "petit-nègre" derœure son caractère de langage
de connotation sociale, même s'il se manifeste carme code de
reprêsentation du locuteur ~lof analphabète et de son discours.
Sur le plan littéraire, si l'on Considère les déviations linguis-
tiques ccmne le signe "palpable" du parler "petit-nègre", nous
pouvons dire que sa prod.uction dans un texte relève de l'écriture
à haute voix.

- 126 -
I.S. ETUDE DE LA TRADUCTION ET/OU DE L'INTERPRETATION PRODUITE
PARALLELEMENT AU PARLER "PETIT-NEGRE"
La production du parler "petit-nègre" dans l'oeuvre
de SEMBENE, s'accœpa.gne souvent, d'une pratique traduisante
et/ou interprétante, qui se manifeste expliciterrent.
NoUs allons essayer à.' examiner maintenant les divers aspects
de cette activité traduisante et/ou intel:prétante qui, souvent
se manifeste ccmre un prolongerœnt et/ou un carpléIrent néces-
saire il la ccmnunication des locuteurs.
La traduction qui se manifeste ici, est explicite
par le fait qu'elle est assumée par un professionnel qui dans
le texte apparaît ccmre un actant de la ccmnuni.cation : le'
traducteur ou l'interprète.
L'interprète et/ou le traducteur mérite une attention
, toute particulière, car il présente les mêIres traits linguis-
tiques et culturels que l'auteur ou son lecteur wolof occiden-
talisé.
Dans le texte, l'interprête et/ou le traducteur, peut
avoir un statut officiel et institutionnel, quand il est un
fonctionnaire au service de l'administration coloniale. Il est
toujours de ce fait, un locuteur bilingue : c'est le cas de
l'auxiliaire qui accarnpagne l'officier de police dans Les
Bouts-de-bois-de-Dieu :

- 127 -
"L ' dg en;t auxilia.bte qtU. ~ eJtva1.:t d' ln;teJtplLète,
~ 'avança et annonça .6U/t. un ton d' homme hllbUu.~
il me obU :
- NOM voulol1.6 voht Ra.ma..toulaye et lLeplLendJLe le
moU-ton ! (... )
- Pa..6 habUeJt lu, f.U6.6l~ BLANC, ciU l'une du
6emmu en 6lLanç~ .6' a.dJLu.6an;t il l' ewwp~e.n qtU.
c.ommanda1.:t le dé.:ta.c.hemen;t.
- EU.e men;t lL~pUqu.a. l'auxilia.bte.
( ... )
- NOM voulol1.6 le mouton, lL~pèta l'lnteJtplL~te.
- V.i..6 a ton c.he6 qU.e le moU-ton ne .601Lthta. pa..6
d'lu. VOu..6 me voulez, moi, me volu, ma..i..6 le
moU-ton a d~volL~ notne ILlz •••
- Il ciU qu'il. 6aU-t ven.iJr. avec. le moU-ton !
L'ln;teJtpILUe ne Jt..a.ppolLta1.:t il .6on c.he6 qu'une
paM:ie du pa.Mtu de Ra.ma..toulaye, enc.olLe ne
le 6~cU,t-il. qu'il .6a man.i.èJ:.e" (p. 122-123).
Plus loin dans Les Bouts-de-bois-de-Dieu, nous pouvons
êgalerœnt relever :
"Le c.ornmi...6.6a.ilLe. .6' adlLu.6a cl l' ln;teJtplLète :
- V.i..6-ltU que dù qu'eUe. a.WLa. demand~ palLdon,
etf.e. poUlLlLa.
lLepMtht" (p. 198).
ce type d'interprète est souvent présenté ccmne un personnage
antipathique, parce que servile, zélé et flagorneur, prêt à
devancer les ordres de l'administration coloniale. Dans sa
bouche, les paroles du locuteur wolof sont souvent travesties,
la traduction n'est donc pas toujours fidèle.
Mais, nous trouvons également des cas où l'interprète
et/ou le traducteur n'a aucun statut officiel, ce qui le définit
alors, c'est sa seule corrpétence bilingue en wolof et en français.
Ici, il s'agit du locuteur wolof alphabétisé, francophone-et
quelque peu occidentalisé.

- 128 -
c'est le cas par exerrple de N' DEYE. TOurY qui fréquente
l'êcole no.tmale supérieure des jeunes filles, qui, occasionnelle-
Irent joue le role d'interprète. Nous avons l'exerrple de la séquence
0) le cx:mnissaire de police lui adresse cette mise au point :
"Si. vo~ ne. voule.z pao pa.Jri.eJL, .6oJLte.z, Mademo-L6 e1.le. !
Je. n'ai pao buo..Ln de. VOlL6, j'ai un ..LnteJLpILUe.."
Nous pouvons êgalement faire refêrence au passage ou
Ararre demande à N'DEYE TOurY de "répondre" à la lettre de son
mari :
"U. 6a.u.t Clue. :tu. lLépo ndu à. une. t e.ttJr.e. Cl ue. j' ai
1Le.ç.Ue.."
l'.vec Bakayoko, l'interprète se trouve aux antipodes du
fonctionnaire de l'administration coloniale, car il se double de
FOrte-parole de la classe ouvrière, en tant que principal respon-
sable du rcouvernent ouvrier :
"Je. VOlL6 lLemeJLue. to~ de. m'avo..l.lL donné ta paJl.ote.,
d1;t-il e.n woto 6. It é:tai:t anolLma1. que. tout te. mo rtde.
pc.U.J.>.6e. pa.Jri.eJL ~a.u.6 .e.e.6 glLév-L6te.6. Je. va.-L6 donc.
pa.Jri.eJL e.n .e.e.u.IL nom" (L.B.d.b.d.D., p. 336).
Dans 0 pays, rcon beau peuple, l'interprète n'a pas
non plus de statut officiel, il se définit lui aussi par sa
cbuble carrpétence en wolof et en français. C'est ainsi que faute
d'un code linguistique canmun entre Isabelle et ses interlocuteurs,
c'est 0Umar FAYE, son mari qui va jouer le rôle de l'interprète
"- VOlL6 ne. mange.z pao ? QU06üonna.-t-e.t.e.e. ?
- Mangé ••• mo..L ve.rWt. (r.e. vou..e.a...L:t d..l.ILe. qu'il avoil.
mangé avant de. ve.rWt lu). MeJLU beauc.ou.p Madame.

- 129 -
- Je vo~ que. :tu. dJAu à. tOtt ottde que li .image
qu'ili ~e 60ttt du blattC1> ut 6au..6~e•••
OumaJL tM..c1.J..ti.1JU lu paJr.Olu d 1 r~abeLe.e qui pOUMuiva.li.
- Blett ~ÛJl., chez ttOM Ott ittvae lu ge~ comme
paJLtout. M~ ~ 1i l i aNUvettt aux hewr.u du Ilep~,
ili paJLtagettt avec ttOM ce que ttOM avo~ à. mMgell•••
( ... )
- OumaJL Ila.ppollta. toutu lu paJLolu à. li ottde qui
b~~a la tête comme utt ett6attt.
- ViA li ta. 6emme que j 1a..i. mattgé et que ~i j 1av~
6a..i.m jette me gê.tteJLa..iA p~. POUll moi, eLe.e. ut
comme ma 6.i.lle, ce tt 1 ut p~ qu 1 eLe.e ut blattche,
m~ vlla..i.mettt je tt 1a..i. p~ 6a..i.m" (p. 53).
Dans LE MANDAT, il n'est fait nulle part mention du
personnage de l'interprète, mais il n'en existe pas noins sous
une fome subsidiaire dans le personnage de l' écrivain public,
que l'auteur appelle avec quelque ironie le "plumitif" (1). Il
n'est pas rare de nos jours .de rencontrer encore ce personnage
qui, ayant pris sa retraite de la fonction publique, arrondit
ses fins de nois en assurant la correspondance (lecture-traduc-
tion-écriture) de ses concitoyens analphabètes. Par conséquent,
dans LE MANDAT, c'est ce personnage qui asstlme le rôle de
traducteur. sa fonction est ainsi décrite dans le texte :
"Ett même temp.6 qu '.il wa.li., .il tM..du..iAa.li. ett
wolo6" (p. 127).
Dans VEHI-cIOSANE, nouvelle dont le cadre historique
est situé dans la péricx:le ooloniale, l'interprète ni intervient
pas par l'exercice effectif d'une pratique traduisante, il est
tout simplement signalé c:x::mre éléIœnt d'un décor, en canpagnie
du c::crnnandant et de son escorte :
(1) Dans la version cinématographique du MANDAT, ce personnage
est incarné par SEl-ffiEt\\.TE lui-rrême.

- 130 -
"Le. le.ndema..in aJl.IVi,va. le. touba.b c.omma.ndant
accompa.gné de .6on ,ü'!-teJtpIlUe et de deux
gMdu -c.e1lc.i..e" (po 99) 0
De tout ce qui précède, deux remarques nous semblent
essentielles :
- la première est relative à la position d'énonciation de
11 interprète ; ce personnage qui possède les Irêrres traits· lin-
guistiques et culturels que l'auteur ou son public wolof bilingue,
pourrait être légitimement perçu ccmne leur substitut, dans le
texte 0 Par conséque.1').t, il est nl§cessaire de s'interroger sur
l'intérêt de ce personnage sur le plan pragmatique.
- la deuxiàœ remaIqUe porte sur l'obsolescence du Parler
"pet!t-nègre" mais aussi du ·personnage de l' inte:rprète dans
1 1oeuvre de SEMBmE.
En ce qui concerne la première remarque, ce qui nous
sent>le fondamental, c'est la position médiane de l' inte:rprète,
qui pour des raisons qui tiennent à son expérience bilingue
serrble fonctiormer exacteIrent cx:mre les indicateurs stylistiques
désambiguIsants (l'ensemble des explications et traductions qui
se développent ici en. marge du texte). Mais, alors que les indi-
cateurs stylistiques apparaissent dans un discours pris en charge
Par 11 auteur, se développant dans un espace méta-narratif, le
discours de l' inte:rprète lui, s'intègre parfaitement à la fiction.
Ainsi, tandis que les indicateurs stylistiques désambiguisants
proviennent dl une instance extra-diégétique qui souvent brise la
cx:>ntinuité de la fiction, celui de l'interprète au contraire
apparaît dans une instance diégétique. Le rôle de l'interprète

- 131 -
ni est pas seuleme.l1t d'assurer la traduction du. discours des
personnages francophones_ou non francophones, il traduit aussi
pour les lecteurs étrangers à la langue et à la culture ~lof.
Sa fonction est celle d'une régulation de la r~ception du texte.
Ainsi, dans l' interlocution intra-di€g~tique, 1"inter-
vention de l'inteJ:prète se manifeste souvent lorsque le Parler
"petit-nègre" n'est plus apte à assurer la ccmnunication du
locuteur ~lof analphabète. Ce dernier poursuit donc son discours
en ~lof, et c'est là qu'intervient l'interprète pour traduire.
C'est ce qui ressort par exanple des Bouts-de-bois-de-Dieu, quand
l'interprète sert de médiation entre Ramatoulaye et le ccmnissaire
de police, Bakayoka
entre les syndicalistes en grève et l' adrni-
nistration de la régie. Dans 0 pays, non beau peuple, c'est Ol1rllar
qui assure la médiation entre Isabelle et ses diff~rents .inter-
locuteurs. A partir de ce rrorœnt, on peut constater qu'au niveau
de la structure dialogique, la relation duelle qui se manifeste
Par le jeu des anbrayeurs (je-tu) ou (noi-toi) dans le cas du
Parler "petit-nègre", fait place à une relation de type trian-
gulaire. Nous avons deux locuteurs de langues différentes et
un locuteur bilingue, celui qui rapporte et traduit:
"v.u-l!û", "cLU a ton oncle", "cLi..ô à. ta. 6e.mme que",
ete.
00. la position du locuteur bilingue peut aussi bien être occupée
Par l'auteur que le lecteur ~lof bilingue.

- 132 -
La fonction de ce personnage est donc essentielle :
au niveau de la production, l'auteur fait l'éconanie d'une trop
forte redondance du parler "petit-n~re", qui aurait pour oon-
séquence d'atténuer les qualités esthétiques du texte et à la
longue de ruiner purement et siIrplement sa lisibilité. Ainsi, la
seule présence du parler "petit-nègre" ou de l'interprète .Per-
met. de signaler l'existence de l' hétérogénéité linguistique
et culturelle du public de l'auteur. L' interprète est cet indi-
cateur qui assure un "minimum de lisibilité" chaque fois que la
redoIlëlancë du parler "petit-nègre" menace l'intelligibilité du
texte. Dans la fiction donc l'interprète ne fait que prendre le
relais de 1 ' écrivain franoophone, dont la fonction après tout
est d'interpréter et de traduire son univers culturel dans une
langue étrangère.
La deuxième rerrarque que nous avons retenu de nos
analyses, c'est que l'interprète en tant qu'actant de la can-
mmication ne Perdure pas dans l'oeuvre d'OUsmane SEMBENE.
Ainsi, autant sa présence sent>lait être justifiée
dans la période ooloniale où il servait de médiation entre
l'administration et la population antochtone, autant elle
devient obsolète dans la période post-coloniale. car, cœme
nous le verrons plus loin, le locuteur wolof n'aura pratiquanent
plus besoin d'interprète, car son discours sera représenté
dans l'oeuvre. de SEl·mENE par un nouveau code, une nouvelle
convention littéraire.

- 133 -
Mais, et c'est là l'essentiel, le dépérissement pro-
gressif de l'interprète ccmœ actant, s' aCOOIl'pagne d'un processus
d'effacement progressif du parler "petit-nègre" dans l'oeuvre de
SEMBENE. Constat qui donc irrq::lose les questions suivantes :
- y a-t-il un rapport entre la subordination politique du
locuteur \\\\Olof analphabète et indigène et la production du parler
"petit-nègre" chez OUsmane SEMBENE ?
- Y a-t-il un rapport entre l'existence de l'interprète
ccmœ actant de la cœrnunication et le p~énanène colonial chez
Ousmane SEMBENE ?
Enfin si oous assistons à l'effacement du parler
"petit-nègre", par quel type de code le discours du locuteur
\\\\Olof sera-t-il représenté j Et si l' interprète disparaît ccmne
actant de la carmunication qui va désonnais assurer la traduction
du discours des locuteurs wolofs analphabètes.
Aux deux premières questions posées, nous Pensons que
les analyses qui précèdent nous pennettent de répondre par
l'affinnative.
Quant aux deux dernières questions, nous allons essayer
de les aborder:dans notre étude de l'oralité feinte.

- 134 -
II. ETUVE VE L'ORALITE FEINTE
II. 1. REMARQUES
L'étude de la production romane&JŒ œ SEMBf1iŒ, nous a
permis de! d§gager les différentes ccnditicns de producticn et de!
reœptioo du parler "petit nêgre". Nous avalS vu qœ le parler
~tit nègre" fonctic:xmait surtout cnmœ code de representatioo du
locuteur wolof analphabète et colonisé et de ce fait se manifestait
surtout came niveau de langu'!. C'est ce qui explique surtout la
prepcnd§ranœ de! sa producticn dans les l'OJTlaI1S parus dans la Fé-
riode cnloniale came ô pays, rron })eau p;uple ou les Bouts-de-
bois-èe-Dieu. Nous avons pu ccostater égalerrent, le dépéris9:mellt
progressif du parler "petit. n~gre" et l'cbsolesœnœ de l'actant
analth~te et indigène ccmœ locuteur, mais aussi, œlle du
traducteur et/ou de l'interprète. Et œla dans les romans parus
apres la cnlonisation et en l' occurrenœ VEH!:ÇIOSAl.'ffi, le MANDAT
et~.
ce qu'il ex:t1vient de relever, c'est gue l'effaœnent
du parler "petit nègl:e" daT'ls les écrits p:::>st-colooiaux de SEMBENE
n'a absolurrent pas cblitéré la production àe l' interférenœ dans
œs œuvres. Il en déplaœ seulerent la fo~ et le ccnt.Pnu, mais
aussi et surtout la fonction distinctive. Nous assistons
dcnc à une notIVelle fome d'expression de l'interférenœ qui est
radicalerrent différente ne celle qui se presente dans le parler

- 135 -
"petit nègre". L'interfêœnœ apparait surtout came une ruse
et un artifiœ 1ittêraiœ fmcticnnant surtoot came une œpœ-
sentaticn c:odêe de l'oralitê, une "Mi.'7II1si.s d8 z,'~nonœ as l'4ali.-
U" (1).
c'est œtte nouvelle fonœ d'expressicn de l'interfê-
renœ qui se manifeste surtout dans la productim ranane~ post-
oo1miale que nous cxnviendrcns de dêsigner z,'orali.U feinte.
La notion d'oralité feinte, nous l'avms trouvé d'lez
Rainer WAmING, dans me étude intitulée : "p:>ur une pragmatique
du disoours fictiame1". Dans œtt.e êtude, WAmmG procède à
l'êlaboraticn des bases diadU:01i.qu:!S de la thêcrie du narrateur,
c'est ainsi qœ le tente oralité feinte a êtê employé pour dési-
gner le %Ole fictif (2) du narrateur dans le ranan oourtois. I.e
trait essentiel des genres littêraires du Moyen-Age apparait ain-
(1) une expressim de K. HAMBURGER citœ par Pierre BANGE in :
"sn.o:C1l'ICUE LITTERAIRE" : sur la fictiona1itê". Actes du 001-
loque SEMIorrom/SEMIOWGIES, université de Saint-Etienne.
(2) I.e ccnœpt de fictif est perçu d'lez R. WARNING came le "mo-
de illoc.ut:.obte du: 6a.br.e 6emblant". Il se caractérise ainsi
par la production "d'une upèc.e de cUvtâ de la. .6Ltua.t.ion
de c.ommun1..c.a.tion : une .6Uua;t)..()t'1 .&tt.ellJtè
' énonc...i..td-ion en.tJte
en oppo.6iü.on a.vec. une .6Uu.a.:tion exteJrJte de ltlc.epU.on. Le
~c.olJJL.6R1..c.:U..onnel .6e d~~,i.HU donc. pJtagma.Uquement pdJt 1.4
J..imu1.tanWé du deux .sLtl.la.ûonJ, qui.. c:l.UpoJ,ent c.hacu.ne de
~on pJtopJte J,y~tbne dUc..t1..que", in POETI~ nO 39, seuil, Pa-
ris, septenbre 1979, p. 329 (article traduit de l'allemand
par Werner KOGIER).
La noticn de clivage entre "roi ree1" et "noi fictif" se trou-
ve aussi d'lez S.J.SCHMIDI' : "Le pJr..oduc.teUlt d' objw de c.om-
mun1..c.a..t1.on
e~thw.que "61..d.i..v1...6e" J,on MÛ pM un cUva.ge c.on..6-
c.i.en.-t en ..&r1,tanc.eJ, "peJL6onne Jr.leU.e" et "MÛ adopté". Lu

- 136 -
si dans:
"une noJr1t1a:tion {qui) e.&t en JtappolLt a.vec. i.e pa..6-
~((ge de. la. :tJta.cLU.iJJn olUtlL à une LUtéJU1.tuJte éCJLi-
te" •
Une fois qu'il a plaœ sen étude clans ce ccntexte, WARNING examme
ensuite le rôle du narrateur came jongleur se trouvant dans une
situat1m de cx:mnunicaticn où il est arœné à dire et/ou rnciter
sen texte devant un public de cantes et de rois. Et ensuite œ-
lui du jongleur quj. sachant lire et écrire adopte le rôle du l\\al:'-
rateur dans tm texte écrit. En s'appuyant sur l'exemple de Chre-
tien de Troie, WAmING aboutit à cette CXJ1clusial :
Suite de la note (2) de la page 135.
objeu de lA. c.OrTllnWt-i.c.tttion ne peuve.rl-t é:tJte mL6 en Jr.elation di..-
Jtede a.vec. .l..LLi-mérne en tant que pe.uonne 1rR.elli", in "La
ccmnunicatim littéraire" STPATEGIES DISClJRSIVES, Actes du
collCXJUe du centre de Recherches Liîîguistiques et Sémiologi-
qœs, Presses Universitaires de Lycn, 1977, p. 25 (traduc-
tiœ : P. BANGE). Après avoir prcœdé à une critiqœ du cœ-
œpt de "p:!rscnne reelle" qu'utilisa SCHMIDT, Pierre BANGE
insiste surtout sur le caractère cx:nventicrmel de la noticn
de fictic:n : "La. M6 6~Jr.enc.e la. plu6 pJtoicnde e.ntJte la. p1ta.-
tique c.ommunic.a.tive
et; la ~icUon Jr.U-ide non dan.& te 6aLt
que lA. pJtem.œ.Jte ~eJuU;t vJta.ie et la. l>ec.onde men.6ongèJte (ou
~.i.mp.t.ement non-an~Vuna.tive quant a .&4 v~JtUê), c.aJr. l'une et
l' tudJte .6ont vJrJ:J.).eb pCVl MppolLt à. un modèle de Jt~a.Uté et ne
~ont vJrJ:J.).e.6 que pCVL JulppOJL.t à. c.e modèle de Jria.Uté : .&oc.1J:J1.
d~ h pJtem.le1L C.M, httltMR.xtuet et: -inteJl-tedue!.. da.n.6 .te
~ec.ond, c.e qui 6ait na:twLeUemen.t une cLi6 6éJtenc.e~ Cette. di6-
6lJtR.nc.e J[Û-ide pouJt c.e qui noLU oc.cupe dan.6 le 6oJ.:t que la.
pJu1t..i.t{ue c.ommun-ic.a.:Uve
ne pJteJtd pM c.on.6Uenc.e cu dén.ie
.6a.
plLopJte JteWivLté a un modèle. de Jrio.1..-U1., ta.nd..i6 que la. c.om-
munic.ation .eli::té1l.wc.e lA. .&ignate : c' ut c.eta. que nou~ a.p-
pelo~ 6-ic.:tionnal.lil", in "SE!-UarIQUE LITl'ERAIRE : sur la
ficticnalitê" 1 op. cit. p. 148.

- 137 -
"Ce n'ut p(U /.2. n41LJUlteUlt qu' d dlc.ouve.Jt:t le Ir.O-
man c.oWLto-U.
Le naJrJt.a.teUlt ewtalt déjd dUpd1r.d-
vant danlJ la. tJuu:J.,i,;t).on OIr.d/.2.. Ce qu'.il.. d mi6 dU
joWL c'ut le !Wh du naJrJt.a:teUlt 6.ic:tl6 et:. cela.
PM li bttvunéd1A1.Jr.e de l' dUteUlt éc.Jr..ivant en tant
que .6u.jet:. de ce Ir.ôh.
Chez Chlr.et.ien de Tlr.o.ie, ce !Wle .6e conCJtU.i.6e
pM l.i. 6a.U que l' dUteu1r. lc,uvant .6e pJté.6ente com-
me un nallJUtteUlt qui Ir.lc.lie une h.i.6tohr.e devant un
dUdUohr.e (••• 1 On peut vo.iJr. le naM.a.te.WL lr.omanU-
que
p1lendJr.e /.2..6 tIla1h du. j ongleWt épique (••• 1 Mn-
.6.i
le Ir.oman coUlr.to.i.6 .6e .6eJr.t du naJVulte.UIt 6.icü6
pOUlt .intlglr.eJr. une olLdUté 6e..inte d .6d p1r.Op1r.e Ut-
t~,,(tJ.
Panni les différents ast::ects de la littérature nédiévale
qlE ~ING presente ici, m J,::eut relever· quelques similitudes
avec la littérature africaine d'expressicn française (ou occiden-
tale) •
D'abord au niveau du ccntexte de producticn de la 1it-
terature rœdiêva1e "dmt la fonnatiœ est en rapport avec le pas-
sage œ la traditicn dite orale â la littérature écrite". En Afri-
qœ Noire, c'est l'introductiœ du code écrit, et notarment des
lang\\Es occidentales qui a cree les ccnditi01s penrettant le pas-
~étJe ci:! la traditicn orale à la oc:mm.nicaticn littéraire écrite.
Il faut toutefois noter qœ, si la littérature ècritea
peIInis la prise en charge des principaux thêrres et des principaux
recits de l'oralité, elle n'en a pas m::>ins favorisé l'éIœrgenœ
d'un nouveau reseau de ccmnunicaticn littéraire gr~œ à l'usage
du livre et de l' impr:1.Iré. Ce qui va prcM:XJUer l' exc1usicn de
(1) J:f(E'1'IQUE nO 39, op. cit., p. 329.

- 138 -
œ l'auditoire traditiamel de cette littérature.
Eh plus d'une mtêgratioo des thèIœs et œs œcits ~
cifiqœs à l'oràlitê africaine, en note aussi la pœsence d'ac-
tants de la camunicatioo qui simulent le l'Ole narratif du griot
ou du œcitant traditiamel (GORGUI MAISSA dans le MANDAT). ou
sjmplerœnt de vrais qriots qui mcament leur rôle traditiamel
dans le ranan ou la nouvelle (DE'lHYE IAW et <NAŒA GUISSE dans
vmI-CIOSA.~)•
. 0' ailleurs, il n'est pas rare de trouver des écrivains
qui se èi§clarent roodesterœnt'le porte-parole d'un griot de famille.
le cas typique est celui de J!3irago DIOP, qui pousse 1'hamêtetê
jusqu'à nentiamer le nau du griot 1\\madou KtIw1BA dans ses "cmtes
d'Amadou KtJ.1BA". C'est a:insi qu'il exprine, dans une nétay.:hoœ
filêe, la dette qu'il doit à sen griot de famille :
"Jal. vouht fu.u.Jr..and malhabile, avec. une navetie
h~Uan:te, c.on6ec.:tiormeJt quelque/) btuldu (••• ) où.
Amadou KUMBA Jtec.onna1tJu:t bea.uc.oup mo.{n/) vi6/), lu
c.olow du bett.u é:tD66e/) qu'il fu/)a pouJt moi
naguru" (7) •
cependant, quelles que soient les similitudes qui J:eU-
vent exister entre la littératuœ rrédiêvale et la littérature afrl-
caine d'expœssicn française, il ne faut pas oublier l'écart qui
existe entre le ccntexte historique, social, culturel et linguis-
t1qœ de l'Afrique ccnternpora:ine et de l'EuroJ;:e au Moyen Age. De
(1) Cf. Introductioo des Ccntes d'Amadou I<U1BA, p. 12. Presence
Africaine, Paris, 1962":

- 139 -
plus l'écriture a::mre fOIne de CCll1'IlUIlicati01 littéraire en Afri-
qœ noire se manifeste carme une greffe culturelle et linguisti-
que ce t.yFe exogène.
C'est pour cette raiscn qu'Ol ne peut proœœr ici au
.:transfert trécanique de la notion d'oralité feinte sans auparavant
examiner les queSti01S suivantes:
- quels smt les traits distinctifs qui pemettent de saisir
la notiOl d'oralité feinte ?
- sur quel critère peUt-Ol s'appuyer pour établir l'opposi-
tiOl oralité feinte/"parler petit nègre" ?
- Enfin peut-en a:nsi~rer la productiOl de l'oralité feinte
déIls les écrits post-oolOliaux came l'indice d'une rupture, d'une
mutaticn ou d'une éwlutiOl radicale dans la pratique scriptu-
raire d'OUsmane SEr-mENE ?
Avant œ rependre à ces différentes qœStiOlS, il est nécessaire
de chercher quelles Salt les différentes m:>tlvat~01s sous-jaœn-
tes li la producticn da l'oralité feinte chez SEMBENE.
La producticn de l'oralité feinte carme fonre d'expres-
sien œ l' interfére.1'1ce linguistique ou littêraire, senble être
liée li une visée straMgiqœ precise : celle de creer un espace
culturel du "vraisenblable" dans la littérature africaine d'ex-
press1m française. ce vraisenblable ou "effet du reel" est pro-
duit par le souci d'inscrire dans le texte écrit la culture afri-
came orale came référent. roi' oralité feinte aura ainsi pour

- 140 -
fmctim de produire l'effet de sens "littérature africaine".
L'oralité feinte cxmœ pastiche ou parodie de la traditiOl orale
par le ranan ou la nouvelle a pour principale rotivatiOl l' ins-
criptim de l'identité cu1ture1e et linguistiqœ de l'auteur
dans le texte. Cette rernaJ:qUe de JaOJUes ŒŒ.VRIER traduit bien
cette preoccupatiOl :
"CU lCJt1va..&t.6 (A6Jtica..lnh] ont entendu de muUipt.e..6
vVt4ionh de cu llgendu qui ont beJtcl teWl en6dn-
ce, danh une langu.e dont U-6 ha.i.6.iuent lu mo.in-
dJLu nuancu, et lu ont JtepJtodu.li.u daYUl un 6JLan-
~a.i.6 dont .ilh pohh~ddlent l'Uhage auhh.i paJt6a.ite-
ment qu.e te bLUnguihme le peJl1t1et" (1].
En bref, le pl:d:>lêIœ qœ nous sou1evms ici se pose dans
ces tenres :
- Ccrment inoorporer la traditim orale africaine dans le ro-
man ou la nouvelle, qui SO'lt des fomes d'expressiOls est:hêt1qœs
SFécifiqœs à la culture occidentale. Car ce sent les différentes
m:>da1ités d'inscriptiOl de cette oralité africaine dans le texte
écrit qui produisent l'oralité feinte cx:mœ fonœ stylistique de
la littérature afr.icaine. Pour en saisir dcnc les différents as-
pects, il ne serait pas inutile de s'interroger auparavant sur
les raptX)rts qui existent entre ORALITE et OCRITURE.
(1) lA LITrERA'lURE NEGRE, in Annand Colin, Paris, 1974.

- 141 -
II. 2. !iTUDE DLS RAf!..o.fl'1Y; .2?ALTTE/ECRTX'URE
2.1. 1... ' oralité CCi.r.lxe rnoŒde (33 o::mmmicatiOl
---_._---~._.
L'esp..~œ culturel de l'oralité a toujours été ~fini
d'une manière négative o::mne sxiéta
et/Ou civilisaticn
sans
écriture, ou sans histoire. C'est ainsi que l'etlmolcgie en a
fait sen champ privilégié à' investigatlcrl, prenant ams1 la pla-
ce libre laissée par li 1 r histoi.re" :
"L 1 e.thnologue, dU I.ev.i-S#'.JiJ:T.U,6~, ~' .intéJtR....bJ,e à.
tou:t
C'Â? qui n' ud peu: éCJLiX, non po..ô que. fJ?..6 P2.U-
p.t~ qu'.u é.tudie. .60J1t btea.pa.b1Ju d'éW.if!!., que.
pOUft que. c.e. à. quo-'. il. ~, br.tVle.~M.. ut: d.<.é6Vten.t
de âJo.l c.('. qu.e. W
hommu .6onge.nt haJJl..tL.:.e.Uemen.t
a 6J...xeJe .6uJi la. p.u.JUuz. ou. .ilUlt le pa.pi..eJl" (J 1.
Ce qui intéresse l'ethnologue dans la société sans
écriture, c'est surtout la richesse du Slwolime, le fancti.cn-
nerrent des mythes, des rites et d~ leur impact sur l' organisa-
tien sociale de œs exIttnunautés. Da œ fait, il est rare da
trouver une descriptiCl'l de l'oralité cx:n:tlœ Jl'D:l31e de cx.::rtlllU1'1ica-
tien.
Pour saisir ici, œ qœ nous entenda"ls par ltlOC1êle de
cCllI'llunicatim, il faut se placer d'enb1ée dans la ~rspective
(1) ANTHROPOW:;IE ..€ffiUCI'UR~, p. 33, Paris, PIco, 1958.

- 142 -
ainsi ~fillie par SIEGFRIED SCE.ffi1I' :
"Si on c.orl~ldiVte .ta. .6oc.1..é...t:t .60lL6 l'angle. de la..
"c.cmmu..tLica.tlonn , il.. ut. bon du. po.il1t. de vue he.u-
wti.que de. .6e plLé.6entvr. la J>oclUé C.OI?l1le. un .6tj.6-
t.ème c.omp.e.e.xe de. .6Y.6.tè.me.6 de c.ommunlc.a.t-ion qui
peuvervt w..e d..L6.tJ..ngué.6 lu un.6 dJu a.utJtu .6e!cn
l.o. .6tJw.~te e..t .fa. ~on&i.on du pMc.é.6.6LL6 de c.om-
munic.a.ti.on qui .6' IJ dé!tDu1.en.t.. StJw.c.tuJte et. 6onc.-
ÛOY&.6 .60i1t. dan.6 une taJtge. me..6Wle. -iMti...tut1.onnailéu
llUlt la. bO.6e de l'évo.eu:tê.ort hl.6toJUqu.e du di6-
6éJten.te.6 ",o~ aux moye.K6 de If!glu qui jowtt
au ptan no.U.on.a.t rU:. ~nai.."
(1).
Dans me étude réœ,('lte, Midle1 DE CERrEAU, intègre la
noticn dl oralité cxmre ~le œ camnmicatim SIécifiqœ aux
sociétés sans écriture. lUnsi, panni les quatre noticns qui d§-
finissent le champ d'investigaticn ethno1ogiqœ, 11 oralité ap-
parait ccrrrœ une "(c:xmnmicatiO'l propre i\\ la société sauvage,
ou primitive, ou traditiamelle") (2).
Aussi, il est naturel que 3D. noticn d'oralité soit
awl1qu§e à l'Afriqœ Noire, et surtout à sa "littérature" tra-
ditiamelle. C'est ainsi qùe le œlêbre cxnteur Bernard DADIER
a pu écrire :
"L'A6JUqu.e No.ur.e., 6aute. d' éCILUU1U!., 4 en e66et.
eJrJ.A~é .64 .6lt9u~e c/.tm.6 .t.a. titt.éJuJ.t.UJU!.. oJc.al.e.
Et. chaque c.on.teUlt cha1.non. hUr.:teNtompu d'un long
p4.6~é u.6alme chaque .6oiA l.o. lla.gU.6e du an-
eWtll" (3).
(1) "La cc:mmmicaticn littéraire", .in ~>.'lEGIES DlsaJRSIVES,
cp. cit., p. 21.
(2) L'ECRI'iURE DE L'HIsroIRE, p. 215, Paris Galllmard, 1975.
(3) I1Ccngzès des Ecrivains et Artistes Hoirs", Presence Africaine
nO XIV et ~, p. 167/168, Juin-œpt:lr::mbre 1957.

- 143 -
Nous disposcns maintenant d'un ensenble de damées (X)-
hêœntes, nous penœttant de ~gager les prmcipaux traits de la
ocmm.nicatial "littêraiJ:e" dans la traditial orale africaine.
2.2. La ocmnunicatial ft LI'lTERAIRE" dans la TRADITIŒ ORAIE
C'est parœ que les IOOdèles "littéraires" de la tradi-
tien orale awartf.ennent à des cultures qui ne partagent pas la
m!Iœ cxnœptial littéraiœ que l'occitÈnt, qu'al hésite à leur
prqJOs d'employer le qualificatif "littéraiJ::e". C'est ainsi qu'ils
Salt mieux cxnnu sous des ~signatials de "IOOdèles ethn~littérai­
œ", "folkloriques" ou de "littératures POPÙaiJ:es". Pami les
difféœntes fonres "littéraires" qu'al peut œncxntœr en Afrique,
al peut citer : le ccnte, le mythe, la légende, la fable, le pané-
gyrique, etc. Il faut toutefois noter qu'aucme typologie systê-
matiCJlE àesgenres ethn~littérairesn'a encore été faite en Afri-
qœ, d'autœ Part, la plupart des genres rep:!rtoriés alt été clas-
œs suivant les critères qui ~finissent les Irodêles folkloriqœs
occidentaux.
Mais quand al parle de la traditial orale et/ou de l' ora-
lité, al fait iImédiateIœnt zéfêrenœ au m::xl:! de transmissial du
nessage, qui se fait oralerœnt, c'est-à-diœ "de bouche à oreille",
sans le trud1erœnt de l'écriture. Dês lors le médium qui sert Ci!
vêhicule au rressage c'est le ool:ps hmlain :

- 144 -
"lL .6.ign.i6~, dU; Mi.che.l VE CEtrrEAU, n' u.t ~eu
dUachable du. c.Oll.pl.) .btcUv1..du.e.l ou coUe.di.~. Il
n'ut donc peu exp0J'.;table. La. paJLole. u.t .lei. lL
eoJr.p6 qu.i. .6.ign.i6.u" (1).
Ainsi, pour d§finir le "littéraire" dans la traditicn
orale, GENEVIE.VE CAIAME GRIAUIE a œcours à la d§finitien œ la
fcncticn poétique œ JAKCBSŒ. La littératum dans la traditicn
orale sera d§fini came :
"l'en.6emble. du mu.6a.gu qu'un gJr.oupe .6oci.al. con-
.6.ûJlJctl. avo.i.Jr. Jr.e.ç.u de .6e..6 ancitJtu et qu' U
met OJt.alement d'une généJtail.ol1 à. une autJr.e. La.
.tU.téJta:tu.Jr.e u~ la. pa.Jr.;tk dan.6 laquelle appaJta.tt
.. la 6ond1.on poétique du. langa.ge" (2).
cette d§finiticn œ GENEVIE.VE CAIAME GRIAUIE ne manque œrtes pas
œ p!rtinenœ, mais elle est insuffisante, il faut œa:nnaltœ
que sen article va plus loin en décrivant le procès œ cx::mmnica-
tien l!ttéra.im dans la traditicn orale.
Nous allaIS pa1%' notre part essayer œ rendre CXJtpt:e œ
la cx::mmnicaticn "littéraire" dans la traditicn orale en nous ap-
puyant sur Ut œrtain ncrrbœ ce faits qui nous senblent détenni-
nants : sur les o:nditicns œ produticn et œ rêœpticn
de cet-
te Itlittératuxe", sur les traits distinctifs des narrateurs et de
l'auditoire, mais aussi du cxntexte.
(1) L'rouTURE DE L'lUS'roIPE, 0p_, cit., 1?225.
(2) "Pour me étude ethnolinguis~ des littératmes orales
africainas", in IANGAGES nO 18, p_ 23, Paris, Juin 1970.

-
- 145 -
les ccnditiOls de product1m et d'êncnciaticn de cer-
tains ~les ethno-littéraires Salt so.mdses à une rigouœuse
oodificaticn par les ncmœs et les ccnventicns socio-cultuœlles.
c'est à ce sujet que G. CALAME GRI1IIJIE a pu noter que :
"On pofJJrJUl.1..t mon.tJte./[. l' .i.mpolLtanct. 1I0~ de. la.
~ oJtai.J!. en. A6JUqILe. Nom aux dgle..6 e..t
aux .i.nte.Jr..d.U:.6 qu..i e.ntoUJt.en-t lia man.i6uta.ü.on"
(7).
le eattexte de production des récits dans. la traditicn
orale, est dêtenniné par des règles de prodootion et de réoepticn
JOOdulêes en fŒlcticn des traits suivants :
- le lieu œ la œcitaticn et/ou œ la narratim
- le m::mmt œ la œcitatim et/ou de la narratiOl
- le 9E!I1re œc1tê et/al narre.
A ces traits, il ccnvient d'ajouter la cx:mpositicn socio-culturel-
le de l'auditoire et le degl:é de sa c:x:rrp§tenœ reœptive. Peuvent
entrer el'l ccnsidératicn aussi œs critères relatifs à l'age et au
se»!! (dans les genres œputés saa:és dl l' m se sounet à une œrie
de rites par exerttJle).
La fŒlctial discr1minatoim du lieu d' imcnciaticn per-
net de faim la distinctim entre les genres narres dans la mai-
sen et ceux narrés sur la place publ1qœ ou la place du village.
La légenœ , l' époFée et quelqœfois le mythe peuvent être narrés
sur la place publique, car ce sent les véhicules traditiamels
de 1 'histoim. Tandis qœ le c:x:nte et les devinettes qui Salt des
(1) id. Page 25.

- 146 -
genœs :noins "di~s", ccnviennent mieux à l'intimité ces
foyers.
Centes et èev1nettes sent souvent narres après le c0u-
cher du soleil, et d'après la traditicn toute transc:J%essim à la
règle expose le narrateur à de redoutables malheurs (perdre ln
nenbre ce sa famille par exerrple). Par centre, lêgence, é~
et panégyrique, peuvent être narres en plein jour. Ainsi le no-
rœnt. de l' écnenciatien came discrllninant de la situatien de oan-
nu.nicatien, peIJœt d'établir l'q:positien entre genœs diumes
et genœs noctumes.
Après l' exarren de ces clj.fférents aspects du <XIltexte
de la narratien, nous allens maintenant nous pencher sur d'autres
aspects pragmati.q\\Es de la traditicn orale. ceux qui ent rapport
aux traits distinctifs des différents protagenistes de l'inter-
actien sociale, mais aussi aux différentes rrodalitês èe transnis-
sien et œ récepticn des IOOdèles ethnolittéraires.
les narrateurs ce la traditicn orale,scnt ~signés par
GENEVIEVE CAL.1\\ME-GRIAUIE par le tenre -d'agents èe transmissicnll •
ces œmiers s'organisent à travers me hiérarchie cù se têpartis-
sent différentes catégories èe narrateurs. Suivant leur ~tenœ
en peut distinguer des narrateurs professiamels et des nm profes-
siamels. Pann! les professiamels en peut instauxer une distinc-
tien entre des narrateurs institutiamels, des individus à qui la
société a délégué la fœctiœ du dire et du reciter, ces profes-

- 147 -
siame1s du disoours sent les griots ou les récitants qui sent
,
en princite castes en Afriqœ OCciœnta1e. Et des narrateurs nen
.1nstitutiame1s, parce que nen castés, mais qui n'en sent pas
IOOms ces professiame1s à cause èe leurs dcns tersame1s et de
leur ~tence cognitive. Pann! ces demiers, il faut surtout
signaler le rôle œs "anciens" qui sent des ~positaiJ:es du sa-
voir tradiame1.
Pour notœ part, nous nettals surtout l'accent sur le
J:ele déterminant des griots, car ccmœ narrateurs .1nstitutiame1s,
ils n' mt pas seu1enent pour' fenetial œ véhiculer la traditim
orale, mais ils foot éga1.erœnt office d'archives, de lleme de né-
morisat1cn et de cmsexvatim du savoir tradit1ame1. Et c'est à
ce titJ:e d'ailleurs que leur influence s'avéœra décisive sur ben
ncnbœ d'êcrivaJns et d'historiens africains.
ce qu'il faut noter de ju~~ et œ pertinent dans le
teme "d'agents de transrnissim" de la traditien orale, c'est
l'accent mis sur la fmet1cn œ rœdiwn qu'asame le griot. Ce1u1-
ci ne pretend pas fa1œ œuvre de creatien :
"un conte en ~gle g~n~rale, dit DENISE PAULME, est
1
pl·opriété commune, tout le monds doit le rapporter
d condition de respecter le bon usage" (1).
(1) LA MERE DEV~~ : Essais sur la IrOIIbologie <Ès o:ntes afri-
cams, p. 17. B.i.blioth~ des Sciences Humaines, Paris, Gal-
limard, 1976. Ega1eIœnt : Cahiers d'Etuœs Africaines nO 45,
vol. XII, 1972. Cf. égalerrent RCf.1AN JAKœsCN, in OOESTICNS DE
PœI'IQUE : "r,'existenœ d'une oeuvre fo1k1oriql:e ne cx:mœnce
qu'apres SCI'l acœptaticn par une camn.nauté èétemdnée, et
il n'en existe er:e ce que la c:xmlUlauté s'est approprié".
Seuil, Paris, lQ73, p. 60.

- 148 -
Id§e bien rendue d'ailleurs par la définitien que les IXX;CNS
dame œ la traditicn orale et rapportée par G. C. GRIAUŒ :
"Une bande de WllU jama.-U coupée, qui. lie wlle
dt une gbtéJUL:tl.on a Me ~, ou c.omme un héJUta-
tide&aJtDû/:," qui. comme lA. teJrJr.e doU /tUtu
li
6am:tUe.tt (1).
Ainsi en tant qœ patriJroine ool1ectif camun et nen
prcpriêté privée du griot, la traditim orale ne peut cxnstituer
un d:>jet d'antagcnisze entre le narrateur et la cxmm.nauté. :üas
seuls êcarts qui sent r:ennis au griot, Salt d'ordre styllstiqœ,
et œ œ fait n'altèrent pas le ccntenu sfunantique et idéologiqœ
du œcit. ces êcarts se manifestent dans la manière dalt le griot
adapte la narratim à la canpositim de l'auditoire, notarment à
sa ~tenœ xêœptive :
" • •• un conte. li' éc.la..bte. en 6onc.ü.cn de lion audi-
ttJbœ., la. conn~llanc.e. de c.e.f.Lt.i.-c.i.. ut. nlc.elllla..Ute.
pOWl pûi.nemen.t. gOÛ1:eJl l'aM:. du naJt/La.te.ult, not.e
VENISE PAULME" (2).
,
:üa cxnte requiert CE œ fait l'existence d'm auditoire harogène
(sur le plan linguistique et Ollturel), sinen l'éfficacité œ
l'interact1m sociale est :œm1se en questim.
Par cmséqtEIlt, cc::mœ cœmunicatim ft 1it~raiœ", la
trad!tiO'1 orale se d~code "hic et. mmc", et de ce fait exige la pré-
sence Plysiqœ CE l'instance œ productim et de œceptim : le
œcit n'êtant pas "exp:lrtable" et "&tachable" du oorps indivi-
(1) I1lNG\\GES nO 18, q>. cit. p. 26
(2) lA MERE Œ."WRANTE : op. cit.

- 149 -
duel ou collectif, sa productial est œ ca fait ccntemporame à
sa reœpticno Ainsi, le recit s'épuise dans sa propre énenciaticn.
Dans œrtaines o:mnunautés cul~lles (par eJœnple chez
les wolofs),en note l'existence d'enbra~s mazquant la pl:éoonce
du narrateur et de l'audf.toire. Chez les wolofs le cx:nte s'ouvre
tpujours sur un dialogue prealable, qui a une fcncticn Ibatiqœ,
car il. t=enret au narrateur et à l' auditoiœ ce s'assurer si le
cxntact est bien établi. I.e dialogœ se ~roule ainsi:
- "Leeboon 1" dit le ccnteur, et l'auditoire repend
- "Isprl()on 1", le cx:nteur repend:
- "Amoonafi" , l' auditoil:e :
- "Dan na am".
C'est à la suite de ce dialogœ qui d'enblée instaure le cx:ntrat
éncnciatif, en signalant le recit came cente, ~ la narraticn
oamence. ce dialogœ a la nêne valeur
qt.E le ritœl "il était
une fois" du cente occià:mtal. A la fin du cente égalerrent le
narrateur tennine par la Ibrase rituelle :
"()Je le pmmier à le sentir aille au paradis" et l'au-
ditoire se dêI:êche d'" inspirer". ces fomules fcnctiament ici
came œs actes illocutoil:es œ langage &ms la nesuœ 01 leur
producticn est essent1elle.nent dêtenninée par la situaticn œ
camunicaticn, et le seul fait œ les dire signale l'acte de nm:-
rer et d'écouter came tels.
Nous sames dans une situaticn œ ccmnunicaticn où le
griot récite et/ou dit s:n texte en faœ (l'un auditoi.:œ qui éroll-

- 150-
te. seu1erœnt le rôle de l'auditoiœ ne se Iêduit pas il me Iê-
œptien passive, lui aussi partici~ pleinenent à l'êlaboratien
œ la narratien, en ênettant des signes d'acquiesœnent, ou par
œs décharges cathartiques s'exprimant par le riœ ou le chant,
ou s1mplerrent en mimant œs gestes. C'est à œs diffêrents indi-
œs qu'en nesw:e la ~ritable nature œ la CX>Inpêtenœ Iêœptive
œs narrataiIes, qui d'ailleurs cxnnaissent le Iêcit narre par
le griot. Ce qui penret l'éxistenœ d'me cxnnivenœ entre nar-
rateurset narrataiœs, et cx:ntribue à la chaleur et à l' intensi-
tê de l'interactien sociale. Car, ici, il y a possibilitê œ
"feed-back", de 1'eversibiUté. ce sent là d'ailleurs les aspects
fendëmentaux œ la cxmm.nicatien "littêraiœ" de la tradit:i.cn ora-
le qui serent plus tard Iêduits voire effaœs par une intêgraticn
dans m texte écrit. Mais nous œvi.endrals sur ces ast:ects.
Ce qu'il faut noter pour le narent, c'est que l'existen-
œ du cx:nte est irl:êrœdiablerœnt oanpran1se sans la presenœ de
l'auditoire.
D'autre part le cx:nte cx:mre producticn orale, n'a pas
me fonœ linguistique et philologique' fixée me fois pour toute (1)
(1) Nous voulens mntœr par là que nêtre si le griot reste fi~le
au cx:ntenu sêmantique et idéologique d'm cx:nte, ce n'est pas
toujours avec les nêœs nots et les nêœs exp:ressiens que le
cx:nte est raRX'rtê. D'autœ part, ce n'est jamais avec les m!-
nes Ihrases qu'm cx:nte est nam:ê par des cx:nteurs différents.
Tandis qu'm cx:nte de PERRAULT, lu par des lecteurs différents
garde toujours la nêœ structure linguistique et philologiqœ.

- 151 -
car au-delà de l'existence de variantes d'\\.D'l rrêIœ cxnte, qu'en
~ut renccntrer d'une ocmnunauté culturelle à \\.D'le autre s'ajoutent
ici des êléIrents isiosyncrasi.qlEs liés at1?C chls, au t:em{:éranent du
narrateur. celui-ci dans la traditim orale africaine ~ut noduler
sa narratien en f~cticn de la canpositien de l'auditoire. le o:n-
te devient de ce fait \\.D'l texte instable et flottant qui se! :renou-
wlle pratiqœrœnt à cnaqœ occurence.
les différentes renm:qœs qui ent été effect:u§es ici à
propos du cxnte, ~uvent ~tre appliquéesà des genres cx::mre l'épo-
~, le mythe,- le panêgyri~, etc.
Après avoir èégagé les principaux ast:ects pragmatiques
de la traditien orale, nous a1lms nous FSlcner à present sur les
questiens suivantes:
- Cament s'OFère l' mtégratim d'un tel mx1èle de cx:mnunica-
tiœ dans \\ID texte littéraire êcrit ?
- Qtelles sent les différentes altératiœs qu'en ~ut obseI-
wr à cet égard ?
Ces qœsticns cxnstitu::mt des re{:ères nous ~nrettant
d'aborder les différentes trodalités d' mscriptien ce l'oralité
dans un texte écrit. Mais avant d'aborder ce pJ:CbI6œ, et œ pro-
œder à une mise en place du a:ncept d'oralité feinte, nous vou-
driens examiner <X1tllent se COlstruit cette notien à travers les
différentes a:ncepticns élàboIées autour de la littérature afri-
caine d'expressien française/ou occiœntale.

- 152 -
II.3. L'ORALITE FEINTE COMME MODELE DE COMMUNICATION DE LA LIT-
TERATURE AFRICAINE ECRITE
Quand Q1 pJ:OC.'Èœ au ~pouilleIœnt rapiœ œ qœlqœs
~finitials dcnnées œ la littérature africaine d'expœssial fran-
çaise, m :rencxntre la Iécurrenœ d'w nêœ thêIœ : la littératu-
re africaine se ~finit ccmœ me lit~ratuœ située entœ l' ora-
lité et l'écriture. cette ièi§e a peImis la Iéalisaticn d'un vaste
ccnsensus qui va des critiques africanistes aux écrivains. L'cb-
jet de la presente étude est d'éssayer de ~gager les bases sur
lesquelles se fOlC3ent une telle manimité, en offrant un panora-
ma œs qœlqœs ccnœptims .élaboœes autour de la notial œ
.. littératw:e africaine".
Dans sm Manuel de littérature NécrAfricaine, JANHEINZ
~ écrit:
"une. tü:.tlJLa:twr.e qlLi. Ite témo.(,gne. d'au.c.une. .inp.tu.en-
M e.Wtopéei1ttfl fl.t qlLi. donc n'ut pM èCille. n ap-
ïaillflnt: plU à l.f1. WlèWuJr.e nê.o-a.QfUe.a..ute. La.
lLOnt1..Vr..e. en:tJie lu deux. e~t 6aCU.e. à. .tJLa.c.eJL, c.' e~t
ta. !LOnUèJr..e e.n.tJte -U.:ttéJr.a:t1JJr..e. olLale et .u.uéJuttu.-
ILe e
e..
ne. oeuvlte. qtU ne temo-tgne pM
e to-
üL(CAltactéwüque~ généltalu a64ic.a1n.u) a.PPa-·t-
t non à la.. .ut.té1UttUJte nlo-a~4ic.ahte. InW Ci la.
lli..téJr.a:t.wr..e. oc.ci..de.ntai.e, même. .6i. cette. ~
a été éeJUte. pM un ag.wymb.i..en" (1).
(1) tv\\'.él!}œl œ l1.ttérature Néo-Africaine, Paris RESMA, 1969, p. 116
Ttexte traduit de l'allemand peI Gastm BAILLY)
(- c'est nous qui SOulignOlS).

- 153 -
NouS n' insisterals pas ici sur les réserves que nous
inspiœnt une telle ~finitien œ la littératuœ africaine. Nous
nous cx:ntenteralS d'en soulic;eer 1'id§e centrale cx:ntenue dans la
Ptrase :
"ltL 61tOtt.t<!Jœ. e.rWt.e. U"t,téM.tuJte oJr.ale e.t u.ttlJr.a.tu.-
M. f.CJtJ.:t1!," •
I~ qui transparalt dans l'expressicn "Nêo-Africa1ne" qui cen-
note la l1\\CXÈmité œ la littérature africaine, vertu qui, selm
l'auteur lui vient de "l'écriture", œ ·l'1nfluenœ occidentale".
Ici "Nêo-Africa1ne" s'OWOse à "traditien orale africaine", qui
~soJ:mais se manifeste came me littérature du passé, œs "an-
cêtres·.
ce};S'1dant l'influenœ œ l'oralité est indispensable à
la ~finiticn œ la littérature néo-africa.1ne, celle-ci est dési-
gnée ccrme topoi (caractéristiques générales africaines). Mais
·œs caractéristiques ~rales africaines·, al ne nous dit pas
œ que c'est 1 aucune définitien precise n'en est damée.
L'id*! d'oralité feinte transparait d'ailleurs parfai-
teIœnt dans la définitim œ JANHEINZ JAHN, œ qui lui fait ~­
Iaut, c'est la cxnsistanœ, la systématicité.
Avec Lilyan KF.S'l'Irol', en ne quitte pas non plus le d~
ma1ne œs gênéraliti§s, du flœ, du vague. I l n'est que œ cx:nsi-
~rer œtte d:3finiticn qu'elle dame œ l'engagenent littéraire :
Il Le mouvement ac..tu.el (de la négJU.tude 1, ne pJLoduU
de che~~ d'oeuv~e en tth:ç~ que dan~ id m~uJLe
oa lr êvl.-tva.<Jt noLt, Il ouva.n.t ~on authen:ti.ei:ti,
.t.a.i..h~e Li1J1t..e C.OU1t4 a. ~a M..n~,ÜJ..LU.:t:l et. à ~4 v.u.i..on

- 154
du. monde, e.t ne ~e ~oucie. pM d' -imUve. t~ c1a.6-
~.l.qu~ eUJLopé.en~ ! Mal.6 pM ta-même, li ~'engage. :
ce n'e~t pluh lui-même qu'liex~e, c'e~t te feu-
~te nègJte de toute~ le~ ~e~ du monde , ë1 c ~t
'ame a6~calne q~ n'av
IJtouvê alexpJte~~lon
lcJUte que da.n~ te~ ouvJta.g~ d' an:thJtopolog.ie• •• " (7)
RelevalS tout d'abord le caractère :iIrprêcis œ tenteS
ccmre "la rens:ib!litê africaine" ou "liane africaine" qui ncn seu-
lerœnt ·scnt devenus surannés, mais surtout id§ologiqœnent sus-
tects parœ qu'empreintes par la théorie du "priroitivisne" éla-
borfepuis rêcus(e (dans ses camets) par ~vy BRJHL. On parle ici de
"sensibilité africaine" et "d'&œ africaine" came si c'était des
cx:nœpts qui existeraient pour eux rrêrœs en èehors de tout ccntex-
te historique, social et culturel.
Il Y a me autre i~ qui transparait dans la définiticn
que KESTIOOl' dame de la littérature africaine, c'est la ccmparai-
sen qu'elle établit entre la littérature africaine et l'ethnologie.
cette cx:roparaiSC'll'l n'est pas dépourvue de ben 9.:!nS car la littératu-
re africaine et l'ethnologie africaine ~uvent parfois avoir le ~
~ d::>jet, le nêIre l:éférent : la· culture africaine tradticnnelle.
Cependant la carparaison s'arrête là car il existe des écarts énor-
nes entre le nétalangage utilisé par l'ethnologue et la ficticn lit-
téraire de l'écrivain africain. en p:!ut relever aussi des différenœs
au niveau de l' int.entioo de corrmunicaticn et dcnc du public. ~ pu-
blic de l'ethnologue et œlui œ l'écrivain noir ne se confcnœnt
pas toujours.
(1) lES ~RIVAINS NOIRS DE LANGUE F'Fl\\.lIIC'J-\\ISE, thèse, Institut œ
SOCiologie c1e"l'université Libre ëë"'fiïîixellE"s, 1969, p. 24.
- c'est nous qui soulignaiS.

- 15S -
Quant il Mcharnadou KANE, voici, caillent il situe l'origi-
nalitê du :ranan africain :
"Il ut oppoJt:tun de. mon.tJteJL QUe. lr olLigbtdU.té du
Mman 46Jt.i.c.a..in doU êtJle. cheJLc.hée. plu..s paJl:tiCJLU.è-
Ileme.nt dan/) .ti?/) 6oJune./) tJu1cLi.:ticmne.llu de. la. U1:.-
:téJr.a:tuJr.e. oJta1e de. l r A6JLi.que. NoiAe." ,
il ajoute ensuite :
"En vé.Jt.i;U, lr un du /)ouw lu plu..s c.on/)tan.t6 du
JtomancieJr..A
/)e. l l i danlJ tewt volonté de. /)WLVe.gaILdeJL
c.e.Jd.a,.in/) du Jtd~polt:t6 qu.<. Uè-Jte.nt le Mnte.uJL t?opu.t.a.br.e.
Cl /)on aJ.LdltoJ.M.'
(11.
c'est nous qiïl souligncns).
Avec œtte ~finiticn, les topai
dent p!lrle JANHEINZ JAHN tr0u-
vent un Œbut de caractêrisaticn, notan1rent quand l'auteur sitœ
l'originititê du ranan dans l'existenœ "res foI'nes traditiamel-
les de la littérature orale de l'Afr1qœ Noire". Mais l'êlénent
~
~cisif qu'apporte œtte reflexicn, c'est qu'elle net l'acc:B1t
sur l'aspect pragmatique da l'inflœnœ tE la traditicn orale,
quand M. KANE dit :
" l.! un de/) ~ouw lu p.t.u6 c.orû>:tanû e./).t "de /)4U-
ve.gdJLcleJL CVLW.rt/) de/) Jtdppom qui mitent l.t. c.on.te.UJL
popu.laiJr.e. à. ~on a.u.dUoiAe." (2).
le prcblèIœ que soulève Mchamadou KANE, sur la nature du ocntrat
êncnciatif, est le xœne soulevé p!lr Ra.1ner ~ING, quand il ana-
lyœ le rôle du narrateur fictif dans le ranan courtois (3). cet-
(1) "SUR lES roRMES TRADITIeNNEUES" du ~ AFRICAIN", in la
revœ de Littérature Carparée nO 3 et nO 4. Juill.et/octcbre
1973, p. 537-563.
(2) id.
(3} cf. supra, œtte rhras:! de R. WAmING : "Chez Ou:étien le
rôle œ ccncœtise p!lr le fait qt:e l'auteur écrivant se pre-
sente ocmre un narrateur qui Iécite une histoire devant sen
auditoiIe".

- 156 -
te intuiticn fulgurante n'est rnalhew:eT:l~tpas exploitée à
food par Moharnadou KANE, car: il s'en trs:mt au simple ccnst.at.
Path~ DIAœE. abo~œra égalen13!!'.t le nâte prci>lèJœ, mais
Ga d§finitim des topai afriœins se Il"lah<ifeste à travers la stree-
ture narrative et linguistique de la 11ttératureafricaine :
" L' e~théü.que. de l'Ol[,aliJll a. Ilenouve& l'axt Ut-
tlJuWte (••• ) Achebe et l&h'ago VIOl' ont eu le gJtand
méJUte de Jte~'lf.Vt la. YLUfLVd.h aô,ouCltÜte en ~a.n.t
de~ .t.angue~ qul. n' U..a...i.est pM lJ!,~ le.wr... Avec. p.R.u.A
ou mo.in~ de!. bonheWl, i l i ont ac.:t...u.a..U1:,é .te plWl1-i.eJL
en ang.f.a..i..6, le ~ec.oYl.d en nJulnça..ill, c.eJtta.inu n0Junu
de la. naJUta.Ü.On. a61Ûc.~, paIl. exemple le ~ttjle de
C'AJr.ac.tiwa:tJ..on et de dM.m~a.:tJ..on, KATEB YACINE
Jtev-i.eYLt à. la. tJw.rU:ü.on KABYLE et ARABE, Ou.6mane.
SEMBENE Iledéc.ouvlle le ttrolD 6" (1).
Q1 peut aussi citer œtte remarqœ œ:Bester ECHENIM, faite dans
me étude protant sur SOlEIlS des INOEP.END.~ ce KOOKX.I-1A, et
allant dans le Itêrre œns :
" KOUROUMA, en nOM pl(é.lœJetant l' htito..i.Jc2. de ~on
pe.Jt.6onnage, FAMA, n.OCL6 apo~e un ~ttjle de naJLJr..a.t.icn
qu.-i. ltelève à. la. 6o-UJ de la. c.onvenwn -impUc..i..te daJt.6
le genlte Mmanuque et il' wte .in.U1..a.ilve CJtéettlLic.e
ltvLgement dlpe.nwtte det.a. .tJr.a.cUü.on o!ULle." (2).
le nériœ des différentes reœ.rqœs presentées. ici, pr0-
vient du fait que, œ qui ccnstitœ le trait S];écifiqœ ce la lit-
têrat1.1Ie africaine est ~rçu.. La notiCD d'oralité feinte apparait
(1) I$RmAISS1\\NŒ ET POClBIEMES aJLTUREŒ E1i AFRI~", in INTRO!XJC-
TICN A rA OJLTiJRE AFRICAINE (ouvrage collectif) édité par
l'UNEsro, in 10/18, 1977, p. 216.
(2) Présenœ Africaine, nO 107, Paris 1978, p. 139-140.

- 157 -
salvent de man:fAœ inplicite, niais toujours SOlS une fOI1œ in-
tuitive. Cela s'expliqœ notarment par l'absence d'me p!rsp!cti-
\\le systêmatisatriœ. La prcblématiqœ de l'oralitê et de l'écri-
ture cxnstitue généra1eIrent le point riodal de œs réflexicns, mais
elles ne VOlt pas souvent au-delà des œmarqœs à l'emporœ-p:fAce.
Qlez res êcr!vams et œs pœtes o::mœ RABEl-mNmJ~.,
srnGIOR, et Ousmane SEMBENE, le rapport oralité/écr.iture s'expri-
ne avant toot à travers œs cxnsi~raticns d'ordœ lmguist1qœ.
car le premier prcblèrre auquel se trouve cxnfrcntê l'écrivam
noir cxnceme la langue. PrcblèIre d'autant plus important que
.leur langue œ camunicatial littéraire est une langue d'emprunt.
Amsi œtte ~claraticn du pœte malgache place l'inter-
férence linguistique au œntre mêIœ res enjeux œ la CJ:éaticn lit-
téraire africa1ne :
"La. v~1LU;é ut que. 1I0U6 l' ..impu1.,ll.ion de. notJte. dJr.a-
me., nO(L6 paJttonli aJLabe., wolo6, ma1.gache., bantou
c1anlI W
languell de. noll mlÛtltU" (1).
Avec œtte œmarqœ, la noticn œ topoi africam
trouve œs cxn-
tours œmantiqœs plus precis. Car il ne s'agit pas seu1elœnt peur
l'êcriva:Jn d'écrire en français la traditial orale africaine, mais
d' mscrire dans les stmctures lmguistiq\\Es du texte sa propre
.iœntité linguistique. Ainsi ~territoria1ia§ par l'utilisaticn
(1) "DeuxiêIœ ccngres œs Ecrivams et Artistes Noirs", in Pre-
senœ Africaine, mméro S{:écial, p. 76.

- 158 -
œ la langue française ocmœ langue œ cx:mnunicatial littêra1œ,
il s'y reterritorialise par l'utilisaticn œ l'interférence lin-
guistique, "en parlant wolof, arabe, malgache, bantou" en fran-
çais.
Quand le pœteSENœOR . évoque ses sources, l'utilisa-
tien qu'il en fait, sa dêmarche ne s'éloigne pas ~ celle d'un anthro-
polaque de sa propre culture, qui écoute, transcrit et cxmœnte un
texte en pro~anœ œ l'oralitê :
"La véltLté ut que j' a..i t,.u, pM exac.temen.t écouté,
tJrmr..6cJr.U et eDltmentë: du poblell négllO-a6JL.iea-in.6
(••• ) Si l'on veut noUll .t1lOuVeJl du maUJtu, U
1>e.Jt.tLit plull liage de W
cheJlcheJl du coté de. l'A6Jti..-
que" (1 J•
Mais œ toutes ces eJq;érienœs, celle œ SEMBENE nous
serrble la plus inédite, car elle IlOltre à qœl point le problèIœ
de la langœ et œ la cx:mnunicatial ccnstitœ le point nodal œ
la littérature africaine écrite. L'intenticn œ cxmnunicaticn œ
SElrIBENE, c'est à la fois œ toud1er le plblic traditiamel et
analIbabète, c'est-à-dire l'auditoire du griot ou du récitant, et
le public lettré. C'est ce qui expliqœ la pratiqœ s.1multanée
œ l'écriture littéraire et œ l'écriture cin~tograIbique. C'est
grâce au cinéma que SEI-IDENE a su réCUférer le plblic traditiamel
exclu par l'a-nploi du français o:mre langue œ carmunicaticn lit-
téraire. C'est ainsi que chez SEMBENE, se manifeste un IOOUVeIœIlt
(1) "Carme les Lamantins vent boire à la sourœ" in POEMES, seuil,
Paris 1964-1973, oollectia1 Points, p. 115.

- 159 -
qui va de l'écritw:e vers l'oralité et Ç3e l'oralité vers l'écri-
ture. C'est œ qui tr.'Jl1sparait ,:!'Uand ~E aà!lpte res scenarii
wolofs à J:."'l3.rt.ir d l tn1 texte préalablE.:l'œnt écrit en français. Dans
œ témoignage, ci\\. il évoque Birago DIOP a:mre ln mx1è1e, il expli-
que t.l:ès bien le rhénarène :
n la. nouveUe
(-Lei. le MANDAT) tt ê..té Itéd.i{jée en ~ltan­
ç.a.-iA, pui6que fu walo nn'ut peu enc.OIl.e une langue
éeJUte. Nou..6 !.lommU pMU de c.e tex.:te et nOM a.vonll
Jr.é.pUé pe.nda..i1X plull de :tJf..o-i.ll mo-Lll poWt. e411a.yelt de.
tAouveJr. lu
eXlttelll>.({Jl1.ll lell pbll j UlltU et d'éUm.i..-
neJt leh mou bâta.Jtd6. Le mot "mrotda:t." pCVL exemp1.2.
ft' a. pall de c.oJVr.v.>ponda.nt en wotan. Fo.tLt-il 601l..geJt
un nouve.au mot? Je crois qu'il. ut p!lé6éJtabl...e. de
pJr.e..ncVr..e lR. mot 6Ilança..i.c.\\ tt'Ue tout .te monde c.cnnaU:
et de ..t' .i.ntéglte1l. au wa.eo~ {••• } Il ut :tJr.è.6 cUfJ-
6.i..c.Ue de :tJza.du.vU!. wte hlngu.e éCJt.ite en une !angu.e
non éeJr.1..,te, e.:t je ne c.onna...L6 pall un lleul a.6Jti.c.ain,
à. paJLt &i.Jtago VI OP, qui hOU c.a.pabû de palllleJr. 'du
wolo 6 au. 6JuVtçai6 et v.iœ- VeMa.••• " (1).
!es différentes dcn.'1É'es qui œt été foumies au (Durs
œ œtte étude, nous penœtt:ent maintena1t de tenter une étuàe
plus systématique de la prcblématiqœ oralité/écriture dans la
littérature africaine, à travers les œuvres d'Ousnane SEMBE1're.
(1) In Ousmane SEMBENE CINEAS'IE, par Paulin SOt.JMANOO
VIEYRA, op.
cit., p. 184-185.

- 160 -
II. 4. ETUDE DE L'ORALITE PEINTE COMME TRANSPOSITION
-
--~_._.------,
La productim de l •oralité femte o::mre fo:rrne dlexpres-
sien de l'interférence lïriguistiqœ 9: m:mifeste à travers deux
procédés étroitement '(X)rœlés : la Tran.:srposition et la Tmduotion.
Car c'est sur le rrêrœ référent: que s'eY.erœ l'activité
.èe l'écrivain: la realité culturell.e et linguistique africaine,
la tradit1cn orale.
4.1. La ganspositiœ dans la fiction 1.lttéraire
Par le ccnœpt de tretn8"postion., nous entendcns l'ensem-
ble res pl.'"Océdures qui. Calsistent à transposer clans la fictioo
littéraire écrite, œs nodèles discursifs, narratifs et pragmati-
ques sp§cifiques à la traditien orale africaine.
Il faut remaxqœr à cet égard, que 11 oralité o::mre no-
dèle et1mo-littéraiJ:e ou came discours de "l'opinicn ccmnune",
ne se manifeste pas toujours d'une manière intégrale, cchérente
et authentiqœ dans la littérature écrite.' Nous assistcns souvent
à une tentative de reproductiœ fragrrentail:e d'une J:éalité 00-
turelle, ou d'ml discours traditiamel ayant souvent une valeur
citatiamelle, et qui. de' ce fait fonctio:me corme discours référe."ltie1.
Par ccnséquent le concept de transposit-ion n' L."Tplique pas l' iœe
d'me reduplicatien fidèle ce lloralité dans la ficticn lit.~rai­
ze. L'oralité fe.inte n'est en qtElque sorte qu'une simnulaticn,
qu'une "m::xl§lisatim" possible de l'oralité proprerrent dite, qu'un
artefact , qu;une ré-êcriture de i1oréllité.

- 161 -
Les différentes opérations qui œtenninent la mise en
oeuvre œ la transposlticn peUVOJ'lt être sitœes à œux niveaux
étroit.errent liés. en distirigue ainsi :
Wle
tl'ansposition d'énoncés
et une tranBposit'l:on se manifestant ~
processu.s de qisaursivisation.
ces ceux procédures o::mportE'nt d'importantes cxnrequen-
œs pragmatiques que nous étud.iera1s pIns loin.
4.2. Etude de la transpositioo d'éncncé§
Nous pouvcns ~f:lnir la transposition d'~nonœs ccmre
le processus d'enc:hâsœrrent et/ou d'errboi.tercent de segments tex-
tuels cu discursifs œ la traditicn orale dans le ranaIl eY.l dans
la nouvelle (dans la ficticn littéraire d'une manière g3nérale).
Notoos qœ 1e ranan, en tant que fonre d'expressicn es-
thétiqœ CXJlstitœ le cadre le plus prcpiœ à la transpostioo
d'ênalcés, car :
fi Le Mman peJlmet d' Wltodu1.Jr.e danl. .6on en.tU:é tcu-
tu e...6pèc.e.6 de gettJte.6, .tant u.:t:ti.!t~ (ttouvelle.&,
poé.6fu, poème.6 , .6aynUe...6) qu' extlto.- LittéJU1J.J-U!..6 ,
Jtet.4Ji.eux,
etc..
En pIti."tupe. n' ..i.mpO!l.te quel ge.ttJt.e
"peut.6' i.n.tJtomt.iJte dan.6 id .6tJw.c.tu!le d'un !tolnaa et
.il 11.' e.6t guè.Jte 6acU.e. de. dé.c.ouv!lÂ.Jl un .6eul genlte
qui n'aU pM été. un joUIL ou l'atdJr..e, -inc.oltpolté palL
UI1. au:teWt ou un a.u;tM.."
(J).
1
.
1
(1) MIKHAÏL BAKHTINE, in EsrHETlçUE ET THroRIE DU RCtWl, Gallimard
Paris 1978, p. 141 (traduit du russe par DaVld OLIVIER)
Cf. égalenent KRISTEVA : "Vu came texte, le rœ.an est une pra-
tique sê.."1\\iotiqœ dans laquelle 0.1 p.:>Ul-ràit lire, synthéti;;;§s,
les tracés CE plusieurs éncncés", in SE1lIGrIKE, Fecherches pour
une seIMnalyse, Paris, seuil, 1969, p~ 112.

- 162 -
"
Il arrive d'ailleurs, c::e:tm"e le note ~.K!fl'INE, que certains mod~-
les "enchâsBants" 00 "inteI'aaZaires" favorisent
la créaticn d'un
,
genre rananesque, c'est le cas du l'onan epistolaire par e>œmple.
De nêne en peut dire que l'enchâsrerrent dCéncnœs sp§cifique~à
l'oralité africaine a égalerrent favorisé .l'énergenœ d'un genre
9\\1'al peut d3signer cx:mre le rcman afriœ.in.
Dans la ficticn littéraire afrlcame en t:eut ainsi re-
lever l'enchâssezœnt œ deux tyr:es d'éncnœs :
- en rencc:ntre ainsi l'enboiterrent œ lrodèles et ethno-litt.erai-
res africains. ce sent œs ~les-ethno-littérairesqui œrcnt
désignés ici par le telTœ d'ethno-texte.
- le œuxi.èœ typ3 d'énenœ enchâssé, se présente came la
pa.~le de "l'opinicn camn.ne" dans la traditim orale africaine.
4.3. La noticn d' ethno-texte
I.e teme ethno-texte sera utilisé ici pour œsigner les
~les "littéraires" de la traditicn orale africaine, le mythe,
le cente, la légende, le panégyriqœ, la joute oratoire, la œvi-
nette, les provel:bes, etc. C'est-à-dire l'enseJrble des l'COClèles
ethnolittéraires canparables aux :"FORMES" qui ne sent définies
ni par la pcétique, ni peut-être par "l'écritw.-e" qui ne devien-
nent pas véritablenent des oeuvres (••• J" bref à ces FO~ qu'al
appelle camn.mérrent légende, Geste, Devmette, IDcutial,rréIoora-
ble, Ccote ou Trait d'Esprit" (1).
(1) Andre JOLIES, in ronMESSIMPIES, Seuil, Paris J!J77, p. 17.
'1

- 163 -
4.4. le discœrs de Il t ' aeinion commme Il
Ici il s'agit de "paroles" qui. }X>ur ne pas appartenir
aux genres ethno-1ittéraires instit.u.tiame1s, ne fOlt pas roins
parti.e intégrante du discours de 1 'ora1itlé. Nous VOulOlS simple-
rrent parler
ici du discours quotidie.'l, courant qu'Ol peut enten-
aœ dans une int.êractiOl sociale tout à :fait ordinaj.re. On peut
citer ainsi le discours ce la ferrrœ sénégalaise cxnnoté oc::rme
"cx:mréragell dans VEHI-cIOSANE, le discour.s Iljuridique" tel qu'il
se manifeste dans une IIOsqœe ce SAN'IHlU-NIAYE, le discours ce la
psydlothérap1e traditiame1le des "marabouts", ici les voyants et
les gœrisseurs dans~, ou simp1erœnt. le dicours du renégalais
~ tel qu'il transparait dans les dialogres œ VEHI-CIOS~.NE,
le Ml\\NDAT et~.
Notarment dans les a:nversatims et les pala-
. hIeS
multiples qui anilTent les f~rs et qui sent pmctu§s par
les tradiame1les forrrules r±tue11es :
"Avez-vcus la paix" pour dire bcnjour, "Alharndou Lilah"
pour dire Dieu Merci, "qœ YaUah ne panknne" pour demanœr par-
dm à Dieu, n YaZZah m'est ténoinn pour expriIrer sa benne foi, etc.
Par ccn~quent dans la 1ittérab:ll:e africaine, l'oralité
feinte se manifeste surtout oc::rme me eS[:'èœ œ caisse œ réso-
nanœ ces différents récits, des différents types œ discours et
ce langages qui circulent dans la socj.été africaine.
Nous a11cns maintenant étudier la transpositicn cx:mœ
processus œ discursivisaticn.

- 164 -
,
4.5. La transpositic:n canrre prClC:E~us de discursivaticn
La transpositicn ccmœ processus ce discursivaticn se
manifeste,quand, au niveau du procès de productim du texte l'au-
teur-énmciateur imite ou simule U1e t:erfunnanœ narrative proche
d'un griot, d'un I:écitant ou d'lm t:ersmnage ce la traditicn ora-
le. ce thénarène ];Sut se manifester de œt!lx manières dans la fic.-
tien narrative : d'abord dans \\IDe narratial directe ou l'auteur
utilise la rréthode du pastiche ou de la parodie pour imiter le
langa~ d'un actant de la traditicn or~.
D'autre part l'auteur peut cédez' la narraticn du œcit
à un actant, qui apparait came locuteur 're la traditicn orale
(griot, œcitant ou renégalais moyen) ne sachant pas parler fran-
çais en gén6ral.
1
Par a:nséqœnt le processus de discursivisaticn dent il
est qœsticn ici, est œlui que GREll1AS définit éÙJlsi :
"LU pltocéduJr.u de CU.6CllJtJS.iva:ti.cn-appe.l'.éu a ~e
CDn~:tUueJl en un.e ~yn,taxe. cLi.J,cwu,.ive- ont en com-
mun de pouvo.iJr.. U1te dé6~ comme la. m.ue en oeu.-
vite du opéJta.:ti.on~ de débl'..a.yage et dt embJUtyttBe et
de Jœlevelt cUn~.i de l' .i.r..&itmtc.e. d'énonc..i.a.tion. On
le~ d.iV-<-6eJla. en au. mo-Ou .Vw~ ~o~- c.ompo~antu :
l'ac.to1(.La.l.i6at.Wn, la. .tvJro.,poJUtU..!:JlLÜ.on et la. ~pa.­
ü.a.U..6ation, qM ont poWt e66et de plLodu.-iJr..e un
cU..hpoiJili6 d'a.c.teUJL6 et cm cadJr..e à la 6o~ tempo-
Jœl e..t ~paüa1. où. vi..encVt.œt ~' WcMJte. le~ pltO-
gJtamltle~ naNLaü.6~ en plLoU'l!Jtanc.e du ~tJr.u.c.t.u.Jt.e.4
~ém.w:ti.quu et/Ou. nlVVta.tiI:Je.&" (1).
(1) GREIMl~/COORI'ES : in SEMIarIQUE : "Di.ctiamaire raisamé de
la théorie du Langage". Hachette/tiniversité, Paris 1979, p.
102.

- 165 -
là! en verra dcnc conm.=.m.t l'ancrage de la fictic:n dans
sm cc:ntexte de producticn cult'l.ll:el et linguistique facilite la
.
mise en SCÈne d'acteurs "Tolofs o:::rrrœ locuteurs du discours tra-
ditionnels, ~rnet égalerrent d'êl11Énager \\D temps et un lieu de
producticn de l' ethno-text.e ou du discours de l' opinicn camnme
dans la traditien orale.
Ainsi, crest à travers l'ensenble des opératicns qui
caractérisent la transrositim que se réfracte: l'intention de
,
l'auteur. Notamrent celle d' arrenager dans le ranan qui est une
fome d'expression esthétique typiqœrrent occidentale un genre
qu'en p::mrrait qualifier de '''ranan africain" ou de "littÉrature
africaine" •
Nous allons maintenant aborder les effets pragmatiq:IEs
induits par la transp::>siticn.

- 166 -
II. 5. ETUDE DES EFFETS PRAGMATIQUES DE LA TRANSPOSITION
Nous voulons simplerœnt aborder ici les problèrres rela-
tifs à la producticn et à la récepticn de l'oralité feinte, ou du
noins dégager les aspects essentiels du type de concrétisaticn qui
la caractérise. Nous allcns par conséquent nous poser les ques-
tiens suivantes:
- Dans l'oralité feinte que devient le narrateur institution-
nel, c'est-à-dire le griot ou le récitant 1 ou sirrplerœnt le lo-
cuteur wolof ?
- Que devient l'au:Utoire ?
- Quel type de contrat énonciatif instaure donc l'oralité
feinte ?
Nous avons vu que la traditian orale se manifeste came
ml fonds culturel cœrnun dent le griot en tant que narrateur insti-
tutionnel n'est qua l'agent de transmissicn. Nous avons dcnc af-
faire à une littérature anonyrre, parce que propriété collective de
toute une cœmunaitté culturelle.
Mais une fois transposée dans une ficticn littéraire,
Irêrre sous fome fragrrentaire, l'oralité devient une oeuvre singu-
lière, et de ce fait ~rd son ananyrrat.
D'abord sur le plan linguisti~ et philologique, elle de-
vient un texte fixé une fois pour toute, alors qu'auparavant, elle
derœurait toujours instable, flottant car soumis aux caprices, aux
hurœurs et à la compétence du narrateur et de l' audltoire.
Q1 note enSUite une singularisation du node d'appropria-
tion, du texte. L'ethno-texte intégré dans ml rornan ou une nouvel-

- 167 -
le
se manifeste toujours avec le ncrn ct la signature œ l'auteur.
Il se manifeste dès lors ccmre oeuvre de créaticn et propriété in-
dividuelle. Car si l'auteur tourne des droits d'auteurs p.:>ur sen
livre, il en est tout autrerrent du griot ou du récit.ant œ la tra-
dition orale, qui lui n'est qu'un m~dium.
Nous assistcns éga1ercent à un ~p1aœrrent du node de
réœption du texte : œ qui. caractérise la tradition orale c'est
que le texte n'est pas exportable, qu'il est ccndanné à être ccn-
samé sur p1aœ. De œ fait la réœpt.ion du texte se fait. tou-
. jours d'une manière rcarticirative, aussi l'auditoire ccntribue
activenent à l'é1aboraticn de la narratial qui d'ailleurs n'au-
rait aucune existenœ ccncrête sans sa préso..nœ. Par conséquent
sans auditoire, il n' y a pas de narratial.
Il est p:>ssib1e de ITEsurer à present les conrequenœs
pragmatiqœs induites par la transpositioo. CE l'ethno-texte dans
la fiction 1ittêraire écrite. Elles apparaissent notamœnt par le
dép1aœnent du IOOde de productirn, œ reœption et de reappropria-
tien du texte.
Par un dép1aœrrent qui intervient au niveau du contexte
ce production et de réœpticn : il est facile de noter ainsi la
neutra1isaticn de la valeur discrinùnatoire du lieu d' énonciaticn
et du temps d'éncnciation de l'ethno-texte. Effaœrrent de la dis-
tinctien maiscn/p1aœ du village pour le lieu d'énonciatien et
diurne/nocturne pour le marent d'énonciaticn. Car le livre peut
se lire n'importe 00 et n' i.Jnr,ort.e quand•.

- 168 -
On fCut dire que transposé dans le ranan ou la nouvel-
le, il ne reste de l'et'hno-texte qu'un recit ou une representaticn
œ l'ethno-texte. Cette reflexion ~ut égalerrent s'appliquer au
discours de 1 'opinicn a::mm.me dans la traditicn orale. Car dans la
ficticn littéraire l' ethno-texte et le discours de l' opiniO"l con-
~e se manifestent ccmre un diso:::turs "cbjectivé'~, "rrcntré", et
œ œ fait aCX]Uierent \\.IDe valeur de "térroignage", de "document".
cela est particuliè:rerœnt manifeste chez Ousmane SEMBENE, quand
il désigne les ethno-textes qu'il intègre dans sen oeuvre, quand
il explique leur a:ntexte de producticn et œ réœpticn, quand
il désigne le "nbalak wolof" oorrrre un "langage ésotérique", "her-
rrét1qœ" ou "langage de la case de 1'hame" dans~. cela se
manifeste égalerrent dans VEHI-CIOSANE, là prqx:>s de la joute ora-
toire qui accanpagne le "yothé" (un jeu œ daITes sénégalais).
Mais nous reviendrons plus arnplerrent sur œs questions. ce qu'il
faut souligner fOUr le narent,c'est qu'à travers la transpositicn
œs m::rlèles ethno-littéraires et la producticn du discours de
l'op:inion cx:mrone dans la ficticn littéraire, l' auteur fait cens-
cientrent ou ncn œuvre d'ethnologue. Car la reproducticn dans le
ranan des différentes "paroles" qui circulent dans la traditicn
orale s' apparente, sur une m:x:la1ité différente, au travail ef-
fectœ par Geneviève CAIAME GRIAUIE chez les o::x;cNS, dans sen li-
vre devenu classique : La parole d'lez les I:lCn:NS (1). Ici, l'au-
teur dresse une typologie des différents types de discours cir-
culant chez les IXXXNS.
(1) EI'HNOI..03IE ET lANGAGE : La parole d1ez les Dogons, Gallimard,
ParIs 1965. Cf. égalerrent DIEU DEAUi : ~s entretiens avec Og-
goterm'êlide Marcel GRIAUT...E, Fayard,. Paris 1966 (222 pages).

- 169 -
Pour signaler les principaux déplaœrrents pragmatiques
cxnsêcutifs à la tranS];Ositian de l'ethno-texte, 00 p:!ut citer
cette lX'.marque de Philipp:! JWt:JN :
" ••• il c.onv.œnt de. gevr.dvc. à. l' fl,6plUt que. le. te.x-
te. UtiéltClL'r.e. e.ht hOU.vent: W1 te.xte. éc.lr.li. En tant.
que. c.omrnunic.at:ion d.t6oVtée. (pM de. 6eed-bac.k, de
Jr.éajUhte.me.ll.:t.h au.t:oma,tiqueh d' au..t.o-Itégulailon) il
c.onhtitue. une. c.ommunication di6nélte.nte de. la c.om-
munic.ation 01UJ..i.e. et peucnnaLi..6ée., W1e. c.ommunic.a-
tion
p~ dé6lnltion non ~éve~~le., déc.onte.x.t.uati-
.6ée, hM.mé . ue e.t am6~e., que. i' on pe.û1 aê6.uuJr.
c:Oriime. un C.Mlte. OUlt di âb.!wc.e.6 e.t de. male.nte.ncûu,
(ab.6e.11C.e. de. l'e.me.t..t.euJr. pDUlt le. ltéc.epteuJt et du. con-
te.xte de !téc.e.p:ti..c1l1 pouJr. R...' éme.t..t.euJr. p..tc..) Ve pfu..6
en tant que texte (6.aé pM ta philologie et 'Jr.eplto-
du.ctlble. dMh te.6 .umUe!l 6.tx.ée.6 pair. ta loi) il
n'ut pa.6 ltéajMtable. la ta di66éJL.enc.e. du mythe) et
touche un pabU.c. paJr.6o,u, cU66M (non totalement plté-
v,u,~le) e..t hé:téhogène.. Le.6 deux 6ac..t.e.~ (public.
hU~Jr.Ogène et c.Otnmwûc.a;f.:um di6 6éltée) impo.6e.nt .doltc.
.6an.6 doute. au. texte. éc.!Ut, plU!.> qu'a d'au.t1le.6 d'a-
vo.i.Jr.
if. a.6.6uJr.elt "un mL'1.imum de LL6~ili:téH...
(1)
Si l' 00 résmre les principales ccnséqœnœs induites par la trans-
position on p:!ut dire. :
- A me cœrnunicatian i.n"rTédiate qui requiert la parole vive
du griot et la présence P1ysique èe l'auditoire, se substitue une
oorrmunicaticn diff~rée. Et œla par la substitution du rrédium griot
par le rrédium livre.
- A me réception rollective, à effet rétroactif se substitue
une réception rolltaire, individuelle et "insulariree".
- A m auditoire h~e (sur le plan linguistique, culturel
et id3ologique) se substitue un public (ncn prévisible et h~téro-
gffie) •
Ainsi la transposition de l' ethno-texte dans le :ranan ou la nou-
velle, penœt au niveau de la producticn œ rapIX'rter la récitaticn
(1) "'IEXTE LITI'ERAIFE ET HETAIANG1\\GE", :in POETI(VE nO 31, rept:erl'bre
1977, p. 263.

- 170 -
à l' écriture, et au niveau de la réceptial l'écoute à le lecture.
La consort1T'aticn de l' ethno-texte corme oralité feinte exige désor-
. mais une nouvelle ("UTpétence linguistique et pragmatique : savoir
lire en français ou dans une langue occidentale. ce qui provoque
me exclusion d'offiœ de "l'auditoire t:raditionnel" qui est anal-
P1~te (1).
Cette exclusicn appara!t expliciterrent dans œrtains
textes d'Ousrrane SEMBENE. Quand SEMBENE, dans sa préface s'adresse
dans ces te:DneS à VEHI-CIOSANE :
"Ta mè.JLe, eu.e, no:tJte c.on.:lempOJl.ai.ne, illetJtée -en
6Jtanç.M.6 c.omme en aJtabe- n'a pM la. pOM-ibiR..ité de
Ulte c.e..6 page!;," (v.c. : p. 17).
en peut aussi relever œtte dédicace que1qœ peu inccn~ que
SEMBENE adresse à sa propre ITère dans le ,DOCKER NOIR, et qui FOS-
tule \\ID rrode de réception du texte quasi irratiame1 :
"Je dédie c.e u'vlte à. ma nrèJLe, bien qu'elle ne .6ache
pM l1.Jc.e. Pen.6elt qu'elte f!J pltom~ne .6e.6 doig:t6 .6u6-
6U à. mOIt bonheult"
Peur l'auditoire traditicnnel, le livre n'est plus un
cbjet de consorrmatien culturel, mais un àbjet-féticne.
5.L I.e public de l'oralité feinte
Nous allons essayer ae dégager le nouveau profil du pu-
blic de l' ethno-texte ou du discours de l'opinion cx:mm.me de la
traditicn orale, intégrés dans le ranan 0lU la nouvelle.
(1) C'est d'ailleurs le désir c1e rétablir le fil de la camn.mica-
tien cour;é par le livre, que SEMBENE ·est venu au cinéma, un
m~diwn de masse, pour recurerer son auditoire traditionneL

- 171 -
On };eut ainsi diviser le public en ceux grandes zmes cx:nstituées
par le public africain et le PJblic occiOental. cette clistincticn
prend pour critère la caup§tence linguistique et culturelle œs
récepteurs, notaInrent leur capacité d'interpretaticn des c:x:rles
culturels et syrrboliqœs véhiculés par l'ethno-texte ou le discours
de nI' op:inicn cx:mnune".
A:insi la tranS};:Ositien de l'ethno-texte dans le ranan
ou dans la nouvelle 11' aliène pas à l'auteur la totalité de sen
"auditoire traditionnel". ceISldant elle la limite aux seuls let-
trés africa:ins, à ceux qui savent lire en français. cet auditoire
fencticnne généra1.eIrent corme narratail:e inq:>licite (énmciata1:œ
dans la tenninologie g:œimassienne).
ce qui caractérise la ~tenœ receptive de ce public,
c'est qu'il est souvent bilingœ (en wolof et en français par exem-
ple dans le cas de SEMBENE ou Biraqo), i l est par ccnséqœnt apte
à ~CXXÈr les CXXÈs linguistiques et culturels qui se ~velor:çent
dans le texte, denc à canprend:œ les P'1énarènes d'interférence
l:inguistiqœ. ce public est denc prepare à la réœptim de l'ethno-
texte, car il s'agit pour lui d'un texteàéjà-connu, ou plus preci-
sffirent ~jà-entendu, et de ce fait d'm. discours redcndant, fami-
lier. Toutefois, nêIœ déjà-connu ou déjà-entendu, l'ethnotexte ou
le discours de l' op1nien cœmune came oralité fe:int:e n' app::ülent
pas le nêrre ty},:e de réœptim qœ dans la traditien orale pt:q):œ-
nent dite. Car le texte apparait ici dans me langœ étrangère,
dans un rrédil.1T\\ différent (le livre) et œ ce fait crée un nouveau
nd§paysenent" •

- 172 -
Ce qu'il faut noter ici, c'est que l'ethno-texte ou le
discours de l'opinion carmune intégrés dans le rar.an, penret au
ranancier et au lecteur de se reterritorialiser dans la prcrluctic:n
littéraire francq::hc:ne, de s'y arrenager Ul cadre dl se réfracte
leur propre identité lingui.stique et culturelle. Ce qui est nou-
wau ici, c'est qœ la traditicn orale jouit désonnais du presti-
ge lié à la chose écrite, et aux possibilités d'universalisaticn
qu'offre. le livre,. Phénarène qui s'apparente dans une certaine
rœsure à me sorte de réhabilitatic:n, à une revalorisaticn, à une
"recamaissanœ" (au sens idéologiqœ) de l'oralitê. Et c'est à
ce niwau que la carmunicatic:n littéralle realise une espèœ
d'iœntité retrouvêe.
Il suffit à œt égard de CXJlsid§rer l'im-
portance accordée à l'influence de l'oralité dans la littérature
afrlcame par la critiqœ et l'exégèse africanistes pour s'en ren-
dre CCIll>te. Ql assite ërlnsi à un ~velq>perœnt progressif de la
rllétoriqœ et œ l'idéologie de l' authenticitê. Tout œla prouve
que la prcrluctic:n de l'oralité feinte cx:mœ ethno-texte ou opinic:n
o::mnune rorrespcnd à l'hori2cn d'attente du lecteur africain.
Car c'est précisérrent dans cet espaœ du texte, qœ l'au-
teur offre à SOl "auditoire traditiamel" ,des possibilitês d'idsn-
tifioation et de projeotion qu'il ne peut pas toujours trouver
dans la producticn littéraire française. Et cela, en nettant en
sœne CÈSp:!rsamages familiers de sal univers culturel.
Mais l'universalisatic:n de l'etbno-texte n'est pas sans
cxntrepartie, du fa!t de l'autcnanie qu' aoJUiert l'auteur vis à

- 173 -
vis œs nonres, des o:ll'venticns, œs cx:xles et des valeurs cultu-
. mIles de la traditicn orale, et surtout de sen i~ologie~
Dans la traditicn orale, un ccnsensus se réalise souvent
entre le griot et l'auditoire à proI=Os du contenu 9émantiqœ et
iœologiqœ du texte : le griot ayant peur fcncticn de dire et de
réciter la tradition orale et l'auditoire de l'entériner.
Tandis que dans la nouvelle cu 1e rcman, l'auteur !sut
se trouver en I=Orte-à-faux vis à vis ce CErtaines valeurs cultu-
mIles et idéologiques auxquelles s'attame la ccmnunauté. D'cù
la rupture du cxnsensus idéologiqœ qui existait entre le griot
et l'auditoiœ, et1'~rgenœ d'une tensicn entre l'auteur et
sm public africain. cette O:à1tradicticn se manifeste dans la pré-
faœ œ VEHI-ClOOANE, a) l'en note l'existenœ d'une polémique
entre l'auteur et une partie de sen public africain. celui-ci ~
proc.hant à SEMBmE de publier une nœveUe I=Ortant sur le ·.thèJre
œ l' inœste, et d' étaler ainsi aux yeux de l'occident œrtaines
taœs de la camunauté. Ce qui est ~rçu ccmœ anonnal, c'est la
transgressicn par 1'auteur de la loi du silenœ qui doit l:égner
. dans une telle situatiœ, de Qévoiler un n secœt" qui aurait d(l
rester dans la ccmmmauté, de "faire entrer l'étranger dans la
maism". A œtte argunentaticn, l'auteur répend dans œs termes :
"Pendan:t du lUtl1éu, je me!. ~u.i..6 e.n.tJz.e:tenu a.vec
vo~ : A64lcain~ : le~ ~o~, vo~ ~~on~ ne
m'on:t p~ convaincu, ~ vo~ ltiez d'a.cco~d
.6~ t.LI1 poht:t "n' éCJt.i.J, pM ee:t:te h.i6tobr.e" vo~
evtgumenUez que ce ~e.JtO.-U je:t~ l' oppMb,...e. ~~

- 174 -
noM. La. 1UlC.e. 11OVr..e. Atie.ux. ajou:t(.ez-vow"
l.R..-6 dé.-
tM.c:tet.Ur.lJ de la uvi1.iJttiLion négM-a.6Jti.c.a.ine ci1.';;'
We.nt .6' en empMeJ! et-. .... e.t••• "
et l'auteur d'ajouter :
"Quand c.u~eJLion.6-noa-6 d'appJtouveJr.. no-6 c.ondu.Uu
non en 6oncLi.ol'l. de ItOtJte MOI V' HOMME, ma..i.6 de la
c.ouleWl du a.uVte.!J". (v. c. p. 25, c'est l'auteur
qui souligne).
Nous pouvons égal.errent nous référer à d'autres passages de ~­
CIOSANE où SEMBENE s'attëqUe aux préjugés de castes qui aujourd,
hui encore sent fortrérandus en Afrique Occidentale. Quand il fait
dire .à N' ("Dm f WAR 'IHI1\\.NOOM :
'lAa.u.dili .6o.ient la. gueJtJte. et l'el:lpJU;t de Itang. La.
gue.JtJte me plUve d'ùn 6ili, l'up.'l1..t de. ltang me
JWnge".
Quand l'auteur essaie èe réactualiser la notion de griot, de ré-
mterpréter le rôle social qu'il doit assuner dans la socié~.
C'est notarment le 9"'...ns de la protestatim de DETHYE LAW qui re-
fuse de cautiamer l'assassinat cœmandité par Gufuril GJED1 DIœ,
qui voulait amsi hâter la sucœssicn de sen frère came mef du
village. Pour ne pas garder le silenœ, et se faire le CXIl1?liœ
dam assassm, 11 décide de s'éxiler de SANTHIU-NIAYE, pour aller
".ta où. la. vVr.Lté. -6eJr..a. oe«v!r..e d'uplÛt hOfl.nm e..t
non p".1.vil~ge de nai6-6a.nc.e".
Nous avens déga~ les différentes modalités de réœptim de
l'ethno-texte Par le IÙJlic africa.in, nous avens mcntré qua
l'ethno-texte était l'espaœ a1 pouvait se lire l'identité
de l'auteur et de SOl t! auditoire mq,licite", nous avens vu aussi

- 175 -
CUlllent le ranan ou la nouvelle p:tUVaft provoquer la rupture du
. cxnsensus iœologiqtE qui existait naguère entre le gri.ot et 11 au-
ditoire traditiameJ..
c'est le m:lœnt d'aborder maintenant la manière drot
l'ethno-texte et le discours de l'opinion cemnune
de la traditicn
. orale peuvent être reçus par un public étranger à la culture afri-
caine, ici le public occidental.
,
Il est né~ssaire à cet égard d'établir une hierarcnie
en~ le lecteur "naif" et "ordinaire" qui d2couvre certains as-
p:!cts de la culture africaine dans le ranan ou la nouvelle, et
l'ethnologœ ou le Sfécialiste œ l'africanisre mieux initié et
Plus familiarisé à la manipulation des codes synboliques et cul-
turels de l'oralité africame.
On ~ut toutefois relever un point ccmmm à œs deux
lecteurs: c'est que, quelle q-œ soit leur o::Il'lJ;étence cognitive,
l'ethno-texte et le disoours èe l'opmicn a:mnune leur apparais-
sent cxmœ un J.i1énarene étranger à leurs propres codes culturels
et synboliqtEs. Amsi leur perceptim de l'et.l'mo-texte sera teu-
jours différentIJ de celle du public africam.
Cela dit, nous rœttrcns surtout -l'accent sur l'étude du
m:::d'He de réœptim' du lecteur ordinaire. ce qui caractérise le
lecteur, c'est qu'il interprète l'ethno-texte ou le discours de
l' q>inim crnmune en le canparant ou en l' opposant à ces propres
IOOdèles culturels et linguistiques_ Car tout ce qui est de l'ordre

- 176 -
du d§jà-ccnnu ou du d§jà-entendu d1.ez le lecteur africa:ln, lui
apparaitra soudain came une œoouverte, un lilénarène inédit.
C'est par œtte reacti01 de "curiosité" que œ public apparait
ccmœ étranger à "l'auditoire traditionneln. Pour le public afri-
cain, l'ethno-texte ou le discours œ l' opinicn cx:mrrune faneti01-
ne souvent came cl:ln d'œil, et œ œ fait p:!met d'établir une
ccnnivenœ imrédiate entre l'auteur et "l'auditoire 1nl>1icite".
Quant au lecteur occiàental, il est souvent :Installé d'une maniè-
re explicite dans l' espaœ de l'ethno-texte, et il apparait too-
jours C'CI'm'e narrataire (l). Car c'est à lui que s'adresse en p~o­
ritê tout un rœta1angage, tout lm appareil explicat.i.f, "un suree-
dage ccnq:ensatoire" destinés à lui faciliter la lisibilité. car
de telles gloses apparaissent sur:erflœs et red01dantes au lec-
teur africain. Il n'est paut être pas :Inutile de damer ici quel-
ques exemples de traduction ou de gloses portant sur l'emploi de
)lénisnes wolofs, ou de tradueti01s littérales produisant souvent
l'effet de sens "exotisrœ".
(l) "En reprennant à notre cx:mpte le tenœ narrataire proposé par
Gérard GENETTE, nous suggerms œ ~léter la tenninologie de
l'éncnciati01 en introduisant le couple d'actants: présupposés
et implicites énmciateur vs én01ciataire et en les dist:lnguant
des nêrres actants narrateur/narrataire installés et IT'anifestés
dans le discours par la procÉdure de débrayage actanclel". A.J.
GREIMAS, in ;rNTRODUCTICN AL' ANALYSE DU DISCOORS en SCIENCES
SOCIAIES : "Des Accidents dans les scienœs hurnainesii , note
fufra, p. 31 (ouvrage collectif), Hachette, Paris 1979.
cf. égaleIœnt GREIMAS/COOR':ŒS, in Dicticnnaire raisamé de la
'1béorie du langage (op. cit.) p. 125 et 242.
cf. aussi Gérard GENETI'E, in Figures III : p. 265 et s:;r., Le
Seuil, Paris 1972.

- 177 -
Nous trouvrns ainsi des exp1icati01s portant sur des
nan.s propres da ~rscrmes et des nans de villes :
"La. Ba.cUène - .6oeUJr.. du pèJLe, tante de ta. maJt.i1.e"
du ncm de VAY BINErA, m~~e de .f.o. c.éJt.émon.œ
doc.temen:t dhUgeali. tout!'. {XALA, p. 74).
Ch trouve ici l ' explicaticn du rrot Badiène qui fait partie du
d'lanq:> ~...rnantique da la parenté wolof:
ft La. Ba.rUhte -
~oeuJt du p~, tante de ta. mo.JL.i.ée".
Dans VEHI-CIOSANE, rn t:eut égalerœnt lin! :
"PoUJr.. toi, VE'H-CI0SANE, N'OGONE WAR THIANOUM •••
(BLANCHE-GE.'JESE NGO,l.,JE WAR THIANOUM), pu.iMe~ :tu
pJt.épa.Jt.eJt. la. [i(l.ttè..6e de no:Uœ. nouveau mOltde" rp. 11).
Ici nous assistrns à une traducticn curieure, œ1le d' un nan pro-
pre : VEHI-Cle6ANE par "BI.l>NatE-GENESE", équivalent sémantique qui
nia pas de sens pour un lecteur occiœntal. Ensuite dans une note
en bas de page l' auteur indique pour le 1lIlIOt CIOSANE "pralcnœr
thiosane". Dans le MAND.l\\T, en peut lire égal.errent :
"-Bah (nom du 6a.c:teUJt.) qu.' 'ut- c.e que j'ai cU:t ?
cl4me MatY
- JÜeYL qui pu..i6~e te c.onc!wiJLe en en6eJt.".
L'auteur précise ici aussi : "Bah (nan do facteur) fi , sans doute
pour lever l' anbiguité ~mantique avec II interjecticn "bah 1" à
cause de'l ' hCJOCll::hooie et l'harograp,ie. Dans ~ m relève aussi
cette précisim drnnée par l' auteur à pl:QpOs du rom wolof de
DAK.1\\R :

- 178 -
"YAY BINErA :tu u connu de tou.:t N'VAKK"ARU {Vakcvt}
N' GONE e,.6.t :ta. 6Ute.".
Ici NDA1WUJ est acccmpagné de sen équivalent sémantique DAKAR. en
{Eut citer des expressions qui smt œs traductims littérales du
wolof en français, qui ~t en général émises par l'opinion cnn-
nune cnme locuteur 1 dans YEHI-CIOS.ANE :
"- At:té-ya..Ua.-ta. - c'e.6t la vo.f.onté de ya1.la." (p. 48).
ou encore :
"Sr:tiA-tu, Guib.'VU. Guedj 0108, que «hall. U.t 6e.mme.
EUe t'ut depcU..6 .te bO/laltfu ~hu.U.<.ème mo-U du c.a.-
lvu.fJvi.eJr. wo.f.o6)"
(p. 44).
Nous avens ici la traductien d.~
"At:.té-ya11..a.-ta." pM "c' e.At ta. volonté de tja.V-O." et
"bMahlu paIL" te huW.ème. mo-U. du c.o.lendJUeJt woto6".
Dans ~ en trouve œtte expressien émise par Mam Fatou :
"JI a.PPJWzende te JOM où e..Ue. ne. laVflM. ~ ~on
Wtge lA. nuLt"
et dans une note en bas de page, l'auteur explique :
"lo.veJr. .6on Lûtge la. nu.Lt : péJr1.ode du men.6:tJtuu.
te. Lûtge Jr1.lteJr.vé à. cd tUage n'ut j a.mai.6 M.ché
le JOM, 011 le cache aux konme-6" (p. 16).
en p!ut multiplier les exemples qui foUDnillent dans toute l' œu-
vre de SEMBENE.
Pann1 les différentes explications et traductions qui
~ manifestent dans le ranan ou la nouvelle, œrtaines portent
sur les nans propres, qui sent tme expressicn
codifiée par cna-
qtE culture :

- 179 -
"La. .64Jn.i6.ica,Uon gé.n~, du nom pIlOplle., cU.t
Jakob-5on,
èn cLtant Ga/lCÜ11e./l, ne peut .6e. dê.ô.bU!l
en deho,~ dt un Ile.nvo.i au code. Van.6 Ri. code M-
g~ "JERRY" .6.igtt.i6.ie une peJl.6onne nommée JERRY" r1] •
Ainsi l'ensenble des explications partant sur des nans
t:>ropres, des nans de ville, ou des traductions portant sur les rrots
.
,
wolofs, ou des expressions traduites litteralerrent du wolof en
français (ex : laver son l:inge la nuit) etc. rel~vent de ce qtE
\\
Ranan JAKOBs:::N désigne came \\ID rressage renvoyant au o:x3e Mie • ce
type de nessage est caractéristique du mode autcnyrre du discours
(CAmAP)
:
"Toute inteJtpllétaUCnt ayant PO(lIl objet i t él1Lc.ida-
t.ion de.6 moU e:t de.6 pltlU1...ôU - qu.' eUe .6o.i:t 1.n:tM.-
Unguale rCÛtcortioc.u.tum, .6ynonymu) /JOU .irttell-
i.ir.gua.ie r~duction) ut un me~~a.ge Ilenvoya.ttt au
c.ode" (2).
Par ccnséquent on FSut dire qœ c'est par le mc:x:la auto-
nyrre du discours que l'écriva:in noir installe le lecteur occiden-
tal (ou ~tranger) dans sen texte. C'est le J'lY.)(]e aut:coyrre du dis-
cours qui fooctiame corme OZ' indicateur de Z' in te raction s' :instau-
rant entre l' ~crivain africain et le public occidental (ou ~tran-
ger) •
Cl) Ranan JAKOBSCN, in ESE'ais de LinquistiqL~ ('.,ffiérale, tare 1,
p. 176, Les Editions cie H:inuit, Paris 1963 (traduit de l'an-
glais par Nicolas R~~).
(2) id. cf. égalerrent Philip~ IU\\~, 1.11 "Texte littéraire et Mé-
talangage" Poétique nO 31 - .Tosette REY-DEBOVE, ID lE r·1ETA-
ImGAGE, cnap. 4, p. 59 et sq., Robert, Paris 1978.

- 180-
En bref quand SEMBENE se trouve dans l'obligatim d'ex-
. pliqlEr, de traduire et de gloser, et dm.c de produire un rréta-
discours sur les rots, couturœs et traditials de sa propre réali-
té culturelle, c'est qu'il adrret
qu'il a un public différent de
sen pmlic traditiamel, et que œ public (occidental ou étranger)
. ignore ses codes et ses schémas linguistiqtEs et culturels. La li-
sibilité du texte exige alors la levée des anbigultés remantiqœs,
ces malentendus, des ccnfusicns, œs "parasites et des bruits"
qu'entrainent l'utilisatim de codes étrangers à l'univers linguis-
tiqœ et culturel du lecteur occiàental.
Ainsi donc, la seule présenœ du rrode autonyrre du dis-
cours ou du cc.rcrrentaire rrétali.nguistique dans l' espaœ de l' ethno-
texte ou du discours de l'opiniol carmune, désigne Je lecteur oc-
cidental cx:mre l'autre, cx:::mœ œlui qui est exclu de l'auditoire
traditiamel" •
c'est d'ailleurs à travers œtte exh:ibitien de la dif-
;'
...
ferenœ ou l'explicaticn rrétalinguistique est garante de la lisi-
bilité du texte qu'en saisit le côté exotique de la littérature
africaine (exotique est pris ici sans aucune camotatiOl p§jora-
tive, signifiant simplerrent le fait qlE la littérature africaine
est
perçue de l'extérieur).
Par couéquent, c'est à travers la producticn de l'ora-
lité feinte cx:mœ ethno-texte ou c:ame disrours de l'opiniœ o:m-
mune que l'écrivain africain se plaœ devant l'horizrn d'attente

- 181 -
du lecteur oceiœîtal. Il suffit de rapt:e1er à œ sujet la fa-
rreu~ rhraœ œ J7\\NF[EINZ ,TA.1'N :
..
"Une. oe.UVJ!.e qIÛ ne. ('.onUe.n:t pM de. topai.. !caJlaetéJt..i.6-
tique.!> géné.Jta1e.& a6JtJ..c.ahle..&) appaJl-tkn:t a Ra !U-
t1.1I.atUJLe. oc.u.de.nt.a.le" rc.~. .&up.'ta).
c'est par le n'êne type de raisonne.trent que KEsrr..ror èénooœ les
IXJètes antillais qui pr()()§da.ient .'1 une imitation plate et serville
des poètes parnassiens.
En o::nclusicn, on r:eut dire'qtE la prcducti01 de l'ora-
lité feinte cx:>ITtœ forrre d' expressioo est.ltétique satisfa;it finale-
rrent à une double attente: celle du public africain lettre dans
la rresure cil elle repend à sa quête d'identité. Car c'est dans
l'espace dé l'oralité feinte que l'auteur et sm auditoire irnpli-
cite ~ re-territorialisent dans la lan~ frança.ise.
Et celle du public occide.'1tal, àans la nesure dl il p=ut
trouver une satisfaction dans la quête de: l'autre, du d§payrerrent,
de la curiosité exotique. Et p<1.r la <Ïérouverte de sa différence
dans la d2rouverte de l'autre, proœàer d'me manière dialectiqœ
à la dérouverte de soL

- 182 -
II.. ô. ETUDE DE L'ORALITE FEIl/TE COMME TRADUCTION
De rrêrre que P oralité feinte présuppose l'existence èe
l'oralité, de rrêrœ la tranS[X)siticn présup{x>se la traduction. La
pratique traduisante qui s'élabore dans les rO'llans et les nouvel-
les africains est souvent occultée par la critique et rréconnue
par les aut..eurs eux-mêrres.
en ~ut censtater que les ethno-textes et le discours de
l'opinicn cœrnune, mt leur origine dans des langues de départ qui
sont toutes différentes du fra'1çais, et qui plus est, rnt leur ori-
gine dans des langues.de traditioo et d'expression oraleS ...
La reconnaissance et l' occultat.ian de la pratiqœ tra-
dui.sante (ès écrivains africains viennent du fait qu'c;n n'a pas
saisi le princip=! de l'encodage èe l'ora:1ité feinte. Notanment le
fait que cet enrodage n'est qu'un èes effuts du bilinguisrre CE
l'auteur. ce œ fait l' ab-r;ect que revêt :ta traductim de l' ethno-
texte ou du discours de l' opinim ccmnune n'est pas sirnilaire à
œlui œ la traducticn œ t~ classique ..
Dans une traducticn de type classique, an. disJ;:QS8 d'ern-
blée d'un certain nœ1bre èe reFères qui penrettent de
ccnstater qœ nous avoos affaire à une traductioo.
en dispJs::! d' lm texte de dép:irt (D), qu'un traducteur
(X)
rend dans une langue d'arrivée (A), texte qui a pJur auteur
(Y). Par C01séque..'1t le traèucteur ne s'arroge pas le droit de
réclarrer la paternité du texte,
(d'ailleui!t's soo nan apparaît
souvent en retits. caractères dans lm cam de la couverture du
livre). I.e but àu traducteur est àcnc de ~'1dre aussi fièèle-
rrent que pJssible le texte de départ (0) ..

- 183 -
Tandis que la traduction de l' ethno-texte, ou du dis-
oours cb l'opinion o:mnune ne re manifeste p:"lS se101 la rrêrre no-
. dalité. Car ici l'auteur et le traducteur du texte ne sont qu i une
/
reule et rrÊne p3rsorme ; l'auteur asSlItE ici par cxnséquent la
resfO.'1sabilité d'un créateur. Seulerrent ici,
(Y) à qui 00 ~ut
légit:l.rrerrent attrlliuer la paternité àu texte àe œpart (D) -
la
tradition orale -
est une inst.ance anatyrre. Dans l'oralité fein-
·te, i l existe lID texte œ départ (0) dans une langue orale, et lID
texte d'arrivée (A) dans une langtE écrite, ici le français. La
difficulté qui apf>arait ici œp3nèant, est œlle d'apprécier les
critères àe fiœlité par raplX'rt au texte de départ, parœ qœ
came texte de la traditim orale, il est flottant. Relevons œ-
pendant que dans le cadre de la reproduction des fonnules ri.tuel-
les qui caractérisent le rlisoours œ l'opinion cx:mnune, en p:!ut
cbserver lIDe œrtaine fidelité par rapp:nt à (D). Car il s'agit
ici d'occurenœs souvent ritœllesqui sant littéralelœnt traduites
dans le texte: "Avez-vous la paix", "yallah m'est térroin" etc.
Enfin on ne trouve jaIrais dans la fictian littéraire africaL.'1e la
rrention traditionnelle (le la traduction classique : "traduit du
wolof par (X)". Par ronséque.'1t, il faut .avoir me rouble cartFét.enœ
.linguistique en ~..,olof et en français p::lULr rep§rer si telle ou tel-
le expression a fait l' cbjet d'une tradulction.
en voit ici, les raiscns pour :D.esqœlles la pratique
traduisante des écrivains est soit. rréccrnnue, soit occultée par
les écrivains ou par les critiqœs.
r..'existenœ de la traduction est p::lurtant présupposée
par l'encnâsserrent èc~s genres ethno-litt.i2raires étrangers aux

- 184 -
Jt1OC'l1les occiœntaux ,: le jeu œ langage qui par exemple accanpa-
gne le "yothé" (jeu de clarres sénégalais) daiS VEET-cIOS}\\"lli, al le
pan~gyrique oü l'on d§viœ l'arbre généalogique du panégyrisé
etc. La tranSJ.X>sitirn de ces differents m:x1èles ne saurait être
possible sans l'existence préalable d'une traducticn.
Dans le texte Cie SEf.ffiENE ou œlui de Birago DIOP, en re-
lève ainsi des séqœ.nces entières qui sent l'objet d'une traductim
du wolof en français. Quant à SENGfOR, ~ propos de certains de ses
poènes, il parle de comentaire et de transcr:f.ptiOl ; si l' CJ1 fE!ut
accepter le terne de camentaire (nous ~rrcns CCIlIll:mt il foncti.cn-
ne), 00 ne r:eut ce~dant accepter sans réserve œlui de transcrip-
tiOl. Car le cx:ncept de transcriptiOl suppose néœssairenent qœ
les ~s de SENGHOR soient écrits en wolof ou en sèrère, ce qui
n'est pas le cas puisqu'ils sent écrits en français.
Nous allcns essayer de reprcx:1uire par un sciléma, (1) la pra-
tique traduisante qui s'élabore dans le œxte.
Mais le prcblène "littéraire" gŒ! pose la traductiOl de
l'ethno-texte ou du discours de l'opinicn cemmme se situe ailleurs.
C'est notarrrrent celui de la nature nêne de œtte traductiOl can-
ne };i1énCll'Èl1e d'encodage de l'oralité femte, ccmre mise en clisoours
da l'oralité dans une fictiOl littéraire écrite.
Dans les Essais de linquistiqœ C'-énéra1e, JAKœs:JN dis-
tingl,e 3 types de traducticn panni. lesquels nous en retiendrcns
œux p::>ur notre étude :
(1) Cf. smérna page suivante.

- 185 -
---.,---------.~----~r__-----.----------
'ŒXTES ET ETHNo-TEXTES DU HILIEU
1EXTF~ ET RI'HND-1ffiXTES TroY'lSPOSES
CULWREL ET LINGUIST;IQUE n'ORIGI-
!. Il1\\NS LE
Ra1AN ET lA NaJVELI.E
L-_NE
.
~~---------------
ORlü.ITE FEINTE
langue de départ :
langue d'Arrivée :
(0) = wolof
(A) = français
D (wolof) -------f------, A (français)
J
mod'Hes ethno-littéraires ou
nodèles ethno-littéraires ou
ethno-textes produits en lan-
etimo-textes produits en fran-
~ orale
çais {texte écrit)
-1
r
texte de départ ancnyrre
texte d ' arrivée
n :Instable", "flottant" ------t-~~,genres enchi\\ssés dans des ro--
mëI!ilS,
des rOOres ou des neu-
ve'lles.
Texte signé dmc nœ anœyrre.
~-------.l-.-
i

- 186 -
La traductim de type inter1:ingual
qui a::nsiste lien l'interpre-
.
.
taticn èes signes linguistiques au rroyen d'une autre langue" (1)
et la traductim :intralingua1e, ~f:fnie came une
"1l.e6olUnul.a:U.on (1(ewo1(cüng) t'feU c.onA,ute en l' -intVl-
p1(é:t.a;ti.on de.6 .6.igI1ell de la. 1I1ême tangue en d' CJ.LtJt.e.6
.6.ignell de la même tangue" (2).
La traductim de type :inter1inc.Jua1, est celle qui se ma-
nifeste dans le texte chaque fois qœ l'anteur introduit un xénis-
Ire wolof
(rrot étranger wolof) dans le terte, et qu'il est cb1igé
de traduire pour le public non wolof.
Quant à la traducticn de ~ llltra1ingua1 elle apparait
c:haqœ fois qu'il Y a \\ID. transcodage séIrantique wolof-fra.'1-
~is! Par la produeticn d'occurrences qui. engendrent un ty-
r:e de Jœssage qui parasite ou brouille la. lisibilité du texte, et
qui ce ce fait exige un ron:rrentaire ou une exp1icaticn supplérren-
taires. Ici il s'agit d'explicaticn de t:ITe rréta-linguistigtE pro-
V'CXI'É par la traductim littérale de métaptores ou de rrétcnymies
wolofs (qui sent souvent urees et lexicalisées) ou si.mp1enent de
formules allégoriques du tne : "'laver ecmz. 'Linge ta nuit ft qui est
traduit du wolof ("foot gudi", ou simp1em.ent "foot ") expressim
cx:nsacrée, utilisée par les femœs J:X>Ur œsigner les règles ou le
(l) ESSAIS DE LINGUISTICUE GENERAIE, p. 7~. Eds. de Minuit, Paris, 1963
(2) id. p. 79.

- 187 -
retour de oouches~ On a la y;:hrase "Je ne te ooupe pas tcn oou"
qui vient du wolof ("doguma sa baat") que l'auteur tradtùt par
"je ne te coupe pas la parole"). Ici nous parloos justeJrent de
traduction intralinguale clans la rresure cil dans le texte l'au-
teur traduit: "laver sen linge la nuit" par "~riode des rrens-
trues" et "je ne te coupe pas tm cou" par "je ne te coupe pas
la parole".
Maintenant si nous considérms le rapfOrt existant en-
tre "je ne te coupe pas tcn cou" et la traductlcn wolof (" dogwna
Ba baat"), "laver son linge la nuit" et ("foot gudi")
ce qui se
manifeste ici est identique à œ qui se produit dans l' apparitim
dans le texte de fOnrn.Iles telles qŒ! :
- "yallah ! yallah ! il faut cultiver sen j~', qui vient du
proverl:e wolof: ("yatz.a ! yalta! bey Ba tolt")
- "yalla ! m'est téIroin" de (If yatla sede namalt) etc. Il s'agit
ici de la traductim de fonnules rituelles qui apparaissent souvent
dans le langage de l'opinion a::::mnune. ce qui se passe 'dans œ ty-
pe de traduction c'est ce cwe JAKOBSCN explique dans ces ternes:
nLe plU6 ~ouvent, ~ependan~, en ~a~ant d'une
langue
a l'a.u.:bc.e, on ~ub~:tUue de~ me~~a.ge~ dart~
l' line de~ la.ngue~, non il du unUé~ ~épaJtée.6, ma1J,
a de~ me.6~age~ entie~ de t'au~ langue. Cette
tJLa.du.c:tJ..on e~t une
Mme. de dJ...,!J~o~ i.nd1.Jtect ; le
tJr.aduetewr. Ite~o e et 1te.:tJtrol~me;t W1 meMaae Jte.çu
. ëI'une â.idJî.e ~ ouJt~e. Al.n-bJ... la. :tJta.duc:tlon .un .Uoue.
eux me.-b-bage.~ e ~v
~
e.ux ~o ,e.~
~-
Iten
(1) op. cita p. 80 (c'est nous qui souligncns).

- 188 -
le problèrre que Rorl1an Jl'~OBSCN évoque ici, 00 le retrouve aussi
chez Henri MF...s01ŒJ'llC sous le concept de décen tremen t :
"Le déc.enbtemeYL-t eIJ.t un 1UI.ppoJLt.œ.x:tu.el e.ntJte deux.
tex.te.6 danll deux. -C.a.Hguu-cuLtu.Jte.ll jUllque da.n.6 ta.
t,:tJr.ttc;t'.lJte flnguibt.i.que de. la la.ngue., c.efJ.e .6:tJr.uc.-
tUlle Uan.t vll1.eUJL danll li!. ll!-Ib.tème du teXie" {1J•
Ce qu'aprorte de supplérrentaire le ccnœpt de décentre-
ment (le HESCHœNIC, se trouve dans l'expressim : "cette structure
étant valeur dans le systèrre du texte".
L'effet littéraire produit par la traducticn chez Ousma-
ne SEMBENE provient justerrent du fait qŒ! nous a'JOI1S affaite à m
pastiche ou une parodie de l'oraliM c:xmœ discours de l'opinicn
cx:mnune ou ethno-texte. C'est. pOur cela dl ailleurs qœ l'oralité
feinte ccmre tranSfOsition et traduction de l'oralité dans la nou-
\\elle ou le rœan se manifeste o::mre ln cx:mrentair.e implicite cE
l'auteur. Came un regard J;X)rté sur un discours.
Ainsi quand un rœancier français, net en scène ln pay-
san breton ou ln titi parisien came locuteurs, il nnnntre" et·
"objective" dans me certaine 'rresure un registre, un idiolecte ou
un ni\\eau de langue. le cx:mœntaire indirect qui se proàuit ici
est 11 effet d'une distanciati.CJ1 de l'auteur vis-à-vis de ce lan-
gage. Nous pouvcns dire qœ c'est le IlÊIre prooessus qui go; mani-
feste dans la producticn de l'oralité feinte quand un auteur ccm-
(1) "Propositicn IX>ur lme p::>étique de la traducticnn , in lANGAGES
nO 28, p. 50, déœrrbre 1972.

- 189 -
ne SEMBENE. net en scène des acta.'1ts de la traditicn orale cxmre
. locuteurs. 5eulenent, œ qu'il faut souligner ici, c'est que l'au-
teur est cbligé de procéder à t'me traduction des prop::>s tenus par
le griot. ou un locuteur. représentant l' opinicn a:::mnune. Mais tx:Jur
que le disoours du griot et du locuteur traditianne1 puisse être
ccnnoté cx:mœ "registre de la tradition orale", il faut que la pa-
rodie ou le pastiche de la traditlm orale soient rendus par la
traducticn. 0'00 la productim d'un reoodage et d'm.e stylisatim
du texte qui aboutit à la "wolofisaticn du français". I.e nessage
produit qui est un effet du bil:inguisrre de l'auteur est similaire
à œ qIE MESCHC'NNIC définit came le décentrerrent. C'est dans œ
sens qu'il faut entendre d'ailleurs la notim de pratique scriptu-
raire de t'interférence. Car la producticn de l'oralité feinte a
p:>ur principale rrotivatim de vehiculer l'effet de sens "Littera-
ture africaine". y
II. 7. ORALITE FEINTE ET "PARLER PETIT NEGRE"
Nous som:œs à présent en nesure de Iraltrer la dista."1œ
qui repare le "parler retit nègre de l'oralité feinte".
A travers notre étude de la tranSpJsiticn et de la tra-
ducticn, 00 voit COIlllEnt l' ora11té feinte corme fome d' expressici.
de l'interférenœ linguistique excède la notion de niveau de lan-
gœ.
le "parler retit nègre" quant à lui, fonctionne princi-
palement ccmre niveau de langue, par a:>nséqœnt sa reprcducticn ou
. ,

- 190 -
plus précisérrent sa tt'ëlI1scriptio'1. dans les dialogues, n'a pas }?Our
but CE créer un genre litté:r:aire. Il vise sirrplerœnt à reproduire
le disoours du oolooioo, cc:mre langage de ronnot.ation sociale.
Tandis que la production de l'oralité feinte rorn:re pra-
tique scnoiptul'aire de Z'interférence linguistique débouche sur la
creation d' tm genre l ittérair:e spécifique à l'Afrique franooI=hcne.
Dans les àeux cas l'intention œ l'auteur ne œ manifeste
pas è.e la rrêrre r.laI1ière. Car déll1G la proèbction de l'oralité feinte
l'arrbition de l'auteur dépasse le stade de la reproc"'uction épiso-
diqœ d'un idiolecte. Amsi par la rrédiation œ la transposition
et ce la traduction, il vise à créer une nouvelle fome d'expres-
sim esthétique, un nouveau genre rananesque. Et dans la rresure où
l'oralité feinte est le cadre où se réfracte sa1 identité culturel-
le et linguistique, elle s'apparente à une tentative de réactuali-
satioo ce la littérature africaine. Et cl'est dans œ ams que l' ex-
pression de littérature néo-africaine utt.Usée par JAt.\\fdEINZ JAIlli
nous Parait juste, car elle traduit bien la tentative de re-ter-
ritoriaZisation littéraire de l'écrivain africain Par la médiation
de la langue française (ou d'une langue étrangère).

- 191 -
II. 8. LA TRADITION ORALE ET SON LOCUTEUR COMME OBJET DE REPRESE!l-
TATIOll DANS LE l?O.\\IAN OU LA NOUVELLE DE SEI.:IJEH:
Dans les étuàes qui vont suivre, nous allcns essa:'t-er de
rrettre en application les princip3s que nous avens dégagés dans le
chapitre précéœnt ccncemant la transp:>sitim d'énoncés et la
tranSfOsitioo 00ITl'Te prœesslB de narrativisation et/ou œ diseur-
sivisatirn.
Notre corpus sera ccmp::n;é d'e.xtraits tires èe l'œuvre
post-oolcniale de SD13ENE -
VEHI-cIOS1\\.NE, LE ?1A.'IDAT et ~ - .
Car ce S01t ces œuvres qui nous ont ~D1"is d' observer le dép§ris-
rerrent du "parler ~tit nègre", l'dJsolesœnœ de l'actant indigè-
ne corme locuteur, rrais aussi l'érrergenœ de l'oralité feinte rom-
Ire pratique scripturaire œ l'interférence linguistique.
8.1. La Transposit;ion conrne "E,t'ocessus de discursivation dans
VERI-eIQSANE, I.E HAI'iDAT et ~.
I l s 1 agit ici. de cerner le p:roceSSl.lS œ mire en disrours
àe la traditicn orale dans ces œuvres, c'est-à-di:r::e la productioo
ce l'oralité feinte rorœe éncnciaticn énonCÉe. La questim qui re
pore ici est ce s3.voir COI!1TEI1t la t..raè.iticn orale et son locuteur
re manifestent a:mœ objet de reprosenta1;ion ou tout simplerrent
cx:mre récit.
Chez Ou::m:me SEMBENE, et not.arl:lr!Ent dans sa productim
littéraire post-rolooiale, c'est au niveau de la structure d'in-
terlocutiûl de seccnd èegré, c'est-à-dire au niveau œs dialogues
qu'intervient la plus forte récurrence du discours du locuteur
traditicnnel, sous la fome du langage œ l'opinion o::mm.me ou
ce l' etlmo-texte.

- 192 -
!.es dialogues apparaisrent à œt égard cœrœ lieu de
manifestation de l'oralité feinte comrre récit.
La tactique de 5E'illENE est assez simple, elle cxnsiste
à créer me situatim de cœm.micaticn qui se manifeste came le
point d'a11crage culturel du· discours traditicrmel, et. œ, p3.r la
néàiaticn œs procÉdures de spatialisaticn de ternporalisatim et
d' actorialisation • Et c'est gr✠à de telles prcx:Édures de dis-
cursivisaticn que l'oralité feinte fcnctirnne came "effet œ réa-
lité", que le discours du locuteur traditionnel "colle" à la réa-
lité et de œ fait apparait "crédible", acœptable,
car ancré
dans sen envircnnerrP..Ilt culturel. Nous a1lons dcnc aborder les
prcblèrres de la spatialisati01, de l'actorialisaticn et de la
teroporalisatim dans le ranan et la nouvelle d'Ousmane SEMBENE.
8.2. Etude de la spatialisaticr~
Notals d'enblée, que le cadre o:mmm qui contient œs
ficti01S came VEHI<IOSAN~, I.E ~IDAT et~, c'est le SEN'EGAL,
pays où la traditicn orale est encore vivante (notamrent en de-
hors œs agglonératicns llIbaines) •
Mais à l'intérieur de çette ailre culturelle englchante,
il existe différents·espaces où circule.llie discours traditionnel.
A œt égard, il ccnvient d'établir me dlirtJncticn entre espaœ
llIbain et espace n01 w:bain dans l' oeUVJrre de SEMBENE. Dans le pre-
mier cas si l' 01 ooserJe l'existence du iliscours traditiarmel, s:n

- 193 -
ancrage dans un espace de productim institutirnnel précis -la
place du village ou l'arbre à palabres par exenple- deJœure in-
œrtain. Tandis que dans le ranan ou la nouvelle qui cnt pour
cadre un espace ncn m:bain, m note l'existence o:?s espaces tra-
ditiamels de prolifératim du discours: le peinthieu (la pla-
Qe du village),
l'arl>l:e à palabres, et <:3ëIls me O?rtaine mesure
la rrosqœe. C'est notaIment dans VEHl-eIOOANE qu'apparaissent
les lieux "mstitutiamels" œ producticn de la tradition orale.
Voilà par exemple la manière dent SEMBENE situe le ca-
dre glooal du récit dans œtte nouvelle:
"SANTf/W-MIAYE, où. .6e dé..ltou.i.e notlte h1.6t.ofu, ne
cU66é..Jr.a.it en JUen de.6 au.tJr.u hameaux. SANTHIU-NIAVE
n'attlnait p~ annuetlemen~ cette pltoce.6.6ion de mil-
.fJ..elt.6 de .6é..négalaJ.J"
.6e Jte.ndant., le.6 mU6u1Jnan.6 a
T.fuuwan, à. Tuba, à. N'é...i.M.5C'Jle, le.6 chltéUe.rt.6 à. Po-
pen,û.ne. Le.6 habUan.:U ft' e.u.llent. jamcU.l, la v1.6Ue de /Q
vieltge noilte, ni d'un ch~~ et. non p1.U6 peJr..6onne
d'eux n'eut. la bonne 6oJt.t~ de .6e ltendJr.e a la
Kaaba ou à. Rome ft (v.c. p. 22).
Ainsi pour circxnscrire le cadre anodin et msignifiant
du récit, l'auteur fait référence à des œrères synboliques et
mythologiques de la rrérroire collective. SNmlIU-NIAYE est situé
par rôFÇOrt au cxntexte relig-iemc naticnal et intematicnal. Par
rapport au ccntexte natimal, le lecteur wolof peut d'eni:>lée si-
tœr SAN'IHIU-NIAYE par rapport aux lieux saints locaux des musul-
mans et des rnrétiens. C'est amsi qœ falct!ame la référence à
'l\\:ba, à Tiwanwan et à N' diassane où vent se reClEillir resr.ecti-
verœnt les trois principales sectes de la cmfrérie "rrcuride" 1

- 194 -
"tijaan" et "xaadir". QUant aux chrétiens locaux, ils se Ienœnt
.à P~ine.
Pour un lecteur étranger SANTHIU-NIAYE est sitœ par
rapport au cx:ntexte spirituel intematicnal, c'est ce qui expli-
qœ ici la référence à le Hecqœ et au Vatican par l' évocatiœ
de la Kaaba et de Rare.
I.e fait important ici, c'est la manière de situer le
récit par rapport à des lieux familiers de 11 imaginaire collectif.
Car nous avens là le t~ de narraticn qui resserrble à un déjà-
dit, un lieu cœm.m du discours traditicnnel. Ce qui est signifiant
.
ici, clest que llauteur prcœàe à me pan:xlie de la pratique nar-
rative du récitant ou du griot œ la traditim orale pour "cadJ:er" SQ'l
récit. CI,est a:insi quI il c1§livre des infomati01s precieuses cx:nœr-
nant le statut socio-culturel du locuteur traditiamel : "Auam
d'eux (des habitants de SAN'rnID-NIAYE) n'eut la bame fortune èe
se rendre à la Kaaba ou â Rare".
SANTHIU-NIAYE est en effet un p:!tit village renégalais,
p:mplé exclusiverrent de paysans, dmt la ''Vie sociale et culturelle
est scan~e par le rythrre des saiscns tropicales : la saiSO'l des
pluies réservée aux travaux ch~tres, e1t la saiscn ~che, qui
est propice à l'éncnclaticn et la prolifé~atian des palabres:
notarment sous l'arbre à palabres, au pei:ln thieu, ou à la mos:;rœe :
"Le yoryoP (1), a1.oUJtcU..6 de. la. 6r1Ügue, de l' .i.na.etion,
l'emtu.l au c.oe.wr., le. eha.pe;.W a la. ma..i.n, ili ve....
(1) yoryor : l' apres-midi•
. /

- 195 -
ncUe.ltt pJte.n.cfJr..e. pla.c.e. .60U6 .te be.-i.n.troUeJL (1) où. oe.u.-
v!UJ...U: .te. c.oJtdoYl.l'I...te.Jr..- glÛot VETlIYE LAW. Le..6 monotoYl.e.-6
j OW-ù'Lée..6 d' o«.-i..ve.té navo/U-ba...te.nt .:tou.:te..6 MUe..6 de
cügJte..M..ton.6 Le..6 petiabJte.6 tf, i l fj a W1 na.ve.t {2 J 'deux
nave:t.6 vo..<.Jte. tJto« .6e. Jte.pa.fabJta..te.nt. Ce..6 pM.eote..6
att-imMe.vd c.e te.mp.6 moU r••• 1
Ce. fjoJtyoJt-fJ.l, c.olJ1me. à. i' habLtude., Baye. yamM a.Vtiva
te.
pJte.m..te.Jt .60U6 .t' MbJte." (v.c. p. 51).
Nous assistcns ici à la mise en place du crntexte spatio-
temporel dans 1eqœ1 se mal1ifeste. l' éncnciation des palabres et
CES parlotes de toutes sortes. Et plus précisérrent du ccntexte Oll
va se dérouler le "yothé" (jeu de darres sénégalais). l\\'\\"E!C l'arrivée
ce Baye yarnar "sous l'arbre", l'auteur décrit l' insta11aticn pro-
gressive de œ "jeu", qui toujours est accanpagné d'une joute ver-
ba1e. Ce qu'il faut souligner ici, c'est la restituticn éla'1s le
récit du cmtexte spatial traditicnne1 avec la précisirn "sous
l' arl:>re", ici le "beintanier" qui f01ctiame carrre n arbre à pa-
labres" •
Il faut relever au passage l'uti1isatim èes xénisrœs
qui appartiennent au d.1amp lexical IHo1of de l'espace et du temps
le 'r'be in tanier" , le "navet", le "yoryor". Ces 1exèrres de temps et
d'espaœ ne manquent pas d'équivalents en français. L'auteur en
dame d'ailleurs \\IDe traductim sincn excate du moins approxÏJT1a-
(1) beintanier : amm tropical, le
(2) navet: saism des pluies, mot traduit par l'auteur à la page 20.

- 196 -
tive. Ce qui Qst irnporta'1t c'est qtE l'auteur utilise œs lexè-
. rres CIe telTIps et d'esr."aœs wolofs à cause de leur rescna..'1œ exo-
tiqœ p:>ur introduire me certaine saveur ."tropicale" , ou plutôt
une comotaticn de "wol ofité". Mais l'utilisaticn du xénism '!flo-
lof sur le plan narratif est aussi l' indiœ que l'auteur iJnite
·le langage de Ir opinicn carrnune, ccmre nous, le vérnns plus loin.
COrnœ lieu de productim du discours traditiamel, il
faut aussi signaler la ll"O&}œe qui cx:nsetrVe me importanœ pri-
rrordiale dans la vie sociale et spirituel..le de SAN'IHIU-NIAYE.
C'est la mosauée qui va abriter par exemple le proœs de Guibril
.Guedj DIOB, le chef du village de caste moble qui a camds l' in-
œste avec sa fille :
Il ACL6~J.. lo..l.rt que. SANTHIU-flJ:Jl AYE ~Wtg.<Jr.a de. le. mUt
du temp~, ~on nom .'UUtelt.a. a.ttaché. a.ux n'diobèrze (7 J
L' lÛné. de le. !,arnille
GWJr.il Gue.dj VIOB -c.omme ~e~
c.onc.J..:toyen~- étaJ..t un ~~J..du de le. mo~quée. Ce
pe.t1.t enc1.o~ a.u c.enbte dm pe-&tthJ..eu. Et quand le.
g1W~~u~e de KahJt Ma.dJ..a.gtilt VIOB, ~a. oille, 6ut Jue
de tou~, un pa.iab,'te 6ut ..m:tJtoduli paJt ie nJlèJle c.a-
det Ué.donne VI OB
r••• J EJ'"JlLi.ent M~embté.~ là. tout
c.e que SANTH I LI- NI AYE c.om p:t.a..U d' e~ pJti.:t6 é. c1.a,i.Jr.é~ :
clnq homme~~' (id. p. 67 et &}.)
La ll"O&}tÉe tient lieu de tribtmal, et en tant que tel
va abriter l'une des plus importantes patlabres du village. Nous
reviendrons sur les Œbats de œ prcœs lroaxquéS notarment par
le syncretisrre du discœrs islamiquè et ,du discours traditiamel.
(1) NDIOBENE : èe la famille des DIOB.

- 197 -
En résurré de œtte topologie, nous POUVCt1S dire qu'me
Nouvelle ccmœ VEHI-g:OSANE se œroule dans m espa-œ ncn urba:in,
ce là vient la facilité avec 1aqœlle 1'auteur restitue les lieux
d'éncnciati01 du discours traditiamel. De là éga1errent, provient
la simplicité du découpage spatial, en effet tout se déroo1e dans
1I1 espace culturel: le peinthieu --la plaœ du village- qui a:n-
tient la mosqœe, le lieu du culte et le "beintaniel'" - l'arbre à
palabres" •
La. simplicité de ce œcoupage sp3.tia1, qui d'me œrtai-
ne manière fait p:-.nser à l'mité CE lieu, dans VEHI-CIOSANE, s'op-
pose à la multitude des lieux d'énonciaticn du discours traditicn-
ne1 dans ~ et LE Mi\\.l\\IDAT. Ici~ en assiste à une disseminatim
des lieux d'énmciatirn
du discours traili.tionnel. Car ici, nous
sames en présence d'espaces urbains, cù les structures qui ac-
cuei11e.'1t le discours traditirnne1 ~ le "peint'1ieu" ou Il l' ar-
bre à palabres" sent de plus en plus suranné, oosolesœnts. ce-
la n'ernpêd1e pas œr;endant la producti<n du disrours traditiame1,
mais œsorrnais il se manifeste p.."lrtout : dans la rue, dans les
foyers, chez le "marabout" (guérisseur) mais aussi dans des lieux
administratifs came la poste, le ccmnissariat de po1iœ, la mai-
rie, mais aussi à la mosqœe etc. C'est ainsi qu'01 ];eut cbserver
qœ la producti01 des palabres est souvent liée aux œplaœrrents
ces principaux actants.
Ainsi, dans lE MANDAT par e~le, la producticn du
disoours traditionnel coIncide souvent avec la présenœ àu héros

- 198 -
Thrahiroa DIENG. DI ailleurs taute la nouvelle est cxnstroite à
. partir des différentes aventures q\\ù survfen.'1ent à œ personnage,
quand il lui faudra toucher un Jl1andat providentiel, envoyé par
son nE~veu Abdou, travailleur irmùgré en Franœ. Hais };Our tau-
cher la modique scmœ de 500 FF (25.cxn FcFa), il lui faudra une
carte dl identité, DUNG n'en a pas. C'est ainsi que son aventure
devient œlle de la quête d'identité civile, qui la I1"P-lle à faire
le parcours de lieux a:>ITTœ : la };Oste, le cx:m:nissariat de police,
la mairie, chez Arrbroise le Iflotographe etc. qui s'avèreront au-
tant de lieux de producticn du discours traditiamel. !'1.ais le Man-
dat .de DIENG, dame naissanœ il une "illusion de classe" ccnsécu-
tive à \\IDe "illusioo de la fort\\IDe", su...~ite ainsi la ccnvoitise
de voisins. Chez Ibra.'1'lima DIENG devient a:1nsi un lieu 0.1 la plu-
part des voisins vient conse.'1tir un "prêt" en nature ou en e~
ces, œ qui donne lieu à des palabres. I l faut aussi signaler ~
ne lieu de producticn ~et de circulaticr. du discours traditicnnel,
la boutique de M'BARKA, qui foocticnne came le "peinthieu" 1
"VIENG ~I.&tqulê.tai.t de ta pILê.~enc.e de GOILgtU MATSSA
"~aJ.;t-il que je Va.AA à. la. po~te ? Et c..omment l'igno-
1tC!.ILa1.:t-il, chez M' BARKA, e' e~t la :elaee pubUque !
Rien n1 e~t W1' ~ec.Jr..U. pOWl. pe.lrAonne (11.
Dans LE MANDAT, le discours traditiamel ne se produit
pas dans \\ID H.eu dl énoociatioo bien détenniné, mais intervient
(l) c'est nous qui soulignons.

- 199 -
surtout dans l' environnement cù évolue Ibrahiroa DIEN::;.
On reut établir pratiqœrrent le rrême ccnstat en ce qui
ccnœme XA1A, mais ici les principaux persamages sent Yay BINETA
et El Hadj. ABDOU KADER. Yay Bll'mTA, la Baèiène, est le tY{:2 de
feI1.1œ ranpue aux intrigues de toutes sortes qui cherche et réussit
li marier sa nièœ N'GCNE à un riche canrrerçant El Hadj. Quant à
El Hadj, c'est le nouveau rime, l'arriviste, qui, exclu de l'ensei-
gnement, se recxnvertit au cormerœ d'irnp::>rt-export. Tout le récit
est bâti autour de ce p=rsamage qui ép::>U8E! une troisièrre ferrrre,
mais n'arrive pas à ccnsam-er le mariage à cause d'un sort qui lui
a été jeté, il a œ que l'opinion carmune renégalaise apr;elle dans
cette situatien, le Xa7-a (01 lui a noué le.s aiguillettes).
Ainsi, c'est l'mivers dl évolU9I1t Yay Bn-JErA et El Hadj~
qui ccnstitue le cadre c1e productim du discours traditiame1. Ain-
si de la joute oratoire qui oppose Yay Bn.iE'I1'>. et El Hadj; et qui a eu
lieu dans le bureau de El Hadj;. Ainsi de la palabre destinée à for-
cer la main à El Hadj;, et qui sous fome œ remim de famille a
lieu chez Yay BINET1\\, en pré99I1œ de Ham FA'I'aJ et de sm mari Baba-
car. El Hadj évolue égalerrent dans deux villas : "celle de Adj a Awa
Astou" sa première femre, et celle de "Oumny NDOYE" la deuxière.
Ch p=ut relever égalerrent les différen ts lieux qœ parcourt El Hadj'
pour soigner sm "Xala" : cnez Serigne Maœ, le marabout qui le gué-
rira provisoirerrent de sen XaZa (sm impuissance sexuelle), mais
aussi dlez le "faaa-kat" (gu§risseur) et :ne "seet-kat" (voyant).

- 200-
Cette occasicn pernettra à l' auteut" de procéder à une mise en sœ-
ne du discours de la psychothérapie traditionnelle:
"hon beau- fiJtè.Jte, te. pè.Jte de. ta.. ~'to..u,.ième, te vieux
BABACAR, connwhali: W1 seet-kat (1). 1t demeuJtaLt
dM!. .le fiauboW'l.g. Le seet-kat , gJta..nd .la..hcaJt, d'a...l-
Rwte gauche, R.a. peau. Jtêche, p,UMé.e, ne poltta..nt qu'un
coUJtt prolta.lon tal.lli à ta ~uJtque, tell entJta~la dMh
t'el1c.loh amé.l1agé. POUA tuccnhu.lta.:tionh r••• )
- Je veux gué.Jtht R.a.nç.a.. hponJtané.ment EL HAVJ. Vé.hempa..-
!té. .il guetta.it une Jtépcnhe.
- Je ne hU.u pM W1. "faae-kat" (cué.Jc..i..6.6euJt) ma1A !ln
"seet-kat". Mon 1tÔ.le eht de vahL".
(XAIA p. 81 et 91:.)
ces lieux de producticn des palabres, car œs ficticns se déroulent
dans un cadre UIbain. Ainsi, la distinctkn espaœ umain espace
nen mbain, dcnne une ièée de la d2mard1e suivie par SEMBENE. Ce1-
le-ci censiste à simuler les différentes situatiens de ccmnunica-
tien dans 1es:jœ11es se trouve le locuteur traditionnel. Ainsi,
chaqœ espaœ favorise la délirnitatim d-\\Ut1 type de discours bien
~tenrrlné, le discours sacre se tiendra èlans les n'Osqœes, sa va-
riante traditicnne11e chez les "marabouts", c'est-à-diIe les seet-
kat et les faca-kat. Quant au discours pL'"Ofane il se produit dans
VEHI-CIOSANE au r:einthieu, sous l'arbre à palabres, chez M'BARKA,
chez EL HADJ, dans la rue etc.
Ce qu'il faut d:>server aussi c'est la manière dent le
discours sur l'espace de producticrt de palabres est produit
par
l'auteur.
(1) les rots sent traduits dans me note ipar l'auteur.

- 201. -
~ous avens la productirn des lieux ccmnuns et des cli-
. chés du langage œ l' op:Jnirn cammne, donc iInitatian du locuteur
wolof. Cela apparaît aussi à travers la producticn des xéniSlTes
wolofs dans le discours de l'auteur.
Nous allons maintenant procéder à l'exarren de la terrpo-
ralisatirn •
8.3. Etuœ du proœssus è.e ternp:>ralisaticn
le prd>lène de la temporalisatloo qui sera ~tudié ici,
ne ronœme pas le temps linguistique, l':'ais le telTlps rnron ique
(BENVENIS'l'E), œlui qui scande les différents év~'nerre..'1ts de la
vie des actants.
Il s' agit d'~tudier comTeI1t est transpore dans le texte
le temps de producticn de la traditien orale, Jtl.ais aussi carrrent
est organisé la chrcnologie àes évenerrents dans œs socié~s.
Il arrive à l'auteur d'essayer de rendre d'tme manière
fidèle le temps de producticn de la parole. cela se IlEl1ifeste
surtout clans VElU-CIOSANE, a1 la production de l'ethno-texte ou
du discours de l' opinicn oormmne sous la forne de la palabre, ré-
prnd aux exigences de l'envircnnenent socio-culturel des actants
Ainsi s'explique par exemple la distributicn saiscn reche / sai-
sen des pluies, t:PJnPs des palabres / temps de travail :
"Le LoU (4ème .6a.i6on du c.a1.endJUeJt wolonl, et. le
Th.ioJr.orf./l. (nJte .6won du c.a1.endJUvr. wclo6l l1.béJtaien:t
te.6 homme-b e:t.te-b 6e.mmu de.6 d.iveM :f.Jutvaux c.ham-

- 202 -
pê-tlte1>. A SA~JTHIU-NIAYE c••• ) R.e-6 monotone.6 joUJr.-
née.6 d' oi.1>.iveté !;éJ.vowaivLt :toLde~ de cüglte-6- .
-6.ion"
"(1)
(v.c. p. 51).
Ainsi, dans VEHI-CIos.:nJ'~, le œrrps de prod.ucticn èe la
parole est souvent bien déternliné, elle intervient pmdant le
~'noo!''' (saisal sèche), temps nort rour les paysan.s et de ce fait
propice aux: "parlotes
aux "digressions" et aux "palabres". Ici
c'est la prolifération du discours qui penœt de rreubler l'o15i-
veté et l.'ennui du paysan.
Dans ~ et TE ~·W\\"DAT par centre, l'auteur ne reprcx:1uit
pas la distributicn tE>.mps de travail/temps de discours. L'auteur
n'anènage pas \\ID teInps précis de la narration de l' etlmo-texte ou
du discours de l'opinicn cx:mmune. Ici, l'indétermination du con-
texte temporel de productirn du disrours se1ible être une o:nSéqt~11­
ce de l'ancrage spatial de ~ et LE MP.NDAT dans \\ID cadre urbain.
Ici, les actants ne sont. pas liés par les r.êrres exi~œs socicr
culturelles que les paysans de SAi.'f.!HIU-NIAYE. Par ccnséquent, le
cadre temporel ce la palabre est foncti.Œl. de la situation de cern-
rnunicaticn des actants dans les diâlOCJl.lf"'-s.
L'arrcmagerrent du a::m.texte teTl1lx>rel soulève tme qt:Esticn
plus jmportan1e qtrl dépasse le cadre de 1a' simple détenninaticn du
temps de producticn de la palabre. Car ici aussi, come nous 1ra-
vens précéàemœnt relevé rx:>ur la d§terminatian du cadre spatial,
(1) les parenthèses et la traduction sent de 1~auteur.

- 203 -
il Y a imitatim du locuteur traditiamel par l'auteur.
Car ici, on remarque qœ tous les référents chrenologi-
ques smt désignés à Ir aide de À'énisrres wolofs. En ce qui cmœme
le cycle cbs saisoos, nous avons : le "noor" et le "nav2 t" qui
désignent resr;ectivem.".nt la saisal sèche et la saism des pluies,
le "7,07, i", traduit pax 1r auteur ccmre la quatri~ saism au ca-
lendrier Vlolof, le "Thiorone" came la première saism du calen-
drier \\'lolof. Nous relev01s égalerrent une utilisatim rec1cndante
res heures c1e la pri.ère carne ~-epère chrcnologique, carnre le fait
le locuteur traditicrl11el dans VllII-cros.n.1-lE, LE r1ANDAT et ~ :
"A pe-ine. 6ut- ete.e dan~ lia. c.Me qu'eUe Jr.e,M oJt;ti;t
tell coqll, de C(vV'l..é.. en caJlJl.é"
lie Jl.e.ta.yaJx..l1t de .le.u/l..
cocoJU.co, plUl, monte. le node (appe.l du maezz-inl qui
lI'éPMpLe..e.aLf' (1) (v.c. p. 32).
Dans LE !1ANDJI.T en f.€ut
lire :
"Avant le .f.e.veJt du .60.teU, .le lendemain, comme de
coutume, VIHJG li' é.taU !tendu. à. ta. mollquée pOM .ta.
pJÛ~Jr.e du 6a.dj aJz.." (p. 136).
ou encore :
"ApJr.~lI .le djuma. (mo~quée - cathédJr.a1el ~e 6btent te.~
v-UUe.f., def., paJz..eJ1tl> e.t de.& a.nl~" (id. p. 153).
"Le ge.we ~..uu., Jr.e.vel1an.t e.n..6emble, VIE.'/G éVM-i..6
Jr.éponda-i...t à c.ôté de. ~e6 Qtœ.lIÛCnll", il s'agit ici
de l'acolyte de DIEN3,Gorgui Maissa. OU encore à la
p. 184 oü l'on trouve cet énoncé :
(1) C'est l'auteur qui traèuit
- fadj ar : prière œ l' aube
- le CJ2'tle : prière du soir
- tisbar : prière qui re fait aux en~.....r01s de 14 h.

- 204 -
Dans x.1\\IA, 01 ];eut relever les exerrples suivants
"Le. lege.J1. vent ma.-tJJ1CLt, 6·~lÛJ.>, ~ ouô 6J!.aA;t de c.e. côté.
de. .ta. \\}..il1.e.. On e.rd.endaJ.;t le.~ appe.~ de.6 mue.zz..i.n~
pOuA la pJtJJ:../ze du 6adjM" (p. 44), "le. muezzin
avait appef..é. pOUlt Rft plUè.'U!.. de Takkusan, du :ti.m~,
et ce'-.fc.. du géL'.lé avetit aJ.LM..i. ~..:tê. accomplie.".
Cette dernière r:hrase énu.TTère l'ensenble des prières aux-
quelles est assujetti le fi&le : le "takkusan" est prière du
17 h 00, le "timis", la prière du crépuscule, le "gewé" la prière
qui re fait la nuit et le fadj ar la prière de l'aube. L'aut.eur uti-
lire le rrêrre prcx::éœ dans VEHr-CrO&l\\.'m pour ~~rer tous les rois
du calendrier vlOlof :
"EUe [,'J'GO;IJE W. THIA:\\fVW.q CJ.vaJ....t o.ppJU...vo.u.é ~on
c.ouJiJwux. L' VInant lleJta là.. c.e ~o..i.Jt, .lu..<.. avait dU
Gnagna. GUI SSE. Mel1..:tale.men.:t e.Ue compte le~ mo~ :
baJlaftlu, fwJt, "oilié., d..i.g..i.-:t.aba&"..i., iaba&Iz...i., tam-
ha.JtU, cUg..i.-gamu, JtϞ-gamu (nom de..6 mc-w du ca1.e.n-
dJUe.Jt wolo6), ne.u6 mo-w" (v.c. p. 75).
Ainsi, les prmcipau.-< é~"lerrents qui scandent la vie
quotidienne des actants, srnt détenn:inés en fmctim des repères
chrmologiques locaux. là égalenent, il y a simulatim du discours
du locuteur wolof, car l'intellectœl sénégalais utllire sa rrcntre
pour re reFérer. Ainsi à œfaut ce pouvoir "natUZ'aZiser", \\ololofi-
rer le tenps linguistique (re qui produirait lm texte illisible),
l'auteur proœàe à une vlolofisatim du t:efiI:ls chrcniqœ.
Hais là
aussi, il y a. producti01 d' un œjà-dit, il y a :ilni.tati01
du discours traditiamel. Nous allcns rraintenant aborder ln
Takkusan : prière située à 17 h 00
tirois : sitœ au coucher du soleil.

- 205 -
œs aspects esrentiels de la productirn œs palabres dans le ra-
man et la nouvelle de SE."ffiENE : l' actorialisatim.
II. 9. ETUDE DES CODES DE REPRESENTATIOf'l DU LOCUTEUR WOLOF
--,---
9. 1. Etude de l'actorialisatian
Après ]., étude de la tern[x)ralisaticn et de la spatialisa-
tirn où nous avens tent.é de répendre awc questirns : quand et dl
s'énrnœ le discours traditiamel : c'est le IOCIœI1t de cmsià§rer
la qœsticn:qui énrnœ ou narre le discours traditiamel ?
cette questirn qui soulève le prd:>lèrre du dispositif
actoriel qui rend possible la mise a11 discours et: l' émissim de
l'oralité aPJ;::elle quelques remarques préalables.
Il (X)l1vient de préciser d'abord que le véritable produc-
teur du dismurs traditimnel, c'est l'auteur.
Ce cx:nstat. me fois pore et rea:nnu, il faut adrrettre
égalerrent, qu'au niveau de la "ccmnunicaticn" intra-diégétiqœ,
se déroulant ~ l'intérieur de la ficticn, la producticn du dis-
murs traditimnel sup!x>se l'élaboration d'me stratégie fuoncia-
t.ive et narrative plus romplexe et plus subtile. C'est pour cette
raisen, qu'il est. néœssaire de m::ntrer quelles sent les différen-
tes positicns énœciatives qui rendent poss:ible l'éroissiœ de
l'oralité clans le ranan ou dans la nouvelle.
Ici, la mise en plaœ du disposit.if actoriel qui préside
~ la mise en discours de l'oralité, se manifeste ~ travers deux

- 206 -
mstanœs narratives: nous avens la productirn d'un discours
traditionnel directerrent r'lsstnré par 11 autt:;ur, qui par là-rrê!Te
joue sm rôle de rreneur de récit. Dans œtte situati.m, nous
avens deux typ:s è.e narratim. La narratim se manifeste sous
la fonre dlune irnitaticn, d'un pastiche ou dlune parodie. Ici
le disoours du griot ou du locut.eur \\'1Olof est mirré, imité à la
manière dl une parodie ou d' \\ID pastiche.
Le disoours traditiamel se ll1aI1ifeste ccmne discours
reféI:'l?.ntiel : de ce fait nous avms affai.re à une narrati01 rap-
portée sous le rrocle citationnel du "01 dit que", où la présenœ
œ l'opmim cœmune came locuteur.est explicitenent posée.
Dans la deuxièrre mstanœ narrative recamœ ici, il
s'agit de distinguer toutes les "voix" qui, dans le texte sent
distmctes de œlle de l'auteur. Le rôlf de rreneur de récit n'est
plus directerrent assurré par l'auteur, mais CÉdé provisoirerrent à
dés ~rsamages à qui l'auteur relègue la resp::nsabilité de nar-
rer. Ces ~rscnnages salt œnres représenter à des degrés divers
le locuteur wolof, on ~ut de ce fait les identifier aux griots,
·ccmre Déthyé TAN et Gnagna GOISSE, aux U'.arabouts CCI"'lœ S'erigné
MADA dans ~ ou MASSA~ dans VEHI-CrŒAi."ffi, ou sirrplerrent à des
~rscrmaqes ccmre nIENG et Gorgui MAISSA, Yay BJNETA et EL Hadji
Abdou Kader BEYE, qui pour ne pas être représentatifs des profe-
siamels du discours n' e.'1 sent pas noins des locuteurs tradtim-
nels. C'est grâce à l'existenœ d'un tel dispositif actoriel, qœ

- 207 -
le locuteur traditiormel est :introduit a:mre actant de la a::m-
reunication (:intra-èliég§tï.que), <XX:"!re érretteur de la traditicn ora-
le. C'est par l' :internédiaire du locuteur traditiamel (à qui
l'auteur est œnœ donner la ~le) qœ l'orRlité est Ll'ltroduite
dans le texte sous la forme de palabres, de joutes verbales ou du
panégyrique.
C'est notamrent l'introducticn du locuteur traditicnnel
et ce sen disrours qui dame au rorran de SEMBENE (};X)ur ne pas dire
au raran africain) sa Itrésenanœ propre" et son originalité. Et
c'est là qu'al situe les indiœs qui sFécifient la littérature afri-
caine, ce que J. JAHN appelle notarment les "top:>i" africains.
Ce n'est donc pas par pur hasard, si Poralité feinte
intervient surtout dans l'espaœ des dialogues. Car c'est dans œt
espaœ que se trouve mis en s~...ne le discours du persamage repré-
sentatif
du locuteur traditiamel.
!es différentes instanœs narratives tme fois };X)sées, et
les différents acteurs producteurs du discours traditiame1 une fois
reccnnus, nous allcns JTlaintenant examiner le statut linguistique et
culturel du locuteur wolof.
Ensuite, nous reviendrons sur le prd:>lèrre };X)s2 par l'au-
teur roTTm2 narrateur mitant, parodiant, ou citant le disrours du
locuteur \\l1010f.
ce qu'il faut enfin rerrarquer ici, c'est que le œbraya-
ge actorie1 n'est pas déterrrdné tmiquerœnt par la producticn des

- 208 -
indices de p=rs:>nnes (je, tu, il). I.e prd:>lèrre de l' actorialisatiœ
re manifeste i.ei d'une J1'Bnière t-res canple..xe
cc.r il ne sttffit pas
d' :introduire le locutetrr Holof dans le texte (français) fOtrr qu'il
existe ccmre actant de la palabre ou de la commmication orale. Il
faut égaleJYent qu'il existe ccmre~, comre oonvention de repré-
sentation, reoonnaissa..~le à travers me série de JTlëllXIU;~s et de ri-
tuels .stylistiques 6laborés par l'auteur. Pour saisir le locuteur
,."olof corme code, comrê
'o:nvention de représentaticn, nsiroulation
du locuteur wolofll , il ccnvient d'examiner les diffêrents aspects
de œt acteur dans le texte. Et plus precisérent de œmer les àif-
fêrentes ronventims linguistiques et culturelles qui le détenni-
nent dans le texte.
9.2. Etuàe des différents asœcts du locuteur t,'/o1of
2.1. Le statut culturel et, linauisticroe èu locuteur wolof
D'me JT'anière cfinérale le locuteur wolof se pré~te
ccmre ln ~rsrnnage analphabète, ne sachant ni lire, ni écrire en
français. Par ccnséquent il est œnsé toujours s'expri.rœr en ~'lcr
lof.
Ce p::>rtrait, ne s'applique pas à tous les locuteurs, car
il existe des ~rsamages bilingues qui. 'parlent aussi bien fran-
çais que wolof. D'autre part, il n'est pas rare d'entendre quel-
ques locuteurs wolofs s'exprirrer en' français dans le texte. Il ne
serait dcnc pas inutile de c:x:>JTIœl1.œr l'éituc1e du statut linguisti-
que et rulturel du locuteur vTolof par P'énumSratio.'l des différentes

- 209 -
situaticns où se manifestent des signes de bilingui~ (\\<lolof-
français) chez le locuteur.
2.2. ,Ies signes du bilinquisrre chez le locuteur traditirnnel
Dans VEHI-CIO§}~, dl l'acticn prend plaœ dans le JT1i-
lieu paysan, tous les rersonna~s ignorent le français, à l'exœp-
tion àu oomnandant et de sm interprète qui se manifestent. dans
l'espaœ d'un rourt dialogue. Et Tanor N'Gmé DICB, qui lui, s'ex-
prirœ dans le frança.is "p=tit nègre", du style tirailleur sénéga-
lais. Q1 reut le CO'l.stater Par exemple dans œtte ~ œ
"Et, l>ubLternent, ranolt f..['Gonê. VrOB lie mU à.. lOWO-
quelt. rl y.ê.ta1:t quel>ti.on. de : "Vu,.[, mon c.ap' table.
Mon, rron c.ap' ta.i.ne. LJA vleu z' on.t p!l.è..6 d.l Li. Jti-
z.lèlte. VOl> z'o'de.6 mon CtfLp'tl'.me (••• )" (p. 94).
ce qu'il faut noter, c'est que dans VEHI~IOSANE, Tanor N'Goné DIOB
s'exprirre en français (" retit nègre") dans ses marents de dérrenœ,
00. il reproduit le discours de l'anrée, a::mre FOur manifester que
c'est la guerre qui est respcnsable de sen état TiP..ntal.
C'est surtout dans IE ~'t\\IDAT et dans ~ qui se dérou-
lent dans un cadre urbain (lieu par excellenœ du syncretisrre lin-
guistique et culturel) qu'on relève la fréqumœ des signes de bi-
linguisœ chez les rersanna~s.
Dans IE MANDAT, le français apparait o:mre la langt.'e de
l'aàn.inistraticn, il est surtout Parlé de ce fait dans les lieux
p.1blics par les rorrrnis et les fonctionnaires qui sont souvent pre-
sentés oomre des sous-produits du oolmialisrre. Relevons quand

- 210 -
rrêIœ que le fonctionnaire ou le comnis a:JMœ locuteur$J occur:ent
une place réduite dans les c'lialOCJUes.
Des situaticns rares œ présentent daiîs IE M.1\\.f\\IDA'r: où le
locuteur traditicnne1 s'expri.It'\\e en français. Ici, on ~ut signaler
deux cas
Le français apparai t dans le discours des locuteurs tra-
diticru1e1s OOlmE citation, il se réalise Èl travers un rrot ou une
expression en français. Et 11 partir de œ moment l'auteur ne ro.anque
jamais de le souligner par le rroèe habituel du cœmentaire autcny-
nlj.que (parenthèses, gui11errents, écriture en italique, expanssirn
œ If1rase etc.).
Nous avens i'exemp1e de œtte n"ise en garde qlE DIENG
adresse à METY et à A?A.~ :
"- Quand on. ut une bon.n.e lpotv..e, on ('.;Uend 1.' Olr.dJte
(c.e de1l.Yl1.elt mot out dU e't S·'raJ1Ç.a.L6 J" (1 J (p. 11q)
ou encore cette replique du vieil errp10yé de la mairie adressée à
DffiNG:
"On vOM Il c.ouiU.onJ1e" cU..t-U en. SJr.o.nç.aM avec. l.e~
c.o.Jd.u d' é.1.edeUJl." (2 J
Dans un àeuxiP.....rre temps, l'usage du français par œrta:ins
p;:!rscrmages bilingues, penret surtout de ~ttre en évidence des no-
(1) La parenHlèse est èe l'auteur. C'est IllOUS qui soulignons.
(2) IJ:!s gui11errets sent éga1errent ële l'auteur.

- 211 -
tivaticns d'ordre social, culturel ou id§ologi.q1.lE!o Ici le fran-
çais crnnote un canp..1rt:enent relevant l f acculturation du locuteur,
ou s:i.rnp1eJœnt le à§sir de se œmarquer socialerrent. On ~ut cens-
tater ce IflênCJTêne d'lez lJbéœre la œUK1ène femœ de M'BAYE dans
lE ~'f., qui s'adresse dans œs teInes à DIENG :
"ThVœ.&e ta chlleU.enne en ht.&tanc.e de dlptVLt Jteçut.
VIENG eX i' .i.n.&:tai.1a. daJ'L&. 'le llahJn j eLte. a.vaU. une
JW be
6le.wr1.e et: la. pVlJt.lJ..que a. ia. B. B•
. - M' BAYE 6a..it .ta. l>i.el>:te. dU-eUe e.n 6JUVtça..U d'une
voix. ~lu.etie" (id. p. 171).
Dans XAIA, c'est surtout chez Oumi N'DOYE qu'en observe
-
le d§sir d'une démarcation sociale par l'usage du français:
rr La. deuxième ~poU6e OumL JI' VOVE enbld et l>atU pJif-
ambuh. l>' a.dJLUl>a.
a la. l>e.CJr1.:tahr.e. d'un ton t!.ld:.oJti-
t.a1.M. .en ~Jtança..U : El>t:-et.. qu'"U" el>t= tanr XAIA,
p. SB).
----
Mais dans XAIA, en distingue éga1eIœnt des ~rsamages
-
came Rama" qui est étudiante et Pathé SŒ1 amant qui est psychiatre,
qui sent des locuteurs bilingues, mais qui, par militantisœ choi-
sissent de s'expriner en wolo~
Mais par oppositien à ces ~rscnnagest nous avalS les
hames d'affaires renégalais, une nouvelle caste qui repIêsente
la bourgeoisie natienale sénégalaise. En gênéral, ils sent tous
bilingues, et tous lllëll:tJ1És par le syncret:isrre culturel africain
et occiœntal. te prototype mêne œ. cette nouvelle caste c'est
El Hadji Ibrahirra DImG que l'auteur presente cx::mne :
"la. l>!:t'nthè.lle de deux c.u.fhv'tu. FOJrm4ÛOn bowr.geo.i6e
e.uJtopéenne, lduc.ati.on n&dale. a.nllic.ahte. Il l>l1vaU,

- 212 -
comme ~u p~, Ae heJrJÜJL a.dJr.o.i:turent de he.6 deux
pôtu, la. 6Uh..ton œpe.n.det-t n' UtUt plUt comptue."
(po Il)
Nous trouvons justen'eI1t les Ioro:qœS de œ syncretisrœ culturel
dans le disooors qua tiennent les homes di affail:es renégalaiso
Consi~rcns par exemple œ dialogue opposant El Hadj i â
.
!ES collêgœs à qui il annenœ son troisièrœ mariage.
lt-CheJL6 c.olligUeh, a l'hwJte qu'U ut ru c.onhuU.a.
.6a monbie-bJta.c.e.f..e.t e,t o.tJ, le maJUage e..6t },c.eU! a.
la mO.6quée. Vonc., je .6u..ih maJt..i1. o 0 0
, - r-e-:re-remam.
c.omb-ivl de 60L6
0 0
? lo.n.ça. h/.tve.-
JWgtU:1.ve.men.t Laye, le phtc.e-hanh-JtiJœ du gJWupe•••
,
-
• • 0
J' a.U.ttiA y Jtevenbt Laye ! il' en ht.U.6 a ma. tJto.i-
.6.œ.me épou.6e. Un "capi taine ft, CDmme. o.t c:Ut clan...6 la
popul.ac.e" (p. 9).
Il faut preciser qœ ce type de français qui se manifes-
te ici par l'usage du néologisre "capitaine" p:>ur dire la troisiène
ferme, n'a rien â voir avec le parler prt:it nègre. !es écarts l:in-
guistiques produits ici Salt intentiamels, et de ce fait ils ap-
paraissent cx:mœ des signes de recamaissanœ socio-culturelle des
partenaires de la conmunicatim.
Nous pouvms évoquer ml autœ exenq:>le, quand le president
du Group;ment s'adressant à ses collègues dit sur le tm de la
plaisanterie:
"CheJL6 c.oUègueh, notJte fI Hadj.i, da.n.6 un momen.t,
va "percer" ha donzeu.e.••• " (p. 41).
I.e not "percer" est utillœ a::mœ une néologie, ici il
est llttéralerœmt traduit d'm l:egistre wolof qu'en pourrait qua-

- 213 -
lifier de vulgab:e. l'lêlis errployé entre les gens d'une certaine
sociêtê, cx:rmote la oonnivenœ, la o:rnplicitê, la familiaritê.
cette familiarité en la retrouve égalenBlt quand El Hadj i et sen
ami le sous-directeur de la banque s'awelle mutuellenent "couz"
(pour cousin) et "Grand" (par signe de respect, signifie grand-
fIère) :
"Le.ilo~-CÜJr..ec:teUJr. b' e66~JL~ait de .6on m.i.eux a
.il' eXpJLÛ7leJt en wolon. PM manque de pJl.ati.qut" .6on
.tangcr.ge ./le c.ololUtU: de rnDÛ paJt.D..6UU b-i. b.ien qu' 11.
cr.vali. 6.iYU paJl ab OIl.deJL .f:L ~)uVt~tU,.6 :
· - "Grand". je .6a1..6 que jt. ne. .6u.i..6 pa..6 paJurl-i. tu .in-
mu 1 LoJl..6 de :ton :tJUû..6..i.ème maJUage, tu ne. m'a1l
pa1l btvUé. Oll tou.:t VAKAR en paJl!e.
- "Couz r1:tu do,u c.ontt<ÛtJrL ta. ealtenc.e. de no.6 .6eCJl!-
ta1.Jt.u a~JLica..uleb. Ton ncm 6.igwr.e. en bonne et bel-
le. ptace bUll la. .ti6:te d~ mu a.clJteA.6U" (id. p. 132).
Enfin, il yale cas de N'GeNE dans XMA, mais avec elle,
-
l'usage du français connote l'érœrg:mœ d'une nouvelle génêratim,
qui a surtout profib3 des aex:JU:is da la srolarisatial, mais qui p:>s-
sêde éga1eIrent me mentalitê différente de la génératicn nœ avant
l'in~pendanœ. Carme on peut le remaxqœr dans ce dialogue qui
remit égalerrent Yérj BINETA et El Hadji:
"Y0Jj B.btéta., ta. Bcr.di1.ne te ta..eonnali.
· -fl Hadj-i., lc.oute-mo-i. 1 tI' GONf cr. "Zav~nta. nuLt deJL-
n..i.~, r.li..6o..U ta. Bdd.iène Jœvenue te Jœj o-indM. dCV1.lJ
la.
.c/laJnbJt.e r••• 1
· - que cJi..6-tu t quebüonna. l' homme, ~..i.xa.nt la. Bdcühte.
Je te Itlpète que N' GONf 11' ut pa..6 cr.ccu.6.i.ble au.joUJtd.'
hu-i.. flte d "Zav~" ta. nuit pcUl.6le. N'GONf cL.i.h Ù toi
même.
, ~ C'ut vJut1.. ! j'al eu mt4 Jlèglu h.lvr., e' ut POLLJl-
quo-i. d'a..Lfh.UJr.A j' tU ma.! dU vent'!te" (id. p. 117).

- 214 -
Dans cette œquence, en voit parfait:arent la manière
dent s'Ofère la différenciation entre le locuteur traditiamel
et le locuteur bilingue. Ce que Yay BlNETA expriIre en wolof d'une
manière euthêmique <p:>ur des raisons toud1ant aux tabous linguis-
tiqœs qui entow::ent les prd:>lèrres sexuels) : "N' rom a lavé" 1
. N'GCNE le traduit directerœnt en français sans se prémunir des
precautiens oratoires et rhétoriques qui traditicnnel1eIœnt carac-
térirent le discours sur le sexe : "jai eu mes regles".
Voilà, les cas rares de bilin9'Jisres que l'en rencx:ntre
souvent dans VEHI-CIœANE, IE !1ANDAT et~. Mais l'intérêt es-
sentiel des exemples que nous venens de foumir, ne %éside pas
sirnp1eIrent dans leur caractère cx:njooctnrel et isolê. Mais ailleurs,
Et not:arment dans le cx::nstat suivant: Entre l'actant indigène de
Ô pays, m::n beau peuple ou de I.es-BOuts-de-bois-de-Dieu, et le lo-
cuteur wolof dans VEHI-CrOSANE, lE MANMT et x..1UA, il n'y a prati-
-
cp:!~t pas de différence du rroins, si l'en se %éfète à leur sta-
tut l~guistique et culturel. Cette remaJ:que apparemœnt anodine
et cx:ntradictoire est cependant d'me imp:>rtance majeure. Car elle
nous p:!mettra de saisir, ce qui, dans la pratique scripturaire
œ l'interférence œIl'eure rouvent dans l'ordre de l' impenre et du
rcé<XllIlu : en l' occunence la pratique traduisante de l'auteur.
I.e locuteur wolof et l'actant indigène, sent une seule
et nêre p:!rronne. cep:!ndant ce qui les différencie dans le texte,
c'est la manière dalt ils sent cx:nstitœs ccmœ cx:x:le,
c' est-à-dire ccmœ "simulation d' un locuteur wolof, came ac-
• 1

- 215 -
tant de la ccmnunication".
L'actant indigène est posé came ~, à travers la
déterminaticn de son statut linguistiqte et culturel de lceuteur
francophone. Ainsi le llparler petit nègl.'-e" le situe d'enblée par
rapport au pôle culturel et linguistiqt.e français. Si du noins
nous considérons Ille parler petit n~gre· CO'TIre me variante socio-
.
lectale du français. En précisant toute fois que dans le cas du
parler "~tit nègre" l'intervention d' \\De dirrension géo:Jra{iliqœ
et culturelle déterminantes (le français parlé dans les colonies
par les indigènes). C· est pour cette raison qœ l'actant indigène
apparait à travers le "parler ~tit nègre" COI'fIl'e le locuteur co1o-
nisé. Ici nous avons affaire à un niveau de J.angue.
Tandis que la constitutian du locuteur 'WOlof came ~
à travers la production de l'oralité feinte est autrenent plus
complexe. I.e prob1èrœ qui se pose ici nanifeste le décalage qui
existe entre une réalité discursive ou énonciative (le parler w0-
lof) et l'outil linguistique qui remet sa rranifestation (le fran-
çais). ce qui produit le paradoxe suivant: le locuteur wolof can-
ne simulation de l'actant de la palabre wolof s' expriIœ en fran-
çais dans le texte. Car, i l faut souligner que le discours du lo-
cuteur wolof, n' appararait en wolof qua d'une rranière très fragrren-
taire et épisodiqœ, et généra1errent sous la forrn.= d'un l'lOt wolof
intéJré au français ou de la t-..:-aducticn littérale d'un not ou
d'une expressicn wolof en français.

- 216 -
Par ccnséqœnt dans l' :i.mr;t:>ssibilité de produire des
mcnœs entièrerœnt. (>.11 "!OlOf pour- déterminer le locu-
teur wolof, l'auteur
a recours à des ruses et à des conventicns
,
de représentati01 ~:mettant de ccnstituer le locuteur 't1olof c:r:m-
ne actant de la conmunicatic:n.
Parmi, les o:nventicns de representatic:n du locuteur
traditionnel CI'l relève notantrent la traduction-interpretatiCl'l des
m01œs wolofs Ou locuteur par l'auteur. Ce qui se passe ici,
peut être o:xnpëlIê â ce que PhiliJ?I.=e LEJEUNE app:!lle le récit
l'enfance d'lez Jules VALIES, CAl nous avens me narraticn adulte
prêtée à l'enfant. Mais p::>ur oodifier la narratim de l'enfance,
en cree m narrateur enfant et en êl.abore ID cxx1e œnœ représen-
ter le disoours de l'enfant, mais en réalité c'est le narrateur
adulte qui tire
les ficelles.
Chez SEMBENE, 00 nous avens m narrateur wolof qui) œ
plus ne ccmptend pas toujours le français, les ficelles sent
encore plus awarentes, mais le prcblène est plus difficile. Ici
en p::>se m narrateur wolof et p::>ur le a:nstitt-er cxmœ actant de
la traditicn orale, on traduit sen monœ en français. Mais une
traductic:n produisant des €l'lanœs
~viants, parce que résultat
d'un amalga'lle du rode linguistique frmçais et wolof.
On voit ici, les raiscns p:>ur le~lles l'aut:cnanie
du locuteur wolof est same toute relative. Car œrrière sen ên01-
œ se profile toujours l'amre diffuse et soumoise du traducteur,

- 217 -
qui ici n'est rien d'autre que l'auteur. Nous vO'jOO.s les raiscns
pour lesquelles le discours du lo:cuteur wolof, ne relève pas dans
le texte œ l'oralité, mais de sa simulaticn, fusa representaticn
~.
c'est precirerœnt la raison pour laquelle l'oralitê fein-
te œl~ presque toujours d'une supel:JPsitioo d'éncnciatiens, œ
"voix" œlle du locuteur wolof, roais aussi œlle de l'auteur. D'ail-
leurs sans l' existenœ "réelle" de ses deux "voixu , toute "repré-
"
a:mtatiCJl codée du discoUrs traditionnel serait vaine. Ainsi l'era-
.
litê feinte c:arrœ produit d'une "réécriture de 1 'oraliM participe
œ œ qœ M. BAKHTINE appelle la bivccalitê.
- -
Nous allœs, maintenant nous pmmer sur les différents
aspects de œtte représentaticn ccx:1§e de l'oralité, a:mœ a:nven-
tien d'écriture ~signant le locuteur wolof.
9.3. Etude des différents indiœs éncnciatifs qui maroœnt la nar-
raticn du locuteur wolof
Dans les exemples qui VO'lt suivre, nous allcns essayer
œ décrire les différentes IrodalitÉs élœciatives qui indiqœmt
·dans le texte le statut. linguistiqœ et culturel du narrateur tra-
ditiamel, cx::rme actant de la ccmnunicaticn intra-<llégétique. Il
s'agit ici de sp§cifier quels SOlt les différents indiœs, marques
et autres "shiftel's" pemettant d' :inscrire le locuteur wolof cx:m-
Jœ actant de la palabre.

- 218 -
Censidérons à œt éganl, la palabre qui, dans~,
se produi.t entre La Badiène, sm frère Babacar et sa belle-soeur
Mam FATCXJ. I l s'agit d'une remion de famille oü l'en s'interroge
sur l'avenir de N'GœE qui 'est encore jecne fille:
"- Avez-volU quelqu'W1. etlvue ? A'.in601Utlali:. YaJj
BIN~~A, AU yeux de haJtÂ..c.rvt 6.lx~A -AUlt Aon 6Jt~ (••• )
, -Ya..u:an m'ut témo.&t, Ai.. Rctlte M'GOIVE avali:. bwuv~
WI. mcuU, j'en AeJta..U, btè.& hewteux.. Mw tout ceu
ut une quuUon de c1tlUtC:L, tjaZlah Aeu! cU..6Ull..e
la. chance, cU..t.-.il avec bem.tcoup de wcon.6pee:Uon.
- YaHah ! Yal'tah ! i l 6aId. c.uLtive,t .6on ~ha.mp
llé..toJtqua Aa 6elm1e, I!.t 6U 6ace li. YaJj BINETA (Ai..n.6i..
eue 6eJunali la. bouche de .l' homme).
- Je' ne te cache pM .6eA '1t~quen.ta.tion.& Jr.epJr..i..t la
m~Jte. JU.6qu'i..ci, ce .6olei.t. d' aujoUltd' 1101.. pa.6 un
homme. rUgne, .6~Jt.ieux, b.ien n~, ri' a 6Jrimchi.. noble
.6euLf.. •• R.i.e.n que deI> jeunu .6anl> moucho.i.Jr. de po-
che, poJr..tan.t du pantalon..?, comme de.6 ~pouvan.t4i.l.6,
que je vo.i..6 tou.~neJt a.u.to~ d'elle. N'GONE e.6t .6an.6
UMe au c..i.n~ma. ou au. bal. avec eux." ToU.6 ce..6 jeunu
.6ont .6dn6 tJta.va11... Ve.6 c.hêlile.UIt.6. J' a.ppl[~hettde le
mo.i..6 où. eUe. ne l.a.veJt.a p~ Aon Linge la. nuil.
, - J'ai compw MÛcula. '1a...tj BINETA, le nombJte de
jeunel> 6U1eJ:, qu.i. a.ttenden.t ou up~nt un maJU
aLign~u a.:t;te.indJr.a. BAMAKO._ Et Olt d1:t qu' en tUe
de. 116te. .6ont le.6 ~c.lopée~. (••• )
Seule li. .6eule Mam FATOU lIUPPUa. :
- - YaJj BINETA, .tu u connue.
de tout N'VAKARU (VA-
KAR), N'GONE e.6t ta. nille. Tu conna1J> du gWll b.ien.
Vu genl> qui.. peuvent nou...6 ten.ciJle la. ma..i.n. RegMde
comme noU.6 v.i.von.6, comme de.6 bête.6 dan.6 un enc.lo.6.
Et .6i.. N'GONE ou .6a .6oeUlr. ftOU.6 Jtambten.t du bâ.:taJr.C'.L&
qu'allon.6-noU.6- deveni..Jr. ? Pe no.6 jOUJr..6 d'apJr.~I>e.nt i l
6aùt .6ec.oWt.i.Jr. la. chance" _(XMA p. 15 et 19).
-
Avant de proœder à l'exanen de œtte Sl&Juenœ ccntenant
des exemples représentatifs du discours de l'opinien ccmnune, nous
airœriens auparavant procÉder à quelques :r:eI11ëllqUSs.

- 219 -
Pour differencier et hiérardJ.ilser les marques linguis-
tiques qui ~tenninent l'iàentité culturelle du locuteur wolof,
nous nous appuierals notament sur deux b.n:es d'indice :
_ !es nianJUes iIn'rédiaterrent ret:érables par toutes les ca-
tégories de lecteurs (africain et occidental ccnfcndus). Ici,
l'écart linguistique qui se manifeste dans le disoours fooctiame
cx:mre signe de reccrmaissance du locuteur "JOlof•
.~ En deuxièIœ lieu, nous distinguercns, les indices et
les ma.IqUSs qui, !l'ur ne pas passer tout à fait inaperçus ou le
lecteur occidental, sent saisis par le lecteur africain cx::mœ re-
dcndanœ.
Dans le premier cas nous avens le xatisre wolof ocmœ
marque et indiœ de l'énœclatiœ énoncée du locuteur wolof, tan-
dis que dans le deuxièrœ cas nous avalS des mcu:ques de type sé-
mantiqœ et métorique ccnsécutives à la traduction du disoours
traditiame1 (par l'auteux-ênœclate.ur).
9.4.- Etude du xénisrre wolof cxmre marque de l'éncnciatic:n du nar-
rateur wolof.
Il s'agit de l'introducticn d'm écart lexical qui, par
sen jmportanœ, signale d'me manière :inrréd!ate et sans &Juivoqœ
la présenœ du locuteur wolof dans le dialogue. L'écart lexical
se manifeste sous la fome d'une néologie produite par l' introduc-
,
tien des :œnismes (ici des' IOC>ts wolofs) qui êna.i1lent le disoours
du locuteur traditi-ame1. Car en dehors d'ê1.êIœnts ~mciatifs

- 220-
relevant par exemple de l'ooomastiqœ, ce &nt les rots wolofs
qui. dans le texte re présentent CO't!œ des €léuents
lexicatlX
étrangers au code linguistique français. Leur fcnctic:n éncncia-
,
tive devlent ce ce fait ~ quasi-errblerœrtique, car la seule
ênc:nciatiœ d'un xénisrœ wolof, mcn:que d'errblée le locuteur qui
le profère cx:nrre un actant de la palabœ traditiamelle. C'est
notarrrrent pour cette raiscn qœ ces indices ne J;:euvent échapt:er
à l'attentiO'1 du lecteur, et c'est sans doute pour la ..n"êIre rai-
sm, que la seule rrentiO'1 du xénisrre dans le discours du locuteur
.traditicrmel p;!nœt à l'auteur de faire l' éo::>ncmie du déclaratif
"dit-il en wolof" dans les dialogues. Ccmœ si en f:in de o:rnpte
la· seule presence du ,œnisrœ suffisait A signaler le locuteur.
wolof et par là-rrêrre justifiait l'êllipse d'une telle expressiO'1.
Nous allcns examiner à présent me rerie d'exemples qui
p!nrettent de signaler la présence du locuteur wolof par la seule
nenticn du xénisœ wolof dans sen discours.
Dans la séquence que nous avens présentée plus haut,
relevcns par exemple le rot "yallah" qui est sant doute le xênis-
ne le plus cité par les locuteurs wolofs, car il est associé à
des expressicns toutes faites, qui Salt quotidiennenent scandêes.
Ici nous avens par exèIrple :
"yallah u.t mon témohr.", "ya1,7.ah ! ya1,7.ah ! i l
6a.u.t c.uU1..vVr. lion champ". "Seul. YalZah t:Ül>t1.ll.e
la chance".
Dans VEHI-cI~, nous pouvcns relever par exemple l'expressiO'1
"Atte-YaUa-la - Cf ut ta volcnté. de Ya1l.ah'.!, qui est traduite

- 221 -
entre les tirets p=.rr 11 auteur, expressicn lanœe par NIGCNE WAR
. 'lHIANOOM à Qlagna GUISSE.
Nous pouvons relever êgalenent ë1es xénisrres relatifs aux
rapports sociaux: entre maitre et esclave, mari et femœ, et à
œtte QCC'..aSiœ nous verrens tout le chanp lexical relatif à la
polygamie.
Nous avens par exemple ce dialogue de Tanor N'Gene DIOB
et œ Atomnane lei nnav~tanekat" (travailleur saiscnnier) :
"- "ah..J-tu. poUJtquol je lJui.:6 l u ? .mteJrJtogea. fanolt
N' Gon~ VI OB un peu ptu.6 lDiJ1..
· - Non n'diatigui, non"
. nous avens ici le lt'Ot nI diatiqui, qui siC3Jl1ifie "maitre œ maiscnn
dans la bouche de Atoumane.
Censidêrms œ dialogUe qui, dans IE w..NDAT œ produit
entre Ibrahima DIENG, Madiagne DIAGNE et: Methy. Ici, Madiagne,
vient solliciter un "emprmt" auprès de DIENG :
"-Ya11..alt ut mon tbIoln qINe je n'al pM 1leçu. le
manda.t, pe.u.t:-we dema.m.
· - Tu n' M pM buo.w. de jWteJt, je te C!l.0~. J'a.VeU.6
j~te buoln de cinq m.i.t.te ~Jtan~ ou de tou.t: ce. que
tu. peux ",' a.vance.Jt. Tu u Jmon deJr.n.(.e,'l elJpoiJc..
- Tu peux demandeJt a GoJtgtt>U. MATSSA. 1t ut venu
a.ve~ mol, Jt~pèta. VIENG cmm.p~lJant.
- Petit..êtJr.e peux.-tu m'a.vanc.eJt tJto-U fUlolJ de Jdz ;
j'al e.u:endu cU.Jœ. que :tu d6 Iteçu c.e.t.t lûhM.
· - Le" gen" pa.Jttent :tJc.op, SJtOlJlJ.t.6lJent tu cholJu.
J'en al jUlJte. qLW1.Ze. ~. Met.Y
1••• Muy !
- VIENG !
· - Vonne a Ma.cUa.gl1e :tJc.cllJ &U.olJ de Jdz.
- Nidiaye (dtWl i.1.. ne nl.6UlJ Jtut1!.. pM bea.uc.oup"
(p. 135).

- 222 -
Ici, nous :œlevcns "0IENG 1Il qui est le ncm de famille de Ibra-
hima, se manifestant came la repense da Mety à l'appel du mari.
Nous avms ici 11 eJœmple mêrre du rapport: de subordtnaticn exis-
tant entre le mari et la ferme. Dans c:st:aines familles œ rap-
port est étendu aux enfants ~ par respect, l'enfant répend à l'ap-
pel du ~:œ profèrant le nan de famille œ œ dernier.
Dans notre exemple nous :œlevms égalerœnt le mot "ni-
diaye" (1) qua l'auteur traduit par chéri. dans une parenthèse. En
fait la traductim littérale du mot "nidiaye" en français c'est
mcle. Quand me femre utilise œ mot pour s'adresœr à sen mari,
il. se charge d'une ccnnotat1m affective, c'est œ qui justifie
ici la traduct1œ de l'auteur. Il n'en œœu:œ pas moins qu'il
reste entaché œ paternaliste et de œ fait cmfirrre très bien. le
raR'Qrt œ subordinatim que nous avens rele·\\1é avec l'expressial
"DIEN<? 1" le non œ famille du J'lIari œ Mety.
Dire le non œ famille dans les ccn"'eJltims sociales
est ln signe œ respect et de ccnsidératial, c'est pour œla qu'il
inteJ:Vient égalerœnt pour dire bmjour :
"lbltah.ima.••• VIENG, ~'annonça. GOllgLLi. MATsSA en
gu,Ue. de ~a.!uhUon. E.t ta. ~an:tê. ?
- A1JtamdouZiZah !" (p. 172).
Ici, 0'1 note d'ailleurs les l'C\\.lll:IŒs de l'oralité, avec
la pause indi.qu§e par les points œ suSJ:SlsiO'l. Car pour dire bm-
jour al dit le p:rénan de la perscnne salœe. en c:bserve une peti-
(1) D'après Cheikh Anta 0100, Nidiaye, vient è'e Na-diaye : œ qui
veut dire : qu'il venœ. ce qui penœt œ mcnt:œr le pouvoir
. qœ œtenait l'mcle sur le neveu, œlui d'en faire ln escla-
ve. Cf. Natims NEGRES ET OJLTURE5.P.A. 1954 pages a::nsacrés
en apJ;elldiœ à l'étude du wolof) •

- 223 -
te pause et en dit lenan de fami1~e.
Dans le cadre des xéni.srres wolofs, appartenant au lexi-
que des rapports sociaux, en peut signaler œtte };brase que Gorgui
Maissa ~ALL adresse à m jeme cadre :
"Je ne chanu. pM poUJt t'aJe.gent. LoJt6qu'on a. JLe-
tJwuvé ~orz sanga (maUJte) en paJteLt t.te.u, U e.6t
bon
de te na»r.e c.onrza1.tJr.e. 4UX gen.& de ma. c.oncU-
t1.orz"
(id. p. 132).
Ici nous avons le trot "sanga", prcnonœ à la casamançaise
en .wolof standard al pra10nœ "sang" , que l'auteur traduit par
"maItre" dans la parenthèse.
Pour œ qui est du cnarnp lexical de la polygamie, nous
avalS les xénisres wolofs qui servent à di2signer la premiêre fem-
ne, mais aussi le toumiquet qu'ooserl1e1lt à tour de rôle les fem-
nes autour du mari, ccnsi~rms à cet égard œs dialogues thés
de ~ opposant El Hadj et Mja Awa Astoo :
nEl Ha.dji, d'a.va.ttc.e je te demande paJldon. Mw tu.
~embte..6 oU6ti.e.Jt que j e ~u.i.6 ta. (1J)Ja.,r (1).
Ici, Adja Awa Astou, rappelle les égards qui lui sent
des en tant que "-wa", c'est à dire première ferme. Car El Hadj i,
(1) Dans me note en bas de page, l'auteur traduit œ not a:lnsi :
"Awa : premiêre éIOuse, nan de la pIelilnière femre sur terre,
not arabe" (p. 28).

- 224 -
l'invite à desœndre de la voiture pour aller dire bcnjour à la
IV
deuxiène ferme, la "nare Z". SEMBENE d1erche à rrettre en évidanœ
les rivalités traditioone11es qui opr:osent les fe.mœs dans \\ID né-
na~ po1yga.-nique. en en trouvera l'éd1o dans cette remm::qœ de
OJrri N' DOYE la delDdène ferme :
"- Qui de nOitll deux, etû ou mo-i, floU.&e met:tJte. a
1.' (JJ[)u:Vr..e de l'auto ? E.e Hadj-i n' eu.t même pa.& le
temp4 de .tœ.pondJr.e qu'eUe ajouta :
. - Eh b-i.e.n toM &.& tJr..oiA ! caJL c'e.6t plU .&on toUA
de "moo,œ" (p. 32).
le IlOt "IOCa'lé" est traduit ainsi par l'auteur dans me note en
œs de page "norrbre de jours qu'un po1ygarre passe avec me œ res
ép:mres, &yIlonyrre : ayé".
Nous IX'uvcns relever aussi œ dialogue qui owose Adja
Na Astou et sa ro-épouse Otmrl. N' OOYE :
" -Que 6ai6on.&-noM -iu, t:cl.. et mol..
- NOM a:ttendon.& .e' aJt)dv~e. de notJte. bJ6jë
(CO-époU6e ) ( ••• )
- To-i ia awa, .tu ne 6a1J, den. Tu u donc poWl ce
tJtoi..6-i1.me maJtiage" (id. pa 35).
Nous relevœs ici le not wl!jë, traduit dans la parenthêse par
ft (co-épouse) Il •
Dans la classe des xénisrres wolofs, en };eut éga1erœnt
signaler l'ensenb1e des lexènes désignant des exc1amaticns.
Ccnsiœrcns par exemple ce bref échange qui) dans~­
CIOSANE, oppose l'Iman à Dethye I»l :

- 225 -
"_ MOJtcU, tu peaux, è.' ut:. Ifl..ieUX coupa. l'.iman qui,
di!.pu.M long.temp.6 gue.t.taJ.:t l' oc.c.a..6..wn d' ftwllLUvL
l' aJl.:t.i6 an •
- Diam (pa.lxl ! i l n' y a. JÛen, p~ de pa.lx a1..oJt.6.
SuJ...6- je condaml1é a ne pt.u4 ouvJr.i.Jl .ta. bouche ?" (p. 82)
On cbservera ici, le rrépris qu. affiche une certaine clas-
~ sên~galaise à l'égard des gens castés,. c'est-à-dire les griots
et les artisans en tout go...nre. r..'exclanation "Diam" ! poussée par
Dethyê TAN le cordonnier-griot, traduit :ii.ci 11 irritaticn et la co-
1ère en face de l' ostracisrœ de l' irran. Q1 notera qœ l'auteur
traduit ici "diam" par "paix" (le sens litteral) et non par "La
paix !" qui dP.note une attitude plus éiCJŒ-ssive. A notre avis le
rrot "diam" se rapproche beauroup plus de "salut" dans ce ccnte.xte,
il suffit de remplacé l'éncncé "Diam (paix) ! il n'y a rien, plus
de paix alors" par "Diam (paix) ! il n'y a rien, point de salut
alors" pour sien rendre canpte. Cl est qte la traductim œ l'au-
teur est wolofis€eici,
et de ce fait repend d'une manière plus
juste à la c:x:mr:étence linguistiqœ et cu1turelle du locuteur.
Il Y a égalerrent des ccntextesoù le sens de "Diam"
change. Cbservcns ce dialogue de ~ net:tant en sœne Yay BINm'A
et El Hadji. Ici Yay BINETA demande à El. Hadji si sen "Xala"
foocticrmait avec ses deux premières fermes.
If -
Et a.vec. .tu a.utJtell lp0aé U
?
- T'alleu.
La. Bcu:Uène ouvlcU .ta. bouch·e. Ré6lexe. Eth. coula.
un oeU. 6Wt.ti..6 veJt.6 lia. c.ompagne.
- Jam ! c.' ut un c.4.6 ponctu.a.-t-eU.e" (p. 92)

- 226 -
Malgré la différen.ce orthograrbique entre "Diam" et
"Jam", il faut préciser qu'il s'agit du nÊrœ trot wolof. Seu1.errent
dans XAIA qui est pal.'U reœmœnt, Ir auteur utilise l'orthographe
-
wolof.
Ici, le rot "Jam" dans la bouche de Yay BINETA, connote
surtout l'iralie. Ici Ya:y BnmA insinue d'\\D'le manière rerfide et
insidieuse le doute StJr la viri.lité de El Hadji.
Nous avons égalerrent le IlOt ItAs,tafou.r'tah ! Il \\D'le excla-
matiœ poussêe par le fi~le chaque fois qu'il a le sentirrent
d'avoir t=éd1é. Il COrJ:eSIfild à l'1Inploratiœ du pardon de "Yallah"
(Dieu, Allah). ce terne banalisé par sen eItl?loi récurrent dans
des situatials de ccmrnmicatians variées, s'emploie o.:mœ pour
exorciser le mal. C'est notarrrœnt le senS de cette exclamation
1X'ussêe par l'me des ~res de SAN'IUID-NIAYE, ahurie par la
gravité de la révélation qu'œ vient de lui faire sur la grosses-
se de l<har Madiaga DIOB :
"- c' ut ~hnpte. ! Ce. qU'OR CJWtjaA..t n'ut plU. Ce
n'ut plU un étJLangeIL qfLi a. 6aA..t poJt.teJl a ~a 6Ule.
- que CÜl>-tu. ?
· .: VJLa.i comme. te j 0 Wl.
- Et· qui e~t-ce ?
· - Qui?.. O~e~-.tu me te rkmandeJL ?
- Foi de me~ anc.UJr.e~, je. ne. ~a"U, plU.
· - ApPlLOche ton oJtP..ille. Vo.é.1à. ! ••• Re.gaJtdo~ ~' U
n' y a pe.JL6onne qui Mde. "(Jill... c' e~t ~on maJU.
Le p~e de ~a ~1tI-e, Gu1b~ Guedj VIOB.
· - AstafourZah ! AstafourZah ! Eiye ••• eiye ! que
CÜ6-tu. ?" (p. 33).

- 227 -
I.e rrot li AstafourZah ! 11 est surtout destiné ici à exor-
ciser la gravitê de la révélation de
l'acte inœsb::eux de Guibril
Guedj DrOB. Et œla d'autant plus que Gt.ùbril Guedj DIOB, est loin
d'être un incx:rmu dans le village de SAND!IU-NIAYE, car il en est
le premier notable, le chef. Quand les yot!héhats prof~rent des
grossièretés, en entendra égalerrent Yô:j JœUP.EDIA dire "Astafo'UI"-
lah !" :
,,- Astafoul'lah 1 pJLOnonc.a.U Yay KHUREV1A" Cp. SB)
ou Massar :
"- A!>ta6oWLtah ! Al>:to..6ouJt1A.h ! Jtepe.ta Ma.6!>aIl en
!>a.ill-i..6.oant t'avant-b1La.6 de. Pa..Ua." Cp. 80).
Q1 relève égalerrent le rrot rr Esk.-e!YE: 1" qui relcn les jn-
talatians reut denoter la canpassien, 11 a'ffliction cu Pentl-tousias-
ne. Nous avons la ~ssien quand Yay BINETA érœ.t par exercple
œtte reflexiœ sur la dérrenœ de Tanor Nil GCNE DIOB :
lf_
Eskef-ye Yallcrh ! c.' ut i.e joUIr. de!> l'avan~s
(gbUe ttLtélal)re pat exte.na.wn), eUt Yay KHUREVIA
Jtevenant pltendJr.e plac.e. Ve. ta bonne g,'ULÛte ! E!>-
Juaye ya.l1Ah ! qui pouvait. pJtévohL c.ela a l>on dé-
paJr.,t pOUlt te !>eJtv.i..c.e mi.J.J.hti.:r.e" Cv. c. p. 51)
(1)
ou quand Palla dit :
"- Eskei.ye yallah ! Po.uv!tU !
- Lequel ? qUel>tJ..onna GORNMW
. - Tout N'VNOBENE, dU Pa..U.a." (p. 64).
(1) ravanes est écrit en italique dans le tp-xte.
Ici, c'est l'auteur qui traduit dans la paronthèse.

- 228 -
Nous pouvms :relever égalenent des nots wolofs qui :te-
lêvent œ l' cnana.1:c.{é :
"Eye" par exemple dans:
"Eye / h01l717le du mouit:Les" que les ITénagêres jettent au
facteur qui baigne dans sa sueur, dans I.E MNIDAT (p. 113) ou en-
core
"Eye / où vas-tu" qu'un employé lanœ à DIEN; qui s'en-
gageait dans un couloir du r:oste œ police nal réservé au public
(id. p. 130). en ~ut citer les cris d'ac:quieœrœnt cnanatq;>iqœs
ccmre "ahan /" par exemple : cx:nsid§rals ce passage du MANDAT :
"Tu tU vu la. ~ u:. Ü •••
Le 6acte(VL n'a.cheva plU. Le coup d' oUl que~lJ.U
lança. VIH!G W JLa.ppela. qUL dan4 la. IULe, on ne
pa.Jr.le pM de .6ou..hI'. Quand labile VIENG aco.u.ie.ç.a d'un
- Ahan
1••• )tt (id. p. 122).
Dans VEHI<IOSANE al ~ut lire éga1eIœnt :
"- A,6-tu. Jr.emaJr.qué. l'épa.i...6.sewr.. de. la. llo.6le '{ Quu-
Uonna Veth~ LAW levant lIOIIl v.i6a.ge g1LU1.l avec
Lu noJt:t.e.6 ~lI qui U1aJtc.lJU..e.nt .6a bouche,
lVlUant lion nez. L' ombJte du. b~ 4Cc.e.ntu.a..it
.64 noacewr...
- Ahan / J'ai même en.:tendu l' o.i6eau h-iveJtna'!"
rependit Gomaro (p. 52)
"
,
Ecoutals aussi œ dialogue œ DIENG et de la peripateticienne à;1-
guiœe en mandiante :
" - P~ !... PèIle !... .6 '.iL te plaU, .6 ' enh.ndU-.il
diJte pa.Jt une vob. 6lm.<.n.<.ne. a .6U c.ôfu. PèJte, pa.Jt-
donne-mo-i, je lIu.t.6 é~g~ a N'dakka.IW IVAKAR).
J'Uai.6 venue y 6a.iAe. lIo-i.gJtVt mon ma.Jt.i u:. yal.t.oJt
i' 4 appe.U a .t.1U. MaiJtte.nQJl1..t, je do.i6 Jte.toWtneJt
dan.6 mon vUlage. Je 6ai.6 ~pel a ta. g~lJtollUé,
a la. gltâc.e de ya.U.ah et de. hon p'LophUe Mohanrr.ed

- 229 -
...
(
)
.
'PIENG ~e déplaça. d'un pM 1IU!t la. gauche. pOwc. t.W-
lIeJl pM~eJt deux homme..6 :
.
. - Vo'Î ! ••• .vot ! c1.ama-t-il.. Je. t'a.1.. vu tantôt, je.
t"ai même donnl vingt cUnq 6/ttL'1Cô" (p. 148).
Ici enoore les ananatop§es "Vot ! Vot ln
L'enSEmble des expressicns cnomatopeiqœs relevées ici,
sent dans une certaine rresure les éléIœnts Signifiants les plus
crédibles et les plus "palpables" de l' fnscriptic:n de l'oralité
dans le texte. D'autant plus que œs cris sont cc:x:l§s pour d1aqœ
culture et pour chaque langue et partant
oont des ~l.éIœnts lexi-
caux pratiquerœnt intraduisibles.
Nous a1lcns damer aussi des expressions ritualisées
qui reviennent rouvent dans le discnurs d'u locuteur traditiamel.
Nous avens l' expressicn 'alxa.'lrlu.
lilay" qui littérale-
rœnt signifie Dieu Merci dans œ passage da ~ ; ici, El Hadji
venait juste de quitter sm marabout-gœrl.sseur :
"- Aviz-volL1l pMlIl la. nuLt: en paix ? demande-t-U .,
- Pa.bc. ~e.u1.e.ment, dU la BacUè.ne., .f..u.i.. JcR..ndant lion
1Ia.t.u.t, e.t e.ue. ajoata : NIGONE ne. doLt pM ê:tJr.e
endolLmie (••• )
- Tu a.6 c:üné. .,
- Oui !
- Si :tu. a.6 6a..im, ta. paJc-t ut .f.à..
- Tu t'e..6 oc.CLLpl de toi
. - Oui j'ai vu un maJr.about:
- Al. Xamdu Ul.ay" (p. 65)
ou enoore œ dialogue de DIENG et de. M' Barka :
"- It paJttÛt que ta. ~ae.Wt ut venue" A-t-e.tte 6a.Lt
bonne /toute ., demanda. te. eommeJLçant en g~e de
liatutaJ:lo.t •

- 230 -
. - AZhamdouUlZah ! ltenché.JLU VIENG
. ;" Qu.e raZlah en flOU 1W1IVlCi..é !
:. Amine ! Amine fil
(1) (IE M.1\\..NDAT p, ]56),
en œut égalerrent. relev'er l'expressicn "laa ila ha-illal la" qui
litteralerrent signifie "Dieu est grand" t mais dans l'usage quoti-
dien et banalisé, il devient \\ID. jurcn qui connote la surprise,
l'ébahissement 1 consià§rals œ passage de ~ par exemple :
"- El Hadj'<', e' Ult a tel que. je m' adJr.e~~e ! Que.
~'ut-U pCtMê. ?
- Yay BINETA, je n'y ~uih p~ aJr.Itiv~ ?
...
(
)
- Laa-Za haa iZZa Za ? on ~'a je~ un ~0Jr.t.,.
..(, )
- Je. te. l'avcU.6 cU..t. ! To'<' et tu ~embtab.eu vo~
vo~ plte.ne.z pOUlt de~ toubabs (2) S.<. tu m' ava..i..6
~c.outê. h'<'e.Jr. tu n' en ~~ peu. ta.
- quette. honte (••• )
- c.e. n'ut Jr.kn te. Xala. Ce. qll une. ma.in a ptan:t~
'
une. autJr.e peut t ' ô:telt•• , .(ive··toi ! tu n1 ~ p~
a avo-<-Jr. honte" (p. 45),
Nous {X>UVC!1S enf:in relever des :cénismes qui se raPJ.X>rtent
à des réalités a::>ntœ le temps, la o:mt:urœ ou sllt'iplerrent des réfé-
renœs quotidiennes,
Relevons par èxemple l'expressic:n "atte-yalla-la - c',est
la volonté du yallah" (v, c. p. 48)
(3) que ~clare Ngcné war THIAN-
DUM à Qlagna GUISSE - ou encore l'expressic:n "aitia cibitiIl qui
(1) Amine = A1ren
(2) Toubabs : blancs ou euro~ens
(3) c'est l'auteur qui traduit par "c'est la volcnté du yallah".

- 231 -
veut dire "allez dehors" que l' 01 trouve dans ce passage dans
I.E MANDAT :
ft _
L' homme - là. m'a cJ1.;t que. c.' é:ta..it 1..c1.., poWt tu
c.aJr:te.6 d' l..den:tU.é, Jr.époncUt-il. d'une vo1..x qui.. tJr.a.-
hi6.6a.1..:t W1e CJuunte ex.1..ci;t1.e
· - Vehotel> hW!1a. le gtVr,6 : Aitia cibiti" Cp. 13l}.
Ici c'est enoore DIENG qui se fait nettre à la porte par un
em-
ployé de la mairiè. Dans I.E r-m.."IDAT, en relève égalen'ent de la bou-
che d'un rrendiant l'expressicn "ngil' yaz.ta dam",
Cà la graœ de
Dieu, fils} :
ft N' gil' yaHah,
Dorrl' (à la. gltâc.e de V1..eu 6ili) (1)
· - P.OU.6 le camp ! bon V1..eu., le JtabJt.Oua lt employé en
6ILanç.a.i..-6, plLi..6 en wolo ~ : tu. e.6 la ma.t1..n et .lJo.ur.
a noU.6 c.a1I.6e1L le}. tympan!>"
Dans VEHI-CIOSANE, en reut relever œtte Iftrase de N'Ga1~
War 'IHIANDtlM :
"- Sa.i..6-:tu, Guedi, que KhaJL ut 6emne. EU.e l'ut
depui..6 le barah lu lh~ moi6 du. c.a1endlt1..eJt
wolo6) (2). J'ai beau fui demandVl. e& .6e ILe6U.6e
a Jtépond1Le.
· - Si.. :tu .6Wtv~ m1..eux J:a. ~LU..e, 1L1..e'l ne }.e1ULU.
a.JtJt1..vé. EUe ac.c.oudte1La... En61..n, dema.1..n, inchal!ah,
je l.ui.. pMleIl..ai, 1Lepondft-U en lui.. touJtnant le
do.6" Cp. 45}.
Cc:nsid§rms cet extrait tire du proœs de Guibril Guedj DIOB dans
la Il'DsqtÉe de SAN'ffinJ-NIAYE :
(1) T. d. A.
(2) id.

- 232 -
"Et noble. adr1n. (c.ou.tume-butcLLtion) (1), que cU.ete-
t-il ?
.
8~e YamM lell clév-wageaLt a tolU/.. de Mle et POWl-
~rU.vU :
. - No:tJi.e adda a été ln. JLègû pJlemlèJte de la v-i.e ck
no.6 pèJlU. Tout mdrtquemertt a c.ette JLègle méJLUe
ou la moJLt ou l' exc1uh.i.on de la c.ommunltUté" (p. 68)
ou encore œ dialogue de DIENG et Gorgui MAISSA :
"- Mw.6a., c.u Mgent n' ut p~ a.' mol. Ce mandat
~Wt lequel. cha.c.un batu c\\O"l upo.iJL i1' ut pa..6 à.
mol.

- Je .6a.-i..6 c.ela.. Avdrtt que ton nevea.u. Jlev.l.e.nne de
Tugël (EWlope)
(:0. je pe-rue te le JlendJLe" (p. 160)
Considérons encore œtte répliq\\E de Yay BINErA adressée à El
Hadji, qui maJntenant subit les effets de sen mariage fastœux
qui l' cnt entralné à la faillite :
"- On va noM c.oupell l'ean. e.t l'elec.tJr.-i.c.it.é poWl
non-pMement ?
E.6t-c.e que c.'ut vw ? ((Ill homme de lol étaU venu
a. la. villa. Le mcvU.a.ge, 14 v-i.e, c.e n' ut p~ .6eu-
lement une quuwn de lëf [3) de t;.a." (p. 153).
01 peut bien snr allcn~r la liste des xénisues wolofs
qui se manifestent dans le discours du locuteur traditiamel~ Car
cx:mœ principale marque êncnciative de l'ênc:nœ du locuteur tra-
ditiamel, le :cénisme wolof, fait signe dans l'éo.:nanie d'une
Ibrase française. De ce fait cx:mœ indiœ il apparait ccmre le
plus évident, mais aussi le plus réPandu. et le plus oourant. Car
c'est en wolofisant le discours du 10Cl1teur traditic:nnel, Par
(1) T.d. A.
(2) id.
(3)' Iëf : le sexe œ la ferme.

- 233 -
l'introducticn du xénisrre wolof, que l'auteur m:ntre sans arrbi-
gui·té que c'est un wolof qui parle. A cet égard ce qu'il faut sur-
tout noter ici, ccntrairement à ce qui se passe lorEqUe l'actant
indigène parle, c'est que le xénisrœ wolof est la seule p:rrole
qu'œ peut vraiserrblablenent attribuer au locuteur traditionnel.
Car
s'il ne oorrprend pas le français, le locuteur traditianne1
ne peut en aucun cas produire le reste de l'ênOlŒ ou de la }i1ra-
se qu'Ol lui attribue dans le texte. Ce qui se passe c'est qu'une
fois qœ le x6Jlisrœ est indiqu§ dans le disoours du locuteur tra-
ditiannel, l'auteur proœde à me traductiœ1mp1icite du reste
ce l'ênooœ. C'est ici qu'en touche d'ailleurs du doigt, les 1i-
ndtes du CXl'ltrat ênOlciatif chez un auteur bilingue et franoc:>tf1cne
came OUsnane SEMBENE. Car la seule façm p::mr lui de JnanIUer SOl
identité linguistique et culturelle, c'est d'inscrire Ze x~nisme
wolof, ce qu'il Y a de Particulier et de S'(:écifiqœ chez lui, mais
la seule fa<jUl d'entrer dans l'miverse1, c'est l'usage du fran-
çais. Et c'est là qœ se manifeste le collprcmis, le ccntrat taci-
te qui lie l'auteur et le lecteur. Ainsi, en produisant le xênis-
ne wolof dans la bouche d'm };ersannage, Je lecteur sait qlE c'est
un locuteur wolof qui parle, et qu'il parle en wolof. ce qui };el:"-
net à l'auteur de faire l'éccnœrl.e du "dit-il en wolof" chaque
fois qu'\\Xl locuteur traditioone1 parle.
P.!!écauticn rendue inutile
par la seule presence du xênisrre et de sa traducticn par l'auteur.
Sur le plan id§ologique, il faut noter éga1errent qlE la
productiOl récurrente du xé.'üsll:e est loLi d'être il1noœnte. Rap-

- 234 -
pelœs qœ œs ranans Salt panlS après l'indépendanœ naninale
des pays africains franCO};hcnes. LI émancipation politique
. s'acccmpagne la néœssité d'une revendicatiœ de type linguistiqœ
et culturel. !es xénisres wolofs à œt égard fc:nctiament cx:.mœ
les "foutre" et les "bougre" qtE R. BARmES relêve dans les nurré-
ros du Père OtJCHENE : ils signalent dcnc Ul au-delà du langage :
ici une situaticn post-oolmia1e. 0' dl la libêratiœ du discours
traditiconel, qui envahit VEHr-erOSANE, I.E WlNDAT et~, et qui
ici, fcncticnne came affiche, eni::l lèrre , car c'est là qœ se mani-
feste "l' afr~canité" (1) de la littératw::e francq:hcne.
cependant. au-delà de œs motivaticns i~ologiqœs, mais
aussi au-delà de la camotaticn exotique et ~paysante charriée
par le mot wolof, la presenœ du xénisrce -wolof dans le texte ré-
pend qœlqœ fois à des inl};ératifs d'ordDe linguistiqœ. MIlsi le
xénisœ wolof sert à carbler œrtains vi.des lexicaux du français.
IDr9:}œ nous avens une l:éférenœ s};écifiq1œ à la réalité africaine,
et qui ne peut être désignée par un mot fr.ançai.s. Ici, le xénisœ
wolof, se cx:rnporte sur le plan lexical CXDI'l\\e un eJ'Il>runt.
c'est le cas par exemple du chal'tlp lexical qui couvre la
polygamie : des mots came "moaœ" ou "Qlùla". C'est égalenent le
cas des mots qui ~signent les narents qui scandent la vie quoti-
cUenne <Ès fi~les : "timiS", "takusan", lNgE!\\'le" qui correspcndent
(1) ce tenœ est idéologiqœrœnt marqœ, car s'y rattache l'idéo-
logie de l'authenticité, nous tencns à preciser ici "qu"afri-
canité" fœcticn.,e ccmr.e sèriE, ~ lm pourrait parler da
"francité" ou "d'italianitélt etc.

- 235 -
aux heures œ la prière. Les saisons cc:mre Ille loti" et le "ca-
rcnn" etc.
Enfin l'ensenble des manato~s \\'lolofs que nous avens
relevé :
"Esketye, "Jama 1", Ar'tafoUl'lah", Ahern", "Eye",
"Vo~ 1" etc.
Après œtte étude du xénisre cxmre 1T'.arqtte énmciative
du locuteur wolof, nous a1lcns nous pencher maintenant sur ll'étude
des mazques sémantiques et rllétoriques du disoours produit par le
locuteur wolof.

- 236 -
II. 10. ETUDE DES MARQUES SEMANTIQUES ET RHETORIQUES DU DISCOURS
TRADITIONNEL
Les marques sérrantiques et rhétoriques qui seront
abordées ici, ne sont pas cette fois-ci le résultat de l'inté-
gration du xénisrre \\\\Olof dans le discours du locuteur tradition-
nel-, mais souvent de sa traduction littérale en français.
Il s'agit de marques et d' indices divers qui contribuent
~ la constitution d'effets poétiques et/ou stylistiques dont le
résultat est "l'oralité feinte ll •
Le processus qui intervient ici, s'apparente à ce que
Ranan JAKOBSON désigne cx::mre '\\me traduction qui implique deux
rœssages équivalent.s:dans deux codes différents ll (1), et qui
aboutit à la \\\\Olofisation sémantique du français.
L'influence du wolof ccmne langue provoquant l'inter-
férence linguistique s'exerce d'une manière prépondérante au
niveau séNmtique. Des déviations syntaxiques peuvent égalerœnt
se manifester dans l'énoncé, nais elles restent mineures. Tout
éarpte fait, les déviations sémantiques qui seront relevées ici,
ne cœpranettent pas toujours l'intelligibilité de l'énoncé', ce'
qui pennet à l'auteur de faire l'éconanie de l'appareil critique
-parenthèses, écriture en italique, guillemets- qui pennet d' ex-
pliquer le véritable sens des rots utilisés.
(1) Cf. Essais de linguistique générale
IIAspects linguistiques
de la traductionIl , op. cit., p. 80.

- 237 -
En ce qui concexne les marques rhêtoriques, il est
nécessaire de prêciser que nous dêsignons par là, l'ensemble des
images,'·des clichês, des lieux conmuns et du discours stêrootypê
spêcifiques à la langue et à la culture de départ (le ~lof) et
rendus en français dans le texte. Le rêsultat de la traduction,
contribue pour la plupart des cas à une rerrotivation des mêta-
phores qui dans la langue de dêpart (le ~lof) êtaient Simple-
ment des mêtaphores usêes et/ou lexiœlisêes. Ce qui fait que
des images qui p:>urraient appara!tre ccmre inêdi.tes pour le
lecteur occidental, fonctionnent en fait ccmre de simples clichês
pour un lecteur bilingue.
Pour toutes ces raisons, les lecteurs bilingues per-
cevront dans les ênoncês qui vont suivre un discours redondant,
un dêjà-dit. Et clest prêcisêrrent cette impression de redondance
qui sera pour eux le signe êvident et distinctif du discours du
locuteur ~lof, et cela malgrê 11 effet de dépaysement consécutif
li la traduction de ces ênoncês en français.
Pour les lecteurs occidentaux et non ~lofs par contre,
lleffet de redondance nlest PaS patent, ou du rroins pas imnédiatement.
Par consêquent c'est 11 êcart sémantique et les marques rhêtoriques
qui signaleront la prêsence du locuteur ~lof dans son discours.
II.ll. ETUDE DES MARQUES SEMANTIQUES DU DISCOURS TRADITIONNEL
L'interférence linguistique cx:mœ écart sémantique,

- 238 -
est ici, le produit d'une substitution de sens d'un not wolof,
à un sens équivalent en français. Cela produit des énoncés lisi-
bles, intelligibles, mais déviants, en français.
COnsidérons les exarples suivants, qui sont la traduction
littérale de fo:onules consacrées, destinées il interpeller quelqu'un
(un h<mœ 0\\.\\ une femne).
Dans le t-1ANDAT, les ménagères qui se 'rroquent du facteur
qui traîne péniblaœnt son solex en suant lui disent
"Eye 1 homme. tu mouLU.u ,,' (p. 113).
un peu plus loin, le facteur venu remettre aux fannes de DIENG
l'avis du mandat, s'adresse à elles dans ces tenœs
"Femmu 1 vo.tJle ~poux ut-il. là." (p. 114).
Au ocmnissariat de police, il l'etployé qui lui demandait
de ne pas etprunter le couloir non réservé au public, il répond :
" L' homme.-là. m' a. eUt que c.' éta..U pM ..i.e.<. lu c.aJr.tu
d'.[den-tUê." (p. 131).
Quant à l' errployé de la mairie, c'est dans ces tennes
qu'il s'adresse il DIENG :
"Je t ' attendl>, homme., eUt il nouvea.u. le c.om.rn.i.l> en
.tVta.nt du bou66ê.u de l>a. UgMette" (p. 139).
Il est nécessaire de procéder il une distinction des
différents emplois qui ont été faits ici du not "h<mœ" et du

- 239 -
JTOt Il fannes Il pour voir à quoi ils corre.s-pondent en français
standard, et en \\·x:>lof. Pour cela l'DUS a1..1ons ccmuencer par
soulever les déviations linguistiques qui se manifestent ici
Sur le plan syntaxiqu.e, on note surixmt l' anission du
détenninant Ill'" sauf pour l'exemple "1'harnle-là m'a dit",
Les conséquences entrainées par un tel eng;>loi ne sont pas
mincss, notarrrce.nt sur le plan sémantique : ainsi p:lur "Bye
hcmne, , • ", IIPemnes, votre époux." Il, on s'attendrait plutôt
à des énoncés tels que : "Eh 1 Nonsieurlf ou IlMesdames". Pour
expliquer cette ananalie sénantique, i l faut se référer au
\\\\1Olof, langue qui a provoqué l' interférer&Ce sémantique, Pour
interpeller quelqu'un en "'lOlof, on peut ut.i.1i.ser deux temes
"gorgi" qui signifie 1 'hœme et IIjigenji· qui signifie la
femne. Ces tennes pel.'Vent du reste être concurrencés par le
rrot "nit" terme générique qui signifie "hœrne" dans le sens
de "être humainll , "nit:! peut également si'9J1ifier par extension
"personne Il ou "individuIl. C'est ainsi qu'on peut s'expliquer
l'emploi de : Ill' hamte-là m' a dit" dans le sens par exanple
de "cette personne-là m'a dit" ("nit kii moomané").
Ainsi s'explique le fait que
ce qui pouvait sanbler
inconvenant pour un français, le fait dl interpeller quelqu'un
par "Eye hcmne" ou "Perrrres", est une chose nonnale si l'on se
réfère à la langue de départ.
Cela n' anpt.>Che pas qu 1 il existe en wolof des tennes

- 240 -
consacrés pour marquer le respect et la civiIité, et qui dans
une certaine mesure équivalent li "Monsieur" ou à "Mada1re". car
il faut reroarquer que le registre errployé par le facteur qui
dit "Fenmes" au lieu de Mesdames, de l'errployé de la mairie
qui dit "harme" au lieu de l-bnsieur, correspond à un registre
populaire. car dans un registre plus élevé Madame se dit en
\\\\lOlof "soxnasi" et Monsieur "El Had,ji" (1).. On voit à travers
notre description cx:mnent ces types d'écarts sénantiques
peuvent signaler la présence du locuteur.
Nous allons maintenant relever l'ensemble des tel:nes
conventionnels qui fonctionnent c:cmne marques de civiIité dans
le texte. Ici on verra que l'écart sanantique est quelquefois
a la limite d'un écart référentiel. En effet dans le texte nous
trouvons un usage -qui pourrait paraître abusif pour le locuteur
occidental- de tenues canne "père", "oncle", "frère", "fille",
bref le lexique de la parenté appliqué à des inconnus par exercq:>le.
Si on peut intel:préter ce fait canne l'existence d'une conception
la.rge de la famille, ou d'une idéologie cx:mnuna.utaire, il n'en
demeure pas rroins que nous avons là, la plupart du temps,
affaire à des teJ:mes qui souvent marquent le respect ou la dé-
férence.
(1) Il faut ranarquer que le not El Hadji est le titre attribué
au fidèle ayant accarq;>1i son pélerinage à la Mecque, c'est
donc une personne qui joUi.t d'un grand respect. C'est l' ex-
tension de ce tenne attribué par déférence ~. des personnes
"respectables" qui en fin de canpte fonctionne canne "Monsieurll •
Il n'en derreure pas noins que dans certaines occurrences et
employé avec une certaine intonation, il peut connoter l'ironie.

- 241 -
Dans~, nous avons 11exemple d lun dialogue qui est
tout à fait rêvêlateur de ce fait; ici, il slagit du dialogue
de Rana et de 11 agent de police :
"TJLèl> poUment, i l demande en 6JLa.nça.L.\\
-

VO.6 pap'<'eM, .6 1i l VOu..6 p!.a.U, Ma.dame.
Rama ob.6eJLva Pathé, .6e JLe.:toWLna. V~'L6 l' agent
avec. 6érnhU.té :
- Mon 6JLèJLe que veux-tu ?
- VO.6 pap'<'eM Jtépé.ta.Lt l' ag ent en 6JLa.nça.L.\\.
- Mon
6JLèJLe je ne c.ompJr.end.6 pM c.e que tu diA.
- Tu
ne c.ompJr.end.6 pM le 6JLa.nça.L.\\ quuUonna.-
t-il en ~lo6.
.
- Je ne c.ompJr.end.6 pM le 6JLa.nça.L.\\ mon 6JtèJLe" (p. 75).
Ce qui frappe ici, clest llQRX>sition entre "r.1adame"
et "non frère", ocmne IIanIUes de reSPeCt et de civilité. Mais
cela Si explique par 11 utilisation du français et de ses conven-
tions de civilité par 11 agent de police : "Madame" ; et du
\\<WOlof par Rama qui feint dl ignorer le français, et qui se
e::c:l'l'lX>rte en jeune fenme traditiormelle en disant ''non frère"
au lieu de "l-bnsieur 11 agent". C' est que le not "non frère"
est ici la traduction littérale du \\<WOlof "Barna aamine" dont
les femres usent volontiers par reSPeCt, pour Si adresser aux
hcmnes. car notons qu' il existe un not w:>lof "frère" pour
signifier la parenté consanguine, Cl est "Rak".
Dans la vie courante, llutilisation des tennes ocmne
"père", "oncle" fonctionne sur le rnêIœ principe. Dans le MANDAT
11 enployé de banque Si adresse ainsi à DIENG pour lui rappeler
le pourooire qu 1 il doit à son collègue après la perception de

- 242 -
son chêque
"- Oncle (il. n' tJ a auc.u.n lien de paILenté entlLe
eux) (1)
- Je te plUe de pen6eJt a mon c.oU~gue" (p. 47).
Ici, l'auteur prend bien soin de preciser dans la parenthèse
qu' (Ilil n'y a aucun lien de parenté entre euxll ). Ce qui prouve
que le tenœ "onclell est utilisé ccmne marque derrespect, en
rêférence à son contenu sénantique wolof.
Dans la rue, la péripatéticienne déguisée en mendiante
s'adresse à DIENG en lui disant :
"PèlL.e 1... pèIL.e. 1• •• .6' il. te p.e.au .6' entendU:-il.
diJr.e, pM une'voix 6émln-i.ne a.6U c.ôtû" (p. 148).
Nous avons également le tenne "Pa" diminutif de "papa",
ce tenne a souvent une coloration péjorative, du rœme type quelque
fois que le not "croulant". Aussi, n'est-il pas étonnant deI 'en-
tendre de la bouche de l'apprenti photographe, décrit ccmne un
délinquant dans le texte :
"L'applten.:ti. photogJta.phe, avec. J..ncU.66éJLenc.e, a.U.wna.
une c.-i.gMe:t:te.
- Je devw lteven-i.Jt vendJr.ecU. pa..6.6 é. .• Vo,ua c.e qu'on
dU: du en6an:t.6 d' aujou''Ld' htU.. Tu n' U pa..6 en.c.olLe
que déjà. tu. 6wnu .
. - Pa ••• c.' ut pM ton. pèze" (p. 162).
(1) L'explication entre parenthèses est de l'auteur.

- 243 -
Dans XALA, nous avons aussi le faxœux exercp1e où
MaIn Fatou dit à Yay Bineta :
"N' GONE ut t:a. 6ille".
ici, l'exemple se démarque quelque peu des cas prêcédents : nous
avons plutôt une extension du charcp de la parenté, car N'OONE à
proprement parler n'est pas la fille de Yay Bineta mais sa nièce.
Ici êgalerœnt l'auteur prend la peine de dormer quelques explica-
tions au lecteur non initié dans cette partie du texte :
"La Bacüètte -.60euJL du pèJte, tante de .ta. maJt..i~e­
du nom de Ya.y B.üte:ta., mlÛtJlu.6e de .ta. céllêmorU.e,
doctement CÜJL..Lgea.-U tout. La Ba.cü.ène, coWtte .6uJL
pa.t:tu, 60M:.e de CJLou.pe, v-Uage nobr..a.u.d. et glLM,
lu yeux. plUM de maUce, v~ a pltUeJLVeJL
lu Jta.ng.6 daM cette 60ltêt d' i.ncüvi.dua.U:tu. EUe
ava.-U Ué .ta. maJt..ieu..6e de .6a "6ille". Selon .ta. loi.
tJto..cU:t.i.onneUe, .ta. 6ille du 6ltèJte ut a.u..6.6i. 6ille
de .ta. .60euJL du pèlte (en 6Jta.nça..i.6 : .ta. 6ille de .ta.
ta.n:teJ (1)
plus loin l'auteur dorme enoore cette précision sur la Badiène
"(la Badiène a le rang d'un mari)" (p. 14). Cette extension du
chan'p de la parenté caractéristique de la vie cannur.a.utaire
apparaIt aussi dans cette phrase, d'une des farrœs qui assistent
au mariage d'El Hadji" :
"- Co ncU.t.i.o nne.f. ou. pa.6 j'accepte d' époU6 eJL El.
Hadji." (p. 13).
Il faut entendre par là qu'elle souscrit entièrerœnt au mariage
d'El Hadji et de N'GONE.
(l) XALA : op. cit. p. 14, la parenthèse est de l'auteur également.

- 244 -
Nous pouvons relever également une série dl expressions
consacrées littéralement traduites en wolof et qui sont souvent
associées au tente "yallah", qui. dans beaucoup d' occurrences
désigne "la Providence 11 •
Nous avons ainsi cette phrase de MetY, qui exaltée
par la fortune que semble leur offrir le mandat Si écrie : . .
'!:iaUah ut venu. May, tiJ-i qui. te lamen.ta..<..6"
(le ~AT, p. 115).
Il Y a égalenent la fonnule rituelle que prononce DIEN::;
chaque fois qu 1il donne les reliefs du rePaS à un mendiant :
"- AtoJrA que yaU.a.h 6a.6~e que no~ malhe.uM ~ui.ven;t
ce /lute".
FolJtU.1le courante prononcée pour exorciser le malheur qui risque
de Si abattre sur la famille.
Pour annoncer la nort de quelqu 1un, les énoncés euphé-
Iniques consacrés ne rnarv::ruer.t pas également ; nous avons l' exarple
du dialogue op{x>sant Guibril Guedj DIOB à son fils TAroR, à la
nort de N' GONE WAR THIANDUM :
"- MèJLe ut mollte, eUt TANOR d'un ton qui. n'UaLt
ni .i.nteMogCLÜ6, ni a6 6.iJLmCLÜ6 •
- Oui.
6il.6. YaZZah t'a appel.~ lt côté de .f..tU.
- Ve quo-i ut- e11.e mollte ?
Gui.bJtU Guedj V108 6léc.h.U rnéc:U..:ta:tJ..vement ~a ntique,
levant ~on 6/lont, ~on v~age ~e -noya.-U daM l' ornb/le.
- Yallah ~e.ul le ~a.-U 6il.6" (v.c. p. 31).
/"

- 245 -
Nous pouvons ainsi relever le oouple : "Yallah l'a
appelé à lui" qui est dysphorique, une sorte de pêriphrase
signifiant que N' OONE WAR THIANDUM est norte. Et l'expression
"lIaz:tah est venu" qui a une oonnotation euphorique dans la
rresure oü il dénote la fortune ou la chance.
ce qu'il faut noter, c'est que l'ensemble de ceS
expressions oonsacrées, rrêrœ si elles ne manifestent pas d'écarts
sémantiques, n'en relèvent pas noins de l'interférence sémantique.
Nous allons maintenant donner des exemples, qui pour
ne pas relever des conventions du langage rituel, n'en mani-
festent pas noins des déviances sémantiques.
Ainsi, de ce dialogue de M' BMKA et de DIENG
"MUy ut venue :tantôt JtepJtendJte du c.ho.6 u.
Ai-je b'<'en 6a..<.t de la .6aü.66a.-ULe ? qu.utionna.
le c.ommeJtça.nt.
- Tu. a..6 bien 6a..<.t. Ju..6tement je vien.6 de Jtec.evo.<.Jt
un peti..t. ma.ndat qu.<. va. me peJtmd:tJr.e de déga.geJt
mon nom, dU VIENG p.<.qué" (p. 126).
Nous avons ici l'expression "d~{Jager Bon nom" qui
signifie s'acquitter de ses dettes, ce qui amènera le ccmnerçant
à rayer son nan de la liste des débiteurs oontenue dans son camet.
Nous avons encore :
"- C' ut c.ombien le lU.lo ?
- Même pJt.<.x.! YaUah m'ut témobl. que j'a.i "graiB8~"
dugen.6 pOUlt obten.<.Jt c.e Jt.<.z" (p. 127).'
. '

- 246 -
Ici, il s'agit simplaœnt d'une dêfoIlllation locale de l'expression
"qraisser la patte à quelqu'unIl. Ce n'est pas par hasard si
l'auteur met des guillemets dans l'expression "graisserIl , pour
-bien sig-ifier qu'il s'agit de l'altération d'un rrot français
'ld!territorialisê Il •
Dans ~ également, le jour même des rêjouissances,
au m:xœnt oü N' OONE s'apprête à passer sa première nuit nuptiale
avec El Hadji, nuit 011 selon l'expression consacrée- (qui n'a
aucune connotation obscène), elle llcouche ll (du wolof "tëd")
on entend ces propos tenus par le IIPrésident du GroupementIl
tt-Tu te ILe:U.Jr.U ? Va c.o~omm~'L ta. v-LeJr.ge, l'ac.c.u.e)1-
LU. -L~ùu.eJ.L6 emen:t le PILé6-Lden:t du. GlLoupemen:t ;
l ' halune 6Wde, c.hanee!a.n:t,
i l pa.6~a un blLa.6 au
eou d' El Hadj-L et ~ 1adILu~an:t aux. a.u..tlLu d'une
vo-Lx. pâ;teJ.L6
e : "eheJL6 eoUèguu, none El Hadj-L,
~ un moment, va "pel'çel''' ~a donzelle ••• " (p. 41).
"Perçer sa donzelleIl , est une expression littéralement traduite
du w::>lof "bëtëxa Zebi", il faut préciser qu'elle est considêrée
cx:mœ obscène et vulgaire. Mais elle représente une variante
diseursive d'un genre réPandu : la plaisanterie scatologique.
Elle exprime le rapport sexuel d'une jeune fille vierge, gênê-
ralement nubile, et d'un hœme. Ainsi, ce IlOt vulgaire placê
dans la bouche du IIPrêsident du Groupaœnt", n'est pas innocent,
il vise à dénoncer le canporterœnt IIrroral" d'une classe qui
gênêralerœnt est très chatouilleuse sur tout ce qui touche au
sexe.

-247 -
Dans VEHI-eIOSANE, nous avons par exanple ce dialogue
de Amath et de Palla ; ce demier reproche notanment à Amath de
s'exiler à DAKAR :
"- Pa.U.a., :tu .6W que. c.' ut pCVL c.ol1..tltaitl.te. que.
je. qLU.t:te. SANTHIU-NIAYE. Je. ne. veux pM avo-iJr..
t'ai.Jr.. de. 6u...iA, ta.J.-6.6 eJL deJrJUèlte. mo.l une .impltu.6.lon
de. 6u..<..te. ••• Po~ t'.impôt, ou..<..
- Tu abandonnu tu .6épu..e..tull.u. Voua c.e que :tu
6a..i.6. Ceux. qu..<. .60Yl.t paJvÜ..6 .6oYl.t-w JteveYlU.6 une
60.<..6 ? Non. Tu M vu le jo~ .ld. Le Yl.<.a.ye ut
peuplé du 0.6.6
emeYl.t6 de tu pCVLent.6". (p. 83).
Ici, on relève notaIm'ent l'expression "tu abandonnes
tes sépultures" pour signifier "tu t'exiles", que le reste de
l'entretien laisse entendre d'ailleurs. Nous avons là une expres-
sion typique du milieu populaire littéra1aœl'lt traduite par
l'auteur. Parce que celui qui part pour un long exil, ri~ de
ne plus avoir une tanbe au village. Il n'est pas rare d'entendre
dire : "quelqu. 'un a sa tanbe dans tel lieuIl pour dire qu'il ne
risque pas de revenir dans son village natal.
Nous pouvons enfin citer la traduction littérale du
code et des conventions de la cordialité :
"- Avez-voU.6 pM.6é la. jo~ttée en pMX. demancfa.-t-U.
- Pm .6eu.lemeYl.t dU la. Bacüène lu..<. rEl Hadj-<]
Jtencfa.n.t .6on .6a.lu..t".
ou encore dans VEHI-eIOSANE :
"Etu-vOLW en pm blta.vu geYl.6 ? .6' annonça..<..t BaJ:L.i..èye.
avec. .6a m..i.ne de gCVLç.on i.nYl.Oc.eYl.t" •
. On reconnaît dans ces expressions, la manière tradition..'1.elle de
dire bonjour : "- As-tu la paix ?
- Paix seulementIl •

- 248 -
LI ensemble des éloncés produits ici, ne pennet pas de
déceler des déviations sanantiques importantes. ce que lion
constaté dans 11 ensemble, Cl est la reproduction dl un discours
qui souvent appartient à un code ou à des conventions de la
conversation et/ou de la palabre de la tradition ..orale. Et
Cl est notamœnt ce discours ribalisé, littêralement traduit
en français, qui s'écarte de ce qulon peut appeler le "français
standard". Et Cl est ici qu 1on relève 11 essentiel de' ce qu 1on
peut désigner cx:mre "la déterritorialisation" du français,
processus qui d 1emblée indique dans le texte Jque nous avons
affaire au discours dl un locuteur traditionnel.
Nous allons maintenant voir, ce qu 1 il en est avec
les marques rhétoriques du discours du locuteur traditionnel.
II. 12;' ETUDE DES MARQUES RHETORIQUES DU DISCOURS TRADITIONNEL
Dans cette partie, notre objectif est de rœttre en
évidence, 11 ensemble des lieux ccmnuns, des clichés, des tropes,
enfin des différentes figures de style qui fleurissent dans les
propos tenus par le locuteur \\'.Olof. Nous verrons que cette
reproduction de la rhétorique spécifique à la tradition orale
w::>1.of C.'orresp:>nd à une visée plus profonde que celle dl une
s~le stylisation du discours du locuteur traditionnel. Elle
traduit entre autre la reproduction dl un schéna de pensée et
de rationalité et dl un nodèle logico-référentiel spécifiques

- 249 -
à l' oralité. Il n'en dareure pas rroins, qu'ici et là, nous
discernerons des images qui relèvent de ce qu'on peut appeler
des "universaux du discours", parce qu'un lecteur africain
aussi bien qu'occidental peut très bien s 'y retrouver, A rroins
que cela ne relève du ph€nanène
d' osrrose engendré par le qontact
des langues et des cultures.
L'avantage d'une étude des marques rhétoriques du
locuteur traditionnel, apparaît en ce qu'elle offre une saisie
inmédiate du statut linguistique et culturel du narrateur.
Ainsi, si nous pr~ns par exerrple une nouvelle canœ
VEHI-crOSANE, cm le thèrre central est celui de l'inceste et du
parricide, on peut. observer que le rapport sexuel de Guibr1l
Guedj DrOB et de sa fille lŒIAR MADIAGA DrOB, donne lieu à des
images cm l'on décèle la prédaninance de l'isotopie de la
''rronstruosité'', de "l'animalité" et de la lIbestialité", CCJTIl'e
si en fin de cx:rrpte, c'est la transgression de l'inceste qui
est le trait pertinent qui sépare la société humaine de l'animal.
Dans ce dialogue mag.1né par N' GONE WAR THIANDUM, et qui oppose
deux oarrmères qui médisent de la famille N'DrOBENE, on peut lire
"- Ne ~cU.6 -:tu. pM ?
- Non ~n6~-mo~ !
- C' ut: ~-imp.e..e J c.e qu' on Clloyo..U. n' ut: pM. Ce
n'ut: pM un Ulta..rtgeJr. q~ a. 6o..U. polL:tée à. ~a.
6Ule" (v.c. p. 33).
On trouve le lexème "portée" qui cœp::>rte des sèmes

- 250 -
tels que "être", "ani.rnê", "non humain" et "femelle", qui ici
est appliqué à KHAR qui est enceinte de son père. Mais pour
mieux saisir la portée d'une telle utilisation métaphorique,
il n'est pas inutile de se référer aux codes et aux conventions
~lofs qui pennettent de désigner la fanne enceinte. Pour
désigner l'~rtance de la gestation de l'être humain, l'uti-
lisation de la périphrase et de l'euphémie est souvent de
rigueur, parce qu'on se méfie souvent des méfaits de la "langue",
qui dit-on "détruit tout ce qu'elle précède". Ainsi, on utilise
des tenres tels que "une femœ pas saine" ( "jigenuùJeruZ"). Mais
cette expression prévaut notantœnt pour des femres mariées
selon la coutume et la loi islamique. Elle est raranent appliquée
par exenple à des filles mères, à leur propos, on emploi le not
"biir" (qui littéralement signifie ventre), que l'on peut tra-
duire par "être enceinte". Mais ici, il s'agit d'un inceste qui~
plus est, est carmi.s par le notable et dignitaire le plus en
vue de la cxmnunauté, plus qu'il en est le chef, ce qui accentue
l'intensité dramatique, mais aussi le caractère scandaleux et
odieux de l'acte. C'est dans un tel contexte qu'il faut placer
l'usage de "portée" pour en saisir le trait péjoratif. Il faut
ooter que le not "portée" existe en ~lof aussi pour signifier
péjorativement quelqu'un qui est enceinte, le not "yenn" ou le
m::>t "ëmbe" qui dans ce contexte fonctionne carme une syllepse.
C'est sans doute par ce not qu'il faut traduire le not français
"portée" utilisé dans l'énoncé. Mot qui, soulignons-le, ne

- 251 -
traduit qu, approximativement ce que l'auteur veut faire dire â
son personnage.'
On tJ:Ouvera ainsi le net "porter" pour signifier la
grossesse de KHAR dans la bouche de plusieurs locuteurs wolofs
il en est ainsi de N'OONE WAR THIANDUM quand elle interrogé sa
fille sur le resp:msable de sa grossesse :
"- C' ut vJta1. que tu polttu ? a.vcU.:t-elle quu.ti.omté
lo/t.6que KHAR étaJ.;t venue da.rt.6 .6a. CLUe.
( ... )
- Vi6 l
- Je ne .6u.i6 pM enc.Unte mèlt.e, a.vcU.:t-elle It.épondu
en plt.étexta.nt·.6 u tJt.a.va.u.x méMg eJtll , elle.6' étaJ.;t
uqu..l.vée" (v.c. p. 43).
Ici la différence de registre est d'ailleurs patente. :
au registre vulgaire et péjoratif connoté par le "tu portes" de la
mère, dans l'intention délil:lêrêe de blesser sa fille et de lui
manifester son indignation, répond le reg1.stre 11Onnal, standard
de la fille "je ne suis pas enceinte".
Plus loin, l'isotopie de l'animalité se discerne clai-
rament avec l'utilisation d'une métaphore in praesentia ; quand
la mère dit par exerrple :
"- Ne lt.entJt.e pM ton ventJt.e. Si c.' ut à. c.a.u6e de
moi, c.ee.,[ ne .6 eJt:t à. Jt.ien. Tu u plune c.omme une
, MU.6 e, a.vcU.:t eUt la. mèJLe" (p. 42).
Nous avons ici la canparaison qui établit une analogie
entre la grossesse de KHAR et celle d'une ânesse.
L'acte sexuel de KHAR et de son père est êga.lement perçu

- 252 -
cœme un acte bestial :
"- Comment, elle nIa JL.ien 6aJ.;t ? .in.teJt/l.Og e.a. Yay
KHUREVIA
en lLedJLU.6aYLt .6a poUJUne pi.a-te, en.6e
lLetoWLna.n.t VeJL6 c.e.U..e qul venaJ.;t de paJLl.eIL.
Combien de 60.<..6 a-t-e.U..e c.ouc.hê avec. .6on pèILe ?
Cl Ua.i.t da.n6 te N-i.a.ye 'lU 1.it.6 6a..i.6a..ien.t teuJlA
c.h.iennelL.iu, .60M te lLegaJLd de ya.Le..a.h et de .6 U
malaika" (1) (p. 89).
Ici, il Y a deux expressions qui retiennent 11 attention
le cadre dans lequel se déroule 11 acte "dans le Niaye", que 11 au-
teur lui-même décrit "ccmne une zone très singulière qui borde
1 1océan Atlantique dans sa sphère occidentale, et qui Si étend de
Yoff à NIDar, et au-delà ••• " (p. 16). Mais dans cette occurrence,
dans le Niaye est 11 équivalent -sémantique de "dans la nature",
ou dans "la brousse".
Nous avons ensuite 11 expression "leurs chienneries"
t'
qui est la traduction littérale du \\\\Olof de yëfu Xaaj" (c--e que
font les chiens), qui Si applique en général au:< rapports sexuels
conçus en dehors du mariage -car les chiens ne se marient pas-.
On trouve également le not "fefe laan", pour Parler de 11 acoouple-
rrent des chiens. Nous avons par conséquent une métaphore in prae-
sentia, qui pose dl une manière explicite l'isotopie cie 11 animalité
et/ou de la bestialité de 11 acte.
Même 11 acoouchement de KHAR MADIAGA DIOB n'échappe pas
à une telle logique, ainsi, une fanne de SANl'IU-NIAYE dira :,
"KHAR MAVIAGA VI0B, a. W
ba.6 c.omme un anhna.t,
lLévéta. une autlLe avec. p~mp.t.i.tude dan.6 te pILOpO.6,
6.ièJLe d' avo.iIL Uê ta. plLe.mtèILe il d.ivutgUeIL ta.
nouve.U..e" (p. 87).
(1) Malajka = anges.

- 253 -
Ici, KHAR est CCfl'PéU'ée expliciterrent à un animal qui accouche.
La suite du texte va plus loin :
"- Que fu-tu. ? demanda une 6emme, abandonna.n:t
~ 0 n -in:teJr1.oc.u.:tJUce•
Comme le ~olw. nOM ~uJLp.e.ombe, je le fu.
- C'ut la. nua qu-i accouche du. ~oleil.
- Qu'ut-ce qu' eU.e a eue ?
- PeJt.6onne ne le ~a1:t. EUe ut chez. VETHYE LAW.
EUe a tut mOM.tJte eLU-on.
- EUe ne pouva1:t avoi.Jl qu'un mOM.tJte. Ya.lla.h de
no~ jOU/L6 a peJLdu pa.tience" (p. 88).
Nous relevons ici l'image "c'est la nuit qui accouche
du soleil", pour désigner le produit d'une grossesse contre
nature qui ne pouvait engendrer qu'un nonstre. Ici l'auteur
restitue avec une remarquable ~ustesse de ton, le registre hyper-
bolique spécifique à la rtJIœur dans la tradition orale sénégalaise,
d'autant plus que la rumeur est rapportée Par des fenmes. Ainsi,
on peut relever au passage la manière dont on exprime l'assurance
et la certitude de ce qu'on rapporte : "c:erme le soleil qui rous
sw:planbe" périphrase littéralement traduite du \\-JOlof "ni jant·
bii nu tiim" et qu'on peut rendre par "il n'y a pas l'anbre d'un
c30ute" •
Il convient de relever que dans ce concert où lion
dévide volontiers le chapelet des images relatives à l'ani.mal.ité,
une fausse note apparaît dans un dialogue. En effet, les esprits
plus enclins à la tolérance et plus proches de la famille, admettent
cette grossesse ccmre le résultat de la volonté divine. Et ici,
on use volontiers d' euphémisrœs pour parler de l'accouchenent de

- 254 -
!<HAR. C'est le cas du dialogue où l'on note la présence de la
co-épouse de N'GONE WAR THIANDUM, et de Gnagna GUISSE la Griote
généalogique des THIANDUM~.NDUM :
" - COWL6 cheJLcheJL Gnag tut GUISS E, c.Jr.iA. deJlJL).:~JLe la.
paliA.6a.de la. deuuème époU6e a une 6il.1..e:tte :
EntlLe lu la.:t;tu N'GONE WAR THIANVUM gW.6a. .6on
lLegOJLd ; la. polLte où. Ua.U en couche la. 6Lf.!..e,
u:.au a moWé ouvelLte.
- Va.
vUe 1
- MèJLe, la. vo.<.cU, dU la. 6ille:tte qu..<. p'letutU
.6on éla.n.
' .
- KHAR a. c.idé ! ] e .r.' rU entendue, dU la. deuu~e
époU6e a Gna.gtut GUISSE qu..<. aJtJti..va.U une c.a.leba.6.6e
moyenne en équ..<.UblLe .6u.IL la. t.ê:te" (v.c. p. 49).
On relève ici l'utilisation de la métonymie de l'effet
"!<HAR a crié", le cri engendré Par la douleur de l'accouchement,
pour l'accouchement lui-même. La portée d&lramatisante d'un tel
registre apparaît nettement, surtout cx:JlPélrée aux images où l'on
oc:rtpare sans cesse KHAR à un animal.
Il convient de souligner, au teI:me de l'analyse des
exemples que nous avons choisi ici, q..l' il nous était facile,
dans une nouvelle ccmre VEHI-CIOSANE d' exploiter la prédaninance
de l'isotopie de la bestialité et/ou de l'animalité. car ce discours
pmvient de l'effet produit Par la transgression d'un tabou sur le-
qûel reposent les fonderœnts de la société humaine : l' interdic-
tion de l'inceste. La structure ltÊIœ de la nouvelle, favorisait
une telle démarche, car elle ne ccrrg;x:>rte pas d'effet dilatoire,
l'auteur ne joue pas sur la patience du lecteur à découvrir une
énigme, car il n' y en a pas. Le réeit repose ainsi entièrerœnt

- 255 -
sur le traumatisrœ causé par l'acte incestueux de Guibril Guedj
DICB, et surtout principalaœnt sur le disoours qu'il suscite.
L'histoire dans VEHI-eIOSANE se réduit donc à un récit sur le
discours de l'inceste par les locuteurs \\\\Olofs. D' où la relative
facilité de repérer les images daninantes qui parcourent le
discours du locuteur \\\\Olof. Nous avons tenu à faire cette remar-
que, pour nontrer que la méthode qui a été suivie ici, ne s' ap-
plique pas nêcessairerrent à tout le texte, ni aux autres :ranans
de SEMBENE. Nous allons par conséquent oontinuer à explorer les
marques rhétoriques du discours traditionnel, sans nous soucier
de la prédaninance de telle ou telle isotopie.
Si nous poursuivons le recensaœnt des différentes
marques rhétoriques du locuteur traditionnel, nous trouvons
par exenple la rrétonyrnie du sang pour faire référence aux ori-
gines nobles de la naissance, carrrœ on dirait par exerïq)le en
français "le sang bleu" pour parler de la noblesse.
Ainsi quand N' GONE WAR THIANDUM a pris oonscience
de ce qu'il Y avait d'abject dans l'acte c:x:mnis par son mari,
elle expri..rœ son indignation dans ces te>.nnes :
"-CommeY1.t ce1.a. ~ 1 ~t-U pJtOc:iuU 7 ~e dema.nda.-t-ei1.e,
CommeY1.t le ~a.ng noble {{tU dep~ d~ ~.i.èci.~ couie
da.~ l~ ve.i.n~ de GtUbJUl. Guedj V105 n'a.-t-U pM
ClÛé 7" (p. 48).
Ici, nous relevons le style lyrique, grandiloquent et
résolument dramatique de l'oralité, dans les circonstances excep-
tionnelles, marqué ici par "ccmnent le sang noble ••• n'a-t-il pas

- 256 -
cri6". Cette image, nous la retrouvons dans un autre oontexte
dans la bouche de Yay KHUREDIA :
"C'UaLt une THIANVUM. La. deJLn.l.~e de c.efte lignée.
Son .6a.ng a. paJtlé".
Ici Yay KHUREDIA fait allusion au suicide de N'OONE WAR THIANDUM,
qui n'a pas survécu à la honte et à l' igncmi.ni.e de l'acte inces-
tueux de son mari. On relève au passage l' antoncmase ou synecdoque
de 11 individu (FONrANIER) : "c 1 était une THIANDUM" •.
Chez OEI'HYE IAW, la métonymie du "sang" appara!t, rcais
surtout pour oontester les privilèjes acquis à la naissance :
"Le .6a.ng de la. véJl.Ué e.6t toujOU1!..6 no b.te, peu
bnpoJLte .6a. .60WLc.e", la.nc.e-t-il d Mécü.onne VI0B
qui .e.ui IUlppeU.e qu'il é:taLt glUot" (p. 100).
ce qu'il faut remarquer ici, c'est que de telles images
se retrouvent facilement en français par exerrple, il n'est donc
pas utile d'en souligner le caractère universel. D' autant plus
que le ton utilisé par les locuteurs traditionnels ici., a quelque
,
chose de oomelien.
Dans un registre et dans un thème différents, il Y a
le dialogue des yothékats. Eux aussi parlent de l'inceste de
Guibril Guedj OIOB, mais sous un JOOde allusif. Et ce qu'on rote
ici, ce sont les frictions et les d1~putes qu'il occasionne - :
". On bJta..iUe, mai..6 c.' e.6t enbte noU.6 deux..
- QU'e.6t-c.e qu'on cü.:t"dema.nda. Baye YAMAR.
- QU'e.6t-c.e qu'on cü.:t Pa.Ua...

- 257 -
- A ce1.ui. qIÛ Jte6LUe. de. vohL .te. l,o.te1.1.. e.n p.tein
JOUIt, pouJtquo-i l,' éveJLtu.e.Jt à. .te. .tlU montlLe.Jt ?
ajouta Vay KHUREVIA c~l,ant .t~ mouch~ qu-i
envafu..Ma-i.e.nt l,a. mo.Jtcha.rr.cU.6 e.. '
- S'il 6aut que. :tu vo-i~ pOUlt CJI.OhLe. tança. VETHYE
LAW.
'- Je. ne. compJte.n~ pM, VETHYE 1 qu~ tu. pJte.nn~ .te. paILÜ
de. N'VI0BENE. Tu ~ au. p-ime.nt dè.6 qu' on paJl1.e. d'eux
d..U:. PaUa. .6' u.oJ..gna.nt d~ Yothéka.t.6" (p. 62).
On Peut relever ici deux clichês du discours traditiormel :
"A ce..tlU qu-i Jte.6LUe. de. vohL .te. l,o.te1.1.. e.n pl.un
JOUIt, pouJtquo-i
.6' éveJLtu.e.Jt à. .te. .tlU montlLe.Jt".
foJ:InU1e littéralement traduite du wolof et qu'on peut traduire
par "il n'y a de pire sourd que celui qui ne veut point entendre".
Nous avons ensuite -:
"Tu ~ au. p-ime.nt dèl, qu'on paJl1.e d'eux".
foImUle métaphorique (in presentia). Nous avons l'allusion au
piment qui pique, qui irrite la langue, pour Parler de l'irrita-
tion et de la colère de quelqu'un.
Nous allons maintenant aborder les différentes marques
:i:hêtoriques que nous rencontrons dans le MANDAT.
COnsidérons par exerrple le dialogue où lbrahima DIENG,
le maçon en chânage, exprime sa surprise et son enthousiasme,
quand ses deux fenmes lui présentent un menu de qualité et des
noix da cola toutes fraIches :
"AM..m, ce. n' ~t pM du Jt~te. ! VOLU n' a.Ue.z pM
me CÜJte. que. ya..e.tah a. 6a.li p.teuvo-iJc. d~ poJt:te.-
6e.uil.tu. b-ie.n gMn-i.6, ou qu' une. de. VOLU a. héJtlié

- 258 -
du pèJr.e Llbu, lança-t-il aux 6emme.6 tout en 6a..i.-
l>ant l>on chou/l (p. 116).
Nous avons ici l'image "yallah a fait pleuvoir des
portefeuilles" qu'on arriverait difficilarent à trouver en
français, où dans le registre populaire on ferait volontiers
allusion "au gros lot du tiercé ou du loto".
Nous avons égalerœnt ce 'It'Orologue de Mety qui s'inquiète
du retard. de DIEN; :
""Ail..eJL li la pO.6te et lleveYWr., c' e.6t plU glUmpeJL
l>WL la lune. Où. .6e .tJuUne-t-il ? Au lieu de peMeJL
a. rtOU.6, aux en6an:t.6, il va .6e mon:tlleJL généJLeux
e.t l' Mg ent couleJLa de .6 e.6 maiM comme l' eau. en:tIle
le.6 doi..gu. Péu-t-me a-t-il en vue une sans-vergogne 1
qui lui.. .6UCeJLa l' Mgen.t comme le la..U de l>a m~e/l.
Me.ty, tout l' apllè.6 -mi..di.. .6 1 é:ta.i..:t tenu ce WCOWL.6 /1
(p. 133).
On relêve ici l'autonanase : "une sans-vergogne" pour
désigner les femœs aux noeurs légères, et l'image de la "liqui-
ditê" appliquée à l'argent. A cet égard, il convient de relever
que la c::arparaison "lui sucera l'argent ccmne le lait de sa mère"
n'est pas fréquente en français. Si bien que l'écart que manifeste
l'image ne se situe pas seulement au niveau linguistique, mais surtout
par rapport au schèIœ de rationalité, qui est spécifique à l'ora-
lité.
On peut relever également ce dialogue qui oppose Baidy
et Méty, ici 11 s'agit d'une véritable dispute :
/1 ..
p.f.u;tôt mowvi.ll la 6aim au ven-tlle que de tendILe
la. main li la 6arrU.Ue VIENGUENE. Sentencieux, il
dlc.f.Ma :
- VéJU;té pOU/l vélli..tl, quand on doU, on pai..e.

- 259 -
L'ânieJL doU UAe toujOU/L6 du côt.é du. pJtoplLié-
tiUJle du. 6ob! ( ••• ) .tanç.a MUy.
- Quand l' homme ~ e de6~cU.6U de ~on a.u..toJr..Ué, il.
ne devient qu'épouvantait, objec.ta. Baldy, le
JtegoJtd JUvé ~u.Jt VIENG.
- L' homme n ' e6t. épouvantait que lOMqu'il. n' e6t.
que VeJLbe. Il y a homme et homme, JtépondU
vivement MUy.
Le vieil. homme ~e JtetiJta." (p. 177).
Au SENEX;AL, les fernœs sont surtout redoutées pour leur
aptitude aux joutes verbales, surtout quand il s'agit d'une dis-
pute ou d'une polémique. D'Oü les propos de Méty qui parle par
sentences, maxiInes ou proverbes. Ainsi lorsque Bardy prend la
dêfense du ccmrerçant MBARKA oontre le mari de Méty, celle-ci
réplique: "l'ânier doit être toujours du côté du propriétaire
du foin", fonnule qui dénonce la: dêmarche' opportuniste de Baidy.
Quand celui-ci s'adresse de nouveau à DIENG, pour lui signifier
qu'il manquait d ' autorité parce qu'il n' arriva!t pas à faire
taire sa femœ, Méty réplique encore :
Il -
L' homme n ' e6t. épouvan:t.a.Le. qu.e lOJL6qu'il. n' e6t.
que veJLbe".
réplique qui fait écho à une idée reçue bien répandue qui est
la suivante : le "verbe" qui siC)IÙfie ici le "bavardage" est
surtout le lot des ferrmes. Ainsi tout hcmre qui se livre publique-
Iœ1'lt à une polémique avec une femœ se dégraderait. C'est dans
ce oontexte que Méty lance encore perfidement "il Y a hatme et
1'x::mœ" qui clôt la polémique. car cet énoncé fait implicitement
référence à une insulte ~lof "Garu watar bang" qui désigne avec
/"

- 260 -
mêpris les hames qui adorent la cc.rcplgnie des femres et qui les
suivent jusque dans les çuisines ou qui se disputent avec elles.
On peut enfin signaler ce dialogue de Gorgui MAISSA et
de DIENG qui comnentent la dispute :
"GOILgLU MATSSA vint ~e met:tJr.e a côté de VIENG
au moment où l'auto dém~.
- C'~t quelqu'un M'BAYE dé~-t-.<.l.
-
POUJL tou:t à. l' heUJLe da.n6 la bolLÜ.que•••
- Ce n' ~t Jr..<.en .<.l 6aut ~e ~ou:tetUIt. quoi qu '.<.l
o./r.JUve. Une langue ~t pM mauva..i6 e qu'une
balle de 6M.<.l" (p. 178).
Nous relevons ici la dernière phrase du dialogue "une
langue est plus mauvaise qu'une balle de fusil" qui est un cliché
du langage qootidien. car la métonymie de la langue et surtout
de ses méfaits reàoutables apparaît aussi dans des occurrences
cxmœ : "une langue est aussi tranchante que la laIte d'un couteau"
("Laminé na saatu") ou encore l'expression "tout ce que la langue
précède elle le détruit". D'OÙ la nécessité de garder bien secret
certains projets, tant qu'ils ne sont pas réalisés.
Nous allons maintenant aborder les marques rhétoriques
dans ~, où le thème central est celui du troisième mariage
de El Hadj i et N' OONE, de son impuissance sexuelle et de sa fail-
l ite oomœrciale qui d'ailleurs entraîne le divorce. Mais, au-
delà de l'irnpUissance sexuelle d'El Hadj i, la visée de l'auteur
est de rrontrer l'irnpuissance de la classe sociale qu'il représente
la bourgeoisie dite nationale. C'est pour cela que ~ est un
réeit très rrodeme, car il est construit à partir d'un If\\Ytl1e
profondément ancré dans la conscience populaire. Mais ce réeit

- 261 -
n'offre qu'une signification de "surface". car la portée idêolo-
gique demeure surtout le "XAIA" de tout un corps social pris en
étau entre les inpératifs de la bourgeoisie buraucratique et de
la bourgeoisie internationale qui, entre autre, gère les banques
et contrôle le crédit.
c'est d'abord le dialogue entre Yay BINErA et Maam
l''ATQU qui pennet la production des images sur le mariage! :
"JUl>qu'ici, ce ~ote,U. d'aujoUlld'hu1.., ptU un
homme cUgne, ~Weux, bien né, n'a. nJr.a.nchi
no:i:JLe ~ euU ° o.. TUen que du j eunu ~ a.~
moucho~ de poche, po~nt du pa.nta.lo~
comme du épouva.~, que j e vo~ .tOWlneJL
autOWl d'eU'?
Vu chômeuJLô" (p. 15).
Il est facile de reconnaître dans 1 'expression "des
jeunes sans IIDuchoir de poche", un des lieux comnuns du discours
traditionnel. Elle penret de désigner les jeunes châneurs •• on
discerne ii travers 1 timage les premiers signes dt occidentali-
sation des cadres africains. car dans ce contexte, le IIDuchoir
de poche est pris ocmne signe extérieur de richesse. Le petit
détail qui pennettait de distinguer les élénents les plus
"civilisés" de la population, signe sans inp::>rtance peut-être,
mais au pouvoir fascinant réel. Voilii, pour ce qui est de
l'origine diachronique de l'expression, qui ii présent fonctionne
oc:mre une synecdoque de la pa:tti.e pour le tout.
Dans la réponse 00 Yay BINErA se fait l'écho des
angoisses et des inquiétudes de Maam FATOU, on l i t :

- 262 -
"J'ai.. c.ompw, aJe.-Uc.u1..a. Ya.y BINETA. Le nombJte de
6illu qu.<. a.ttel1dent ou upèJtent un maJU, a..tignéu,
peut a.ttei.ndJte BAMAKO. Et 0 n eUt qu'en .tête de
Ugne ~ont lu éc.lopéu" (p. 15).
.
Nous avons ici l'image c1assiql;le de la longue file
d'attente des candidates au mariage, qui ne bouge pas, foJ;ItlU1e
allégorique d'un usage très courant. Elle est évoquée chaque
fois qu'il est question pour une famille de trouver un mari à
une jeune fille. On notera par ailleurs, le marqueur syntaxique
"on dit que", qui introduit l'opinion cœmune carme locuteur,
et qui nontre bien qu'il s'agit d'un lieu cœmun.
Dans la foule qui assiste au mariage d'El Hadji et de
N'OONE, nous avons de nanbreux e<::mrentaires de femnes, on peut
relever les suivants :
"- C' u.t a.vec. la. v-iei.Ue malr.1nUe qu' on pJtépMe
de bo nnU ~ oupu , mu.JtmuJLa.i.t l' a.u.tJLe ; (••• )
- p~ a.vec. du pa..ta..tu mWtu" (p. 14).
La. deuxième réplique "paS avec des patates rnû..---es" est
inêdite. Il est difficile de trouver en français une fonr.ul.e
qui lui correspond sémantique:nent. On peut voir qu'elle se situe
à la limite du coq.à l'âne. Par contre, c'est le genre de réplique
que l'on peut trouver dans les joutes verbales traditionnelles,
qui ont une visée hurroristique. Quant à la fonnule "c'est avec
les vieilles mannites qu'on prépare de bonnes soupes ", c'est à
notre avis une adaptation du wolof ("oin tu maagat moy tog daxin"),
. ~'c' est avec la vieille mannite qu'on prépare le daxin". Le "daxin"
est un mets w:>lof. La fonnule allégorique ici, fait allusion à

- 263 -
l'âge de El Hadji qui pourrait être le père de N'GONE sa troisiàœ
femne. Pour approuver le mariage malgré cet inoonvénient, la
ccmnère avance l'az:gurr.ent classique de l' expêrience oontre celle
de la j-eunesse.
Le xa1a d'El Hadj i, penret éga1enent la production
d'images liées à sa thérapeutique, oonsidêrons à cet égard la
phrase de la femœ au coq :
"La.: 6emme a.t:t:Jta.pa. pM tu pa.:ttu .6a. volo.1.1.le
logea.nt deJVUèJte te mOll;üeJt, pJtè.6 du ma.nnequin
ha.billé de ta. JtObe de maJU.a.ge. EUe v.<.nt v~
Et Ha.dj'<' :
- Ce n' u;t Jt.<.en te xala. ! ce qu' une ma..<.Yl a. pl..a.nté,
une a.u.;tJte peu.-t t' ô;teJt. .. Lève-;to'<' ! ;tu. n' M pM
il a.vo.<.Jt honte" (p. 45).
Nous avons ici le type d'expression oonsacrêe, utilisée
chaque fois qu'il est question de rassurer quelqu'un qui est la
proie d'un sort, ou d'un sortilège. Nous verrons l'expression
"ce qu'une main a planté, une autre peut l'ôter", sous une autre
foII'l\\e, mais dans la bouche du Maral::x:>ut SERIGNE MAnA :
"J'a..<. ;ton chèque! c.e que j'a..<. enlevé, je peux
le JtemettJte a.jou.;ta. te SERIGNE" (p. 112).
Les effets du xala d'El Hadji, sont difficilement suppor-
tables pour 0Urni N'OOYE la deuxième femne, qui tient à son mari
ces propos peu amènes :
"- Ta. v'<'UUe ;t'a. épui6é, ou c'u;t ;ta. N'GONE ? It
6a.u.;t ê:tJr.e jeune e;t bon ca.vaUeJt pOUlt monteJt deux
ju.rnen:t.6 à. ta. 60.<..6, .6Wt.tou.;t POUJr. tu tonguu
60u.téu,
dU-eUe en a.bandonnant e;t ;tOUltna.n-t te do.6" (p. 90).

- 264 -
Nous avons ici l'image inversée de celle de l'étalon,
appliquée à EL HADJI. Ici aussi, il s'agit d'un lien cœmun. Ce
qu'il faut noter, c'est que les propos de 0Urni N'OOYE, ne sont
pas dénués d'arrière pensées, de sous-entendus : car elle oondam-
ne irrplicitement la polygamie.
La oonsultation du marabout SERIGNE MADA, nous vaut
égalerœnt la production de quelques images traditionnelles :
"- Sont-c.e de ~a..Lnu '[ntentioYl1J qui.. ont gui..d~
vo~ pM jlL6qu' a c.efte humble c.onc.u~,[on" (p. 112).
Ici nous reoonnaissons les fonnules de politesse, qui traduisent
l'obs~osité et la déférence légendaires de bons marabouts.
Ensuite nous avons leur disoours qui s'énonce surtout sous la
fome de métaphores et d'allégories :
liCe geMe de ~oll.t, eUt SERIGNE MAVA ut VLÙ
c.omplex.e. Tltè~. VOlL6 devez -6a.vo-Ur.., c.ompltend/te
que lu c.onna..LMa.nc.u de c.e geMe de 6a..U ~ont
c.omme lu pl.U..t6. Et lu pl.U..t6 n' 0 nt pM tOlL6 la.
même plto6ondeult, rU. leult eau. la. même ~a.veult.
Ce geMe de ~oM:. ut ma. ~p~c1ALi;té. Seul. Ya..Uah
peut 6a.ilte quelque c.ho~e. M~ je vo~ pitie
de c.ommurU.eIt a.vec. moi. ImploltOYI1J la. douc.e mtUn
de Yai1.a.h" (p. 112).
Ici, nous relevons la cx::rcq:>araison de la oonnaissance avec le puits,
filée dans une métaphore où l'on présentifie leur isotopie ccmnune :
la profondeur.
Nous allons aborder maintenant la sêque.'1ce consacrée
à la demande du divoree dans XAIA. Ici le "xalaIl de EL HADJI et
les dépenses inconsidérées qu'il a occasionnées ont abouti à

- 265 -
la faillite de El Hadji. Deve..'1U pauvre et i.nplissant, El Hadji
ne suscite plus d'intérêt chez Yay BINErA, qui convoque un
sacristain pour demander le divorce de N' OONE. Quant à El Hadj i,
dépassé par les événements, muet et abasourdi, il assiste avec
indifférence au réglement du divorce, en laissant à M:xiu, le
soin de s'exprimer à sa place. Modu, ccmne dit l'auteur est. un
enfant du nterroirn et il sait ccmrent parler à Yay BINETA :
"- Et Hadji., :tu do-Ui c.omplterr.dlte ou ptu:tôt dev.<.rr.eIt
la. JLa.i60rr. de c.e d.<.alogue, N'GONE dé.6-ul.e .6a
Ubeltté, c.ommerr.ç.a le .6a~;ta..<.rr..
- NOM rr.' a.U.oM pa..6 rr.OM ételttt-Welt .6U1t c.e c.ha.p-UJr..e,
l'i.rr.telt/tOmpU Yay BINETA, "tltompeX.:teU.6 e", l' ac.c.ent
a.c.eltbe, lu yeux pé:UU.a.n.t6 d' urr.e volorr.té qui. rr.e
6léc.h-U.6a.U pa..6. NOM aVOtl.6 ma.Jt.<.é rr.otlte 6ille
-urr.e j eurr.e 6ille i.rr.ttOc.err.te-, à. El Hadji. Abdou Ka.delt
BEYE. Olt depu-Ui qua.tlte mo-Ui, El Hadji.
rr.' a pa..6 été
c.apable de pltOUVelt qu' U é:ta.U urr. homme. 'Depu.<..6 le
joUIt de c.ette u~rr., El Hadji. rr.OM 6uit, .6e c.ac.he
de rr.OM, rr.uU et joUIt. C' ut a..<.Mi. ql.!.' U rr.OM a
abarr.dorr.rr.é.6 .6atl.6 eau et .6aM Uec.tlt.<.c.Ué.. 'De tout
c.ela rr.oM ne l.t.U. terr.OM pa..6 gJt.<.e6. NOM aVOM
tel.temerr.t horr.te de la .6ui..X.e de c.e maJL-i.a.ge que
pe1t.6 0rr.rr.e de c.ette 6a.mille rr.' 0.6 e p.tu.,6 .6 01t:Û/t le
joUIt. Ma..<.rr.terr.a.rr.t rr.OM .eu.<. demandoM rr.otlte Ubeltté.
( ... )
- Yay BINETA, dU Moda, :tu n' a.ItIta.ngu Jt.<.e.n err.
pa.lt.ta.rr.t de .ta. .6oltte. Ya.l.ta.h rr.' a..<.me que .ta. véItUé !
El Hadji. n'a pa.6 Itépud.<.é N'GONE. VILa..<. 1 que de~
.60n ma.Jt.<.a.ge avec. vo:tJ:.e 6ille ••• El Hadji. •••
- 'D-Ui ouvelttemerr.t que El Hadji. n'ut pa..6 un ~omme,
.eu.<. c.oupa la. paJLole, Yay BINETA.
- Cela peut a.M.<.Velt a tOM lu homme.6. Il.6' ut
tMuvé que pM Wc.OMta.rr.c.e malheuJl.eU.6 e que c.e
XALA, El Hadji. l'a a..ttIta.pé avec. votlte 6ille.
- IMi.ttUu-:tu que noM .60mme.6 lu ltupoMablu ?
( ... )
- VOM .6 emblez Itepltendlte c.oûte que c.oilte votlte
UbeJL.té. Err. 6uyarr.t VOM n'avez Jt.<.en .ea..w.6é, VOM
avez tout empoltté 1
- Hé 1 Hé 1 je m'y a..ttenda..<..6. Malglté. .6on long
.6 éjoulr. daM .ta. Jt.<.vi.è.lte le tlto nc. ne .6 e mUa.moltpho.6 e
j a.ma..<..6 en c.a..ünan.

- 266 -
(... )
- Que vou1.ez-vou!l ? Que t'on VOM lLemboUJL6e ?
- Vay BINETA, VOM ne pO.Mé.dez pM de quo-i. nOM
lLemboUJL6~. oa a-t-on vu te t~e o66~ t'ho~­
pUalli~ à. ta. toJt:tiLe ?
- Tu n' U qu'un domuUque, Modu.. VILM. Ta pta.ce
n'ut pM paltnÛ, nOM" (p. 157).
Dans '1 'in~ervention de Yay BINErA, qui va de "El Hadji" •••
jusqu'à liberté", le locuteur bilingue reconnaîtra facilement,
et presque rcot pour IlOt le protooole traditionnel qui cx>nsacre
la procédure de divorce. Yay BINErA fait des allusi'Ons fines à
la virginité de N'CDNE : avec la précision "une fille irmocente".
Et après avoir énuméré les différents- reproches adressés à El
Hadji, Yay BINErA sort la fonnule consacrée: "nous demandons
notre liberté", qui est la traduction du \\'wOlof
'"
('nane sa baat")
littéralerrent "danander sa voix". car, il faut préciser ici que
dans le mariage traditionnel, il suffit à la femœ de dire : je
"demande ma voix" (je demande ma liberté), si le mari répond
"je te la donne", le divorce est conscmné.
Nous relevons également la joute de Yay BINErA et de
Modu, oü nous avons des propos allusifs, et è~s échanges de
proverbes. Nous pouvons relever ainsi cette phrase de Yay BINErA
"Ma.tglL~ ~on tong ~~joUIL da.~ ta. IL.Lv-i.èJLe, te tMnc
ne ~e mé.tamolLpho~e. pM en caiman".
fonnule sarcastique qui sous entend que le xala de El Hadj i a
toujours existé, et qu'il a toujours été impuissant. M::xiu égale-
IOOl1t sait utiliser finement les allusions et les sous-entendus,
ainsi quand il dit :

- 267 -
"VOu.6 .6 emble.z c.ortte. que. c.oûte. plie.ndJr.e votILe.
libelLU., ma...<A e.n 6u.yaYlt. VOu.6 n' ave.z JL.i.e.n lW.6é,
VOu.6 ave.z t.ou:t. empoJt:té J"
il fait notamnent allusion à l'innocence présumée de N'G)NE,
c'est-à-dire sa virginité en fait n'est pas prouvée, et que la
famille Yay BINErA :L'emporte ainsi que les cadeaux offerts par
El Hadji. Mais la réplique de Modu qui porte le plus, c'est le
proverbe qu'il cite à Yay BINErA qui fait allusion à l'éventua-
litê d'un remboursement des biens de El Hadj i :
"Où. a-t-on vu .ta. teJr.m.Ue. o66JtJJr. l' hO.6pi.ta1.li.é a
la. toJt:tue. ?"
et qui, ici fait référence aux origines très nodestes de Yay BINErA.
Il faut préciser que l'image de la tennite est non seulement
attachée "aux forces':de destruction", mais aussi au "parasitisme".
Yay BINErA ne s'y tran;>e pas qui clôt le débat, en soulevant le
problèrre des rapports de place , tardivement du reste : "Tu n'es
qu'un danestique. Ta place n'est pas panni nous".
Nous avons également dans ~, le dialogue qui oppose
Modu et le laveur de voiture ; ce dernier surpris par l'état
dans lequel se trouve la voiture du patron s'écrie :
"PM la. c.un.:tuJte. de. mOIt pèl1..e., Modu tu do-ü> me. paye.l1..
cinq
c.e.nt.6 ol1..a.nc..6 au.jou.JLd' hui. Re.gaJUie. c.ette. .6a.le.té
Che.z lM tubab.6 .tu paye.l1..a.-i..6 de.ux mill.e. 6I1..a.ltC6" (p. 120).
-- Veux c.e.nt.6 611..a.nc..6 J PM Ult c.e.nt.<ine. de. p.t.u6.
( ... )
- Moda, c.I1..tUn.6 Ya..U.a.h J [ ••• )" (p. 120).

- 268 -
Nous avons ici le juron: "par la ceinture de non
.,.,
père" qui est la traduction littérale de "sarna genok baay"
en \\'.'Olof. Et enfin l'expression "Modu crains Yallah" de "Modu
l'agaZaZ YaUah". Ce discours est produit ici par le type même
du locuteur traditionnel. car il s'agit ici d'une profession
souvent exercée par des jeunes paysans qui se trouvent ~ OAKAR.
à la suite de l'exode rural.
Au tel:ma de cette étude sur l'actorialisation, on
peut constater, qu'il ne suffit pas s.ilrplanent de donner un
nan \\'.'Olof au locuteur traditionnel pour en faire un actant de
la palabre, ou de la cœmunication dans la tradition orale,
Il faut ~alezœnt procéder â une stylisation et/ou â une
poétisation de son discours. Chez ~'E, le résultat s'obtient
cemne nous l'avons vu par l'écart lexical, qui se manifeste par
la production des xénismes \\'.'Olofs dans le discours du locuteur
traditionnel par l'écart sémantique et enfin par les marques
rhétoriques.
Nous avons ainsi différentes fonces d'expression de
l'oralité feinte dans le texte. Ce qu'il faut noter c'est l'idéo-
logie et surtout les schémas de rationalité qui accanpagnent
aussi la production de l' oralité feinte. Cela apparaît â travers
la prédcrni.nance de l'isotopie de l' animalité dans VElU-<:IOSANE )
dans le thèJre de la transgression de l'inceste. Dans le MANDAT,
cela apparaît dans la hiérarchie qui est établie au niveau des

- 269 -
sexes, notamnent dans les joutes oratoires. Ainsi quand l-1ety
dit à Baïdy "l' haIrre n'est épouvantail que lorsqu'il n'est que
verbe", elle souscrit à l'idéologie qui fait d'elle un être
inférieur à 1 '1'.œrne.

- 270 -
II.13. L'AUTEUR COMME NARRATEUR QUI PARODIE OU QUI PASTICHE
LE DISCOURS DU LOCUTEUR TRADITIONNEL
13 .1. Imitation, pastiche et parodie
Après 11 étude des différentes nm:ques énonciatives
et sémantiques qui caractérisent la production du discours du
locuteur wolof, Cl est le norrent de décrire la manière dont
lloralité feinte est produite à travers une narration direc-
teIœnt assumée par llauteur qui joue lui-mêrœ le rôle de
m:meur de récit.
LI oralité feinte se produit carme processus de
styUsation (1), représentation codre, conventionnelle de la
tradition orale. Elle apparaît aussi sous la fonœ de la
parodie et/ou du pastiche, ou simplement de "lI imitation".
Il slagit ici de différentes rroc1alités "dlimitation" de la
pratique narrative du griot et/ou du récitant, ou simplement
du locuteur wolof, qui produisent des effets de sens multiples
dans le 'texte.
(1) "La td.ywa.,t,[on .6'e.XeAc.e. daM le. .6e.M du :tâ.c.hu que. l'aute.uJt
~, ut ,M.6..i.gnéu, ma.-W e.n lu maJr-.quaY'..t de. c.onve.YLÜ.on. Ve. même.
te. ILéc.U du nallJULte.uJt, e.n ILé 6ILac.ta.nt le. du.6 un de. t' aute.uJt,
ne. .6' éc.aJvte. pM de. .6on pMplte. c.hem..i.n et lle. ILéallie. daM du
ac.c.e.n.t.6
et du to naU.té.6 peJtf., 0 nne.Uu. La pe.M ée de. l' aute.uJt
en péné:tJl..a.nt, e.n.6' ..i.M.ta.U.ant daM le mot d' a..u..ttu..U, .e' ac.c.om-
pagne. e.n .6u..tvant la même. CÜJte.c.:Uon, .6e. c.onte.n.ta.nt de. Ile.nd!te.
c.efte. deJlJuèJte. c.onve.nti.oJ1ne..l.le.." BAKHI'n-Œ, in La Poétique de
OOS'TOIEVSKI, op. cit., p. 252.

- 271 -
Avant d'aborder ces questions, il ne serait peut-être
pas inutile de préciser le sens des rcots parodie et pastiche.
Le concept de parodie recouvre souvent des sens et des
utilisations de type très varié, canTe le relève loi. BAKHI'INE :
"Le mot paILocüe pe.ut donc êtlte emêmement vaJL.i.é.
On pe.ut palLOcüVt le ~,.tyle d' au.tJtu.,[ en :ta.nt que
~,.tyle, ou b-Le.n la. man.ièJte hoc.ia.le ou CltJtac.téJwlog,[que
~ -Lncüv-Ldu.elte de vo.iJt, de pen6 Vt, de paJr.i..Vt.
PaIL tUlle.I.l/L4, la. paILocüe peu..t êtlte pluf.. ou mo-Ln6
pJt060nde : on peu..t h' en pJtendJte ~.ünplement aux
60JUnU d' expJtuh-LOYI. vVtbale, hupVt6-Luillu, ou
au. colWULUte aux pJt.inc.ipu lu plM -Lntimu du.
mot d'a.u..tJtu.,[. En6uile le mot paILocüque lu.,[-même
pe.I.l..t êtlte u.tiU6 é cü6 6éltemment paIL l' o.u..teu.Jt :
l i peu..t 60JUnVt un but en ~o-L (la. palLOcüe f..U;té-
Jr1JJ.JLe en .ta.n.t que geMe paIL exemple), ma...U éga.le-
ment ~Vtv.iJt à. d'a.u..tJtu 6w pOhilivu (c6. le
htyle paILocüque de l'lvti.Atote, de Pouchk.ine ••• ).
Ma.U dan6 toutu lu pOh~-LbUilu, on Jtwouve
une cOn6:ta.nte : l'oJt.ienta..t.ion de l'o.u..teu.Jt ~Ioppo~e
a cille d' a.u..tJtu..i, a.lolLh qu1 eUe lu.,[ ut commune
da.n6 la ~tywa.:tion, le JtécU et d' a.u..tJtu 60JUnu
ana..toguu"
(1).
Mais des différents sens du rrot parodie, celui qui
sera retenu ici, c'est la pal."Odie cœme imitation de l'énonciation
d'autrui, mais clans une visée subversive voire destructrice.
La parodie se rapproche ici du discotU"s ironique :
"Le mot palLOcüque pJté6ente une a.nal.og-Le avec le
mot .iJton.ique ou avec tout mot d' a.u..tJtu..i employé
a double ~en6 pOM exp1umVt du oJt.iento..t..i..on6
qu..i lu.,[ ~ont ho~W.eA. Van6 la. la.ngue cCMa..n-te,
ce.t.te u..tU~a.:tiOYl. du. mot d'a..u;tJuU ut emêmement
Jtépa.ltdue, ~u.Jt.tou;t dan6 le cüa.logue où. un .intVt-
la
cu..teuJL Jtépète f..U;téMtem ent l' a66.iJtma.:tio n de
(1) Cf. La Poétique de OOSTOEVSKI, op. cit. p. 253.

- 272 -
l'~e, en lui con6é4ant une val~ nouvelle,
l' accentuant à. .6a 6açon : exptUma.nt le dou.t.e.,
l' .(JtcUgn.a.ti.on, l' .iJz.onie, la. Jr.Lt.U1.eJUe, le peJL-
.6.i6la.ge, ete." (1).
Quant au te:cre pastiche, il est souvent utilisé en
littérature, pour désigner l'imitation d'un s~yle, ou d'une
manière de penser d' un écrivain ccm:ne le définit le Littré :
"TeJtme de UftéJc.a.:tuJLe. OuvJtage ou. l'on a J..m.Ué
lu .idéu et le .6:tyle d'un glLa.nd éClÜva..in" (2) •
Le sens de pastiche se rapproche ici de celui que B..2\\KHl'nm dorme
à parodie ccmne genre littéraire. Ici, le tenre pastiche sera
enployé pour désigner l' imitation par l'auteur de la pratique
narrative du griot et/ou du récitant de la tradition orale. car
cette imitation, contraire.rcent à celle qui se produit dans la
parodie ou le discours ironique, permet à l'auteur de s' iden-
tifier au griot et/ou au récitant. C'est ce sens de pastiche
qui sera retenu ici.
Par oonséquent, imitation, pastiche et parodie de
l' oralité par l' auteur-narrateur, car;x>rtent des aspects et
des fonnes énonciatives c:xxrplexes qu'il convient de distinguer
et de recenser pour mieux cc:rcprendre leur fonctionnexœnt
(1) Id. p. 253.
(2) Cf. Littré, p. 1533, Gallimard Hachette, 1971.
/

- 273 -
13.2. L'oralitê feinte carme pastiche du griot et/ou du récitant
2.1. Les in'plications pragmatiques de cette pratique diseursive
ce phênanène se manifeste dans des séquences oü l'auteur
adopte une pratique narrative spécifique au griot et/ou au réci-
tant de la tradition orale. Et partant, agit ocmne s'il s'adres-
sait à un auditoire. Il se produit ainsi
la mise à contribution
de certaines conventions narratives et de certains schanas prag-
matiques de la tradition orale. Cette stratégie appliquée dans
une nouvelle
n'est cependant pas sans risque, car elle engendre
des ambiguïtés au niveau de la réception, en l'occurrence chez
un lecteur bilingue bien
au fait de la tradition orale. C'est
dans une nouvelle ocmne VEHI-cIOSANE, que cela apparaît nette1œnt.
Si nous considêrons par exemple cette séquence hors-
texte, qui ouvre la nouvelle :
"Il tUtU pO.Jr.o0-il, da.M lu plM ~.unplu 6amLUu,
du humblu c.ommun.a.u..té6, un en6a.n.t qt..U, en gJta.n-
fu.6a.n.t, élève .6on nom, le nom de .6on pèlL2., de
.6a. mèlLe, de .toute .6a. 6amille, de.6a. c.ommurta.Uté,
de .6a. .tJvi..bu ; plu!> encolLe pO.Jr. .6 U .tILa.vaux., i l
ennoblit l'HOMME.
PlM 6ILéquemme.n.t v-le..,.,t au mo nde, da.M lu c.om-
muna.u.té.6 de c.a.6.tu cü:tu .6UpWe.u.lLU, de pa.6.6é
g.toJUe.t.t.x., un eI16a.n.t qu,,[, paJt .6a. c.ondt..U.te, .te.ILn-t.t
.tout l' hé!LU:a.g e de .6 011 pa.6.6 é, blu.6 e l' ho nnête
HOMME de pa..6.6a.ge, éc.la.bouMe même la. d-lgn-t.té
de l' -lnd-i.vidu.e.l d-i.ambUlL- cUarnbUJL" (p. 13).
Cette séquence qui apparaît dès le début, se ce:rrp::>rte
ocmne une citation, mais n'Em p::>rte aucune des marques (pas de

- 274 -
guillerets). On est donc logiqu~...rœnt porté à attribuer ce discours
a l ' auteur lui-mârœ. Mais cette séquence est réenchâssée dans la
diêgèse, Ïnais cette fois-ci elle apparatt dans la bouche dl un
personnage, carme parole citée et plus précisérent carme "parole
du sage". C'est N'OONE WAR THIANDUM qui cite et c'est l'auteur-
narrateur qui souligne qu 1 il s'agit des "paroles du sage".
Ce qu 1il faut souligner, c'est que cette séquence ne
figure pas là par le seul fait du hasard, car à la manière d'un
"effet d' ananorphose", il réfracte l'éthique qui se dégage de la
nouvelle. De ce fait, elle fonctionne carme ces proverbes,
maximes ou sentences qui, placés au début ou à la fin d'un conte
ou d'une fable en résument le contenu l'COral et idéologique. Mais
est-ce à dire que VEHI-CIOSANE, est un conte ou une fable, ou
même une nouvelle ?
Dès qu'on aborde la préface de la nouvelle, le doute
n'est plus ~s :
"PeJL.6onne.U.emen;t, je ne peux pCUI CÜJte commeYl:t
débuta cette ~to~e•. C'~t toujo~ avec
pJt.UeYlÜon - poi..nt de vue. peJL.6onnel·· qu'on pen6 e
déceieJL l' oJUgi..ne d'un dJtame de cet o!tdJr.e.
Je .6aAA qu.e tu 1.'1...6 VEHE...
(B.e.a.nche.l. Peut-êtlte
quand ton âge d'aiieJL a l'école ~v~ta, tnouveJLCUI-
tu une piace, et p.iu6 taJui. plLencllut6-tu conM1...6-
.6MCe de c~ Ugn~" (p. 17).
Si nous procédons à une CCIIq?a.raison de la séquence
précédente à celle-ci, c'est-à-dire cet aveu de l'auteur êgale-
ment placé hors-texte, nous pouvons constater les faits suivants.

- 275 -
Alors que la première sêquence, placée sous le signe
des "paroles du sage", simule une convention narrative spéci-
fique au griot et un schéna pragmatique propre à l'oralité (au
conte ou à la fable), nous passons à la préface -qui toujours
s'adresse directement aux lecteurs. Et nous sanmes de ce fait
placés devant une convention pragmatique spécifique au discours
êcrit (à la fiction littéraire occidentale) •
Ainsi, dès le départ, le texte prend la foll'l\\e d'un
conte ou d'une fable et tout de suite après nous place dans la
situation où nous sannes obligés de le considérer ocmœ une
histoire vraie, un récit vécu sous la fonne d'un fait divers
qui a réellement eu lieu à SANfHIU-NIAYE, et dont certains
protagonistes came VEHE, sont encore vivants.
La préface lève donc -provisoirement seulement ocmœ
nous le verrons plus loin-l'ambiguïtê sur le genre même du
récit : ambiguïté fable ou conte / récit réel.
Mais dès la fin du texte, nous trouvons une conclusion
qui provoque de nouveau une ambiguïté sur le genre même du récit
"Et .b-i.. un joWL, i l VOLUl o.Jr.JUve d' CLUeJt da.YL6 te
NIAYE et da.YL6 te vill.age de SANTHIU-NIAYE,- ne
teuJL pO.bez pCt6 de quUWYL6. Ve mo-i.., 1.11:, :V.OLUl
cUJr..otvt peu.t-UJte : i l ut veYlLL un.e 6oJA. tette
un.-i..que 60JA me .bu66U" (p. 109).
Avec cette conclusion, l'ambiguïté fable/récit réel
qui semblait être levée par la préface refait surface, si nous

- 276 -
èbnnons de cette s~ence une lecture qui obêit aux o:x3es et
aux conventions culturels locaux. D'ailleurs, il faut préciser
que le fait que l' histoire racontée soit réelle ou imaginaire
n'a aucune espèce d' iIrportance ici. Par contre ce qui est
fonc1aIœntal, ce sont les effets induits sur la réception du
texte par l' arralgarne ou l' interfêrence de contrats de véridic-
tion (1) de nature et d'origine forts différents. C'est ainsi
que la transposition d'une convention pragmatique, d'un contrat
de véridiction spécifique à l' oralité peut ~squer ou se trouver
en porte à faux par rapport aux intentions de cœmunication de
l'auteur. Et c'est ce qui se manifeste avec la conclusion citée
ici : car celle-ci rappelle à maints égards, la manière àont
on conclut certaines histoires drôles qui animent les veillées
sénégalaises. Des histoires où l'on se pla1t d'ailleurs à
entretenir l'ambiguIté entre récit .unaginaire et récit réel.
Mais cela s'intègre dans le cadre des conventions pragmatiques
du genre, d'un contrat de véridiction. Ainsi, quand un récitant
tetmine son histoire par une fonnule rituelle telle que :
"e' u.t à. ce moment pltéc.h, de l'événement que j' cU
qtUt.:té lu lieux".
(1) "Un.tel contJr.a.:t 6iduc.icWr.e pe.u.t me cU:t énonc.i6 do.no la.
muWle 0 u. il .6 '.ou, cJiU. à. l' in;téJt.<.ewr. _du. cLU couJL6 - éno ncé et
polLte .6WL lu vo.leuJL6 pJLa.gmo.tiquu. Il.6 e mo.n.<.6 u.te .tout o.u.6.6i
bien au
n.<.veo.u de la. .6btu.c..tWLe de l'énoncia.:U.on et .6e pJLé.6ente
o.lOJL6 comme un contJr.a.:t éYl.oYl.uo.ti6 (~ •• l, ou comme contJr.a.:t de
véJt.<.dic.;tlon, du 6a..U qu 'll v.<..6e à étabUlt une conve.ntion
ôl..dû.c.la»te entlte l' énonûa..teuJ!. et l'énonc..<.a..tabte poJL.ta.nt .6WL
le .6ta.tu:t véJt.<.dic.:tobte (.6WL le cLUte vJutil du d.<..&cou.J1.-6 énoncé",
GREIMAS, in SEMIarIQJE, dictiormaire raisonné de la théorie
du langage, op. cit. p. 71.

- 277 -
en laissant
entendre qu'il êtait têrroin de l'histoire narrée,
on sait dans l' auditoire que l' histoire est tenninée. Cela se
passe souvent dans des micro-m::x1èles narratifs appelês ''mayê''
(littêralaœnt Iloffrir ll mais qu'on peut ocmparer à des genres
populaires et hunoristiques ccmne Illes bien bonnesIl. Ainsi
personne n'est dupe dans l'auditoire, car il s'agit d'un '!faire
croire" spécifique à ce nodèle ethno-littéraire et sœme toute
oonventionnel.
cependant, consciemœnt ou mn, SEMBENE fait usage dés
mêmes nodèles narratifs et pragmatiques, quand il écrit avec une
certaine dêsinvolture et un certain hunour =
"Si. u.n joUA, i l VOu..6 aNtive d'a1i.eJt dan6 le NIAYE
et dan6 le village de SANTHIU-NIAYE, ne leuJL po~ez
po..!> de qu.utio n6" •
assertion qui s~ situe dans un cadre extra-diêgétique en ce
qu'elle interpelle directeIœnt le lecteur.
Nous allons aborder maintenant les problèmes p::>sês Par
le pastiche cœme imitation du style et de la manière de narrer
du griot et du locuteur traditionnel. Deux aspects peuvent être
distingués ici :
- Le pastiche came narration mimée du griot et/ou du
rêcitant.
- Et le pastiche ccmne narration mimée du discours de l'opinion
cœmune. Dans ce dernier cas, nous parlE>.rons surtout d' irni.tation
ou de fait de stylisation dans le sens cil l'entend BAKHI'INE.

- 278 -
mais le prob1èrœ qui se pose ici est assez ClCII'q?lexe ccmœ nous
le verrons plus loin.
13.3. Le pastiche ccmne narration mimée du griot
Ce type de narration, ne se manifeste pratiquement
que dans VEHI-eIOSANE, oil il faut le souligner, l'auteur s' ins-
pire de certaines techniques narratives de Birago DIOP. Le
pastiche apparaIt ici par le style grandiloquent et quelque
peu solennel par lequel l'auteur détellnine le cadre culturel
et socio-historique du ranan :
"Aw,~.i long:temp~ qu'on "duc.e.nd" ou que. .t'on
lLemonte. pOuJL ~'a.ppMc.heJr. de. no~ a.nc.mu, du
:temp~ de. no~ gJta.nd6-par..e.n.t6 -~a.n6 oubUeJr. lu
w-U ~.ièc..e.u de. pJutÜ.qu.e. néglU~ILe., plM u.n
~.ièc..e.e. de. c.olon-Wa-tion- U n' y eu jama..L6 de.
ma-Uon en ~ danh le. NIAYE~ (p. 22).
Nous notons ici une première oonstatation : c'est que
le narrateur dissout sa subjectivité dans celle de la ccmnunauté
culturelle, avec l'utilisation des pronans "on" et "nous", qui
àans ce oontexte ont le même dénoté. Or ce qui. caractérise la
narration dans le récit de la tradition orale, c'est souvent
l'absence d'un "je". Cela pour la si.ITp1e raison que nous avons
affaire a un patrinoine collectif.
Ensuite nous avons la référence a "nos ancêtres"
et à "nos grands-parents" qui présentent ici la traduction
\\'J01of de rr sunu maamyi ak
Bunu maamati macunyi". D'autre part
nous relevons également des expressions telles que "aussi loin

- 279 -
que lion "rem:>~te" ou que l'on "descend'"' ou les tenœs "re-
It'Onter" et "descendre" apparaissent dans le texte avec des
guillarets. ce qui prouve que nous avons affaire à la citation
de It'Ots wolofs tels que "Z.oo yeega yeeg" et "Z.oo waoa waa".
Il Y a enfin la manière dont on déteJ:mine une époque révolue
en se référant à l'inexistence "de maison en dur". LI ensemble
de ces indicateurs ne traduit pas seulement l'imitation d'une
pratique narrative, mais aussi tout un schêna de pensée et de
rationalité spécifique à la tradition orale.
Nous relevons toutefois dans cette séquence, 1 'in-
cursion d'un "je", lorsque l' auteur fait notamnent allusion
à la traite des ooirs et à la colonisation, dans une phrase
incise contenue dans les tirets : "-sans oublier les trois
siêcles de pratique négriêre, plus un siêcle de colonisation-".
Ceci It'Ontre que le pastiche, la narration mimée, nt apparaît
jamais d'une manière continue à l'i.ntérieur d'une séquence,
elle peut souvent être altérée, coupée par une énOnciation
étrangère à l'oralité. De plus, elle ne se manifeste que de
maniêre épisodique, c'est pour cela que la séquence qui le
contient, présente souvent ce que M. EAKHTINE appelle les
constructions hybrides :
"Nou.o quaU.6.<.on6 de c.OYl1J:tJr.uc;ti.CH'l. hybJtide, un
lnonc.é ([tU d' apJLè.6 te..6 '<'nd.<.c.e..6 gJtamma.:U.c.au.x
(.6yntay~que..6) et c.ompo.6~onne.t6 a.ppa.JLtient
au. .6e.u.t loc.uteuJL, ma-U où. .6e c.ott6ottdent en
JLéa1J.;té deux éttottc.é.6, deux ma.u.èlt.e..6 de pMle.JL,
deux .6:tyte..6, "deux. tangue..6" de.u.x peJL6 pemveo
/'

l
- 281 -
nous avons eu l'occasion de le souligner d'ailleurs dans notre
étude de la spatialisation. Dans la manière de déterminer le
tenps et l'espace, l'auteur procède souvent à un pastiche du
discours traditionnel.
Quant à la deuxière séquence, tout le discours
procède d'un pastiche du griot et/ou du récitant à l'exception
de cette restriction : "- si draxœ il y a - ", une phrase incise
contenue dans des tirets oü, une fois de plus nous notons l' in-
cursion de la subjectivité de l'auteur, alors que la détenni.-
nation chronologique de l'éPOque s'effectue par référence
à des pratiques culturales et culturelles. Ainsi, l'absence
de repères chronologiques aussi précis que les dates, est
spécifique de l'oralité. D'autre part, l'utilisation de nots
wolofs qui, dans l'usage courant peuvent être oonsidérés
ocmne recherchés, traduit ici une érudition spécifique des
professionnels du discours. C'est le cas par exerrple du not
"sahhe" [sag] , qu'on peut trouver à la rigueur dans la bouche
des paysans sénégalais car il s'agit d'un not qui appartient
au chaItp sétrantique de la culture. Nous pouvons aussi relever
l'expression "navet après navet" traduction littérale de
"hivemage après hivemage ", oü l'on note le souci de respecter
le rythrre de la phrase \\>.Olof "navet ha navet". On pourrait
certai.nem::mt spéculer sur les aspects du pastiche qui se rapportent
à la scansion des phrases, leur ryt.hrre ou leur mélodie, mais à la
suite d'une transposition et d'une traduction, ces différents indices

- 280 -
~lmanüquu et .6oe-i.ologiquu" (1) •.
ConSidérons maintenant cette séquence de VEHI-CIOSANE,
et essayons de voir carmant s'opère l'interférence des "voix",
l'amalgame des énonciations, celle de l'auteur et celle du griot
et/ou du récitant:
"SANTHIU-NIAYE où. .6e déJlOule ItObr.e fU4tobc.e,
ne cU66étLetU en Jt-i.en dei> a.ubr.u hameaux; SANTHIU-
NIAYE n' ~ paiJ a.nnuilleJnen:t c.e.:tte pltoc.eMion
de rrU.LU.eItJ.> de .6 énéga..e.a.i..6 .6 e Itenda.nt lu nll..t..6ulma.n.6
a TUBA, a N'VIASIANE, lu c.hJtWen.6 a POPENKINE
etc.." (p. 22).
ou encore
"Ava.nt nobr.e dltame -.6i dJr.a.me U tj a- SANTHIU-NIAYE
a.vetU vu .6on lioUe bltUleJL, .6on po~ ba.:tbr.e de
la v.u:a..e.li:é du teJnp.6 de no.6 pèltelJ, même de no.6
a.JtJLi..è/te- glUlncU - pa.Jtent6, du temp.6 cù. le sahhe •••
(gILen.i.eJL-éc.onoma.:t) .6eJLvaJ...t d'épa.Jtgne à la. 6arn.U.le,
c.haqu.e 6a.mille avetU .6 U c.hamp.6 ; mlÜ6, mU , a.Jta.-
c.h.i.du, ma.nioc., pa.:ta:tu. SOU.6 la.
pénomblte de la.
c.a..6e du ma.UJtu, le sahhe, oltgue.U de la. 6o.mili.e,
~ lu ltega.JtcU .6e.lon .6a. c.a.pa.c..Ué.
Maintenant, -nobr.e temp.6- tille une c.a..ta.mUé, année
pa.Jt a.nnée, lu b.lt.alJ vaLidu .6' en a..U.a.i..ent tenteJL
6oJt:tune
da.n.6 lu c..Ué..6 UJLba..i.nu, où..6 e.lon toute.
appa.Jtenc.e, la. vie .6 embletU p.t.u,~ 6ae-i.te. AU.6.6i
navet apJtè.6 navet, lu ltéc.oUu .6' ama..i.gW.6a..i.ent"
(po 23) 0
Dans la première séquence, ce qui est spécifique de la
narration mimée se manifeste dans le style employé pour circons-
crire SANI'HIU-NIAYE, le cadre où prend place le réeit et notamnent
dans l'énumération des lieux trad!tionnels de pélerinage, ocmœ
(1) Cf 0 ESTm."TI~E El' THroRIE DU roMA..~, op. citop. 1250

- 282 -
supra-segmentaux s'avèrent extreêrœ.rœnt minces et fort al~atoires
ccrcma· traits pertinents.
Nous allons passer maintenant à l'étude de l' imitation
cxmœ phénomène de stylisation clest-à-dire représentation cxx1~,
conventionnelle. Cette situation fort cx:4'Cplexe se manifeste sur-
tout lorsque 11 auteur imite le disoours du locuteur traditionnel,
mais ici du locuteur wolof noyen.
13.4. L' imitation du locuteur wolof par 11 auteur : le disoours
auto-r~flexif
Le problène qui se pose ici est le suivant :
- Pour détenniner le disoours du locuteur wolof, 11 auteur
élabore des oonventions et des codes de représentation qui ap-
paraissent par la manifestation de diff~rentes marques. Panni
celles-ci, nous avons surtout relevé par exe."Tple le xénisme
w:>lof. Pour imiter le locuteur wolof, 11 auteur ne dispose
de rien dlautre que de ce code de repr~sentation ~laboré par ses
soins. Clest pour cette raison que l'imitation du locuteur
trad!tionnel prend en quelque sorte les traits dl un disoours
auto-r~flexif, car 11 auteur se contente de liciter", de r~péter
ses propres codes de repr~sentation, la stylisation du disoours
du locuteur wolof. Cela apparaît par exemple dans la manière
d::>nt la spatialisation et la tempJralisation sont détenninêes
dans le texte, car ici llauteur procède exacterrent cœme le

- 283 -
locuteur \\\\Olof dans le teXte. Nous avons déjà cité des exemples
de ce genre, nous nous contenterons donc de fournir d'autres
types d'exemples :
Ainsi dans le MANDAT, nous pouvons lire par exerrple :
"En JU!.n:tILa.nt c.hez R..u1., VIENG .tJtouva ~a '&OeuJ[. tÜnée
1Ulvinée pM le ,mboyeu (l'a..U.zé) du c.a.yoJr., lu yeux
JUJM~~" (p. 43).
ou encore
"Ve l' ombJr.e, une ~illouette 6an.tôma.ti.que ~LLlr.g,u
NOGOr BINETA, dlutpée da~ ~on pagne, le c.oJr.p~
a6 6~~ é. EUe é:to.U en c.ompag nie de l'un de
~u pe.t..U:.6-6ili, un gCVLç.onnd de neu6 a~. EUe
~e Jr.encLa...u c.hez IbMfUma VIENG (c.on.tJuuAement à.
.toM e.U.e n'MaU du sauta -nom de 6a.m.iUe- que
da~ lu C.M c.éJl.émonieux" (p. 115).
A la fin de VEHI-croSANE par exemple on peut relever l'indication
de la date à laquelle s'est achevée la rêdaction du texte
"Ndafuttc.U.-Gamu 1965 Il •
. Dans~, on peut relever ce passage
"El Hadji Abdou KadeJr. BEYE avaU c.o~uLté un :ta4
de face-kat (1), c.hac.un avaU pJr.OduU ~on oJr.don-
. na.nc.e. On l' o.igni.t de. safara (2), on iu..i en 6,u
bobLe ; on R..u1. donna. du xatim (3) qu'il devili
pOIlX.eJr. a.utoLLlr. du Jr.eJ.~ c.omme. 6é:Uc.heA ; on le
R..a.va du onguent6 ; on ex-Lgea. de R..u1. qu'il égoJr.-
gea. un c.oq Jr.Ouge~ (p. 66).
Les rcots sont ainsi traduits dans le texte par l'auteur :
(1) face-kat : "guérisseur".
(2) safara : "breuvage que le guérisseur obtient par lavage des
versets du coran inscrits sur les aUuba (planchettes en bois) ".
(3) xatim : "prononcer hâtim" : écriture ésotérique.

- 284 -
- On peut nUl1.tiplier ici les exenples, ce qu'il faut noter
c' est que la production du xénisrre "-Olof, signale d'emblée ce
locuteur dans le texte. Or le rrêrne procédé qui est utilisé pour
représenter le discours du locuteur "-Olof est celui-là mêrœ qui
sert à l'imitation de son discours par l'auteur. C'est ce qui
apparaIt par ailleurs dans 11 utilisation du· transcodage s~-
tique, où les nots français s'écartent de leur sens originel
du fait de leur traduction littérale en "-Olof. Il èn est ainsi
par exarp1e de l'utilisation métaphorique d'll lTOt "travai]''' qui
vient du "-Olof "Ligey". Dans le registre sénantique de la sorce1-
lerie, il signifie "jeter ou guérir un sort". Il est courant
d'entendre les "-Olofs dire "on mla travaillé" pour signifier
lion m'a jeté un sort". Ce IlOt nous le trouvons dans ~, quand
l'auteur écrit:
"MY.6üque eJr.mU.e le seet-kat é;ta.,U a.uJtéolé d'un
JLenom. Son "travai]''' .6 éJUeux. dépcu.6tU...t lu u.mu:u
de la. zone" (p. 82).
- On relève aussi un rrot ccmne "rapides", un emprunt du
\\«)lof au français, mais qui désignent les mini-bus qui fonction-
nent ccmre transports en exmnUll à DAKAR :
"A la. .6aUon-dépaJLt de.6 rapides, VIENG .6e 6U
, 6tWz.e de la. monnaie" (p. 143).
le MANDAT.
Dans XALA, nous avons un exerrp1e où l'auteur tente de
reproduire dans la structure syntaxique du français la traduction

- 285 -
littérale du verbe ~lof lise regarder" -"xoLante"- ce qui Cbnne
naissance â une néologie de "fonœ", c'est-à-dire qui affecte
la struct~ rro:rphosyntaxique du verbe :
"Yay BINErA 6Jta.ppa à. fu poitte. PM de Jr.épotUe.
EUe Jr.écùU.va. Rie.n.•• tu deux. 6emmu ".6' en.tJr.e-
Jr.egMdèJr.ent" (p. 44).
"s'entre-regardèrent" n'est qu'un noologisme produit
par la traduction littérale de "xolante" qui signifie se regar-
der avec une certaine expressivitê, une certaine connivence, avec
l'intention de carmuniquer.
Le pastiche du griot et/ou du rêcitant et l'imitation
du discours du locuteur traditionnel que nous avons examinês
jusqu'ici n'ont manifesterrent aucune visêe dévalorisante, bien
au oontraire :
Pour ce qui est de la narration m:iInêe du griot et/ou
du récitant, il s'agit jjrpliciteIœnt de prœouvoir l'oralitê
ocmœ valeur culturelle. C'est ce qui apparalt êgalerœnt dans
la production du xéni.sme ~lof dans le discours de l'auteur,
mais cette fois-ci avec l'intention délibêrœ de prorrouvoir le
't.Olof.
Ce qui se passe ici, c'est que l'auteur s'identifie
aussi bien au griot qu'au locuteur \\-K)lof. Faut-il voir dans Ce
fait l'intention d'inscrire dans le' texte son identité linguis-
tique et ethnique ? La question rnérite d'être posée.
Nous allons passer maintenant â l'êtude de l'oralité
feinte carree parodie.

- 286 -
13.5. Etude de l' oralité feinte ccmne disoours parodique
Nous allons examiner ici, une parodie où le discours
de l'opinion c:anmune est mimé, mais pour mieux être détruit
cxmne cliché ou idéologèrœ , et cela Par la mise en place des
procédés traditionnels du discours subversif, avec l'utilisation
subtile de processus de distanciation, se manifestant sous les
traits de l'ironie et de l' hyperlx>le. Ici, également, nous
distinguons l'existence d'une bivocalité (1). celle-ci se
manifeste notamœnt quand l'auteur jette lU1 regard critique
sur le canporteIœnt, le disoours ou l'idéologie du personnage.
Considérons A cet égard cet1;:.e description du destin de Yay BINErA
dans XALA
-
"Yay BINErA Ua).;t poWL6ul.vie pM la. gul.gne aygaaf.
EUe avaLt a .6on ac.U6 deux veuvQfjU : deux m0JL.i.6
enteJVl.é.6 / et.6 do n .ta 1tUme.uJt du :tJta.dJ..ûonn.i.6tu ,
eU..e .6e dev!ttU.;t de 6a.bt.e .6on plun de molLt6 : une
t:JLo.i.6i~me vic.ti.me. Auc.un homme ne .6 e pJté.6 enta de
c.Jr.a.,(,nte d' me la. pMc.ha.ine plLoie. OIL, dan.6 c.e
rn.i..U,eu, c.e c.ap ne .6 e olLan.c.h.i:t pOLtlL une 6emme. que t:JLè.6
lLalLement. VévolLe.u..6e d'hommu, inc.MnaUon d'une
molL:t a.n:t.ic..ipée, lu hommu la. ouyaient et lu
6emmu mOJL.iéu de .6on âge plLé6é.JLa..ient divolLc.eIL
que d' me veuvu a .6M c.ôté.6 a c.a.u.6e de .6on
aygaaf" (p. 54).
(1) "Le polyUngu.i.6me, dit BAKHTINE, 1.n:tILodul.:t clan.6 le Mman
(queU..u que .6oient lu 60lLmu de .6on in:tILoduc.Uonl, c.' ut le
CÜ6C.OWL6 d'a.u:tlLul. dan.6 le la.ngage d'a.u:tJtu...i, .6e1LVa.n:t a lLêôlLac-
telL li explLu.6ion du intenUon.6 de l'auteLt!L. Ce. fuC.OWL6 o66ILe
.ta .6.ingulaJr1..:té d' me bivoc.a.l. Il.6e/L:t -6imui.:ta.né.rnent a deux
loc.u:te.u.1L.6 et explÛ.me deux .Ùt-teYl.t.[on.6 di66é1Lentu : c.eU..e dilLec.:te
du peJL.6onnage qu-<. paille, et c.ei.le -lLé61Lac.:tée- de l'au.:t.e.uJt.
PMm fu C.OWL6 c.o n:t.ient deux voix, deux .6 el1..6, deux explLu.6ion.6.
Elt out:JLe lu deux voix .6ont d.ia..e.ogiqueme.n.t c.olLlLei.a:téu, comme
~i e.llu .6 e c.onna.i.6.6aient l'une l'a.u.:C'te (c.omme deux lLépl.ique6
d'un dialo
9ue .6 e co1tna.i.6.6 ent et .6 e c.o n6:t!LLt.i.6 ent dan.6 c.efte
c.oltlta.i.6.6anc.e.l, comme .61. illu c.onvelL.6aient en.6e.mble", in
!§.'l'HEI'IQJE El' THFJJRIE DU ROMAN, op. cit., p. 145 (c'est- nous
qui soulignons).

-287 -
La visée de l'auteur, c'est surtout de dormer à con-
prendre le persormage de Yay BINErA, à travers la malédiction
qui s'attache à son destin : le "aygaaf". Or, l,X)ur ce faire,
mus avons une· argumentation qui s'appuie sur un mythe très
rêpandu dans l'opinion ccmnune, sur les femres qui sont censées
porter malheur aux hcmnes qui les é:[X>usent, qui sont "l' incar-
nation d'une oort anticipée" oc:mne le dit bien l'auteur. Mais
la démarche narrative de l'auteur est si subversive qu'elle
dêtruit l'idéologie attachée à ce mythe et au discours qui le
produit. On rote ainsi que l'explication du "aygaaf" n'est pas
directaœnt assumée par l'auteur, nous avons dl ailleurs une
oonfinna.tion dans cette remarque entachée de mépris : "Or dans
ce milieu là ••• ". Toutes ces précisions ne sont pas dormées
sans ironie. Mais c'est surtout dans la phrase qui suit que se
manifeste effectivarent la parodie, car l'auteur prend direc-
tement en charge le discours de 1 1opinion earmune mais dans un
seris très ironique, et cela par l'utilisation intentiormelle
de l'exagération par la production d'une série d'images hyper-
boliques : "Dévoreuse d'ham'es", "incarnation d'une oort anti-
cipée" qui sont toutes des expressions reprises presque lit-
téralement. Un tel procêdé discursif après le processus de
démarcation relevée plus haut, relève de llanti-phrase. Ainsi
dans le cadre dl un seul énoncé, produit par le mêrre locuteur,
on distingue deux "voix", deux "énonciations", celle de l'opinion
ocmnune et la critique que l'auteur :[X>rte là-dessus par 11 inter-
mêdiaire du discours ironique.

- 288 -
Nous retrouvons égalerœnt ce procêdé dans le MANDAT.
Ici, pour expliquer l'attitude passive, fataliste et résignée
de Ibrahima DIENG, face aux malheurs qui l'assaillent, l'auteur
se sert de l'aJ::gU1leIltation traditionnellanent véhiculée dans
l'opinion oc::mmme, mais d'une manière parodique. Deux "voix"
se rrêlent alors, celle de l'auteur et celle de DIENG, et cela
d'autant plus que nous assistons souvent il la mise en oeuvre
du style indirect libre :
"Il 6a.ut complLe.ndAe. IbILalUma VIENG, concU..tionn~
pM du ann~e.6 de. .6oUltUA.6-ton htCOl1.6ue.nte., il
6uya.-U: .tau.:t acte. pouvan;t fu-i.. polLteJt plt~jud-i..ce.,
ta.nt phY.6-tque. QUe. moJtal. Le. coup de. pO-tng ILe.ç.U
au ne.z, éta.it un att~-YaZZah : une. volon;t~ de.
VI EU. L'lVLg e.nt peJtdu a.u.6.6L Il u:a.u éeJvU: que.
ce. n'u:a.u pM fu-i.. qtU le. d~pe.Yl.6eJta..U, pe.Yl.6a-U-
il. Si. la. ma.lhonnê,te.,t~ .6e.mbla..U: l'e.mpolLteJt .6e1.cn
tou.:te.
vJt.a...i...6 embla.nce., c' Uali:. l' 0 e.uvILe. du te.mp.6,
non ce..l.u-i.. de. Yail.o.h. Ce. te.mp.6 qui. .6 e. ILe.6U.6a.-U:
de. .6e. con6oJuneJt à. l'anUque. tlLa.cU-ti.on. Ib!La.h.Una
VIENG, po~t e.66aceJt .6on fug~on, -tnvoqua.-U:
la. .tau.:te.-ptU.6.6ance.
de. Ya.lla.h : c' U;a..,U aUM,{.
un ILe.6uge. ce. Ya.lla.h" (p. 166).
Dans cette séquence, nous avons un exemple pariait
de mélange ,et d'amalgame des "voix". ~otons toutefois que, dès
le dêbut, on discerne Pariaiterrent la voix de l'auteur dans :
"Il faut ca:rprendre Ibrahima DIENG... physique et noral". Mais
la phrase qui' suit tout de suite après l'explication du can-
porteIœnt de DIENG est prise en charge par l'auteur dans des
teoœs qui s:imulent le disoours et l' idéologàœ de DIENG : Ille
coup de poing reçu au nez, c'était un att4-YaUah : une volonté
de DIEll. L'argent perdu aussi. Il était écrit que ce n'était
..-

- 289 -
pas lui qui le dépenserait, pensait-il."
Ici, l'auteur rapporte "le disoours intérieur" de DI.J:N:;,
dans la preni.ère phrase, nous voyons l'ellipse d'indicateurs tels
que "disait-il" qui rest.ent au niveau de l' iIrplicite : "Ie ooup
de poing reçu au nez était un att~-YaZZah. •• L' aIgent volé aussi".
Dans "il était écrit que ce n'était pas lui qui dépenserait.
l'al:9ent pensait-il", nous avons la production du discours indi-
rect libre (1), et l'expression "pensait-il" marque explicit.eIœnt
l'existence d'un discours rapporté. Nous avons aussi l'usage de
la oonstruction hybride (BAKHI'mE) qui penœt de démarquer l' énon-
ciation de l'auteur de celle de DIENG, dans la phrase: "Si la
malhonnêteté semblait l'emporter selon toute vraisemblance, c' était
l'oeuvre du terrps non celui de Yallah", ici, nous avons l'expres-
sion "selon toute vraisemblance" qui inscrit la subjectivité de
l'auteur, son énonciation, la distance qu'il prend vis à vis de
la logique de DIENG. Dans le rnêrœ ordre d'idées nous p:>uvons
citer l'utilisation redondante des pronans deictiques "ce",
"c'était" ete qui prodUit des effets ÇI.e sens ironiques. cela
entratne d'ailleurs dans cette phrase: "c'était un refuge aussi
(l) Il faut noter que le style indirect libre peut être oonsidéré
CXXll"œ une variante de la bivocalité bakhtinienne, cx:mne on
peut le constater dans cette rernaJ::qUe de Philippe LEJEUNE :
"Le. l:ltyte. .i.ncWte.ct UbJLe. ut M
~l:l.i. une. o.i.guJLe. nalVI.a.tive.,
c.e.ntlLée. e.n paJf..Ü.e. l:luJL du phénomènu d'eLU.p.6e.. Sa. 60ncüon
üt d'
.i.ntégJLeJt un CÜJ.>c.ouM Jr.o..ppOJvté a t '.i.ntélt.te.uJt. du. r.U.-6C.OuJL.6
qu..i. te. Jr.o..ppoJvte en lLéa...U..6a.nt une l:lOJvte. de. "60OOu" à. RA. 6a.ve.uJt
duQ.uel. de.u.x énonua..ti.oM vont .6e. .6UpeJtP0.6eJt.", in JE EST UN
AurRE, p. 19, Seuil, Paris, 1980 (c'est nous qui soulignons).

- 290 -
ce Yallah", où le jugement de l'auteur se fait explicite et
direct tout en procédant du discours ironique.
Ainsi donc, dans toute la sêquence, c'est l'auteur qui
narre, mais en parodiant le discours du locuteur traditionnel:'
La "voix" de DIENG se fait toujours entendre. Mais au nanent
ITême où lion reproduit littêralerœnt le discours de DIEN:;, nous
avons par petites touches l'indication d' une série de marques
A valeurs ironiques qui ont pour fonction de "détruire" le
discours et 11 idéologie fatalistes qui sont :i.mités. car dans
une phrase telle que "c 1était un refuge aussi ce YallahIl, Cl est
surtout la voix de 11 athée SEMBENE qui est perceptible.
Le même procédé se trouve êgalaœnt à l 1oeuvre dans
VEHI-eIOSANE :
"On dU. que. c.e. ve.nt qtd pail .i.nteJr.m-i.fte.nc.e. de.
l' ha..e.unc. 61UÛC.he., c.aJLU.6 e. le. v.i..6o.g e. du 9e.n.6
ut .t' 0 e.uvlLe. du 6emmu de. Ourou Zaf:ni
(1) ,
deme.WUtnt o.u. paJuld.i..6 de. Yaii.o.h e.:t Y afte.ndo.nt
lu 6u.tWL6 éi.u.6. Soli !... Lu 6e.mmu de. ou-
JJ!onR..o.Zna..Z
.6' o.glie.nt e.n qu.o.YLtlié." (p. 95).
Le procédi§ utilisé ici est encore plus retors, car,
il met en place une image inspirre dl un ~e biblique -d 1ailleurs
1 1 indicateur 'lion dit que" rrontre bien qulil s'agit dlun cliché
(1) En note, llauteur explique : "OurouZ.a'Ïni
: lu 6emmu du.
paJr.a.d.t.6 qtd dU.-on n'ont 1L.i.e.n. il vo-UL o.ve.c. c.eLi.u-d. EUu
<\\ont duUnéu e.n lLéé.ompe.n.6e. aux UJ.L6" (p. 95).

- 291 -
devenu courant- et qui pennet de désigner en \\<oUlof un vent frais
qui souffle. Mais juste après avoir rapporté l'image sur le rcode
du "on dit que", l'auteur ajoute ironiquement "soit 1••• Les
femnes de OumUl.ainai s'agitent en quantité". Enoncé doublement
1ronique notaIrrœnt par la production de "soit 1••• " suivi du
point d'exclamation et des points de susPension : ce qui peut
donner lieu à plusieurs inteq>rétations} la pranière {X>rte
probablement sur l'absurdité d'une telle croyance. Ensuite dire
des fermes de Oumulainai, qu'elles s'agitent en quantité,
contraste avec le resPeCt sacré dévolu par l'opinion ccmnune à
ces fermes du paraàis, qui dit-on,ont la vertu de vous mener à
l'oJ:g'asIœ par le seul fait de toucher à leur chevelure. Le seul
fait de reprendre littéralement mais ironiquerrent l'expression,
désigne la croyance ccmœ ridicule. Ici aussi, s'exprime, ce
qu '11 faut bien appeler "l' éù'"1ticléricalisrre" de SEMI3ENE.
Au tenœ de cette étude, ce qu'il faut souligner
c'est que l'auteur lui aussi est une des pièces rraitresses du
dispositif actorie1 qu'il a lui-rrêrre élaboré. Ainsi, c.x:mœ
narrateur, il fonctiorme ccmne locuteur \\<oUlof auSsi dans un
discours parodique ou une narration mimée du griot. Et c'est
surtout dans ce cadre que l'on relève Ul'1e interférence des
"voix", une supel:pOsition d'énonciation, qui traduisent surtout
le "dialogue" que l'auteur lui-rrême entretient avec sa propre
culture et sa propre langue dans le texte. C'est notamnent la

- 292 -
raison pour laquelle l' oralité feinte cœme I1rlJnêsis de repré-
sentation, ccmœ pastiche ou parodie, se manifeste toujours
SOUS les traits de la bivocalité.

- 293 -
C. EroDE DE L'ORALI'I'E FEINl'E ro1ME TRANSPOSITION D'EKONCES
1. l'ROBLEMES METHOVO I.OGI QUES
Après l'étude du contexte -spatial, tarporel et actoriel-
qui détennine le processus de mise en discours de 1 ' oralité, nous
allons essayer d'aborder, un aspect essentiel du fonctionnement
de l'oralité feinte dans l'oeuvre de SEMBENE : La transposition
d'énoncés.
La transposition d'énoncés a été définie ici carrrre
l'snboitement et/ou l'enchâssement de segments "textuels ll et
discursifs de la tradition orale dans le ranan ou dans la nouvelle.
Ce que nous voulons rrontrer ici maintenant c'est :
- Ccmnent le fonctionnerœnt de la transposition d'énoncés
penret-il de rendre carpte de l'oralité feinte cx:mne récit de
récit, c'est-à-dire un récit de l'oralité ou un récit de palabres?
Pour mieux saisir la portée de la démarche suivie ici,
il ne serait pas inutile de relever deux faits liés au fonction-
nement de la Transposition dl Enoncés.
- Nous avons d'abord l' ensanble des effets pragmatiques
induits par l'intégration de segments lltextuels" et de llparoles"
spécifiques à la tradition orale dans le médium livre -par le
trucherrent du ranan ët de la nouvelle carme genres littéraires-.
Dans ce contexte l'oralité se manifeste came un récit "objectivétl ,

- 294 -
"rcont.ré", parce que offert et donné à lire à un public qui excède
les frontières culturelles et linguistiques de l' auditaire tra-
ditionnel. Or l'oralité telle qu'elle est représentée, narre des
événeIœnts spécifiques à la réalité socio-cul'l:-urelle locale.
- ces précisions, nous pennettent d'aborder l'autre asPeCt
de la Transposition d' Enoncés :
- Carment les segments "textuels" et les paroles de l'opinion
ocmnune sont-ils emb:>ités et/ou enchâssés dans le texte ? Autre-
Iœnt dit ccmnent les ethrJO-textes et le discours de l'opinion
ccmnune sont-ils structurés ccmne récit dans la nouvelle et le
ranan ?
Il convient de préciser que la notion de récit, entendu
ici cœme "événarents narrés" (narrated events), ne se limite pas
seulement à l'évocation de fai t.s, de thèmes et de références
culturelles traditionnellement associés à la description de l'ora-
lité. L'~v~nement narré, c'est aussi et surtout le récit de la
tradition orale oorrrne simulation et/ou artefact d'une interaction
sociale, d'une palabre, avec ses principaux actants, son contexte
de production et de réception. Par conséquent, l'oralité feinte,
ccmne représentation codée d'une interaction sociale est struc-
turée ici o:::mne un réeit de pa.labre, un récit d'oral!té. Nous
parlons de représentation codée dans la mesure oü l'auteur se
sert de sa double _canpétence linguistique et culturelle pour
élaborer ce type de récit.

- 295 -
A travers les problèmes que nous soulevons ici, trans-
paratt l'importance de l'espace du texte mais aussi de la struc-
ture qui, dans le ranan et la nouvelle, contient les nodèles
ethno-littéraires \\\\Ulofs et les paroles de l'opinion oarrmune.
Il s'agit en l'occurrence des dialogues qui constituent par
excellence un espace de simulation d'une interaction sociale
dans la fiction littéraire. Notre but est donc de nontrer ici
c:orrrnent les dialogues sont "raconté8" par l'auteur.
I.l. ETUDE DES DIALOGUES COMME ESPACE DE PRODUC'iION DES PALABRES
Dans le ranan et la nÇ)uvelle de SEMBENE, les dialogues
apparaissent généralement canne la structure idéale où se produisent
l'enchâssement et/ou l' enù::x:>îtement des "paroles" de l'opinion
ccmnune et les micro-rrodèles ethna-littéraires \\\\Ulofs, car cet
espace constitue le cadre idéal où le locuteur wolof et son
discours sont mis en scène. Le locuteur wolof s' y manifeste à
la fois ccmre narrateur et narrataire (intra-diégétiqu.es), c'est-
à:-dire qu'il se manifeste carme représentation codée du r~itant
et de l' auditaire, ccmne fict-ion de l'actant de la cœm.uU.cation·
de la tradition orale. C'est en partie FOur cette raison que les
dialogues charrient tous les types de discours spécifiques à la
tradition orale.
Nous allons essayer de dégager les principaux indices
qui dans le texte pennettent de nontrer que les dialogues sont

- 296 -
"tlaaonUs" que l'oralité ccmre simulation d'une interaction
sociale est un récit.
Ici, deux types d'indices retiendront notre attention
le lexique qui introduit ou spécifie les discours tenus dans les
dialogues, ensuite la distribution des temps entre les dialogues
et les cc:mnentaires qui les introduisent ou les spl!cifient. D' oü
les questi01"'.s suivantes : quels sont les types dl éooncés véhiculés
dans les dialogues, et ccmrent sont ils spécifiés dans la struc-
ture du texte ?
Si nous procédons au parcours du charrp le..xical qui
introduit, spécifie ou s'intercale dans les dialogues, mus rele-
vons surtout la r€currence
de léxèrnes dont la valeur dénotative
est surtout déclarative. Nous relevons pour ainsi dire des nots
qui dénotent la "ParOle proférée" : la discussion, la conversation
ou la palabre : "causer", "dialoguer", "parlotes", "palabres",
"joute", "dire", "parler", "répliquer", "cancaner", "mw:murer",
etc. Le registre de la réception -présent, mais i.rrplicite dans
"dialogue", "discussion", "palabre"- qui inscrit l' auditoire
traditiormel cemne narrataire (intra-diégétique) apparaît expli-
cit:.e1œnt dans : "écouter", "de bouche à oreille", "approche ton
oreille", ete.
Dans VEIU-eIOSM'TE, ~
MANDAT, et~, ces expressions
apparaissent dans des occurrences telles que :
"Le6 mOl1otone6 joUftnée..ô dloi.Aiveté, 6a.vowa1..e.n:t

- 297 -
tou.:tu, -6olttu, de. cügltu-6ioru:,. Lu paiabltu e.n.
-6U6pe.n-6 d'il.. !J a l.Ut nave..t, de.ux., voiILe. tJr..o.i6,
-6 e. lte.pa.R.a.bJta.ie.n.t. Cu in.teJutUnab.tu paJl1.otu
arUma1.e.n.t ce. temp-6 moJt:t" (v.c. p. 51).
Dans VERI-<:IOSANE, cette séquence annonce la joute
verbale qui accarpagne le "yothê", mais aussi tous les discours
produits dans ce contexte, sous l'arbre à palabres.
Nous pouvons relever aussi les cœrnentail:;'es du style
"La con.ve.Mmon gél'LéJta1.e. tomba. Le. ya.thé débu.:ta."
(id. p. 57).
La séquence qui ouvre le "c:armérage" des fenmes de
SANl'HIU-NIAYE, après le suicide de N'OONE ~.R THIANDù"M, ccmnence
ainsi :
"Gna.g na GU1SS E, de.pui-6 .te. déc.U.e.e.me.n.t du JOUIt,
mU-6agèlte. hâtive., a..t.e.a.it de. concu-6ion. e.n. con.ce-6-6ion.
Varu:, cha.cune., .tu, U6 de. poLUu,-6 e. débUé.-6, à. .t' éc.aJLt ;
d'un ton coru:,te.Jtn.é, de. bouche. à. Oltei.t.e.e., e..t.e.e.
-6 'e.n.tJte:Un.t ave.c .te. mcûtJte. de. céaru:, ; toU6 deux.
-6e. dév..i..6agèJLe.n.t, .te.uJL6 phY-6ion.orrU.u cou.te.UJt de.
6e.uU.e.e. de. :tabac. Jta.COltnie., 6Jtippée., é.:t.o.ie.n.t -6:tu-
pé6a.itu" (id. p. 87).
Quant au procês de Guibril Guedji DIOB; il est ainsi
introduit:
"Et quand .ta. gItO-6.6e.Me. de. KHAR 6u:t -6Ue. de. toU6,
UI'L pa.R.a.blte. 6u:t in.tJtodu.-U pM .te. 61tèlte. cade..t
Médoune. VI0B" (id. p. 67)
c'est au cours d'une palabre, qu'il fut €gaIement
décidé du sort de KP.:AR et de son oncle Méc10une DIOB :
"AU6-6i, à. ce. pa..tablte., apltè-6 .t'e.x.c..tU6ion de.

- 298 -
Mé.doune
VIOB, i l 6u:t dé.udé. de cha.6.6eJL KhaJL
MacUa.ga '0108- la. 6ille mèJLe" (p. 103).
Dans le MANDAT, nous p:>uvons relever ces quelques
exemples
."'Devant l'enbt.é.e plÛnupale., comme .6uJL lu .
metltché..6 du U.6a-Un.6 de gen6 U;a,[ent agg.tu.t.i.né..6
a gauche eJ.: à. dJr.oae, du po-i.gné.u de ma..i.M .6e
cU.6Wbu.a..i.ent. Un. planton âgé., JLoyale.ment a.6.6L6,
fu cowz.a..U avec erz..tlutin" (p. 137).
.
ou encore
"Lu cU.veJl.6 accent6 et :UmbJLU gu.tt.uJLa.ux bouJtdon-
n.a.ient. Il [VIENG] amoJLç.a une
ca.u..6e.tte avec .6on
devanUeJL (••• l" (id. p. 138).
Dans Y..ruA, nous avons des cœmentaires tels que
"Rompue à. ce jeu de langage, Yay BINETA
OppO.6aU à. l' homme, ce langage anuen, uoté.JUque.
N'GONE, en6ant du hymnu nationaux
ne .6a,.u,L6.6aa
tien de ce cU.a.e.ogue heJLmWque. El Hadji abandonna.
la jou:te, inte.Mompue petit la .6onnvue du. tUéphone"

(p. 17).
La séquence qui ouvre la réunion de famille où El Hadji
fut sarmé par la Badiène de demander la n'ain de N' OONE, s' ouvre
en ces tenœs
"Ce jOuJL-là. El Hadji devaU aUeJL a une JLêcep:ti..on
avec N'GONE. La veit.e.e, i l avaU hab~-lé. la 6ille
de la tête aux pied.6. Le pèJte, la mèJLe et la
Ba.cU.ène le. JLeç.uJLent. En attenda.nt que N' GONE .6oa
pJtête, la pa1.a.bJLe .6 1amoJLç.a, ouveJLte petit Yay BINETA
(... l" (p. 48).

- 299 -
Le tête-â-tête de El Hadji et N'cnNE, dans XALA, est ccmnenté
dans ces tennes :
"Cetie.. banale. c.o..u6vUe., qLÛ n' avaU 1Ûe.n d'éle.vé
.tU de. .6ub-tU, ILévUa à. Ei Hadj-i. qu 1 ave.c. N' GONE ,
11. n l·avaU C.On.6:tJtu..U: que. .6Wt du .6abie." (id. pp 98).
~us pouvons, bien entendu, continuer l'énumération
des ccmœntaireS! qui accarpagnent ou qui s'intercalent aux
dialogues. Ce qui mérite d'être souligné ici, c'est que panni
les différent:s tennes qui dénotent la "parole proférée", on
relê~ surtout la récurrence du not "palabre". Il ne serait
pas inutile de s'arrêter ici, ~ur la valeur sémantique des
différentes occurrences du not palabre chez Ousmane SEMBENE.
D'une manière générale, le mot palabre se réfère
â son contenu générique d'échange, de nodèle d'interaction
spécifique â la tradition orale. Ainsi la plupart des "paroles"
ou des nodèles etlmo-littéraires transp::>sés dans le texte
apparaissent souvent dans des échanges, des dialogues que l' au-
teur désigne du tenne générique de palabre. Ce que nous notons
égalerœnt dans les occurrences où se manifeste le. tenue palabre i
c'est que les connotations axiologiques attachées â ce not ne
sont pas stables. Elles peuvent varier selon le contexte de la
palabre, mais aussi ses enjeux. Ainsi, nous p:luvons observer
l'existence d'une connotation "positive" de palabre quand il
désigne une "conversation" ou un "entretienIl considéré canne

- 300 -
sêrieux, parce que la palabre met en jeu des valeurs matérielles,
norales ou sociales décisives. C'est par exarple le cas de la
palabre où il fut décidé de l'instruction du procês de Guibril
Guedj DIOB, à la nosquée de SANI'HIU-NIAYE. C'est également le
cas de la réunion de famille où la Badiène fit pression sur
El Hadji pour qu'il épouse N'GONE sa filleule. Par contre on
peut considérer qu'il Y a connotation "négative" dans l'enq:>loi
du IlOt palabre, lorsque le not est pris dans son sens éthy-
nologique : ici, le not espagnol rIpa labra" ql.li ""eut dire "parole",
dans ce cas, palabre est plutôt assimilé à "bavardage" ou à la
limite "causerie". C'est dans ce sens qu'il faut sans doute
entendre le not palabre employé pour désigner le discours qui
ace::atpagne le jeu de "yoth~", ou la joute oratoire qui oppose
El Hadji à Yay BINErA. On peut par conséquent opposer les deux
types de palabre en distinguant "conversation sérieuse" de
"conversation ludique ll •
Après ces précisions, il faut retenir que l' ensenble
Ces léxànes à valeur déclarative qui ont été énumérés ici, ont
p::>ur fonction de "dire", de "raconter", de "cacmenter" les
palabres, les dialogues. Cette action de narrer n'est pas seule-
ment Perceptible dans le "dire" 0\\1 le "ccmnentaire" qui spécifie
le discours et les nodêles d'interaction reproduits dans les
dialogues, elle apparaît égalarent dans la distribution des
terrps verbaux entre cœmentaires et dialogues.

- 301 -
Ici, nous allons d'abord, à travers la distribution
des terrps établir la distinction des deux plans, E"..n nous appu-
yant sur la dichotanie classique instaurée par Emil~ BmVENISTE,
entre "~nonC'iation historique" et "énonC'iaHon de disC'ours".
Mais il 'iIrq;lorte de préciser toutefois, que, rep§rer les mârques
énonciatives pennettant de reconnaître les deux plans est une
chose, et détemLiner leur fonction narrative en est une autre.
Si nous considérons par exemple la manifestation des
fonœs verbales dans les ~taires qui introduisent les
m::>dèles d'interaction et la manifestation des formes verbales
dans les dialogues propremerit dits, nous pouvons relever la
distribution suivante
- Les verbes qui se manifestent dans les ccmnentaires
sont surtout à l' i.n;?arfait et au passé siIcple c'est-à-dire
des temps qui sont caractéristiques de ce que BENVENIsrE
appelle rIte réoi t historique", celui du "mode d' énonoiation
qui exC'tut toute forme tinguistique "autobiographique"", ici
je-tu
(1). Il faut· ajouter que, dans un texte de fiction,
le passé simple (l'aoriste selon BENVENISTE), l' imparfait et
le "ilIl cx:mne. m:xle d'énonciation non autobiograp hique ,
(1) Cf. E. BENVENISTE, "LES RE[.Llil'IONS DE TEMPS DANS LE VERBE
FRANCAIS", in PFüBLEMES DE LINGUXSTIQJE GENERALE, Gallimard,
Paris, 1966, p. 238 et sq.
N.B., pour discussion de l'article, voir LE TENPS de H. WEINRICH,
p. 60 et sq., Seuil, Paris, 1973.

- 302 -
fonctionnent camme des indicateurs de fiction (1).
- Par contre dans les dialogues, nous avons surtout la
possibilité d'avoir tous les temps, et surtout le présent.
Ce plan de "l'énonciation de discours" (2) BENVENISl'E le
décrit ccmne
"Tou..:te énonUa..ü.on .6uppo.6ant un locu:tewr. et.
e:t un aucUtewr. e:t c.hez le pltemie!L l' inte.n:ti..o n
d' in6lu.enc.e!L l'a.u:tJte en quelque manièlte, c. 1 e.6.:t
d' aboltd la diVeJL.6Ué de.6 fuc.ou.Jt.6 oltaux. de
tou..:te na..twLe e:t de .:tou..:t niveau, de la c.onVe!L-
.limon :tJUviale à la haJta.ngue la plu..6 oltYlée".
Selon BENVENISl'E, ce plan "admet tous les terrps il toutes les
foz:mes est exclu l'aoriste, simple et canposé" (3).
- Ce plan de "l'énonciation de discours", est celui que
nous allons étudier, car c'est là que s'opère la transposition
des modèles d'interaction wolofs et aussi des ethno-textes.
Pour nous ce plan participe aussi à des événements narrés. Ce
qui est raconté ici, c'est l' oralité camme simulation et nodèle
d'interaction sociale. Par conséquent la fiction indiquée dans
'les cammentaires par l'intermédiaire de l' i.rrparfait, du passé
si.Itq;>le et de la troisième personne du singulier,c 1est justement
(1) Cf. Roland BARrHES, "L'EOUTURE DU ROMAN", in LE DffiRE ZEro
DE L'ECRITURE, p. 27, collection Points, Seuil, Paris 1972.
Cf. également Pierre BANGE, "SEMIOTIQUE LrITERAIRE : SUR lA
FIcrIONALITE", in REr3AROS SUR LA SEMIOIDGIE CONl'EMPORlŒNE,
Actes du Colloque SEMIOIDGIE/SEMIOIDGIES, Université de
saint-Etienne, novembre 1977, p. 144 et sq.
(2) BENVENISI'E, op. cit. p. 242.
(3) L'exclusion du passé simple de "l'énonciation du disoours, est
justifiée par le fait qu'il ne serait pas utilisé dans la langue
parlée. Ce qui est contestable d'ailleurs, ccmne l'a bien prouvé
H. w"EINRlCH in LE TEMPS, op. cit.

- 303 -
celle d'un rrodèle de cœmunication spécifique à la tradition
orale. car, en dernière instance c'est l'auteur qui raconte
ies personnages qui palabrent dans le raran et la nouvelle ;
à ce sujet, on peut considérer cette remarque de P. BANGE :
"Mw il ut c1A..Ut, que "lu peMottttagu de ILoman6
l>ottt du pVL60tttta.gU Jta.cottté.6, comme. lu 6-tgUILu
d'Utt :tableau .6ottt du 6-tgUJl.u putttu", qu'Ott ut
en ~é.6e.ttce. d'utt 6~e.-nic.tiotttte.R.., c'ut-a-~e.
Utt 6~e. me. ave.c du moû et qu-L tte. peut appa.-
JLa1.:tJr..e. que. pM débJr..a.yage. du .6ujet d'éttone-i.a.tiott,
du je. oll1..g-i.tte. ILée.R.. : non .6e.u.te.me.ttt la. compo.6ante.
peJtOolLmmve. (la duwp:ti..on du conte.xte. e.n
JLépon6e. aux quu:ti..On6 où ? Quand ?), ma...i.6 une.
corn O.6ante. COn.6:t{;tu;t,[ve. d'un u ace. co n-Ui..
pa.tr;U
eJt .6 e. tJL.ouve. ILOvt:ta.C ée. a une. .tJz.o-<..6..(..ème.
peMonne. énonc.ée., pla.c.ée. e.n pO.6mon de. .6ujet
c.ognLU3" (1)."
I.e problème que pose entre autre la réalisation de la
transposition d'énoncés, c'est la position d'énonciation de
l'auteur: car à l'intérieur de la palabre, le locuteur VJOlof
ccmne actant de la ccmnunication semble avoir· une existence
. autonane. Mais, le locuteur VJOlof, ccmœ nous l'avons déjà w
ne fonctionne que ccmne code de représentation de l'actant de
la oornnunication dans la tradition orale. Dans ce cadre, l' inté-
rêt des dialogues apparaît en ce qu'ils constituent un relais
et une médiatiOn penœttant la réalisation de la transposi tion
d' ~noncé8 sous la fonne dl un m:x:1èle dl interaction ou dl un rrodèle
ethno-littéraire. Cl est dans ce con'tP..xte que se réalise le réeit
(1) Cf. P. BANGE, in "SEMIOI'ICljE LTITERAIRE
LA. FlcrrONALITE"
op. cita p. 142.

- 304 -
du récit, c'est-à-dire le récit des palabres ou de l'oralité
l'oralité feinte.
Nous allons nous pencher maintenant sur l'étude des
palabres et des rcodèles ethn6-littéraires.
II. ETUVE DES PALABRES COMME SIMULATION DES MOVELES V'INTERACTION
VE LA TRADITION ORALE
II.1. REMARQUES
Les énoncés transposés dans VEHI-eIOSANE, le MANDAT et
~, représentent à bien des €<jards
les différents types de
palabres qui peuve.'I'lt se manifester dans la tradition orale. Ici,
nous nous somnes contenté d'un échantillon pennettant de donner
une idée de l'interaction telle qu'elle peut se dérouler dans
la vie quotidienne. Nous avons choisi, ici ccmne critère: les
traits qui permettent de distinguer le locuteur w::>lof catme
actant de la cœmunication : les aspects culturels, idéologiques,
mais aussi sociologiques : l'âge et le sexe, mais aussi la posi-
tion scx::iale (castée/non castée). Nous avons également choisi
des dialogues ~ù l'auteur sanble poser les problèmes de ccmnuni-
cation dans la société ê.ctuelle. Enfin, il apparaît dans certain
dialogue, un simple désir de "m::mtrer" un rcodèle d'interaction
sociale. Voilà l'ensemble des critères qui ont présidé au choix
des dialogues qui vont suivre. Il faut noter que les exerrples

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d'interaction qui seront reproduits ici, se manifesteront dans
des citations longues. Nous avons là un obstacle pratiquement
inoontoumable, car il est difficile de rendre carpte des 00-
dèles d'interaction reproduits ici, sans précisérrent les don-
Dans VEHI-cIOSANE, nous avons choisi l'instruction
d'un procès ooutumier, tel qu'il peut se dérouler de nos jours
dans une petite llOsquée d'un village du Sénégal. C'est l'inceste
de Guibril Guedj DIOB, qui, apparenment, semble justifier le
procès qui est instruit ici. Mais Médoune N' mNE DIOB, sur
l'injonction de qui, la palabre est instaurée, oonvoite surtout
le IX>uvoir qui sera vacant après le jug~nt de son frère. Le
procès va ainsi déraper sur l' appétit du pouvoir et sur la dégé-
nérescence des rroeurs. On notera surtout que le dialogue est em-
preint d'un syncrétisme culturel, deux sources de référence seront
oonstanment évoquées : l'islam et la ooutume ancestrale (te "adda").
Le procès est ouvert dans ces tennes par Médoune DIOB :
"- Moli 6JtèJte eA:t JteApon6ab.te de .t' Ua.:t de .6a 6.<.Ue.
- MélLUe-:t-il .ta. mou? Ou doa-il me exdu du
vil.ta.ge ? demaYl.da. Ma-MM avec .6a :tUe p.ta.:te deA.6U.6,
aU.oYl.gée deNUèJte, .teA yeux pUJtu.tent& : :tout eYl.
l.u.-i a66..Lcha.U ce mUaYl.ge de Uen6 de cOU.6..LYLa.ge.
San6 a.:t:teYl.dJte de Jtépo n6 e, il JteplLU :
- SelOYl. .ta. .to..L coJtanique Gu.-tbJtil Guedj VIOB
mê.JLU.e .ta mou. Cela eA:t vJta.i.. daM .teA EcJLU.uJteA.
Ma.i...6 a-:t-oYl. appUqué ..Lu .teA pei..Y1.eA demaYl.déeA pa.Jt
.t'EeJt..Ltwte pMce qu' oYI. ·.tu eYl.6Jtei..gna.i..t ?
- M~.6a.Jt pa.Jtte poUJt:to..L, JtépUqua.i..:t MédouYl.e VIOB.
- Je pO.6e .ta. qUeAÜOYl. à. .t' .-tmaYl., dU Ma.6.6M .6e

- 306 -
Jt.e.toWLna.nt Ve!L6 ce1.uvi..-cL
(... l
- Et notne a.dda. tcoutume-~onl
(1), que
d.i..c.te-t -u.. ?
Baye YamM .tu dév,ua.gea.Lt à toWL de lLÔ.te et
pOWL6uivli :
.
- No:tJr.e. a.dda. a été la Jt.è.g.te pJt.em.tè.Jt.e de .ta. vie.
Tout ma.nquement à cette Jt.è.gle mé.Jtlie ou la mont
Ou .t'ex~ion de .ta. communauté.
- POWL p.1Lé.6eJt.veJt. et donneJt. .t'exempte, viui.eJt.
a .t'hono~b-<..e.lté de notne communauté, ce couple
méJt.ite une .6a.ncUon. Le Co~n ut 60lUttel .tà-du.6U.6.
Et noU.6 .6ommU tOU.6 i d du mU.6u.tma.n.6. Le châ-
timent doli we. a.ppLiqué en place pubLique
devant tOU.6, ou alOIL.6 .te coupa.b.te ut jeté da.Yk\\
un p~ que l'on bouche a.vec du ca.U.e.oux, dU
Médoune VI0B.
- VJt.a.i, tout déUt
méJtlie une pénalité. Cela. ut
vJt.a.i ! E.6t-ce que, une .6eute 60-Lb on a. puni ou
exc..e.u. quelqu'un pOWL une e.ntOIL.6 e a notne a.dda.•••
ou au ma.nque de Jt.upec.t du bien d'a.u:tJr.u.i ?
Médoune VI0B a.va.it de.6 molL.6WLU au COeWL, dè..6
qu.
'.u entenda.li VETHYE LAW. Vepu.-U du mo,u, .u
.6e hewr.ta.it a lui. La, u.. .6e doriU.na.it pOUll. ne
pa..6 lui lanceJt. : "Id, .u n' y a. pe!L6onne de tu
na.w.e.é.6 (~ng .6odal) (2). Au choix du peMonna.-
utù, u.. .6' éta.it oppo.6é a .6a. pJt.é.6ence.
- Le CM ut plLéw ! Ya..U.a.h .6a.it que j' a.ime
mon 6Jt.èJt.e. Non pMce qu' u.. u.t mon 6Jt.èJl.e,
comme tOU.6, i.e. ut e.te.oya.nt, m~ .te .6oud im-
placa.b.te de .t'hono~ab-<..e.lté de .ta. communauté me
guide et doli VOU.6 guideJt. a.U.6.6-t. La. conduite,
.te compote.tement in6âme de GuiblLil Guedj VI OB
éc..ta.boU.6.6ent tout SANTHIU-NIAYE. Nimpote.te où
noU.6 ..iJr.on.6, même no.6 en6a.nt.6, on noU.6 montJt.~
du. doigt. Ve même, c.eux qui ne .6ont pM no.6
naLUté noU.6 .60U.6 u-ÜmeJt.ont.
- cêla. ut V/tai, Jt.enchéJtli Amath.
- El>t-ce que je peux me 1le:tUteJt. ? dema.nda. VETHYE
LAW l>e llecoi66a.nt de .6on vieux 6ez.
- POUll.quoi ?
- Ba.ye YamM, je ne .6u.-U pM ve.nu id pOUll. UJr..e
iYk\\u..Ué.
- Qui t' M dU quelque cho.6 e de :tJr.a.ve/t.6 ?
- Je .6~ la .6..i..gni6..i..c.aUon du pMO.tU. Cete.tu,
je l>u.-U guot, mw je ne me 6eJt.a..i.. jam~
c.ompUce de peJL6onne, même mote..a.e.ement.
- VETHYE LAW, ne. te. Ite:tÏJte pM .te.. co eWL en 6ta.mme.
Jama...i...6 pa.!a.blle n'a. eu Ueu .6a.n.6 ta plLé.6ence•••
(1) C'est l'auteur qui traduit dans la parenthèse.
(2) Id.

- 307 -
Cevt :tu u nobLe gJûo:t.
- Je demande pevtdon a .l'M.6emb.lée. Je .6a.i...6 ma
p.la.c.e dan.6 nO:OLe c.ommunauté. Une c.ho.6 e u:t
poWL:ta.nt vlLa.Â..e. LO!L.6qu' i l
.6' aga de dhLe .la
véJU:té, ou de c.heILc.heIL .la vêJL.,U:é, i l n' y a pM
de nawtê. On c.omuût .le nomblLe de gen.6 de ma
c.a.6:te M.6M.6,[né.6 POWt
.le .vuomphe de .la. véJU:té.
VILa.Â.. que Gu,[blLil Guedj VIOB mêJL.,U:e .la molL:t.
C'Ua..U; .la.lLèg.le de no.6 pèlLu, no.6 glLa.nd.6-pevteYLt6,
.lolL.6que .l' U.6 enc.e de .la. no b.lu.6 en' Ua..U; pM
exh..l.bilion, ma.i...6 c.ondulie quo:ü.cü.enne. POlLlL du
6a.U:.6 et aetu mo,[ndlLu que c.e.lu..l. 'lu,[ 6a.li of.' objet
de la.. pa..lablLe d'aujolLlLd'hu.i., on a enc.olLe en mémo..l.lLe
.lu nom.6 de c.eux qu,[ ont rn.i6 6,[n a .lelLlL v,[e.
C'Ua..lent du guè..le.waJL, c.eux dont mon pèlLe et .6on
pèlLe c.han:ta...l.ent .lu .louangu, non pOlLlL p.la...l.lLe,
ma.i...6 p.lutô:t pOlLlL ée.tWt.e, hnpJU.meIL en noU.6 .le .6 en.6
du devo..l.lL et de .la cü.g nlié de .l' homme. AujolLlLd' htU,
c.ette c.ondulie n' u:t p.lU.6. Ma.i...6 .la. vé.JL.ü:.é, e.Ue,
eU.e u:t .e.a de :tOU.6 .lu :temp.6 et .le .6 eJLa. même
apILè.6 noU.6.
VETHYE LAW mevtqun un :temp.6 de paMe ; .le 6ILont
ba.i...6.6 é, douc.ement, Le O.6cil1.a.-U. .6UIL .6on bLonc.
I.l lLep/Lli d'un :ton éga..l :
- Je me demande, d.iha.li Kodj'[-BCVtma (1) à. un
pa..la.blLe .6~e,. c.e que .l'on doa pen.6eIL du
v,[eil.lCVtd.6 'lu,[ époU.6 ent du 6illu 'lu,[ 0nt .l' â.g e
de .lWt 6ille ?
Le .6ilenc.e .6' épaL6.6a pendant du .6 ec.ondu ; .le
:toc. :toc. lLéguUeIL du pelL.lu du c.hapelet de .l' hnan
.6' entenda.li. I.l déCJLO,{J.,a .6U jambu et débuta. avec.
c.e :thnblLe CVta.b,{J.,ant qu'il a66ec.:ti..onnali :
- Je ne pevt:ta.ge pM .lu a.JlJvi.èlLu pen.6éu de Kodj;[-
BCVtma. Fa.u:t-il c.on.6,[déILeIL qu 1un v,[eli homme 'lu,[
plLend pOlLlL époU.6 e une jeune 6ille de .l' âg e de .6a
6ille c.ommet .l ',[nc.u:te ?
- Une 6ille de même â.ge que :ta. 6ille, une 6ille
'lu,[ .6' u:t amlL.6êe c.hez :to,[ avec. :ta 6,iUe, que:tu .
appe.la.Â...6,
h..l.eIL, "mon enoa.n:tll, une oille dont .lu
pevten:t.6 cü..6a.Â..en:t : "va dhLe à. ton pèlLe un te..t",
une 6ille que :tu M bapfuée, c.ette 6ille, en
.l'êp0lL.6an:t, c.' u:t :ta. 6ille que :tu êpOU6 u, 6,[nli
de dhLe VETHYE LAW 6,[xan:t .l'iman avec. dé6,[ ; .6a
peau c.hCVtbonneU.6
e .6 e pW.6a.U: au. 6ILon:t.
L' hnan p,[nç.a .la peJt.te :témo,[n de .6on c.hapelet,
(1) Koc Mbanna. fI( Jtf WlI:iill""'''J est une figure légendaire de la
'lIphilosophiell sénégalaise.

- 308 -
baiA~a. ~ u paup-tèJtu, tu tèvJt.u hnpeJLe.e.pUbte.me.nt
bouge.a..<.e.nt. p~ ouvJt.a.nt ~u yeux, il cLU: :
- En toute. v~ e.mbia.ne.e., vu de. ~-t tO-tn, e.t de.
e.ette. 6a.ç.on e.ela. ut molUtleme.nt a.noJt.mo.i. ALLM-t
je. m' e.mpJt.U.6 e. de. CÜJr..e. qu' aue.un Sa.Jt..tya. ou RYUtla. (l)
ne. ~ouUe.nt e.e.ta.. On e.onna.Zt pl.u.6 d'un .6a..<.nt
homme. qtU a. poUJt. épOU6 e. une. 6ille. de. la. .6-te.nne.
( ... )
- Ce.ta. ut vJt.a..t ! Pl.u.6 d' un ~a.bi;t homme. a. e.u pOM
deuuème., :tJc.O.t.6-tème., qua.:tJc..<.ème. épOU6 e. la. 6ille.
d'un de.
.6U fuuplu. Au pJi.éa.l.a.ble., ,li. y âvaLt
a.e.e.oJt.d e.n:tJc.e. lu
deux hommu : le. pèJt.e. de. la. 6ille.
et le. 6u..tuJt. ge.ndJt.e.. Et la. 6ille., .60urnL6e., obw.6aLt.
La. v-te. d'un .6a..<.nt homme. n'ut pM ma.UèJt.e. il fu-
c.u.6.6-to n. En:tJc.e. l' a.b.6 ol.uüo n d' Ltn ma.M..a.g e. et le.
pée.hé de. la. e.ha..<.Jt., il y a. tout le. N-ta.ye.. Je. fua..t.6
tout il l' he.UJt.e. -non, je. de.ma.nda..t.6- .6-t GtUbJt.il Gue.dj
VI0B doU ê.:tJte. tué ou .6'il de.vJt.aLt· ê.:tJte. e.xc.fu de.
no:tJc.e. e.ommwta1Lté 7 Qu' ut-e.e. qu'on U.6a.-te. de.
~a.uve.ga.Jt.deJL 7 La. pMe.té du .6a.ng de.na..t.6.6a.ne.e. ?
La. pMe.té du .6a.ng molUtl 7 Et je. me. pla.e.e. -Ya.Ua.h
ut mon témo-tn- .6M le. pla.tl .6aic.:t du dogmu du
Sa.tr.1..ya., je. VOlL.6 pO.6 e.Jt.a..t.6 e.e.tte. quutiOl1. : "A-t- on
une. 60.t.6 e.hâ..ü.é que.tqu'un, homme. ou 6e.mme., paJt.e.e.
qu'il a.
v-tolé e.he.z noU6 lu Sa..<.ntu EcJLUwtu 7"
(... l - Vone. e.he.z nolL.6, Jt.e.pf{)..;t Ma.6.6aJt. e.n U.6uya.nt
.6 U oJt.bUu e.nc.Jt.a..6.6 éu, lu Sa.-tntu EClLUwtu .6ont
le.t:tJc.e. moJt.te.
CM j a.ma..t.6, da.n.6 e.e. vill.a.g e., da.n.6
tout le. Sénégal, où. pouJt.ta.nt pJt.oU6èlLe.nt lu mo.6-

quéu, pM une. 60.t.6 lu punu que. nolL.6 d-i.c.:te.nt
lu Sa.-tntu ECJ1..LtuJtu ne. .6ont appUquéu. Alle.z
vo.tJt. l'lA a.u..toillé.6 ! L'ume. que. nolL.6 avon.6,
que. nolL.6 nouJt.Jt..t.6.6on.6
il le.M égaJt.d, noLt6 .6u66U.
Il nolL.6 ILUte. do ne. not/te. adda, li héJt.Ua.g e. de. no.6
pMU.
- Vone. on lo..<A.6 e. GtUbJt.il Gue.dj V10B 7 -tnte.Jt.Jt.oge.a.
Médoune. 010B. JamaiA pl.u.6 no.6 e.n6an:t.6 n' OMAont
a6 6hO nteJt. e.eux de. le.UJt. âg e., de. leM néJz..a.Uo n•
- Ya.l.l.a.h m'a plLUé une. vO-tx pOM appe.teJL .6 U
6.tdèlu. Je. l'e.n Jt.en1eAue. ! A~ ham douZiLah /. ..
Je. e.o n6U.6 e. -tu que. ma e.onna.-t.6.6 ane.e. du letiJr..u
aJUlbu ut :tJc.è.6 -UmUée.. J' e.n ple.UJt.e. toutu lu
nuU.6. 0' un e.ôté a.lL.6.6-t je. me. e.on.6ole. -!o-i.n de.
(1) Il s'agit là de versets relatifs au droit islamique.

- 309 -
mo-l le. péché d'OIl.gue.Le.- e.n me. eU..6ant : "Ya.Ua.h
.ut daM tow, lu coe.wt.6 e.:t compJz.e.l1.d le..6 la.ngUe..6
de. l' e..6 pte..U.." Je. paltle. do nc pOM no:tJz.e. adda, c.a.Jz.
j e. ~ LÛ.6 le. ~ eul gJz.-i.ot -ld. ( ••• ) Je. ne. ~ o...iA pM
ce. que. now, eJteUgnoM le. plu.6. Lu homme..6 ? Ya.Ua.h ?
Il Y a que.lquu mo~, -ld, plu.6 d'un de. now,
Ua.U conva.-lncu que. le. navUa.ne.ka.t, ATOUMANE,
UcU:t l'a.ute.UJz. du 6oJz.6a.li,
cOl1.va.-lnc.Ull e;t pa.Jz.
Médoune. VI08 e.:t Gu.-<.b~ Gue.dj VI08, vow, voutie.z
la.ve.Jz. ce.:t a6 6Jz.o nt daM le. ~ang, chaMant le.
nave.:ta.ne.ka.:t du village.. Tou.:t N'VI0BENE pMtUa.
du
:tJz.a.va.i..1-, de. la. ~ue.uJz. de. navUane.ka.:t• . E~t-ce.
que. quelqu'un de. N'VI08ENE now, a Jz.éunit comme.
a.ujoMd' hu.-i. pOM avo-i.Jz. no:tJz.e. av~ ? PoUJz.:ta.nt, ce.
navUa.ne.ka.:t jUJz.a.U que. ce n' Ua.li pa:6 lu.L Rie.n
n' y 6a.
M.<.eu.x, il ava.li ~oWc.lié l' -lnte.Jz.ve.n:t.i.on
de. l'..<.man, -lu pJz.é.6e.nt. Que. lu.-<. ava.li-il cOMeUlé ?
VETHYE LAW ~ou66la. un peu.. Son Jz.e.ga.Jz.d Jz.e.ncon:tJz.a.
ce.lu.-i. de. l' ..<.man à. nouve.a.u. lÜ ~ e. 6,ütèJLe.nt longue.-
ment. Il Jz.epte..U. :
- Que. lu.-<. ava.li-il cLU, quand le navUa.neka.:t 6~a.li
con6-i.a.nce. à. ~on Jz.ôle de gu.-<.de. ~p-i.Jz.Uu.el, le. Jz.epJz.é-
~ e.ntant de. tow"
de. Ya..Ua.h ? TUe.n... S-l, i l lu.-<. a.
cLU : "mon 6ili, a.-le. con6-i.a.nce. e.n Ya.Ua.h." L' upo-f.Jz.
du
nav Ua.ne.ka.:t de.vJ...YLt une. amèJLe. déce.pUo n. ( ••• )
Veu.x j OUM, je. l'a.-l ga.Jz.dé che.z moL Pe/l..6 0 nne.UI?..ment
j'a.-l ~té vo-i.Jz. Médoune VI08. Médoune. VI08 é:ta..<.:t plu.6
-i.n:tJz.a.Mlge.a.nt que. ~on cûné Gu.-<.b~ Gue.dj V108.
Le.uJz. 6ili, TanoJz. N'GONE VI08, daM ~u mome.n-t6 de.
lu.dcLUé, a.Ua. ~accage.Jz. une. pevr..:ti.e. du champ.
Seule. KhM Ma.d-<.a.ga VI08
Jz.e.6w,a d' ac.CUÂ e.Jz. le. navé-
:ta.ne.ka.:t. Pe.Monne. ne. voula.U c.Jz.o-f.Jz.e. à. e11.e non
~. AujoMd'hu.-i., on la. compJz.e.l1.d. E.6t-ce. qu'une.
6ille. pe.u.:t CÜJte. e.n pubUc : "l' e.n6ant que je. poJz.:te.
ut de. mon
pèJLe" ? Et vow, vow, ~ouve.ne.z de. cette.
nua de. chM~e. à. l' homme. daM le. village. ? Si je.
Jz.e.6w,e. de. ca.uUonne.Jz. une. ~anct.<.on, non que. j'ap-
pMUVe. l'lncute. lu ou Mlle.UJz..6, C'e..6t qu'il y
a une. a.u:tJz.e.
Jz.a...<..6 0 n. No:tJz.e. manque. de. eU..6Ce.Jz.neme.nt
de. la. véJz.-i.:té ne. pJz.ovle.nt pM de no~ e..6pJz.-f.U, plu-
tôt du :tJz.op gJz.and honne.uJz. qu'on accoJz.de. à. la. no...iA-
~ance., à. la. 6oJz.:tu.ne. e.:t a.w,~l -pa.Jz.6o~- au manque.
de.
co WLa.g e. à. ~'e.x:tWow e.Jz.. En:tJz.e. l' homme. et:.
Ya.lla.h, j'opte. pOM Ya.Ua.h. En:tJz.e. Ya.lla.h et la
VVU:te.,
je ~u.-i..6 pOM la véJz.-i.:té. Médou.ne VI08
a a.u:tJz.e. cho~ e. de.Mlè,Jz.e. la. tUe..
- C' ut pM vJz.a.-l, l' lnteJlJtompa Médoune VI08
véhément. Pe.ndant un temp.6 tow, paltlèJLe.nt à. la.
6o~.
/

- 310 -
CJU.ez la véJù;té .6e c.ac.he J GaJr.dez .te .6Uenc.e
la véJUté .6e 6ige, devient pieJlJLe, pltononç.a
llentenUeu.6ement MM.6aJr..
- La.{.Mez-.te 6bWt J NOU6 avort.6 .te temp.6. Si.
c.e n'ut pM c.e .toU, c.e.6 eJta. .t' a.u:tlte, eUt Baye
Yama.Jt lté:ta.bUA.6artt .t' oJtdJte.
- Je pen6e PR.u!-ôt que Médonne VI08 pert.6e plutôt
a. la .6uc.c.u.6ion de N' VI OBENE qu.' a la pune. Ebte
de c.a.hte in6éJt.ieu.Jte n'a jama.i.6 été une en:tJta.ve
a .t' expltullion de .ta. véJù;té, 6irtU de d.iJte VETHYE
LAW.
- Je te .ta.i.6.6e VETHYE LAW. YaUah noU6 jugeJta..
Et je voi6 que c.ette h.i.6toilte ut Itéduae a .ta.
cUmert.6.tOn de N'VIOBENE. Je VOU6 pJU.e de me. pa.Jtdon-
ne.Jt, c.omme YaUah paJr.donne à. c.eux ql..l:.i .t' 06 6e.tL6 ente
- Je. n' ava..i.6 pM pert.6 é a tout c.e..ta., ajouta Baye.
Yama.Jt qu..i .60Jtt.it, ac.c.ompagné de. .t' .iman. Lu au..tJtu
a.U6.6i .6e lte:tVtèlte.n;t" (VEHI-CrOSANE, p. 67 ~ 74).
ce qui frappe d'emblée, c'est la longueur de la sêquence,
ce qui dans une certaine mesure traduit l' int€rêt
particulier que
l'auteur porte ~ la mise en scène de ce procès "coutumierll -ins-
truit selon la coutume, la tradition-. L'importance de la séquence
.apparaît aussi ~ travers le choix des diff€rents
protagonistes
de la palabre : l'auteur nous précise que ce sont les cinq notables
du village de SANl'HIU-NIAYE qui €taient
réunis dans la rrosquêe.
Panni ces cinq notables, nous distinguons trois professionnels
du discours : l'iman et Massar, mais aussi et surtout Dh~HYE LAW,
le griot du village. C'est cela qui explique en partie la longueur
de cèrtaines répliques qui finalement apparaissent eatl'œ des
tirades. Cela est surtout perceptible dans le plaidoyer de
DEl'HYE LAW, qui ici joue le rôle de conscience n"Orale de la société,
rôle que lui assigne les institutions traditionnelles. En effet,

- 311 -
le griot assume le rôle de dire la Vérité aux harmes de pouvoir
rnên'e si cela doit lui coûter la vie. On peut se demander dt ailleurs,
ai ce n'est pas l~, la conception que SEMBENE se f~t de 1 técri-
vain dans la société africaine actuelle. Conception selon laquelle,
1 ' écrivain noir ne serait que le relais du griot, non pas' du griot
qui se canplait dans la flatterie et la flagornerie mais de celui
qui, placé entre le choix de "Yè,llah et de la Vérité, choisit la
vérité", corcroo DEI'HYE LAW. A cet égard, ce n'est pas un hasard,
si c'est DEI'HYE LAW lui-mêrre qui détasquera la manoeuvre de
Médoune DIOB. Cé n'est pas Par fortuité que Médonne DIOB qui
brigue le pouvoir, lui dénie le droit de s' expr1mer devant une
assemblée 00, "i1 n'y a personne de ses naw'U (rang social) ".
La structure de la sêquence, perrret de relever aussi,
la présence de l' imparfait, et du passé simple dans tous les comnen-
taires qui s'intercalent dans les dialogues qui opposent les
personnages, celle de la troisième personne aussi, le Ilil" ,
tandis que dans les dialogues se manifeste le présent de nar-
ration, dans la plupart des cas. Cettè structure, nous la
noterons dans tous les réeits de palabre.
Nous allons maintenant nous pencher sUl: un autre
exerrple de palabre, extrait, cette fois-ci du l>WIDAT. Ici, il
a' agit d'une conversation se déroulant dans un ménage trad!tionnel.
Méty et Araro, les deux ferrmes de Ibrahima DIENG, vont annoncer
à leur mari l'arrivée dl un mandat venant de Paris. Ce qui est

- 312 -
interessant ici, c'est que cette annonce va se dérouler en deux
tE!rps. Tout d'abord, il s'agit lX)ur les a.ux femres d'aménager
soigneusement l' athnosphère, le contexte, qui pennettra une
réception euphorique de leur message :
"Il n'avaU JUen demandé: d'où. verutU c.e JUz,
b..<..en M.6a-Uonné avec. du. po..l...6.6on .6ec. d
du. niébé (1).
Il avaLt mangé à. .6atiUé, en.6e lLégalant. Mag..l...6-
.tJta..tement, ft émit deux MÛ d
rLU. : aUahou ac.kluvL.
Il UaLt M.6..l...6 au p..<..ed du LU .6UIL .6a peau.. de mou.tolt.
- Quelqu'un a-t-ft un lLutant de c.oRA. ? demanda.-t-
U .6aYl.6 poUlL:t.ant .6' adAu.6 eJL à. l'une ou à. l' au.tJt.e
de .6 u 6emmu •
- Fou...<..Ue da.Yl.6 le boc.al plLè..6 du nda (c.anatU. c.onte-
nant de l'eau. potable) (2) rLU. du. dehoM RA. .6ec.onde
~poMe.
SOM l'e66e:t. d'une lOUlLde cUguüon, ft .6e tJt.a1.na
Ve!L.6 le Ma.
Le boc.al c.ontenaU plM"<"euM noix :
- A!to.m, c.e n'ut pM du. lLute ! Qu.a:t.lLe no..<..x de
:t.ou.tu lu YtUa.nc.u ! VOU6 n' a.Uez pao me dAlte que
c.e. ma.Un Yallah a 6aLt pleuvoVt du polL:t.e6euUlu
b..<..en gaILrU..6 ou qu'une de VOM a héJt.(;té du. pè,'te LEBU,
lanç.a-t-ft aux 6emme..6 tou.t en 6a-Uant .6on c.hoix.
- Non, VIENG ! Non, YaUah, daYl.6 .6a bonté ..<..n6..<..n..<..e
n' abandonne j ama-U
.6 u 6"<"dUu.
- En e66 d, 6emme..6 ! En e66d, aUahou ac.kluvL ! VaYl.6
.6on .ûnmeYl.6Ué ..6a bonté ut "<"nc.ommeYl.6Wta.ble.. Il noU6
a.6 .6..l...6te j OUIL d
nu.U.
- AttenM... a:t.:t.e.nM avant de paJL:t.ag eJt la. no"<"x.
MUy en:t.Jr..a., dépo.6a devant lu...[ .6uJt RA. peau. de mou.ton,
un peUt bol c.ontenant du :t.ILanc.hu de. papaye dOlLéu,

ju.teu...6U, nageant daYl.6 un .6oupç.on d'eau. .6uc.ILée.
- Mon 6JLu.it pILé6éAé ! Lave-moi la c.ola.
EUe ILU.6 oJL:t...<..:t..
A billu deYLt6, ft mOlLdaLt da.Yl.6 la c.h.a.iJL tencitte qu...<..
6ondai:t. daYl.6 .6a bouc.he, d'où. le jU6 dégou.t..<..rutU.
- ApPoJLtez-mo"<" quelque
c.ho.6e pOUIL m'u.6uyeJt.
- Tou.t
de .6u.Ue, VIENG.
Ivr.a.m appolL:t.a un
v..<..eux c.h..<..6 60 n et p!U:t. p.ia.c.e à. .6 u
(1) "niébê" : de petits grains de haricot sec.
(2) C'est l'auteur qui traduit.

- 313 -
c.ô.té-6
EUe ~'0.66a.bta);t à. JLemettJte .tout en OJLrfJLe.
VI ENG ~ e la.va e.nc.oJLe lu mcU~, c.ho-iAU un qu.a.tLtieJL
de. c.ola. do.~ la. paume de MUy JLe.ve.nu.e. d.a.n6 la. pièc.e..
Avec. pune., il ~e. le.va, ~'allongea ~Wt le. LU:. en
JLéc.Uo.nt du v~w :
- Je. me. demande. ~i j' ~ la. 6oJLC.e' de me JLe.ndJLe. à.
la. mo~quée., ~ e d,U:.-il.
'
- Il y 0. un vieux. mend.i.o.nt, d,U:. Marn.
( ... )
- C' u.t vJLaiment un homme â.gé ? qu~Uonno.-.t-il.
- Ou..i..
- AtoM donne lu..i. .te JLU.te.. E.t que Ya..Ua.h 6M~e
que. .to~ no~ mai.he.uJL6 .6u..i.ven.t le JLute.
C'éW,t ~o. phJLMe JLUu.e.Ue lOMqu'il 6o.-iAa.U: l'ômone.
( ... )
- MUy, po.JLdonne-moi, mM~e mu jambu. Qu'ut-c.e
que. j' cU mo.JLché auj Ou.JLd ' hu..<..
- Ne.
.le lamente pM, Ya..Ua.h ut gJLo.nd ! il ne no~
o.bo.ndo nneJta. j amo.-iA
,
- YaU.ah !... YaU.ah ! Il 6o.u..t c.u.WVeJL ~on c.ho.mp~
MUy, docilement, mo.Ma.U: lu membJtu l'un o.pJLè.6
l'au.tJLe j ~ qu 1aux. JLU~. VI ENG ne .to.JLdo. pM à ~'M­
~oup.i.JL. EUe ~e JLdlJLo. ~u.JL la. pointe. du pie.~"
(p. 116 et sq.).
L'intérêt de cette séquence apparaît dans le récit de
la stratégie de production d'un message dans un contexte spéci-
fique : Pour Méty et Ararn l' ~rtant n'est pas seulement d' érœttre
un rœssage, mais d'aménager au maximum le contexte qui assure
l' effiœcité de la réception du message, d'où le décalage qu'on
constate entre un acte aussi banal qu'annoncer 1 ' arrivée d'un
mandat et l'ensemble des soins et des précautions qui précèdent
cet acte. C'est que l'intérêt de cette interaction qui QPIX)se
Ibrahima DIENG à ses deux ferrmes vient de la manière dont elle
pennet de saisir et de situer la valeur de l'argent dans les
rapports sociaux. Il est nécessaire de préciser à cet égard, que

- 314 -
DIENG, la seule source de revenu de la famille est un maçon en
châna.ge. Nous avons donc affaire à une famille pauvre, dé!nunie,
vivant d'une manière précaire. Dlailleurs les fennes ont dû
presenter à M'BARKA, le cx:mœrçant du quartier l'avis du mandat
et la lettre, FOur qu 1 il daigne leur accorder un crédit de quel-
que's kilos de riz et un peu dl huile FOur assurer le repas de midi.
Mais cette llbertê, les deux femœs llont prise sans consulter
leur mari. Cl est dans ce cadre qu 1 il faut placer la minutieuse
preparation psychologique à laquelle se livrent les ferrmes FOur
mieux disFOser DIEN:; à recevoir la nouvelle. Leur but Cl est
surtout de dêsanorcer la colère du mari, qui ne manquera pas de
leur reprocher dl avoir pris la liberté de prendre un crédit chez
MI BARKA sans son avis. Cl est ce qui explique en partie cette
situation de vassalitê dans laquelle elles se placent volontiers
devant la toute puissance du mari. Toutes les deux mettent un
zèle et un errpresserrent particuliers à prêvenir les rroindres
désirs de DJ:E:lIl; : cela apparaît à travers la qualitê du repas,
du dessert local (la fraicheur des noix de cola de toutes les
nuances) et de la papaye juteuse. Enfin à satisfaire son besoin
de reFOs : le massage et la sieste. Tout cela traduit bien un
fonds idéologique soliderrent ancré dans la société. Dans 1 1opinion
ccmnune, il ni est pas rare dl entendre dire que Cl est le mari qui
assure le paradis à la fernne dans 11 au-delà, celle-ci a donc intérêt à
satisfaire à ses rroindres désirs. Les femues elles-mêrœs disent
que la meilleure façon de garder un mari ou de 11 enpâcher de

- 315 -
prendre d'autres ép:>uses, c'est de satisfaire ses noindres
dêsirs et surtout le plaisir gastronanique. Dans l'échange, la
p:>sition de chef du mari est évidente : Ibrahima DIENG n'arrête
pas de donner des ordres, de s'exprimer â l' i..mpêratif, ll'ême si
quelquefois il utilise les fonnul.es de p:>litesse consacrées :
"Méty, pardonne-rcoi, masse mes jarcœs". Quant aux deux femœs,
elles s' êxécutent ou dés fois rt'ême devancent les ordres du mari.
Leur discours est un discours de réconfort. Chaque fois que le
mari se plaint, les femnes le rassurent, le sécurisent : "- Non,
DIENG 1 Non, Yallah, dans sa bonté infinie n'abandonne jamais
ses fidèles", ou encore : "Ne te laxœnte pas, Yallah est grand
I l ne nous abandonnera janais". Nous notons aussi la plupart des
clichés du discours de l'opinion ccmnune.
Nous allons voir dans la suite de la séquence qu'il
existe une contradiction entre cette idéologie et la situation
màtêrielle de la famille DIEN3. Ce qui produit \\me situation
de cœmunication qui â bien des êgards ressemble au paradoxe
de 'La doub'Le contrainte ('Le doub'Le bHnd) (1). Cela est plus
net chez les femres :
(1) Selon Paul WATZLAWICK, c'est BATESON qui a introduit le concept
de doubZe b'ind (double contrainte) dans son article ''Vers une
théorie de la schizophrénie". Pour mieux saisir le fonctionnement
de ce concept, cf. Le Langage du changement, Seuil, Paris, 1978,
p. 105 et sq ••

- 316 -
"Il .6' é:taLt Iléveil.lé - apllÙ .ta. m<.riUte de pJU~lle.
Il v.ida .6a c.olèJz.e .6WL A!uJJn e:t MUy, pCVlla.nt..6 e.u1.
tout ha.u:t :
- C' e.6t à. c.Mbc.e que je viA daM utte demeulle d' ,[n-
c.IloyaYl.t.6, de méc.lléa.nû. Je me dema.nde. .6,[ a mon ab-
.6 enc.e, U VOU.6 a.Jt.JUve de plUeIl, VOU.6 deux. Et je
m' ,[nqu-Lète d' avanc.e de R.a. 60,[ de me..6 en6an;t,t,.
Auc.u.ne ne Ilepo ncLU. ApJtè.6 le.6 abitLü.oM , en bon
6i.dUe e:t ma.-Ulte de. .6 e.6 époU.6e.6, ,[i ie.6 gu-Lda .6WL
la. vo,[e de YaUah. Le.6 deux 6emme.6 obébc.ent. a
toute.6 le.6 génu61euoM, a quelqUe.6 peU dell!U~e
.eu.i.
La pJU~e 6,[n,[e, U a.U.a.-U.: .6 oJttiJt quand MUy, c.om-
me une v,[e,ille c.ha;t;te, Ubc.a.nt..6e.6 pa:Ue.6, paJLia. :
- N'[fÜa.ye,
onde,,[u c.hW
(1), Bah, le 6acteull
e.6t venu. Tu M une le:ttJte.
- Une le:ttJte ? de qu-L ? de que.Ue c.ou.f.Wl. e.6t le
pap,[eIl ?
- Non c.e n' e.6t pM un pap,[eIl pOWL l' ,[mpôt.
- Qu'en .6aA..6 -tu ?
- Bah a cLU qu'U v,[ent. de Pa.!U.6. Le mar~ a.U.6.6,[.
Un mandat ?
- OuA...
- QuA..
m'envo,[e un mandat ?
- C'e.6t ton neveu Abdou. Il e.6t à. Pa.!U.6.
- Ec.oute, llerWz.oM daM R.a. c.hamblle.. On ne peut pM
palll.eIl a.Jtgent. en plune Jtu.e.
VaY1..6 R.a. p,[èc.e, Mety poUllAu-LvU :
- Abdou t'envo,[e 25 000 6nanc.-6. Il y en a 2 000
pOU/L teL
3 000 pOWL .6a m~e. Le.6 20 000 qu-L lle.6tent
U veut que tu le.6 l.LU ga.Jtde.6. ri te .6afue. ri a
cLU:. de lu,[ llépondJte dè.6 lléc.epUon de .6a le:ttJte e:t
du. mandat.
- J' e.6pèJte que tout le qu.a.llUeIl n'ut pM a.u c.ounant.
du. mandat.
.
- C'e.6t-à.-dbc.e que••• j'a.,[ Ué avec. Anam, daM la.
bou.t-l.que de Mba.Jtka.. c.'e.6t là-bM que j'a.,[ Wl1vé
Mbaye qu-L m'a lu la le:ttJte.
- Ponc. Mba.Jtka e.6t a.u c.ounant. •••
VIENG leva .6on menton avec. une explle.6.6,[on c.ol~lle.u.6e
- ••• Tu n' avcU.6 pM à. 6a.bc.e me .ta. le:ttJc.e, pal!
plM qu'à. GtUeIl pJtendJte c.JtécLU q.hez c.e Jta.pac.e de
Mba.Jtka, .6aY1..6 mon av,t,6.
- On n' avcU-t JUen pOWL c.e m<.dL
- H,[eIl· no n plM, ajoum Altam. On ne peut pM 6a.bc.e
v,[Vll.e le.6 en6aY1.t.6 .6aM mang eIl. Let:> en6al.tt.6 ne v,[-
vent. pM de R.a. 6ahn.
(1) 'rraduction de l'auteur dans une note en bas de page.

- 317 -
- Quand on e6Z une bonne épo~e, on attend l'o~e
(c.e deJtnieJt moz 6uz rü;t en oJutnçtUô 1. Main.:tena.n.:t
zouz le qua.Jtt.,i.eJt va. ~a.vo1..Jr.. que j'ai eu. Wt ma.ndd.
Mue..tte6, €ll.e6
~ub1..Jr..ent le 6eu de colèJte de leuJt
homme. La. le;ttJte ut' a.v..i..6 en poche, le oJtont ha.u;t.
I! pa/t.tU, i' a..U.wte ~ eigne.t..l/L.ia..te" (p. 118 et 119).
Ce qui frappe ici le lecteur wolof, è' est la troublante
ressemblance de cette sêquence avec les sketches et les réeits
hurcoristiques wolofs qu'on peut trouver aujourd' hui encore dans
certains feuilletons radiophoniques ou télévisés du Sénégal (1).
Par sa fonne, elle rappelle également à bien des égards la célèbre
nouvelle de Birago DIOP : "L'OS" (2), qui met en scène le person-
nage de l'égoïste et du gow::maild. Cela s'explique notamrent par le
fait que certaines des réactions du personnage principal, DIEN:;,
ne sont que des expressions caricaturales de certains personnages
familiers de la littérature populaire wolof : l'avare, quand
DIENG dit à Méty qui lui apprend l'arrivée du mandat :
"- Ecouze, Jtent/ton6 da.M la. cha.mbJte. On ne peUZ
paltteJt Mg ent en plune JW.e" ou
"- J' e6 pèJte que zou.:t te. qu.aJl.tieJt n' e6Z pa..6 au.
couJta.nt de ce ma.ndat".
Nous avons également le personnage de l'analphabète, de l'illettré
génêralerrent représenté Par un paysan sénégalais. Cela se manifeste
(l) Nous ~..nsons par exenple à ~eja Geey chauffeur de taxi.
(2) Cf. Les Nouveaux Contes d'Amadou K01.lmba, p. 25, P.A., Paris, 1958.

- 318 -
dans la rœction apeurée de DIENG dès l'annonce de l'arrivée
d'une lettre :
"- Une .teti:JLe de qI.Û ? de queUe c.ou.tewr. ut. .te
pa.p-leJl ?"
Ici, l'auteur se fait manifestement l'écho de plaisan-
teries courantes et de bons nets qui se font aux dépens de tels
personnages.
Mais l' hurcour de cette séquence ne parvient pas seule-
ment de cela, il provient aussi du canique de la situation dans
laquelle se trouvent les deux Partenaires de l'interaction. La.
situation de cx:mnunication ressanble beaucoup à ce qu'on peut
désigner ccmœ le paradoxe de Za doubZe contrainte ("doubZe blind").
En effet, pour faire plaisir à leur mari et célébrer à leur façon
la joie procurée par l' arrivêe du mandat, Mêty et Aram ont danandé
un crédit à Mbarka, pour préparer le repas que l'on sait. Mais
cette initiative risque de ne pas être part:agée par DIENG, d'où
un paradoxe entre la nécessité de "gâter" le mari en transgressant
.son autorité. Nous avons ici la oonscience du plaisir procuré
au mari, mais aussi celle de la""faute" nécessaire à son accan-
plissement. C'est l' ambivalence de cette situation qui a été
exploitêe à des fins hum:>ristiques. C'est ce qui expli.que
la phase de rétention de l'infonnation dans la préparation psy-
chologique de l'annonce du mandat. Car ici tout se joue sur
l'effet dilatoire de la transmission de l'infonnation. Méty
distille l'infonnation à faible àoee, en o:mnençant par délivrer

- 319 -
les ~léments les plus anodins : 1 ' arrivée du facteur, puis de la
lettre, ensuite de sa provenance et c'est seulement après, qu'elle
glisse subrepticerœnt la nouvelle du mandat, dans une feinte indif-
f~rence. Tout joue ici sur l'entretien d'un suspense artificiel
dont l'effet vise à d~sam:>rcer les réactions hostiles du mari,
lorSqu'il aura appris l' initiative des deux fermes. Ainsi, c'est
dans l' inp:>ssibilité de délivrer d'une manière directe un rœssage
ccmœ "vous avez reçu un mandat et nous nous en sal'lœS servis pour
prendre un crédit chez Mbarka" ; qu'on rœsure le statut et la place
de la ferme CCI'l'Iœ partenaire de la cx:mnunication dans un mênage.
cette place DIENG l'a détenninée
"Q.u.a.nd on ut. u.ne bonne ~poU6e, on attend t'oJr..clJLe".
Dans XALA, nous allons al::order l'exemple de deux inter-
actions symétriques, qui placent les partenaires dans une situa-
tion d' inégalité: par le sexe, l'âge ou la culture (ou l'idéologie).
Ici, également, il Y a divergence sur un point de vue bien déter-
miné.
Da."lS le premier exanple, nous avons un. dialogue d'El .
Hadji et de Yay BINErA:
"- U ut. t.emp.~ que t.u. t.e c.hangu Et Hadji, olt-
do nrz.a. la. Ba.diène.. à t' homme.
- Me c.ha.ngeJt••• POWLqu.oi 6a.<Jz.e ?
'- Tu dOM t.e me.t..tJte en c.a6t.a.n, .6al"'..6 pa.nta.ton et.
a..U.eJt t.' M.6eoi.Jr.. .6Wl c.e mOJvÜeJt, là, te manc.hon
entlte tu pied.6, jU.6qu.'à t'annonc.e de t'a.JlJr.iv~e
de t.a. 6emme.
. .

- 320 -
- Yo.y BINErA, t:.o-i a..tL6l>-i, tu CJto~ a cu chol>u !
J'e«. deux épOU6U et jamw je ne me l>u1.A !U..rU-
c.uU..6 é o.vec l> U :Or.uc.l>. Et:. ce n'ut:. ptUl a.u.joUlLd' htU
que je vw commenceJL !
.
- Tu n' U
ptUl un :tu.bo.b ! PeJLl>onnete.ement:., je l>u1.A
~cepüque. La genti..U.ul>e de t:.u épOU6U m'-inqu.-ièt:.e.
Ma petU.e N' GONE ut:. encoJLe -innocent:.e.. EUe n'a
pa.6 l'âge. de .ta. compUi.Uon. Enlève au. mo-iM t:.on
pant:.a..ton, et va t:.' tUll>eo-ilL. Je v-ienc:lJtaJ.. t:.' aveJLtUt
de l'aMivée de .:ta. 6emme.
Cet:te bJLU6quwe de ton venant:. d'une. 6emme n' Ua.U:
guèJLe du. goût d'El Hadj-i. Il éta.-it tUll>e.z évolué
poUIL ne ptUl accoJLdeJL de CJLécLU a cet:te l>upeJLl>.t.i;t[on.
- Non, JLéponda-il. l>èchement:. en ~l>ant:. l>e.u.te .ta.
BacUe.ne" (p. 34).
L'intérêt de cette séquence vient de ce qu'elle donne
à voir les différents asPeCts du cadre de référE'.nce dans lequel
prend place l'interaction, et qui ]?"....J::I'OOt de canprendre la réaction
des Partenaires. Ce cadre se caractérise par la coexistence de
cultures et d'idéolcgies disparates. Les cultures et les mentalités
"archaIques", c'est-à-dire naJ:qUées par la prédominance de la
pensée "Jr!Y1:hique", t.'Ôtoient des cultures marquées par l'influence
de la PenSée "rationaliste" occidentale. Cette thématique de
1.' ancien et du nouveau est fréquente dans la production littéraire
africaine.
Ici, les deux partenaires s'opposent sur l'axe idéologique
Yay BINErA représente l'axe traditionnel et incarne la PenSée
'~1rique" dans l'interaction. Tandis qu'El Hadji est un prototype
du locuteur wolof noderne, produit d'un syncrétisrre de la culture
africaine et française. Cette opposition n'est pas absolue, car
plus loin quand El Hadji aura le xaZa (ilrpuissance sexuelle),

- 321 -
quand il sera dans le désarroi, c'est aU?rès de la pensée "mythique"
qu'il se retournera. L'autre axe qui oppose El Hadji à Yay BrnEl'A
c'est le sexe. Nous allons voir ccmnent ces de\\.lX oppositions
êÙX)utissent à un échec de l'interaction.
c'est l'opposition idéologique et culturelle q'.li ex-
plique par exerrp1e le refus d'El Hadj i, quand Yay BINErA l' invite
à se sourrettre aux rites qui aCCOI'lpagnent la première nuit nup-
tiale. cela explique aussi les fonnules euphémiques auxquelles
a recours Yay BrnEl'A et qui supposent qu'El Hadj i "est dans le
coup". Par respect pour son interlocuteur, elle dit :
"El Hadj.i.., i l u.t .temp6 que .tu .te ChlUtgU".
au lieu de "El Hadji. enlève .:ton panta.ion".
Pourtant Yay BINErA sera obligée d'avoir recours à la fomcl.ation
directe car El Hadji ne semble pas avoir saisi le sens implicite
de : "il faut que tu te changes Il •
Et c'est quand Yay BINErA insiste, qu'El Hadj i se
fâche et manifeste avec quelque agressivité son hostilité.
Hostilité justifiée cette fois par la différenciation sexuelle
car ce qui choque El Hadji, c'est qu'une femne lui parle sur ce
ton.
Nous allons examiner maintenant le dialogue de RaIre.
et de sa mère au sujet du llxala" d'El Hadji:
"EUe ob6eJ1.vaLt lia mèlte. Lu yeux. de la 6emme
1te.6lé..ta..<.en.t lia connU6-<-on exbtême. Le bouqu.-i.n
pCt6l1lUt d'une met.<.n li l' autlte. Lell pa.wnu é.ta.J,en.t

- 322 -
mo1.:tu.
- Tu n' a.,6 JUen a oa.bte, mèJle... Rama. a.va.1..:t paJLté
a.vec béa.LLcoup de ~corL6pection. El~e ch~cha.lt
a a.pa.l6~ le 6eu qU-i ma.ngea.1..:t ~a. mèJle..
- Je ne peux même pa.,6 ~otr..:tbt. On me JLegaJLde comme •••
Le JLute du pMolu ~ e noyaU da..,L6 un ~a.nglot de
vo.ix Uou6 6ée.
- L'a.,6-.tu oa.l6 ce "xai.a." mèJLe ? ( ••• 1 Le mcUgJLe
v~a.ge d'Adja. N»a. ASTOU ~'a.UOt1gea.U VeM le menton.
la 6ente obUque du yeux ~'anU.nuMa.1..:t, du .tâ.chu
aJtg enté u , de la. gJLO~ ~ euJL d'une tUe d' ép-i..ng te de
ttU.lieuJL, -i..Ma.d-i..cUent de ~on oeil gauche. La. lèvJLe
ht6 éJUeuJLe, penda.nte, .tJLemblo.ta.U un coLLJL.t moment.
EUe dU :
- Je te jLLJLe, au nom de ya.lltJ..h, que ce n'ut Pa..6
mo.i.
- PoLLJLquo-i.., te ~ ett6 -.tu coupa.ble ?
- Simplement je ~1Li6 ~a. 6emme. La. "aLttl". Va.rL6 du
c.a..6 ~embla.blu,
on a.c~e la. pJLem-i..èJLe 6emme.
- Il 6a1.J..a.,i:t en paJLteJL a.vec pèJLe penda.nt ton "a.yé".
- Je ne peux peu, paJLteJL a.vec .e.tU de ça..
- Tu veux que je .e.tU en paJLte ?
- Tu u ~a.rL6 pudeuJL, ~'éCJL-i..a. Adja. Awa. ASTOU d'un
to n excédé en ~ e JLedJLu~ a.nt.
Le UVJLe tomba. a ~u p.ie~. fuJU~e, eUe a.jouta
- Comment peux-tu. paJLteJl.. de ça. a.vec ton pèJle ?
EUe c.e.a.qua. la. poJL.te en pOJt.ta.n.t. Rama., éba.h-i..e,
6.ixa.1..:t la.
poJL.te oeJtmée" (p. 80).
Dans cette séquence, nous sarroos en face d'une situation
rare, d'une interaction qui présente un cas extrême : une mère
.et sa fille s'entretiennent de problèmes sexuels, ici l'impuis-
sance sexuelle (le "xa'la"J du père qui al:iInP-nte la rumeur dans .
la ville. Tous les élérœnts sont donc réunis pour que le dialogue
aboutisse à un échec, et mette en évidence les difficultés de
ccmnunication entre des générations différentes sur un sujet
aussi délicat.
Adja Awa ASI'OU représente ici le pôle traditionnel,

- 323 -
nous verrons d'ailleurs dans ses répliques la manière dont se
manifestent les tabous de langage qui entourent tout ce qui
touche au sexe. Quant A Rama, c'est l'intellectuelle de gauche.
Elle Paratt bien placée pour évoquer avec "sérénitéll de tels
sujets. Mais ici, le problème ne touche pas n'.inp:>rte qui,
c'est El Hadji Abdou Kader BEYE, son propre père qui est frappé
du "xala". Pour parler de ce problème, Rama est sollicitée par
sa mère cartœ oonfidente. Sans doute pour décharger sa conscience,
son sentiIœnt de culpabilité. Mais quand Rama donne son avis
pour tirer sa mère d'embarras t celle-ci se sent choquœ, elle
quitte la chambre en colère non sans lui avoir lancé "tu es sans
pudeur", "cx:mœnt peux-tu parler de "ça" avec ton père". Réaction
qui surprend la jeune fille. Ce que Rama, n'a pas cc:arpris, c'est
que pour parler d'un tel sujet, il y a tout un code, toute une
convention, qu'il convient de manier avec précaution. On notera
ici, par exemple, que pas une seule fois Adja A't18. ASI'OU n'a
prononcé le rrot ":taLa" (inpuissance sexuelle), elle parle seule-
rrent de "ça". Ce que Rama. ne cCl'l1prend pas, c'est qu'elle est
siIrplarent sollicitœ carme "écoute", une oreille carplaisante
bien disposée A accueillir une confession. Mais elle n'a pas à
dormer son avis, elle n'a pas à parler de "ça" avec son père,
parce qu'elle est jeune et une femne. Deux traits l'errpêchent
d'être l'interlocutrice de son père pour évoquer un tel sujet:
l'âge et le sexe.

- 324 -
111. ETUVE VES MOVELES ETHNO-LITTERAIRES ENCHASSES
III.l. REMARQUES
Les m:xlèles ethno-littéraires enchâssés qui seront
abordés ici, concernent surtout le panégyrique et la joute
oratoire. Le choix de ces deux nodèles s'explique par leur
présence dans VElo:-eIOSANE, LE MANDAT et XALA. Ce qu'il faut
noter, c'est que ces deux nodèles ethno-littéraires n' ap-
paràissent pas sous la même fOIITle dans VEHI-eIOSANE, LE
MANDAT et XALA : le pnégyrique par exemple se manifeste sous
sa fonne traditionnelle dans VEHI-eIOSANE, tandis que dans
LE MANDAT et~, nous avons une fonne déviante qu'on pour-
rait qualifier de noderne. Quant â la joute oratoire, elle
se présente sous une fOIITle polémique dans LE MANDAT et ludique
clans VEHI-eIOSANE et dans XALA.
Les problèmes posés ici, se rapportent à la typo-
logie des différents genres de discours qui circulent dans
la cx:mnunauté w:>lof contemporaine. Les difficultés que nous
rencontrons ici proviennent du fait que les rrodèles ethno-
littéraires échappent souvent aux typologies établies par
référence aux m:xlèles populaires occidentaux. D'autre part,
depuis la tentative de G. CAIA\\1E-GRIAULE, il n'existe aUCU1""le
description systénatiqUe des genres du discours dans les
. '

- 325 -
cannunautés traditionnelles africaines. Or aujourd'hui, une
rêévaluation des rrodÈ!!les ethno-littéraires est urgente, car
ces rrodèles ont beaucoup évolué sous la double influence de
l'islam et de l'occident. Ainsi, ces rrodèles entretierment
des rapports carplexes avec le rcrnan, la nouvelle, mais aussi
avec la presse écrite et audio-visuelle. En Afrique franco-
phone, il convient surtout de relever la manière dont le fait
divers par exanple, est traité et l'intérêt qu'il suscite au
sein du public : ici, nous sarrnes en présence d'un genre qui se trouve
à mi-chemin de la nouvelle et du nodèle ethno-littéraire. Ces
précisions penœttent de donner une idée de l'impact de l'ora-
lité feinte cxmœ transposition d'énoncés et processus de dis-
eursivisation dans la production littéraire actuelle.
Dans les exanples qui nous concement, nous allons
essayer de déteJ:miner les problèrœs relatifs à l'ethno-texte
c:omœ élé:œnt du récit dans le ranan ou dans la nouvelle. A
cet êgard, nous essaierons de préciser s'il Y a une intégration
effective de llethno-texte dans l'éconanie globale du récit.
Dans ce cas 11 ethno-texte penœt de construire un actant
w::>lof qui est ancré dans un milieu socio-culturel bien déter-
miné. Ainsi ses qualifications et ses disqualifications sont
déteDlli.nées en fonction des valeurs culturelles, sociales ou
rrorales spécifiques aux nonœs du nodèle de réalité dans
lequel 11 se meut. Ici, la production de l'ethna-texte Participe

- 326 -
de la mise en place d'un "vraisemb Lab Le II spécifique au :ronan
ou à la nouvelle africaine ; par consêquent ccmne un des §lê-
ments de la oonstitution de l' univers culturel de l'actant
wolof. Dans ce cas l'ethno-texte transcende sa fonction
"dêoorative" ou "archéologique" d'élément d'un folklore.
YAt..A, c:xmre rœan constitue l'exemple parfait d'une telle
réussite, car il est à mi-chemin du fait divers de la nouvelle
et du nodêle ethno-littéraire. Car si l'on peut interpréter
cliniquement le "xala" cc:mœ une inpuissance sexuelle, il
n'en derooure pas noins que le "contenu manifeste" reste un
Iqythe profondément ancre dans la conscience du sénégalais
rroyen. Or c'est ce "~e" qui sert de prétexté, mais aussi
qui organise la structure narrative du récit. Si nous nous
Umitons à l'exemple des nodêles enchâssés, nous pouvons
dire que le panêgyrique dans VEHI-cIOSANE et dans XALA,
constitue des exemples d'intégration effective dans la IOOsure
où il pennet de donner un éclairage sur des actants ccmne
.N'OONE WAR THIANDUM, Yay BINEI'A ou El Hadji.
Par contre, nous avons des types d'intégration
Partielle ou artificielle d'ethna-textes. Ici, l'etiulO-texte
fonctionne pratiquement ccmne un élérœnt parasitaire du
récit, ccmœ une "digression" car il conserve une autonanie
relative dans la structure narrative. Sa suppression n'altère
pas l' histoire qui est narrée. Le m:xlèle enchâssé a ici valeur

- 327 -
de ténoignage ethno-graphique sur les noeurs locales. Ici
donc, l'ethno-texte garde son statut de folklore, d'élaœnt
exotique et décoratif dans le rouan ou la nouvelle. Sa
fonction peut être rapprochée de la description d'une case
en paille, d'un masque ou d'une danse. L' exerrple parfait
est celui de la joute oratoire dans VEHI-eIOSANE.
Nous allons maintenant cerner l'ensemble de ces
problà'res dans l'étude du panégyrique et de la joute oratoire
dans le l'.:'ClNUl et la nouvelle.

- 328 -
III. 2. ETUDE DU FONCTIONNEMENT TRADITIONNEL ET INSTITUTIONNEL
DU PANEGYRIQUE : LE "TAO" ET/OU LE "BAAK"
En 'o«>lof, on utilise indifférercrrent les tenœs tels
que "tag" ou "baak" pour désigner le panégyrique, clest-à-dire
un récit qui présente la foIl'l'e dl une louange arphatique,
exagér§e voire dithyrambique.
carme interaction sociale, le panégyrique se carac-
térise par l'existence de deux instances trad!tionnelles :
un narrateur représenté géléralement par un griot-panégyriste,
et un narrataire, représenté par le panégyrisé - Cl est-à-dire
la personne à qui est destiné le panégyrique.
carme perfonnance discursive le panégyrique ("tag"
et/ou "baak") apparaît ccmne une récitation ou un chant des-
tiné à exalter les vertus réelles (ou imaginaires) du pané-
gyrisé. Paxrni les différentes qualifications de ce dernier,
on cite volontiers la bonté, la beauté, la générosité, la
noblesse, qui, souvent sont présentées ccmœ des vertus in-
trinsèques liées à l'ascendance du narrataire-panégyrisé.
car celui-ci, ne serait que 11 incarnation de vertus "naturelles"
lèguées par ses ancêtres. Ainsi, le "tag" et/ou le "baak"
est une perfonnance discursive qui a pour fonction non seulement
d'instituer le statut social du narrataire-panégyrisé, mais
aussi de le fail.-e a.pparaitre carme un héros par nature. Par
conséquent ccmœ pratique discursive, le panégyrique apparaît

- 329 -
cc:mre un objet de vaz'eur dont d'iIrp:>rtance est fixée par les
conventions sociales et culturelles, car sa production suppose
l'existence de deux actants de la a::mnunication qui entretien-
nent des rapports de "places" (1) et de "classes". Le narrateur
panégyriste considéré d'une manière générale carme une Personne
castée, un griot, ("gewez," en wolof) ou un griot généalogiste,
("geweh1judu"). Quant au narrataire-panégyrisé, c'est toujours
une personne non castée, considérée carme d'ascendance noble.
Ce sont ces rapports qui instaurent l'aspect contractuel du
discours panégyrique.
car la Perfonnance· diseursive du panégyriste ccmne
rée!tation ou chant, place d'emblée le panégyrisé dans l' ob1i-
gation de lui faire un don en nature ou en espèces : c'est en
cela que le panégyrique apparaît cx:mre un acte il1ocutoire de
langage irrp1icite. Et c'est en cela que la Perf0l:TClanCe diseur-
sive du panégyriste déc1anche la CCltq?étence pragmatique du
panégyrisé, en fixant un progranma narratif qui se réalise
par te dbn ou z'a rétribution. Ce contpat énonciatif est
(1) "Le concept de "place", dont la. ~p~ci6"<'cU~ Ite.po~e .6U1t ce
t!uLU e.6.6 erttiel que chacun a.ccède à. .6on "<'deYliUé. à. paIt.tA.JL
et à. l' -i..nté.lt..tewz. d'un .6 Y.6tème de placu 'lu...<. le dé.pM.6 e.
Ce concept ..implique qu' i l n'ut pM de pa.ltole 'lu...<. ne .6oa
~~e d'une pla.ce et convoque l'inteJtlocu.tewz. à une place
cOMelo.;ti.,ve" • F. F1ahault, in : La Parole intennédiaire,
p. 58, Seuil, Paris, 1978.
Cf. aussi : Jeanne Favret-Saada : 1&s nots, la nort, les sorts,
chap. II.II p. 29 et sq., Paris, Gallimard, 1977.

- 330 -
détenniné à l'awnce par les oorrnes culturelles et sociales
qui régissent les rapports de places et de classes dans la
société traditionnelle. C'est ce type de contrat qui. existe
entre le narrateur institutionnel -un griot Panégyriste ou
un griot généalogiste (le "geweli-judu") - et une famille
royale, noble, aristocrate ou simplerœnt non castée.
Ainsi, en accanplissant le "tag" et/ou le "baak ",
le griot-panégyriste fait savoir au narrataire-panégyrisé,
qu'il reste à la "place" que la société lui a assignée :
celle du griot, de l'esclave, du casté, en bref du daniné.
Et de ce fait, il l'invite à· respecter la sienne: celle
du maître, du noble, du oon casté. Par conséquent pour se
reconnaître dans cette "place", le Panégyrisé, se trouve
dans l'obligation d' accanplir le don en espèces ou en nature.
La structure du Panégyrique se présente ainsi :
Nous avons d'abord l'accanplisserœnt d'un faire
discursif: une récitation ou un chant qui énumère les dif-
férentes qualif1catio~ du narrataire.:-Panégyrisé : la can-
munication d'un objet de vaLeur' socio-culturel. Ce faire-
savoir va déclencher à son tour un programœ qu'on peut
qualifier carme un devoir-faire, qui sera réalisé par le
don ou la rétribution. Sanction dont la fonction est de
consacrer les rapports sociaux traditionnels existant entre

-'-.,..._~
- 331 -
un :roi et son griot panégyriste, un maître ("sang") et son
esclave ("jaam") , un castê ("néno") et \\Ul non casté ("geel'").
Nous allons nous pencher sur l'étude du panégyrique
dans le ranan et la nouvelle de SEMBEm:, en examinant la
question suivante :
- Quels sont les différents éléments de la fonne tradition-
nelle et institutionnelle du panégyrique qui sont investis dans
le ranan ou la nouvelle ?

- 332 -
2.1. Etude du panégyrique dans VEHI-CIOSANE
Dans la production littéraire de SEMBENE, il est rare
de trouver une transposition qui respecte les fo:mes tradition-
nelles du pan~ique. On peut toutefois relever un élément
invariant qui se manifeste dans tous les exerrples de panégyriques:
c'est le discours laudatif.
Dans VEHI-CIOSANE, le panégyrique se manifeste dans
sa fonœ traditionnelle, c'est ainsi que nous retrouvons le
narrateur-panégyriste qui assure le rôle de griot généalogiste,
le narrataire-panégyrisé dans le rôle de l'aristocrate. Ici,
le panégyrique se déroule dans. trois IOC:Jrents de la vie de
l' héroïne panégyrisée :
- Dans la description de l' héroIne panégyrisée où l'auteur
lui-nâne assure indirectement le rôle du panégyriste.
- Ensuite, dans un nanent où. l' héroine s'apprête à se
suicider: dans un face à face pathétique de l'héroïne et de
sa griote généalogiste.
- Enfin, un panégyrique "post mOl'tem", qui se déroule
après le suicide de l' héroine, scandée par les fernœs du
village de SANl'HIU-NIAYE.
Nous allons étudier ces différents nonents du pané-
gyrique dans VEHI-CIOSANE, en essayant de dégager les liens
qu'ils. entretiennent avec la structure narrative.

- 333 -
Le premier moment du pan~gyrique
Dès le dêbut du récit, c'est l'auteur lui-même, qui
fait le panégyrique de 1 'héroine, dans un style qui mime celui
du griot institutiormel :
"SUll l e /)entieJl. qu'é:t.a.U /)a v.i..e, la. v.i..e de /)a
6amitte (le.[) THIA~~UM-THIANVUM dont elle é:t.a.U
.t' wU.que de.[) c.endante ma..i..nten.a.nt), elle avaLt
p!U.6 /)o.i..n de /)' ac.heJltÛ1eJl. /)aY/,/) déboJr..deJl. de la.
vo.i..e que /) e.[) pJr..édéc.e.[)/) eUJl/) ava..i..ent br..a.c.ée,
.téguée, la. bOJr..dant de leUll c.ondu.U:e /)aJ'U> :tâc.he.
On l'avaLt un.i..e aux NVI0BENE, dont le.[) nom/)
ét.tU.ent au./)/).i.. .lég enda..i..Jr..e.[) que .le /).i..en. VaY/,/)
c.ette v.i..e de gue1.e.waJt... 1de /)ang noble) une
:tâc.he .i..ndUébUe, c.et acte .i..nc.e.[)weu.x, p.f.M
qu'un ao6Jr..ont pOc..//l -toM, vena..U: /)ou1fteJl. le.[)
NVI0BENE
et .le.[) THIANVUM-THIANVUM" (p. 29).
c'est dans une énonciation qui se présente ccmne un
pastiche du griot, que l'auteur décrit son héroine N'OONE WAR
THIANDUM. La séquence qui contient le discours panégyrique
c:emnence par "sur le sentier qu'était sa vie ••. " et se tennine
à "... étaient aussi légendaires que le sien." : Ici, nous
avons l'énumération des différentes qualifications de l' héroïne
N'roNE WAR THIANDUM : elle est "gueZ-ewar••• (de sang noble) ".
Elle appartient à une illustre ascendance dont elle est l'unique
descendante: "les 'l'HIANDUM-THIANDUM". Elle hérite des vertus
civiques et norales de ses illustres ancêtres : "elle avait pris
soin de s'acheminer sans déborder de la voie que ses prédécesseurs
avaient tracée, léguée, la bordant de leur conduite sans tâche."
Les différentes qualifications qui détenninent la

- 334 -
narrataire-panégyrisoo, sont: "la ooblesse de sang" parce
qu'elle est d'ascendance gueZewar (de sang noble), et "la
noblesse de oonduite", car elle est d'une "oonduite sans
tâche". Par ooris€quent,
oous avons une qualification qui
tient de "Z' être" "la ooblesse de sang"; et une du "faire"
Il la noblesse de oonduite".
C'est grâce il ces qualifications
que N'GONE WAR THIANDUM occupe la place et/ou le statut de
gue Zewar dans la sociêtê traditionnelle.
Nous allons oonsidérer maintenant les rapports
panégyriste-panégyrisê. Ici, c'est le oontrat ênonciatif
qui fait dêfaut, car nous avons le rapport qui existe entre
un auteur et un personnage llnaginaire. Le panégyrique n'est
ici que le rêcit de la vie d'un personnage, son intérêt
vient du fait qu'il penœt d'énumérer les qualifications
du personnage. Pour mieux saisir sa fonction, il oonvient
d'examiner la séquence qui suit:
rrVa~ ce;t;te v.i..e de gueleLtWt... (de ~ang nobtel,
une .tâche .i..ndétébUe, cet acte .i..ncut.u.eux, p~
'lU' un a661Lon.:t pOU/L :to~ ve.ruUt ~ouU.e.eIL tu
NVIOBENE et tu THIANVUM-TH l ANVUM" (p. 29).
L'acte incestueux dont il est question ièi, est celui
dont s'est rendu coupable Guibril Guedj DIOB, le rrari mêrre de
N'OONE WAR THIANDUM. Cette séquence jette une anbre, sinon une
oontradiction sur les qualifications "naturelles" de N'OONE WAR
THIANDUM : on oote ici une rupture dans l'isotopie des actes

- 335 -
nobles: "un acte incestueux" qui "plus qu'un affront venait
souiller les NDIOBENE et les THIANDUM-THIANDUl-1". Par conséquent
panni. les qualifications qui pennettaient à N'OONE WAR. THIANOUM
de se prévaloir du titre de "gue~ewar" dans la société tradition-
nelle, une est désonnais mise en défaut par l'acte incestueux
de -son mari. Cette dégradation de 7, 'état du sujet, va brouiller,
"parasiter" la place qu'elle occupe dans la société. D'oU, la
nécessité d'une nouvelle épreuve à l'issue de laquelle le "ma;n-
que-d-être" du sujet d'état va être ccaublé. Car là, l' héroine
va tenter de reconquérir sa place, de reoouvrer son identitê
en effaçant "l' affrone' • Cette épreuve, ce sera le suicide qui
déclanchera d'ailleurs le panégyrique p08t-mortem. ce n'est
qu'à ce prix ccmne nous allons le voir que le panégyrique se
mérite.
Mais avant d'aller plus loin, nous allons considêrer
le deuxième naœnt du panégyrique : le face-à-face N' OONE WAR
THIANDUM et Gnagna GUISSE.
• Le deuxième moment du panégyrique
Le deuxième m:rne.l1t du panégyrique intervient à l'oc-
casion d'une œrérronie et d' \\ll1 protocole quelque peu funèbres
N' OONE WAR THIANDUM Si apprête à se donner la rrort, car l'ac-
coucherœnt de Khar Madiaga DIOB est proche. Elle va par consé-
quent expédier les dernières formalités concernant la transmission

- 336 -
de l' héritage léguê par les ancêtres. C'est à cette occasion
que N'GONE WAR THIANDUN a convoqué sa griote généalogiste
Gnagna GUISSE
"Je veux que tu. .tJI.a.ri.6me.ttu lu bijoux, lu.t
eUt-eUe, je lu tiel1.6 de ma. mèlt.e, elle de
l.o. ~ienne, aiMi de ~u.1.;te. Je veux que lu
bijoux ~elt.vent a l'en6ant, il. 6a.iJte ,de W.
un homme" (p. 77).
C'est ce protocole inédit qui va déclancher l'envie
de chanter de Gnagna GUISSE, mais son désir sera refoulé en
raison du pathétique de la situation de ccmnunication :
"Gna.gna GUISSE n'émeti:aU aucun o.v~. V' habi-
tude lu bijoux é:toJ..ent expMû le joUIt. d' un
mwage. C' Uali:. l' MtaInpille d' une 6a.m.U.e.e
guelewaJl., i l i Uo.i.ent eJt~u.1.;te polLtu pM l.o.
6ille, IOM du gJr.andu c~Jt~moniu. EUe ~.6i
lu léguaU: a ~ u d~A cenda.nt:6. La déma.lt.che de
N'GONE WAR THIANVUM étaU: nouvelle : lu bijoux
changeaü.nt de main et d'U.6age. Ce gute It.Û-
~U.6c);ta. le pM~é gloJt.J.eux a.tto..ché aux THIANVUM-
THIANVUM, dont Gnagna GUISSE étaU. l.o. guev.eU-
diudu (gJtiote généalogique) (1). EUe eut envie
de pOU.6~eIt. un toUé d'Uogu, mw ~e Jtetint
de toute mani6u.ta.ü.oJt intemputive" (p. 77).
L'intérêt de cette séquence, c'est qu'elle réunit
les actants traditionnels du panégyrique : N' OONE WAR THIANDUM
d'ascendance "gueZewa'l'u et sa griote Gnagna GUISSE, la "gueveZi-
diudu" (griote généalogiste). Le panégyrique ccmne chant est
siIrplarent mentionné carme envie de la narratrice institution-
nelle : "elle eut envie de pousser un tollé d'éloges Il ; mais
(1) C'est l'auteur qui traduit.

- 337 -
mus sornnes dans une situation de cannu..'Ùcation ou "toute
manifestation in'te.Irpestive" serait mal venue, voire indécente.
car N'GONE ~~ THIANDUM, n'est pas à la ptace oü elle est
autorisée à écouter son panégyrique, se trouvant dans une
situation humiliante pour une gue tewar, parce que l'enfant
que porte sa fille est le produit d'un cœmerce incestueux,
et de ce fait la transmission des bijoux de famille n'a pas
eu lieu selon les nonnes de la tradition ancestrale. Les
bjoux passent entre les mains d'une fille-mère et non d'une
épouse. Par consêquent les conditions de production du Pané-
gyrique carrme contrat énonci~tif et contrat social ne sont
pas renplies ici. Et cela, les deux partenaires de la can-
rmmication le savent.
Nous allons maintenant al::x:>rder le rranent oü les
conditions de production du panégyrique étant. rarplies, les
fenmes de SANI'HIU-NIAYE font l'apologie de N'OONE WA..'R. THIANDUM.
• Le troisième moment du panégyrique .
Ici, il s'agit de ce qu'on peut appeler un éloge
"poBt-mortem", prononcé en l'absence de tout protocole Par les
femnes de la Ccmnunauté de SANI'HIU-NIAYE. car, le Panégyrique
mus parvient au milieu de la ruroour qui couvre le suicide de
N'<DNE WAR 'l'HIANDUM., au m::rcent de ses funérailles :
"- Quel. duhonnewt ! je .btU..6 .6ÛJte que N'GONf.

- 338 -
WAR THIANVUM .6' ut donnée la. moltt.
- Plutôt moWUJt m-LUe ooiA de mLU.e man.ièltu
phu,
ao oJte.u..6 U i' une. que. i' au.:tJte. que. de. .6Up-
poltte.Jt un j OWl. de. pl.u..6 un ao oJtont. C' ut le.wr.
de.viAe., ce.tle. du THIAtv'VUM-THIANVUM. EUe. n'a
pM 0ailU à. la. tJtacU.:ti.o n.
- C'ut ce que. tout le monde. dit. EUe. ne.
pouva.li: pa.6 .6u.JtmOI'l,te.Jt cette. honte.. C' Ua.A..:t
vwme.n.t une. THIANVUM. La de.Jttti..èJte de. c.etié.
Ugnée.. Son .6a.ng a pMi.é, rLU. Yay KHUREVIA" (p. 88).·
Nous allons d'abord dégager les différentes qualifi-
cations que manifeste le discours panégyrique. Ce qui déclanche
le discours panégyrique, c'est le faire du sujet panégyrisé,
son suicide présenté carrme une épreuve qualifiante et came confir-
mation de la "p lace" du sujet d'état :
"Plutôt mou.JWz. mU.l.e. Qoi....6 de rrri.Ue matti..èltu
pt..u...6 a6 oJteu.6 U l'une. que. l'auVLe. que. de.
.6uppoJtte.Jt un j ou.Jt de. pl.u..6 un a6 oJtont. C' ut
le.wr. de.v.i6e., c.e.U.e. du THIANOUM- THIANVUM.
EUe. n' a pa.6 6a..<.iU à. la. tJ'..a.di.Uo n. "
Ce qui caractérise cette épreuve qualifiante, c'est
qu'elle établit une harologie entre la "nature" de l'acte,
du faire et la "nature" de l'être, du sujet d'état. La noblesse
de l'acte ne vient en quelque sorte que confinner la noblesse
du sujet d'état, il Y a par cons~ent identification de la
noblesse d'un faire et de la noblesse d'un être : "elle n'a
pas failli à la tradition" sous entendu des "guelewar", "c'était
vraiment une THIANDOM", "c'était la dernière de cette lignoo",
et surtout "son sang a parlé". Son suicide apparaît ici carme

- 339 -
un noyen qui pezmet de canbler son "rranque-à-être", produit
notamnent par "la tache indélébile", "l'acte incestueux".qui
avait déplacé son statut dans la société. Le panégyrique se
manifeste comme un acte de reconnaissance idêoZogique qui
pennet de restituer à NI OONE WAR THIANDUM son statut d' héroine
gue Z-ewar, sa place de THIANDUM-THIANDUM. C'est ce qui explique
les qualifications CClf['(OO "elle n'a pas failli à la tradition"
et cette "observation" de Yay KHUREDIA : "c'est ce que tout
le nonde dit".
carme rrodèle transposé dans la nouvelle, le pané-
gyrique n'a pas seulement un~ fonction décorative ou etlmo-
logique dans VEHI-crOSANE. Cela se manifeste notanment par
la place qu'occupe ce rrodèle ethno-littéraire dans la struc-
ture narrative de la nouvelle.: car si Gnagna (;{JrSSE, ou
N'OONE WAR THIANDUM nous apparaissent carme des actants
't.Olofs, Cl est que leurs ccmpétences et leurs perforroances
s'expliquent par leur ancrage dans les noI:'IœS socio.:.cultu-
relIes locales. A cet égard, les per59rmages sont construits
ccmne locuteurs mais aussi cx:mœ idéologèmes. ce qu'il faut
souligner, c'est le fait que le pa11égyrique se réalise
surtout après ·le suicide du narrataire-panégyrisé : c'est
qu'il répond ici aux conditions idéologiques qui l'ont secrété.
La ndse en place d'une ParOle qui a pour fonction d'assurer
la régulation des rapports sociaux. Le suicide ccmre épreuve
qualifiante est destiné à reconstituer Z'identité du sujet,

- 340 -
et le panégyrique carme "parole Il à reconna'ÎtI'e Ze 8lJ.jet,
d'entériner la "place Il qU'il revendique au sein de la société.
Le sujet fait "parler son sang ll et les t;anégyristes disent
que son "sông a parlé ". Ainsi l' identité de NI GONE WAR THIAND'L'H
canne guelewar, reste intacte. Elle a tout fait pour, elle a
payé de sa vie.
2.2. Etude du panégyrique dans LE 1JJANDAT
Dans LE t-1ANDI\\T, le discours panégyrique est enchâssé
dans le texte, sous la fome d'un discours indi.rect libre et
sous la fome d'une interaction opposant Gorgui 1-1lJ.IsSA et un
cadre sénégalais. Ici, le statut du pan~yrique came réeit de
récit est patent.
Le panégyrique penœt de rrontrer ici, l'exploitation
abusive qui est faite du contrat énonciatif qui existe entre
pan~riste et panégyrisé. car Gorgui MlüSSA, qui n'est pas
griot, simule le rôle du griot panégyriste, pour mieux profiter
des avantages de ce dernier :
"d 1utt c.oup fA. voix de GOJt.glU MATsSA c.ouvJU.:t
tu diveM blt.U.Lt6. It ~e cJUtnge.a.. en gJUot,
JtécUa.nt ta. ha.u..te lignée ttgaJr.1Yl-t" (noble) d' un
homme habillé à t ' e.LlJWpéenne : be.a..u.té du 6e.mm~
de c.e.tie ligné.e, gé.né.Jto~it.é dé.nl~Wtée e:t bJt.a.voUA2.
du hommu,
nobtu~e de lewz. c.oncfu.,Ue qui ILejaA..l-
w~a1;t .6wt te j eu.ne. Iwmme, ~a.l'lg pu.Jt, du phUJ
pWUl. POUMa.nt deA poiYLtu de voix c.a..6~ée., .il
é:ta.U
i~.6a.b.te ; d' un wo.fo6 Uevé .il bJti.6o.
ta. ILé.6i.6:ta..nc.e du. j eu.ne. hotmte pou.Jtta.nt ILéc.a.R.c.i-
btant a.u.x élo9 e...6 btac1J..;tionne1..o •.

- 340 -
et le panégyrique carme "parole" à roeconnattroe le sujet,
d'entériner la "place" qu'il revendique au sein de la société.
Le sujet fait "parler son sang" et les panégyristes disent
que son "sang a parlé". Ainsi l'identité de N'c;oNE \\VAR THIANDUM
canne guelewar, reste intacte. Elle a tout fait PJur, elle a
payé de sa vie.
2.2. Etude du panégyrique dans LE MANDAT
Dans LE MANDAT, le discours panégyrique est enchâssé
dans le texte, sous la fonœ d'un disool.II:5 indirect libre et
sous la fonœ d'une interaction opposant Gorgui MAISSA et un
cadre sfulégalais. Ici, le statut du ~rique ccmœ récit de
réeit est patent.
Le panégyrique penœt de oontrer ici, l'exploitation
abusive qui est faite du contrat énonciatif qui existe entre
panégyriste et panégyrisé. car Gorgui. MAt'SSA, qui n'est pas
griot, simule le rôle du griot panégyristre, pour mieux profiter
des avantages de ce dernier :
"d'un c.oup la. vo-i.x. de Go~ MArSSA c.ouvw
lu cü.VeJL6 b.ltu.Lt6. I.e..6e dha.ngea. en gJc.i..ot.,
lc.écUa.nt la. ha.u.t.e Ug née -!BMmi.." (no ble) d' un
homme habillé à. li eu.Jc.opéellGJne : be.a.u,té du 6emmu
de c.dte Ugnée, généJto.6Ltlé démuWtée et blUl.voWte
du hommu, no blu.6
e de lecm. c.o nciJ.LUe qu.-i. Itejail.-
~.6a.U .6Wt le jeune homme" .6a.ng pWt, du pl..u..6
puM. POu..6.6a.nt du po-i.nt.e& de vo-i.x. c.a..6.6 ée, U
Ua);t
-i.~.6a.ble ; d' un iMi'olo 6 Uevé U
bM.-6a.
la. 1c.é.6-i..6t.a.nc.e du. j eu.ne hormme poWt.ta.nt. Itéc.a.i..u-
tlutnt. aux. élogu tltadi..üoJIDW/.el...6 •.

. ,

- 341 -
On l'écoutait. Le g~ vibibleme~ gêné, avec
du 9ute-6 d' e.mP'ttL~ te.nt:LvU: de OJtuneJt cet
aè.de -<mpJtévu.
- Je ne cha~e que. POUA de l' Mg e~. LoM qu' 0 n
a. bwuvé .6on ".6anga" lma.i.VLe) en pMe.U lieu,
.u e-6t bon de le oa,{)[.e c.on.naZtJte aux gen6 de
ma conr.iUion. POWi.. de l' aJl.ge~ je ne cha~e pM,
je veux ga.JtdeJt toute cha.u.de la :tJr..a.r.iUion, vo-
ca.U.6ill GoJtgui MATSSA. Vaincu, le jeul1e homme
hU gfu.6a un billet de 100 F. V' une gamme MArSSA
éleva. la. vo.tY. qua.l'l.d le gM6 .6 e. JtetiM..
- Tu
le connw ? hU demeutda. VIENG, quand le
calme. out Jtevenu.
- Co nna.U:Jte ! Tu. e6 b.te.rt tuü6. V'.tu, j'ai e~e.ndu
.6on .6an.ta. (nom de 6a.m.uleJ et j'ai bJtodé de6.6U.6.
- J'ai compw que :tu. mélo.ngew le6 .6etnta. et le6
Ugnée6.
- Lui pM, J..J.. UaJ..t co~en;t qu'on pa.Jtle de hU,
Tu ne .6ai.6 Jt.ten de la. v.te d' aujowz.d.' hui.
- Non avoua VIENG, .6.tdéJté de ce ma.nque de d.tgtt.tté
de GO/tgu-i. MArSSA qu-i. .6 e 6a.iJ.JaU gJt.tot" (p. 132).
cette sé..'}Uence peut être découpée en deux parties
la première partie contenant le discours panégyrique va : IId'U11
coup la voix de Gorgui MAISSA... le gars se retira Il ; et la
àeuxièIre partie qui déIronte les mécanismes de la manoeuvre à
laquelle se livre Gorgui MAISSA : IlTu le connais ••• à la fin".
Dans la première partie de la séquence, le discours
panégyrique se déroule en deux t.enps :
Dans un premier temps, nous avons le réeit du pané-
gyrique de Gorgui MAISSA, produit sous la fonne d'une parodie,
dans le style indirect libre : IId 'un coup la voix de Gorgui
MAISSA••• il se changea en griotll • Ici, nous avons l'énumération
des qualifications du narrataire-panégyrisé

- 342 -
"be.o.uté du 6emmu de eUte Ugnée, généJr..o.bUé
démuWtée e,t b'LcwoWte d.e6 hommu de c.e:tte lignée,
.ba.ng pU.Jl., du ptU6 pWl.6. ft
Nous avons éga1~-nt l'indication de la ccrnpétence cognitive
de Gorgui MAlSSA, son rôle de griot généalogiste est simulé
"il se changea en griot", il est doué d'un savoir faire qui
lui pennet d'être bien dans la peau de ce personnage : "Pous-
sant des PJintes de voix cassée, d'un \\'lOlof élevé, il brisa
la résistance du jeune hcmne". Nous relevons également des
indications concernant la canpétence réceptive du jeune cadre
"il brisa la résistance du jeune l'larme qui pourtant est
récalcitrant aux éloges tradition.'l').e1s" •
La deuxième partie du discours panêgyrique est direc-
tement prise en charge par Gorgui MA!SSA qui apparaît cœme
actant de l'interaction, notamnent par le jeu du débrayage
actancie1 : "je-tu", où panégyriste et panégyrisé sont posés
carrre actants de la cœrnunication. Nous avons l'évocation.
des rapports de "place" et de "classe" qui le lie au jeune
cadre : "lorsqu'on a rencontré son "sanga" (maître) en pareil
lieu, il est bon de le faire connaître aux gens de ma condition"
ou encore "pour de l'argent je ne chante pas, je veux garder
toute chaude la tradi.tion". Ici, se déploie une argurœntation
subtile qui fait appel à la persuasion, au désintéressement
et à la séduction. Mais ce discours est rée11errent destiné à
diss;imu1er l' identité de Gorgui MAlSSA qui n'est pas un griot,

- 343 -
mais un irrq;x:>steur. Ce qui reste inplicite Cl est le contrat
énonciatif qui lie panégyriste et panégyrisé. A cet égard,
il faut noter que le panégyrique contient virtuellement des
rnéœnisrnes manipulatoires (1) qui vont jouer ici, du fait
de la structure contractuelle et rrodale du panégyrique. Il
suffit que le panégyriste présumé dissïmu1e son identité
pour que les rapports panégyriste et panégyrisé deviennent
des rapports entre manipulateur et manipulé. C' est ce qui
va se passer ici. Car, Irêœ si le jeune cadre occidentalisé,
ne semble pas se reconnaître à la place que lui désigne
Gorgui MAISSA, il n'en entérinera pas DOins le contrat qui
lie panégyriste et panégyrisé puisque le geste de Gorgui MA!SSA
sera rétribué : le jeune hanne lui donne 100 F (2 FF), une
manière ou une autre d'occuper la place du dominant. Ce qui
est rétribué, c'est .le mensonge de Gorgui MAISSA, qui lui-
même admet les limi.tes de sa ccmpétence cognitive "d'ici,
j'ai entendu son santa et j'ai brodé dessus". Mais la ma-
noeuvre de MAISSA n'aurait pu être réalisée, s'il ne dis};X>sait
d'un atout : l'ignorance ,du jeune hexttœ.
(1) "En :ta..nt que c.on6iguJc.a..t,i,.on cU...6c..u!U1-<-ve, eUt GREIMAS, ..e.a.
ma.nipu..e.a.t<.on ut .6ol.U>-tendue pail une .6btu.ctwr..e c.on.:tM.c.-
welle et une .6:tJr..uc.:twr..e modale. rl li' aga en eô Ôet d'une
c.ommwuc.a.ü.on duUnée a 6abte .6avo.i.Jt da.n..6 laqueUe le
duüna.te.wc.-manipui.a.teuJt po1.U>.6 e le dutina..t.a.bte-manipulé
Ve!t6 une pO.6ilion de manqu.e de UbeJt.tê (ne pM pouvobt n.e
pal> 6abte), au. point que c.elui-ci e6:t obUgé d'a.cc.epteJt
le c.onbutt pMpo.6é" in SEMIOl'IQUE, Dictionnaire raisonné
de la théorie du langage, op. cit., p. 220.

- 344 -
Dans LE MPIDA,!:, le pe-mégyrique apparaît carme une
digression, mais son intérêt tient à la manière dont il dé-
nonce la dégradation des m.::>eurs oon~raines, et surtout
la perversion des rapports sociaux soumis à la pression de
l'argent. Le panégyrique pemet également de mettre en
lumière la personnalité de Gorgui MAISSA, un être cynique,
un fItp:>steur et un hœrne très int€ressê,
décrit canme lIun
franc tapeur". Nous avons ainsi la description d' un univers
cO. tout joue sur le rrensonge, le paraître et le faux-semblant.
La phrase de Gorgui MAISSA, qui réFOndaï.t à DlffiG, quand
celui-ci demandait s'il connaissait le jeune hcmoe est révé-
lateur : "-connaître 1 Tu es bien naïf" et d'ajouter "tu
ne connais rien de la vie dl aujourd' hui Il •
Ce que l'auteur dénonce ici, c'est l'exploitation
qui est faite aujourd' hui de la traditien orale ; ce qui
inp:)rte ici, c'est l'exploitation du contrat énonciatif
qui lie panégyriste et panégyrisé, le fait d'en tirer des avantages
pécuniers. Ainsi, Gorgui MAISSA chante, non pas parce qu'il
est griot, mais seulement FOur gagner de l'argent. Le pané-
gyrique s'identifie ainsi à la flatterie et à la flagornerie,
un discours qui permet de manipuler et d'abuser.
2.3. Etude du panégyrique dans XAI.A
Dans~, le panégyrique apparaît dans sa variante
nodeme et banalisée, car ici no\\.1S n'avons pas les actants
. ,

- 345 -
traditionnels du panégyrique. Les raworts qui lient la n.ar-
ratrice au narrataire ne sont pas ceux d'un casté et d'un non-
casté. Ici, Yay BINErA n'est pas griote généalogiste, et le
seul lien qui la lie à El Hadj i, c'est que ce demier fréquente
sa fille N' OONE. !lais en l'absence d'un rapport de "place" ou
de "caste", on relève l'existence d'un rapJ;X)rt de "classe"
entre El Hadji et Yay BINErA. Celle-ci vit dans une famille
aux ressources très rroèlestes, tandis quIEl Hadji est le type
m3ne de l 'hame d'affaires sénégalais. Notons enfin, que le
discours panégyrique de Yay BINErA est court, mais sa fonction
dans la structure narrative est essentielle. Ici, Yay BINErA
pousse El Hadji à denander la main de NlroNE, au cours d'une
réunion de famille :
-"Ce' jowr.-ta Et Hctdj.<. d(!.va.a. a.tf.eJt a une gMnde
4~un.<.on avec N'GONE. La veille, .<.l l'ava.(.t
ha.b.iU.ée de la. tête aux p.i..ed6. Le pèJLe, la.
mèJLe et. la. Bad.<.ène le 4eÇWlettt. En a..ttendattt
que N'GONE .6oa p4ête, la. pala.b4e .6 1amo4ç.a
ouve/Lte paJI. Vay BINErA :
- El Hadj.i Abdou KadeJL BEYE, tu
ct.6 v.<..6Ué ta
mecque, la. ma.<..6on du. pILOphète Mohammed -
pa..<.x
.6wr. lu..<. e;t .6Wl :tout le monde -
:tu u
un homme
4upec:table e;t nou.,~ .6avon.s :tOM .<.e-<. paJI.eYL:t6,
:tu no blu '<'tttentio M en ce qu..<. co nceJLne N' GONE.
Nou..6au..6.6'<', nou..6 POUVOM .l' a66.ûLmeJt que notlte
MUe ne vou que paJI. :te.6 yeux e;t n' en:tend que
paJI. :tu o4eLUu. Et tu .6tU...6 qu 1 eUe u.:t jeune,
:t4è.6 jeune. On jMe daM le quaJI.ÜeJL. Ce/t.tu
nou..6 ne .6ommu pct.6 ~chu en cettt.<.mu de 6Jta.nC.6 i
ma.<..6 nOM .6ommu :t4èl> PMp1l.U, ~chu de no:t4e
d.<.gttUé. VaM notlte 6a.mU.l.e, au..6.6'<' lo'<'n que tu
peux 4emon:teJt, peMonne n' ct une :ta4e. En ce
jowr. d' aujowr.d ' 1uU, nou..6 Ü. 6a.<..60M .6avo~ qu'.<.l
ne dépènd que de .:to'<', .:to~ .6eu.l, un.<.que, que
N'GONE .6oU tienne le .4eM.an:t de .:tu joUM.

- 346 -
A oJto,Ld Et Ha.dj-i.. é:ta.),t ~. JU6qu' -i..ci l'éven-
.tu.ali:té d'un tnaJUa.g e avec. N' GONE n'a.va.J..:t pM une
.6 eule Qo-i...6 e66f.eWté .6 e.6 peft6 ée..6. Hcvr..ponné. pcvr.. la.
Ba.cLLène, .6 e..6 pel1.6 ée..6 nwtent vague..6. Ban0u-i..Ua.n.:t,
U -i..nvoqu!LU J.Je..6 deux épotL6u. Yay BINErA déc.hcû-
née, a.ya.nt: le de2J.6U6 l'épeJtonn.a..U: : N' U;a.J..:t-U
pM mU6u..e.man
? 6-U..-6 de mU6uhnan ? PoWtquo-i.. JtepoU6-
uLi.t :t-U c.e. que. Ya.Uah .6ouhcU:t.a.-i..:t ? E:ta.U-,u un.
tuba.b pouJt C.OY'.6uUeJt .6e..6 épOMe..6 ? Le. pay.6 auJta.J..;t-
U peJtdu .6 e..6 homme..6 va1.euJteux d' h-i..e/l. ? Lu homme..6
va1.e.wz.eux do I~.:t le .6ang c.oul.a.,U dal1.6 .6 e..6 vun.u ?
Comme., :toujOuJl..6 dal1.6 c.e. genJi.e de cLLa1.ogue le. plU6
pucLLque.
n-i..~.6a.it pcvr.. ac.c.ep:teJt. El Hadj-i.. Abdou
KadeJt SEYE c.éda pcvr.. na..i.b.tu.6e." (p. 20).
Dans cette s6;ruence, le panêgyri.que prend place dans
une stratégie argumentative globale révélatrice d'un type de
discours de la tradition orale. Ici aussi, nous avons la mise .
en place d' un dispositif I1'Ié'U1ipulatoire, identifié à un piège ;
:"A froid El Hadji était pris", au teDne duquel le narrataire-
panégyrisé 'perd sa liberté.
Il convient toutefois d'apporter un certain nanbre
de précisions concernant le panégyrique qui se manifeste ici,
d'une manière assez brève du reste. Nous avons là,la version
Il'Odeme et on ne peut plus banalisée du panégyrique. On notera
par exanple qu'on est loin de la distribution traditionnelle
des mIes du panégyrique. Car il est rare qu'un griot-panégy-
riste fasse état de ses qualifications, sinon pour indiquer ses
c:arpétences naturelles -
et ce, pour ne pas accepter n' iIrq;x:>rte
quelle rétribution - . Or Yay BINErA affinœ clairement qu'elle
est issue d'une fa.'Ili.lle "propre". ce qui lui pennet de se situer

- 347 -
à la nâne "placeIl qu'El Hadji. D' a.iUeurs sans l'existence d'un
tel rapport, le mariage d'El Hadj i et de N' (nNE aurait été dif-
ficilement envisageable.
De ce fait, l'intérêt du discours panégyrique de Yay
BINErA se situe ailleurs. Ici 1 nous n' aVOf'l.5 pas un panégyrique
qui fait référence à l'arbre généalogique du narrataire, ccmœ
c'est le cas p:i.r exerrple dans LE MANDAT et dans VElU-eIOSANE.
Mais' par contre, il brosse le profil du mari idéal, à travers
le portrait de El Hadji: El Hadji est un hcmre respectable,
honorable, pieux et riche. Panni. les qualifications qu'on lui
reconnaît, on distingue une carpétence sociale, norale et spi-
rituelle :
"Et Hadji Abdou KadeJt BEYE. tu. M v.wUé .ta.
mec.que~ la. mal.6oYl. du pILoph.è;te Mahomed -
pa.i...x
~UIL !lU e:t. .6UIL tou..t le monde -
tu u un hom-
me Itupec.ta.ble ( ••• ) " •
El Hadji, malgré son âge -
la cinquantaine -
est encore capa-
ble de susciter la passion chez u.'1e adolescente, N'Q)NE, dont
Yay BINErA dit qu' "elle est ~s jeune". Nous relevons à cet
égard, ce cliché qui fait partie des fo!IllU1es ritualisées du
registre sémantique de l'arrour : "Nous aussi, parents, nous
pouvons t' affinner que notre fille ne voit que par tes yeux
et n'entend que par tes oreilles". Dans ce discours, où l'on
note surtout le désir de séduction, Yay BnœI'A introduit d'une
manière subtile l'idée du contrat -
du mariage -
o:mœ un
. 1

- 348 -
principe acquis. D'abord à l'aide d'un faire-savoir : Yay BINErI~
pose carme implici.tement acquis l'adhésion de El Hadji, dans une
phrase où elle lui ilnpute "l'intention nOble" d'épouser N'GONE
"NOM ~ClVOI'M :toM ,tu paJL~ tu nob!u
,trd;ent"Lol'M e.n ce qu.L conc.VLne N'GONE" •
.
situation glu l'engage d' embloo dans la logique du mariage alors
que "pas une seule fois l'idée d'un mariage avec N' GJNE n' avait
effleuré ses pensœs Il. Ensuite la Badiène le place dans une
situation oü il semble jouir d'une apparente liberté de décision,
en lui faisant savoir que l'accord de la famille lui était acquis
d'avance : "Nous te faisons savoir, qu' il ne tient qu'à toi, toi
seul, unique, que N' GONE soit tienne le restant de tes jours".
Liberté, scmne toute illusoire 1 le plaçant devant un choix unique
êpouser N'GJNE. C'est pour cela qu'il inporte de souligner que
dans cette séquence la séduction n'exclut pas le chantage. Ainsi,
aprês le panégyrique de El Hadji, Yay BINErA introduit sournoi-
serrent œtte .allusion : "On jase dans le quartier" ; petite
phrase qui perrret de rrontrer la manière dont se construit le
faire-persuasif de Yay BINErA. Voilà cc:nment on peut en résumer
les élénents qui pour la plupart restent implicites: "Je sais
que tu désires épouser N'GJNE", où Yay BINErA présuppose l'exis-
tence d'un "vouZoir-faire", d'un désir, destiné à placer El Hadji
dans une situation où il est dans l'obligation de le satisfaire,
parce que El Hadj i est un harme respectable, riche et pieux. Il
est aimé d'une fille très jeune, qui malgré ses origines m:x1estes,

- 349 -
est issue d'une "famille propre". Donc, El Hadji doit épouser
N' GDNE, sinon il laisserait libre cours aux mauvaises langues
'"
et aux ragots.
Ces argurœnts vont s'avérer efficaces, dans la mesure
oü El Hadj i, nous est ensuite présenté carme un ha:rme piégé.
Cela est connoté Par l'existence d'un lexique de la chasse aux
<]rOs gibiers : "harponner", "éPerOnner- etc. qui ll'Ontre bien
la manière dont fonctionne la manipulation.
El Hadji, se trouve de ce fait placé dans une situation
de manque de liberté : ne-pas-pouvoir-ne-pas-faire. Ensuite, nous
assisterons à la transformation de la cc:rcpétence nodale de El Hadji,
qui entérine la réussite de la IMnDeUVI:e de Yay BINErA :
"Ha)tponn~ pM .ta. Ba.cUène, .6e.6 pe.l'L6ée.6 6Wt.eJ1t
vagUe.6.
Ba.6ou.U1.a.nt., .il. .ûtvoquaJ..t .6e.6 deux.
épo/.L.6 e.6 Il •
Ainsi, dans le dispositif a.rgunentatif mis en place
. par la Badiène, nous pouvons relever deux types de faire-persua-
sif : nous avons une manipulation Par la séduction se déroulant
sous la fonne du Panégyrique, et une manipulation Par le chantage
et l'insinuation, consistant à remettre en question les qualifi-
cations préalablement reconnues dans le panégyrique, si El Hadj i
renonce à épouser N'GONE. Tout consiste chez Yay BINErA à indiquer
la place qu'occupe le Panégyrisé-manipulé, puis à ébranler cette
place s'il ne se sournettait au désir du panégyriste-manipulateur.
ou bien El Hadji honore le contrat qui lui. est proposé -
le mari-
age -
e,!=- de ce fait, il répond au portrait fait de lui, par le

- 350 -
panégyrique de Yay BTh"EI'A, ou bien il refuse et dans ce cas
ces qualifications restent caduques.
Nous voyons par là mêrœ l'intérêt du panégyrique
dans la stIUctw:-e narrative, ici, il pen:met de situer le
rôle thématique de Yay BINErA et de El Hadji. Yay BINErA
apparaissant ccmne une ferrme r<:::rcpUe aux intrigues, et El Hadji,
le ~-rçant riche, arriviste, chatouil'ieux sur son arcour
propre /caIDe un personnage inconsistant, faible et falot.
Mais on saisit €gale ment ici, deux aspects de la
fonction institutionnelle et traditiormelle du panégyrique,
que l'on trouve dl ailleurs dans VEHI-eIOSANE, LE MANDAT et
~ : la visée de séduction inhérente li tout di.scours pané-
<J'trique, qui est d' m.blée inscrite dans la pratique de l'éloge
et de la dithyrambe. Ici, aussi, ce sont les mécanismes mani-
pulatoires du panêgyrique qui sont mis en branle. Car U-T1e fois
que la performance discursive est acccnplle, la "place" du
panégyrisé se trouve ~"1tnédiaternentmise en question, il se
trouve dans la situation de respecter le contrat ou de perdre
la face. C'est cette contrainte même qui inscrit en creux ou
en pointillé, toute possibilité de manipulation dans le discours
panéqyrique. C'est notarement cet aspect de la structure du
panégyrique que SEMBENE exploite à fond dans XMA et dans LE
-
-
MANDAT. car de faux griots ccmne Gorgui Mh1SSA, n' exploitent
les contraintes de la structure contractuelle du panégyrique que
pour gagner de l'argent. Quant à Yay BINErA, son habileté

- 351 -
consiste surtout à utiliser la séduction et le chantage.
Par connéguent la sGduction et le chantage qui sont
les aspects fonœJreI1taux du discours pané;yrique, penrettent
à l' écrivain de faire le portrait des ~-sonnages ~'l'li.ques,
manipulateurs et imposteurs. l'-byen astucieux qui penœt à
l'auteur de dêtenniner les qualifications et disqualifications
des actants e.'"l fonctlon des noIJneS socio-culturelles \\'.Olofs.
Nous allons étudier maintenant la joute oratoire
canne nodèle enchâssé.

- 352 -
III. 3. LA JOUTE ORATOIRE COMME MODELE ENCRASSE
La joute oratoire se présente ccmne une interaction
sociale qui, à bien des égards ressemble à la fome et la struc-
ture de carmuni.cation du disoours pol€mi.que.
Et cela, du fait
mêIœ de la nature de l'échange qui se prod.uit souvent sous la
fome d' un véritable "pu.gilat ·verballl • On peut observer l'exis-
tence de deux protagonistes qui rivalisent dans la production
de fonnules (cocasses ou non), de.provel."bes, de sentences et
de maxirres qui pour la plupart fonctionnent ccmne des poncifs,
des stérootypes et des clichés de l'opinion conrnune.
Si l'on se réfère aux circonstances de production
de la joute, aux qualifications linguistiques et cognitives des
jouteurs, aux effets recherchés ou prcduits Par leur discours,
on peut distinguer divers types de joutes oratoires. Dans
VEHI~IOSANE,LEMANDAT et ~ nous en distinguons deux.
Le prenû.er type de joute oratoire, est celui qui se
trouve enchâssé dans }"..ALA. et dans VEHI~IOSANE. Ce type de
joute oratoire, n'a pas une foncti.on pol€mique,
bien au oontraire
les effets qu'il recherche sont d'ordre ludique, voire hédonique,
ce qui caractérise la joute ici, c'est son. caractère spectaculaire.
car ce qui guide l'échange, c'est d'abord le plaisir, on renarque
ainsi une c:arplicité entre les partenaires de la joute et l'au-
ditoire. Par conséquent ce type de joute oratoire s'apparente au
"hein-teny" des Mérinas que Emile BENVENISTE décrit ainsi

- 353 -
"Tout c.o~ÎAte. e.n plLoveJt.bU .cUéA et en c.ontlte-
plLOve.Jt.bu c.o ntJz.e.- c.Ué.6. 1t n' y a pM une. .6 e.uie.
lLé6éJt.e.nc.e. a t'objet du.débat. Celui d~ deux
qui CÜ6pO.6e du p.tu.6 gJtand l>toc.k de. pJtove.Jt.bu,
ou qui en 6a.i..t '-' ~a9e. te iPf.u.6 adJtoU, .te. p.tu.6
maLLc.ieux, .te. moin.6 p''Lévu. Ime:t .t' a.u:tJte à. qu1.a
e.t i l ut p!tor..l.amé vtU./'I.quewtll Cl).
Le deuxième type de joute oratoire, oomne rrodèle
enchâssé, se manifeste surtout daT1S tE mNQ~' Ici la joute
a une fonction résolurnent polémique. Car ,ccmne dans tout dis-
cours polémique on note l'agressivité du ton des partenaires
de l'interaction, mais aussi une trame argumentative et p:r-
sœsive sous-jacent.e aux fonnules écharlgêes.
Nous allons procéder donc à l'étude de ces deux
types de joute oratoire.
(1) Cf. Problème de linguist~.~e 9:~rale, T I l , p. 85, Paris,
Gallimard, 1965.

- 354 -
3.1. Etude de la _fonction".ludi2e.d_e la jou:!:e l dans VElU-crosA.1'\\JE
et XALA
1.1. Etude de la joute ~i acc~ne le jeu de "yothé", dans
VEHI-erOSANE
Le "yoth~" est. un jeu de daIœs sénégalais dont les
protagonistes sont désignés du -tenne de "yothékatB" (joueurs
de dames). Mais ce qui fait 1 'origtnalité du jeu, c'est sur-
tout le jeu de langage et la palabre qui lui servent de sUPfOrt.
Le jeu de langage, c'est la joute verbale qui op];ose les deux
'yoth~katB" et accessoirement leurs ~upporters respectifs. Ainsi,
les partenaires de l'interaction sont également les protagonistes
du jeu de "yotM ". Il convient de souligner aussi le rôle dt ani-
mateur dévolu à l'auditoire, qui hLl aussi participe à la joute
par l' intennédi.aire des supfX)rters.
Mais on rencontre aussi des élénents hostiles au jeu
de "yotM Il au sein de l' auditoire, nous conviendrons de les
désigner ici par le terne "d'anti-yoth~kat", par opposition aux
yoth~katB.
Quant au discours produit par les jouteurs, il n'a
gênéralerent aucune cohérence apparente, il semble être guidé
par la disposition du jeu et par la fantaisie des yothékats.
Par les thèmes érotiques et obscènes qui l' aliJœntent, on peut
ranger ce type de joute panni. les genres hurroristiques de

- 355 -
l' oralité classés ccmne plaisanterie scatologique.
Dans VElU-cIOSANE, deux séquences ont été consacrées
au "iJothé", nous allons les présenter d 1abord, nous procMerons
ensuite à leur description. La première séquence, s'en tient
surtout il la présentation des yothékats. il la description san-
maire du jeu, nous avons ensuite un échange qui s' arrorce, et
ce sont finalement les palabres et les digressions qui prennent
le pas sur la joute. La séquence est l~, mais sa reproduc-
tion nous sanble indispensable pour saisir le contexte de can-
mWlication dans lequel s'opère la production de ce micro-rocrlèle
etlmo-littéraire :
"Le yothé débuta. :
-
En6onc~ j~qu'a touch~ l'o~ de l'échine,
apo~~opha BAVIEYE.
- Véga.in~ la lame endu.U:e de ~a.ng, Jt.encMJt..U
GORNARU.
- Homme, je vo~ ~a.lue, A'annonça. Yaye KHUREVIA
en ~ e délutant de ~ on paJU~.
La. nlUJU.6~UJte de ~a peau. Jt.enda..U ~on âge .i.ndé6.i.-
n.i..6~a.b.e.e. So~ .fa. v.i.e1lle ~ole de cotonnade,
i l ~embla.i:t que .6a. peau l4c.he ~UJt la. chevr..pente
d' o~. SOu.6 le bun:te.n.i.~, clle tenait ma..'Lché
de cU66éJt.entu detVtéu ww lu ma.:tin.6. Ma.n.i.aque,
~upeM:t-Weu.6e, eLe.e Jt.éc.U:.<U.:t du .i.nca.n:tation.6
pOWL Jt.endJr..e ~a. joUJtnée bOH.YI.e.
- Mê6.i.e-to.i. KHUREVIA, de L'ép.i.ne du 6.i.guu de
ba.Jt.ba.Jt..i.e, de cu 6Jt.t.U.:a d' e.n6~, la :ta.qubuut
BAVIEYE.
- FIU.I.U.6 d ' en6eJL ? peu:t-we. Je v~ de cu 6Jt.~
a.vec. ma. 6am.i.Ue. YaUah W
a. 6a.i:t a pJt.o6~.i.on e;t
poUJtquo.i. ?
- PoUJt l~ pauvJt.u ! C1u~ l' oeuvJt.e de Sa.y:ta.né
(Satan)
(1) poUJt tent~ l u pauvJt.u.
(1) C'est l'auteur qui traduit.

- 356 -
il
Ne me caM. pcu CÜJte. BAVIEYE, à mon âge
ce Que je. ne. ve.u.X pM cUJI.e eX n' cu: j amw
dU. qua..nd j' V..a-<..6 j e.u.ne.
.
- Q.u.a.nd tu é;tIJ.Â.A j e.u.ne. •• hi ! lU. ! hi ! ...
j'é:ta.i..4 déjà. homme.. Tu t'en -6ouv,< e.n6 ?
En6in pM~On6.
- Tu cu vu .tOYL c.hemù1. LATYR ?
- Ve. mon 6ltOltt ? Non ••• Au.JuU:t-il pw un
a..u.tILe -6 en:UVL ?
- Je ne. -6~ te le d1.Jr.e.
- Il 6aut -6e m~6.[eJ[· du 1l.encortbr.u ma.1.veillantu.
- Q.u.e. veux-tu dVt.e BAVIEYE ? A ton âge n'cu-tu
peu honte?
Au.ue deJLJt.Lèlte -6011. Ua..eaBe, eUe pltêtaU
attention
a..ux comme~e6 du yoth~kath
(jouuv~ de. yothél (1). Et à chaque ponctuation
veJtte, eU.e bouge.a.Lt la. tête".
La seconde slque.Tlce consacrêe au yothé, accorde une part plus
r
inp::lrtante à la joute oratoire qui sert de support au jeu, à
cause de la participation de l'auditoire. Ce qu'il faut noter
surtout, c'est la diversité idéologique qui se manifeste au
sein de l' auditoire, d' oil la production de discours très divers
ceux des fidèles de l'islam qui assimilent les "yothékats "
aux suppôts de satan et ceux des Yothékats qui tournent autour
du sexe.
"BAVI EYE eX GORNARU -6' UtLi..ent pltéupUu a.pltè-6
la pJUèlte de ta..c.Ou.bane pouJt lte.pItendJte. le.uA
pa.JLtA.e de. yothê : deva..n-t .têmo-in6 le jeu. êtail
pM-6.[onna..l'tt.
. .
- PénUltVL ! a..pO-6:tJtopfta. BAVIEYE qu.-i pla.YLtoi..t
un "c1.0ll" et commenta.il :
quand on a. ce.:tte coltne. cl la. 6u~ e, la. pO-6ilio YI.
tUl-6.u e. e.-6t bl.c.on60Jt-ta.ble, -6OU qu'on -6 '.[niline,
-60U qu.' 011. la. log e., da.n6 un Me.ux a.va.nt de. .6' (1..6.0 e.o-i.Jr...
- A.:f:.t.,U:ade. -incommo de. pOuA un pltUe.nda..nt che.z -6 u
6u..tu.Jt.6 be.a.u.x pa.JLent6, 1l.e.nc.hêltil SEMU 'lu.[ plte.l1.cUt
place.
(1) c'est l'auteur qui traduit.

- 357 -
Ve ta. "morquée" aJ1.J'vi.vrUen:t PALLA et MASSAR. Ce
deAYl.i.eJl. ava.li:. l.el! cheve.ux moui.l1.é.6. V.i.Y'Jte.nt
ett.6u.Ue lV:l aiWLe..6 6olUna.nt: gltoupe avec l' .iman.
En.tJLe le ta.c.ou..~ane eX. .ee U:mJ...6, ta. co!LCLi.aLUe.
a .ta. bonhomie.. de.. .la. Cau6We.., <!le. më.e.aie..nt .eV:l
oppO<!liliOn6 peJU,OI1Yle...U.V:l eJt Ôamil...<.a.tu ; le..
pa.la.blte..
.lie gltoupa..U, .6e.. CDtJ.pa..U pCVL6o.i..6 de.. long.6
.6.ile.nc.u, pOUlt ltebondiA d
.6' embltotUUeJl. .i.nex-
.tJl..i.c.ablement.
- Que d.i..6-tu. ?
- Je cU6 que.. le.. yothé u~ un j eu. de .6aytane.. A
pune ave..z-voUll 6bû. VO.6 e'ha.pelet<!l que.. VOM êtu
a ce. jeu., cLU l'..iman 6ac.e à. Ba.ye.. YAMAR, le. C.Oltp<!l
appuyé .6Utt .eu c.oudu, JtegaJlda.nt au lo.i.n deA
en6ant.6 'lu....<. mena..i.e.Y'.-t un ciK-e. ltéc.a..tc.-U:tt.lI.nt.
- On pa..6.6
e le temp.6.
- C' e6t jMteme..nt c.e. qlLi. u t gJta.ve.. !
Ce. te.mp<!l de..Vlr.aLt-ê;tJc.e COnMtCJte. a Ya.Ua.h. Et de
p~ VOM ne.. cf...UeA que.. du. gILo.6.6.i.èJz.etéll.
- U. n' y a. que.. deA "ma..e.a..t.kt:z." langeA) pou/t. cei.a..
Eux qui n' Oltt n.i. déb.i.Jt, ni.. na.mU1.e, n.i. <!lue.
Et1-t'Le. Ya...U.a.h a noM -
j e.veu.x rLiJte moi-méine,
je. ne. veux pM de.. pMtectt?1WL. Ce que.. je 6a.i.6,
je.
.te. 0a.i.6 au g".D.nd j OM.
- Ce. que.. lu a.utJtu 60nt '14U.a.h en jugvr..a..
- Vonc
~.6e-le., qu'il me juge.
Ce.ci cf...U, BAVIEYE a.vanç.a. .6cn long cou, .6e.. conce..ntJta.
a cl haute vo.i.x :
- LOJL6qu'on po.6.6ède.. une.. 6emne.., ou eUe t'a..i.me. ou
e1te. compte. .6U1t ta lte.coUe.. MIATH, .6on .6UppoJtteJt,
.6lU.6U le.. poignet de.. BAVIEVE et ajouta. :
- VJta..i. ! Quand 0 n a une vi..tli.U..e. ~ emme.. pe..Y!.cfa.n.t le.
6JtO..i.d, on ta. /téchau6ne de.. ~:on coJt.p.6, ou a.ve.c qua.rr..Uté
de. 6a.gou de bo.i..6.
- Cu deux ac.tivUéll ne .liant peu. du occu.pa.tiOI1.6
co~nu.e..e..e.u ; l'une.. comne dal1.6 l'a.utlte.., on y ~.6e
.64 peau, /te..nche.Jtit BAVIEYE en piquant v.i.6 un bci.ton-
na.
Lu uclamaUo l't6 mo ntèltent.
- Ja.ma..i6 plu..6 tu. ne te.. h.a..&aJJ.deJta..6 dal1.6 cette ea.6e,
eUt GORNARU et à. Mn toUlt, i l comme..nta. : mangeJt
de ta. chtUJr.., monteJt .6U1t ta. c.htu:Jt et meftJte.. de.. ta.
chabt da.11.6 ta. c.ha..Vt. !
Et, d'un gute !LUde.., .il alV''lG.cha. dcw.x bcitonnet.6,
p.t.a.ça. .6on
~o.ttin d'âne..
- M.ta.éoUll1a.h ! Mtaüowt1.ah , Itépéta. MASSAR e..n. .6~~­
.6ant l' ava.n.t-bltlU de.. PALLA. (PALLA.6 e.. lte.dJc.u.6a,
.6' U:bui .6U1t
.6eA /tutU»). MASSAR déc..e.a.ma.a lu oJtdon-
nancu en o.Jta.be e;t en wolo& : i l nt y a. que.. cei.a.de

- 358 -
r'
vJtaJ... : Lell' Saiittu E~.
Lu yothékcl:a 6-Uz.ent 6ac.e. aux. M.6aJ../..U du plté.CÜ-
c.o.:te.uM : .t' ,(man e..t MASSAR. (••• )
Le c.hc.hu:t du jou.e.uJt6 eto..bt. e.y~vé.loppan;t.
BAVI EYE de c.ôte., h' .i.Yl.cLi.na." déc.oUa. Ut 6U.6 e.
gauc.he. et 6U du. ve.nt douc..eme.nt.. PaLs envoyant
à. c.ha.c.u.n un ltegOJtd
.ti.mi.de. ciJ..l,c.Jtet., il. dU enM.n
Atho.rndou-U.bah !
- Un D.6 daM la. ma.WoYl., iL.. ut pOWL qu.i ? demanda.
GORNARU.
- PouJ[. le. c.he.n de. c.aJ'JLê Jr.~poYl.dU quelqu 1u.n.
- Non à. la. phu belle du 2.pOMU, d.i;t un euWLe..
La C.OYl.veJJ,.6a.û.OYl. .6e ciJ..l,pell.64 ( ••• 1 Aiguü .te.6 e.x-
c.l.ammon.6 du yothé-km Jtue.nt.-Uz.e.nt.. GORNARU
vena.U de. Jr.e.mpolLte.Jr. la. beU.e. BAVIEYE cU.6a.U :
- C' ut paILc.e qu.e. je. clou ,tUILe. mu abluü.on.6"
(v.c. p. 80-81 et 85).
Dans les deux séquences qui précèdent, la joute oratoire
se produit dans une situation de cx:mnunication caractérisée sur-
tout par l'existence d'un contexte "ad hoc", que l'on p9ut désigner
ocmne le "contexte-yothé". car en l'absence d'un tel contexte,
il n' y a pas de joute oratoire. Il est donc nécessaire d'indiquer
ici, les différents aspects du "contexte-yothé" pour cc::arprendre
justetœnt le caractère hybride et fragxœntaire de la joute
oratoire enchâssée ici.
Le contexte-yothé, se caractérise d' alx>rd par son
ancrage spatio-terrq;x:>rel. En effet, la joute oratoire qui ac-
c::acpagne le jeu de yothé prend place au "peinthieu" (la place
du village) et sous le "beintanier" qui ici fonct1orme carme
arbre à palabres. D'autre part le yothé prend place aux rraœi1ts
creux de la journée, entre la prière de l'après-ilÛdi (te tacou-
Ban.e) et du crépusc-llie (l,e timis)
:

- 359 -
Il Enbte. te.'· ta.c.o Mane. et te. ü.In.i...6,
.ta. c.OI:.dJ..a..U.J:.é
et f!..a. bonhomie. de. .ta. C.CWM!.Jt-i.e., .&e mêlaie.rLt lu
0PP0l>);f"'-<'OM peJt-6onneUu et uamWa.e.u j te. pa.-
.ta.b.'te. l> e. gJtOupctLt, .& e. c.ou.paJ...t pCVl6o-i.-6 de. to ng.6
.6,ue.nc.e..6 poUlt JtebonCÜJt. et .6' e.mbJtou.iUe.Jt .ine.x.-
tJuc.ab.temel~.t"
Le contexte-yothé, Cl est dans une cert9ine Iresure
le contexte de la palabre, lieu par excellence de la sociali-
.sation. Cl est pour cette raison qu'il SI y dégage une in'pression
de discussion généralisée, et de ce fait la ooexistence et
l'interaction de discours très divers et de registres variés
qui vont du seDtOn à la conversation courante. C'est à cause
de ce cadre "infonœl" que la joute oratoire des yothékats
apparaît par fragments entrecoupés et nparasités" par des
discours divers. Nous sames par cons~t dans un contexte
propice à la production de ce que BAKIn'INE appelle la po ty-
phonie (Poétique de OOsroEVSl\\I; p. 52), qui non seulement
sert à désigner la multiplicité des "voix" et des conscienc.es
se manifestant dans le texte, mais aussi la diversité des
systètœs de référence axiologiques et idOOlogiques.
Le discours des '~nti-yothékats" est à cet égard
révélateur, car il se situe aux antipodes du discours des
"lIothékats". c~est un discours de type eschatologique, car
se référant surtout au jugement dernier et aux Saintes Ecritures,
il est de ce fait hostile à toute fonre d' activité ludique
susceptible "d'éloigner le fidèle de YaUah". C'est donc le

- 360 -
discOurs des gardiens de la foi et oe l 1ordre noral
"- Je rUA que le yo:thé. u:t un jeu de llay:talte
(lla.:tatt). A pune avez-voU6 6'üu VOll c.hape1.e.a
que VOU-6 ê-tu à. c.e j eu, dU:. l' hnan 6ac.e à.
Baye YAMAR ( ••• )
- On paMe. le :tenlpll.
- C' u:t jM:tenlent c.e qui ut glUtve ! Ce :temp.6
dev!UJJ.;t
me c.otUac/Lé. li Ya.Ua.h (••• ).
Nc:>us allons roaintenant passer à l'examen du discours
des :tothékats, c'est-à-dire à l'étude de la joute oratoire
proprement dite.
I.e principe qui guide la joute oratoire, sa notivaticn
profonde semble être le plaisir puisé dans la transgression des
tabous de langage et des règles de bienséance et de convenance
du discour.s. C'est pour cette raison que là joute oratoire
tourne généralement auteur de la thématil;!ue de 1 1obscène et du
scatologique. Cela apparaît notamœnt dans la jubilation
qu'éprouvent les yoth~kats et leurs s~rs à rivaliser
dans la production d' expressions grossièœs, érotiques et
obscènes;
"-En6o 1'lc.eJz. jU-6qu' à. :touc.heJl l' oll de l' é.c.hi..ne,
a.pOll~~pha. BAVIEYE.
- Vé.ga..Ù1.eJz. la. lame. end.uLt.e de llang, Jz.enc.héJr..U
GORNARU.
- Pé.né.:tJz.eJz. apollvlOpha. BAVIEYE qui.. pla.11.taLt un "c.lou"
et c.ommen.ta..U :
- Quand on a. c.e:ttz.. c.oJz.ne
il la. nUlle, la. pOllilion
Mll,u, e e-6:t -i..nc.on60Jz.:ta.ble, ~oU qu'on li' -i..nc1..i..ne
llOU qu'on la. loge daM un. CJteux. a.vant de ll.'Mlleo-iJr..
- At:tJ..;(:ade -i..nc.ommode poWt. un pJz.Uendctnt c.hez llU
6u,tL1Jt,6 beaux. pMen:t.6, Jz.enc.héJz.U SEMU qui.. pJz.eYla.-i..t

- 361 -
place" ou· encore cette réplique de GJRNARU :
"Ma.ngeJL de la cha-i..'l., monteJL <.\\Wt la chai.Jt e:t
meftJz.e de la. cha..iJr.. datUl J!.a. cha.br.".
On peut ranger lêgitimaœnt ce type de disc.:ours dans les genres
caniques et hunoristiques de l' or:alité, dont le fonctionnement
est ainsi dêcrit par Maurice COYAUD :
"Le 1te.6.6olLt de l ' hu.moc..v't d
du. com{.qu.e., MtUl la
t.U::téJr.atwLe. oJta1.e. (contu, pMveJLbe.6, de.v-tne.:tte.6,
e:te..), ni ut pM du. "mécaniqu.e p!a.qu.é .6uJt du.
v..i.vantl/ (pltÙI.Upe. de cetl.tt.U.n.6 o.Um.6 de. TATI ou.
de CHAPLIN), mcV~ la. :tJLaJt6glte.6.6-torl .6oc1..o.ie e,t
.6émo.n:Uqu.e en génélr..a!. Vanê .te plteJM.eJt blli eJL
lu .to.bou..6 de langage (.6e.:tue.l, .6ca.to.tog'<'que) ,
déclenche te ltÎJLe. Quant à la bta.n.6gJte.6.6.ton
.6émanUque, c' ut erWte a.t.d:Jl.e jOUeJL a .t' a.b-
.6WtcUdé, au>:. corWtacUcti..onA bU:eJLnu, au>:. qu...[-
pMquO.6 .6M lu mou ou hM .te.6 peMonnage..6,
c'ut :toute .6olLte
d'e>:.ploil: e:t d'e>:.a.gé.Jutü.onl/ (1).
Il est bon de préciser ici, que, rrâne si la joute
oratoire présente quelque analogie avec la structure du discours
pol~que, il n'en àeIœure pas noins un discours non polémique.
Les qrossièretés échangées entre les "yothékats ", n'ont pas p:::>ur
visée de choquer le partenaire de la carmun:i.cation, mais de
maintenir une certaine "animation" au niveau de l'auditoire.
Ainsi la seule règle obsenrée dans la production du discours
concerne la transgression des règles de bienséance du discours.
c'est pour cela qu'on note
une absence de cohêrence awarente,
l'existence du coq à l'âne, la. rupture fréquente des isotopies
sémantiques et thématiques.
(1) CRITIQUE, mars, 1980.

- 362 -
Il est nécessa.ire enfin de fai.re quelques ~"'E!1l1al:'qU6S
sur la traduction et la transp:>siti.on de la joute carme rrodèle
enchâssé.
On note d'abord que l'ensemble des formules échangées
par les yothékats a fait l'objet d'une tLaduction du "-Olof en
français. L t auteur se manifeste égalernE'..r.itpar la manière dont la
joute est prêsentée ici cœme nodèle etlmo-littéraire. Ici
encore ce sont les indices qui pe:r:mettent: de saisir le nodèle
enchâssé carme un récit de récit: un œ'rtain nanbre d'indices
presentent le yothé corrme un "àocumentai.me" 1 ce qui confêl'"e à
la joute une valeur "ethno-graphiqll.e" ; quand 1 t auteur dit par
exemple :
"BAVIEYE et GORNARU ~ t Uai.,eY!t pltéc..i.p.Ué6· apltè~
.ea. pJU~lte. de. .ta.cou.ôa.ne. po.uJL ILe.pJte.nMe. leL"'!.
pMtie. de. yothé, de.vant tbnobu le. jeu. UcU:t
pa.Mi.onna.n.t. "

ou encore quand le contexte yothé est aiDsi décrit
"EntJr..e. le. .ta.cou.ôane. el; le.ti.nti.i, la. co!r..d.i.o..U;té
tt la. bonhom1.e. de. la. e.a.u6e1.Ûe., .oe. mUa...i.e.nt le..o
oppo.ow'on.o
p~ol'meUe..o œJt 6a.mUi.aie..o i la.
pa.la.bILe. .6e. gltoupa..i.:t, ~e. c;~U;pa..i.:t pM6o~ de. long~
45Ue.ncu et .6 r embMc.UU.a.i:.:t ine.x.:tIUca.ble.me.nt. ft
Il faut enfin ajouter les ccmnentaires de l'auteur qui s'ajoutent
aux ccmrentaires des yothékats 1 et qui falit de la joute enchâssée
ici un "ocmœntaire de comnentaires". En 'lténuigne l'existence
des verbes déclarati.fs qui connotent la ~dua.tion et qui
penœttent de marquer l'intensité de la joute : "cx:mœ.,,"lter" 1

- 363 -
"apostropher", "renchérirll etc. C'est grâce à un tel dispositif
que la joute oratoire s'intègre ici corrme etllI'.o-texte.
Nous allons maintenant aborder la joute oratoire dans
XALA.
-
1.·2. Etude de la joute oratoire dans XAIA
La séquence consacrée à la joute oratoire dans XALA
est assez courte, mais pennet de donner l cexerrple d'une oorme
intégration de l' ethno-texte dans la structure narrative du
ranan. Cette séquence nous présente la manière dont s'établit
le premier contact en.tre N' OONE et El Hadji, par l' intennédiaire
de Yay BINEl'A
"Ve6 j OLtJrÂ, de6 ~ ema...i.nu ~'ée.oui..èlle.n:t. Un ma.t.<.n,
Vay BINETA habUla. N'GONE. EUu ~e. llerteUlz.e.n:t
au mag~~n-bU!le.au d'El Hadji.. Abdou Kade.!l BEYE.
Vay BINETA et El Hadj~ ~e c.cnna.-i..,Ma...i.e.n:t de. longue
date..
Sa~ p/téambui..e., Vay BINETA tata. le. te.JLlla...i.n :
- El Hadj,i., je. te. pllé6e.nte. ma oille. N'GONE. Re.gaJl.de.-
la b~e.n. Ne. pe.ut-eUe. p~ ê:tJr..e. urUté ? UrUté de.
.(.ongueuJL ou urUté de. e.apac.i.té ?
- EUe. e6t te.ndJz.e.. Une. gou.:tte. de. la. llo-6ée.. EUe.
ut
a.M~~ éphémèlle. Un poJL.t aglléable "aux llega.Jt.cf..!l",
Ilépomüt Ei Hadj,i., i..nUi..é à e.e langage deplU& le.
e.~ e. de. l' homme..
-
V~-tu "aux llegMM" ? C1 e6t au piuIl{ei que tu.
pMie6. M~ mo~ je pMie. au ~~nguUe.!l. Un ~ e.ui..
pIlo plli..éWJz.e. • .•
- Vone. un boJtgne., i' btteNWmpaU i' homme détendu
et Ili..a.rtt.
- On ne.
e.on6eille pM a u.n bOllgYLe. de. oeJtme.!l un oeil.
- p~ pW qu'on n' i..ncUque a la. ma...i.n ce. qu' eUe
ct a pollte.!l a la. bouche..
Rompue a ce. jeu, Yay BINErA oppo~ait a l'homme. le.
langage. anue.n, é6otélli..que. N'GONE, e.nôan:t du
d!La.pe..a.wc. et hymnu. na.t.<.onaux, ne. -6a..u,,[MaLt JL{e.n

- 364 -
de c.e dialogue. heJl.milique. El Hadj-i. abando I1.l1.a
la. j oute, '{'Y'd:eNtompue pM ta. .0 ol1neJ'vte du tUé-
phone" (~, p. 16).
Il ne serait pas inutile de faire quelques rema:rques
sur la manière dont l'ethna-texte est présenté ici par l'auteur.
Dans l'éooncé : "El Hadji initié à ce jeu depuis la case de
1 'barme", la joute oratoire est présentée carme le langage
secret des "initiés", ce qui apparaît égala-œnt dans "Rœpue à
ce jeu, Yay BINErA opposait à 1 'hcmne, le langage ancien, éso-
têrique". Dans cette expression, la connotation langue secrète
est associée à l'effet de sens ludique, dans la Iresure oü la
joute est présentée conrne un jeu de langage, "Ra'11pue à ce jeu
( ••• ) ". Enfin dans liN' OONE, enfant des drapeaux et des hymnes
nationau.x, ne saisissait rien de ce dialogue hennétiquell, la
joute apparaît dans un code secret accessible aux seuls adultes,
lUl langage de connotation sociale ayant pour discriminant la
classe d'âge.
Ici, cx:mscierrm:mt ou non, SEMBENE procède à des
amalgames et à des confusions grossières, .si évidents qu'on
peut se demander si ce n'est pas voulu. Car le langage secret
de "la case de 1 'hcmœ" et des initiés, n'test en général ac-
cessible qu'aux seules personnes de sexe masculin, ayant subi
l'épreuve de la circoncision, d'après les n::>nœs e"t les rites
traditionnels. Ce langage secret, est celui que G. CALAME GRIAULE

- 365 -
décr~t ainsi
"La tangue .6eCJtUe p/LOv.Lent: du monde. inc..ortt7.U,
.6auvage., vo.ue..e hO.6ûf.e dorntU..YLe. du moJl;t.6. EUe
u.:t Ué.e a.ux oO/tc.u na.:twteU.u, M.ooci.ée aux
.tangag e irtc.ompltéhe.t'L6ib.te dCUJ o~ eaux. Pou.Jt tu
humain.6, .6 0n emp.e.oi .6 eJLt à. expMmeJt te .6 entiment
pltOoond de l'.Lmp0.6.6ibiliti de c.ommurtic.a.:tion
It.éete.e enbte lu vivaw...6 e-t lu moJt.:t.6".
Elle ajoute
"Su.Jt le p.tart de la. .6ouUé humairte, ta langue
.6eCJtUe a. une a.u.:l:JLe va.ieull. EUe c.onoèJte aux
irtiUéA c.e .6eYl.Üment de .6cUd.o.Jt.U:.é pail. appall.-
.:tertanc.e à. un gltOupe 0eJtmi, en même te.tnp.6 que
de .6upéJUoJtLté à. t' égaJui du non irtiüéA, qu..i.
c.aIl.a.c.téJU..6
e .ta p.6 yc.hologie. du laY'Lgag u J eCJtw
ert généJt.a..t, et qui .6 e mo.rti6 u.:te. c.ia.i.Jtement pM
l' Mage qu'en oont c.elttabt6 poWt du c.ommurti- .
c.moM pltOoanu, au même t:.UJt.e qu'une .tangue
UJta..ngèJte ou c.onve.n.tWrtneile ; a t f égevu1 du
6emmu, .ta ".tartgue. du zé.6i." c.on.6.:titu.e un moyen
.oupp.témenta.i.Jte de. lu .:te~UJt daM l' ignolLa.nc.e
du ailivUéA mM c.u.Unu , et d' a60 eJt.m-Uc.. la.
.oupélt.ioJtLté du mâlu" (1).
Ces réflexions, qui ici s'appliquent à la cœmunauté
Dogon, sont égalerœnt valables en partie pour le langage des
initiés au Sénégal -
car nous scmœs toujours dans l'aire
culturelle sub-saharienne - . Notons à ce sujet qu'au Sénégal
on utilise les teDœS de "paxe mbar" en 'lK>lof ou de "bi "lakoro ~'
en manding, pour désigner les non initiés que l'on ~
souvent à des fernres. Par conséquent la joute oratoire enchâssée
ici, n'a rien à voir avec le langage des initiés.
.
(1) Cf., Erm-oUX;IE El' LANGAGE, IIla parole chez les Dogons", op.
cit. p. 125.

- 366 -
Ici, nous avons affaire à une fo:rma ludique de la
joute appelée le "mbaZak" en \\\\Olof, un discours qui. souvent
n'est pas dénué dl allusions perfides. Le "mbalakIl est un discours
codé, qui. se distingue surtout par la production de métaphores,
d'images et d'allégories dont seuls certains initiés peuvent
percevoir le sens figuré. Nous avons également une séri.e de
présupposés et de sous-entendus dont la fonction est "de Iœttre
en boîte" l'interlocuteur. Ccmre registre, nous avons généralement
un niveau de langue qui. se situe netternemt au dessus du wolof
standal:ù.
L'erreur qui consiste à identifier le IImbalak1\\ du
langage secret des initiés, est donc trop grossière pour ne
pas être volontaire, et cela m:mtre surtout, que le souci de
l'auteur ni est pas siIr;>lement guidé par la reproduction fidèle
des rrodèles ethno-littéraires. Ce qui. inp:>rte pour lui, Cl est
surtout l'enchâssement d'un rrodèle pouvant être perçu ccmne
spécifique de la tradition orale. Par conséquent la trans-
position d'énoncés, ccmre nous l'avons déj.à remarqué n' iIrplique
pas nécessairerœnt une reduplication seJ:Vile dl un rrodèle ethno-
littéraire.
Si nous considérons maintenant le "mba Zak" qui a été
enchâssé ici, on peut remarquer que par sa structure d' échang~,
cette joute n'est pas tellement éloignée de celle que nous avons
décrite dans le "jeu de yothé". Car la plupart des formules

- 367 -
produites ici sont puisées dans le stock des expressions
populaires, et àe ce fait toutes les mages produites ici.
sont surtout des métaphores lex.icôJ.isées et des clichés du
discours ccmnun. Mais contrairerrent à la joute oratoire
dans VEHI-erOSANE, ici nous distinguons en plus de la
fonction phatique, une trame argurnentative et persuasive.
Le "mbalak" apparaît ici canme un élément majeur de la
structure narrative du récit. Si dans VEHI-er~, les
"lIoth~kats" ccmne OOP-NARU1 1W)IEYE ou SEMU, présen'tP..nt
un intérêt c'est surtout à cause de leur statut de locuteurs
~lofs, sinon ils ont. une fonction accessoire corrrne actants.
Tel n'est FOint le cas dans ~, où El Hadji Abdou Y.ader BEYE
et Yay BINErA sont les principaux protagonistes du récit.
Dans ce cadre, la joute verbale permet de saisir certains
aspects de leurs compétences, ici cogni.t ives et linguistiques.
Mais par l'inteDnédiaire du "mbalak", nous assistons à la
manière dont s'établit le premier contact entre El Hadj i et
N'OONE. Or celle-ci va apparaître plus tard cœme objet de
vaZeur sexuel FOur celui-là. Yay BINErA a choisi le "mbalak"
cœtœ m:x1èle d'interaction dans le but de déclencher le désir
de El Hadji, de susciter un vouloir-faire. Si l'on sait égale-
n-ent éIue pour Yay BTh"EI'A, N'OONE est un uplacemant", El Hadji
apparaît à son tour ccrllr!'e "objet de valeUI''', car ce qui est
convoité chez El Hadji c'est d'abord sa richesse. Nous voyons
dès lors la mise en place d' ur.e structure: d'échange qui se

- 368 -
réalisera plus loin. Mais ce qui apparaît €vident
ici, ce sont
les rrotivations qui ont just.ifié le jeu subtil de IPanipulation
et de contre-manipulation qui se déroule dans le "mba7"ak ". car
le "mbalak" révèle 11 importance de l'enjeu du contrat que
réclame Yay BINErA -
le mariage de N' G.:l'm - .
1.3. Etude de la jout.e oratoi~ dans LE ~~"DP.T
Dans LE MANDAT, la fonction de la joute oratoire est
totalerrent différente de celle que nous avons décrite dans
VEHI-crOSM."E et dans~, ici, la joute n'a plus une fonction
ludique, au contraire elle est résolu:rent p:>lémique. Et canne
dans tout discours p:>lémique, nous trouvons ici, une certaine
agressivité dans le ton, une certaine résolution dans la défense
de la thèse présentée par chaque protagoniste, et de ce fait
l'existence d'une trame argurœntative, marquée par le désir de
persuader. Et c'est justerrent le schéma argurnentatif qui se
déploie ici, qui fait quelque peu l' originalité de cette joute ;
ici, Ibrahiroa DIENG et Gorgui sont les principaux protagonistes
de la joute :
"Enc.OJl.e. a66aibU, le.6 j 0 u.u CJte.u.6 e.6, il a..U.a...U
d'un pM de. c.onva.R..e.6c.e.nt. Ve.vant l'e.nbr..ê.e. ptUn-
c1..pa.R..e., il
-tn.ôpe.c.ta. le.6 deu.x c.ôtéA de. .ta JuLe.,
pt.A.-U
6 e. diJUg e.a. veJW l 1angle. de. la. bouUque. de.
MBARKA.
- l bJta.hhna. •• VIENG, 6 annonç.a Go"..gu.-i. MATsSA e.n
'
gt.A.-Ue. de. 6a.l.ù..ta..ûon. Et:ta 6a.nté ?
- Alha.mdou.UR..a.h !
MATSSA .e.e. haut du 6JtOnt pUA~é., :tJtù ~oupçonne.u.x,
ép.w..{;t VI ENG. Ha.bM:..e.é d' cm gJta.rtd bou.bou. bleu.

- 369 -
in~BO, VIENG d'un mouv~erd d'acco~nance
plLe.ôte, polLta. .6 e6 mMJt6 au do.6 ~ Jut6.6 embla.nt
l' éto6 6e.
- Tu Ua.-W mai en poin.t l. f au:tJte j aWL. •• Où.
c.ela. .6' e.ôt:.-il pM.6é ? C'e6.t à pune elLoyable.
- Moi-même j' cU du mal a tJ CJl.a1Ae. PoWLta.~ •••
En6in, l ' honnUe.té ut un détU.
de no.6 jOuJL6
daM ce pay.6.
- Non
! POYLc;(:ucU.t GalLgui. J.!A.rSSA, la bouche ouveJtte,
.6U duca.t6 ILOLLM-U pM lit jl.L6 de cola. appaJtWLen:t.
L'éc..ea.t du .6ole.U .6ema.a de. pa.uible-6 point-6
Mg e~é.6 to!.Lt au. toM de f..' ~, du ILU e.a.u.x
de pw .6eJLpentaie.~ le. .long de .6a peau. lLê-che.
Il cU:t .6cepUque. :
- Peut-WLe M-W lta-i..60Yl., mw pOWLquO-L le cü...6-
.tu 7 E.6t-ce jU.6te. de vou.lo1A me.t:tJz.e tou.tu lu
glLa.-i.nu daYL.6 la. même aLLlte.
?
- Qu.a..nd JUen ne vaut .e.' aune , une aYLCJLe de tou.tu
lu glLa.-i.nu .6e compte COrmte. anCJLe, JLépUqu.o. VIENG
a.vec. .6 év élL-i.té •
- La. po.6.6u.6ion totale d'utle m~.èlLe 6cU.t de ce.tul
qLÛ la. pO.Mède un maUJr.e ••• Et ltMeA .60n.t lu
maUJr.u -i.mpCVtUa.ux.
- Une .6omme de -!Ja.vo1A en c.haque mmèJLe .6i m.<.YL-i.me
.6oU-eUe /tend n'-i.mpolL.te QUei. benU daYL.6 un milieu.
de benU.6 un dode. Je cU6 et népète que. l' hon-
nêteté ut un détU. daYL.6 c.e pay.6 de. no.6 j oU1L.6 "
(p. 272-273).
Un des aspects caractéristiques de cette joute oratoire,
réside dans sa relative brièveté, ce qui lui confère d'ailleurs,
l'apparence d'un fragment "cité". Cet aspect, n'abolit cependant
pas la valeur "docurœntaire" et/ou "archéologique" de la joute,
il confinne tout au noins le caractère hybride et fragmentaire
de certains rrodèles transposés dans la nouvelle ou le ranan.
Ccm:ne modèle d'interaction, l'intérêt de cette joute oratoire
peut être situé à deux niveaux :
- Au niveau de la reproduction des schémas et des conventions

- 370 -
spécifiques à l' interaction \\~lof.
- Et ensuite par l'existence du schéra argurnentatif et
du type de ratiormalité sous-jacents à l'échange des fonnules
aphoristiques.
Dans le preïÛ.er cas, nous pouvons rele'ver par exerrple
la fonction' phatique telle qu'elle se ma.."'li.feste dans l'échange
des fonnu1.es de politesse et de civilité :
"- IbILaJuma. ••• VIENG, ~'annonça. GoJtglLi MATsSA
en glLi..6e de ~o.lu..:to.;UOlt. f;t ta ~an:té ?
- AthamdouLUah 1
Ensuite nous avons la fonction ce l' implicite et du
discours allusif. Apparemœnt, l'objet de la joute, c'est l'agres-
sion de DIENG et le vol du mandat r que Gorgui M.l\\ISSA sanble
mettre en doute. Toute la joute va se dérouler sur le node du
discours allusif, parce que le sujet est délicat, les protago-
nistes, .des personnes Ilrespectables Il , d'cù la nécessité de se
''ménager". Chez Gorgui MAISSA, nous aun:::ms le recours au sous-
entendu et à l'insinuation, pour obtenir des aveux de DIENG.
Quant à ce demier, ayant ccrrpris les notivations profondes de
la démarche de MAISSA, il s 'en tient à des réflexions de portée
générale. C'est ainsi que toute son argumentation va consister
en fonnules aphoristiques débitées dogmatiquement que son inter-
locuteur aura toutes les peines à réfuter. Nous avons ainsi une
série de rituels et de protocoles discursifs qui au fond cons-
tituent autant de manières biaisées et subtiles de polémiquer

- 371 -
sans porter atteinte au respect de llautre.
Ce qu1 il faut noter égalerœnt, Cl est la place qu' oc-
cupe cette joute oratoire dans la nouvelle. Cette joute inter-
vient dans un rrome..'1t décisif de la vie du héros, car c'est
grâce à elle que nous prenons connaissance de la transfornation
de la CCIllpétence cognitive et pragmatique de Ibrahima DIENG.
Celui-ci siest toujours carporté en bon musulman, a toujours
cru à la transparence des rapports humains. Au tenœ de plusieurs
~reuves, clest lui qui affinne maintenant que Ill lhonnêteté est
un délit de nos jours dans ce pays" et qui. décide de se vêtir de
IlpeaU dl hyène Il •
Cl est ainsi qu 1on peut rem3.l:qUer que 11 intérêt de la
joute oratoire ne se limite pas uniquenent à sa valeur lIethno-
logique Il, mais aussi J?érr la manière dont elle est intégrée
dans la structure narrative de la nouvelle. Ainsi, la prise
de conscience de DIENG, clest la victoire de la lucidité sur
le fatalisme et le fanatisme. Si la phrase de DIENG Ill lhonnêteté
est un délit de nos jours dans ce pays" oonnait une résonance
particulière, Cl est parce qu 1elle réfracte les rrotivations
profondes de l'auteur.
Il ne serait pas sans intérêt de signaler égalerœnt
11 existence de nodèles enchâssés qui,
jusqu 1 ici, échappent aux
classifications établies. Il slagit en 1'loccurrence de discours
qui circulent dans la société actuelle, qui ne peuvent être

- 372 -
rangés ni panni les rrodèles ethno-littéraires, ni pann:i les
discours ordinaires. Les deux types de discours que nous
allons présenter se situent entre la tradition orale et
11 écriture (1). Dans le prenùer cas, nous avons un discours
qu 1on peut caractériser corme sacré, car il se situe entre
la prière, II incantation et la confession. Dans VEHI-erOSANE,
nous avons par exemple la prière de NI CDNE WAR THIANDUM, un
discours intérieur, se manifestant sous la forme dlune tirade,
ma.I'qUé par un syncrétisme qui tient à la référence· quasi-obses-
sionnelle à la parole "yallah", mais aussi au culte des rrorts
spécifique de la tradition locale. Cet extrait de la confession
<;le NI Q)NE WAR THIA.1\\lDUM est évocateur :
"Yo.Le.ah ad: pmé de moL Mo-i., .6-<.mp.te 6emme !
Qu'il Uo..igne de mo-i. .teô 4!lombJLu et tena.cu
pen6ée6 vengeJLu-6 e6. Mo-i.. mon Ya.Ua.h (AU.a.hl,
j'ai. touj ot..J.JrA obU à. te6 commandemel'!.t6, -i.nteJL-
pJLUé ce que j'ai. ente.ncfu. Tu a.6 été mon guide
et mon témo-i.n, .tu mctla1.ka (angu 1 mu -i.nt.{.mu
compa.gnon6. Jeune 6ille, j'ai. Uevé mon JLegMd
.6u.JL .tu jeunu gen6 de mon âge d'af.oJL.6, Jr.i aux
éda.t.6, COu.JLu. .6U/t. teJLJLe. J'ai. ébou..U..e..a.nté .ta.
teJLJLe, .ta. teJLJLe engoJLgée de .ta. pJtuence du
moltt6, du moJvt6 du aut-'t.u, dan6 du moment6
de gJLa.nde hâte. E.6t-ce pécheJL, je te demande
paJt.don Ya..U.ah".
(1) Il faut noter que le souci: d'évangélisation a souvent pennis
à II église catholique de procéder à la transcription des
langues africaines. Le premier dictionnaire wolof par
exemple est 1 1oeuvre de prêtres missionnaires carme le
R.P. KDBES.
On peut dire aussi que les premiers textes wolofs furits
à llaide de caractères "ajamis" sont lloeuvre de marabouts
sénégalais ccmre Cheikh Ahmadou BAI.'1EA.

- 373 -
Nous avons dit que le discours sacré se situe entre
l'oralité et l'écriture parce qu' il vient d'un t.exte écrit,
souvent appris par coeUJ:' et ensuite destiné à la récitation.
Nous avons un autre type de discours dans !:E MANDAT, qui
connaît un parcours inverse. Il s'agit d'un texte discté
oralerrent en wolof qui ensuite est traduit et écrit en français.
Nous voulons parler du rrodè1e épistolaire tel qu'il existe
encore de nos jours. Dans ~~, :rous avons la lettre
d'Abdou, écrite par un de ses amis et l.ueet traduite FOur le
ca:npte de DIENG par l'écrivain public, et ensuite la réFOnse
que DIENG dicte à l' écrivain public. Dans ces rrodèles, mus
pouvons surtout relever certaines fomules rituelles consacrées
"Je :t'éc..Jl..Ûl pOUl!. "te demandvl: "de :tu nouveUu
e:t l'é:ta:t de ~a..,,,té de :toute .e.a. 6CU!1LU.e. Quant
à. mo-<.., V-<"eu. metlci, wu..t va b-<..en. J e ~ouhaLte
e:t pJÛe V-<"eu. qu'il en ~oU de même pOWL VOÙ6
W(L611
(p. 127).
Dans la réponse de DIENG, la formule aJ;:PaXaît sous cette fome
"Je :t'éc..Jl..Ûl pOUl!. te demandetL de :tu nouveU.e..o
e:t :te donncUl. c.ell.e..o de la 6amUte qui, ~ont
exc.ell.ente..o. Ya..U..ah mCILc..i.. TOM -<..ci, noM
peMOr.1J a to.<. e:t pJÛOM poWL :to-<"" (p. 183).
Dans la lettre de DIENG, l' oralité se manifeste
êga1enent par l'existence de la redondance d'expressions telles
que us' il plait à Dieu" et Dieu Merci, -Je te remercie de
m'avoir fait confiance".
Il est nécessaire de signaler aussi que l'intégration

- 374 -
du mxlèle épistolaire locale se manifeste par des indices
graphiques qui le démarquent du rest.e du texte : 11 écriture
en italique.
Dans LE MANDAT, nous notons aussi l'existence du
discours de la publicité, telle qulelle se manifeste en \\>vUlof.
Ici, il se manifeste ccmœ un petit poème enchâssé, qui se
distingue oc:mne tel également par des caractères graphiques
en italiques
"Poudite qtU tue PUc.u, puna...i.6 u, poux, c.a.6aJ1.cU.
Poudlt.e qtU JLend
vo~ rr.u...i;to douc.u,
QtU
en veut ? Ce n'ut pM c.heJt.
Une 6o.u. c.hez mo..t, je ne ~oJt,6 p.f..!u.
E-t ne venez pM me Jt~veA..-U..eJt de g,...â.c.e
Ve gJtâc.e. J'ai une 6ernme ••• Venez!
Venez maintenant.
PoudJte.••• Ve.ta. bonne pouc:1lte !" (p. 158).
,Ici, nous avons l'exerrple mâne de la digression, car
il s'agit dl un discours qui coupe le dialogue de Mm...tU<A et DIENG
dans la nouvelle. L'auteur indique ce discours carme celui d'un
"marchant ambulant qui, un court m:me..T'lt Si était arrêté".
Au teJ:Iœ de cette étude, nous pouvons dire que la
transposition eattœ processus de discursivisation et la trans-
position d'énoncés, constituent les topois, les trai.ts spécifiques
de la littérature africaine francophone. Ce sont ces deux pro-
cédures qui définissent l'oralité feinte, qui penoettent au
ranan et à la nouvelle francophone d'avoir sa résonance esthétique

- 375 -
et son originalité propre. Il faut signaler cePendant les
limites de telles plucédures : la transposition dl énoncés,
et la transposition ccmne procédure de discursivisation
n'affectent jamais la structure narrative du roman et de ce
fai t ne remettent pas en question ce rrodèle. Ainsi, quelle
que soit l'arrpleur de la production de l'oralité feinte dans
VEll!-cIOSANE, x.~ et LE MANDAT, ces réeits demeurent encore
-
.
à bien des égards, très classiques.

- 376 -
CONCLUSION
Le problèIre du bilinguisme et dies effets dans
l'oeuvre rcmanesque d'OUsmane Sn1BF.NE, IDalis aussi chez beaucoup
d ' écrivains africains, s'intègre dans le cadre global d'une
stratégie de ocmnunication littéraire en. langue française.
C'est ainsi qu'il rret en jeu la confrontation de différaTlts
codes linguistiques et culturels.
Dans l'oeuvre rananesque d'Ousmane SEMBENE, ces
différents asPeCts se déploient dans un faire-disaursif et/ou.
~nonaiatif et un faire-cognitif. Faire-di.scursif et/ou énonciatif
qui renvoie aux effets imnédiats du bilinguismerc'est-à-dire à
.l'interférence linguistique.
Le faire-cognitif, quant à lui, renvoie à la référence
d'abord à l' univers de la tradition orale africaine, mais aussi
aux. codes de représentation inspirés Par la culture occidentale.
L'ensemble de ces élénents, est pris en charge dans
le ranan et la nouvelle par un faire-fiationneZ, une convention
narrative et pragmatique dont la fonction est d'engendrer
l'effet de sens "Littérature africaine".
C'est ainsi qu'on assiste, chez OUsmane SEMBENE à
la mise en place progressive d'une convention littéraire qui
se présente sous la fonne de la pratique scripturaire de

- 377 -
l'interférence linguistique, et d'un faire-fiction.Y'lel qui
prend la fome de l'oralité feinte. Cette pratique de pro-
duction littéraire permettant dl éll-nénager dans l'espace
textuel francophone, les insignes et les anblèmes qui indique.Y'lt
l'identité fomelle ethnique et li.nguistique de 1 ' écrivain
africain.
Panni les notivations fondamentales qui justifient
une telle pratique de production littéraire se trouve une
quête ?' identité. Celle-ci peut être perçue dans la conver-
gence qui existe entre l'évolution de la francisat.ion du
\\-JOlof qui manifeste le désir dl une quête d' écriture en wolof.
Et la wolofisation du français qui manifeste le désir d'une
quête de littérature écrite en ~lof. En effet, il se mani-
feste une haoologie entre l'évolution de la francisation du
\\-JOlof qui aboutit à l'écriture de CEDOO et celle de la wolo-
fisation du français qui passe par l'oralité feinte pour
aboutir égalem3I1t à l' écriture de cmoo. Ce processus s'opère
parallèlement, et porte pratiquerœnt sur les Irêrnes oeuvres, mais à
des niveaux différents : exclusivernent linguistique dans le
cadre de la francisation du \\\\Olof nais liDJuistique et lit-
têraire dans le œdre de la wolofisation du français. Mais
dans tous les cas, le résultat est identique : la \\\\Olofi-
sation de l'oeuvre romanesque de STh1BENE. Par conséquent,
la production de l'interférence se rranifestant ccmre une es-
pèce de transition entre l'oralité et l'écriture, peut être

- 378 -
perçue carrere le signe précun:eur d'une littérature wolof à
naître, mais ccmne phase essentielle de la quêt.e de l'objet
"
de valeur :littérature wolof, et par conséquent d'une quête
d'identité. Elle n'a qu'une valeur de substitution, d'ersatz.
car ce n'est que la paruti.on. de "CEDOO" qui met fin à cette
quête. Tout ceci s'explique par le fait que les èode.s de
.
.
représentation s1'1nl:olique inspirés d'occident, qu'ils soient
le ranan ou la nouvelle franoophone, brouille l'identité
etlmique et linguistique de l'auteur. Ainsi l' exhibition de
l'altérité, rrêIre si elle apparaît dans le ranan et la nouvelle
,
dans des thàœs spécifiques à l' oralité ou dans une fome
d'expression telle q<le l'interférence, elle ne fait que
signaler une chose : le manque d'un m::x:1e de représentation
symbolique spécifique à l'univers culturel de l'auteur :
l' êcriture wolof. car tout porte & croire que la double
fonnation ·africaine et occidentale a "brouilléIl les repères
symboliques et les fomes de représentation traditionnelle
de l'auteur. car la quête .d ' identité ne se manifeste pas seule-
rrent dans le danaine littéraire chez OUSi1B.ne SEMBENE, elle se
retrouve également dans sa démarche cinénatographique de ces
demières aIU'lêes, qui de plus en plus fait penser à une
"descente orphiquell (SARI'RE). On assiste ainsi à une exploration
du passé africain avec la mise en accusation des influences qui
ont perverti voire court-circuité l'évolution de la civilisation
africaine. Il en est ainsi par exerrple du film IlCEDOOII dont le

- 379 -
le cadre historique se situe au XVIlène siècle et oü l'auteur
dénonce la manière dont l'islam a banni toutes les pratiques
synù:loliqu.es et rituelles qui. faisaient l'originalité de la
culture africaine. Un autre film de SH~ est en préparation
qui égalerrent porte sur le passé : sarrory 'mURE, un personnage
légendaire, présenté corrme une des figures de proue de la
résistance africaine au. colonialisme.
Par conséquent, ce n'est pas un hasard, si la quête
d'identité dans la démarche littéraire et cinématographique
se focalise sur deux aspects, qui, dans la tradition orale
africaine sont généralement présentés cœme manques
l'écriture
et l' histoire.
Deux conséqu€'nces
des effets du bilinguisme sur la
production et la réception du texte mér~tent d' être soulignés
ici également.
Au niveau. de la production àu texte, il existe un
rapport étl.'"Oit entre le bilingui.srre et la bivocalité dans le
texte littéraire. Car l'interférence linguistique qu'elle se
manifeste sous la fome du parler petit-nègre ou de l'oralité,
apparaît presque toujours dans les dialogues, soit ccmre code
de représentation du discours du locuteur '.\\u10f, soit ccmne
s:lmulation d'un m::x:ièle d'interaction sociale de la tradition
orale. Dans les deux cas les Personnages de la fiction qui,

- 380 -
gén~ralement sont non francophones, ne sont pratiquement jamais
autonanes. Leur voix se sllperpose constaiïm:mt à celle de l'auteur.
La bivocalité manifeste ainsi l'existence d'un dialogü"ne oralité
écriture, cela est manifeste surtout dans la pratique tradui-
sante qui se· manifeste aussi bien dans le texte que dans les
marges du texte, mais aussi dans l«.,pastiche et la parodie où
la voix de l'.auteur se rrêle à celle du griot ou du locuteur
wolof standard.
La bivocalit~ est donc un des aspects essentiels des
effets du bilinguisrre dans la prOOuction littéraire, car elle
contribue à la constitution d'une sorte cl& Zitt~ratupe de La
paro le prof~r~e, avec notarrrnent l'existence de palabres, du
panégyrique, ou du "mba lak " •
Au niveau de la réception du texte la bivocalité
renvoie à l'hétérogénéité linguistique et culturelle du public,
d'une part à "l'auditoire 'iIrplicite" les lecteurs ~lofs et
d'autre part au public non ".olof et occidental. Mais la bivo-
calité qui se· manifeste ici apparaît souvent à travers les
explications métalinguistiques et/ou méta-t.E'.xtuelles, et de
ce fait bloque quelque fois la p~-ogression de la fiction.
C'est celle qui se rnardfeste égalerrent à travers les discours
de persormages professionnels de la traduction et de l' inter-
prétation.

- 381 -
Nous allons enfin teJ::m:iner en revenant sur le concept
d'oralité feinte qui. constitue la notion centrale de cette
étude, et, envisager s'il n' y a pas des possibilités d'extension
tf.
de concept aux multitudes de discours qui circulent à l' heure
actuelle au Sénégal.
On assiste à l' heure actuelle, avec le développement
des noyens de camnmi.cation de llaSSe à la proli.fération de différents
genres de discours en wolof. L'ensemble de ces discours, s'ils
se manifestent à travers la chaîne orale, ont une organisation
ratiormelle et cohérente qui rorrpt totaleœnt avec la tradition
orale africaine : il s'agit en l' occu..rrence des informations
radiophoniques en w:>lof ou de certaines émissions distractives.
Nous pensons par exemple aux théâtres ou aux feuilletons télé':'
visés. Nous pouvons également citer la tendance du cinérla
sénégalais actuel, inaugurée par SFJ'.'IBlliE avec LE MANDAT,
Lettre paysanne ou Fad Jal de safi FAYE, Kodou de Babacar SAMB
etc, des films où le scénario n'est pas écrit en w:>lof, mais
où les persormages parlent w:>lof (et ne sont pas doublés) .
On 1X>urrait donc examiner ~-nt fonctionne la notion d' oralité
feinte à l'intérieur de la fiction cinématographique.
Dans la presse écrite sénégalaise, on assite égalanent
à une w:>lofisati.on progressive d9s titres de certaines rubriques,
ccmne le "bi Uet" qu'on appelle ''kaani-gui'' (le piment) et où
souvent, nous assistons à des pastiches de la tradition.orale

- 382 -
ocr.me ceux que nous avons· décrits chez Ousmane SEMBENE.
Dans les "faits-divers!l, les techniques de narration
s'inspirPJlt souvent des nouvelles de Birago DIOP.
Mais, parallèlement, la tradition orale est de plus
en plus reléguée au musée
des antiquités, elle aCXIUi-ert de
plus en plus une valeur de folklore et "d' archi.ve11 carme dans
les sociétés occidentales.
Tous ces aspects penrettent d'indiquer qu'une
mutation s'opère à l 'heure actuelle dans les sociétés afri~es
qu'on persiste à tort à considérer encore carme des sociétés
de tradition orale. Nous vivons à l' heure actuelle une période
de transistion qui consacre le passage de l'oralité à l'écriture.
La notion dl oralité feinte pourrait contribuer à la description
des phênanènes de corrmunication qui se déploient de nos jours
en Afrique. Mais un travail énome reste à faire : celui de la
'.
typologie des discours.

- 383 -
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BANGE
(P)
135, 136, 302, 303.
BARrHES
(R)
95,
96, 302.
BATAnLE
(J)
18.
BENVENISTE
(E)
301, 302, 353.
OOUÇUIAUX
(L)
37.
OOUPDIEIJ
(P)
44.
CAI.J\\ME-<;RIAULE (G)
144, 145, 146, 169, 324, 364, 365.
CN...VEJr
(M)
18,
19,
20,
21,
24,
25,
30,
33.
CHEVRIER
(J)
140.
COYAUO
(M)
361-
DADIER
(B)
142.
DE CERI'FAU
(M)
361-
DELEUZE
(G)
27.
DIAGNE
(P)
18,
19,
32,
38,
46, 156.
DIOP
(B)
138, 159, 317.
DlJl-l)NI'
(P)
18,
25,
26,
27,
28,
30.
EX::l-lENIM
(K)
156.
FAVREl'-SAADA
(J)
329.

- 415 -
FISHMAN
(J .A.)
6.
FLAHAULT
(F)
329.
GENErI'E
(G)
73, 176.
<DBi'\\RD
(H)
12,
27.
<DNI'IER
(D)
18.
GREIMAS
(A.J. )
164, 176, 276, 343.
GUlLBERI'
(L)
25.
HJ'EI:MSLEV
(L)
74.
lDUIS
(M)
la.
JAKOBSON
(R)
102, 121, 145, 147, 179, 186, 187, 236.
JAHN
(J)
152, 153, 155, 181, 190, 207.
JOLLES
(A)
162.
RANE
(M)
155.
I<FSI'I.OOI'
(L)
153, 154, 181.
rotJroUMA
(A)
156.
KRISTEVA
(J)
161.
IJ>.mV
(W)
6.
LEVI-STRAUSS
(C)
141.
MARrINEI'
(A)
13.
MESCHONNIC
(H)
188.

- 416 -
IDJNIN
(G)
13.
N'DIAYE
(G)
19.
PAW1E
(D)
147, 148.
RABEMANENJARA
(J)
157.
roooEro
(J)
13.
SNNAGIDr
(S)
18,
26,
30,
32,
37.
SCHMIDT
(S.J. )
135, 136, 142.
SE%v1BENE
(0)
l,
2,
3,
41, 158, 159, 173, 174, 177,
178, 179, 187, 194, 195, 198, 201, 202, 203,
209, 210, 211, 212, 213, 218, 220, 222, 223,
225, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 232, 241,
242, 243, 244, 246, 247, 249, 252, 253, 254,
255, 256, 257, 258, 259, 261, 262, 263, 264,
265, 266, 267, 273, 274, 283, 284, 285, 288,
296, 301, 302, 305, 306, 307, 308, 309, 310,
311, 312, 337, 338, 340, 341, 342, 345, 346,
347, 353, 355, 356, 357, 358, 359, 360, 361,
362, 368, 369, 370, 372, 374.
SENGIDR
(L. S. )
6, 158.
T1n1AS
(J)
37.
TroUBEI'sm:r (N.S. )
24.
VIEYRA
(P. S.)
48,
49,
54, 159.
/

- 417 -
VINAY
(J .P.)
20.
WARNING
(R)
135, 136, 155.
tiATZLAWICK
(P)
315.
.
WEINREICH
(U)
. 6, 16, 17, 18.
WEINRICH
(H)
301, 302.
WIeLAND
(F)
11.

-
J ,
--
-~
\\
ERRATA
Lire
p. l HBilin3'u.isme et/ou multilinglüsme. , . Il.
p. l "Etude des aspects généraux de l'interfé:cence".
p. II "Etude d~s a::..:;pects de la francisaUon gra.phique du \\>.D1.ofll.
p. 22"
d'autant::. plus que le \\'.DIof dj.spose de la fricative vélaire sourde
(x)
(réalisée carme la "jotaIl eSpélgnole) qui est :;:-ôalisée ccmr,'= le (R)
uVùlaire" •
p. 24 "Note (1) Nicolas TROUBEIZKOJ, Principes de phonologie p. 19
" (tr"d
.. o.!
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de J. CANl'INEAU). Eds .. Klincksieck Paris, 1964-1970 Ilt1 •
p. 25 " ••• la notion "de seuil de toléra.nce Il de 1.' acce...'1t grâce à laquelle ... ".
p. 28 "Ce qui s'explique not.arcment par l'absence du phonème [I] en \\'x:>lof, au-
quel se subs~itue [5], le [zJ inexist.émt en ",ulof clevient (s) . L.e [(.1
qui passe à Li.:J sous la pression ô:! l'entourage phonétiq·'le".
p. 32 "Note (1) Pathé DIAGNE
GraIIrna.ire de v.Dlof ITGdeme".
p. 39 "Après ces rararques concernant le!> consormes prénasalisées nous nllons
essayer de recenser les conso~es carrmunes au f):':ançàis et au \\volof, les
sons consonantiques n' exista.nt pas en wolof et vice-versa".
-
p. 53 "De cette oeuvre littéraire sera tiré un fi:un".
p. 55 "C'est cette faute d'orthog:r.-ô.phe qt:i est: officiellement pr5nalisée".
p. 57 "Pour sunnonter leur handicap qui èécoule de l'absence d'un code linguis-
tique carrnun da.'1S lequel elles puissent cœrnuniquer, chacune d'elles
décide d'apprendre la langue de 11 éJ ûtIC" •
p. 62 liEn effet, dans cette situation quels ccx:1es et quels syI'!1ooles graphiques
utiliser pour assurer l'orthographe des xénismes \\I.Dlers inscrits dans le

q
,
-
-<.., -
p. 67 "Rokheya, la tirant par la rein, lui fit faire plusieurs fois le tour
des hai11bes en chantant, en ID'..lrITlüra."1t plub3t une m610pée aux sons
étrangement rrodulés".
p. 69 "Taïbas dans "elles avaient trocpé les pagnes de la sernaine pacr les
taïbas"" •
p. 79 "Nous avons voulu signifier qu 'mie évolution :L."1teL""vie..nt. ici, qui. sera
abordée d'une manière plus systér':tatique dans la deuxième partie de
cette étude".
p. 81 "Il faut relever ici l'ambiguïté provor-1Uée par l' \\7.ti1isation de la
gerninée dans "sahhe" car /hh/ est destiné à représenter le [q J : "saq" " •
p. 83 "Le pl.'"Ob1àœ de l'orthographe de la quantité vocalique reste entier dans
la première partie de la deuxième phase également dans "momé", la durée
du [:J:J est rendue par le simple /0/ fra'1çais :
"morné" au lieu de "moomé ".
la durée de [E cJ de "gew" est ren~.lue peI le /e/ français ll •
p. 84 "Dès le titre, la consonne fricati.ve uvulaire sourde [x Jest graphiée
convenablementIl •
p. 84 "Le problème de la quantité voca1.Lque est également résolu
la durée
de ~J est représentée par / Ct 0../ (... )".
p. 86 "Les différents aspects de l'interférence que nous allons aborder à
présent dépassent de très loin le~; problèmes fonnels que soulève la
francisation orthographique du ~J.of".
p. 94 "Sur le plan syntaxique, on note 1a substitution des pronons toniques
aux pronoms atones".
p. 97 ""Les altératiŒls syntaxiques qui dans le parler "petit-nègre" se
manifestent par la réduction des f::::nnes vf'...rbales à 1 t infinitif, mais
aussi la substitution des proncrrE toniques a1..l.X pronoms atones" "mi
oontent", fonctiorme.'Jt également o:nvne signifiants de connotation
dont le signifié est le parler "J)Ëtit-nègrel111 •

p. 108 "Dai1s la structure d' interlocutton, la relation duelle se manifest.e
par les pronoms (je-tu}, SOUVE:nt inscrits Ck"1nS le parler "petit-nègre"
à l'aide de pronans atones (m.Ji.·-toi) t mais fonctionna.nt ~ équivalents
syntaxiques et sémantiques".
p. 115-116 "tfi.a.lgré tout, nous relevons l'existence des pronc:ns atones à la
place des pronons toniques : "m:::d connaître pas", "nous contents" .•. ".
p. 117 "Le rrot ou expression apparaît carrne la seuJ,e unité linguistique
déviante" •
p. 135 "La notion d' oralité feinte, nous l'avons trouvée chez Rainer h.Ti.ffiNING ••• ".
p. 141 " L'ethnologue, dit LEVI-S'.rRAUSE; , s'intéresse à tout ce qui n'est pas
écrit, non pas que les peuples ~~'il étudie sont incapables d'écrire,
que parce que ce à quoi il s'intéresse est di.fférent de tout ce que
les hcrnnes songent habituellem3r:.t à fixer sur la pierre ou sur le
papier" .
p. 144 "La littérature clans la tradition orale sera définie carma .... ".
p. 148 "Idée bien rendue d'ailleurs par la défjnition que les J:XXDNSdorment
de la tradition orale et rapportée par G. C. GRIAULE : ••• ".
p. 151 "Car au-delà de l'existence de wrriantes d'un Inême conte qu'on peut
rencontrer d'une ccmnunauté culturelle à une autre s'ajoutent ici
des éléments idiosyncrasiques liés au.x dons, au tenpérament du narrateur".
p. 158 "La vérité est que j'ai lu, plus exactement écouté, transcrit et
cœmenté des poèmes négro-africa:.ns ( .•• ) Si l'on veut nous trouver
des rraîtres, il serait plus sage de les chercher du côté de l'Afrique".
p. 160 11.4. "Mise en place des concept~: qui rendent canpte de l'oralité feinte".
p. 188 Not.e (1) "Propositions pour une Foétique de la traduction", in LANGAGES
N° 28, p. 50, décembre 1972.

- 4 -
p. 203 "ou encore à la p. 184 où l'on .I:r.ouve cet énoncé
IILa prière de tisbar
achevée, i l se rendait chez H&r!e".
p. 210 IIEt à partir de ca rranent l'auteur ne ITl3l1que jamai.s de le souligner
par le rncx1e habituel du car.rnenbürE'! autonymiqne (parenthèses, S'Uil-
lernets, écriture en i talicIüe, e):pa.l1sion de phrases etc.) Il •
p. 211 ilLe prototype même de cette nou\\ïelle caste c'est El Hadji AlXlou Kader BEYE
que l'auteur présente canne : •.. 11.
p. 216 "Ce qui se passe ici peut être cOllparé à ce que Philippe LFcJEl1NE appelle
le récit d'enfance chez Jules \\TALLES où r.ous avons une narration adulte
prêtée à l'enfant".
p. 219 "- En deuxième lieu, nous distinguerons les indices et les marques C;,.'lli,
pour ne pas être tout à fait inayerçus par le lecteur occidental, sont
saisis par le lecteur africain ccmne redondance Il •
p. 228 IINous pouvons relever également des mots \\\\olofs qui relèvent de l' ono-
matopée : ••• Il •
p. 234 liA l'émancipation politique s'acccmpagne la nécessité d'une revendi.cation
de type linguistique et culturel ll •
p. 250 liMais ici, il s'agit d' un incestE~ qui plus est, est ccmnis par le notable
le plus en vue de la ccm:nunauté pllisqu' il en est le chef ..• Il •
p. 256 liCe qu'il faut remarquer ici, c'est que de telles images se retrouvent
facilement en français par exemple, il ni est donc pas inutile d'en sou-
lignE'x le caractère universel ll •
p. 257 IlTu es au piment dès qu'on parle dt euxll • Fonnule métaphorique (in
praesentia).
p. 283 "Elle se rendait chez Ibrahi.ma. DIEl'iG (contrairement à tous elle n'usait
des santa -
nom de faITd.lle -
CJll':~ dans les cas cérémonieuxIl •

-
- s -
p. 292 "e' est notamnent la raison pout:' laquelle l'oralité feinte carme coàe
de représentation, cœrne pastic;18 ou pe'lrodic se mantfeste toujours
sous les traits de la bivocalitê".
p. 318 "Mais l'hUI'T'Our de cette séquence ne provient pa.s seule.rnent de cela,
il provient aussi du canique de la situation dans laquelle se trouvent
les deux partenaires de l' intere.ction" .
p. 341 "- Je ne chante pas pour de 1 J a.r.gentu •
p. 366 "L'erreur qui consiste à identifier le l!mbalakll au langage secret des
initiés est trop grossière pour ne pas être volontaire, et cela Îl'Ontre
surtout, que le souci de l'auteur n'est pas siroplernent guidé par la
reproduction fidèle des m::x:lèles eth.no--litt.éraires".
p. 369"
Quand rien ne vaut l'aune, une aune de toutes les graines se cOllpte
ccmne aune, répliqua DIEL\\'IG ëvec sévérité".
p. 373 "Nous avons un autre type de discours dans LE Ml\\NDl>.'l' qui connait tl."1
parcours inverse. Il s'agit d'un texte dicté oralement en w:>lof qui
ensuite est traduit et écrit en français".
p. 379 "Car l'interférence linguistique qu'elle se manifeste sous la fonne
du parler petit-nègre ou de l'oralité feinte, apparaît presque
toujour.s dans les dialogues, soit ccmne code de représentation du
discours du locuteur \\<~lof, soit com:ne simulation d J un modèle d J inter-
action sociale de la tradition orale".
p. 380 "La bivocalité manifeste ainsi l~exister~e d'un dialog"isme oralité/
écriture, cela est manifeste surtout dans la pratique traduisante
qui apparaît aussi bien clans lecexte que dans les marges du texte,
mais aussi dans le pastiche et la parodie où la voix de l'auteur
se mêle à cell.e du griot ou du locuteur ....olof standard".
p. 381 "Nous allons enfin terminer 8.1'1 n~venant sur le concept d'oralité
feinte qui const!tue la n.otion c(~ntrale de cette étude, et eI1visager
s'il n'y a pas de possibilités d\\extensions de ce concept aux multitudes
de discours qui circule.'1t à l' he'.lre actuelle au Sénégal".

...
p. 390 1lLE.VI-Sl'PAUSS Claude
Les stru,·t:ures élétentaires de la parenté, Editions
Mouton, L.(1 Baye, 1965 11 •
p. 402 IIKRISTEV'A Julia
SE..""1IOl'IKE : RE:dlerches PJur une sémanalyse, Collection
"'l'el Qu.el", Ed. du Seuil, Paris, 1969 11 •