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LYON 2
UER DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES SOCIALES
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Enregistre sous n .
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LA C-ONFRERIE MOURIDE:
ORGANISATION POLITIQUE ET
MODE D'IMPLANTATION URBAINE
00033
THESE DE DOCTORAT DE 3e CYCLE
Présentée
par
Momar
Coumba
DIOP
Sous
la
direction
de
Monsieur
le
Professeur
Jean
GIRARD
LYON
1980

La faculté n'entend ni approuver ni désapprouver
les opinions émises dans cette thèse. Elles sont
considérées cormne propres à leur auteur.

- 1 -
AVNIT - ~'ROPOS
Ce document expose les résultats d'tme recherche entreprise
depJis 1976, dans le cadre d'tm mémoire de maîtrise, et qui se poursuit
actuellement. Il porte sur un "terrain" neuf et rendu d'actualité par l'é-
volution récente de la situation sociale au Sénégal caractérisée, entre au-
tres, par ce qu' i l est convenu d'appeler le "renouveau islamique".
Le but de ce travail est de montrer comment tm mouvement reli-
gieux, né dans les campagnes sénégalaises, parvient à s'implanter en ville
et à s'y organiser. Ainsi donc l'étude qui suit a une ambition modeste:
celle de permettre tme meilleure compréhension de l'évolution récente de
la confrérie mouride.
Nul doute que l'approche d 'tme question aussi délicate rend
indispensables quelques explications sur
notre problématique, notre métho-
de de travail, les difficultés rencontrées et les caractéristiques de notre
lieu d'enquête.
Mais nous croyons nécessaire, auparava.Tlt, de remercier certaines
perSOlUles qui ont contribué, largement, à l'élaboration de ce mémoire et
sans lesquelles ce travail n'aurait pu être mené à bien.
Ce travail doit beaucoup à notre directeur de thèse, M:>nsieur
le Professeur Jean GIRARD. Ses conseils, son soutien :naral n'ont jamais
fai t défaut à tous les moments de notre réflexion. Il a consacré une bonne
plrtie de son emploi du temps, pourtant chargé, à disOlter nos hypothèses
et certaL"'1eS certitudes parfois trop vite acquises. Nos échanges de wes
périodiques sur le déroulement de nos travaux: ont contribué, largement, à
orienter notre étudE' "ers cies directions de rechGrches fructueuses. Nous
scmmes heureux de pouvoir lui exprL'ller, ici, notre recormaissance.
MOnsieur le Professeur .~ulaye Bara DIOP par sa constante
disponibilité et ses conseils avertis nous a fait bénéficier de son expé-
rir.-nce de terrain et de sa connaissance des mourides. Nous le prions de
croire en notre gratitude.

- 2 -
Nous remercions bien viverent Monsieur Jean ROCH, chercheur de
1 'ORS104 de Dakar-Harm. IV!OI1Sieur ROCH a manifesté tm intérêt certain pour
notre travail. Ses critiques~ très utiles, ont contribué à améliorer les
différentes versions de notre manuscrit.
Il nous est agréable de citer Monsieur Amady Aly DIENG pour
ses remarques pertinentes d' éconooiste et d'anthropologue.
Nous reIrercions égalerent Monsieur Jean COPANS, pour ses con-
seils, Madame Francine KANE qui a dirigé notre mémoire de maîtrise et nous
a encouragé 2 entreprendre ce travail, Monsieur Jean-François MAUREL et
Mademoiselle Paulette LORDEREAU pour leur aide matérielle notamment dans le
travail bibliographique, le Docteur Amadou Karim GAYE ancien secrétaire
général de la conférence islamique pour ses observations relatives au manus-
crit.
Nos rererciernents vont aussi à ~ssieurs Magatte LO et Ousmane
DIAGNE respectivement Président et Secrétaire général du Conseil~économique
et social du Sénégal. Si nous avons pu consacrer beaucoup de temps à la
mise au point de nos travaux, c'est à leur compréhension que nous le devons.
~4ademoiselle Soukeyna FALL a assuré la dactylographie de ce texte. Sans sa
patience et sa compétence ce mémoh'C n'aurait pas vu le jour. Nous lui expri-
mons ici toute notre reconnaissa~ce. Nous remercions également Mmes Anne Marie
DACOSTA née SEYE et Marêre DIAW~. Mlles Ndèye Khady FAYE et Ndèye Fatou DIOP
pour leur aide efficace dans la frappe des épreuves du manuscrit.
Il serait impossible de citer tous ceux qui p de près ou de
loin, ont participé, par leurs encouragements, leur aide mIl tifonne, à la
gestation de ce travail. Mais nous ne pouvons pas taire les noos de certains
mcurides qui nous ont apporté \\IDe aide considérahle : Bara TALL, Bara NDAO,
Ngagne mm;; tf.atar NDIAYE, Saliou!'-1BQUP s Ibrahima DIENG s M. FALL.

- 3 -
INTRODUCTION

- 4 -
Ayant tenniné, en 1976, un mémoire de maîtrise sur la confrérie
IIDUride, nous avions choisi cormne thème d'études de 3ème cycle : les adep-
tes urbains de la confrérie. Ce thème était évidemnent très vaste. Nous sa-
vions qu'il était illusoire, dans le cadre d'un doctorat de 3èJne cycle, de
traiter d'un sujet de cette nature. Il fallait donc préciser le sujet et
procéder à une meilleure localisation géograpp..ique de la recherche. C'est
p:>urquoi nous avons choisi, par la suite, ccmne lieu d'enquête et pour les
raisons avancées, la capitale du Sénégal : Dakar.
Entre 1977 et 1978, nous avons lu l'essentiel des publ ications
relatives aux rnourides aussi bien à Dakar que dans certains bibliothèques,
françaises (1) qui conservent d'importants travaux sur la recherche afri-
caniste.
Le travail de terrain, ccmnencé en 1977 et interrompu par la
suite, pendant illl an, devait reprendre, de façon beaucoup plus organisée,
en novembre 1978.
L'objectif premier de la recherche était de comprendre et d'ex-
pliquer le système d'or~a.!1.isation mis en place par les mourides en ville.
~~is, pour mieux faire ressortir les caractéristiques du mouri-
disme urbain, l'approche comparative était nécessaire. Il s'agissait de
comparer le mouridisme rural au mouridisme urbain.
i
il
Si pour l'organisation rurale des données, souS fonne d'enquê-
tes monographiques ORSTOM, étaient àisponibles~ pour le milieu urbain, i l
nous fallait les collecter nou~·même.
Les info~~tions recueillies durant l'enquête, outre qu'elles
1
'1
permettaient de mettre en relief les différents paliers du cr.angernent de
1
1
1
l'organisation mouride, fournissaient des indications précises sur les
(1) Nous pensons, plus particulièrement, à la Documentation Française, à la
Bibliothèque de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, à la
Bibliothèque nationale de Paris et aux Archives d'Aix-err-Provence.

- 5 -
associations religieuses, permettant ainsi d'élaborer un fichier des
dahira, d'après les critères suivants
date de création
nature du dahira (Baye FaU ou non)
. marabout du dahira ;
système de cotisation
. évolution du recrutement.
La tedmique d'approche de l'objet d'études, à ce stade du
travail, restait à définir de manière beaucoup plus précise.
Il était possible de procl§der, à l'instar des travauX relatifs
aux mourides ruraux, à une approche monographique de l'organisation mouride
urbaine.
On peut, toutefois, se demander si une technique d'enquête uti-
lisée dans l'étude des unités de peuplement mourides rurales peut rendre
transparente l'org~nisation mouride, dans une ville (1) aussi grande et
diverse que DAKAR. Nous ne le pensons pas.
Dans le milieu rural, l'approche démo-économique très fine des
peuplements mourides a été rendue possible, en partie, grâce à l'unité géo-
économiqùe qui caractérise les villages. En effet ceux-ci regroupent des
1Xlysans au revenu très faible. Dans le village existe une Unité géographi-
que et éconrnr.ique qui facilite l'analyse des rapports sociaux et l'idéolo-
gie dont la confrérie est le vecteur.
(1) Nous e~ployons ce concept tout en étant conscient des difficultés
d'en ::ioTh"lcr une définition précise, surtout en Afrique. Même à Dakar,
on ne peut pas dire que tous les habitants soient réellement urbanisés,
lès pcpulations se situent à des paliers différents d'urbanisation.

- 6 -
Or, s'il Y a des villages mourides, i l n 'ya point de-ville ou
de quartier mourides. Il existe, certes, des quartiers qui portent des~nans.
IIDurides mais i l serait hasardeux de faire des extrapolations à partir de
ce seul indice. En ville. la communauté mouride ne semble être unie, pour
l'essentiel, ni d'un point de vue économique,. ni d'un point de vue géo-
graphique.
C'est pour cette raison que nous avons choisi d'étudier· ce qui"
semble marquer l'unité des mourides dispersés dans la ville, c'est-à-dire .. -'.'
les associations religieuses urbaines. Or, l'analyse de cette réalité..so-
ciale qui semble être le maillon le plus fort du rnouridisme urbain ne peut...
être véritablement intelligible que si, partant du système dl·organisation
nrrale, elle montre conunent l'é\\,rolution de la confrérie a pu déboucher sur
ce type d'association.
Ainsi donc, la recherche s' est finalement orientée vers deux
axes de réflexion: d'une part, la déf.inition de la nature des changements
Q.li ont rendu possible le r:louridisme urbain, d' autre part , l'analyse de
la spC"'Cificité du mouridisme urba~, i 1 t int~rieur du système général de ..
l'organisation de la confré~ie.
Notre mémoire se présente ainsi, à·travers cette double pers-
pective d'analyse, CClIllme une tentative de synthèse rurale - urbaine du
IIOuridisme.
x
x
x
La prend.ère partie de l'étude analyse l'état des recherches rela- .
tives au mouridisme. Cet exposé a pour objectif de mieux dégager les questi.ons-.
auxquelles p~tre travail répond.
La deuxième partie est consacrée à l'organisation politique' et
économique de la confrérie au sein de sa base paysarme.
La troisième partie du travail présente et analyse l'Jorganisatian, ..
mouride urbaine.

- 7 -
1) - MIGRATIONS MJURIDES ET SYSTEME DE CDNfROLE DES ADEPfES PA~ LES
ELITES MARABOUfIQUFS
La confrérie des mourides a vu le jour dans un environnement
rural, à une époque historique particulièrement importante dans le devenir
du peuple sénégalais. Sa naissance coi:1Cide avec le moment où "la société
l'tOlof, détruite politiquement par la domination militaire Française, main-
tient son encadrenent coutumier par une transmutation des vertus guerrières
en qualités religieuses" (1). Ainsi le mouridisme s'est déployé dans un
cadre économique et politique précis, celui des campagnes sénégalaises,
dans un paysage politique détenniné, celui de la domination du Sénégal
par l'Administration coloniale française.
Il s'est adapté aux
structures économiques et politiques du
ronde rural et généré des institutions d' encadrananent et des fonnes de
prestations spécifiques à l'univers économique villageois. La forme d'ac-
tivité économique originellement liée au mouridisme fut le travail de la
terre ainsi que le commerce, le long des escales. L'institution mouride a,
comme on le sait, organisé les fidèles dans des structures économique s
orientées vers la culture de l'arachide.
Il convient de souligner que c'est dans cet univers villageois
ou seni-urbain que se trouvent le siège de la confrérie, les lieux: de pélê-
rinage, les tombes des principaux chefs religieux de la confrérie. En milieu
rural, l'encadrement, jamais absent, du disciple par son guide, va dans le
sens du maintien et de l'entretien de la foi de l'adepte. L'impact de la
proxi"TIité géographique du marabout n'est pas uniquement religieux ou so-
ciologique (défense des disciples contre les tracasseries de l'administra-
tion), il est aussi et surtout économique. Les institutions villageoises
~rmettent un pr&1èvement direct sur le revenu du villageois et placent
les disciples dans une situation de dépendance économique. I~is, elles
seront mises à l'épreuve par les migrations mourides.
.. i
(1) GlRA RI(J ea11). - Genèse du pouvoir charismatique en Basse Casa.;mnce -
Dakar, Ifan, 1964, p. 318.

- 8 -
a) - La Filière rurale - rurale
Amorcé
au début du siècle à partir des premiers foyers de
regroupeaent mourides, dans la région de Touba et de Diourbel, un vaste
JWuvement de conquête pionnière, (1) dirigée par les marabouts, se déve-
loppa vers l'intérieur des terres en suivant, en direction de l'Est, la
pénétration des voies de communication, gagnant ainsi, à la colonisation
agricole, toute la partie centrale du pays.
La colonisation systématique des Terres Neuves fut effectuée
de 1927 à 1949 sous la conduite de Ibra Fati, Mamadou ~bustapha, Bassirou,
Fal Hou etc •..
Dans cet effort de colonisation, le daara a servi de structure
de défrichEment et de support de la conquête pioIl.Tlière.
La colonisation des Terres Neuves s'est stabilisée à partir
de 1945, date à laquelle a débuté vraisenblablement un autre type de mi-
gration mouride suivant cette fois la filière rurale - urbaine.
Bien que l'on assiste, depuis 1945, à un ralentissement et à
une stabilisation du front pionnier comne conséquence ~ ci 'une part, de la
raréfaction des terres vacantes, d'autre part, de l'exutoire représenté
par l'accélération des migrations urbaines, la marche vers l'Est se pour-
suit aujourd'hui et prolonge ses avancées au Sud, vers le Saloum et le Sé-
négal Oriental et un nouveau front pionnier est signalé en CasaJrl1iIlce .
.~.
(1) Pour une §tude du mouveront pionnier mouride, se reporter à l'ouvrage
de Guy ROCHETEAU : Pionniers mourides au Sénégal - Colonisation des
Terres Neuves et transfonnation d'une éconroü: Pël.)'s3l1.'1e.
Paris) ORSTO~L Cano Série SC. Humaines, Vol. XII, HO 1,11975 p. 29
à 53.

- 9 -
b) - La Filière rurale - urb3ine
Vaccélération des migrations urbaines mourides S1 est dêvelop-
pée à partir de 1945, époque qui coincide avec la stabilisation du front
pionnier dans la zone d'influence de la confrérie.
Cette migration rnouride - non encadrée par les marabouts -
concern2.it surtout des jeunes taalibé , en quête de revenus additionnels,
durant la saison sèche. Ces déplacements saisonniers concernaient des
effectifs importants car PELISSIER remarque que "le développement urbain
a entraîné un véritable détourneoent des mouvements de migration issus
du pays wolof traditionnel au détriment du front pionnier". (.1)
Au lieu d'être employée à de nouveaux défrichanents, pendant
la srtison sèche, "la main-d'oeuvre des villageois pionniers s'est trouvée
orientée par ses propres élites vers les centres urbains dont l'incessante
exp:msion procure d'importantes possibilités d 1 embauche,. notamment en
p§riode de tr;üte". (~)
De nos jours, les migrations écono.lliques cg) de saison sèche
concernent,
chaque nnnée, des effectifs considérables de paysans. Tous
les spécialistes sont unanimes là dessus : ce phénomène découle de la dé-
graticn du système de subsistance arachidier, il est nécessaire aux ruraux
et fait partie, à la limite, de leur système de subsistance.
(~) PELISSIER (Paul). - Les paysans du Sénégal. Les civilisations agraires
du Cayor à la CasalTlance. Fabrègue, Saint Yrieix,
1966, p. 312
(~ id., op. ri t., p. 312.
(3) Pour une étude monographique des migrations économiques de saison
sè~he en zone mouride voir : ROCH (Jea.,). Les migrations économiques
dE 5i1i:son sèche en bassin arachidier. In : ORSTŒ·1 Ser. Sci. Hum.,
Vol XII, Ne 1, 1975 :

- 10 -
Les déplacements saisonniers durent, d'habitude, de janvier
à mai. Mais il arrive, après plusieurs déplacanents, que le paysan se
fixe dans des centres urbains ou semi-urbains, p:lrticipant, ainsi, au
procès de l'exode rural.
Les métiers que la ville offrait et offre, de nos jours, aux
paysans saisonniers, sans instruction, et à faible qualification, sont
ceux du camnerce et de l' artisanant, le C01PO)jt{W~,~t~~;'lt,,~ierde manoeuvre,
etc ... C'est ce qui explique, sans doute, qU3>"iesIiiOt.tr~idès,se scient très
'tÔt spécialisés dans le COImilerce de détai1«l~E54
~~ifs~t 'autour des
grnnds marchés de Dakar.
~ ~! .
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e.
A notre avis, la migration rura1~~~e'st le (:fn:~ratBur
principal de la constitution de la partie urbaine dt la. c01lfr&!'i~, elle
est, sans mù doute, à l'origine du mouridisme urbain. La fili0re de mi-·
gration rurale - urbaine est le deuxième moment et peut-être le dernier
de la conquête territoriale rnouride.
Le premier problème posé par ces migrations n'est p~s ur~iquç­
ment celui de grandes masses dthormnes qui se déplacent mais plutôt celui
d'un test de la capacité de la confrérie à créer et à appliquer des répon-
ses à des situations nouvelles.
Ce problème ne doit pas être vu ur~quement sous l'angle de ~~
lIDIlipulation des disciples par l'élite maraboutique
i l doit être ég:llanent
J
abordé par le biais de la psychologie du disciplE:. Ce dernier n' atten d p:lS
seulement de son marabout une promesse de récompensES dans l'au-delà, COll1-
me contrer-artie à son dévouement, il denande aussi à être protég~, pris
en charge socialement par son maître. Ce besoin de prise en ch:Lrge du dis-
ciple par son maître nous a été expriJaé, plusieurs fois 1 dans l'expression :
''le r.l-3.rabout est garant de mes actes". Chez les B.iyeFàll, ce besoin de
protection est poussé à son extrême limite : c'est parce que le r:-.arabout
est garMt de la conduite sociale de son taa1ibé (c'est ce que disent cer-
tains "Ii>\\YE FALL") que le sentiment d ' irresponsabilité est très poussée,
al sein de cette fraction de la confrérie

- 11 -
Les migrations urbaines présentaient pour les marabouts le
risque de soustraire des disciples à leur influence exclusive, beaucoup
plus facile à entretenir dans un contexte villageois. Cette situation
nouvelle, pour la confrérie, (existence d'une fraction urbaine) risquait
d'entrnîner un relachement du lien de dépendance religieuse et une dimi-
nution des dons aux ITkîrabouts. Pour répondre à cette situation, les mara-
bouts ont encour~gé la création de groupements d'intérêt religieux, asso-
ciations volontaires, composées de disciples qui n'ont pas toujours le
~~e marabout. L'activité manifeste de ces associations est d'organiser
des chants religieux à l'issue desquels sont effectuées des quêtes, de
p;;rcevoir les cotisations des membres dont une partie est donnée aux ma-
rabouts, à l'occasion des visites religieuses annuelles. D'après Guy RO-
ŒIETEAU (1), une de leurs finalités est d'établir un lien entre le mara-
bout et les disciples dispersés dans les divers quartiers de la ville, fa-
cilitant ainsi l~ collecte des diverses contributions maraboutiques. Ces
associations semblent être le modèle achevé de l'organisation nouride ur-
baine, c'est pourquoi nous tenterons de les étudier de façon détaillée.
Il est ~ssible d'aborder i0S problèmes posés par les mi-
grations mourides et ceux de l'extension de l'ère géographique de la con-
frérie, sans~lyser la genèse du mouridisme urbain et
son fonction-
nement.
,1
(1) Cette idée est développée par G. ROCHErEAU da~ : société wolof et
mobilité. P:rris : ORSTOH, Cah.
Sér.
Sc. Humaines, Volume XII,
N,o 1
lQ?::
-
18
l
,
~..J.
p..) -
.

- 12 -
2) - GENESE: ET 'REPRODUCTION bU .M'ÙU:RIDI5ME.. RURALE. : LE PROBLEME
THEORIQUE
Ceux qui avaient
étudié les mourides, avant l'indépendance,
prédisaient que la confrérie allait disparaître, du fait du surgissement
progressif de la modernité au Sénégal. Cette idée était basée sur le postu-
lat selon lequel le système mouride était inccmpatible avec la moderni:tati-on
sociale du Sénézal. Or, on le voit, de plus en plus, la confrérie s'adapte
aux réalités socio-économiques actuelles du Sénégal.
Quel est le processus qui rend possible, cette adaption du mou-
ridisme au milieu urbain? Il semble qu'il faut chercher les raisons dans la
i;',
stratégie d'encadrement maraboutique et aussi dans la situation de crise êco-
mmique et politique du Sénégal.
La confrérie était, à ses or1gLneS, un mouvement essentiellement
Ylysan. M..qis, dep.lis une quarantaine d'années, elle élargit sa base de re-
crutement et gagne l'univers urbain. fu point de vue théorique, l'extension
de l'espace de recrutement de la confrérie pose le problème suivant : conment
lm mouvenent religieux qui s'est manifesté, à ses origines, comme essentiel-
lement paysan parvient 2. s'adapter à l'univers urbain ? D'autre part, on peut
se dema.TJ.der si l'extension du mouridisme relève du dynamisme de l' encadranent
Im.raboutique ou d'autres facteurs liés à l' envirormement politique et écono-
mique sénégalais.
La réponse à ces questions permettra de déterminer éamment s'opè-
re l'évolution de la confrérie, de repérer les facteurs qui ont rendu possi-
ble sa mutation et d'en préciser le sens
Le milieu urbain est nouveau pour les institutions traditionnel-
les mourides, l'a~~ption de la confrérie ne s'y fait donc pas en plaquant les
institutions traditionnelles à un environnement socio-économique culturel,
totalement différent, mais par une invention de nouvelles mstitut ions d' en-
mdrement. Ces structures socio-économique nouvelles ne pourront être

- 13 -
véritablement effi~aces qu'à tme condition : maintenir et entretenir le
contenu idéologique et économique de la relation In:!.rabout - taalibé. Ce
àernier aspect semble être déteminant pour le ir..aintien de la logique du
système mouride qui pd' tm point de vue écono.1Ùque, semble être orienté vers
le dégagement d'un surplus au profit des élites maraboutiques.
lhle telle interrogation se justifie par le fait que, rien n'au-
torise ~ penser, compte tenu de l'information disponible au moment de la re-
cherche, que les conditions d'organisation, de recrutement, de reproduction
de la confrérie soient les méllles en milieu rural qu'en mil ieu urbain.
Rien ne permet de dire que l'image que l'on se fait du mouride
rural peut être adapté au milieu urbain, sans risque de défonner la r~alité
sociale. Le problème qui se pose, au delà d'une telle interrogation, est
celui de l'homogénéité de la confrérie.
Pour preclser les conditions de possibilité, et de fonctionne-
I:ent, les spécificités du mouridisme urbain, notre travail montre les carac-
téristiques de l'organisation mouride urbaine. L'analyse se situe aussi
bien au niveau des structures mises en place par la confrérie, da~s l'tmivers
urbain, qu'au niveau de l'analyse du comportement des ndeptes par rapport
aux objectifs de la confrérie.
L'éOlde de l'organisation mouride urbaine repose sur ID. consta-
tation que la population mouridé urbaine de Dakar ne constitue par illl bloc
romogène. Nous avons isol€
tme organisation traditionnelle composée de tai1··
leurs p chauffeurs, petits cQ!111lerçants, ouvriers, etc ... et une orgJ.I1.isation
Irnè.erne qui rer:roupe l'intelligentsia urbaine.
Mais, pour dégager les aspects les plus reTarquables du mouri-
disme urbain, nous le' COilip3TCII1S aumouridiSIœ"n.tral, en'\\"Œt'de:;,sais-ir, cOITDœnt
le systène' gén6ral.a êvohJé-.' Cette stratégie d' ét\\1dé doit pe.nœttre de décrir2
l'':aspect spécifique. ùu rnoutidisJœürbain. e~:.ses· dif~rent"s· paliers. de change-
ment..
.:: ;.....
,',
.-' .

- 14 -
3) - CONDITIONS DE FONcrrONNE',1EI'lI' DU MJURIDISME URBAIN
Dans une confrérie où la ferveur religieuse se manifeste, essen-
tiellement, par l'obéissance mais aussi les dons aux marabouts, il est évi-
dent que si les institutions urbaines n'arrivent pas à assurer le fonction-
nement de la relation économique entre le marabout et le disciple, un des
principes régulateurs de la confrérie (l'attachement du disciple au marabout
devant être concrétisé par des dons) sera ainsi sapé.
Une des conditions de possibilité, de fonctionnement et de re-
production du mouridisme urbain se trouve, essentiellement, dans le maintien
de la relation marabout - taalibé. Ce qui suppose que les élites marabouti-
cpes doivent, pour continuer à maintenir le contrôle qu'ils exercent sur les
disciples, inventer une stratégie réellement adaptée à l'environnement Ul'-
bain. Mais le peuvent-ils vraiment? O'BRIEN avait remarqué que le milieu
urbain pouvait diminuer la ferveur religieuse des adeptes. Son hypothèse
était basée sur un certain nombre de faits. Pour cet auteur, le mouride ur-
bainest éloigné de son marabout, des centres de la ferveur religieuse rnouri-
de (par exemple de la ville de Touba où se trouvent les tombeaux des princi-
r:aux leaders décédés). D'autre part, en ville, il vit avec les adeptes
d'autres religions, dans un climat culturel,politique et économique diffé-
YE:nt de celui de l'univers rural. Tous ces facteurs peuvent affecter la re-
production de la relation taalibé - marabout.
En outre, le système mouride ayant été longtemps défini cCXllile
une machine productrice d'aliénation et d'injustice, reposant totalement sur
le sommeil de l'esprit critique et l'exploitation de la crédulité des paysans,
ce systè8e, pensait-on, ne pourrait pas beaucoup recruter dans l'intelligent-
sia urbaine.
Ces deux prévisions semblent avoir été démenties par les faits.
Tout d'abord le recrutement urbain semble s'accélérer, on peut parler véri-
tablement d'un regain d'intérêt pour le mouridisme, tant le phénomène prend.
àe l'ampleur depuis quelques années. D'autre part, la population définie ha-
bituellement comme réfractaire au moùridisme : l'intelligentsia urbaine, can-
mence à s'y Lntéresser. Il existe des associations d'élèves, de fonctionnai-
res, d'étudiants mourides.

- lS -
CI -/METIDDE DE TRAVAIL /
Notre méthode de travail, outre la consultation des sources
bibliograpr~ques, a essentiellement consisté en un travail de terrain.
L'abondance et la richesse de l'info~3tion sur certains aspects de notre
étude nous imposaient le choix d' une méthode de travail assez souple qui
a:mcilie plusieurs tedmiques de recherche de l' info:r.nation.
Pour collecter les données sur les dahira
nous aviop~ réalisé
lB1e fiche de renseignements parfois remplie par les ütforuateurs clL"X-mêmes
al par nos propres soin: • (1)
Nous avons également procédé à des intervie\\'Js approfondies d' L"l-
formateurs mourides en vue de reconstituer le schém9. J.~ l'organisation de
la confrérie en milieu urbain.
D'autre part, ce travail se déroulant au IJOment de la mor..tée
du renouveau isl~niqJe et des tentatives des différentes formations poli-
tiques de le récupérer, nous avons systématiquement §-:udié les différentes
Illblications relatives à la situation politico-islanlique du Sénégal. C'est
ainsi que nous avons fait une analyse de contenu de différents journaux,
Sùrtout après la clute du Shah d'IRAN, période ou la référence à l'Iran (2)
était très forte dans certains milieux politiqJes sénégalais.
(1) Il convient de préciser ,à ce suje~ que beaucoup d'enquêtés ont rer~sé, \\
systématiquement, de nous fournir des renseignanents relatifs à leurs
dahira . !'-1ais nous avons pu constituer un fict-d-er de certains d.a.1.ira,
plus ou moins représentatifs de Dar.ar.
(2) Actuellement cette référence à l'Iran disparaît de la presse
d'opposition.

- 16 -
Les réunions de dabira , les chants religieux mourides, les
comptes rendus des manifestations religieuses parus dans la presse, les
intenrentions radiotélévisées des ~J1alifE" des différentes confréries
ont également constitué une masse ±mportante d'informations exploitées
dans ce travail.
Les données collectées ne pouvant revêtir tout leur sens que
si on les situe dans leur environnement, nous avons présenté un tableau
du paysage socio-économl.que, culturel qui constitue l' envirormement de
notre centre d'intérêt.
Sur le plan de la tedmique d'enquête, nous n'avons pas ren-
contré le principal problème des études à caractère socio-économique me-
nées par des chercheurs étrangers au Sénégal : le problème linguistique.
Etant Sénégalais,
d' etilllie wolof, nous avons été privilégié, par rapport
aux chercheurs non Sénégalais, dans le domaine de la communication formel-
le avec les groupes étudiés mais, par contre, nous sor.tiles beaucoup moins
sûr que ce statut nous ait privilégié dans notre situation de "danandeur
de savoir".
L'étude se fait dans une double perspective
diachronique et
synchronique.
L'analyse diachronique a pour but de dégager comment s'est réa-
lisée l'émergence de l'organisatian urbaine de la confrérie. ~his il ne
s'agit pas d'un travail d'historien. Nous avons été préoccupé beaucoup plus
par l'évolution institutionnelle de la confrérie et par la recherche du
sens à lui attribuer que par la recherche exclusive du détail historique.
L'approche synchronique du phénomène débouche, grâce aux élé..
ments dtanalyse mis en relief par la diachronie, sur une photographie de
l'organisation urbaine actuelle de la confrérie. Cette nartie du travail
est axée presque exclusivement sur l'étude des dahira.

- 17 -
Cette double approche du mouridisme prfsente l'avantuxc de met-
tre à nu les différents paliers de cllanfement de l'organisation religieuse
8t d~ fournir une présentation assez fidèle de l'organisation mouriàe ac-
tuelle.
Dans l'étude des paliers de cha..Tlgement du mouridisme, nous
Xvons privilégié la partie relative au dihira. La raison est bien simple.
pilssi bien le daara que les villages mourides constituent des structures
assez· bien cormues. Notre souci a consisté, au niveau dE; l'analyse, à iso-
ler les éléments de transition d'une structure à l'autre ct ~ montrer le
3ens à donner à l'évolution qui a permis d'aboutir à l'org311isation urbai-
~lG de la confrérie. Nous l'avons fait en soulignant, à chaque fois, les
~$pects spécifiques à chaque étape de la transformation institutio~~elle
de la confrérie.
D'autre part, la relation du maître au disciple étant le fait
centr~l de la confrérie, il a semblé digne d'intérêt d'analyser l'effet de
cette évolution au nivê3.u du contrôle ~es disciples par les élites mar.::J.-
boutiques, de savoir si toutes les forces de mutation qui travaillent la
con:rérie favorisent un renforcement de l'autorité du marabout GU au con-
traire sapent ses bases de fonctionnement.
Nous avons ég~lanent étudié l'environnement socio-politique
~rteuT du mom-idisme. En effet, s'il est indéniable que certains fc.its,
chez les Inourides, peuvent s'expliquer, essentiellement, par les contr~in­
tl:S établ ies ou définies par ln relation taalibé - marnbout, d'autres, par
contre, trouvent leur explication dans l'environnement du mouridisme. ThL~
cette perspective, l'étude de l'or~~Tlisation mouride actuelle ne peut pas
s(:; :faire sc..ns aborder; p..:'1r31lèlEment, le problème du réveil de l'isla'll
f:Duride et. son effet sur la scène politique sénégalaise. Le regain d'in-
tfr§t P'Jur le :nouridisme urbain peut être ülterprété comme une accentua-
tion des motivations religieuses des populations urbaines, consécutive à
U1G pToIk~gande efficace des élites maraboutiques, mais il peut aussi revê-
dr, de façon indiscutable, un aspect politique. On constate que la montée
du mouridisme se fait de pair avec une tentativB générale de retour à la
; traditic'n dans plusie1.4rs domaines, COITl2e le mariage> la ITnlsique, la mode
\\ v8stÏ1:lentaire,~ et surtout la défense des langues nationales.
\\
-
\\

- 18 -
Tout le mcnde s'accorde à reconnaître qu'une organis~tion so-
ciale ne peut fonctionner que grâce à la pratique des agents sociaux qui
b
composent. Nous nous sommes donc intéressé fi ces derniers. Nous voulions
savoir ce qui, à une période détenninée de l'histoire du SE'8GAL, a favo-
risé le réveil islamique. Cette interrog~tion nous 3 conduit, assez sou-
vent, à faire appel à l~ psyc~lologie sociale poUT tenter de rendre compte
~ certai.nes attitudes collectives des ;nasses musulmanes mourides, d.ans
le Sénégal d' aujourd 'hui.
L'insist.mce sur "l'environneElent" de notre objet d'étude ne
S8llrait être interprêt§c comme un "§loignement" de notTE; centre d'intérêt.
Nous :lvans voulu marquer pé'_r 13. qu'il est impossiblê de tr:liter àu rnouri-
ctlS·'lG sans caractéris,~r 13. si tuai:ion psycho-sociale, économique qui l'en-
fIobe.
D'autre p:3.rt, la confrérie moù.Tide ayant joué, jusqu'à la fin
,~u kr...:llifat de Fali10u ]',PnACKE, le rôle officieux de garant de la stabili-
té àu systàrne politique, il paraissait utile et nécessaire d'analyser la
situ~tion politique gé.flér~le qui prévalait au Sénégal au marnent de notre
étudt:: et le rôle actuel ou à venir des mourides dans cette même situation.

- 19 -
III- ILES DIFFICULTES DU THAVAIL 1
J
f, 'i Le travail d'enquête a soulevê des diffiaI1tês mêthodologiqlies
qui semb~:ent d'ailleurs liées à toute enquête psycho-sociale au Sénégal.
Comme l'a si bien remarqué Jl~dras ZB~LENI, l'alternance rapide des ques-
")
'ci ons et jrép::mses est un mode de cornmt.J!lication admis et courant en Occi-
i:
dent. ~his il n'en n'est pas de même au Sénégal, et c'est un problème mé-
thodologique fondamental pour le psychologue ou le sociologue. Tout se
passe comme si toute interrog~tion directe et systématique d'une personne
remettaitjcn cause sa position sociale: "dès qu'elles touchent à son
i~dividu~~ité, à son passé, à ses qukllités, elles sont éprouvées comme ir-
:r;
espectuel1ses, indiscrètes et même agressives". Les questions admises sont
celles ayant trait au statut général et aux divers attributs de la persome.
On est donc en présence d'une nonne culturelle qui gène toute enquête ap-
profondie par questions réponses.
L'existence de cette nonne dévoile la v~~té de certains tra-
vaux qui, sous prétexte de scientificité, s'entoure~t de statistiques d'une
crédibilité douteuse. Les wolof n'admettent pas que certaines questions
touchant de très près à leur individualité soient posées par un inconnu,
un nouveau. Seul celui qui 3- le statut de parent ou d'am. est autorisé à
le faire.
Cette nonne culturelle codifie ce ~Ji doit être c~~iqué et
ce qui ne doit pas l'être, en fonction du statut du questionneur (parent,
élffii: incormu). Boub~car LY (1) démontre que les qualités nobles de la So-
ciété wolof (eor et ja."'!1.bur) (2) interdisent de p,=-yler inconsidéremm~t.
(1) Boubacar (LY). - L'ho~~eur et les valeurs nornles dans les soci6tés
wolof et toucouleur du SénGgal. Etude de Sociologie.
lJniversité d~ Paris, 1966 - Thèse dû Doctorat de 3° cy-
cle, 1966, 574 p. bibliogr~phie.
(2) Le Gor 0St l'idéal guerrier et aristocr~tique de ln personne. Le Jambur
en est le modèlE pacifique. Le Jœnbur est un homme de paix, posé, tran-
quille, 5<1.2l::. Il parle peu -(d'après les définitions de A. 7ENPLEINI
op. cit. P. 79)

- 20 -
Pinsi donc .1'enquêteur qui fait preuve de trop de curiosité est pour le
nnins irrespectueux. Ce problème de l'interrogation, tel qu'il se pose au
Sénégal, et des règles de conduites pour le résoudre ont été abordés par
ORTlGUES (1) dans "l'Oedipe Africa:L1".
Le projet d'enquête initial reposait sur une strat~gie basée
sur lm questioTU1:rire, mais il fut rapidement abandonné. LI échantillon de
départ était trop restreint et de représentativité douteuse. Il était pré-
vu au départ de distribuer aux lycéens et étudiants un questionnaire com-
portant des rubriques assez générales comme 1lapparten~ce confrérique des
parents, l'év~luation des connaissances cormliques, la perception de l'im-
portance l1UJlérique des mourides etc ... Nous avons été obligé dE:: l'abandon-
ner pour plusieurs raisons. D'abord il nous était impossible de financer
une enquête à grande échelle, nous ne ~~~~~...err que dans quelques 1y-
.'#..~'i-
~\\"~
cées. D'autre part, en milieu étudi~~ ous n
f'~ pas sûr d'avoir des
réponses à nos questions.
~'-' CAM E. S
(;
v '"'~v~ ~~
.
U
~-
$
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Panni les difficultés renceJlt... ées.
~~ines étaient liées au
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1"'
d
C'....
,
~dfl)'lËll.<;T\\rii'\\".t'\\W
..
"..
1
lInat po Itlque
U 0enega_ au moment
e...;~y.e-fé. c.a.racterlse par e re-
muveau islamique ..~t les tentativ.Qs de presque toutes les organisations
politiques de le récupérer à leur profit.
Ce travail s'est déroulé à un moment marqué par une forte riva-
lité (2) entre D.ourides et tidianes, qui a parfois dégénéré en bagarres.
(1) ORTIG'ŒS (j'·1aric Cécile et Edmond). - L'Oedipe africain Faris, Plon,
1966
p. L,s,
(2) A nufisque cette rivalité a failli dégénérer en bataille rangée entre
baye Fa11 et tidianes. A Tivao~1ne, en septembre 1979, de violents af-
. frontements ont opposé les Baye Fall aux TidiêIies. P. 1;1 suite de ces
incidents, des déclarations radiodiffuées furent faites par les Khali-
fes des deux confréries. Ils avaient, tous les deux, condamné ces in-
cidents et dénoncé les individus qui les suscitaient.

- 21 -
En outre, certains marabouts cormne .Ahmet Kh.qlifat NIASSE (1 • animateur du
Journal cl' Infonnation Islamique "ALLAHOU AKBf1.R", ont menacé ouvertenent,
en septembre 1979, de déclencher la guerre sainte au Sénégal (2).
Dans cette situation marquée JÀ~r diverses manoeuvres politiques
et les tentatives de l'intégrisme musulman de s'installer au Sénégal, notre
statut de questionneur potNait nous rendre suspect. Ce doute sur notre sta-
tut et l'incertitude quant à l'utilisation que nous allions faire des répon-
ses à nos questions entraînait, parfois, certains infonnateurs à refuser de
repondre à nos questions. Nous l'avons bien senti avec certains membres
du leadership urbain qui, après plusieurs rendez-vous au quartier d "'Usine
Bène Talill finirent par nous tenir le langage suivant : "nous ne polNons
pas, parler des dahira
sans l'autorisation du Khalife".
Ce clnnat de méfiance, très accentu.é cllez les jeunes, rendait
diffi~ile l'étude de l'opinion politique des jeunes mourides ou bien quand
nous 10 faisions c'était, parfois, avec le risque de nous faire passer pour
un "flien ou un chercheur au service des classes digireantes (3).
(1) Parhnt de Ahmet NL~SE, le journal du Parti socialiste sénégalais
"l'UNITE" déclare : "Ces genres d' hommes sont dangereux pour la paix
sénégalaise" - voir 111' Ul'lITE" n° 77. du 19 octobre 1979.
Im!eth ;UASSE .. il convient de le préciser - a été tour à tour membre
du parti socialiste et du parti démocratique sé~égalais.
(2) Voir
LE FIGARO du 23 septembre 1979.
- LE POLITICIQ~ N° 46 - octobre 1979.
- LE SOLEIL des 24 octobre et 10 novembre 1979. Ce numéro quoti-
dien sénégalais qui reproduit d'habitude les opinions gouverne-
mentales contient une réflexion du journaliste Cheickh Tidiane
DIEYE qui démontre que M. NIASSE," en s'occupant de politique,
trahit la religion ".
(3) Voir 3 ce sujet l'Litéressant article de Jean Pierre GARNIER intitulé
"La 150îte à Idées du Libéralisme Avancé".
IN : le ~1onde Diplomatique, octobre 1979.

- 22 -
La situation politico-religieuse nous i:il\\iitait à ne ['ilS poser
~0rtaines questions fondamentales dans le cadr~ du présent travail, à ncus
CCjltCl1tBr de ce qu'on nous disait, qüalîd on voulait répondre à nos ques-
tions. Cette difficulté a été corrigée par le fait que des mourides que
mus c:ormaiss ions , bien avant dl entreprendre CE travail, nous ont introduit
d:~:'lS des filières où nous pouvions accéder, beaucoup plus facilenent, au
t)';x; cl' infcnnation rc.'Cherché.
A ces difficultés liées à l'état de l'op~îion s'ajoutent celles
Yel~tiv€s à l'absence de sources statistiques (1) récentes sur les confré-
:riES relieieuses sénégalaises. Le dernier recensement d.e la populationd'A-
vTil 1970 ne comportait pas une rubrique relative aux confréries religieuses.
C.c silence d~ service sén&galais de la statistique s'explique, sans aucun
~ute, par dès nécessités purement politiques. Lne question aussi lirrportante
que l'~ppartenance confrérique disparait des enqJêtes démographiques parce
qJ' on V8Ut éviter que les confréries aient u.~e cOnscÜ,;nC8 claire de leur
i"":lportance nluilérique.
(1) C' c'st cette carence statistique qui nous condamne à utiliser, dans le
pr2sent travail, des documents qui cc~encent à vieillir mais dont la
précision ~st incontestable, pour l~ question qui nous irltéresse. C'est
J.S ':25 du recensemem: de Dakar en 1955. La Direction Sénégalaise de la
Statistique conteste aujourd'hui la qualité des données démographiques
F
cont~nues ~ins cette enquête rr~is les rai50~~ qu'elle aVilllce sont y~ra­
iox~lcs : "ces dcnntes f,taient ccllectées pour satisfaire les besoins
d-e la politiqus génih·<ll..=: de l' ti-dministration coloniale". Pouvait-il en
6trc autrewent ?
Voir II ;lvant propo5 des paolications contenaTlt les résultats définitifs
dL~ recensement génér2.1 de la population d'avril 1976.

- 23 -
IV - ILE LIEU DE L'ENQUETE 1
1) - SITUATION DE.n-ECONOMIQUE
Pour mieux faire ressortir les caractéristiques du milieu que
nous étudions, nous allons décrire le paysage socio-économique de Dakar.
Le recensement démographique d'avril 1976 montre que la rcpu-
L~tion du Sénégal, qui s'élève à l'époque à 5 U85 388 habitants, est relati-
vement jetme dans la mesure où 55 % ont moins de 20 ans (0 - 19 ans). Four
l' ensanble du pays, il existe une prédomir.::mce du sexe; Hninin :
2 583 886 femmes contre 2 501 502 hommes. Cette populûtion cst divi3ée.en
six grands groupes ethniques
- wolof
40

iii
. . . . . . . . . . . . . . . .
%
- Sérère
19 l)
................
0
- Toucouleur ............. 9 %
- Peul .................. 12 %
- Diola •••• a •••••••••••• 8 %
- Mandil\\,oue
8 ~
..............
-;,.
Le pays est également r~bitué par 350 000 étrangers dont
300 000 Africains, 1~ 000 Français et 15 000 Libano-Syriens.
Le Sénégal compte 18 villes de 10 000 rabitants ou plus. Parmi
ces villes, seulement 3 dépassent le chiffre de 100 000 habitants :
Daler (798 000), Thiès (117 300) et Kaolack (lOG 900).
La répartition de la population par strates s'opère de la ma-
nière suivante :
- Strate Urbaine
agglomération de 10 000 habitants et plus
- Strate S61li-Urbaine
agglomération de
1 000 fi. 9 999 habitants
- Strate Rurale
agglanération de
1 à 999 habitants.

- 24 -
La population urbaine 6tait évaluée, au 1er juillet 1976, à
1 518 410 et la population rurale à 3 596 190. Si l'on retient les critères
de répartition de la population par strates, définis par la Direction de la
Statistique, seules 18 villes sont comprises dans la strate urbaine. Le taux
d'urbanisation du Sénégal est assez élevé, il est actuellement de 30 %. La
IDpulation urbaine est très concentree dans ln Région du CAP-VERf (55 %)
dont le taux d'urbanisation s'élève à 34 ~.
Notre lieu d'enquête est DAKAR, Chef lieu de la Région du
CAP-VERT (550 Km2). Sa population de droit est de 984 660 habitants, soit
une dens ité de 1 790 hab i tantsl Km2 .
La population de DAKAR (798 792 habitants) est supérieure à
celle des autres chefs lieux de régions réunies.
Tableau 1
Population des Chefs-lieux de région, de 1974 à 1976
(
(
OIEFS LIEUX DE REGIONS
1974
1975
1976
(
(
DAKAR
691 200
734 062
,98 792
(
(
ZIGUINCHJR
66 725
69 661
72 726
(
(
DIOURBEL
46 441
48 ~85
50 168
(
(
SAI~T-LOUIS
81 109
8L} 678
88 404
(
(
TA\\ffiACX)UNIlt\\
23 074
24 087
25 147
(
(
YJ\\OLACK
98 073
102 388
106 899
(
(
THIES
107 551
112 388
117 333
(
~
(
LOUGA
!
35 063
Source
Situation économique du Sénégal (1976) p. 4
Le désèquilibre entre la région du Cap-Vert et le reste du pays
n'est pas s0ulement démographique. La région du Cap-Vert renfenne 73 %du
nombre total des médecins~ 37 %de l'effectif scolaire de l'enseignement pri-
maire, 44 b des fonctionnaires~ 84 %des emplois industriels, 80 %des entre-
prises industrielles recensées.

- 25 -
Tableau 2
DISPARITES REGIONALES ET INDICATEURS REGIONAUX SIGNIFICATIFS
1
1
-.-----
1
l
t ,
,
'Population
en .
jTaux dtac- jNbre dtHts 'Nbre dtHts
Taux
;Production régio
Taux d'UrT
juillet 1976
Densités
jcroissement; par lit
par
de
jnale~brute (en
banisa-
jSuperficie
Régions
au Km2
jnaturel
% jd tHôpital
Médecin
Scolp.risa- jmillions CFA) -
tion 1976,
Km2
. ,
tIOn
.
1975
%

-----------!-----------!~---------- ----------- -----------!---------------- ----------!-----------
! !
!
!
tAP-VERf
990 320
1 801
!
5,00
!
340
4 187
60,6!
182,7
8 4 !
550
!
(ASA.~fANCE
740 76r.
26
!
2,00
!
1 646
!
36 239!
29,0
!
23,5
!
17
!
28 350
IJIOURBEL
.;27 560
98
1,70
1 324
70 059
11,9
11 ,3
20
4 359
ILEUVE
~31 510
12
1,70
698
23 113
27,9
16,2
21
44 127
J.OUGA
4iO 140
14
2',20
3 591
136 382
22,00
7,6
8
29 188
SENEGAL ûRIENTJU.
2t'l7 790
5
2,80
2 197
69 591
18,7
8,3
9
59 602
SINE SALOUM
1 0.3 530
42
2,80
1 703
75 743
19, 1
31,1
13
23 945
TïUES
7~3 020
107
2,90
471
52 566
25,7
50,3
25
6 601
SEI-ŒGAL
5 11 ... 630
26
2,87
887
16 145
2~7
331,0
30
196 722
Saurcù : Sénégal (RépubliquE: du). - IVe plan de développallent économique et social (1973 - 1977), p. 51 -

- 26 -
Contrairement au milieu rural mouride, qui semble être assez
hO!il0gène aussi bien au niveau etlmique, culturel, économique, le milieu da-
brais est divers. A DaJr..ar le musulman rnouride vit avec les adeptes d'autres
anfréries, d'autres religions, est en contact avec d'autres races. Cette di-
versité culturelle peut constituer en test de 1& capacité de la confrérie à
résister aux agressions culturelles et de tous ordres que peut créer l'envi-
ronnement urbain.
Du point de vue de la diversité ethnique, culturelle et con-
fessionnelle, Dakar offre un C~hantillon assez intéressant. eom~~rativement
à la zone mouride traditionnelle c'est à dire les régions de Dicurbel êt Lou-
ga où les groupes etlmiques non wolof
n' é·taient p?.s bi'3n représentés, la
région du Cap-Vert offre lU1 paysage ethnique
aSSE;Z riche éI'lquel i l faut
ajouter d'autres groupes d',\\frique ncire~ des Euro;:,Sens, de:; Libai....o··S}Tiens
etc ...
D'autre part, du point de vue religieux, si nous prenons com-
!~ référence
la région de Diourbel, la configuration religieuse est beau-
rou!1 plus complète dans le C<lp-Vert.
La diversité etlhrdque, culturelle pt religieuse de DG&~r
reut constituer un véri~ble test de la cn~~cité de l~ conirGrie à se déve-
lopper dans lL~ environnement culv~rellement différent de celui d~ son espace
originel de d§veloPPPJnent.
Le milieu dakarois se caractérise, nppnremment, pêŒ un [l-ff.'li-
blisse!Jent des particularités ethniques . D'autre y:trt, les fs.cteurs éconc-
nuques de diffSrcuciation entre Da1'.ar et le reste du pnys sont très nombreux:.
Le tableau suivant indique, pour les e.nnécs 1971, 1972 èt 1973, cett:: dispa-
rité des revenus entre un agriculteur, un salarié du privé et ll.Tl salarié du
secteur public.

-
~7
-
Tableau 3
Revenu moyen d'un agriculteur, d'un salarié
du secteur priv'G, d'un salarié du secteur public
(en Francs C. F.A.)
(
!
(
!
REVENU JvDYEN
(
!------------------------------------------------
(
CATEGORIES
!
!
!
(
!
1970
!
1971
!
1972
(-----------------------------!---------------!--------------!-----------------
(
! ! !
( Agriculteur
!
43 700
!
24 900
!
37 800
(
!
!
!
( Salarié Privé
!
586 800
!
618 800
!
673 400
(
!
!
!
( Salarié Public
!
658 000
!
740 300
!
715 SOO
(
!
!
!
(
! ! !
Source
CONSEIL ECONOMIQUE ET SDCIAL.
Etude sur la Répartition des Revenus au Sénégal.
DAlJlR, 1978, p. 114.
Dakar est favorisée au p.:;i.ïfi: Je \\lue de l' équipanent écono-
mique et social. La lecture des différents plans de développement éconami-
que et social en dorme une idée.
Ces particularités économique et sociales, favorisent l'émer-
gence d'une population. dont les comportements psycho-sociaux sont nettement
différents de ceux des ruraux.
2) - LE PAYSAGE psyœo-SOCIAL
S'il faut reconnaître, avec le professeur R~NDIER, que l'une
des vocations actuelles des Sciences Sociales est la lecture démystifiée de
l'actuel, nous devons admettre, en même temps, que toute lecture du social
doit se faire en tenant compte de la toile de fond sur laquelle i l se gref-
fe. Dans le Cé'.S qui nous intéresse l'exigence scientifique nous demande de
caractériser rapidement l'univers psycho-social et éconÛll1ique qui englobe
notre objet d'étude.

- 28 -
La justification de ce type d'approche réside dans le fait
cpe le mouridisme n'est pas lm vase clos, il doit être interprêté comme un
produit de la société s§n~galaise, avec laquelle il entretient, 6videmment,
des rQpports indiscutables. Ainsi denc, tous les changements et traL~tis­
mes rep5r:1bles au niveau de la société globale àoivent être pris en consi-
dérQtion pour expliqueT les comportements des agents sociaux mourides. Cet-
te entrc'iJrise de "situation" demande, éviderrmen't qu'on fasse appel à plu-
sieurs disciplines .. Seule cette a.pproche multidisciplinaire
sera à même de
d2:voiler "le discours secret" du social.
Toute théorie qui veut rendre compte de la ITanière dont les
ngents sociaux réê.gissent dans une situation donnée et fabriquent ur•. systè-
rre de repr6sentations relatif à leur environnement, doit se garder de sous-
estLiler
l'influence de celui-ci sur les agents sociaux.
Notre travail devait obéir à cette exigence; l'étude du
JX)uridisme urbain n'est pas concevn.ble SAAS une analyse préalable de l' en-
viramKment psycho-sccial urbam, une approche de l'espace social dans le-
quel ~voluent les grcupes.
C'est évident, dans l'exerùplê du Sf'TIégal, les ph~nomènes liés
au développement : urbanisation, industrialisation, scolarisation, agissent
~lr la société à la manière d'une agression traurr~tisante (1). Le Professeur
COLLOt-ID a démontré que ni les modèles collectifs, ni la structure fnmiliale
et l' orgrmisation individuelle ne sont épargnés.
(1) C'est ce que remarque également le Dr 1. SO\\lJ lorsqu'il note : "dans les
grandes cités urbaines africaLnes, la dégrad~tion des rep3res et des
liens traditionnels (place de chacun dans un ensemble relatiornel struc-
t"ùr~ et cohérent) augmente très vraisemblé!.blemcnt le risque de désorcires
mentaux".
SOI'! (1.). _. Les structures anthropologiques de ln folie en "'.J.':PIQUE.
PARIS, Payot, 1978, p. 21.

- 29 -
La scolarisation impose j'2utres maîtres et d'autres types
de s'1vo:!.r, ce qui a pour cons5quence priJnordial(- de rompre le CO:1tinuœJl
édUC3tif de la sociét6 traditionnelle. L'urbanisation brouille les rela-
tions L~àiviàue11es, fait de l'individu un être de l'~voir et du fnire.
Dn outre, on note une Gvolution sensible du collectif vers l' bdividueL
Selon le Professeur COLWMB, cette évolution est surtout sensible ::C\\.j ni-
veau de l~ fnmi1le. Le modèle fa~ilial sora celui de la famille occiden-
tale réduite!)u ~re, a)a mère et a.ux enfa."1ts. Les travaux filcn§s à l' Hô-
pit~l Psychiatrique de Fann démontrent que "dans ces familles d0sorganisées,
nuc15arisées brutalement, Sf; rencontrent nombre de in:llades mentaux et de
schizophrènes". (1)
Le choix du type de soci0té et les conséquences de l'urbani-
sation, dG"aP.lIldent de l'individu GU' i l se pren."le en cha.rge lui même" : on
~osiste au développement de la prise en charge individuelle et de la res-
rnnsabilité. Or, comme le démontre le Professeur GITtARD, entre l' indivi-
dualité matérielle véhiculée IY~r l~ ~odèle économique dominant et l'évolu-
tion.psychique des individus existe un très grand décalage. L'~cipation
il la ville est toujours interprétée par les semblables conrne une marque de
comportement· a50cial or, l' é-conŒïlie de rnrché, axée sur la co,llpétitian et
l~ recherche du profit, révèle une véritable inégalité des destulées. Dans
le contexte de l'économie marchande, flle partage cOIIIi1U.r.a.utaire contonne
à l~ tradition ne pourrait que léser les plus entre~renants, t~~dis que
le travail paT classes d'âge, effectué collectivement, s'accordait avec
W1G exacte et équitable répartition des ressources tf •
(2) Entre la réalité
économique, qui est tme ri§alité de compétition, de rivalité, de l'indivi-
;hl~lit(;, et le mcdcle culturel, qui-exige la redistribution des richesses,
cxü..te un véritablE décalage. Le professeur GIRARD parle de_,'.,'contradiqion
GLtrc l~ réalité et le modèle culturel de justice qui est celui de la
globa1itG fêmiliale" (3)
(1) COLLOI,lli (Henri). - La positicn du conflit et les structures familiales
en voie de transformation.
In
Canadi~-Psychiat. Ass. Journal, Vol. 12, 1967,
p. 462.
(2) CIPA~j (Jean) - op.
cit., p. 316.
(3) id~,o~, cit.,p. 316.

- 30 -
Le problème qui se pose, dès lors, est de savoir s'il faut
nnintenir
la volontaire fusion du moi dans le tout social ou s'il faut
affirmer l'individualité avec le nécessaire égoïsme. La solution élaborée
ne peut que s'effectuer en faveur de l'unité traditionnelle.Cette volonté
s'exprime par le développement de systèmesde compensation individuels et
collectifs qui viennent combler le vide laissé par l'appa~.~issement des
relations.
Y~is, malgré ces tentatives, les ~odèles traditionnels sont
désorganisés, il s'opère une perte de l.'lLîité fal1iliale et LTldividuelle.
L'individu comme la famille et le groupe sont à la recherche
d 'tme iden-
tité. Cette recherche de l'identité est une entrcp:-is8 qui se comprend
aisément car, cormne le dit si bien le Professeur COLLaI'ID, ','ne plus être
situé est une position inconfortable"surtout pour une organ.isation socia-
le qui situait ChaOL'll à sa place. L'expression de crise d'identité tradui-
rait parfaittement la situation psycho-sociale des agents sociaux dont nous
rarlons.
Cette crise d' identi.té sociale ~st explicable <hns les ter-
mes suivants : au temps des pères et des grands pères ~ le destin social de
l,
l'
l'individu était bien esquissé au départ, souvent m~e fort~ent dessiné
1
,
p.lisqu'il était lif aux divers éléITIents du statut de la personne, au li-
gnage, au rang parmi les frères, à la caste, etc ... Dans ce système social,
l'idéal proposé mettait l'accent sur la volonté de ":Jcrpétuer la société
telle qu'elle était, telle que l'avaient léguée les géné:-atior~ précédentes".
Cette situation de crise est vécue aussi bien par les parents
qu€
les enfants. Ces derniers doivent LTlventer et choisir leur vie en déve-
lorp::mt leurs capacités personnelles, P.3.T la compétition ils parviennent à
trouver une place. La compétition indivièuelle est déjà à l'école. Or l'in- ~
dividualisme tel que nous le co~~~issons n'exisL~it PQS &lîS les sociétés
traditionnelles africaines. Dans ces types de sociét§ J IG.. ::3'y?s:?te indivi-
duelle était souvent p2rçue comme menaîça.,--;t J.a cohésion G3S groupes. Dans
la perspective traditionnelle, l' individu-."l.lisme "est toujours vu du côté
du
1
d
.
l' . d'" 1
1""
'"
. ~ '1
(1)
ma,
U H1auvals,
l ea
reste
lJltcgro. lon SOCIU.;'C·. 1..
(1) CüLLOMB [M.). - op. cit. P 462.

- 31 -
Cette perturbation de la ViE psycho-soci::l1e des populations
,.Ltr:iCénneS à la suite de l'introduction progressive de l'écon.cillie monétai-
re, de typc c&pitell iste, :l été bien zlise en ~vid(mcé Dar Denise PlJJù"1E
d3.r:.s son iStude sur les Bété de Côte-d' IvoiT~.
Cet auteur constatait, en 1958, que "la tra"rJs:Ccr:natiœ"t du
stylo de vie pé.ir l'introduction d'une :3conomie I;1cnSvüre, le fait que 10.
réussite, dans la vie moderne, est liie à 12 dispcsiticn de rr.oyer~ finan-
...
. , .
_.1

~
t
.
....
ciers élevcs, provoquent des trou:)lcs prO:COllUS qUI uC;:leuren
L"1CŒ:~::n::rlen-·
sibles aussi longtemps qu'on ignore l' <lrrière··rüan, c' e·st-à-dire c~; qu' é-
tait, jusqu'à une époque très récente, la l1iérarchie des v~leurs 20rales
ou ce qui faisait la réussite socialc des valeurs d'lm hOl.T.é', (1) Ce:s r.','J-
tatiors, difficiles, douloureuses, enger.drent, sçlcn est auteur, url YCS-
sentiï.lcnt général, sans objet précis, dû au fait ~uc les mcdtles culturels
tr~Jitionnels continuent à blpOser des cœr:::crte.m.2nts in~aà.êq'JJ.ts 2UX con-
ditions de la vie moderne.
Cette situation gén8Tale du tissu sodal, c.:lr<lct:]rissc d'une
;art, par une contn.diction entre la réalit,? é·:.onŒJ:qu·2 et lE: mod;~le cul··
turcl traditionnel, d'~tre part, p~r un. lli~t~goni~ne entre le modèle cultu-
rel traditionnel et celui véhiculé par les valeurs de l'économie IT~TChan­
de, nous l'appelons la culture bloquée.
La culture bloquée est le produit d'une crise d'identité
profonde' qui travaille une collectivité dont les modèles culturels de ré··
férence sont traum..<ttisés sans qu'il Y ait des modèles de remrlac~llent ac-
ceptables par la rnejorité de ses membres. Elle survient lOrS~l'Q~e société
traverse tme.période de mutation profonde et que les valeurs de remplace-
ment acceptables pour tous ne parviennent pas à remplacer celles qui dis-
rnr3.iss~nt.
Evidemment, les agents sociaux tentent d'écr~pp8r à cett~
situation bloqu6e, certains par l'adoption de comporta~ents de t)~ occi-
dental, d'autres en recoura"1t à 1L~ traditiarrnalisme de r0sistance (référence
(1) PauL~ (Denise). - Une société de Côt6-d'Ivoire : les Bété. Paris,
i'lloutan, la Haye, 1962, p. 18

- 32 - -
à des institutions ou à des cadres socio-culturels dont le contenu s'est
m:xiifié). Il sanble, en tout état de cause, que cette situation générale,
décrit<;; si brièvement, favorise, soit l'apparition d'un leader enseignant
une vérité nouvelle, issue de la tradition actualisée, soit l'émergence
d'un mouvement contre-acculturatif.
3) - LA POPULATION MUSULII1ANE DE DAKAR
Faute de données démographiques récentes, il est impossible
de donner une idée exacte de la population rusu1mane de Dakar. Mi~ à part
l'enquête démographique de 1960 - 1961 qui fournissait une vision d'ensan-
ble des religions au Sénégal, il n'existe aucune publication officielle
SIr la question.
L'absence de donné@s démographiques prec1ses et récentes
entraîil€ )actuellement, une bataille des chiffres entre mourides et tidia-.
nes. Les mourides se disent actuellement plus nombreux que les tidianes et
ces derniers pensent que la situation qui prévalait en 1955, continue
d'exister. Il paraîtrait, à vrai dire, étonnant que la population mouride
de Dakar soit devenue numériquanent plus importante que la population -
tidi3ne. Nous ne pensons pas qu'en une vingtaine d'années, i l se soit opéré
un tel renversement de tendance. Néanmoins, il y a une progression relative,
difficile à chiffrer de la population mouride, qui concerne surtout les
jeunes : étudiants, lycéens etc ... Au sein de cette population, le recru-
tement mouride
SEmble beaucoup plus important que le recrutement tidiane.
On peut donc prévoir, à long tenne, un renversenent de 'tendance en faveur
àes mourides.
Le seul travail, véritablement détaillé, sur la population
nusulmane de Dakar est le recensement (1) de Dakar de 1955. La population
recensée, à cette époque, était de 230 887 habitants ~ elle comptait
165 14ï musu~~ contre 13 140 chrétiens. Il avait montré que la religion
(1) Haut cOlTnnissariat de la République française. Etudes et coordination
statistiques ct mscanographiques. Recensement démographique de Dakar.
(1955) - Paris, juillet 1958, 2 fascicules.

é:t:lit très liée au groupe ctchnique : les cas:::nnançais sont en majorité
chrétiens, sur cent wolof, on comptait 61 tidianes et 23 mourides, les
toucouleur 2taient à 93 % tidiane , les sèrcr à 49 %. A cette époque, les
tidianes fOnP.2.ient la rnajorité de la population musulmane de Dakar ~
111 149 contre 25 781.
Tableau 4
Répartition de la rxmulation par confréries et groupes
ethniques
~
Pillpart i tion
;Répartition de 100
des Africains musulmans ;Africains d'une même
~
suivant les sectes; religion suivant les
!
;
groupes etchniques
((
GROUPES
1
1
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7
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(
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1
1
1
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1
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! 81 i 7
2 i lOi 100 i 0,2 i 16,9;
7,4;
2,0
"
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! 63 ! 11
24!
2
! 100! 13,8!
3,8!
3,7!
6,3
(
."
1
1
1
1
1
1
(CASP~~~CAIS ••••••••••••
; 64 i 20
6 i 10
i lOOî 28,0; 0,5; 0,9;
(TOUCOULEURS............
! 93 l
4-
2!
1
! 100!
0,3! 18,2!
4,7!
1,4
(
1
l
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,
,
1
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i 90; 5
1 i
4
; 100 i
0,2 i
3,2;
0,9 ;
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! 76 ! 11
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( Ht..NDINGUES-BAMBA-W
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(SAJUüCOLES ••••••••••••••
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2,7!
5,2!
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100 ! 11, 6!
- !
- !
(
,
!
!
!
(
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67
12
16
5
100! 100
100
100
100
H "



SOjrce : Recensement de Dakar (1955) p. 77

Le receTJ.Senent démo,rranl'.iGUe de Da1r.ar de 1955 révèle que la
: > .
,
fOpulation véritable..,nent autochtone de cette ville est ccnstituée par les
lébou, installés au Cap-Vert deplis ?lusieurs siècles.
Les wolof constitùaient 38 %de l'ensemble de la population
et 1~3 % de la populatio~ africaine. Leurs crigines géographiques étaient le
pjoloff, le Walo, le Cayor. C'est essentiellement grâce à l'imriigraticn wo-
lof, Clue la ville de DA..l(AR s; est développée sur le :;.1&.'1 dé..'1ograpr.ique. Les
1..olof êta.ient musu1-:;ans à 98,5 %. D'ao.ltre pa.rt 85,3~; (les mourides recensés
à DAKA..."R. étaient ,.,olof. On peut donc penser J une li2ison entre l'islam mou-
ride et l'ethnie WiJlof. On note, toutefûis, tm. recnltement assez :imJX)r:ant
chez les Sérère.
La répartition de la ':JODUlation domiciliée il DN"J'lR ;,uiv::;.nt ]"a
. .
région de naissance faisait a.pparaître uno majcri.::t cl! origin..?..ires d.e l' a.xe
Diourbel-Thiès, zones de déploier'lent du mouridisme r.aissü.nt. Si l'or.. admet,
ce qui est vraisemblable, que cette population J. r i!ï~;ligr::-,-,:lt:-:; origiu.:'.ires de
mOURBEL et de TIUES était constituée, en majorité, de mouri'ies, on ccmpren-
ch'û., aisér.ient, que l'installation de la confr[~rif':i TjP:f.J..j.~ est directement
liée au phénomène migratoire.
En 1955, la distribution gébgraplllque dE:: la population rnourid.E
à n~l(Ar~, montrait que les rlourides étaient dispers::s dans tous les quartiers
de la ville avec toutefois, de fortes concentration5 à PlniP~o (31 %),
Grand DaY~r (27 %), Fass-Colobane (23 %).
Ces quartiers constittk~ient à l'époque les lieux d'installation
des migrants venus de Diourbel.
Mais on peut affirmer que sur le plan de l'occ..lpation de l'es-
~ce, la ville n'offrait pas 3ll.X mourides la possibilité de regroupement SUT
une base géographique.
La population mouride avait lm taux de connaissance- du Français
assez faible. Sur 17 165 mourides, 2 741 savaient parler fnmçais, 1 ·:)·01 sa-
vaient lir~ et écrire. Par contre sur les 71 785 tidianes recensés, 20 321

- 35 -
savaient lire, 13 458 savaient lire et écrire.
Ainsi donc, il apparaît que le groupe mouride, du fait qu'il
était en majorité originaire
d'une région longtemps réfractaire à l' implan-
tation de l'école française, était peu scolarisé par rapport aux tidianes
et aux chrétiens. Cette situation a vraiseablableme."'1t constitué un handicap
très sérieux pour les adeptes urbains de la confrérie, elle leur interdisait
l'accès à certaines professions administratives, juridiques et intellectuel-
les, en somme toutes les professions dont la base est l'usage du français.
C'est ce qui explique, sans doute, la spécialisation des mourides dans les
activités commerciales, et leur sous-représentation dans les fonctions moyen-
nes et supérieures. Les métiers que la ville de DAKAR leur réservait étaient
ceux d'apprentis, de chauffeur (3), tailleurs, tapissiers, matelassiers, pro-
fessionnels du travail du cuir, bijoutiers etc ... Les mourides urbains daka-
rois semblent s'être regroupés,au début,dans le secteur d'emploi que les
planificateurs sénégalais appellent "secteur infonnel" ou non structurê.
La population mouride de DAKAR,ël. évolué, à ses débuts, dans un
Environnement nouveau qui menaçait de bloquer le développement de la confré-
rie, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, contrairEment aux mourides ruraux qui constituaient
un groupe assez homogène sur le plan de l'activité économique, les mourides
dakarois ne présentaient auctme unité dans l'activité économique. Ensuite
ils se trouvaient dans un espace géographique où ils étaient minoritaires ;
les tidianes, généralement hostiles aux mourides, étant be.-:LUcoup plus nom-
breux que ces derniers, à l' époque ~dans tous les quartiers recensés.
(1) Une étude récente sur le transport à Dakar montre que les mourides cons-
tituent, après les lébou, le groupe qui possède le plus de "cars rapides"
dans le Cap-Vert.
Voir : DURA.\\JD (F) et DIOUF (Made). - Quels transports cùms le tiers monde?
"cars rapides à Dakar".
IN : Environnement africain
Etudes et Recherches nO 54-80, juL~
1980.

- 36 -
I.z répartition de la population IlUlsulmane par secteur faisait apparaître
l'inexistence de quartier mouride ou à majoritê mouride.
Tableau 5
Répartition de la population musulmane par
confréries et secteurs
(
Répartition de 100 musulm3ns d'un même
(
1
.
secteur suivant les sectes
(
SECTEURS
!------------------------------------------------_.
,
(
1
1
1
f
Total
(
iTidjanes
jQuadrias irourides ! Autres !
(---------------------------!-----------!---------!---------!---------!--y----,
,
~
1
1
1
!
PLATEAU
100
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
0
. . . . . .
!
58
!
24
!
7
!
11
!
( GAMBEITA ................................
56
9
11
24
100
!
!
!
( REBEUSS ................................. !
68
15
!
9
!
8
100
(
!
!
!
( MEDINA-OUEST ........................
70
21
7
2
100
!
!
! .
( MEDINA-EST
1
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
III
75
14
!
9
!
(
!
!
!
"
100
ŒIAMP DE COURSES
70
11
18
1
100
(
. . . . . . . .
0
. . . . . .
!
!
!
( AL\\iINKO ................................. !
51
17
!
31
!
1
100
(
!
!
!
Rte RUFISQUE-PANN
72
10
16
2
100
(
. . . . . . . . . .
e
..
!
! ...
!
( GU'EULE-TAPEE ....................... !
69
12
!
17
!
2
!
100
(
!
!
!
!
!
FASS-COLOBMlE
65
11
23
1
100
(
...................... !
!
!
!
!
( F.k\\JN- POINT E
!
!
!
!
!
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Il
..
(
1
!
!
!
!
ZONES A
B
r:7
17
19
7
100
(
-
. . . . . . . . . . . .
III
. . . . . . . .
0
..
!
.J,
!
!
!
!
( GJWID-DAKAR .......................... !
60
1
12
!
27
!
1
!
100
(
,
!
!
1
!
( BAOBABS .................................. !
!
!
!
(
!
!
!
!
(c ENSaIDLE
,
!
!
!
(
AGGLOMERATION
!
66
!
14
!
16
4
!
100
(
!
!
!
!
,
(
,
ENSEMBLE CO~MJNE
66
!
12
!
16
6
100 -
(
!
!
!
!
Source : Recensement de Dakar (1955), p. 8 des annexes.
D'autre part, du fait que l'administration de la confrérie a
son siège en brousse et que les marabouts y étaient restés
on oouvait prê-
,
.
voir la possibilité du relachement du lien de dépendance maraboutique.

- 37 -
Enfi.."'l nous soulignons ce qui semble le plus important : les
institutions rnourides étaient adaptées au monde rural et non à 1 'tmivers
urbain, les adeptes urbains risquaient de se trouver ainsi dans tme situa-
tion de quasi vide institutionnel. Et on peut dire, sans risque de se trom-
per, que cette situ~tion,nouvelle et difficile à surmonter fut, historique-
::Eat, le prem.ier test de la cap3.cité de la confrérie mouride à "gérer le
ch.angement" .

- 33 -
G~PITf{
1
mIES SUH LES ~fiJEl1E

- 39 -
l -/ NAISSANCE Er DEVELOPPE.'1ENr DE LA CONFRERIE /
1) - La conjoncture
Les mourides du Sénégal sont les adeptes d'une confrérie reli-
gieuse fondée à la fin du XIXe siècle, par Amadou Bamba (1850-1927).
Depuis ses or1gmes jusqu'à nos jours cette confrérie a attirê ..
l'attention des autorités coloniales ou post-coloniales.
D'un point de vue historique,ellesurgit au moment où tous les
chefs politiques sénégalais ont été vaincus par l'année coloniale. A cette épo..
que elle . ~vait une signification objective de résistance à l'implantation
coloniale. Le refus de la présence coloniale, l'insécurité politique et so-
ciale aidant, le mysticisme d'Amadou Bamba deviendra un élément polarisa-
teur de mouvements sociaux. C'est ce qu'explique O'BRIEN lorsqu'il note :
''l'effondrement du système étatique wolof et son remplacanent par une
admi-
nistration difficilement acceptée, signifiait le déplacement d'un grand nom-
bre de personnes, notables et leur entou.r'lge, ai.'lsi que des dépendants de
toutes sortes, privés d'un système d'autorité et des moyens de vivre. Beau-
coup de ceux de ln classe inférieure et particulièrement les esclaves dont
la sécurité était l~lenacée, trouvèrent un refuge dans une nouvelle subordi-
nation au prédicateur Amadou Bamba. Ils apportèrent avec eux l'habitude
d'une soumission extrême (1), la volonté de travailler pour un maître ou de
lui donner les fruits de leur labeur, ce qui donna sa marque durable sur
(1) A vrai dire ceux qui rejoignaient Amadou Bamba n'étaient pas que des
esclaves. Parmi eux on trouvait certains membres de l'aristocratie.guer-
rières. Pour eux, la conversion au mouridisme ne peut pas s'expliquet'_p~r
"l'habitude d'une soumission extrême". Il n'y avait pas d'épreuve plus
ruàe, pour un noble, que de s'agenouiller devant m"àntre
homme.
L'ancienne noblesse accepta de se soumettre aux valeurs maraboutiques du
mouridisme car elle ne pe.'lSait pas venir à bout de l'ordre colonial par
des moyens militaires. Pour l'aristocratie de l'époque l'option mouride
signifiait un moyen non militaire de résistance au colonialisme.

- 40 -
l'organisation de la confrérie". (1) Tout se passait, à cette époque, comme
si les sénégalais, défaits sur le plan militaire, avaient trouvé dans le
message d'Amadou Bamba une forme originale de résistance à l'~plantation co-
loniale, ccm:J.e si la bataille contre le système colou.ial
avait changé de
funne et s' était transposée sur le plan culturel.
Jean COPAJ'J'S a démontré (2) que l'apparition du mouridisme a
été rendue possible par une crise de la société wolof. A partir de 1858, les
évènements marquants de la société wolof sont les suiv~~ts :
- Crise des systèmes politiques provoquée par des contradictions grandis-
santes entre la masse et l'aristocratie guerrière.
- Les péripéties de la' cOnquête militaire française qui ont aggravé cette
crise. -.
- Le développement de la cul tute commerciale de l'arachide.
C'est dans ce cadre général de crise économique, politique et
sociale qu'est né le mouridisme. Les démélés entre les mourides et l'admi-
nistration coloniale furent très nombreux. Amadou Bamba fut déporté, au Ga-
bon (1895-1902) et en Mauritanie (1903-1907) puis placé en résidence surveil-
lée à Thiéyène (1907-1912).
Cl) O'BRIEN (D.B.CRUISE). - Etude d'un cas de dépendance.
in : Cahier d'études africaines, vol IX, 1969, p. 503.
(2.) COPAJ'JS (Jean). - La notion de dynamisme différentiel dans l'analyse
sociologique : société tranditioPJlelle, système mou-
ride, société sénégalaise.
in : Maintenance sociale et changement économique au
Sénégal. Paris, ORSTOM 1972~p. 19-33.

- 41 -
2) - Rôle de Ainadou Bamba
Le rassemblement des masses paysannes autour d'un leader cha-
risrmltique était perçu par le pouvoir colonial comme une ne nace potentielle
de l'ordre politique qui venait si difficilement d'être réalisé. L'adminis-
tration de l'époque était marquée par les troubles occasionnés, au nom de
l'Islam, par des marabouts, grands meneurs d' horrmes connne El Hadj Omar TALL,
Mlba Diakhou, Mamadou Lamine DRAME.
Les rapports de l'administration coloniale le disent assez clai-
rement : "depuis qu'A.madou Barnba nous est connu, il n'a pas eu d'autre façon
de procéder que les Vaba, les Amadou Cheikhou, les ~~ou Lamine, les
Samba Diadiama et l'on est frappé de la similitude qui existe entre les pro-
testations d'amitié qu'il nous fait en 1889 et 1891 et celles que nous fai-
~a i.ent r,tLba en 1864, Amadou Cheikhou en 1868, Mahmadou Lamine à Goundiourou
en 1885 et dans le Geye en 1886, à la veille de préparer les lUlS leurs cam-
pagnes du Rip et du Sa1Qum, les autres celles du Djo1off, le dernier enfin
celle du Boundou et de Bake1". (1)
Pour la période allant de mai à juin 1903, divers rapports des
administrateurs des cercles de Tivaouane, Thiès et Kaolack signalent qu'Ama-
dou Bamba ferait des achats d'armes
et regrouperait des hommes et une grande
qJantité de chevaux pour lutter contre l'armée coloniale. Le rapport de l'ad-
IIÙllistrateur-adjoint du cercle de Kaolack, en date du 29 mai 1903, dit ceci
"j'ai appris que chez serigne Bar.1ba, à M'Backé, quatre à cinq mille honmes
sont réunis et se préparent à marcher contre nous".
tvlais tous ces renseignements seront démentis, ultérieurement,
plr le constat fait paa l'administrateur du cercle de Tivaouane, dans son
campte rendu de l'arrestation d'.\\madou Bamba (lettre nO 192, du 24 juin
1903) : 'malgré toutes mes recherches je n'ai trouvé aucune trace d'armes
al de munit ions" .
(1) Archives du Sénégal. Dossier 3E 55

- 42 -
Il est intéressant de noter que dans aucun texte, traduit,
d'Amadou Bamba on ne trouve Wl appel à la violence, à la lutte contre le
système colonial. C'est pourquoi on peut se de%~nder pourquoi les masses
P'lysannes de l'époque firent de lui lm pôle de résistance contre la péné-
tration coloniale. Pour répondre à cette question, i l faut tenir compte de
deux éléments. D'abord, l'attitude collective ci-dessus dégagée s'explique,
al partie, par le fait que les populatiorsde l'époque? dans leur grande ma-
jorité, voyaient en Ar.1adou Bamba un honnne providentiel, vision déteminée
plr la conjoncture politique antérieure au mouridisme marquée par des ma-
rabouts qui ont toujours refusé l'invasion coloniale. Voilà ce qui peut
rendre compte du fait que les masses paysannes pensaient que le même scé-
nario allait continuer avec .~dou Bamba. Tout se passerait alors comme
s'il y avait ''un retour du m6ile au même" : la même situation politique qui,
hier, e. produit des évènements de résistance marquants de la part des mara-
oouts :Lurait été ainsi sur le point de se répéter. Mais, i l ne faut pas
œblier ce que disait Paul MARrY : "dans le Cayor qui fut le centre de
résitance acl13.rnée de la race wolof à notre domination, les indigènes ne
se sont convertis à l'islam que pour retrouver sur Wl autre terrain tme
lnse de résistance passive". (1) l't1,\\RTY pensait que la conversion des popu-
latior~ à l'islam mouriàe était, d'abord, dictée par l'opportunisme poli-
tique et que le mouridisme portait,en gennes ,les éléments de contestation
du syst6me colonial. Ce mode de lecture de la réalité socio-politique de
l'époque explique la répression dont Amadou fut victime, des années durant.
3) - Aik~dou BaQba et la répression coloniale
L'hostilité ouverte du système colonial envers Amadou Bamba,
leader charismatique enseignant la non violence, découle cl 'une mauvaise
interprétation de sa vie. Les décisions de l'autorité coloniale le concer-
nant n'ont fait qu'exacerber les contradictions entre les masses et l'ad-
ministration de l'époque. Il nous semble que cette hostilité est loin d'ê-.
tre oubliée, aujourd'hui encore, par les mourides. L'image du colon blanc, .
(1) V~RTY (Paul). - op. cit., p. 52.

- 43 -
telle qu'ell~ se dégage des nombreux récits de l'exil d 1Amndou Ba~ba, au
Gabon~ laisse transparaître l'idée du blfu~c persécuteur et injuste, mais
jamais triomphant. Nous avons été conforté dans cette idée en écoutant un
chanteur mouride du nom de Seydou Nourou, lors de la cŒTIIIlémoration du 1er
anniversaire de la mort de Serigne Chei1c.>t ~fbacké. Dans le récit de Seydou
Ï'burou, le toubab (1) est toujours rangé du côté du IJ'iEll ~ du mauvais. Tout
se passe comme s'il y avait lUle tentative de revanche symbolique des adep-
tes sur les "toubab".
L'hostilité coloniale envers A~dau Ba~Ja n'est pes sans
rappeler celle que les colons vouaient à la prc:ph:;-::es!:e fù insitoë, en BiSse
Cas3l!l2I1Ce.
Le Professeur GIRP2~ a aTIaïysé ce cas d2~s son trévail (2)
sur la genèse du pouvoir charismatique en B2.sse Casa~aT1ce. Là aussi, un
personnage de l'envirorulement paysan semblait polariser la résistance à
l' autorité colonial e. Et l' adrnillistration a eu la mê""1e logique qu'avec
Amadou Bamba : cette f91IDlB gêne l'action ac1ùin:s:rative et gouvernementale
et par conséquent il faut l'empêcher cl' agir. Or "cette haL.Tle, Tien ne la
justifiait car la prophétesse répandait une parole non violente". (3)
1.
Elle fut dt:poTtée il TombouctOll et progressivar.e:lt un voile
d'oubli recouvrit, totalement, et sa pe~soITPzlité et son sort. Le profes-
seur GIRf\\..tID note, avec lUl accent fort patl1~tiq~e; qu 1füi."'l5itoë "était le
guide tant espéré par la société en son ensemble tTa~~atisée que par les
individus dans les diverses circonstances de la v:'e". (4) fiais un silence
total recoUVTe aujourd'hui ce perSOTlD.age si :'-;;.porta..11t daTtS l'éveil de la
conscience politique en Casamance.
(1) Dans tous les récits mourides où ce te~m8 est emplo)T~, il désigne le
colon français.
(2) GIRAHD (Jean). - G8nèse àu pc,trvcir cl13Tisr;:atiquG :::r.l B,"lsse Casamance.
Dakar, Ifan, 1969, 369 p.
(3) id., op. cit., p. 234.
(!~) id., op. cit., p. 253 •

- 44 -
Ce silence, les gouvernants sénégalais actuels ne l'ont vrai-
ment j aID:lis rompu et l'dans la province de Basse CasLlli'v3Ilce , lorsqu'on évo-
que le nom de la pro~hetesse, l'autorité officielle semble avoir pour con-:
signe de se taire". (1 )
(1) id.~ op. cit., p. 238.

- 45 -
II - /LA RELATION
r~LRABOUT-TAALIBE
/
Le mouridisme, a connu t.m vif succès auprès des masses pay-
sannes. Tout un peuple désempl ré a cherché refuge auprès d'Amadou Barnba.
Au début, tout s'est passé comme si le mouridisme avait offert, à la so-
ciété wolof, t.m ordre original satisfaisant le besoin d'encadrement des
masses tout en manifest~t sa défiance à l'égard de l'envahisseur. Quels
sont les caractéristiques structurelles et les principes organisation-
nels de la confrérie.
1) - Définitions
La confrérie mouride se caractérise essentiellement par la
relation taalibé- marabout. Elle constitue t.m des principes régulateurs
du mouridisme, un élément structurant qui, s' i l était bouleversé, entrai-
nerait ipso facto t.m devenir autre de la confrérie. Cette relation présen-
te fondl~entalement deux caractères.
. Elle cst, une relation duelle établie entre deux partenaires inégaux
donc n'ayant pas le mên.e statut social.
Conrrre dans la plupart des· relat10n5 de d€pendahee, ,elle est c6mpens~
par ln garantie d'lID6protéction du partenaire.inférieur.
2) - Son contenu idéologique
Cette protection s'exprime par la promesse de récompenses
chns l'au -deU: comme contrepartie du dévouenent du taalibé. Le message
d'A'TIadou Bamba comporte une codification du comportanent du ''bon disci-
pleH •
Le taalibé soit aLùer son marabout, s'attacher à lui. Cet
at~~chcmcnt, s'il est sincère,ne-doit pas être perçu,par le taalibé~camme
une perte de soi, i l doit relever du registre de"l'autre moi-même"; le
na.rabout est présenté cœme l'image narcissique de son taalibé.

- 46 -
Le discours religieux cl ' .Amadou BaTIlba, la doctrine qu'il a
constituée rationalise la puissance du marabout. Il justifie, idéologi-
cpanent, l'attachanent d'une masse de profanes (1) à un marabout, attache-
ment
qui constitue l'un des piliers du mouridisme.
L'oeuvre écrite de Amadou Bamba, du moins les traductions
dont nous disposons, prescrivent au musulman de s'attacher à un marabout
car ':13. vérité est dans l'amour pour son cheikh" (2). L'attachement du
nouride à son marabout ne doit pas être perçu comme une obligation, il
doit s'agir d'un attachement affectif. Tout mouride, dit Amadou Barnba,
doit avoir un marabout car abandonné à lui-même, i l s'égare : il lui faut
donc un guide spirituel (3).
Il est demandé au taalibé de s'abandonner à son marabout,
cl' obéir avec diligence à son directeur. spirituel, même sr il n' aprouve au-
am goût à le faire car "celui-là seul arrivera auprès de Dieu qui s'ac-
crochera aux Pans d'un maître qui est déj à arrivé quiconque agira autrement
échouera" (4).
Amadou Bamba reconmande explicitement au taalibé mouride de
travailler pour son marabout. Dans 'les itinéraires du Paradis"il déclare
"Il faut travailler pour celui grâce ~uquel on peut obtenir
satisfaction auprès de Dieu.
Il faut travailler pour celui qui, s'il est content protégera
son ta.-'llibé contre ce qu'il redoute dans ce monde et dans l'autre.
(1) Un de nos infonnateurs explique ce phénomène de la façon suivante
"s'il fallait instruire les gens avant de les convertir à l'islam, il
n' y aurait pas eu beaucoup de musulmans".
(2) Vers cités par DUMONT (Fernand). - op. cit., p. 83.
(3) Allusion à la conversion jugée douteuse de l'aristocratie guerrière.
(4) Cité par S".'\\MB (Antar). - Essai sur la contribution du Sénégal à la
littérature d'expression arabe - Dakar, Ifan,
1972, p. 466.

- 47 -
Le taalibé doit travailler pour celui qui représente tout pour
lui. Le tanlibé doit travailler pour celui qui par son pouvoir suT1kîturel,
lui donnera tout ce qu'il désirera à condition qu'il observe toutes les
consignes reçues" (1).
Le travail du taalibé mouride est destiné au marabout. Le pre-
mier travaille pour le dernier qui, à son tour, lui garantit le salut. On
a alors l'impression d'un échange, ou d'une équivalence entre l'apport
Jm.tériel du taa.libé et celui spirituel du marabout. C'est pourquoi le taa-
libé
reste persuadé, parfois, que la sainteté de son marabout l' affran-
Chit de toute obligation morale ou religieuse et lui ouvre les portes du
xnradis (2).
Ces êléments d'analyse permettent de penser que le marabout
nnuride est un persopnqge redoutable car c'est par lui que passe le bon-
heur du taalibé. Le mouride qui veut connaître le ''bonheur éternel" doit
lui obéir.
Cette conviction fait dire aJ fondateur du mouridisrne que le
disciple doit ai"ller son marabout. Mais cet amour, s'il est sincère, doit
être inntérialisé, le seul sentiment ne suffit pas, il doit être traduit
sur le plan de la réalité concrète. Dans les "itinéraires du Paradis" Ama-
dou Bamba déclare que le taalibé doit travailler au profit de celui qui,
IRr son pouvoir surnaturel, lui donnera tout ce qu'il désirera à condition
cp'il respecte les consignes reçues. Le Cheikh des mourides énonce la rè-
gle suivante dans "celui qui éclaire les coeurs" :
"La vérité est dans l' auour pour son Cheikh
Et, partout, dans l'obéissance à ses ordres,
sans lui o?poser la moindre résistance,
Même en son
for-intérieur, à ce qu'on dit.
Il faut aussi renoncer à son libre-arbitre
Car la pensée du Cheikh est inattaquable"
(3)
0
(1) Cité par SAi-ID (Amar). - in : op. cit., p. 467.
(2) C'est le cas chez les Baye Fall.
l3) DUMONT CF). - op. cit., p. 91.

- 48 -
La confrérie mouride renforce la réalité maraboutique, et
s'organise autour d'elle, le marabout est présenté comme le détenteur d'un
p.:n.woir surnaturel, "un savoir dit des profondeurs", il est le ''borom xaI!l
X3II1"
(1).
Le fondateur du mouridisme établit malgré tout, une nuance
au niveau des r.'.arabouts. Il demande aux disciples de SE faire encadrer par
des marat-outs, mais il leur conseille aussi de !le pas se laisser tromper
p:lr les faux marabouts. Il dOll.'1e au
disciple
les conseils suivants : ''Ne
te retourne pas vers tout homme que tu verras ressembler à un véritable
mrabout.
En effet, tout ce que tu vois rond n'est pas une gimblette.
Toute fonne arrondie et lUIïineuse n'est p3S forcément la hme. Pas plus
que toute eau n'est potable, que tout témoin n'est véridique.
Tout ce qui brille dans la nuit n'est pas nécessairement un
feu DOur le voyageur qui désire se chauffer " (2).
Le rôle du vrai mnrabout doit se réduir,,;: à enseigner la Parole
Sainte, à guider les rnourides. Ses principales qualités sont la science,
la piété,et l'ascétisme: "ce qui obscurcit votre âme tient à six causes,
que celui qui veut réussir doit sunnonter.
L'excès de nourriture et l'excès de boisson.
L'excès de fréquentation sans la perfection.
La prolixité, l'excès de sommeil, l~ négligence du Di~;r du
Créateur". (3)
(1) Bcrom Xa!l1 xam : celui qui possède un savoir, personne expérimentée et
sage.
Certains marabouts rnourides se spécialisent dans la confection des
amulettes. C'est ainsi qu' à Diourbel, un marabout confectiorme un type
de gris-rris très réputé pami les chauffeurs. Ce gris-gris, appelé "as-
surance accident", de l'avis de nombreux chauffeur protège celui qui le
porte contre les accidents.
(2) Cité par S1,,\\18 (Amar). - op. cit., p. 466.
(3) U~'DNT (F). - op. cit. p. 320.

- 49 -
Mais si le Cheikh dit qu'il Y a des vrais et des faux mara-
bouts~ il insiste, dans d'autres textes, sur la nécessité, pour la foule,
d'être encadrée par les marahouts :
"Celui qui n'a pas reçu, durant un temps,
sa formation d'un Cheikh, rencontrera l'épreuve,
,
car celui qui n'a pas eu un Cheikh pour guide,
1.
aura Satan pour Cheikh, n'importe où qu'il aille". (1)
3) - Son contenu économique
L'emprise idéologique des marabouts sur les taalibé leur per-
met de fQire travailler ces derniers, sans contrepartie matérielle. ~~is,
JX>ur que le système puisse fonctionner, le surtravail fourni par les taa-
libé ne doit pas leur apparaître canme un travail forcé, c'est-à-dire im-
posé contre leur gré, mais camne un travail dO. Et c'est là que se situe
tout le contenu idéologique de cette relation.
Le travail des t.a.al ibé pour les marabouts, s'effectue dans
des unités de productions différentes. Il y a une différence entre le~­
libé qui trn.vaille exclusivement dans le daara, mité de base de la con-
frérie et celui qui possède son champ mais prélève une partie de 'a récol':
te qu'il donne à son marabout sous forme d'offrande religieuse. Pour don-
ner une idée de l' i.':1port:mce des revenus que les marabouts tirent du tra-
vail et de l'offrande religieuse de leurs disciples, Guy ROCHETEAU, a cal~
Ollé le budget d'un dignitaire mouride situé entre le ZOe et le 30e rang
de la hiérarchie maraboutique. Ce marabout avait un revenu de l'ordre de
4 000 000 de F. CFA l2J soit lE; centuple du revenu annuel du paysan ordi-
naire,
(1) id. op. cit., p. 90.
~) Four faire ressortir l'importance relative de ce revenu, dans le milieu
p~ysan, on peut faire quelques comparaisons :
- le revenu moyen de l' agricul teur sénégalais a varié de la façon sui-
vante
1970
43 700 F CFA
1971
24. 900
"
"
1972
37 800
"
"
- "OOCHETEAU évalue entre 600 et 700 millions de francs CFA "la valeur
globale du tribut" prélevé annuellenent par la confrérie sur ses adeptes

- 50 -
....
'
".
III - / ETAT DES REŒERœES SUR LA CONFRERIE /
La
littérature relative aux mouri.des représente, de nos
jours, un volume ~ssez important s son développement s'explique, en partie,
?'ir des raisons que nous allons rapidement passer en revue.
Une étude de l'apparition historique de la littérature mou-
ride montre, qu'à ses origines, elle était essentiellenlent liée à des
préoccupation politiques. Paul ~~~, l'auteur de l~ 1ère étude sur les
illDurides était un officier de l'armée coloniale chargé, entre autres, de
suivre l' 6volution des "affaires musulmanes". Les travaux de lIAfITY sur
l'Islam au Sénégal, en général, et sur l'Isl~. mouride, en particulier,
ent été faits dans une perspective de maintien de l'ordre politique colo-
nial qui venait, si difficilement, d'être réalisé après la défaite de Lat
Dior DIOP, à l~ fin du XIXe siècle.
L'intérêt porté par les administrateurs coloniaux à :
cette confrérie n'était JY~s gratuit, il s'expliquait par les conditions
socio-politiques de l'époque qui semblaient mettre la confrérie mouride
au dévant d'une scène politiql.le devenue confuse et qui en ont fait l'axe
d'une résistQ~ce culturelle des sociétés traditionnelles à l'implantation
ccloni:üe.
La raison sccio-historique essentielle de l'intérêt porté par
des chercheurs au mouridisme réside dans le f:li t qu' il est né au r.lOITlent
de la destructuration des sociétés traditionnelles ~~r le système colonial.
Cette particularité poSé le problème des significations sociologique et
historique du mouridisme.
D'un point de vue économique, la confrérie a été liée, dès
ses orip;incs,
à l'introduction de l'économie arachidière au Sénégal. Cet-
te co--rythmie pose le problème du rôle joué par les mourides, d'un point
de vue: €.'conOI!lique,
dans le développement des cultures cl' exportation (ara-
chide).

- 51 -
Ces rp-isons expliquent l'intérêt porté à la confrérie mouride
et par cons6quent le dévE:loppement de cette recherche qui, en mettant l' ac-
cent sur les caractéristiques de nos structures socio-religieuses, a contri-
bué à mieux faire comprendre les réalités économiques et sociales du Sénégal.
Il est difficile d'approcher la rénlité économique sans des
études permettant de dégager les structures socio-religieuses qui façon-
nent l'opinion et modèlent le àéveloppement éconOr.1.ique et social. A ce ti-
tre, les études sur les confréries religieuses, notamment sur le rnouridis-
me présentent un intérêt majeur.
Pour présenter un tableau de l'état des recherches, nous avons
p:;nsé qu'il n'était pa.s possible de les traiter corrnne une total ité homogène
car, d'un point de vue historique, elles se sont développées suivant des
IIUllents précis. Le choix de ce procédé méthodologique nous a ainsi conduit
~ diviser 10s recherches en blocs significatifs.
Nous n' :1VOI1S pas la prétention (ou ln naïveté) de caractériser
toute l'information disponible sur la question mais d'en dégager les traits
p3rtii""!.ents tE:ls qu'ils se présentE.-'Ilt à travers les ouvrages les plus repré-
sentatifs de ses orientations. Cela suppose, évidemment, que nous ne pouvons
pas traiter des travaux, ouvrage par ouvrage, ce procédé ne donnerait qu'une
collecticr.. d' D.ru.'üysc:$, sans Guam lien logique.
Les recherches ont été divisées en quatre rubriques
1°) l'oeuvr0 de Paul ~r.utrY et ses successeurs
2°)
les oeuvres de tT?.llsition : Vincent 1'-ONfEIL et Cheikh Tidiane Si
3°)
les recherches de terrai..Tl
a) P. Pelissier
b) O'BRIEN
c) L2 recherche interdisciplinaire de l'OPSTOM.
4°) les travaux des isl~ûlogues.

- S2 -
1) -
L' oeuvre de Paul MA.tITY
Paul ~0RTY, officier de l'armée coloniale française, a été
l'auteur des pre.":liers recherches sur la confrérie mouride. tvnis son étude
a éts: faite cL-ms une perspective essentiellanent "policière".
Lf obj ectif de M:.JITY était d'étudier les groupes islamiques en
vue de savoir s'ils étaient ou non tme menace pour "1' ord.re" que le système
colonial venait si difficilement de réaliser. Ce fait difficilement contes-
table p ne doit surtout ~~s conduire à gommer tm aspect très tmportant de
l'oeUVT8 de r·1A!ITY : on reconnaît, auj ourd '1'Uli, que MARIY a daniné la re-
cherche mouride jusqu'au moment de l'indépendance du Sénégal. En d'autres
termes, de 1913 à 1960, beaucoup de travaux sur les mourides, sinon la to-
talité p constitue.nt une reprise idéologique des grands thèmes de r~
"wol ofisation de l'islam,", "exploitation de la crédulité des fidèles par
1
1
les élites maraboutiques"p "force collectiviste de ln confrérie". Des cher-
cheurs ont donc développé, pendant tm demi- siècle, les mêmes idées sur une
réalité soci~le s~s se soucier de ses chr~eements. C'est pourquoi Jean
CDPN~S ~ eu raison de dire : "ce qui est étonnant ce n'est pas que le sys-
tème ait évoluC:. C'est que ceux qui l'ont décrit ne se soient jamais deman-
dé si 10 système en question évoluait" (1).
Pour revenir à ~~\\P.TY, il faut préciser que sn description des
TIDurides repose SUT Ut." postulat idéologique qui lui fn.it dire que le rnouri-
disme est un lIislan à l'usage des wolof" (2), une forme abatardie de l'is-
lam, vidée de son contenu et remplie de croyances 10c21es. Cette conception
(1) CONiNS (J.). - Stratification sociale et Grganisation du travail agri-
cole dk~s les villages wolof mourides du Sénégal. Thèse
de doctorat de 3èr!le cycle. Paris p Ecole des Hautes étu -
des,1973 , p. 70.
(2) Y,'iRTY (P:tUl). - Etudes sur l'Islam au S~négal.
Paris LEROUX,1917, tome 1~p. 3
J

- 53 -
relève plus de la réaction idéologique que de l'analyse purement scientifi-
qJe car vouloir démontrer que l'islam peut s'adapter à des valeurs culturel-
les sans pour autant s'en imprégner est faire preLNe d'un idéalisme grave.
Sur le plan méthodologique, on peut reprocher à MARTY d'avoir
centré son analyse, essentiellement, sur l'élite rnaraboutique et d'avoir né-
~ligé en conséquence l'autre groupe, numériquement plus important, celui des
disciples. Dans la perspE-"Ctive de MARlY tout se passerait coume si la con-
frérie constituait un bloc homogène, et était identique à la base et au sam-
1
i
met. Or, il n'en est rien.
1
Ces remarques ne signifient pas que nous lui donnons le coup
de pied de l'âne théorique, car nous reconnaissons, avec Ph. COlJIY, que
'~'oeuvre de ~~ n'a pas ~té égalée et devrait inspirer à tous les cher-
cheurs un profond respect par le sérieux de sa docUmentation' (1).
Il n été le premier à comprendre que face à l'ancienne société
q..Ii se décompos.:ü t, sur le plan institutionnel, du fait de la violente agres-
~ion du systèl'!1e colonial, la confrérie mouridc a joué Ui! rôle de remplace-
:rent : "le marabout remplaçant par ou sans notre faute le chef traditionnel,
c'est autour de lui c:uc la société noire tend à se réorganiser" (~. Sur le
plan éconœlique i l ccnstatait, en 1913 : "la seule chose qui soit vraiment
à déplorer dnns le wouridisme vu du côté zconomique, c'est l'exploi~~tion
des indigènes. Les dons affluent chez les Serignes ; espèces sonnantes, par
centaines de milliers de francs" (31. Cette interprétation a posé, dès 1913,
lm probl~lle théorique important qui ne semble pas encore entièrement résolu
de ncs jours.
(1) COL'TY (Philippe) ... La doctrine du travail chez les mourides
in : Maintenance sociale et changanent économique au
Sénégal - Paris,Orstcm, 1972. Coll. Travaux et doc.
p. 70.
(2) tv"JARI'Y (Paul). - Etudes sur l'Islam au Sénégal
Paris,Leroux,1917,
tome 2~p. 348.
(3) ;'''AIm' (Paul). -
cit. Tome II p. 352

- 54 -
L'oeuvre de MA._lITY sera continuée par des administrateurs fran-
çais comme NEKKAGi, POKfERES, BOURLON, QUESNOT (1). Al' exception de NEKKA.œ,
ces auteurs ~'ont apporté aucune modification importante dans les travaux de
~~. On sait que le travail de NEKKA.CH, repérait, entre autres, les re-
présentants des KlŒlifes dans les principales villes du Sénégal et fournis-
sait, en annexe, des fiches de renseignements sur les principaux dignitai-
res de la confrérie.
Paul ~~ avait élaboré LL~e description du mouridisme de la-
quelle les préoccupations politiques n'étaient pas écartées. POP.TERES a
poussé, jusqu'à ses extrêmes ltmites, les idées de ~~TY. On se rappelle
cpe le rapport PDRI'ERES est l'aboutissement d'une étude qui avait été de-
rranè.ée par CORNUf GErWILLE, haut ccmnissaire de la République, Gouverneur
général de l'A. (). F.. PORTERES a réalisé, en 6 ser.laines, une étude d' ensanble
q.li devait proposer des solutions pour une "véritable rénovation" de l' éco-
nomie sénégalaise de l'après-guerre.
Le chapitre de son travail consacré au mouridisme ne peut prê-
ter à confusion;J..l' L"1titule "le danger mouride dans l'économie et la vie
rorale au Sénégal". ~ i~ ~ deJœ ~«14 ~~_
~H. ~ idée directrice était de démontrer que le mouridisme est un
échec économique, social et surtout agricole. Pour cet auteur la confrérie
est un mouvement à caractère anti-social reposant sur le servage, politique-
ment dangerelLx car "s'opposant aux desseins de la France".
Le travail de cet auteur illustre le -fonctio~"1ement idéolo-
gique de la recherche des administrateurs coloniaux; il rationalise l'ac-
tion coloniale. Cette justification passe par une dévalorisation du colonisé
ITOuride-perçu, à cette époque ,comme politiquenent dai"1gereux - et par la pro-
1
c1a'Iléltion de grands principes humanistes : "sortir les masses de leur
(1) VeiT dans la bibliographie aux noms des auteurs.

- 55 -
condition serve et faire acquer1r aux hommes du Sénégal un niveau de vie
natérielle et intellectuelle assez élevé". On peut dire, sans auam doute,
<pe ces principes avaient
pour rôle d' occul ter les motivations réelles de
la présence coloniale.
Nous avons recensé le vocabulaire utilisé par Portères dar~ sa
description du mouridisme, et avons jugé utile de le faire figurer dans ce
travail pour donner une idée de son orientation idéologique :
vagabondage islamique,
5ervag(;,
destructeur,
strucVJre féodale,
disparate,
bête,
ignorance,
nG~ation de l'élevation humaine
hOJTmle machine,
déssouchement total des terres,
délapidation des sols,
absencG de sens paysan,
ravageur des terres,
délapidateur des richesses,
économie de rapines,
communautés agricoles stérilisantes,
esclavagisme,
I!léluvais rendement,
misère rurale mouride
L'apprrreil conceptuel du travail de Portère~ laisse transparaitre une ten-
tativ~ délibérée de dévalorisation du mouridisme. Cet auteur a systématisé
l'idéologie ~~ti-mouride véhiculée par l'administrateur coloniale~

- 56 -
2) - Les oeuvres de transition
Monteil et Sy
L'oeuvre de Paul r{\\RJY n'avait pas pris en considération une
analyse historique de la société wolof. Vincent MOnteil (1) a eu le mérite
d'avoir expliqué les conditions historiques dans lesquelles est né le mou-
ridisme. Mais son travail est surtout une compilation d'archives.
Cheikh Tidiane SY (2), est le seul chercheur sénégalais à avoir
travaillé sur les mourides. Dans son ouvrage intitulé "les mourides du Séné-
gal", i l se proposait d'étudier, par la méthode sociologique et historique,
l'islarrl mouride. La première partie de son travail était consacrée à l'his-
toire sociale des mourideo;, la seconde au mouridisme dans la conjoncture po-
litique et éconow:'tÙe du Sénégal. Le travail de ce chercheur, corrige quel-
q..Ie peu la perspective méthodologique de Paul MAlU'Y. Ce dernier était beau-
coup plus soucieux d'expliquer et de justifier le "danger mouride" que
d'analyser ses origines socio-historiques. ~~is, une des faiblesses du tra-
vail de $Y est d'avoir été basé sur une hypothèse déconcertante. Il postule
que la réalité soci~le mouride est une défiguration du message d'Amadou
Bamba. " Si 12 confrérie mouride fait actuellanent l' obj et de critiques nom-
breuses, c'est que des déviations y ont vu le jour. En effet, Iilême si les
nDurides restent liés spirituellement par la doctrine de Bamba, force nous
est do cons'tater que leur attitude semble être basée sur l'irréfexion". (3)
Or, l'idéologie mouride n'est pas seuleœent le fait d'Amadou
B3mba, elle est aussi et surtout le fait des mn.rabouts et des paysans mou-
rides. L'opr~sition consta~te que fait SY entre les textes d'Amadou Bamba
et la pré:.tique sociale des paysans et marabouts mourides lui fait dire que
(1) M)NI'EIL CV.) cf. travaux cités datîS la bibliographie.
(2) 51 (Ch. T.) cf. études citées dans la bibliographie.
(3) SY (Che.Hch Tidiane). _. La c~f~];',ie sépégalaise des mourid.es. Paris,
Présence PJricaine~ 1969) p. 148
1
j
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•• _ _ ••_

- 68 -
La àeuxièmc source est constituée par les marabouts mourides
eux mcrnes. Il ne sa..ble :~S que cette dernière soit la meilleure pour accé-
der à la pensée de knadcu BaT!1ba car, comme le souligne avec juste raison
mPANS s Hl2. plupart des marabouts mourides ne savent pas lire l'arabe".
Dans cette situation, le recours aux textes traduits est le
1TDyen 1:-:; plus sûr dE: combler le grand vide de la littérature rnouride : son
silence quasi absolu sur la pensée religieuse, sociale politique voire éco-
'1'JIllique du fonchteur de la confrérie.
Les textes du fondateur du mouridisme constituent certaine-
:;'ent lm.~ maSSE: Gnome de documents qui 99dor.nent99 actuell611ent chez des
rrorabouts mourides qui pensent que la meilleure fidélité à leur auteur
est de !le j 3JTk"ÜS les communiquer.
D'un point de vue sociologique, la littérature insiste beau-
coup sur l~ signification du mouridisme. Selon les explications habituelles,
lors Je l'écroulement des structures politiques traditionnelles, la socié-
té wolof aurait cherché ~ reconstruire un ordre original pouvant satisfaire
lé besoiIl d'encadrement des masses tout en manifestant la défiance à
l'égard du colonisateur. ~1ais, les mêmes explications reconnaissent égale-
ment er-I,;; le mouriciisrne est le
vecteur de l' 6conomie ma.rchande. Ainsi donc
an rccûnr~it dl~S le mouridisme une manifestation culturelle de la résis-
::anC€
:les sociétés wolof à la colonisation m~is aussi une identité des
objectifs écon08iaues de la confrérie et du syst~e colonial, Cette expli-
cation ::st très .J..Dbiguë.
Lc;s difficultés de telles interprétations sont soulignées
par cOJn-, lorsqu'il note: 99r é:lcticn politique, le nqiridisme aboutit
très vit8 8 ~~ cŒ~promis réaliste et à ln légion d'honneur de Amadou Bamba.
InversE'[;:ent, il ne faut pas faire coincider de r:mnière mlivoque l'extension
de li: coni'rsrie et cdl(~ de l' éconcmie nnrch.1.n,dc" (1).
(1) COL~ (Philipr8), - ln signification du mouridis.me
in : Dcc et travaux de l' OR..STOi'-1, nO 15, Paris,
')RS!'OM, 1972,;>.254.

- 69 -
On ne dispose p~s encore d'une étude très sérieuse de la na-
ture sociologique (1) des groupes significatifs de la confrérie : les r.kîra-
bouts et les disciples. D'une rr~~ière générale, la littérature présente les
I~r~bouts comme des exploiteurs, l'analyse sociolofique ne va pas très loin.
Elle n~ facilite pas le rel)érage de ces groupes dans les dynamismes sociaux
du Sénégal.
l\\ucun ~ravail systématique n'a été fait (2) sur les Baye FALL
fraction de la confrérie directEment aEfili.éeà Cheikh Ibra FALL. Les mouri-
des présentent aujourd'hui Ibra FALL camne le disciple le plus fidèle
~u 'hnacl·::;u Ballba ait connu de son vivant.
Le comoortement des Baye FALL peut paraître curieux pour bon
nombre de musJL~tns, C'est la fraction de la confrérie qui sc déclare dis-
pensée d'3S cbligations religieuses telles que ID. prière et le jeillle. Cette
attitude se justifie, selon eux~par le fait qu'A'lladou Bamba nurait dispensé
Cheikh HJra PALL de la prière et du JeOne.
Les disciples actuels de ln fraction Baye B\\LL pensent, qu'ils
sont cU): aussi disnensés de ces obligations auxquelles leur ï.kîître spiritue~
n'était p~s tenu d'obéir. Dans l'ir.~gerie populaire mouriàe, Ibra E~L cons-
titue une sorte d' :lTchetype ccmparable au modèle ccmport6!lental de certaines
religions r6v§lées. En fai~Amadou Bamb~ et Ibrn FALL réalisent, ensemble,
un.,; syr.lbicse dçs valeurs enseignées par le mouridisme, la prière, le tra-
vail, Cé;tte symbiose est celle de la société tiGddo et de l'islam naissant.
llJ 12S travalDC de l 'ORSTOH ne pr8sentent pas une analyss en tennes de
cl~ssés 30cialss, des différents groupes sociaux qui cO~lsent la
cc:":cfr8ric. Il faut r8conrulÎtre que ce type d'analyse ne faisait pas
p~yti( de IJ probl~~tique de l'ORSTOM.
(2) Excep"ClOn fai tG ri.::: 0' BRIEl'! qui a consacré un chapitre de son ouvrage
:::'u ::lcuvement Baye FALL et à son chef historiaue Cheikh Ibra FPLL.
v0ir : D'BRIE'; (D.B. Cruise). - op. cit. p. 141-158.

- 70 -
Les valeurs enseirrnées par l'isl~ (la prière etc ... ) se greffent sur
celles que la société tieddo dictait aux masses paysannes (travail et obéis-
5e'lTlCE:).
fora E\\LL est le disciple qui symbolise le travail et l'obéissance.
Sm"!. cŒ:l,crtEflent se réfbrc à un modèle 3.rchetypal beaucoup plus proche des
sociétés traditionnelles, il n'est pas issu de l'islam arabe, mais plutôt
d'une ré~ctualisation de certaines valeurs de la société tieddo, détruite
politiqua~ent~ après la défaite de Lat Dior DIOP. La norme Baye Ft\\LL (tra-
Vê_il~ob~issance) nous senmle être très proche des valeurs de l'esclave et
des gens de caste inférieure dans la société wolof traditioIL~elle, mais elle
s'intégrs dans l'idéal islamique proné par Amadou Bamba.
Le groupe est d'habitude très mal vu par les autres Jm.lsulmans
sénéga1.2.is. Il nous a été répété ~ à plusieurs reprises, durant ce travail,
que !lIes 3aye FALL ne sont pa.s de vrais musulmans". Cette réaction de rej et
des musuL-nans non mourides, se justifie par le fait que de l'avis unanime
des D.Gn-mourides les Baye FJ\\LL contredisent les vertus "nobles" enseignées
p1r l' isJ.a'n : ils seraient de IT"auv3.is musu1JT'.ans. Ce qui choque dans leur
cGT:portcne~t, n'cst ni leur état de dépouillement matériel (voulu) ni le
mn T-::SDi~ct des principes de l'islam.
La cause du rejet ~~r les non-rnourides se trouve dans la con-
traàictic~ apparente entre leur adh~sion religieuse musuL~e et un compor-
tallent qui n're, sel".l>le-t-il, rien de musulman. Les révélateurs de ce rejet
sent ass!;;: nombreux : les Baye F;\\LL sont accusés de malNais musulmans, de
IIgens
~{..:i s'.?.TIlUsentll et à la lL:lite, de fous. L'interprétation de l'attitude
BaYE Fi~L C01Ilf:1C signe de folie est à la mesure de l' iJnage que les non-mouri-
des sc ::cnt dl çux. Elle fonctionnE:> ,dans cc cadre précis ,CCJl'Trn€ élément per-
mett<L'1t .Je décoder un ccmpClrtement TII.D.Tginal.
Il faut noter cepenœnt que les mourides ne développent aucu-
~é r&~ction de rejet vis à vis des BayeF!~L. ~lieux, les pTincipaux respon-
sablçs d·:o la co:J.fr~:rie 11e leur ont ja:t.1.Ïs donné 8Xplicitanent la consigne
d2 j-yü::re, P' rlilleurs COJJliTlent pourraient-ils leuT donner cet ordre sans
1 .
... • .'•.' .:..... ',' . . ,',~~~•.
~r ailleuL's, lss B::..ye FALLru:P1J.PC.TIQ .c.c~.idèrent p~s les. R:ye..F/\\U ~rbains
COTIliiIe de "VT::is Baye FALL". Lors du Mag:tl de Toub;'! en 1980, une certaine
hostilité des Brtye FALL rurQUX était sign'1lée envers les urb~L'1S. Voir le
qL:otidü'D "le soleil'; du 10 janvier 1980.

- 71 -
S2nS cont~edire le fondateur de l~ confrérie, étant donné que l'idéologie
B=.ye FtLL établit qu'Amadou Ba'11ba aurait dispensé Ibra FALL de la prière ?
x x
x
Il ressert de notre ~~lyse de la littérature mourides les
ccnclusi::-IlS suivnntes :
La littérature mouride est essentiellement orientée vers le
lIDuride rural. Or nous avons montré l'existence d'illl noyau urbain de la
coI'..frérie, qui n' n j alnais été 2tudié.
Les recherches mourides n'ont pas été géographiquanent dis-
persSes, il n'y él pas eu d'études extensives du ~ilieu rural,
L<:', recherche socio-·économique sur les mourides gagnerait
J 3profondir l'étude précise de l'effort fourni par des disciples à leurs
TIBrabouts s rois aussi à sortir des eénéralis~tions pour montrer d'abord
las tyaits pertinents du système soci~l mouride ensuite étudier comment
la conh:érie J. facilité 1:1 pénztration de l'économie moderne au Sénégal .
1::1 littC:I'ature sur le mouridisme affiche une méconnaissance quasi-totale
de la pensée religieuse cl' tllmdou Bmnba et de ces successeurs) ce qui en-
traînE; Ul1e r.1éconnDissél..:"1ce de l' id€~olosie mouride et nous disnense d 'tm
élément de référence important dnns l'analyse de la pratique politique des
élites ffiër3boutiques.
D'autre part) sur le plan de 1 t analyse économique la recher-
che j'l'est pas'encore arrivée àdépn.sser le cadre-' d'analyse tracé;pa:r.Paul
MAInY,en 191~.
x
x
x
Ce rappel de la littérature mouride permet de mieux situer
notr~ travâil et de montrer comment il s'articule avs~ les études déjà
fai t.;;s sùr la question.

- 72 -
CHAPITR.E II

- 73 -
l - /EVOLUfION POLITIQUE RECENTE DE U'i.
/
/
/
/_---------~~:::~:_--------------_/
1) - Du Khalifat de Fali10u à celui de Abdou Lahat M' BACKE
Une étude de la confrérie à travers l'évolution récente de
son administration centrale montre qu'elle s'oriente, progressivement, vers
une forme fortement centralisée, caractérisée par l'affinnation et la recon-
naissancê, par tous, de l' autorité indiscutable du 1Glalife général.
Les khalifats de Mamadou V~ustapha
(1927-1945) et de Falilou
M3ACKE (1945-1968) furent marqués par de graves divisions panni les mourides
dues aux probPmes posés par les querelles de succession. ~...a dispute au sein
de l'administration centrale de la confrérie, après le décès d'Amadou Bamba,
a été analysée par O'BRIEN qui note que Mamadou ~'bustapha doit la succession
aux français (1). Cette élection entraina l'opposition d'une fraction de la
confrérie dirig6e par Cheikh fillta (2).
~ la mort de ~~1k~dou t~ustnpha, Falilou ~~AClCE, frère de Mama-
dou YDustapha, fut désigné à ln tête de la confrérie pour les mêmes raisons
cpi avaient pernis d'écarter Cheikh j-\\nta. Ce cheix, fut contesté par Cheikh
JvJBACKE et" progressivement, la confrérie s' installa dans la période la plus
troublée de son histoire.
L'activité fractionnelle de Cheikh ~lli~C}~ a poussé Falilou à
cherclœr des alliés dans l'administration coloniale, et aussi parmi les diri
zeants du Sénégal indépendant. La technique avait pour but de renforcer son
autcrité.
Le conflit entre les deux hommes est certes explicable en ter-
~nes de lutte d' in.f1uence pour le contrôlç du pouvoir confrérique. Mais, au
(1) O'BRIB~ (D.B.C.). - op. cit. p. 71.
(2) Frère consanguin d' f\\lTIadou B.amba.

- 74 -
delà de ce fait objectif il faut noter que l'analyse de leur filiation ma-
trilinéaire dévoile une autre grande différence: celle entre l'aristocratie
guerrière de Lat Dior et les "M' Bousscb.é".
Serigne Falilou est issu du côté matrilinéaire, d'une grande
famille spirituelle de l'époque : les H' Bouss ch.5. Des gens érodits t oumés
vers la conter.lplation, la ~éditation.
Serigne Cheikh M'BACKE, quant à lui, du côté maternel était
lié à l'aristocratie guerrière, notamment à la f~ille de Lat Dior. Il était
donc issù d'une famille ayant une grande tradition d'exercice du pouvoir
~litique.
Ces deux hommes, du fait de leur origine sociale semblent
nette~ent en opposition. Dans la pratique ils ont eu une attitude fondamen-
àlenl~nt différente vis d vis du pouvoir temporel. Falilou était intégré au
système politique senghorien. Quant à serigne Cheikh, il a été le leader de
1
l'aile radicale de la hiérarchie religieuse mouridc, c'est l'un des rares
notables mourides à n'avoir jar.ulis cautionné, explicitement, la politique
officielle du pouvoir. D'autre part, Serigne Chei~h a fait preuve d'un es-
prit d'entreprise qu'on ne retrouvait pas chez Falilou. Ses multiples acti-
vités éconami~les, en ville comme à la campagne, ont fait de lui le chef
de file de la tendance affairiste du mouvement.
Ses activités écon~iques pouvaient le prédisposer à collaborer
avec les autori~és administratives, à l'instar des autres homme d'affaires
sénégalais. MJis une telle alliance était pratiquenent impossible à établir.
Serigne Cheikh ne pouvait pas collaborer avec les alliés objectifs de Fali-
lou, son adversaire.
Ces élbT:lcnts cl' analyse montrent que le conflit entre Serigne
Cheikh ct Falilou s'explique d'abord par le jeu des luttes d'influence qui
ant secoué la cûr.irérie
après le décès de Marnadou Moustapha. Mais, à cette
contradiction ~rincipalc sont venues s'ajouter d'autres liées à la filiation
des d~ux hommes. C'est pourquoi en peut dire que l'cpr~sition entre Falilou
et Cheikh 0~\\CKE était, en définitive celle entre l'aile spirituelle du mou-
vement 8t celle desccndarlte de l'aristocratie guerrière.

- 75 -
Pour la pr~leTe fois dans leur histoire, les ~ourides ont,
avec Abdou Lahat ~1BACKE un Khalife gép~ra1 dont la 1éeiti~ité n'est pas con-
testée. Les deux autres Kra1ifes - r;~dou 140ustapha et F~li1ou - ont subi,
durant leür rè~le, LL~e opposition ouverte d'une partie des dignitnires mou-
rides. 'J.~ BRIE.1\\! avait bien pressenti qu' i\\bdou Lahat allait marquer l'orienta-
tion de ln confrérie, en prédisant que "the new Kha1ifa genera1, Abdou Lahate
MBACKE is rr.uch younger and more vigorous tlun his preè.ecessor, and he may not
prove 50 easy ta manipu1ate" (1). Les faits nc s~hlent pas avoir démenti
cette pré\\rision.
:illdou Lahat ~ffiALKE. successeur 1e Fa1i1ou, est le 3e Khalife
général des mourides, depuis août 1968. Lors du ITLqg~ de 1970 il a clairement
armcncé 13 tendance générale de son Khalifat : "tout ce que je fais, je le
fais par la volonté de Dieu : je mets toujours le Tout Puissant et les mem-
bres de la fJr:lille d'Ar:1Lldou Ba."TI.ba avant toute chosetl (2).
Abdou L~~t essaie de se dégager du rôle de rorte-paro1e du
gotNernêm'9nt~ en milieu rural, rôle que jouaient les lChalifes préc@ents. Cet-
te volcntfi de dér:lE.rcation, i}. 1r. fait surtout sentir le jour du mtlga1 : l'es-
sentiel de son allocution est toujcu~s destiné aux taa1ibé.
Durrmt le l:".halifat de Fa1i1ou ~CKE les relations entre ce
dernier et 1 1 2..:'1:tiÏlistrgtion centrale étaient détern.Ï1ù11ltes p::>ur le maintien
du système politique mis en p:Lace par Léopold SENŒ1OR.
Fa1i1ou \\lliACKE donnait à ses disciples des ~ts d'ordre de
vote qui allaient dans le 5e:15 du rnaintien au pouvoir de L. SENCHJR. Il
était aonc un rcuage ~portant de la reproduction sociale du système, une
soupa}~ de sureté sur laquelle le pouvoir pouvait c08pte~ pour démontrer
sa légitimité. Sa disparition et son n:np1acffient par un le<lder qui ne tient
:ras le ffi2rl2 1a"'lgap,e Il' est pas sans pc:ser des pr(lbF~mes aux dirigeants actuels
(1) O '~pn.."'}·: rD
C )
..
284
T ,
. o__ ""'".~ ~ .D,.
op. Clt.., p.
.
(2) ''DaÏ<ar-i'1atin'' du 25 avril 1970

- 76 -
du Sénégal.
Le Xhalifat de Abdou Labat semble traduire la fin d lune lon-
gue péricd.E de cC::ljJromission entre la confrérie des mourides et 11 adminis-
tration centrale. Or cette mutation apparente survient à une époque (1) où
llEtat s6~égalais a besoin, plus que jamais, du soutien effectif des mara-
oouts qui ont contribué à assurer et garantir les conditions de sa repro-
rection
Depuis plus de dix ans qu'il est Khalife général, Abdou Labat nt a
0
jamais donrlé de consigne de vote. La seule chose que le marabout demande
à ses disciples est de prier et de travailler, de vivre selon les préceptes.
de l' iSl.@fi, i l ne dOJll1e pas d'autres directives.
2) .. La conjoncture économique et politique du Khalifat d 'lllidou Lahat
Tout le monde sait, aujourdlhui, que le système politique sé-
négal~ls est hasG, depuis longtemps, sur le clientélisme, son fonctioJll1anen
a été rendu possible, essentiellEment, par le fait que les leaders d'opinio:
de la paysamerie se sont rfu~gés de son côté (grâce à une contrepartie fi-
nancière fournie par l'administration).
;'·i2.i5, avec l'attitude actuelle du Khalife général des mouri-
àes, 1;. tedmiq;...le qui assurait la reproduction du système semble être mis
en CEUSE; et il ne nous semble pas probable qu'elle changera prochainement.
l'bus croyons plûtot qu'il sera très difficile de voire renaître entre la
confrêri~ et llEtat, des relations se~lables à celles qui caractérisaient
le Khalifat de f-alilou.
A cela nous trcuv0ns deux raisons apparentes. D'abord, le con
fTérie: traverse une période dans laquelle, l'autorité du Khalife est affir-
rrfe b8aUCCUP plus que par le passé. D'autre part, les mourides semblent
(1) Les lois 75-eS du 9 juillet 1975 et 76-26du 6 avril 1976, autorisent la
constitution de partis politiques d'opposition au Sénégal : ces textes
mettent fin fi une longue situation dominée par l'existence d'un seul pa
ti, celui au pouvoir.

- 77 -
":'
'
évoluer vers une certaine autonomie financière, se dêgageant ainsi de la
i,
dépendance vis à vis de l'Etat.
L'existence, au sein des adeptes urbains, d' lm certain nanbre
d'hommes d'affaires (1) sénégalais, qui figurent panni les plus riches, et
q..ti dépensent, de façon ostentatoire (2), pour la réalisation des grands
1 :
travaux de la confrérie et durant le Magal de Touba, semble être le révéla-
teur d'une évolution sensible vers l'autonomie financière. Cette interpré-
tation ne signifie a.ucunanent que l'Etat sênégalais n'aide plus les mara-
bouts. Le problème n'est d'ailleurs pas là. Il consiste à savoir quel sens
peut avoir cette aide à partir du marnent où la couche dirigeante de la con-
frérie ne semble pas être décidée à chanter les louanges du système politi-
cpe actuel.
Même si nous devons admettre que la confrérie, dans son stade
actuel, continue à bénéficier des faveurs financières (3) de l'état, cette
aide n'entraine pas, comme ce fut le cas dans le passé, avec Fali10u MBACIŒ,
tme contrepartie s'exprimant en termes politiques, par la justification du
systEme,
(1) Ces hommes d'affaires sont également très liés au pouvoir et parfois
dépende.'lt de lui. Il faut néanmoins souligner que l'origine des riches-
ses de deux hO!TlIlles d'affaires mourides comme El Hadj Babacar IŒBE dit
N'Diouga et El Hadj Djilly MBAYE ne semble pas être d'origine locale
mais proviendrait d'un financanent extérieur au Sénégal. Auam phénomè-
ne analogue ne se constate chez les hommes d'affaires tidianes. Il. sem-
ble que l'Etat a voulu, pour contrebalancer le poids économique de ces
deux digni!aires favoris@A la prcmotion d' l.U1 marabout tidiane en lui
facilitant l'acquisition de la cimenterie de Rufisque (1979).
(2) Les àépenses de l 'horrme d'affaires rnouride El Hadj N'Diouga KEBE durant
0&4
la visite d'une senaineJà Dakarjdu Khalife général des mourides, GA mois
cc
de mai 1980, s'inscrivent dans cette logique. Selon le quatidien le 80-
leil~en date du 17 - 6 -1980, à l'occasion de cette visite KEBE aurait
acheté, chaque jour, sept tormes de riz, cent moutons, dix boeufs, qua-
tre cents kilogrammes de poisson, quatre fOts d'huile, trois cents pou-
lets, sept tonnes de"couscous marocairl',cinq cents caisses de boisson,
deux cent cinquante caisses de fruits, trente-sept de..lait, dix tomes de
sucre, autant de tomate.
(3) Les fermes rnaraboutiques bénéficient d'lm encadranen.t teclmique gratuit

- 78 -
Dans l'analyse comparative des Khalifats de Falilou et de
r~U Laret, il est essentiel de tenir compte du facteur déterminant de la
situation économique de la base paysanne.
;.. -.
:
Même si la confrérie joue le rôle d'un appareil idéologique
d'Etat, elle ne peut pas prendre le parti de l'Etat contre sa base paysan-
ne. Le contrôle politique exercé par les élites maraboutiques ne peut fonc-
tion.Tler que si l'Etat améliore les conditions de vie des masses populaires
rurales. Or, depuis plusieurs années, le système de production arachidier
se dégrade, La détérioration, au niveau du producteur, du pouvoir d'achat
i-
du kg d'arachide est évaluée par le Conseil économique et social à 6,4 %
(1) pour la période 1966-67 et 1974-75. En comparant le prix producteur
d'arachide au prix de certains produits de grande consonmation tels que le
riz, le sucre, etc ... onsm:.sit., ci!ns toute sa dimension, la détérioration
du pouvair d'achat des paysans.
Les sources officielles reconnaisSillt : "en 1966, 100 kg d' ara-
c-.ide coque pennettaient d'acheter 46,81 kg de riz, 31,43 kg de sucre,
26,82 m de percale, 11 morceaux de savon de 4 kg. En 1972-74, 100 kg d'ara-
clide ne couvraient plus que le prix de 36,95 kg de riz, 15,75 kg de sucre,
16,88 fi de percale et 5 morceaux de savon de 4 kg" (2).
Cette détérioration du pouvoir d'achat entraine un méconten-
1
1
~~ent des ruraux se manifestant par le refus de rembourser les dettes à
1
l'Etat. Celui qui voudrait analyser en détail ce nouveau malaise social
1
trouverait beaucoup de matière dans les colormes du journal "le soleil" qui
consacre de façon période des articles au non-remboursement des dette~ •
U le telle situation co:incide plus ou moins a\\rec la découverte de scandales
(1) Sénégal (République du). - Conseil économique et social. Etude sur les
mécanismes de réajustement des prix et des
salaires : périodicité et niveau des réajus-
tements, 1976, p. 32.
(2) id., op., cit. p. 32.

- 79 -
financièrs
et de nombreux détournements dans lesquels sont impliqués des
responsables politico-administratifs, ce qui ne fait qu'aggraver le mécon-
tentement social. Dans une telle situation, quelle peut être l'attitude du
Khalife vis à vis du pouvoir temporel ?
Soit il prend le parti de l'Etat contre les masses paysannes et, dans ce
cas, il risque d'être désavoué, soit il récupère et encadre le mécontement
de sa base paysanne.
Mais, si l'on sait que les marabouts ont besoin de l'Etat
pour des'prêts et subventions, la solution pourrait se trouver dans un
canprcmis politique. Le 2e élément à prendre en considération concerne les
relations respectives de Falilou et Abdou Labat avec le pouvoir temporel.
Dans la bataille pour la succession 13.
1-1amadou Moustapha,
Falilou a bénéficié de l'appui des autorités coloniales. D'autre part, Sen-
ghor <l aidé Falilou à asseoir son autorité en le soutenant contre Serigne
Cheikh MBACKE. Par contre, le nouveau Khalife général semble moins compro-
mis par des manoeuvres politiques liées à l'épineux problème de la succes-
sion. Un haut responsable politique sénégala.is interrogé sur la auestion
mus a confié: "c'est nous qui avons fait Falilou, il nous devait quelque
chose, par contre le nouveau Khalife ne nous doit rien".
L'effet cumulatif de la dégradation des conditions de vie
des masses paysannes mourides et du rnécontanent qui en découle explique que
le Khalife, dans ses relations avec l'Etat, utilise ur. langage radical qui
peut faire penser qu'il s'oppose au gouvernement.
Abdou Labat est le Khalife de son temps, son langage est dicté
par la conjoncture que traverse le Sénégal.
3) - Renaissance du mouridisrne et modèle iranien
La renaissance du mouridisme ne s'explique pas en vase clos,
elle s'intègre dans le processus général, de ce qu'il est convenu d'appeler
la renaissance de l'islam sénégalais. L'exemple iranien est trop récent pour

- 80 -
ne pas être oublié. Là-bas, des masses opprllDees et déçues par les straté-
gies politiques traditiormelles se sont tournées vers un leader charismati-
cpes q..li ~tait l'3UT dernier recours : Khomeini. Sa seule réponse à l' inquié-
tude grandissante des masses était qu'il fallait renverser la dynastie Pâh·
lavi et réaliser une république islamique
L'exemple iranien conduit à repenser les rapports entre reli-
gion et politique (1). La révolution iranienne survenant au moment de la mon-
tée du mouridisme, surtout pa.rnù les jeunes sénégalais n'a pas laissé indif-
férentes les autorités. Une série d'articles publiés dans le quotidien na-
tional "le Soleil" semble prower qu'au sénégal aussi il est craint (2) que
les forces religieuses imitent le modèle iranien. Cette inquiétude se jus-
tifiait, aux yeux des autorités, par le fait que les 24 et le 31 décembre
1978, les mourides ont organisé des chants religieux qui furent l'occasion,
!Dur les "Baye FALL", de procéder à cequi senblc être ln ~ilus grande df:mons-
tration de force de leur histoire. En tout état de cause, après le dénoue-
ment de l'affaire iranierme
500 imans de la région du Cap-Vert furent con-
voqués en rencontre informelle chez le Président de la République, . . jettd.i 1er
février 1979. L'opposition raconte que le Président leur a danandé de s'oc-
cuper uniquement de la vie de leur culte et de ne pas faire de la politique.
(1) Voir à ce sujet l'intéressant article de Harc FERRO : les deux sources
de l'islam révolutionnaire. In : Le monde diplomatique, janvier 1980.
(2) Un autre motif d'inquiétude, en rapport avec ce problème, nous a êté·
signalé au moment de la recherche. Un important trafic d'armes à faIX
existait à Touba, capitale du mouridisme, et Médina Gonasse, ville
religieuse située à proximité des frontières de la Gambie, de la Guinée
et de la Guinée Bissau. Les prix dérisoires acixquels ces armes étaient
vendues ont fait dire à certains qu'elles sont introduites au Sénégal
dans un but subversif, les armes étant vendues à perte Cà Touba le
revolver neuf coûtant moins de 10 000 F CFA).

- !1 -
On peut noter à travers les divers comnentaires de presse
pllUS au Sénégal au début de l'ann€e
1979, à la suite de l'affaire iranien-
ne, qu'il se produit un regain d'intérêt pour l'islam.
Les divers commentaires suscités par l'affaire iranienne dans
la presse de l'optx'sition et pro-gouvernementale sont assez révélatrices.
L'opposition sénégalaise pense que l'exemple iranien "dérange
le gouvernement" car il prouve que des forces islamiques peuvent partici-
ter, efficacement, à une lutte de libération nationale et que l'islam peut
être le fer de lance ct 'un mouvement révolutionnaire.
La presse pro-gouvernementale constate quwi} y a une raison
à l'indécence avec laquelle on célébre la victoire de Khomeiny. Elle a don-
né lm gra...~ coup de fouet à certains appetits et éveillé des vocations.
Tous nos Toudehs nationaux et leur Ayatollah se sentent pousser des ailes
le succès apparent de Khorneiny n' annonce-t-il pas leur triomphe ?" (1) ..
L'opposition marxiste lérainiste note que "l'islam en tant que réalité massi-
ve et profonde du Sénégal doit prendre tout naturellement sa place dans le
combat cie libération nationale et sociale" (2). En Iran, canme on le sait,
le mouvanent senble s'être déroulé de la façon suivante : face à une crise
SOCiO-3CGilOmique assez profonde dont l'occidentalisation à outrance fut t.m
des révélateurs, il s'est produit un mouvement contrc-acculturatif.
Le modèle culturel dominé (modèle islamique) a été brandi
cœnne moyen de lutte pour la sauvegarde de certaines valeurs sociales. Cet-
te réaction contre l'.occidentalisation a été combinée avec le renforcement
apparent d 'lIDe idéologie mobilisatrice : l'islam.
(1) L'Unité, nO 59, 1979;
(2) jv'lOlnSarew organe du parti africain de l'indépendance nO 5, février 1979.

- 82 -
Les bouleversements actuels du golfe persique peuvent-ils in-
fluencer la réalité politique sénégalaise mécaniquement, modéler d.es attitu-
des, informer les données socio-politiques africain es en général et sénéga-
laises en particulier? Il convient, pour répondre à cette question de s'in-
terrogt:r sur les places respectives de la hiérarchie religieuse au Sénégal
et en Iran et sur la nature de leurs rapports avec le pouvoir politique.
Est-il possible de comparer la situation de l'Iran, d'avant
le renversement du Shah, ou la situation d'agitation confessionnelle en·
Irak et en Syrie à celle du Sénégal ?
1
En Iran, le Shah s'était en pennanence opposé à certains lea-
ders de l'islam chiite. En Syrie les postes clefs de l'appareil politico
militaire, économique étaient monopolisés par la communauté alaouite. La
communauté sunnite syrienne qui constitue l'écrasante majorité numérique
est maintenue dans une situation d'infériorité politique et économique.
Dans ce pays, la montée de l!L~tégrisme signifie le réveil de cette commu-
nauté qui réclame le contrôle du pouvoir.
Au Sénégal, contrairenent à ce qui s'est passé dans ces deux
IBYs, on ne peut pas dire que les leaders de la confrérie mouride aient été
écartés du pouvoir économique et politique. Les leaders des confréries sé-
négalaises ne semblent pas, pour le mament~s'opposer à l'Etat qui les as-
socie d'ailleurs, largement, au partage des richesses.
Il serait également faux d'affirmer que l'Etat est contrôlé
par telle ou telle confrérie. L'Etat sénégalais, n'a pas fait d'une confré-
rie son bastion exclusif, il s'est plutôt associé tous les marabouts poli-
tiqu6'll.ent représentatifs du monde rural.
La particularité central~utenouveau islamique sénégalais est
qu'il ne provient pas du ~ommandement des confréries :Jais de la base. Il
est manifeste que sa montée échappe à son initiative,

- 83 -
D'autre part, au Sénégal, contrairement à la Syrie et à l'Iran,
il n'y a pas encore d'affrontement entre l'Etat et une confrérie religieuse
déterminée. Ici la tension religieuse (1), concerne les deux confréries nu-
mériquement les plus TIrrportantes, celles des mourides et des tidianes.
Cette tension religieuse est interprêtée aussi bien par les
milieux proches du pouvoir que ceux de l'opposition comme le fruit des ma-
noeuvres politiques du régime (2).
Des infonnateurs dont nous ne pouvons pas préciser l'identité
et assez proches àu pouvcir nous ont révélé que la tension entre les commu-
nauté tidiane et mouride découle des tentatives de L. S. SB~GHOR (3) de des-
tabiliser la communauté musulmane sénégalaise dans son ensemble pour éviter
<:p'aHe puisse constituer un bloc uni face à l'Etat. Le mensuel "Andë Sopi",
animé peir M.runadou DIA, ex-Président du Conseil dit la même chose, les res-
~nsables de ce journal voient dans 18, tension religieuse qui prévaut actuel-
lement au Sénégal "1' affaiblissenent de l' instnnce sacio-islamique dont on
redoute la structuration à terme". Pour "Andë Sopi" les responsabilités du
pJuvoir dans la tension religieuse actuelles sont indiscutables : "par sa
IDlitique de désintegration de l'unité de l'islam qui se traduit ~1.5 les
tensions interconfrériques savamment entretenues - si ce TI' est au sein mê-
me de chacune des confréries - le pouvoir attise la susce~tibilité des sec-
tes, transformant la saine émulation entre elles en rivalités agressives
cpi sapent l'équilibre de la COJJ1l!Il.JIUuté" (4).
(1) ~~eré une hostilité purP.ffient verbale, il n'y a ~~s eu dans le passé de
véritable affrontement entre mourides et tidianes comparables à celle
qui orrose en Syrie les Sunnites aux alaouites. Les affrontements si-
gnalés en 1979 constituent, à vrai dire, UJi phénomène nouveau.
(2) And:~ SODi (s'unir pour changer), n° 29, octobre 1979
(3) De telles interprétations sont difficiles 3 vérifier et à interpréter
en profondeur. FIles [euvent signifier,à notre sens, une tentative de
rationalisation d'une sihù~tion assez exceptionnelle.
(4) And.ë Seri (s 'unir ~our changer) n° 29 octobre 1979.

- 84 -
:S"l tout état de cause, au niveau de la stratégie politique,
le déve10ppeFent de cette tension re1ieieuse empêche, pour l' ülstant, tm
affrontenent Etat-cœnnunauté DUlsulmaTle, bloque toute possibilité de consti-
tution de l' unité, j annis récl.isée, des musulmans sénéealais.
Contrairement à l'Iran ou à la Syrie ou les leaders des or-
dres religieux sont regroupés dans des organisations lJ01itico-is1amiques (1)
et promeuvent des proj ets de sQciétés dont l'avènement danande le renverse-
ment des systèmes politiques en 7)lace, au Sénégal, les marabouts sont, d'une
manière générale, politiquement très intégrés au système en place. C'est ce
q..ti e>..-pliq'.l€,
sans nul doute, l'absence actuelle des forces maraboutiques
dans l'encadrement du réveil du monde musulman sénégalais.
J\\ la lumière de ces dévelopI'enents, il est permis de penser
cpe 12. comparaison entre l' Iran et le Sénégal, du point de vue de la montée
cie l' intêgris;!le musulman, doit se faire avec la plus grande prudence. La
situation ;:olitico-économique des deux pays n'est pas comparable. Il est
également 5npc,ssible de parler d'identité dans les relations entre l'Etat
et les communautés musullnanes en Iran et nu Sénégal.
i
1l,
Néan.'llOins, le modèle iranien a entraîné un engouanent 3ll Séné-
1
~.l~ cert~ins milie~x politiques n'étaient ~as loin de demander aux mara-
lxmts d'initer le modèle Khomeiny. Mais actuellement la référence à l'Iran
a sensiblement dlininué, elle disparait d'ailleurs des publications de cer-
tlins groupes Folitiques qui commençaient à en, faire une anne dans la ba-
taille verbc:1e contre le régime.
L(llltégrismc musuLr.um sénégalais ne revêt ras la fonne d'Ul1
affrcnt~ent· contre l'Etat, ge.rant d'un ordre dont on appelle h dispari-
tion. ~u Sénégal, les modeleurs de la conscience collective musulm3ne que
Cl) E.xception fnite de Ahmet NIASSE qui :1 voulu créér, en septembre 1979,
un p:lrti islmnique.

- 85 -
S)nt les marabouts s'abstierment de jouer un rôle quelconque de destabili-
sation du pouvoir [ûlitico-ad.rninistratif, c'est pourquoi le molNement du
renouveau isl&~ique est encore diffus et revêt beaucoup plus la forme
d'hostilité interconfrérique que d'affrontement confréries - Etat.
L'un des rares IT~rabouts qui a voulu exploiter politiquement
le renouveau islamique sénégalais est Ahmet NItSSE, mais force nous est
de constater qu'il est beaucoup moins représentatif que les Khalifes ti-
dianes et mourides. Monsieur liIASSE disposait d'importants moyens finan-
ciers l'.li pennettant d'animer un journal d' inforrnations islamiques qui
a
d'ailleurs cessé de ~~r2.ître depuis le 11 septembre 1979, dL~te à laquelle
les autorités sénégalaises ont saisi un'numéro du journal dans lequel Mon-
sieur NIASSE armonçait la naissance "du Pc'lrti de Dieui'(Hizboulahi). Cette
mesure, selon les autorités gouvernementales, se justifiait en raison de
"l'inconstitutionnalité de la création d'un cinquième parti", du caractère
laie de l'Etat sénégalais et de l'interdiction de toute référence à la re-
ligion dans les partis politiques.
En janvier 1980 neuf r,ersonncs ont été défér~~ au parquet de
Kaolack pour "actes de nature à troubler l'ordre public". Les persormes
arrêtées étaient en possession de cassettes reproduisant la conférence de
presse tenue à Paris, le 28 se}tenbre 1979, par M. Plmed Khalifa NI!~SE,
membre d'une famille de chefs maraboutiques, pour mh~oncer la création d'un
''parti de Pi.eu" (Hizboulahi) destiné à renverser le f.ouvernement par la
violence en vue de proclamer une "République islamique".
Huit de ces personnes ont été arrêté~s à Y~olack et une autre,
a ét& extradée de Ga.'llbie, pays voisin, en vertu des conventions judiciaires
entre les deux Etats
588 de ces cassettes, venant de Paris)Via Banjul (Gambie),
ant étÉ. introduites ou Sénégal.

".',.
. .~..x:
" :,:.:f
- 86 -
,
°
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~
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t .
DI autre part: le parti islamique du Sénégal (Hizboullahi) a
revendiqùé, à Paris,l' incendie de l'bêtel djoJa de Ziguinchor (casamance)
le 16 janvier 1980.
, ".
Selon un communiqué ranis à l'AFP, c'est un groupe de quatre
~rsonnes; le comnando Moustapha 10, qui, sur ordre du parti islamique a mis
le feu a 1tce lieu de débauche".
Le parti islamique, que dirige H. Ahmed Khalifa NIASSE, dé-
clare avoir demandé au Président SENGHOR, de "se défaire de sa nationalité
françaisetl et du ~1inistre de l'intérieur ,.toM. Jean COLLIN, qui possède lui
aussi la nationalité françaisb ~elon le parti) !e délai fixé au Président
est arrivé a échéance.
Le parti islaJllique affirme que des cassettes enregistrées
circulent dans le pays, ar~)€lant à ilIa grève i1lirnitée jusqu'à la chute
du régime".
Le journal "Andë Sepi" ~animé par Mmnadou DIA, note que Alined
NIASSE était jusqu'à lUle époque récente un inconditionnel du parti au pou-
voir
"lui qui dit-on reçut des subsides pour organiser des dahiras PS,
p:lur soutenir l'équipe du secrétaire gênéral du parti gouvernemental. Lui
qui, apparemment, eut toutes les facilités du pouvoir pour affrêter des
avions, organiser des vols charters en direction de la Mecque. Aujourd'hui
?Jur des raisons obscures, graves peut-être la torchon brûle .. " (1)
?obnsieur NIASSE, au moment de notre recherche était le seul marabout à
s'oppos~r ouvertement au gouvernement. Nous pensons que son exemple est
assez exceptionnel et ne saurait être interprété, sans risque de défigurer
la réalité, comme une répétition du modèle iranien ou .:omme représentatif
d'une quelconque tendance de la hiérarchie ~araboutique.
(1) Andë So~i nO 29,octobre 1979,page 6.

- 87 -
4.) - La jeunesse et le rèriouveau de l'islam mouricie
les mécanismes è u
déblocage idéologiqJe
Dans le Sénégal d'aujourd'hui,nous assistons à un véritable re-
; .
naissance du mouridisme. La confrérie n'est plus présentée, comme ce fut le
cas dans le passé, comme une énonne machine obscurantiste et productrice d' in-
justice. Llopposition politique sétlégalaise dévelopPe une autre image du mou-
ridisme. Elle dit que les marabouts sont ,comme le reste de la population, vic-
times du système économique en place "ils ont donc à participer aux luttes
fOli tiques" .
Cette idé~ développée pour des nécessités stratégiques, semble
avoir une conséquence primordiale, surtout au niveau de la jeunesse intellec-
tuelle urbaine. Elle débloque la situation de> jeunes qui n'ont jamais su l'at-
titude à adopter vis à vis de la religion en général, du mouridisme en parti-
Ollier.
Ils ont toujours déclaré, parce que l'ayant lu dans les textes
de Marx ou parce qu'on le leur a dit, que "la religion est l' opilJinn du peu-
ple". Dans un pays dont la population est à SO % musulmane, toute pratique
}Olitique qui veut traduire dans les faits les conséquences à tirer de l' af-
firmation ci-dessus dégagée ne peut que déboucher sur un suicide politique.
L'image des forces religieuses telle qu'elle se dégage du discours politique
de l'opposition (1) semble favoriser une meilleure adaptation de certaines
stratégies politiques (surtout marxistes) à la réalité politique sén~6alaise
(dor.iinée par les élites maraboutiques).
(1) Les TIlembres les plus influents de l'opposition politique assistent de
plus en plus aux cérémonies relieieuses hebpdaœ~daires qui se déroulent
dans la capitale sénégalaise. L'impression qui se dégage est que nous
évoluons vers une situation comparable à celle du Sénégal des années 40
lorsque les paysans ont eu le droit de vote et que les marabouts ont direc-
tement participé à la lutte entre les partis politiques. Cette situation
était caractérisée par l'intervention directe des IT~rabouts dans la scène
politique sénégalaise.

- 88 -
Cet élément d'analyse doit être pris en considération dans
l'explication du regain d'intérêt pour le mouridisme, mais n'est pas le
seul facteur explicatif de ce phénomène.
L'opinion qui dominait, au moment de nos travaux, au sein de
l'intelligentsia urbaine de Dakar est que le regain d'intérêt pour le mou-
ridisme est l'analyseur (au sens de Lapas~ade) d'un regain de nationalisme
au Sénégal. Une telle constatation signifêrait que le mouridisme est un
nationalisme. Amadou Bamba est défini, dans l' i:nagerie populail'e Comrile un anti
colonialiste. Cette idée ,même si elle ne correspond pas à la réalité histo-
rique ,mérite d'être examinée.
Une jeune lycéenne de Dakar nous dit: "Bam-
ha n'est pas seulement un chef religieux et un dirignnt mais un homme de
courage qui, jusqu'à sa mort, a dit non aux blancs". Un journaliste chl quo-
tidien national "le Soleil'tléclare, qtlr'IDt à lui, que "le contexte d'appari-
tion du mouridisme et de son guide ont fait de Bamba le nationaliste sacré
cpe l'on honore 3.ujourd 'hui sous nos cieux".
Pour rendre manifeste la logique d'une telle réinterprétation,
il convient de fixer un certain 'nombre de facteurs liés au contexte histori-
que et, à un nive~u idéologique, aux textes d'Amadou Bamba.
- A ses origines le mouvement mouride a essentiellement recruté
et encadré les catégories sociales sur lesquelles l'aristocratie guerrière
exerçait sa damlik~tion politico-économiqùe : la ~~ysannerie paL~e. A la
logique du système social précédent basée sur les v~leurs guerrières et la
spoliation des paysans, il a substitué une autre qui, socialement, consti-
we un
progrès par rapport au premier dans la mesure où les rapports so-
ciaux de p'roduction ne sont plus dictés par la norme guerrière tieàdo mais
par les valeurs maraboutiques.
- Amadou Bamba, au moment où l'administration coloniale le
soupçonnait de menées subversives a refusé de répondre à l'ordre du Gouver-
neur, qui lui dçrr~ndait de venir le rencontrer à St-Louis. En tenant compte
de la conjoncture politique de l'époque et de 1::1 n.1.ture, très violente.du
système colonial, on se rend compte qu'une telle attitude était dictée par
\\ID véritable courage moral.

,",
-
;J:.,;t
-
- Au moment de la défaite des principaux chefs militaires et
que l'ad.1TI.inistrntion coloniale, sous le fameux prétexte de"la mission civi-
lisatrice" organis1.it le pillage économique et culturel du Sénégal, le fon-
dateur du mouridismc 8. revendiqué le respect de h dignité du noir :
:ton ne doit pas prendre la couleur noire de la peau d'lm homme comme le si-
gne d lun être insensé, manquant d'intelligence et incap-"J.ble de comprendre
et de raisonner" (1).
- D'autre part il est reconnu que depuis 1895, année de son
exil au G~bon, jusqu'à 1912, année où le colonis~teur l'autoris~ à s'instal-
ler à Diourbel, Am1dou B~~a fut l'objet de multiples tracasseries de l'ad-
rninistration coloniale. Ces fn.cteurs peuvent expliquer la réinterprétation
de 13 vie du leader ch.:.'lri5J'l'l2tique en tenn'2S de I1c':.tioru:J.isme. Mais une telle
interprétation pose, sur le plan de l'analyse lucide des faits, un certain
nombre de problèmes. Il est nnnifeste qu'à son retour d'exil Ank'ldou Bamba
a collaboré (2) avec les autorités coloniales essentiellement pour le re-
crutement des tirailleurs sénéeal~is. Cette collaboration sera perpétuée
l:B.r son successeur Mam3.dou i-IDustapM; (3) ce dernier ~ d'ailleurs bénéficié
du soutien de l'administration coloniale d~s les litiges entre les Peulhs
et les mourides sur ln question des terres!
(1) 3AHB A'TI~l'. .- l' oemlTe littéraire de Cheik~ Am.~dou Brunba r·.ffiACKE.
COTID11Ullication au colloque SUT la vie et l'oeuvre de Cheikh
Aâé',do'...l B::lInb2.. Dakar,15 au 22 juillet 1977, p. 18.
(2) Voir à ce suj et 1(: ":.§~ci6nage du mouride Cheil:h Y:lba DIOP
In : ReOi (Jean). - Les mourides du vieux b~ssin arachidier sénégalais:
entretiens recueillis d.~ la région du Baol. ORSTOM,
c~ntre de Da&'lr-Hann, 1971, p. 4-8.
O'BRIEN cit!lIlt des rapports d'archives confirme cette collaboration no-
tamnent pour le recrutement des tirnilleurs sénégalais. Voir O·' BRIEN
...,
(D.B. Cruise). - op. cit. p. 74.
\\.
'f
(3) Les conflits entre mourides et Peulhs, dans le B&ol~ sont dêcrits avec
beaucoup de précisions dc'"l...'15 les entretiens réalisées Y:J.r l'OF.5TOM sen 1971.
Voir ROO-] Jenn. -op. cit.
Parlant du rôle joué par l'administration color.iale dans les conflits col-
lectifs entre cultiv:Jteurs wolofs mourides et éleveurs peüU·.s, O'BRIEN
:lote : ''The mouriàes coulel rely on the compticity of the canton chief in
:m)' land disputes which might result, ~d they :11so p.ad the tacit support
of the Frer~h ~dQLlistr~tors who regard the mourides as economically more
productive than the Fulani". In: O'BRIEN (D.B.C.).- op. cit., p. 68.

- 90 -
Il ressort de ces élénents d'ar~lyse que la revendication ac-
tuelle de l' héritage d'Amadou Ba.mba comporte llile autre, beaucoup plus pro-
fonde : celle de son "carr.bnt contre le système colonial". Le sens qu'il
faut donner à l~ notion de corriliat ou de n~tionalistéldoit être expliqué.
Nous avons l' iiltpression, après plusieurs entretiens avec des intellectuels
mouridesJque c'est plutôt en termes de natiOllalisme militant et d'opposi-
tion f~ontale dirigée contre l'administration coloniale qu'est interprétée
la naissmlce du mouridisrnc. Or la réalité montre que le n<ltionalisme de
~~~ est surtout culturel ; il a offert à la société wolof, traumatisée,
une solution permettant de résister culturelleme~t à l~ pénétration colo-
niale.
Et tout se p~sse actuellement comme si la réinterprétation de
cette figure linportante du Sénégal, allait dcLP$ 18 sens du combet que l'in-
telligentsia urbaine veut mener contre ce qu'elle appelle f 1'ordre néo-eolo-
niaI" .
!I
Ce dernier aspect semble avoir été saisi par les autorités
sénégalaises que la montée du mour~di~n~ pÂ~i~ inquiéter. Le quotidien
national '''LE SOLEIL", orgll.Tle officieux du goUVeTIl6tl1ent a voulu introduire
un débat sur la question, qui n'eut jamais lieu, ,:m vêrité, (<lUnUle con-
tribution n'ayant été Gpportée p2r la suite,pour des raisons que nous igno-
rons actuellement).
Nous constatons, toutefois, que l'Lîtroducticn à ce débat
.1'/orté fut très rév81atrice des craintes des autc.rités,
(1) Voir à ce suj 6t l' an:l1ys€
des rapports entre messianisme ncuride et
patriotisme v~lof
in : COULON (Christi::'...'l). - POiNoir politique e:t marabûutique au Sénégal.
Thèse pour le doctorat d'Etat en sciences politique. I.E.P. de
Paris.1976. Tome 1, p. 151.

- 91 -
Tout d'abord, craintes que le lilOUV6i1ent développe lm véritable
fanatisme : "il y a en effet de troublnnt dans ln démarche de certains adep-
tes une tendance folle qu'on peut craindre, si toutes ces passions nouvel-
les ne sont pas contenues, la remise en question de l'entente cordiale en-
tre ceux qui se récl<1Illent du mÊme Dieu et du même prophète" (1). r.nis le
dmger primordial que les autorités semblent craindre le plus est exprimé
dans la question suivante : "ce nationalisme aux contours myst ico-religieux.
ne va t-il p3.S donner 1d:eu à des gliSSEments possibles ?" (2). "Le mouve-
Trent ne revêt-il pas à tenue le lev?in d'une fementation dangereuse ?" (3).
Dmgereux pour qui? L'article ne le précise POlS, rnais on le devine facile-
ment.
Le pouvoir craint que les confréries religieuses cO~Lissent
un développement qui éch,1ppe à son contrôle car les élites maraboutiques
sont indispens~bles au système politique actuel du Sénégal. Elles contrôlent
la base pcysanne qui les reconnait comme ses véritables leaders.
(1) (2) (3) "L~, Soleil" n° 2614
8 janvier 1979.

- 92 -
II -/ L'ErAT ET lA CONFRERIE MJURIDE
/
1) - L'Etat et les élites maraboutiques mourièes
Le Fonds YJUtualiste de Développement Rural, organisme qui,
staturairement, nç devait intervenir qu'en faveur des coopératives et associa-
tions d'intérêt rural a joué un rôle prlinordial dans cette politique de prêts
individuels. L'Etat a d'ailleurs voulu rectifié cette orientation lorsqu'il
a iEterdit à la BI'ffiS, durant le Conseil intenninistêriel du 17 mai 1965 ,
d'accorder des prêts individuels pour lui demander de concentrer ses moyens
en direction des coopératives. ~~is, la politique des prêts individuels a
COIltinué, au delà de 1965, car elle constituait un élément de stabilisation
rolitique du régime, ll..Tl moyen par lequel l'Etat acquiert et reproduit sa
clientèle politique rurale, et qui, en tant que tel participe ~ maintien
du système politique global. Ces ,rêts que l'on distribue ~t dont on est ja-
nais sûr de la récupération (~lgré les précautions ad~LT}istratives purement
formelle), constituent la contrepartie financière normale que l'Etat cède
aux mnrabouts politiquement ~eprésentatifs, en éch?~ge de leur dévouement.
Ihns le cadre de cette logique ,refuser de prê:er à un grand chef religieux
qui en iïléUlifeste le besoin équivaut à rompre la relation de clientèle, mon-
crer que les intérêts des élites rnaraboutiques et ceux de l'Etat ne coinci-
àent pas.
A vrai dire~ la politique des prêts aux principaux chefs
religieux s'inscrit, logiqJenent, dans ln propagande officielle en direction
des iï~~bouts. Le contenu des messages que les ~~torités sénégalaises desti-
nent nux marabouts peut-être schématiquement présent§ de la façon suivante :
'nous oeuvrons pour le développement éconŒiique du Sén§gJl, vous nussi, c'est
p:>urquoi nous vous aidons (füwJlcièrenent) m:1is vous aussi devez nous nider

- 93 -
~litiquement). Il s'agit donc, sans nul doute, d'lL~ r~pport de clientèle
IXJlitique (1).
La propagande officielle, repérable surtout lors des fêtes
religieuses musulmanes, vise à faire croire aux mnrn~outs à. l'indentité de
leurs objectifs avec ceux des autorités politico-aŒninistratives. Ce discours
pennet cl' occulter 13. préoccupation mnj eure du gouvernement : le :Jaintien du
système politique global sénégalais.
Cette insistance sur la politique des prêts ~~x marabouts
ne signifie ~~S que l'Etat ne prête qu'aux ~arabouts mourides. Il a aussi
une clientèle urbaine politico-aff~iriste qui jouit, très largement, de l'ac-
cès au crédit et à des facilités diverses. Notre insistance ne signifie pas
non plus que les marabouts mourides sont les seuls C!.gents de reproduction du
régime. Nous TI' ignorons pas toute l'importance de la fili8re ENAH (2) dans
le recrut8@ent des agents du système politico-~inistratif et les alliances
stratégiques entre hommes politiques et hommes d'affaires.
(1) Le journaliste Bcubac~r DIOP a bien résumé l'allian~stratégi~Je entre
hcmnes politiques et JL'1rabouts : "les Il11.r~bouts sé;1.égnl<:lis nujourd 'hui
ont bcscLî d'argent autant que les classes politiques et de ce point de
vue là ils ont des intérêts à sawegnrder qui les rendent davantage tri-
butaires du pouvoir temporel. Autant ils ont besoL~ de subventions, au-
tant ils ont besoin de crédits bŒncaires. C'est air~i que nombreux parmi
illX,
3 quelques rJTes exceptions, se livrent i1 des :lctivités lucratives
~ées SUT le tertiaire. Si en effet les Kh~lifes ne se livrent qu'à
l'exploi~1.tion du sol leurs familles se ~~rta~ent en f~~illes de commer-
çants et transporteurs".
In : "Promotionll n° 52. Février 1979
(î) C'est ce qui explique, sans nul doute, l' i.,'nportnnce des ::l.vanŒ.zes soc iaux
que l'Etat accorde aux fonctionnaires issus de l'ENAl·,1. Actuellanent, les
sortmts de l'ENA"! ont :ÎII1Iilédiatement droit à un prêt de 2 millions de
frallCS CEA. remboursc.bl e en 60 mensu.'1lités, avec tm taux d'intérêt de
10 %. En 1976, 113 millions ont ainsi été prêtés à 79 r.agistrats et~en
1977,liEt3t accordait un prêt globnl de 37 millions à 28 magistrats.

- 94 -
Le monte:nt global des prêts aux gros producteurs, de 1962-
1963 à 1966-1967 se présente comme suit
Tableau 6
Evolution des prêts jJllX gros producteurs (1962 - 1 967)
(
;~1ontant global du
;Nbre de bénéfici-
~ Camp<lgne agriçole
;
prêt r~
;
air€s
Paianents
(
!i~g_fI~~~_~r~2
!-------
_
(
!
!
(
1962 - 1963 (1)
!
37 970 000
!
8
1 215 000
(------------------------ ---------------------!----------------- --------------
(
! !
(
1963 - 1964
22 231 500
!
13
! 15 090 000
(--~--------------------- ---------------------!-----------------+--------------
(
! !
(1964-1965
26 070 500
!
36
! 9 397 000
(------------------------ ---------------------!-----------------!--------------
(
! !
(
1965 - 1966
!
3 974 000
!
3
!
663 016
(------------------------!---------------------1-----------------!--------------
(
!
!
!
(
1966 - 1967
!
14 555 784
!
2
!
100 000
(
!
!
!
Ces prêts que le lninistère de l'éconcmie rurale appelait
'prêts d'hivern~ge" étaient accordés sur la b~se d'un taux d'intérêt de 6 %.
(1) Le montant relativement élevé distribué pour la période 1962-63, s'expli-
que, 5~S nul doute, par les luttes d'influence au sein de l'appareil
étutique. Des infOTIr.ateurs nous ont déclaré que le I\\1inistre du Développe-
ment rural du gouvernement M1IT1adou DIA aurait utilisé la caisse du
F.M.D,R. pour tenter de contrebalancer l'influence que L. S. SENGHaR
avait auprès des !J1.!lrqbouts mourides.. C'est ce qui expliquerait j)Ourquoi
après "lH tentative de coup d'Etat" de 1962, peu dG marabouts ont rem-
boursé les dettes.
Cet élément d'ar21ys0 ne fait que confirmer l'idée que nous nous faisons
des prêts aux m~ratouts : ils constituent un m~YçL L~direct de contrôle
politiqu0 de L.:. b:-s" ~'Y!.)'Si:;"Tffir..
Lucy C. B0-m;{tIJ~ ~TIlyse :':ssez bien 18s rel':'.tl::-r~ C!':tTE:: M:-.madou DIA et les
r-i.L'Jrc.bcuts àurant la période antérieure au "coup d'Et8-t" de 1962.
Voir son ouvrage: i''Î.J.51i;n brotherhood and Politics in SenegD.l. Cambridge,
Massachussets, Harvard University Press, 1970. p 97 -104.

L'analyse de ce tableau permet de dégager lm certain nombre de constatations.
Tout d'abord, même si les marabouts mourides COIlstituent les
principaux bénéficiaires de ces prêts, ils n'en n'ont ~~s l'exclusivité.
Sur les 39 gros producteurs agrées par l'OHCAD en 1974,
20 sont H.üurides (51,28 ~ du total).
Parmi les 21 gros producteurs de la région de Diourbel, 17
sont rnourides, ce qui f:üt un lX'urcentage de 80,95 %_ Pour les gros produc-
teurs de Diourbel, 15 sont de la f~~ille ~:lliACKE soit 76,19 t la famille MBAC-
KE totalise, en outre, 18 gros producteurs parmi ceux agrées par l'ONeAD,
soit 46,15 %du total.
D'autre part, la stratégie officielle de distribution de ces
gammes favorise le Khalife général (1) au détr~ent des autres marabouts. Il
a reçu, à lui seul, 26 075 000 F CFA en 1962-1963, 14 24·3 784 F CFA pour la
campagne agricole 1~66-1967, 5 100 000 F CFA pour la c~npagne agricole
1963-1964.
Les sommes reçues par les PE:üts marabouts s pour chaque cam-
pagne agricole varient, q~ant à elles, entre 100 000 et 500 000 F CFA.
La caractéristique essentielle de cette politique de prêt
réside drJlS les d1fficultés qu'érrouve l'Etat ~ rfcupérer les sommes av~~­
cées aux lnarabouts. Pour la période 1962-1967, le taux de remboursement des
prêts, au l.lo:nent de l'échéance de la dette, a att~int.tme seule fois ,le pour-
centage dû 50 %, c'Gtait lors de la campagne 1964-1965.
Un an après la distribution de ces prêts, seuls 1 215 000
ont été récupérés. Si l'Etat prête ~ marabouts, il dispose à vrai dire,
de peu de iIloyens de pres~ion efficaces contre les rnauvais payeurs, l'utili-
sation de moyens repressifs contre des grands marabouts étant, évide:nment,
hors de question.
(1) Il s'rrzit du Kr~llif~ défunt.

- 96 -
Pour la ca~rxLgne agricole 1979/80, la ventilation régionale des attributions
spéciales aux gros producteurs se présente ainsi :
Tableau 7
Situation générale des attributions spéciales aux gros
producteurs Four la campagne 1979/80.
(
( R é g i o n s
!
Montant alloué
!Nombre de bénéficiaires
(---------------------------_..-!-----------------------!-----------------------
(
!
!
(
Oiourbel
!
25 483 008 CFA!
21
(
!
!
(
S~îé-Salourn
!
11 509 000 CFA!
8
(
!
!
(
Thiès
!
3 470 000 CFA!
3
(
,
!
(
Louga
17 834 916 CFA!
25
(
!
TarAI..
(
4
58 296 924 F CFA
57
649 t 10C; de semences ont été allouées à ces gros producteurs. A la même
époque, l'ensemble des senences distribuées au paysans était de 261 552 t.
On F~ut èü'~ penser que ces 57 gros producteurs ont reçu, en 1979/80, 0,26 %
du total des semences attribuées aux paysans au cours de la même période.
La part d,.:,s marabouts in'1'Backé·-Iv1'3acké" dans ces attributions s6"":ible très
forte.
D211S le Sine-Salom, un seul marabout a reçu un tor.nage d'une valeur de
7 ~3G DOC F CFA soit 63,6 %du montant des attributions régionales. Dans la
ré~iœl de T:liès des marabouts '~-1'Backé-!-1'Backé" ont reçu 7 390 318 F CFA
seit 41,3 ~ du total alloué à la région. Pour la région de Diourbel, la va-
leur des attributions faites à 11 membres de la faw~lle ~fuacké s'élève à
12 227 900 r CFA, soit à 47,9 %du total. Dans cette région, un seul marabout
a eu drêit à 10,29 %du total des semences allouées n l'ensemble des produc-
teurs.
Globalenent, ces d.iffres confinnent la part pr6pondérantB des marabouts'
mourides ~~rG le système des prêts aux gros producteurs.

- 97 -
Selon des inform,,'ltions indt.scutables, jusqu'à son décès l'an-
cien Kbalife devait 31 000 000 d~ F CFA au Fond t·utvliste de Développement
Rural qui l'avait avalisé aup:rès du Crédit populaire sénégalais. Ce montant,
prêté en déce.'i1bre 1963 et qui devait être remboursé, al.':' plus tard, en mars
1966, a été épongé sur instructions des autorités gouvernenentales. On peut
égal6TIent citer l'exemple d' ll.'1 grand marabout qui au mOIilent de son décès de-
vait 14 000 000 de francs CFA à l'O.C.A.S., l'O.N.C.A.D. et au Fond ~btaliste
de DéveloppementRural. Des interventions auraient également été faites, au-
près du Président SENGI-lJR~ pour É':ponger cette dette.
~~is que représentent ces so~es reçJes p~r les élites rnara-
boutiques si en les compare é.:.UX lar<~esses dont fait prÇuve l'Etat pour les
leaders de sa clientèle urbaLne, certains hauts foncticrL'1aires dont l'accès
au crédit est largement facilité ? Que représentent-elles face aux ncmbreux
détournements dont les membres du parti au pouvoir sont l,~ plus SOlwent les
responsables? No'..l.S ne pensons pas qu'on puisse comparer les avantages qu'un
II6rabcut peut tirûr du syst?:me p:;litique à ceux d'un haut fonctionnaire qui
parvient, par aXCDple, par des pratiques illicites, à construire une villa
louée entre 300 000 ct 500 000 F C&\\ (1) par mois.
(1) .Les élites p'::,litico-bu:::eaucratiques du PS se sont sp..~cia1isées, ces der-
nl1.ières années, dans J.' imrestissenent dans l' i.ntùobilier, possèdant nombre
de sociétés avec utilisation de nr~te noms. Le cheix de l'investissement
dans l' L"TImobil ier s' expl ique, selon J can R0Œl, par le fait que : "les
plac61icnts spécul~tifs immobiliers et fonci8rs ~'lnS le Cap-Vert, ccnnais-:
sent un rcndonent exceptionnellement favorable (récunération du ~anital
:ÎmlJicoilier jnVi'-:3ti da~s les immeubles en quelques a.nnées)".

ROCH (Jean). - Li~ç~lul~tion du capital au Sé~égal : évcl~tion de la
nroblém9tiaue.
.
In : Structures sociales et dévelo~pan8nt économique :
contribution à l'étude de la formation du capital au
Génégal. Méthodologie et probl~~tique d'une recher-
che en équipe. ORSI'OM, ceI:tre de ::Jn.r-ar-H'l..i1n, 1974,
D.
81 .
..
.L'opinion publique sénégalaise le sait bien, elle considère, l'investisse-
ment des hommes politiques dans l':Ï1Iirnobilier (grâce il l'utilisation de cer-·
taines filièreS d'accession au crédit) et les détourn.eùents, souvent impu-
nis, des deni€rs
publics C(~TIme les aspects les plus visibles des scandales
politico-financiers de l'Etat. La dernièT0 de cc~ nambre~ses affaires de
détournenent s'élevait à ~lus à'un milliard de francs Selon l'hebdomadaire
'~jbrchés Tropicaux", Ilil s' agirs.it de lél plus grcsse 3.ffaire de ce genre
j2lTlais déccmrert dé.'ns le pnysl'. In : Vl·-:lrchés Tropic::u..lX r/ 1762 du 17 août
1979. p. 22 II.
-
.Lç jOUTnr.l officiel nO 4739 du 12 décembre 1979 qui publiê le rapport an-
nuel de la COllr de iisciplL,e budgét~ire montre les sa~ctions d6risoires
q:.li fY2.pnent les hauts fonction..'laircs lJUi détournent les derniers publics.
\\Tcir
o
:-J:lssi "18 ~!ondE;" du 16 avril 1986.
4

- 98 -
Les grands marabouts mourides s'orientent progressivement, de-
puis l'indépendance, vers l'exploitation de vastes domaines agricoles qui
s'étendent sur plusieurs centaines d'ha. La ferme de feu Ser~e Cheikh Ama-
dou HB.L\\CKE de Taïf était de 1 113 ha (1). Les revenus an.TlUels qu'il pouvait
tirer de l'exploitation de cette fe~e étaient estimés, en 1964, à 12 950 OOOF.
Celle du Khalife général, à Tcub:l Béléel, est de 1 000 ha, le
projet d'explûit;.::.tion azrc'-p~::;tJ~;~le d~ Serizne C'~sso Astou 10 MBACKE s'éten-
dra sur U,'le superficie de 200 J'ï..a., celle de Hame Mor !>illACKE, dans le départe-
ment de Kaffrine, a une superficie de 1 000 ha.
La main-d'oeuvre uti! isée dans ces fermes est constituée de
taalibé mourides ruraux: 111 taalibé: sur l'exploitation de Feu Serigne
Qleilû~ MBACKE R Taif, 200 taalibé
regrourés en 30 daara
dans l'exploita-
tion de Abdou Lahat à Touta Bêlél, 50 tac.libé: dans le projet de Serigne
Cosso Astou 10 HBACIŒ.
La constitution de ces fermes maraboutiques (2) a été favori-
sée par l'aide financière de l'Etat sénégalais. Serigne CheiY~ ~~CKE a béné-
vicié d'un prêt de 7 740 000 francs CFA pour sa ferme de Taïf, les installa-
tions hydrauliques de la fenne pilote de rip ont coûté 31 000 000 de F CFA
(1) Toutes les àor·lées chiffrées figurant dans C8 paragraphe proviennent de
sources incontestables que nous ne pouvons pas préciser ici.
(2) En 1980, une parc~lle de 3 000 h~ située dans la forêt de Déali, au nord
de la route Touba - Dahra a été attribuée, pour exploitation, aux mara-
bouts Abdou Khadre \\ffiA.CKE, Bassircu SARR et Amsata MBAGŒ. Cette parcelle
déclasséE
de la forêt de Déali
sera une nouvelle zone pionnière
:nouride

- 99 -
au gouvernement sénégalais. Serigne Cosso Astou Lê MaACKE avait, en 1979
un projet de création d'un cŒ,~lexe agro-pastoral à Say Sar~, projet dont
le coût global était estDné à 199 000 000 de F CFA. Serigne Cosso ASTOU 18
J~CKE da&înClîit le concours de l'Etat pour l'alimentation en eau de son pro-
jet (coût ~ 35 000 000 de F CFA),
Le programme d'exploitation agricole le plus récent est ce-
lui d'un grand dignitaire mouride. Il s'agit du projet de création d'une
ferme pilote à PIRDI
dans le Sine Saloum avec un progrrJrnne d'investissement
de 80 000 000 (1) de francs CFA réalisable en deux ans.
Pour ce prograrrme agricole, l'Etat offre TIkîints avantages à
son prDriloteuT
a) Ex~nération des droits et taxes a~igibles à l'entrée sur
les matériels dont l'~rtation est indispensable à la réalisation du pro-
grrunme ;
b) Exonération de la contribution des patentes jusqu'à la fin
de la cinquième nr.née ;
c) Exonération de l'~~pôt ~inimum forfaitaire.
Les facilités offertes à CG nO~îble mouride sont un exemple,
panai tant d'autres, dé celles qu'offre l'Etat aux gr~Lds dignitaires de la
confrérie qui investissent dans le Iilonde rural.
Le succès apparent des fermes mourides~ la participation
spont~~ée des paysans à ces exploitations agricoles> ont conduit l'Etat à
créer des unités expértmentales sur le modèle des fer.T~s maraboutiques mouri-
des.
En nettant sur pied des fermes pilotes qJi utiliseraient la
n~in d'oeuvre mouride et servir.3.ient de nodèle de modemis~tion :lgricole pour
les paysans, l'Etat sénégalais 8 voulu récupérer les spontanéités pGysannes
(~' V··
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~..J - p. 1 106 - 1 107.

- 100 -
.. mourides
il des fins de dével0l'pc.-ment, mais ces tentatives se sont
soldées par des échecs.
L'W1e des prarl1eres expériences de ce genre fut celle du Bloc
expérimental de Boulel (1), en 1947 lu seconde, qui retiendra notre attention,
est celle de ToubaBélél.
Le ch3mp du Khalife générJl des mourides de Touba Bélél, à
une superficie de 1 000 ha destinée aux cultures vi\\~ières, il est cultivé
plr des ta-alibé regroupés en 32 unités d'exploitation. Le gouvernement séné-
galais avait d.écidé d'aménager 32 h.:'1 dans le dcmaine du khalife général des
mourides. La justific~tion officielle de tels travaux était que l'Etat vou-
hit Il:tppréhender les problèmes posés Y'.lr la diffusion des techniques d' ir-
rigation en milieu rural".
Les travaux d' ~éœgernent du périmètre ont été réalisés en
1974 PQr la SATI sur la base d'un contrat SODPJA/ETAT.
Parmi les objectifs Qssivnés nu projet, on notait que les
unités f~ilinles constituées par les taalibé du Khalife devaient intégrer
le ~€r~ètrc à raison d'W1e famille par ha et subir une formation complète.
Le coût de l'opér~tion Touba Bélel tel qu'il appar~it à la lumière des
sources officielles se présentait comme suit,lors de la campagne 1976/77.
Ts.bleau S
Coût de l'ouération Touba Bélel en 1976/77
+
(
1'Î
l ,.
(
Persormel
880 OCO F CFA
(~--------------....-------_._-------
(
M~tériel et produits
580 000 " "
(r - - - - - - - - - - - - - - - , - - - - - - - - - - - - - - -
Fonctionnement
5 600 000 If
l i
(l-------~-----
0
(
Investissement
-'
056 000 " "
~ Divers
884 000 l'
li
C . . . - - - - - - - - - - - - - - - - - r - - - - - - - - - - - - - - -
(
Tot;11 f,énéral
2 800fJOOO "
"
(1) Voir: - BOUCHET CP.). - Le secteur expérimental de iTIodernisation agricole
de Diourbcl.
In : L'agronomie tropicale ~~rs-Avril 1955 p. 174 -
216
~ PELISSIER (Paul). - L'arachide au SénégJl
In : les cahiers dioutre-mer - juillet/sep-
1951, p. 204 - 236.

- 101 -
M3.is, malgré les moyens matériels et financiers mis en place
!llr le gouvernement les payS&'1S mourides n'ont pas accepté de s'installer
dans le périmètre. Les autorités attribuent ce refus à des raisons, à vrai
rie, superficielles. Selon elles, cette non-participation est liée au fait
que "les paysans ont été inquiets des arrêts trop fréquents d'alimentation
61 eau du périmètre
qui ont entrainé des résultats peu convaincants sur
le plan des récoltes" (1).
Il nous semble que pour cornr>rBndre l'échec de Touba Bélel (2)
.::t de Boulel i l ne faut pas s' enfenner dans lli""1e explication uniquement tech-
nique. Il faut partir de l'idée que l'effort des taalibé dans les fermes
maraboutiques mourides est de nature religieuse. Il ne pzut être compris que
dans le cadre d'une religion qui met l'accent sur le rôle pr~ordial du tra-
v~il du disciple pour son mar~bout. Ce travail n'a p~s de contrepartie f~­
cière, il est effectué dans l'attente d'une réco~pense dans l'au-delà.
L'espace contrôlé par le r.1arabcut soumet les valeurs économi-
ques à une v~leur religieuse. Lorsque l'Etat s'y introduit avec sa science,
sa tedmique et ses objectifs socio-'~:con(".1Jlinues, il menace de modifier la
structure du syst~c. En so~ettant le relieieux 8 l'éconcmique, il tente
d'y introduire lL"'1e nonne de fonctionnement qui perturbe 11. logique du systè-
;œ. Ces projets échouent parce que leur finalité est de trEsfonner le statut
de la main cl' oeuvre des fennes rnnraboutiques (3). Leur objectif est de prolé-
tariser cette main d'oeuvre, d'en faire des ouvriers agricoles introduisant
ainsi une notion ~~coru"'1ue du s)~tème écon~ique mouride rùral : la notion
de salaire.
(1) SOD1::."VA. PériJ"!:ètre irrigué de Touba Béle!. Proj et de C:1'ïIpagne (1976-1977),
8 p.
(2) Il convient de souligner que Toub2. Bélel n'est pas b
seule ferne m:lra-
boutique bénéficiant de l'encadrement de la SODEVA. Les actions d'enca-
dreIile:1t de 12. SODFV'A en faveur des "agriculteurs de pointe" bénéficient
Gg~lement à Serigne Ibrahliûa Falilou ~lliACKE poUT sen exploitation de
Touba Bago.
(3) SODrN/:,. - Rapport technique rel-J.tif à l'opération axpérimentde de cul tu-
Te irriguée à Toube. Bélel, 10 p.

- 102 -
2) - MLlUltion politique et forces maraboutiques mourides
Le S. SEN(H)R,
Abdou DIouT et la gestion de la confrérie
a) ;ff~~~_~~_!~_~~~~~~~!2g~_~~r_!~~_r~!~~!Q~~_~~~r~_!~_~Q~r~r!~
et l'Etat
L~ réforme constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale
dl Sénégal, le 14 décembre 19i 8, place Abdou DIOlJF, l'actuel Premier Ministre,
dar~ une situation de successeur potentiel du Président de la République. La
loi 78-60 du 28 déceobre 1978, pré~ise, en son article 35, alinéa 2, qu'en
cas de décès du Préside.'1t de la République, le Premier r.!fi..'listre exerce les
fonctions de Président de la Rér,ublique jusqu'à l'expiration nonnale du rnan-
d2.t en cours. D'autre part ,le Président SENQ{OR :l décl:lré publi.quement son
intention de se retirer du ;J\\Jtrvoir.
L'annonce du départ de Léopold Séèar SS~GHJR entraîne une ~ise
en place des diverses forces politiques (1) qui, demain, se disputeront la
prise du pouvoir.
Les fc·rees maraboutiques renforcent le système de contrôle de
leurs fidèles, à l'L'ltérieur du parti socialiste, les 2T~iens CUJlpagnons de
L. S. SE~Q;OR qui, ces dernières années, étaient progressivement éliminés de
certains postes clefs du po~~cir politico-éconamique cO~I~ncent à refaire
suri~ce et à s'organiser. Ils sont aid8s en cela par le fait que les nombreux
détournements et scandales fÜlanciers dont sont respJns'3.bles les jeunes
teepnccrates du parti socialiste au po~10ir, dL~inuent lG crédibilité de ces
derniers ct mettent en doute leur c3.pe'1cité de bien gérer l' écononie nationale.
Ces jeunes, se ve:ient accùser, par les vieux militants dL: PS, de vouloir
s'enriçhir trop vite et d'être dépc;ürvus de toute nation d'intérêt national.
(1) Veir à cc~ sujet l' rrna.1yse de "Ligne T!l1.rxiste leniTTIiste" DÈGG n° 1, juin
1979, 25 p. ~~ctylogr.

- 103 -
~ plus de ce conflit entre les vieux et les jeunes, le PQrti socialiste est
divisé., au niveau de ses plus hauts responsables, entr~ adversaires et par~
tisnns du Premier Ministre Abdou DIOUF. D'autre part, la gauche, marxiste et
oon marxiste se met en place mais elle est loin d'être tmie sur l'essentiel
l'élabcrationd'une plate forme commune de lutte contre le pouvoir.
En plus de ces forces· se trouve une Jont on parle de plus en
plus dans les 511<:üyses (1) relatives au destin politique du Sénégal : l' ar-
rr.éc Cl).
En accordant des prêts et sub,rentions importants aux princi-
l
p:rux chefs religieux, surtout mourides, SENGI-DR a fait des marabouts ses
alliés objectifs. Sa stratégie politique s'est élaborée sur la base de l'uti-
lis~tion systématique du népotisme et de la corruption. Elle a permis la
récupération politique du rnouridisme, m'JUV6i1ent beauc:Jup plus représentatif,
:1lF:lériqueme~t,que la clientèle urbaine des partis cl 'opposition. La cible,
cmftante de sa pclitique fut de s'allier, par tous les TI!oyens, aux leaders
d'opinion du monde rural que sont les marabouts.
Le niveau panLxy5tique de cette stratégie ~ été ~ttcint sous
le Khalifat de feu Fali10u MBACIŒ qui disait à ses fidèles
"ncus vous enga-
geons à vous unir comme un seul hœne derrière SENQ-DFl.1I (4).
-
C~) Voir "t1archés Tropicau.x et Médi~erran'§ens", nO 1769, vendredi 5 octobre
1979, p. 2685.
ct) La particularité de l'année sénégalaise est d'être compoJsée d'hommes
issus, àans leur très grande majcrité, des milieux pa~vres de la société.
cg) Rita Croise O'BRIE.\\' signale ,dans un livre paru. el:. i 972 ;C(Ue le problèr.le de
la succession à SE.~GHOR soulève des inquiétuàes d~ns lû co~~uté fran-
çaise vivant au Sénégal : '7hey were confident ir. th8 President S8~GHOR
but 'ffiry of that ymmge:r ge:neration which is nucr. less nttn.ched ta France
thm1 aIder one, those whc fought vli th us il1 the ;,;s:- ud '''cre ruch more
devoted t0 French culturel!,
Li
o'BRIE,) (Rit:':. Cnüs;.::'). - ;[h.ite societ.y in black kfTic:l : the French of
Senegal. Northwestern university Press, Ev.~~t~rr~ Illinois, 1972, p. 120.
(4)
Voir "Dak:1I l'·htin'l du 9 jUiIl 1966.

- t'J4 -
L'actuel Kr~life des mourides senble inaugurer un style diffé-
rent de celui·de.son prédécesseur, son langage est beauccup plus radical,
il semble garder ses distances vis à vis du pouvoir, rr~is cela ne signifie
pas du tout qu'il s' oppJse au rég:Lüe. Il contiJ1llc à accepter le programme
agricole, les coopératives etc ••• piliers de la politique éconamique dans
le monde rural. (1) Or tout le monde sait que si le Klnlife en donnait l'or-
dre, tm. boycett massif de la culture de l'arachide au 'profit des cultures
vivrières aurait des conséquences ir~alculables sur l'économie nationale. Le
Khal ife dispose donc des moyens de s'opposer au gouvernement.
SENGHOR a su utiliser les· forces mnrabcutiques à ses propres
fins. C'est, sans pnl doute, cette alliance stratégique avec les forces mn-
raboutiques qui lui a permis de combattre les opposaTlts à son régime.
S~~GrDR en tant que sérère et catholique fait partie d'une
wjr~rité ethnique et religie~se. Ce statut a certainanent favorisé le fait
cpe les différentes confréries l'aisnt ~r)=-ç.u comme un rn~diateur et non pas
c:omne un agent au senrice d'une confrérie. En outre, sa stratégie politique
qui a fait des I!J,'1rlbCiuts ses alliés (',bjectifs a sans doute dédram-'3.tisé son
appartenance religieus~texplique que. lui, SENGHOR, c'lthelique, puisse diri-
ger lIDe populaticn à 80 % musu1-nanc (i).
Abdou DIOUF est d'un profil politique d.iff§rent de SENGH.)R~ ).
. i
(1) Au C0urs de la campagne agricole 1979/1980 le p~lrcentaee de rembourse-
ment des dettes 8 Touba Bélel était de 100 % (le Scleil du 23 et 24/2/1980)
alors que pour l'ensôûble du pays il était de 27,56 %.
Boubacar DIOP l' ~'Flique par cette fonnule intérr;ss~mte : "s'il fallait
ch:::isir entre ur! fils dé (SIC) sang ct un fils ad('ptif nul pèTE' n'aurait
hésité. 0~is cette vérité relative n'est pas formell~ d2L~ le ces du Sé-
négal car l'enf~t adoptif a donné ses preuves qu'il savait préserver le
patriincine farnilial des chefs religieu.\\::t.
In : Prcmetion. N° 52. Février 1979.
(3) Le jCiUrm.l Ille ScIeE" l'::l clairenent an.TlonciS : 'Youloir r.uer Abdou DIOUF
en SE:\\JQiOR est um: è.érnarçhe illusoire". Soleil du 13/10/1979.

- 105-
Le dauphin du Président SENGHOR est à vrai dire un technocrate (1).
Evidemment, devenant Président de la République, il contrôle-
rn l'appareil d'Etat, mais, an l'a vu c.vec SENQ-K)R, le contrôle de l'appa-
reil d'Etat, à lui seul, ne garantit pas le fonctiOIll1anent du système poli-
tiqué sénégalais. Il est facilité par les relais du pouvoir étatique : les
narabouts.
Cette notion de relais est ~portante dans le paysage politi-
qJ€
sénég::Üais. Elle désigne un groupe constitué de leaders d'opinions, dont
la fonction est de renforcer et de légitimer la PJissancE étatique (2). Dans
l'exemple du Sénégal, les relais dont nous parlo:lS sont l'encadranent poli-
tico-religicux des masses rurales et urbaines. Le système ne ?€Ut
pas fonc-
tionner sarlS eu.x car ils fonnent un écran entre l'autorité centrale et les
IX>pulations, permettant ainsi une achninistration indirecte des citoyens.
(1) Dans une interview élU S..::leil l'bd"u DICY,ITi reeom:ait sor;, profi~ de techno-
crate. VOit'Soleillidu 13/10/1979.
~) Dar~ les relaticns entre l'Et~t et la confrérie mouride, le préfet de
Hbacké joue un rêle discret mais important.
Dans l' :iJnagerie mouride Touba est une sorte d'enclave dans le Sénégal.
Ainsi à leurs yeux le préfet de ~1backé joue le rôle officieux d'ambassa-
deur àu Gouvernenlent auprès du Khalife des mourides. Ce rôle d'intenné-
diaire entre l'Etat et la confrérie est très difficile à assumer.
Soit le préf~t se montre trcprro~urid~ et dans ce ~~s,les directives
gouvernementales ne pourront pas être appliquées, soit il a un profil
technocratique et gère son département comne on B:érerait n'importe quel
département, attitude qui serait vite interprêtée par les rnourides ccm-
me une hcstilité à leur égard.
Le préfet a pour rôle d'administrer un départanent où 13 seu1= autorité
rec0nnue est celle du K1k~life ?,énéral et oÙ,selcn la croyance populaire,
l'autorité laïque doit lui être soumise.

- 106 -
d) ()'..lelle est l'attitude d'Abdou DIOUF face aux marabouts?
~------------------------------------------------------
Là-dessus, le seul élément de référence systématisé est son
nérllOire de 1'BJFOM dans lequel il fOrnnJle sa vision du mouridisr.te. Abdou
DIOUF expliquait dans ce travail que le mouridisme est un système d'exploi-
tation éconcmique de l'r~mme par l'homme, basé sur l'obscurantisme étroit
et lm respect de 1'01ùre établi qui ne peut
en auame manière ,recevoir
j '
la caution des jeunes.
Les conséquences logiques à tirer de telles affirmations
consistent, da"'1s la pratique, à renoncer aux compromis (ils se concrétisent
par des prêts et subventions) avec les forces politico marabcutique. Abdou
DIOUF peut-il, tout en assurant la reproduction du syst~e politique global,
saper une de ses bases fondamentales de fonctionnement? Nous ne le pensons
pas. L'alliance entre élites maraboutiques et politico-administratives est
un ~lément dételïninant de la réalité politique sénégalaise telle que nous
la ccn:n.aissons depuis l'administratiofi'co1oniah: jusqu'au Sénégal indépendant.
D'autre yîrt,i1 aura besoin, pour renforcer son autorité et lutter contre
les acti\\rités frnctio~'ell€s prévisibles d2ns son propre parti, de chercher
des alliés auprès des !fl.arabouts.
Un autre élément d'analyse doit être pris en considération
pour mieux comprendre l'évolution des relations entre le bloc au pouvoir
dans la confrérie et l'Etat sénégalais. Cet élément peut revêtir une impor-
tance moindre pour certains mais, risque d'être déterm~lt dans les années
à venir.
Le Khalifnt d'Abdcu Lahat coincide avec une époque caracté-
risée par un changement d'~ttitude du Président de la République vis à vis
des problèmes re1if,ieux ..~paravent, SENGlOR assistait persor~e1lement à di-
verses manifestations relizieuses (prières de 1$ Tabasyj ou de la Karité,
MaBal de Touba pélérinage annuel de Tivao~~e). ~bis, à partir de .1967 il
s'est fait représenter à ces diverses manifestations par des membres de son
gOu"Vernement. Depuis sa noraination ,Abdou DIOUF représente le Chef de l'Etat
à ces nuulifestations reli~ieuses. La représentation du Chef de l'Etat

- 107 -
IDr une personnalité que tout le monde dési3'TIe comme son successeur poten-
tiel et que les lIL:'lr.:.1xuts If'r'Jurides désignent, durant les cérémonies du Ma-
gal, conme un s:Lllp1e "envoyé" pose des problèmes. Quelle sera l'attitude des
couches dirigeantes mourides qu.-;:-ld Abdou DIOUF, 'lU' elles ont défini pendant
des années ccmne un "porte parole", deviendr<!. Président de la République?
Il n'est pas possible de répondre à cette question de façon anticipée. Dans
la. situation actuelle l'impression qui prévaut est que le Premier Ministre
(dauphin du Président d2 l~ République) est pris entre plusieurs forces qui
le contestent ouvertement (1) (l'opposition officielle et non officielle)
au secrètement (~!e fraction des membr~s de sen parti).Il aura donc besoin,
s'il veut affinner plus tard son autoritG par àes moyens autres que ceux
de la répression, de se trouver des alliés du côté d~s forces maraboutiques
<.{Ji, COlmlle ont le sait, ccnstituent un des leviers de cOll~nande de la politi-
cpe sénégalaise.
L'opposition sénégalaise tente, elle aussi, de récupérer
l'influence politique Ides Jll.'1rabouts. C' cc;t îP: (IDe notc.: Bireml NDIAYE : "la
grnnde et parfois eénéreuse sOllicitùde dont ils sont consta~ent l'objet
de la part de toutes les gr3.0.îdes fonnatians JY.)litiques et ::l.ussi de tous les
fLanCS tireurs, n'est-ce-p~s là la preuve que ce~x-ci et celles-là comptent
substantiellEment avec sinon le soutien, tout au moins LJ compbisance de
ms princes modernes". (z)
(1) Le ~'1rti dérrlocratique sénégalais dirigé par "~dou~nye 1~\\CE a àéclaré, à
plusieurs i.'c,r'rises, 'lut.: le "remplacement" de SENGHOR par Abdou DIOUF cons-
tituerait Ull fait anti-constitutionnel.
(2) NDIAYE Bira'11. - Perspectives polièrues s5n~",·ü1i9I'::S. Ccnfér~nce publique
prononcée à D~k~r le 23 février 1979 sous l'égide du
club hienauer. In
"Afrique Tribunell , TI 0 6, mars 1979.
C'est ce que note également Abd~u DIOUf lors~J'il d8clare : il y a des ambi-
tions politique~ qui veulent se réaliser en utilisant le manteau de la re1i-
~ion•.. nous démasquerons tous ceux qui, s' b[.;billant de ce nimteau pseudo-
. . '
religieux 'essaireront de se li\\~er soit à des activités contre la sûreté de
1'Et~t? soit ~ à des actes de ba.:lditismc".
\\Oir lILe Soleiltl du 13/10/1979.

- 108 -
La stratégie de teus les partis politiques est la même, dans
la situation actuelle, elle est basée sur l'eÀ~loitation politique des cQPyan-
ces rel igieuses des populations. L'époque est révolue où la gauche marxiste
qualifiait les n~rabouts d'éléments féodaux et contre-révolutionnaires. Ce
changement repérable dans le discours de l'opposition découle de la prise
de conscience, d'une part, de l'importance réelle des marabouts sur l' :immen-
se rr~jorité des sénégalais et pour la quasi-totalité des actes de leur vie,
d'autre part, de la difficulté,pour tout parti politi~le,de recruter en mi-
lieu rural en s lO:P?Osant, ouvertement, aux intérêts des m:uaoouts.
Compte tenu d.es éléments d' an~üy.sc dé2agés, on peut pG>llser
'tue l' ~lliance entre l'Etat et l'appareil confrBYiC;Je o::our-ide ne peut être
I,aintenue que si les autorités continuent la politique de la corruption
inau&~rée par le système colonial et continuée par les dirir.eants du Sénégal
de l'après-indépendance. >1ais, la perpétuation de cette politique, qui fait
de la confrérie un appareil idéologique d'Etat, ?eut constituer un élément
de déception sllloa de dissidence d'une partie des adeptes mourides qui place
dans la confrérie des espoirs de transformation de l'ordre social sénégalais.
Il est essentiel de souligner que l'aggravation des condi-
tions économiques d' existeIlce des adeptes, surtout ruraux, peut entraîner
ur.. devenir autre de la confrérie car i l est permis de penser que les mara-
bouts mourides ne prendront jamais le parti de l'Etat contre leur clientèle
rurale sous risque cie se faire désavouer (1). Les fonctions politiques de
l'appareil confrérique ne pouvant pas se reproduire si la politique éconami-
~ùe de l'Etat sénégalais marginalise davantage les paysans et en fait des
laissés-pour-compte.
(1) Le ?rojet de restructuration du mouva:J.ent coopératif qui rencontre
aupT~s des paysans de Tivaouane et t'fuacké une forte opposition en est
l.L."1 exemple. Les marabouts n'ont pas voulu ilîtervenir en faveur du
~ouvernement .

- 109 -
3) - L'Etat et la com'I"érie sous le Khalifat d'AooO'...l Labat ~1BACKE
Les re~endications paysannes relatives aux coopératives, à
la distribution des semences, à la détérioration constante de leurs condi-
tions de vie, trcuvent ll.'1 écho auprès d'.tilidou Lanat ~..1BACKE. Le Khalife ne
ùanqu2 p~s, 3 ch~que ~ois que l'occasion lui est donnée, de souligner les
griefs des paysans centre la ;K)litique du gouvernem.ent.
Cette prise en char.ge de la défense des paysans contre les
lllJÜstic~s do~t ils sont victlines est expr~ée dans un discours radical
DIes P?_YS&'1S sont fatigués". ~-1ais, à VT,Ü dire, elle n'a pas encore été
8Xprir.lée en tennes de :!lise en cause radicaJe de la politique du Gouvernement.
t~éanmoi!ls, ce rôle de porte-parole des ~1.ysans est interprété,
Dar lûaints t~~libé, comme le
révélateur d'ur"e op~sition du Khalife à la
politique officielle du S6négal. Les ~~rtisans d'une telle interprétation
sont trss nGmbrcux. Nous avons entendu, plusieurs fois, des ;aourides le ré-
yéter, à Dakar. Cette perception de la nature des relations entre le temporel
et le spirituel, trouverait son fond6f!1cr,t d211S les allocutions du Khalif~,
lors des ;'1agr,.l, devant le Premier Ministre. On ne peut plus compter le nombre
de fois où, selon les mourides, le Khalife aurait tenu des propos très durs
::w. Prmlier Ministre. Récerrrnent, lors d'une rei'lContre entre le Khalife des
nDurides et 16 Président SENGI-OR, Abdou Lallat ?3ACKE aurait tenu des propos
qui ccrlstituent selon eux, une pre~~e de la justessE de le~T interprétation.
Nous reproduisons le compte rendu de cet entretien publié cl<ms "le Soleil"
3pTès~ paT<l.it-il, 10. censure
de certabes parties de ]' in"tervention du
i'~l..üife.
Le Khalife
je n'ai p3S eu à le vérifier, ~~is si j'e~ creis ce qu'on me
rappcrte, les PJ.ys:;!l1S sont fEltigués. Ils comptent sur vaus r'Our <~rriver 2
bout de leurs ~rreuvEs et ils vous font lffi(; enti":re' confiance.
LE- Présiàent de lÇl République: je vous r6Tl8Tcic car je lie der.andê qu'à être
tenu infonné d.E: leurs problèmes. Ce qui justifie ma politique de réforme de
l'OI~CAD d&~ l~ sens d'une plus gr~~de responsabilisation des paysans au sein
des coopératives.

- 11 0 ~
Le Khalife : Je ne peux rien pour vous, sinon vous mettre au courant des
doléances du mond0 rural. Ma mission consiste à attirer votre attention sur
ce qui IT!e seiTIble bon poUT lui 8t à vous demander de renoncer à tout ce qui
n'cst p~s confonme à ses intérêts.
Le Président : C'est pour satisfaire ces désirs que des instructions ont
été données, pour que des semences soient distribuées à tous, par l'inter-
médiaire des coopératives.
Le Khalife : C'est sans doute une bonne initiative dé votre part, mais je
ne suis pas sûr que les résultats escomptés soient atteints. Mon sentiment
est que les semences ont été utilisées à d'autres fll1S.
Le Président : Je suis ici r.our vous écouter et TIl' infûITlier. fJA:ln angoisse
actuelle, c'est le phénomène de la désertification, qui entra.î..'1e la séche-
resse et la misère. ~~ politique est de réaliser dans les qLœrante ans à ve-
nir, treize barrages au Sénégal, pour vaincre l'avanc6e du désert, reverdir
nos cmnpagnes, mettré a la disposition des paysans sénégalais SaD 000 ha
de terres irriguées.
Le ~i(ha.life : Qurante élJlS, ç' est beaucoup. Les paysans ont besoin de manger
et de bcire, ct encore une fois, ils comptent entièranent sur vous.
Le Président : ~,1erci de m'informer si objectivement. ME.is je savais déjà.
les dfsirs du monde TUrGl. A cette fin, j'ai fait déposer un projet de loi
sur le code de l'eau car tout, ici au Sénégal, passe par la pleine maîtrise
de l 'eZlu. :'~otr' salut dépend des barrages, des forages et des puits .•.
Je vais vous faire tenir les orien~~tions de la politique
générale du :::;OLnrernement en direction du monde TUral. Je souha.iterais rece-
voir vos avis et vos suggestions (1).
(1) Le Soleil du 23 juin 1980

- 111 -
Le Khalife a tenu ce discours deva."lt les pri.l1cipaux digni-
taires dE; la confrérie notmflIlent Serigne Mourtada f.'illAKE, Moustapm Bassircu
!.f3A.CIŒ, El Badj Bnbacar l-1illE dit N' l:Jiouga. En tout état de cause, il est
difficile, dxns la situation actuelle, de caractériser la tendance politique
qui émerge au sein de la confrérie. Les info~rrtions recueillies au cours
de ce travail laissent ":")enser que les changenents COIL,US et répérables dans
les relations entre l'Etat et la confrérie mouride se situent s pour l' i11S-
't:'mt, au niveau du simple discours.
Abdou Lahat HDACKE ne veut pas jouer le rô1;;; de porte-p-'J.role
<il gouvernsment, TIl..-:.is i l ne préconise ptl.S non plus une opposition frontale
ml régi'11e.
L'attitude du Kf~~life s~hle être dictée par la conjoncture
p:>litique et soio-économique du Sénégal n.insi que par la tendance qui se
dessine au sein d'une pllrtie des adeptes de la confrérie,
. Certains tnalibé urbaiIls voudr:üent enzage-r c1:wnntnge le
Khalife d?~ les luttes politiques contre le r&gine.Nombre de mourides sont
COnVI1LT1CUS que leur confrérie peut "balayer le régime!; en pL:1ce, i l suffit
cpe leur chef spirituel en dorme l'ordre.
. Le gOlNemement veut éviter, à tout pru, que ln confrérie
s'engage à soutenir les partis politiques d'cpposition. Ces derniers ayant
compris l' ir:lport~ce stratégique' d'une alliance avec les m.ar!lbouts, surtout
lIDurides, tentent, à l'heure actuelle, de se rapprocher davantage de la
confrérie en vue cl' affaiblir le régime.
La clientèle rurale mourid~ perçoit, d~~s la conjoncture ac-
tuelle, qu'elle est mieux défendue por le iJ1alife que par les orgrJlis2tions
po1itico·-syndicales. Elle fait du leader de l~ confrérie son porte-perole,
lm re ~rs
contre la dégrad.::'ltion de ses conditions matérielles dl existence.

- 112 -
Le p-:lys:m."l~t sénégcl1ais est, à l'heure <lctue-l1e, ?Jlitique-
rrent inorganisé. En son sein n'a pas vérit~blement émergé urle conscience de
classe. Les mécnnismes par lesquels i l est exploité lui échappent. Néan-
mJins on constate une opposition diffuse des pélysans aux fonctionnaires et
<Jlltres agents de l'Etat perçus9 avant tout, comme des privilégiés.
Les pays<1l1S nE; sont !Us véritablement encadrés ni par le
rnrti au pouvoiT, ni par les syndicats, ni p:J.r les vartis d'opposition.
Pour Œ~, ~~~S une large mesure, la politiquê demeure l'aff~ir8 des intel-
lectuels, des cit~dins. Pour CGS' paysans S,illS défense devant les gig.~tes­
ques appareils d'Etat Gt qui Jnt l'impressioL d'êt~e des g~lS dont on se
nuque, le KhD.life rdste le dernier recours peur se faire ôcouter par le
gcuvenler:tent. Jusqu'à présent Abdou Lah.'1t a réussi, 5 concilü=;r ces tendances
diverses. Il ne siest pas encore- engagé da~s les luttes politiques. Certes,
il défend les int~rêts da.s p~tysans mnis n'a p'lS encore fondamentalement
remis en Cluse la politiqul~ économique et sochle du gouvernement.
4) - L'Etat, les JIl.arabouts et les paysans mourides
La re).ation taalibé-raarabout permet, nu groupe maraboutique
d'aCCUli1ul13r des richesses, eUe traduit la dépendance économique du paysan
ilCuride. Ce dernier est, à vrai dire, victime non seulement de l'exploitation
économique de la classe l1l<î.!'8.boutique, TIl.ais aussi de l'Etat. Ccmne le note
Jean COPk~S, I~'essentiel des mécmlismes d'exploitation et de d~ination de
la pays~~eri6 productive d'arachide est entre les m~ins de l'Etat. Il n'y
~ aucun doute à ce sujet et les paysans en sent eux mêmes très conscients :
IGS prix, l'endettement, les linpôts, la politi~~e, sent si j'ose dire, les
rrréTog~tives de l'Etat. Or, au plan de l'idéologie les ~.ys~~ restent sou-
mis au marabout. Nais cette idéologie bien qUE: de; ~orme et de contenu
d'abord religieux est liée à illlC pratique qui dépasse et de loin la seule

- 113 -
définitiùn du rituel (1). La situation d'endettement structurelle des pay-
sans sénégalais et le besoin d'argalt, à n'~porte quel prix, qu'elle dégage
a été bien décrite par Jean ROCH : "le besoin d'argent à n'importe quel prix
hypothèque littérale.'1lent jusqu'à plusieurs années de récolte. Plusieurs in-
fonnateurs '~l'ont confirn6 le fait, notamment les trafics sur les sacs d'en-
grais ; payé 1 500 F à crédit à la coopérative, le S3.C est irrmédiatement
revendu à 300 F au CO!i1pt<L"1ttr (2).
Progressivement, on assiste à 1~ situation suivante. Les
gnmds marabouts, grâce à l'encadrement teclmique gratuit des sociétés agri-
a)les, d'Etat deviennent de ~rès gros producteurs. A côté d'eux, on trouve
'Une masse de comcrùiliîutés paysannes de plus en plus exploitées et qui dété-
riorent lentement les dernières potentialités de leur environnement. Ces
rnySaJlS subventionneraient indirectEment l'autre secteur" (3).
La dépendance économique des paysans mourides est maintenue
et entretenue par les r~pports de domination idéologique qui assurent le
fonctionneme~t de la confrérie = la relation du disciple au marabout est ra-
rarement lue COTIlffil; une relation d'exploitation de 1 'hor:me par 1 'honrne.
(1) COPAt~S (Jean). - Politique et religion: d'une relation intérindividuel-
le à la domination impérialiste = les mourides du Séné-
gal. In : DIALECTIQUES, n° 21, 1977, p. 34.
(2) ROCH (Jean) .
La richesse paysanne en bassin arachiàier sénégalais
in-
ventaires et essais d'évaluation des biens familiaux.
In = Cih. ORSTO~i, sere Sei. rillm, vol XIII, ne 4, 1976, p.391.
·-Djibril SE.NE fait la même constatation lorsqu'il note que 1::1. fonction épar-
gne et crédit n'a jaT1'1is été mise en vigueur dans les coopératives. Cette
carence a produit les résultats suivélIlts : "spéculations ITh-'llheureuses sur le
matériel agricole: vente ~ bas prix, mise à gage à des taux fnibles".
SENE (Djibril). - Sur les prob18mes posés par la restructuration des coopéra-
tives agricoles : cas particuliers des régions de Thiès et
de Diourbel. Communication au Conseil :k~tional du Parti
SocialistE. 26 janvier 1980 p. 22
~~ OOPAN5 (Jeun).
Politique et religion dl une relation interindividuelle à
la domination ~raliste : les mourides du Sénégal.
In : DIALECTIQUES n° 21, 1977, p. 35-36.

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.1 .
'~i _-
'1.,~l
Le vécu des taa1ibé est, objectivement, un vécu d'oppression
et d'lnJmi1iation, ils l'expri~ent, inconsciemment, par des métaphores biolo-
giques ou morales : "il y a des bons et des méchants, des gros et des petits
marabouts", mais ils ne contestent pas, à vrai dire, la relation de dépendan-
.... '
ce. Et cette con~testation, même si elle existe, "ne touche pas l'existence et
:',--
le contenu du message idéo10g i.que et la nécessité de la fonction religieuse
des marabouts" CL). Les taalihé deil1eurent persuadés que leur capacité produc-
tive, offerte aux marabouts, est égale aux promesses de récompenses dans l'au-
delà que leur font ces derniers. C'est~ une des raisons pour lesquelles il
n'y a pas, à propreûent parler, de forces d'opposition
réelles dans la con-
frérie et que les disciples ne semblent pas préoccupés de la remise en ques-
tion du système mouride, ils demeurent très attachés au chef spiritueL Dans
ces conditions, il leur est difficile de considérer objectivement le marabout.
Pour les taalibé surtout ruraux, "1' homme nouveau" n'est pas celui qui naitrait
du dépassement de la contradiction objective qui les oppose aux marabouts,
leur modèle d'ascension sociale consiste à devenir marabout. Toutes les con-
.:litions semblent être
ainsi réunies pour que les taalibé soient manipulés
par les marabouts. Par cette maJlipu1ation, les élites maraboutiques arrivent
à confonner les premiers à leurs objectjfs oui sont avant tout économiques.
O'BRIEN a réSlllTIé, une partie des motivations qui détenninent
la sOur.lission à cette situation : "the mouride Sèl.aikh c1aims and the taalibé
believes that it is not possible to reach heêven without the assistance of
an intennédiary"
(1). DI autre part i l souligne que "the fear of supernatura1
sanctions of course a1so he1ps the Shaikh to control his followers and the
hope of paradise is a rea1 element in the tealibe' s motivatiO:1 to obedience" en
Sur le plan économique, de?uis A~adou Bamba, la confrérie est
basée sur d'm~rtantes exploitations agricoles qui placent les marabouts dans
une situation où l'exercice cl 'une direction spirituelle ne suffit plus
~) id ; op. cit. p. 37
(1) O'BRIEN, D.B CRUISE. - op. Cit. p. 84
(~) id. op. cit. p. 97

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fOur assurer le fonctionn8l'1ient de ce groupe social. Les mourides sont devenus
de gros producteurs d'arachide (1), ils sont donc directEment liés au déve-
loppement économique du Sénégal.
Sur le plan politique, les faits SOilt assez clairs, dans
l'histoire du Sénégal récent, les ~ourides ont joué un Tole politique consi-
dérable. O'BRlE~ a dressé Un tabla~u, assez détaillés des relations politi-
ques entre la confrérie et le pouvoir colonial et néo-coloni~l sénégalais.
So~ analyse ne laisse aucun doute. Le mouridi~e a toujours été au centre
des enjeux politiques cruciaux du Sénégal. Cette idée ~ éts développée par
Jean COPAJ~S qui dénontre que"pendant la phase coloninlo la fonction du systèrre
~ouride est celle du maL~tien de l'ordre établi. Ce maintien est à la fois
celui de l'ordre Iilouride et celui de l'oràre colonial ô'( ~, iV'~is l'évolution
récente des relations entre l'Etat et les ~2sses paysarines, cor~écutive à
la dégradation constnnte de leurs conditions d' existenc.? Il' nutorise pas les
leaders de la confrérie à assumer toutes les fonctions politiqùes tradition-
nelles du mouridis~.
Dans les relations entrA 1. 'Et~t et Ir. confrérie, il est irn-
p:Jrtant de noter qu'il se dessi.ïe de plus en plus des si.grres d'un nomreau
malaise paysan. Tous ceux qui tr2v[lillent dans le mond.e rural sont unanilJles
fi déclarer que les paysans sont découragés et dég-oûtés~ certains d'entre eux
considèrent. que "le gouverner:1E:;nt est pcurri", néa.n'lloins~ pour des r:lisons
qui restent à éclaircir, font encore confiance au Présidelt SErlGHJR et espè-
rent qu'il 2. le pouvoir, par-dessus tout le systè;<1E:, de leur venir en aidE:.
0) Le revenu que feu s::.rigne Falilou ~ffiAClCE tirait de ses charnps de mil et
d'arachide, en 1965, ~ été estimé par Delb:lrd, sur l~ b~se d'L~ormations
fournies par "Daka.r !/ütin" à 70 millions de francs CFA.
Voir DELB.~, B. - Les dyn~~ismes socinux au Sénéb~l : les procèssus
de formation des classes sociales dans un Etat de
l'Afrique de l'O~est. Dnkar, ISFA, 1966, p. 33.
(2) COP~~S (Jean). - op. cit. po 29.

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Les paysa~s sénégalais ne rmlilioursent p~s les dettes (1) que
l'Etat leur accorde chaque ann~e. En 1979 le taux de r6lïI1oursenc-nt des dettes
était très faible. Les dettes nen remboursées, correspondaient en valeur, à
5 925 000 000 de F CFA. Dans le passé, l'Etat exigœit le rffiiboursemE.'Ilt des
dettes de façon brutale et humiliante. Les paysans l'avaient clairement dé-
claré à la radio éducative rurale:
"nous f:lYsa..'1S, travaillons 8 mis sur 12
JOUr ne eagner que 15 000 francs et si nos dettes ne sens p'lS réglées on
mus jette cbns un secco (2), on nous saupoudre et on nous b3t. Or il se
trOlNe que si le fonctionnaire qui gagne 100 000 francs par. mois détourne
des millions de l'Etat, on ne le s~upoudre pas, on ne le bat pas. On le met
simplenent en prison, on lui trouve u.'1 burenu et sa f.;mm.e lui envoie à cha-
que r~pas des poulets bien rôtis. Sommes nous donc ~f8ri6urs aux fonction-
naires ?".
~bis de telles méth~lcs peuvent être difficilement utilisées
dans la conjoncture politique et sociale très difficil~ que traverse le pays.
En outre, il n'cst pas évident que les couches mnraboutiques accepteront ·de
cautioTh'1er d~ telles pr~tiq\\les dans la situation actue~le.
Durant le Khalifat de Falilou Ml3ACICE, SE~GH)R pouvait profi-
ter de scn'mnitié" aVéC le Khüife général et d'une conjoncture pclitique et
économique favorélble pour ~'puniril les ''IP.:luvais raysaTls". Dans la conjoncture
actuelle, l'Etat n décidé "à défaut de {Y)uvoir utiliser cl' autr2 méthodes que
la persuation et l' apyel à 1'1 vertu sénégéÛaisc ~'es".:. le "diora", de ne pas
(î) L2 refus de rembourser les dettes est d'Ci, en gr3l1d'3 partie, au fait que
les récoltes sont ma.uva.ises. Ma.is i l existe: d'autres raisons sur les-
quelles on n'a ~s assez insisté. Les paysans savent qu'il y a beaucoup
de détournenents et de corn.-rption au coeur du systèmç qui doit les ~ider.
Cer~~ins j'entre eux considèrent que 10S fonctionnaires sont corrompus.
Cet état de fait, ajouté à la dégradation de leurs conditions économi-
ques d'existence e>.."})lique que les paysa.'1S refusent systématiquEment de
rembourser leurs dettes.
(2) Il s'agit d'un silo ~ on y enfermait les pëYSRnS et on pul~risait sur
e~x des insecticides.

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hésiter à priver de S6ilûnCeS de tels paysons" . (1 )
La F~ysanneri0 sénégalaise ~st très paU\\~e, son revenu n'a pratiquement
pas augmenté après un siàcle de monoculture arachidière. Elle se trouve dans
me situation de dénuenent éconanique qui la pousse à un endettement devenu,
structurel. Il n'est donc pas étonnant que l'Etat ait des difficultés, cha-
que année, pour récupérer ses dettes (2). Le non re!lbourserr~nt des dettes
n'est pas, comme le déclare le ministre de l' AgriallturG, la preuve d'un
'manque de civisme", de "mauvaise volonté" ou de ''mauvaise foi", il s'agit
plutôt dB 11 issue logique, d'u.'le misère économique et sochle aigüe.
Si l'Etat sénégalais est aidé, dans son fonctionnement ac-
tuel, par la caution des forces mk~raboutiques, il n'y a pas de doute que les
marabouts, eux aussi, ont besoL'l des fidèles ruraux. S'il existe des taalibé
sans marabout, il n'y a pas de ffi."l.rabout sans taalibL
Dans le Sén6gal indépendant, "la confrérie mouride assume les
fonctions cl 'un appareil idéologique d'Etat". Sel:m J.' ,COPANS, l'appareil
idéologique d'Etat qu'est la confrérie se définit, essentiellement, par les
(1) SENE (Djibri1). - Communication au Conseil national du Parti socialiste
situation et perspectives du secteur rural. Day-ar, 7
avril 1979, p. 46.
~) - Le montant QZ.m1é des dettes non remboursées ~ été estirrk ~~r le Prési-
dent SENGDR à 350 000 tonnes d'arachides soit 1 '~quivalent de 16 mil-
liards de francs CFA.
Veir : SENGHOR (Léopold Sédar). - Discours d'ouverture de la première
session ordinaire dtl Conseil économique et soci~l. Dakar, 26 mars 1980,
p. 28-29.
- Pour la campagne 1979-80, le total des dettes semences et BNDS s'élevait à
409 222 t. Mais, par 12. suite. cet exigible réel Cl été modulé pour être ramené
à 156 841 t. Au 7/4/1980, l'Etnt n récupéré 43 235 t soit 27,56 %de
1t exigible modulé.
Source : ONCAD : Note 5Ur les sta.tistiques hebdomadc1.ires ciE. corrmercialis<ltion
des arachides. Campagne 1979-80.

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caractères suivants: d'me part, i l ne s'agit p.~s d'une excroissance de l'Etat,
d'autre p~rt, c'est un appareil à fonctions multiples, même si sa forme est
idéologique. Il est donc pennis de penser comme l'écrit cet auteur, que la
stabilité socio-politique de l'ensenble national inlplique, à l'évidence, le
nnintien des fonctions idéologiques de la confrérie sur sa base paysanne.
l'·iqis on peut se demander si les couches maraboutiques pren-
dront toujours le ~~rti de l'Etat contre les paysans
Les deux exemples qui suivent montrent que l' Etat n'est pas
élSsuré de l'obéissance, sans conditions, des paysans et d.es marabouts à sa
politique. De 1967-68 à 1970-71, la production d'arachid~ a suivi une baisse
régulière, elle est passée de 1 OOS 000 tonnes à 583 000 to~~es, soit une
dimL~tion de 42 %.
Ce fait s'expliquait, en partie, d'après le Conseil économi-
que et social, par l'effet de plusieurs phénomènes: l'accroissement des prix
du 2~tériel agricole et des el\\~r~is, comme la stagTk~tion du prix de
l'arachide (dont le kilogrn.mme était acheté à 19,41 F déL"1s le Cap-Vert, le
?leu~ç, le Sine Saloum et la région de Diourbe1 et à 17,60 F ~n Casamance
et au Séné~?l Oriental en 1970-Î1), ont entrainé un certain "désintéressanent"
des paysans à l'égard de la culture de l'arachide ainsi qu'une moindre uti-
lisation de matériel agricole et d'engrais". (1) Il en est résulté une si-
mation b:lptisée ''malaise paysan".
C'est pourquoi les pouvoirs publics ont réajusté las prix
d.~s pr::duits agricoles d'exportation. Ce qui aeu pour conséquence d'augmen-
ter h récolte d.e 69,5 % en 1971-72.
En 1972-73, le maintien du prix de l'arachide à 23,1 F le kg
devait 3ntrainer urie nouvelle désaffection de~ pays~Ls pour la culture de
l'arachide.
(1) Senéf.'!.l (République du). - Conseil économique et social. Etude sur les
méc~nismes de réajustement des prix et des y21~ires : périodicité
et niveau de réajustemetit, 197G,p. 4~.

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D'autre part, en 1979, le gouvernement sénégalais, soucieux de
restructurer le mouvement coopératif, avait entrepris, dans les régions de
Tb.iès (1) et de Diourbel, du mois de juin au mois d'août, une campagne de
sensibilisation qui visait à expliquer aux paysans le pourquoi de la réfome
et à les convaincre de son bien fondé.
Les résultats de cette campagne de sensibilisation ont montré
quE. les paysans de la région de Diourbel, en milieu mouride, sont en majorité
re{ract~iTes à la réforme du système coopératif ,telle qu'elle est proposée
œr le Bouve!11fEent.
TableaL 9
Résultats (2) de la campagne dans la région de Diourbel
(
!
(
DEP.A...TITE1ENrS
NBRE :)'ORGl\\}US-
PAVORABLES
! DEFAVOP.ABLES
(
"ŒS
!
--------------_._-! -------------------
(----------------------1------------------
(
!
(
!)IOUEEEL.........!
64
31
33
(
!
(
MBACIΠ...........!
81
12
69
(
!
(
BAMBEY
S4
11
43
(
(
TOT.t\\L
199
S4
145
(
Pourquoi dans un dcrilaine aussi stratégique que le système coopératif, dans
lequel sc nQue l'essentiel des rapports entre l'Etat et les masses pa)'san-
œs les :Tlarabouts n'ont pas ilÎ.tenrenu dans le sens des souhaits de l'Etat?
Cette situation de fait peut signifier d~ux choses. Soit les
§~ites maraboutiqu~s sont ·refractaires à la réforme du Systèrr,8 coopératif.
(1) DfuîS la région de Thi~s, le départe~nt de Tivaouane présente sur un to-
!al de 88 coo~~ratives, S1 coopératives défavorables à la réform~ du
mouvement coopératif.
(2) SS-JE (Dj ibril). - op. cit. p. 35

- 120 -
Le rapport Djibril ,3~~ (1) preclse que les autorités religieu-
ses sont favorab18s mais u.~iquement à condition que leur coopérative soit
retep~e c~~esiège des coopératives restructurées.
Scit les élites maraboutiques, conscientes des difficultés du
mouvement coopératif sénégalais et des nombreuses plaintes formulées par
les paysans, ne veulent pas interférer dans ce domaine entre l'Etat et les
~sses paysaIù"1es. D'autant que la coopérative concerne le vécu immédiat des
populations rurales et que
comme le soulignait ROC}ffi~~U, (2) en acceptant
p
dE- jouer 'ûn rôle qui n'a aUCU!l rapport avec leurs fonctiop..5 de chefs reli-
gieux ou ChEfs politicues, les marabouts prennent le risque d'être désavoués
par les fid,:Hes. Et P.:JQŒTEAU d' aj outer quo "le danger pour la cohésion' .de
la caste TImrat,.outique est tel que l'on assiste, probablar.e.~t sur les instan-
ces du groupe dirigeant de la confrérie, à un retournÔdent de situation :
les n~rabouts s~ déeageant progr~ssiveoent du contrôle coopératif et adop-
~qr;t le parti des masses pays~û~es dans leurs revendications contre l'action
2Duv(~mementale en milieu paysanll (3).
Cet exenple est une illustration,
IBrmi tant d'autres, des limites de fonctionnement du rôle d'encadr~ent des
narabouts.
En tout état de cause, la faiblesse des ressources du monde
roral s dans ~?. ~rélr1(le raajorit~;, et les difficul té~ éprouvées par les paysans
pour la satisfaction des besoins rri~ires sont le révélateur de la dégrada-
tion d'un mode de :;roduction imposé paT le système colonial et perpétué par
les dir~~e~tts du Sénégal indépendant. Le sort des paysans est à peu près
resté ce ~~'il était sous la dŒ~L~tion coloni~le et leurs intéyêts en con-
~diction avec le système actuel ~~i les L~stalle dans le "cercle vicieux
de l'arachide".
(1) SENE (Djibril). - op. cit. p.. 39
(2) :?DŒlETEL\\U(GuY). - Mouridiswe et économie de traite : dégaganent d 'llil
surplus ct accumulation dans une confrérie islaûique
au S6négal. OESroV, centre de Daka!' Ha"1I1, 1969, 26 p.
0- ~ '..,-, o"'.rC"T"~ fJ 1 T (r
)
.
18
l~l)V"-'ll;ll:.1.J
uuy.- c7:l, Clt. p.

- 121 -
Dans ces conditions~ l'Etat sénégalais doit transformer radica-
lanent l'environnement socio-économique des masses paysannes
seule condi-
t
tion du maintien de l'ordre social. Mais le gouvern€Jllent
semble avoir opté
lXIur l'intégration au marché mondial
par le développement de la culture
t
de l'arachide
politique qui ne satisfait pas les besoins des populations.
t
Il serait naïf de croire
si le statu quo est maÎIJ.temi
que
t
t
les fonctions politico-idéologiques des marabouts sur les paysans pourront
être maintenues.

- 122 -
CHAr lIRE III
UYiffit1IQüE ULLA CONFRERIE MOUfilllE

- 123 -
L'évolution du mouridisme ne s'analyse pas seu1anent en tennes
d'accroiss:.:ment numérique dûs adeptes ou dl extension de son espace de recru-
te.1lent mais égaler::ent d' innov3.tion institut ionnell 0 • L'administration de la
cur.:frérie, pour t~reT les changements ii"lduits par l' extep..sion de l'espace de
reprcducticn du ;r;::,uvGnent, génère des institutions cl' encadrE51lent ou de con-
trôle des taa1ibé.
Tout se passe comme si à chaque situation sccio-historique la
œnfrérie trouv5.it la rénonse institutionnelle adéquate. Au Drer.1Îer moment
.
~
dB la c:JnfTérie correspond ll.."le structure appelée daara, c'est celui, durant
kqùel s le mouridiSJne est encore enveloppé dans une structure ~ dominante
agricole. Dans le village, l'institution typiquanent mouride '~st le "champ
du mercredi. Dans les centres urbains 12 ccnfrérie D mis en place une struc-
ture jusque là inconnue de l' organis2.tion : le dahh-a.
1
Le développement de la confrérie mouride née daT'lS l'univers
rural - s' 2st bs,§ sur la mise en place cl r ins.titutions capables d'encadrer
11'::s masses tout en répcnd.a.,-,t aux bes'.:Jins de l'éconcmi0 de marché. Origine1-
16llént le Iilouridisme est fondé sur des implantations humaines agricoles.
Le daara, c~munauté cD les tak-der tr8v~i1lent sous la direc-
tion cl '11.11 marah:)ut est la stlUcture élémentaire du peuplement mouride rurll.
Le daara (1) est l' eSDaCG ':"l:i9:i..."le1 de fonctionnanent du mouriàisme nlra1,
---
. -
le nTl:::micr instrument d' encadranent des paysans nOU'le1l811cnt convertis à
l'islan, à la fin du XIXe siècle.
(1) bn 1967, O'BRIEN estir.l:lit le nombre des daara entre 300 et 400. Selon
cet ~uteur, le nombre moyen de taa1ibé, par dacra est dé 8,5. Il y aurait,
selon YBFUEN, 3 500 t2:.alib8 vi~.nt exclusivEment do.ns les danrû..

- 124 -
Le daara
orienté uniquement vers le tr8.vail de la terre est
un~; institutis-n typiquement mouride, elle n été fondée par Cheikh Ibrn FALL,
à 1."1 fin du XIXe siècle, en zone wolof mouride.
Ces daara sont des fermes marabcutiqùes sans fonction reLlgleu-
58.
Ils constituent le lieu de déploiement de l'autorité absolue du mnître.
Le daara mouriàe
codifie la sc)lid~rité entre taalibé vivant le mêne sort,
il y est donc difficile d'admettre l'idée d'une diffGrenciation de position
sociale ŒL~ le groupe des disciples. Amadou na~ba a d'ailleurs beaucoup
iTlsisté sur l'altruisme qui doit guider la vic du t:l:llibé mauride.
La solidarité en question, ici, est celle dlns l'obéissance au
TIJaru.bout ; la relation taalibé-j112.rabcut appar2ît, &:ms les daarn , corrane un
ï:Dyen mis au senrice d'une oligarchie qui monopolise 1,,:5 biens. Le type de
rapport §tabli entre le disciple et le marabout vise la :::;mservation par ce
dernier du pouvoir et de l' âVOir, i l ne peut surgir que dw..5 ln sùbordination
des adeptes, qui a pour rôle d'ordonner la confrérie e~ une hiérarchie d'in-
dividus et è.e lutt2r contre l'entropie, que porte le système mouride.
En dl~hors du travail ch.:T.lpêtre, les taaJ.ibê doivent étudier le
coran, ITl2.is cel.:. nG se f:lit :;:-.:.s tcujours. Les d;-';lt'..r:-,
fcnctionnunt CClTIlile des
brigades de produ(:tion agricole ~ accordent peu de place;, au trnv:lil intellec-
tuel. CE;tt€:
déFréciaticn du tr:wail intelle:::tuel félv'Jris(; le développement
d~ l'igr~Jr~c~ ct crée les conditions néceSSaires à ln reproduction dG la
rel:ltion ta.:üibé-rru:'lrabout. L'ignorance du disciple:, le culte, de b
personna-
lité entretenu p:'..T le rr.arabout corrstituer<t autant cl' 01~ents qui empêchent le
PT,:::üer ~le lire son rélpport nu Iilaître en termes d'exploitation. Il crolt
q;.' i l Y ~ équiv:ü~nce entre le travail mr.mucl effectué aux profits du nara-
L~Jut ~t l~ pronesse de ce dernier de l'emmener au uaradis, Sa vie dans le
da::r:l.~ qui est objectivement tI.'1e vie de misère, représente pour lui une ;~preu­
ve sail.Ctifi2.J."1tE: •
Les dEnra
sont, les lieux ai} 12 confrérie reproduit son rouvoir
l~r 1& fOrT~tion du type d'hamne dent elle a besüin, Instruments de àO~1lu1­
tien des mar'üy.:uts, ils r,:'!-tiomlisent l'e.xplcit:::.ticn \\icn! le taalibé est

- 125 -
victimè. Ils ont unE' importance réelle dans le devenir ro..nuain des ta k -der
car ils font d'eux des êtres SOtmJ.is et trenbléLTlts, une chose dont le maître
peut disposer à sa euise.
Le fondnteur du mouridisme a défini~ dans les
vers SUiW.Glts s les nomles de comport6ilent du mouride :
"La prEmière, suppC'rter une fnir.l moyenne
CGIrlii:'~ 1;,;:: lion; la d.euxième (~vitez l'erreur':)
C'est d~ illaintenir longuement sn persévér2llce
Tel le fémcon chercru1Jlt à contenter son maître
La troisième c'est de ch8rcher ardemment la science,
A la façon du chien qui cherche après sa proie ~
La qüatrième c'est de patienter cenne un ch1.t :
La cinquième c'est de sauverrarder sa constance,
A fuir les ferrrnes, qui procurent les ennuis,
Tel le cochon patientant s~ aucun souci ;
La sixi0."1le c'est de suppoTter l' humiliation,
Cc1TjiIiK l'âne. Cherchez donc celui qui est dro i t
!Il (1 )
;.his !lJiladou Barrtba Temo.!"que~_le c~s c0ndi tians qui constituent
üne vérit~ble ascèse, d~s conseils de patience, d'flllffiilité, mais aussi de
respect du maître n:;; ~euvent êt:re remplies sans "la guerre sainte de l'âme"
c'est là que 5':; trouve, sdon lui, "le suprême cO!ilLat':. Combat contre soi-
même, ;x;ur se,rtir de l'erreur, pour dor1iner le monde, les pa.s sions , aboutir
à l~ renonci~tion au péché. Il s'~git de dévelcp?er, chez le tüalibé, le
I:iépris du monde sensible pnr une pratique ascétique qui le conduira au cal-
me, ~ le. paix de l' 5.-rne.
Le d::Elra
J
beaucoun contribué au succès économique de la
(1) Cités par nm·1ONT (F.).- op. cit. ,P'l 316

- 126 -
1) - Fonctions des daara
Le d?~ra est l'institution mouride qui permet un contrôle to-
tal des taalibé orienté en fonction d~s intérêts économiques des couches di-
rigeantes maraboutiques. Ses fonctions sont multiples ••
1
1
a) ~Qn~!!Q~_g~_~g!g!!~~_g~~~~~!!!~!~~_~Q~!~:~~QDQ@!~~~_~_!:~!~!!~!
des frunilles
En société wolof, les adolescents, avant le mariage, doivent
1
aide et assistance au père ou au frère aîné. A l'intérieur des familles exis-
te un lien de dépendance économique qui ui"1it les enfants au père, et les ca-
dets aux a~lés. Le chef de famille pourvoit à l'alimentation des membres de
la famille et ceux-ci, en contrepartie, lui doivent aide et assistance.
L'exigence d'aide et d'assistance a~~ parents est une norme
cul turelle fond.mnentale de la soc iété wolof. En milieu rural, la fome demi-
nante de l'assistance au père est lE. travail c1'Lls les champs. Elle équivaut,
~~ 185 faits, à mettre à la dispOsition du chef de famille une force de tra-
vail ~lon ré;:'1l.i"1érée ; c'est pourquoi l'envoi d'un garçon rural dans un daara
peut renr-és,:nter u.n sacrifice économique pour le chef de famille. A ce sujet,
Guy RJCHE1'2AU a renarqué dans les daara, que "les jeunes 'fak-der, dans la
~~jorité les cas, sont issus de familles rurales dont les domaines fonciers
sont de tOU~8 éviàence trop étroits au regard de leurs disponibilités en rnain-
d'oeuvref '. En milieu rural, l'envoi d'un enfant dans les daara, consécutif,
le plus souvent, à une décision familiale ne peut être compris qu'en prenant
en considér::tion la situation économique de la famille et ses disponibilités
en l'dr:lL-:-d' oeuvre.
Le daara récupère le surplus de main-d'oeuvre familiale ~
pe~:çtr,.irJ.Si d'.§quilibrer la ba!ance entre lrl situation économique d'une fa-
mil10 Gt SC5 disuonibilités en maL~-d'oeuvre.

- 127 -
Guy :<.r~C:-IETE..'>l.J a note, dans les daara ) ua nombre impressionnant
d' individus maTgir:2J..v:; \\h}l'~,helins d' enfants aDpartenant
7
à des castes arti-
sanales. Cette idée relative 2 l'origine sociale des taalibé des daara

été égaler:ent développée par l' anthranologue anglais D. B. Cmise O'BRIEN.
Tout se passe conne si la main et' oeuvre des da.aras se recrutait al: sein de
l~ paysmùîerie p~uVTe, Pour les familles rurales R très faible revenu le
daara constitue lm moyen de gestion des conflits sociaux, consécutifs à un
déséquilii.JT(; de la relation démo-éconOJTlic1Ue.
;~ais il peut arriver que l'entrée du mouride dans lm cl?ara soit
l'aboütiss::ment non 1~?.S d; lIDe décision far:ùliël€
mais d 'lm choix volontaire,
consécutif ;'j des cot:flits d'autorité au sein cl 'une famille. La gestion des
conflits f:;r:iliaux, apposant un père à son fils ou un aîné et lm :adet, se
fait toujours !Jar UJi.e décision de départ, soit pour aller rejoindre un parent
(le pl~s souvent c;est l'oncle maternel) soit ~our rejoindre lm marabout.
C-,aéjU2; daar" poss~de 1..I!" champ cultivf: par les taalibé qui s'y
trouv(;n';: eL p::trtici1/C 2 la production annuelle de la plus grande partie du
revenu r1onSt(~:TE: eue les Cheikh tirent de l'aracllide. En 1967, O'BRIEN (1)
avait dress8 l~ list8 des daaya contrôlés par les rri~cipaux marabouts rnou-
rides.
Tableau 1 ~::
l~o:r'bre à!~ daara contrôlés par les principaux marabouts en 1967
(
Nol" au marabout
!
Nombre!
Localltés
(---------------------------------!-------------1-------------------------------
(Faliloll jJ.BAClŒ
!
26
! Touba Bogo (22) Ndindy (4)
(Housta;lha .'·1E;\\CIŒ
26
!Tip (17) Boustane (6)
(Cheikh :':IBACKE.
22
lDarou Salam (10), Baîla (10)
(Cheikh FP,L
1S
! Sam FaU (12)
(Serigne l''!"PL~CKI: M::d:'~na
14
lt"::.ldina (12)
(Modou Khabane
14
!Dèndèye (14)
(Cneikh !1;,,'2. Baü8. :':B!'lCJcI
14
lYabbal (12)
(J;bdou Lahatte MrJ'CKE
13
!DaTou Salam (13)
(~iahmodou rffiACKI
12
! Touba ~Jb(; lé (10)
(J\\msatou HPJ,CJŒ
8
lDarou Mousty (8)
(i\\bJou R,ÜlJi'2J-lC r,·)J:;n.r HPACIŒ
6 ! Jl..1r.ar (6)
(Modou Bousso DIE"JG lvSAC!Œ
6 ! Sam Yabbal (G)
(Chérif Assa.'1f FI\\LL
6
!Knossara (6)
(
!
(1) O'BP.lEN. D.B. Croise. - op. cit.
p.167

_. 128 -
La ~Rirr d'oeuvre en service dans les daara n'est pa~ rémunérée,
1;] relation ~aalibé-·T!'.éirabout différente de celle, de type capitaliste, entre
11 employeur et l'employé ignore la notion de salaire. Cette main d'oeuvre
ne peut donc pas êt rG cOIl1p?rée, COJ"TO'œ on le fait très souvent, à un proléta-
..' }
riat agricole.
Les jeunes mourides vont dans les daaras entre 5 et 15 ans. Le
nombre d'années qu'ils y passent varie, d'lIDe manièTe générale, de 4 ~ 6 ans
(majorité des obsenrations faites par O'BRIEN). Les marabouts n'ont' pas, à
vrai dire: codifif un nombre d'années que le taalibé doit passer dans le
daara, cette durée est laissée à leur propre appréciation et peut aller par-
fois, dans les cas extrêmes, jusqu 1 à 10 ou 25 ans.
Avant de quitter le daara, le taalibé est l'remercié" par le mara-
bout pour les services rendus et il arrive souvent s qu'en guise de récompen-
se, ce denüer lui a ttrïDu;..~ un champ, se trouvant cl' habitude dans le domaine
du daara. Une fois en possession de cette terre, qu'il peut exploiter libre-
ment, lley-tak-der s'y installe avec sa fawille. Ces unités de peuplement,
implantées près des daara~, se développent au fur et à mesure que les tnalibé'
libérés des da3ras, attributaires de champs, viennent s'y fixer. Par leur
développeme:'lt, elles devierment un villar-e et finissent par restreindre con-
sidérablement le ch.J..mP du daara. L'établissement, près du daara, d'une mité
dE: peuplement qui, non seulement exploite me partie du domaine mais aussi
n'est pas totalement contrôlée par le marabout, amcrce le nrocessus de la
transfonnation du daara en village.
En zone \\'Tolof mouride, les daara qui sont devenus des villages
par ce processus sont nombreux. Tous l(;s villages 2.ctuels dont le nom CDITUrence
par "Darou" (1) étaient cl' .mciens daara . Ce mécanisme de transfonnation des
daara en village, qui intervient plusieurs années après l'établissement des
daaras sur des terres, peut constituer, à long terme, une limite à leur dé-
ve lopperr:ent, mais auss i â l' extens ion des champ des marabouts.
(1) b
1967, 268 villa[;0s nvaient m nom corrrnençant par ''Darou''.
Voir : Sénég::'.1 (République du). - Ministère des Finances et des Mfail'es
8conomiques. RépertoiTe des villages. Dakar, 1972, 111 p. dactyl0frr.

- 129 -
2) - TYT:~lorie des daar~
Le da2.ra mouride 8 comlU tille évolution n.otable :
a) Les d?1JTO: de 1:1 preJl1i€:re
période ont servi de stnlcture de défriche-
Iœnt des terres neuves du Ferla occidental . L'efficacité de l.a confrérie
dans la cOTIC;uête etH' organisation des marres orient::ües du bassin arachidier
trouve son explication dans cette fonre d; oJg anisatien.
b) Les daar2
de lQ deuxième époque sont différentes de celle de l'épo-
que pionnière qui revêtaient lme fonne provisoire. C2UX de l' €poque
piormière ~
nous l'avons vu$ se transforr;t~nt en village (1) et les tack-der; devenus des
paysans ordinaires, travaillent peur leur propre compte ,. il s' açit cl i l:tille
structure pereT'J1'-' correspondéU1t au deuxième âge du mOli'verront". Cette fonne
de daara ::l étf étudiée D?Y
..
~
Jean ROCE 2 Y.aossara...( villatTe contrôlé Dar Seri-
gne Assane FALL; kh:üifs des 3aye FALL ~). Ce m3rabout possêdait a quelques
kilomètres de Kaossara me exuloitation pérée en cia:'!r?
Il deTIlr1Jldait aux villageois de Kaossara de fournir la ITBin-
dl oeuvre n6ccssaire à 11 exploitation d,~:;O', d8.arr.~. (3) Cette fonne est tille
structur~ p~rrr~nente Qui ren~JVelle sans cesse son personnel" recrùté dcns
le: village de Kn05SGra : Ci est le daar8 de l' apr~s corr~;uôte pionni?:re. Il
ne constitue pas tille Gtë,r.:-'E: de 18 !,olitiquE d'a?propri::~tion de l:espace par
les colons mourides. un morrent du processus de fcm.~tion des villé'.ges mouri-
des, cor.m.::: ce fut le C-:!.5 dans le p2.5sé. Cette forme de dq~ra intenrient au
monK,nt l~ population mouridc se stabilise.
x
x
(1) Voir à ce suj ct, 1 'histoire de Darou Rakhr;12J10 racontée p~T CheiXh SYLLA
~ Ph. COlm'.
In : H:lÎntena..'1e8 sociale et chalgeme!1t économique au S~jnés!al. Tome 1 doc-
trine éconornique et pratique du travail chez les mouridc5 P::Iris : Op.5rOM.
1972 p. 125
(2)
Décédé dans la nui~ du 6 au 7 juillet 1980.
(3) ROCIi( Jean).
Emploi du temps et orRanisation du 'tT8vail"\\pricole à
f.aoss::!ra.
\\
In : tbintenance sociale et cb.3IlfeT!1:~nt tconomique au Séné-
gal. Paris OSSmM 1972 p. 16

- i3D -
C0nçu CH) dépnrt COrr:mE: tme structure d.' é.!.V=3rlt farde dans la stra-
t§gie de cor.quête territorisle, l<:~ daD.r~ est dev.:.=nu: par IR suite, illl élément
esseJ1tbl du systè;ffie: d:~ prf:'lévement :maraboutique et lID'2 stnICture d' encadre-
ment (les pays?Jls rr.ouride5. Il introduit U1"1e donnée nouvelle d;ms le systèrre
des Drestp,!icns que la confrérie LtTIpose à ses membres.

- 131 -
II
- / LE VILlAGE !'OUF1DE
/
Les villages t)Tiquement mourides ont été créés au moment des
vagues de colcnisation dirig~es par les élites mar8~outiques. Ils constituent
une unité politique contrô10e uar les ITl~rabouts.
L8 méthode de contrôle politique des villages est la suivante :
ils sont p12cés sous l' 2utorité du fondateur ou de son descendant. Celui ci
instolle dMS les villages ses fils, frères oU·.taalib{. Far ce système, quel-
ques grandes fami1l0S ~\\aurides arrivent à contrôler une bon..l1e partie des
terres. Les chefs dB village mourides sont théoriquemsnt des représentants
du marabout et, en ce sens ont une autononùe restreint[>.
Contrairemmt au daara, dans les villages;. la production paysan-
ne ni est pas totaleJ'l"t8nt contrôlée par les J11ar~bouts. Les travaux de 1 'ORSIDM
montrent qU(' d?.l"ls les villages JT.{)urides il y a une primauÛ§ de la production
familiale sur la production maraboutique. Mais le système mouride rural dont
la logique consiste à dffager un surplus au profit des élites maraboutiques
n'est pas affecté Dar un tel chanp:erœnt.
Alors que dans le daara la production paysanne est totalement
contrôlée ~aT 12 IDaTQbout. d~ns le vi11afé existent deux secteurs:
- la production f3I::i1i>l1e qui est se:rb1ab1e 3 celle des fanùlles non-maurides.
- les activit§s générées par la confrérie dont le caractère essentiel est
qu'elles reposent sur l'utilisation d'une main-d'œuvre gratuite.
Cette dich.otomie est à vrai dire purement. formelle car les deux
secteurs d~ rroductian ne SŒlt pas indépendants (1).
Divers méc~~ismes per-
rrettent aux rr,arabouts cl ~ cp·('h'er un prélèvement sur Ip: production f3J!lilb1e.
(1) ContraireffY-)nt il ce qU:è i-'{~r'se .JE'a~ ROCH.
Voir ROCE (Jean). - Emploi du temps et organisation du travail afTico1e
a Kaossara.
In : CRSTOM. Trav. et Doc. nO 15, p. 163.

- BZ -
a) ~~9f!!~:~~_r~!~g~~~~_Lh~Q~!Y~)' Il s'agit èiun don que les taalibé
font, ch~qu(; 8..'1J1ée;.;:n IUlrabaut. G. ROQ-ITEAU reIT'.:'lrquait(1)~n1977,
que l'had-
diya rapportait; la f;1êrl~' <i":Y'!é;8> deux millions de francs CFA à un JT1arabout
situé entre le 20e st lt 30a rang de 1ê confrérie ; cette somme correspondait
à la mei ti;} •.\\: ses revenus armue1s.
Le.:; n:O:1tants versô9 par les taa1ibés TUraux aux rrl.arabouts sous
forme ct l!1adè.iya se présent2.ient ainsi dans les villages de Barou DIOP et
Darou NDItYt...
Tableau 11
Montant de l'haddiya d~s 2 villages mourides
!
!
Montant
! Pas de t::.d.diYit ! 500 à 1995 F! 100C à
2000 à
3000 et !Moyen-
_______________________._ !
!
! 1909
2999
plus
! ne
!
I l ! des
tes TI~asculins d e s !
! !
! dons
. llages
!
!
!
!
!
!
------------------------!----------------[------------!---------!---------!---------!-------
!
!
!
!
!
!
arou DIOP
! : 5 !
2
!
8
!
5
!
4
! 2100
!
!
!
!
!
! francs
-----------------------_.!---------------+------------!---------!---------!---------!-------
!
!
!
!
!
!
arou NDIAYE
! . . !
!
12
!
3
!
6
! 2300
!
!
!
!
!
!
F
!
!
!
!
!
!
Elle est recOITTlard8<2 1?ar l' isl3J!l. Générê.brent l'assaka est pré-
levée sur les cultures Vi\\Tièr~s et n~rfais sur celles d'arachide.
L'~ssaka revêt~ le plus fré~~emment lE caractère diune aumône
destinée aU]~ nécessiteux
le mar8bout en est rarement le bénéficiaire. L'étu-
de faite par Rocheteat: dâl'"l5 deux villages mouridcs s sur la destinRtion de l'as-
saka, le dén,ontre assez '::la:i.T:::nent. Il ressort du tableau suivant que dans
les cleU]: villaf.es en question, l'assaka est le plus souvent, selon la prescrip-
tion cOT<'lT~ique)
destinfe au.."X ~mnrres.
(1) ROCHEITl,L: CGuy). - Pionniers r;'()urides ;:lU Sénégal : colJnis9.tion des terres neu-
ves et transfonnation cl 1 tme économie p~ysanne. ORSJUH, cen-
tre de Da:G1r Hann) 1973 p. 27.

- i 33 -
Tableau 12
(":Yi.,;::ine et destination de l: assa.ka (1) dans 2 villar:es de
colonisation.
1
f
i
Darou N' Diaye
;
Darou Diop
-----------------------------i-iy!~~~gZ_~rQ~_~~_l~~Zl
;_ry~~~§g~_~!~~_~~_1~2Z1
_
re d'individus masculins
t versés l' assaka SUT
achide
.
16(sur 24)
.
.
14 (sur 25)
D
..
ination
11
7
au marabout
1
3
familial
4
4
d ,
.
(1) !
l..lr.
serVIC:C ,
!
o
o
re d'individus rr.asculins
t versés l'assaka sur le
.... .,." ... 18(sur 24) ....
.
18(sur 25)
ination
tmlône :
o
o
13
on au marabout
o
on fa:nilial
"7
,
3
éJTILITlération d'lm
rvice (1)
o
2
L' institution villageoise mouridc typi'1U2 r~st le "toolu alarbal!
(cha.'TIp du 8".;rcr'3di). OL':.q~li:' villé'1ge cultiv~ lm ou 'plusieurs chmnps destinés
ClUX m2r3bouts. Les c::y,',c't0ristiqu8s ôe ces chaJl11)s O!1t été étudiées par Jean
HOOï dans le village-) de ~:p_ossaré'..
Ils sont de F::;iblr:: :;:.uperficie et mobilisent
une TJ1.'}in d'oeuvre iE';"h')r!'11ït.e, i l en résulte que ';le tY8vaH dCJnc,ndé à chaam
nc renrésémtE oue quinze i=i vingt heures en rnoyen..""lf: C;-'_2Cjue 3J'J1ée". (2)
cit.pp. 26
(2) ROCH (..Jcan). - El!Iploi du temps et organisation du tnw:ül i1.gricole ~
KaCSSSYél.
In : )':;aint~nance socÏ<1.le et cr.a.ngem::mt économique au Séné-
gal. Paris~ OR~~, 1972) Tame 1, page 161.

- 134 -
D~ point de vue politique et 8conOôique~ le villageois mouride
est beaucoup plus libre que le taalib6 des daara, 1 1 institution villageoise
mouride rc lâc...'lt: le lien de dépendance maraboutique. Dl aut re part) i l est né-
cessaire de le souliP-Jlcr, contrairerent à lIDe idée répandue, jamais les vil-
lageois mourides ~'ont ~;rsé aux marabouts la totalité de leurs récoltes.
III
-j LE DAHlRA
j
Par rapport au daara et aux institutions villageoises d'encadre-
me:i1t typiquement mourides, le dahira marque lID changement qualitatif impor-
tant de 1 'orga:."1.isation rnouride. Jüors que les i"'1stitutions décrites c;i~
..'
dessus sont essentiellement rurales et ne peLn~nt fonctionner que dans le ca-
dre de l'éconowie rurale, celle-ci est d'origine urbaine. Le dahira est lIDe
conséquence de 1 r extension de l'espace de recrutement d.e la confrérie.
Le dahira est ur~ association religieuse musulmane qui n'a rien
à voir avec les associations traditionnelles africaines de ~ype culturel.
Il ne regroupe pas des candidats possibles à la vie rituelle,
et n'a pas pour ~ission principale - comme c'est le cas dans les associations
culturelles traditiorlllelles - la réalisation d'individus pléniers dans le ca-
dre d 1 org3nismes initiatiques. On remarque, de wBnière générale~ que ce der-
nier typ~ d'association est lIDe société close dont l'entrée est barrée par
tout lID cérémonial d1adrrJssion.
La comparaison des dahiras aux classes cl' âge des sociétés afri-
caines traditionnelles relève de la plus grande f~J.taisie. Les classes d'âge
hiérarchisent les organismes initiatiques et c'est par ces hi6rarchies que
la société assure la fonnation de ses meIPbres. Dans la classe d'âge existe
une codification de l'âge requis pour être ~dmis d~J.s le r.roupe~ des rites
de p.:!Ssage et lIDe séparation des sexes. Or rien de tel ne se produit-nous le
verrons -;:>lus loin-dans les dahi:ras.

- 135 -
D'autre part, il serait absurde de comparer le dahira à la cel-
lule d1une société secrète du genre de celles qui naissent actuellement en
Occident. Il peut être défini COJmlC la structure d'encadrement de base du
mouridisme urbain.
L'origine sociale des dahiras nous a été bien résumée par r~us­
tapha Lü : "au début les mourides étaient des étrangers en ville. Il leur a
donc fallu trouver tm instn.uœnt par lequel ils puissent se regrouper, se
connaître, s'unifier". L'me de ses premières fonctions fut de reconstnrire,
en ville~ les bases de l'tmité et de la solidarité villageoises. Cette unité
ne pouvant pas sc réaliser autour de la même activité économique, cormne c'est
le cas dans' le dlamp du m~Tabout, le daara ou dans le village, les mourides
ont dû chercher m instn.uœnt leur pennet~ant de r,érer les problèmes secrètés
par cet environnemnt nouveau qu'est la ville. Le dahira est donc l'institu-
tion par laquelle les mcurides ont tenté de reconstnrire l'tmité villageoise
dans l'environnement urbain. (1)
Comme nous l' HVonS vu, avant l'indépendance, il n' y avait pas de
quartier mouride à Dakar. Pu'( adeptes disperses dar..s la ville le dahira of-
frait lme structure de rencQltre, de connaissance, son objectif manifeste
était le suivant: se faire connaître et conn~ître les ~ltres. (2)
Le dahira est donc lm moyen de défense contre la solitude urbaine,
le lien le plus solide lmissaït l'adepte à ses co religionnaires et au pouvoir
central de la confrérie. En tant que tel, son rôle dans la politique url.Jaine
de la confrérie est capital.
La fonction de défense jouée par les dahiras urbains était d'une
importance indiscutable pour les mourides qui émigraient vers Dakar. Ceux ci,
veaant de régions où ils formaient lm groupe majoritC'lire, se sont retrouvés
dans lm milieu où ils sont minoritaires par rapport 2.UX tidianes, mélangés
aux adeptes d'autres confréries et souvent traités, s~rtout par les tidianes,
de mauvais Im.lSulrr.ans.
(1) Le souci de la vérité historique nous oblige à remarquer que le délura
fut, à ses origines, une organisation tidiane.
(2) Les mourides que nous avons interrogés insistent beaucoup sur ce dernier
aspect.

- 136 -
Dans 11.:-~":: '1:6110 situation; seul le dahira a pu offrir aux mouri-
des urball~s~ de la Dre~JèT~ h~ure> un moyen de défense adéquat permettant
d' entE'tcr:ir l~-::uT foi. Il a rempli la fonction d'encadrement, remplaçant,
avec efficacité; les st~~ctures rurales de la confrérie.
DI autn:' paTt: les élites maraboutiqLcs ont, elles mêmes, encou-
ragÉ' la ~ré:ltiO::l des .-1ruün, urbains pour entretenir les conditions de fonc-
tiormeY:'Cr:t :::t ,je reDroduction de la relation taalibé marabout, ce dernier
aspect sur laqu:: 1.1e 12 mouridislT.€
met un accent particulier n'a rien cl' éton-
naiît Ql18Eè. ,J:1 :2.it que 12. confrérie
repose sur la relation taalibé-marabout.
Le:; dahira t)J",t également servi dl instrument de propagande des
marabouts nourides. Leur utilisation dans les luttes d' influence des mara-
bouts a été :epérable durant la période de conflits entre l'ex-khalife général
Serigne Fali lou :'·,ffiACKE et Serigne Cheikh Amadou i"ffiACKE"
Leur création n'est soumise à aucune autorisation préalable du
ministère de 1; intérieur, D1ailleurs comment l'Etat pourrait-il contrôler la
création d'associations d.e type musulmun (1:1r:.: U.Tl p2.ys composé à 80 % "d 'hom-
mes de 1; Islam" ?
D; lme f;'ill1ière générale, l' adhés ion 3 un datira ne soulève pas de
problèrre particulier. (Il 1".1 existe pour le candidat au:un c6ré!T'.oniél1 dl ini-
tiation pré~lable r, S~ <ldh6sion au dahira). Toute adhésion. est le plus sou-
vent validée !)ar url'~' carte rie membre échangée contre une somme fixée par
1: asscrnhlée .Ju dclüra.

- 137 -
CHAPlTRE IV
l
'ORr;fj~J 1SATT o~~
L
." '". li,
.
~..
r...
D'UN
DAHIRA

- 138 -
1) - Généralités
L'organisation d' lm dahi ra est calquée sur ce Ile des organisa-
tions profar8s, en l'occurence celle des administrations de type occidental.
Presque tous les dahira élisent un organe de direction : le "bu-
reau du dahira". Les bureaux de dahira ont, à peu près 1 la même composition :
Président.
Vice Président.
Président d'honneur (génér21ement choisi en dehors des membres ~ pami les
notables religi~ux) .
Secrétaire général.
Trésorier.
Secrétaire à l'organisation.
Secrétaire à la propagande.
Dans l'organisation mouride, le dahira est la seule structure
où existe un bureau. Contrairerent au daara, placé sous l'autorité absolue
et immédiate du marabout et réré P&I le.: ~":;;:<'::'·:.tc.nt de celui ci (B6k-nek),
le dahira est 1 dans une large mesure ,une structure autogérée. Son organe de
direction n'est pas désigné par le TI'.arabout mais élu par les membres. Ainsi
donc. on peut penser que le da.~ira correspond à un relachement de la struc-
ture d' encadrerrent maraboutique.
Au niveau de llorgai'lisation globale de la ,:onfrérie le dahira
constitue lm€:'
étape importante de la modernisation de l! organisation mouride.
Ge système d'organisation n'est pas basé sur la naissance mais
sur l'effort individuel mis au profit de la confr.'Srie. (lest ainsi qu'on peut
appartenir à une caste jug~e inférieure, au sein de la société wolof tradi-
tionnelle 1 et avoir un poste élevé dans la structure 'h.i8ré:rchique du dahira.
Dans l' instiLltion typiquement mouride tr~,ditionnelle qu'est le
daara. il n ' y a pas de bureau. En son sein le pouvoir politico-économique
est concentré entre les mains du marabout ou de son délégué, les taalibé

... 139 -
n'interviennent pas dans la prise de décision. L'autorité du marabout et elle
seule est garante du fonctionnement de l'institution. Par contre ,le dahira est
~énéré pGY les taalibfs, l'exercice du pouvoir n'y est pas le fait d'un seul
mais du groupe dans son ensemble.
Toutefois, il convient de souligner que les statuts mis en lu-
mière par l'organisation n'un dahira mouride ne sont ni traditionnels, ni
modernes. Dans le système traditionnel mouride une telle crf.anisation n'exis-
tait P?-s
d'un autre point de vue on a l'impression, en analysant certains
statuts des dahiras, d'être en présence de ce que A.ZEMPLBH appelle ''tme
comédie des statuts de type administratif et occidental à style hiérarchisé"(l).
S'agissélnt de ce dernier point il est intéressant de noter que les statuts en
question ne correspondent, le plus souvent, à aucune fonction précise.
En le clismlt, nous pensons aux bureaux de certains dahiras com-
parables à celui de ce dahira rural~~ui comportait les postes suivants :
président,
adjomt
secrétaires,
adjOii1t,
commissaire aux comptes.
adjoint~
trésorier,
conIDÜssaire au plan~
adjoint,
commissaire n l;org~~isation,
adjoint,
président d'assemblée,
adjoint,
'1) COLLOMB H~ Z8'-1Pllil\\lI et STORPER D. - quelques conr,idérDtions sur le rôle, le
statut et les relations inter-personnelles en Afrique 73 rd tnnual Conven-
tion of American Psychological Association. Cnicago, 3-7 septembre 1965
p. 6
(J.) COPANS (JeaTl). - Entretiens avec des marabouts et des paysans du Baal.
OP5TOM. centre de Dakar-Iffinn, 1968, p. 68

- 140 -
assist&tt technique des femmes,
16 adjoints ~
3 conseillers techniques.
2) - L'adhésion
Con~Tairement à ce ~ui se Dasse dans les classes d'âge des socié-
tés africaines traditionn~lles. il n'existe pas un cérémonial d'initiation
préalable à l' '?ntrée cl ~ un taalibé dans un dahira.
P2r contre quiconque postule son ~drnissi6n lianS un dahira doit
remplir ill1ë condition primordiale: être rnouride - Cette qualité s'acquiert
par une cérémonie 'lui 51 appelle 14j'-ébbalu" et qui consiste en tm acte d' all &
geance par lequel le taalité s'engage a reconnaître co~ seule autorité spi-
rituelle le marabout qu'il a choisi ~t accepte les obligations qui découlent
de la relation taalibô-r.Iarabout (obéissance, offrandes relipieuses etc ... )
Cette cérémonie sanctionne et justi{ie l'inégalité entre les deux
partenaires et int~r,Ye le taalibé au système hiérarchique della confrérie.
Théoriqucme::-:..t. le choix du marabout est libre mais, dans 1ô. pra-
tique, i l obéit à une nonne généralement admise par les taalibé. Le disciple
choisit touj ours son marabout dans l' tm des gyands lignages maraboutiques. Et
ce choix est lui mê:ne dicté par celui des propres parents du taalibé. Ainsi 1
pour donner un exemple
lorsque le père cl 'un taa1ib6
J
2
COJl'JTlZ marabout un gra"1d
dignitaire de la confT6rie~ ses fils choisiront leur Inarabout 2 l'intérieur
de la faJi'ille du même dignitaire.
Co~nt s'explique cette stratégie d'adhésion?
De son viVélIlt, Prnadou EaIT'ha était entouré par ses proches parents
et ses disciples. Liautorité de cet entourage grandit avec celle du fondateur
de la confrérie. C'est au sein de cette élite qu'fm~rgèrent ses principaux
successeurs ct quelques grandes figures aujourd'hui disparues. Parmi elles on
peut citer, Cheikh Anta; Ma."T€ Thierno, Marne Mor Diarra frère du fondateur,
ou ses fils i'lJllinadou Moustapha, Falilou et celui qui, parmi tous les disciples,

1.:.•
'J.
- 141 -
marQua le plus l'';voluticm de.l8 confrérie : Cheikh Ibra FALL. ces grandes
figures ont contribué a façonner le mouridisme conterr:norain
..
~
, en faire un
groupe uni et décidé.
Les principaux frères d' knadou Bamba semt, après le fondateur,
les fi~res spirituell~s les pllŒ importantes de la confrérie. C'est pourquoi
chacun d'eu:~ a, aujourè-. i J.1Ui, un Khalife~ sorte d'autorité spirituelle de cha-
que lign~~e marabcutiqu0. ~es représentants de ces lignages constituent dans
la logique du système mouride, les intermédiaires avec la figure fondatrice
du lignar.;e eL par conséquent avec i\\r..adou Bamba. 111§oriquerent, le choix opéré
yar le taalibé, au moment du jébbalu, consiste à se rattacher à Amadou Bamba
en pasSffilt par les intermédiaires que constituent les différ~i1ts Khalife des
lignarcs maraboutiques. Dans chaque grande famillé: rr.araboutique, les fils
peuvent~ comme le père; être choisis comme marabouts mais, dans la pratique~
le jébt.a1u se fait, le pl1Js souvent, au marabout chef de ligna?e ou à son fils
ainé. Le premier est privilépié, ~ cause du fait qu\\il est l'incarnation de
l'autorité 3 l'intérieur de son lignar,e, le second parce que c'est lui qui
hérite des taalibé
àe son père, en cas de décès de celùi-ci.
Les petits frères du chef de lignage peuvent, égalerent, être
choisis comme marabouts~ mais les taalibé qu'ils peuvent avoir ne peuvent pas
numériquement être comparés à ceux du premier. En outre. il est gén~ra1ement
admis, en socÏ'3té wolcf mouride, que les petits frères d' lm marabout, du fait
du système du droit d'aînesse.sont considérés comme taalibé de l'aîné.
Globalement
cette cérémonie, le jébbalu, sanctionne l'entrée du
l
taalibé dans la conf.rérie et orr;aTlise la distribution des fidèles entre les
principaux marabouts.
D'une manière ~t~rale la ~érêmonie se passe de la façon sui-
vante. Le ta.aliM se ret ~ ,~enoux devmt sen marabout et J'rononce les paroles
suivantes : "je r..e SO\\.I'I'lets ~ vous em'ps et ~) je 1re remets totalement à
vous pour ici-bas et dans 1 i au-delà". Et le mrabout rupond : "il faut suivre
les instroctiCl'lS de tœ Illarabout". Au cours de cette cérélfYJnie le taalibé fait
\\ne offrande l'eli~ieuse au mraboot. Lorsqu'il 5' agit d lun """.Jr'ide urbain et

- 142 -
,~
lj
que le rr~y~bout controle des dahira en ville, il arrive souv~nt qu'il lui
demande de rejoindre U!l de ces è.ahira. Pour tout mouride l:adhésion à un
dahira ne soulève: pas de problèmes particuliers " Lé. procédure cl' admission
est très simple. Ce qui est demarldé au rostulant c'est d~ \\~rser périodique-
rœnt sn cotisation, d: assister (lUX réunions du dahiT;:: et de n: pas seJœr la
discorde d3I15 lE: grOï.1JX-o. Beaucoup de dahira) au moment ds l".ldhésion d'm
nouveau membre, lui dflivrcnt une carte de mewnre mais cert~ins n'ont pas en-
core opté pour cette procédure qui, il faut le rewarquer; est rècopiée des
associations profanes.
Le mouride milite norrnalement dans un dahira formé à l'intention
de son marabout, mais si son marabout n'est Das le ~~alife général, héritier
spirituel cl' /\\Jïladou Bambé'.., il est smùaitable qu r i l p()rtici~ à la vie d'un
dahir2 destiné
au ~1alife général des mo~rides~ Ce phénoffi~ne
nous a étÉ- clairement expUqué par ~JCagne 11:L\\M, d..n in:foTJTlateur très pédago-
gue, en nous donnant, COlT;TI1"2 exemple, son propre cas. Le marabout de Ngagne
TRIAM est Serigne Saliou MBAC:h'E de Pikine. Un daIür8 dirifé par Mor IŒBE a
été créé pour serigne Saliati ~''Bf\\CKE. NGagne THL-'\\.1\\-i èSt m.:mihre de ce dahira
mais il est égalerrent rœmbT8 du dahira cheikhal kjariim touba Sandaga. destiné
au Khalife des 1'1ouricbs; ,-,t Je la fédération des dêhin mourides.
Cet exemple montre, la stratégie par laquelle les mourides adhé-
rent aux dahira et la viRee priInordi:=tle du Khalife des rnourides dans le contrô-
. !
le des dahira. C'est pourquoi nous pensons que la lutte pour le contrôle des
dahira, Cl est 1 \\affaire des autres marabouts et non celle du k,'1alife général.
Les mourides aya~t codifié le principe de créer partout des dahira
destinés
à 1 'héritier de Serigne Touba (..AJnadou Bamba) ~ placent d'emblée le Khalife gé-
néral Gans une nosition privilégiée. Mais cela n \\:~r.ïpêch(; nullement que des
marabouts, autres que le l;11alife r.énéral: Duissei:t contrôler. dans me ville,
les dal1iras les plus importants.
3) - Le système de contrôl~ des dahira
Au début ~ sous le khalifat de Falilou l\\ffiACY.E> les dahira
étaient
d~s organisations partisililes qui se sont développés dans tme atmosphère assez
particulière : celle qui opposait Falilou MBACKE ~ Serigne Cheikh l'J!l8dou

- 143 -
~~\\CKE. Ils jouaient la rôle de moyens de contrôle politique ou de propagande
en milieu urb:1in. J\\pTè~ le décès de Serigne Fali10u et plus tard de s~rigne
Cheikh, cette situation conflictuelle semble s'apaiser et on assiste à l'af-
fimation de l'autorité indiscutable du Khalife. Nous savons que Moelou Bousso
DIENG et les mourides de Darou tvbusty regroupés autour de Serigne Cosso Astou
10 /'vIBACKE semblent se démarquer, quelque peu, dans leurs déclarations, de Se-
rigne i\\bdou Lallat, w.ais l' autorité du Khalife n'est pas contestée COJtllœ elle
l'était durant les khalifats de ~1amadou l>!OustB'pha et de Falilou MBACIŒ.
Abdou Labat est le leader par lequel les rnourides gonrnent tn1
passé réc0nt 1 tralD1latisant, ma.rqué par des conflits permanents dans l' admi-
nistration centrale de 12 confrérie. Et tout se passe come si l'effacement
de cette p~riode trouble passait par une affirmation de l'autorité indiscu-
table du Khalife général.
Modou Bousse ~ fils de Falilou ~ffiACKEj s'est opposé, pendant lU1
temps, F; Abdou La.'I)at MIACJŒ ~ THais actuellerent la rivalité entre les 2 hom-
ïœS semble s'estomper. Nous savons néanmoins que presque tous les dahira au-
paraval'lt contrôlés, à DOlkar? par Falilou MBI\\.ClŒ se sont rr.aintenent affiliés
à Serigne ~bdou Bousso DIENG.
D' autre part; les anciens dahiras de feu 01eild1 Amadou MBACKE
se sont regroupé~ntmefédération des dahiras Serigne O1eik.i-J MRACKE de la ré-
gion du CaD Vert. Ils se sont affiliés à El Hadj serigne !'-1BACKE Sokhna 1.0,
Khalife général de la fa'1".ille de feu Serigne Chei}rJ"l MBACKE.
Les dirigeaTlts de ces dahira (1) au Cap Vert sont : El Hadj
TafsiT CISSE, El Hadj Ndigou DIOP, transporteur, Serigne Ibrahima BA, entre-
preneur; président du dahira Nollk.'I)a BAD, Serigne l'.bdou Niane Prés ident du
dahira Taif Pikine, Serigne filldoulaye NG1~; gérant jt une situation ~bbil oil
situG sur la route de ~Jfisque.
(1) Ces dahiras ont organisé le 11 mars 1979, le rnagal cornr-émorant le 1er
anniversaire du repos de l' âIœ de Serigne Cheikh MBAClŒ. Les céri§monies
se sont déroulées en présence d'une foule très noobreuse à Darou Minam en
face du mom.nnent de l'indépendance de Dakar.

- 144 -
Orl peut dire eue dans le cas des taalib5
de ~bdou Bousso et de
Serigne ~~~KE Sokhna LO~ il Y a une reconnaissance de l'autorité du Khalife
mais en mêJK temps un refus de renoncer à la personne du marabout chef de
lipnage.
Cette situation s'inscrit dans le conteÀ~e général de compromis
entre les différents le~ders de l'administration centrçle de la confrérie qui
ont cœrpris C'J8 leur i.'1t.§rêt n'est pas dans la division) COI'!'lIlC ce fut le cas
dunmt l~s khalifats dG ~.a.madou ÎI'1oustapha et Falilou MB.t\\CIŒ. Néanmoins ce
compromis ne signifi8 pas ~'1 0ffacement des partic~laritfs des différents li-
pnages maraboutiques .. SE:rigne Modou Bousso DIENG et Cosso !"stou LO }1BACKE
continuent, comme' feu 'PalilouMBACKE~ R manifester leur attach-cm8nt à Léopold
Sédar SENGHOR. Les ta.'3.J.it.~s de feu Serigne Cheikh J'>.13/..CfŒ perpétuent également
la lign~ de leur IIarabout : <~ttitude d'hostilité 3PTnrcnte vis à vis du pou-
voir politique mis en place par Léopold Sédar SENGHOR.
Cette situation de non-affrontement entre les leaders des diffé-
rents lignages maraboutiques; tmique dans l'histoire du mouridisme, permet à
Serigne Abdou Lahat d1a.dministrer beaucoup plus facilement la masse des taa-
libé. Ces derniers n03 le considèrent pas COITll11E: llTi. Khalife partisan. voulant
défendre les intérêts oe tel ou tel lignage maraboutiquc mais, ~ la limite,
comrœ "le Kha.life de tous les mourides".
4) - Toponymie des dahira
Dans tous les dalüras recensés 1 auam ne porte un nom étranger
à la ~onfréTi8 mourids. Ils n'ont pas de nom français ou wolof non mouride (1).
(1) Pour me comparaisor, aux associations de jm.illf;S à Dakar: se reporter à
BILLEN ~':., le l:;tiERINEl. N. et !-'tJREIGNE J.P. : les associations de jeunes à
Dakar (approche d lun fait social objectif) In : Ps)'chopath. Afr. r 1967 ~
III, 3, 373-400. Approche des associations de jeu~es p2r obse~lation di-
recte, entretien~ test socio~trique et étude des ~Tchives de 16 club de
jelmes du quartier ~ffioti Pom de Dakar.

- 1i,S -
La tapon~ie des da~ira marque bel et bien la volonté des mourides d'autogérer
leur vie culturelle et de lutter contre toute forme d'acculturation. En donnant
à leurs dahira le nOIT; de la câpitale du mouridisrne, ou du fondateur de la con-
frérie, les mourides affirment et marquent leur origL"lalité. D'UIle manière gé-
nérale, l~ localité où se trouve le dahira est toujours précisée da"ls le nom.
Cela est rendll nécessaire par le fait que plusieurs dahira portent lt même nom.
Pour c!.ési[Iler un dahira on ne dira pas "'!DUBA" tout court; ID<lis Touba "Sandaga" 9
"TOl.!"Rf.~ EI,},f 1 > "Touba Université!:. Si le clahira porte le nom dt flKhadimou Rassol"
ou lm nom empnmté à la littérature mouride, sa localisation géographique est
toujours précisée.
5) ~ Système de cotisation
Dans les dar.ira de Da~aT que nOl~ connaissons~ il n'y a pas de
système de cotiSation standardisé. La SOITllre (1) collectée et la périodicité
des cotisations varient d'un àaP~ra ~ un autre. Ces variations s!expliquent
souvent par référence au statut socio-économique des membres : ph~ le dahira
regroupe des mc~TPbres au revenu relativernent élevé, plus la cotisation sera
élevée.
Les cotisé'.tians sont hebdomadaires ou mensuelles. Fondam.:mtalement
elles sont destinées aux 0pér~tions suiv8ntes :
- achat d<=: Œtériel nécessë.ire à le. vie du dahira
- c2.isse de solidaritÉ Dour les membres du dahira do~t 11 0 bjectif manifeste
consi.stc È. éll)portcr illl S'JUÜeD. :fin:.mcier à tout membre qui en 2. objectivement
besci::-l
::-'<,riafe, décès d ;~_rr: parent etc ...
- dons aux na.ra.bouts.
Il ::~st dO;lC faux de penser que tout l'argent des dahira sert à
financer les marabouts. A 'lYai dire, une seule partie leur est destinée.
(1) Le plus souvent, le mont211t est de 25 à SO F CFA "DaT S8TT'zine.

~l.
)
--
- 146 -
~~sc ù nart la cotisation hebdo~Edaire ou ITBnsuelle, les dahira
participent s parfois s ~ un système de cotisation extraordinaire: le SAS.
Quand la confrérie r6alise tme fTTél..nde oeuvre colle.ctive, comœ la mosquée ou
l'actuelle bibliothèque de Touba, elle demande à ses fidèles de participer
à son financement. Le pouvoir centr~l de la confrérie, ~près une pvaluatian
des besoins, 2e~m1àe aux adeptes, r~unis en dahira, de contribuer à la réali-
sation de cette oeuvre. La contribution de tout mouride à 13 réalisation
cl' une oeUVTE; co11ect i \\Te, Cl est le "SAS". Dan5 le SAS, les é1 i tes rnraboutiques
- -
-----'-
fixent atLx fidèJ.cs une somme minima et jamais U.Tl maximllrn. Î\\·lais. l"~nthousias-
me de certau1s disciples les pousse à dépasser, largement, ln somme exigée:
"liggeyu :r.ourid ma xer" 18 mouride est dém~sur(; dans ce c~u; il fait, nous dit
Ngagne 1HIAM.
J\\u mornent de la constnlction de la bibliothèque de Touba~ le
SAS consistait, pour les mourides, à acheter le matériel d'iITJPrilœrie. Abdou
Lahat MBi\\CKE avait chQ.rg~ les dahira
ref'Toupés da.'"lS les fédérations de dahi-
ré!
du Cap Vert dl acheter le matériel d'imprimerie. Le dahira Cheikhal Khadim
Touba Sandélge: en 1975, avait dOMé tme contribution de 185 460 F CFA pour
l'achat de ce natériel.
6) - R&gle~3nt intérieur d'ur! dahira
Contr::ürement aux associations profanes> heaucoup de dahiras
nôont ;as un rèplement codifié, ce qui se justifie, à un niveau idf.ologique~
par le f~üt que pour les mourides, hnadou Bamba a ":tracé la voie à suivre".
Ngaf!IlE: TIllJ-\\r~ l'explique en disant qu'on ne peut alièner persormc de sa quali-
té rie mouride.
Bl tout ~tat de causes dans l!organisation traditionnelle qu'est
le daara, il Il'existe pas de rè~lement codifié comparable 3 ceux des organi-
sations politico-administrativcs. L'option IT.ouride entr:üne, aux dires des
fidèles, l'~dc~tion et l'intériorisation d'une règle de vie et de comportement
dont l'0.16ment f8ndorr~ntal est l'obéiss3I1ce au marabout. Cependant, quelques
dahira mouridçs de Dakar ont codifié un rèrJ.enent intérieur recopié sur celui
des associations profanes.

- 147 -
L'adopticn du règlement intérieur codifié, élément étraneer au
système dl organisation rnouridc traditionnel, peut-être interprêté COlme tm
.
-
palier de modernisation du système mouride.
L'organis~tion traditionnelle mouride, le daara, encadrait des
paysans analphabètes. Dans cette structure la seule autorité admise était
celle du marabout. Entrer dans tm daara équivalait à accepter le principe
cl 1 obéissance au marabout ou à son représentant. DaTls le daara ~ le pouvoir de
décision est assum0 par tm seul individu le marabout, et il ne saurait être
contesté par :PCTsonne car il trouve son fondement dans 1 i idèologie mouride.
Par contre, le dahira est placé sous la responsobilité collective
de ses membres. Il'
n'est pas, comme c'était le cas avec le daara, directe-
went géré , ad~istré· par les élites maraboutiques ou leurs représentants.
Le dahira est placé sous la responsabilité collective de ses membres. Il crée~
dans l'organis2.tion il'touride: une JP.utation dans l'exercice dupolNoir politi-
que. Celui-ci; d'individuel, devient collectif.
Dans cette structure,l f ob8issance doit être faite à un égal élu
démocratiquement. sur la base de critères qui n'ont rien à voir avec le cha-
risme. Or, pour que 1 îéeal €lu
soit obéi et que lui mêrre respecte la volonté
groupale:, il est nécessaire de réaliser un consensus social assez solide.
fin ni~~au id8ologique les mourides aàmettent que le consensus
qui les rétmit autour dE; la pensée du maître est beaucoup plus fort que les
rena,r'ces de division du mouvcJœnt.
Ce contrat social, diffus dans maints da~ira, est codifié dans
d'autres sous faIm:: d'un règlement intérieur.
7) - Le siège du da.~ira
L8 sièg3 du da~ira est le plus souvent LL"18 JTI.?ison nonnalerent
habitée, il ne s' agit pas d'un local loué à cet effet. Le dahira élit son
siège, soit a~ domicile d'tm de ses membres, soit à celui d'une nersonne âgée
faisant partie des membres cl 'honneur de l'association. Pour les dahira de

- 1.:18 -
jeunes, IR pcrsor~îe gui offre le siège de l'association est fréquemment du
sexe féminin, elle cst la "Ndèyu dahira/'(mÈ're du da.~:i..ra). Son rôle est d' of-
frir aux rr~~brcs de l'association un lieu de réunion hebdomadaire, d'aider à
la préparation des Tepas~ lors de l'orranisation des grandes cérémonies reli-
gieuses a'nnucHes.
Il n'y <1; à proprement parler, ?UClUl investissement à faire
pour la location d'un siège. Ln membre de 11 association offre, spontanément,
sa maison pour se:''.lir il œttc fi..Tl. Cette offre est volont<3.ire et, pour qui
ccnnaît bien les mourides
c' (:st IllE' joi8 suPr8rne pour TI importe quel taalibé
1
de faire de sa m.aison un lieu de rendez-vous hebdoIMdair{: des "adeptes de
Serigne B:.rnba".
La gratuÎ té du si(?e entraîne des déDenses de fonctionnement
peu élevées : é1-chnt dE:' natt0s, mp..tériel de préparation de th§ et T:lrerent ma··
tériel de sonorisation Dour l'organisation des chants religiel~.
Les rélIDior..s. ce dahirél sont h~bdomad.aires> elles se déroulent
g6n(:ralencnt d?..ns 1;:1 nuit du jeudi au vcndred i . Elles sont l' occa-
sion de la Tf~citcction des poèmes cl 1Amadou Bamba, de causeries sur les diffé-
rents aspects de la vie du foncL1.teur du mouridisrre.
Dltme manièr2 [énérak on constnte qu~: 1.:: contenu des réunions
(chants dE; poèmes; cOITmcntaircs de la pensée cl 1 J\\):v'lciou Bamba) place les let-
trés dans une situation de contrôle du pouvoir car ils constituent le groupe
qui peut comprendre et exrli(1lE~r le sens des poèffi8s
que les autres chantent
et r0citent sans les cOJ1T:)rendre.
Dé'J1S certains dahir8 Baye FaH, le dk'U1t des poè~s s' accompa-
gne souvent de Jr.'clsique et cl 'une danse dont nous soulignions; dans notre mémoi-
re de ~~îtrise, l'aspect très érotisé.
~es réunions G2 da~ira Bayc Fall comme celles qui ont lieu, û~a­
que semaine ~ près du m2.rcœ ~le colobane présentent ur" caractère très laxiste
qu'on ne retrouvL': pas dans les autres dahir? mourides.

- 149 -
Elles prennent pEl_rfais lm aspect de fête populaire et de défoule-
ment collectif; les Baye Fall urbains s'y rendent en portant l'accoutrement
spécifique aux adeptes àe cette fraction de la confrérie.
Cette ~ise en scène vestimentaire pourrait signifier la recherche
d'une identification au modèle comportemental du Baye Fall rural.
En milieu rural, la tenue vestimentaire Baye Fan s'intègre dans
lme logique d'ensemble qui consiste à se dépouiller pour que le marabout ait
tout. Or, pour le citadin, les choses deviennent plus complexes. Il y a une
tentative de faire fonctionner un comportement que les structures économiques
ne perwBttent pas. La réalité éconoITjque est celle de la compétition et de
la recherche d'un bien être rr~tériel, c'est celle de l'affirrr~tion du moi. Il
se produit une mutahon dans la structure psychologique dê l'individu. Or
cette dynamique de la concurrence est incompatible avec li idéal Baye Fall qui
maintient les fidèles dans une situation économique presque identique et frei-
ne l'émergence, au sein des adeptes, d'une minorité économiquement jYnamique.
D'autre part ~ la tenue vestirœntaire Baye Fall, jugée "nonnale"
pour les ruraux, ne l!est pas pour les urbains. Et c'est cela qui explique,
~ la limite, que le comportement du Baye Fall urbain relève plutôt du ret,TÏ.stre
du dé['uiserœnt: al porte la tenue Baye Fall pour aller aux rénions de dahira,
aller assurer le service d'ordre, lors des chants religieux, ou aller mendier,
chaque vendredi, corrme .1 e font certains chauffeurs de ta:d.
Or, &ïnS cette nouvelle attitude s'opère un gliss~8ent de sens.
La tenue vestimentaire sert à revendiquer un statut ~ montrer qui on-veut être,
à se situer. La tenue ne fait plus partie - comme c'est le cas chez les ruraux-
du vécu quotidien du disciple, de la manière d'être Bayc Fall, elle devient
une tenue de circonstance.
- Le mouridismc continue cependant à recrlter, comme ce fut le
cas dans le passé, dans les couet~s sociales défavorisées de Dakar et de sa
banlieue, dans le peuple des très pauvres, à la merci de bien des aléas. Au

- 150 -
prolétariat et au sous-prolétariat urbain dakarois, qui mènent une vie quoti-
dienne enveloppé(: dans 1<l misère. le mouridisrre offre) awmt tout, me é va-
sion collective ,une revanche sur les misères et les conditions de la vie (1).
L' obsl~nration montre que le mouridisme maintient son aspect de
motNement d'encadrement des couches sociales défavorisées mais s ces dernières
années il a recruté dans des groupes traditionnellement peu portés aux choses
de la confrérie: élèves s étudiants, intellectuels d'une TIkinière générale.
Le recruterent le plus remarquable au cours de ces dernières
armées est celui des ·:5tudia."T'J.ts et élèves. Dans le passé, auCtme confrérie
sénégalaise n'a pu, à vrai dire, procéder à un recrutement comparable à ce-
lui que les mourides fant actuellement chez les étudiants et élèves sénéga-
lais. En 1979 llassociation des étudiants mourides de l'université de Dakar
datant seulement de 5 lliiS s comptait plus de 400 Jr.;3mbres. D'autre part. dans
chaque lycée du Sénégal existe actuellerœnt tm dahira. Les dahira de lycé.e
sont de création récentes exception faite de celui du lycée ~~urice Delafosse
de Dakar, presque tous les dahira de lycée sont nés en. 1978-79•.
Cc Tecruternent dans les milieux scolaires s'inscrit dans l'en-
gouement des jeunes sénégalais pour le mouridisrne~ D'une manière générale,
le recrutement relativement important des jelllles lrbains est un phénomène
sens prGcédent dans l'histoire de la confrérie. Actuellement les jeunes mou-
rldes jouent le rôle d'avant garde idéologique du mouvement et offrent l'exem-
ple cl' un milit3I1tisrne remarquable.
8) - 1)rologie des dahira
Les dahiras mourides ont tous la même finalité mais l'observa-
tion montre qu'il est possible de les diviser en quelques groupes significa-
tifs.
(1) Nous nous sommes stricterrent liwit6 à ce sujet; à la confrérie mouride.
~mis il est presque certain que le recrutement des confréries sénép.alai-
ses au sein de ces couches sociales s'explique; en partie, par ce méca-
nisme.

- 1S1 -
Il rCfroupe s g§nsra1erent s des mourides d'un mêr:e quartier ou
parfois des r..oüricks venus d'un autre quartier pour rej oindre tm dahira re-
groupa""lt des adèptes Qi]' i l c::onnaissent déj à. Les dahir3 de quartier sont assez
nombreux. Nous en avons recensé 8 dans le quartier de Pass. Ici le critère de
forrration du d~lir& est géographique. Le dahira de auartier traduit l'tmité
des moqrides dispersés dar:..s une rnême aire géographique, Ce type semble numé-
riquement dŒ!"inal1t à Dakar.
Il s'agit des dihira formés sur le modèle de celui des étudiants
rnouridcs ~ l\\univ~rsité de Dakar. LBS à&lira scoJairei comprennent l'associa-
tion des étudiants wourides et l'ensemble des dahira de lycée. Actuellement,
on peut dire; SéU1S risque de se tromper ~ que presque ché'que lyc.§e du Sénégal
a lm da'1ira.
La ~ro1ifération des d&~ira de lycée est récentes elle date: à
quel,~ues exceptions près s d'3 1979. Certains d'entre eux ont été crées à la
suite d85 r ..,:mifestations organisées les 24 et 31 décembre i 979 Dar la fédéra-
tion des jeuTles mourides du Sénégal à la mémoire de Ar.adou Bamba et Cheikh
Ibra FALL.
Des relations étroites tmissent les responsables des dahira de
lycée à ceux des dihira
des étudiants mourides. NombrelD~ sont les élèves mou-
rides qui assistent, chaque vendredi, aux réunions du da~ira des étudiants qui
se déroulent d'habitude d,ms les quartiers de Ijsicap rue 1Qô! ou de "Gibraltar".
Les dahira scolaires sont LIDO crGation des mourides urbains s ils constituent,
actuellement, le principal i!lstnD'll.:mt par lequel les mourides crganisent la
campagne de propagande en destination des intellectuels sén~rtl1ais~ non encore
conquis par le mouridisme.
Nunériquement, ils sont moins nombreux q....ie les d~"lira de quartier s
mais :lrésentent Il aspect ori.ginal d'être des associations rI i intellectuels, im-
plênt6s dai1s un secteur traditimmellement contestataire. Ce fait ne

- 152 -
signifie pas que les dahiras sccl~ires sont des lieux de contest~tion car
certains élèves sont farouchement opposés à l'établissement de pareilles
structures
dms les lycées. Cert~ins nous disent que "cela fait le jeu du
régime", d'autres avancent les arguments suivnnts : ';si c'est bicn illle éc:ole
JIDuride qu'on veut imnlanter dans une école laïque (1) les questions qui en
découlent restent brûlantes à bien dcs dOTI1.c'1ines. LI école coranique par exem-
ple nous y sorn:nes passés tout comme nos frères chrétiens du lycée sont passés
à l'école C9.téchiste. Mais, en entrant au lycée nous avons consenti de gar-
der notre fonnation religieuse en nous. Les I!Dlsulmans sont musulillfu'"1s p'1r con-
viction. Les chrétiens, chrétien.s de bonne foi. Donc i l elpp3.raît qu'en un
lieu où ces de~x catégories col~"bitent, l'islamisation, ni l'évar~flisation
nlont leur pl8.ce". (2)
En tout itat de c~US€, ce mouvement de protestation contre l'é-
tablisse~ent des dahira
~s les lycées ne semble pas en mesure d'arrêter le
pr~nomè~e, il a plutôt réussi à en faire la publicité. Il n'existe ~~s dans
les lycées une organisation pmnrant faire face aux mourides organisés en da-
hiras. Il est donc possible que ce mouv€J'TIent
naissant prenne de l'a'ilpleur d'au-
tant que les 6tudi~~ts mourides leur ap~Rtent illl soutien organisationnel
asSE;Z important. Di ;mtrc l;~rt, il cst ccrtaii1 que l'Etat sénégalais ne peut pas
décider de dissoudre ces dat~ir3.
11 s'agit de ceux qui naissent cLms une entreprise, dans illl
service, ach"ninistratif ou dans un marché etc ... On r~ut dormer comme axemples
les dahir~s de la SOCOSAC CTouba SOCISAC) du rNrt (dahira des dockers), des
Grands ~·Dulins de Dakar, (T'ouba Grands M.oulins), du DélhiT8. des onployés du
Centre des Oeuvres UTliversitaires de Da~'1r etc ...
(1) Souligné p2.r nous (H.G. DIOP)
(2) SOW (Dc'Ulou). - Réflexion sur les dnhiro.s scolélires ;
In : PENCUM dnara ne 2, 1979 (journal du lycée Vnn Vüllen-
hoven). p3ü - 32.

- 153 -
Le critère de c0nstitution de ce type de Q~hirn est l'unité du
lieu de tr~~~il. Il faut préciser que ces dahiras ne jouent pas, dans les
entTepris~s, 13 fonction d'un syndicat de travailleurs. Ils sont crées essen-
tiellaT,ent l!,)ur l r entraide des travailleurs et ln promotion du mouridisme.
k:;211rlOinS nous s~vans que durant le lC~~lifat de Falilou, les
corrnr.erç'lnts du marché "S::mdagall utilisaient le dahira comme canal de leurs
reveIldicntions mr-üs cette fonction semble avoir disp-3.TIl aujourd 'hui. Les
0~~~erça~nts regroupés dlîllslle d2hir2 no~é &ihiratoul Cheikhal K1k~dimTôuba
Sancle.ge, dirigé ~1nT Ng:lgne TIHAM et El Hadj i Ndiaga GUEYE, sont regroupés avec
les commerç(mts des autres confréries dans une association laïque qui traite
des problèMes liés à leur profession.
C'est panni les membres de cette catégorie de dahira qu'on ren-
contre les lùou-:.-ides qui composent le le3.dership urbain, Presque toUS les
Présidents d8 Fsdération de &L~ira du C~p-Vert sont des cÛ~lerçants : c'est
le cas dE' Scyi::llle NGOM, Ndiagél GUEYE, Bnmba DIAW, etc, .. Aëtuellement, ils
jouent le rôle traditionnell6Tlcnt tenu par les représentrillts du klnlife
g.§nGral ;{ Dabr. Ce dernier les cannait personnellenent, c'est par eux que
p;:.ssent les instructions que l' adnünistration centrale du mouvement destine
3llX ~J1ouriàes de Dak:lr.
Contrnirment aux é'.utres types de dahir1., celui-ci ne D:..~ît pas
de critèye g0o~Y1phique ou pTofessioTh~el, il est basf: sur u~e spécialisation.
des 'lctivités. Il se spxblis~? <b.ns le cn'1l1t des pOi~Iü8S d'f\\.ITlJ.düu Bmnb::. C'est
donc une des ~ctivités r~bituellcs des ~2hir~ qui est ~yiss ici COMme activi-
té princip:üe. Cette spécidisation demande que les E~bres ds ce type de
dahira corul:::-~issent les poèI:tes d' Anndou Bœ:.ha. Cc genre de d'lhir2. a été créé
ror Serigne OLnrar DIOUF (taalibé de Seri21le Saliou >SACKEî à T~1iès. SeriQI1e
~
~"
e
YDr Tnlla KE3E est le premier à en créer à D.:l~Lr.

- 1:4 -
W ÏI;-rporte que l taalibé mouride peut adhérer à plusieurs dahiras
à la fois. C'est ainsi que B. T.~.LL nous dit appartenir à une dizaine de dahi-
ra. Théoriquernent i l n 'y a auame limitation du nombre des adhésions d '\\ID mê-
me taalibé mouride.
Les JT!Qurides urhains, co~ nous l'avons vu, sont regroupés en
dahira, struct~re de base d.e 1; crgaT'lisation confrérique urbaine. Les dahira,
à leur tour J' sont organisés en féèérations de dahira. Les prill.cipales fédéra-
tions f'lOurides du Cap-Vert sont les suivantes :
- Diw3.il.u Muridina. Dirigée par Serigne NGOM ;
fédération des dahiras Chei~~al Ynadim Touba Sandage dirigée par Ndiaga
GlJEYE ;
fédération des dahiras 01eild1al Khadim Touba Goure Senghor dirigée par
Bamba DIAW ;
fédération des dahiTa de Pitine dirigée par Dame EA.LL
- fédération des dahira de P\\llfisque di:-if6e par c:heE:h GUEYE
fédération des jelD'les ITlourides.
Les présideIits des féjêrations de dahir? o~t tendance il jouer
actuelleJr.ent le rôle traëiticn..."!.ellernent tenu Dar le représe::.tal1t. Ci') d1l.".
marabout.
Les Présidents de fédérations comme Dame FflLL; Serigne MBACIŒ,
Ndiaga GUEYE, Serigne NG.."Y'!: diw211U rvluridina" Bamba DIN\\'. Cheikh GUEYE et }·1alick
GCISSE jouent actueller,ent le rôle de représentants du j'fl.arabout dans le Cap-
Vert.
(1) Cheùh i\\ssan( GUEYE représentait Serif.Ile Abdou Lahat dans la région du Cap-
Vert. ~1ais depuis le décès de 01eikh Assane GUEYE aucun autre représentant
du marabout n'a été désigné à sa place.

- 1S5 -
Darne FAU et Serigne ~ffiACKE représentent Pikine ~ Ndiaga GUEYE
Serigne NC{}.1 et Barrba D~~ représentent Dakar. Cheikh GùéYE et ~~lick GUIS-
SE représentent le Khalife génPTal à Rufisque. Les présidents de fédérations
font ainsi partie du nouveau leadership urbain et en plus des fonctions
qu'ils 3ssument aussi bien au niveau des dahira que des fédérations, ils
exercent ce:le d2 médiateur
entre le n1alife général et les mourides ur-
bains.
Le rôle joué par les présidents de fédération dans le système
de contrôle des taalibé
urball1s est une innovation introduite dans la ges-
tion de la confrérie par le khalifat de Abdou La.'1at. L'éltction . des prési-
dents de fédération de dahira 5. la place des représentants traditionnels
constitue un des aspects de la nouvelle organisation mouride, elle marque
la volonté politique d!Abdou Lahat de gérer directement sa clientèle urbaine
qui choisit, elle mê~, ses représentants. Dans le ?assé~ entre le leader-
schip urbain constitué ps'r les présidents de fédération et le Khalife général
ils y aVDit un intemédiéiire (Ndawal Sermhi). Mais, de nos jours les rela-
tions entre les présici.ents de fédérations et lladministration centrale de la
confrérie sont directes.
On notera, toutefois, eue bon nombre :ie dahirô ne font pas
partie des fédéT~tions: c1est le cas des petits da.~ira de quartie~ de créa-
tion réœp.t0: ou de quelques grands dahiTa
CŒ1r.B celui des étudi.3Ilt~ mouri-
des évalup., en 1979, à plus de 400 ~embres.
Dans une déclaration radiodiffusée le 11-(·-1980; Serigne Mous-
taphé Bassirou ~1BACKE, spécialement char?é de llorganisation des grandes
manifest8tbns de la cotl.fr~rie, a donné aux taalibé le modèle de l' organisa-
tio:'] urbaine que l'administration centrale de la confrérie vellt promouvoir.
Dans le schéma qu'il a tra.cé; le dahira est la base dt~ système dt organisa-
tion urbaine, JTl.ais il a exhorté les taalibé à se regrouper en fédérations de
dallira, puis cr, lme organisation centrale qui serait l'un.ion des fédérations
de dahira.
/\\ux yeux de l ç aàministration confrérique> l! 2VélIltage d'un tel
type d'0r~anisation consiste à unir sous une même autorité les adeptes

- 156 -
urbains~ p'~ttant ainsi l'établissement d'un relais unique par lequel les
marabouts pourront véhiculer leurs ordres aux fédérations et aux dahira.
Une telle idée nlest pas nouvelle chez les mourides. Déjà,
durant le k.~a1ifat de Serigne Fali10u MBAClŒ, des tentatives de regroupeIœnt
des différentes fédérations SOQS une même autorité avaient été tentées, sans
succès. O'BRIEN a déjà assez bien analysé les conflits entre les fédérations
de dahira dB 1! ('poque .
En tout état de cause ~ il semble auj ourd 'hui encore très diffi-
cil:; de mettre sur pied cette autorité centr21e sans risque Je Rénérer les
l'ilêIœs conflits oui ent leur explication dans les rivaJ.it8s entre les diffé-
rents litylitr:es lT'.araboutiques
La diversité des fédérations C!ui épouse la diversité des li-
gnages ffiaxaboutiques n'autorise pas à penser} contrairement à ce que disait
D'BRIBJ, que les mourides urbains pourron,t mettre sur pied une organisation
autonome à l'intérieur de la confrérie. L' organisë.tion urbaine semble dépas-
ser) difficilement, le stade des féd6rations. D'ailleurs tous les dahira ne
sont pas encore lnewbres des fédérations à plus forte raison d1une union des
fédérations de da~ira. L1 0bstacle wEojeur à cela rp.side da~s'le fait que les
taalibé sont loin d'être SUI le pOL~t de renoncer à la particularité du li-
gnage maTaboutique à l'intérieur duquel ils ont fait acte d'allégeance.

-
157 -
CHA PIT R E
V
17 ~S MEMBRES DES DAHlRA

l
- / TYPOLOGII
DES
!',DEPrES
/
En choissant CŒI~2 paramètre le degré de connaissance de l'ara-
be ou du ceran, on peut diviser les mourides urbains en trois groupes.
1)-Les lettrés araboohones
Le ~oupe des lettrés mourides ne constitue pas.' à vrai dire,
l.me frélctien numériquerr.ent importante. Il comprend certains marabouts et,
d'une manièTe générale~ des adeptes qui ont été à l'é~cle coranique, les
étudiants en arabe. Du fdt ctu! ils connaissent les textes d' Jimadou Bamba,
les lettrés se démarque~t du reste de la confrérie. Leur connaissance des
textes du fondateur leü7' offre une possibilité d'exercer lLl pouvoir réel sur
le reste des fidèles. Ils sont à l'origine de la nouvelle forme de propagan-
de qui s' expriFc ,. en psrtie, de!Jtll.s 1976. par l' orf~nisatian ê.11Jluelle d lune
\\'selTl?ine cvlturelle Amadou Barrba". Le caractère spécialisé des thèmes abordés
ren0 difficile, voire i~ossible. la participation effective des illetrés
cla,îs ce l.ype de mê.nifestation.
2) - Les lettrés franconhcnes
.
Il 5: agit d'adeptes qui, ne sachant par lire le coran ont néan-
TI~ins appris le françnis et, de ce fait, pe~~ent accéder à des textes tra-
duits. ~~is le car~ctère très lirrJté des traductions d'Amadou Bm,~a ne leur
permet pa:, de connaître) ?vec précision, la pensée du TIl.aître. Ils sont donc
placés d?I1S une situation de dépendance vis à vis des premiers.
3) - Les seEus-lettrés
C'est le greupe de ceux qui
ont appris, par coeur, parfois
sans en ~2isir le sens, les teÀ~es d'Amadou Bamb2, reproduisant ainsi un
type de comportement très courant û'1ez les mnsulmans sénégalais. Nombreux
sont en effet, au Sénégal C' les musulmans qui durant toute leur vie récitent
des versets ~ie C'Jran dont ils ne comprennent pas la signification.

- 159 -
4) - Les analpnabètes
C!est pa~i eux que les cŒlrréries sénéf,alaises ont le plus
cl' adeptes. Dans ce vroup(-:, le mouridisrne est vécu et non intellectuellerrent
intériorisé.
Mise à part cette typologie, il est ?ossible de diviser la
masse t10uricle en rrrandes catp-gcries, en. nrpnp.nt comm:.; par8.mètre le comporte-
ment dl fidèle vis à vis de son maître. Les mc>urides ~ eux-mêrœs, se divisent,
à l'heure actuelle, en 3 blocs siBlificatifs : les mouridës sadiix, les mou-
rides rnodfTês et les ::mcurira ::-1; do" (activistes).
5) - J~ mouride sadiix
Dans 1'idéologie des fidèles, le mouride sadiix est celui qui
suit, 8 la lettre, les instructions de son marabout~ l'ad~pte qui accepte
de se dépouiller pour magnifier son maître. La norme comportementale dll "mou-
ride sadiix" consiste à. renoncer à tout pour Que le marabout ait tout. Il se

( , .
t
)
b
' d
c l . . : l "
... "d
aonne
(;.10)( !JOpP0.ffi.
au I!'P..ra out et c est
ans ce
on v.e SOl que resl e, es-
sentiellement~, la r:1êLlque dt., son attaG~ement au marabout. Ce dernier constitue
pour le 'lmouride sadiix" un autre soi -œme ~ tille image narcissique.
Il existe ~c ~îalogie remarquable entre le comportement du
mouride 58dii:·: et œlle du EBye FALL, Le premier comme le second placent
leur adh5sion religieuse da."'1.5 illl renoncement aux choses matérielles, On peut
dire, Sé'JlS risque de se tromper, que le modèle comportemental du ''r.1curidc-Sa-
dih" en ce qui concerne J. ~ a'!:titude vis ~ vis du ma1tru
- est la copie
cor:fonne de la façoE sp€cifiquement
B8YS Fall de sc situer par rapport au
marabout. L;:: TIlouricle Bara TALL précise que cette catégorie cïe disciples est
de plus'en plus r:lre.
6) - Le r;'l()uride modérc
Celui-ci, avant de suivre les instructions du marabout, prend
en considération ses possibilit8s~ 5lIrtOut éconowiques, Il ne présente pas

- 160 -
me tendance il la démesure ou Z, l'obéissance aveugle. Chez ce type d'adepte
le principe de réalité, surtout économique, prime sur le modèle D'obéissance
au marabout. C'est
sa"situation;' économique qui dicte le comportement qu'il
adopte vis à vis du marabout.
Para TALL explique la différence entre HIe mouride s8diix" et le
mouride modéré en prenant comne exer.1plc le don au marabout : "lorsf1.u 'un mara-
bout dit 3 ~ mouride sadiix ~ufil a besoin de 5 000 F, ce dernier, même s'il
ne dispose pas de la somme~ fera tout pour la lui procurer, dans les plus
brefs délais. Par contre, le mouride modéré ne donnera que selon ses possibi-
lités" .
Cet exemple montre que les critères les plus couramment utilisés,
à commencer par les mourides eUY. mêmes" pour diviser la masse des fidèles en
blocs sigr~ficatifs. sont l'ob?issance et le don au wBrabout. A vrai dire, il
s'atit là de deux principes que l'idéologie mouride codifie.
7) -
La dernière cat~~orie de mourides est celle que certains adeptes
appellent les "mourira TI 1 do". Ce sont les adeptes beaucoup plus portés vers
l'activisrœ (lue vers l'obéissance stricte aux instructioEs du rnarabout. Dans
ce groupe on retroU\\~ parfois certains qui restent des ~lée5 sans aller voir
leur maTahout. Chez le "mouriTa TI; do" le mouridisme est: m.::ins un fait vécu
CBtte typo1oeie, acceptée par les mourides eux-mêmes., établit
une hiérarchie (1) au sein de la masse des fidèles, codifie lm nlodèle compor-
temental pr€:f€rentiel
concrétisé par l'attitude du :'mouride sadiix". Au bas
de cette ~1i6rarchie se trouve "le monrira n' do!!. Ceci est di auta.::.t plUs remar-
quable que presque tous l8s mourides revendiquent: explicitemer.t ou non, le
titre de mouride sadiix mais personne ne se dit nmourin~. nI do".
(1) Serigne MBACKL Nioro disait à Jean CDPANS : "il y a des bons taalibés et
des m~uv~is. Est maU'lais taalibé celui qui n'écoute pas les bons conseils
de san rr:arabout: qui fait tout ce qu' il veut pour son propr~ intérêt. Un
vrrri 'taalibé doit toujours respecter les ordres de son marabout".
In . COPr'\\NS (Jean). - Entretiens avec des marabouts et des paysans du Baol.
ORSTO;"i) centre Je Da.~ar I-)a'1P..; 1968) p. 12.

- 161 -
L'utilisation du critère de l'obéissance au marabottt, en vue
d'établir 1.IDe hiérarchie paroi les fidèles, se retrotNe dans les descrip-
tions habituelles que les mourides donnent des tidianes.
A ce sujet, la description du taalibé tidiane~ fai~ p?r Mousta-
1
1
pha FALL, est assez revélatrice de l'idée que les mourj"~es ont du respect du
principe de l'obéissance et~~ les tidianes : 'Un taalibé tidiar~ est un pa-
resseux ou plutôt ce sont des orgueilleux. Moi si mon marabout me dit : Mous-
tapha va G~erchez un fagot de bois sec: j 'y vais tout de suite. }!'êre s'il me
trouvait ici avec vous et s'il me donnait l'ordre, ;e l'exécuterais. Mais si
j'étais tidiane, et que le marabout vienne me dire ici d; aller chercher du
bois, je serai très f!êné, je dirai qu'il me considère corrane un ch.ient!. (1)
8) - Ckiz-ines soctl1es des membres des çlahira
Parrrd les ~œ~ira aue nous connaissons toutes les catégories so-
cio-professionnelles sont représentées, il y a rarement ur~ 11l1ifo~ité sur le
plan de l'activité professionnelle. Les mewbres proviennent d'horizons socio-
économiques è-ivers (2). C'est ce qui distingue, VT.llsE;Ir'1üablement ~ ce type
d'orgaJ!isation de l!organisation ~ouride rurale qui, regroupe des égaux. (au
niveau du statut socio éconoTIÙque) .
La base de recTUt:m~:nt du mouTidis~ urbaiIl TI i est pél.S 1.IDifonne,
elle refEte les dynamismes socio-0conomiques de l'envirormement social daka-
rois : ou~iers, cornmerçants~ fonctionnaires, policiers, professeurs, chô-
lœurs etc... Cette base de rscruternent, assez large; donnE' au 1î10uridisme son
aspect inc:mstcstable dE; f.louV(~ment de masse.
oJ COUfY (Philippe). - Entretie!1s avec les marabouts et les pél)'sa'1S du Baol
ORSIDM; Centre de Da\\ar Hann, f~VTier 1968, p. 32.
17) Né:mmoins 1 comme nous le verrons plus loin, certains dahirél présentent
une assçz grande uniformité de situation sociale.

- 152 -
9) - Les inorganis~
Nous désignons; par ce te!T!'le, les mouridE~s qui ne sont pas rem-
bres des dahira (1). Il ne nous a pas été possible de fournir une cs~tion
dés inorganisés.
Il se renàent an.'1uellcment 3 Touba! lors du Grand Magal, mais,
misa à part cette participation annuelle à la vie de la confrérie, leur aeti-
vité pour le rnouridismc e st presque nulle. C' cst seulem;mt am:: inorganisés,
et non à l'ensemble des mourides urbains que peut s'appliquer la fmneuse for-
rule de 0' Br:.IEN selon laquelle !Iles mouriàes urbains ne sont pas de vrais
mourides'; .
Pami les motifs de non ad...l)ésion aux dahira~ certains COITBœ O.S.
L~génieur disent qu'ils nIant pas le temps d'assister auX réunions hebdoma-
daires des dahira. D'autres comœ C.T. étudiant en médecine; préciscilt que
l'essentiel est d'avcir un marabout et de lui rendre visite p6ricdiquement.
Au yetLx de C.T. une certai!1e fonne d'activisme ne SE justifie '[Jas.
N' étal1~ pas rembres des structures urbaines de la. confrérie, ne
participant pas .) la propaga'-ld,:; en faveur du mouridisme, les inorFanisés sont
des 'néo mourid0s".
(1) Nous savons que les grands honmes cl r affaires rnourides de Daks.::- ne font pas
,!
partie des dahira. Cette non part1 C1pation ne si,P.l1ifie pas Ui") quelconque
désint~rêt des problèmes
de la confrérie. Elle ~ Vexplique uniquement par
le f2.it que ces hOIIIJreS d'affaires se rendent souvent à Toubu, chez le Kha-
life gérléral. D'autre part~ ils entretiennent de~ relati8ns tr2s étroites
avec le leadership urbain de la confrérie mouridû.

".
- 163 -
II
-1 ETuvE DU RECRUTEMENT DES ADEPTES 1
1) - .l\\nalyse de l'évolution dl} recrutement dans quinze dahiras
Tabl:-;:m 13
EvclutiŒ1 du recrutement dans une quinzaine de dahira
Nombre de uembres
!
ID du daJiira
Loc21ité
Date de crêation !----------------------
!
!
! Au début
! En 1979
-------------------------!----------------------!---------------·---I-----------!----------
!
! !
laise Diarne
! Lycée Blaise iliagne
!
Février 1979
!
SO
!
1S0
f
!
!
f
II L M !
29.9.77
!
20
sa
!
J
!
e
! Médine
!
1966
!
7
60
l
!
!
Fallène
! Médina GOl2ë8.SS
!
1967
!
30
90
!
!
!
Lahat
, Touba Pikine
!
1977
!
100
!
!
!
" cko
! Pikine
!
1978
!
3D
30
!
!
!
arou Khoudoss
! Pikint:'
!
1962
!
7
25
!
!
!
AU
! Us L'le EÈ'Tl8 T:üli
!
10. 12. 78
!
9
52
!
!
!
ahi
Ouagou Nia-ye5
!
6.11.77
!
17
67
!
!
Dareyni
U "
..... '
,.., Il"
s me ~~f;~Y; ! 8.
l
!
12. 1.68
!
Zf
80
!
!
. Khadil!':
Thiaroye Gar8
!
1963
!
2
78
!
!
adimou Rassol
Darou salam II Pikine!
14. 2.76
!
12
72
1
!
'-' Chcü}d; Ibra Fan
Fass
,
juillet 1977
!
12
30
1
1
Diarra Bousso
! tv!édinc
janvier 1977
!
150
!
170
-------------------------!----------------------!------------------!-----------!----------
!
!
! !
TOT ft. L ..•...•.•...... !
,
, .. ,
!
,... !.. 392
1 054
1
!
!
!
!
!
GIobalement~. dans 1,~s dahira qui figurent dans ce t~bleau~ l'évo-
luticn du recrutClTient est COH5tEmte. On notera < toutefois ~ que ~3.J'S les dahira

- 164 -
.,".
de création TGc~nte l'évoJution est très forte. C'est le cas des d~~ira de
Touba Blaise Dingne, Touba PikLne etc ... D'une manière générale les dahira
qui datent de 3 ou 4 ans coîncident avec une période marqu0e p3r le renouveau
du mouridisme et UEe adhésion rnassive des jeLLT\\es.
Tableau 14
R2p.'1rtition des membres selon le sexe dans quinze dahira
(
( L O C A L I T E
fn-MES
(--------------------------------------!-------------~------
--------------------
(
!
( Touba Blaise Di.3cne
!
142
8
( Touba HU1
!
30
20
(
!
( L~~arre
!
48
12
( W.:ü.8ur Fallène
!
S3
37
(
!
( Wakeur Lahat
!
S2
48
( Dahira Hincko
!
30
(
!
( Touba Darou rJioudoss
!
2S
( Wakeur Khadi.m
!
40
38
(
!
( Sope KhadDTIOU Rassol
63
9
( SODe MélIne 01eikh Ibra FAiL
30
(
( Soklma Diarra Bousso
130
40
(
( Touba FJ\\LL
51
5
( Chicroulahi
!
60
!
7
( N
__~~I~~ D
__
' ,.
. cl
l -
~E2~~~_~~~E~_2~_~2!.
!
74
!
12
_
(
! !
(
ml'AL ....................!
798
!
256
(--------------------------------------1--------------------!---------------------
(
!
C
TOTAL GENERAL
!
CS4
(
!
!
Ces chiffres traduisent la situation généTa~_f' des dahira de Dakar
m3!"quée par 1;:;. présence des femœs. Contraircrent au dûara mouTide, qui est une
comm.mauté agricoJ.e essentiellement TéseTV€r~ (lUX hommes, le dahiTa <,;st une ins-
tituti on al} le mélange des sexes est admis.

- 165 -
!
~.
Tableau lS
Ta.~x GC participation, selon le sexe, dans quinze d~~ira
!
!
PARTICIPATION
EN
%
!----------------------------------------------------------
DAH IRA
!
!
!
!
H~r,NES
!
m"f;1ES
!
Ensemble
-------------------------------!--------------------!-----------------!-------------------
!
!
!
Blaise Diagne
!
94 7
!
5,3
!
100
!
6C
!
40
!
100
!
!
!
e
!
80
!
20
!
100
!
!
!
Fallène
100
!
53,9
!
41 , 1
!
Lahat
!
52
!
48,
!
100
~üncko
!
!
100
!
100
!
!
!
Khadim
!
SE, 9
!
41 è 1
!
100
!
!
!
adimou Rassol
!
100
87,5
!
12,S
!
Cheikh Ibra FAIl.
!
1C G !
!
100
!
!
!
!
100
76,5
!
23,5
!
!
91 •1
!
8.9
!
100
!
!
~9,{.v
ln 4
100
!
L
"
t
!
Dareyni
!
;:6;1
1 3 ; ; 9 !
100
!
!
Ce tableau offre me vision de la distribution "par sexe des rem-
bres d: chacun des 14 dahira donné s à titre cl' exemple, Il mor.tre l'écrasante
majorité des hOIrnTIes dans chacun des cas; exception faite cl ttm dc"'.I1ira qui est
réservé aux ferrm:s"
Le taux moyer: de la participation d{~s femmes délIlS le.s dahiras
ffiçntionnés se présente co~ue suit :
Tableau 16
Taux de participDtion par sexe dar6 quinze d~1iTa (récapitulation)
(
1 Q"
• •
·0
(
. ,cepartltlon en .. "&
t--------------------------------!--------------!--------------------------------
(
HÜJ\\'NES
!
7 9 8 !
75> 8
(
! !
(
! !
(
Fet1ES
!
2 5 6 !
24,2
(
! !
(
! !
(
HISHffiLE
!
1 0 5 4 !
100,0
(
! !

- 166 -
Le taux de participation des feT":1lTIe5 (24; 2%) ne doit pas être
sous-estim6. Il montre qU8 par rapport ~ l'institution traditionnelle mouri-
de rurale rfs~~!ée aux hOITrrêS qu1est le dRaya, le dahira pr€sente
une diffé-
rence fon3lli:'Bntale, en ce sens qu'il admet le mélaTlgQ. des sexes. Son mode de
recrutem.mt est donc moi.:lS exclusif que le claRra.
En tout ét,-,t de cause; ce taux, de 24.2 % n ~ est pas très éloip,né
de la r~alité. L'exmnen dt; la situation religieuse et du degrF: de participa-
tion des feT"JTIes à toute forrœ de vie associative peut .o::onstituer l.ID élément
cl' apprécütion du résultat que nous avançons.
La situation religieuse des femmes du Cap-Vert» telle qu'elle
ressort
de l'enquête réalisée, en 1971, par Berloît FEFRY (1), se présente
COJTiJ1,;o sui-::
Tableau 17
Situatio~ religieuse des femmes du Cap-Vert
(
(
REL 1 G ION
REPPRTITION EN %
(---------------------------------------!---------------------------------------
(
!
( }.Usulman2
!
94 , 7
(
!
(
dont
tidirme
!
62,1
(
~ouride
!
15,7
(
Khaéhya
!
12.7
(
Lo.yène
!
O?9
(
Autres
!
3,3
(
!
(
!
( Chrétienns
!
4,9
(
!
( Autr8s :~t non déclarés
!
0,4
(-----------.----------------------------J----------------------------------------
(
!
( E~S~ffiLE
!100~O
(
!
(1) fERRY (Benoît). - Etu<k de la féccndité à Dal:,lr (S5n§[<l1)
chjectifs mé-
.
.
thodo1ogie et ré~u1tats, OnSY»~ centre de D8kar-Hann.
Doc 1977 - 282 p. P 153

- 167 -
:J,enoit FERRY rerr:2Tque que' la participation de cette population(l )
muSulma.i:~':: f::":i_nine ? des activités groùpales est tr~s iJrlportant~ : 53,3 ~ des
femmes day.~rois~s p?Tticipent à des associations diverses, 12,6 %à des asso-
ciations 3 C3Tictère politique et 40,7 %à des associations à caractère reli-
'. \\
gieux ethniqu~" à àes tontin8s etc ....
Tableau 1;::
Participation des femm~s du Cap-Vert à des 3.Ssociatinns
.
(
!
( N a t u r e
!
Nombre
!
Froport ion !
(--------------------------------!------------------!-----------------i
(
!
!
!
(
Sms rêpons'3
!
26
!
1 ,8
!
(--------------------------------!------------------!-----------------+
(
1
1
f
. . .
\\,
(
He parti cipent à a u c u n e !
!
!
(associaticm
1
656
!
44,9
!
(··-------------------------------!------------------1-----------------+---------
(
! !
l
(
P?rticipent ~ une association !
!
!
(
politique
1
184
!
12,6
!
(--------------------------------,.------------------!-----------------+ 53;3
(
!
!
!
(
PaTticiDent il div,.;:;rs 9:-01108-
!
!
!
(
:r:J.':'.;~t (n:: ~,i~ieux ethni,'uc:s!
!
!
(
·i:>:.ntin8s ...• )
!
S9,~
!
-10,7
!
(
!
!
!
(
!
(
l' 0 T .A L
1 460
!
100,0
(
!
(2)
2) - Le rE:C:IUt~~r::,;:;Et des j eunûs : essai cl 1 interyrétation
Le reœnS'.3ID-:;nt dzmographique de 1976 TT'CDtn? que les jeunes ont
pr~s une llr~ort~lce dpmographique considérahle dans l~ société sén6galaise :
SS %ont moins ùe 20 ans.
(1) La TépcTtition par sexe de la population du Cap·:Vert> d "1.près les résul-
ttélts de l' enqu§te d(mographiquE' nationale de 1971 (population :Jrise en con-
5idh,~tion dans l'enquête fécondité d'3 Benoît rEVR'(1, se présentait comme
suit :
HŒ·~~'iES ; 341 4-01
FB"!v~.s : ;)39 220
In ; ::€n:~'r:_ü (République du). - Direction de l~ st1.tistique. Enquête démo-
?Ll~)hiqU2 nationale 1970-1971. R6sul tats défini tifs, juillet 1974 ,p. 20.
(2) FET"'RY (Benoît). - 00. ëit. p. 267

- 163 -
P.ableau 19
~!3partition de la ponulation de droit par sexe et par gToupe
d'âge.
~~ée 1976 (1)
(
!
1
(Gro~~cs
Hommes!
Femmes
;
~§~k§
_
(
!
!
! Effectifs!
%
f-----------------+----------------!----------------!-------------!--------------
(
!
!
!
!
(
C - 19 MS
!
1 386 833
!
1 380 054
! 2 766 837
!
SS %
(
!
!
!
!
( ! j -
5~ ans
!
959 826
!
090 400
! 2 050 226
!
40 Ù
(
!
!
!
!
( 60 ans 0t +
l
154 843
!
113 432
!
268 275!
5 %
(----------------!----------------!----------------!-------------!--------------
(
!
!
!
!
(FNSEJl.3LE
! ' 2 501 202
!
2 583 881
! 5 085 388
!
100 %
(
!
!
!
!
~b_is cette jeunesse, surtout urbaine est aujourd'hui en crise.
Elle ~~t un environnement car~ctérisé par le bouleversement des valeurs,
l'effacement des cadres sociaux traditirnmels, l'insuffisance ou l'inexistence
d'institutiŒls susceptibles de les remplacer.
Comme le reconnaissait le Conseil économique et social du Séné-
gal l'il n'est ~as nécessaire d'opérer une discrimination entre jeunes intel-
lectuels; _i~uncs travailleurs et jeunes inactifs. Sans doute, pour d1acune de
ces caté?ories la formulation des problèmes est el18 différente. Mais, pOlrr
les uns et les autres les besoins sont fondamentalement les mêmes et les dé-
m~rches accomplies pour êssayer de les satisfaire tendent toutes, à un certain
moment" vers If. débrouillardise dans un climat de plus ou moins gnrnde soli-
tude~'. (2)
D'autre part, le chômage et la modicité des ressources familia-
les 'Jt des salaires j "les obligations diverses auxquelles soumet la coutume
ou la religion, le système corrmmautaire de la vie fajnili3.lc, réduisent à
(1) MinistèY'2 des Finances - Direction de la StatistiQue : Situation
éconorrJque du Sfnégal - 1976 - P.S.
l2) République du Sénégal Conseil économique et socüü, - Etude sur la situa-
tion de 1·<: j euness~ au Sénégal ; Mars 1966 p. 41

- 169 -
presque rien les d.isponibilités des jC1.mes pour satisfaire aux tentations et
aux exigeaccs ci...e la vic urbaine : cinéma, mode vestLmntaire etc ... " (1-)
Le prohlèm:2 essentiel ~ 'Pour cette jeunesse, est de gérer la
crise socio-éconorrique qu;elle vit, dans la quotidienneté~ pour retro~r,
aw..nt tcut, sœ &quilibre social. ?'~ais quels sont les moyens mis à sa disuo-
siticn par l'Etat?
L:i~adaptian des structures socio-êducatives
Le systèEe §Jucationnel sénégalais cst in~danté aux réalités
socio-éc\\X1or.ùques. Il ("~st caractérisé, ~ntre autres, p2r lme proportion consi-
dérable è! échecs:, cl' ?.bai1dons è<~ redoublements à tous les niveaux :
''partant du mythe europfen de l'égalité des citoyens devant l'école-mythe' qui
est loin de se vérifie.r en Europe mêJTe - on a vulgarisé U'l €:lseignerrent
aussi
couteu.x qu' inadapté" (~). Comme le recormaît le Conseil éCŒ10wi'1ue et social,
vouloir sauvefarder cette étalité fictive alors que 2/3 des enfants ne s'as-
soient pas sur les bancs de l'école, c'est alimenter le gro~~e des sans e~
ploi s chaque j our plus norr.breux et plus insatisfaits.
Pour les élèves et é:tudiants qui quittent l'école <.;haque année
avec ou sans dij)lôme, les débouch€s
offerts sont rares ou s'ils existent i l
faut compter sur le soutien politi0:ue ou les relations personnelles.
D'autre 11art> la masse toujours gr-éLidissante des laissé. pour
compte, .cl chaque fin de cycle; condui t à l' mnertt.lIT'e lm .10r;rre croissant de
jeunes.
~~).!Y2~y=~~1}!~A~_i~~~~~~. Ils sont inspirés des rncxiè1es extérieurs, de type
scoutiSDe. En 1967, le SCOlltisre comptait 7 700 rembres; ,!ont 5 550 urbains,
il n'Lttéressait que les régions de Casawance, GU Cap-\\~~ et de Thiès.
L'effectif àes autres mouvements (pionniers) "~es vaillantes,
Coeurs vaillants) se résumait ainsi :
(~ id. on. ci t. p. 42
(c1'l id. op. cit. D. 140

- 170 -
Tableau 20
Effoctifs des ~U\\~ments de ;eunes en 1967
.
(
!
( Mouvements
Effectif
Urbains
Ruraux!
Cadres
! Imp~anta-
(
!
g l o b a l !
!
!
!
tlens
(-------------------!-------------+-----------!----~--
---!----------1-----------
(
!
1 1 !
!
(PiOIUliers
!
5 000
1
2 000
!
3 000
!
170
!Cap-Vert
(
! !
1
; Fleuve
(
! !
1
{
! !
!
lDiourbe1
l
! !
!
,','ThièS
(
1 !
!
(
! !
! !
(Ames vaillantes
!
4 500
!
!
150
!Cap-Vert
(
!
!
1 800
5 700!
!C
(
1 !
! ! asarnance
(Co~urs vaillants
!
3 000
!
!
170
1Thiès
(
! !
1 !
(
1 1 ! !
Les mouvements le jetlllesse catholique n' ont pas pu connaître au
Sénégal lEle gT3.i1.de expansion, La jetlllesse étudiante catholique regroupait
2 000 nembres en 1966. Les maisons des jetllles et de 18 'c'J1ture~ créées en 1948
n'ont ja~is mobilisé la jeunesse.
D'autre part, l'organisation politique de la jeunesse telle que
le M.J.U.r.S. l'a réalisée, ~'attire pas une grai1.de partie de celle-ci qui y
voit plus lL'1(: entreprise rentable pour quelques respŒlsahles qu' lme mobilisa-
tion sur cl èS objectifs intéressants. Une étude mcnopraphiaue et récente (1)
dans une banlieue dakaroise confinne ] 1 Rbsence des jeunes è,uls les activi. tés
politiques ùes quartiers. Les meetinps et autres réunions} caractère politi-
que du PS ne rassemblent que des femmes et des éldul tes. CE: survol montre que
l'organisation socio-6ducative voire pclitique 'Pro:?osée par l'Etat à le jeu-
nesse s'est révélée indaptée, elle E'a jamais réussi à mobiliser efficacement
la jeunesse.
(1) nrE-JG,CLsidor >IT:AYE). - Relar-erent de bidonvillGis3 la périphérie urbaine:
Guédiawaye. Dakar) ENDA, 197Î
41 p. multigr.
l

- 171 -
Face à l'échec ou à l'inadaptation des moyens officiels
les
t
jemes ont réagi en gérant eux mêmes leur vie socio culturelle.
b) Les i€unes
et la r.estion de la crise sociale
le él.évelODDement de la
vie associative
La réponse des jeœes face à la solitude da la ville fut tm
développement de la vie associative: associations de qua:rtiers, bandes ou
clubs où lion se rétmit pOEr da"'1ser, discuter s boiTe du thé t l'essentiel
étant d'être ensemble. En fait~ l'association situe le jeunes elle le sécuri-
se, constitue tme expression privilégiée de la "difficu1t~ de vivre" dans
une société qui doit elle "ême Liventer son propre destin.
La première forme révêtue par ces associations de j etmes t dans
la population dakaroisc s est celle des clubs. Ils ont véritablement foisonné,
au Sénégal, dans les apnée 60. Structure dominante de la vie extra-scolaire,
le club était, : our l' esS"mtid 1 autogéré paT les j Cu.."'18S •
Pour donner une idée des influences culturelles étrangères dans
ce type ri' association, J, D de CERTAINES (1) a ra6V~, en 1969 t dans l..Il:. villa-
ge Serer les noms des associations de jelUles. Onze clubs avaient des noms à
t
consonnance anglo saxonne" la plupart des noms étaient (;mpnmtés à des orches-
tres de jazz. Ces observatioos relatives aux noJT'.5 des rlubs de jeunes confir-
maient celles faites eil 1967, en milieu urbain dakarois, par M, le GUERlNEL.
Di autre part, Aude GUIGNARD (3) constatait dans tm travail ethn0?Taphique
(1) CERTAINES:, 0:. D. d~, - Les grouperrents des jeunes chrétiens Serer-Ndut
In : Csvchopathologie africaine, vol VII,n o 2, 197ï,
p. 151
- 184
(2) BILLEN/i<J, LE GUERlNEL N., M)REIGNE,J.P. Les associations de jetmes à
Dakar (approche d'un fait social objectif)
In : Psychopatholq:ie africaine ~ 1967, III, 3,
p, 337 - 400
(
0
(3) GUINARD, \\..AIJD.E)- Groupe cI Voâge à lŒdougcu. Evolution d lune institution.
In : PsychopR.t:hologie Africaine ~ 1973, XI: 3 ~
p, 419 - 452

- 172 -
effectué en 1968 déIDS If; département de Kédougou (Sénpl;al-Oriental) que les
noms des clubs de j elme s étaient le plus souvent cl: or:iEine étr:mgère.
M. LEGUERINEL, analysant le même phénomène à Dakar constatait
que ces no~s étrangers étaient significatifs, avec bsaucoup d'autres éléments,
l:du climat cl' acculturation cla1s lequel ces jetmes se situentH • (4)
Ces clubs de jetmes ont été des lieux priviléfiés de sécrètion
cl 'tme certaine assimilClticn. de type occidental s' expri<i12.!it aussi bien dans
la tenue vestimentaire (recopiée de celles des idole~ occidentaux)" dans le
type d.e musique qui y était écouté ou dansé etc ...
L8 preTière phase de la vie associative des jeunes urbains des
années 60 est ffi?rquée par un mimétisme des modèles occid8ntaux ou latino-
américains. La seconcie ~hase débute verslles années 70-71. elle est marquée
par ce qu'on pourrait apr.eler J.e refus de l' assirnilé:.tion intégrale:. La ten-
dôllce générale l"'.'est plus la recherche de modèles de cormortement en occident
ou ailleurs, mais dans le sésir; de plus en plus e~ri;;f; de se ratta(her à
la tradition, seul moyei1 cl' éch2.p?oer à l! ass imihtiŒl intégrale. Cette tendan-
ce se matérialise aussi bien déJ.ns lH tenue vestime:1t~ül'c~ dpns la musique
etc ....
C'est dur;:mt cette phase du refus de l ~ assimiJetion intégrale
que l! on voit naître lE1 t~,c à 'J.sscciation jusque là ':c'..1 dévelop~é Dan]'r;' les
jeunes: ll?ssociation religieuse de type dahira.
c) La prolifération des 0~hirH de i2uncs
les raisons ~nDarent~s
D,ms certains q'.l8.rtiers de DakRT, corrme cçl-~, des HLlI,1~ nous avons
pu constater:, duréillt notre 'travail, lm effacement pro?Tcssif des clubs au pro-
fit des associations de type religieux voire pOlitiql~,"', Et ~ cl' tme manière gé-
nér:::.ll'.: on obs.;;n.re, depuis qtF::}ques an.nées: à D2k'lr: '0·:;;'yolifération des
associatioT:s religieuses JT10urides au sein des jetmes.
(4) id. op. cit. ~. 381

- 173 -
Pour nk~ints jeunes~ Amadou Bamba est perçu comme le symbole le
plus ITk~rquant du patriotisme wolof, le socle qui les lie l~ plus solidement
à la traditioa. Le mouridisrœ constituerait pour eux un système de défens~
contre l'nssi~latlon intégrale et les rattacherait 3 tà( passé glorieux, ce-
lui des gra~ds héros wolof. Pour cette jeunesse urbaDlc
parmi laquelle la
7
politique socio-êducative de l'Etat crée une forte proportion de laissés-pour-
campte
de mar?inaux et d'in~daptés de toute sortes, le mouridisrne d'Amadou
l
Bamba~ dans Sé!. prarœsse messianique de lendemaiIi5 n:eill.:;urs constitu8 '.ID très
puissant moyen dlap~ise~nt d'une angoisse existentiell~ q~otidiennc. Le mou-
ridisme serait alors une étape ou l'étape marquante d2 la recherche de l'Équi-
libre sociJ.l que ni l'Etat ni le parti au pouvoir ne leur ont pemis cl' ob1 enir.
Il offrirait, face au morcellerœnt et à L: destructuration des
valeurs traditionnelles, un modèle d'identificatio~ collective, voire des es-
poirs de tr?nsformation de ll ordre politique sénégalais.
Vengouement des jeunes pour le mouridisiIie et par conséquent la
prolifération des c1."ùür<'
modern'3s de jeunes s'expliquG par 1<1 conjonction
des factelrrs suiv~t~ dégagés dans le présent trav~il ~
- Environnement national marqué par une ph~se <le mutation sociale difficile~
par Œk· crise économique et politique profonde.
- Enviroru1ement politique Llternational daniné par la prise du pouvoir par
àes religieux ~n IraTl.
Khalifat de Abel.ou Lalnt (1) qui inaugure uncnnouvellc fonne d; administration
de la confr6rie.
(1) Il nOLL::; a été répété 2. plusieurs reprises au COUTS de ce travail que le
Ij}21i:f.e des mourides s'oppose au gouvernement. A vr2.i dir0, i l ne nous
sembl~ pas ~J'une telle affirmation se justifie. Cç~tte déclaration signi-
fie) 2 notre avis 5 ~)our ceux qui la répéten1; que la confrérie est porteu-
se d'espoirs politiques.

- 174 -
Une jemlesse mal protégée, mal encadrée, vivant un envirOImement culturel
et éCOIlomique bouleversé trouve dans le mouridisme un modèle d'identifica-
tiOIl et un espoir de transformation de l'Ordre social sénégalais.
d) Le dahira des ét~diants mourides
L'étude des dahiras de j eU!leS de l'agglomératiOIl da.karcise révèle
un phénomène particulièrement rerrarquable. Ce genre de dahira, a ~roliféré à
partir des succès apparents du dahira des étudiants mcurides.
C' est pourquoi i l semble import3Jlt de s'interroger sur le dahira
des étudiants mourides qui constitue s pour les mourides que nous ,wons interro-
gés, un objet de fierté indiscutable. Aux yeux du mauriàe Matar f\\IDLAYE, la
constitutioo de ce dahira est "l'analyseur" de l~ vérité du rnouridisme : "dans
le passé les étudiants ne croyaient en rien mais actuellement à peu près les
2/3 des étudiants sont mcurides". La perception nt.nnérique du nombre de membres
du dahira avancée par J~tar NDlAYE est éviàemment faussée (volOIltairement ou
no~ : trafiql'L:r les chiffres est un mécanisme qui participe à tout système de
propagande. ~·~ais ce n'est pas là l'essentiel. L'important est l'iJ11.3.ge de l'é-
tudiant rendu incrédule par l'enseignement que lui ont dispensé les "toubabs",
image forterent rép?J1due au Sf.négal, surtout chez les perscm..11es âgées, elle
situe l'enviror.n.ement universitaire sénégalais par son hostilité réelle ou .C":
apparente? la reli[iOIl. b2is, et c'est là l'intérêt de l~insistance du mouride
lV..a.tar NDIAYE, le mouri '.isme a pu s' infiltrer dans cet environnement auoaravant
peu porté (lUX problèrœs de la Te ligion.
Il Y .? du vrai àans ce que dit ~t:'ltar ;.;[)L-\\YE car COJT!l'œ nous l' avOIlS
déjà Lldiqué s en introduction, il y a quelques 2nl1S0S, les wilieux étudiants
sénégalais et intellectuels en général étaient particulièrenent hostiles au
mouridisme, défini comme système d'aliénatioo économique et allié privilégié
de ce que les trûcts des organisations d'étudiants appelaient "le gouvernement
réactionnaire et-aiiti-natlona1 de ~::'.t.l'~Qi()Rn.

- î75 -
j"rais, iID revirement global de l'attitude des intellectuels a mo-
difié cette conceptioil. Revirement profond ou dicté par des nécessités poli-
! .
tiques~ ce eJ-.angement d'attitude d'une partie de la masse des étudiants séné-
galais vis il vis du mouridisme a vraisemblablement eu un effet d'entraînement
sur la formation des dahiTa
scolaires et des drolira
de jeunes dans les
différents quartiers de Dakar.
A ses dé.buts, en 1~75.-1~76~ le dahira des étudiants mourides
comptait entre 12 et 14 meITbres originaires de la \\~lle de Saint-Louis. Cette
dizaine de mourides Saint-Louisiens avait été fonnée ~ au moment où elle fré-
quentait le lycée, à Saint-Louis, par Serigne Abdoulaye &A.RR, marabout mouri-
de de tendance orthodoxe. Abdoulaye SAP~ avait créé un daara mouride
dans le
quartier de Guet Ndar. Il regroupait les mourides pour leur parler de la
pensée du m.:dtre" enseigner Jes écrits de Serigne Touba. Ce daara avait pour
objectif principul la vulgarisation de la pensée du fondateur de la confrérie,
mais pour ce faire, Lm recours fréquent au texte était nécessaire. Abdoulaye
Si-\\P.R élvait donné à son c1aara un cachet intellectuel.
Saliou ~,moUF (président du dahira des étudiants mourides), Babacar
f,ffi,WE e"t El EADJ Om.:1.r SECK furent les premiers lycéens de St-Louis à faire
partie de ce ~a2.r3. de Guet Nd2T. Ils y allaient après les heures de cours,
R6:l§ralemcn'~ ~1i-=-ès 18 heures et apprenaient les poères di .Amadou. Barnba. Le
è.aaT2. cl 1 Jüxbul aye SAF.R devait 5 par la suite s connaîtTe tm grand succès» com-
mença alors l.e Tecrutement de jel.IT1es issus d'autres quartiers.
L'en!Tée des jl~unes dans le dahira de Abdoulaye SARR était tout
de suite perçp comme "tme véritable révolution". Saliou )"ffiOUP précise à ce
suj et : "les gt:;ns ne pom,: ont p:lS comprendre que nous> intellectuels J soyons
mourides, quand 0:;1 allait 8. 1.' école ils nous dés ignaicnt du doigt Il.

- 1ï6 -
Cette réaction reproduit, à vrai dire~ la conception stéréotypée
selon laquelle le mouridisme serait l'affaire des ITasses ignorantes, système
d'explicrtion contredit, dans le cas du dc'1ara d6 St. Louis, par l'aàhésion
des intellectJels.
QJalld les membres lycéens du délara de Abd.oul2ye 5100'1, après le
beccalauréGt, sont venus s'inscrire à l'université de DsY~r, en 1975, ils
ant Bis sur ried un co~ité d'organisation qui devi8ndra par la suite le dahira
des étudiants mourides, Ce dahira 3., dès le début~ ~;té orienté sE::lon le modèle
de AbdolÙaye SARR : recours fréquent au texte, tendance à l'orthodoxie. Cette
orientation 0. ê:'~8 clairement résumée par le mouride Ssliou MBOUP : "s'il est
bon d'éclairer les gens, i l faut d'abord les imprégncr~ il faut atteindre
leur co~ur par la récitation des poèmes de Serigne Tcuba qui ont une force
mystique extraordiIlaireôl •
La dénnrche origLlel1e des fondateurs histariques d~ ce dahira
se d§nnrqUk'1it nctt6Rent de c~lle des mourides qui, ll1stallés autour des mos-
quées ou dt:s l'!l~..rCh8S, r..armguent les foules pour leur r.arler des exploits de
serigne Tcu~;:;. et surtout pour leur soutirer de l'argent. :Le chanteur mouride
Seydou r+)Yùll est particulièrement r.abile en ce qui concerne ce dernier aspect.
Peur Salicu >iBŒJP, 'Ir,lontrer la véritable face du mauridisme" n'est ms insister
sur les exploits dt Serigne Touba mais apprendre ses écrits. Cette démarche,
cpi oppose le l!l.ouridisme vérit:lble au mouridisme défonné, reproduit, quelque
peu~ la cü~ception q~e nous contestions, en p~rlant de ClleiktL 'Tidiane SY, à
savoir que 18 YJouridiSIJe est uniquement l'oeuvre de /!.r;:ctdou Bél....nba. Nous jugeons
inutile de revenir sur de tels développements.
Actuellement, le dahira d.es étudiants :;::aurides compte entre 300
et 400 membres Jlli:is tous ne sont pas étudia."'1ts. La base de recrutement du mou-
vement regroupe nussi bien des étudiants, fonctioTIr2îires, ITkîrabouts etc •...
Trcis t)?es de jnembres se retrouvent dans le ~îhirn. Les membres à part entiè-
re sont les iJtl..:dltilltS. Les fonctionnaires ont le stê:t.rc. de symnéltJ1isant. Cer-
t"..aines Dcrsonrul1it&s religieuses, politiques etc.,. crùt le st~_tut de membres
d'honneur.

,. ,
- 177 -
Sur le pl3.n des activités, le dahira organise, chaque sar.aine,
des séances de récitation des poèmes du fondateur de la confrérie, des cause-
ries et conférences sur l'oeuvre d'Amadou Ballba.
Les étudiants mourides sont conscients de mener des activités
qualitativement différentes de celles des dahiras traditionnels ; pour ce qui
est de la récitation des poèmes Saliou IvffiOUP dit : "au début les gens appre-
IEient les poèmes sans un objectif précis, à la différence de ces gens là on
s'est dit que les poèmes doivent nous servir de substrat parce que nous vou-
lons expliquer le mouridi~e et que Serigne Touba a dit que ses miracles sont
ses écrits".
La démarche des étudiants du dahira des étudiants mourides est
beaucoup plus dirigée vers la pratique du texte que vers la répétition d'ar-
guments populaires. Il nous semble que les dirige&îts du dahira des étudiants
m:Jurides, en donmnt cette orientation à leur dahira se démarquent du compor-
tenent de la masse J1louride peur qui, dans sa majorité le mouridisme est un
. sv..r~...\\~t\\<.J\\.5
ensemble dt~ de traditions populaires etc .••
Les étudiants mourides ont mis sur pied un pregramme d'alphabé-
tisation en langue arabe des membres de l'association. Ces cours dirigés
pST Saliou l'.fBQUP se déroulaient, chaque vendredi, cvant les séances du dahira.
Et il semble, selen les dires de Saliou MB0UP, que beaucoup d'étudiants mou-
rides ont ;oppris et savent maintenant lire l' arg.be grâce à ces cours d' alpha-
bétisation.
L'orient:\\tion orthodoxe du dahir~, b?-sêe sur la pratique du texte,
à un~J.·etour auxsourcesdu mouridisp.lC, destiné à montrer lila face véritable du
rrnuridismeil , débouche, dans la réalité, à faire des intellectuels mourides
un groupe différent des :lutres adeptes.
Mais sur le plan théorique, idéolo-
gique, les étudiants niç;nt ce fait : "nous ne powens pas concevoir qu'il

'.
- 178 -
puisse y avoir lID mouride intellectuel ~ le rr:ouride c'est le mouride,
dliYant
le marabout tous les mourides sont pareils ", mms -dit Saliou t-ffiOUP. Ce souci
d'égalitarisr.e dCVéUlt le marabout est beaucoul.)): théorique que pratique,
i l sert à occulter 12 divergence des groupes 50- :io-éconolT'iques, réunis sous
la mêrœ barrière, i l a un caractère idéologique et en tant que tel il n' appa-
raît~ au niveau du discours conscient, qu'en se déguisant.
Globalement ~ ce dahira se manifeste "par tIDe volonté d' orthodc xie
favorisant ainsi l'émergence d'lID modèle de référence~ celui du lettré. La
norme du groupe étant celle du lettré arabe, seuls ceux qui peuvent lire et
écrire l' êXa~)e sont susceptibles d'exercer le pouvoir (presque tous les rrembres
du bureau de l'association savent liTe l' arabej. L' existence de cette nonne fait
que le dahira décide de ne pas s'orienter vers la reprise des grands thèmes
populaires mourides : le thère de la rer (Amadou Bamba a prié en mer) celui de
la rencontre avec le gouverneur
(Amadou Bamba n 'est jam~is tombé sous le
piège des toubabs) J le thèrre du retour (Amadou Bcunba serait revenu du Gabon par
la voie des airs).
Cette tendance orthodoxe
que les étudiants rnourides veulent don-
ner à leur mol.lvem:,:nt a été bien exprirrée drms le discours d r ouverture prononcé
à l'occasion de la semaLle culturelle ~~dou BaFba organisée 2 Paris, en JU1n
1979. Dans ce discours les étudi~lts définissent ce quian pourr~it appeler leur
''mode de lecture" du TI!ouridisJœ. Ils s'élèvent contre lIDe "rationalisation impos-
sible H des fondements du mouridisrœ~ "Il s'agit qu':' nou.:: soyans débarrassés
dès le dépê.rt de toute idée préconçue J pour ne réfléchi!' que sur la véritable
perso~~a1ité de natre TIEître quitte à laisser à l'oDserv~t~ur neutre que ces
réflexions intéresseront le soi..~ de fonnu1er un 8vis s de tirer une conclusion
ou de porter lID jugerent".
L'essentiel pour les étudiants 1"lourid<3s est dB revenir au Oleikh,
de se pencher sur ce qv1il 2 dit ou cc quiil
a accompli "nous Ihiterons alors

- 179 -
"• • 1
de donner de fallacieuses interprétations au p~ ~nomène mouride, nous éviterons
de traduire la foi iIlébra.Tllable du Cheikh par tme facile notion de ilrévolte
contre le colonialisme!f ~ et la pureté de sa pratique religieuse par tm pseudo
engagement religieux". Ce deuxième principe du mode de lecture préconisé par
les étudiaTlts
l"'lourides conteste les explications qui font du mouridisme tme
organisation politique éconowJque et soci?-~,Le mouridisme est plus que cela,
selon eux, "Amdou Barnba était loin d'avoir les aP.1bitions qu'on lui a prêtées.
Son but a toujours été le rr.€IDe
et les moyens qu 1 il employait pour l'atteindre
ni ont j aIn&Ïs var ié. C8 but était Il adorat ion dE: Dieu et les moyens 1. service
du Prophète " .
Ce mode de lecture est, i l faut le dire, fondaIrent?lerœnt diffé-
rent
de celui de la grande masse analphabète qui retient de la vie et de
l'oeuvre du maître une série de miracles systématisés par elle en tm ensemble
de thèmes que tout taalibé mouride peut raconter en partie, Il se différencie
également d'3 celui de l'iEtelligentsia urbaine qui veut faire du mouridisme
tme idéologie nationale de COmbélt C "'TItre le néo-colonialisme.
L'idée préconisée par les étudiants mourides est de promouvoir
une 'llecture: oDjective" du mouridisme. L':-i.stoJ.rc r:ontre que l'interprétation
de lê vie et (~
l'oeuvre d'un leader charisr.~tique par ses fidèles ne peut
j 2..TJ1ais se rêduiT\\.': à. me ré citation. Et on ne voit pas, pOUT l'instant, qui
pourrait convaincre certc.ins mouriclcs que ce qu'ils croient être le mouridis-
IT"":; ne l lest Dp.s~n réalité.
Tous les dW1iras de lycée qui se ~ont formés ces dernières années
se sont cr::és selon 18 modèle des étud.iants mourides. Même le procédé, spécifi-
que ?'"JX §t~di~lts mourides~ consistant ~ ~ranscrire grâce à l'alphabet phoné-
tique intern~tiŒlal (A.P.I.) ~ les principaux poè~;s d'P~dou Bê~a en vue de
pennettre am: rrie:nbr2s noT:. ar.:3.bisémts de jJ2.rticiper au;.: -:-éé'nces de récitation
collective des poè~~s, ce procédé, est actuellement recopié
aussi bien par
y
les d8j1ir~s scolnires que par les dmliras dG jeunes dar~s les différents quar-
tiers de Dpklr"

- 180 -
En tout état de cause, le dahira des étudiémts mourides, (1) outre
l'effet d'entraînement qu'il a el1 sur la création des da~ir~ de jeunes, joue
me fonction d' encê..drement de ces derniers. Il nous a été donné l'occasion de
constater que nombre de membres de ce dahir2. sont également membres des dahira
de quartiers. Parallèlement> nombre de membres des dahires de quartiers assis-
tent aux réunions hebàomndaires (chaque vendredi) du dahira des étudiants mou-
rides qui se tiènnent d1habitude au quartier de la SICAP Tlle 10 ou à la cité
Gibraltar.Tout se passe donc corr.rne si cette organisntion tentait d~ réaliser,
dans la pratique ~ l'unité des divers dahil a de jelffi8s.
A.sSOCi<ltion religieuse ~ de tendanCE; orthodoxe, mettant l'accent
sur lE: pratique du texte en V1.lê de promouvoir ce que Saliou MBOUP aPIlelle le
i'mouridisJre VT2.i ';, les rrembres du bureau du dahira alphabétisés en arabe et
entretenant des re lations discrètes avec le }i:halife général des mourides et
certains notables urbains de la confrérie font partie du leaderschip urbain.
Ils sont une composante de li avant-garde id00logiq'JC du !!louridisme et, en tant
que tels p~rticipent à toutes les grandes conférences organisées par les mou-
rides : (participation à la semaine culturelle Amadou Bamba, célébrée au
Siège de 11UN1:SCO, à Peris l cornmtnlications à la sCl'.1.aine culturelle de St. Louis.
et org~~isêtion de causeries dans les d~~iras ~ ~uartieI~
L8S ~apports des étudi2nts mourides et non mourides se situent
dans le registre àe la tolérance. Jusqu'en 1979, il n'existait pas dans le
(1) Gontrnirerront à ce que lion dit, les étudiants mourides ne sont pas à l'o-
rigine des manifestations religieuses des 24 et 31 0.écembre 1978 qui ont
eu lieu au stade Ibn Mar DIOP de Dakar. Ces ffimifestations dont le but évi-
dent &tait de EJ01î.trer à la je1.ID8SSE: urbaine f1ue No~H clewüt se "célébrer
autrerrentl!, (en dehors des boîtes de nuit et des béÜS.'; ont été suscitées
par les jeunes mourid0s de la f1édina, â me p'§riod,= (V2C311CCS scolaires)
où les étudiants mourides ev~ient déjà clotur& le~rs activités.

- 181 -
milieu lJniversitaire sénégalais, une organisation religieuse musùlmane opposée
au dahira mouride. Tout se passait comme si dans l'univers étudiant sénéga-
lais les mourides constituaient le seul groupe ayant réussi à regrouper ses
membres ::lU sei."1 d 'l.me organisation bien structurée. ;v1ais, vers la fin de
1979, un groupe d'étudiants tidianes a créé à l'th~iversité un dahira sur le
modèle de celui des étudiants mourides.
Contrairement à ce qui s'est passé au lycée Van Vollenhoven
où les élèves ont publié dans le journal de leur établissement un article
dirigé contre l'implantation des dahira dans les lycées, au lycée Blaise·
DIAGNE où les élèves ont voulu réaliser un sondage destiné à dégager l'opi-
nion des lycéens sur les dahira
scolaires, à l'université nous n'avons eu
connaissance cl' aucune fome collective cl 'hostilité de ce type. Les rares ma-
nifestations hostiles n'empêchent pas, d'une manière générale, une hoMe coha-
bitatioL entre ~tudiants mourides et non mourides. Les divergences des étu-
diants sénsgalais de l'université de Dalr.,ar concernent beaucoup plus les choix
politiques, l'appartenance à des associations politiques que religieuses.

-182-
ç HAPI TRE VI
EOOITICNS
ET
ACTIVI-r:-...s
~~

-183-
/--------------------------7
l
/ FONCfIONS
DES
DA.I.flRAS
/
L
/
Toute interrogation sur les fonctions des dahira
doit, au
préalable, pr{~ciser la perspective dans laquelle on se trouve. En effet, selon
qu'il s'agit des l1l.'lrabouts ou des fidèles, les fonctions remplies par les da-
hiras sont différentes.
1) - Pour les marabouts
Pour les élites maraboutiques, le dahira constitue une struc-
ture d'encadrement des fidèles, un maillon essentiel dans les circuits de
communication entre l'administration conférique et la nmsse des fidèles~ sur-
tout urb2_ins.
Pour les marabouts la fonction la plus manifeste remplie
par les dahira est la fonction économique. Le dahira
est une source de finan-
cement des raarabouts, et participe, d'un point de vue économique, à la réali-
sation à85 tr~vaux collectifs de la confrérie.
Sur le plan psycho-social, i l constitue une courroie de trans-
mission ~rtfulte àes ordres du Khalife général. Comme nous l'avons démontré,
en milieu urbain, la communication entre l'administration centrale et les fi-
dèles passe ,essentiellement ,par les présidents de fédération dont l'élection
est faite, à la base, p<lr les membres des dahira.
Evidemnent, les moyens
modernes de cornmunication de masse comme la radio sont souvent utilisés par
les digrlitaires lnourides pour s'adresser aux taalibé rur~et urbains
mais l'admLlistration centrale de la confrérie préfère s'adresser à des inter-
locuteurs que sont les Présidents de fédération de dahira
ou aux représen-
tants du Khalife général dans les villes, ce mode de ccmmnmication est beau-
coup moins IIfroid" que le premier.
Les dahiras jouent égalernent, p'-:>ur les marabouts, une fonction
qui n'est pas des moindres : la fonction politique. Tout le monde comprend
aujourd ':hui que chez les marabouts, la puissaIlce politique est
fonction de
../ ..

-184-
l'importance numérique des fidèles contrôlés. Or plus un marabout contrôle de
dahira, plus il a de fidèles.
Dans la logique du système rnouride et du système politique séné-
galais, le contrôle par Wl marabout d'un grand nombre de fidèles présente lm
double avantage. D'une part, il pennet de bénéficier, chaque année, de ressour-
ces monétaires dont 11 importance varie en fonction du nombre des adeptes. D'au-
tre part, l'liTIportance nurrlérique des adeptes contrôlés permet de négocier avec
l'Etat, c'est elle qui ouvre l'accès au crédit (rarement remboursé et toujours
~
renouvelé.
2) - Pour les Uk~libé
Pour les fidèles, le dahira cimente l'unité et la cohésion (rnêne
fictive) de la collectivité mouride. 1UJx premiers temps du rnouridisrne urbain, le
dahira était Wle structure sécurisante ~ur les nouveaux. imnigrés rnourides. Le
rnouridisrne étant originellement rural, les premiers paysans rnourides qui sont
venus s'installer en ville on dû éprouver le besoin de se sentir liés au mara-
bout.
Maints infO!Tl1c'lteurs reconnaissent qu' au début, ~l Dakar, les rnou-
rides étaient l'objet de multiples railleries de la part des tidiane. Face à
l'hostilité de cet environnement, à l'éloignement des grands dignitaires et des
sources de la foi, l'option rnouride n'a pas consisté en un 8clatement de l'union
originelle des fidèles en une pluralité d'individualités. Elle a maintenu et
renforcé l'unité groupale. Cette option s'est traduite, dans les faits, par le
regroupement des fidèles dans des structures nommées dahira. Ces structures
sont surdéterminées. Elles sont les lieux où les mourides se regrouPf:TIt
pour chanter les poèmes du maître, là où on rencontre les autres mourides et où
on reçoit les ordres de l'administration centrale.
On comprend donc qu'au moment de la. naissance du mouridisrne dans
un envirolli~cment
où les structures par lesquelles la confrérie s'autogerait
n'étaient pas transposables, les dahira ont joué un rôle qu' aua..me au- ../ ..

-185-
tre institution ne pourrait jouer à leur place.
Dans une perspectivE fonctionnaliste on peut adméttre
que les dahir}
ont joué un rôle de remplacement des structures du monde roral
mais ils ne pouvaient pas jouer toutes les fonctions éconcrniques d' institu-
tions COIœle le clù.1Iilp du mercredi ou les daara. La fonction ranplacée est essen-
tiellement celle dl enc3drement. Les fonctions économiques des institutions
roralçs mourides peuvent être difficilement assumées en dehors des cadres de
l'économie rurale.
2. 1
Fonction de propagande
La fonction de propagande fait partie des fonctions les plus
manifesteS ep.. milieu urbain. Le'1 propagande "prise en charge par les dahira revêt
essentiellement deux formes : organisation de chants religieux, démonstration
de force s'exprlinant par les défilés BAIc FALL.
A l'intérieur d'un dahira, les chants religieux mourides, ont
la fonction psychologique suivante : sceller la conscience du fidèle dans la
conscience collective mouride. A l'extérieur du dahira, les cérémonies ostenta-
toire, constituent un moyen efficace d'attirer l'~ttention du non-mouride.
La démonstration de force est stlrtout prise en cP2rge par
les BAYE Fi\\.LL qui assurent le service d'ordre et l'escorte des dignitaires mou-
rides, lors des chants religieux. La propagande des dahiras r(~êt également
la forme de vulgarisation de la pensée du fondateur par l'organisation de
"semaines culturelles AM/\\OOU BAMBA". En 1978-79, les jeunes mourides du Sénégal
(étudiants, élèves, stagiaires etc ... ) ont organisé les cérémonies suivantes:
· Grande nuit CHEIKH A~WJDU ~ffiA 24. 12, 1978,
• Grande nuit CHEIKH IBM FALL
31. 12. 1978
Semaine culturelle A~~\\DOU R~1BA, au siège de l'UNESCO, à Paris 1979
· Semaine culturelle A}WWÜU BJ~ffiA à Saint-Louis, 1979
· Journi§es culturelles AMWJU BAMBA à Dakar
1979
Semain8 culturelle AMADOU BN·~\\ à Kaolack
1979
· Grap..de nuit œEIKH A)\\1ADOU Blu'1BA du 24. 12. 79 3U Stade ASSANE DIOUF de Dakar
../ .
'

-186-
. Grande nllit CheiK~ Ibra FALL le 31. 12. 1979.
1\\J
CC:": ~.Ill31lifestations s'inscrivent daP.s la str?.tégie de propagande
idéologique, mise en place par les jeunes mourides, qui présente essentielle-
ment deux buts : Vl~6ariser la pensée du maître et conquérir la j etmesse.
Jus~'à présent, l'expression primordiale de cette propagande
idéologique a §té la "senaIDe culturelle .AMAJJJU Bt;MB.'"I.". Cependant, force nous
est de reconnaître que ces ma..î.ifestations constittlent pour les rnourides beau-
coup plus une démonstration cie force et de presti ga"que des cérémonies où
des non illourides peuvent prendre le contrepied àes thèses qui y sont exposées.
EUes ne donnent pas lieu à des confrontations avec les· non l'!l.ourides mais servent
à fortifier la cohésion du mouvement mouride, à sceller son nunité autour du
leader cp..rrriSiT'.n.tique. Psychologiquement de têlles manifestations rassurent
le fidèle à qui elles démontrent la vérité de son option religieuse.
La propagande mouride en milieu urbain a comme conséquence inmé-
diate, le développE'1TIent de la rivalité, déjà aTlc].eIU1e, avec les tidianes.
Cette fonne de propagande idéologique, la prenièrc du genre or-
ganisc:;e su S'3:lézal ~ar les rnourides~ est destinée principalE'1Ilent aux jeunes,
c'est ce qui explique pourquoi toutes les conférences qui se tiennent, durant
ces salk'lines culturelles, réservent une place essentielle au thème: "mouri-
disme et jeunesse".
Elle est totalement prise en ch1.rge par les intellectuels mouri-
des, cautionnée et encouragée par l'administration centrale de la confrérie
qui semble comprenère l'importance de la bataille des mourides pour conquérir
li:~ jeunesse urbaine du Sénégal. Et c'est là que se trouve une des causes de
l'aggr8vation actuelle àe la
rivalité entrç mourides et tidi~nes.
../ ..
(1) A D~k2r COffiillç da~s l~s autres villes du Sénég~l les mourides ont institué
l' o:-g::l.'1.isatien de cérémonies nü igieuses les 2·~ et 31 décembre de cha.que
!3-"IDee.

-187-
2.1.1. La rivalité tidiane - mouride
I..' organisation Llise en pb.ce par les mourides f principalement
à Dakar f inquiÈte les :lutres musulmans sénégalais mais aussi et surtout les
pouvoirs puhlics. ~)epuis l'organisation des cérémonies religieuses mourides
des 24 e-c 31 décembre 1979 à Dakar, suivie de la tenue au siège de 1 'lJNESCX),
à Paris, d'une semaine rulturelle Cheikh Amadou Bamba, le mouridisme se trou-
ve, encore me fois, au devant de l'actualité politique et religieuse du
Sénégal. Parallèleoent à cette montée du mouridisme, les autres confréries re-
ligieuses en
pénéral, la confrérie tidiane en particulier, s'organisent pour
faire face à cette situation nouvelle. C'est sans nul doute le sens qu'il faut
dOlmer à la création récente du dahir3. des étudiants tidianes.
Le leadership
tidiane est actuellement entrain d'organiser
sa clientèle urbaine, c'est la première réponse des autres confréries face à
la situation présente de l'islam sénégalais marquée par un regain d'intérêt
pour le mcuridisme et les tendanc5 d'hégémonie sociale et politique de cette
confrérie.
La tendance unitaire tidiane
-------------~--------------
Le pélerinage annuel des Tidi~~es, à Tivaouane, capitale spiri-
tuelle de la
~onfrérie, de février 1979 a été placé sous le signe de la re-
conciliation des dirigeants de la confrérie auparavant divisGs. Le khalife
général des tidianes, El Hadj Abdou Aziz 51', en réalisant l'unité des chefs
spirituels de sa confrérie veut maintenir l'hégémonie des tidianes 5ùr les
autres confréries du Sénégal, hégémonie que les mourides comnencent à revendi-
·:;uer ouvertement.
Cette mutation du tidianiSr:le, repérable au niveau du contrôle
que les '2lites ma:raboutiques veulel'1t exercer sur la m:'l.sse des ficièles
se tra-
f
duit principalement, à l'heure actuelle/par deux faits:
déplacements très fréquents de .~dou Aziz SY ~our présider des cérémonies
religieuses dans les centres urbains :
organisation, le 20 mai 1979, d'un péleril"w.ge qui éi été intGryrété par beau-
coup de~ourides comme une démonstration de force dirigée contre eux.
../ ..

-188-
- or.?anisaticIl les 5 et (; avril 1930, il SaL'1t-1ouis d'lIDe semaine culturelle ti-
diRne àont le r.lodèle semble étroitement recopié du système de propagande
mouride.
A ce sujet, il convient de ~réciser que de très r~uts fonc-
tio~naires dont nous ne r~uvons pas citer les noms, dans le cadre du présent
trav;ül, ont confinnt: que les autorités séné~alaisessont à l'originE. de " ..
l' organis<J.ticn actuelle de lrl confrérie tidiane. Selcn nos infonnateurs, i l
5'agit ~o~r l'Etat en facilitant l'or3~Lisationtidigne ~e freiner {1)
la maniée du mouridiSJlc.
En tout é~3t de c~use, cette sitUkLtion nouvelle fait des deux
confr~ries~ des oreanisations de face à face et les incidents entre mourides
et tidiailcs commencent à mître surtout & Pikine, Guédiawaye et Thiaroye. Le
dernier incident assez sSrie:ux 2. eu lieu à Rufisque durant le mois de juillet
1979 et il 3 frlllu mIe dt:S renforts de ooliciers soient. d6r:êchés d...8.I1S cette vil-
'1'
"
"
le
:;?Jur Gviter LLi. ilffront.e.'·n.ent qui é1ur~it pu fa ire d05 victimes.
1\\ Dakar, la r;rogression d.u recrute:m8:rlt des mourides, not.anJnent
p':rmi les j eunC:5, entraine 1 'org::J.nisation. par les tidi?Jles, d'tille camp.'1gne de
!,ro~a~'L'1de <inti· 11louridf: dont cert~ins thèmes recc".lpent les arguments utilisés
p3.r l' :1et'1inistr:l'~icm coloniale '.JOur dévaloriser le mc..!ridisr.lc. Cette carnpa.gne
S" artic.l1e
c:sseEÜellement:1utQur de c:uelqùes ')T'lndes thèmes assez bien
résu'llés d."'.ns un tr:l.ct qui a été distribué au "building administr2.tif' , de
Dakar, 10 Fi juillet 1979",
par des membres de la confrérie tidiane. L' au-
teur de: ce tract de 3 ~nQes dit que "dans 1:1 pratique de l'islai1 au Sénégal,
·./ ..
(1) ABD0U AZIZ S'l' S'ést bic;I'l. défendu, dUY":l.nt. le p~lerinage tidiane du 20 mai 1979, d'a-
voir W1. tel ïJroj et .. Le compte: rendu de cette c8rémonis qui 3. été !,ublié dans le jour-
Il:;11 tôLE SOLEIL" i\\1.sistE: p~rticulièr6ilGnt sur les propo~ du JJr;:üife rénéral des
tidianes, selon lesquels sC'. confrérie "ne s' =mile contr,: l")ersonne". Cette cérémonie
:1 étf' l' cccasic:l, :-:OUT ;,BOOU l',ZIZ SY, de faire la mise ~u rednt suiv<l.ntl2 : "dans le
gc)uvernement nous ne trotNQn.s·~S que <les fils, des nltv·i.u,S(. ·;:t des rlo..ronts. Il n'est
~as flUestioL l?Du:::- nous 1à' entrétver les actions du temrorel Ir.2.is de ncus en tenir à
notre rô2..e ete zuide sT'lirituel". Cette mise al: !,C'i.l'lt, ventJ.(" quelques mc:·is après les
évènements cl' 11"8.:, et 11 enthousiasme cru' il s ent déclench{~ 'lU niveau de certaines ror-
matio~f'Clitiques de l' opposi tian. est, er. soi, li1'1. cheix :ç'c.'1itique en faveur du sys-
tèmE; senghorien. Elle constitue également une mise en gardes voilée, dirigfe contre
toute fOIm.'ltion religieUSE: séné,c;alaise qui voudrait suivre l'exemple iranien.
Voir "le scleil', des mercredi 23 et jeudi 24 mai 1979.

-189-
aux yc-ux de n' m~porte quel musulman bien instruit, les mourici~.5 .~ont ceux qui
versent le plus dans l' hérésie. On les rencontre y,1.rtout dans tùute activité
. nébuleuse et très souvent prohibée" ... (1)
L'idée du mouridisme, comne système hérbt ique se rencontre
comnunément chez les tidianes. Ces derniers admettent, volontiers, qu'AMbJXlU
BN,n1\\ est Qi penseur de qualité incontestable mais ils ajoutent que les mou-
rides se sont ~cartés de la voie tracée par A~~U BA\\ffiA. Et beaucou~ de ti-
dianes disent
comme le sociologue CHEIKH TIDIANE SY, que le mouridisme actuel
a trahi i~U BA}ffiA. Démontrer que les mourides ont trahi N~U BN-llY\\, c'est
démontrer égalamcnt, comme le dit le vieux D. NIf~G, que les 'mourides sont
dans l'erreur".
Ii. cette idée, l'auteur du tract ajoute : "au Sénégal 99 % des
mosquées Sent animées êt dirigêes pâr des musulmans non mourides". Le but visé
par une telle :lffinnation est de localiser les "vTais musulmans" en dehors
du mouridisme. Ce taux de 99 %provient des sources tidinnes. En 1979 un do-
cument élaboré rar eux démontrait que les mosquées tidianes sont plus nombreu-
ses que les lnnsqJées mourides. En avançant ce pourcentage, les tidianes veu-
lent démontrer qu'en contrôlant
le~ lieux du culte ils contrôlent la majorité
des musuLllans sénégalnis. Il est manifeste qu'une telle analyse relève de la
propa~ande et non d'une analyse lucide des choses. Car même dans le cas où
on devrait accepter ce pourcentage, on verra que le nombre de mourides est in-
versement proportionnel au pourcentage des mosquées que leur attribuent les
tidianes.
L' L'll3ge du taalibé tidiane, véhiculée par cette propagande anti
mouride est la suiwmte="ce sont des intellectuels, ils sont nobles, élégants
et ont le sens de la bourgeoisie. Calmes, r~ndérés, avec beaucoup de dignité
.. / ..
(1) Le tract est Si~lé p~r A.K. Mouridoul~nhi DIOP alias FaarOY]l. Il répondait
à l'articl~, particulièr~ent élogicux, ~~e Sylviane Y~r2 ~v~it fait
sur les mourid0S dans le n° 966 dG l' hebdom:ldaire "Jeune ArTinue".

-1~-
et de foi, ils délais5~nt toute activité aux neures normales de cUlte pour
se consacrer à Dieu ... Ils n'exercent aucune forme de corruption ni sur les
masses, ni sur les r~uvoirs publics. Ils sont intelligents, courtois et très
cultivés".
L'auteur du tr~ct auquel nous faisons mention précise que
"l' IslffiJj est rigoureux et contraignant pour qui n'a nas suffisamment de foi.
un; secte cr.li y ap~rte des amendements d'allégement reçoit, forcément, des
adhésions massives. Pour cela si d'autres sectes c&ient du terrain à la
j eu-
ne secte mouride c'est, très certainement, le vaste terrain cle l' hérésie". S' a-
gissant (18 l' engol..:cment des jeunes pour le mouriclism0 l'auteur note : "il
n 'y a pas délI1S tout cela du sentiment religieux, il y a de l'excentrique, de
l'exotique, de l'esprit de mode, du souci du lucre et de ses effets induits! Le
laisse aller est allécha.l1.t".
Enfin le th~le préféré des tidiancs y est abordé : le thème
Baye FALL, Pour les tidianes
les Baye FALL ne sont pas J1R.lsulmans. "Que signi-
fie t-il de se com~laire dans la conception du Baye FALL soit disar,t musulman
païen qui outrepa.!se L11.tégrnlement les dispositions et règles
.'
islamiques s' in-
terroge l'auteur du tract. L' imê.ge que la pror-agande tidi3.1l.e dégage du Baye
FALL est celle d'un paien, rustre et ignorant. Il leur est reproché de ne
~s prie~ et jeû-11.er et de se livrer à des pr~tiques interdites par la reli-
gion musulmane (conscmmation d'alcool etc ... ).
Cette même propagande anti-Baye S\\LL cst reprise, quoique de
façon voilée, par 1 'œücm cl.Ùturelle musulmane dl! Sénégal quis à travers les
nombreuses interventions de son Président ~busta~ha GUEYE critique implicite-
ment le modèle comrorterr:ental Baye FALL.
../ ..
Il faut preCIser, au sujet des Baye FlùL, que ce:t~irLs d'entre mLX prient ré-
gulièrement et -respectent toutes les obligatirms :.-eligieuses Iffilsulmanes. Cette
observation a également été faite par O'BRIEN en nilieu rural. Mais globalement
il s 1 agit d' un ?hénomèm~ marginal, le vrai Baye F;\\LL ne prie pas. Nous signa-
lons qu'une: minorité de mourides comme ~JUsr.I\\PHA ID sont très critiques à l'é-
gard des BAYE EI\\LL. :13e ne conseillerai jamais à quelqu'un de devenir Baye FALL"
nous dit Monsieur LO.

-191-
La masse rnouride dans sa majorité n'accepte pas les critiques
dirigées contre eceux qui constituent l'avant-garde de son mouvement.
Le mouridcMactar NDIAYE, pense que "si on ~Jarle aujourd 'hui des mourides,
c'est grâce aux Baye FALL". Les intellectuels
mcurides, expliquent le cC!TIi..or-
tement BaYG FALL
en le repl:lç.ant dans le contexte du mysticisme musulman,
qui seul rermet de comprendre ce phénomène.
Le thème de la rivalité entre mourides ·et tidianes a été le
sujet des sennons de l'Iman de Dakar et de Abdou Aziz St lors de la cérémonie
religieuse marquant la fin du ramadan de 1979. L'lman cl.e Dakar, dans une lon-
gue intervention, a exhorté les fidèles à mettre un terme 2 la division entre
musulmans sénégalais et prévoit, au cas où 13 rivalitS continuerait, les
pires conséquences pour l'ordre social sénégalais.
Le sermon d'Abdou Aliz SY, KP.al~fe général des tidianes, ira
dans le même sens. Un passage extrait de son àiscours en wolof et traduit par
nous est assez révélateur : "une chose se développe dans notre pays et si on
la laisse évoluer. Elle peut déboucher sur ll.Tle guerre civile". L'idée de
guerre civile comme aboutissement de la rivalité actuelle entre mourides et
tidianes est srnDTent expr~ée par des notables pJlitiques ct religieux. Elle
révèle la crainte, exrrirnée par ces notables, que la situation religieuse mar- .
quée par un fanatisme;; de plus en plus étroit et ::ar un aiguisenent des parti-
cularités de chaque confrérie ne débouche finalement sur un affrontement.
Les motifs de la rivalité (1) sont nombreux, i l a été repro-
ché aux marabouts, non mourides, d'avoir été les alliés des colons contre
Amadou Bamba, comme actuellement certains intellectuels mourides reprochent aux
tidianes d'être les
principaux alliés du pouvoir politique senghorien.
Les tendances hégémoniques de la confrérie mouTide dans les cet
../ ..
(1) Le dévelo::1pement de cette rivalité peut conduire à un renforcement des ;0-
sitions économiques et politiques privil~giées des milieux catholiques asse~
proches du pouvoir. Il peut les placer d3ns une position où ils joueront
le rôle indispensable d'intermédiaire entre les deux groupes ou d'allié de
telle ou telle confrérie.

-192-
tres urbains princi~î1ement à Dnkar constituent
un autre motif de rivalité.
Les rares études démographiques disponibles au Sénégal mon-
traient une prédcr.'linaIlce numérique tidiane. Actuellement, les mourides, en l'al
sence Je tr.fllte étude démographique précise, disent constituer la confrérie
r.u-nériquement la plus importante du Sénéea1. "Presque tous les jeunes séné-
galais sont mourides" disent-ils. Or le mouridisme, en revendiquant le mono-
[;ole du recrutement des jeunesses \\Arbaines dit, en même temps, sa supériori-
té n~~érique actuelle ou à venir. Un vieil informateur mouride
de
Fass nous
disait, à ce sujet, en Février 1979 que "tout sénégalais qui déteste les mou-
rides ne doit pa.s chercher à ffiettre au monde des em3Ilts cal; dans un proche
avenir, teus les enfants de ce pays seront forcément mourides".
Faute de pouvoir disposer des données d'ensemble sur la répar-
tition de la popu1atiŒ1 du Sénégal selon la confrérie, nous avons pu néanmoins
analyser 1R structure socio-re1igieuse d'un quartier de Dakar. Les chiffres
qui suivent i.nfi rrnent la prépondérance numérique des rnourides dans ce quartierl
au moment de l'enquête.
Apnroche de la structure socio-re1igieuse des "parcelles assai~
nies'
Les parcelles assam1es constituent un programme d'habitation
fïn.lncé 2.vec l'aide de la Fanque Mondiale et qui a démarré au cours du Ire
flan. L'objectif visé est cl' aménager 11 500 parcelles dans la zone de Cambé-
rène (banlieUède Dakar) pour y loger des caté~ories sociales défavorisées.
l·~r.'lis avons procédé à lIDe appelle socio"re1igieuse de la. popu-
lation des attributaires de parcelles, en 1977.
Sur une ?O~u1ation de 3 601 rersonnes, la distribution ethnïqus
se faisaif"ainsi

/
0
Il

-193-
TABLEAU 21
Répartition ethnique de la population
de5'''parcelles assainies' (1977)
l
)
( E T H N I E S
N~MBRE
POURCENTAGE
)
((
).
j
(
Wolof
1
1781
1
4 9 , 5 )
(
;
;
1
~
(
.
.
)
(
Toucouleur
1
550
1
1 5 , 3 )
(
.
.
)
(-----------------------:-------------------:------------------)
(
Lébou
i
1 1 2 ;
3 , 1 )
(
.
.
)
(-----------------------:-------------------:------------------)
(
Serer
;
412
i
11 ,4
)
(
.
.
)
( - - - - - - - - - - - - - - - - - -
1
- - - - - - - - - - - - - : - - - - - - - -
)
(
Peu 1
9 4 ;
2 , 6
)
(
'
)
(----------------------- ---------------_._--:------------------)
c Diola
2 2 6 ;
6 , 3 )
(
'
)
(----------------------- -------------------l------------------)
(
Bambara
,
76
1
2 , 1 )
~------------··----------T-------------------T--------
----------J
(
Mal inké
!
8 !
0, 2
)
(
t
1
)
(-----------------------J-------------------')
(
Mand.ingue
!
4 3 !
1 , 2 )
(
1
1
)
(-----------------------!-------------------!
)
(
Sarakolé
!
6 2 !
1 , 7 )
(
1
1
)
(--~--·_-----------------i-------------------i------------------)
(
50ussou
!
8 !
0 , 2 )
(
1
1
)
(-----------------------i-------------------;------- -----------)
(
Socé
!
5 3 !
1 , 5 )
(-----------------------!-------------------J-----------.-------)
(
~u t r E'
!
'1 7 . ; !
.
c,
)
( H
_
!
!
if, ..;
)
(
--1-
(
Tot a l
3 ((J l
100 . -
)
(
)

: ..
~:
-194-
L' et!mie dominante
de cette population est l'ethnie wolof,
générale.lIent musulmane, suivie de celle des toucouleurs. C'est panni ces deux
ethnies que se Tecnlt(nt généralement mourides et tidianes.
Le niveau r.l' instnlction de cette population se nrésente ainsi

r
TABLEAU 22
Niveau::l' instruction de la popUlation
des parcelles assainies (1977)
(
)
(n'a ja!T~ais été à l'école
748
20,8 %
)
(
1
1
)
f··-----------------------------------~------------------~----------------------)
~0cGle cornnique seulement
, 1 059
1
29,4 %
j
f---··--------------------------------i------------------i----------------------)
(.
1
. .
.
~
;
543
;
15 1 0
)
(co.....e prllnaue tennmee
;
i ' 6
).
(------------------------------------;------------------j----------------------)
(c r.: ~
;
566
i
15 7 0
)
(
. L . J .
;
'
;
'
'b
)
E-·-·····--------------------------------; -----------------.- i --..-------------------~
~Blli-C ou Cf-J:'
i
356
!
9,9 %
~
(_.~.•..,------_._.._.._------------_._-------; ------------------; ----------------------)
~a~ del8. du BEPC ou du CAP
~
143
~
4 %
~
(------------------------------------;------------------;----------------------)
(
"
)
t~utre
;
179
;
5 %
)
f------------------------------------·------------------.----------------------)
r
! !
lC·r .. c
rp""'onse
1
7
1
0 2 0
)
.
('-'cJ..~1...
.~ 1-'
L

.
,
6
)
~
!!~
-C
(
~OT'\\T
,
l !
_i--u..J • • • • • • • •
3.601
100 %
)
(
)
l'lus de 50 0.., n'a pas fréquenté l'école française. Ce pourcen-
tage relativeme:at élevé devient explicable par le fait que 45,8 % de cette
population '~st ccnstitué de vi llageois venus en ville par le phénomène de l' exo~
de rural.

-195-
La réuartition religieuse de ces acquéreurs se présentait
ccmme suit en 1977 :
TABLEAU 23:
Répartition de la population des parcelles
assainies selon la confrérie (1977)
~:.
RELIGIONS
:
NOkffiRE
!
POURCENI'AGE
~ ..
f----------------------------- ------------------------,-----------------------)
~ Sans religion
6 :
0,2
~ .•
f----------------------------- ------------------------j---------------------- ) .
~ Tidiane
2 020
:
56, 1
~ •
f----------------------------- ------------------------j-----------------------) .
~ Mouride
, 7 4 0
j
20,5
j .
f-
j-----------------------):
o
~ Khadria
;
321
:
8,9
j.
f-----------------------------;------------------------j---------------------- )
(
Layène
!
41
i
1, 1
)) .
(
!
!

~-----------------------------!--------.-.-.. -----------l-----------------~-----~
(
Autre
;
229
6 , 4 )
f-----------------------------j------------------------ -----------------------)
~ Catholique
j
242
6, 7
~
f-----·---~~-~----------------j------------------------ -----------------------)
~ Autre religion
i
2
0, 1
~
(
!
1
)
(
: )
(
TaTAL. • • •
3 601
j
100, -
)
(
j
)
~
0
La répartition religieuse de la population des acquéreurs
des
parcelles assainies, en 1977, laissait apparaitre Lme très forte propor-
tion de JlUlSulmans, ce qui reflète assez bien la structure religieuse de la
pJpulation sénégalaise. Pour ces 3 601 persormes, les tidianes sont deux fois
plus nombreux que les mourides. Néanmoins ces pourcentages de mourides (20,5 %)
../ ..

-196-
et de tidianes (56,1 %) doivent être interprêtés avec prudence. Il est certes
possible, à partir de l'appartenance religieuse des chefs de familles de pro-
céder à une extrapolution sur l'appartenance confrérique des femmes. La norme
en milieu musulman sénégalais est que les femnes adoptent l'option confréri-
que des ép:iUx. ?>Aais pour les enfants, l'option confrérique n'est plus déter-
minée par le choix de chef de famille. La ~endance actuelle est que maints
enfants dont le père est tidiane optent pour le mouridisme.
Nos chiffres montrent dans un quartier, la structure religieu-
se des chefs de famille. Ils ne peuvent donc pas être extrapolés à l'ensemble
de la population du Cap-Vert.
Dakar est devenu la zone principale de la lutte d'iD~luence
entre les mourides et les tidianes. Jusqu'à présent, les khalifes des deux
confréries ont joué lID rôle apparEmIlent modérateur en évitant de faire des
déclarations pübliques dirigées contre l'lIDe ou l'autre confrérie. Le Khalife
des mourides a même fait lIDe déclaration radiodiffusée à la suite des évène-
ments de Rufisque pour rappeler ses disciples à..1'ordre. Mais, d'tm côté comme
de l'autre existent des éléments extrémistes qui peuvent, à tout moment, dé-
clencher des troubles dans lesquels le Sénégal, vu les nombreux problèmes aux-
quels il se trouve confronté, ne trouvera pas sen intérêt.
La cause de la rivalité gît également dans le messianisme mouri-
de.
2.1.3.
Le messianisme mouride
Le messianisme, l'attente du Mahdi sauveur, sont des ir.lages
de marque de la conscience musulmane. Les adeptes urbains de la confrérie que
nous avons interrogés
sur le destin pol itique de la confrérie et du Sénégal
ont livré des récits qui disent assez long sur les espoirs qu'ils placent dans
la confrérie. Parmi ces récits que les mourides atffient raconter, avec convic-
tion, nous avons choisi celui de Matar ]-';'DIAYE :
"Serigne Touba" avait écrit, depuis longtenps, le nom de SENGfOR
dans les Xasaïd. Il avait dit qui dirigerait le pays après les colons

-197-
et qui dirigerait le pays après SENGOOR. Il a écrit deJXlis longtemps qu'après
SENGOOR seuls ëies taaliM
mourides dirigeront le pays jusqu'à la fin du monde".
Interrog~ pour avoir plus de précision sur son affirmation,
le mouride Matar NDIAYE nous livre le rêcit suivant qu'il tient, selon -ses di-
res, deŒlEIKH FA TACKO DIOP: ''Un jour, Serigne Touba appela mit de ses canpa-
gnons panni lesquels se trouvaient Serigne MASStIMBA., MA1\\ΠCHEIKH ANTA, ::
..Serigne MA NIOUBE, ŒŒIKH ISSA DIENE.; il leur posa cette question: savez-
vous corrrnent s'appelle la ceinture magique que portent les lutteurs avant les
combats? Après lm moment d'h~sitation 1..Ul membre de l'assistance lui dit
moi, MBACKE, je sais comment cela s'appelle, cela s'appelle SENGOR~1.
Serigne Touba lui ~pondit
: c'est vrai, tu as raison, Mais je veux que vous
sachiez qu'après le départ du toubab, celui qui dirigera le pays pourtera lm
nan pareil et après lui seuls mes taalibés dirigeront le pays jusqu'à la
f in du monde".
Le contenu sjmbolique
de ce r~cit est assez riche. La compa-
raison de L. S. SENGHOR à la ceinture magique nommée SENOOR (1) s'explique
par lm certain nombre de faits.
Le·SENOOR" fait
pa.rtie de l'arsenal du "saltigué" dans sa
lutte contre le mal. L'tmivers ml turel où' se déploie lme telle pratique est
l' tmi.vers serer, mil ieu .~d ' origine ae L. S. S. D'autre part, dans la conscience
collective mouride le colon blanc est souvent présenté comme l'incarnation du
mal (tous les récits mourides sont tmanimes pour dire que les Toubab voulaient
du mal à !··.MAIDU BAMBA). Or c'est justement Léopold Sédar SENGHOR qui, après
l'indépendance, prendra la place des Toubab, "chassant" ainsi "le mal" et pré-
parant, sans le savoir, l'instauration du pouvoir mouride. C'est pourquoi,
i l nous sanble que d'lm point de we symbolique, l'identité des fonctions de
l'
. .1..
(1) Les lutteurs n'ont pas le monopole du port de cette ceinture magique
appelée SENOOP.. on .la retrowe également en milieu serer panni les él~­
ments utilisés par le "sal tigué" (médium) dans sa lutte contre le mal.
D'après les chercheurs du Centre d'Etudes des civilisations de Dakar les
éléments utilisés par le saItiQUé sont : la corne, le bâton, la sagaie,
et le sengor. La fonction de ce dernier est de dépister le sorcier.

-198-
la ceinture magique et de l'actuel président est assez évidente.
Ce récit est une des nombreuses versions du messianisme mouri
de. Il est évident qu'il ne servirait à rien de se demander si c'est AMADOU
:MMBA qui l'a dit ou non. Nous pensons que ce sont les mourides qui l'ont
forgé et attribué à AMAOOU BAMBA. Ce qui ne signifie pas que les récits de
ce" genre doivent être tenus pour inessentiels. Le fait que ces dernières
années les mourides prCXÙ1isent des récits prophétiques de ce gente qu'ils
attribuent au fondateur je la confrérie mérite qu'on y prête beaucoup~' .
d'attention. A travers ces récits qui constituent, avant tout, ''une évasion
d'ordre collectif dans le monde de l'esprit" (1), la communauté mouride dé-
fini t AMAJ:OU BAMBA conrne "1' hormne du destinll •
Montrer, conrne le fait le récit de H'3.tar NDIAYE, qu'AMADOU
BAt\\1BA avait eu une saisie globale et définitive du devenir de ·.la réalité
politique sénégalaise, c'est dire, en mêllt: temps, que cette prophétie
rela-
tive au destin politique du Sénégal va se vérifier. C'est prouver "la vérité
actuelle et à venir du mouridisme".
Le récit de Matar NDIAYE traduit, pleinement, les asnira-
tions de tout un courant de la fraction urbaine de la confrêrie, pour qui le
mouridisme est porteur d' espo irs polit iCfoles . Il manifeste ce que nous app~
lions les tendances hégémoniques actuelles des mourides sur les autres con-
fréries du Sén~gal. Des récits à peu près a~logues sont racontés (2) par les
mourides pour €.'q)liquer
l'engouement actuel des j etn1es pour le mouridisme et
la prolifération des dahi~.
f.. notre avis, tous ces récits sont à mettre sur le compte du
messianisme mouride, de l'assurance des fidèles de l'intervention d'A\\1I\\IX)U
../ ..
(1) GARDET (Louis).- Les honunes de l'islam Paris; Hachette 1977 P. 308
Pour une analyse du messianisme chez "les hommes de l'islam" se réferer
à l'ouvrage de Louis GARDET P. 369-370.
(2) Dans le ffiême ordre d'idées, on nous a signalé un fait que nous n'avons
pas pu vérifier: des textes arabes attribués à <t~tt à Amadou lW4BA
circuleraient actuellement à Dakar.

-199-
BAMBA dans 1 'histoire des hormnes en général, 1 'histoire politique du Sénégal
en particulier, ils disent la volonté actuelle des mourides de façonner le
destin politique du Sénégal.
Cette volonté commence à se manifester à travers un fait jus-
que là inédit dans l' histoire du mouridisme : la revendication du contrôle de
l'appl.I'eil d'Etat.
La rivalité tidiane mouride qui, jusque là, avait une base
religi€llse
(les mourides sont-ils des llUlSUlmans orthodoxes ?) se déplace
progressivenent vers le champ politique et prend la fonne d'une épreuve de
force pour la conquête de 1 'hégémonie politique.
Ce fait, encore latent se révèlera après le départ de Léopold
Sédar SENGHOR. Son successeur appartiendra probablement à l'une des confré-
ries rivales : rncuride ou tidiane, il sera donc contraint de choisir son camp
confrérique.
Il est certes difficile de faire, à ce sujet, des prévisions
à long terme lllais il est pennis de penser que le contrôle de l'appareil d'Etat
par l'UIle ou l'autre confrérie sera un élénent d'aggravation de cette rivalité.
L'histoire de certains pays mu~s corrnne
l'Irak ou la Syrie où UIle situa-
tion pareille s'est installée montre que dans de tels cas la confrérie poli-
tiquement dominée risque, un jour ou l'autre, cie contester la légitimité étati-
que, r6clamant ainsi à son profit, la construction d'une nOlNelle hégémonie
politique et sociale.
2.2
Fonctions de solidarité
La nol'me wolof d'assistance, codifiée dans le proverbe "nit moy
garabu nit" (1 'homme est le ranède de 1 'hcmme) ~
établit que tout individu
ayant sollicité l'aide d'un tiers se doit de répondre, à son tour, à l'appel
de ce dernier. La solidarité dont i l est question ici ne concerne pas seule-
ment l'échanre des biens matériels, il s'agit, d'une manière générale, de
../ ..

-zoo-
partager le bonheur ou le malheur d'autrui.
La solidarité, comme idéal du groupe, est codifiée dans maints
proverbes wolof :
celui qui dit, je ne me soucie de persorme, peut également dire perSOIUle
1
ne se soucie de moi.
·1
- il est bon de se mélanger avec les gens, de les connaître.
- celui qui cormaît beaucoup
je monde peut tout obtenir dans la vie.
Cette norme d'assistance mutuelle, de partage des
biens-ma-
tériels définit l'intégration au groupe comme t.n1 signe de sociabilité, de bon-
té etc ... Contrairo~ent à ce Qui
.
est affirmé très souvent., la solidarité dont
i l est question ici ne se définit pas seulement par ses manifestations écono-
miques, i l s'agit aussi et surtout du "partage" des situations.
L'autre doit être là à chaque fois que sa présence est néces-
saire: i l faut d'abord être là et dormer ensuite. Ce mécanisme a été clai-
rement expliqué, le 17 septembre 1979, à Radio Sénégal, par la troupe théâtra-
le "diamonoye Taye" à travers les agissanents du
personnage DAOUDA GUEYE. Ce
dernier n'assistait pas aux cérémonies de ses collègues, il se contentait de
leur envoyer de l'argent. Mais le jour du baptême de DAOlIDA GUEYE, la réaction
du gro~pe ne s'est pas fait attendre: personne ne s'est présenté.
Le modèle culturel wolof codifie un comportement social pré-
férentiel, celui d'une constante solidarité avec les partenaires sociaux.
En société wolof, des cérémonies COI!l!!!e les baptêmes, mariages,
décès €:tc ... sont des occasions, pour la collE.<:tivité, de démontrer qu'elle
constitue un tout harmonieusement intégré. Peur gérer la vie en collectivité,
la sociét~ a opté en faveur de l'intégration sociale de ses membres. Dans cette
optique, on comprend parfaitement que le marginal, celui qui menace la bonne
cohésion du groupe, soit rangé du côté du mauvais, du mal.
.../ ...

-201-
Le principe de solidarit~, élément fondamental du tissu 00-
turel wolof est repris et codifié par la confrérie mouride. Il y joue un
rôle important, surtout au sein de sa base paysanne. Conme le reconnait si bien
Paul Pelissier : "la solidarité : tel est le mot clef qui, au-delà de tous
les facteurs contingents ou irrationnels que nous avons JX.1 évoquer donne l' ex-
plication profonde du développement du mouridisme depuis un deni-siècle" (1).
Pelissier l'a démontré, se faire rnourideéquivaut, certes, à accepter une
terrible soumission mais, pour les masses paysannes, l'option mouride s'expli-
que par la force sécurisante et les avantages socio-économiques qu'elle offre
à ses adeptes. "Pour l'observateur étranger la richesse des marabouts fonde
la JX.1issance matérielle de la confrérie. Pour le taalibé elle est d'abord
la garantie de la sécurité. Mais, l'tffiportant pour les fidèles est que les
Cheikh assurent une fonction sociale qu'aucune institution ne tiendrait, ac-
tuellement, à leur place. Pour le cultivateur du Cayor guettant, angoissé,
la montée des nuages qui ne parviennent pas à crever, pour le colon perdu
dans l'immensité hostile du Ferlo, pour le chef de famille terrassé par la
fièvre, au moment des sanis, les garanti,;,;s qu'apporte l'intégration à la con-
frérie n'ont pas de prix". (2).
l~is, on peut se demande~ comment se manifeste la solidarit~
mouride en milieu urbain ?
L'idéologie des mourides que nous avons interrogés .sur la
question ne laisse aucun doute. Ils sont unanimes à déclarer que le dahira
est SYnonyme d'union, d'entraide collective, de solidarité. La solidarité dont
ils parlent est-elle un principe vécu dans la quotidienneté ou un idéal ja-
rr.ais atteint ?
Dans les dahira de Dakar que nous avons étudiés, un principe
../ ..
(1) PELISSIER (Paul) op. cit. p. 336
(2) PELISSIER (Pau4op, cit. p. 335

,
-202-
est toujours respecté, celui de la contribution financière des membres en
faveur des élites maraboutiques.
ChaC\\'Je dahira participe, au moins anJU.lellanent, à cette con-
tribution. Ces dons participent à la c)nstitution de ce que Pelissier appelle
une "caisse de garantie collective" dont l'utilisation par les manbres surtout
i
1
urbains est, à vrai dire, incoIll1lle. H..qisi en tout état de cause, aucune compa-
raison n'est possible entre l'apport matériel du marabout autaalibé urbain et
celui, ÏP5titutionnalisé, du marabout au tak-èer. Ce dernier est totalanent
pris en charge par son maître en contrepartie du
travail fourni. Le daara
est d'ailleurs la seule institution mouride où existe, codifiée, la réciproci-
té matérielle taalibé-marabout. Mais il convient de souligner, dans ce cas,
que parler de réciprocité ne signifie pas qu'il existe tme équivalence mathé-
matique entre le travail fourni par le taalibé du daara à son marabout et l' in-
vestissement obligatoirement fait par ce dernier pour l'entretien et la re-
production de la main-d'oeuvre du daara.
Dans toutes les autres formes organisationnelles mourides, la
réciprocité, la redistribution est beaucoup plus théorique que pratique. Si
on peut admettre, chez les mourides, l'existence d'tme redistribution des re-
venus ~le l'administration centrale de la confrérie tire des dons des fidèles
i l faut préciser que ses formes prédomiIlantes sont les suivantes
investissement pour les oeuvres collectives (1) et symboliques de la puis-
sance mouride : mosquée et bibliothèques de Touba.
- investiss6Ilent maraboutique, le jour du Magal, pour la préparation des repas,
la réception des hôtes, bref pour le financement des cérémonies religieuses
aIll1llelles .
../ ..
(1) Les mourides urbains participent volontiers à la construction d'oeuvres
collectives de la confrérie. Nous avons pu nous rendre cŒi~lte, dans le quar-
tier populaire, d '''Usine Bène Tali" de la ferv:eur avec laquelle les fidèles
mourides construisaient tme mosquée.
Chaque dllruL~che de 9h à 18h, sous la direction de certains leaders urbains
ccmme Bamba DIAW, Ndiaga GUEYE, Cheikb. NroM, des centaines de taalibé ont
participé, en masse, à la construction de ce qui sera demain leur signe de
fierté et dG ralliement. Il est intéressant. de noter, à ce sujet i que l'in-
vestiss~~ent hurr~in que l'ad~inistration centrale de la confrérie peut obte-
nir des fidèles, ne peut être réalisé par aucune autre institution.

-203-
Il faut souligner également que l'entretien des nambralSes
familles des élites maraboutiques peut constituer un poste assez impor-
tant du budget de l'administration centrale.
Guy ROGIETEAU a don."lé, sur la question, une mise au point ca-
pitale. En 1977, il a pu établir que le revenu d'un marabout situ€
entre
le 20° et le 30° rang de la hiérarchie s'élevait à 4 millions de francs.
Mais. il ne suffisait pas à faire face aux dépenses du marabout.
En tout état de cause, les revenus des marabouts mourides sont
fortement concentrés entre les mins d'un petit nombre de dignitaires,
phénomène qui se justifie par la propension des nouveaux disciples à prê-
ter le serment d'allégeance aux marabouts les plus prestigieux.
Cette concentration a été signalée par O'B?J~J dans la reglon
mouride de Diourbel. Cet auteur q montré que les exploitations d'une di-
zaine de ~~rabouts représentaient, à elles seules, 2/3 des surfaces con-
trôlées par l'ensemble des marabouts mourides, trois d'entre eux possè-
dant plus de la moitié.
~~LS les dahira, comme dans maintes associations profanes, la
solidarité joue un rôle essentiel. Mais, pour analyser les mécanismes de
fonctiormement cl' un phénomène, aussi comple.'œ, il convient de ne pas pro-
céder par des analyses globales, c'est pourquoi, pour mieux faire comprendre
tous les faits observés, à ce sujet, au moment de la recherche, nous
aborderons l'étuàe
àe la solida-
../ ..
(1) O'BPJEN D.B.C. op. cit, P 280.

-204-
rité en deux parties : la fonne non économique et la fonne économique.
2.2.1.
Cette forme de solidarité consiste à être ensemble, savoir
qu'on peut toujours compter sur les autres en cas de difficulté. Cette soli-
darité à resonnance affective comme l'appelle l'etlmologue SORY CAMARA est tme
composante essentielle des associations aussi bien religieuses que profanes.
Chez les mourides elle se manifeste chaque fois qu'un des membres du dahi.ra
a une naissance, un décès ou autre évènement heureux ou malheureux dans la
famille. La signification de cette forme de solidarité est la suivante : le
groupe démontre qu'il constitue une totalité indivisible. Et tout se passe
comme si elle était une réaction de nostalgie de l'âge d'or de la collectivi-
té, celui où elle constituait un tout harmonieux, marqué par un ordre sé'"
curisant.
Une dE;; nos --hypothèses de départ était qu' il devait exister
chez les mourides, urbains cOl!llle ruraux, un système spécifique de solidarité
économique par lequel certains fidèles pouvaient trouver un moyen de finance-
ment de différents projets. Nous pensions que les mourides avaient codifié
un système qui penn~ttait, à l'instar d'une banque, de prêter de l'argent à
certains fidèles. L'insistance de nos infotmateurs, au début de la recherche,
sur l'entraide et la solidarité nous incitaient à le supposer.
Mais, les informations tirées des entretiens avec les commer-
çants mourides du marché Sandaga et certains leaders de la clientèle urbaine
ne nous pennettent pas de confinner notre hypothèse de départ, en milieu ur-
bain.
En outre, des chercheurs de l' O?SI'Qil.1 ayant mené des enquêtes
monographiques en -miliro - rural, interrogés sur la question affirment ne pas
avoir observé un tel système de solidarité chez les paysans mourides .
../ ..

-205-
Néanmoins, il existe un système non institutionnalisé de soli-
darité économique chez les commerçants et hommes d'affaires. Plusieurs infor-
mateurs nous ont confinné que certains commerçants mourides doivent leur ri-
chesse à feu Serigne Cheikh MBACIŒ (1), ce qui semble se v6rifier car ce mara-
bout aidait certains de ses lieutenants à investir dans le coomerce. Ce fait
est d'ailleurs signalé par 0 'BRIEN (2). Mais il convient de souligner que ce
genre de prêt maraboutique est dicté beaucoup plus par la relation personnelle
entre le marabout et le fidèle que par d'autres considérations. Un tel système
de prêt n'est pas comparable au prêt bancaire, il s'inscrit dans le cadre de
la stratégie des élites maraboutiques, qui consiste à s'allier des talibé
économiquement puissants, ou qu'on rend tels par le système des prêts.
Faire en sorte que ses principaux lieutenants soient riches
ou le deviennent est une stratégie efficace, dans la concurrence que se livrent
parfois les leaders des différents lignages maraboutiques.
Si les marabouts ont aidé certains de leurs fidèles à devenir
commerçants c'est qUë, à de rares exceptions près, le système mouride semble
interdire pratiquanent que la relation taalibé-marabout, qui est une relation
personnalisée soit doublée d'une relation commerçant/client. La relation entre
le marabout et son fidèle tln.lest pas compatible avec le caractère contractuel
des relations entre un corrmerçant et ses clients" (3).
../ ..
(1) SerignE' Cheikh Amadou MBACKE est présenté co:mme un dignitaire assez ex-
ceptionnel dans le mouvement mouride. Il a été, à vrai dire, le représentant
de la branche affairiste de la cOPJrérie. Dans un ordre religieux où les
élites ont une pratique économique qui tend 3 gaspiller les biens, Serigne
Cheikh MBACIŒ s'est singularisé en investissant dans le secteur moderne.
Voir O'BRIEN op. Cit.
P 236.
D'autre part
t
Serigneheikh a pu être considéré coume le leader de la ten-
dance moderniste du mouvement. Au moment où les dignitaires mourides s'oppo-
saient à l'envoi de leurs enfants à l'école française Serigne Cheikh fut par-
mi les rares marabouts à envoyer se~ prppres fils à l'école.
D'autre part, parmi ses amis on comptait de ncmbreux tidianes.
(2) O'BRlB~ (D.B CHJISE).- op. cit., P 234
(3) ROCHE'FcAU, Guy - Mouridisme et économie de traite .
dégagement d'un sur:plus et accumulation dans une confrérie isla."Tlique au Séné-
gal. Dakar, ORSTor~, 1975, p. 16.

, ;
-206-
G. ROŒIEŒAU rEmarquait en milieu ruraI, que les marClbouts à quelql..leS très
rares exceptions près ne se sont jamais directanent insérés dans le circuit
de la traite, "ni au niveau de la commerci:llisation de la culture de rente
ni à celui de la distribution des marchandises importées". (1 )
~ais ils ont encouragé leurs disciples à
s'inst~ller comme commerçants. Cette
alliance entre rr~rabouts et commerçants occultée,par la relation religieuse
a pu fonctionner efficacement dans l'intérêt des uns et des autres.
En milieu rural, la solidarité économique mouride se manifes-
te essentiellement dans les travaux collectifs agricoles. Elle a été étudiée
par lliy ROŒlETEAU (2) da.'1S la communauté pionnière de Habatte DL\\ç;A., situé
dans le Ferlo occidental. Selon cet auteur, en milieu rural mouride, en de-
1
hors des travaux collectifs agricoles découlant de la relation taalibé-marabout,
existent des travaux basés sur une reciprocité soit partielle et différée en
travail 5 soit une réciprocité partielle et iT.médiate en nature (repas), soit
par tme réciprocité en nature et en repas (3).
Si Ip.5 modalités de fonctionnement de la solidarité économique
en milieu rur~l sont assez bien connues grâce aux travaux monographiques de
1 'ORSfOl"vl, i l il' e:il est pas de même pour la solidarité économique mouride en
mil ieu urbain.
L'étude de ce phénomène en milieu
urbain passe par tme cons-
tatation préalable. En milieu rural la solidarité est modelée par 1 'envi-
rOIIDE!I1ent économique paysan. Cette forme ne p~'Ut pas être transposée en ville.
Dans les vinages Il.':' lien communautaire traditionnel fonctionne dans
. .1..
(1) id. cit. p. 16
(2) ROCHETEAU, Guy - Système mouride et ra:;:;;orts sociaux traditionnels : le
travail collectif agrico18 de~s une communauté pionnière
du Ferlo occidental (Sénég~l) ORSTOM. Centre de DaY~r
Hann, 1969, 37 p. multigr.
(3) pour de :nlu.s amples développements sur la question
voir G. ROCrlETEAU, op. cit. P 22-35.

-207-
le cadre
d'une économie rurale où les paysans possèdent, chaa.m, une petite
ex;.}loitttion agricole. IJats
! .
dn.ns le secteur moderne de l'économie, il est
difficile, voire impossible qu'elle puisse s'exercer non seulement parce que
l'orientation et l'organisation de la vie économique y est différente mais
aussi parce que les relations sociales qui se tissent autour de l'activité
économique capitaliste reposent sur la rivalité et la concurrence et ne per-
mettent pas l'exercice véritable du communautarisme traditionnel comparable
à celui observé en milieu rural.
A Dakar nous n'avons pas vu de fonne de solidarité collective
mouride, comparable à celle observée dans les villages.
La solidarit~
mouride urbaine s'exerce essentiellement lors
des cérémonies familiales. Mais cette fonne n'est pas une innovation mouride
car en société wolof, il est de règle que celui qui organise une cérémonie
familiale soit aidé par ses parents et amis. Le système institué par les dahi-
ra urbaiPs, apparaît calqué sur le système de solidarité profane.
Il est difficile d'avoir une idée exacte de l'apport monétaire
des dahira quand un de ses membres organise une cérémonie familiale.
N'importe quel wolof jugerait irrespectueux toute interroga-
tion approfondie sur l'importance des sommes distribuées lors des cérémonies
familiales.
D'une manière générale, les interrogations trop précises rela-
tives au statut économique sont très mal accueillies. C'est pourquoi nous pen-
sons qu'il est illusoire, corrane noUS l'indiquions, de vouloir étudier un thè-
me comme celui de l~ sali~rit~ économique en utilisant les questionnaires
classiques. Ce procédé aurait fourni beaucoup àe chiffres dont l'authenticité
serait impossible à vérifier.
En milieu rural, la solidarité économique qui se manifeste dans
des travaux collectifs agricoles peut être estimée, elle se déroule dans un
cadre directement observable par le chercheur et peut être décrite avec pré-
../ ..

.,
-208-
cision sous ses différents aspects. Par contre le système de solidarité écono-
mique que l'on observe à l'occasion des cérémonies familiales est difficile
à étudier d'un point de vue quantitatif, Cette difficulté provient essentiel-
lement de deux choses.
- D'une part, la solidarité économique qui se manifeste à l'oc-
casion des cér~anies farrliliales se déroule ~1S le cadre d'une relation duelle.
celle entre l'organisateur de la cérémonie et l'invité.
- Mais, d'autre part, les évènements cérémoniels familiaux
sont l'occasion de dépenses ostentatoires, qui font que les sommes ranises à
l'organisateur sont le plus souvent automatiquement redistribuées soit aux
griots, soit à des parents.
Ainsi donc, non seulement il est difficile de savoir la sonrne
exacte reçue par l'organisateur mais également la samme ranise à l'organisateur
par chaque invité. Comment les dahira interviennent-ils dans les cérémonies
familiales des mourides ?
Dans les dahiras que nous connaissons, nous avons été mis en
présence de deux systèmes de solidarité. L'un. traditionnel et spécifique à la
société wolof, consiste à contribuer financièrement à l'organisation d'une
cérémonie. Certains dahiras collectent globalement la contribution de chaque
membre et remettent la somme ainsi réunie à l'organisateur.
Nous avons pu, avec l'aide d'un membre du dahira Khidmatoul
Khadim Touba Guédiawaye donner une vision quantifiée de cette solidarité dans
une association. Durant l' annfe 1979, ce dahira, composé théoriquement de 200
membres, a réuni les sommes suivantes à l'occasion des cérémoni8s de ses membres
1ère cérémonie
6 (XX) F CFf"\\.
2ème
"
4 500
3èrne
t1
3 000
t1
../ ..

-209-
Les sorranes n'ont pas été prélevées du budget du dahira mais
réunies, pour la circonstance, sous forme de cotisation extraordinaire. Le
budget de ce dahira s'élevait à la mêne époque à 20 (XX) francs, ce qui laisse
apparaître que cette forme de solidarité représente un poste important du bud-
get de ce dahira.
~.ais, un tel système centralis~ de collecte des contributions
financières n'est pas appliqué par tous les dahira. CGlui des commerçants du
marché Sandaga laisse à ses membres, la liberté de remettre à l'organisateur
la somme désirée. Dans cette 2ème formule, la solidarité économique fonctionne
essentiellement compte tenu des relations personnelles entre l'organisateur et
tel ou tel membre du dahira.
L'innovation rnouride, dans ce système de solidarité, consiste à
organiser une séance de chants de "xasaidll • D'une manière générale, toutes
les sammes réunies à l'occasion des ch?Jlts sont remises à l'organisateur de
le cérémonie. Les cérémonies dans lesquelles s'exerce cette ibrme de solidarité
sont les baptêmes, mariages et décès. Dans ce dernier cas l'intervention du
dahira peut consister soit à remettre de l'argent aux parents du défunt soit
à louer un car au cas où l' enterr6llent d.evrait se faire à Touba (1)
En conclusion, on peut faire les remarques suivantes. D'une part,
le système de solidarité éconanique mouride ne lui semble pas spécifique, i l
s'integrerait dans le système de solidarité traditionnelle wolof. Cela semble
confirmer une ob servation de Guy ROCHETEAU relative à l'enracinenent social
du mouridisme : "La caractéristique centrale du mouridisme en tant que système
de relations sociales a bien été celle de son dynamisme, de sa capacité à in-
tégrer les éléments extérieurs et à les utiliser au maintien voire à l'édifi-
a:ation des règles d'organisation qui constituent ses structures spécifiques" (2) •
../ ..
(1) Dans l'imagerie populaire mouride, celui qui est enterré à Tou1n,c apitale
du mouridisme accroit ses chances d'accèder au paradis.
(2) ROCHETEAU, Guy.- Système mouriàe et rapports sociaux traditionnels: le
travail collectif agricole dans une communauté pionnière
du Ferlo occidental. ORSTOJ'.i, centre de Dakar-Hann. 1969, p.4
../ ..

-210-
/
7
II
/
ACTIVITES
DES
DAHlRA
/
..../_-------_-----:/
D'une manière générale, les activités des dahira ne sont pas
interrompues, elles continuent toute l'année (1). Toutefois, i l convient de
préciser que les dahira
de jeunes, surtout scolaires, ont un c)C1.e
d' acti-
vités correspondant à celui de l'année scolaire. Pour les dahira de ce -
type;. les activités religieuses (réunions, chants, etc ... ) couvrent tme pério-
de allant du début de l'armée scolaire jusqu'à la mi-juillet. La plupart des ~
membres de ces dahira
n'étant pas originaires de Dakar ou devant se rendre
dans d'autres régions du Sénégal pendant les vacances scolaires et universitai-
res, cette décision de faire correspondye le cycle des activités des dahira
à celui de l'année scolaire se comprend aisément.
La cessation provisoire des activités d'un dahira est marquée
par l'org~~isation de cérémonies religieuses. C'est ainsi que le dahira des
étudiants mouridcs a organisé les 13 et 14 juillet 1979, à la cité gibraltar
de Dakar, chez Sokhna Asta ~.1BACIŒ, des manifestations culturelles dédiées à
Amadou BM,ffiA. Les cérémonies comprenaient aussi bien des expositions sur la
ville de Touba,
le dahira des étudiants, des conférences sur la vie de Cheikh
Amadou BMvfi3A etc....
De nombreux élèves mourides, représentant tous les dahiras
scolaires du Sénégal ont assisté à ces journées culturelles et fait des inter-
ventions, généralement en wolof, sur la vie de Amadou BAMBA. Après une pré-
sentation des activités du dahira par le secrétaire général, des
étudiants
mourides, les représentants. des dahiras scolaires du Sénégal ont tour à tour
fait des déclarations,
dont toutes avaient la même finalité : dire
la vérité du mouridisme et les qualités axceptionnelles d'Amadou BAMa~ •
../ ..
(1) Mais i l convient de souligner que pour la période qui va de juillet à octo-
bre, on constate, à Dakar, une dimunition très sensible de l'organisation
des cérémonies religieuses mourides.

-211-
Le dahira de quartier, Touba HLM, composé également d'élèves
et étudiants etc ... a, quant à lui, clôturé ses activités le 12 juillet 1979.
au siège du dahira, situé à la cité H1142. Comme dans le premier cas, les mem-
bres de ''fouba HIM' ont égalanent organisé des chants et l.me conférence sur
le mouridisme et la jeunesse, thème beaucoup apprécié par les mourides depuis
qu'a carrunencé le recrutanent massif dans la population jeune de Dakar.
Les james mourides ont iImové dans l'organisation des dahiras en
instituant dans leurs activités, une coupure correspondant aux vacances scolai-
res. Cette innovation peut s'interpréter comme l.me preuve de la capacité. spé-
cifiquanent mouride, de s'infiltrer et de d'adapter à un environnement nouveau.
Les dahira ont essentiellement 3 types d'activités : récupé-
ration des cotisations des membres, organisation de cérémonies religieuses
hebdomadaires durant lesquelles les poèmes d'Amadou BAMBA sont récités, orga-
nisation de causeries sur la vie et l'oeuvre d'Amadou BAMBA. En tout état de
=ausc, la récitation des poèmes du fondateur de la confrérie semble être urie
activité marquante des dahira.
Dans les dahira traditiOImels, les poèmes étaient'récités ou
chantés par des lettrés mourides. Ceux qui ne savaient ni lire, ni réciter les
poèmes se contentaient de répéter : ''Merci Serigne TOUBA.
A ce sujet, i l faut
préciser que les dahira . des étudiants et élèves ont il1troduit une innovation
assez importante. Pour éviter une marginalisation de leurs adeptes, les étu-
diants ont transcrit, en alphabet français, des poèmes mourides', transcription
destinée à pel11l8ttre à ceux qui ne savent pas lire l'arabe d'être en mesure
de réciter les
paroles du maître. Il est VTa.i que cette méthode pédagogique
ne pennet pas aux mourides d'accéder à l'essentiel, au décOllage des textes du
maître,.
mais on constate que pour le mouride ordinaire, le fait de pouvoir
réciter, sans canprendre, les paroles du maitre constitue un véritable motif
de fierté.
La différence entre les dahira
traditionnels et modernes sur le
plan de l'organisation des séances de récitation des poèmes d'Amadou BAVJœA,
.../ ...

-212-
nous a été bien expliquée par Ngagne THIAf,,1 : "au début, seules deux ou trois
personnes récitaient les autres écoutaient, maintenant, avec les jeunes, tout
le monde récite". Savoir réciter les poèmes du maître constitue, pJur les
mourides, tme vertu.
A part, les séances de récitation, de chants, les dahira organi-
sent des causeries sur la vie et l'oeuvre d'Amadou Bamba. Elles sont faites
généralement, par des manbres du dahira ou par des invités. Rares sont les
exposés qui sortent du cadre théologique. C'est pourquoi nous pensons que les
dahira ne sont pas, contrairenent à ce qu'on pense, des structures de propa-
gande politique. (1) Les mourides des dahira s'identifient néarnnoins au Ill0-
dèle socic-politique d'Amadou Bamba. Ce dernier est souvent 4(POsé, par les
mourides eux-mêmes, au colonisateur, assDni1é au toubab, et aux marabouts colla-
borateurs. Cette opposition transparait directement surtout dans la version que
donnent les mourides de la rencontre entre "Serigne Touba" et le Gouverneur
de Saint-Louis (Borom Ndar).
Les dahira des étudiants et élèves non seulement se déclarent
apolitiques, comme presque tous les dahira, mais en plus ont des activités qui
n~ sont pas du tout comparables à celles d'une cellule de base d'organisation
politique ou syndicale. Les rétmior~ de dahira ne sont pas centrées sur l'ana-
lyse de la situation socio économique du Sénégal, ni sur l' exarnen des problèmes
politiques du Sénégal d' aujourd 'hui. Presque tous les mourides,
.. / ..
(1) Il nous a été répété à plusieurs reprises (des infonnateurs tidianes du P. S)
que le RND serait à l'origine des dahiras des étudiants et élèves mourides.
A vrai dire il ne nous a pas été possible de vérifier cet argument qui re-
lève, à notre avis de l'inquiétude des autorités politico-administratives
sénégalaise; devant un phénomène dont ils ne comprennent pas encore les cau-
ses véritables.
Dire que c'est le RND qui est
à l'origine des dahira des jeunes rnourides
est quelque peu rassurant pour 18 pouvoir. En tout état de cause, ce que nous
savons de l'historique de la formation du dahira des étudi~~ts mourides de
l'université de Dakar infirme totalenent cette thèse. Néanmoins il est possi-
ble et cela se conçoit qu'il y'ait dans les dahira des partisans du RND, du
PDS, ou autres formations politiques sénégalaises. Cela nE; veut pas dire que
les dahira des étudiants et élèves sont le "versant caché" d'une fonnation
politique sénégalaise.

-213-
j ames et vieux, avec qui nous avons discuté déclarent tmanimes que le dahira
e't une structure destinée à célébrer la gloire d'Amadou BAMBA.
1)
Nombre de visites à Touba
Sur les 14 dahira
recensés, tous se rendent une fois par an
à Touba. Cette visite à lieu, d'habitude, lors du ~~gal annuel organisé par
la confrérie à Touba, siège de l'administration centrale de la confrérie.
Le 14agal de Touba est l'occasion, pour les fidèles, de se re-
cueillir sur les tombes des principaux chefs de la confrérie, de rencontrer
les marabouts et le Khalife général. Le protocole de ln visite des marabouts,
le jour du M.agal, se fait selon le processus suivant : chaque da.}-JÏra rend vi-
site aux grands marabouts et au Khalife généra1
d'autre ?art, chaque manbre
9
de dahira doit obligatoiranent rendre visite à son marabout.
Le jour du Magal, la norme mouride est que les taalibés rendent
visite au Khalife général et à leur propre llk'irabout. Mais, l'affluence des
taalibés, chez le Khalife général étant trop grande, nombre de taalibés se con-
tentent de visiter leur propre marabout.
Mise à part cette visite, qui a lieu le jour du ~';.agal, les da-
hira
de Dakar organisaient,. durant le khalifat de Fali10u l',mACKE une Ziara
générale, pélerinagc autre que le Hagal. Mais le Khalife Abdou Lahat a tendan-
ce à empêcher l'organisation de telles manifestations, vu
les dépenses trop
élevées qu'elles occasionnent pour la confrérie. Beaucoup de mourides ont con-
finné que les frais de transports occasionnés par les pélerinages ét~ient de
loin supérieurs à l'offrande religieuse faite aux marabouts.
Serigne Abdou Lahat a conseillé aux taalibé, réunis en dahira,
d'éviter de tell~s dépenses peu rentab18s pour la confrérie, et daruL~é aux
taalibé des dahira de déléguer des représentants qui pourraient ranettre l' ha-
../ ..

-214-
~ à leur place. Ce systàne senble avoir été accepté par les taalibés urbains
car que ce soit pourlËontribution à un ~ comme pour la remise de 1'hadiya,
les dahira déléguent des représentants. Le Khalife général a d'ailleurs pris
la précaution d' établ ir une sorte d'accusé de réception, mentionnant, exacte-
ment, la sonme que les' délégués d'un dahira lui ont ranise. Le trésorier géné-
ral du dahira de Touba Sandaga nous a montré plusieurs récépissés de ce genre
qu'il utilise comme pièces comptables. Ce procédé a un double avantage:
a) Il accroit la capacité financière de la confrérie. Les dépenses relatives
aux frais de transports etc ... sont minimalisées ;
b) La délivrance d'lUl récépissé, fait par le Kh.alife général, à chaque fois
qu'il reçoit de l'argent provenant des dahira , diminue les risques de contes-
tation des délégués et accroît les moyens de contrôle des manbres du dahira
sur
leurs représentants.
Le système (1) instauré par Abdou Lamt pour gérer les visites
des dahira à Touba est économiquement rationnelle, son but évident est de di-
minuer les
dépenses re1atives à l'organisation matérielle des pélerinages
autres que le Magal de Touba en vue d'accroître la capacité financière de la
confrérie.
Mais, si lUl tel système est économiquement rentable, pour l' ad-
ministration centrale de la confrérie, il diminue, les possibilités de rencon-
tre et de communion collectives.Il convient de souligner, toutefois, que cha-
que membre de dahira peut, s'il le désire, aller autant de fois qu'il le veut
à Touba, ranettre l'offrande religieuse, demander conseil ou aide au marabout •
. Mais cette visite, qui découle d'une décision individuelle se fait, en dehors
des structures des dahiras.
""0/" "•
(1) Cette réglementation de l'organisation des pélerinages ne concerne évidem-
ment pas les pélerinages annuels mouridcs comme celui de Darou Moustr'
ceux cOJ1JTIérnorant le décès de certa~s élites r.'.araboutiques etc... El e ne
concerne pas non plus les pélerinages' organisés par tel ou tel lignage rna-
raboutique mais celui de lacammmauté mouride dans son ensenble : le
Magal de Touba

Il
-215-
2)
Les manifestations religieuses mL~elles
En dehors des cérémonies religieuses hebdama~qires, certains
dahira organisent des manifestations religieuses annuelles dont la tenue
demande de gros moyens financiers que les petits dahira ne peuvent pas réunir.
Les grands da.1l.ira de Dakar, comme celui de "Touba Sandaga", or2anisent,
annuellement, des chants religieux à la m,§moire d'Amadou Ba~ba. OUtre les
communiqués que les responsables de dahira passent à la radio, les dépenses
concernent l'impression de cartes d'invitation, la location de bâches et
chaises, la préparation des repas. Les TIklnifestations religieuses a~~elles
danandent, sans nul doute, des dépenses assez importantes car pour les mem-
bres d'un dahira les r:k~ifestations de ce type sont l'analyseur de la puis-
sance matérielle et de la capacité de mobilisation de ses membres.
Schéma de l'organisation
L'organisation des manifestations religieuses se fait selon le
schéma suivant. D'un côté il y a la scène centrale où se trouvent les or-
ganisateùrs et les invités, sympathis~nts et cJrieux, c'est la cèrémonie
officielle. D'autre part, tout autours se fonnent des groupuscules animés
par des cruulteurs qui sont venus plus pour exploiter l~ ferveur religieuse
des fidèles que pour participer activement au bon dérouler.lent de la céré-
monie. CJî.:.'lque an:imateur d'un groupuscule, ~ l'aide d'un haut pnleur, haran-
gue la foule. L2 mouridisme qui est véhicu18 dans ces "cérémonies satellites"
est un illél~!ge disparate de merveilleux, de supertititions, de croYances
ante-isla~i~lcs. Les thèmes les plus fréquemment abordés sont ceux auxqJels
la masse mcuride croit le plus. Ces chanteurs déclarent et la masse mouride
admet, qu'Amadou Bamba - prophète noir de l'environnement paysan sénégalais
était dc~é ~e J~uvoirs exceptionnels. Les r6cits relatifs à la rencontre
entre Ainadou I-sa,llba et les Toubab, sq d~portation, sont riches
d'enseignement à ce sujet.
Les messages véhiculés par les organisateurs de ces "cérémonies
satellites" sont plus proches de la tradition orale, de l'épopée que du messa-
ge d'Nnadou B:;lIilb;:. Si la masse mouride s dans S2. grande rnajoritS,
../ ..

-216-
adhère à ce type de discours et l'entretient, c'est la preuve que l'idéologie
mouride n'est pas le seul fait d'Amadou Bamba, le vécu des taa1ibés mourides,
leur mode de relecture et d'interprétation glorifiante de la vie du maitre en
est un élément constitutif.
Il est donc difficile, comme le tentent certains, actuellement,
de vouloir différencier le vécu des taalibés mourides des textes d'Amadou
. Bamba. En voulant faire des textes d'Amadou Bamba une nonne par laquelle le
mouridisme doit être jugé on débouche facilement sur des jugements du genre
le mouridisme a dévié. Or i l n' y a rien de plus aberrant qlle cette méthode
d'analyse consistant à vouloir séparer les textes du fondateur de la confré-
rie, sa pensée, de la façon dont ces textes, cette pensée sont compris et
reproduits. La manière dont un groupe social interprète et traduit le message
d'un leader charismatique est aussi importante que le message lui mêne, elle
reflète les inquiétudes, les espoirs de ce groupe, elle dit le groupe. Ainsi
donc, c'est une faute de dire que certains mourides trahissent la pensée de
Bamba. La vérité est que les mourides interprètent la pensée du maître.
et cette interprétation n'est pas
froide et désintéressée. Elle se fait
dans le but de démontrer la vérité et la supériorité du mouridisme, de prouver
qu'Amadou Bamba est l '''honme du destin". Awi donc tout ce qui peut démon-
trer et entretenir cette conviction devient un argument satisfaisant.
3) Participatio:-,. des dahira urbains à l'entretien des fennes maraboutiques
Sous le Khalifat de Falilou, les membres des dahira mourides de
Dakar cultivaient un champ à B~~bylor. Les responsables de ce cr~ étaient
Ma Ndoubé MBOUP, Serigne Ibra FALL et Cheikh GUEYE. Ils supervisaient les tra-
vaux collectifs et distribuaient aux responsables les surfaces à cultiver. Cha-
que dahira était responsable de l'investissement financier nécessaire à l'en-
tretien de sa parcelle. Mais, l'actuel Kt~life général, dès son élection, a
dispensé les mourides des travaux effectués dans le champ
de Barnbylor. Les
raisons évoquées étaient que ce cha~p occasionnait des dépenses trop élevées
(location de cars, dépenses en
nourriture, achat de semences,
• • /
• c

- 217 -
engrais etc-) alors que le revenu tiré de la récolte était trop faible.
Bambylor semble
être l'une des premières tentatives des élites maraboutiques
rnourides d'1~lantation, dans la zone suburbaine de Dakar, de cette insti-
tution mouride rurale qu'est le champ du mercredi. ~1ais l'expérience n'a
pas été financièrement concluante.
Selon Ngagne TI-lIAM, les raisons invoquées par .Abdou Lahat pour
la cessation des activités de ce champ sont les suivantes: "l'argent qui
vient des dahira doit être consacré à une oeuvre qui, je le crois, fait par-
tie de ce que préférait Amadou Bamba. Quand on fait quelque chose pour quel-
qu'un qui n'est plus là, il faut voir ce que cette persOIme préférait quand
elle était en vie. Or tout le monde s'accorde pour dire que "Serigne Touba"
aimait beaucoup la lecture du Coran. On raconte mÊme qu'il envoyait ses
fidèles en M.:roritanie lui chercher des livres de Coran. Il mettait les li-
vres sur son lit et les aspergeait de parfum. Je pense donc que les livres
de corarl faisaient partie de ce qu'il préférait. C'est pourquoi les rnourides
doivent lui construire une bibliothèque à Touba pour y conserver ses écrits".
Pour la réalisation de cette oeuvre collective qu'est la bi-
bliothèque de Touba et de son imprimerie, Abdou Lahat a denandé aux dahiras
de contribuer à l'achat du matériel d'imprimerie.
D'une manière générale, Abdou Lahat n'encourage pas les dahira
à participer à l' exploitation de char.Ips maraboutiques du genre de ceux qui
existent en miliw rural. Il
les· encourage plutôt à s'organiser en vue de
participer, efficacement, au financement de l'administration de la confrérie.
rtinsi donc les dahiras urbains, surtout da1--.arois, constituent pour la con-
frérie une source pennanente de financement. Les marabouts n'ont donc pas
intérêt à les affaiblir mais plutôt à les organiser efficacement.
x
x
x
../ ..

-218-
Le succès apparent des dahiras mourides en milieu urbain se ma-
nifeste essentiellement par deux phénomènes : la pénétration en milieu urbain
et la conquête de l'espace lébou.
a) Pénétration des dahira- en zone rurale
Les dahira ne sont pas des institutions exclusivement urbaines,
ils sont nés dans un contexte urbain mais leur succès apparent a incité les
ruraux à en créer dans les villages mourides.
Le dùira rural a été conçu suivant le modèle du dahira urbain.
Aussi bien sur le plan de l'organisation générale que des finalités, rien ne
distingue les dahira ruraux et urbains. Néarnoins, l'aspect spécifique au da-
hira rural est la mise sur pied de champ collectif autogéré appelé champ du
dahira. Les dahiras qui n'ont pas de champ collectif instituent un prélève-
ment direct strr la récolte des manbres. Ce prélèvenent varie de 10 à 20 kg
d'arachide (1). L'argent tiré de la récolte du champ collectif ou du prélè-
vanent sur la récolte des membres a une double finalité : dons au marabout
et financement des activités du dahira, principalement l'organisation des champs
~eligieux annuels.
La masse monétaire issue de la commercialisation des récoltes
du champ collectif occupe
une place fondamentale dans le budget des dahira
ruraux. Dans un dahira étudié par Jean COPANS, en milieu rural, cette sanme
s'élevait à 69 800 F alors que le montant
global des cotisations des membres
du c1ahira était de 33 300 F CFA. (2).
. .1 ..
(1) ROCH (JE:a"l). - Les mourides du vieux bassin arachidier : entretiens recueil-
lis dans la région du Baol ORSTOM, Centre de Dakar-Hann 1971 p. 64-65-66.
(2) COPANS (Jean). Entretien; avec des marabouts et des paysans du Bacl ORSfClvi,
Centre de Dakar - I~~ 1968, p. 71.

-219-
Le mouridisme rural semble avoir recopié le modèle de l'orga-
nisation mouride urbaine mais en l'adaptant à des structures socio-économiques
dominées par la faiblesse du revenu de ses membres.
Les mourides ruraux ont recopié 1 rùrganisation du dahira
urbain mais leur innovation réside essentiellenent cians l'institution du champ
collectif du dahira, institution inconnue du milieu urbain et qui vient ren-
forcer le système de
prélèvanent mar~boutique en vigueur dans le monde rural.
Le champ collectif du dahira est recopié de 1 rautre institution villageoise
qu'est le "cbamp du mercredi" avec pour seule différence le fait que la to-
talité du revenu tiré du "champ du mercredi" est destiné au marabout alors que
le revenU tiré du champ du dahira est utilisé aussi bien pour le financement
des activités du dahira que les dons au JIl3.rabout.
A la lumière de ces considérations, on peut dire que le dahira
rural est la symbiose de l'institution mouride urbaine (dahira) et de l'ins-
titution villageoise qu 1est "le champ du mercredi".
b) La conquête de l'eSpace lébou.
La conquête de l'espace lébou est le phénomène rna.j eur du mou-
ridisme de ces dernières années. A 1 'heure actuelle, des dahira
s' implantent
dans presque tous les vi] lages lébous du Cap-Vert. Or le miliculébou offrait
une unité économique, géographique et religieuse : c' est une conmmauté de
--- pêcheurs paysans appartenant à la confrérie layène et vivant essentiellanent
dans le Cap-Vert.
Dans le village de Yoff, siège de l'administration de la con-
frérie layène nous avons recencé 3 dahiras relativ6Jlent importants ; le da-
~l'\\
hira Cheikl-cl Khadim Touba Yoffnéf1956 regroupe 125 manbres et appartient
à la fédération des dahiras Cheikhal Khadim Touba Goure SENGHOR. C'est le da-
hira le plus ancien du village, il réunit en son sein des ouvriers, fonction-
naires, élèves etc ...
../ ..

219 (bis)
Le dahira CheiIr.h Amadou Bamba deYoff village, de création
récente (20 mars 1978), compte 38 membres. Le dahira des jeunes est le
"dahiratoul Cheikhou Khadim", il a été fonné en avril 197get compte 105 mem-
bres (dont 26 femmes).
Il nous a été pratiquement Dnpossible de recenser les dahira
mourides qui s'implantent actue1l6l1ent d.?Jls tous les villages lébou : Bargny,
lliak..':ml, Yeff etc ... Des études beaucoup plus précises sont à faire sur ia
question pJur préciser la génése des dahira en zone lébou ct surtout l'origi-
ne ethnique des membres de ces associations, ce qui pennettra de savoir si
ces dahira ont eu pJur origine la migration mouride ou s'ils constituent
l.U1e création de lébous convertis au mouridisw.e.

-220-
CHA P 1 LB E VII
LES MJJRlDES DNJS ~ECW11IE Utmlillf.

-221-
Leur statut économique, leur "générosité" pour la confrérie
font qu'ils se démarquent nettanent de la masse des fidèles. Dans un ordre
religieux où le don ch.1 disciple au marabout occupe une place centrale, les
riches jouissent d'tm statut particulier.
Les mourides aiment répéter, avec beaucoup de fierté, que
les plus grands commerçants sénégalais de Dakar sont des leurs. Les noms qui
viennent souvent sont ceux de Djily t.mA.YE, El Hadj Babacar KEBE dit Ndiouga,
Serigne SJ\\,\\ID, Alla SENE, Karim PALL, Lobatt PALL, MOJnar SOURANG etc .•.
Sur le plan du revenu, les conmerçants mourides constituent
un groupe peu homogène. Il y a une différence, à ce sujet, entre le ccmmer-
çant détaillant mouride du marché SaI1!i.aga et le grossiste, l'importateur ex-
1
JX>rtateur, mais on ima.gine que globalement
c'est un groupe financier assez
il
important sinon le plus important de la confrérie, c'est lui qui contribue à
1
1
développer le mythe de l'équation mouridisme = richesse. En tout état de cause,
1
1
si l'on en jup;e par la supériorité mnnérique, indiscutable, des commerçants
llDurides dans les marchés dakarois de Sandaga. Tilène et Colobane, on peut
penser que les mourides semblent faire preuve d 'tme certaine aptitude au com-
roorce (1).
../ ..
Bara TALL, commerçant au marché Sandaga nous l'explique en disant que les mou-
rides travaillent beaucoup et sont persévérants. Tout se passe à travers les
€!lCplications
de notre interlocuteur comme si la foi des taalibés mourides
était le moteur de leur réussite sociale. Le mouride n'a -pas peur d'exercer
un travail pénible nous dit Bara TALL. Durant l' intenrü'W, il a beaucoup insis-
té sur toutes les épreuves qu'il a subies quinze années durant.
ktuellement MI' TALL est tm commerçant riche, i l roule en DS, ce qu'il est
aujourd'lmi, nous dit-il, il le doit à Amadou Bamba et au goût du travail
bien fait.

-222-
D'une manière générale, les commerçants mourides semblent
être un groupe qui utilise la puissance politique de la confrérie pour parve-
nir à ses fins. C'est pourquoi leur position est assez ambigue. Leur puissan-
ce économique, financière font que les marabouts ont besoin d'eux mais eux aussi
ant besoin des marabouts pour faciliter leurs démarches aupr€5
des autorités
administratives, se livrer, comme c'est parfois le cas, à des activités prohibées.
1··
1) - Les commerçants mourides, l'Etat et la confrérie.
Un exemple assez explicite là-dessus est celui des commer-
çants du marché de contrebande de Touba. Ce marché a conmencé à fonctiomer
durant le Khalifat de Falilou MBACIŒ, "ami du Présid€:nt
Léopold Sédar SENœoR"
(pour parler C0I1Jll8 les rnourides). Les commerçants qui ont développé la contre-
bande à Touba ont exploité, facilement, la collaboration directe entre l'Etat
et les élites rnaraboutiques durant le Khalifat de Falilou.
Touba étant la capitale du lTIouridisme, on comprend aisément,
comment s'est opér~la stratégie par laquelle les commerçants mourides.contre-
bandiers ont établi leur centre opératiOImel à Touba et non ailleurs. On se
rappelle que depuis l'indépendance, les autorités chargées de reprimer la
contrebande, au lieu de frapper au coeur du système c'est à dire à Touba, orga-
rri.saient des opérations dérisoires consistant à établir quelques barrages aux
alentours de Touba et Mbacké
pour punir éventuellement les voyageurs qui se
seraient ravitaillés à Touba. L'utilisation de ces moyens insuffisants 3tait ·le
révélateur de l' implissance de l'appareil administratif devant une activité qui
JX'rte préjudice à l'économie nationale.
Force nous est de reconnaître que 1'Etat sénégalais~ par son
souci de maintenir, à tout prix, la stabilité Iolitique de l'ensemble national
à une grande part de responsabilité dans le développement de ce trafic
à Touba.
Entre ill1e confrérie qui leur offre une largeCDuverture politi-
que et une administration qui évite de se compromettre, les commerçants w~uri-
../ ..

-223-
des ont véritablement joué le jeu de leurs propres intérêts. Ils ont tellement
al conscience de leur :imp.mité que tout le monde disait à Touàa : "tout ccmner-
çant poursuivi par la police, est sauvé dès qu'il pénètre à Touba". Tout se
IaSsait alors comme si les mourides de Touba jouissaient d'une "iTImimitédiplo-
I1Btique" : les lois et régIments, la police, la gendannerie, ce n'était pas
fait pour eux.
C'est seulement en 1976, après plusieurs tractations entre les
1.
autorités administratives et le Khalife général des mourides, que ce dernier
Il
demanda à ses disciples carrmerçants de cesser toute contrebande à Toubâ. Le
fameux marché O"-.AS
est alors détruit, un marché moderne comprenant 436 souks,
3 halles, un grand magasin de stockage de produits, 2 crambres froidesjest cons-
truit à sa place et inauguré par Léopold Sédar SENGHOR, le 23 mars 1977.
!'J..a.lgré les investissements de l'Etat pour rénover le marché
OCAS, et l'appel du Khal ife aux conmerçants contrebandiers leur demandant de
cesser ces types d'activités, on se rend comrte, aujourd'hui, que la contre-
lande recommence à Touba.
La leçon à tirer de ces évènenents' est qu'il existe, au sein
de la confrérie, un groupe qui peut désohéir SL, Khalife quand .Ule sent ses
intérêts menacés. Cette désobéissance vient du fait que l'ordre du Khalife,
risquait d'enlever 3 l'aide affairiste des mourides de Touba ses moyer~ de
de subsistance, ils ne pouvaient donc pas l'accepter.
;\\lors que l'Etat sénégalais a utilisé la puissance politique
des marabouts, à des fins essentiellement politiques, les corranerçants mourides
ont utilisé cette même ~ouissance à des fins économiques. Ainsi donc on voit que,
contrairEment 2 ce qu'on pense, l'Etat sénégalais n'a pas eu le monopole de la
récupération du poids politique des élites ruaraboutiques. Les cornmerçlliits
mourides, eux aussi, ont bel et bien utilisé, 3 des fins économiques, la puis-
sance des élitesftlaraboutiques, l' exGll.ple du marché de contrebande de Touba
est à ce sujet assez révélateur.
.../ ...

-224-
j\\~liés des élites maraboutiques lorsqu'ils veulent défendre
des intérêts qui contreœ rrent (1) l' intér.êt général, les corrmerçants n' hé-
sitent nourtant nas à créer une solidarité avec les ~~ts fonctionnaires sur
le mode~f'apPui ~éciproque, solidarité qui s' expl ique par un fait signalé par
Guy ROCHETEAU
"Les hormnes cl. , affaires se constituent en groupe de pression
et s'implantent dans le parti. Réciproquenent certaines personnalités poli-
tiques, usant de leur influence et des facilités que leur offre l'Etat s'in-
sèrent dans les secteurs économiques que le plan s'efforce de promouvoir" (2).
Cela jette une lumière nouvelle sur la fameuse puissance économique des mara-
bouts mourides et sur leur place dans le système économique sénégalais. S'il
est indiscutable que l'appareil politico-,-::din.inistratif profi4l. au saint, au
politique (3) et à l'homme d'affaires, il est aussi incontestable qu'il béné-
ficie beaucoup plus aux deux dernières catégories qu'à la première.
../ ..
(1)
Un exemple très pertinent, à ce sujet, est celui de cet homme d'affaires
sénégalais quitselon la revue AFRICA (no 121, de ~i 1980))malgré les ins-
tructions précIses du Premier ~tinistre et l'avit~avorable de la Chambre
de Commerce de Dakar a réussi à importer au Sénégal des camions italiens.
Au mois de mai 1980, ce même homme cl' affaires a orp;anisé une grande con-
férence sur l'islam et projeté la construction d'une mosquée à Ngaparou
dont la première pierre a été posée par le Kt~life des Tidianes.
(2)
ROCHETEAU (Guy). Accurm.l1ation du capital, du powoir et du savoir : la
réussite économique des groupes et üldividus nationaux
du Sénégal.
In : structures sociales et développement économique :
contri~Jtion à l'étude de la formation du capital
au Sénégal ORSfOM, Cent~ de Dakar-Hann, 1974, P. 38
(3)
L'enrichissement rapide de certains hauts fonctionnaires, qualifié par le
déput8 du PDS Serigne DIOP "d'enrichissement sans cause", peut s'analyser
cormne lE preuve que :maints cadres sénégalais utilisent, à leurs profits,
l'a~0areil d'Etat: construction de villas dans la zone résidentielle de
Fann: grâce à des prêts de l'Etat, villas ensuite louées à l'Etat ou à des
ambassades à un prix moyen de 300 000 3 400 000 r CFA par mois.

-225-

2) - Les hommes d'affaires mourides et la sta~ilité de l'ensemble national séné-
galais.
Aussi bien .' les honnnes d'affaires, les politiques que certains
marabouts n'ont pas intérêt à bouleverser et à rendre conflictuelles les re-
lations entre l'Etat et la confrérie mouride. C'est pourquoi ils peuvent jouer
le jeu du maintien de la stabilité politique, c'est à dire en définitive celui
de l'Etat.
Les raisons qui font que la confrérie mouride, rralgré l'attitude
mesurée, du Khalife peut favoriser le maintien du système politique sont nom-
breuses.
Parmi les plus grands hommes d'affaires sénégalais certains sont
également très proches voire des conseillers du Khalife. En outre, dans les .:.
couches dirigeantes de la confrérie, la fraction ~bdou Bousso, opposée à Abdou
Lahat, au début de son khalifat, regroupe tous les anciens disciples de Feu
Palileu MBACIŒ. Modou Bousso DIENG est un allié du pouvoir politique et pro-
fite de toutes les occasions pour faire les éloges de Léopold Sédar SENGHOR et
cil gouvernanent d' Abdou DIOUF.
Beaucoup de mourides, interrogés là-dessus, trotNent nonnal que
Mxlou Bousso conscnre l'amitié qui liait feu son père à léopald SENGffiR.
Ces éléments d'analyse nous font penser que l'hypothèse d'un
.affrontement entre les mourides et l'Etat ne sanble :ras être envisageable
dans l' immédiat car il n' y va pas de l'intérêt de certains marabouts, des
_
hommes d'affaires et évidemment des hommes au pouvoir.
Il n'y a pas de divergence d'intérêts mais des alliances objec-
tives stratégiques entre hommes politiques, hommes d'affaires et marabouts.
Ni les wBrabouts, ni les hommes d'affaires n'ont intérêt à ?erturber la logique
d'un système dont ils sont les alliés objectifs et qui leur fait bénéficier
de larges ~)rofits.
../ ..

-226-
le seul conflit possible viendrait de la base paysanne mouride et non des
élites maraboutiques ou affairistes. L'aggravation des conditions de vie des
paysans - qui sont sur le point d'atteindre un seuil critique peut entraîner
une contestation du.système politique global. Et, dans ce cas, on imagine
très mal comment les marabouts pourraient assurer le contrôle politique de
leur base paysarme ou urbaine dans le sens du maintien de "l'ordre social".
/----------------------------------------------7
II
/ LES SECTEURS DE REOONVERSION DES MARABOUfS
/
/
L
EN VILLE - L'EXEMPLE DE DAKAR
/
_
On s~it maintenant que du vivant d' l\\madOU Bamba, il a existé au
sein de la confrérie, une branche affairiste dont le chef de file était
Cheikh Anta. Paul Marty le décrivait sous les traits d'un personnage inquié-
tant~ Cheikh Yaba DIOP, ancien chef de canton à Kaël le présente ainsi : "c'é-
tait un homme d'affaires, il n'était p~s comme .~ou Bamba. C'était un homme
qui voyage, qui va, qui vient. Il avait des maisons partout et ainsi de suite,
i l avait des relations 3.vec tout le monde" (1).
Cette tendance affairiste, dont CheikhAnta Mbacké fut le chef
historique, a eu, plus tard, comme leader Serigne Cheikh Madou Mbacké. Celui-
ci avait des actions dans les salins du Sine-Salom, une décortiquerie,
controlait une société d'Import-Export, la SEGENI) et dans les années 1960 avait
un projet d'exploitation rizicole aux environs de Richard-Toll.En dehors
de Serigne Cheikh Mbacké, le marabout affairiste mouride dont on connait le
secteur d'investissement est Serigne Bassirou t-1backé qui a une part dans l' en-
treprise ete bâtiment VIOLMiER.
Serigne Modou Bousso r.fuacké et El Hadj Thiernc Mtncké dit Cosso
Astou Lü sont des exportateurs de gorrme arabique agréés par l'Etat. Serigne
f'.t>ustapha r1BACIŒ, Serigne Mouhamadou Mourtada MB,'\\.CKE, Sok."l:..Tla ré!.ty MBACKE sont
des c~erçants agréés devant participer aux opérations de comnercialisation
du mil. (2).
. ./ •.
Cl) ROCH jean. - Les mourldes diî VIeux bassID aracfiidler : entretiens recueillis
dans la région du Baal OR....e::rm-1, Centre Je DaIr-ar Bann, 1971
(2) Voir, à ce sujet le J.O.R.S n° 4755 du SRrrLedi 15-3-1980
p.302.

-227-
_
Mais, on ne cOJU".ait pas en ville des marabouts mourides ayant
;'t~ussi à contrôler un des secteurs stratégiques de l'économie. S'il existe
des marabouts investisseurs, ils se trolNeraient dans les brahches des trans-
ports de l'~obilier ou de l'ilnport-Export. Il s'agirait vraisemblablement
de petits entrepreneurs individuels.
Globalement, on peut penser que les marabouts mourides ne sont
pas nombreux comme investisseurs dans l'économie urbaine. A cela nous trou-
vons plusieurs raisons.
Dans le cadre de l'économie sénégalaise, dominée par le capital
étranger, les mourides ::ont été spécialisés dans les activités agricoles pou-
vant répondre aux besoins des huiliers. Dans ce
secteur, toutes les initia-
tives d'investissement des marabouts (les fermes maraboutiques) constituaient
tm facteur d'intégration à la logique économique du capital étranger.
Mais, dès que les marabouts sortent de ce circuit, ils se trou-
vent devant une concurrence qui ni les moyens financiers, et les connaissan-
ces techniques, ni l'orientation de l'économie nationale ne leur pennettent
d'assumer. Ces difficultés expliquent que peu d'entre eux investissent en
ville, et quand cela se produit, c'est dans des bran:hes ou l'investissement
n'est pas lourd et où i l n'y a pas de monopole étatique ou de filiales des
TIU.l1 tinationa1es.
~his ~ ces facteurs on peut ajouter un autre inhérent à la
logique de la confrérie. L'épargne dégagée par les fidèles pour la confrérie
est-elle suffisante pour être utilisée dans l'investissement urbain? Il
n'est pas aisé de répondre à cette question mais on peut penser
que les
nombreuses dérsn..c;es qu' entrainent l'entretien des familles maraboutiques,
le financêsnent des oeuvres symboliques de la puissance confrérique consti-
tuent un poste budgétaire qui laisse une marge de manoeuvre assez étroite
pour l'investissement dans l'économie urbaine.
D'autre part, il n'est pas évident que les taalibé'1uraient
accepté que l'argent versé aux élites rnaraboutiques pour la puissance maté-
o
. / • •

rielle de la confrérie soit détourné de ses objectifs au profit de l'inves-
tissEment dans l'économie urbaine.
Ces facteurs pourraient expliquer l'absence d'une insertion
réelle des marabouts mourides dans l'économie urbaine. Cependant, une idée
fort répandue, sur les marabouts est qu'ils se sont reconvertis dans les ac-
tivités péri-urbaines, notamment dans les Niayes. (1 )
Mais toutes les sources disponibles~ à l'heure actuelle, san-
blent démentir cette hypothèse.
1
1
1
1
Une étude faite en 1978 par le conseil écon~,ique et social (2)
1
sur la répartition des revenus- au Sénégal consacre un chapitre aux achats de
1
terres cLms les Niayes.
Selon cette source, les terres achetées par les ma-
rabouts sont relativement modestes. Tout semble indiquer, d'après le Conseil
économique et social, que la catégorie socio-professionnelle qui englobe les
fonctionnaires et assimilés eSt celle qui achète le plus de terres dans les
Niayes.
(voir tableau ci-joint~.
D' ~utre part, une enquête effectuée. en 1972 dans les Niayes de
Kayar à Mhoro débouche à peu près sur la même cons'tr'J.tation : "il est frappant
de constater la grande concentration des terres entre les mains d'horrunes po-
litiques, de hauts fonctionnaires, de quelques chefs religieux musulmans et ca-
tholiques. Cette appropriation est surtout sensible pour les verzers et les
propriétés urbaines. Les résultats disponibles permettent de faire certaines
~omparaisons. Pour l'ensemble de IR zone étudiée les taux d'accaparement sont
très variables selon les professions. Nous avons les pourcentages suivants
hommes politiques 36 à 32 %, lléluts fonctionnaires et professions ../ ..
(1) Le mot Niayes désigne originellement le palmier à huile (elacis guinecosis)
Il désigne maintenant l'ensemble des dépressions interdunaires situées der-
rière le cordon de dunes littorales depuis Dak~r jusqu'à l'emboucp~re du fleu-
ve Sénégal. Il s'agit d'une zone à vocation maraichère.
(~) Conseil économique et social - Etude sur la répartition des revenus au
Sénégal. 1978, 158 p.

'.~
-229-
TABLEAU 7.1.
AœAT DE TERRES DANS LES NIAYES
"\\
(.
1
1
. !
!
!
J
(Catégorie socio-!
Avant 1960
1
1960-1964;!
1965-1970
J
Après 1970
!
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Source
.Conseil économique et social.- Enlde sur la répart~tion des Tevenus'su Sénégal.

-230-
libérales 32 à 13%,8 à 13 % pour les chefs religieux et coutLmliers". (1)
Ces deux sources confirment les résultats obtenus, en 1960,
par l'enquête SERESA (2) relative à la mise en valeur des Niayes. L'étude
ranarquait, sur 4 0Cü exploitants recensés, que le 1/10 était constitué de
propriétaires coutumiers parmi lesquels il y a une majorité de lebous tandis
que les autres sont généralement fonctionnaires, résidant à Dakar.
Ces différentes enquêtes, réalisées à des périodes différentes
de l' histoire du Sénégal convergent à peu près vers la même constatation
les marabouts achètent peu de terrain dans les Niayes.
Eviderrnnent les pourcentages avancés dans nos
sources peuvent,
grâce au j eu des prête-noms, ne pas correspondre au nOOlbre réel des marabouts
qui sont dans les Niayes. Mais, même l'utilisation d'un tel système ne doit
pas indiquer une forte concentration de marabouts mourides dans la culture
maraichère et l' arboricu1ture.
D'une manièregén§ralc les statistiques disponibles mettent en
évidence la présenc; écrasante des fonctionnaires. Elles ne pennettent pas de
procéder à la ventilation des marabouts par confrérie. Cette ventilation nous
aurait pennis de voir qui des marabouts tidianes ou mourides sont les plus
nombreux dans les niayes. Globalement, dans le Cap Vert, la couche aristocra-
tique lébou est traditionnellement détentrice des terrains. Mais, elle perd
progressivement le contrôle foncier au profit des libano-syriens, français
et fonctionnaires sénégalais.
../ ..
(1) DIA Tidiane.- La propriété foncière dans les niayes IDEP/Er/R/24S9, 1972
p. 136
(2) SERESA.
Etude de la mise en valeur agricole des Niayes. III Annexes.
Honographie agricole du Cap Vert. Juin 1960, p. 4

-231-
Al' état actuel de l' infonnatio:ç\\, il est impossible de donner
tme approche quantifiée précise de l' Lllvestissement des marabouts en ville.
Les divers services compétents considèrent que ce type d'information revêt
un caractère confidentiel et ne peut pas être communiquée à des chercheurs.
~,Ma.is il est possible par contre de présenter les activités de quelques uns
des hommes d'affaires mourides les plus représentatifs à Dakar.
El Hadj Babacar KEBE dit Ndiouga
En milieu Ulbain dakarois et peut être pour l'ensemble du
Sénégal, KEBE est l'un des hommes d'affaires les plus dynamiques de la con-
frérie, ses activités sont multiples :
- investissement dans l'linmobilier. Il gère une société immobilière ($ATM KEBE)
dont le chiffre d'affaires varie entre 100 et 500 millions de francs CFA et
se situe il la Se place dans la branche de l'immobilier.
- Activités dans la branche textiles : détient une chaine de magasin de com-
mercialisation de tissus :imp:>rtés " tissus Kr4 " dont le chiffre d'affaires
se situe entre 100 et 500 millions de francs CFA.
- ~rt et Export de produits alimentaires, matériel de construction.
La société KEBE Frères a un chiffre d'affaires qui varie de 500 millions
à 1 milliardsde francs CFA.
- Gestion de grandes surfaces . En collaboration d' ab·)rd avec le groupe belge
Priba plli.s avec le groupe français SCOA, il gère la Société Afridaine des
Halles Hodernes qui constitue le plus grand magasin de ce type au Sénégal.
- Investissement dans l'hotellerie. Kébé détient une chaine d'hotels
répartis au Sénégal
"Almaàies t' et Massat:;. $AME" à Dakar, "Asta Kébé" à
TambacOlmda, ''Dior'' à Kaolack.
Cet homme d'affaires mouride possède également plusieurs vil-
las dans le quartier résidentiel deFann, des actions à la banque Sénégalo-
Koweitienne et une des clL~iques médicales les plus modernes de Dakar.

-232-
Globalement et comparativement aux autres horrm.es d'affaires sénégalais) l' in-
vestissement de Kébé semble assez diversifié avec) toutefois) une forte con-
centration dans la branche de l'immobilier.
Cet homme d'affaires mouride
semble manifester une grande gé-
nérosité pour la confrérie (achat de voitures pour les marabouts, investis-
sement pour les équipements sociaux de la ville de Touba).
Lors du Magal de 1979) il a acheté pour la mosquée de Touba un lustre d'un
montant de 80 millions de francs CFA.
Au sein de la confrérie) Kébé fait partie des proches du Khalife, général.
EL HADJ ~~ SOURANG est d'un statut particulier. Président de la chambre
de cOlllTlerce de Saint-Louis) du groupement économique sénégalais)(association
d'hommes d'affaires)~
SOURANG est également membre du Parti socialiste) du
Conseil économique et social) secrétaire général de la chambre de corrmerce
islamique mondiale et li~ par allianc~ à la famille de feu Serigne Cheikh ~~.
Il
est également président de la communauté mouride de Saint-Louis. Ce
réseau camplex~ de relations ajouté à des activités dans les transports et
le commerce confèrent à SOURANG un rang élevé dans le leader ship mouride
urbain. Il fait partie des conseillers du Khalife.
WILLY MBAYE.
HO:ïlffies d'affaires que les mourides comparent à Kébé du point
de vue de la richesse, membre du Conseil économique et social) investit dans
le sens des orientations du plan de développement économique et social. Dans
le cadrE:: du Vc plan il a prévu à Louga, la construction d'un hotel urbain
dont le coût
est estimé à 180 millions de francs CFA. Djilly ~~YE possède
également une grande exploitation agricole dans les environs de Louga. En
1977, i l avait un programme d'habitation comportaJlt la construction de 197
villas (chiffre ramené 3 ans plus tard 49) sur un terrain situé en bordure
de l'autoroute et de la route de Cambérène.
KARIM FALL : Secrétaire général du Khalife, a des activités dans le transp;:>rt,
la vente de lubrifiant et de carburant.
ALLA SENE
Activités dans l'alimentation, le commerce, 1 'électranÉna~,
../ ..

-233-
LOBAIT FALL : menbre du Conseil économique et social, du parti socialiste,
Vice-Président de la Fédération nationale des groupements des transporteurs
du Sénégal, Get·;'·,horrnne d'affaires mouride, cl' origine toucouleur gère
une gran-
de entreprise de transport de marchandises et de voya~eurs.
SERIGNE SAMB : Activités dans la boulangerie, l'alimentation, est également
très proche du Kha1 ife.
A Dakar, ces mourides figurent parmi les hommes d'affaires
sénégalais les plus riches et qui front preuve d'un véritable dynamisme écono-
mique. Leur puissance financière les introduit dans les circuits de pouvoir
de la confrérie. Presque tous, mâne ceux qui n'ont .pas de liens de parenté avec
les élites maraboutiques, figurent parmi les conseillers du Khalife général.
Cet élément
d'analyse jette une hunière nouvelle sur les fi-
lières d'ascension sociale et de contrôle du pouvoir politique à l'intérieur
de la confrérie. La filière codifiée est évide.'11!Ilent celle qui intervient par
le jeu complexe des différents lignages maraboutiques. Mais en dehors de ce
circuit existe un autre, ±mplicite,
basé sur la réussite économique des
fidèles non-membres des lignages maraboutiques. Ce deuxième critère par lequel
la confrérie choisit ses leaders élimine des centres de décision, la grande
majorité des taalibés : ceux qui, n'étant p:lS issus des lignages maraboutiques,
fie détièmlent pas le pouvoir économique.
Ainsi donc le contrôlé de l'appareil administratif central de la confrérie n'est
pas exercé par des mourides pauvres mais bel et bien par des riches. Les éli-
tes maraboutiques mourides le deviennent par les dons des disciples, les re-
venus tirés des exploitations agricoles, et les investissements dans l'écono-
mie urbaine. Les hommes d'affaires sont ~ooptés
à cause de leur'richesse.
Ainsi donc, en milieu urbain, certaines minorités grâce
il
leur insertion dans un réseau d' activités économiques modenes - par asso-
ciation avec les politiques - parviennent à s'introduire dans l'appareil ad-
ministratif de la confrérie.
../ ...

-234-
Mais ces hormnes d'affaires à qui le pouvoir économique a
attribué tm pouvoir politique nu sein de la confrérie, même très proches
du Khalife, n'ont pas le statut àe marabout. L'explication de ce phénomène
peut être la suivante. Les élites maraboutiques par les dons des disciples
accèdent au pouvoir économique.
Mais le critère du revenu à la.i seul ne suffit pas à défi-
nir le marabout. Si tel était le cas nombre d'hommes d'affaires pourraient
se dire marabouts. Le critère distincti~fondamental semble
être la des-
cendance de l'ancêtre fondateur de la confrérie. Les marabouts, en plus de
leur pouvoir économique détiennent tll1 pouvoir spirituel que leur con~:
fère. la descendance du fondateur de la confrérie. Ainsi donc, pour donner
q
tD1 exemple, IŒBE est certainanent plus riche que tous les marabouts mourides,
mais n'a pas le statut de marabout car pour revendiquer ce titre i l faut p
appartenir à tll1 lignage maraboutique or tel n'est pas son cas.
Ces éléments d' anP-lyse montrent que la confrerie permet à des
minorités dynamique~de s'insérer dans les réseaux de pouvoir mais elles doi-
vent être soumises aux élites maraboutiques. Ces dernières sc divisent en
2 catégories. La pranière comprend les marabouts qui ont 11.."1 lien de parenté
avec le fondateur, on les désigne par l'appellation de "Mbacké I..fuacké", la
seconde comprend les marabouts descendants d.es praniers compagnons de AMAOOU
BAMBA.
Dans la pratique, au sein du système politique 6t économique
global sénégalais, ces deux groupes (marabouts et hommes d'aff~ires mourides)
sont très liés au pouvoir car ils constituent les leaders d'une clientèle
politique appréciable. Mai~ à vrai dire, tout SEmble indiquer que l'alliance
politique
imp1ici-entre marabouts et hommes d'affaires est surtout exploi-
tée par ces derniers.
Mise à part cette catégorie d'hommes d'affaires assez spec1-
fiques du point de vae du revenu, de ses relations avec l'Etat et l' Adminis-
tration centrale de la confrérie, existe tll1 groupe intermédiaire composé de
quotataires et de commerçants divers, de petits entrepreneurs.
../ ..


-235-
Au sein de cette catégorie, nous avons été frappé par le dyna-
misme de certains honmes d'affaires ccmme MJustapha 10 qui dirige lUle imprime-
rie mouride située rue de la SCJJIlIle à Dakar. Avec cette imprimerie qui date
seulement de quelt..{Ues années, les mourides sont en voie de monopoliser le gi-
gantesque marché de l'impression et de la diffusion des textes d'Amadou Bamba.
Avant la création de l'imprimerie "khadimou Rassol", le marché
je l'impression et de la diffusion des textes d'Amadou Bamba était monopolisé
par un libanais, Monsieur Hilal, mais ~ 1 'heure actuelle les mourides contrô-
lent eux mêmes ce circuit d'impression et de diffusion avec l'accord de l'admi-
nistration centrale de la confrérie. Q.1and on sait que les textes arabes d'Ama-
dou Bamba constituent le matériel de .base sur lequel travaillent les dahira on
imagine que les imprimeurs en tirent d'ér.onnes profits.
Dans le groupe dES petits entrepreneurs, la solidarité mouride
n'est pas un vain mot. Le plus souvent, la main d'oeuvre utilisée par ces petits
entrepreneurs est constituée de mourides ruraux veID.lS en ville par le procès
de l'exodé rural, dont la misère aigüe qui caractérise les campagnes sénégalai-
ses est la cause fondamentale.
Les conmerçants généralanent regroupés dans les principaux
marchés à Dakar, en particulier ~ "Sandaga" et ''filène'', constituent un groupe
dont les activités sont assez spécifiques. Ils se sont spécialisés dans la
commercialisation, au détail, des produits de beauté, chaussures, appareils
électroménagers etc... Ce groupe entre directanent en concurrence avec certain-
nes grandes maisons de Dakar tenues par des libano-syriens et des français ; à
qualité égale, il vend des articles moins chers. C'est panni ces conmerçants
que l'on retrouve la plupart des dirigeants des dahira, et eux mêmes ont créé
un des dahira les plus représentatifs de Dakar. Certains d'entre eux sont mem-
bres des fédérations de dahira et jouent, cormne nous l'avons dit, le rôle de
représentant du Khalife général. Ils occupent un creneau assez important dans
l'organisation confrérique, leur fonction consiste ~ organiser la clientèle ur-
baine mouride et ~ assurer la liaison entre celle-ci et l'administration cen-
trale de la confrérie.
x
x
x

-236-
. .
.
;. .
En conclusion, on peut dire que les aptitudes économiques de
, "
la confrérie en milieu urbain sont difficiles à cerner. C'est ce qui rend
quelque peu délicat la démonstration, dans le cadre de l'économie urbaine,
de la fa.ïleuse "intell igence économique'l des él i tes maraboutiques mourides.
Il sera peut être possible, ultérieurement, lorsque l'accès à certaines sour-
ces d'information sera autorisé, d'analyser de manière beaucoup plus fine
.les secteurs de reconversion des marabouts en ville.
A cause de la rareté de l'information sur le ~Jjet, nous avons
été obligé d'analyser les activités des marabouts mourides les plus connus,
mais, en le faisant, nous n'avons pas perdu de vue qtle ce type d'approche,
même s'il nous fournit des données précises, ne dévoile pas, véritablement,
la logique générale du comportement des marabouts en ville.

f'
- 237 -
CON C LUS ION
--------
--------
.
1

- 238 -
- L'organisation de la confrérie est orientée, essentiellement~ vers
le contrôle des disciples par les élites maraboutiques. Le mouridisme parvient
ainsi à réaliser àeux de ses objectifs qui paraissent fondamentaux: maintien
de la relation taalibé-marabout et dégagement d'un surplus ~ au profit des éli-
tes maraboutiques.
Dans les villages et
les daara ~ l'encadrement, jamais absent ~ des
disciples par les marabouts a permis le fonctionnement de la logiq~e ·du mouve-
ment mouride.
Un tel système pouvait être menacé par la séparation des deux parte-
naires
le taalibê et le marabout. C'est pourquoi les migrations de populations,
à partir des premiers foyers mourides, vers d'autres régions du Sénégal pou-
vaient constituer '-ln test de la capacité de la confrérie à trouver des solu-
tions à des situE..tions nouvelles.
Il ressort de cette constation que le déplaceQCnt des populations
mourides dicté, avant tout, par des contraintes économiques, est à l'origine
des changements intervenus, depuis lm demi -siècle" dans l'organisation de la
confrérie. A.tOU5 les ;;)oments de son développement, aussi bien rural qu'urbain,
on peut penser que les diverses structures mises en place par le mouridisme~
par delà certaines :i:'·)nctions manifestes, avaient pour but de ne pas couper les
disciples de ll adtinistration centrale de la confrérie, d'assurer aiP$i l'en-
cadrement de ses adeptes et, en conséquence, la reproduction sociale du mou-
vement religieux.
La migration rurale-rurale mouride s du fait qu'elle était encadrée
et dirigée par les élites maraboutiques, n'a pas, à vrai dire, perturbé le
fonctionnement de b confrérie. Dans ce type de Jnigration, les marabouts ont su,
grâce au daara, assurer, en partie, et jusqu'à certaines limites, les conditions
de reproduction éconO!!'.ique et sociale du mouvement. Ils ont réussi à générer
un système de contrôle 0fficace des villageois, qui a permis d'organiser et de
faire accepter, pC1.r c~s derniers, un prélèvement, périodique sur leurs revenus.
- ~;une ronnière générale, le contrôle qui exercent les marabouts sur
l~urs disciples dépasse le cadre strictement religieux, il est aussi politique.
eoo/.o ..

- 239 -
Cette situation est à l'origine d'une accumulation des richesses et$ à la limite,
de leur
réussite économique. Les revenus induits par leur statut politico-re-
ligieux ont une double origine. La première est cor~tituée par les dons des
taalibé ; la seconde par les subventions de l'Etat qui, depuis l'indépendance,
verse aux marabouts
des prêts que la logique du système politique global
pennet de ne pas rembourser.
Nous avons vu la différence entre les structures d'encadrement mou-
ride en ville et à la campagne, elle s'explique par le fait que les contextes
historique , socio-économique, et politique porteurs du mouridisme rural et
urbain sont différents. En outre, l'étape urbaine de la confrérie est tm peu
plus tardive que le moment rural. D'autre part$ la différence des enviro!ll1e-
ments socio-écol1onique, culturel et même technologique militent en faveur
d'tme recréation urbaine de l'organisation confrérique.
La fraction urbaine de la confrérie est vraisemblablement issue du
flux de l'exode rural. Cette migration spontanée et non encadrée par les
élites maraboutiques - comme ce fut le cas lors de la conquête des Terres Neuves -
pouvait créer; du fait d'un éventuel relachement du lien de dépen~'IDce mara-
boutique, des conè.itions qui ne garant: raient pas la reproduction Je la confré-
rie, dans l'espace urbain.
. Le co:-:texte socio-économique urbain ne pennet pas qu'on )1 transpose
lê type d' orga....·üséJ.tion mouride rurale. C'est pourquoi la confrérie nIa pas
opté pour la mise en place, en ville, des structures ou institutions comme le
daara et le chamP du mercredi. L'option siest faite compte tenu du statut
socio-professio~el; très différencié,des disciples urbains.
- Une des conditions de l'efficacité de l'organisation mouride urbaine
se trouvait dans la solution d'un certain nombre de difficultés liées aussi
bien à l'enviror~ement qu'au statut des disciples.
La vi~le promeut un type d'adepte ~~gé ~~ des relations socia-
les spécifiques elles même déterminées par un mode de production de type
capitaliste. Le travail du disciple urbain ne se fait pas dans le cadre d'tme
petite exploi~ation ~gricole fa~iliale mais au sein d'une entr~iset d'nne
administration 0~ È son compte, sous diverses formes. Or, les marabouts ne
peuvent pas détourner, à leur profi t, tme partie du travail fait par tm adepte
dans une structure que ces derniers ne contrôlent pas.

- 240 -
Le prélèvement ne peut être effectué que sur le salaire qui est versé à l'ou-
vrier ou au fonctioIl."1aire et non sur ce que ces derniers produisent direc-
tement. D'autre part ~ le paysan ne vient pas en ville pour recommencer le
travail de la terre. Le résultat de la migration est presque toujours le
même: soit S0 prolétariser, soit re~agnèr la catégorie des 1aissês-pour-
compte qui vivent d1expédients quotidiens.
Dans les deux cas i l serait contradictoire de lui demander de cul-
tiver tm champ au profit
du marabout étant damé que l'agent social lui
même a abondolIDé ce type d' activi tés
pour d' autres qui lui sont impo~es par
son nouvel eriviromement économique.
-
S' 2.Gissant des adeptes urbains, deux faits méritent d'être soulignés.
Tout d'abord" la plupart' des marabouts n'ont pas suivi les disciples dans le
processus de la migration urbaine, l'administration centrale de la confrérie
est restée en brousse. Ensuite~ face à l'unité géopolitique et religieuse des
villages mourides la ville a fait place à la diversité ethnique, économique,
sociale, à la disp8!"sion géographique des fidèles.
Dans une telle situation, l' option~ mouride a consisté à recréer
en ville des structures différentes de celles de l'encadrement rural et
penn.ettant la reproductuion de la logique du système : dégagement d' tm surplus
et encadrement des fidèles. Et, au delà des différences constatées entre le
mouridisme rural 2t urbain 9 ces deux éléments semblent
constituer l'aspect
invariant du système.
S'agissa.11t du surplus dégagé au profit des marabouts, une reconver-
sion s'est opérée. En ville l'organisation des dons aux marabouts est orientée
vers l'abandon des formes non monétarisées.
L'org~~s~tion rnouride urb~ine cst beaucoup plus souple que 'celle
observée en milieu rural. Les disciples urbains interviennent, en grande
part~e, dans le processus de création et d'organisation des associations et
élisent, eux mêmes, leurs délégués. elest là un indice qui pennet de penser
que le mouridisme urbün est beaucoup plus le fruit d'une action volontariste
que dirigée exclusivement par les marabouts. Les taalibé, en s' grgânisant, ont non
seulement conscience de militer pour la force de leur mouvement mais aussi
de rivaliser avec les tidianes.
o
• • /
. . . . .

- 241 -
i
1
La rivalité et l'hostilité réciproquesentre mourides et tidianes ont introduit
tm effet de solidarité et d'uni té du groupe ~ mis l'accent sur la nécessité de
proIOOuvoir ce système d'organisation qui dame au mouridisme urbain son aspect
de mouvement ur~ et décidé.
S'agissant de la base sociale de recrutement du mouvement~ il faut
reconnaître que celle-ci ne présente pas une stratification sociale spécifique.
Les différentes catégories sociales parmi lesquelles recrute la conférie ne
lui sont pas exclusives.
Néa:rnooins, deux: groupes pertinents et aux intérêts
économiques antagoniques se retrouvent dans la clientèle urbaine du mouvement
l'un par ses facilités de mobilisation} l'autre par son pouvoir politique et
économique.
Le premier est constitué par la bourgeoisie d'affaires, de type corn-
pradere. Son rôlz politique est important car il constitue un médiateur entre
le saint et le politique. D'une manière ~énérale~ cette bourgeoisie~ tout en
dépendant du gCl..Ivernement, a noué une alliance stratégique avec les marabouts.
Ses.membres constituent des alliés du pouvoir et leur réussite économique est,
le plus·souv0nt. la contrepartie offerte par l'Etat en échange du rôle qu'ils
jouent pour le parti au nouvoir. D'autre part~ leur alliance avec les marabouts
leur permet de revendiquer auprès du gouvernP.mcnt. un contrôle plus important
de l'économie du pays,
Cette bougeoisie, intégrée politiquement et écono~jquement à l'appa-
reil d'Etat sénégalais, est également admise au sein de l'administration cen-
trale de la confrérie ~ certains de ses membres jouent le rôle de conseillers
du Khalife général.
L'analyse a montré que l'intérêt de ce groupe social très restreint
par rapport à la masse des fidèles mais au pouvoir économique relativement
important se troLNe dans le maintien du statu
quo actucl '..t;ll l , Etat et la
confrérie. Et tout laisse penser que tant que l' Etat ne menacera pas direc-
tement ses intérêts économiques, il jouera Q~ rôle stabilisateur dans les
rapports entre l'Etat et la confrérie.

- 242 -
Le prolétariat et le sous prolétariat mourides urbains, constitués
des ouvriers des entreprises africaines et européennes, manoeuvres, domes-
tiques, apprentis, constituent le groupe social qui se IOObilise en pennanence
pour la confrérie. Cf est en leur sein que se rencontrent les Baye Fall. Di tme
manière générale~ on constate que l'évolution récente du prolétariat urbain
montre un antagonisme voilé a\\.CC privilégiés du système. Al' intérieur de la
confrérie ce groupe social ne perçoit pas encore les hommes d'affaires comme
ayant des intérêts économiques antagoniques aux leurs. Cependant, la ville génè-
re un discipl'2 dG type nouveau pour la confrérie : l'inorganisé. De l'avis una-
nnne de maints mourides, certains disciples restent des années sans rendre vi-
site à leurs 2arabouts. Ceci illustrerait-il ce que O'Brien apelle l'érosion
de la foi des disciples urbains ? le matériel collecté au cours du présent
travail ne F8Tmct pas, à vrai dire, de répondre à cette question.
Les intellectuels, étudiants, fonctionnaires constituent le groupe
dont l'adhésion à la confrérie, durant ces dernières années a servi., dans une
large mesure, à attirer l'attention des sénégalais sur le mouridisme. Ils ont
pris en charge la nouvelle forme de propagande dont l'association des étuèiants
offre un exemple très pertinent.
- Notre travail n' 2. pas pu répondre à une question soulevée par l' en-
quête. L'adhésion des intellectuels est-elle sérieuse ou relèverait-elle de
motivations non religieuses? Ce silence s'explique par le fait qu'une étude
des motivations d'un choix religieux s'avère très difficile à mener. A ce
niveau on nc peut qu'avancer un certain nombre d' hypothèses pour essayer de
rendre intelligible 1.' attitude des intellectuels face au mouridisme.
Nous avons dégagé quelles peuvent être les conditions de possibilité
de ce phénomène en determinant la conj oncture économique, politique et sociale
qui l'a produit. Mais la dynamique de ce processus d'adhésion, son déroulement
organi~e, c'est à dire l'option des intellectuels pour le mouridisme et non
pour ane autre confrérie sénégalaise ne s'explique pas seulement par référence
à la conjoncture.
- La confrérie a réussi à organiser ses fidèles en ville et à dégager un
profit au service des élites maraboutiques et des travaux symboliques de la
puissance du mouvement. Nous avons vu que ce type dforganisation
est
.../ ...

- 243 -
essentiellement le dahira, unique structure tI'encadrement urbain. L'analyse
de ses fonctions a montré que ce type d'~ssociation, même si elle est créée
pour les Marabouts 9 joue pour les fidèles l~e fonction de solidarité incontel~
table.
- La population mouride nrbaine a jusqu'à présent été bien encadrée'
par le hiérarchie religieuse, ce qui a évité qu'elle se soit engagé daris des
luttes politiques radicales. En tout état de cause, l'organisation mouride
urbaine contient des groupes politiques aux intérêts économiqu;contradic-
toires que 13. confrérie a réussi, jusqu'à présent} à unir sous la même ban-
nière.
L'organisation de la confrérie subit les effets induits de l'orien-
tation politique générale de llEtat séné~alais9 dominé.
Celui-ci n'~ ~ns
tenté de bloquer le fonctionneJTlent rural ou urbain de la confrérie car le
type d'org.~~isation mouride et les hommes qui en sont les leaders n'ont pas
fondamentalement remis en cause la mlitique gouvernementale mais ont ré!X'ndu
à sa stratégie d'hégémonie sociale.
Grâce à une alliance stratégique~ élites maraboutiques, politiques
et économiques ont réussi à maintenir une "paix sociale" pouvant assurer la re-
production de la confrérie et de l'appareil d'Etat. En ce sens on peut penser
que la confr6~ie ~ participé
à la construction de l'hégémonie étatique aussi
bien dans sa Dh~se coloniale que néo-coloniale.
- La limite de fonctionnement du système se trouve dans l'aggravation
des conditions de vie des masses rurales et urbaines, elle est susceptible de
nroduire une amertume qu'il sera très difficile à maitriser. Ace sujet 9 il
faut noter que l~ propa~ande des partis d'opposition - officiels et non re-
connus - comm:3nce à troubler les consciences des populations qui deviennent
de plus en plus revendicatives et commencent à se demander si l'état dans
lequel se trol~r~ 2ctuellement l'économie sénégalaise s'explique seulement
par les arguments avancés par Je. gouvernement : "la sécheresse" ou "la conjonc-
ture économique internationale défavorable".
.../ ...

- 244 -
- Dans le milieu rural i l n'existe pas d'interlocuteur organisé, de
centre pouvoirs en face de l'Etat tout-puissant. C'est ce qui. explique' que les
1RYsans font de plus en plus apPel aux chefs religieux qui eux pewent se
faire écouter par le gouvernement.
Abdou Lahat MBACKE, en se faisant le porte-parole des revendications
JnysaIUles se place dans une situation où il défend des intérêts qui ne sont
pas exclusifs à sa clientèle rurale mais à ceux de la paysannerie dans son
ensemble. Il faut noter, cependant, que cette fonction de porte-parole ne peut
I:S-s être asslDllé; intégralement dans les conditions actuelles. D'me part,
l'Etat accorde des avantages économiques aux marabouts en vue de maintenir
les conditions de consentement des populations à sa- stratégie d'hégémonie
sociale. D'autre part, les relations entre le gouvernenent et les hommes
d'affaires mourides se sont nouées dans un cadre de solidarité réciproque~.
Les couches maraboutiques pourront-elles Empêcher l'amertume sociale
d'~~loser contre les dirigeants, leurs alliés stratégiques? Certes, la na-
ture de leurs relations avec les politiques les y oblige mais il sera diffi-
cile pour les marabouts de désavouer leur base sociale sans générer tme
grave crise d'autorité qui pourrait remettre en question les principes direc-
teurs de la relation taalibé-marabout ~
Le maintien du pouvoir de domination de l'Etat sur les paysans, et
Jnr conséquent, celui de ses relations avec la
confrérie mouride passe
nécessairement
par l'amélioration des conditions de vie des paysans. Or
la situation du monde rural subit tme détérioration constante et mù ne voit,
dans le cadre de la politique économique actuelle connnent freiner, à court ter-
re, la paupérisation croissante des paysans.
Certes avec le progrannne d'aménagement de la vallée chl Fleuve Sénégal
il est prévu que le pays atteindra l'auto-suffisance al imentaire vers l'an
2020. Mais, d'ici là/bien des choses peuvent se passer car, comme le disait
.'
Abdou Labat MBAClŒ à Léopold Sédar S~G-IOR le 22 juin 19M, "~rante ans,
c'est beaucoup. Les paysans ont besoins de manger et de boire" .
.../ ...

- 245 -
En tout ~tat de cause, la hiérarchie maraboutique, mouride,
du fait de son 'Jn~3.nisa.tion rurale et urbaine demeurera longtemps encore
lm élément iryrtant de la vie poli tique et économique
du Sénégal.
-Le dilemne posé rar la réalité rnaraboutique dans le
système ~olitique sénégalais est le suivant. La politique de cli-
i
!
entèle et de patronage près des notables religieux permet aux diri~eants
d'obtenir le 50utie~ des paysans. Ce soutien~ ils auraient été incapables
de l' obtenir e~: mêa:es car le parti au pouvoir ne pénètre que de façon très
résiduelle les paysanneries. Jusque là, l'encadrement des ~aysans par les
marabouts a aidé le gouvernement à faire face aux recendications des popu-
lations urbaines.
l'fiais cette situation, on le voit aujourd'hui, présente lm risque
de déviation des buts poursuivis en matière de politique économique. Le dé-
..
l
-
veloppement du pays~
son "décolage" passent nécessairement par lm renforce-
ment des normes contraires à celle de "la politique politicienne": les normes
bureaucratiques et anonymes. Sans elles il y a peu de chances de voir se
réaliser les objectifs poursuivis par les différents plans de developpernent
économiqùe et social.
Pour sortir de ~e dilemne et promouvoir une rationalité pouvant
engendrer la mise en place d'une paysannerie s'auto-administrant elle-même,
à la base, l'Etat sera obligé de se poser en adversaire des marabouts.
o
o
0
/

1
- 246 -
GLOS SAI RE DES SIG LES
B N D S
Banque Nationale pour le Développement du Sénégal
CHEAM
Centre des Hautes Etudes Ad~nistratives sur l'Afrique et l'Asie
Moderne
CINAM
Compagnie d'Etudes Industrielles et Aménagement du Territoire
ENA.M
Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature
ENm1
Ecole N~tionale de la France d'Outre l~r
RrIDR
Fonds ~~tualiste de DéveloDpement Rural
IDEP
Institut Africain de Développement et de Planification
IFAN
Institut Fondamental d'Afrique Noire
J"ùRS
Journal Officiel de la République du Sénégal
OCAS
Office de Commercialisation agricole du Sénégal
ONCAD
Office National de la Coopératien ~t de l'_Assistance au Développement
ORSTCN
Office de la Recherche Scientifique et Technique d'Outre-Mer
PA l
Parti Africain de l'Indépendance
P D S
Parti Démocratique Sénégalais
P S
Parti
Socialiste
RND
Rassemblement National Démocratique
SEGENI
Société Générale pour le Négoce et 1: Iïlciustrie
SERESA
Société d'Etudes et de Réalisations économiques et sociales
dans l'Acviculture
SOCOSAC
Société Comerci2.le et Ihdustrielle du Sac

t
- 247 -
GLnSSAIHE DES PRINCIPAUX TER~
ASSAKA
Dîme annuelle que le musulman est obligé de prélévér sur ses reve-
nus pour l'offrir aux pauvres J aux personnes qui ne peuvent pas
travailler.
BAYE PAIL Disciples de Cheikh Ibra Fall. premier taalibé d'Amadou Barnba.
Ils estiment être dispensés des obligations
islamiques telles
que le jeûne et la prière.
Bëk neg
Homme de confiance de l'autorité religieuse
DAMA
Ecole coranique C~ez les mourides ce terme dési~e une cOmmL~té
pieuse au sein de laquelle les jeunes disciples travaillent sous
la direction exclusive d'un marabout ou de son homme de confiance.
DAHlRA
Assosi~tion à vocation religieuse et sociale.
DIKHR
Litanie jaculatD~~(l.Dans la teclmique soufi le dikhr est l'action de
louer Dieu au- lIPyen de paroles déterminées ou l emémoration
HADDIYA Offrande faite Dar un taa1ibé à son marabout lors d'une visite
religieuse
.
JEBBALU
Se mettre sous la protection spirituelle d'un marabout.
KHALIFE
Chez l~s mourides ce terme désigne le successeur d'AMadou Bamba.
Sont également Khalife les chefs de lignages maraboutiques des-
cendants des frères d'.~dou Bamba ou de ses taalibé. Ces Khalife
sont soumis à l'autorité du Khalife général descendant.du fondateur
de la confrérie,
11'01.'1\\.00
Pélérinage, Les confréries religieuses du Sénégal organisent cha-
cune un magal par an. Il en est de même pour les marabouts chefs
de lignages. Le ~~gal le plus célèbre semble être celui des
mourides à Touba.
Selon F. DUMO~rr s ce terme vient de l'arabe al-murabît.
A ses origines il désignait ]e gardien de ll endroit où se trouvaient
les montures prêtes à aller en expédition (ribât). Mais à partir du
VIe siècle
avec le développement du mysticisme et le regroupement des
9
soufi en communautés le ribât se transforma en Zâwiya, lieu où les
ascètes se regroupent autour d'un cheikh. Le mot murabit désigne
alors un ho~e de Dieu plus pieux que les autres et se consacrant
entièrement à la religion. Au Sénégal le marabout n'est pas que
celas il remplit un important rôle social.
...:-
.../ ...

- 248 -
M:>URIDE
(vient de l'arabe mûrid). Dans la mystique rusulmane, ce tenne
désigne l'aspirant ou le postulant à l' initiati.on mystique. ftJJ.
Sénégal il désigne exclusivement le membre d'une confrérie fondêe
par Amadou
Barnba.
, .
SAS
Partager, fixer une tâche
SERIGNE Tout notable religieux plus ou noins versé dans le coran.
Equivaut à marabout.
TAK-DER
Littéralement "attacJ.:le ceinture". Désigne les taa1ibé qui vivent dans
les d.aara.
TMLIBE Vient de l'arabe tâlib (étudiant, élève). Disciple avec un sens
très
étroit de dépendance de maître à élève.
TIEDOO
~erriers d'origine servile qui formaient l'entourage des chefs
traditionnels. Le terne a été parfois appliqué à tout membre de la
classe dirigeante et a eu aussi la signification de paien; les
tieddo ayant longtemps résisté à l'I~lam.
QASIDA
Poêmes d'Amadou Barnba écrits en vers arabes.
ZIARA
Visite religieuse rendue périodiquement au marabout. C'est au cours
de cette visite que les disciples font l'offrande religieuse. Si la
ziara ne vient pas on la suscite. C'est là tout le sens des tournées
effectuées par les marabouts qui viennent se mettre à la portêe de
ceux qui leur doivent une offrande.
.'

- 249 -
LISTE DES TABLE,AUX
1 Population des chefs lieux de région de 1974 à 1976
2 Disparitésrégionales et indicateurs régionaux significatifs
3
Revenu moyen d'un agriculteur, d'un salarié du secteur privé, d'un
salarié du secteur public.
4
Répartition de la population par confréries et groupes ethniques.
5
Répartition de la population musulmane par confréries et secteurs.
6 Evolution des prêts aux gros producteurs (1962 - 1967)
7
Situation générale des attributions spéciales aux gros producteurs
pour la ~agne 1979/80.
8 Coût de l'opération Touba Bélel en 1976/77
9
Résul tats de la campagne de sensibilisation au projet de restructuration
du mouvement coopératif.
10 Nombre de daara contrôlés par les principaux marabouts en 1967.
11
Montant de l' haddiya dans deux villages T1Durides.
12 Origine et destination de l'assaka dans deux villages de colonisation.
13
Evolution du recrutement dans tme quinzaine de dahira
14
Répartition des membres selon le sexe dans quinze dahira.
15
Taux de participation selon le sexe dans quinze dahira;
16 Taux de participation par sexe dans quinze dahira (récapitulation).
17
Situation religieuse des femmes du Cap-Vert.
18
Participation des fennnes du Cap-Vert à des associations.
19 Rêpartition
.1
de la population de droit par sexe et par groupe d'â~e.
fmnée 1976.
20
Effectifs des mouvements de jeunes en 1967.
21
Répartition ethnique de la population des parcelles assDinies (1977).
22
Niveau d'instruction de la population des parcelles assainies (1977).
23
Répartition de la population des parcelles assainies selon la confré-
rie (1977).

- 250 -
j,
BIBLIOGRAPHIE
=-- ----==
--------
----------
-----
------
- - - - -
- - - - -

- 251 -
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Dakar - Matin
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/ BI
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1
1
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-
270 -
TP.BLE DES Mi\\TIERES
PAGES
Avant-propos
INTRODUCTION
3
1- Problèmatique.
7
f
, .
"1
-
1. ~ligrations mourides et système de contrôle des adeptes par
7
les élites maraboutiques.
\\ .
2. Génèse et reproduction du mouridisme urbain : le prob±èrne
12
'1
théorique.
3. Conditions de fonctionnement du mouridisme urbain
14

1
.
II - Méthode de travail
1S
111- Difficultés du travail
19
IV·· Lé lieu d'enquête
23
1. Situation démo-économique.
23
2. Le paysage psycho··social.
27
3. La population musu111ane de Dakar.
32
CHAPITRE PRB~IER. : f··DTES SUF: LES MJURIDES,
38
1- Naissance et développement de la confrérie.
39
1. La conj oncture
39
2. Rôle cl' Amadou BA\\ffiA.
41
3. Amadou BN,lliA et la répression coloniale.
42
II- La relation taalibé - marabout.
4S
1. œfinitions.
45
2. Son contenu idéologique.
45
3. Son conten.u économique.
49
111- Etat des recherches sur la confrérie.
50
1. L'oeuvre de Paul ~~TY et ses successeurs.
52
2. Les oeuvres de transition
MONTEIL et SY
56
3. Les recherches de terrain.
57
4. Les travaux des islamologues.
62
5. Laclilles et silences de la littérature mouride
63
.../ ...

- 271 -
:
1
72
,
i .
1- Evolution récente de la confrérie.
73
. :,
1. fu Khalifat de Fali10u à celui d'Abdou Lw'1at MBACKE.
73
2. La conjoncture économique et politique du Khalifat
76
d'Abdoul L?.hat MBACKE.
.... ,".
3. RenaissaIlce du mouridisme et modèle iranien.
79
~ .-~
4. La jetIDesse et le renouveau de l'islam mouride. Les
87
"
,
...
;
mécanismes du déblocage idéologique.
11- L'Etat et la confrérie mouride.
92
1. L'Etat et les élites maraboutiques mourides
92
2. Mutation politique et forces maraboutiques mourides
102
SENGHOR, Abdou DIOUF et la gestion de la confrérie.
1
i
.j
3. L'Etat et la confrérie sous Abdou Lahat ~ffiA.CKE.
109
, '
i
4. L'Etat, les marabouts et les paysans mourides.
112
~
.:
,.
i: l
~PITRE III : D~;~I1UE DE L~ caRERIE MJJRlDE.
122
Î
1
1- Le Daara.
123
:
-)
1. Fonctions des daara.
126
i
2. Typclogie des daara.
129
1
11- Le village mouride.
130
;
,
,
1
1II- Le Dahira.
134
. .
CHAPITRE IV; L'ORGliNJ.S:~JICN D'UN D.l\\~IRA,
137
~ . - -
1. Généralités
138
r ';j
i' '-1
f, '
2. L'adhésion
140
1. ·.·1
, '.
l,':'
3. Le système de contrôle des dahira.
142
l····
4. Toponymie des ~hiras
144
,
c:
i '
S. Système de cotisation.
145
1
1
{ .
6. Règlement intérieur d'un dahira.
146
1
[ :
7. Le siège du da~ira.
147
~ .'
8. Typolbgie des dahira.
150
~ ..
.../ ...

- 272 -
1H8P1TRE V : LLES MEMBRES DES DAHIRAS.
157
1- Typologie des adeptes.
158
1. Les lçttrés arabophones
'158
2. Les lettrés francophones.
158
3. Les semi-lettrés
158
4. Les analphabètes.
159
S. Le mouride sadiix
159
6. Le mouride modéré.
159
7. Le rnourira ndo
160
8. Originessociales des membres
161
9. Les inorganisés.
162
.,.
II- Etude du recrutement àes adeptes.
163
1. Ar'ilyse de l'évolution du recrutement dans quinze
163
dahira.
2. Le recrutement des jetmes : essai d'interprétation.
167
r·i
1
~ : FONCTlf..HS ET ~'l1VlTES DES DAHIR\\S"
182
i
L
i.
1- Fonctions des dahira
183
1. Pour les marabouts.
183
2. Pour les taalibés
184
2.1- Fonction de propagande.
185
2.1.1 La.rivalité tidiane rnouride.
187
2.1.2 Rivalité tidiane mouride et destin politique
196
sénégalais •
2. 1 .3 Le messianisme mouride
196
2.2- Fonctions de solidarité.·
199
2. 2.
t :0"
1 La forme non économique.
204
r
,
2 . 2. 2 La forme économique.
204
II- Activités des dahiras
210
1. Nombre de visites à Touba
213
2. Manifestations religieuses annuelles.
215
,..
i
3. Participation des dahira urbains à l'entretien des
216
fannes maraboutiques.
. . .1. ..

-. 273 -
220
,..
1- Les hommes J'affaires mourides.
221
..
222
2. Les. hommes,cl '.affa~res
~,,;êA~t~~
1. Les cc.mnerçall.ts mourides, ~\\rIEta-t----ei'<1.ra confrérie.
"~
......
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et~i stabiliJ' )?\\~
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225
,
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l'ensanble
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nat10nal S€nëgala1s.
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,
.
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II- Les secteurs de reconversion âes......mp.rapo ~'.idans l'économie
226
"
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1
urbaine.
r ~ roe9
CONCLUSION
237 .
GLOSSAIRE DES SISLES
246
i'1
\\
1.
GLOSSAIRE DES PRINCIPAUX ïERMES
l
2~7
.1
LISTE DES TABLEAUX
!
249
BIBLIOGRAPHIEc
259