Pharm. MM Trad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-lJ6
-.
ETUDES BOTANIQUES ET TRI PHYTOCHIMIQUE DE PETERSIANTHUS
MACROCARPUS (p. BEAUV.) LIBEN (BARRINGTONIACEAE),
UNE PLANTE UTILISEE EN MEDECINE TRADITIONNELLE,
DANS LA LUTTE CONTRE LE CHOLERA
N'GUESSAN Koffi*1, KOUASSI Konan Edouard2, ZIRIHI Guédé Noël1
1 Enseignants-Chercheurs à l'Université de Cocody-Abidjan (Côte-d'Ivoire), UFR Biosciences,
Laboratoire de Botanique. 22 BP 582 Abidjan 22. Fax: (225) 22 444688
* : Auteur pour toute correspondance
Tél. : (225) 23000652. Cel. : 0787 30 13. E-mail: nguessankoffifr@yahoo.fr
Résumé
Les investigations botaniques menées à Aboudé-Mandéké, dans le Département d'Agboville
en Côte-d'Ivoire, montrent que Petersianthus macrocarpus est un grand arbre dont diverses par-
ties (bois du tronc, écorces de tige et perches) sont utilisés dans certains domaines de la vie quo-
tidienne (artisanat, habitat rural traditionnel, énergie et thérapie). Sur le plan anatomique, la
coupe transversale de tige montre des tissus primaires (épiderme, parenchyme cortical lignifié,
sclérenchyme, bois primaire, liber primaire, parenchyme médullaire avec grains d'amidon) ainsi
que des structures secondaires (suber avec lenticelles, bois et liber secondaires). Sur le plan tri
phytochimique, les tests de caractérisation ont montré que les écorces de tige de la plante, consti·
tuant la substance naturelle, renferment divers principes bioactifs (stérols, polyterpènes, poly-
phénols, Oavonoïdes, saponosides et alcaloïdes). L'effet anticholérique serait le fait d'au moins
l'un des principes bioactifs suivants : stérols, polyterpènes, polyphénols probablement de type
catéchols et tanins catéchiques, reconnus pour leurs propriétés bactéricides. Ainsi donc, dans
l'ensemble, la vérification préliminaire fondée sur les bases tri phytochimiques, confirme l'utili·
sation thérapeutique traditionnelle des écorces de tige de la plante, contre le choléra.
Mots clés : Anatomie, Enquête ethnobotanique, Substance naturelle, Tradithérapeutes, Tri
Phytochimie, Vibrion cholérique.
97

Phaml. Méd. Trad. Afi: 2006, Vol. XlV, pp. 97-116
BOTANICAL AND TRI PHYTOCHEMICAL STUDIES OF PETERSIAN-
THUS MACROCARPUS (P. BEAUV.) LIBEN (BARRINGTONIACEAE),
A PLANT USED IN TRADITIONAL MEDECINE TO FIGHT CHOLERA
Abstract
The botanical investigations carried out in Aboudé-Mandéké, in the Department of Agboville
(Côte d'Ivoire), show that Petersianthus Macrocarpus is a big tree which different parts (trunk
wood, bark of stems and poles) are used in sorne domains of everyday Iife (craft industry, tradi-
tional rural housing, energy and therapy). On the anatomicallevel, the cross section of the stem
shows primary tissues (epidermis, cortical parenchyma, sderenchyma, primary wood, primary
Iibber, meduUary parenchyma with starch grains as weil as secondary structures (secondary
wood and Iibber). On the phytochemicallevel, the characterization tests revealed that the plant's
barks of stem which constitute the natural substance contain several bioactive principles (sterols,
polyterpenes, polyphenols, saponosides and alkaloids). The anticholeraic effect would be due, at
least, to one of the following bioactive principles : sterols, polyterpenes, polyphenols probably of
catechols type and tannins, recognised for their bactericidal properties. So, on the whole, the pre-
Iiminary checks grounded on the tri phytochemicaI bases confirm the traditional therapeutic use
of the plant's barks of stem to fight cholera.
Keywords : Anatomy, ethnobotanical Study, natural Substance, traditional Doctors, Tri
Phytochemistry, choleraic Vibrion
INTRODUCTION
Lié aux inondations, aux mauvaises conditions d'hygiène, aux famines et aux guer-
res, le choléra est une maladie diarrhéique aiguë, mortelle dans 70 % des cas à l'ab-
sence d'un traitement approprié. La diarrhée et les vomissements, les principaux
symptômes de la maladie, sont à l'origine d'une importante déperdition d'eau et de sels
indispensables à la vie.
C'est ROBERT KOCH, médecin allemand qui isola, en Egypte, en 1883, la bacté-
rie : Vibrio cholerae (Vibrionaceae), l'agent responsable du choléra. Le vibrion cholé-
rique pénètre dans l'organisme à travers les aliments ou de l'eau souillée. Le microbe
98

Pharm. Méd. Trad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-116
s'arrête dans l'intestin grêle où il prolifère et émet une toxine à l'origine des perturba-
tions physiologiques (ANONYME, 1986).
Cantonnée en Inde depuis toujours, la maladie s'est étendue au 1ge siècle, à
l'Europe, l'Asie et l'Amérique. C'est en 1970 que le choléra fit, pour la première fois,
son apparition en Afrique et au cours de 25 dernières années, il a frappé 93 nations
(ANONYME, 1991). Le choléra est redevenu un sujet d'inquiétude pour trois raisons
majeures:
- même si les grandes épidémies de choléra ont disparu, des foyers endémiques
persistent toujours;
- en 1992, une nouvelle souche de vibrion cholérique est apparue en Inde, au
Bangladesh et dans plusieurs pays voisins;
- l'opportunité de vacciner les populations n'est pas envisageable car l'immunité
acquise avec les vaccins anticholériques actuels est incomplète et de courte durée
(3-6 mois) ; en général, au-delà de 6 semaines, la protection vaccinale diminue rapi-
dement d'où la nécessité d'injections de rappels fréquents (ANONYME, 1986), ce qui
semble difficile à réaliser.
Le choléra constitue donc un problème de santé. Face à ce fléau, des investigations
ethnobotaniques ont été menées, dans bon nombre de pays en voie d'émergence; dans
ces pays, la médecine traditionnelle est utilisée par 80 % de la population rurale
(ANONYME, 1993). A.C.c.T. (1983) et NACOULMA-OUEDRAOGO (1996)
rapportent que diverses drogues de plantes sont employées comme anticholériques. En
Côte-d'Ivoire, ADJANOHOUN et AKE ASSI (1979) et OUATIARA (2006) ont montré
dans leurs études, l'effet anticholérique exercé par Paullinia pinnata (Sapindaceae) et
Spondias mombin (Anacardiaceae). Lors d'une investigation ethnobotanique que nous
avons menée à Aboudé-Mandéké, dans le Département d'Agboville en Côte-d'Ivoire,
nous avons
découvert que Petersianthus macrocarpus (P.
Beauv.) Liben
(Barringtoniaceae) était utilisé par les tradithérapeutes dans la lutte contre le choléra.
Cette plante a attiré notre attention pour deux raisons: elle est considérée comme un
remède très efficace contre le choléra. De plus, la littérature à notre disposition ne
rapporte pas ses effets anticholériques.
Dans cette étude, nous présentons les caractéristiques botaniques de Petersianthus
macrocarpus ainsi que la composition chimique de ses écorces de tige employées
comme anticholériques, par une caractérisation tri phytochimique, afin de donner une
base scientifique quant à son utilisation thérapeutique traditionnelle.
99

Plzann. Méd. Trad. Afr. 2006, ~o{ XIV, pp. 97-116
1 . MATÉRIEL ET MÉTHODES
1 . Présentation de la zone d'étude
Nous avons mené nos investigations à Aboudé-Mandéké, un village de la Sous-
préfecture d'Oress-krobou dans le Département d'Agboville (figure 1). Aboudé-
Mandéké est situé à 123 km d'Abidjan et à 40 km d'Agboville. Ce Département, com-
pris entre 5°40 et 6°10 de latitude nord et entre 4°13 et 4°8 de longitude ouest, fait
partie du sud forestier de la Côte-d'Ivoire, du domaine guinéen à secteur mésophile
(CHEVALIER, 1948) caractérisé par la forêt dense humide semi-décidue (figure 2).
Actuellement, cette formation végétale originelle a été dégradée par suite des activités
anthropiques. On observe des îlots de forêts sacrées, des galeries forestières conser-
vées par les paysans, des formations secondaires dont certaines sont en voie de refo-
restation, des zones dégradées, occupées par de fortes colonies d'adventices dont
Chromolaena odorata (Asteraceae), des champs pour cultures vivrières et des planta-
tions agro-industrielles : caféiers, cacaoyers, palmeraies, hévéaculture, ananeraies
(SüDEFüR, 1993). La région d'Agboville bénéfice d'un climat chaud et humide
caractérisé par 4 saisons: une grande saison sèche de décembre à mars, une grande
saison de pluie d'avril à juillet, une petite saison sèche d'août à septembre et une petite
saison de pluie d'octobre à novembre. La pluviométrie moyenne mensuelle est de 100
mm. Avec 271 mm de pluie, le mois de juin apparaît comme le mois le plus pluvieux.
Janvier, avec 10 mm de pluie, apparaît comme le mois le plus sec. La température la
plus faible (25° 4) est notée en août, au moment de la mousson. La température la plus
élevée (29°1) est obtenue en janvier, au moment de l'harmattan (N'GUESSAN, 1989).
Aboudé-Mandéké compte 6.000 habitants (ANONYME, 1998). La population
autochtone est constituée de Krobou. Selon la tradition, «ceux-ci descendraient du
ciel». Ce sont des propriétaires terriens. Ils sont cultivateurs, agriculteurs, en général.
Temporairement certains se livrent à des métiers de chasse, de pêche, de sculpture.
Quelques uns exercent comme tradithérapeutes. Aux côtés des autochtones, existe une
petite communauté d'allochtones : Abidji, Abron, Appolo, Dioula, Lobi, Sénoufo et
Wobè. Ils représentent 8 % de la population. Ces allochtones pratiquent surtout le
commerce. Il y a aussi des allogènes, originaires de la sous région ouest africaine :
Bénin, Burkina Faso, Ghana, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal,
Tchad et Togo. La plupart d'entre ces allogènes sont employés comme manœuvres
dans les plantations agro-industrielles (caféiers, cacaoyers, hévéa). Certains sont
maçons, menuisiers, d'autres exercent comme cordonniers. lis représentent 20 % de la
population.
100

Phaml. Méd. Trad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-116
2 - Enquête ethnobotanique
Pour conduire l'enquête ethnobotanique se rapportant à l'inventaire des plantes
médicinales utilisées contre les affections à caractère épidémique, nous avons fait
appel à un guide, originaire du village. Sur la base des indications qu'il nous a four-
nies, nous avons établi un répertoire de 28 tradithérapeutes. Après plusieurs contacts,
nous avons pu obtenir des rendez-vous avec 25 d'entre eux. Ce· sont 10 hommes et
15 femmes, tous des adultes. Nous les avons interrogés sur les affections les plus
préoccupantes à savoir, l'asthme, le cancer, le choléra, le diabète, l'hypertension
artérielle et le paludisme ainsi que sur les plantes utilisées pour les traiter. Chaque
interlocuteur a été rencontré 3 fois, à des moments différents, pour répondre aux
mêmes questions. Cette façon de procéder nous a pemùs de vérifier la véracité des
informations déjà recueillies. Cinq parmi les tradithérapeutes interrogés ont cité
Petersianthus macrocarpus, comme une plante anticholérique. Pour la nomenclature
de l'espèce, nous nous sommes servis de Flora of West Tropical Africa de HUrCHlN-
SON et DALZIEL (1952 à 1972) et de la flore de Côte-d'Ivoire (AKE ASSI, 1984).
Le nom scientifique a été actualisé selon l'énumération des plantes d'Afrique
(LEBRUN et STaRK, 1991, 1992, 1995 et 1997). A partir des notes prises lors de nos
investigations sur le terrain et des spécimens conservés dans l'herbier du Centre
National de Floristique (c. N. F), nous avons réalisé les dessins et décrit la plante.
Nous nous sommes appuyés sur la flore de Côte-d'Ivoire (AKE-ASSI, 1984), pour les
indications biogéographiques.
3 - Méthode d'étude anatomique
Méthode classique, elle comporte différentes étapes.
- Coupes transversales fines d'une portion de rameau d'environ 0,5 cm de diamètre;
la portion a été introduite dans la moelle de sorgho, servant de support solide.
- Séjour des coupes dans de l'eau de javel, pendant 20 mn ; l'eau de javel sert à digérer
tout le contenu cellulaire; seules les parois cellulaires sont conservées.
- Rinçage des coupes à l'eau ordinaire.
- Passage des coupes dans de l'eau acétique (acide acétique dilué), pendant 15 mn,
pour neutraliser l'excès d'eau de javel, chinùquement basique et rendre les parois
cellulaires réceptives au colorant. Cette réceptivité, dénommée mordançage,
favorise et améliore la fixation du colorant.
101

Phann. MM Trad. Afi: 2006, Vol. X/V, pp. 97-116
- Rinçage à l'eau ordinaire, pour chasser l'excès d'eau acétique.
- Coloration au carmino-vert ; le carmino-vert est un double colorant fabriqué à par-
tir de carmin-aluné (poudre rouge) et du vert d'iode (poudre verte. Le carmino-
vert, colorant métachromasique, est de coloration violette. Les parois cellulaires
sont colorées en fonction de leur nature chimique. Les parois riches en lignine sont
colorées en vert ou en bleu ; celles qui sont riches en cellulose sont colorées en
rose; les parois riches en cutine sont colorées en bleu-vert; les parois riches en
subérine sont colorées en jaune vert.
- Rinçage à l'eau ordinaire.
- Montage des coupes entre lame et lamelle, dans une goutte d'eau glycérinée (gly-
cérine diluée), pour observation au microscope optique.
- Réalisation du dessin.
- Après observation des coupes au microscope optique et identification des tissus,
nous avons fait une prise de photo, grâce à un appareil numérique.
4 - Matériel végétal, Méthode de séchage et pulvérisation
La drogue (écorces de tige), a été séchée, selon le modèle des tradithérapeutes,
à l'air libre, à la température ambiante, durant 2 semaines. Ensuite nous l'avons pulvé-
risée, à l'aide d'un broyeur électrique, et obtenu 100 g de poudre fine.
5 • Matériel technique, chimique et Préparation des extraits bruts
Sur la poudre fine obtenue, nous avons réalisé 3 extractions, selon le protocole mis
au point par NEMLIN et BRUNEL (1995). L'extrait brut a été obtenu par extractions
successives, avec des solvants de polarité croissante. Dans cet ordre, nous avons uti-
lisé trois solvants: éther de pétrole, méthanol et eau.
- Extraction par l'éther de pétrole. Nous avons dissout 20 g de la poudre fine sèche
dans 60 ml d'éther de pétrole, dans un ballon de 250 ml. L'ensemble a été homogé-
néisé par agitation manuelle pendant 10 mn. La mixture a été ensuite filtrée. Nous
avons obtenu un premier filtrat que nous avons nommé filtrat éthéré 1. Sur les marcs
résiduels, nous avons ajouté 60 ml d'éther de pétrole; après 10 mn d'agitation puis fil-
tration, nous avons obtenu le filtrat éthéré 2. Nous avons repris la même opération et
obtenu le filtrat éthéré 3. Ces 3 filtrats ont été regroupés et concentrés à 25 ml sur un
102

Pharm. Méd. Trad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-I16
bain de sable. Cette série d'opérations a conduit à une solution concentrée que nous
avons appelée extrait éthérique.
- Extraction par Le méthanol. Après l'extraction par l'éther de pétrole, le marc rési-
duel a été séché. La poudre obtenue a été récupérée dans 60 ml de méthanol. Après
10 mn d'homogénéisation par agitation manuelle et filtration, nous avons obtenu
le filtrat méthanolique 1. La même opération a été reprise et elle a permis d'obtenir le
filtrat méthanolique 2. Les 2 filtrats méthanoliques réunis ont été concentrés à 25 ml,
au bain de sable, ce qui nous a conduit à une deuxième solution concentrée que nous
avons appelée extrait méthanolique.
- Préparation de l'extrait aqueux. Nous avons infusé 5 g de la poudre fine sèche de
la drogue dans 50 ml d'eau distillée, pendant 15 mn. L'infusé a été ensuite filtré et ainsi
nous avons obtenu l'extrait aqueux.
6 - Screening phytochimique
La caractérisation des composés chimiques s'est faite, selon le modèle de NEMLIN
et BRUNEL (1995), de la façon suivante:
- la réaction de Liebermann a permis de mettre en évidence les stérols et les poly-
terpènes;
- la réaction au chlorure ferrique (FeC13) a permis de caractériser les polyphénols ;
- la réaction à la cyanidine a permis de tester les flavonoïdes ;
- la recherche des tanins catéchiques et galliques s'est réalisée à partir du réactif de
Stiasny;
- le réactif de Bornstraëgen (ammoniaque dilué 2 fois) a permis de mettre en évi-
dence les substances quinoniques ;
- la caractérisation des alcaloïdes a été effectuée à partir des réactifs de Buchard
(réactif iodo-ioduré) et de Dragendorff (réactif à l'iodo-bismuthate de potassium) ;
- la mesure de la hauteur de mousse a permis de rechercher les saponosides.
Toutes ces méthodes nous ont permis d'obtenir les résultats ci-après.
103

Pharm. MM Trad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-II6
II - RESULTATS
1 . Etude botanique
Position systématique
Espèce: Petersianthus macrocarpus (P. Beauv.) Liben
Genre: Petersianthus
Famille: Barringtoniaceae
Ordre: Lecythidales
Sous-Classe: Dilleniidae
Classe: Dicotylédones
Sous-Embranchement: Angiospermes
Embranchement: Spermaphytes.
Synonymes
- Petersia africana Welw. Ex Benth. et Hook. f.
- Combretodendrnm africanum (Welw. Ex Benth. et Hook. f.) Exell
- Combretodendrnm macrocarpum (P. Beauv.) Keay
Morphologie externe
Grand arbre pouvant atteindre 45 m de hauteur, l'Abalé possède un fût rectiligne,
comportant une écorce épaisse, fibreuse, fissurée longitudinalement (figure 3). Le
bois, fraîchement débité, dégage une odeur fétide. Les feuilles, obovales, acuminées,
cunéiformes à la base, sont simples, faiblement dentées; elles mesurent 10-16 cm de
longueur sur 5-7,5 cm de largeur; pourvues de grosses glandes à l'aisselle des princi-
pales nervures secondaires, les feuilles sont penninerves. Les fleurs, blanches, forment
des inflorescences en panicules. Les fruits sont des samares à 4 ailes membraneuses
réticulées (figure 4).
Biogéographie
Taxon africain de la zone guinéo-congolaise, il se rencontre aUSSI bien dans
les formations naturelles que dans les formations secondaires.
104

Pharm. Méd. 7J-ad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-116
Anatomie de la tige
En coupe transversale, la tige cylindrique de Petersianthus macrocarpus, présente
2 zones distinctes: l'écorce et le cylindre central.
Ecorce
Elle est deux fois moins développée que le cylindre central; elle comporte 3 tissus
primaires (épiderme, parenchyme et sclérenchyme) et un tissu secondaire (suber).
- L'épiderme, tissu périphérique, est formé d'une assise unique de petites cellules
rectangulaires, jointives, à parois minces et cellulosiques.
- Le parenchyme cortical, formé de plusieurs assises de cellules à parois minces,
lignifiées, comporte des méats; il est limité intérieurement par un endoderme non
différencié.
- Le Sclérenchyme, formé de cellules polyédriques, jointives, à parois épaisses, il
confère une grande rigidité aux organes. Les cellules du sclérenchyme sont disposées
en couronne et forment une gaine tout autour du cylindre central.
- Le suber, reconnaissable par la disposition des cellules en files radiales, ne com-
porte pas de méats. Tissu mort, imperméable, il est interrompu de place en place par
des lenticelles qui assurent ainsi les échanges avec l'extérieur. Situé juste en dessous
de l'assise épidermique, il comporte deux assises; par endroit on n'observe qu'une
seule assise.
Cylindre central
Il est deux fois plus important que l'écorce. Il est constitué d'un parenchyme fon-
damental dans lequel l'on distingue des tissus primaires (bois, liber, parenchyme
médullaire) et des tissus secondaires (bois et liber secondaires)
- Le bois primaire est centrifuge.
- Le liber primaire est formé de petites cellules polymorphes à parois cellulosiques;
il forme avec le bois primaire les faisceaux libéro-ligneux. Des îlots de liber
primaire s'observent dans la moelle: il s'agit d'un liber intramédullaire.
105

Pharlll. Méd. Trad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-116
- Le parenchyme médullaire, formé de grosses cellules polygonales, à parois cellu-
losiques, comporte des méats. A l'intérieur de ce parenchyme, l'on observe des cel-
lules à amidon.
- Le bois secondaire, coloré en vert, est formé de cellules en files radiales, disposées
en plusieurs rangées.
- Le liber secondaire, coloré en rose, est aussi reconnaissable par la disposition des
cellules en files radiales.
Ethnobotanique : Utilisation traditionnelle de la plante (N'GUESSAN, 1995)
Artisanat
Le bois sert à façonner des mortiers ainsi que des manches d'outils (figure 6).
Habitat rural
Les paysans utilisent les perches de la plante comme piquets pour l'ossature des
murs ainsi que de la charpente, dans la construction des cases. Le bois débité en
madrier sert de raidisseur dans la construction des cases. Les planches du bois étaient,
autrefois, utilisées dans la construction des cases de rois.
Source d'énergie
Les ménagères utilisent le bois comme combustible.
Usage thérapeutique traditionnel: action anticholérique
On utilise une poignée des écorces de tige à l'état frais; ces écorces de tige, battues au
maillet et ramollies, sont malaxées dans un demi litre d'eau, sans adjuvant. La mixture est
ensuite filtrée. On recommande, en lavement, une grande poire de cette mixture, 2 fois
par jour, pendant 1-3 jours.
2 • Etude tri phytochimique des écorces de tige de Petersianthus macrocarpus
La caractérisation des écorces de tige, par différents tests, a permis d'obtenir les
résultats ci-après, présentés sous forme de tableau.
106

Pharm. Méd. Trad. Afr. 2006, Vol. XlV. pp. 97-116
Tableau 1 : Recherche de composés chimiques à partir de 3 fractions de substances
naturelles
Composés chimiques recherchés
Extraits de substances naturelles
Ethérique
Méthanolique
Aqueux
Stérols et polyterpènes
+
+
-
1
- -
Polyphénols
+
+
+
Flavonoïdes
+
+
+
Tanins
Catéchiques
+
+
+
1
Galliques
-
-
.
1
Substances quinoniques
.
-
.
Alcaloïdes
Bouchardât
1
+
+
+
Dragendorff
+
+
+
1
Saponosides
-
.
+
III - DISCUSSION
1 . Etude anatomique
Cette étude montre que les tissus observés peuvent être répartis en deux groupes:
les tissus primaires qui tirent leur origine du fonctionnement du méristème apical de
la gemmule ou des bourgeons et les tissus secondaires qui proviennent du fonctionne-
ment des assises génératrices ou méristèmes secondaires que sont le cambium et
l'assise subéro-phellodermique (DEYSSON, 1978).
On note quelques particularités dans cette étude anatomique : la présence de
phloème primaire dans la moelle, la différenciation dans le parenchyme médullaire de
cellules de réserve d'amidon ainsi que les lenticelles aménagées dans le suber.
Le développement du sclérenchyme et l'importance du parenchyme corticallignifïé
sont des indices qui révèlent que Petersianthus macrocarpus vit dans un habitat sec.
Dans une étude anatomique portant sur 4 espèces du genre Terminalia, ADJIMA et al.
(2001) ont montré que l'absence de parenchyme lacuneux signifiait que le végétal
vivait dans un milieu sec; il en est de même pour la présente étude.
107

Phaml. MM. Trad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-116
2 - Etude tri phytochimique des écorces de tige Petersianthus macrocarpus
D'un test à l'autre et d'un extrait à l'autre, nous observons des différences.
- Les tests des substances quinoniques et des tanins galliques sont négatifs dans les
3 extraits.
- Les alcaloïdes, les polyphénols, les flavonoïdes, les tanins catéchiques sont prati-
quement présents dans tous les extraits.
- Le test des stérols et des polyterpènes est négatif sur la fraction aqueuse; l'eau
étant un solvant plus polaire que l'éther et le méthanol (YEHE, 2006), nous pen-
sons que ces substances existeraient mais à l'état de traces.
- On note l'absence de saponosides dans les fractions éthérique et méthanolique : ces
deux solvants (éther et méthanol) n'ont pas pu extraire les saponosides que l'on
retrouve dans l'extrait aqueux.
- BOUQUET et DEBRAY (1974) rapportent dans leurs travaux que les écorces de
tige de la plante contiennent des saponosides et des tanins ; sur le plan phannaco-
logique, ils ont indiqué que l'extrait aqueux des écorces de tige exerce une action
positive sur les fibres musculaires lisses (intestin, utérus, vaisseaux). Une action
positive sur le muscle intestinal signifie une diminution des contractions intestinales,
ce qui est synonyme d'un arrêt des diarrhées qui accompagnent le choléra. Ces
travaux confirment nos résultats quant à l'action anticholérique des écorces de tige
de Petersianthus macrocarpus.
- GNALEI (2005) a rapporté que les stérols et les polyterpènes ont des propriétés
bactéricides ce qui permettrait d'expliquer l'action anticholérique de la plante.
- Selon KERHARO et ADAM (1974), les polyphénols, notamment les catéchols
ainsi que les tanins catéchiques sont efficaces contre les bactéries; c'est là une
autre indication probable de l'effet anticholérique exercé par la plante.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Petersianthus macrocarpus est un grand arbre utilisé dans divers domaines de la
vie quotidienne (artisanat, habitat rural traditionnel, énergie et thérapie). L'étude ana-
tomique a montré quatre particularités: un suber avec lenticelles, sous l'épiderme, un
parenchyme cortical entièrement lignifié, un liber primaire intramédullaire et un
parenchyme médullaire riche en amidon.
108

P/zarm. Méd. Trad. Afr. 2006, Vol. XIV, pp. 97-116
Les différents tests de caractérisation tri phytochimique ont montré que la drogue
(écorces de tige) ne contient ni de substances quinoniques ni de tanins galliques. En
revanche elle renferme divers principes bioactifs (stérols, polyterpènes, polyphénols,
flavonoïdes, saponosides, tanins catéchiques et alcaloïdes). Certains de ces métaboli-
tes secondaires (stérols, polyterpènes, polyphénols et tanins catéchiques) sont recon-
nus pour leurs propriétés bactéricides, ce qui confirmerait l'effet anticholérique de la
plante. Ainsi donc, l'usage empirique que les tradithérapeutes font du macéré des écor-
ces de tige de l'Abalé, trouve un fondement scientifique.
Dans un proche avenir nous comptons confirmer l'effet de l'extrait aqueux des écorces
de tige de la plante par un test cytologique sur le vibrion cholérique et
un test
pharmacologique sur le péristaltisme intestinal.
REMECIEMENTS
À Monsieur KAYO, Technicien au Laboratoire de Pharmacognosie, à l'UFR des
Sciences pharmaceutiques et Biologiques, nous voulons dire grand merci ; il nous a
apporté sa contribution dans la pulvérisation des écorces de tige de Petersianthus
macrocarpus, ce qui a permis les caractérisations tri phytochimiques.
À tous ceux qui nous ont apporté une contribution quelconque lors de nos enquê-
tes ethnobotaniques dans le village d'Aboudé-Mandéké (Département d'Agboville,
Côte-d'Ivoire) notamment les tradithérapeutes (AYEGBE N'Guessan, KOUADJA
Amané, OKON Aya, AWO Assaka, AKE Gnangoran) ainsi que AYA Badou qui fut,
pour nous, un guide de terrain.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
A.c.c.T. (1983). Médecine traditionnelle et pharmacopée, contribution aux études
ethnobotaniques et floristiques à Maurice (Îles Maurice et Rodrigue). Edition de
J'Agence de Coopération Culturelle et Technique (A.C.c.T.), 166 p.
ADJANOHOUN E. et AKE ASSI L., 1979.Contribution au recensement des plantes
médicinales de Côte-d'Ivoire, Université d'Abidjan, Centre National de Floristique
(C.N.F.), 358 p.
109

Pflarm. Méd. Trad. Afr. 2006, Vol. XlV, pp. 97-JJ6
AKE-ASSI L., 1984. Flore de la Côte-d'Ivoire: étude descriptive et biogéographique,
avec quelques notes ethnobotaniques. Thèse de Doctorat ès Sciences Naturelles.
Université d'Abidjan, Faculté des Sciences et Techniques (FA.ST), Laboratoire
de Botanique, 6 volumes, 1206 p.
AKPOvr A., 1984. Contribution à l'étude botanique des îlots de forêts denses humi-
des en République Populaire du Bénin. Thèse de Doctorat de Spécialité.
Université de Cotonou, 250 p.
ANONYME, 1986, Enda Tiers-Monde. Encyclopédie médicale de l'Afrique,
Larousse, Paris (France), 279 p.
ANONYME, 1991. Le choléra. Réveillez-Vous, Périodique bimensuel du 22 Mai
1991,32 p.
ANONYNIE, 1993. Principes directeurs pour la conservation des plantes médicinales.
Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.), LU.C.N., W.W.F, 57 p.
ANONYME, 1998. Recensement général de la population. Institut National de
Statistiques.
BOUQUET A. & DEBRAY M., 1974. Plantes médicinales de Côte-d'Ivoire,
Imprimerie Louis Jean, Paris (France), 232 p.
CHEVALIER A., 1948. Biogéographie de la forêt dense ombrophile de la Côte-
d'Ivoire. Rev. Bot. Appl. Agr., tome 28 , numéros 305-306 : 101-115.
DEYSSON G., 1978. Cours de Botanique Générale. Organisation et classification des
plantes vasculaires. Société d'édition d'Enseignement Supérieur, tome II, 332 p.
DnMA T., MILLOGO-RASOLODIMBY 1. et GUINKO S., 2001. Anatomic study
of Terminalia (Combretaceae) species collected from eastern Burkina Faso.
Annales de Botanique de l'Afrique de l'Ouest (A.E.A.O.), 00(0) : 43-52.
GNALEI R. M., 2005. Eude tri phytochirnique de différentes fractions (extrait total
aqueux, extrait éthanolique 70%, fraction F5) de BITTER GG, une substance anti-
diarrhéique de source végétale. D.E.A de Biotechnologie, Option Pharmacologie
des substances naturelles. Université de Cocody-Abidjan, UFR-Biosciences,
Laboratoire de Pharmacodynamie-Biochimique, 33 p.
HUTCHINSON 1. et DALZIEL J. M., 1952 à 1972. Flora of west Tropical Africa
(2e édition par Keay R. W. 1. et Hepper FN. Crown Agents, Londres, 3 volumes.
110

Pharm. Méd. Trad. Afr. 2006. Vol. XIV, pp. 97-116
KERHARO 1. & ADAM 1.G., 1974. La pharmacopée sénégalaise traditionnelle.
Plantes médicinales et toxiques, Vigot frères, Paris, 1007 p.
LEBRUN J. P. et STORK A. L., 1991, 1992, 1995 et 1997. Enumération des plantes
à fleurs d'Afrique tropicale. Conservatoire et Jardins botaniques de la ville de
Genève, Vol. 1,2,3,4, 1559 p.
NACOULMA-OUEDRAOGO O., 1996. Plantes médicinales et pratiques médicales
traditionnelles au Burkina Faso: cas du Plateau central, Thèse de Doctorat ès
Sciences Naturelles, Université de Ouagadougou, (Burkina-Faso), Faculté des
Sciences et Techniques, 605 p.
NEMLIN J. et BRUNEL J. E, 1995. Fascicule de Travaux Pratiques
de
Matière
Médicale (3 e année). Université Nationale de Côte-d'Ivoire. Faculté de Pharmacie.
Département de Pharmacognosie. Laboratoire de Phytologie, 47 p.
N'GUESSAN K., 1989. Contribution au recensement, à l'écologie et à la systématique de
quelques Angiospermes utilisées, pour l'édification des habitations traditionnelles,
par les habitants d'Aboudé-Mandéké, Sous-préfecture d'Agboville, Côte-d'Ivoire.
Diplôme d'Etude Approfondies d'Ecologie Tropicale, Option Végétale. Université
Nationale de Côte-d'Ivoire, Faculté des Sciences et Techniques (EA.S.T.),
Laboratoire de Botanique, 150 p.
N'GUESSAN K., 1995. Contribution à l'étude ethnobotanique en pays krobou (Côte-
d'Ivoire), Thèse de doctorat de 3ème cycle d'Ethnobotanique, Université Nationale
de Côte-d'Ivoire, Faculté des Sciences et Techniques, Abidjan, 557 p.
OUATTARA D., 2006. Contribution à l'inventaire des plantes médicinales significa-
tives utilisées dans la région de Divo (sud forestier de la Côte-d'Ivoire) et à la diag-
nose du poivrier de Guinée: Xylopia aethiopica (Dunal) A. Rich.
SODEFOR, 1993. Plan type commenté de l'aménagement d'une forêt classée, Tome
3,42 p.
YEHE D., 2006. Etude de l'action spasmolytique de Combretum molle, en comparai-
son avec les effets de quelques antiasthmatiques usuels. Doctorat de 3e Cycle :
Spécialité Pharmacologie Biochimie. Université de Cocody-Abidjan, UFR-
Biosciences, Laboratoire de Pharmacodynamie Biochimique, 33 p.
111

Pharm. Méd. Trad. Afr. 2006. Vol. XIV, pp. 97-116
B
LEGENDE
Limite de Région

Cheflieu de Département
Limite de Département
Lirrutede Sous-Préfecture
Autoroute
..
Cheflieu de Sous-Préfecture
Route bitumée
Village
Route en terre
Piste
• Chemmdefer
Milieu d'étude
Figure 1 : Situation géographique et administrative du milieu d'étude (BNETD. 2000, modifié
par N'GUESSANl
A : Situation du Département d'Agboville en Côte-d'Ivoire
B : Situation d'Aboudé-Mandéké dans le Département d'Agbovillc
112

Pllllflll, Méd. Trf/d. Afr. 2006. \\0/. XIV, pp. 97·116
,-
,-
\\
"
N
~~~ 81l1klfla Fuco
0,
A
'"
",
~<-'
0"'"
or-
G.'"
"
"
"
.'
,'
Echellc: 1/4,000.000
Figure 2 : Cartt des secteurs climatiques et Iocali~lion de III rtgion d'Ailbovillt:
(SoUI"IX: Monnier, 1983)
"""'""
LocaIilts
- Mbophilc
• Rtgiond'Agboville
- "'00,,-",
- Ombtoplulc
• Villes
D
PttrorcsticT
• ClIpillllc
D
SoudaI\\ico
-Retenuesd'uux
D
Sub-sOIJdaniell
RtJCllu hydrographique
113

Pharm. Méd ITad. Afr. 2006, \\.0/. XIV, pp. 97-116
fi&urc 3 : PmrsWtlhur ~ (8arri~)
Portion du lUI !TlDIltBn1 des rUiSUlU
FiIlUn:-'" Ptll'rJimuhW/ mtlll.'rOCbrpU.f {Illirrinl!I('OnlJlCrllcl
RamClW fruc:lÎr~
114

Plwrm. Méd. Trad. Afr. 2fXXl. Vol. Xl\\~ pp. 97-1/6
,
Lenticell~
Epidennc
Parenchyme cortica.llignifié
Parenchyme coI1ica.l cellulosique
-='-'-- Sclérenchyme
Bois secondaire
Parenchyme médullaire cellulosique
Liber primaire médullaire
Parenchyme m6dulhùrc: arnyliîere
Liber primaire:
Bois primaire
Liber secondaire
Su",,"
Figure 5 ; Coupe transversale d'une portion d~ [a tige de Petersianthus macrocarpllS
(Barringloninccac)
115