Pharm. MM. Trad. Afr. 1998, Vol.lO, pp.105-113
I-
MISE AU POINT D'UN MODELE BIOLOGIQUE
I
DE TEST ANTI-PARASITAIRE APPLIQUE
AUX PLANTES MEDICINALES
Par
L.P. GUISSOU I 2
- , s. OUEDRAOGOI, N. SOME·, M. LOMPO·
1 Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS)
Département Médecine-Pharmacopée Traditionnelle/Pharmacie
03 BP 7192 OUAGADOUDOU 03
2 Faculté des Sciences de la Santé - Université de Ouagadougou
03 BP 7021 OUAGADOUGOU 03
RESUME
Le recours aux recettes de la Médecine et Pharmacopée Traditionnelles dans
le traitement.cJes parasitoses digestives connaît un regain d'intérêt au Burkina Faso.
Aussi, l'améHoration de la pharmacopée traditionnelle en vue de sa valorisation
devient une nécessité.
Dans le présent travail, les auteurs rapportent la mise au point d'un modèle
expérimental assez original, pour la recherche d'activité antiparasitaire.
Le lombric ou ver de terre a été testé comme modèle animal support d'études
antiparasitaires ; la détermination de son milieu de survie a mis en évidence que l'eau
distillée contenant du sable ordinaire nettoyé et neutralisé était adéquat.
L'effet
vermicide
d'extraits
de
plantes
médicinales
utilisées
en
tradithérapeutique comme antiparasitaires a pu être confirmé : Balanites. aegyptiaca
(Balanitaceae), Ximenia amerlcàna (olacaceae), Gardenia sokotensis (Rübiaceae),
Cochlospermum tinctorium (Cochlospermaceae) et Tinospora bakis (Menispermaceae).
Ces résultats permettent de valider le modèle basé sur le lombric comme
support biologique d'essai pharmacologique antiparasitaire.
MOTS CLES:
Antiparasitaire, lombric, Plante médicinale, Pharinacopée
Traditionnelle, Modèle anjmal.
- 105 -

INTRODUCTION
Les parasitoses digestives constituent un problème de santé publique [1] au
Burkina Faso en raison de leur fréquence élevée. Les moyens d'assainissement y sont
insuffisants et les mesures d'hygiène limitées, justifiant le taux élevé des infections
digestives.
Le marché pharmaceutique composé de spécialités pour la plupart, n'est
accessible qu'à 20% de la population notamment urbaine et solvable. Aussi le coût de
plus en plus élevé des médicaments et le spectre de plus en plus large des maladies
parasitaires amènent les populations vers la Médecine et Pharmacopée Traditionnelles
(2). Cet état de fait incite à la recherche de nouvelles alternatives thérapeutiques.
Une valorisation de la pharmacopée traditionnelle par les chercheurs
scientifiques s'impose. Pour ce faire, des tests pharmacologiques appropriés destinés
à la mise en évidence de l'activité des extraits de plantes doivent être entrepris. Ces
tests doivent être en rapport avec les données ethnopharmacologiques recueillies.
Beaucoup de travaux peuvent être réalisés sur les plantes en toxicologie et en
pharmacologie, mais il faut avoir la maîtrise du réactif animal. Le choix du modèle
animal pour être judicieux doit être guidé par la nécessité anatomique
et
physiologique, et permettre des réponses aux drogues transposables en clinique
humaine par les prérequis. Il se pose alors les problèmes de modèles expérimentaux
adéquats pour la mise en évidence d'activité pharmacologique dedrogue d'origine
végétale.
Le but de cette étude est de mettre au point un modèle biologique pour la
recherche d"activité anti-parasitaire in vitro appliquée aux plantes médicinales. Elle
devra fournir des prérequis nécessaires à des essais pharmacologiques dans la
perspective de la production de médicament.
J.
OBJECTIFS DE L'ETUDE
Objectif général
Rechercher des supports pharmacologiques d'activité anti-parasitaire de plantes
médicinales du Burkina.
Objectifs spécifiques
Tester le lombric comme support d'étude anti-parasitaire en
vue d'une
validation de modèle animal in vitro ;
Rechercher l'effet vermicide d'extraits de plantes médicinales de la
tradithérapie du Burkina ;
- 106-

Comparer l'effet à celui d'un antihelminthique témoin de référence.
D.
MATERIEL ET METHODE
i
i
A.
Animal
Les lombrics (Lombricus terrestris) ou vers de terre sont de la famille des oligochètes
et de l'embranchement des annélides. Ce sont des organismes hennaphrodites,
possédant un système nerveux, un appareil circulatoire et un appareil reproducteur
1
constitué de cellules sexuelles. Ils se reproduisent par accouplement, mais coupés en
morceaux, ils reconstituent autant de lombric entiers (Grasse et Downenc, 1995 ;
Aron et Grasse, 1996). Ils se nourrissent de matières organiques. Quelques uns de ces
vers sont parasites.
Les lombrics ont été recueillis au barrage de Ouagadougou (Burkina Faso) et adaptés
en bac d'élevage au laboratoire.
Ce ver a été utilisé dans cette étude pour sa biologie proche des helminthes,
généralement parasites digestifs.
B.
Matériel végétal
La matière végétale est récoltée et séchée à l'abri de la poussière. Il s'agit d'amandes
de Balanites aegyptiaca, de l'écorce des racines pour Ximenia americana, des feuilles
de Gardenia sokotensis et des racines de Cochlospermum tinetorium. AprèS séchage,
les différentes parties récoltées sont réduites en poudre à l'aide d'un broyeur à lames.
Plusieurs types d'extraits sont alors préparés à partir de la poudre poùr correspondre
aux formes d'utilisations tradithérapeutiques.
C.
Méthodes d'études
1.
Détermination du milieu de survie du lombric
Du sable ordinaire nettoyé à blanc et stérilisé a été utilisé comme milieu de soutien
dans différentes solutions de survie testées :
sérum physiologique (NaCI 9 pour 1000)
milieu nutritif pour amibes non pathogènes
eau distillée
solution de tyrode
-",'
400 g de sable sont mélangés à 100 ml de solution dans un bac.de survie. Dans
chaque bac sont introduits 5 lombrics, puis leur comportement est suivi pendant 72 H.
- 107-

2.
Tests d'effet vermicide d'extraits de plantes médicinales
400 g de sable sont mouillés dans une solution de 100 ml d'extrait de plantes à
différentes concentrations. L'ensemble est homogénéisé dans les bacs de survie. 5
lombrics sont introduits par bac. Un lot témoin de 5 lombrics est introduit dans un bac
contenant uniquement le milieu de survie. Le test d'innocuité du solvant est effectué.
L'évolution des lombrics dans chaque bac est alors suivie au cours du temps. Les
manifestations et la létalité sont suivies pendant 24 heures, puis jusqu'à 72 heures.
Chaque test est répété 5 fois.
3.
Test d'activité de pharmacologie moléculaire
Ces tests sont basés sur les mécanismes d'actions des antihelmintiques modernes .:
interaction avec des neuromédiateurs (Cholinergique. GABA), des ions (Na+ - Ca2+)
et le métabolisme (Olucose, respiration). Pour la recherche d'une éventuelle activité
cholinergique, un test sur le duodénum isolé de rat est effectué.
4.
Méthodes d'analyse des résultats
L'analyse de la relation dose-effet est faite après apparition de la mortalité 100% dans
un lot d'étude grâce à la courbe effet fonction de Dose (DE50).
La cinétique de l'effet (relation létalité-temps) est évaluée par une courbe létalité (%
similaire) en fonction du temps (T) de contact.
La)étalité est comparée à celle d'un antihelmintique témoin de référence.
Les DE50 des différents extraits sont comparés sur une échelle de puissance d'effet.
ID.
RESULTATS ET DISCUSSION
La détermination du milieu de survie a mis en évidence que l'eau distillée contenant
le sable ordinaire était adéquat (tableau 1).
Tableau 1 : Détermination du milieu de survie dt;s lombrics.
Milieu
eau
Milieu
sérum
distillée
amibes
physiolo-'
Tyrode
Temps
gique
24 H
bonne survie
Inhibition
100% de morts
80 % de morts
72H
bonne survie
100% de morts
100% de morts
100% de morts
- 108-

Le tableau II présente les résultats du test de toxicité d'extrait aqueux d'amande de
Balanites aegyptiaca sur le lombric. Ces résultats montrent bien que la drogue a un
effet toxique sur le ver (effet vermicide).
: "
1
Tableau n : Toxicité des amandes de Balanites aegyptiaca. (L) Del. sur le lombric.

;
C.(mg/ml)
0.1
0.5
1
10
. ,.
Témoins
Tps
lombrics au
lombrics à
lombrics à,"
tendance à
,lombrics
TO
fond du
la surface '
la surface
.'
'sortir du
'atJfond du
sable
bol
sable
2H
0%
0%
0%
loo%de: l ;, " 0% de
morts
morts
3H
()%
20% de
60% de
-
0% de
."
morts
morts
morts
12H
6O$"dë'
100% de
100% de
-
0% de
morts
morts
morts
morts
Le syndrome.d'intoxication se manifeste par une hypermobilité des lombrics ; la mort
de l'animal survient marquée par lyse par~itaire après inanition de courte durée.
Ces résultats sont comparables â ceux d'ichtyotoxicité de Creach (1940) et
d'effet mollucide sur Lymnaca natalense (NAKAMISHI et KUBO 1977) avec des
extraitsd'écotces de racines de la même plante.
-'
~:
'
" :'":.- ~
"'US effets vermicides d'extraits d'autres plantes utilisées en tradithérapeutique comme
antiparasitaires ont pu être confirmés. Ces résultats sont présentés dans les tableaux
III et IV. Les différentes drogues présentent une activité inhibitrice in vitro sur le
lombric. L'ordre d'efficacité est la suivante pour les décoctés aqueux: Balanites
aegypti4.ca > Ximenia americana > Cochlospermum tinetorium > Gardenia
s0lc0tensis
(tableau V).
Tableau ,ID : Toxicité du décocté aqueux de Gardenia sokotensis sur le lombric
",
,
,-"
C.(n?g/ml)
10
12.5
15
17.5
1;ps
Témoins
10H
0%
0%
20%
60%
0%
·,;".24H
0%
0%
100%
100%
0%
48H
20%
40%
100%
100%
0%
72H
40%
60%
100%
100%
0%
- 109-

Tableau IV : Toxicité du décocté aqueux de Cochlospermum tinetorium sur le
lombric
C.(mg/ml)
10
12.5
15
17.5
Témoins
Tps
24H
-
20%
60%
100%
0%
48H
0%
20%
60%
--
0%
72H
0%
20%
60%
--
0%
Tableau V : DE50 de l'effet vermicide des décoctés aqueux des plantes
médicinales et du Combantrinll
Drogues
Comban-
B.
X.
C.
G.
trinR
aegyptiaca
americana
tinetorium
so-kotensis
DESO mg/ml
12.9
0.8
3.3
12.9" "
14.5
Cet effet annelicide des différentes drogues est dose dépendante laissant supposer une
activité spécifique, saturable.
On note également une efficacité différente suivant la nature du solvant d'extràction.
Pour Ximenia americana, Cochlospermum tinetorium et Gardenia sokotensis,l'extrait
hydroalcoolique est plus puissant que le décocté et le macéré aqueux (tableau VI). ,
Tableau VI : DESO des différents extraits d'une même plante.
Plantes
X. americana
G. sokotensis
C. tinetorium
Extraits
HA
DA
HA
DA
MA
HA
DA
MA
DE50 (mg/ml)
1.5
3.3.
7.5
14.5
24
10.5
12.9
12.1
HA = Hydroalcoolique ; DA = Décocté aqueux; MA = Macéré aqueux.
- 110-

L'étude comparative de la cinétique d'effet montre que le décocté aqueux de
Balanites aegyptiaca est la plus puissante de toutes les drogues de la présente étude.
Le pourcentage de succès est optimal pour la dose de 10 mg en 2 heures (tableau VU).
1
Le temps d'effet 40-50% est de moins de 24 heures pour Balanites aegyptiaca et
Ximenia americana.
t

f
1
Tableau VU : Etude comparative de la cinétique d'effet pour les extraits aqueux et
f.
1
le produit de référence à la concentration de 10 mg/ml
,
Temps (II)
Délai d'action
Temps d'effet max.(lOO%
Drogues
B. aegyptiaca
< 2 heures
2 heures
X. americana
< 24 heures
24 heures
C. tinctorium
> 40 heures
> 72 heures
G. sokorensis
40 heures
> 72 heures
CombantrinR
< 30 minutes
1 heure
Tableau VIII : Doses-effets 100% en fonction du temps de contact.
1
.,
Temps
1
< 1 heure
2 heures
12 heures
24 heures
Drogues mg/ml
1
1
B. aegyptiaca
--
10
0.5
0.1
X. a'mericana
--
--
--
10
G. sokorensis
--
--
--
20
1
C. tinctorium
--
--
--
17.5
CombantrinR
10
--
--
--
- 111 -

Tableau IX : Toxicité du, CombantrinR sur le lombric
C.(mg/ml)
5
10
15
20

Tps
30 min
0% de morts
40% de morts
80% de morts
100% de
morts
1 H
0% de morts
100% de morts
100 % de morts
--
--'-48I:t
20% de morts
--
--
--
Le produit de référence (CombatrinR) montre également un effet vermicide sur
le lombric (tableau IX). Cette drogue agit à des doses plus fortes que Balanites
aegyptiaca et Ximenia americana (tableau V), mais son délai d'action est plus court
(tableau VII); une meilleure perméabilité cellulaire pourrait justifier ce phénomène.
Pour le test de pharmacologie moléculaire basé sur les mécanismes d'action
des antihelminthiques modernes, les extraits aqueux. de Balanites aegyptiaca et de
Ximenia americana ont été utilisés. Ces essais réalisés sur intestin isolé de rat indique
bien que Ximenia americana a un effet cholinolytique tandis que Balanites aegyptiaca
induit un léger effet spasmogène. Ces résultats semblent indiquer une interaction
moléculaire avec le système cholinergique.
CONCLUSION
Au vu de ce travail, le modèle sur le lombric comme support biologique
d'essai pharmacologique anti-parasitaire peut être considéré comme valide. Ces
résultats pourraient également justifier l'activité antiparasitaire mis à profit par les
tradithérapeutes pour les différents extraits de plantes étudiés.
Il faut néanmoins souligller que ces conclusions expérimentales ont leurs
limites, étant entendu que de très nombreuses substances réagissent différemment
~suivant l'animal auquel on s'adresse; pour citer Claude Bernard, jamais un animal
n'est absolument comparable à un autre. Ce test préliminaire de cytotoxicité de par
son aisance de mise en oeuvre donriêùne idée de l'activité vermicide éventuelle des
drogues. Des études complémentaires in vivo sur des animaux parasités serait
nécessaire pour conforter nos résultats.

BIBLIOGRAPmE
1.
Coordination Michel-Mignon. Gastroentérologie. Université Francophone
Ellipses. Paris 1992 ; 473.
2.
Ministère de la Santé. Plan Stratégique de la Recherche Scientifique. Août
1995 ; 39 : 7
3.
GRASSÉ, P.P. ET DOUMENC, D. Zoologie. Tome 1 : Invertébrés.
Paris : Masson. 1995 ; 5 : 112-9
4.
ARON, M. ET GRASSÉ, P. Précis de biologie animale. 8Œ1e édition;
Paris : Masson et Cie. 1966 : 878-87
5.
NAKAMISm, ET KUBO, 1. These snail are responsible for transmiting
schistosomes. 1977, Israël J. Chem. 16,28
L
- 113 -