Pharm. MM. Trad. Afr. 1998. Vol.JO, pp.1()()"104
r
LE ROLE DE LA PHARMACOPEE ET DE LA
MEDECINE TRADITIONNELLE DANS LE
SYSTEME DE SANTE PUBLIQUE
1
Par
Chiaka DIAKITE
Ministère de la Santé, Mali
Il n'est plus permis aujourd'hui d'ignorer les apports considérables de la
1
médecine traditionnelle dans la couverture sanitaire des collectivités rurales dont le .
pouvoir d'achat est très faible. Pour s'en convaincre il suffit de se rappeler des
conférences et colloques qui au fJ1 de ces dernières années ont réuni de nombreux
experts venus de tous les horizons, pour discuter des nouvelles perspectives de cet art
qui vient d'une profonde connaissance des vertus des différentes ressources que la
nature met si généreusement à notre disposition.
Des enquêtes au Mali ont montré qu'il n'y a qu'un médecin pour plus de
25.000 habitants et un tradithérapeute pour 500 habitants. Fort de ce constat il était
souhaitable d'imaginer des scénarios d'articulation entre les deux systèmes de soins
dans la prise en charge de certaines maladies. Ici je vais présenter le cas du paludisme
dans le cercle de Bandiagara au Mali.
I.
OBJECTIFS
1.1.
Objectif général
Améliorer l'état de santé des populations par la collaboration entre les deux systèmes
de médecine dans la lutte contre les fièvres (paludisme).
1.2.
Objectifs spécifiques
a)
Améliorer les connaissances des thérapeutes traditionnels (TT) sur les cas de
fièvres,
b)
Initier les thérapeutes traditionnels à la prescription de la chloroquine dans le
traitement des fièvres.
- 100 -

D.
NOMBRE DE TT ET CRITERES DE CHOIX DES TT
ILL Nombre
Pour la première expérience en la matière nous avions arrêté le nombre des TT à 20,
choisis dans 9 secteurs d'association des 'IT: Bandiagara, Mô-Iey, Ningari, Ondogou,
Bodio, 1bi, Koundiala, Dourou, Piron.
II.2. Critères de choix
a)
TT soignant les fièvres,
b)
TT adhérant à l'esprit de la chloroquinisation dans les cas de fièvres,
c)
Etre si possible ressortissant d'un des villages enquêtés par le programme
paludisme.
ID.
FORMATION
La méthodologie
Elle a consisté en une "écoute" initiale des tradithérapeutes afm d'apprécier leurs
connaissances, attitudes et pratiques sur le paludisme, écoute suivie d'explications
selon la médecine conventionnelle: de son mode de transmission, les manifestations,
les cas à référer, la prévention, le traitement à l'aide d'un schéma thérapeutique simple
(outil; représentations symboliques des tranches d'âges, de la dose, de l'espacement
des prises, et de la durée du traitement sur des fichiers en carton qui ont été distribués
par la suite aux participants).
Afin de permettre une évaluation du programme, un système d'enregistrement des cas
traités, référés et décédés a été introduit.
III .1. Perception des tradithérapeutes sur le paludisme
Ecoute de la perception faite du paludisme par les tradithérapeutes.
Cette entité nosologique wobu (en tommo) djontê ou kefan (en fulfuldé), algu ou
godunu mô (en donno), djonu ou djondo (en tomokan) sumaya (en bamanan), est très
populaire chez nous, jusqu'à ce que les gens le banalise: (palu dorontê wa, mais c'est
seulement le palu non ?) ainsi au niveau de la population s'est installée une
automédication sans précédent, dont ni la posologie, ni le délai de traitement ne sont
respectés.
Les TI censés faire la jonction entre la population et les médecins nous livrent ici
leurs connaissances, attitudes pratiques sur le paludisme.
- 101 -

A.
Les causes
La paludisme serait dû :
à la consommation exagérée de certains aliments tels que :
du lait frais, du lait caillé, de l'arachide crue (êlegêlê olu) etc...
1
à l'exposition au soleil (nantéké)
à la bile remplie (galemgalem)
à la fatigue
à la verdure
au vent (jêdê)
à la saleté
aux moustiques
Cette maladie est surtout fréquente en période hivernale et froide.
B.
Manifestations
Le corps chaud et des vomissements, la température qui ne baisse pas. les frissons,
la courbature (jimpêpa, sêmbê sêlê) la soif. le manque d'appétit (angapakê) maux de
tête (danajim). vertige. Chez les petits enfants diarrhée, convulsion, vomissement
abondant, le rejet est bilieux.
La paludisme (wobu) ne correspond pas à la jaunisse (gêgê).11 y a une différence
entre la fièvre provoquée par les piqûres de moustiques et les autres fièvres : fièvre
due à l'abcès du sein; fièvre pendant la saison sèche, ce sont la transpiration, la
fatigue, et la toux.
C.
Sujets vulnérables
les tout petits enfants pendant l'hivernage
les vieux pendant la saison froide
les tout petits enfants jusqu'à 15 ans, s'ils convulsent.
l-
D.
Complications lors des fièvres
i
disponibilité d'argent
1
amaigrissement et transpiration
L
la mort avant l'arrivée au dispensaire
avortement dû à la fièvre.
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E.
Prévention
Substances fumigènes répugnantes pour les moustiques :
· fumée de bois à l'intérieur de la case
· fumée des feuilles de nîmes
· fumée du son de mil .
décoction des plantes amères, fumigation, macération
moustiquaire
III.2. Les symboles retenus pour la représentation:
J représentation d'un individu
1 tranche d'âge d'un an
o le demi cercle représente un .112 comprimé de nivaquine
o le cercle représente un comprimé de nivaquine
la couleur blanche représente le matin
l~ couleur rouge représente le midi
la couleur noire représente la nuit
Le délai .de traitement est représenté parJe soleil qui se lève et se couche sur
.. une case carrée.
IV.
Traitement et enregistrement
A chaque tranche d'âge correspond un carton confectionné.
Pour chaque cas traité, le thérapeute fera un trait au verso du carton.
Pour chaque cas référé le thérapeute doit encercler le trait du malade évacué.
Pour chaque cas de décès le thérapeute doit barrer le trait du' malade
enregistré.
Pour chaque cas référé par le thérapeute au dispensaire, et mort s'en est
suivie, il doit barrer le trait dans le cercle.
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v.
Les cas à référer
Vu la complexité des soins dans le traitement des fièvres il est demandé aux
TI de référer les cas suivants au Dispensaire le plus proche ou au Centre Régional de
Médecine Traditionnelle ou au Centre de Santé du Cercle.
- Intolérance au traitement (allergie), vomissements continus
- Echec du traitement (72 heures de traitement sans résultat)
- Convulsions
- Coma
NOMBRE TOTAL DES MALADES VUS PENDANT 10 MOIS
(de Juin 1994 au 1er Avril 1995)
Période \\ nombre de cas vus
10 mois
Pourcentage
Nombre total de malades vus
3797
100%
Référés
114
3
Décédés
34
0,89
Référés-décédés
16
14,03
BIBLIOGRAPHIE
1 -
Causerie-débat sur le paludisme avec les associations de thérapeutes traditionnels de
Bandiagara Mai 1993. Archives CRMT Bandiagara Mali.
2 -
Basic Theory of chinise Traditional Medecine N"14119-1328-
1978. Institut de
1
Médecine Traditionnelle de Pékin
3 -
DIAKlTE D. "Têrê" "nyama" et santé humaine chez les Bambara du Bélédougou -
Bamako 1990 Thèse Médecine.
4 -
MYRIAM R. Se soigner au Mali Sumaya dans la région de Sikasso : une entité en
évolution. Edition Karthala et ORSTOM, 1993.
1
1
1t.
L
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