Pharm. MM. Trad. Afr. 1998, Vol.JO, pp.95-99
LES STRATEGIES DE VALORISATION DE LA MEDECINE ET
DE LA PHARMACOPEE TRADITIONNELLES AFRICAINEs
Par
E. A. YAPO,
Université de Cocody, UFR des Sciences
Pharmaceutiques et Biolog~qH~.-.!~~djan,
I.
INTRODUCTION
Au programme des quatre missions du CAMES, figUre'ii~a.valorisationde la
médecine et de la pharmacopée traditionnelles africaines". C;~st pourqUpî, très tôt, les
Professeurs Kerharo, Adjanohoun et autres Aké ASSI 'ont entamé et poursuivi un
incommensurable travail de recensement ethnobotanique, des plantes médicinales
africaines avec leurs modes d'utilisation et autres indications thérapeutiques.
Puis
rapidement,
des
travaux
de
recherches
expérimentales
(études
phytochimiques, pharmaco-physiologistes, toxicologiques, voire même de fonnulation
galénique. et des essais cliniques) ont été réalisés sans pour autant avoir abouti à la
mise sur les marchés de nos états, de médicament pour contribuer à la prise en charge
thérapeutique de nos populations souffrantes.
Or, il apparaît aujourd 'hui urgent que la médecine et la pharmacopée
traditionnelles africaines vers lesquelles les 3/4 de nos populations se tournent pour
des raisons d'ordre socio-culturel, socio-économique et sanitaire, soient valorisées;
la sauvegarde même de la crédibilité des chercheurs africains impliqués dans ce
programme est en cause tant vis~à-vis des autorités que des populations.
Des organismes nationaux (ONG) et internationauX tels que l'OMS,
l'AUP,aLF-QREF, la CEE... , ne pourront soutenir financièrement ce programme de
valorisationque dans sa phase opérationnelle et concrète, c'est-à-dire lorsque quelques
médicaments et méthodes de prise en charge thérapeutique fiables, issues de ces
recherches auront été propQsés à la face du monde.
Et le rôle d'un organisme panafricain de réflexion tel que le CAMES devrait
1
être à notre sens, de s'interroger sur les raisons de cet échec pour proposer parmi les
1 _
stratégies de valorisation possibles, celles qui apparaîtraient plus adéquates, plus
réalistes et plus accessibles aux ressources matérielles et humaines (compétences)
- 95 -

disponibles dans nos pays africains, et dont le suivi et le respect pourraient accélérer
cette valorisation.
Nous présentons par conséquent dans la suite de cet exposé, les stratégies de
valorisation de la Médecine et de la Phannacopée Traditionnelles, en insistant tout
particulièrement sur celles de la pharmacopée traditionnelle, ainsi que des conditions
de réussite de cette entreprise de valorisation scientifique effective de cette
pharmacopée traditionnelle africaine.
ll.
LES STRATEGIES DE VALORISATION
A.
De la Médecine Traditionnelle (M.T.)
Regroupements associatifs et recensement purificateur des
Tradipraticiens
(élimination des charlatans, escrocs ... )
Organisation de l'exercice parallèle, complémentaire selon une réglementation
appropriée qui précise les prérogatives et devoirs demême que les sanctions des
Tradipraticiens en cas de manquements graves.
Aides diverses des Gouvernements pour l'amélioration des pratiques en
Médecine Traditionnelle (Accueil, hygiène de préparation et de conservation des
tradimédicaments) .
Création d'une direction (Ministère de la Santé) chargée de la gérer la
Médecine Traditionnelle et la Phannacopée Traditionnelle Africaine et de susciter une
collaboration confiante et franche, susceptible de favoriser la valorisation scientifique
de la Médecine et de la Phannacopée Traditionnelle Africaine (Médecine moderne et
pratique médicales nouvelles).
B.
De la Pharmacopée Traditionnelle Africaine (p.T.A.)
1.
Rappels des principales étapes d'une valorisation scientifique de la P.T.A.
Recueil et étude phytochimique du tradimédicament ;
Evaluation
de
l'intérêt
pharmacodynamique
et
de
l'innocuité
du
tradimédicament;
Formulation galénique appropriée du tradimédicament ;
Essais cliniques (phase fil notamment...) ;
AMM et industrialisation du médicament modernisé
- 96 -

2.
La valorisation même du tradimédicament :
Elle peut être située :
a)
à l'échelle de la Médecine traditionnelle ou populaire dès l'activité
pharmacologique, thérapeutique et l'innocuité démontrées.
b)
au terme d'industrialisation
Dans ce cas, 3 stratégies sont possibles:
b1.
La formulation galénique directe
On obtient le médicament traditionnel amélioré (MTA) utilisable sur les
populations soit directement (!) soit après la phase III des essais cliniques.
Il existe des risques réels par rapport à la Santé Publique qui se heurtent à la
déontologie et à l'éthique médicophannaceutique.
Quelle est la position du CAMES par rapport à de tels risques' ?
b2.
La stratégie idéale classique de type occidental
Elle repose sur l'isolement préalable des principes actifs, suivi des étapes classiques
conduisant au médicament moderne.
La procédure est longue (> 10 ans en Occident),
- coûteuse: environ 500 millions dollars aux USA
- inadaptée à nos soucis immédiats de Santé Publique.
b3.
La stratégie intermédiaire
Elle:
est scientifique évolutive (h2) et pragmatique.
i ' .
réunit les critères de fiabilité, de sécurité et de rapidité reiative par rapport aux
besoins de Santé Publique...
" " ,
' .
est fondée sur l'étude scientifique directe des tradimédicaments
en
l'occurrence :
-le recueil et l'identification précis des matières premières (plantes, drogues),
et des conditions de formulation du tradimédicament ;
- 97-

- la reproduction du tradimédicament, et son étude phytochimique;
- les essais d'activité phannacodynamique ;
- l'étude de la toxicité:
- aiguë et subchronique par les biologistes et les toxicologues;
- la formulation galénique appropriée ;
- les essais cliniques (phase ru surtout) par la confirmation de l'intérêt
thérapeutique et de l'innocuité dans les conditions normales de prescription...
- et enfin, l'A.M. M. et la production industrielle du médicament obtenu.
III.
LES CONDITIONS DE SUCCES
Elles résultent du fait que :
la stratégie intermédiaire proposée est fiable, accessible, rapide
cette stratégie est pluridisciplinaire et implique des compétences diverses.
lesquelles compétences sont désormais disponibles, mais qui doivent adhérer
à la stratégie retenue, et oeuvrer dans la discipline ; et leurs actions
respectives efficacement coordonnées par un chercheur compétent en matière
de recherche pharmaceutique...
exécution dans le cadre d'un Institut de Recherche Phannaceutique si possible,
avec un minimum de moyens (subvention étatique + financement par des
ONG des programmes bien définis et limités en nombre, bien subdivisés en
opérations appelant l'intervention des experts nationaux et sous-régionaux...)
la volonté politique existe plus ou moins actuellement; indispensable, elle doit
se traduire en terme :
- subvention adéquate de financement,
- avantages fiscaux adéquats à accorder aux pharmaciens pour la
promotion d'une industrie pharmaceutique locale pour production du
médicament valorisé à des prix de revient convenables, très accessibles
à nos populations, issus de notre phannacopée traditionnelle
- 98-

enfin, la reconnaissance officielle de la Médecine traditionnelle, sa meilleure
considération par la Médecine moderne, et l'assurance à donner aux
tradipraticiens sur leur co-signature des Brevets de recherche avec les
r
avantages financiers afférents devraient instaurer la confiance nécessaire à
cette valorisation.
IV.
CONCLUSION
L'utilisation des
Médecines
et
Pharmacopées
traditionnelles
apparaît
aujourd'hui très importante et toujours croissante...
Comme des risques existent, liés à cet usage empmque (inefficacité
thérapeutique, toxicité ...), il Y a donc nécessité d'assurer la valorisation de cette
Médecine Traditionnelle et de cette phannacopée traditionnelle culturellement chères
à nos populations.
Le CAMES doit donner l'orientation nécessaire.
t
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