Pharm. Méd. Trad. Afr. 1997, Vol.9, pp.122-128.
QUELLE PHARMACOTECHNIE POUR LA PHARMACOPÉE
AFRICAINE
NGOKA V.
Laboratoire CHIRED-CONGO (Chimie Recherche et Développement)
B.P. 13922 Brazzaville Congo - Tél./Fax: (242) 83.48.61.
RESUME
La pharmacotechnie est la science qui aurait fini par réduire l'officine en un
simple lieu de vente de médicament. En effet, la mise au point des techniques fidèles,
fiables et intensives de fabrication et de conservation a fait l'essor de l'industrie
pharmaceutique, qui, a fini par tout produire et tout conditionner. Le tradithérapeute,
souvent illettré a été en marge du développement de la pharmacotechnie, et pourtant, il
la pratique. En effet le tradithérapeute connaît et pratique bon nombre de techniques
pharmaceutiques.
Une
étude
menée
ici,
démontre
l'application
des
techniques
pharmaceutiques par la pharmacopée africaine tout en montrant les limites de celle-ci.
INTRODUCTION
t
La pharmacotechnie est de nos jours une discipline industrielle. Or, la
pharmacopée africaine est appliquée par le tradithérapeute qui travaille le plus souvent
1
seul. Bien que pratiquant des actes de pharmacotechnie, nous allons découvrir que ses
actions sont loin d'être reconnues.
1
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I. - RAPPELS DE QUELQUES DEFINITIONS
t
~
a) La pharmacotechnie
f(
La pharmacotechnie est l'étude de la transformation des drogues naturelles,
minérales, végétales, animales, de synthèse chiinique ou biologique en médicaments,
t
préparations susceptibles d'être administrées au malade dans un but thérapeutique.
!!
1
- 122-
1
1
t

b) La pharmacopée
C'est un formulaire officiel publié sous les auspices du gouvernement et d'après
ses ordres, prescrivant les règles à suivre pour la préparation, la conversation, les essais
de pureté et le dosage des médicaments qui y sont inscrits.
On définit également la pharmacopée comme étant: une norme pharmaceutique
destinée à assurer, dans une entité politique donnée, l'uniformité cie nature, de qualité, de
composition et de concentration des médicaments approuvés ou tolérés parles représentants
de la médecine, cette norme étant rendue obligatoire par les autorités compétentes, plus
spécialement pour les pharmaciens.
II. - HYPOTHESES DE l'RAVAIL
1. Nous admettrons que la pharmacopée africaine existe et que chaque tradiLhérapeute
travaille en conformité avec les prescriptions de ladite pharmacopée.
2. L'uniformité des résultats nous a obligé de ne travailler que sur un échantillon de 10
tradithérapeutes, nous admettrons que ses résultats peuvent valablement traduire l'attitude
de la pharmacopée africaine.
III. -
ETUDE COMPARATIVE DES TECHNIQUES PHARMACEUTIQUES
APPLIQUEES EN MEDECINE OCCIDENTALE ET EN MEDECINE
TRADITIONNELLE
Cette étude se résume en la présentation des résultats comparés d'une enquête
concernant
l'ensemble
des
opérations,
les
voies
d'administration
et
les
formes
pharmaceutiques utilisées en pharmacotechnie.
a) Lieu d'enquête et nombre de tradithérapeutes
L'enquête a été réalisée sur 10 tradithérapeutes répartis comme suit à Brazzaville
: Talangaï (3) ; Bacongo (2) ; Ouenzé (3); Poto-Poto (2).
b) Méthodes
L'enquête avait pour base le remplissage d'un questionnaire selon les rubriques
figurant sur les tableaux ci-après.
- 123-

La réponse affirmative était notée 1, la réponse négative était notée 0 et la
moyenne arithmétique des notes des 10 tradithérapeutes est reportée sur les tableaux pour
chaque rubrique. La médecine occidentale est prise comme référence et obtient la note 1
pour chaque rubrique. Les résultats sont résumés par les tableaux 1, 2 et 3.
Tableau 1 :
Etude comparative des opérations pharmaceutiques
Opération
Utilisée en médecine
Utilisée en médecine
occidentale
traditionnelle
1. Pulvérisation des solides
]
J
2. Préparation des mélanges
pulvérulents
1
1
3. Dissolution
J
0
4. Filtration
1
1
5. Dispersions
J
1
6. Dessiccation ou séchage
1
1
7. Granulation
1
()
8. Stérilisation
1
()
TOTAL
8
5
Analyse des résultats
Ce tableau nous montre que la médecine traditionnelle a obtenu 5 points sllr 8.
Ces trois points perdus correspondent à la dissolution, la granulation et la stérilisation que
les tradithérapeutes n'utilisent pas. nnous paraît évident que ces pratiques sont loin de la
culture même du tradithérapeute.
Le tradithérapeute ne pourra jamais les deviner ni les maîtriser car ces notions
exigent la connaissance d'autres notions bien plus complexes: la vie microscopique et la
compression des granulés par exemple.
- 124-

Tableau 2 : Etude comparative des voies d'administration des médicaments
Voie d'administration
Utilisée en médecine
Utilisée en médecine
occidentale
traditionnelle
1. Voie orale
1
1
2. Voie parentérale
1
0
3. Voie rectale
1
1
4. Voie vaginale
1
1
5. Voie ophtalmique
1
1
6. Voie aérienne
1
l
7. Voie auriculaire
1
1
8. Voie percutanée
1
1
TOTAL
8
7
Analyse des résultats
Il ressort de ce tableau que la médecine traditionnelle a obtenu 7 points su r 8. Ce
score est très énorme et compétitif entre les deux types de médecine. L'unique point perdu
représente la non utilisation de la voie parentérale par le tradithérapeute. Quand on se
réfère à la complexité du processus et aux contraintes au cours de la fabricaLion des
médicaments destinés à cette voie, il est également évident que le Lraclithérapeute n'aura
jamais la maîtrise de ces techniques. Et nous comprenons aisément le pourquoi.
Analyse des résultats
Ce tableau nous présente un score de L2 sur 23. Il semble que la médecine
traditionnelle est loin de la médecine occidentale en ce qui concerne les formes
pharmaceutiques. Cependant, lorsque nous examinons bien ce tableau, nous pouvons en
tirer ce qui
suit:
- les formes comprimés non enrobés, comprimés enrobés, comprimés spéciaux, capsules,
cachets et pâtes composés sucrées sont des variantes d'une seule forme à La recherche du
luxe. Aussi, nous pouvons les regrouper et les compter comme étant une seule forme. Ceci
signifie que la médecine occidentale perd 5 points et le score final de La comparaison des
formes, tableau 3 est ramené à 12 sur 18.
- 125-

- en procédant de la même manière nous pouvons constater que les formes ampoules de
solutés buvables et les aérosols ne sont pas indispensables pour la médecine traditionnelle
qui possède des variantes équivalentes: gouttes nasales par opposition aux aérosols par
exemple. Ici encore nous pouvons nous permettre de retirer 2 points à la médecine
occidentale. Le score devient alors 12 sur 16.
- La petite différence qui persiste résulte des formes sirops et parentérales qui obéissent
à certains facteurs spéciaux : la biodisponibilité et rapidité d'action pour les formes
parentérales, et la conservation et l'amélioration des goûts pour les sirops. Ici encore, nous
comprenons qu'il n'est pas aisé au tradithérapeute d'aujourd'hui de découvrir la logique de
ces formes et de maîtriser leur fabrication.
Tableau 3 : Etude comparative des formes pharmaceutiques.
Forme pharmaceutique
Utilisée en médecine
Utilisée en médecine
occidentale
traditionnelle
1. Sirops
1
0
2. Potions
]
l
3. Emulsions et suspensions
buvables
1
l
4. Solutés divers
1
1
5. Ampoules de solutés
buvables
1
()
6. Comprimés non enrobés
1
0
7. Comprimés enrobés
1
0
8. Comprimés spéciaux
1
0
9. Capsules
1
0
10. Poudres et granulés
1
]
11. Cachets
1
0
]2. Pâtes composées sucrées
1
0
13. Injections sous-
cutanées
1
1
!
- 126-
l
1
1
1

14. Injections
intramusculaires
1
0
15. Injections
intraveineuses
1
0
16. Suppositoires
1
1
17. Ovules
1
1
18. Bains intimes
1
l
19. Collyres
1
1
20. Gouttes nasales
1
1
21. Aérosols
1
0
22. Gouttes auriculaires
1
1
23. Pommades
1
1
TOTAL
23
12
Synthèse des analyses des résultats
L'analyse àes résultats présentés par les tableaux 1, 2 et 3 nous montre que les
techniques utilisées en médecine occidentale et en médecine traditionnelle sont à quelque
chose près comparables. Cependant les petites différences qui existent sont très
remarquables, distinctives et traduisent à la fois une différence de moyen, de culture et de
savoir faire. Par ailleurs, il faut reconnaître que cette différence, qui est ici assimilable à
un retard, ne peut être rattrapé par le tradithérapeute en tant que acteur principal de la
médecine traditionnelle.
IV. EXEMPLES DE PRODUITS AU CONGO
a) PHARMACOTECHNIQUEMENT ACHEVE SOUKI
b) PHARMACOTECHNIQUEMENT INACHEVE
- TETRA: qui connaît un problème de conditionnement;
- CH 130 : qui attend la fin des études cliniques et galéniques;
- La plupart des poudres obtenues après dessiccation à la chaleur des plantes;
- La plupart des huiles essentielles.
- 127-

CONCLUSION
Il ressort de cette étude que le tradithérapeute abandonné à lui même ne peut plus
évoluer. Par analogie à l'officine pharmaceutique, il est bon de nous souvenir que l'officine
d'aujourd'hui ne pratique plus de pharmacotechnie. La pharmacotechnie est el)tièrement
devenue une discipline industrielle. Aussi, le traitement par les plantes médicinales en
Afrique ayant quitté depuis quelques années le stade péjoratif, nous devrons faire de lui
une méthode thérapeutique grâce à trois considérations:
1. l'exigence de la population en demandant des produits mieux présentés;
2. l'accroissement d'une expérimentation à la fois hospitalière et privée;
3. l'implication des chercheurs africains afin que des laboratoires pharmaceutiques africains
mettent sur le marché des produits mieux présentés.
Bibliographie
- DENOEL A. Pharmacie Galénique. Liège, Presses Universitaires 1981
- LE HIR A. Abrégé de Pharmacie Galénique. 4è Edition Masson 1983
- HARANT H. et DELAGE A. Les médicaments. 5è édition
,
Que-sais-je ? Presses Universitaires de France 1982.
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