Pharm. Méd. trad. afro 1995, pp.61-62
BILAN D'ENQUETES ETHNOBOTANIQUES ET
ETHNOPHARMACOGNOSIQUES SUR LES PLANTES
MEDICINALES DU BURUNDI
José M. BIGENDAKO, Jacques BUKURU et Chantal MERl
Centre de Recherche Universitaire sur la Pharmacopée et la Médecine Traditionnelle
(CRUPHAMET). Faculté des Sciences, Université du Burundi RP.2700 Bujumbura.
1 - INTRODUCTION
La médecine traditionnelle, longtemps combattue par la colonisation et les
missionnaires, retient actuellement l'attention de beaucoup de chercheurs de par le
monde et au Burundi notamment. Cela s'explique entr'autres par l'insuffissance
d'infrastructures médico-sanitaires au service d'une population toujours croissante et
par la flambée des prix des produits pharmaceutiques. Il devient important de
comprendre et de rationnaliser les pratiques de la médecine traditionnelle à la lumière
des techniques scientifiques modernes. Aussi au Burundi, le Centre de Recherche
Universitaire sur la Pharmacopée et la Médecine Traditionnelle (CRUPHAMET) créé
en 1980 est venu apporter un cadre de travail propice à tous les chercheurs oeuvrant
dans ce domaine. Dans le plan de travail de ce centre la première étape est l'inventaire
éthnobotanique et ethnopharmacognosique.
2 - MATERIELETMETHODE
Les informations sont recueillies auprès des guérisseurs. L'enquêteur collecte
des renseignements propres au guérisseur et ceux concernant les remèdes. La qualité et
la quantité des informations dépendent de la confiance établie entre l'enquêteur et le
tradipraticien. Le contact entre enquêteur et guérisseur se fait par l'intermédiaire des
autorités administratives et écclésiastiques ou par les personnes de l'entourage du
guérisseur avec qui il est déjà familier. Le matériel végétal apporté par le tradipraticien
est déterminé puis séché et conservé à l'herbarium de l'Université du Burundi. Les
informations
recueillies
lors
des
enquêtes
sont
complétées
par
une
étude
bibliographique sur les usages thérapeutiques des mêmes plantes dans d'autres pays
africains. Celle-ci est facilitée par la banque de données PHARMEL de l'Acer. Les
enquêtes ethnobotaniques se sont déroulées dans les régions de l'Imbo, de la Crête Zaïre
- Nil, du Muminua et dans les Plateaux centraux.
3 - RESULTATS ET DISCUSSIONS
750 espèces médicinales sont actuellement recensées. Elles sont réparties en
364 genres et 109 familles, les familles les plus représentées étant les Astéracées (85
espèces soit Il%), les Fabacées (65 espèces : 8,8%), les Euphorbiacées (46 espèces :

- 62-
6%) et les Lamiacées (40 espèces: 5%). Ces plantes entrent dans des recettes qui
traitent 250 maladies ou symptômes dont les plus importants sont les parasitoses
intestinales, les diarrhées, les maladies infantiles, les problèmes gynécologiques et les
dermatoses. Lors de la réunion de mise en place des réseaux thématiques de recherche
de la Communauté Economique des Pays de Grands Lacs tenue à Gisenyi en juin 1990,
il a été recommandé de focaliser la recherche sur les plantes utilisées pour soigner les
diarrhées. La réunion de concertation des pays de la sous-région Afrique centrale sur
les pharmacopées et médecines traditionnelles de Butare en septembre 1991 a aussi
retenu cette même maladie avec en plus les drépanocytoses, les mycoses et le sida.
Tenant compte de ces recommandations notre centre de recherche a orienté ses
recherches vers les plantes employées contre les diarrhées, le paludisme et les
dermatoses. Pour les diarrhées, les espèces les plus utilisées au Burundi sont Leucas
martinicensis, Psidium guajava, CLerodendrum myricoides, CyathuLa uncinuLata, Rhus
vuLgaris, PLectranthus barbatus, Rumex bequaertii et Pa vetta ternifo/ia.
Les
études
phytochimiques et cliniques de certaines plantes antidiarrhéiques ont justifié leur place
en médecine traditionnelle. Tel est le cas d'Hymenocardia acida, Psidium guajava,
Ageratum conyzoïdes, Bidens poLisa et Euphorbia hirta. Les quatre dernières sont
d'ailleurs largement employées dans beaucoup de pays africains. D'autres sont
spécifiques au Burundi: CLerodendrum myricoides, Leucas martinicensis, PLectranthus
barbatus, PeripLocca LinearifoLia et MicrogLossa pyrifoLia. Les tests antimicrobiens
réalisés par VAN PUYVELDE (1988) sur les extraits de MicrogLossa pyrifoLia et de
PLectranthus
barbatus
ont
révélé
une
activité
antimicrobienne
positive
sur
Mycobacterim smegmatis, BaciLLus subtiLis, candida aLbicans et StaphyLococcus aureus.
Ces plantes peuvent donc avoir une action curative des diarrhées invasives. Vernonia
amygdaLina,
espèce
utilisée
comme
antipaludique
et
fébrifuge
en
médecine
traditionnelle burundaise a été étudiée au point de vue pharmacologique, chimique, et
chimiothérapeutique.
Cette plante a notamment manifesté une activité antiparasitaire contre Syphacia
obveLata et HymenoLepis nana et Entamoeba hystoLytica (RWANGABO, 1986). Il
serait intéressant de tester son action sur les Plasmodium ; en attendant on pourrait
l'utiliser en parasitoses intestinales. Les plantes vulnéraires les plus courantes au
Burundi sont Aspilia pLuriseta, Lactuca capensis, PhytoLacca dodecandra, Sonchus
luxurians
et Vlrectaria
major.
Bidens piLosa contient
la sanguinarine et le
phénylhepratylènepolyacetylène qui soignent les plaies et les ulcères. Pen tas Longiflora
est l'espèce antimycostique la plus citée. Elle renferme le pentalongin qui inhibe la
croissance de plusieurs dermatophytes. Psorospermum febrifugum est employé contre
la gale au Burundi mais aussi au Zaire et en Afrique de l'Est et Senecio maranguensis
est souvent administrée contre la teigne. Signalons que Cyphostemma adenocauLe est
cité contre
les abcès.
Ainsi,
des
travaux
de
recherche
chimique,
clinique,
microbiologique et pharmacologique sur quelques espèces médicinales ont donné des
résultats prometteurs tendant à confirmer les vertus thérapeutiques de ces dernières. A
l'Université du Burundi, les études phytochirniques et microbiologiques constituent
aprèsl'inveI1taire des plantes les deux autres parties de la recherche dans le domaine de
la médecine traditionnelle.