Pharm. Méd. trad. afro 1995, pp. 55-58
ACTION ANTI-ULCEREUSE DE
QUELQUES PLANTES MEDICINALES
AKLIKOKOU,AR.·, GBEASSOR, M.· et NAPO, K··
* Laboratoire de Physiologie Animale,
Faculté des Sciences - Université du Bénin
** Laboratoire d'Anatomie-Pathologie
Faculté de Médecine - Université du Bénin
RESUME
Nous avons examiné dans ce travail la propriété anti-ulcéreuse des extraits
totaux éthanoliques de Ocimum gratissimum, Aloë schweinfurthû, Mitracarpus villosus
et de Parkia biglobosa et des décoctés de Khaya sénégalensis et de Leptadenia hastata.
Un médicament le sucralfate est utilisé comme drogue de référence.
Les ulcérations gastriques dont la longueur totale varie entre 75 et 85 mm sont
induites expérimentalement chez des rats par l'administration orale d'un mélange
HCl/Ethanol.
Tous les extraits de plante de même que le médicament protègent à des degrés
divers et en fonction de la dose la muqueuse gastrique exposée aux ulcérations.
Par voie orale les extraits ne révèlent aucun effet nocif.
En injection
intrapéritonéale, les extraits paraissent non toxiques aux faibles doses et toxiques aux
fortes concentrations.
MOTS-CLES:
Plantes médicinales - action anti-ulcéreuse - Extraits totaux éthanoliques -
Décoetés - Ulcérations - Toxicité.

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INTRODUCTION
Les ulcères du tractus digestif résultent soit de l'augmentation du taux du suc
gastrique, soit de l'inhibition des mécanismes normaux de protection de la muqueuse
contre le suc gastrique. Dans les ulcères gastriques, les ulcérations sont plus la cause de
la diminution de la résistance de la muqueuse à la digestion que l'excès de sécrétion
acide. Ainsi toute substance ou condition capable de réduire cette résistance expose aux
ulcères.
Plusieurs remèdes traditionnels à base de plantes sont proposés par les
tradithérapeutes dans le traitement des ulcères. Ces plantes sont utilisées en association
ou seules et généralement sous forme de décoctés ou de macérés. L'efficacité de
certaines de ces plantes dans la protection de la muqueuse du tractus digestif contre les
ulcérations a déjà fait l'objet de publications (YAMAHARA et coll. 1987 ; BASILE et
coll. 1990).
Nous avons entrepris ce travail dans le but de vérifier l'action anti-ulcéreuse de
six plantes couramment utilisées dans la médecine traditionnelle. Il s'agit de : Ocimum
gratissimum, Parkia biglobosa , Aloë schweinfurthü , Mitracarpus villosus , Khaya
senegalensis , Leptadenia hastata.
Les ulcérations gastriques sont induites expérimentalement chez des rats de 100
à 150 g par l'administration orale d'un mélange HCl/Ethanol. Nous avons examiné sur
ce modèle le degré de protection de la muqueuse gastrique par les extraits de ces plantes
contre l'attaque acide. Un produit pharmaceutique anti-ulcéreux : Sucralfate (Ulcar) a
servi comme drogue de référence. Leur degré de toxicité a été également déterminé.
METHODOLOGIE
te) Récensement et récolte des échantillons de plantes
Les plantes étudiées au cours de ce travail sont sélectionnées à partir des livres
de la Collection Enquête Ethnobotanique et Floristique de rACer dans des pays
d'Afrique Noire et des renseignements recueillis auprès des tradithérapeutes. Elles ont
été toutes récoltées dans la région maritime. Nous nous sommes intéressés à l'écorce du
tronc de Parkia et de Khaya et à la partie aérienne de AIoë, Mitracarpus, Ocimum et de
Leptadenia.

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r) Extraits totaux éthanoliques
Les organes des plantes sont lavés coupés en petits morceaux, séchés puis
réduits en poudre. Au broyat obtenu est ajouté de l'éthanol à raison de 3 litres pour 200
gr. de poudre. Après 48 h d'agitation continue, on procède à la filtration sur papier filtre
et sous-vide. Le filtrat est ensuite évaporé sous vide à l'aide d'un évaporateur rotatif à
la température de 40 - 4S-C. Le produit obtenu ou extrait total de consistance pâteuse
est utilisé pour les tests.
3-) Décoction
Le décocté de Khaya est préparé à partir de 30 g de l'écorce du tronc pour 300
ml d'eau - 150 ml de filtrat sont recueillis soit 200 mg Eq m.v./ml. Pour Leptadenia
nous avons utilisé 20 g de sa partie aérienne pour 300 ml d'eau et recueilli 150 ml de
filtrat soit 130 mg Eq m V./ml.
4-) Induction des ulcérations
Nous avons utilisé la méthode décrite par YAMAHARA et Coll. (1990). Des
rats de 100 à 150 g sont maintenus à jeûn pendant 24 h. Deux heures avant l'opération
ils sont privés d'eau. Chaque rat reçoit alors oralement 0,4 ml de mélange HC1/Ethnol
(60 ml d'éthanol + 1,7 ml de HCl + 38,3 ml d'eau) pour 50 g de poids corporel de
l'animal. 1 h après l'administration de la solution, l'animal est sacrifié et l'estomac
prélevé et lavé avec du formol 2%. Après 10 mn de bain dans le formol, l'échantillon est
retiré et ouvert. Seuls les estomacs vides sont considérés.
S-) Observation
L'estomac de mammifère est un sac musculaire qui comporte trois parties : le
fundus et le corps ont une mince paroi et secrètent du mucus et de l'acide ; l'antre est
constitué d'une paroi plus épaisse. Chez le rat contrairement au lapin et au cobaye, on ne
distingue à l'oeil nu que deux parties : la partie supérieure qui fait suite à l'oesophage a
une paroi assez mince dont l'architecture ressemble à celle de l'oesophage. La partie
basale est assez épaisse. C'est au niveau de cette dernière que s'observent les
hématuries.
Les estomacs traités sont envoyés dans le service d'Anatomie-Pathologie du
CHU de Lomé où ils subissent un traitement histologique. Après coloration et fixation
les coupes sont observées. Sous microscope, la muqueuse de l'estomac de rat présente
des excoriations le long des zones où on observe des nécroses ou hématuries assimilées
aux ulcérations.

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Après cette phase de reconnaissance et d'identification des ulcérations, le reste
de nos observations se feront macroscopiquement .
La longueur totale des ulcérations varie entre 75 et 85 mm.
RESULTATS
te) Action des extraits sur les ulcérations
Une solution d'extrait est administrée par voie orale au rat 1 heure avant
l'ingestion de la solution Acide-Ethanol. Après plusieurs tests et à différentes
concentrations d'extraits totaux éthanoliques ou de décoctés, nous avons sélectionné les
effets indiqués dans le tableau 1. Les résultats portent sur un échantillon de 4 rats.
Nous constatons que les extraits totaux éthanoliques et les décoctés protègent à
des degrés divers la muqueuse contre les ulcérations causées par le mélange Acide-
Ethanol.
Ocimum à 1 g par kg de poids corporel induit une protection de 93% et à la
même concentration, Mitracarpus ne protège qu'à 44% et Aloë de 42%. Quand à Parkia,
à 2g1k:g l'effet est estimé à 41 % et à 5g1k:g il est de 65%.
Avec 3 ml de décocté pour 100 g. de poids corporel de rat, Leptadenia protège
la muqueuse à 100%. Par contre à 1 mVI00g il ne protège qu'à 58,8%. Le décocté de
Khaya est moins efficace. A 3 mVlOOg la protection est de 81,2% et à 1 mVlOOg elle est
de 15,15%.
Sulcrafate (ulcar) à l g/kg et 0,5g1k:g, protège la muqueuse respectivement à
93,6% et 45,5%. Son effet peut être rapproché de celui de Ocimum.
r) Toxicité
Pour étudier la toxicité, nous disposons de lots de 4 à 6 rats. Nous administrons
aux animaux les doses qui donnent l'effet maximal et les doses légèrement au dessus
(extraits totaux éthanoliques). Dans le cas des décoctés, 1 ml et 3 mVlOOg ont été
utilisés. L'observation a duré 7 jours. Nous avons procédé à l'ingestion orale et à
l'injection intrapéritonéale. Ces administrations ont permis d'apprécier le potentiel
toxique des extraits.
Par voie orale tous les extraits éthanoliques, de même que les décoctés ne
présentent pas de toxicité. En injection intrapéritonéale, Aloë et Ocimum paraissent non
toxiques. Par contre Mitracarpus et Parkia induisent des effets toxiques. A 3 ml/lOOg
les décoctés de Khaya et de Leptadenia sont à 100% toxiques. Par contre à ImVlOOg ils
ne présentent pas de toxicité.

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Tableau 1 : Effets de quelques substances sur les ulcérations induites par le mélange Acide-Ethanol.
Traitement
Dose
Longueur totale des
Protection
ulcérations (mm)
(%)
Extraits Totaux Ethanoliques
(glkg)
Contrôle
-
78
-
Parkia biglobosa
2
46,25
41
5
27,5
65
Mitracarpus villosus
1
43,5
44
2
21
73
Contrôle
-
85
-
Ocimum gratissimum
0,5
46,25
45,5
1
6
93
Contrôle
-
82,5
-
Aloë schweinfurthü
1
47,5
42
2
23,75
71
Produit pharrnaceutiq ue
Contrôle
-
78
-
Sulfate
0,5
42,5
45,5
Décoctés
mllloog
Contrôle
-
82,5
-
Leptadenia hastata
1
34
58,8
3
0
100
Khaya senegalensis
1
70
15,5
3
14
81,2
1
TableauII : Toxicité des extraits et des décoctés de plante après 7 jours de traitement.
Administration orale
Injecûon intra-péritonéale
Traitement
Dose
Décès (%)
Dose
décès (%)
Extraits totaux
Ethanoliques
g/kg
g/kg
Parkia bioglobosa
5
0
5
50
7,5
0
7,5
100
Mitracarpusvillosus
2
0
2
0
4
0
4
50
Aloë schweinfurthü
2
0
2
0
3
0
3
0
Ocimum gratissirnum
1
0
1
0
1,5
0
1,5
0
Décoctés
ml!loog
Khaya senegalensis
1
0
1
0
3
0
3
100
Leptadenia haslata
1
0
1
0
3
0
3
100

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CONCLUSION
Tous les extraits (extraits totaux éthanoliques et les décoctés) de plantes utilisés
présentent une certaine efficacité. Ils protègent la muqueuse gastrique et empêchent
l'attaque du mélange Acide/Ethanol. L'extrait total de Ocimum est plus efficace que
ceux de Mitracarpus et de Aloë. Ces derniers sont par ailleurs plus efficaces que l'extrait
de Parkia. L'effet du décocté de Leptadenia est également plus important que celui de
Khaya.
Tous ces extraits paraissent non toxiques en administration orale. En injection
intrapéritonérale, la toxicité aiguë ne se révèle qu'aux fortes doses. Il en est de même
pour les décoctés de Leptadenia et de Khaya. L'effet de Ocimum comparé à celui de
Ulear démontre l'utilité de la plante en médecine traditionnelle où elle est couramment
utilisée entre autre comme anti-diarrhéique et anti-mierobien.
Les travaux de de SOUZA et coll. (1991) ont permis de constater que son
pouvoir cytotoxique est nul à6mg Eq m.V/ml,
Il faut noter cependant que notre protocole repose sur une action préventive des
extraits. Pour avoir une idée plus précise sur leur mode d'action, il conviendrait de
poursuivre les travaux mais avec des extraits fractionnés et d'adopter un protocole qui
reposerait sur une action curative à partir du test de cicatrisation.
BIBUOGRAPHIE
BASILE, A.C.; SERTIE, J.A.A.; PANIZZA, S.; OSHIRO, T.T. and
AZZOUNI, C.A. (1990) - Pharmacological essay of Casearia Sylvestris. 1:
Preventative anti-ulcer activity and toxicity of the Ieaf crude extract.
J. of Ethnopharmacology. Vol 30 W2 pp 185-198
de SOUZA, c., GBEASSOR, M.; KOUMAGLO, K.; YOSHII, T.; AKANMORI,
B.D. et AGBODAZE, D. (1991) - Etude de la cytotoxicité des extraits aqueux totaux
de quelques plantes médicinales,
Revue de Médecines et Pharmacopées Africaines Vol.
5 N- 1, pp. 13-18.
YAMAHARA, J.; MOCmZUKI, M.; MATSUDA, H. and FUJIMURA, H. (1987)
- Anti -ulcer effect of Magnolia cortex and its active constituents - Wakan - Yaku, 4,
100-106
YAMAHARA, J.;
MOCmZUKI,
M.;
FUJIMURA,
R; TAKAISHI,
Y.;
YOSmDA, M.; TOMIMATSU, T. and TAMAI, Y. (1990) - Anti-ulcer action of
Sophora flavescens root and an active constituent 1.
Journal of Ethnopharmacology, 29, pp 173-177.