ESSAIS SUR LA STANDARDISATION ET SUR LE CONTROLE DE
QUALITE DES MEDICAMENTS TRADITIONNELS
Le cas du décocté des racines de Milletia Versicolor (Lubota)- Vermifuge traditionnel
Par BATANGU MPESA 1
Il faut tenter de se fixer des références valables
SOMMAIRE:
et pertinentes, donc fiables.
Des déterminations spectrophotométriques, ré-
Le centre de Recherche Pharmaceutique de
fractométriques,et potentiométriques de pH ainsi
Luozi, c.R.P.L., en collaboration avec l'hôpital
que l'utilisation des stabilisateurs ont été tentées
de Kibunzi, a corroboré, par de récents travaux,
et ont donné des corrélations significatives.
l'effet anthelmintique attribué au décocté des
racines de Milletia Versicolor en médecine popu-
Cette expérience est réalisée en milieu rural (à
laire.
320 km de Kinshasa) avec les moyens de bord
essentiellement, sans électricité ni eau de robinet.
Le manque de rigueur dans la prescription, et
Plus de 80 % de la population concernée vit de
de précision dans la reproductibilité du médica-
la médecine traditionnelle, d'où l'intérêt du pro-
ment de la médecine traditionnelle constitue l'un
blème.
des points faibles. Le présent travail est une
tentative qui vise à étudier et à choisir certains
II - MATERIEL ET METHODES
paramètres susceptibles de caractériser obective-
ment une préparation médicamenteuse tradition-
nelle. L'absence de standard de référence, cons-
2.1. • Matériel et produits.
titue un véritable handicap sur ce terrain glissant
de la médecine traditionnelle.
Les matériels et produits suivants ont été utili-
sés :
- balances, éprouvettes graduées, entonnoirs,
1 - INTRODUCTION:
pipettes, ballons jaugés.
- pH-mètre
Un travail préliminaire, réalisé au CRPL, a
- réfractomètre,
permis de mettre en évidence l'effet anthelminthi-
- spectrophotomètre UV-VIS
que attribué au décocté des racines de Milletia
Versicolor, en médecine populaire.
- nipagine,
- nipazol, essence de citron
Le manque de précision dans la posologie (2)
et le caractère empirique du médicament tradi-
- éthanol, extrait fluide d'écorce d'orange,
esprit d'anis
tionnel (3), ont initié les présents essais de stan-
dardisation ainsi que les tentatives d'envisager la
notion de contrôle de qualité d'un médicament
2.2.• Standardisation du décocté
traditionnel qui est dans le cas présent le décocté
de Milletia.
Des observations sur la préparation initiale du
décocté ainsi que son instabilité à la conservation
Dans ce travail, nous nous proposons d'étudier
ont conduit à la procédure suivante de stabilisa-
un certain nombre des paramètres de ce décocté ;
tion:
paramètres qui pourront être utilisés comme des
R/400 g des racines incisées ou pulvérisées pour
caractéristiques de spécification de ce décocté.
500 ml d'eau.
La difficulté dans un tel travail réside dans le
fait qu'il n'existe pas des standards de référence,
M.O. :
86

- inciser les racines en petits morceaux, ce qui
La courbe d'étalonnage obtenue a permis
permet d'augmenter la surface de contact de la
d'observer une corrélation très significative.
drogue face au solvant; (émonder les racines avant
incision ou pulvérisation puis peser exactement la
La présente courbe d'étalonnage peut être
quantité requise).
exploitée pour le calcul des facteurs de dilution ou
de concentration des préparations ultérieures du
- utiliser l'aqua conservans. L'addition de 5 %
décocté. Cette courbe d'étalonnage permet de
de lutoko (alcool obtenu artisanalement) adonné
doser globablement tout décocté de Milletia Ver-
également des effets bénéfiques sur la conserva-
sicolor à la longueur d'onde de 330 nm.
tion.
- compter 45 minutes d'ébullition, filtrer sur
ouate ou sur papier filtre puis concentrer en
3.2. - Mesures réfractométriques. -
chauffant légèrement. Ajouter les édulcorants
L'indice de réfraction n, comme l'absorption,
(secundum artem).
est fonction de la nature et de la concentration des
substances dissoutes. Lorsque la substance est
- la posologie est de 1 c à s par jour pendant
pure, le n permet de calculer le poids moléculai-
5 jours (initialement un verre/i/5/j).
re.
Les résultats observés pour des dilutions suc-
cessives comme précédemment (Tableau II), ont
2.3.• Mesures:
donné un coefficient de corrélation de 0.9979 (P.
Des mesures spectrophotométriques, réfracto-
< 0.01).
métriques et potentiométriques du pH ont été
effectuées. Il a été également fait usage des agents
L'indice de réfraction observé pour deux
conservateurs.
échantillons après deux semaines de conservation,
l'un avec des conservateurs et l'autre sans conser-
vateurs, a été respectivement de 1.345 et 1.3375.
Il y a eu une baisse de 0,58 % de l'indice de
llI/ . RESULTATS ET DISCUSSIONS. -
réfraction de l'échantillon sans conservateurs.
Cette baisse peut être attribuable à une altération
globale plus rapide du décocté sans conservateurs,
lequel ne se conserve d'ailleurs pas plus de 24
3.1.• Mesures spectrophotométriques
heures. Traditionnellement, ce décocté est prépa-
Un spectrophotomètre Beckman DB, Model B,
ré extemporanément c'est-à-dire au moment de
série 707 31, a été utilisé. Un balayage des lon-
l'usage.
~ueurs d'ondes de l'UV au Visible a permis
d'observer un maximum d'absorption à 330 nm.
Des dilutions successives du décocté standardisé
D
nO
ont été préparées et mesurées au spectrophotomè-
tre (Tableau 1).
0.02
1.3320
1
0.10
1.3329
DILUTIONS
ABSORPTION
0.20
1.3335
1/100
0.245
0.50
1.3360
1175
0.295
1.00
1.3450
1/50
0.37
TABLEAU Il
1/25
0.61
Mesures de n en fonction de la dilution du
décocté
1/20
0.74
1/10
0.10
D = Dilution du décocté exprimée en nombre de
ml du décocté par ml de solution.
TABLEAU 1
nD = Indice de réfraction mesurée avec la raie
Absorption du décocté en fonction de la dilution à
D du sodium
330 nm
3.3. - Mesures du pH
Les dilutions du décocté sont représentées par
le nombre de ml du décocté par ml de solution.
Le décocté ainsi préparé a un pH acide, de 5.5.
Elles ont été préparées à partir de la solution
Les spasmes abdominaux signalés comme incon-
initiale.
vénients lors de la prise du décocté chez certains
87

sujets, peuvent-ils en partie être attribués à ce
intérêt. Le solvant le plus utilisé (si ce n'est pas
caractère acide, particulièrement chez des ulcé-
exclusivement le seul dans la plupart de cas) est
reux gastriques et intestinaux ?
l'eau
qui, on le sait, est le siège de réactions
oxydo-réductrices de tout genre. L'altération rapi-
de des préparations médicamenteuses aqueuses
3.4. - Stabilité. -
peut être responsable de nombreux effets secon-
daires
liés
aux
médicaments
traditionnels
Conservé à la température ambiante, le décocté
liquides.
sans conservateur se dégrade en moins de 24
heures. Conservé dans les mêmes conditions, le
L'approche faite ici, peut se transposer à bien
décocté avec conservateurs reste stable au delà de
d'autres cas. La validité, la pertinence ainsi que
12 mois, (une préparation datant de 12 mois est
la fiabilité de cette approche dépendent de l'appa-
encore stable, les études de fixation de la date de
reillage et de la fiabilité des méthodes analytiques
péremption sont en cours).
adoptées.
En attendant les résultats des recherches scien-
tifiques plus poussées, le devoir professionnel
nous oblige à proposer des solutions même provi-
4. - Conclusion. -
soires, mais pratiques et réalistes, à l'endroit du
médicament traditionnel, qui, rappelons-le, est le
plus accessible à plus de 80 % de nos populations.
Les mesures spectrophotométriques, réfracto-
Les études pharmacotechniques sont réellement à
métriques et du pH ainsi que l'utilisation des
entreprendre (3,4).
stabilisateurs introduites dans ce travail ont per-
mis de noter certaines spécifications du décocté
des racines de Milletia Versicolor.
Ces mesures globales, auxquelles il faut adjoin-
1. Pharmacien Maître ès Sciences Directeur du Centre de Recher-
dre les caractères organo-leptiques de la prépara-
che Pharmaceutique de Luozi, - B.P. 924 - KINSHASA-LIMETE,
(ZAlRE).
tion et également d'autres mesures par d'autres
2. KABA- SENGELE, Recherche Pharmaceutique et Médecine
méthodes, ont pour objectif de reconnaître ou
traditionnelle. Mayele, 5, 22, Kinshasa (1978).
mieux d'identifier ce décocté et par conséquent de
3. AITISSO, M.A., Problèmes techniques posés par l'expéri-
pouvoir envisager un certain contrôle de sa qua-
mentation pharmacologique des médicaments traditionnels de l'Afri-
lité.
que Noire. Actes du Colloque du CAMES, Quagadougou - (1974).
4. - TAMBA-VEMBA, Problèmes posés par la conservation des
médicaments traditionnels, Mayele, 5, 22, Kinshasa (1978).
L'utilisation des stabilisateurs dans les prépara-
5. - SYLLA. O., L'étude scientifique de la médecine tradition-
tions liquides traditionnelles paraît d'un grand
nelle - Actes du Colloque du CAMES, Ouagadougou, (1974).
88

maux traités aux extraits de graines de Pennisetum
REPARTITION DES ANIMAUX ET
americano ont répondu positivement. Ils présen-
TRAITEMENT
tent une glande mammaire fortement hyperpla-
siée avec une activité sécrétoire non moins inten-
se.
Les extraits aqueux des plantes sont administrés
aux animaux par intubation gastrique à raison de
Les animaux de ce lot sont tout à fait compa-
2 ml/jour/3 jours.
rables à ceux traités avec le Sulpiride.
Enfin, les animaux traités avec l'association des
Le sulpiride et le métoclopramide sont adminis-
extraits (CF + CB + CR + Pe) présentent une
trés par injection intrapéritonéale à raison de 35
glande mammaire fortement hyperplasiée ainsi
mg/kg/jour/3 jours.
qu'une activité sécrétoire intense.
Tous les animaux sont sacrifiés le lendemain
du 3e jour de traitement. La glande mammaire est
aussitôt prélevée et fixée au Bouin Hollande
pendant une semaine. Des coupes de 3 microns
DISCUSSION - CONCLUSION
sont réalisées et colorées à l'hémalun-éosine.
Au regard des animaux traités aux benzamides
substitués (Sulpiride et Métoclopramide) l'hyper-
trophie de la glande mammaire ainsi que son
RESULTATS EXPERIMENTAUX
activité sécrétoire ne surprennent pas. En effet
cette activité a déjà été observée par d'autres
Les neuroleptiques sont bien connus pour leur
auteurs. LANZA M. et all, 1971, 1973, 1975.
action stimulante sur la glande mammaire (LAN-
Si nous comparons les animaux traités aux
ZA et all 1979). Il a par ailleurs été montré que
extraits CF, CB, CR et Pe entre eux d'une part
les benzamides substitués (Sulpiride et Métoclo-
et aux animaux traités aux benzamides substitués
pramide) ont également une action similaire.
d'autre part, un trait commun apparaît: c'est
(LANZA M.,
PICARD D.
et CARON N.
l'hyperplasie de la glande mammaire.
1975).
Par contre, seuls les animaux traités aux
En effet selon ces auteurs, des Rates Wistar
extraits CB, Pe et l'association des extraits (Me)
traitées avec du Sulpiride à raison de 35 mg/kg/
ont une glande mammaire qui présente une acti-
jour présentent une forte hyperplasie de la glande
vité sécrétoire aussi intense, sinon plus d'ailleurs
mammaire, suivie d'une activité sécrétoire intense
que
les
animaux
traités
aux
benzamides
au bout de 20 jours de traitement.
substitués.
Tandis qu'avec un traitement au Métoclopra-
il faut rappeler que si LANZA et all 1975
mide on n'obtient qu'une hyperplasie modérée,
avaient observé une intense activité sécrétoire de
sans activité secrétoire.
la glande mammaire avec le traitement aux ben-
Nous avons tenté de reproduire ces résultats
zamides substitués, celle-ci a requis 29 jours de
afin d'en faire une comparaison avec les résultats
traitement à raison de 35 mg/kg/jour pour le
issus des traitements avec les extraits des plantes
Sulpiride et 33 jours avec la même dose pour le
à effet
Metoclopramide.
« galactogène ». Sur les 5 rates traitées au
Sulpiride (35mg/Kg/jour) 4 Rates ont présenté
Dans nos essais, nous n'avons traité les ani-
une forte hyperplasie de la glande mammaire
maux que pendant 3 jours avec les mêmes doses.
suivie d'une activité sécrétoire intense. Tandis que
Ceci expliquerait sans doute la différence obser-
tous les animaux traités au Métoclopramide pré-
vée.
sentent plutôt des réponses discrètes.
Quoi qu'il en soit, même s'il faut se limiter à
L'observation est axée sur, l'ouverture des
l'aspect purement qualitatif on peut affirmer que
acini ; la présence de sécrétion dans les canaux
les plantes utilisées (Cadaba f., Crataeva r. et
galactophores et l'activité mitotique de la glan-
Pennisetum a) exercent une action stimulante sur
de.
la glande mammaire (Prolifération de glande :
Hyperplasie avec forte ouverture des acini; et
On observera la très faible activité de la glande
activité sécrétoire).
mammaire d'animaux ayant reçu de l'eau distillée
Cette action procède-t-elle d'un processus cen-
(Témoins II : faible ouverture des acini, absence
tral ou périphérique ? Il convient de se poser la
de sécrétion).
question. Dans cette voie il serait sans doute
intéressant de voir ce qui se passe au niveau
Les animaux traités aux extraits CF, CB et CR
hypophysaire (Cytologie des Cellules à Prolacti-
présentent une hyperplasie de la glande mammai-
ne ?). Mais avant ce stade nous envisageons dans
re, témoignée par une activité mitotique impor-
un prochain article la recherche de résultats quan-
tante. Seuls les animaux traités aux extraits CB
titatifs (effets des plantes utilisées sur les varia-
présentent une activité sécrétoire de la glande
tions pondérales des ovaires, de l'utérus et sur le
mammaire associée à l'hyperplasie. Tous les ani-
cycle oestral.)
89