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ETAPES DE L'INTEGRATION DE LA Jl.1EJDECINE
TRADITIONl\\TJ:iIJLE AFRICAINE A LA. MEDECINE
MODERNE
par
C ~ BOURAIVIOUD (1)
INTRODUCtION
La médecine Tr-="di tionnelle Africnine est l tL'.rt d o soulager
ou de Guérir pnr une approche à
ln fois physique et méta~hysique
l ' ~~Gre huma Ln ma.Lade , Le diagnostic :orocède de l ' intuition du guéris-
seur ct ùe l'expérience acquise,
le plus souvent auprès des parents.
Le tr8itoment comporte l~ prestation des soins matériels,
esscntielle-
ment à ~)c>se de p.Larrt e s ,
ct -toutes 'urrc s6rie de r i tes se rémus::">nt en
f~it à ln psychothérapie et à l'exorcisme.
Dans 12 mesure où l,~ I-bc.ecinco1 'rrc-\\,di tionnclle Africcd.ne,
tout COl"L1C la Médecine Moderne,
se propose de guérir l ' homme me.Lad o ,
i l
a::)paro,1t -tout il fo.i t
o p p ozvturi d' 6tuc~.ier les rnodo.Lri tés de Co opô rvvt Lon
des prQtiqUc~l.ts de ces deux procéd~E"
pns forcément différents en to~s
points.
Les présentGs séances (~G travail ainsi que les ruoen-cs
efforts de certnins Gouvo r-n omcrrt a africains sont
l à pour témoi[';ner
du souci qui nous ~nime, celui d'un retour partiel aux sovrces.
Chacun a
perçu le problème. I l doit s'agLr d 1illl.e démL,rohe
éclairée, SIGppuyant sur l'nn~lyse des avantnges et des inconvénients
de le>. IIéc10cinc Tr;'di tionnolle
et 2.uSFd des faiblesses de 1;:'., ùédccinc
I1ocl..Grno. JJG Dut étant l ' intogrc.tion (le la Médecine Tr;:'.,di tionncllo c1,~:i.1S
18 système de Goins dit modernes,
i l semble utile de fixer les objec-
tifs de cette intégration af'in d'en c:r.:iE,ager par le; sui te les ',rinci-
pales 6tc.pes.
Notre modeste contribution se r6dui t
à
une
simple IJro:C-lO-
sition qui, nous l'ocpérons, ne manquera pas de susciter c~_es critiques
positivGS de la part des participc>nto Cl.e
ce
colloque.
NE:CESSITE DE; I,' JN',rEGRll.TION DE LI!. I~j)p.,.ÇD~
TRADITIOHNJ.JLLE L..FR.ICAIJ\\Πil LA IiIEDECIl'-JJi: HOmmrrr:
--~--~-----
COE'l'11e i l est dit plus b~ut, la lVI6decine Tr,·ditior...nelle et
la 1I6deoine l-Iod or-nc ont toutes les (1ClL"'C le ruê.ne
but,
guêrir l ' homLlo
malade ~
L'une et l'<:1utrc s'accurdent sur le
concept d c
ll~tre
humo.Ln qui n'est pas que Ti1;:ltière. En effet ln pz-emd.è r-o
p;;,rlè
"d'es-
prits", 10, seconde de
"psychisme". T"ndis quo l'une p.Lo.c c 11hoE1F1C dans
un enviroID'lement constitué d' capri ts mo.Lvo i.L'Larrt a
ou bicnveill;'J.~t8,
J!o.utre le si tue d o.riss un monde m:::,téricl dont le.. rupture cl t r:quilibrG
retentit f~cheusement sur l~:, sc>nté. Pu"_:r :0 r:' d c u.x ,
soigner l 'hOt:llll0 •
(1) ITofesscur--Aerégo, Directeur de l'Institut Sup6rieur des Sciences
de 1.<::0 Santé, Bédecine-Chef à l 'Hôpi t':::Ll Général de Brazzo.ville.
République Populaire du Congo~

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202 ....
e l esii
soigner -tou-t son tHre .. D'où 1 1 administre,tion de méd Lcamen'be
et l'c',o-tion sur les
" e s p rits"
chez l'une,
J.es e o i.ne ~édic'::-l'lOntcmx
égülemen-t e-t la psychothérapie,
la \\Jsych3na~L;,,rse chez l ' c.utz-e , Ces
actes son-t livrés soit à t i t r e externe d".ns un milieu Ilhospitc,licr ll
d.an s
chc.cun des deux cas
(exemple d.u ïOGO i
cie
le Républio_uG J?opul3.ire
du Benin, du Ghana,
etc ... ) .. Seule .Lr. 5.éma:'.-~che dingnostique dif:férencie
fondC::'l11entülemen-t la Hédecine tradi tioYlnelle et .La :nédecine moderne 1
Le gu.éri;.sae'l.lr"::'plrôoède de .1 1 er.lpirisT1e
:
j.l recourt v o Lorrtri.er-e a ux
t'lre,oles e-t se veut voyant,
le médecin '..rtil:.se dos l':Jéthodes scienti-
fiques,
S2.nS
oesse remises en
cause d' a;Uleurs.
Une oer-taine communauté cllinté~êt8 peut co~c slétGblir entre
les de ux :formes de médecine.
Leurs actions peuvent se
co.nj.u.guer, soi-t
pour palier les insuffisances de l'1),,:co d'elles d e.no Ul1. domaine d oriné ,
soit pour- confirmer le bien·~fonds dE:'~;ellGTJrat:i..que i;~lêrc..poutiCJ.ue,
pnr exemple ~ Nombreuses sont J_es obsorV'G',tions de ma Le.d e a médic21omcn-t
guéris pour lesque ls une intervent iel de .La f3n:i"J_le et de l ' 0spri-t
des a5:eux est souvent nécess<:.èÏre pour véritd.b1..'?nlOn"c l'eml:'t-tre s uz- ;jied
lé ~onv:,lescent. I l nous arrive sc'.-~vcr:t de ne G",]éri~j"tes jeuD"es filles
d t hys-t~rie, de céphalées ou de pal:.Ji ta-'cic.,ns qUE: gr§,ce à
l; 2.ction
conjoL~te des parents qui, au cours d'UDe réunion de ÏQmille, ùéci-
den-t pc.~r exemple de reporter à plus -:~2Tcl Lour
prétention il let do-te.
L'nveu d'un oncle qui reconnaît fty.
~ l'oyicine dl'\\..ffi mal PO'Ltr dos
rnisons d 1intér~ts m::>,tr~riels ]~)Qtén-:;::", .La s orrt fortement
h,s e:ffe-ts de
la -théra"peutique mod e r-rre ,
On Sé2.it
p, ,:c eilleu;c'S q u t i l arrive au guéris-
seur de conseiller à
certains de ses
0lients de se faire suivre
pc,rallèlement psr un médecin. En ce qui nous concerne, un o.oc oa-d b -
iient est in~e~~enu plusieurs fois pou~ autoriser le gu6risse'\\..tr à dé-
livrer les soins dans les cas suivants
:
Agitation psych~-mo:brice sans atteinte organique J,,:Jrou:vée
et crises hys~ériformes
Algies diverses, non systématisées,
s~ns substratum ano,-
tomique ni biologique
Céphalées Séèl1S étiquette étiologique
Palpit~tions des sujets jeunes, indemnes de to~ce c~rdic­
pathie ou de tout trouble de rythme
cardiaque.
Aîfections graves incurables,
à titre de psycho~hêr~pie,
les guérisseurs étant plus aptes que les médecins à
décéler cer~ains maux et par voie de conséquence, à les
soigner,
e~~.
C'est dire que tout effort tendant à
faire
collaborer les
guéricseurs et les médecins ne peut être que Lo ua.b Le ,
Ce-'c-'ce ("\\oll~-,bo­
ration doit commencer pa,r une o.nalyse critique de 11 une et; l i 'c',u-t:c-e
méthode. lJea,ucoup d'orateurs sont in-tervenus ou auront à le :(::'ire e ur-
ce point~ Aussi n'est-il pas dans notre intention de l'aborder.
ETAPES DE LI L[TEGRA,TION D:F) LA I.'lEDECIHE
TRADITIONNELLE A LA ~mDBCINB M0~ER}Œ
Oes é-tapes doivent ~tre ~-tteintes progressivement, par
paliers afin de permettre aux pre"ticiens concernés de s ladapter au:;:
chnnee:-,1ents.

~ 2C3 -
Ie. première é-tape doit consis-ter en un Lrrvo rrbr.Lz-e ;:mss~
compLe t
que possible des guérisseurs no-toires du Pays ~ I l :êa.u-t; bien
sar en oxe Lur-e les sorciers e-t les ch:èrlc'..-tans. L'E-to.-t doit in-tervonir
pour
'imposer le groupement des gu0riGseurs ~u sein d'une Associ~-tion
qui POLœra servir d'in-terlocu-teur aupr8s des pouvoirs public8~
Dans un second -temps une alphEl.bé-tisa-tion minimura de CGS
guérisseurs s'avère n6cess8.ire~ En effe-t, ces derniers son-t Gouveni;
anal~)hnbè-tes. Pour-tan-t, i l rrou s semble souhai-table qu'ils puissen-t;
no-ter les nO;:16 et adresses de leurs clien-ts,
tenir leur cOr;"lptabilité,
apprél~nder à -trGvers la lec-turo des revues de médecine traditio~~elle
les aoguisitions nouvelles ou le s0voir faire de leurs collèeues,
COllill1t-tre la capaci-té des récipien-ts qu'ils u-tilisûnt e-t aussi nvoir
une Liée de la l'osologie des prod ui t6 médicamen-teux souven-t ig:n.orée
du GUérisseur,
pouvoir faire urie
"orc1onna.nce",
codifier le s,-o.voir-
fai:'cc ai'in de le transme-t-tre a ux co.utres, e-tc.
Le . guorisseux int6g.ré dnns une 2.ssocio.tion et f38.ch2,nt liJ..~c
d evz-u el~.Guitc s'ini-tier à l'ABC de J.a médecine moderne. I l lui o o t
on
affût nécessair8 de connat-tre la -to~oc~~phie Gys-tém~tisée des diffé-
rents
org'311.CS de l'homme, ainsi que lGS principaux
rappor-ts de oe1..t:':-
oi entre e ux , Des no-tions -très e ommadr-c a de physiologie d o Lv errb lUi
e-tre donn6es. On insistera un peu plus sur l'hygiène,
les voics d'ad-
minis-tr~tion des médicaments, l'ac-tion -toxique des plan-tcs méèLioinQles,
donc l' int6r~t cl' en mesurer les doses -thérE,p8u-tiques. Quelques exem-
ules illus-tren-t
l'in-tér~t d'une -telle ini-tiation. L8 premior co,e est
celui d'un jeune homme décédé d'une vcrforation in-testinnle quelques
jours après
que le sorcier lui 0i-t
f~i-t aval8r des l~mes de rasoir,
pour le "fortifier". Les au-tres co.e se n'.Ilpor-tent à
des intoxic.::l.tiollS
par d e o pz-od ud, ts môdd camerrt e ux , De.no notre service ces obfJcrve.-tions
son-t noobreuses~ L'in-terroe8-toir8 ne perm8-t j~8ais d'ob-tenir dos don-
nées exploitabJ.es~
I.e. victime dit généralement avoir "avalé une
bou-tei~lo on-tière" d'un produi-t prépnré par le fé-tichcur. L'ambiguité
os-t se.isissante, ne perme-tto.n-t de cOYh"1.a~-tre ni l2. na-t ur8 , ni l,', dose
o xc o t e du prad ui-t.
I l s'agit e ouvorrt cJ' une décoc-tion (1.0 f'cuilJ.cs
"d'une play.tte". Nous o.vorre é-té )ar-ticulièremen-t impression__nô pe,r le OD.S
d I uno
jeuno fer'1me
à
qui le gU'~~rissGur a
fc,i-t un lavemen-t pmu' =1-D.
guérir do c~'. s-térilité. Le produi-t employû s' 8S-t avéré f'o'r-t ornon.t -coxi-
quo puisque
hq p~-tiente a
préscn-t6 W1. syndrome d'hémolyse avec ictère
a-t oligo-anurie par -tubulopZ1.-thie e-t '(Jar p.illeurs une écrose de La
muqueuse colique. Bien qu'on ai-t pu la -tirer d'GffGire,
d8 ~T~:.vec s6-
quelles ont 8té no-tées. D~ns co dernier cas,
i l semble que le gu6ric-
seur ai1:; fc.. i t quelque
confusion entre le défilé ano-rec'co-sigmoidion
e-t les voies géni-tales~
Le guérisseur intégré d'l.ns une ,,:,.ssocio.-tion, alphc:.b,j-tis6
ei; ini·tiG c\\ l::\\ Nédocine Hod e r-no peu-t alors, cl' une par-t aider ,:'. J.' 0lo..-
bor~'.tion d'u,'1. règlement intérieur c-t èc 'un stn-tu-t de l'Associ:..',tion c1on-l:;
i l os-t membre,
cl. 'o.utre part coopérer é:1VGC J_8S services de S2.nt6 Publi-
que.
Le statu-t du gw:'risGeur ,:J.evre.. ~-tre un -tex-to j;Jor-t:'.r:::t rèCJ_c-
mcrrtia-t Lon de l'exercice d o l,-'. ~16decine Tradi-tioru.1.elle. Des ;-,rJciclec
permü-t-t,-',nt cl ','..o aur-e r- La pro-tec'l:;iolJ. clos clien-ts occuperon-t une pl:,cc [l_e
o ho Lx ,
rio t.o.mmcrrt
ceux a o u.Li.grrarrt; la nécessi-té de l ' Qlph["bèd;is,~':~C:::_on cd;
de l'initio,tion à
la l\\1édecino T:Iocornc.
L'in-tégro.-tion d a.r.o J..2- FoncJcion
Pub Ld.q uo c1.es meilleurs eu6risseurs es-t possible. Do.ns co CAJ,
tmo
dcscrip-l:;io:'-1. d6taill6e e-t :;:>récise de leur pos-te devra firrurer c1[~ns J.C/3
textes o:C'ficicls,
e-t o.ur-a unc val21.1.r de véri -table code de d.é on.t o Log'Lv. ,

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204 -
Les guérisseurs intégrés dans la Fonction Publiqucfç~ont
p~rtie d'une équipe m6dico-soci~lel ~usBi bien on zona rur~lG q14~ur-
'ba Lrio ,
L'indication de recourir a.u guc!risseur sorn posée pc.r le l:~{'(}c.'ci...
ri
res'_JonsD"ble du ,z-roupe mé dd.c o-ee o c La.L,
le plus souvent après avis du
psychiatre et de l'Assistante Soci<::~lc.
Le IIédecin Hoderne cloi t
se f:\\ire à
l'idée que sc" science
et son arJe eo11.-;; loin
cl' ~tre complets. Les exemples cités IùuS hé'.1.1t
ont ~tayé les circons~n~es dans les~uelles les deux types de
pratioiens peuvent ooopérer. Mieux que
cela,
le r~dccin doit s'initier
à la r~decine traditionnelle. Le PSYClliatre est serement le plus in-
téressé p~r la démarche diagnostique en ~~decine Traditiol~~elle. Tous
les IIédeoins sont par contre,
nous le pensons,
intéressés p~""',r la ph,';r-
ma.c opô o Q,:fricaine. D' éminents ph.vr-ma c o.Lo guo o C)"ye.nt l::'.rgement débat-tu
de oet aspeot passionnant,
nous ne n01J.8
croyons po.e indiqué d 'y revenir~
Soulignons tou.tefois l ' intér~t des Centres de recherche sv..r la N::-:c1e-
cine Tr:::,ditionnelle Africain8 t8l qu'il en existe au BENIE e-t cm
OUGl~"\\ilJA n o üe.mmorrt ;
I l nous semble donc possible qU'lli~C action puisse s'enga-
ger pour réhabiliter et renforoer la Médecine Tro.ditioffiîelle AIricahîc.
Ce;t-ce action s'est cl' ;"),iJ_leurs déj à
n;TIorcée do,ns quelques P.J"ys Africo,ins.
Les orgo"nisntions intern.s-.tionoles et sur-tout è:'.frico.ines doivent f'~~irc
tout cc ~ui est en leur pouvoir pour 0tendre cette exp6ri8nce enri-
chissc\\nt8.
I)- 11.[';
J_c:::.; n,~_Y8 à
forte volonté de structuration COtUilO J.o.
République Populoire du CONGO,
ces 6t~pes de lfintégr~tion peuvent
e!tre cllègremcmt franchies.
P::tr le biç'"is des orgo..nisations des ll1c.sses,
i l no'L'.B 8St possib.1e de s8nsibiliser l'opinion à
ce problème
;
quo..nt
à l'aJ_phE"bO·t;isntion elle s'effectue de façon m,~ssive d e pu.Lo quelques
nnnées (16jà.
Grâce à
l'autocritiqu8 qui devient une habitude
chez nous,
les e1.}_'~risseurs et les rlédecins Congolais peuvent ê t r-e amenés, ,1. brève
chôun ce ,
à
collaborer dccns un esprit de respect mutuel.
I l nous sere'.
é
intéressant de débuter cette expérience au nive~u. des soins primaires
en une zone r'Lœale
pilote~ Son extension pourra elwuite ~tre ducid6e
après exploitation de le, première r(~tro-information.
En résumé,
l t int6cr8.tion de la l'1;:Sdccine
Tradi tiolJJ'leJ_le iJ.
la Hôc1ecine Hodcrne
s' 3.vère comme une n o c e ass Lté. Ellc rC'0réscnterz1i t
un pas import~',nt vers la réhabili t,-:,tion de notre patrirnoinc en l213.tière
de systèmes de soins. Pour L',tteinci.re 'Lm t e l but,
i l eGt indis:Jcns::::.ble
que notm procédions ~1r paliers. Le r8groupement des guérisseurs ou
sein cl' urie C'..ssociation,
lour alph::::J)(~,tis,:t.tion et leur ini-l;ir,tion à ln
Hédccine Hodorne
paraissent en etrc les
6to.pes essentielles.