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par
H. COLLOJlIB
Le point de vue qui es't développé ici es't celui d u j?Gy&,-i._~-t;re
confronté au guéx-isssur qui, çomme le psyohia;tre .. s'OÇOUpe de ',k.l~".-cliC:f:;
di~es mentales, ou mieux de ln "folie".
~l semble utile de préciser J.a posi'tion du psyChiutrc ct lG
façon dont i l a pu ~tre condui't à réfléchir sur le guérisseur.
La psychiatrie,
selon les modèles occidentaux (institèrtiOll.r::,
conceptions de la folie) est d'introduction récente en Afrique.
Le co.lc..\\niste],:teur d'abord, les Pouvoirs Publ.ics des E-t;..-~-;;G il'lc:_~­
pendants ensuite, ont construit des asiles psychiatriques ave,nt ëLfe:':l-
vis~Ger m~e assis'tance aux ma2adea mentaux. Cette antériotité pos~it
nettement le problème : le malade mental, perçu comme porteur de désor-
dre, dev2.it ~tre écarté de la vie familiale et sooiale, renÎermé d ana
des "cabanons" dépendant plus ou moins des h8pitaux généraux~ Cette
formule a trouvé des échos; aujourd'hui encore i l est construit des
forteresses solidement cadenassées pour renfermer les fous~
Le psychiQtre ne vient qu'après. I l lui est demandé de elocc~­
per de eeux que la soci.é1;é a rejetés. Général.emen;t. I I est. seul, sans
moyens ou assisté par des inîirmiers &U-~ aussi rejetés pour des r-aiso:m
diverses. Sa présence, si elle ntest pas très efficace ou opération-
nelle, sert au moins de garant à l~ bonne conscience des Po~woirs
Pub.Ld.ca , C'èst dans ces conditions que le '9Sychiatre est rapidemen:t
eonduit à s'interroger sur le sens de son action et sur son r~lG C-:',J.lS
la sanXé mentale. I l constate alors que La psychiatrie, celle qui est
efficaoe, qui concerne la quasi totalité des malades mentaux e Lnon le.
totalité est i>.ite ailleurs que d erie les asiles ou cabanons. Elle est
fai~e d2~ la famille du malade, dans les villages et les ooncessiollli,
par les guérisseurs que nous appellerons "psyohiatres trE'.ditiolU1.e1.s" ~
Le psychia."tre eonst8.te aussi que se :fait un cez-ba Ln pE~rtG.Ce :
-
lrhOpital psyohiatrique est réservé à ceux qui sont déjà
rejetés p8X leurs :familles et la sooiété , à l'hOpital psychiatrique on
ea.Lme l11eds on ne guérit pas ;
-
les guérisseurs reçoivent les malades qui sont in-çégr5s
dans les oirouits de soins traditionnels et ne sont pas rojetés ; iÙ3
gUGrissent oomplètement~
La question se pose alors
comment et pourquoi les guéri.s-
seurs guérissent-ils ?
Nous savons que eette question est plus générale et ne
concerne pas seulement les "psychiatres tradit ionnels tt ,
mad.e tous ~es
guérisseurs ~ Nous savons aussi que la médecine traditionnelle ne mor-
oelle 1>3S l'homme, ne fait Pc"'-S de diohotomie corps esprit, mais envi-
sage l'homme en tant qu'unité au oentre d fun environnement huma.in,
matériel, spirituel aveo lequel i l est en relation étroite, sinon en
oo~nunication permanente.

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Mais notre
expérience nous a
confronté avec les GU8rlSSe~~G
plus ou mo Lrie sp,'::cialisés dans le
traitement des ma.LadLe a
mental_cs.
C'est eux qui nous
ont enseigné les conceptions de la maladie mentale,
c'est-à-dire les représent~tions, ou les modèles explica~ifs qui
rendent compte,
de façon signifiante pour tous,
du phénomène de la
folie
en tant que dimension reconnue et acceptée de la personne
hwnaine ~
Les modalités d'intervention du guérisseur seront art~JJD­
ment séparées~ Nous avons l'habitude de considérer d.9,ns l'in-'cerverrcion
du psyohiatre ou du thérapeute trois niveaux :
un niveau bio~ogique,
un ri.Lv ecvu psychologique, un niveau sociologique. Cette division r6})0:;.1.(1
à
un couci d' a...~'),lyse qui n'est pas touj ours le meilleur mode d' c.:,')~,;Jr()­
hension de la réalité.
S'aGissant du guérisseur,
on peut,
compte tenu du relc du
médicament utilisé
(généralement préparation à base de plantes ou
d'arbres: feuilles,
fleurs,
écorce, racine,) distinguer aussi CG qui
ser,'.it de l'ordre du biologique
et le
reste,
c lest-à-dire -cout
cc
qui inte~én~
hors du champ biologique~
La plupart des recherches en médecine traditionnelle ont pour
objet la pharmacopée. I l s'agit de repérer, auprès de
ce~~ qui les
utilisent,
le s
espèces phc"rmacologiques intéressantes, de précieer
la pGrtie active,de procéder soit à des extractions, soit à des pr6pa-
rations pour J_'utilisation thérapeutique. Cet aspect de la ;lùc.1e:cinc
est strictement biologique.
}bis, même
à
ce niveau,
l~ faut souligner que, po~~ le
guérisseur,
la pJE.nte n'est pas réduite à son aspect b i.o LogLquc ; Le
rapport entre euérisnn ,
ou effet curateur,
et plante n'est pas simple~
I l rio s'agit pa.s seulement d'une
i1.ction ph<::trmacologique. La plante
ou l ' (),rbre est reconnu comme individu pris dans
le réseau des relations
qui unissent
tous les existants~
Le ponvoir de guérir n'est pas un donné isolé, indépendGnt,
agissant toujours de la m~me façon.
I l est tributaire de l'enviromîe-
meni; et en particulier de la rel,:~tion avec le
guérisseur. IJ_ doit
~tre den~nd6, orienté, renforcé. Le rituel de la cueillette (choix
de " l ' inc~ividu arbre", préparation de l'officiant, paroles adress6es 2-
l'arbre,
offranrles
compensatrices,
mode de préhension ••• )
comme le
rituel de la pr2parc'..tion du produit qui sera proposé à l'homme ;lc'_'-lc'i_",e
(modalites,
temps et lieu du pilolli1.Qge -
incantations -
objets,
inves-
t i s de puisso..nce,
m~lés à la plante en des temps précis du tr;".v~.:.iJ_
de tr.::"nsf'orm,"-tion ••• )
indiquent bien qu'il s'agit d'autre
ohoc o Que
de phnri:ka coloc;ie au sens occidental et scientifique du termo.
Ici
l'homme communique avec la p Larib e
et c'est parce qu'il y 8. C();'lm~l_ic~~­
tion CjUQ le pouvoir de guérir peut ~tre utilisé dans un e cnc ~),jne::i­
que p<~.r J_e' guérisseur. Les guérisseurs répètent d' a.illeurs volontie:cs:
"je peux t'indiquer toutes les pl8.ntes,
le détail des préparations,
mC'.is si tu les cueilles n'importe comment, s i tu ne prononces p"G
les versets,
si tu n'es pss prép€tré
pour ce travail, 10. plante JJ_C
guérira pc'..s
;
bien mieux,
l ' e f f e t peut ~otre contraire. Pour que tu
puisses fnire
comme moi,
i l faut que tu deviennes guérisseur Il