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LA. RECUPDRATION DU SAVOIR DU GUERISSEUR
par Dr~USS1..'r
( 1 )
Le plus souvent,
lB. rencontre et la mise en relGtion de
systèmes de s oins différent s
est GUS ci t6e p,2r l ' int6r~t im.médL.':G qui
peut en ~tre retiré soit lors de .Ir. conot:~te"tion de l ' inefÎic:lcit(~ c1 1 "LU1
sysJc;ème par r~1.pport à
un D,utre cL3.YlG 1.-11).e forme de pathologie donnée
,
soit 1-Yl,r l~~, difficulté cl' implanter un système considéré c omme supérieur
pO"L'X der3 r~l.iGons diverses.
Le, mise en reli~tion est r2>rement une r-e cormeci a ae.nc e rûeJ~e de
l'un et de J_'o..utre et aboutit ,\\ le r&cupéro>tion de l'un p~',r l'autre,
au détriment do J_' uri d'eux. Ce )Jh6norüène
est présent d::m.s
t out; es les
soci6tés,
sous-tendu p:',r les co rie Ldô rvvt Loria idéologiques du moment
où se })l:~.ce la rencontre. Cette rrnlContre comporte en effet une !)rise
ou un. T)c'.r-cage CL u pouvoir en J._' oc c ur-enc G du pouvoir th6r:::'.p(;utique avec
toutes sco irnplic:-:.tionG e o c i.o-aê c orrora i.que e ,
En Durope, si le nombre d or:
r;uérisseurs est plus im}/ortc,nt que
le riombr-e des médecins,
i l s n' ont .vu cun
st".tut, aucune reC01l11.2,isso..noe
de clroit
ec o orrc pO"LlTchoBsos et juc", s
p01.U'
;y e x ez-c i, ce
ill():.~;~l de lz\\
mod o cd.rie " ~ I l y a
bien si.Ù' ;lssez de,
médecins pour lE:. popul",tion e-li les
méô.e c Lnc sont 11uissants.
En Afrique, los cuérisseurs forment
l'extrème m~jorité des
insta1J.c es thur,i,peut .i.que s. La médecine scient ifique
quoique Lmp Larrb o
é
ne ~)Cu-C résoudre tOUB les problèj·,lCi3 s<?:,nite.ires de lz. p<.)~'1ul(:.tim1.. Le
guéril:->sel.U' o, (l.onc 130, pl3,ce.
L'i..'.T):'.1réhension de cc fz.~,i t
o oc iologique et C8ttO situo..tion :)ri-
vilé(;i6e peut i..'.men8r à
urie réflcxion e t
à
une
reconsidérc'..·i:;ion au pou-
voir médico.l et du pouvoir th5r:::.peu·l:;ique dont on sait quo léè- dili1onEtÏm.
l'Bychosoci:oJ..og.ique
n'Rst quo i:1Cl.'. envisagée po..r les médecins ~ Ainsi
e'es-!:; ;-"'-vec une c ond o c c ond cric e amUSI_~C: qu'ils s'intôressent eXlX pOUl.1res,
fioloG 'et he r-be s
du gU(~risseur aff'irm:.mt son pouvoir th6r2~peutiqùc~
M::Lis s 'il1.t6J.~ess()nt-ilB
jc..... rm"is
d
autre chose qu'à des reoettes qu'ils
pourro.ient o ux-srnôme s
utilise1'
?
Aussi peut-on Jx'rler de ]_~. r 6cupérc....tion du guérisseur ])<.'l.r 1.2.p1:":Ïr-
00
an c ornp tio
c~, U11.e infim8 partie de s on action thérapeutique ré cupé ...
ration de GD, -cechnique-de son s,l-voir
(certes empirique llr,is qui a
dé-
montré son eî~ico.cit6)et non r2cup6ration de sa présencc, de son aura
e oc Le.Lo , de sa personne :çJar trop différente et peut-etre dc..."Y1.gercuse.
Co,r le pouvoir th6r"p8 utiquo du guérisseur, cl. ['.ns li..'. e o cd.é t ê
af'ricsi:o,e en p:2rticulier,
se lJlc\\ce è\\ divers ri Lv oe.ux qui sont diffé-
rents d8S nivei..\\ux d'intervention des médecins,
comme en parle le
Professeur H. CoJ_lomb.
~S-;X=Vice de Psychiatrie - C .H. U. de Fo.rm Dakar

189
:La constc.tntion de l t ~mbiguit6 de ID, démarche du pouvoir
en général et du pouvoir médical en particulier à
l'endroit du médeoin
tr~....ditionnel nous a conduit à axer (désaxer ?) notre enseicnement de
pe yo ho.Log.Le médicale
à
la Facult(, d e
filédecine de Dakar, non sur
l'aspect clnssique de
lJ.:è :"Joychologie,
mais sur une recherche et une
réflexion sur les fondements psychosociaux de lCl maladie et des
pro oesous de soins -
Clue
ces soins e o Lorit dispensés pcCl,r le médecin
ou le thérapeute trsdi-t:;ionnel. Ce-tte réflexion en groupes restreints
des 6tudiants potzr- l'extrème l!.lajorité Africains venant de rioi.ib'r-o ux
pays différents est r i che dl e ne e i.grromorrb •
I l est notable qu' nrrivo..:G
en première arrné e de médeoine
les post~nts médecins sont déjà ~~rqués par le sce~u de h" modernité
médioale,
to.l~t nu p
de
ur- vo
ini-tio..le qu'au p Lari de leur
L a r i
. L e
c . v c
L o r i
conception du ro.pport entre n10decine moderne et médecine tradition...
nelle ~
Ro comme n't encore ce SUjF:t de 12.
commun Lc evt Lon médecip-guéris-
e e ur-
étCèit
pro:~)osé co mme sujet d'oxamen à l'issue d'un cyo1:e d'ensei-
gnement à des étudiants de 2° aru~éQ de médecine. Les réponses dans
leur très g-rande mo.j orité mont.r-r.Lo nt 11 intér@t de ill
c ommund.c.vb.i on
médeoin-guérisseur ma.i.e 8, condition. ClU' elle s'exerce dans
le sens
ver~Gico..l, le médecin situé en h.:m-c: de l'échelle, profito,nt des reoc'b-
tes, des produits utilisés nnis
:nour les codifier, les c12.sser, les
doser d':ms le proj8t de leur utilL;,~.tion ultérieure rntioll_:'f1Glle et par
le médecin lui-m~me.
}his que d o'vorin Lt
le gu(;riss8ur ~ I l semblait ooridamnô à dis-
~,ra~tre ••• chose nc.tiur-e.L'Lo mais 0 combien douleureuse s ' i l n' D:vo,it,
avant de mourir,eu
le temps de dévoiler son secret.
L['. conception <1ctue1-le de lI"" médecine
scion tifique, a-tomiD-
tique, hypertechn:i.que, <=',septis08 rir. peut tolérer l ' interven-t ion de oes
lf e m:9 i r i 'l u e s "
qui,
inscrits d,ons le
tissu social,
loc~'.lement o ormua et
reoonnus, risCluent de poser J.8S '1'L'LGstions qui ne sont plus :oos6es po..r
le mûdecDl. tout préoccupé à régler son sort à
ln maladie qué lui se~ù,
armé de ses a:9Pc..reils,
peut r-e corm.vî trr-e et diaenostiquer.
Lorsque faussant
la technique,
laissant aveuZle
le mioros-
cope, 10 ma.Lad e
joue sc. 'oorsonne cl :.ns sa totalité,
i l est souvent
incomprôhensible et devient psycl'lofonctionD.el,
psy c hoss omrvt Lque
et neme
psyohopc1the ~ G~nan-t; le médecin en
s:ff'ondrant ses mé can i.erae e de mise
à distance du sujet ~~lo.de complexe et angoissant -
à
la D[Qadie
comme objet qui peut
~tre reconnu et n~îtrisé.
Les psychologues et les psychiatres s i tués .vu bout de cette
ch8.1no de l~ej e·t; a ont contrnints d e llé-médic,1.1iser leur interven~GioD.
et de renouer le dialogue
.xv o c le Gens caché de le.... maLad.i e ,
sa reprû-
sento.tion ;i.ndividl.l811e et collective, son impact
:psycholoGique e-t
son mode d 1 e~:TœeGsion.
Ils ne soie:nont plus les mr.Lo.d Leo mc,is 18s
mnlaises qui bien plus qu'on ne
le pense fonc1ent la m~ùadie soma.-tiClue
qu ton déori t
sous le v oce.b.Lc do sorüo.tis2vtion.
I l fnu-t reoo:n.llo.~tre le conflit g6nGr3teur du trouble, de llo..nxié-té
liée- qui est souvent ~onflit culturel sinon polyculturel -
e t ' l ' e n -
v:i.so.ger o omme réponse à
J_' C\\.[:;ression int(,rieure ou ex-turiel.'lre cl fun
monde où l'individu a
du mal ft se
situer qu'il soit -tro..ditiOlll1,el ou
mod e r-ne ; u'o reCOJ:'lll..'l,isso.nce de l'environnement, de l'entoUl~ac;e éco-
social p8rme-t la saisie d'une t;lobali t6 que
lB. médecine ne
])eu-t plus
péné-trer,
isolée d3:nB
son ghetto technique.
Ic, médecine
COL~ilC science
huma.Lne est paradoxalement scotoli1is(~e.

- 190 ~
Le gu6risscur J le th(;rc.peutc trn.ditionnel est lui nu point
d'observation et de concordsDcG de tous les systèmes socia~D:, empreint
d'une d Lmorie Lori sacrGe que lui confère entre autres pouvoirs sa. posi-
tion de lutte contre lc:'. douleur et l;-" mort
; douleur et mort qui ne
sont lXô'.S
seuJ_ement 'bac tié r-Lo.Logi.q uc e ,
p~-~rn.i3i taires Elo.is 2.ussi douleur
psychologique
,
soci;_~le et
c orromi.o u.e ,
d orrt l'expression l--K'.St.'J8 c1e,ns le
ô
c or-pe , Son ))oint d'observation et (l'LlterventioD s ' i l se
justif'iait
drvne
un e soci6t6 régie pCèr des règJ.es c ommunrru.uc.Lz-e a ,
trüc1ition et
grouye codif'i6,
éclate dès lors que la règle bouge et que le groUI)O
se moci i.fLe c1<',ns ses r;:'ppo1.'ts .} J_' inclividu. Le trc'>i·temGI~t ~·:'.f:~',.'>i1.'e de
tous est ~eut-@tre l~intenant nff'nixG du seul individu et secrète le
pouvoir m6dic~l concentré ct unique.
L'ino.::m"cntion portü1.li3e de sens, de ce supplément cl' ~trc qui
marrque [\\U ma.Lad o avait un pouvoir et pourquoi p,:-.-..s ma.g i.q'ue -
qui peut
se }Y'.sser de il1O-gique
? -
!Jouvoir, trc!.nsf'ert de force p our- urie lutte
ef':ficf'-ce con-cre J_E' pz-o ce errue morbide.
Le .iéls.lade confinnt nobilise ses
d
f one oa ct ,zu6rit.
Le m:ü'-'.de entourS des siens,
Lmp Li.q uô e da.ns la
é
ma Lad Le ,
est ')ort6 à
J_él gu&rison.
L::-1 mort peut ~tre rvu bout du chemin. Elle n'cGt pe.s oeuvre de
l'hoElLlG ma Ls cle Dieu. Ce fsi t
cst rr.rqu21.l1.t pour tous les gu:irisseurs 1
Le ré',:':I)Ort à
J_2. mor-t est bien diffc·,rent
ch oz le guérisseur et chez le
médecin ce qui lui confère urie <'ttitud e p<:trticulière et Ul1. I)ouvoir
grandi dénué de l~ culpabilité de l'échec thér~peutique~ Le guérisseur
s'est si-Gué lx~,r rapport ù Dieu à un niveau humain de média.teur~ Le
médeoin se veut peut-~tre trop 0gnl de Dieu.
L'appréhension du f'c..i t
pc'.thologique d,:-.-..ns ses diverses d Lmeri-«
a i.one
est présen-i:; e
clans ln tr'~"dition africc..ine, les étudiants en
Médecine sensibilisés ~ l'Gcoute au à ln redécouverte de ces vo.leurs
sont pr~ts à le z-e corina t
î
r-e m,üs
J_o1.1.1.'s mattres ne cusci-tent ~x'-s sou-
ven-t; cette rer,lisc· en quest:Lon ou cc Clue stionnemen t .
L' [',cte de' soigner
pour le médecin n',-è~ rien d'irrcJ.tionnel. I l ne peut y avoir qu'obli-
tération d[~llS l ' espri t
scientifique: de cette notion d' irr~.tionnel qui
devré.1i t
8t:;.:-e considérée ~J'-~r tout th:~rGpeute c omme la dimension
huma.Lno de e on c:,ction c'est-à-dire de s,.', fonction dé:-.ns le groupe où i l
remple~ce actuellement t;).n-I; cl' instanc es en v o i.e de clispo.ri~Gion. Le
méd o c Ln n'Gv.-:-"it pas vo cu-t Lon de
les remplo.cer et n'y
a
surtout pGS
été pr(~1')nr6 commo a
pu y
8tre pr-6jJc:.ré
.Lo guéris seur ~
la récupére,tion du ,~uôrisseur dr.ne le·. médecine pourrc'.it se
faire insidieuserllent pnr lr. r-o corinc.Ls ae.nc e de sa dimension ~)sychoso~­
oielo, o..nt~opolols:iquc bien c,u·crmt que par sa c ormc.Ls ao.nc e phytothérc:.-
pique
qui, elle,
est inlln0d~~tement acceptée et captée pc:.r nos esprits
scientif'iques.
Si lu récupération du euérisseur ne se f'~it que pur ses
plantes,
elle peut n'avoir que JJ! é-êCnS d'un pillage.