A PROPOS DE l'E~PERIMENTATION
CLINIQUE OES
MEDICAMENTS
TRADITIONNELS
PAR
Docteur KOUMARE-
Directeur G,3néral-de· 111 -flJ-R-P -'i T. Bamako
i"lessieurs les Président s,
Monsieur le Secrétaire Gonéral du Cames,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Tout en remerciant d'une part, le peuple et le Gouvernement
Tegolais pour leur fraternelle hospitalitQ, d'autre part, le C~MES pour
son aimable invitation, la DélQgation Malienne souhaite très vivement que
ce colloque ne soit pas une rép~tition du 1er symposium inter africain sur
les pharmacopées Africaines traditionnelles ; mais plutôt une concrétisa-
tion, au moins sur le plan régionnal, des résolutions et recommandations
adopfées lors dê ce premier rendez-vous.
C'est pour ~pporter notre contribution à la réalisation de
ce souhait, que nous avons choisi de vous parler de l'expérimentation
clinique des médicaments traditionnels comme nous la concevons et l'ap-
pliquons au niveau de notre très modeste Institut.
Permettez-moi, pour commencer, d'emprunter à Monsieur 18
Professeur Delaveau ces quelques lignes: Il Il serait extr~memer.t grave
que pour de quelconques raisons de snobisme, que tous'ceux qui sont les
Chaînons d'une log.eutradition l'oublient, que cette chaîne se rompe et
que nous soyons démunis de cet héritage véritable qu'est la médecine
traditionnelle ".
Snobisme 7, complexe? ou raisons inavouées? et pour causes!
on ne sait pas trop. Toujours est-il que ceux qui s'opposent ~ la promo-
tion de nos valeurs thérapeutiques ancestrales entonnent le m€me
refrsLn.
Critiquant souvent au nom d'une rigueur scientifique ou d'une ethique mé-
dicale, il semble qu'ils oublient deux choses:
- la première : que la Science est ~vclutive et -ue pJr ccn-
séquent, nier un fait ou un phénomène réel que l'on ne peut expliquer à
une étape donnée de cette évolution, rien ntest moins scientifique.
- la seconde 1 que cette éthique médiaale dont ils parlent
est pgalement évolutive.
En effet, le respect de l'int{)grité de la personne humaine
est un concept qui a beaucoup évolué. Aujourd'hui, certaines populations
sont habituées au fait que l'on PU1S9d ouvrir les c~davres et regarder
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ce qu'il y q dedans; mais celo a engendré et continue à engendrer un
gros choc pour une partie de l'humanité. Mieux, l'humanité entière assiste
maintenant à l'utilisation de l'homme comme animal de laboratoire et p~r­
fois même sans ~motion. Rien donc, à partir de ces deux constatations,
même des considérations juridiques ne doivent plus constituer un frein à
l'adoption de notre pratiqua médicale ancestrale; du moment que l'objec-
tif est la recherche d'un nouveau moyen thorapeutique approprié pour le
bien de l'hum3nité. Comment allons nous donc envisager cette adoption de la
prétique des médecins traditionnalistes 7 Je m'empresse d'ajouter qu'il
s'agit des vrais praticiens traditionnalistes bien que cette distinction
1
soit encore très délicate. Avant.
de répondre à la question poslie, prenons
la peine de comparer l'attitude du médecin moderne et du th6rapeute tra-
ditionnel devant le malade ; et cela dans le contexte que nous vivons dans
nos Etats afrièains. Elle est à notre avis en tout point identique dans
les milieux ruraux et parfois même dans les villes ; leur médecine res-
tant essentiellement symptomatique.
C'est ce qui nous permet de choisir une méthodologie qui uti-
lise directement l'homme. Oui nous sommes de l'avis ds ceux qui pensent
qu'on peut commencer ossez rapidement les essais thérapeutiques chez l'hom-
me, surtout dans le domaine particulier Qui nous intéresse ; celui de le
phytothérapie car c'est elle qui constitue la partie essentielle de notre
pratique ancestrale.
La méthodologie classique des essais pharmacologiqub8 préli-
minaires aux ess~is thérapeutiques (Je Ne parle pas de screening pharma-
cologique), voudrait, que dans le c3dre des expertises pour. le visa de misE
sur le marché, qu'on commence sur les anim8ux, à effectuer touts une serie
d'essais toxicologiques qui peuvent durer des ann8es. Duns le cas q~i no~
intgresse, encore une fois, nous pensons que cela n'est point indispensa-
ble. Certaines exigences constituent un indiscutaDle frein à l'innovation
th8rapeutique qui peut reposer à notre avis sur une base autre que scien-
tifique ; celle de l'empirisme.
Ne pas se soucier des limites de s~curit~ d'un mtdicament
est lourd de cunséque~~8 ; nous le savons ; mais il est aussi malheureux
qu!à cause dl~n8 s9véritê excessive oa prive certains malades des vertus
de certaines drogues.
• •• j •.

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Deux anecdotes que je tiens des entretiens de Rueil à ce sujet
illustrant bien ceci.
- na première est la suivante: 18 Professeur Lachat a ottiré l'at-
tention sur le fait qu'en 1903 Fischer et Von Mering introduisirent le
premier barbiturique (Veronal) après leur essai sur un petit chien dd
7 Kg ; et avec l'humeur qu'on lui connaît, il ajouta que ce chien n'équi-
librerait pas le poids du papier demandé G~jourd'hui par la FDA (Food and
drug administration) des USA.
r
La seconde anecdote concerne toujours les barbituriques. Le Do-
yen Gastnnt rapporta, pour appuyer ce qu'a dit le professeur Lechat Ru'en
1912, la première communication sur l'effet anti6pileptique du phénobar-
bital concerna~t une seule observa~ion. Mieux, en p3rlant toujours des
excès de précautions dans les exigences de la fDA Uraconta qu'après
'n
sa conférence aux U 5 h sur Je traitement des états épileptiques par les
benzodiazépines (Velium) un auditeur lui a fait savoir que cette subs-
tance était proscrite chez épileptiques et constituait même une contre-
indication absolue 8UX USA.
Dans le cas particulier de l'utilisation directe des médicaments
traditionnels, eno~re une fois, nous pensons qu'il est inutil~ de fHir8
des essais de toxicité de longue durée sur des médicaments qui ont déjà
largement fait leur preuve. Les préparations qui ort SupDot~ery llépre~ve
du temps, même si elles sont dangereuses, il est certain qu'il existe
des pr6cautions d'utilisations que connaissent les plus avert~8. Par 811-
leurs, l'expérimentateur doit être prêt à arrêteI' se. eS8a19 à tout mo-
ment s'il s'ap9r,01i
qu'il se produit quelque chose d'anormal ou qu'au-
cune ovolution favorable n'est constatôe.
Concernant l'extrapolation des rGsultats de l'animal (sain ou
malade) ~ l'homme (sain ou malade) celd Feru encore 1lobJet de m~intBe
discussions. Je me limiter3is tout simplement à indiquer ~U8 le but es-
sentiel vis~ est de diminuer les risques. A ce titre, nous pensons qu'on
peu~ effectuer Bur l'animal test de tolérance d'orientation B~ 24 h - car
il n'est pas question de cherch"r d~libérement chez u~ voiontaire la dose
toxique? Nous njouterons cependant que l'essai th6rapoutique des exper-
tises pour la ViS3 de mis? sur le marché, quOiqu'on en dise et malgré
les prôgres réalis6~, ~este toujours dans un dom,ine plus ou moins empi-
rique. Nous devoas d~cc dans ce CAS classique, comme dans le cas parti-
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culier qui nous int~resse, aborder pes essais, comme UII ~
un certain dtat d'esprit à 18 fois créateur dans l'espoir gen~reux d'inno-
ver au profit des malades et critique avec lB ~~t~,~min8tion de tout faire
pour at~énuer et si possible supprimer les risqs8s.
A la lumière de tout CG que nous venons de dire et si notre ob-
Jectif est de mettre à la portée des plus désh{rités une thérapeuti~ue ap-
propri~e, on ne peut concevoir les problèmes de l'exploitation de nos res-
sources floristiques que d'une manière originale conforme à nos conditions
et à partir des préparations empiriques am~liorées.
L'adoption d'une telle méthodologie nécessite un choix entre
deux voies
L~ première : chercher à éclairer les connaissances de la
pratique traditionnelle avec l'espoir d'applications ultérieures.
- La seconde : obtenir une applic8tion immédiate mais moins
bien comprise. Cette seconde voie n'excluant d'ailleurs pas d'envisager
par la suite les études explicatives de la première voie.
En effet, le but recherché est beaucoup moins à notre avis de
fixer une DL 50 ou de trouver un mécanisme d'nction que de vérifier l'ino-
cuité et l'activite' prêtée à la préparation galénique préconisée par le
praticien traditionnel. En donnant notre pr~férence à la seconde voie et
en préconisant donc l'e~périmentation directe sur l'ho~me, nous n'ignorons
pas qu'il y a un risque à prendre; mais un risque calculé comme en com-
porte toute thérapeutique; et comme l'a dit le Professeur Milliez "c'est
l'honneur de notre profession d'accepter de telles responsabilités"
C'est à cause de ce risqae du reste ~ue nous souhaitons une as-
sez rapide légalis~tion dans nos pays, de la pratique médicale tradition-
nelle. Elle permettra, nous en sommes eertain5 1
- une modification rapide de ses m8thodes au ~rofit d'un pro-
gramme dtéducation sanitaire et de médecine préventive. En effet, chacun
sait qu'avent de venir au dispensaire, la plupart des malades ont déjà pas-
sé chez le ou les thérapeutes traditionnels du coin • Ces derniers cons-
tituent donc un chalnon non négligeable du réseau sanitaire et ~vec les-
quels il faut obligatoirement dialoguer.
Dans les meilleures des conditions et pour faciliter ce dia-
logue, le pharmacien sera ~n interm~diaire précieux. Compte tenu de notre
8xpgrience, nous pensons qu'une formation de praticiens traditionnalietes
faciliterait davantage cette compréhension.
... / ...

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Mais dsJà, et cela sera notre conclusion, il nous paratt in-
dispensable que le pharmacien, cheville ouvrière de cette entreprise,
arrive à faire admettre aux m~decins moderneB, l'inutilit~ de certaines
exigences des essais thérapeutiques et aux médecins traditionnalistes l'in-
térêt de leur insertion dans le réseau sanitaire du pays.