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LA RESTAURATION «POPULAIRE» DANS
LA CONlTRBATION COTONOUIPORTO-NOVO/
ABOMEY-CALAVI (BENIN)
Yolande BERTON OFOUEME
Université Marien NGOUABI (CONGO)
RÉSUMÉ
La restauration populaire. dans la conurbation Cotonou/Porto-NovoIAbomey-Calavi, comme dans la
plupart des grandes villes africaines, est marquée par un important dynamisme attribué à la conjugaison
de divers facteurs d'ordre géographique (mobilité des populations des zones rùrales vers les villes, des
villes secondaires ou d' autres viii es vers les agglomérations les plus attractives, en provenance de
l'espace international. .. ct à l'intérieur des villes), socio-économique (difficultés d'accès à un emploi
générateur de revenus. p~llIvreté monétaire de la plupart des familles) et culturel (maintien des traditions
alimentaires).
Elle est animée essentiellement par les femmes qui proposent aux consommateurs une diversité de
plats (traditionnels ou mixtes) prêts à être consommés à des coûts accessibles à toutes bourses. Elle
constitue une solution aux problèmes et aux besoins alimentaires des citadins, particulièrement des
familles les moins favorisées, et un débouché aux légumes et produits d'élevage issus des zones agricoles
nationales.
Malgré son importance dans la vie des populations urbaines, le secteur de la restauration populaire est
peu soutenu par les poU\\oirs publics. Les difficultés d'accès aux micro-crédits, les conflits avec les
autorités locales. les prohlèmes sanitaires posés par le secteur sont autant de contraintes auxquelles
sont confrontés les restaurateurs.
~
Mots clés .' Restauratio/1, acteurs, plats, prix, Cotonou/Porto-Novo, Abomey-Calavi.
ABSTRACT
The popular restoration. in Cotonou/Oporto-NovoIAbomey-Calavi, as in the majority ofthe large African
developing cities. is characterized by an important dynamism linked to the conjugation ofvarious factors
at geographical lever (mobility of the populations of the rural zones towards the cities, the secondary
cities or other cities towards the gravitational agglomerations, coming from international space ... and
inside the cities), socio-economic lever (difficulties to access to income generating activities, monetary
poverty of the majority of the families) and cultural (pres.ervation of habits eating).
It is animated primarily by the women who proposp- to the consumers a diversity of dishes (traditional or
mixed) ready to be consumed, at accessible cost tu aIl purses. It constitutes a solution to resolve the
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Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
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problems and the food needs for the townsmen, particularly of the least favoured families, and an outlet
for vegetables and livestock products coming from the national agricultural zones.
In spite ofits importance in the life of the urban populations, the sector of the popular restoration is very
few supported by the authorities. The difficulties of access to the micro credit, the conflicts with the
local authorities, the sanitary problems posed by the sector are as many constraints to which the restorers
are confronted.
Key words: Restoration, actors, dishes, priee, Cotonou/Porto-Novo, Abomey-Ca/avi, Benin.
INTRODUCTION
- La restauration ou l'alimentation de rue est un
terme fréquemment utilisé par un grand nombre
Contexte de l'étude
d'auteurs. Elle porte sur les aliments et les boissons
consommés dans la rue ou hors du domicile.
Le thème de la Restauration " populaire " a été
abordé dans le cadre d'une étude de faisabilité d'un
- La restauration" populaire FI, terme que nous uti-
programme d'appui à l'agriculture intra et
lisons, fait partie du secteur de l'alimentation de rue
périurbaine au Sud Bénin réalisée, à la demande de
et regroupe tous les lieux, aménagés ou non, de
l'Agence Française de Développement (AFD), par
vente de plats cuisinés. En effet, dans l'étude glo-
Agrisud International en novembre 2002. L'étude
bale, nous avons identifié quatre types de restau-
globale visait à analyser les dynamiques agricoles
rants : les restaurants des hôtels, les restaurants
au Sud du Bénin afin de proposer un programme
moyens et hauts de gamme, les restaurants des "
d'appui au développement de l'agriculture intra et
collectivités" (de~ casernes, des hôpitaux, des éta-
périurbaine, centré sur la frange côtière et la conur-
blissements scolaires et universitaires disposant
bation Cotonou/Porto-Novo/Abomey-Calavi. Elle
d'internats ou de campus) et les restaurants" popu-
portait sur plusieurs points dont le second sur le
laires " localisés dans les marchés, dans les quar-
diagnostic approfondi de la demande, de l'offre et
tiers (à proximité des lieux de travail, dans les par-
des marchés des produits issus de l'agriculture intra
celles et dans les rues). Lors de la collecte des don-
et périurbaine. Nous, en qualité de consultante, avi-
nées, l'accent a été mis sur les plats cuisinés. Seuls
ons réalisé, en collaboration avec les compétences
les résultats sur ce dernier type de restaurants sont
locales et un consultant d'Agrisud International,
présentés dans le présent article. Les vendeurs de
l'analyse de ce second point auprès des ménages,
beignets, d'arachides griiléts, d'ignames et de maïs
des commerçants et des restaurateurs dans les trois
braisés ne sont pas concernés par cette étude.
villes de la conurbation.
- Le terme d\\? " restauratems " est générique et re-
groupe les femmes restauratrices et les hommes res-
Définition des concepts
taurateurs qui vendent des aliments cuisinés.
- Le secteur informel de l'alimentation: il a été dé-
Problématique
fini comme" le secteur produisant des aliments et
des boissons prêts à être consommés, préparés et!
L'urbanisation rapide en Afrique subsaharienne
ou vendus par des vendeurs, spécialement dans les
constituê l'un ùes phénomènes démographiques les
rues et dans les autres lieux publics similaires "
plus frappants de la seconde moitié du 20ème siè-
(FAO, 1990, citée par C. CANET et C. N'DIAYE).
de. Elle inOuence tous les aspects de la production
et de la consommation d'aliments. Elle favorise le
- La consommation hors domicile concerne toutes
développement de la transformation et du commerce
les denrées alimentaires consommées à l'extérieur
àes denrées alimentaires. Le secteur informel de
du domicile.
l'alimentation hors domicile est, en effet, dans la
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plupart des grandes villes des pays en développe-
Méthode d'étude
ment, très dynamique. Il constitue une solution aux
nombreux problèmes et besoins alimentaires des
Pour atteindre les objectifs visés, l'étude de la res-
citadins. La conurbation CotonoU/Porto-NovolAbo-
tauration populaire repose à la fois sur une analyse
mey-Calavi n'échappe pas à cette tendance. Coto-
bibliographique et sur les enquêtes sur le terrain
nou, en tant que capitale économique et adminis-
auprès de 116 vendeurs. Cet échantillon représente
trative du pays, et regroupant 46 % de la popula-
16 % des vendeurs répertoriés dans les trois zones
tion totale, est la ville où la restauration populaire
d'étude retenues et 7 % du nombre total de restau-
est la plus développée. Quels sont les facteurs qui
rants populaires. Pour identifier les restaurateurs,
favorisent le développement de ce secteur dans la
trois zones ont été délimitées dans la ville de Coto-
conurbation? Quels sont les acteurs qui l'animent?
nou : la zone 1 située au nord-ouest (10 km2), la
Quels sont les plats proposés aux consommateurs
zone II, au centre-ville rive droite de la lagune (18
et à quel prix? Quelle est l'importance culturelle et
km2) et la zone III, sur la rive gauche de la lagune
socio-économique
de
ce
secteur
?
(18 km2). Ces trois zones ont été choisies en fonc-
tion de leur localisation géographique et de l'im-
Intérêts et objectifs de l'étude
portance de l'activité de restauration populaire.
Compte tenu des variations du nombre de vendeurs
De nombreuses études ont été réalisées par des nu-
suivant les moments de [ajournée et leur statut (ven-
tritionnistes, agronomes, sociologues, socio-anthro-
deurs établis et vendeurs non établis), deux comp-
pologues, etc. sur l'alimentation de la rue. La plu-
tages ont été réalisés le matin et le soir. Le nombre
part des auteurs ont ciblé leurs études sur les éco-
total de vendeurs à Cotonou est estimé à 1343 soit
liers et les enfants, sur les aspects urbanistiques,
17 vendeurs au Km2, et à 1747 pour l'ensemble de
sociaux, économiques, alimentaires, sanitaires, et
la conurbation.
ont visé l'amélioration des infrastructures, des con-
ditions d'hygiène des lieux de vente et de la qualité
A Cotonou, les enquêtes ont été menées sur la base
nutritive
des
aliments
vendus.
d'un échantillon. Les enquêteurs étaient tenus d'em-
prunter les voies déterminées sur le plan en tour-
La présente étude comporte un intérêt à deux ni-
nant dans le sens des aiguilles d'une montre, et en
veaux. Elle contribue, au niveau scientifique, aux
.-
enquêtant en priorité les vendeurs distribuant les
travaux de recherche menés sur le thème en appor-
plats contenant, entre autres produits, les légumes
tant un regard géographique. Elle vise, au plan re-
et les produits animaux. A Porto-Novo et à Abo-
cherche-développement, à mettre à la disposition
mey-Calavi, des entretiens semi-directifs ont été
des acteurs de développement et des décideurs des
réalisés
avec
les
restaurateurs.
éléments d'aide à la décision concernant la défini-
tion des actions d'appui au secteur agricole au Bé-
Hypothèses de l'étude
nin et particulièrement en milieu péri urbain.
Sur la base de la problématique posée, les hypo-
Elle comporte les objectifs suivants:
thèses suivantes ont été formulées:
analyser les facteurs de développement de
les contraintes imposées par la vie urbaine
la restauration populaire dans la conurbation;
et les problèmes économiques sont le moteur
majeur de la dynamique de la restauration popu-'
analyser les acteurs qui animent le secteur
laire;
et leurs stratégies;
la restauration populaire est essentiellement
identifier les plats les plus proposés aux
animée par les femmes, et elle touche toute la
consommateurs et les prix pratiqués;
population quel que soit le statut socioprofession-
nel;
déterminer l'importance culturelle et socio-
économique du secteur.
Revue du CAMES - Nouvelle Série n, Vol. 009 N° 2-2007 (2eme Semestre)

Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
les plats proposés sont variés et sont vendus
mentaires en fonction de l'âge, le nombre de con-
à des prix accessibles à toutes les couches sociales;
sommateurs dans la conurbation est estimé à 952
517 en 2002 el à 1. 106 000 en 2007. Il y aurait, en
la restauration populaire est un secteur géné-
2002, 119064 personnes et en 2007, 138250 per-
rateur de revenus et créateur d'emplois, et un dé-
sonnes consommant des aliments issus de la res-
bouché potentiel pour la promotion des produits
tauration hors domicile. Ces statistiques montrent
issus de la production nationale.
que les villes de la conurbation constituent un grand
marché de consommation de denrées alimentaires
Le texte analyse en premier lieu, les facteurs de
et une clientèle potentielle pour la restauration d'une
développement de la restauration populaire dans la
manière générale.
conurbation, en second lieu, les acteurs, les plats et
les prix et enfin, l'importance culturelle et socio-
L'analyse de la répartition de la population urbaine
économique
de
l'activité.
suivant le statut matrimonial des chefs de ménage
met en évidence l'importance des célibataires qui
Î- LES FACTEURS DE DEVELOPPEMENT
représentent 62% des effectifs totaux (Enquête
DE LA RESTAURATION -POPULAIRE
Budget Consommation 2, 1998, P.9). Les célibatai-
res, particulièrement ceux de sexe masculin sont
Les habitudes alimentaires, les préférences gustati-
des clients privilégiés de la restauration populaire
ves qui régissent l'alimentation d'un groupe, mais
comme le montrent les résultats des études, réali-
aussi les facteurs démographique, social, économi-
sées entre 1987 et 1996 dans différents pays, pu-
que, géographique et culturel se conjuguent pour
bliés par la FAO. Le nombre de célibataires con-
déterminer les comportements alimentaires des ci-
sommant les aliments issus de l'alimentation de rue
tadins et pour justifier la dynamique de la restaura-
était de 66% à Abidjan, de 71 % à Accra et 53 % à
tion populajre dans la conurbation, et particulière-
Kinshasa (FAO, 1996).
ment à Cotonou. Ce phénomène n'est pas spécifi-
que aux villes de la conurbation. Il a été observé à
Dans la conurbation, même si le sexe ratio est en
Abidjan (Côte-d'Ivoire), à Kinshasa (République
faveur des femmes, on relève une forte représeÊta-
Démocratique du Congo), à Ouagadougou (Burkina
tivité des hommes dans les restaurants populaires
Faso), etc.
liée à l'importance de leurs aétivités hors ménages.
Ce phénomène reflète les observations faites àAbi-
Sur le plan démographique, en 1992, lors du der-
djan, Kinshasa, Lagos et Accra où plus de 60 %
nier recensement, la population du Sud-Bénin cô-
d'hommes consomment les aliments de la rue (FAO,
tier était estimée à 1.238 536 habitants (Atlas mo-
1996).
nographique des commerces du Bénin, MISD-DED,
200 1, cité par Agrisud International, P.18). Avec un
Les aspects géographiques (Fig.l) et économiques
taux de croissance annuel moyen de 3,3%, la popu-
confèrent à Cotonou un statut d'important pôle d'at-
lation du Sud-Bénin était estimée, en 2002, à 1.740
traction. La capitale béninoise se situe au centre de
600 personnes, soit 28% de la population totale du
la conurbation entre Porto-Novo (30 km sur la RN3
pays estimée à 6 millions, et en 2007, à 2 077 000
) et Abomey-Calavi (20 Km sur la RNIE2 ). De par
habitants. Lès villes de la conurbation regroupaient,
ses activités économiques (port, aéroport interna-
en 2002, 71 % de la population globale du pays dont
tional, commerces, etc.) et ses infrastructures ad-
46% à Cotonou. Le nombre d'habitants dans cette
ministratives, Cotonou reçoit chaque jour des mil-
ville était de 536 827 en 1992, de 618 279 en 1996
liers de migrants qui y viennent pour des affaires,
(Enquête Budget Consommation, 1998, P.18) et de
des problèmes sociaux et des fonctionnaires rési-
plus de 800 000 en 2002. Sur la base des résultats
dant à Porto-Novo, Abomey-Calavi ou d'autres lo-
de l'Enquête Budget Consommation, en milieu ur-
calités environnantes. Les distances qui séparent ces
bain 1 personne sur 8 est concernée par la consom-
villes à la capitale économique et les difficultés de
mation hors domicile. En considérant la fraction de
transport ne permettent pas à ces travailleurs et à
la population constituée d'enfants et les besoins ali-
bien d'autres résidant à Cotonou, et dont les domi-
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Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2éme Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _- - - Sciences sociales et humaines
ciles sont éloignés des lieux de travail, de rentrer
En se référant à ces données d'analyse de G.
chez eux pour le déjeuner. La plupart d'entre eux
MARTIN, les 894 101 personnes de la conurbation,
consomment dans la rue ou dans les restaurants.
appartenant aux ménages de la catégorie III, vivent
en situation ·de précarité alimentaire. Ces familles
Il est important de signaler la présence à Cotonou
consomment fréquemment les légumes peu chers
d'un des plus grands marchés d'Afrique: Dantokpa.
tel que le " Crincrin" (la corète potagère) ou la peau
Ce marché est une ville dans une ville et un espace
de boeufqui représente 43 % des quantités de viande
social important. Il comptait, en 1950, 3000 ven-
bovine consommées et 22 % des produits carnés.
deurs et en 1997, plus de 15 000 commerçants
Le recours aux plats cuisinés hors domicile ou
(WILHEM, L, 1997). Ces vendeurs, les milliers
l'achat de ces aliments pour la consommation à do-
d'acheteurs, les personnes qui viennent au marché
micile est un moyen pour ces familles défavorisées
pour s'informer et se rencontrer, et les travailleurs
d'accéder aux denrées alimentaires qu'elles ne peu-
des quartiers environnants sont des consommateurs
vent pas consommer à domicile ou qu'elles ne peu-
potentiels de la restauration. En 2002, il a été dé-
vent pas cuisiner. " Pour confectionner un riz au
nombré 60 femmes distribuant des plats cuisinés
gras avec des légumes et du poisson ou de la viande
dans le marché de Dantokpa (Enquêtes personnel-
destiné au nombre de personnes de mon ménage,je
les, 2002). Sur la base d'une moyenne de 49 plats
dois acheter non seulement tous ces ingrédients mais
vendus par restauratrice et par jour, le nombre de
aussi, de l'huile, du concentré de tomate et du bois
clients
concernés
est
estimé
à
2940.
ou du charbon. Tout ceci me reviendrait cher (plus
de 2500 francs). L'achat du même plat chez les res-
D'autres éléments socio-économiques contribuent
taurateurs coûte moins de 1500 francs ", a déclaré
à l'essor de la restauration populaire. Il s'agit de la
une mère de famille sur le marché Dantokpa. Le
pauvreté monétaire des ménages et de la présence
nombre élevé de ménages défavorisés contribue à
en milieu urbain des migrants vivant seuls, en si-
la croissance de la demande des mets issus de la
tuation de précarité ou ayant de faibles revenus.
restauration populaire.
L'examen de la répartition des ménages et de la
Sur le plan culturel, on relève la diversité des plats
population (Y. BERTON OFOUEME et C. PAPIN,
proposés aux clients. En effet, les restaurateurs ven-
2003) en fonction des dépenses alimentaires quoti-
dent des plats à base de produits locaux ou dits "
diennes montre que 75 % des familles (catégorie
traditionneis " et des plats mixtes composés de pro-
III) dépensent moins de 325 francs CFA par per-
duits locaux et de denrées d'importation. Cette pra-
sonne et 20 % entre 325 et 650 francs (catégorie
tique permet aux consommateurs qui maintiennent
Il). La moyenne des dépenses alimentaires quoti-
leurs habitudes alimentaires rurales en ville ou qui
diennes globales par persorme est de 139 francs,
s'accrochent aux aliments traditionnels d'accéder
soit une moyenne par ménage de 667 francs. Dans
aux plats de leur choix et de leur goût. D'une ma-
63 % des familles, cette moyenne n'est pas atteinte.
nière générale, les populations de l'Afrique de
Or, Gibril MARTIN mentionne dans son rapport, à
l'Ouest sont friandes des aulacodes " Agoutis " ou
propos des seuils de pauvreté qu'il fallait, en milieu
de la viande de chasse. Sur les marchés, le prix du
urbain, 181 francs CFA par personne et par j our pour
gibier est hors de portée de la plupart des familles
une alimentation convenable. En 1995, dit l'auteur,
qui finissent par s'adresser aux restaurateurs. Dans
34% de la population béninoise souffraient de la
la conurbation, 42 % des chefs de ménage consom-
pauVreté monétaire, soit 1. 800 000 habitants dont
ment rarement ou de temps en temps de la viande
environ 600 000 en milieu urbain. Si on y ajoute
d'aulacodes à domicile. Ce phénomène a été observé
les personnes vulnérables (celles qui peuvent, du
à Yaoundé où le gibier n'est plus un aliment de luxe,
fait des aléas ou de petites perturbations, tomber
et il est offert à tous les consommateurs dans la rue
dan!\\la pauvreté), on peut considérer que 57% de la
à de faibles coûts.
population étaient pauvres. Le niveau de pauvreté
extrême est le plus grand dans les villes et particu-
La restauration populaire facilite, pour les chefs
lièrement à Cotonou qui est l'agglomération la plus
de ménage, l'accès « à l'évasion gustative que le
touchée avec 38 % de sa population concernée.
nombre de convives cl domicile interdit: comment
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2~m. Semestre)
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Sciences sociales et humaines
_
offrir à tous la brochette de viande que l'on
déguste dans la rue?
» (BRICAS, N., 1993, cité
par CHAULIAC, Met GERBOUIN REROLE, G,
1996).
La conjugaison des tous ces facteurs explique l'importance de la restauration populaire.
Quels en sont les acteurs?
Figurel- Carte schématique de la zone Sud-Bénin
ZONE SUD BENIN
I~ 10KM .1
\\
Comé
Ouidah
Cotonou
Grand Popo
e Localisation de la conurbation Cotonou/Porto-Novo /Abomy-Calavi

Lacs
~ Zones lagunaires et marécageuses
Routes
Cours d'eau

Agglomérations de plus de 200 000 habitants ou chefs lieux de département
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Revue du CAMES - Nouvelle Série H, Vol. 009 N° 2-2007 (2om• Semestre)

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11- ACTEURS, PLATS ET PRIX
prestataires de services. Pour arriver à proposer les
plats à faibles coûts, ils achètent essentiellement les
La restauration populaire dans la conurbation
produits peu chers: le chinchard l , les ailerons de
CotonoU/Porto-Novol Abomey-Calavi, à l'image
dinde,
la tomate en décomposition pour
d'autres grandes villes africaines, se caractérise par
confectionner les sauces, la corète potagère, etc. Ils
la division sexuelle des activités. Les hommes
achètent, de préférence, les légumes en fin de
proposent aux consommateurs des grillades de
journée pour profiter des prix les plus bas.
viande de bœuf, de mouton, de porc, de poulet, etc.
Pour
les
légumes,
les
restaurateurs
Les femmes, majoritaires dans le secteur, vendent
s'approvisionnent essentiellement auprès des
des plats variés et complexes. Elles représentent 90
détaillants sur les marchés et des producteurs sur
% des vendeurs contre 81 % à Abidjan, 80% à
les jardins (Fig.2). Sur les sites de production, ils
Bamako et 55% à Brazzaville (FAO, 1996).:~,
achètent les légumes par planche, par tas ou par
L'activité est marquée par une grande dispersion
botte. Les restaurateurs, en cas d'achat par planche,
des lieux de vente. Cependant, la localisation de
pmliquent la récolte échelonnée. Ils se rendent
ces lieux répond à une certaine logique comme
chaque matin sur les jardins pour récolter la quantité
l'observe A. GNAMMON-ADIKO: « le but des
de légumes dont ils ont besoin pour la journée.
activités étant d'obtenir du numéraire, les lieux de
L'approvisionnement en produits carnés est
vente sont choisis en fonction de ce souci de
effectué, dans 91 % des cas, auprès des détaillants
rentabilité )).
sur
les
.
marchés
(Fig.3).
Les restaurateurs peuvent être classés en quatre
Les restaurateurs, dans 93% des cas, achètent les
catégories:
produits au comptant et dans 7% des cas, règlent
leurs dus en fin de semaine ou de mois. Les achats
Les vendeurs installés à des endroits fixes
au comptant sont un point positif des relations entre
au
bord
des
avenues
et
rues;
restaurateurs et fournisseurs qui entretiennent des
rapports
amicaux
et
d'affaires.
Les restaurateurs
établis
disposant
La restauration est rythmée dans l'ensemble par le
d'emplacements fixes avec abri équipé
fonctionnement des activités professionnelles des
sommairement de tables et bancs. Ils sont
acheteurs. Dans la plupart des cas, les effectifs des
installés à proximité des lieux de travail, du
restaurateurs les plus importants sont observés de 7
port, des marchés, dans l'enceinte des
heures à ] 6 heures. Dans la zone portuaire, on
administrations ou des entreprises privées
observe un grand nombre de vendeurs le soir, en
et devant les habitations. Ils distribuent les
liaison avec la continuité des activités au port la
aliments cuisinés sur les lieux de vente;
nuit. Au bord des grandes avenues, les grilleurs de
viandes peuvent travailler jusqu'à 23 heures, voire
Les restaurateurs non établis qui, bien que
plus.
vendant toujours au même endroit, vendent
des plats cuisinés à domicile. Ils se déplacent
chaque
j our
avec
leurs
ustensiles
(casseroles, assiettes, couverts, etc.). Ils
vendent dans les marchés et au bord des
VOles
publiques;
Les restaurateurs qui cuisinent et vendent à
domicile.
Les restaurateurs intègrent les filières agricoles et
d'élevage en tant qu'acheteurs de produits et
1 Le chinchard est Lill poisson de la llunille des Thonidés. C'est lin produit
de
large
consommation
dll
fait
de
son
faible
prix.
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2èm• Semestre)
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Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
_
Figure 2- Répartition des restaurateurs selon les lieux d'achat de légumes et les fournisseurs
!------;;~~~~~~~-~~~~~~~~~~~~~~~~~~-~~~~~-.---------:====-1
- - - - i
!
50 ~
---.~--.--. ·-··---·----1
45
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-;ft.
10
---·-··-·1
5
o Producteurs Producteurs Détaillants Grossistes vendeuses
sur les
sur les
sur les
sur les
ambulantes
jardins
marchés
marchés
marchés
' - -
....
...l
Figure 3- Répartition des restaurateurs selon les lieux d'achat de produits carnés et les fournisseurs
. _ - - - _ .... _ - -
100
90
- - - - - - - - - - - -... _.
l:
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"C
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Eléveurs sur Détaillants Grossites sur Vendeuses
les marchés
sur les
les marchés ambulantes
1
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330
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_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
Les restaurateurs proposent toute une gamme variée
L'une des caractéristiques des restaurants populaires
de sauces et de produits d'accompagnement
est la forte utilisation de la tomate et du piment frais.
(Tableaux 1 et II). Les aliments de base les plus
Celui-ci est soit mis directement dans les sauces,
vendus sont par ordre d'importance de citation les
soit broyé et.servi sur les mets.
suivants:
Les restaurateurs, dans l'objectif de respecter les
les produits à base de maïs (pâte de maïs
disponibilités financières des consomm~eurs,
et « Akassa »)1 • En effet, le maïs est un
proposent des plats à des prix accessibles à toutes
aliment traditionnel des populations du
les catégories sociales de la population, et
Sud du Bénin. Le pays est autosuffisant en
particulièrement aux personnes disposant de faibles
ce produit ;
revenus. A titre illustratif, un client qui consomme
un plat composé d'« akassa » et de sauce gombo
une céréale importée: le riz dont la
ne dépense que 220 francs CFA. Les prix des plats,
consommation moyenne est de 300
à la différence de ceux pratiqués dans les grands
grammes2 par jour et par personne. Le riz
restaurants, ne sont pas fixes. Ils sont variables
au gras est l'une des spécialités des
suivant les moyens financiers dont dispose le client.
restaurants populaires. Il a la particularité
Le restaurateur sert la quantité de produits
d'être bourratif;
proportionnelle à la somme d'argent reçue. Les
les pâtes alimentaires ;
consommateurs peuvent ainsi se restaurer pour 50,
100, 150,200 francs. D'une manière générale, dans
l'igname;
les restaurants populaires, les consommateurs
dépensent entre 50 et 300 francs à chaque repas.
les frites de banane plantain « Aloko » ;
Les vendeurs, par expérience, ont la maîtrise des
unités de vente (louches, petites assiettes) et des
les produits à base de manioc (pâte de
quantités à servir. Dans les gargotes situées dans
manioc et semoule de manioc, appelée
l'enceinte des entreprises privées, les restaurateurs
« Attiéké »).
profitent généralement de la solvabilité des
acheteurs pour proposer des mets plus élaborés que
Tous ces produits de base accompagnent une
ceux des restaurants populaires et qu'ils vendent à
diversité de sauces aux multiples ingrédients: la
des prix élevés (Tableau III).
sauce tomate (tomate fraîche + oignons et huile), la
sauce« moyo »(tomate fraîche+piment + oignons),
la sauce de légumes verts, la sauce au gombo, la
sauce au poisson, la sauce graine (à base de noix de
palme), les sauces aux produits oléagineux
(arachide, sésame) et aux haricots. Les restaurateurs
les servent aussi avec les produits frits ou braisés
(la viande de mouton, de porc, de bœuf, les œufs,
etc.).
La composition des mets est d'une extrême
complexité. A titre d'exemple, dans le riz au gras,
la restauratrice peut mettre des carottes coupées en
dés, des petits pois en conserve et des oignons. Les
fritures de poissons et de volailles sont fréquemment
servies avec le riz au gras.
1 « Akassa » est la pâte de maïs lèrmentée.
'Il s'agit de la quantité de riz cuit.
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2eme Semestre)
331

Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
_
Tableau /- Prix de vente moyens des sauces et autres mets dans
les « restaurants populaires»
METS
Prix moyen (F CFA)
Sauce tomate
210
Sauce légumes
225
Sauce arachide
275
Moyo=>tomate fraîche+oignon
175
Sauce mouton+tomate
330
Sauce graine+légumes
230
Sauce sésame
125
Sauce gombo
75
Viande de bœuf grillée
400
Omelette
150
Poulet grillé ou rôti
·1120
Sauce viande de bœuf
165
Sauce poisson
755
Poisson frit
610
Sauce de macédoine
1000
Sauce de haricots
115
Porc braisé
200
Porc frit
400
Aileron de dinde grillé ou frit
700
Tableau II- Prix de vente moyens des produits de base dans
les « restaurants populaires»
PRODIDT DE BASE
Prix moyen (F CFA)
Couscous
900
Pomme de terre
1000
"Aloko"
1000
"Akassa"
145
"Amiwo"
125
Spaghetti
115
Pâte d'igname
215
Pâte de manioc
-
100
Riz blanc
135
Riz au gras
145
Pâte de maïs
135
Igname cuite à l'eau
330
332
Revue du CAMES - Nouvelle Série D, Vol. 009 N° 2-2007 (2ém• Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
Tableau III- Prix de vente moyens des plats dans les restaurants situés dans
l'enceinte des entreprises privées
Plats
Prix moyens (F CFA)
Amiwo au poulet
1000
Riz+sauce mouton
0
1200
Riz+poisson frais
1500
Akassa+légumes
1000
Poulet frit
750
Couscous
750
Pâte+ sauces de légumes
750
Cassoulets
750
Spaghettis
750
111- IMPORTANCE ET CONTRAINTES DE
les personnes sans emploi, et particulièrement pour
LA
RESTAURATION
POPULAIRE
les femmes dont le niveau d'instruction relativement
bas1 limite leur accès aux fonctions qualifiées. Elle
La restauration populaire est d'une importance
leur permet de se prendre en charge, de compléter
sociale, économique et culturelle incontestable en
la ration alimentaire de la famille, de contribuer au
milieu urbain. Elle permet aux travailleurs, aux
revenu familial, etc. Sur la base de la moyenne des
étudiants, aux familles démunies, aux célibataires
dépenses quotidiennes par consommateur (175
et aux migrants de se restaurer à faible coût. Elle
francs) et en considérant les effectifs de 138250
permet aussi à certaines personnes d'accéder aux
personnes équivalent adultes, le marché de la
mets dits traditionnels qu'elles ne peuvent cuisiner
restauration populaire représente une valeur de plus
ou
consommer
chez
elles.
24 millions de francs CFA par jour, soit environ 9
milliards par an. Dans l'ensemble, le poids
L'achat de plats cuisinés à consommer à domicile
économique de l'alimentation de rue (vente
est une pratique fréquente dans les familles
d'aliments et de boisons) n'est plus à démontrer
défavorisées. En 1986, les plats cuisinés hors
dans les grandes villes des pays en développement.
domicile représentaient 20% des mets consommés
A titre indicatif, l'alimentation de rue représentait
par les ménages (Enquête Budget Consommation
dans les années 1990, un chiffre d'affaires de 140
1986-1987, citée par THUILLER et Q/ii).
millions par jour à Ouagadougou (FAO, 1984-
1996)2. En fait, les restaurateurs obtiennent des
La restauration populaire est un débouché important
recettes quotidiennes qui se situent entre 1500 et
pour les produits issus de l'agriculture et des
16000 francs. Ils contribuent à la formation des
élevages nationaux, notamment les légumes frais,
revenus des vendeurs de produits carnés, des
les viandes et les oeufs. Pour les denrées
vendeurs et des producteurs de légumes, mais aussi
alimentaires non transformées, les valeurs des
de tout le personnel temporaire ou permanent utilisé
dépenses annuelles sont présentées dans le tableau
pour différentes tâches (vaisselle, services, etc.) en
IV. Les quantités d'aliments distribuées ne sont pas
dépensant par an plus de 4 milliards de francs CFA.
à négliger, comme l'indique le tableau V. D'une
manière générale, les restaurateurs dépensent en
moyenne, entre 3 200 et 53 200 francs FCA par jour
pour l'acquisition des produits frais. Ceux-ci
représentent 63% des dépenses totales engagées.
1 En 1998, 76% des tèml'1es n'ont pas été au premier cycle (Enquête
Budget Consommation 2, 1998, P. 12).
2 Ces statistiques tournies par la Ff\\O sont inùiquées pour donner un ordre
La restauration populaire est source de revenus pour
de grandeur de l'importance de l'nlimentation de rue. Elles ne peuvent
être comparées avec celles sur le Sue! Bénin car les périodes et les métho-
des d'enquêtes sont différentes.
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2eme Semestre)
333

Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Tableau IV- Les dépenses annuelles engagées par lei restauratrices en 2002 (F CFA)
Produits
Moyenne par
Dépenses totales
Estimation des dépenses
vendeur
pnur l'échantillon
totales pour l'ensemble des
(116 vendeurs)
vendeurs (1747)
Viande bovine
337 000
39 092 000
588739 000
Viande de poulet
493 000
57 188 000
861 271 000
Viande de dinde
102 000
Il 832 000
178 194 000
.Viande de
927 000
107 532 000
1 619469 000
mouton
Légumes frais
789 000
91 524 000
1 378 383 000
Total
2648 000
307 168 000
4626 056 000
Source: enquêtes personnelles
Tableau V- Quantités de produits distribués par l'ensemble des 1747 établissements
Produits
Quantité (en tonnes)
% de la consommation des
2002
2007
ménages par produit
(estimations)
Légumes frais
1478
1716
2
Viande de mouton
884
1088
18
Viande bovine
379
1088
6
Viande de poulet
615
411
9
Viande d'inde
152
237
15
Source: enquêtes personnelles
Malgré cette importance du secteur dans la vie des
sommateurs
les
plus
démunis.
citadins, les restaurateurs sont confrontés à un cer-
La deuxième porte sur l'accès aux micro-crédits. La
tain nombre de contraintes liées à leur activité.
restauration populaire, comme la plupart des acti-
La première concerne les difficultés d'approvision-
vités du secteur informel, bénéficie de peu d'atten-
nement en certains denrées alimentaires. En grande
tion de la part des pouvoirs publics et des acteurs
saison sèche, les transformateurs ont des difficul-
du développement. L'exemple d'une association de
tés d'accès aux légumes les plus utilisés dans les
femmes restauratrices est illustratif. En effet, les
sauces (Tableau VI). En effet, le crincrin, l'oignon
femmes tenant des gargotes aménagées ont mis en
et le piment sont peu cultivés en milieu urbain; ils
place une association regroupant 145 adhérentes
proviennent des zones rurales et sont issus des sys-
dont 69 % à Cotonou et 17% à Porto-Novo. Elles
tèmes culturaux pluviaux. L'accès aux produits car-
s'approvisionnent en légumes sur les lieux de pro-
nés, particulièrement à la viande de mouton est dif-
duction intra et péri-urbains. Certaines d'entre elles
ficile pendant les périodes des fêtes musulmanes et
sont traiteurs itinérants. Elles assurent les repas lors
de fin d'année. En cas de rareté des produits, les
des cérémonies diverses (séminaires, mariages ... ).
restaurateurs ont tendance à augmenter les prix des
Elles peuvent bénéficier des marchés de 3 à 20 mil-
plats; cequi est une pratique défavorable aux con-
lions de francs CFA. Faute de fonds de roulement
conséquents, elles ne peuvent répondre à ce type de
334
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2èm• Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
demande. " Fournir 200 à 400 plats par jour et, ce,
des règles d'hygiène de base constitue un problème
pendant deux semaines, occasionnent des dépen-
de santé publique et porte préjudice aux restaura-
ses importantes ; aucune banque ne veut nous prê-
teurs. On observe le mauvais nettoyage des aliments,
ter de l'argent", a déclaré la responsable de l'asso-
particulièrement des légumes frais consommés crus,
ciation à Porto-Novo. D'autres ont des contrats de
des ustensiles de cuisine, les mauvaises conditions
livraison avec les universités et sont tenues de li-
de conservation des invendus, la vente de produits
vrer chaque jour des quantités de légumes d'une
à proximité des ordures ménagères, l'exposition des
valeur de 300 000 francs. Si ces restauratrices, or-
aliments aux mouches. Les vendeurs sont fréquem-
ganisées en association, ne bénéficient d'aucun ap-
ment en conflits avec les autorités locales. De nom-
pui financier, celles travaillant dans la restauration
breuses études, menées dans les grandes villes,
populaire ne peuvent espérer à une aide financière
Lomé au Togo, Ouagadougou au Burkina Faso
quelle qu'elle soit.
(BARRO, N., 1996), ont permis d'identifier un cer-
tain nombre de maladies liées à la consommation
La troisième concerne l'insalubrité des lieux de
de produits de la rue. On peut citer les parasites, les
vente et la qualité hygiénique des aliments. Dans la
staphylocoques, les salmonelles et les germes
plupart des villes, la localisation des activités ne
(coliformes fécaux). Les ordures et l'eau usée je-
s'accorde pas avec les principes juridiques, écono-
tées sur les voies publiques posent aussi un pro-
miques et environnementaux qui régissent le
blème envirOlmemental.
schéma d'occupation du sol urbain. Le non respect
Tableau V/- Produits et périodes d'approvisionnement difficile.
Produits
Périodes
%de
Grande
saison Grande
saison Fêtes
(musulmanes
l'échantillon
sèche
des pluies
et de rm d'année)
Ir-:-------
Tomate
37
« Gboma»
6
Oignons
18
Piment
Il
« Crincrin»
3
Légumes d'une manière
9
générale
Viande bovine
5
Viande de mouton
,
3
1
_
1
Difficulté forte
1_1 Difficulté moyenne
CONCLUSION
tant l'un des plus grands marchés d'Afrique et le
La restauration populaire, produit de l'urbanisa-
port), à la pauvreté monétaire de la plupart des cita-
tion, est un secteur d'activité très dynamique dans
dins.... La rest&uration, animée essentiellement par
les villes de la conurbation et particulièrement à
les femmes, touche tous les citadins quelles que
Cotonou. Ce dynamisme est attribué à la configu-
soi~nt leurs catêgories socio- professionnelles. Elle
ration géographique de la conurbation, aux multi-
fournit des aliments à des prix abordaOles, crée des
ples fonctions de Cotonou (capitale économique
emplois directs et indirects, assure un débouché aux
regroupant la plupart des administrations et abri-
produits locaux, contribue au maintien des habitu-
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2eme Semestre)
335

Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
_
des alimentaires et génère des revenus. Au regard
4. TOYI-ASSIH (2002) : " L'Alimentation de rue,
de cette importance perçue à différents niveaux, elle
une
source
de
nos
maladies
",
http://
mérite une attention particulière de la part des pou-
www.icil orne. c om/nou ve Ile sine ws.
voirs publics et des agents de développement.
Dans l'objectif d'améliorer les conditions de travail
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Restructuration Economique et de la Promotion de
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assiettes
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336
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tion, Technologie et Innovation dans les régions tro-
picales,
Paris,
l'Harmattan,
127-160.
Lexique gastronomique
Gâteau à base de farine de maïs ou de riz cuit à la vapeur accompagné de
ABLO
friture de poisson ou tout simplement de piment écrasé et salé
AKASSA
Pâte à base de maïs fermenté accompagnée d'une sauce épicée gluante à
base de gombo
AKPESSE
Friture à base de viande d'aulacodes. Elle accompagne le «ablo »
AMIWO
Pâte préparée à partir de la farine de maïs avec un assaisonnement de
condiments et d'épices divers.
FONIO
Couscous local accompagné de sauce d'arachide ou de feuilles de baobab
GARI
Racines de manioc râpées et séchées.
KPETE
Sauce à base de sang frais de viande de mouton ou de porc. Elle est
consommée avec 1'« akassa » ou le « Eba ».
MONYO
Mélange de légumes frais (tomate, oignon et piment) découpés en
morceau et bien salés avec du poisson frit ou fumé. Il se mange avec de
l'akassa
.'
Revue du CAMES - Nouvelle Série H, Vol. 009 N° 2-2007 (2éme Semestre)
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