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1
1
,
LA POESIE AU MIROIR DE
LA PHILOSOPHIE
Azoumana OUATTARA ~===~~~~~~iiiiiiiir-~
Université de Bouaké-Côte d'Ivoire
l RÉSUMÉ
IlIl
I
i
La poésie au miroir dc la philosophie découvre les mots de la présence pure comme l'enjeu d'une Il
poétiquc de la communauté contrc la violence multiforme. La poésie, pour peu qu'on en restitue le sens
véritahle, qui est vigilance des mots, est hospitalité. Elle est à distance de la folie meurtrière qui sépare
Ics hommes. Elle est une expérience du monde dont l'oubli correspond à la mort. Notre époque de crise
a hesoin d'une parole poétique revivifiée pour ne pas succomber à une conception étriquée de l'être qui
menace les rapports des hommes entre eux .
.\\fols-clés : poésie. parole. langage. violence. altérilé. vivre-ensemhle.
ABSTRACT
ln contact with poetry, philosophy discovers words ofthe pure presence as a poetic stake of the community
against multiform violence. When its true meaning is restitued, poetry is an awareness of words. is
hospitality. It is tàr from the murderous madness which separates human beings. It is an experience of
the world and forgetting it leads to death. Our era of crises needs a revivified poetic speech in order not
to succumb to a biased conception of being. which threatens the relationships among beings.
Ker-mmls: floelry..\\peech. language. violence. olherness. living logelher.
essence: nous faire exister ensemble dans le monde.
INTRODUCTION
Heidegger fait remarquer dans Qu 'esl-ce que
penser? que la dégradation du langage est l'indice
Une société se déchire toujours par le même hout :
le plus sûr de la réification de la société. L'horizon
l'usage de la parole. S'il est légitime de supposer
du problème qui guide le questionnement du présent
que. pour l'essentiel, la parole procède de l'état de
texte s'énonce comme suit: la nécessité d'une
paix, il est puéril de croire que l'on peut opposer
poétique ne naît-elle pas d'une déshérence du sens
sans plus la parole et la violence. S'il est un lieu où
qui réduit les mots à n'être que les enveloppes vides
la violence peut, aussi, se manifester pour le pire.
du bavardage, des slogans aveugles de la rhétorique
c'cst la parole. Tout se passe, alors, comme s'il n'y
politique? Si le mot est le tracé sonore qui fait
avait plus de parole capable de renouer avec son
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Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
naître, être et devenir les choses, ne faut-il pas en
humanisme moral aveugle aux conditions véritables
conclure que l'indigence de ses usages, dans une
d'une démocratie. Hobbes est pris dans la tension
société, est déjà signe d'une crise ontologique?
d'une défense de droits de l'homme, dont il est un
Telle est l'ultime question préparée ..... les
des initiateurs, et -la nécessité impérieuse de
annotations sur la structure de renvoi entre la parole
promouvoir une société muette.
et l'écoute puisque la poésie nous apprend, à la fois,
à parler et à écouter. Une société rentre en crise
Une fois fondé l'Etat, il n'existe aucun pouvoir qui
lorsqu'elle franchit le seuil à partir duquel la force
ne fasse du contrôle et de la maîtrise de la parole
d'appellation, qui est poésie en son essence, de la
une des conditions de sa propre existence et de celle
langue et des mots est remise en cause, et où tout
de la communauté politique dont il assure le
son réseau de significations se trouve fragilisé. La
commandement. Toute tentative pour faire
parole se disloque parce qu'elle devient cette
participer, par la parole libre, les individus et les
violence vociférante qui annonce le tonnerre des
groupes sociaux au processus de légitimisation du
armes. Ce que l'état de guerre aiguise sans créer,
pouvoir est soit un leurr,e savamment entretenu par
c'est la fragmentation des codes et l'éclatement des
le Léviathan, soit un moment dangereux pour la
mots qui deviennent singuliers et violents. La
paix. La démocratie n'échappe pas à cette contrainte
première question qui oriente le texte est la
ontologique. La démocratie, en effet, est la
suivante: qu'advient-il lorsque les formes poétiques
reconnaissance de l'autre par le médium de la
d'une société s'assèchent? Ne se produit-il pas le
parole. La violence verbale, l'appel au meurtre, à la
mauvais infini de la liberté de la parole qui devient
violence ne font pas partie de ses ..... ·principes
dangereuse, batailleuse, stigmasatrice, unilatérale,
fondamentaux. Elle n'est
donc pas l'espace
violente? Mais cette posture de la parole appelle
d'expression de n'importe quelle parole. Aimer la
une deuxième question: ne doit-on pas la reconduire
démocratie, c'est prendre acte de cette vérité
à son essence qui est écoute? Heidegger n'a-t-il
démocratique.
pas raison lorsqu'il fait valoir que parler, c'est
écouter; écouter, c'est parler? Le noyau conceptuel
On peut ne pas suivre Hobbes dans la logique
de ce texte souligne, par suite, que la parole
« totalitaire» du Léviathan, mais on est obligé de
dialogique n'existe que dynamiquement produite et
reconnaître la force des prémisses de son
entretenue par la poésie qui est la source intarissable
raisonnement quand on prend en compte la crise de
des mots.
nombreuses sociétés africaines. L'associalité que
nous vivons ne naît pas de la guerre. Elle a son lieu
I. LA PAROLE DANGEREUSE
d'émergence dans la parole détraquée des médias,
des églises, des mosquées, des universités qui ont
Hobbes n'a eu de cesse, lui qui a médité sur les
cessé d'être des espaces d'émancipation pour
guerres de religions du XVIIe siècle européen, de
devenir le lieu d'adversité radicale.2
montrer que les hommes se servent des mots « pour
se blesser les uns les autres »1 . Pour comprendre
Il est clair que cette contrainte d'imposer le silence
cette parole devenue dangereuse, il faut toujours
aux passions politiques, pour principielle qu'elle
partir de ce qui paraît constituer le talon d'Achille
soit, n'en est pas moins historique. Elle est fonction
de la philosophie politique de Hobbes: la nécessité
des époques et des sociétés. On appelle
de dessaisir les individus et les groupes sociaux du
démocratiques les sociétés qui ont réussi à baisser
libre usage de la parole. Il n'existe nulle part chez
le niveau de cette contrainte au profit de l'expression
Hobbes les prémisses théoriques conduisant à la
plurielle des opinions, rendue possible par
formation démocratique de l'opinion et de la libre
l'existence d'une société civile dynamique mais
expression concourant à la formation d'un droit
dont
l' auto limitation
est
synonyme
de
dialogique. Bien au contraire. Ce qu'on voit dans
responsabilité.3 Habermas a raison de soulign'.:r
cette philosophie, c'est une vérité dérangeante selon
fortement, dans ses Ecrits politiques, les raisons
laquelle, on ne saurait succomber aux illusions d'un
pour lesquelles le projet hobbesien d'une société
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silencieuse était voué à l'échec, puisqu'aucune
II. LA POESIE COMME EXPERIENCE DE
police, ne peut faire taire les citoyens. Contrairement
L'ECOUTE
à ce que pense Hobbes, les risques de guerre sont
levés lorsque les citoyens participent à la formation
Il existe un courant de la philosophie antique qui
de l'opinion et du droit.
donne la primauté à l'écoute sur le regard comme
si celui-ci ne pouvait éviter les pièges de
Mais on comprend aussi que la police de la parole
l'apparence. Ce courant, représenté par les
de Hobbes et l'espace public dialogique de
Présocratiques, n'a pus croître que dans une
Habermas ne suffisent pas seuls à désactiver la
antiquité où l'oralité avait encore sa place, et où
parole dangereuse. Il faut en plus la paideia de
l'enseignement était oral. Ce qui est intéressant à
l'écoute poétique. Pourquoi cette nécessité?
observer, c'est que les Pythagoriciens imposaient
L'homme n'est un animal naturellement politique
le silence à leurs disciples, derrière un rideau,
pas plus qu'il n'est un être naturellement parlant
pendant des années. Ceux-ci n'avaient qu'un seul
bien que ce soit ce qui le caractérise en propre. Cela
droit: écouter. En fait, il s'agissait de mûrir à soi
veut dire qu'il apprend à parler par la médiation
en se dépouillant de l'impureté des mots galvaudés.
des institutions que sont la famille, l'école, etc. La
Il y a là une posture quasi poétique: on n'est bon à
poésie est la mesure de la parole quotidienne qui
rien si on ne sait pas écouter. L'apprentissage des
n'est pas à elle-même sa propre mesure. Toute
choses, des autres, de soi-même passe par l'écoute.
société développe des mécanismes de contrainte de
la parole. Mais le plus important, c'est qu'elle
Dans le courant des Présocratiques, Héraclite
dispose d'abord d'un « capital poétique» qui n'est
incarne celui qui donne à l'écoute un statut
pas l'ensemble des règles techniques qui permettent
véritablement philosophique. Il est dit au fragment
d'utiliser le langage. En plus de ces règles,
50: « A l'écoute du logos et non de moi-même, il
syntagmatiques et sémantiques, il y a la force de
est sage de reconnaître que Tout est Un I ».
création ou d'évocation qui trace les frontières de
Premièrement, il est clair qu'écouter n'a pas de
l'institution imaginaire de la société.4 Cette dernière
rapport avec entendre la sonorité des mots qui vient
est l'institution des valeurs imaginaires, des normes,
frapper nos oreilles. Ecouter n'est pas, en son fond,
des valeurs, des mythes, des représentations de soi,
une affaire d'ouïe. Deuxièmement, il y a un
que partagent les membres d'une même société.
apprentissage de l'écoute que seule la poésie permet.
Dans les sociétés traditionnelles, on s'occupe en
On préfère mille fois parler que d'écouter comme
premier de ce captial : accès à la parole, sa
s'il fallait se répandre à l'extérieur de soi. Si l'oreille
distribution, sa capacité à accepter l'altérité.
mène à nous, le regard nous porte au dehors de nous.
Bourdieu fait remarquer que ce capital est un
L'écoute est receuillement, posture appropriée qui
ensemble de « principes de vison et de division
nous dispose à la sagesse. Etre sage (Sophos), c'est
communs» qui sont comme les cadres sociaux de
être dans la posture qui rend possible l'ajointement
la parole, et qui peuvent être détruits, s'affaiblir,
à ce qui se déploie comme la présence même. Si on
être l'objet d'enjeux politiques considérables dans
écoute, si on est tout ouï, alors la vérité se donne à
les sociétés multiculturelles. Ce n'est pas pour rien
nous: le processus d'éclaircissement du monde est
que la construction de l'identité nationale a toujours
un processus de rassemblement de ce qui est épars.
supposé un tel capital symbol~queS que toute société
doit produire et entretenir. Ca.; répétons-le, il peut
1 Hobbes, Le Léviathan, Editions Sirey, 1971, p.29.
être détruit. Dans ce cas, les membres de la
2 A. Einstein /s. Freud, Pourquoi la guerre? Paris, les Editions Rivage,
2005. Einstein et Freud y établissent, de façon convaincante, que la conta-
communauté politique ne parlent pas de la même
mination démagogique de ces espaces d'expression symbolique de
l'homme constitue la raison première de la guerre.
chose, n'entendent pas les mêmes choes sous les
'Cf. Habermas, Droit et Démocratie, Paris, Gallimard, 1997, p. 355 et
mêmes mots. Progressivement, la parole est alors
suivantes.
• Cf. C. Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, Paris, Le
colonisée par la violence. On ne se parle plus, on
Seuil, 1975.
l Ce que Bourdieu appelle le capital symbolique, ce sont des catégories ou
vocifère. On ne s'entend plus parce qu'on entend
des (( lunettes Il qui pennettent de lire et d'agir dans la vie sociale avec les
ce qu'on fait dire à l'autre qu'on n'écoute plus.
autres. Ces catégories permettent de savoir ce qu'il faut faire ou éviter.
C'est un ensemble de règles. On appelera Capital poétique le transcendan-
tal commun linguistique qui permet de mesurer l'usage des mots.
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Le logos qui est au principe de ce processus est re-
à l'inflation de soi quand elle ne rencontre que soi,
collection de la multiplicité que le devenir produit
c'est-à-dire ses propres raisons. En cela, elle est la
comme
sa
nécessité
intrinsèque2 • Cette
retenue qu'oblige le silence. L'apparente modestie
ontologisation du logos, nous éloigne du sens
de l'écoute ne doit pas tromper. C'est toujours en
habituel de leigen. Du coup, elle induit une
voix propre que l'hospitalité se donne: je t'écoute
acception nouvelle de l'écoute.
J'accueille l'autre au lieu de ma parole, non paf
quand je pratique l'impossible êpochè de mes
La poésie est l'expérience de l' écoute3 • Dans
particularités mais seulement lorsque je laisse se
Qu 'appelle-t-on Penser? Heidegger revient sur la
déployer l'altérité de son discours.
question de la parole dans ce qu'elle a de
véritablement originaire. Il met au cœur de cette
L'interlocution suppose donc la dimension
question l'écoute comme si parler et écouter
souterraine de l'écoute qui n'est pas seulement
s'impliquaient mutuellement4 • Ce que Haidegger
écoute de ce qui est dit par l'autre. Ecouter l'autre,
appelle écouter est une forme de déssaisissement
c'est aller à « ce qui l'appelle, le requiert, le menace
qui suspend d'abord la compréhension et
ou l' atterre9 », autrement dit à ce qui transit sa
l'incompréhension de l'immédiateté du Dit.
parole, la plie, lui imprime une torsion au bord de
Ecouter, c'est s'ouvrir à « la voix muette de ce qui
me la rendre étrangère: « Quand j'écoute vraiment
est dit »s .
avec l'autre ce que lui-même, en parlant, écoute ou
a écouté, alors c'est vraiment lui que j'écoute »10.
La poésie est la parole de l'inouï, de ce qui ne se
donne qu'en se voilant, de ce qui ne se donne à
Mais cette position idéale de l'interiocution semble
entendre que si nous nous sommes dépris de la
ignorer superbement le régime quotidien de la
réification du langage. Ecouter signifie accueillir,
dispute et du différend aussi bien dans les familles
écouter veut dire hospitalité, celle que nous offrons
que dans la cité elle-même. La mésentente est
à défaut d'un toit6 • Le philosophe dit avec justesse
première!! . Elle est au cœur dela parole et de
que la première des hospitalités, celle qui les fonde
l'écoute. Il n'y a aucune écoute emphatique capable
toutes est l'écoute: « car amer est le pain qu'on
de la surmonter. La tâche titanesque de se mettre à
mange sans que la parole ait été partagée, durs et
la place de l'autre ne peut être que morale. Ce qui
lourds d'insomnie sont les lits où l'on se couche
existe, et qui oblige les hommes à entendre à moitié
sans que notre fatigue ait été accueillie et
les raisons de l'autre, c'est une tradition de la
respectée >/ .
communauté de la parole avec ses jeux de langage,
une police des mots et de leurs usages, une poétique
Heidegger marque cette posture essentielle
qui rend difficile le devenir vulgaire du langage.
« L'homme parle pour autant qu'il répond à la
Hobbes, qui ne s'en laissait pas compter, rappelait
parole. Répondre, c'est être à l'écouteS ». IL faut
opportunément que les désordres d'une société sont
retourner l'antique sagesse d'Aristote lors qu'il dit
à l'image de ses bruits.
que l'homme est un être parlant, donc un animal
politique. La communauté du bien et du juste,
Il existe dans toutes les sociétés des mécanismes
comme condition structurant de la communauté
répressifs qui ont pour fonction de poser des limites
politique, n'est possible que si, en même temps,
à ce qui peut être dit: diffamations, insultes, etc. Il
l'homme est un être « écoutant» qui sait accueillir
ne s'agit nullement de la censure. Il y a des langues
l'autre jusque dans la divergence et la mésentente.
qui autorisent l'usage familier de mots crus, dans
lesquelles, il n'existe aucun mot pour arrêter
Dans l'écoute, il y a de la distance, de la réserve, de
quelqu'un qui parle, au seul motif qu'il parle. Cette
l'humilité aussi. Dans la dialectique de celui qui
absence fait partie du style de cette langue. Mais
écoute pour parler et qui parle pour écouter, l'écoute
ces mécanismes peuvent cesser d'être opérants dans
tient lieu de la synthèse passive, de la décélération,
les moments de crise. Plus rien ne mesure alors les
de la modération de la parole naturellement portée
usages politiques de la parole. Pourquoi? Parce que
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Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2ème Semestre)

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ces mécanismes sont mis au service des stratégies
Il existe chez lui une co-naturalité de la question de
politiques de conquête du pouvoir, instrumentalisés,
l'être et de celle du langage : la parole est« la maison
privatisés. Cette neutralisation est démultipliée,
de l'être »2. L'homme est un être parlant. Ce mot
dans certaines configurations historiques, lorsque
parlant, signifie ici : amener à sa propriété à partir
les sociétés ne sont plus productrices d'idées, de
du parlé de la parole. Ce qui est ainsi approprié,
l'être humain, est porté par la parole en son propre;
mots, de narrations comme réseaux symboliques qui
son propre est de rester en propre confié au
permettent de nous orienterl2 .
déploiement de la parole »3 . Heidegger écarte, du
revers de la main, la parole réifiée et inauthentique
III. LA POESIE POUR SAUVER LA
pratiquée sous les auspices du On. Ce qu'il
SOCIETE?
recherche, c'est le « purement parlé» de la parole.
La poésie est un rapport au langage, un rapport aux
Avant le Tournant (Kehre) du soliloque de l'Etre
mots qui nomment, hors contexte, une chose. La
avec lui-même, Heidegger concevait le Dasein
co-appartenance du mot et de la chose n'est pas aisée
comme cet être parlant ouvert à l'Etre en même
à entendre: «Dire et être, mot et chose
temps qu'il était un Mit-sein, c'est-à-dire un« être-
appartiennent l'un à l'autre sur un mode voilé, à
avec ». Il n'y a pas de communauté humaine sans
peine repensé et impossible à épuiser par aucune
la parole qui en tisse les fibres ontologiques. La
penséel ». Dès Sein und Zeit, Heidegger fait de
poésie qui est pure expression de cette communauté,
l'écoute un élément constituf de l'existentiel qu'est
pour autant qu'elle dit la pleine présence, en nourrit
le Discours (die Rede) impossible à réduire à la
la résonnance.
sphère de la vision.
Au lieu d'une conceptualisation de la chose, la
1 Héraclite, Fragments, trad. A. Jeannière, Paris, Aubier, p. 106.
2 Chez Héraclite, le processus du devenir du monde cst langage comme re-
poésie porte sur la relation directe, sans concept,
collection du multiple. Le poète dans la Grèce ancienne est celui qui, comme
Homère, rassemble les mots pour en faire un séma, un signe de vie, parce
que le mot entretient avec les êtres. Le travail de la
qu'il rassemble les éléments épars de la vie du héros. Le langage de ce ras-
semblement vaut renaissance. En ce sens, le logos est recueil, re-collection,
poésie est à la fois a-conceptuel et processus de
lein. La poésie cst une affaire de conjonction de ce qui est différent.
distanciation qui dépouille le langage de ses images
; Henri Meschonic, Célébration de la poésie, Lagrasse, Editions Verdier,
2001.
fausses, parce que faussement évidentes, de tout ce
4 Heidegger, Qu 'appelle-t-on Penser? Paris, PUF, 1959, p.140 et suivantes.
, Idem, p. 142.
qu'il charrie comme surcharges insignifiantes. L'être
• Sur cette thématique, voir Jean Louis chrétien, L'Arch!! de la parole, PUF,
nommé par la poésie apparaît dans sa nudité
1998, p.l3.
, Idem, p.13. Heidegger écrit que l'écoute est « l'accueil apaisé de la
ontologique en revêtant une qualité d'absolu que le
bienveillance» ; cf. Acheminement vers la parole, trad. J. Baufret, W.
Brokmeir, F. Fedier, Paris, Gallimard, Col. Tel Quel, 198J, p. 63.
langage ordinaire ne peut rendre. « Ce plein de
• M. Heidegger, Acheminement vers la parole, op. cit., p. 36.
l'être» dont témoignent les poètes tels que Yves
• J-L. Chrétien, op. cit., p.15.
'" J-L. Chrétien, idcm, p.15.
Bonnefoy, est ce qui fait le caractère essentiel de la
II J. Rancière, La mésentente, Paris, Les Editions, Galilée, 1995.
"La crise ivoirienne résulte, elle aussi, d'une lente dégradation de son capi-
poésie. Heidegger a une formule pour exprimer
tal poétique. Autrefois, il y a si longtemps, on se laissait tenter par la Griotique
cela: «Le parler à l'état pur est le poème ». La
comme si elle pouvait accroltre l'âme. Cette expérimentation supportait
J'échec d'une tentative. La théâtralisation poétique du Didiga, « art de mal·
pratique ordinaire du langage à partir du désir et de
triser la parole en général », qui aimantait l'espace culturel dans ces années
l'intérêt seuls conduit aux perversions du langage.
80 embrassait l'imagination contre une raison politique dont la logique n'était
pas évidente. Partout, la parole faisait l'objet d'attention. On ne voulait en
Pour comprendre cela, il faut avoir à l'esprit la
confier le soin qu'aux personnes qui en avaient souci. Par un drôle de re-
tournement, cette poétique a déserté notre monde. La poétique ivoirienne a
manière dont de simples mots se transforment en
été marginalisée ainsi que les arts plastiques. Cette situation n'est pas indif-
embrayeurs de passions parce qu'ils sont devenus
férente. Le philosophe ivoirien Yacouba Konaté dit l'essentiel dans son livre
consacré au sculpteur Christian Lattier. La Côte d'Ivoire dela réussite éco-
eux-mêmes aveugles. Si la poésie a à voir avec la
nomique, qui avait pourtant compris qu'une société avait besoin des arts
comme des cristaux de ses vraies valeurs, préféra se mirer dans les baies des
liberté, c'est au sens où elle permet d'affranchir les
gratte-ciel d'Abidjan, symbole de sa nouvelle puissance. La place fut àban-
mots de la sclérose d'un langage désormais convenu
donnée à la parole politique qu'on n'ajamais vu construire un monde. Pour-
tant Heidegger avait prévenu avec vérité: « Aucune chose n'est, là où faillit
ou devenu barbare.
le mot ».Aucune existence ne dure si elle ne repose pas sur un support éthi-
que et esthétique; cf. Naingoran Porquet, Mariam et griots-poèmes, Paris,
Editions Oswald, 1978. Zadi zahourou, « Le Didiga des chasseurs hété de
La poésie a un caractère existentiel et ontologique.
Côte d'Ivoire» in Notre Librairie, N°I02,juillet-aoQt, 1990. Sur l'histoire
de la poésie ivoirienne, cf. Celestin Dja Dadié, « Le statut de la parole poé-
Sa possibilité même réside dans la déhiscence entre
tique dans le contexte ivoirien », in Regards sur la littérature de Côte d'/volre,
Rome, Bulzoni, Editore, 1999; Y. Konaté, Christian Lattier. Le sculpteur
aux mains nues, Saint-Maure, Sépia Editions, 1993.
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_
poésie permet de dire le sens paradoxal de notre
la sonorité et le sens qui forment le mot puisqu'elle
présence au monde en mesurant à chaque fois sa
est la trace de l'ineffable qui réside tout en entier
signification.
dans son faisant vibrer l'âme. La poésie est le travail
continu pour creuser cette sonorité porteuse de sens
On comprend que l'homme n'advient à lui-même
qui nous maintient en éveil.
et ne survit qu'au lieu de la parole: « Aucun geste
de protection ne pourrait prendre en charge le
La poésie nomme. Or nommer, c'est rendre plus
moindre être si ce dernier n'avait déjà été recueilli
proche les êtres, les choses et le divin. Seul l'usure
par la parole »4. Cette remarque du philosophe Jean-
des mots et leur instrumentalisation intéressée nous
Louis Chrétien donne à penser. C'est lorsque la
éloignent les uns des autres. Son adversaire le plus
parole pervertie a dénudé un être qu'il est, d'abord,
sérieux n'est pas le savoir conceptuel qui ne se
menacé par la possibilité de la déchéance et de la
refuse nullement à ses limites mais bien plutôt
mort. Toutes les entreprises « génocidaires » ont, en
l'irrationnelisme. Lorsque la penseur tient la parole
premier, pour but d'expulser l'homme de l'habitat
pour l'habitat de l'homme, il faut comprendre cela
du langage pour le destiner au non-sens. Ensuite,
de la manière suivante: le langage permet
on peut le tuer5 • La parole comme hospitalité,
d'aménager des espaces pour des formes
comme protection de l'humain, voilà qui n'est pas
d'existence. La poésie est multiplication des lieux
évident au premier abord. Cette vérité presque
d'accueil de la vie. C'est pourquoi il faut toujours
incroyable ne nous apparaît dans son éclatante
mettre en rapport la dégénérescence du langage et
évidence
qu'au
regard
des
violences
la déstructuration du vivre-ensemble.
« génocidaires » dont le premier mouvement est de
défaire cet abri d'où l'humanité de l'homme se
La poésie sert à mesurer les mots, parce qu'elle est
déploie.
la mémoire de la plénitude des êtres et des choses.
Nommer, c'est prendre en charge, accueillir,
Elle n'est pas la recherche de l'expérience sauvage,
protéger. Il n'y a pas d'humanité sans langage. Cela,
qui aurait rompu les amarres avec les couches de
les « les génocidaires » l'ont bien compris, à leur
sens de l'expérience conceptuelle. Sa distance ne
manière, en pervertissant les mots. Au lieu de
signifie pas que congé soit donné à l' Etre. Séjourner
nommer l'homme, ils le réduisent au cafard qu'il
dans la parole, en faire l'expérience ne signifie pas
n'a jamais été: le reste est à l'avenant avec les
défaire l'édifice que la langue a bâti avec toutes
conséquences qu'on sait. La violence symbolique
sortes de matériaux aussi bien symboliques que
des discours génocidaires des entrepreneurs
conceptuels mais « porter à la parole la parole en
identitaires a toujours précédé la mort des autres.
tant que parole.»
La mort ne vient qu'à l'homme diminué, dépouillé
des sens multiples qui le constituent au point que la
L'inouï de la poésie: l'homme habite poétiquement.
parole ne le protège plus. Ainsi, les crises qui ont
Holderlin nouait ainsi existence et poésie. Heidegger
anéanti, partout les communautés politiques ont été
qui médita longtemps la parole inespérée du poète
précédées de paroles de guerre visant à lever les
conclut que la poésie est la condition du séjour
tabous sociaux. C'est sur les décombres du capital
authentique. Le Dasein habite la clairière du langage
poétique de la société que pullulent alors les formes
et de l'Etre à partir de laquelle prend sens son rapport
discursives belligènes qui formeront « le discours
à la mort, au sacré, au ciel, à la terre. Ce que le
de la guerre» : musique, roman, émissions radios
poète et le philosophe disent obscurément mais
et télévisées, les prêches, les fascicules, les
fondamentalement, c'est qu'il n'y a pas d'espace
plaisanteries, la prolifération des préjugés.
de vie sans la parole qui en aménage la possibilité.
Où habitons-nous? Dans la cité mais encore dans
Hobbes a rappelé que « l'état de guerre» est instauré
le monde. A chaque fois, il nous a fallu un magma
par le travail d'inversion des fonctions régulatrices
de significations pour construire et instituer un
et de sublimation du langage.) L'autisme des
monde: mythe, philosophie, sciences, sacré, poésie.
groupes sociaux, qui s'enferment dans le monologue
Si l'homme habite en poète, c'est au sens où la
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de leurs propres raisons d'être, s'explique par le fait
1) Sa réification politique, 2) Sa colonisation par
que la communauté de la parole est brisée. La
son pire antonyme: le préjugé communautaire. 3)
pluralité des langues ne fait que faciliter la re-
Son abandon sans soins nécessaires à son maintien.
territorialisation sur l'ethnie. Cette pluralité, en elle-
Heidegger expliquait comment le sens en venait à
même n'est pas en cause. La crise correspond à une
déserter le monde de la façon suivante: «Les
absence de langage commun pour fonder le
paroles sont des sources que le dire creuse
consensus social ou dépasser les différends. Eric
davantage, des sources qu'il faut toujours de
Weil avait attiré l'attention sur les effets destructeurs
nouveau trouver, de nouveau creuser, qui
du processus de particularisation de la parole
s'embourbent facilement, mais qui de temps en
émancipée de tout principe commun, et dont la
temps jaillissent à l'improviste. Sans un retour
logique exclut la possibilité même d'autres discours,
continuel aux sources, les seaux et les tonneaux
et surtout implique la suppression des hommes qui
demeurent vides, ou leur contenu demeure
parlent autrement.2
éventé3 ». Le besoin de poésie naît justement de
cette possibilité de réification du langage aux
La fondation de la parole, comme il est dit dans
conséquences insidieuses. Lévinas, dans un sens
Approche de Ho1derlin de Heidegger, passe par la
différent de celui de Heidegger, en avait perçu les
nécessaire distanciation d'avec un monde dominé
risques pour militer pour une poétique de l'écoute,
par la technique comme s'il s'agissait de résister
comme « déchirure dans le monde », permettant
dans ces temps de détresse, de lutter contre le
d'entendre la voix de l'homme qui souffre dont
rétrécissement du monde désormais réduit au calcul
l' habitation est saccagée de jour en jout.
et à la technique. Habiter en poète signifie aussi
bien réinventer un monde qui ne soit pas un fonds
L'image la plus effrayante de ce désastre: des
disponible pour la technique. Le Dasein trouve dans
hommes partent avec des tôles, des briques, des
la poésie le courage de vivre. «Pourquoi des
matériaux de toutes sortes sur la tête pour espérer
poètes ? » La réponse de Heidegger est claire : faire
s'installer ailleurs, là où les misères de la guerre
entendre la « parole silencieuse» de l'Etre en vue
leur auront laissé un répit. Des villages entiers, des
d'échapper aux sortilèges de la métaphysique.
villes disparaissent dans les trous noirs de la
violence d'autres hommes. Les camps de réfugiés
Cette constellation critique renvoie à une expérience
sont un autre symbole de cette errance. Ce qui est
historiale de l'Etre difficile à reconduire en Afrique
en cause, c'est le séjour de l'homme comme« être-
bien que cette dernière ne puisse s'excepter de
ensemble ». La« demeure de la fraternité» a cessé
l'arraisonnement de la technique. La nécessaire
de venir à la parole pour être instituée. Ce n'est pas
réhabilitation de la poésie en Afrique ne doit rien à
pour rien que Paul Ricoeur a mis en avant le
l'oubli de l'être. Ce n'est pas la question de la
potentiel de la narration qui ne délaisse ni l'éthique
technique, en premier, qui fait problème mais bien
ni la politique puisqu'elle prend en compte le vaste
la question du politique comme appauvrissement
« domaine où l'homme est d'abord un être social
du sens. Tel était le fil d'Ariane du présent texte. Si
agissant et souffrantS ». On ne peut pas dire que
l'on peut parler d'un temps de détresse ici, c'est au
l'homme habite en poète et le considérer comme
sens où la politique ouvre les voies du devenir néant
« apolis ». La vie dans la cité n'a rien
de l'homme. Au lieu que les mots disent, comme
d'inauthentique. Il faut repenser les formes
condition du politique, qui est l'ami et l'ennemi dans
quotidiennes de l'habitation et de la coexistence.
cette dialectique de la radicalité politique dont Carl
Car après tout, pour l'homme, habiter le monde
Schmitt est devenu le chantre, ils tranchent,
signifie d'abord vivre dans une société, naître à soi
séparent, excluent au risque de l'effondrement de
par l'institution du langage. De ce point de vue, la
la communauté politique.
catégorie de l'appartenance s'avère décisive (être-
au-monde). Nous n'habitons pas seul le monde:
Ce phénomène est difficile à expliquer. On peut faire
c'est à plusieurs que nous habitons la terre et la
l'hypothèse d'une lente dégradation de la parole:
langue. Jean Louis Chrétien exprime cette idée avec
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clarté: « parler, c'est d'abord dire, articuler un sens
prise de la qualité absolue mais aussi de la différence
selon lequel nous pouvons vivre ensemble dans le
de l'Autre, cette reconnaissance de son droit à parler,
monde »6
à décider, c'est ce qui permet pleinement de
concevoir l'idée de démocratie, c'est même
Lorsque la totalité sociale en vient à être brisée par
l'énergie, la source de vigueur qui peuvent assurer
la guerre, l'homme devient une pure contingence,
à cette pensée de se faire réalité, avec comme
livrée à l'errance, sans toit, sans village, sans ville,
conséquence la circulation libre du vrai [... ]. La
sans pays, et d'abord sans l'habitat de la langue.
poésie vécue comme poésie, c'est le désir et l'agent
Tous ceux qui ont vécu une guerre civile en Afrique
de l'instauration de la démocratie, qui peut sauver
savent qu'elle ne commence véritablement que dans
le monde»2
le silence de la parole lorsque parler peut être un
danger de mort.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CONCLUSION
1. BINDEDOU, (l), 2004. La problématique de la
parole: perspective de la communication
Il suffit que la poésie scrute « les milles ténèbres
dans la théorie politique de Thomas Hobbes,
des discours meurtriers» (Paul Ceylan) pour rendre
Thèse, Université de Bouaké.
à l'homme ses capacités d'émotion: être touché par
ce qui arrive. Le pire réside en ceci que l'action
2, BIDIMA, (J. G.), 1997. La palabre. Une
sociale est devenue de plus en plus adiaphorique,
juridiction de la parole, Paris, Editions Michalon.
sans support éthique: rien n'est bien, rien n'est mal,
tout est bon pour survivre. Nous restons indifférents
3. BOA THIEMELE (R. L.), 2003. L 'ivoirité entre
à tout ce qui arrive. Nous ne sommes responsables
culture et politique, Pairs, L'Harmattan.
de rien, certainement pas de l' autre 1 • La suspension
de l'adiaphorisation de la parole la déleste des
4. BONNEFOY, (Y), 1999. Lieux et destins de
préjugés, pour nous rendre apte à une nouvelle
l'image. Cours du Collège de France, Paris,
socialité dans laquelle se découvre la fragilité de la
Seuil.
vie et le besoin de vivre ensemble. Précisément, la
poésie est écoute de la voix de l'homme qui souffre
5. BONNEFOY, (Y.), 2002. Sous l 'horizon du
parce qu'au fond de la parole gît la possibilité de
langage et remarques sur le regard, Paris,
l'avènement de l'altérité. L'accueil de l'autre en
Caleman-Levy.
porte le témoignage, comme nous l'avons vu.
6. CALAME-GRIAULE, (G), 1965. La parole chez
La poésie fait venir à la pleine présence les êtres
les Dogons, Paris, Gallimard.
qu'elle empêche de sacrifier à leurs caricatures
puisqu'ils sont là par les mots qui font accueil à
7. CHRETIEN, (J. L.), 1998. L'Arche de la parole,
leur droit à être. En ce sens, elle redonne la vie contre
Paris, PUE
les usages ustensilaires ou politiques des mots. Ce
texte a essayé de l'établir. Nous avons vu que la
8. COLLOT, (M.), 1989. La poésie moderne et la
dogmatisation des mots valait éclatement de la
structure d 'horizon, Pairs, PUE
société, qu'elle signifiait guerre et destruction. Le
poète dit encore à la suite: « Car cette conscience
9. FRANCIS, (J.), 1985. L'espace logique de
l'interlocution, Paris, PUE
1 Philippe Braud, « Violence symbolique, violence physique: éléments de
problématisation Il in Jean Hannoyer (dir.), Guerres civiles. Economies de
la violence, dimension de la civilité,
PairslBeyrouth, KarthalalCercom, 1999,
10. HEIDEGGER, (M.), 1959. Qu'appelle-t-on
p.40.
2 Eric Weil, Logique de la philosophie, Paris, Vrin, 1967, p.57.
penser? trad. Aloys Becker et Gérard
Granel,
3 Heidegger, Qu'appelle-t-onpenser? op. cit., p. 142.
• E. féron, « Le temps de la parole
Paris, Gallimard.
Il, in Exercices de la patience, Paris,
Obsidiane, 1980, p. 19-32.
3 Jean Claude Pinson, Habiter en poète, Paris, Champ Vallon, 1995, p. 78.
(. Jean Louis Chrétien, op. cit., p. 15.
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15. RANCIERE, (J.), 1995. La mésentente, Paris,
1999. Regards sur la littérature de Côte d'Ivoire,
Les Editions Galilée.
Rome, Bulzoni Eidtore.
13. Pinson, (1. C.), 1995. Habiter en poète. Essai
sur la poésie contemporaine, Paris,
Champ
Vallon.
1 Sur cette question, voir Zygmunt Bauman, Modernité et H%causte,
Paris, Editions de La Fabrique, Paris, 2002, pp. 266-267.
l Le monde de / 'éducation, septembre 1999, p. 20.
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