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1
'1
,
CONTRIBUTION A UNE ANALYSE LINGUISTIQUE
DES TRACES D'OPERATIONS ENONCIATIVES
PRAGMATIQUES: CAS DE" BE+ING" DANS
L'ENONCE JOURNALISTIQUE ANGLAIS.
1
Amané Clément DA GO
. .
Ulllversite (le Cocody
Département d'Anglais
Abidjan-Côte d'Ivoire
ln the tiwuework of«metaoperational» grammar. the operator BE+ING is a mark ofan «enonciative» operation
: through which the speaker shows himsel fin his utterance. From this viewpoint, we will study how it functions
! in journalistic discours. By means ofsome utterances that have been studied, this article shows that in spite of
the required ethical principle ofobjectivity, some journalists happen to use BE+ING as adiscourse strategy of
persuasion. In view of the presupposing aspect, BE+ING is used on purpose by the speaker who airns at
trapping the joint speaker, holdinghim out a structure ofphase 2 that can not be put into question. Then, the
present simple structure which merely gives information, is the phase 1structure which is already taken for
granted. The reader will understand that the speaker is not giving information when using the operator BE+ING
1 What he does is nothing but putting the joint speaker in a position of a witness in order to make himjoint-
responsible for the validation of the predicative relation. He stires up his joint speaker's commitment and
1
1
i agreement through this meta operatorwhich assumes an «illocutory» value. This «illocutOlY» value which requires
i a reaction ofthe joint speaker constitutes the discourse device in keeping with the pragmatic dimension of
language.
1
,
1
Keywords:
Metaoperational grammar. pragmatic,homeostatic structure,
discours dèvice, persuasive argument, phase 1, phase 2, métaopérateur.
RÉSUMÉ
Dm1s la perspective de la gran1maire méta-opérationnelle, l'opérateur BE+ING est la marque d'une
opération énonciative. Il constitUé une marque de subjectivité de l'énonciateur dans son énoncé. Dans cette
optique. l'on peut s'interroger sur son mode de fonctionnement dans les discours journalistiques. Cet article
révèle au travers des énoncés analysés que des journalistes, en dépit du principe déontologique d'objectivité
qui leur est requis, font usage de BE+ING en tant que stratégie discursive de persuasion. Vu comme une
unité linguistique présupposante. BE+ING est employé à dessein par l'énonciateur, qui vise à piéger le co-
énonciateur en lui présentant une structure de phase 2 qui ne peut être remise en cause. Là, le présent simple
qui ne fait qu" informer constitue la structure de phase 1 considérée comme préalablement acquise. Le
1
1
L
Revue du CAM ES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
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lecteur comprendra qu'en employant le BE+ING, 1.'énonciateur n'infonne pas. Il met plutôt le co- énonciateur
dans une position de témoin dans le but de faire de lui un coresponsable de la validation de la relation
prédicative. Il attise l'engagement et l'adhésion du co-énonciateur au travers de cet opérateur qui revêt un
caractère illocutoire. C'est cette valeur illocutoire exigeant une réaction de la part du co-énonciateur qui
constitue la stratégie discursive s'inscrivant dans la dimension pragmatique du langage.
Mot~ clés: Grammaire méta-opérationnelle, pragmatique, structure
homéostatique, stratégie discursive, argumentation persuasive, phase 1, phase 2,
méta-opérateur.
1. LA LINGUISTIQUE DES OPERATIONS
ET LE META OPERATEUR
INTRODUCTION
«BE + ING».
La dichotomie fonne simple /fonne « BE +
ING »est présentée par H. Adarnczewski 1 comme
1.1 Pour une linguistique des opérations
«r épine dorsale de la grammaire anglaise.» Mais
contrairement à la grammaire scolaire, la grammaire
Il est désormais clair que les grammaires
méta opérationnelle analyse le « BE + ING », non
descriptives et traditionnelles ont fait leur temps mais
pas comme un simple support du présent progressif
qu'elles sont aujourd'hui remises en cause par les
(present continuous) mais comme une trace
linguistes modernes de la grammaire du sujet ou
d'opération ou comme une marque de subjectivité
grammajre des opérations. Parmi les linguistes de cette
du sujet énonciateur qui partage le même contexte
nouvelle grammaire figure H. Adamczewski qui a
et le même espèce communicatiorinel avec le co-
développé une approche méta opérationnelle de la
énonciateur. Par conséquent, la question qui mérite
grammaire de l'Anglais. Il remet en chantier la thèse
attention est celle de savoir comment fonctionne, en
traditionnelle de ' 'la forme progressive (continuous)"
général, ce méta opérateur dans les discours anglais.
de" BE + ING " au profit d'une conception nouvelle
En de tennes particuliers, on peut se demander en
qui fait de l'énonciateur le deus ex machina de la
quoi l'emploi de « BE+ING »peut constituer une
production des énoncés.
stratégie discursive de persuasion dans certains
discours. Le discours choisi dans cet article comme
Un parcours rétrospectif sur la littérature
exemple est celui du journaliste qui, souvent,
linguistique révèle que le mot qui est longtemps resté la
nonobstant le principe déontologique d'objectivité
clé essentielle de la fonneBE+ING, c'est le mot "duré".
requis se prête à des argumentations visant à
Cette fonne était loin d'être perçue comme l'expression
c o n v a i n c r e
d'une opération énonciative en surface d'énoncé.
L'0 bj ectif de cette étude est de répondre à ces
Dans sa théorie du "time-ffame" relative à la
préoccupations dans une analyse méta opérationnelle
forme' 'BE+ING" Jespersen à qui nous devons les
d'énoncé anglais. Elle devra yparveniren confirmant
concepts de "durée relative" et d' « inachèvement »,
que le méta opérateur « BE + ING » constitue, en
soutient que" le propre des temps périphrastiques est
surface d'énoncé, un espace d'encrage pragmatique
d'exprimer la durée relative d'une action par rapport à
de l' énondateur et en montrant que cet opérateur
celle plus courte d'une autre action qui vient se greffer
s'intègre, en tant qu'instrument méta-linguistique,
sur la première." Il illustre ses propos par des exemples
dans le processus de persuasion qu'élabore le
comme celui ci :
journaliste épris d'argumentation convaincante.
He
was
writing
f - - -....~
(foolnotes)
1 H. Adamczewski, Genèse el développement 'd'une théorie
When 1 entered
linguistique: suivi de «les dix eomposantes de la grammaire
méta opérationnelle de l'AnglaiS)), La T1LV, 1996, p.23.
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Revue du CAMES - Nouvelle'Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)

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L'événement ponctuel « when 1entered» se
inachevé de l' action, va proposer une hypothèse
produit à l'intérieur du cadre temporel représenté par
originale du fonctionnement de "BE+ING" et
«he was writing», événement en cours, progressif,
soutenir que l'occurrence de cette unité linguistique
continu. Mais Jespersen se rendra malheureusement
est la trace en surface d'un sujet-énonciateur. Sa
compte de l'insuffisance de sa théorie: « Tt cannot be
grammaire méta opérationnelle qui prend la relève
denied that there are applications which cannot easily
de celle dont nous venons d'énumérer quelques
be explained in this way«
insuffisances se fonde sur' 'la découverte que les
1• Reprenant à son compte
la théorie de la <da limitcd duratioll». Twaddell, The
énoncés rénéchissent l'activité structurante des
English verb auxiliaries (1963) parvient à dresser une
énonciateurs et que la surface peut présenter des
liste de verbes «normally immune to the BE+ING
traces visibles des opérations d'encodages" 2 et des
modification «. .'vIais malheureusement encore, la liste
opérations pragmatiques. C'est cette grammaire
de ces verbes qualifiés de rebelles comporte des
d'opérations que Claude Delmas3 regroupe en trois
verbes comme «know» et «dislike» qui sont loin d'être
domaines essentiels dont le domaine pragmatique
incompatibles avec la forme -ING.
qui concerne BE+INÇJ.
Pour Palmer, (1964) 1 c'est la durée
qui
distingue présent simple et présent en -ING : «Ifwe
1.2. Opération pragmatique et" BE + ING"
referto a present activity, it is only with refcrence to its
duration «. Cela n'est pas l'avis de Joos (1964) pour
qui BE+ING constitue la fonne marquée de la catégorie
Il nous semble logique de situer le domaine
aspect, plus précisément le 'temporary aspect' qui
des opérations pragmatiques par rapport aux autres
s'oppose au 'generic aspect' des formes simples. Ce
types de domaines du langage intervenant dans le
qui est remarquable chez cet auteur, c'est qu'il considère
processus de verbalisation, avant de donner des
que BE+ING dit quelque chose sur la validité de la
détails concernant les opérations pragmatiques
prédication, Cette analyse impliquant l'idée de
proprement dites.
«prédication» se rapproche de la théorie de
En em~t, Claude Delmas a proposé une
l'énonciation. Mais Joos n'arrivera pas à bien définir le
distinction tripartite concernant les domaines utiles
concept de " prédication", concept très récurrent
du langage-à la suite de celle faite entre la langue
dans l'élucidation de la théorie de la grammaire méta
et le discours par F. Saussure et de celle de G.
opérationnelle. Il s'est trouvé bloqué face à un énoncé
Guillaume. Il s'agit respectivement du domaine des
comme "1 must admit that you're always bothering
opérations infraverbales, du domaine des opérations
me ", énoncé qu'il qualifiera de " teaser " ou de colle
de structuration linguistique et de celui des
à cause de la présence gênante de always.
opérations pragmatiques.
Hirtle (1967), prenant appui sur les travaux
Le domaine des opérations infraverbales
du linguiste français Gustave GlÙllaume, tente d'élaborer
(D 1) se rapporte au pré-codage verbalisé. Il se situe
une théorie originale du fonctionnement de BE+ING
en amont de la structuration verbale. Il précède la
dans le but de trouver sa valeur fondamentale. Mais lès
traduction en mots de ce que 1. Tesnière appelle la
recherches de Hirtle ont abouti à des résultats peu
"catégorie de pensée"4. Ce pré codage verbalisé
Sclairants car sa notion d'incomplétude liée à la forme
s'inscrit dans la perspective de Condillac! (1714-
Jrogressive est expliquée dans un sens assez vague de
1780) qui indique que «les mots sont les signes de
;orte qu'i! n'arrive pas à déterminer de façon précise
nos pensées» et que «les hommes acquièrent les
a valeur de langue de BE+ING.
idées em)observant les objets, c'est-à-dire en
fléchissant sur eux-mêmes, et sur tout ce qui a
C'est donc H. Adamczewski qui, rejetant les
rapport à eux» De ce fait, les opérations mises en
théories fondées sur la durée et le déroulement
œuvre dans ce premier domaine" concernent la
perception visuelle, auditive, la catégorisation, la
prise en compte des relations spatiales, localisantes,
"oolnotes)
des repérages d'un objet, les relais gestuels ou
graphiques"6. L'intérêt de ces opérations relève du
fespersen est cité par H. Adamczewski in :Henri
fait qu'elles permettent - dans l'esprit de
damczewski. op.cil, p.55.
l'énonciateur - la mise en place de la structuration
evue du CAMES-Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
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de la représentation extralinguistique. C'est cette
structuration qui favorise la traduction de la
structuration représentée par les unités linguistiques
verbalisables car toute traduction ne peut se faire
que d'une structure à une autre.
Le deuxième domaine (D2) succède au
premieret concerne laproduction linguistique linéaire
résultant de la concaténation des mots. Ces mots
sont de deux ordres:
1.3. L'invariant de "BE + ING" dans la
1)
Les catégories lexicales - comme
théorie des opérations.
par exemple «stone», «tree», «table» etc. - jouant
le rôle de « calques notionnels ». EUes renvoient aux
BE+ INO est un méta-opérateur dont la grammaire
objets ou aux événements tels qu'ils sont perçus dans
scolaire n'a que malheureusement dressé un catalogue
le domaine extraIinguistique.
de valeurs circonstancieIles, toutes ad hoc. Pourtant,
ce méta opérateur revêt une valeur fondamentale à
2)
Les opérateurs (ou les méta-
partir de laquelle l'on peut déduire les multiples effets
opérateurs) : Ils assurent la prise en compte de la
de discours ou effets de sens dus à la situation ou au
texture linéaire linguistique. Ici meta veut dire' , à
contexte. En effet, contrairement à l'analyse
côté de ... ", "après... ". Il s'agit donc des mots
traditionneIle relative à la linéarité des énoncés et
qui sont à côté d'autres mots pour mieux les
concevant la phrase comme lajuxtaposition pure et
commenter. Les articles "A" et "THE" par
simple des parties du discours SVO (sujet, verbe,
exemple sont des outils méta-linguistiques qui sont
objet), Adamczewski montre que BE+ INO structure
à côté du nom et qui commentent l'opération
une relation homéostatique binaire' du type NPI = NP2.
d'insertion du nom. Alors que" A" signale
La notion d'homéostat révèle une importante
l'opération de la première insertion du nom dans le
caractéristique de la langue en général et de la langue
discours, "THE" par contre signale qu'une telle
anglaise en particulier. Cette caractéristique permettant
opération n'est plus à présenter au destinataire
à la langue de pourvoir au besoin d'instruments
parce qL.'elIe a déjà fait l'objet d'une première
linguistiques propres. capables d'expliquer ou de
mention.
commenter son fonctionnement. NP 1 constitue le
premier groupe de nom (Noun phrase 1). NP2 est ici
Le domaine des opérations pragmatiques
un prédicat nominalisé par -INO (Noun Phrase 2). -
(D3) concerne le rapport entre les deux actants du
INO joue, ipso facto, le rôle de parenthèse invisible
discours: l' énonciateur et le coénonciateur.
autour d'un prédicat plus ou moins complexe. Sa portée
Rappelons que la« pragmatique est ce domaine
ne se limite donc pas au seul verbe mais à tout le groupe
qui concerne tout ce que l'énonciateur fait faire ou
verbal nominalisé ayant déjà fait l'objet d'un choix
tente de faire faire au destinataire. F. Racanati est
préalable. Ce groupe verbal est par conséquent qualifié
clair sur ce point: la pragmatique s'intéresse aux
de présupposé ou pré-construit et est appliqué cn
rapports entre les protagonistes du discours:
(Foot notes)
«Lors d'une énonciation une phrase est
, Palmer. A Iinguistic study of lhe English v"rh. 1964. " éll;
cité par H. AdamczelVski, ibidem.
adressée par un locuteur à un auditeur et eIle se
Henri Adam,zewski. op. cit.pA
rapporte à un état de choses: la pragmatique
.' Claude Delmas. Faits de langue en Anglais, Méthode <t
s'intéresse à ce qui a lieu sui l'axe locuteur-auditeur,
pratique de l'explication grammaticale. Dunod. Paris. 1993.
c'est-à-dire, «l'échange de paroles» comme activité
p.S.
intersubjective, comme pratique sociale»7.
, L. Tesnlere esl CliC par. Claude Delmas. Ibidem. p. 3
Les reiations qu'étudie la pragmatique sont de
'Condillac (1714·1780) in Huisman Bruno et Ribes François.
Les philosophes et le langage. Paris V', SEDES. 1986, p.99.
type social et s'intéressent aux interactions'
(, Claude Delmas. op.cit .. p.5.
comportementales. Ainsi, par l'usage de certaines
, F. Recanati, La transparence et l'énonciation. Seuil. Paris,
unités linguistiques l'énonciateur peut faire des
1976. p.92.
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Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1·2007 (1" Semestre

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bloque au sujet grammatical. L'effet de renforcement
énoncé en BE + ING. Ainsi, l' énonciateur -
de la cohésion des éléments de NP2 a donné naissance
représenté par S - attribue au sujet s de l'énoncé
au concept d'effet béton utilisé par H. Adamczewski
une propriété qui est représentée par le groupe
pour expliquer la thématicité de ce groupe nominal de
verbal en -ING. Avec BE+ ING, on quitte le
seconde mention dans la chronologie des opérations
domaine de l'action, de l'événement et de ses
s t r u c t u r a n t e s
propriétés pour celui des représentations mentales,
des images mentales. Il s'agit bien de la mise en
Considérons les deux exemples suivants dont
exergue du rôle de juge, de témoin et de
la prétendue similitude entre les parties du discours,
commentateur que S joue par rapport à s, de J'image
proposée par la grammaire traditionnelle est remise
que S se fait de s. Il s'ensuit la représentation
en question.
symbolique SS d' Adamczewski 1 montrant que le
1- The man
opens
the safe
sujet grammatical est dominé par l' énonciateur qui·
2- The man
is opening
the safe
prend directement en charge la valeur de vérité du
1
2
3
groupe verbal massivé en -ING. Il convient de
S
V
o
l'analyser plus profondément dans un exemple
d'énoncé
journalistique.
Dans ce schéma, sur l'axe paradigmatique" is
opening" de l'énoncé 2 est assimilé à " opens" de
l'énoncé 1. Cela s'explique par le fait que la portée de
II. BE + ING DANS L'ENONCE
-ING a été toujours considérée comme limitée
JOURNALISTIQUE
uniquement au verbe. Mais au regard de la grammaire
méta opérationnelle -ING porte sur tout le groupe
2.1. Caractéristiques du discours
verbal. Cela confère à l'énoncé 2 une structure binaire
journalistique
dont le vecteur est orienté vers la gauche, c'est-à-dire
vers le sujet grammatical. L'énoncé 1 par contre est
Le journal, c'est la relation quotidienne des
orienté vers la droite et se fonde sur une structure
événements. C'est une publication (périodique) qui
ternière transitive où l'important est l'objet" the safe"
relate les faits saillants dans plusieurs domaines
(politiques, littéraires, scientifiques, etc.).
Le métier du journaliste est une activité à caractère
~
neutre. Le journaliste à pour mission de fournir des
1-
The man
open(.\\)
the sare
informations supposées vraies, dans un discours que
1
2
~
-'
l'on veut objectif Il se présente comme une interface
Il
entre les faits et le public à informer. Ici l'opinion du
Il.
The man
(i.\\)
openina
,., the safè
.
journaliste n'est pas importante. Son discours ne doit
1
2
pas servir d'écran opaque entre la réalité et le public
qui veut les faits tels qu'ils sont. Il doit tendre vers la
transparence et l'objectivité. L'usage abusifdes unités
Au regard de ce qui précède nous pouvons
linguistiques tel que BE +ING traduit une intrusion du
dire que la valeur fondamentale de BE+ ING est
sujet dans l'espace factuel. Mais nonobstant la
liée non à la durée mais à l'intervention de
déontologie de ce domaine qui recommande
l'énonciateur et au déplacement du 'Jocus"
l'objectivité discursive, certains joumalistes évoluent
informationnel vers ce dernier. BE+ING apparaît à
dans un milieu, bien souvent subjectif, tel celui de la
chaque fois que le sujet de l'énoncé est dominé par
politique. Or la politique, c'est l'art de gérer ou de
le sujet de l'énonciation. Cela est valable pour tout
gouvemer des citoyens avec un pouvoir généralement
manifesté par les armes et/ou par la parole. En politique,
il se crée un espace communicationnel de tension.
d'agression, de manipulation, de séduction. Huisman
(Footnoles)
1 L'homéostat est, selon le dictionnaire
Le pel;1 Larousse,
un appareil
Bnmo (1986) affirme que la parole en tant qu"acte peut
qui règle lui-même son fonctionnement d'après un èquilibre
s'exercer sur son destinataire comme un redoutable
préalablement fixé. lei allusion est faite à la langue en tant que système
qui règle et parle lui-même de son fonctionnement.
pouvoir. L' énonciateur s'en sert pour dominer, pour
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Sciences sociales et humaines
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l'acquis. C'est dans cette optique que la forn1e en ~
convaincre et pour séduire. Il peut également s'en servir
ING confère au prédicat le statut de 'présupposé'.
pour faire (ré)agir le destinataire auquel il s'adresse.
La question qui se pose de savoir comment l'opérateur
En effet, tout locuteur conçoit son message
"BE +ING" exprime ce pouvoir de séduction ou de
linguistique sur la base de suppositions acquises par
persuasion
de
l' énonciateur.
le récepteur. Ces suppositions peuvent, bien
entendu, être erronées ou fausses, mais el1es sous-
tendent largement ce que nous disons dans l'usage
2.2. Ancrage pragmatique de
quotidien du langage. Ainsi, est qualifié de
l'énonciateurpar l'opérateur BE+ING
présupposé tout ce que l' énonciateur considère
comme vrai ou connu du co-énonciateur.
Nous entendons par ancrage pragmatique
La notion de présupposé renvoie à celle
du sujet-énonciateur, toute trace énonciative du
d' «inférence». L'inférence suscite aujourd 'hui Ull
sujet-énonciateur, reflet de l'interaction verbale avec
intérêt réel pour les sciences du langage en ce qu'elle
le co-énonciateur. L'inscription du sujet-énonciateur
fournit une consistance logique à l'implicite du
dans le discours, par l'opérateur BE+ING, constitue
discours. El1e est définie comme « un processus
une stratégie discursive visant à persuader le co-
selon lequel une proposition est admise en ve11u de
énonciateur. Mais cette stratégie implique et pose le
son lien logique avec une ou plusieurs propositions
problème du statut présupposé de BE+ING.
antérieures tellues pour vraies. Deux propositions
sont liées par inférence ou par implication si la vérité
de la première a nécessairement pour corollaire la
2.2.1 BE + ING et la présupposition
vérité de la seconde. Le présupposé ouI' implicite
comme stratégie discursive de persuasion dans
réalise un mode d'inférence qui est inscrit dans la
l'énoncé journalistique.
structure linguistique de l'énoncé. Ici le ING
constitue le mode d'inférence que l'énonciateur
"BE+ING" est un méta-opérateur qui
inscrit dans la structure du prédicat pour piéger le
s'intègre dans la catégorie d'unités linguistiques de type
destinataire et l'emmener à une adhésion totale de
pragmatique et dont l'usage constitue une stratégie
son argumentation. Ce destinataire est vu, non plus
discursive
de •
persuasion.
comme un simple interlocuteur. mais comme un
En effet, la structuration d'un énoncé
complice, voire comme un co-responsable de la
pragmatique se réalise par deux catégories d'unités
validation de la structure. c'est-à-dire comme un
1
n g u i s t i q u e s
véritable co-énonciateur. Par l'usage de cette forme.
La première catégorie constituée de termes
l' énonciateur vise à prendre le co-énonciateur à
grammaticaux de la phase 1comme 'shall' et 'may',
t
é
m o n
joue un rôle émulateur visant à pousser le
destinataire à coopérer ou à le forcer à coopérer. A
cette phase de structuration, le destinataire n'est pas
2.2.2 Analyse de l'effet persuasif
encore totalement impliqué ou intégré dans le travail
de "BE+ ING"
de structuration ou de communication.
2.2.2.1 Considération générale
La deuxième catégorie intègre l'opérateur
BE+ING. AI'opposé de la première, cette dernière
indique que les actants du discours (énonciateurs)
Nous partirons d'un exemple concret.
ont déjà coopéré ou ont partagé lm travail commun
Dans l'énoncé sui vanttiré d'une méthode
de communication et de structuration. On n'est plus
de commerce :
au stade premier de l'appel à la coopération ou à
(1). l' m bringing it (Exemple de C.
un positionnement polémique, mais à une deuxième
Delmas, 1993, p.7)
phase présentant la structure sur le mode de
Il s'agit d'une mère qui est" en train ,. de
(Footno!es)
couper du pain mais qui cependant déclare à son
, H. Adamczewski, op. ci!., p. 28.
fils qu'elle le lui apporte. AI' évidence, l'analyse
242
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1'" Semestre)

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d'une telle fomie dans la perspective scolaire pose
problème faute d'homologie entre le fait concret,
reflet de l'extralinguistique, et la structure en - ING
2.2.2.2 L'effet persuasif de BE+lNG
présentée au destinataire. L'énoncé qui serait vrai
dans quelques énoncés
et acceptable pour l'apprenant de l'Anglais à qui la
journalistiques.
grammaire scolaire aurait présenté le Be
+ING comme support du "present continuous
tense" c'est ''l'm breaking the bread to bring it" et
Au regard de l'explication qui précède, la thèse
de l'emploi de BE+ING comme expression de
non "l'm bringingit". L'explication scolaire est donc
subjectivité dans tout discours est soutenable. La
à n'en point douter, de nature à jeter la confusion
dans l'esprit des élèves et étudiants. La théorie de
démarche analytique que nous choisissons ici s'inspire
la grammaire métaopérationnelle fait donc une
du modèle de Claude Delmas et nous permet de mettre
analyse systémique qui emmène à comprendre que
en exergue l'effet persuasifde ce méta-opérateur dans
la mère n'est pas "en train" d'apporter le pain, au
l'énoncé
journalistique.
moment même de l'énonciation mais qu'elle est en
En effet, dans cet ouvrage, Claude Delmas '
réalité "en train de" le couper. Elle révèle que
étudie les faits de langue avec une démarche
l'usage de BE+ING est le support d'un prédicat
méthodologique qui prend en compte certains éléments
(ici "apporter le pain"), prédicat massivé pour être
. tels que la «problématique», la «description», la« glose
appliqué au sujet de l'énoncé « 1 ». Ce prédicat
« et l'» interprétation» du fait de langue.
fonde
une
structure
de
phase
2.
Cette même démarche peut être adoptée pour
démontrer que la subjectivité provenant de l'usage de
Ce qui est mis en relief, dans cette structure,
BE+ING peut s'interpréter comme une persuasion dans
c'est ce dont la langue s'est chargée de mettre en
les
énoncés
journalistiques
suivants
reliefc'est-à-dire la trace en surface de l'énonciateur
(2) «Before the war, Toure's Center for Solidarity and
par l'opérateur 'BE+ING'. Il s'agit ici de 'la mère' ,
Social Action was helping over 900 families. one
qui signale à son fils qu'elle a déjà intégré ou figé
or more ofwhose members were infected. Since
dans son esprit la structure. Mais également, elle
the fighting erupted it has only been possible to
prend pour complice son fils qui est resté dans la
establish
contact
with
268
«
salle à manger et qui sait, aussi bien qu'elle, que
2
, 'apporter le pain" (bring it) est un acquis, qu'il est
(3) <<The people who were caring for us have fUll away
question que la mère l'apporte. Ici la dimension
themselves, we have no food, no help.»
pragmatique de l'emploi de "BE+ING"donnera
(4) «Infection with a virus that could lie dormant for
pour effet de sens, la persuasion vis-à-vis du
years is not a major concem for people worried
destinataire qui serait certainement pris d'impatience.
about where their next meal is coming from or for
'BE+ING' est la marque d'une subjectivité
fighters fearingthat battle might resume at any time».
objective, c'est-à-dire la manifestation notoire, en
Considérons
le
(2).
surface d'énoncé, de l'énonciateur. Elle peut donner
lieu au commentaire selon lequel, par 'BE+ING', la
mère s'est introduite dans le dictum neutre '1 bring
it' pour tranquilliser son fils, pour le rassurer, voire
Problématique
lui promettre. Sans le 'BE+ING', ce dictum par son
caractère purement informatifne signalerait pas, à
lui seul, l'implication, l'engagement total de la mère
L'emploi de la forme simple est envisageable:
en l'absence du modus BE+ING qui lui fait obtenir
«Before the war, Toure's Center for Solidarity and
l'effet escompté: persuader le destinataire, c'est-
Social Action helped over 900 families». Mais, la
à-dire
son
fils.
.
question qui mérite reflexion est de savoir pourquoi
l'auteur fait usage de la forme BE+ING ( <<Was helping»)
au lieu de cette forme simple (<<helped») et pourquoi
« erupted » n'est pas à la forme progressive.
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Description
Glose
Les spécifications de la structure simple et de celle
En anglais
en BE+ING sont différentes et ont des incidences
majeures
au
niveau
pragmatique
D3.
«Before the war, it was taken for granted (we
agree) that Touré's Center for Solidarity and Social
1.
BE+ED+HELP+ING (= WAS HELPING )
Action helped over 900 families». but since the
2.
ERUPT
+
ED
(=
ERUPTED)
fighting erupted it has only been possible to establish
contact with 268.
Le premier constat à faire est qu'en terme de
En français:
morphèmes, la première structuration est plus
complexe que la deuxième. On note que le nombre
«Je ne t'apprends rien, tu sais bien qu'avant la
d'opérations qui conduisent à la production du sens
guerre, le centre de Touré pour la solidarité et l'action
est plus conséquent. On note également que ces
sociale aidait plus de 900 familles. Mais depuis le
opérations sont hiérarchisées.
déclenchement de la guerre (je t'informe) qu'il n'a
.contacté que 268 fàrnilles seulement. Alors conclusion:
Si ED intervient dans les deux cas en référence à
la guerre a aggravé le phénomène du SIDA puisque
un passé chronologique, les formes qui leur servent de
632 (= 900 - 268) familles n'ont pas été aidées.
support sont différentes: un verbe lexical en 2 (ERUPT)
D'où le titre: «War Spurs West Africa's
et un auxiliaire en 1 (BE). Ce décalage révèle des
AIDS Nightrnare».
différences non négligeables: En 2 ce qui est validé à
un moment du passé, c'est l'opération de mise en
CONCLUSION
relation, c'est-à-dire la concaténation, à la fois, de tous
les éléments (the + fighting + erupted). En 1par contre,
Nous sommes conscient que nous n'avons pas
l'opération de mise en relation générale est précédée
. épuisé la question de l'emploi de BE+ING dans le
par la "massivation", en INCl, du prédicat «help over
discours journalistique. Il aurait fallu un échantillon
900 farnilies» qui constitue déjà un acquis d'information.
beaucoup plus étendu d'énoncés. Mais cet article a le
mérite de permettre au lecteur de prendre conscience
de l'insuffisance de la théorie de la grammaire
Explication
traditiolIDelle qui n'a fait que dresser une liste adhoc de
valeurs circonstancielles du linéaire sans toute fois rendre
compte du vrai fonctiolIDement de la langue. Il montre
également que BE+ING constitue une importante
Le titre de l'article est «Ivorian War Spurs West
stratégie
discursive
d'argumentation.
Africa's AIDS Nightmare». L'auteur montre que
En effet, c'est dans le cadre de la grammaire
l'aggravation du phénomène du SIDA est le fait de la
méta opérationnelle que H. Adamczewski révèle que
guerre. L'usage de BE+ING ne confère pas à l'énoncé
l'invariant de BE+ING est lié non à la duré (forme
(2) un simple caractère informatif. Sinon, l' énonciateur
progressive) mais à l'intervention du sujet et au
aurait employé la forme simple" helped", forme
déplacement du« focus» informationnel (NP2
NP1).
beaucoup plus proche de l'extralinguistique. Mais en
Il montre que BE+ING structure une relation
nominalisant tout le prédicat' 'help over 900 families"
homéostatique binaire où le deuxième élément de la
en ING, il énonce au co-énonciateur un acquis de
dite structure stratifiée en -ING constitue le prédicat
relation. L'emploi de ING indique un contexte partagé :
nominalisé qui est attribué par le sujet énonciateur au
l' énonciateur présente un fait (help over 900 families)
sujet grammatical qu'il domine. Il apparaît ici que
que lui et le destinataire du message ne peuvent remettre
BE+ING est un méta opérateur qui commente les
en cause. Cette explication est en rupture avec les
opérations énonciatives pragmatiques effectuées par le
critères habituels de durée et d'action ponctuelle dont
sujet
énonciateur.
il est fait recours pourjustifier la différence entre la forme
Dans les énoncés journalistiques étudiés,le
simple
et
la'
forme
ING.
journaliste en fait usage en tant stratégie discursive de
persuasion induite. En introduisant BE+ING en
discours il présente au destinataire du message une
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structure de phase 2, ce qui implique que la structure
5. Berland, Delphines, 1974. La Grammaire
de phase 1 qui est le présent de l'information, est
anglaise de l'étudiant, Paris, Ophrys.
déjà acquise. Lui et le co-énonciateur partagent le
6. Bourscaren, J., and Chuquet, J., 1987.
même contexte. E( l'acceptation de la deuxième
Grammaire
et
texte
anglais:
Guide
structure présuppose l'acceptation de la première.
pour l'analyse linguistique, Paris, Ophrys.
C'est en cela qu'il piège le destinataire du message
pour l'amener à adhérer à son opinion, à le
7. Delmas, C, 1989.
"Création et mémoire
convaincre, pour tout dire.
métaopérationnelles ", Cahier de Fontenay, ENS
Fontenay.
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méthode et pratique de l'explication grammaticale,
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9. Gilbert, E., 1987. MAY, MUST, CAN et les
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opérations énonciatives, Paris, Ophrys,.
p.
10. Kerbrat, Orecchioni, C., 1980. L'énonciation:
3.
Adamczewski
Henri,1996.
Genèse
et
de la subjectivité dans le
langage, Paris,
développement d'une théorie linguistique, Paris, La
Armand Colin.
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II. Kerbrat, Orecchioni C., 1990. Les interactions
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verbales, 2 vol., Paris, Armand Colin.
. maire-métaopérationnellede l'anglais», in
TREMA 8, UER des pays anglophones, Paris Ill,
12. Silué, S. J., 1989. «Traces de relations dans les
pp. 5-16.
composés nominaux en
anglais»
Cahier ivoirien de recherche linguistique (CIRL),
Abidjan, octobre 1989, n023.
(Foolnoles)
'Claude Delm'\\S, op. cil. p.5.
2 Cet exemple est tiré du reportage de
Matthew Tostevin
«Reuters
NewMedia • Monday, March 03, 2003
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