SCÙ:llceS sociales et hll/llailles
------'---------------------
LES FORMES D'ORGANISATION SOCIO-
POLITIQUE DANS L'ESPACE: LE SUD DE L'AIRE
OTI-VOLTA DU XVI" SIECLE A LA CONQUËTE
COLONIALE.
/IIaÎtre TClJ/tllil~f:'
de
::~~~~~~llllllllllr----J
Badjow
COi/(ére/lCl's.
l '/1 il'I'I"sité de Lom';
Départemellt l!'IIi.\\·toire
LO/llé- Togo.

- - - - - - - - - - -
RÉSllMÉ
Les formes d'organisation de l'espace en Afriquc ont varié suivant les époques, les aircs culturelles et
le ni veau d' appropriation et de compréhcnsion du pouvoi r pol itiq uc par les soc iétés ou les peuples concernés.
[)ans k Sud de "airc Oti- Volta qui sc situc dans la partie s<:ptentrionale du Togo. on a distingué des
1: lais. cn partie ul icI' des royaumc~ bicn organi sés. bien structurés - tvhlngo. Tchanudjo- ct les autres: c' est-à-
dire ccux qu'on a désignés par l'appellation de société sans Uat, acéphale, anarchiste.
I.es migrations gourma el lïntrusion coloniale constituèrent les factcurs de changement ,bns celle
i i aire. Lcs Ciourma en y introduisant la che1Tcrie, la colonisation en imposant une autre forme de pouvoir et en
làussantles règles de dévolution du pouvoir. Ce sera le cas avec le Tchaoudjo. royaume tem, qui devient une
sorte de protectorat.
Quant aux sociétés acéph~des, égalitaircs -Kabyè. Lamba. Nawdéba-, on leur imposa des ehets parfois
d'origine étrangère. Aucun critèrc objectifne semble avoir guidé la nomination de ceux-ci.
Pour renforcer l'autorité de ces nouveaux chefs, le pouvoir colonial leur adjoignit des policiers. Les
1
souvcl"<lins musulmans purent garder leurs armées bicn que réduites-cas des Semassi de Ouro Djobo Boukari-
1
Il étn)itcmcllt <:OIl\\l",')lécs ct souvcnt sollicitées pour la causc des nouveaux maitres.
L' Administration coloniale ne put donc se passer des autorités coutumières en place avant son
Il
: 1
i i établissement. Cependant celles-ci occupaient désormais une positi(1n intermédiaire et ambiguë qui cristallisait
i
1
,1
sur elle~ les .:on Il its npposant les autorités colon iales et les soc iétés tradition ne Iles.
. ---_.. _-~~~------------~
dispose d'outils qui lui pelmettent de nuancer la plupart
de ces j ugements1.
INTROI>UCTION
Dans le sud de raire Oti-Volta qui se situe dans
la partie septentrionale du Togo, ce genre de jugements
I.es
à été de mise pendant longtemps, Que ce soit par les
1<1I111CS d'organisation de 1"éspace en Ali'ique
ont varié sui\\ ant ks époques,lcs airés culturdks ct le
Allemands ou par la suite les Français, on a distingué
l1iwatl d' appropriation ct de compréknsion du pouvoir
des Etats. en pal1iculier des royaumes bien organisés,
politique par les sociétés ou Ics peuples conœrnés.
bien structurés - Mango. Tchaoudjo -'- et les autres:
Suivant les auteurs et de manière schématique, partois
c'est à dé, ceux qu'on a désigné par l'appellation de
Je manière très simplificatrice on a pu parler de société
société sans Etat. acéphale, anarchiste.
à Etats ct de sociétés sans Etat. voire anarchistes'
Aujourd'hui, grâee à un cértain nom"-e de
Qui sont les peuples coneemés et qu \\;n a- t-il
rravaLL", notamment d'anthl"OlXllogie politique,!' historien
été en réalité?
Revue du CAM ES - Nouyclle Série n. Vol. 008 N° \\-2007 (\\" Semestre)
207

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _'--
Sciences sociales et humaines
1.1. Origine et principales composantes
S'agissant du peuplement, on rencontre dans
cette aire à la fois des peuples qui d'après leurs
Selon leur tradition l'ancêtre des Lama,
traditions yont toujours vécu et qui s'affirment donc
Kumbéritu serait « descendu du ciel» au lieu dit Nahori.
autochtones, des lieux qU"ils occupent- ou issus des
Mais la dynamique du peuplement va rapidement
différentes migrations qui déferlent sur la région à partir
saturer ce lieu des origines, obligeant K umbéritu et sa
du XVlè siècle.
descendance à essaimer dans les plaines environnantes
A force de vivre ensemble, ils ont fini par
créant ainsi un certain nombre de localités du pays kabyè
constituer de nouveaux groupes, de nouvelles entités
actuel.
tant du point de vue ethnique que culturel. Leur
En outre. la diaspora de Farendè, enrichie par
organisation socio-politique est souvent.le résultat de
une population autochtone, aurait occupé l'ensemble
cette cohabitation. Il s'agit dans cet exposé d'étudier:
des montagnes et des plaines du centre et du nord-est
du Togo pour donner ce que nous convenons d'appeler
d'abord
les
différentes
formes
l'aire de peuplement lama, de Fazao jusqu'à la Kéran.
d'organisation de l'espace et de la société chez les
autochtones tout comme les migrants afin d'en dégager
Cette aire se subdivise en trois éléments suivants
les faiblesses et les forces. Ceci nous permettra de
le reliefet le dialecte. On distingue :
comprendre pourquoi alors que certains des
autochtones vivaient sous le joug des envahisseurs,
les groupements du massifnord. qu' on désigne
d'autres réussissent à garder jalousement leur liberté
sous le nom de Lama'.
jusqu'à la conquête coloniale;
ceux du massif sud, à qui l'appellation de
Kabiyè s'applique plus particulièrement"' .
Ensuite, on tentera également de
enfin les Logba qui vivent à cheval de part et
comprendre pourquoi l'organisation de l'espace et de
d'autre des frontières du Togo etdu Bénin
la société imposée par les migrants et qui a constitué
notanunent dans les groupements de Koumérida,
leur force face aux autochtones ne résiste pas à
Wakkedè, Boumdo, et à Kétao, Sirka et dans la
l'intrusion coloniale, contrairement aux autochtones?
région de Djougou et de Séméré.
- Enfin, lorsque les conquérants européens
Contrairement aux autres composantes du
triomphent, ils ne purent se passer totalement de l'ordre
groupe lama. seuls les Logba disposaient de structures
politique ancien. Ils y eurent recours pour imposer le
politiques bien délimitées. Ils n' étaient certes par
nouveau pouvoir à certaines autorités traditionnelles.
parvenus à organiser une véritable chefferie. mai s
Comment y parviennent-ils dans les différents groupes
disposait d'une autorité politique reconnue et acceptée
de populations. Peut-on établir une identité entre les
de tous.
deux pouvoirs ?
Le reste du pays lama ne vivait cependant pas
dans l'anarchie, car un pouvoir, bien que diffus régissait
l'ordre social.
1. PEUPLEMENT ET ORGAN/SATION
SOC/O-POLITIQUE PRECOLONlALE
1.2. Un pouvoir diffus
Face à un pouvoir politique dont l'essence
Nous étudierons deux types de populations
même lui échappait le colonisatew
dans cette partie du territoire: Les Lama et les Tem
décréta qu'il n'en existait pas.
1. Les Lama
1.2.1. Le point de vue du colonisateur
Ce groupe comprend l'ensemble Kabiyè, les
,. Les Cahrais sont sociables et se réunissen
Kuhama, les Logba (à cheval sur le Togo et le Bénin)
souvent pour danser ... mais en raison de leUi
et les Lamba.
tempérament fier et indépendant, leurs relation.
n'ont qu'une apparente cordialité et tOIlI,

provocation est sur le champ relevée ...
208
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° \\-2007 (\\" Semestre

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Sciences sociales et humaines
;
)
Ils se fréquentent et ils se voient, mais pour
Ce morcellement de l'autorité politique a
chacun d'eux, il n ya que les membres de sa propre
empêché l'émergence de tout pouvoir individuel, ou
famille, pour les-quels il se fera exterminer, qui
d'un groupe capable d'imposer sa volonté à tout le
comptent, les autres Cabrais ne comptent pas...
têto, voire aux groupements territoriaux voisins. Cette
Cet état d'esprit est une conséquence de
situation empêcha également pendant un certain temps
l'anarchie permanente qui existait chez eux avant
les conquérants européens d'imposer leur domination.
l'arrivée des Allemands; avant l'apparition de
Par ailleurs, l'organisation de la société en classe
ceux-ci, point de chef de village, ni de chef de
d'âge renforce ce système politique décentralisé et
quartier, ni de chef cabrais, aucune organisation
déterminent la place hiérarchique de chacun dans la
politique, point de tribunaux ni de justice, chaque
société. En effet. les hommes d'une même classe sont
cabrais chefdefamille est maître chez lui et n'obéit,
égaux en droit. Par le biais des initiations, on accède
ni ne veut obéir à personne. il est d'autant plus fort
aux différents degrés de l'activité sociale en passant
que sa progéniture est plus nomhreuse et d'autant
d'une classe d'âge à une autre. De 18 à 20 ans, le
plus craint et respecté qu'il est plus fort .. les
garçon subit sa première initiation. ndevient alors évalu.
féticheurs seuls avaient une autorité incontestable
ensuite sankayou, puis ésakpa et enfin kundu. On
qui dans certaines circonstances pouvaient avoir
atteint le sommet de la hiérarchie sociale en accédant
des effets incontestables au point de vue politique
au rang de sosa 1 au pluriel ou sage.
et soulever tout le pays lorsqu'ils 'agissait de le
La direction de la société, à ses différentes
protéger contre les incursions armées de leurs
strates, incombe aux plus vieux. L'âge et la génération
voisins. 5
sont en effet les instnnnents d'évaluation et d'assignation
Le Capitaine Durain renchérit: "Nous ne
des diverses responsabilités au sein de la société. Les
saurions mieux c01J1parer notre Cabrais qu'au
sosa, ou "anciens", par leur expérience, sont les
gaulois du temps de VERCINGETORIX Notre
gardiens de us et coutumes laissées par les aïeux. Par
indigène est indiscipliné. Jamais il n'aura l'idée de
leur sagesse, ils wnstituent l'élément clé qui dirige la
se grouper avec son frère de clan ou de race, de
société. Ils sont membres du conseil de leur lélU.
choisir, accepter un chefet de lui obéù; de fairefront
l'organe politique suprême qui préside à la bonne marche
de toutes les forces de son village ou de son groupe
des affaires intérieures et extérieures de la communauté.
contre l'ennemi qui l'assaille, ou d'aller porter la
Comme on Je constate, il ne s'agit pas de sociétés
guerre chez lui. Il subit l'attaque individuellement,
"anarchistes". Sans chefs certainement, mais
est pris ou tué et les siens ne font rien pour le
présentant un cel1ain nombre de caractères qui leur
secourir ". 0
pennettent de fonctionner nonnalement.
1.2.2. La réalité
a) Sur le plan écologique, ce sont des sociétés de
L'ensemble du pays lama est constitué de
faibles dimensions territoriales, où l'habitat est
plusieurs groupements sociaux et territoriaux appelés
généralement dispersé et exclut la constitution de
télO (ou tétou), que l'on peut traduire par « terre)} ou
grandes agglomérations.
« telToir ». Le têto représente un espace à la fois
b) Sur le plan social, ce sont des sociétés égalitaires,
géographique et social.
dont les groupes ne présentent généralement ni
A la tête du têto, le lchotcho dont le pouvoir
différenciation etlmique, ni différenciation sociale. Le
est plus religieux que politique; Chefspirituel, il peut
statut individuel se fonde plus sur l'âge, éventuellement
mobiliser toute la population contre lm ennemi COml11lU1
le prestige et la richesse. que sur la naissance et
si les circonstances l'exigent. Cependant, son pouvoir
l'hérédité. 1OUS les groupements sont socialement égaw;
ne lui pennet pas d'imposer une quelconque théocratie.
et appartiennent. en général, à une même ethnie.
Il existe d'autres autorités. comme les doyens de lignage.
les sosa, chargés de maintenir l'ordrè au niveau de leur
( Footn(Jtes)
groupe et à l'intérieur du lêlu. Entln, lorsque la sécurité
1 Cf Capllaine Su;re ct
Duraill.
du lêto est menacée de l'extérieur, les kondona
~ Evans-Pritchard (1l)()3) ct M. Forles (\\ plus réc~mment E Terray·
1995
(guerriers) interviennent pour le défendre et. de ce fait,
; Ces groupements sc :-;itucnl d<lIlS la préJ\\:cturc actllelk de la ninah
participent à la direction de leur groupement.
~ Dans \\11 prétccturc (lcllIdle de la KOlah
5 CnpÎt<lille SICRE. l 'j J 8
pp 48-49
(, Capitaine Durain., /1>28 1 S051J au pluriel
Revue du CAME~ - Nouvelle Série il, Vol. 008 N° 1-2007 (l'" Seme'lre)
209

_--'-
Sciences sociales et humaines
c) Sur le plan de la parenté, ce sont les sociétés
2.2. Des chefferies mola au royaume du
qui accordent aux groupes familiaux (lignage ou clan)
Tchaoudjo
une place prépondérante dans les relations sociales, en
raison de l'absence quasi totale d'institutions
Les Mola vont instaurer un pouvoir où l' autOlité
spécifiquement politiques.
individuelle, sans prendre pour autant une place tOl-liours
d)
Enfin, l'unité politique la plus élevée ne
prépondérante, s'affimle plus nettement vis à vis des
dépasse pas le niveau du lignage ou celui du village. Il
institutions collectives des autochtones. Désormais le
existe souvent une série de croyances, de mythes
statut social se définit beaucoup plus en fonction de la
d'origine commune déterminant une unité culturelle
naissance et nOtanIment de l'appartenance au clan mola.
venant suppléer partiellement à cette absence d'unité
politique. Naturellement, ces sociétés sont dépourvues
2.2.1. Les chefferies Mola
de véritable organisation militaire, administrative ou
judiciaire et, par conséquent, ne confient à aucune
Les Gourma immigrés étaient donc porteurs
institution le soin de régler ou de sanctionner les
d'un modèle politique: la chefferie. Dès lors que les
différends internes1.
populations locales n'étaient plus isolées et qu'elles
devaient accueillir de plus en plus d' étrangers d~
2. Les Tem
passage4, l'organisation lignagère s'avérait inefficace.
C'est donc tout naturellement que le pouvoir centralisé
2.1. Origine
s'imposa. En effet, la présence au sein du groupe tem.
d'éléments ethniques d'origines piverses nécessitait un
Par Tem (ou Temba), nous désignons des
pouvoir supra clanique ou lignager. C'est ainsi que dans
souches anciennes de population dispersées le long de
ce monde pluriedmique va naître le système politique
la dorsale montagneuse entre Alédjo et Fazao, parlant
centralisé. A Tabalo, l'ancêtre Gadaw en s'enfonçant
une langue du même groupe que celle des Lama2 et
dans la terre, mit en branle une dynamique5• qui allait
qui dès avant la fin du XYlème siècle, occupaient toute
couvrir tout le pays tem d'un maillage politique fait de
la zone montagneuse au sud de la rivière Kara.
grandes chefferies Ce fut d'abord Pangalam, Paratao,
Avant le XYlème siècle, certains clans occupaient
Koma, Tchavadi. Kadanlbara. Yelivo puis BiIini qui en
déjà cet espace: les Koli, Kozi-Nawo, Nekèrè,
se confédérant dOlmèrentnaissance au Tchaoudjo. Une
Ourouma, Bogum, Kpandé et Baro. A ces groupes,
telle centralisation politique permit une protection
dont quelques uns se prétendent autochtones, vont
efficace des commerçants et assura une pleine liberté
s'ajouter, à partir du XYlème siècle, les Mola, venus du
de commerce, ce qui n'était pas le cas plus au nord, en
pays gounna, qui s'installèrent à Tabalo introduisant le
pays kabiyè et konkomba.
premier facteur de changement. Ils apportèrent à ces
Allant de pair avec la chefferie, les Gourma
populations, peu intéressées à la chose politiquesJ,
apportèrent une organisation clanique où des segments
l'embryon d'un pouvoir étatique sous forme de la
d'un même clan peuvent se retrouver dans les unités
chefferie.

résidentielles et politiques distinctes sans perdre pour
Les Mola sont cependant assimilés
autant leur identité et leur solidarité mutuelle. Dès lors,
linguistiquement par les autochtones dont ils adoptent
mettant à profit cette mobilité démographique autorisée
la langue, le tem. Très tôt, sans doute pour des raisons
par l'organisation clanique pluri-résidentielle,la chefferie
démographiques, économiques et stratégiques, les
peut réunir, à égalité, des groupes et des individus
Mola, suivis de certains clans vont essaimer à travers
d'origines les plus diverses, et donc regrouper des
la plaine, vers l'est et le. nord y fondant de nouvelles
personnes en un lieu stratégique pour les affaires du
chefferies qui en se confédérant donnent naissance au
moment.
royaume du Tchaoudjo. Ces transformations vont
C'est ainsi que les itinéraires de la route de la
modifier en profondeur le peuple tem.
cola transitant par le pays tem se trouvèrent, ponctués
En réalité quelle fut l'ampleur de ces migrations
de chefferies comme autant de gîtes d'étape. Ainsi,
et quel impact vont-elles avoir sur l'évolution de cet
d'autres chefferies virent le jour sur les marches
occidentales et orientales du Tchaoudjo : il s'agit de
espace?
Adjeidè (Kri-Kri) et Fazao. Enfin, vers le nord. Dawdè
et Kegbaflo (Bafilo) se constituèrent. Chaque fois, le
groupe fondateur ne reste pas seul. Des segments
210
Revue du CAMES - Nouvelle Série H, Vo't. 008 N° 1-2007 (l" Semestre)

Sciences sociales et humaines
-------------------------
multiples viennent le rejoindre, à commencer par les
disposait pas de capitale, fixe puisque, à chaque
sou~hes autochtones qui se réorganisent sur le modèle
changement de règne, le nouveau souverain devait être
clanique. Les immigrés reconnaissent la prééminence
pris, à tour de rôle, dans une autre localité; l'élu restait
des fondateurs quant à la détention du pouvoir politique,
à son propre domicile, qui devenait ainsi une résidence
mais participent de plein droit aux décisions collectives.
royale.
Mais cette prééminence politique n'est valable que
Le pouvoir suprême alternait entre les sept
localement et ne s'accompagne d'aucun privilège
chefferies constitutives du Tchaoudjo ; cette règle a
économique. Mieux, les autres segments peuvent détenir
cependant parfois été détournée: Paratao dans le
des rôles nécessaires au fonctionnement de la chefferie:
dernier quart du XIXè siècle avec l'avènement de
intronisation et inhumation des chefs, services cultuels
Dj 000 Boukari, conserve le pouvoir durant cinq règnes
rendus aux divinités protectrices, arbitrage des conflits.
successifs. Dès lors,- il se dota d'un certain nombre de
C'est le cas des Daro de Tchalo qui joue le rôle
structures : capitale du royaume, armée, gouvernement,
d'arbitre, lors du choix du OURO-ESSO du
finances- on pouvait parler de royaume.
Tchaoudjo.6
La chefferie politique se présente comme un
Les structures
village, englobant plusieurs quartiers naguère fortement
Pour comprendre le fonctionnement du
agglomérés. Elle peut aussi englober des quartiers
Tchaoudjo, un rappel des circonstances au cours
distants les uns des autres voire plusieurs villages. Dans
desquelles ses structures furent mises en place s'avère
ce dernier cas, on peut parler de chefferie suprême pour
nécessaire.
indiquer que le chefpolitique coiffe d'autres chefs de
A la mort de Ouro Agrinyà de Pangalam, premier
village. Dans ce cas, le chef ne porte pas le titre de
Ouro- Esso du Tchaoudjo, un conflit éclata pour
"Ouro ", mais ladjo à Bafilo, yérima à Dawdê, Ouro-
désigner son successeur. Sur le conseil du chef de
Esso (ni plus ni moins que ("chef-dieu" !) à
Tabalo, "père" du clan Mola, ils recoururent à
Tchaoudj0 7.
l'arbitrage du chefdu clan Daro de Tchalo, qui désigna
Ces chefferies suprêmes n'ont pas résulté de
un guerrier de Tchavadi. Celui-ci alla recevoir son
conquêtes, mais d'un consensus entre petites chefferies
investiture des mains du chef de Tabalo. Ainsi, aurait
voisines, pour faire face à un danger externe pour
été instituée la règle de la dévolution du pouvoir au
intégrer de nouveaux villages (cas du Tchaoudjo).
Tchaoudjo. Le chefdevait désonnais être choisi parmi
Pourtant la question de la nature du Tchaoudjo se pose.
les Mola de l'heptapole par le chef Daro de Tchalo,
sans qu'on puisse désigner deux chefs successifs dans
le même lignage l . Mais la tentative d'Ouro Djobo
Boukari de rendre le pouvoir héréditaire dans le lignage
de Paratao, remit en cause cette règle et provoqua une
2·2-2 Royaume de T chaoudjo
guerre civile.
On a parlé du royaume tem du Tchaoudjo ; en
- Le symbole du pouvoir
fait, au début il s'agit d'une chefferie qui englobe
L'Ouro Eso est le titre que porte le souverain
plusieurs chefferies de village sans établir un
du Tchaoudjo : Ouro Esso, "le Chef-Dieu". Cetenne
commandement direct, chaque village restant dirigé par
pose immédiatement un problème: en dépit de
son propre chef et ses notables. Le Tchaoudjo ne
l'étiquette et des interdits dont il est entouré, il ne semble
pas que l'Ouro Esso fasse, en lui-même, l'objet d'un
culte. Selon P.Alexandre il est probable qu'on se trouve
(Footnotes)
ici en présence d'un trait rappelant la civilisation akan :
1 Lombard J.
1967
plutôt que le cheflui-même, et à tr"vers sa personne,
l
La comnlLtnDuté culturelle avec les Lama striclo sensu est évidente.
, Organisées sans aucun doute sur le même modèle que les Lama, ces
c'est au Siège, SiP, dont il n'est que le gardien viager,
populations ne vivaient pas non plus dans J'anarchie.
que s'adressait le culte; son rôle personnel serait, en
~ Notamment les commerçants haoussa ou mande.
S Tous les fondateurs mola de chetlerie sont censés venir de Tnbalo,
quelque sorte d'en assurer la transmission. En tout cas,
point de chute d'un groupe gomma immigré et chenerie fondée par
il semble que l'Ouro Esso joue pl utôt le rôle d'un agent
l'ancêtre de cc groupe, Gadaw. Ainsi en est-il pour les grandes eheffèries
de Dawdè, Baftlo, Agulu, Adjéïdè, Fazao et Kpângalam
de culte qu'il n'est un objet de culte: il accomplit
(, Voir infra
personnellement un certain nombre de sacrificesJ et il
, Barbier J C. et Klein B. 1995, p, 22
est dans ses attributions de veiller à ce que toutes les
obligations rituelles soient régulièrement accomplies. En
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
211

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Sciences sociales et humaines
somme, il s'agit d'un roi-prêtre autant que d'un roi-
- La cour
dieu.
L'Ouro-Esso doit également subvenir à
- Pouvoirs et attributions de l'Ouro-Esso
l'entretien d'une cour assez nombreuse, comprenant
L'autorité de 1,Ouro-Esso (ou l'autorité du siège
un noyau de dignitaires et officiers permanents: le
incaméedans l'Ouro-Esso ?) est, en principe, absolue:
meatyi maître de la cavalerie, le komana chef des
il n'existe pa'> de procédure de détrônement. Elle peut,
mousquetaires un aljà ou lettré musulman, le héraut et
en théorie, se substituer à toutes les auto~ités
« bouche du roi ».le ko/u, chefdes forgerons, les griots
subalternes, y compris, en certains cas, à celle des chefs
et bouffons, recrutés dans les deux clans egom
de famille. En fait, cet absolutisme reste largement
endogamiques Taraore et Fofana, le siriki zongo ,
théorique, ne fùt-ce qu'en raison des difficultés pratiques
administrateur des étrangers, des devins officiels. des
qui s'opposent à une centralisation absolue.
.
sebabè. messagers et policiers, et tout un petit monde
.
Les pouvoirs considérables du Ouro-Esso lUi
de
serviteurs
libres
ou
esclaves s.
permettent non seulement d'assurer l'application des
Il convient de préciser que le Tchaoudjo n'englobe pas
règles sociales existantes, mais encore d'en instituer d~
tout le pays tem; il en est la chefferie suprême la plus
nouvelles: il possède un pouvoir de légifératlOn aussI
impoltante, mais d'autres chefferies suprêmes existaient
bien que de juridiction. Les exemples les plus frappants

Bafilo,
à
Dawdê,
à
Bulohu)6.
- ou les plus connus- se situent sous les règnes d'Ouro
Cependant, le Tchaoudjo était devenu en quelques
Takpara de Kadambara (c. 1780-1800) : législation
années, une puissance guerrière redoutable. avec
sur les villages étrangers; Ouro Akoriko de Koma (c.
l'arrivée de mercenaires djerma, descendus de la
1800-1830) et Ouro Kura de Birini (c. 1830-
Boucle du Niger à la fin du XIX' siècle. En 1883, ils
1850) :législation sur le statut des musulmans; et surtout
sont à Séméré, puis àAlédjo-Kura, en 1885 àAdjéïdê.
Ouro Djobo Boukari de Paratao (c. 1850-1880) :
Ils sont cooptés par le chef suprême du Tchaoudjo,
législation sur les egom, (étrangers) réglementation
Ouro Djobo Boukari, à Paratao. Avec eux, des Peuls
militaire, création de monopoles commerciaux et
installés à Kpaza et àAgulu, ainsi que de nombreux
tentative de faire de l'islam une religion d'Etat..
Tem apprennent l'art du combat à cheval. Ces cavaliers
armés, les fameux Sêmasi (singulier sêmor,se mettent
Moyens de commandement: finances et
à piller les populations voisines au moindre prétexte:
armée
Banté à la demande de Pira, les villages anyanga en
mai 1893, les villages de piémont de la plaine du Mô ;
L'exercice du pouvoir nécessite la réunion d'un
ils participeront enfin à la « pacification» du pays kabyè,
certain nombre de moyens - financiers, militaires,
en janvier 1898, en accompagnant le Dr Kersting. Avant
administratifs- à la disposition de Ouro-Esso de façon
que le contrôle allemand ne soit établi, les raids du
sinon exclusive, du moins prédominante.
Tchaoudjo alimentaient un trafic esclavagiste, où les
a) Les moyens financiers consistent en tributs
grandes chefferies du pays tem, à la suite du Tchaoudjo.
en nature, en espèces (cauris et thalers d'argent) et en
auraient été de plus en plus impliquées.
travail, dont l'essentiel provient "du royaume de
Tchaoudjo, Le tribut de Tchaoudjo était payé par les
chefs de village après la récolte, dans la capitale même.
S'y ajoutaient des revenus d.ivers : épices ~t fr~is de
(Foulnotcs)
1 Alexandre,
p. 245
justice, amendes et confiscatIOn, cadeaux d audience
, C'est un tabouret sculpté, de style yoruba, toujours recouverl dl'
C' nul ne va au chef les mains vides"), taxes s~r.les
pagnes précieux ct cnkrmé dans ulle piè"::l: retirée du palaIS rn~'ill
SOLIS la garde d'adolesl.:CnlS recrutés dal1s toU5 les l:i.HHons, 1.1.::'
marchés et les caravanes, ivoire et dépouilles des gibiers
"gardiens du siège". S{)n trLInstert [Ill domicile ,l"un Ouro l~ss~_
nobles. etc. Ouro Djobo institua, en outre, un monopole
nouv~l1ement il1trollis~ se t:1it en cortège armé. élVL'C des sacrifIces
et des danses masculinès
royal d'exportation des esclaves et d'importation de la
1
Le plus importmH esl l'immolation, tous les deux ailS, d:ll~l tllur('i~U
poudre des armes à feu et du sel.
blanc en honneur du Gndaw protecteur du chm Mala et gene~meur de
b)
fécondité et de fertilité pour l'ensemble du pays. Gada\\\\' habile 1(\\
Ces ressources permettent, en premier lieu
rivière de Tabalo, donl
l'entretien d'une petite armée permanente (quelque cent
~ Alexandre, p. 250
5 Alexandre, p.25l
cinquante cavaliers, deux à trois cent archers, et une
(, C'est aveC les AIIl:lllélnds que le OUI'O-f.LW (alors <i P~[:al;IO)
cinquantaine de mousquetaires en 18854
notamment. Djobo Boukari. reçut le lilre d..: chef superieur des lem el

commanda al~rs il tous les Tem sans ..:xception
7 Terme générique qui désiglle des "cnvaliers armés". et pas seulement
les cavaliers tem
212
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1'" Semestre)

_ _ _--'-
Sciences sociales et humaines
18972 pour les Allemands, il s'agissait d'en soumettre
II. L'intrusion coloniale européenne
les populations et il fallait un prétexte.
A cet effet, Hupfeld, fonctionnaire des Mines,
L'intrusion coloniale va constituée le second
qui se joignit à la colonne de Von Massow, depuis
facteur de changement politique. Mais les Européens
Kabou, écrit ceci à propos du pays kabyè: ., On avait
rencontrent une résistance inattendue notamment dans
toujours contourné le pays et les habitants d'alentour
les sociétés acéphales- Kabyè, Konkomba, Lamba et
n'en connaissaientpresque rien. Les gens du Kabure
Nawdeba- au pouvoir diffus et moins structuré.
étaient presque constamment en lutte avec les gens
de Bafilo, Dako et Kabou
.. ce qui se traduisait par
2.1 LA RESISTANCE DES SOCIETES
des razzias et guérillas. En outre, le pays Kaburè
ACEPHALES:CASDESKABYE
était de longue date une source principale du
commerce des esclaves à l'intérieur du Togo ... Pour

Face à l'émiettement de l'autorité qu'ils
toutes ces raisons, les chefS de poste concernés,
rencontrent, les Allemands tout comme les Français par
profitèrent d'une/oree allemande assez importante
la suite vont éprouver de réelles difficultés dans la
pour pénétrer dans le Kaburè. On espérait par le
conquête du pays kabyè et Lamba pour y asseoir
déploiement de grands moyens militaires,
définitivement leur domination. Ils durent se prendre à
contraindre ce peuple à se soumettre ... ".
plusieurs reprises.
Trois expéditions furent organisées. On décida
également d'une attaque simultanée, partant de trois
Le choix du piment contre le sel.
endroits, en janvier 1898.
Des trois colonnes, l'une devait attaquer le sud,
Jusque vers le milieu des années 1890, le bassin
l'autre l'Ouest, et la troisième venait du Nord. Cette
de la Kara avait été totalement
ignoré par les différentes missions européennes
disposition correspondait aux postes que les Allemands
venaient de créer à Bafilo, Kabou et Mango.
engagées dans la course vers le Niger. Il est vrai que
La colonne partie de Bafilo dans le Sud était
c'était une région d'accès difficile en raison de son relief
dirigée par le Docteur Kersting. De Kabou, àl'Ouest,
accidenté. D'autre part, la plupart de ses populations
arriva la deuxième, conduite par le lieutenant Von
et - notamment les Kabiyè - étaient réputées
Massow. Enfin, sous les ordres du lieutenant Thierry,
belliqueuses et surtout ne disposaient pas d'appareil
la troisième colonne devait partir de Mango au Nord.
politique centralisé avec lequel quiconque aurait pu
Ce qui rendait ces colonnes redoutables c'est
traiter.
qu'en plus du nombre important de soldats de métier
Pour toutes ces raisons, les Allemands savaient
qu'elles comptaient, elles disposaient de fusils modernes,
très peu de choses sur ces populations, et leurs voisins
de mitrailleuses, face à des populations qui ne
leur firent une réputation peu flatteuse.
connaissaient que un armement rudimentaire - arcs et
"Les Kabouré ne laissent personne pénétrer sur leur
flèches. De plus, la stratégie d'attaque simultanée allait
territoire, pas même les indigènes qui ne sont pas
se révéler très efficace.
de leur ethnie. Ils gênent de la sorte le commerce,
C'est le 19 janvier 1898 que Kersting franchit
tandis qu'eux-mêmes traversent souvent leurs
de force la Kara et prend d'assaut les villages Lama.
frontières pour aller piller les fermes voisines,
Un témoin qui participe aux combats en fait le récit
enlevant tout ce qu'ils trouvent, jusqu'aux femmes
suivant'. "Les Blancs étaient arrivés dans les
et enfants" 1•
environs de Fayin (rive gauche de la Kara) .. des
émissaires des Allemands, porteurs de sel et de

Ce témoignage n'est pas conforme à la réalité.
piment, se rendirent dans notre village et nous
Il est établi qu'il existait des échanges durant la période
posèrent la question: ((Que voulez-vous, du sel ou
précoloniale, avec les régions voisines, notamment avec
du piment? ".
Kabou, (pays bassar) à l'ouest Niamtougou, (pays
nawda) au nord, Djougou à l'est où les Kabiyè
Alors nous avons corné pour inviter les
s'approvisionnent en produits divers: fer, huile de
autres villages cf descendre dans les plaines et se
palme, produits de l'artisanat, sel et articles importés.
ioindre à nous. Nous avons décidé d'opter pour le
Théoriquement maître de la région, depuis le 23 juillet
Piment (= guerre) en disant que le Blanc n'avait
Revue du CAMES- Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
213

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
pas àfaire la loi chez nous. Alors on tua et brûla les
Au moment où Nachtigal signe son traité de
deux émissaires.
protectorat en juillet 1885 avec Mlapa, la situation du
Les blancs alertés attendirent jusqu'à la
pays tem était trouble. Ouro Djobo Boukari ou Boukari
saison sèche pour se rapprocher de Soumdou (sur
Malwam4 avait décidé, peu avant sa mort (entre 1870
la rive gauche de la Kara). Bien que nous étions en
et 1880), de changer le système de succession au Siège,
lutte avec les Lossos (Naoudem), nous avons
et fait introniser un de ses "enfants" (son petit-fils,
continué de nous rassembler au nord de la Kara
semble- t-il), sous le même titre que le sien.
pour parer à une éventuelle attaque.
Cette révolution provoqua une véritable guerre
civile, menée par le lignage royal de Brini, dont le chef
Nous étions en rangs serrés, les hommes de
tenta vainement de s'emparer du sà.
Kican, de Tchitchau, de Piya, Bohu, Lama et Lassa;
Ce sont les Allemands qui mettent fin à cette
à l'approche de l'adversaire, nous avons commencé
situation avec l'arrivée du Docteur Ludwig Wolf. Il fut
à tirer (desflèches) ; deux coups defèu vinrent alors
le premier représentant du pouvoir allemand à entrer
tuer deux d'entre nous. Les combats durèrent toute
en contact avec le Tchaoudjo. En effet, venant de
la journée; le soir, l'adversaire se retira un peu à
Bismarckburg dans l'Adélé, il parvient à Paratao
l'écart pour camper ...
capitale du royawne tem où il fut fort bien reçu- Il signe
un traité de protectorat le 7 mai 1889 avec Djobo
Le lendemain, et le jour suivant, la bataille
Boukari souverain du Tchaoudjo.
reprit avec des renforts venus de divers villages. Le
En voici les termes: « Je soussigné JABO
quatrième jour, l'Allemand demanda à rencontrer
Bukari, souverain indépendant de Tchaoudjo, ville
les représentarts de la population.
hawsa de Sogudé. demande, après une mûre
r~flexion, la protection de sa Majesté l'Empereur
Face à l'envahisseur extérieur, les Kabiyè fIrent
allemand et promets à tous les voyageurs et
front commun et reléguèrent à l'arrière plan leurs luttes
commerçants pacifiques qui veulent traverser mun
internes. Bien que Kersting ait été contraint parfois de
territoire ou y séjourner une protection puur leurs
combattre jusqu'à la tombée de la nuit et surtout de
personnes etJeurs biens ».
passer près d'une semaine dans la zone montagneuse
pour «nettoyer» les proches de résistance, il fInit par
Bien que ce traité n'eût pas de suite du fait du décès
avoir le dessus.
tragique de l'explorateur allemand dans le Bariba, en
Avec cette sownission d'un desderniers îlots
juin 1889 il marque le point de départ d'une
restés encore libres, on pouvait considérer que la prise
collaboration fructueuse pour les deux parties.
de possession des territoires non effectivement occupés,
D'abord, c'est le Tchaoudjo qui profite de cette
était terminée. La carte du Togo était, dans ses grandes
alliance pour consolider son emprise sur l'ensemble
lignes, achevée. Mais à quel prix! On a sans doute
du pays tem ; ensuite lorsque à partir du 19 janvier
remarqué le caractère brutal, simultané et répétitifde la
1896, von Zech crée un poste à Paratao le nouveau
répression. Il s'agissait encore une fois d'actions ayant
pouvoir bénéficie des services de l'armée de Djobo
valeur d'exemples.
Boukari. Mais pour des raisons stratégiques, le poste
Après cet épisode violent de la conquête, on
de Paratao va être transféré en 1897 à côté de
assiste à la mise en place des
Didaourè futur Sokodé par le Dr Kersting. C'est lui
structures politiqueS"nouvelles. "Ils (les Allemands)
qui à la tête des f:1meux Semassi va soumettre les
purgent le pays de tous les meneurs, féticheurs et
sociétés acéphales de la région Transkara.
sorciers et placent la tête de tous les Kabré, des chefs
Au delà de cette collaboration l'administration
respons1l;bles, auxquels ils adjoignent des policiers
coloniale, entendait bien jouer son rôle. Pour cela,
auxiliaires" .
elle proçède à la mise en place de nouvelles
Il faudra cependant entreprendre plusieurs
structures.
tournées de police avant de sownettre
(Footnotes)
définitivement cette contrée.
1 Trierenbcrg G.
p.14~
2 Par le traité de Paris du 23 juillet 1897,
la France rccllllnaissait la
souveraineté du Reich sur cette partie de l'hinterland du Toua
2.2. Le nouveau rôle du T~haoudjo
, Document CERK. 1967. 172.74.
e
4 Malwam, le musulman, appelé ainsi en raison de SH conversion il
l'islam et de 53 volanLe de 1
'imposer à tous ses concitoyens.
214
Revue du CAMES - Nouvelle Série 8, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)

Sciences sociales et humaines
- - - - - - - - - - - - -
En réalité on peut dire qu'il n'y eut pas de
III. LA MISE EN PLACE DU POUVOIR
politique clairement définie, mais que l'on procéda plutôt
COLONIAL
de manière empirique; à la longue cet exercice donna
deux cas de figure dans cette partie du territoire.
Le nouveau pouvoir mis en place par le Blanc
Le premier dans les provinces qui constituent
se fit dans le cadre de l'organisation administrative
les débris des anciens royaumes: le Dagomba, le
du territoire, avec cependant quelques spécificités
Tchaoudjo ou le royaume de Mango avec des
suivant les peuples et les régions.
souverains héréditaires.
En revanche dans le sud de l'aire Oti-Volta-
3.1.
La nouvelle organisation
Transkaragebiet- où le pouvoir centralisé était inconnu
administrative
jusque là, la chefferie fut introduite et placée sous la
tutelle d'un chefsupérieur musulman, à l'exemple des
Kabiyè placés par Kersting "sous le dynamique chef
Une fois la conquête achevée, le pays fut
de Dako "'. Les autorités traditionnelles se situaient au
organisé sur la base de huit divisions administratives.
bas de l'échelle administrative coloniale. Mais leurs
Ce sont les cercles ou Bezirksamtern au nombre de
mises en place ou leur reconnaissance par le pouvoir
cinq dans le sud et le centre; les Stationberzirke ou
colonial allemand participèrent largement à la
postes au nombre de trois dans la région septentrionale.
consolidation de celui-ci.
Cette différence de dénomination s'explique,
En fin de compte, les différents chefs de cette
d'après Corvenin ' , par la situation particulière que
période agirent plus en agents du nouveau pouvoir
connaissait chacune de ces régions. En effet, le sud et
colonial qu'en véritables représentants de leurs peuples.
le centre abritaient des peuples qui apparaissaient plus
Le gouvernement colonial allemand savait
évolués du fait d'un contact plus ancien avec la
récompenser ces auxiliaires utiles. Ainsi, à partir de
civilisation européenne. De plus ces régions pouvaient
1910, ils reçurent une prime de 5% sur le montant total
être considérées comme conquises et pacifiées. Le
des impôts qu'ils percevaient; aux chefs de village
nord, tout au contraire, était habité par des populations
revenaient les 2/3 et le 113 restant aux chefs supérieurs.
jugées assez frustes, qui résistaient encore et, malgré la
Les chefs rendaientjustice et surtout, pouvaient
conquête, elles se soulevèrent parfois jusqu'en 1900,
intligerdes amendes pour "entorse à l'ordre public",
voire au-delà.
insultes, désobéissance aux ordres,jusqu'à Wl maximwn
Les cercles et les stations étaient dirigés, soit par un
de 50 Mark et 100 Mark pour les chefs supérieurs4•
civil ou par un militaire.
Cependant, leur marge de manœuvre reste très
En ce qui concerne l'administration des collectivités,
limitée et ils perdent l'essentiel de leurs prérogatives.
elle varia suivant les régions. Elles furent plus ou
Ceci explique sans doute la faible résistance et la rapide
moins associées suivant leur degré d'organisation
désintégration des anciennes structures politiques qui
avant la pénétration coloniale.
.
se mettent au service du nouveau pouvoir.
A propos de cette politique, voici ce qu'en dit le
Elles vont se métamorphoser et s'adapter
comte Zech, gouverneur du protectorat (1904-
rapidement au cadre administratiftracé par le pouvoir
1910). et un des grands connaisseurs du pays. "la
colonial pour les raisons suivantes: le caractère
participation des indigènes à l'administration
arbitraire du nouveau découpage, l'abolition de
s'est limitée jusqu'ici à l'action des chefs
certaines pratiques incompatibles avec l'ordre colonial,
traditionnels et de leurs o-rganes en tant
l'introduction de nouvelles valeurs.
qu'intermédiaires des autorités administratives
C'est surtout dans l'aire Oti-Volta que les
locales qui administrent les communautés
bouleversements vont être les plus importants. Ainsi, le
villageoises et les régions placées sous leur
nouveau système rassemble à la fois les sociétés
autorité.
lignagères et celles qui sont organisées en chefferie et
en royaume sous une même autorité. Cette région est
Ce faisant on a veillé strictement qu'il n y ait pas
divisée en deux postes qui.regroupent des populations
d'l;surpation de compétence par le monarque
dites "frustes" :
indigène, d'autre part là où c'était nécessaire,
l'autorité des chefs fut protégée et renforcée"2

Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
215

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et ilumaines
Kersting parle d'élection là où il faudrait parler
de désignation. En effet d'après le témoignage des
Sokodé contrôle les peuples Tem, Tchamba,
populations concernées, à l'issue des combats,
l'Allemand demanda à rencontrer leurs représentants,
Bassar, Kabiyè, Lamba, et Nawdéba
"un homme de Bohou, se présenta les Allemands le
Konk.omba;
coiffèrent d'un bonnet et le désignèrent comme chef" ('.
A Lama-Bou le frère de la seule femme membre de
enfin Sansanne Mango rassemble les Anoufom
la délégation de la paix, fut désigne
(Tchokossi), Moba, Gourma, Djé- Ngangam,
A LalJ].a Kolidé Toki, trafiquant d'esclaves vers le
pays Tem, fut investi: ., on alla chercher Toki dans
Lamba et Dagomba.
la montagne; il descendit, les avant-bras
recouverts de bracelets d'os canbala. Les
Allemands lui donnèrent une médaille: il leur

La partie méridionale de l'aire Oti-Volta,
remit deux bracelets. Alors l'Allemand décida de
constitue l'exemple du caractère arbitraire du
l'installer comme chefde la rivière Kara» "-
A Tchitchao, même cas pour la désignation de Télou,
découpage colonial comme on va le constater en pays
autre gros négoc iant d' esclaves : "Télou en allant
kabye dans le cercle de Sokodé.
voir l'Allemand se montra généreux: il lui of/i'it
un poulet, des œufs et une'marmite: ce geste lui

3.2- La chefferie du blanc en pays kabyè
valut la chefferie »Y.
Le cercle de Sokodé comprend l'ancien
royaume Tem de Tchaoudjo, les chefferies de Bafilo,
de Bassar les pays kabye, konk.onba, lamba et nawda.
Aucun critère objectif ne semble avoir guidé toutes
Quant au royaume tem, confédération de petites
ces nominations. lei le colonisateur a été sensible aux
chefferies, il subissait l'influence de l'Islam depuis la
apparences: "l'efficacité des uns, le courage et
fin du 1ge siècle lorsque Ouro-Esso DjobD Boukari
surtout la générosité". Ce qui, on en conviendra,
s'était converti à cette religion. L'Ouro-Esso, désormais
n'entrait pas en considération dans la notion d'autorité
musulman exerçait son pouvoir sur les populations Tem,
de ces sociétés. Mais pour Kersting, il s'agissait de
et quelques autres comme les Anyanga qui lui payait
s'assurer un minimum de collaborateurs pour asseoir
tribut. Enfin les sociétés lignagères Kabiyè, Konkomba
le nouveau pouvoir. Chaque groupement eut ainsi à
Nawdéba et Lamba organisées sur la base de la famille
sa tête un chefde village; les groupements qui avaient
et du lignage, ne subissaient pas cette domination.
des liens de parenté ou de voisinage furent regroupés
C'était des sociétés égalitaires où la personnalisation
dans un ensemble territorial, le canton, sous l'autorité
du pouvoir restait quasi-impossible.
d'un chef de canton. On désigna un chef supérieur
Pour bien intégrer ces sociétés lignagères au
pour l'ensemble du pays. Enfin, comme l'annonçait
nouveau système, on leur imposa des·chefs. Kersting
Kersting dans son rapport tout le pays Kabiyè fut
le chef du poste de Sokodé s'en occupa au fur et à
subordonné au puissant chef musulman de Dako.
mesure qu'il pénétrait le pays Kabiyè.
" J'ai entrepris du 19 au 30 janvier 1898,
une tournée dans la partie septentrionale de ma
(Foot"oles)
région, le pays Kabure jusqu'à présent non encore
, CORNE VIN. R. 19S5
2 Trierenberg G. P.149. : J. Suret Canale. 1977 p. 407 dit Ù pL:"lI pr~s la
pénétré. Le premier choc pasé, j'ai circulé partout
même chose du chef dans le système l.:olonial français. L~ chef n'cst
en toute tranquillité. J'aifait élire des chefs dans la
qu'ull instrument. un exécutant révocable au gre du maître
'II Il'est
pas le contillUiJleUr dl: 1"IllCICn roilelct Indigène
partie sud, laquelle est en conflit permanent avec
'ANT. Lomé (dossier FAI/66, 1'.213-214)
Dako et Bafilo et j'ai placé ces territoires sous le
, Sehold, l',
19S5 p. 2&5
; ANT: Lame fAl/66 213·214
dynamique chef de Dako "j
" Wrdier R. I9S2 p. 136.
, Kakou K. , Ino l' US
x Verdier R. idem
lJ
Agouda A
1991
216
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (t .. Semestre)

Sciences sociales et IllImailles
------------~-----
Tem,jusque là indépendantes: Bulohu, Adjéidè, Bafilo
Les nouvelles autorités étaient désormais
et même Tchambal
responsables devant le pouvoir colonial allemand et non
1 Tchamba est une cilcfferie islamisée certes, mais d
plus devant leurs administrés. D'origine étrangère
'origine ethnique différente. qui a toujours été
puisque imposées par la colonisation, certaines de ces
indépendante.
chefferies ont survécujusqu'à nos jours; les dynasties
furent crées dans des sociétés égalitaires; sans
En contrepartie, de cette montée en puissance, le
contrepoids véritable à cette autorité, on voit aisément
Ouro-Esso devait une obéissance entière et sans
les abus qui pouvaient en résulter. D'autre part, on peut
hésitation.
se poser la question de savoir si, à ce niveau des petites
collectivités locales, les découpages claniques et
IV. QUELLES AUTORITES
lignagers ont été réellement respectés comme on a
TRADITIONNELLES? QUELLE
semblé le dire ci-dessus. On peut en douter car, pour
POLITIQUE COLONIALE?
le colonisateur, il s'agissait de trouver uri responsable à
qui l'on pourrait s'adresser éventuellement. Il s'agissait
Après ce qui vient d'être dit, la question de la
également, par ces nominations arbitraires de mettre
nature des nouveaux pouvoirs se po~e. En effet ayant
fin à la solidarité et à l'esprit d'indépendance qui.
perdu toute initiative quand ils sont maintenus, ayant
rendaient tout contrôle impossible.
été crées de toutes pièces là où il n'en existait pas, de
En tout état de cause, le regroupement fut
quelle légitimité peuvent-ils encore se prévaloir?
arbitraire à tous les niveaux - politique, coutumier,
A vrai dire, dans les sociétés lignagères, tout
ethnique, linguistiqu~- ce qui ne pouv,üt manquer de
COlllille dans les sociétés central isées, les souverains et
provoquer la méta,morphose des anciens pouvoirs.
les différents responsables coutumiers reconnus, furent
L'administration coloniale y participa activement.
subordOlmés à l'autorité allemande, représentée dans
chacune des régions par des administrateurs. l,a
3.3. Le Tchaoudjo : un protectorat?
nouvelle autorité nommée ou reconnue perdait donc
l'ensemble des pouvoirs dont elle disposait durant
Le premier acte de l'autorité coloniale chez les
l'époque précoloniale sur les plans politiques, militaire,
Tem avait donc consisté à entériner une usurpation qui
judiciaire et législatif.
devait durer lU1 demi-siècle. Il est impossible de dire si
C'est ainsi que l'ancien appareil politique fut
les Allemands ont agi ainsi paropportLmité politique ou
soumis au contrôle du colonisateur. La loi coutumière
par simple ignorance de la coutume. Quoi qu'il pût en
qui réglementait toutes les activités traditionnelles, et
être, ils n'interviennent d'abord que discrètement dans
sur laquelle reposait l'ensemble de l'organisation sociale
le fonctionnement des institutions locales, leur action
et politique du groupe, fut limitée à un domaine qui
tendant plutôt à renforcer l'autorité immédiate de
n'intéressait plus que les aspects secondaires de cette
1'Ouro-Esso qu'à la restreindre. Ainsi, ils laissèrent
organisation désolmais régie par les principes j uridiq LIes
subsister!' armée permanente, la transformant en une
du colonisateur. Les nouveaux dirigeants ne disposèrent
sorte de force auxiliaire, alors qu'ils désarmaient les
donc plus d'initiative réglementaire ou législative.
guerriers des chefferies voisines, brûlant par milliers
Le statut de l'ancienne autorité résulte de la
sagaies, arcs. et boucliers. Ils confirmèrent, et même
place qui lui fut faite dans le système administratifcolonial
renforcèrent les pOLlvoirsjudiciaires du Ouro-Esso
En effet, rancien dirigeant fut placé àun échelon
L'intrusion du pouvoir colonial faussa ainsi les
inférieur de la hiérarchie et subordonné à Lm ou plusieurs
'ègles qui présidèrent à la naissance du royaume de
administrateurs. La nouvelle autorité qu'il était devenu,
fchaoudjo. En effet sept villages avaient été à l'origine
non seulement n'avait plus les moyens d'assurer
le sa création et chaque village assumait le pouvoir à
l'exécution de ses ordres par les canaux traditionnels
our de rôle. Ouro-Djobo Boukari de Paratao régnait
de contraintes- ceux-ci étant supprimés- mais il fut
il'arrivéedesAllemands. Ceux-ci en signantlU1 traité
souvent dans l'obligation d'exécuter les ordres d'un
le protectorat avec lui, en reconnaissant ses
pouvoir étranger. Cette situation ne pouvait que lui valoir
'escendants, vont contribuer à stabiliser et sédentariser
de la déconsidération.
~ pouvoir à Paratao durant la période allemande et
(Footnotes)
lême française. Le Tchaoudjo qu'il dirige en profite
1Tchamba est une chefferie islamisée certes.
our réaffirmer son hégémonie sur les autres chefferies
mais d'origine ethnique différentes desTem
dont elle à toujours été indépendant~.
evue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
217

- - - - - - - - - - - - - - -
Sciences sociales et humaines
D'un côté, il était considéré comme le représentant des
Au Togo comme nous venons de le montrer
collectivités traditionnelles par le colonisateur et, de
cette politique ne put être appliquée tout comme au
l'autre, comme agent du pouvoir colonial par ses
Cameroun. Il fallut d'abord envoyer des fonctionnaires,
compatriotes. Dans cette position, il eut souvent
dans ces deux colonies. Il y eut dix hauts commissaires
beaucoup de mal à se faire respecter par ses
o~ gouverneurs au Togo entre 1884 et 1914.
concitoyens et recouru parfois à l'aide du colonisateur.
L'organisation administrative fut d'après
Pour obtenir l'adhésion des autorités
Brunschwig comparahle à celle des colonies anglaises.
traditionnelles existantes ou créées de toute pièces, le
Le principe de l'administration indirecte ... fut tenté.
pouvoir colonial dut intéresser les premiers
Ainsi, on ne se contenta pas de rechercher ]a
responsables. D'ailleurs l'administration rechercha
collaboration des Afiicains dans l'administration locale,
systématiquement la seule alliance des chefs, d'où sa
mais institua à côté des chefs de district, des conseils
fébrilité à en désigner là où il n'yen existait pas.
où siégeait un représentant indigène. On confia
Il ne paraît pas superflu de dire que les
également aux chefs- Tchaoudjo, Mango- la
représentants du pouvoir traditionnel, étaient en voie
responsabilité de la police de leurs villages' ...
de fonctionnarisation; cette situation aurait fait d'eux
En réalité on peu dire que s'il ne fut pas question
tout simplement des agents d'exécution comme dans
d'administration directe, mais au contraire de s'appuyer
le système français. Déjà au début de la colonisation,
sur les chefs, cette politique ne prévalut qu'au début de
les chefs qui percevaient autrefois dcs taxes sur des
la colonisation lorsque le personnel administratif
marchandises traversant leurs territoires furent
manquait cruellement. Par la suite, la tendance à
indemnisés. Au Tchaoudjo, on dédommagea les
l'administration directe s'accentua.
dirigeants avec' 1000 Marks en compensation des
Enfin de compte, la politique « indigène» que
recettes perçues autrefois sur les caravanes1•
mena le pouvoir colonial allemand au Togo fut adaptée
Le pouvoir colonial renforça l'autorité des
aux circonstances de la conquête. Elle ne fut ni
chefs en leur adjoignant des policiers; les souverains
absolument directe ni indirect; ce fut un mélange des
musulmans purent garder leurs ann~es bien que
deux.
réduites- cas des Sémassi de Ouro Djobo Boukari-
Ainsi, dans l'aire Oti-Volta, on introduisit la
étroitement contrôlées et souvent sollicitées pour la
chefferie (qui fut placée sous l'autorité d'lin chef
cause des nouveaux maîtres. J
supérieur d'origine musulmane) chez les populations
lignagères.
CONCLUSION
Quant aux royaumes ou chefh:ries musulmans,
En 1914 on était bien loin des premières
ils eurent un traitement à part~ Leurs souverains ne flrrent
intentions de Bismarck sur l'expansion coloniale et
pas immédiatement remplacés; " Ils ne devaient pas
cependant exercer lm pouvoir financier comparable aux
l'administration des territoires conquis.
L'installation
U
d'un appareil administratif... l'établissement de
émirs du nord du Nigeria qui avaient le trésor indigène
garnisons permanentes de troupes allemandes ...
de Lugard à leur disposition"'. Ils ne furent pas libres
n'est pas prévu U! Expliqua-t-il à Nachigal avant son
de gérer leurs territoires, et l'inunobilisme politique ainsi
que toute innovation culturelle hors l'Islam y furent
départ. Devant le Reichstag le 27 juin 1884 il maintenait
découragés.
la même position: (( l'Allemagne ne se propose pas
Mais vers la fin du règne colonial allemand,
d'imiter la politique française ... )) Je compte moins
me servir de la forme de l'annexion des provinces

surtout lorsque la pacification consolida partout la
nouvelle autorité, la tendance à l'administration directe
d'outre mer à l'Empire allemand que délivrer des
lettres de franchises semblables aux chartes royales

et à la mise au pas de toutes les autorités s'accentua.
Le gouvernement projetait d'ailleurs en 19131a création
anglaises ... Il faut essentiellement laisser aux
d'une école dans laquelle on enseignerait le
intéressés (les indigènes) le soin de gouverner ... Je
commandement aux chefs.
pense aussi qu'on pourrait très bien se contenter
Tout porte à croire que sans la guerre, la
d'un seul représentant de l'autorité impérial ... 2
tendance à l'administration directe, se serait imposée;
1
(Footnotes)
au fur et à mesure que les moyens matériels et humains
, Knoll. A. 1nB.pAB.
le pennettrait c'est tout juste le contraire de la politique
1 Brunschwig H, 1957, pp. 129-/30.
) Brunschwig H, 1957, pp. 171-172.
, Knoll. A
1978.pAB
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Revue du CAMES - Nouvelle Série H, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestn

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Bismarkqui aurait certainement été pratiqué au Togo
8. KNOLL,A., 1978. "Togo under Imperial Germany.
sommet du protectorat à la base.
(1884-1914)". ACase Study in colonialrule, Hoover
1
TI s'ensuit donc, pour l'autorité coutumière, une
Institution Press, California, 224 p.
sitionintermédiaire et ambiguë qui cristallisaitsurelles
;conflits opposant autorités coloniales et sociétés
9. LOMBARD, J., 1967. Autorités traditionnelles
ditionnelles. En effet, elle représentait le seul lieu de
et pouvoir européens en Afrique noire. Armand
1contre entre les deux conceptions du pouvoir: le
Collin.
uvoir allemand, qu'elle était censée représenter aux
ux des populations, et le pouvoir coutumier qu'elle
la. OURO-DJERI, A., 1989. Eléments de
ntinuait,enprincipe, d'incamer pour l'administration.
polémologie en pays tem : cas des « Semassi »
:nedouble représentativitélui conférait unrôle chargé
(1880-1914). Mémoire de Maîtrise d'Histoire,
ambiguïté car son comportement pouvait êtrejugé
Université du Bénin, III p.
fféremment selon les circonstances. Souvent il fut
fficile aux populations de faire la distinction entre les
11. SEBALD, P., 1988. Togo: 1884-1914. Akadernie
cisions que les nouvelles autorités traditionnelles
Verlag Berlin, Berlin

enaient en tant que représentantes de la collectivité
1 bien entant qu'agent du pouvoir colonial.
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