______________________________ Sciellces sociales et "limailles
1
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,
JUSQU'OU LE PLEONASME
CAUTIONNE-T-IL LA DIAPHORE ?•
Koffi Mag/oire KOUASSI
MaÎtre-A.uistallt, Docteur d'Etat
11111111111;~~~U~I~h~'e~'r~.\\~it~é~(~/e~B~o~",aké-Côted'Ivoire
il
i
ABSTRACT
French language draws its ric!mess from a variety of sources. One ofthese sources which attract the
linguist's attention tums to !:Je pleonasm that itselfis ofvarious kinds in reference to itsdegree ofgrammaticality.
ln distinguishi ng the pleonasm that is a product ofsuperfluity fj'OITI the kind of pleonasm under its plenitude
dimension, FONTAN 1ER certainly intended to point out emphatically the two aspects ofredundancy whose
nature and mode ofrepetition are its consecration. ln this aI1ic!e, 1have allowed myselfto explain that
Il
diversity characterizing diaphora which excludes pleonasm when the latter enriches a basically verbal
1
1
redundancy, as the gist ofthis sort ofdiaphora rests on cataphore and anaphora.
Il
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RÉSUMÉ
!
1
,
La languc fi'ançaise tire sa richesse à travers diverses sources. L'une de ces sources qui focalise l'attention
l, du linguiste se trouve être le pléonasme, lui-même divers relativement à son degré de grammaticalité.
1 FONTANIER. en distinguant le pléonasme relevant de la superfluité du pléonasme sous sa dimension de plénitude,
: a certainement voulu insister sur les deux aspects de la redondance dont la nature et le mode de la reprise en
Il constituent laconsécration. Cetarticle s'estdonc pel111is d'explicitercettediversité du pléonasmequi. prenant
:i en compte la diaphore dans ses degrés les plus anaphoriques et les plus cataphoriques, exclut le type de pléonasme
i1 qui fëconde une redondance essentiellement verbale.
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L~'IHI"=S=:===D=ic='l=7/=)(=JI=.e=.
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=ca='=(=IJ7=h=o=r=e,=(=In=(='P=:h=o=r=e=,1=7=h='o=n=(='.I='I1=1C="=.I'=,l='P=e=r=U=it=é=,p=l=é=n=il=U=d=e=:.
leurs principes de plénitude que dans lcurs
INTRODUCTION
caractéristiques de supedluité. convoquent bien souvent
les traits de la diaphore avant de s'en déma(quer au
Il est presqu'une gageure que le linguiste
nom de l'intégrité grammaticale" 1. Comment peut-on.
évoque l' idée de la diaphore lorsqu'il traite du pléona~me
en effet. retenir de cet exemple ci-après un fait
dans le contexte gral1lmatical.lnverselllent.lcs analyscs,
pléonastique sans y découvrir l'exprcssion
par lui. ouvertes cn favcur de la c1iaphore, excluent
diaphorique '7
directemcnt l'idée du pléona~llle. POl1l1ant. il me scmble
(F~HJlnotl'S)
, FONTAN!F1C (P.l. 1977
Les .ligures tin discours. Pnris.
conveni~ dc retenir que les tours rléon,L~tiques, tant dans
j·l,lIl)lII<lrlo11. p 199.
Revue du CAM ES - Nouvelle Série Il. Vol. 008 N° 1-2IH17 (l" Semestr~')
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_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humailles
1°/ Le premier axe va s'intituler: la diaphore
(1) Quand sur le tard mes yeux}' mes yeux/
grammaticale, un fait pléonastiq:le de degré zéro ;
se/briseront.
20 / Le second axe répondra aux exigences de
(Regard/LGDIPigmentsI69)
l'idée suivant laquelle la diaphore est un pléonasme de
nécessité stylistique;
N'est-ce pas la même répétition pléonastique
3°/ Le troisième axe enfin appelle à la réponse
du morphème' 'mes yeux" contenue dans le premier
suivante: le pléonasme, un phénomène de redondance
vers que restitue, dans une certaine mesure, le pronom
non diaphorique.
préverbal ou anaphorique' 'se" (1) dans le second vers
de DAMAS ?
J. LADIAPHORE GRAMMATICALE:
Mais tous ces items coindiciés pour pléonasme
UN FAIT PLEONASTIQUE DE DEGRE
jouissent-ils des propriétés diaphoriques au sens
ZERO
coréférentiel du terme?
Inversement, la reprise anaphorique "se"
On sait qu'en français moderne. la fluidité du
partage-t-elle le même degré de pléonasme que' 'mes
langage provient de divers procédés de substitution.
yeux" dont la répétition voue d'un premier coup d' œil
L'un des substituts qui redynamise le style de l'usager
la redondance disconvenante ?
de la langue française est sans conteste notable le
Tout bien considéré, le sens de ce présent article
pronom. "Mot sans visage"; comme l'affirme
s'inscrit dans la logique de la réponse à ces diverses
PINCHON, le pronom donne caution à une catégorie
interrogations, Il s'agira, pour moi, d'analyserjusqu'où
de relation diaphorique spécifique. En conséquence,
le pléonasme est diaphorique et où ils s'excluent
(4) se distingue de (5) pour des raisons que voici:
mutuellement.
Pierre FONTANIER, dans son ouvrage
(4) Ils me l'/onl rendue
intitulé: Lesfigures du discours2 évoque divers degrés
la vie/
dans les tours pléonastiques. Il cn va de même p~:lUr
plus lourde et lasse.
Patrick BACRY qui, lui, distingue le pléonasme admis
(Complainte du Nègre/LGDIPigmentsI47)
du pléonasme réprime. Selon BACRY, en effet, est
admis, le pléonasme du genre:
(5) Souvent, pOlir s'amuser. les hommes
d'équipage prennent des albatros}' vastes oiseaux
(2) Il {ioue] à [un jeuj dangereux.
des mers 1 qui suivent indolents compagnons de
voyage le navire glissant sur les goufTres amers.

En revanche, est dit pléonasme réprimé les
(L 'AlbatroslPCBILesfleurs du ma1132)
répétitions comme celles contenues dans l'exemple (3).
En (4), le substitut" l' "du syntagme nominal
*(3) Il [monte] [en haut] pour [avancer]
(SN) "la vie" apparaît comme une nécessité
[devant]
grammaticale alors qu'en (5) ilU contraire, "vastes
oiseaux des mers" en tant que reprise du SN "des
Peut-être faudrait-il explorer cette diversité de
albatros", ne revêt qu'un attrait stylistique. On dit que
tours en confrontant le pléonasme à la diaphore au sein
" l' " appelle à une relation diaphorique grammaticale
de laquelle se trouvent atomisées les relations
tandis qu'entre' 'des albatros" et "vastes oiseaux des
d'anaphore4, d'anadiplose, d'épistrophe et de
mers", on ne relève qu'une diaphore lexicale. Toutefois,
réduplication aux fins d'en établir les liens de
la diaphore grammaticale n'exclut pas l'idée de reprise,
réciprocités. Dans un cas comme dans l'autre, si nous
donc de répétition subtile d'autant que (4a) de (4) jouit
reconnaissons que la diaphore résulte de la relation
d'une lisibilité plus caractéristique et d'une norme
syntaxique et/ou sémantique qui co-réfère un élément
granunaticale exemplaire.
A à un élément B, c'est admettre du même coup que
les diverses catégories des tours pléonastiques
(4a) 11.1' m'ont rendu
impliquent des subtilités diaphoriques avant de les
la vie
transcender. En conséquence,j'organiserai ma réflexion
plus lourde et lasse
autour de trois axes fédérateurs:
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Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1'" Semestre

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
Ensupprimant "1''' en (4a) pour obtenir une
- soit enfin que" le " est une reprise résomptive
séquence phrastique plus concise, on démontre là que
impliquant par voie de conséquence l'idée du port d'un
le pléonasme se laisse saisir en (4). Ce pléonasme se
nouveau chapeau par un homme.
vérifie par le caractère totalement subordonné de la
Au regard de cet éventail d'interprétation large
reprise envers son désignateur autonome. Par principe
des phrases scellées du sceau de la reprise diaphorique
grammatical, " l' " porte la même marque du genre et
grammaticale parce que pronominale, je ne peux
du nombre que son désignateur " la vie". Et il suffit
qu'observer ici la présence sous-jacente d'une
de substituer" la vie " aux " yeux" pour que" l' "
réitération pléonastique; celle qu'il convient de qualifier
prenne la forme que voici:
de pléonasme de degré zéro. N'assurant qu'un degré
zéro dans la logique de la répétition, cette catégorie de
(4b) Ils me les] ont rendus
pléonasme s'oppose à celle qui relève de la stylistique.
les yeux]
plus lourds et las
De fait, la reprise pronominale n'a de sens et
II.
LA
DIAPHORE
LEXICALE:
UN
d'essence que relativement au désignateur autonome
PLEONASME STYLISTIQUE
dont il est le substitut. il faut donc comprendre pourquoi
PINCHON affirme qu'elle représente" le vide ou
Est-il besoin de rappeler que sous cet angle, la
l'abstraction "6. Mais ce vide ou cette abstraction
diaphore féconde une diversité existentielle? En
signifie-t-ille néant? Avec FAUCONNIER, il importe
excluant, pour les besoins de la cause, l'exophore pour
de savoir que tout pronom, du moins celui de la
ne prendre en compte que les cas de reprises
troisième personne, établit toujours une relation de co-
endophoriques, deux possibilités guident mon analyse :
référence, fut-elle partielle avec son désignateur
autonome7. C'est donc dire que l'abstraction dont parle
- les r~prises par trope ; et
ici PINCHON ne traduit guère l'idée du néant. Bien
au contraire, provenant étymologiquement de la
- les reprises non trope.
conjugaison de la particule «Pro» et du radical «nom»,
le pronom n'a de valeur significative que parce qu'il
2.1. Les reprises diaphoriques par trope,
prend la place du nom. Malheureusement, ce nom
des cas de pléonasme stylistique
n'augure d'aucun caractère exclusif de sorte qu'un
pronom comme" le " arbore toujours sinon souvent
Elles concernent, pour l'essentiel, les reprises
d'un caractère hypothétique. Dans l'exemple ci-après:
métaphoriques à partirdesquelles, par transfert de sens,
on emploie un mot pour un autre. Au demeurant, ne
(6) L'homme/porte un nouveau chapeaur Nous
peuvent surgir de ces reprises que :
[le]] verrons dès demain.
soit des relations d'hyponymie comme il
Trois cas de figures sont envisageables:
est admis de l'observer dans l'exemple (5) :
- soit que "le" co-réfère à "un
nouveau chapeau" et dans ce cas (6) donnera (6a)
en:
(Foolnoles)
(6a) L 'homme porte un nouveau chapeaur Nous
, FAUCONNIER. (O.). La car~férence : .•yntaxe 011 sémantique?
verrons [un (cet) nouveau chapeau]] dès demain.
Paris, Ed du Seuil, p 10.
, FONTANIER. (P.), op. cil., P 299.
'BACRY (Paltiek), 1992. Les figures de style, Patis, Belin, 1992,
- soit qu'il est le substitut de" l'homme" et
p.7.
• L'anaphore, dans ce cadre. tépond aux principes de la reprise d'ilne
(6b) peut représenter la structure profonde de (6) en :
idée A par Un pronom réfléchi.
.. .
(6b) L'homme] porte un nouveau chapeau. Nous
• seront précédées de ce signe. toutes les séquences phrastiques
grammaticales.
verrons [l'homme] (au nouveau chapeau)] dès
• PINCHON. (1.), 1972. Les pronoms adverbiaux .En et r», problè1Jli!s
demain.
générau:c de la représenta/ion pronominale,
Genève, DROZ, p 9.
• PINCHON, (1.), Ibidem. p. 9.
7 FMJCONNIER, (o.). op. cil., p. 9-20.
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1 U Semestre)
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Sciences sociales et humaines
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(5) Souvent, pour s 'amu.ser, les hommes d'équipage
2.2. Les reprises diaphoriques lexicales
prennent des albatros]' vastes oiseaux des mers]
non trope, autres formes de pléonasme
qui suivent indolents compagnons de voyage le
stylistique
navire glissant sur les gouffres amers.
(L 'Albatros/PCB/Lesfleurs du mal!32)
La diaphore lexicale non trope implique
également une diversité de reprises:
soit des relations d 'hyperonymie, puisque
dans ce cas précis, la reprise fonctionne comme un
- tantôt elle appelle à la reprise avec changement
sous-ensemble d'un désignateur autonome. L'exemple
de déterminants :
ci-dessous offre le schéma le plus édifiant:
- Tantôt elle convoque un phénomène de «répétition
(7) Le charmeur attendait depuis quatre heures.
pure et simple»l.
Entre ses mains desfleurs], des roses] qui n'avaient
plus leur éclat à force de recevoir la poussière que
2.2.1. La diaphore conduite par des
leur administraient au passage les véhicules.
reprises avec changement de
déterminants
En réalité, « des roses» en tant que reprise
endophorique du SN « des fleurs» constitue un sous-
Ce type de diaphore exclut les reprises
ensemble de ce désignateur autonome tant il est vrai:
métaphoriques. En revanche, il restaure, dans l'espace
la rose est une fleur, mais toutes les fleurs ne sont pas
discursif, l'identité des unités significatives du couple
nécessairement des roses.
endophorique à l'exception près que le déterminant de
- Soit enfin, des relations de co-référence purement
l'unité As' oppose, par le degré de détermination, à
accidentelle ainsi qu'il résulte de l'exemple ci-après:
.
.
l'unité B. Cette divergence entre les déterminants
proclame toute la fluidité du langage au point de ne
(8) Oui me voilà entre deuxfrères]' deux traîtres]
guère remarquer la superfluité, donc le pléonasme. En
deux larrons.
disant:
(Chaka/LSS/Ethiopiques/118)
(9) J'ai rencontré une femme] au passage..Cette
On sait, du moins par principe, qu'on peut être
femme] m 'a été d'un apport précieux.
.
.frère sans être traître ou traître sans être frère à celui
qu'on trahit. Au total, la relation endophorique entre
On joue là sur le sens du style qui pallie toute
« deux frères» et « deux traîtres» ne peut provenir que
répétition disconvenante. Pourtant, ,elle renferme cette
d'un fait purement hasardeux, donc accidentel.
redondance, même voilée par ce fait de style. On dit
Toutefois, que la diaphore soit d'hyponymie,
que ce type de pléonasme styli~tiqueest, par voie de
d'hyperonymie ou de co-référence accidentelle, elle
conséquence, moins expressifque ceux que produit la
fonctionne sur la base de deux unités lexicales
reprise lexîcale non trope et qui n'appelle à aucun
morphologiquement non identiques. Cette non identité
changement de déterminants.
entre le désignateur autonome et la reprise rappelle la
diaphore pronominale à la seule différence que cette
2.2.2. La diaphore résultant de la répétition
fois, la reprise n'est pas dénudée de toute valeur
pure et simple
référentielle. Mais ce poids référentiel se jauge au
prorata du sens et uniquement du sens qui unit les deux
La reprise, dans ce cas, ne garantit pas à tous
unités lexicales dites diaphoriques. Du coup, le
égards la coréférence. Bien plus souvent, l'identité entre
pléonasme, commele cas des reprises pro!?,ominales,
le désignateur autonome et l'unité dépendante frise si
s'exprime ici également de manière implicite puisqu'il
bien la perfection qu'on a à se demander si le pléonasme
ne peut se saisir qu'à partir du décodage des faits
à y repérer n'est pas dit réprimé. De toute évidence, si
métaphoriquement encodés. Or, qui parle de métaphore
une répétition anaphorique comme celle qu'intègre cet
en tant que faits d'expression évoque de facto des faits
exemple qùe voici :
de style; des faits de style donc qui impliquent un cas
1
de pléonasme stylistique. Ces mêmes faits de style
(1 0) J~ai dessein de ]faire retraite dans les marches
apparaissent dans les reprises non trope.
dufldve.
J'ai dessein de
1 méditer tes énigmes.
60
Revue du CAMES - Nouvelle Série 8, Vol. OOS N° 1-2007 (1" Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
(EpUres à la princesse/LSS/Ethiopiques/
(lOa) J'ai dessein defaire retraite dans les marches
135)
du fleuve, de méditer tes énigmes.
restitue toute la quintessence de la redondance peu ou
/13a) Seigneur, combien de temps encore verrons-
prou disconvenante, du moins par principe grammatical,
nous contre toi les méchants s'élever?
il n'en va pas de même des faits de diaphore provenant
Cette paraphrase, si elle ne se .révèle pas
impossible avec (10) et (13), elle s'avère tout de même
- de l'épistrophe dont l'ossature se laisse sceller
difficile en(ll) et en (12). Justement, c'est parce qu'en
dans cet exemple :
(10) et en (13), les syntagmes répétés portent les
stigmates de la superfluité alors qu'en (11) et (12) ceux-
(11) ...
ci révèlent leur caractère de plénitude. Que la présence
Je l'ai lue en tes yeux]
de l'unité dépendante émarge avec le poids de la
qui n'avaient d'yeux]
plénitude ou de la superfluité, l'idée de la redondance
que pour la peine
est agréée et cautionne, par pan progressif, le
(Toute la peine/LGD/Névralgies/115)
pléonasme; mais un pléonasme façonné par les faits
du style; un pléonasme un peu moins saillant que le
- de l'anadiplose telle qu'elle est prescrite par
la répétition des SN «Enquien et Condé» dans la
pléonasme non diaphorique.
séquence phrastique ci-après libellée:
III. LA DIAPHORE ET LE
(l2) Un bruit s'épand qu'Enquien et Condé sont
PLEONASME S'EXCLUENT
passés: Condé dont le nom seul fait tomber les
MUTUELLEMENT
murailles, force les escadrons et gagne les batailles;
Enquien, de son hymen seul et digne fruit, par lui,
Il est, dans la langue française, des verbes qui ne
peuvent se passer du pronom, substitut inconditionnel
dès son enfance à la victoire instruit.
du substantif. La grammaire traditionnelle les qualifie
(Boileau)
de verbes réfléchis ou réciproques. Ils s'opposent aux
- Ou enfin, de la réduplication contenue dans
verbes ordinaires par ce qu'ils se laissent toujours
cette autre séquence de vers.
précéder d'un pronom dit préverbal et une phrase
comme:
(l3) Combien de temps], Seigneur, combien de
temps] encore verrons-nous contre toi les méchants
(l4) Le mécanicien [ J lave après le travail.
s'élever?
(Racine)
Apparaîtrait non acceptable si tant est qu'on voulait
Au demeurant, les quatre cas de reprises
dire:
rythment la cadence du pléonasme, du moins par leur
poids syntaxique et morphologique dans la structure
(14a) Le mécanicien] [se]llave après le travail.
des phrases. Ici, c'est « J'ai dessein de »qui crée la
redondance, là, le SN « yeux », ailleurs, on retient
En démontrant que les séquences comme (14a)
« Enquien et Condé », plus loin « Combien de temps ».
étaient plus acceptables parce que la lexicalisation du
En français moderne, bien des procédés linguistiques
- pronom préverbal « se »donnerait (14 b) en :
tels que la troncation ou la mise en apposition permettent
d'éviter le surplus de mots. Evidemment, à des de~és
(l4b) Le mécanicien lave le mécanicien après le
divers, on n'échappe point à certaines répétitions. Par
travail.
exemple, (10) et (13) peuvent aisément se passer des
éléments répétés pour donner une structure plus fluide
J'ai voulu établir là l'expression anaphorique
obéissant aux cont:raip.tes grammaticales. Aussi pourrait-
en faveur de laquelle la grammaire distributionnelle fait
on écrire :
de ce pronom préverbal un cas spécifique de reprise.
Si donc le pronom préverbal doit nécessairement
exister pour que la grammaticalité de la phrase soit,
RevJe du CAMES-Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
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_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
c'est que la question du pléonasme, plus que relevant
CONCLUSION
du degré zéro tend à disparaître pour l'obéissance à la
norme. Mais tout ce qui prescrit la norme échappe à la
En définitive, diaphore et pléonasme symbolisent
redondance; du moins d'un point de vue de la structure
bien des bourgeons d'une même graine qui, devenus
de surface de la phrase. Or le pléonasme, surtout dans
arbres, ne produisent pas des fruits de la même espèce,
son degré de superfluité, impose l'idée d'incongruité
du moins jusqu'à un certain degré. Image bien curieuse
due à la redondance disconvenante. En disant ;
qui, pourtant, assure sa notoriété à la faveur de deux
. classes grammaticales précises que sont le pronom
*(15) Je l'ai [vü] de mes propres [yeux].
anaphorique et des verbes que j'appelle les verbes à
ou encore
sémantiques préconçus.
*(3) Il [monte] en [haut] pour [avancer] [devant].
Par essence anaphorique, le pronom dit
préverbal ne peut apparaître ex nihilo dans l'espace
On revitalise le pléonasme dans toute sa
discursif. Dès lors, son emploi entend répondre plus à
dimension sans y découvrir la diaphore, même pas au
une exigence grammaticale qu'à un fait de style.
sens anaphorique du terme et pour cause: les verbes
Evidemment, pour ce poids grammatical, on ne peut et
comme« voir» et« monter» prescrivent toujours une
on ne doit parler ni de plénitude ni de superfluité. Et
catégorie sémantique qui renvoie systématiquement à
dans une phrase comme (14a) :
des réalités extralinguistiques. Ainsi est-il impossible de
voir par autre organe que par des yeux à moins que
(14a) Le mécanicien] se] lave après le travail.
voir dans ce cas soit employé au sens métaphorique.
De même, on ne monte qu'en haut et non en bas. En
On ne saurait parier de pléonasme au sens de la
ajoutant à ces verbes, des référents déjà saisis par le
redondance disconvenante.
fait de la sémantique verbale, on provoque là le
De même. un verbe comme «montem signifie
phénomène de la superfluité qui, curieusement, éloigne
par essence être au-dessus de. Vouloir donc y ~outer
la question de redondante par l'existence d'un
des déictiques spatiaux comme « en haut» qui renvoient,
désignateur dit autonome et d'une unité dépendante
eux également, à l'idée d'être au-dessus de, c'est bien
répondant aux caractéristiques de la reprise. Or, là où
courtiser le pléonasme tautologique, celui qui marque
il est impossible de parler de l'idée A reprise par un
l'agrément à la superfluité; une superfluité qui, contenue
élément B (extralinguistique ou intralinguistique peu
dans une séquence phrastique comme (15), signe le
importe), on ne saurait parler de diaphore.
divorce avec la diaphore.
Toutefois, il importe de retenir que cette
exclusion mutuelle s'inscrit dans un cadre beaucoup trop
restreint pour que les analyses récurrentes qui traitent
du pléonasme ne sondent pas les alibis de la diaphore
ou que les développements récents sur la diaphore ne
prennent pas en compte l'expression pléonastique.
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