ScÎeuces sociales et humaines
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1
1
PRATIQUES ET METHODES
BUDGETAIRES DES ENTREPRISES
EN COTE D'IVOIRE
Rqger GANDAHOI
Enseignant-Cherchellr à l'UFR
Sciences Economiques & Gestion
1111111111!;~~~~~~U~':11:·v:e:rs:ité de BOllaké-Côte d'Ivoire
RÉSUMÉ
A partir des résultats d'une enquête réalisée auprès d'une soixantaine d'entreprises en activité en
région abidjanaise de Côte d'Ivoire. une réflexion de fond a été engagée sur les pratiques et procédures
budgétaires développées par les entreprises opérant en Côte d'Ivoire. Le but de ce papier est d'exposer
succinctement les pratiques courantes observées, surtout en matière de gestion budgétaire, et de livrer quelques
éléments de notre réflexion à ce sujet. Les résultats de cette étude ont montré que, dans les petites entreprises,
le budget et les mécanismes de contrôle budgétaire sont peu ou pas du tout utilisés. D'autres mécanismes de
contrôle ba~és sur le système comptable sont plus fréquemment développés par les dirigeants de ces entreprises.
Dans les moyennes et grandes entreprises, des efforts pour l'introduction d'un processus de planification
stratégique, sont perceptibles, même si la turbulence et la complexité de l'environnement rendent les prévisions
strat~giques et budgétaires difficiles à réaliser. Dans ce groupe d'entreprises, on voit parfois des entreprises
désireuses d'accroître leurs performances managériales coupler des instruments comme le tableau de bord de
gestion, le tableau de bord prospectifou balanced scorecard avec le budget. Si dans le court terme les systèmes
de contrôle mis en oeuvre semblent montrer, en général, une certaine efficacité, dans le moyen et long terme,
leur fiabilité est souvent remise en cause, sans nul doute, à cause des difficultés de prévisions liées à la grande
turbulence de l'environnement des entreprises.
Mots clés ..
Pratiques. budget..\\ystèmes de contrôle, planification stratégique,
ABSTRACT
From an empirical investigation based on a postal survey about sixty firms, we undertook to think
deeply on budgetary practices and procedures developed by companies in Côte d'Ivoire (Ivory Coast).
The objective ofthis paper is to set out succinctly and to analyse common practices observed, especial1y in
1
the field ofbudget management. Results from this survey showed that budget and budget control mechanisms
"
il are little orotherwise are not at ail used by managers insmall businesses. Othercontrol mechanisms borrowed
i from the accounting system Me frequently implemented. In medium-sized and big companies, remarkable
1
(foolooles)
, I:Ils<i~I"lIlt-"hcrchcur il I"UFR Scicllccs ho & Gestion. 27 BP 529 ABIDJAN 27. Côte d'Ivoire.
Tél: . (225) 07 80 69 25
E-.mail: gandaho2000@yahoo.com
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
35

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
Le premier de ces problèmes est que les résultats du
le budget n'a pas de lien assez fort avec
passé intègrent des erreurs et des insuffisances. Aussi
la stratégie;
ne serait-il pas judicieux de prendre pour cadre de
le budget est consonunateur de temps;
référence pour les évaluations présentes ou futures et
il est myope, car il ne couvre qu'unan (effet
la fixation d'objectifs, les résultats du passé conune le
tunnel) ;
montre l'observation de la pratique courante dans
il laisse la place à une trop grande
beaucoup d'entreprises. Le second problème a trait à
extrapolation de la tendance passée;
la turbulence de l'environnement qui pourrait subir de
il entraîne une faible pertinence des
profonds changements dans l'avenir. Toute projection
prévisions et les données manquent de
qui s'appuieraitessentiellement sur les résultats du passé
fiabilité; son élaboration entraîne une
conduirait alors à des estimations loin de la réalité.
faible implication des managers;
Comme solution préconisée pouréviter ces problèmes,
il ne s'intéresse qu'aux aspects financiers
ces auteurs recommandent de lier explicitement les
des événements ;
budgets à la stratégie et de concevoir les prèvisions
il traite les divisions fonctionnelles comme
budgétaires sur la base de méthodes budgétaires
si elles étaient indépendantes.
avérées efficaces, qui seules sont censées offrir de
réelles possibilités de mesure proche de la réalité.
Les points sujets à controverses reposent, pour
Kalika (1987) démontre que les organisations
la plupart, sur une généralisation abusive des pires
les plus différenciées et décentralisées au plan structurel
pratiques. La méthode budgétaire dite traditionnelle est
disposeraient des systèmes de planification et de
celle qui fait l'objet de toutes les critiques. Barret et
contrôle les plus développés. II rejoint ainsi les
Fraser (1977) font remarquer que les problèmes posés
conclusions de Bruns et Waterhouse (1975) qui, dans
par le budget viennent de la multiplicité de ses fonctions,
leurs travaux antérieW'S, ont constaté que les pratiques
certaines étant incompatibles deux à deux (parexemple,
budgétaires les plus sophistiquées se retrouvent dans
prévoir et évaluer). Jensen (2001) relève que son
les structures les plus décentralisées. Merchant (1981 )
utilisation comme outil d'évaluation des performances
parvient également au même conStat en montrant que
pose d'importants problèmes, notamment lorsqu'il est
le processus budgétaire est plus formalisé, plus
relié aux plans de bonus des entreprises. Berland (1999)
complexe et plus participatifdans les organisations les
démontre que pour favoriser l'innovation dans les
plus décentralisées. Ces conclusions renforcent celles
entreprises, les managers cherchent à libérer les énergies
plus récentes de Covaleski et al. (1996) qui montrent
disponibles et la créativité. Or, le contrôle budgétaire,
qu'il ne peut être fait abstraction du contexte
en imposant un cadre hiérarchique strict, irait à
organisationnel pourexpliquer les pratiques du contrôle
l'encontre de cet idéal.
des entreprises.
On voit que les critiques sont focalisées sur
Si Hofstede (1967) avait déjà trouvé plus tôt que le
certains rôles attribués aux budgets. Or, les budgets
degré d'hostilité du contexte économique dans lequel
remplissent des rôles différents et potentiellement
évolue l'entreprise influence la manière dont celle-ci
contradictoires selon les entreprises. Il semble que
utilise ses budgets, Berland (1999 ;2000), plus
certains de ces rôles dominent en fonction du type de
récemment confirme par ses travaux et en renforçant
management stratégique adopté par l'entreprise. C'est
l'idée de Hofstede, que le contrôle budgétaire s'est
pourquoi, il est nécessaire de connaître, au préalable
développé dans les organisations à un moment de
de toute étude sur les méthodes et pratiques budgétaires
l'histoire économique où l'environnement des
d'une entreprise, les dimensions pertinentes des rôles
entreprises était relativement stable et peu complexe,
dominants attribués au budget. Ace propos, l'étude de
et le contexte concurrentiel peu dynamique.
Berland (1999), qui met en lumière le rôle dominant
Les conclusions d'autres études ont, par contre,
dévolu au budget selon le type de contrôle retenu, est
conduit à la formulation d'une série de critiques sur les
riche d'enseignements. Dans un tableau, Berland
méthodes et pratiques budgétaires (Barret et Fraser,
présente un classement du rôle dominant du budget
(1977 ; Churchill, 1984 ;Kennedy et Dugdale, 1999 ;
selon trois modèles de contrôle budgétaire:
Bescos et aL, 2003). Les points de critiques
essentiellement retenus sont les suivants :
38
Revue du CAMES - Nouvelle Sfrle B, VoL 008 N° 1-2007 (1" Semestre)

_~
......................~
....".-
~_ _............
~. Sciences sociales et hUmaInes
Tableau 1 : Les trois modèles de contrôle budgétaite
Modèles de budget
Questions prindpales
Raies
du
colltrÔle
Rôte
d&mfnant
du
que
se
pOlle
budgétllire
budget
t1eiltreDrlse
Planification
Quelle
sera
ma
Prévision, autorisation
Prév isioh-p lan ification
Stratégique
situation
financière
de dépenses, évalulition
demain?

allons-
non formalisée.
nous?
Comment
se
forme mon résultat?
Contrôle Stratégique
Mes différentes actions
Coordination.
Coordination-
1
sont-elles cohérentes?
communication,
soc ialisation

en
est
le
slack
évaluation
organisationnel?
Comment
coordonner
les
différentes
unités
entre elles ?
Contrôle Financier
Ai-je raison d'investir
Motivation,
Evaluation-sanction
1
dans
cette
activité?
engagement,
1
1
Dans ce pays?
évaluation
financière
stricte
1
Sources: Berland (1999, p.21) : Les trois modèles de contrôle budgétaire.
Ce tableau montre que dans un système de
ensetnble cohérent d'objectifs économiques chiffrés
contrôle privilégiant la planification stratégique, le rôle
annuels sur lesquels sont plaqués a posteriori des plans
central ou dominant du budget est la prévision dans
d'action. Dans ce contexte, la conception du budget
une optique de planification des activités et des moyens
devient un exercice bureaucratique sans autre utilité que
à mettre en œuvre.
celle d'une justîfication grossière des objectifs issus
Un système privilégiant le contrôle stratégique
d'une négociation politique et non des plans d'action.
vise la coordînation et l'évaluation des activités des
Naturellement, une telle vision du budget conduit à de
différentes unités, et utilise intensément les mécanismes
nombreuses critiques.
de communication de messages destinés à focaliser
Dans les entreprises à contrôle financier, les
l'attention sur les objectifs jugés prioritaires par le
budgets se cantonnent dans l'évaluation des unités
sommet de la hiérarchie. C'est le type de communication
opérationnelles relativement indépendantes entre elles.
qui vise à imprimer un changement voulu des
Cette évaluation-sanction se fait essentiellement sur la
comportements.
base de critères financiers. C'est un modèle de budget
Dans un système où le modèle de budget est
qui soulève aussi des critiques à l'application
basé sur le contrôle financier, le rôle dominant est une
Comme il a été souligné plus haut, les critiques
évaluation-sanction à caractère financier strict.
font une généralisation abusive des pires pratiques, et
Les conclusions de Berland (1999) sur ces
les conclusions de Berland n'échappent pas à ces excès.
modèles se résument comme suit:
Contrairement à BerIand, Homgren et al. (2003, op.cit)
Dans les entreprises à planification stratégique, Berland
trouvent, par exemple, que la coordination des activités.
constate que les budgets servent à anticiper, une fois
dans les entreprises à contrôle stratégique, oblige les
par an, l'activité et à réfléchir sur la stratégie. Ils ne
responsables des différentes divisions à envisager les
servent pas à l'évaluation-contrôle. Dans ce rôle, l'outil
conséquences de leurs décisions sur les autres divisions
budget est peu critiqué, car les prévisions suivent
et sur l'ensemble de l'entreprise. Ces auteurs perçoivent
l18turellement la planification des tâches.
et présentent le rôle de la communication sous son
Par contre, dans les entreprises à contrôle
aspect positif. Ils soulignent, en effet, que l'ensemble
;tratégique, Berland constate que le budget est un
~evue du"cAMES - Nouvelle Série 8, Vol. 008 N° 1-2007 (1"' Semestre)
39

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _-'-_ _-'-
-'-
Sciences sociales et humaines
des facteurs de production, des services et des fonctions
L'enquête préliminaire (ou exploratoire) a
de l'entreprise sont tendus vers la réalisation de
consisté en une série d'interviews avec des dirigeants,
l'objectifcommun, et que la communication rend cet
des contrôleurs de gestion et des responsables
objectifcompréhensible et accepté par tous.
comptables ou financiers, ou autres personnes
Malgré ces vives controverses sur le budget,
ressources vers lesquelles nous avons été orienté. Le
on constate que peu d'entreprises dans les pays
but de cette première série d'entretiens semi-directifs
industrialisés abandonnent, dans la pratique, le mode
conduits à l'aide d'un guide d'entretien est de préciser
de pilotage par les budgets ou associant étroitement
le cadre méthodologique de la présente recherche et
les budgets. Les systèmes retenus semblent coupler des
de valider les éléments de conception d'un
modes de pilotage s'appuyant sur les plans d'action
questionnaire plus adapté, qui sera administré à une
stratégiques et opérationnels avec des modes de
plus grande échelle. En prenant appui sur les conclusions
prévision et de contrôle budgétaires. On voit,'assez
d'études antérieures (Fallery, 1983 ; Kalika, 1987) qui
souvent, des systèmes où budgets et tableaux de bord
montrent que le chefd'entreprise exerce une influence
de gestion « cohabitent» avec des tableaux de bord
significative sur les modes de gestion de l'entité qu'il
stratégiques ou prospectifs (balanced scorecard). Ces
dirige, nous avons choisi comme interlocuteur privilégié,
outils sont intensément utilisés par les managers et par
pour l'administration par voie postale du questionnaire,
l'ensemble de la ligne hiérarchique pour créer un
le dirigeant d'entreprise. Par précaution, il était
dialogue de gestion, décliner la stratégie et repérer les
néanmoins indiqué au répondant de transmettre le
points problématiques,
questionnaire à un autre responsable de l'entreprise,
De cette revue de littérature, il ressort le constat
dans le cas où iljugerait lui-même sa connaissance des
suivant; les critiques au sujet du budget semblent se
systèmes de contrôle mis en œuvre insuffisante.
concentrer sur certaines de ses fonctions, et c'est
Etant donné que le système budgétaire est
lorsque le budget est utilisé comme outil de prévision-
construit selon l'organisation structurelle de l'entreprise
planification qu'il semble le moins critiqué. En revanche,
qui détermine le système de prise de décisions, et qu'il
dès qu'il sert à évaluer ou à coordonner les services, il
s'articule autour d'unités décentralisées (les divisions
semble que les managers rencontrent des difficultés à
fonctionnelles et opérationnelles), une préoccupation
l'utiliser et que des effets pervers apparaissent.
importante de la démarche de recherche sera d'évaluer
le type de décentralisation du système de décision mis
3. Méthodologie de l'étude
en place dans l'entreprise observée. Car, la diffusion
du pouvoir de décisions au sein de l'entreprise se fera
Cette étude empirique conduite auprès
le long de la liine hiérarchique imprimée par le tYPe de
d'entreprises industrielles et commerciales opérant en
décentralisation structurelle établi. Nous partons de
région abidjanaise l de Côte d'Ivoire a pour but
l'idée que toutes les entreprises observées étant du
d'évaluer les caractéristiques et le contenu des systèmes
secteur dit {( moderne », elIes connaissent toutes une
de pilotage et de contrôle budgétaire mis en œuvre.
forme de décentralisation de leur structure
,
Pour des raisons de représentativité évidentes, il a été
organisationnelle, et qu' aucune d'entre elles n'a vraiment
privilégié une approche multi-sectorielle (différents
un système de prise de décisions fortement centralisé
secteurs d'activité) nécessitant le recours à des
(où le pouvoir de décision se réduit à une seule
entreprises de toute taille ayant un chiffre d'affaires et
personne) du genre de ce que l'on rencontre dans
un nombre de salariés très varié. Les enquêtes ont été
certaines entreprises de type familial. En nous inspirant
conduites en deux temps :
de la démarche de Kalika ( 1987, op.cit.), nous retenons
le classement selon deux modes de décentralisation: la
d'abord auprès d'un .échantillon de 10
décentralisation verticale et la décentralisation
entreprises (enquête exploratoire) pour tester
horizontale.
la validité de notre question principale de
recherche à l'aide d'un guide d'entretien2 ;
,
ensuite, un questionnaire a été administré par
(FootDotes)
1 En cette période de troubles civils et miliraires que traverse le pays
voie postale à 21 0 dirigeants d'entreprises en
Côte d'Ivoire, désormais coupé en deux zones, la région abidjanaise er
région abidjanaise.
zone non assiegée par la rébellion regroupe l·e~sel1tld UU 1I~~1
économique national comprenant la majorité des entreprises opéran
en Côte d'Ivoire
l
Voir le guide d'entretien utilisé en annexes.
40
Revue du CAMES- Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _-:....
---'-_ _ Sciences sociales et humaines
La décentralisation verticale indique la
1.
Vous participez à la prise de toutes les
dispersion du' pouvoir formel le long de la ligne
décisions, y compris les décisions
hiérarchique et permet de localiser le niveau auquel se
mineures, car vous considérez que tout
prennent les décisions.
.
doit être contrôlé.
La décentralisation horizontale rend compte de
2.
Vous ne .prenez de décisions
la participation des différents responsables de
importantes qu'après avoir consulté
l'entreprise à la prise de décision et permet d'apprécier
vos collaborateurs.
le caractère plus ou moins coll~gial de cette dernière.
3.
Vos collaborateurs vous consultent
toujours avant la mise en application
des dé.cisiOùs qu'ils prennent.
3.1. Structure du questionnaire
4.
Vous laissez vos collaborateurs
prendre seuls les décisions qui relèvent
La première partie du questionnaire comprend
de leur domaine de responsabilités.
les questions dont les réponses permettront d'identifier
le (ou les) secteur(s) d'activités de la firme étudiée et
Une échelle de Likert à quatre points permet
sa taille. Le critère du nombre de salariés est retenu
aux répondants d'indiquer dans quelle mesure ils sont
pour évaluer la taille des entreprises.
d'accord avec chacune de ces afflrtnations. ;pas du tout
Pour mesurer le degré de décentralisation
d'accord, plutôt pas d'accord, plutôt d'accord,
verticale du système de prise de décisions, nouSilvons
totalement d'accord.
demandé aux répondants d'indiquer à quel niveau
Ici, beaucoup de réponses positives concernant
hiérarchique (responsables opérationnels, responsables
les affirmations 1et 2 est une situation reflétant une
fonctionnels, direction générale ou au-dessus de la
décentralisation horizontale prononcée du système de
direction générale) sont prises les décisions suivantes:
prise de décisions, caractérisé par une participation
recrutement ou licenciement, développement ou
très collégiale des unités décentralisées aux prises de
lancement de nouveaux produits ou serviœs, choix des
décisions. Une telle structun: est favorable à la mise en
fournisseurs, fixation des prix de vente, réorganisation
oeuvre d'une direction participative par objectifs
des responsabilités opérationnelles. Les décisions de
(DPO). Une situation de réponses positives réunies
nature financière sont écartées de cette liste étant
beaucoup plus autour de l'affirmation 3 traduit un
entendu qu'elles ne permettent pas, du fait de leur forte
système bipolaire de prise de décisions (entre la
centralisation, de différencier les entreprises. Pour
hiérarchie et l'unité décentralisée), sans qu'en la matière,
apprécier et collecter plus facilement les renseignements
le principe de collégialité n'englobe les autres unités
contenus dans les réponses relatives à ces cinq types
décentralisées (très indépendantes) dont les avis
de décisions proposés, une cote est affectée à chaque
pourraient, pourtant, se révéler intéressants à bien des
niveau hiérarchique: 1 pour la direction générale ou
égards. Les réponses positives privilégiant l'affirmation
au-dessus de la direction générale, 2 pour les
4 traduisent une situation où l'unité décentralisée est
responsables fonctionnels et 3 pour les responsables
placée seule devant ses responsabilités excluant toute
opérationnels. Les entreprises pour lesquelles il a été
idée de collégialité qui associe les autres unités aux
réuni beaucoup de réponses se rapportant aux cotes 1
prises de décisions. Le contrôle exercé dans un tel
et 2 paraissent présenter une structure de
système intervient in fine (fin de processus budgétaire)
décentralisation verticale, avec une forte interv~tion
beaucoup plus comme une évaluation-sanction.
de la direction. Un tel système est porté à restreindre la
La dernière partie du questionnaire concerne
liberté (ou la marge de manœuvre) des responsables
l'évaluation du contenu du dispositifde pilotage et les
opérationnels qui se trouvent alors obligés de gérer dans
mécanismes de contrôle mis en place. L'évaluation du
les strictes limites étroitement imposées par le sommet.
dispositif de pilotage se fait en demandant aux
Pour l'évaluation du degré de décentralisation
répondants d'indiquer les objectifs stratégiques
horizontale de la prise de décision, quatre affirmations
privi légiés (deux ou trois), les mécanismes de suivi des
décrivant différentes possibilités de participation ou de
réalisations mis en oeuvre, et ceux de coordination des
consultation des responsables de l'entreprise avant la
activités des différentes unités décentralisées.
prise de décision sont soumises à l'avis des personnes
Concrètement les questions posées doivent permettre
interrogées. Ces affirmations sont les suivantes:
de savoir s'il existe un processus de planification
stratégique formalisé où les objectifs commerciaux et
Revue du CAMES- NouvelleSérie B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
41

----....,...------..,....---...,.._-....,..._..,....--....,...---....,...---- $çiell,ç~sQfÙl/;f~ ft ""'mq~.s;
~ production sont sous-tend~ pa{ des plans d'~clion
avons (,iénombré des réponses prQvC?nant de 35
~écis. Si cçgplans sont assortis. de budgetst, et si un
dirige\\Ults de petites entreptises, (,i' ~UtreS p~ovc::nant
système d'alerte automatique perwet,au, travers du
de 13 çiirjgeants de I\\1oYÇQ",es entrep.ris~s et des
processus de contrôle budgétaire2, de suivre les
réponses de 9 dirigeants de grosses !\\ociétés.
réalisations. Enfin, il ÇOJlvient de savoir aussi, p3{ quels
Au travers des différentes thématiques
mécanismes le sommet de la hiérarchie centralise et
i:\\bordées par le questioIl\\l~ire, nous avons cherché à
coordonne le retour d'expérience de toutes les actÎ9Ils
mesurer et analyser différentesvariables. Il y a les
initiées par lesdifférents centres de reSponsabilités.
variables ayant trait à)a structure organisationnelle d~s
entreprises (notamine",t, le ~ de décentralisation du
J.2. CIlIIIPQSitillu (kl'écha~tHI~ __ d'êt"de
système de prise de décisions), les variables ayanttrait
et caractéristiques des ui*és statistiq.-es
aux stratégies mises en œuvre, celles concernant les
.
observées
,
' . '
"
processus de planification et celles relatives au contrôle
budgétaire. . "
.
Les entreprises de l'échantillon s'ont !;les
.
.
Le défJOl1Îllement et l'analyse:des dOIÙ1ées
entreprises industrielles et comme~èialèS. SOI\\tj:~èlu~.
, 'rocueillie9'et'vllUdées ont pennis ded&elenme structure
de notre champ d'étude les établissemel1ts de cré~he~
'organisationneHeôè forte décentralisati~n verticale du
les compagnies d'assurance. L'é~hailplion n'e~t PÇlS
système de prise qe décisions dans 41 PME-PMi et 6
aléatoire. A partir d'une liste d'eÎ1tr~prises obte'riùe
grandes entreprises. Sur ces 41 PME-PMI, 30 petites
auprès des services techniques. du Ministère de
entreprises ou industries sont concernées' sur un total
l'Industrie et du Commerce, iLa ~té initialèment
. de 35 réponses émanant de dirigeants de petites
constitué un échantillon de 400 entreprises dont les deux
entreprises (nombre de salariés: [10-100)) ; et sur un
tiers (2/3) sont des PME-PMI. Parmi les 400
total de 13 répondants de moyennes entreprises, on
entreprises, il a été choisi, arbitrairement, celles dont le
dénombre Il réponses caractérisant une structure de
siège ou direction générale sont basés en région
décentralisation verticale et provenant de dirigeants de
abidjanaise et ayant une adresse posfule et téléphonique
moyennes entreprises (nombre de salariés: [101-200)).
actualisée. Des contacts téléphoniques ont permis de
Il a été constaté que, dans 5 petites entreprises, 2
vérifier et repreciser les coordonriées enregistrées. Par
moyennes entreprises et 3 grosses sociétés, le système
cette technique, nous aVOijS final~meijt retenu 21.0
de prise de décisions est sous-tendu par undegré élevé
entreprises, avec une proportion des PME-PMI
de décentralisation horizontale.
représentant approximativement les deux tiers.
L'échantillon-test composé de 10 entJeprises est
constitué dans les mêmes proportions de PME-PMI,
soit 7 PME-PMI etO. 3 grosses entreprises.
Les entreprises observées ont été réparties en trois
classes selon leurs effectifs:
une première catégorie d'entreprises ayant un
effectifcompris entre 10 et 100 salariés,
une deuxième catégorie d'entreprises ayant leur
effectifcompris entre 101 et 200 salariés, et
une troisième catégorie d'entreprises dont
l'effectifest supérieur à 200 salariés.
4. Les résultats et leur interprétation
Sur les 21 0 questionnaires administrés par voie
postale, 66 ont été retournés après plusieurs lettres de
(Footnotes)
relance (soit un taux de réponse de 31,42%).
1 Des plans à court ferme
chiffrés, comportant affectation de
Finalement, 57 d'entre eux se sont avérés exploitables
ressources et assignation de responsabilités, forment ce que 1"011
appelle des budgets (Gervais M.• 2000. p.14).
et concernent des réponses provenant de 48 dirigeants
2 Le contrôle budgétaire se définit comme une eomparaison des
de PME-PMI et 9 dirigeants de grandes entreprises
résultats réels et des prévisions chiffrées fIgurant aux budgets
(Gervais M., 2000, op. cit.).
industrielles et commerciales. Plus précisément, nous
42
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)

Sciences sociales et humaines
- - - - - - - - - - - - - - -
Tableau 2 : Récapitulatif des réponses selon la structure organisationnelle caractérisant le type de
diffusion du pouvoir de décision.
j
Catégories d'entreprises
(selon le nombre de salariés)
110-1001
1101-2001
>200
TOTAUX
Nombre d'entreprises
réoondantes
35
13
9
57
Décentralisation verticale
30
II
6
47
Décentralisation horizontale
5
2
3
10
Sources: les enquêtes de l'auteur.
Ces résultats permettent de constater que la
carences dans l'élaboration des stratégies et processus
majorité des entreprises adopte un système de diffusion
de planification de façon générale. Dans les petites
du pouvoir de décision
sous-tendu par la
entreprises observées, l'importance relativement faible
décentralisation verticale des unités ou centres de
des moyens matériels et l'insuffisance qualitative des
responsabilités. Dans un tel système, chaque
moyens humains mobilisables pour l'élaboration et la
responsable, à un niveau hiérarchique donné, a sous
mise en œuvre de stratégies cohérentes et de processus
son éventail de subordination des exécutants qui sont
de planification équilibrés,justifient certainement, dans
comptables devant lui de leurs actes et résultats. Les
la plupart des cas, l'inexistence de stratégies bien
budgets et les plans finalement arrêtés par le top-
formalisées et soutenues par des plans d'action
management (après plusieurs va-et-vient des pré-
pertinents. Les objectifs définis par le top-management
budgets entre la base et le sommet) apparaissent
de ces petites entreprises ne sont pas sous-tendus par
généralement dans un tel système comme des éléments
des plans d'action bien formalisés. La pratique courante
d'ordres ou d'injonctions émanant du sommet de la
consiste alors àexpérimenter tout de suite une idée (agir
hiérarchie et contre lesquels nul ne doit transiger. Plans
tout de suite) et, par un processus d'essais et d'erreurs
et budgets, s'il en existe, servent alors de" gouvernail"
(tâtonnement: un processus d'auto-apprentissage),
aux managers pour piloter les différentes divisions et
faire en sorte qu'une stratégie émerge. L'outil-budget
coordonner l'ensemble des activités de l'entreprise.
est peu ou sinon pas du tout utilisé dans ces petites
Dans un tel système, le contrôle budgétaire a tendance
entreprises qui semblent montrer leurs préférences pour
à apparaître comme un moyen d'évaluation-sanction,
les instruments tels que: les comptes de résultats de la
même si le retour d'expérience attendu à chaque niveau
comptabilité générale, les soldes intermédiaires de
devrait servir à corriger les déviations ou les
gestion ou comptes de surplus. Le type de contrôle
insuffisances par rapport aux plans et budgets.
exercé par la direction de ces entreprises est, en général,
Ces principes ci-dessus énoncés ne
un contrôle financier strict.
s'appliqueront que dans le cas où les entreprises
Si parfois des budgets viennent à être utilisés,
impliquées ont la capacité d'élaborer une stratégie claire
ils s'inspirent de données du passé qui sont
permettant de définir des objectifs clairs et précis sous-
grossièrement ajustées dans une tentative visant à tenir
tendus par des manœuvres bien formalisées dans des
compte des évolutions du contexte actuel. Il convient
plans d'action.
de noter, toutefois, que ces petites entreprises arrivent
Mais, qu'en est-il en réalité au vu de nos observations ?
à s'en sortirl avec une telle" gestion au coup parcoup"
Le traitement des réponses correspondant aux
(tâtonnement, expérimentation), parce que le nombre
thématiques relatives aux processus de planification et
d'interrelations à appréhender au niveau des différentes
d'élaboration stratégique montre des faiblesses ou
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unités opérationnelles et fonctionnelles (en interne) paraît
fréquente du somn'iet consistant à réduire les budgets
plus facile à maîtriser, et en ce qui concerne
d'un pourcentage arbitraire quand les premières
l'environnement externe, en dehors des cas d'extrême
itérations ont donné des résultats' 'inacceptables", ne
complexité et de grande turbulence, il suffit de savoir
peut que renforcer ce sentiment. Dans bien de cas
observer, de redonner du sens à la situation, pour
d'entreprises observées, l'utilisation des budgets
augmenter sa compréhension. Michel GERVAIS
n'intervient qu'à la fin de la période budgétaire (fin
(2000) indique, à ce propos, qu'en redonnant du sens
d'année) pour évaluer les résultats. Ce qui ressemble.
à la situation, on réduit la complexité, on retrouve des
à bien des égards. à une évaluation-sanction, alors que
"îlots d'ordre et de certitude" que l'on est capable de
le retour d'expérience d'une évaluation qui serait
maîtriser, et dans lesquels on pourra de nouveau
intervenue plus tôt pourrait permettre de prendre à
procéder de manière rationnelle. C'est certainement un
temps des mesures correctives.
tel comportement de managers avertis de petites
Les pratiques budgétaires que nous venons
entreprises qui leur permet de s'en sortir malgré une
d'exposer, comme résultats de nos enquêtes,
gestion au coup par coup.
signifieraient-elles que les moyennes et grosses
Dans les moyennes et grosses entreprises où
entreprises où ces pratiques ont cours en Côte d'Ivoire
s'observe aussi une décentralisation verticale du
sont toutes en difficultés pour défaut de gestion?
système de prise de décisions, des lacunes sont aussi
Répondrc par l'affirmative serait une réponse
observées au nivéau de leur gestion budgétaire. Le
trop pessimiste. car de nombreux
blocages de
processus de réflexion stratégique souffre de la
mécanismes de pilotage dus à des difficultés dc
mauvaise connaissance des variables qui sont, de
coordination des activités souvent rencontrées par le
surcroît, très affectées par la trop grande turbulence de
management, ont pu être levés en ayant recours aux
l'environnement des entreprises en Côte d' 1voire en
services de cabinets d'audit et conseil en management.
particulier et dans la sous-région ouest-africaine en
Ces derniers apportent leur assistance technique aux
général depuis les années 90 jusqu'à ce jour. En
responsables fonctionnels et opérationnels sous forme
l'absence de points de référence (due aux ruptures),
de séminaires ou ateliers de formation et/ou la mise en
toute prévision est quasi impossible. Les difficultés pour
œuvre de dispositifs d'appui à la gestion tels que
asseoir une planification stratégique sur des données
tableaux de bord de gestion, tableaux de bord
prévisionnelles certaines et fiables conduisent les
stratégiques, tableaux de bords prospectifs ou balanced
managers, dans la pratique courante, à placer une trop
scorecard, qui" cohabitent à souhait" avec les budgets.
grande confiance en l'extrapolation de la tendance
Avec un peu plus d'humilité de la part des managers et
passée. Le budget se résume souvent à chiffrer des
du top-management lui-même, l'utilisation intense de
objectifs économiques issus d'une négociation politique
ces outils d'aide à la gestion, permet de créer un
entre différents managers des divisions fonctionnelles.
dialogue de gestion plus intelligible pour chacun, décliner
Dès lors, faire un budget peut devenir un exercice
la stratégie laborieusement mise au point avec l'aide du
bureaucratique (à l'aide d'un guide de procédures) sans
Mbinet d'audit et de conseil et repérer les points
autre utilité que celle d'une justification grossière des
problématiques.
objectifs retenus. Nous avons été souvent surpris, lors
Concernant les entreprises à structure décentralisée
de nos enquêtes, de voir même des responsables de
horizontale, le processus budgétaire semble plus
divisions fonctionnelles (contrôleurs de gestion) avouer
participatifet le contrôle stratégique plus relâché. Mais,
leur incapacité à nous dire comment les différents
l'incertitude contextuelle de l'environnement et)a
budgets et le budget général de leur société ont été
turbulence qui caractérise cet environnement des
conçus. On peut alors comprendre aisément, que dans
. entreprises en Côte d'Ivoire rendent les prévisions
beaucoup d'entreprises, létop-management élabore son
difficiles à faire. Ici aussi, on note une faiblesse au niveau
budget général et ceux qui en découlent sans le
de la planification stratégique des entreprises à structure
concours des responsables opérationnels eux-mêmes
décentralisée horizontale. Les moyennes et les grosses
auxquels leur exécution incombe. Le manque dé
sociétés semblent utiliser, plus que les petites, des
flexibilité qui caractérise souvent ces budgetslainsi
méthodes budgétaires et tiennent. en généraL
élaborés peut être source de démotivati0Il; des
contrairement aux petites, une comptabilité analytique
opérationnels en cas d'échec. Ces derniers pourraient
de gestion; mais, une faiblesse demeure: les données
à tort ou à raison y voir la fixation d'objectifs trop
prévisionnelles utilisées semblent peu fiables. La
ambitieux et donc inaccessibles. En outre, la pratique
diftërence fondan1entale avec les entreprises à structure
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Sciences sociales et humaines
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
décentralisée verticale est que les dispositifs de pilotage
entreprises. Dans la plupart des cas, les petites
mis en place sont étudiés aussi bien au niveau des
entreprises semblent opter pour un pilotage qui utilise
divisions opérationnelles que fonctionnelles avant leur
peu l'outil budget. D'autres instruments tels que les
adoption définitive par la direction générale. Certes,
comptes de résultats, les soldes intermédiaires de
dans les petites entreprises caractérisées par une
gestion ou les comptes de surplus sont utilisés en
décentralisation horizontale de leur système de
association avec des tableaux de financement réadaptés
décisions, les budgets sont peu ou prou utilisés. Mais,
pour assurer le pilotage de ces entreprises. Les
une fois le dispositif de pilotage arrêté "d'accord
managers de ces petites entreprises, pour la plupart,
parties" , sa mise en œuvre semble soulever moins de
semblent opter pour une gestion au coup par coup selon
problèmes humains (démotivation, résistance au
un processus d'itérations (favorable à l'auto
changement, etc.), et le contrôle de gestion en est plus
apprentissage) qui procède par des essais et erreurs,
facilité. Dans les moyennes et grosses sociétés ayant le
jusqu'à l'obtention du niveau des résultats jugé
même système de diffusion du pouvoir de décision
"satisfaisant". Le contrôle exercé par la direction
(décentralisation horizontale), il semble plus facile de
générale de ces petites entreprises est, généralement,
rassembler tout le groupe de ses collaborateurs derrière
un contrôle fmancier strict où tout est mesuré (valorisé)
les objectifs stratégiques. définis et obtenir l'adhésion
à l'aune des résultats financiers.
de tous au processus budgétaire. C'est dans un tel
En revanche, l'utilisation de l'outil budget est
contexte de mise en œuvre du processus de pilotage
plus fréquente dans les moyennes et grosses entreprises
d'entreprise qu'on peut soutenir l'idée, qu'en matière
avec la tenue d'w1e comptabilité analytique de gestion
de coordination des activités et de communication de
et la mise en œuvre d'un contrôle de gestion formalisé.
messages stratégiques, le budget peut constituer un
En effet, dans ces entreprises, des moyens plus
moyen efficace de communiquer à toute l'organisation
importants peuvent être consacrés à l'élaboration et le
un ensemble de programmes cohérents susceptibles
suivi d'un processus de planification stratégique, et on
d'imprimer à tout le personnel un changement voulu
peut y noter un effort réel de défmition d'objectifs et de
des
comportements.
plans d'action précis.
CONCLUSION
Une analyse plus fine des pratiques budgétaires
de ces sociétés peut être menée sous deux éclairages:
Cette étude portant sur l'observation et
l'éclairage des moyennes ou grosses entreprises qui ont
l'analyse des pratiques et méthodes budgétaires
privilégié un contrôle stratégique strict et celui où ces
adoptées par les entreprises opérant dans la région
entreprises ont adopté un contrôle stratégique relâché.
abidjanaise de Côte d'Ivoire, a permis de savoir que
Là où le système de prise de décision est sous-tendu
ces entreprises montrent, pour la plupart, une grande
par la décentralisation verticale des unités, ces moyennes
faiblesse dans l'élaboration de leur processus de
ou grandes entreprises optent, en général, pour un
planification stratégique. Le caractère très turbulent ou
contrôle stratégique strict. Ce qui pose souvent des
volatile de l'environnement des entreprises observées
problèmes de
résistance au changement et de
(surtout depuis ces quinze dernières années) rend les
démotivation du personnel en cas de non atteinte des
prévisions à court terme difficiles et celles à moyen et
objectifs. Les moyennes ou grandes entreprises
long tenne quasi-impossibles. Aussi la fixation et la mise
caractérisées par la décentralisation horizontale de leur
en œuvre des principaux axes de pilotage dans le cadre
système de prise de décision adoptent plus facilement
d'un plan stratégique à moyen ou long terme paraissent-
un contrôle stratégique relâché qui est apte à conférer
elles aléatoires et reposent sur une base-de données
plus de flexibilité aux pratiques budgétaires. Les cadres,
peu fiables. Même à court terme, les budgets sont
à tous les niveaux, se sentent beaucoup plus impliqués
conçus essentiellement sur la base d'une extrapolation
dans les prises de décision et chacun semble mettre urt'
des données du passé qui ont peu de chance d'être
point d'honneur à voir les objectifs prioritaires atteints.
fiables en raison de l'environnement très volatile des
Les déviationS ou écarts importants parfois enregistrés
dans un tel système de contrôle sont généralement dus
aux imprécisions prévisionnelles liées à la complexité
et à la grande turbulence de l'environnem~nt.Le recours
(Footootes)
1 Sans de profondes distorsions
ou de graves dysfonctionnements
aux services de cabinets d'audit et de conseil en
dus à des défauts de gestion formellement diagnostiqués et qui
management permet, dans bien de cas, d'apporter des
paralysent les activités des différentes---unités opérationnelles ou
fonctionnelles.
mesures correctives.
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Ces résultats de notre travail de recherche
les indicateurs des outils de pilotage et les pratiques en
permettent de retenir comme enseignements ce qui suit:
matière de gestion des entreprises.
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comme moyen de pilotage n'est pas
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budgétaire en France », thèse de Doctorat en Sciences
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budgétaire et turbulence», 21 'o"'e Congrès de
de se fixer des objectifs et de déterminer
l'Association Française de Comptabilité, Angers.
une stratégie (rut-elle planifiée), ne garantit
pas absolument que l'on obtiendra les
5. BERLAND, N., 2002. »Comment peut-on gérer
résultats souhaités. La perception de
sans budget? «, in Sciences de gestion et pratiques
l'environnement est toujours imparfaite et
managériales, Réseau des IAE, Economica, 16ie",e
sa prévision souvent difficile. Pour obtenir
Congrès des IAE, p.411-421.
les résultats escomptés, la stratégie doit être
complétée par la mise en place d'un
6. BERLAND, N., 2004. »La gestion sans budget:
dispositifde veille permanente, un système
évaluation de la pertinence des critiques et interprétation
d'alerte automatique permettant d'assurer
théorique», Finance-Contrôle-Stratégie. volume 7.
un contrôle budgétaire et stratégique.
n04, décembre, Economica, IAE de Poitiers, p. 37-
58.
Le contrôle stratégique aura pour rôle de
s'assurer que la mise en œuvre des actions et
7. BRUNS, w'l., & WATERHOUSE, 1.H.,
l'adaptation des méthodes de prévision et d'organisation
1975. »Budgetary Control and Organization Structure»,
sur une moyenne et longue période, correspondent à la
Journal ofAccounting Research, autumn, p. 177-
situation et à la culture de l'entreprise (Edighoffer,
203.
1996).
Il convient néanmoins d'être prudent dans la
8. BESCOS, P.-L., CARWIN, E., LANGEVIN, P.,
prise en compte et l'interprétation des résultats de cette
& MENDOZA, c., 2003. «Criticisms ofBudgeting: A
étude, en raison de ses limites méthodologiques. Tout
contingent approaclm, 26'h Congress ofthe European
d'abord, vu les techniques de composition de
AccountingAssociation (EAA), April.
l'échantillon d'étude, on ne peut soutenir de façon
absolue, que cet échantillon est représentatifdu paysage
9. CHURCHILL, N.C., 1984. «Budget Choice:
économique ivoirien dans sa globalité. Ensuite, il est
Planning versus Control», Harvard Business Review,
vraisemblable que des facteurs d'ordre humain liés à la
luly-August, p.1 01-1 09.
personnalité de chaque dirigeant (style personnel de
commandement) et non intégrés à la présente étude,
10. COVALESKI, MA, DIRSMITH, M.W., &
contribuent également à la différenciation des pratiques
SAMUEL, S., 1996. «Managerial Accounting
budgétaires en matière de pilotage d'entreprises. Dans
Research: The contributions ofOrganizational and
le même ordre d'idée, on ne doit pas perdre de vue le
Sociological Theories», Journal of Management
caractère déclaratif des données collectées; il se peut
Accounting Research, volume 8, p. 1-35. .
qu'il existe un écart entre les discours et la réalité pour
46
Revue du CAMES ' Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)

Sciences sociales et humaines
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de 3ième Cycle, Université de Montpellier 1.
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Bonjour Monsieur (ou Madame),
17. HORNGREN, C.T., BHIMANI, A. & al. 2003.
Dans le cadre d'une recherche que nous entreprenons
«Management and Cost Accounting», 2nd edition,
sur les mécanismes de gestion et de contrôle mis en
Adaptation française de Georges Langlois: «Contrôle
place dans les entreprises exerçant en Côte d'Ivoire,
de gestion et gestion budgétaire», Pearson Education
nous aimerions nous entretenir avec vous en centrant
France.
notre entretien autour de deux questions principales.
Nous vous remercions d'avance du temps précieux que
18. JENSEN, M., 2001. «Corporate Budgeting is
avez bien voulu nous consacrer malgré votre emploi du
Broken, Let's Fix it», Harvard Business Review,
temps très chargé.
November, p. 95-101.
QUESTlONS
19.
JORISSEN,
A.,
DEVINCK,
S.
&
VANSTRAELEN,A., 1997. «Planning and Control:
1. Quels outils de pilotage de votre société
Are these Toois Necessary for Success? Empirical
préconisez-vous pour atteindre les objectifs que
Results ofSurvey and Case Research on Small and
vous vous êtres fixés?
Medium-sized Enterprises Compared with Research
on Large Enterprises», Congrès de l'IAAER, Paris.
2.
Que pensez-vous de l'adoption d'une
procédl:lre budgétaire comme moyen de
20. KALIKA, M., 1987. Structures d'entreprises.
planification stratégique et de maîtrise QlI
réalités, déterminants, performance, Economica.
contrôle de votre société?
21. KAPLAN, R.S., & NORTON, D.P., 1992. «The
Balanced Scorecard, Measures that Drive
Performance», Harvard Business Review, January-
February, p. 71-79.
Revue du CAMES- Nouvelle Série B, Vol. 008 N° 1-2007 (1" Semestre)
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