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Sciences sociales et humaines
LA POLITIQUE AFRICAINE DES SOCIALISTES SOUS
FRANÇOIS MITTERRAND (1981-1995)
RUPTURE OU CONTINUITE?
Domba Jean-Marc PALM
Chargé de recherche
INSS/CNRST
Ouagadougou-Buurkina Faso
INTRODUCTION
Par ailleurs, l'Afrique est disparate
géographiquement politiquement et culturellement.
Parler de la politique africaim~ de la gauche ne
Aussi, les diflerents pays qui la composent entretiennent
va pas de soi. Plus de quarante ans après les
des relations diverses avec la France. La distinction
indépendances des Etats africains, le continent ne se
évidente est celle qui sépare les anciennes colonies de
sent plus le partenaire oblig~ de ses anciennes
celle-ci du reste du continent, quoique lè temps l'ait
métropoles et les puissances extérieures, dont la France,
atténuée: certains Etats qui étaient de l' « Empire» se
ne reeonnaisscnt plus dans les anciennes colonies des
sont éloignés de Paris tandis que d'autres, de passé
chasses gardées. La parenthèse (le l'extraversion
colonial belge, espagnol ou portugais ont eu tendance
coloniale est close, en dépit de la persistance et de
à s'en rapprocher. D'autres critères de différenciation,
l'ampleur des liens qui furent noués alors. De nouveaux
tclle poids de la présence économique, démographique
courants de relations ct d'échanges s'établissent entre
ct culturelle français est important. En aucune façon la
l'Afrique et d'autres pays.
Côte d'Ivoire ou le Gabon ne sauraient être sur le même
La problématique des relations franco-
pied que le Burkina Faso ou le Mali2•
at1'icaines recoupe celles des rapports du continent avec
En France, les structures de gestion des
le monde arabe, avec l' All1~rique dl1Nord ou du Sud,
relations avec l'Afrique sont multiples et n'agissent pas
avec J'Asie, avec la Russie, ct les anciennes démocraties
de manière cohérente. Hormis les oppositions au sein
populaires de l'Est. Et du point de vue de l'Afrique, les
de la classe politique, il existe des rivalités entre les
secondes comptent autant que la première.
dilTérentes administrations.
En outre, la gauche ne fournit pas une unité
Le secteur privé présente lui aussi des clivages,
d'analyse. Son arrivée au pouvoir a. bien sûr, constitué
De grandes divergences de vue et d'intérêts séparent
une césure d'autant pl us ressentie qu'elle survenait la
les vieilles maisons commerciales du type de la Société
première fois depuis la décolonisation et qu'elle
commerciale de r ouest africaine (SCOA) ou la
parachev~:titdeux déecnnics de critiques acerbes des
Compagnie française de l'Afrique occidentale (CFAO)
relations franco-africaines.
des groupes modernes comme Bouygues, Bolloré ou·
De plus, la gauche n'est pas unanime face à
France Téléeom. Les relations franco-africaines
r Afrique ct les clivages qui la parcourent ne sont pas
apparaissent très complexes. Elles sont faites d'intérêts
cohérents avec ce que l'on attendrait d'elle. C'est ainsi
paIticuliers, de convictions idéologiques et d'interactions
que .lean-Pierre Chevènement. alors ministre de
pcmlanentes qui les rendent spécifiques. Le sujet semble
1"industrie et leader du courant socialiste le plus à gauche,
donc délicat etdifficile à traiter, surtout dans 'un article.
était partisan de la vente d'une centrale l1ucléaire à
La politique africaine de la gauche française a t-elle été
l" AG·iquc du sud de l'aparthcid
fondamentalement différente de celle des
1. Dc I1lèmc. par la suitc,
les resp()l1s~lhles dc la d roi le kll1\\;:1 isc ol1l :lppl"<
gouvernements précédents de la v' République
lU\\l' la
politiquc dcs social istcs, y voy allt ulle eOl1til1ui
ji"a.llçaise ')
le' :I\\CC
la
Nous avons tenté d'y répondre en nous
ICllt".
appuyant sur une recherche documentaire: ouvrage
généraux 1 et articles de joumaux4 Ces documents nous
Revue du CAM ES - Nouvelle Série n, Vol, 007 N° 2-20116 (2'"'' Semestre)
301

Sciellce!>' sociales et hlimailles
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ont permis d'analyser dans une première partie la
des anciennes colonies ne sont pas des étrangers, ou
politique africaine de la France avant] 981, date de
plulôt ce sont des « étrangers exceptionnels ». De là
:'accession au pouvoir de la gauche. Dans Lme deuxième
découlent les rapporls particuliers que les autorités
partie, nous nous pC!1chons sur l'action des socialistes
françaises ont avec le personnel politique d'Afrique
dans leurs rapports avec l' Afriquc. Enfin, dans la
fi'ancophone.ll s'installe alors entre l'ex -métropo!c et
troisième partie nous analysons les structures de gestion
ses anciennes possessions coloniales une sorte de
des relations franco-africaines.
diplomatie atlective où les sentiments domincnt.
Cette rhétorique de l'affection est consacrée
I. LA POLITIQUE AFRICAINE DE LA
par l'afrieanité des diflërents chefs d'Etat fi'anç;lis. On
FRANCE DE 1960 A 1981
parle ainsi de « de Gaulle l'Africain », de « Valéry
Giscard d'Estaing l'Africain ». Ce dernier a éprouvé
Le lien colonial est le cordon ombilical qui unit
une véritable fascination pour l'Affique marquée par
la France cl l' Afrique. Il a fallu le nouveau contexte
« son style personnel empreint de fàmiiiarité, de
international né de la Deuxième GUCITe mondiale pour
copinage et de cousinage »". Jacques Chirac, l'aetuc!
que la métropole accepte de se séparcr de ses colonies.
chefd'Etat, qui fiJt Premier ministre de Valéry Giscard
C'est ainsi qu'en 1960, le général de Gaulle prend
d'Estaing ct de François Mitterrand, af1lm1e lui aussi
officiellement acte de la nouvelle donne internationale,
celte pulsion at1èelive qui lierait l'Afrique à la France.
el surtout du grand vent de changement contre lequel
Dans une allocution prononcée le 22 juillet 1995 Ù
la France ne peut espérer s'opposer sans dommage:
Libreville, il déclare: « les sentiments que j'ai toujours
« le génie du siècle change aussi les conditions de notre
portés à l'Afrique sont des sentiments d'estime, de
action outre-mer et nous conduit à mettre un tem1e à la
respect et d'affection». Comme on le voit, c'est
colonisation »5.
l'univers de la diplomatie des sentiments dans un cadre
A la veille des indépendances, les autorités
familial. François-Xavier Verse have apprécie cette
françaises, sentant le vent du changement, ajustent leurs
pratique comme une « sorte de célébration du
ambitions. C'est la création de la Communauté fl<U1CO-
eomp0l1emcnt f<unilial à la tète de l'Etat »et W1C « vision
africaine que l'on peul comparer cl la tentative de
familiale de la gestion des aŒ'lires publiques » Ill.
création d'une grande famille. Cct état d'esprit est
Du côté africain, les liens affectifs ne sont pas
conservé après les indépendances de 1960 avec une
moins forts. La politique africaine de la France
nouvelle formule: la coopération. Celle-ci prétend
représente un environnement où les « chefs d'Etat
instaurer un partenariat entre l'ancienne métropole ct
africains sont viscéralement attachés à la France »11.
les anciennes colonies. Ce concept est, aux dires du
L'on sc souvient de l'appellation « papa )} donnée à de
général de Gaulle, la l:,'Tande ambition de la I·'rance. Selon
Gaulle par Jc,m Bedel Bokassa ou du « cousin» affecté
cette logique, elle signe avec les nouveaux Etats 138
à Valéry Giscard (J'Estaing. Cet état d'esprit a penllis
conventions couvrant tous les domaines: défense,
à un ambassadeur africain, congolais en l'occurrence,
formation des années africaines, culture (enseignement
d'oser demander 40 millions de fi'anes au président
et recherche), économie, finance et monnaie".
Charles de Gaulle IJ ,
La diplomatie africaine de la France, à l'aube
La nomination d'w1 ambassadeur fi'ançais dans
des indépendances, s'articule autour de trois axcs
un pays africain n'a, pendant longtemps, rien eu à voir
princip'lux : consolider le pouvoir des dirigeants restés
avec la diplomatie au sens classique. Certains chefs
fidèles à J' ancienne métropole. faire sentir le mors à
d'Etat du continent dictent pratiquement le profil du
ceux qui faisaient preuve de velléités d'indépendance
diplomate qu'ils souhaitcnt recevoir l ).
ct regardaient vers ct'autres horizons et contrer en même
temps les visées des puissances concurrentes? Cela
(Fuutllotcs)
participait du maintien de la France dans ses anciennes
1
J.F. Dt-Iy.m: La politique a/ricaine de Fronçois ;\\/illerrf/fld Paris,
Kor[hala. 1984. p.12.
possessions. Pourse faire, l'accent fut mis sur ['intimité
l
Marchés Tropicaux. 18 l10vclWJre 1988. p.J20S.
l !',urni ks ouvrages les plus réœnts sur la qll~s(ioll, nOLIs
dans les rapports entre la France et l'Afrique au point
l:ill:TOI1S : 1.
Foccarf: Fnccar/ parle. en/re/Jens avec Jl/,Wppe Gail/ard. t.J LI 1.11.
de créer un singul ier Etat franco-africain ou la
Paris. Fayardlleune Arrique. 1995 el 1997 SOlp. el
527 p.' A. Glaser
et S. Smith. Commenl la Fr(mce a fJndu l'Afrique'! Paris. Calman-
,( Françafrique », néologisme inventé par Félix
LL'vy. 2005, 278 p;
J.F. Bayart. I.a politiqlle africaine de I-ranç()is
i louphouët-Boignyen 19708. Lajustilieation de ce type
Millnfand, Paris.
Karthala.
1984,
\\ 49 p.
Je diplomatie se trouve, selon J. Foeeart, le « Monsieur
J
I.e
monde.
Marchés
Tropical/X
ef
médilerranéens, Jeune Afriqlle. l'Expansion, La ('rOlx.
\\frique » de Charles dc Gaulle et de Georges
'i Cité par 1.1 Roche: Le syslème illianal/onal c()l1femporai1l . Paris.
Mnnlducslicn. coll. « Clefs-politique )). 199R. p. 15.
i .ompidou, dans la nature de l'Africain. Les habitants.
,;02
Hevue du CAMES - Nouvelle Série n, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"'' Semestre)

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Sciences sociales et humaines
Cette intimité entraîne bien souvent la France às'ingérer
trusts franco-africains àtravers leurs maisons mères de
dans les affaires intérieures des Etats africains pour
la métropole et leurs filiales africaines. La France fournit
maintenir le statu quo politique. C'est ainsi que les
les capitaux et l'Afrique les matières premières. Les
autorités françaises ont intervenu militairement au
mêmes mécanismes sont mis en place, qu'il s'agisse du
Gabon, en Centrafrique, au Tchad, au Cameroun, au
pétrole gabonais ou congolais, du manganèse gabonais,
Zaïre pour remettre en selle des présidents déchus ou
de l'uranium nigérien ou gabonais et du coton de la
pour installer des personnalités moins controversées
zone sahélienne. Les sociétés françaises sont partout
dans leurs pays'. Les risques de coup d'Etat devenant
présentes. Les exemples les plus visibles sont Elfdans
pennanents, de nombreux présidents africains signent
le pétrole et la Compagnie française de développement
des demandes d'intervention de l'année française en
des fibres textiles (CFDT) dans le coton.
laissant la date en blanc2• L'ex-métropole dispose de
La première raison de l'intérêt de la France
bases militaires en Afrique dont les plus importantes
pour l'Afrique est sa rentabilité. L'aide versée au titre
sont celles de Centrafrique, de Côte d'Ivoire, du
de la èoopération est dite liée. Elle fait obligation aux
Sénégal, du Tchad et de Dj ibouti. La France devient
Etats africains qui la reçoivent de ne passer commande
dans les faits le « gendarnle de l'Afrique ».
qu'aux entreprises françaises. Celles-ci bénéficient,
La dimension affective des relations franco-
depuis 1971, de la garantie du gouvernement français
africaines n'a pas occulté la défense des intérêts des
pour limiter les risques. Elle se fait par le biais de la
deux parties. Les Etats, a-t-on coutume de dire, n'ont
Compagnie française pour le commerce extérieur
pas d'amis, ils n'ont que des intérêts. Le général de
(COFACE). Cela assure au secteur privé français des
Gaulle, pour convaincre ceux de ses concitoyens
surprofitsen Afrique. Jusqu'en 2000, sur« 100 francs
sceptiques vis-à-vis de la coopération leur fait
français donnés à un pays africain, 61 revenaient dans
comprendre que domination et coopération nc sont
l'Hexagone sous tonne de commandes »4. Dans la
que des formes différentes d'une même ambition
même période, la France réalise en Afrique ses
nationale, que le XX" siècle veut qu'on ne soit pas
excédents commerciaux les plus importants, de l'ordre
dominateur mais coopératif: domination et coopération
de 10 à 20 milliards de francs français (I,5 à 3 milliards
s'exerçant toutes deux au nom de l'ambition nationale.
d'eurosy. Les groupes français présents en Afrique
Le président Georges Pompidou a une vision très
contrôlent à plus de 50% les marchés au Gabon, en
claire de la coopération. Pour lui, la France comme
Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Cameroun. Enfin, grâce
tous les pays industrialisés souhaitent développer ses
à l'aide liée, seules les entreprises françaises se voient
ventes dans les nouveaux pays non industriels, Pour
confiées des projets financés par la Caisse centrale de
le faire, il faut fournir à ces derniers des moyens
coopération économique, l'actuelle Agence française
d'achat soit en leur achetant, soit en leur prêtant, soit
de développement. Tous les grands projets
même en leur donnant). Les questions économiques
d'infrastructures (routes, barrages, bâtiments et travaux
ne sont donc pas absentes de la « Françafrique ».
publics) sont réservés aux sociétés françaises au
Les grands groupes opérant dans cet espace
détriment des concurrents européens, américains ou
qui relève du même droit des atlàires, constituent des
asiatiques!>.
Outre les raisons économiques, de loin les plus
importantes, d'autres moins quantifiables, parce que
politiques et idéologiques, sous-tendent la polilique
1
M, Michl'l . Décolonisatiol1 ('/ (.:mergl!'IICl' (f" tiL'fS-JlHJllc/t'. Paris.
Hachette. 1Y93. p. 215.
africaine de la France. La décolonisation est survenue
1 J.Foi:l.:nrt: Foccarl parle. entretiens (I\\'ec P!ti!ij'/H: ('(I;IIi/rd. 1.1. Paris.
dans le contexte de guerre froide qui est l'affrontement
rayarlllkunc Afrique. 1995. p. 21g
~ i\\. G!<ISCr. S. Smith: ('of1/J11l!nf la France
entre le capitalisme
li /ladll 1 A./iï'qllL'.
Paris.
ou le camp occidental et le
Calman-Lévy. 2005. p. 40.
communisme ou le camp de l'Est. Les puissances de
'J.F. Bayart: tu /}{JJitiCfIlt! (~lricail1e de FnJ1i~'()iJ Mifferrallll. P,lris,
Karthala. 19S-L p. 5-1.
l'Ouest ont alors développé une politique c1ientéliste
III J.F. Bayarl. J.P. Chrétien. U.
Prunier. rx. Vcrschnvc : L'Arriquc el
pour maintenir les nouveaux Etats dans leur giron. Tant
la fin 1.1\\: j'ère roslcnlonÎa!c)). r.\\/Jril, juin 19'1 X, p. nD 243. (1.68.
que dure la rivalité Est-Ouest, l'aide publique constitue
Il
1. Banu:y
« Une politiqul.' étrangère ,,~!ivc )l, (ié()grapliie (~ki('(Jille.
Ill,U:' J986, r.I-IS.
une prime aux pays pauvres pour leur allégeance. C'est
le J. Foccarl
Tnus les soirs m'ec de Galllll' , Pilfi_~. FayanJ/Jl:lI111.' Afrique.
1997. pR9
en quelque sorte le « loyer géopolitique »7 versé aux
Il
LI: livrl.' de J. rocl.:'<lrt lourmilJc d'<llH:cdotl:s dans l.:C dOlllnine Léon
pays amis. Cette raison explique pourquoi ces
Mba, Je rremier rrésidcnl gabonais. n'hésita pa.... ,1 dOJlner <i FOl:cart dc
lu.. I:mnyer \\.\\11 colonial commc i1mb<lSSiHJcur. Celui cn place dait trop
puissances ont fermé les yeux sur le gaspillage de l'aide
classique il 50n gOÎlt ct m; lui éWit d'aucune utilité d.lllS la geslion du
attribuée et le non respect des droits de 1'homme.
pays
Revue du CAM ES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2''''' Semestre)
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Sciel1ces sociales et humaines
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Enfm, la dimension affective dans la diplomatie
II. LA GAUCHE AU POUVOIR OU LE
africaine de la France en Afrique est tout autant
FANTASME D'UNE AUTRE POLITIQUE
importante que la configuration des intérêts et des
ambi tians de rang ct de grandeur de l'Hexagone dans
AFRICAINE
le monde. Ce souci est omniprésent dans l'action des
différents présidents français, du général de Gaulle à
En 1981, la gauche gagne les élections
Valéry Giscard d'Estaing en passant par Georges
présidentielles. Elle ne cache pas son désir de
Pompidou. C'est ce qui fait dire à Louis de Guiringaud,
changement dans les relations franco-africaines. Les
ministre des Affaires étrangères de Valéry Giscard
militants socialistes déclarent que « ni sur le fond. ni sm
d'Estaing: « l'Afrique est le dernier continent qui soit à
la forme, il ne peut y avoir de dénominateur commun
la mesure de la France, à sa portée. Le seul où avec
avec la politique de faillite de l'ancien régime »1. Le
200 hommes, elle puisse changer le cours de l'histoire ».
sentiment de rupture est amplifié par les différentes
Dans ce sens, même les alliés du camp occidental,
composantes de l'opinion africaine. Au niveau des
comme les USA, sont surveillés de très près. Le « pré
responsables africains, rares sont ceux qui sont
carré» est si important pour l'ex- métropole, qu'elle
mécontents de la défaite de Valéry Giscard d'Estaing,
n'hésite pas à tout mettre en œuvre pour affaiblir les
tant il est décrié vers la fin de son mandat. C'est
Etats anglophones voisins des anciennes colonies
pourquoi certains militants socialistes déclarent: « seules
françaises pour le protéger. Le cas de la guerre du Biafra
les fripouilles peuvent être inquiètes »2. Les populations
est significatif à cet égard. Le Nigeria, au cœur d~
africaines, elles, nourrissent beaucoup d'espoir.
l'Afrique francophone, est un géant redoutable. AUSSI,
L'alternance en France augure, pensent-elles. d'un
la France souhaite son « morcellement »8 Elle soutient
changement possible dans leur pays respectif. Comme
la rébellion biafraise par le biais de la Côte-d'Ivoire et
le so~ligne La Croix: « l'Afrique attend beaucoup de
du Gabon qui livrent aux rebelles nigérians des amles
François Mitterrand» et elle ajoute «puisse le nouveau
et des mercenaires foumis par les autorités françaises'!.
président de la République ne pas décevoir son
La France tente d'isoler le pouvoirccntral nigérian, sm'
attente »J
le plan politique, en distillant dans les media
Au début du mandat présidentiel, les socialistes
intemationaux, le« génocide» du peuple Ibo lo. Toute
veulent effectivement appliquer une autre politique en
cette agitation a pour objectif, le contrôle du pétrole
Afrique. Le grand dessein français de coopération
découvert dans cette région en 1967. '
prend une dimension universelle. La gauche tente alors
La spécificité des rapports franco-africains
de faire des relations entre la France et l'Afrique, des
demeure sous la droite, malgré la révision des accords
rapports d'Etat à Etats. .lean-Pierre Cot, nommé à la
de coopération, par les pays atl'icains, dans les anné~s
tête du ministère de la coopération, s'emploie à coniger
70, et la volonté de certains honmles politiques françaIs
l'anachronisme des relations franco-africaines
de« nonllalîser » ou de « banaliser» les relations entre
empreintes de rapports personnel s, pour Wle conception
la France et ses ex-colonies. La réforme de ce type de
plus institutionnelle et plus politique de la diplomatie
coopération fut proposée en 1963 par le rapport
africaine de la France. Cela ressort de l'interview qu'il
.Ieanneney. Celui-ci estime que l' AII'ique francophone
a accordée à Jeune Afrique: « ... D'une manière
doit rester prioritaire, mais non exclusive. li recommande
générale, en politique, les relations personnelles jouent
un redéploiement de l' intervention fi~lI1çaise. 1~a finalité
un rôle très important. Il y a toujours l'affectivité, et
est de supprimer la distinction entre les anciennes
cela est sans doute particulièrement vrai en Afrique. Le
possessions d'Afrique et les autres pays du contin,ent.
Le rapport Gorse, rédigé en 1971, va dans le meme
par des n:belks. En CClllrafiquc. l'tlpération {{ UarracuJa)l rell.1~1 [~a~~~
sens, ainsi que le rapport Abelin en 1975 11 . To.utes c.e:
Dacko au pouvoir Cil remplacement de jc<l11 Bcdd Dokassa dlsqu<llilic
critiCf'les ont été totalement ignorées. et la partIcularIte
par sail componement fantasque.
~ J. Foccarl : op. cil., 275.
des relations franco-africaines maintenue. La gauche,
, G. Pompidou cité par M. Michd : op. cil .. p. 221
qui arrive au pouvoir en 1981. a-telle pu changer les
~ A. Gl<lser, S. Smilh : op. cil. p. 54 .
• Ihid, P 54
rapports franco-africains?
., Ihid.. p. 54
, Ihid, P 55.
K
Dc Gaulle çilé paf J. Foccarl: 0l}, cil .. p. 342.
(Foutllotcs)
. , ' .
Fn 1964. l'armée française réinstalle au pOll\\'olr .Leon ~ha ~Ictlmc
" Ihid, p. 344.
III
d'un coup d'Etat. En 1977 ct 1978 les parachutisleS lrançtlls sont
A. Glaser, S. Smith op. cil. p.67.
Il
ubligés de voler au
J. [-(lccart. op. cil. pp. 474-475
~ccours de Mobutu Cil grand danger J'ètrc renversé
30-1
Revue du CAMES - Nouvclle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'''~ Semestrc)

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Sciences sociales et humaines
tout est de savoir garder ses distances. C'est un élément
Sur le plan politique, malgré les critiques acerbes
qui entre en ligne de compte et on voit comment, à la
des socialistes de la politique africaine des régimes
limite cela peut piéger une politique. Je ne suis pas
précédents, rien ne changea. Il ne fut pas question de
Africain et je n'ai pas à affecter de l'être; on n'a plus
rompre avec les pouvoirs africains jugés prédateurs et
de « cher parent n ou de « cher cousin n. Croyez moi,
très répressifs comme le Togo, le Cameroun ou le Zaïre.
ce sont des changements de fond n4. L'orientation
Il fallut composer avec tout le monde. La Rea/polilik
affichée est de revenir à une diplomatie classique avec
l'emportait. En fait, on notait une distorsion entre les
les Etats africains. La France place ainsi l'Ainque dans
intentions de M. Cot, du Parti Socialiste, d'une part et
ses relations globales avec le Tiers Monde où l'accent
celles de 1'Elysée, d'autre part. La politique africaine
est mis sur le développement. En Afrique, M. Cot ne
de la France se transforma alors en une cacophonie
se limite pas au seul « pré carré n. Il associe les pays
qui donna une impression d'incohérence où les prises
anglophones et lusophones à ses déplacements
de position du parti et de la présidence étaient en
subsahariens, afm de « prendre l'Afuque pour ce qu'elle
contradiction flagrante. Par exemple, alors que l' Elysée
est, à savoir une unité n5• Le ministre ne cache pas
entretenait d'excellentes relations avec Addis-Abeba,
l'intérêt qu'il prend à lire l'annuaire d'Amnesty
le parti socialiste soutenait publiquement l'indépendance
international. II se montre également attaché à
de l' Erythrée. De même, malgré les bons rapports de
l'autosufiisance alimentaire, à la satisfaction des besoins
la présidence de la République avec les chefs d'Etat
essentiels des populations, à l'énergie et à la petite
africains, les opposants étaient reçus au siège du PS et
industrialisation. Son intérêt pour l'aide multilatérale et
au ministère de la Coopération qui ne cessait d'exhorter
la mondialisation de la coopération française est
les régimes les plus autoritaires à s'assouplir, voire à
manifeste. Il ambitionne associer à celle-ci les
évoluer vers le multipartisme. Le président se devait de
organisations non gouvernementales (ONG)" et les
dissipel' l'image d'impuissance et de reniement qui se
collectivités locales françaises. EnfIn. il ne cache pas sa
dégageait de cette situation. Il lui fallait réaffirmer
volonté de contrôler l'utilisation correcte des aides
l'autorité de l' Elysée sur la politique africaine de la
françaises. Ce sont autant d'éléments qui annoncent
France. Pour se faire, le ministre de la Coopération fut
des transfom1ations en profondeur des relations franco-
remercié.
africaines. S'agissant de la coopération militaire, la
La continuité l'emporta sur le changement. Ce
gauche interdit aux soldats français servant au sud du
fut le retour à la politique affectivc où « les contacts et
Sahara d' intervenir en cas de troubles intérieurs.
les relations personnelles sont préférables aux
Dans le même temps, la France renforce ses
procédures bureaucratiques, si généreuses soient-
relations avec les pays d'Afrique australe. les « pays
elles »9. François Mitterrand lui-même avouait: « j'avais
de la ligne de front n, notamment l'Angola, le
noué en Afuque des rapports humains qui m'ont permis
Mozambique, la Zambie, le Zimbabwe, au détriment
d'avancer plus vite dans la connaissance des choses »10.
de l'Afrique du sud raciste.
Pour lui. le redéploiement de la France à l'échelle
Mais cette politique généreuse allait se heurter
mondiale ne pouvait se faire que par le maintien de sa
à la réalité des faits et des intérêts français au sud du
prépondérance sur le continent africain car, disait-il:
Sahara. En Afrique australe, le coût économique d'une
« la France du XXI' sera africaine ou ne sera pas »11.
rupture avcc l'Afrique du sud effrayait. Par ailleurs, le
Le Chefde l'Etat se situait ainsi dans la continuité de
désir de M. Cot de réorÎenter l'aide publique au
ses prédécesseurs. Mais n'était-ce pas en réalité le
développement ne plaisait guère aux partenaires
contraire? Ne serait-il pas plus juste de dire que ceux-
africains. En effet. pour lui: « le ministre de la
ci ont assumé la voie ouverte par M. Mitterrand en
Coopération doit jouer un rôle de censeur de ce mal
1951 ? En effet. de passage à Brazzaville en 1982, le
développement qui a été encouragé par la politique de
président Mitterrand a pu déclarer qu'il ne faisait
coopération française de ces dernières années, c'est-
qu'imiter de Gaulle dans sa politique africaine parce
à-dire, le jeu du gain immédiat qui a conduit les Etats
que celui-ci l'avait déjà imité lui-même en s'inspirant·
du Tiers monde à des investissements inconsidérés et à
de sa propre action outre-merI2. La vraie continuité
des erreurs catastrophiques de jugement »8. Un tel
semble donc plus ancienne que ne le dit la droite, elle
interventionnisme moralisateur ne pouvait plaire aux
va de M. Mitterrand au général de Gaulle et à ses
responsables africains. Ils ne pouvaient accepter qu'on
successeurs. Sans juger de la valeur de cet argument, il
leur dicte ce qui était souhaitable pOlir cux.
est manifeste qu'il n'a pu provenir que de la continuité.
dans les fàits. de la politique africaine de la France depui,
Revue 1u CAM ES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"" Semestre)
30

Sciences sociales et "umailles
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la fin de la dernière guerre. La personnalisation des
pas été évitées. En 1984, la France envoya un corps
relations franco-afiica,înes reprit le dessus et l'africanité
expéditionnaire au Tchad, sous le nom « d'opération
des dirigeants français de nouveau affirmée. M. N ucci,
Manta ». Pourquoi le dessein d'une autre
qui remplaçaM. Cot, ne privait pas de se dire « Africain
coopération, prôné par la gauche, a échoué?
né en Afrique »13
Parmi diverses raisons qui expliquent cet échec, deux
L'orientation «patrimonialiste »14 de la politique
nous paraissent les plus importantes: la fidélité du chef
africaine de M. Mitterrand découle de la reconduction
de l'Etat à son passé africain et la défaite de la gauche
de la préférence stratégique dont jouissent les pays
dans l'affrontement avec la droite.
francophones. Le président de la République s'engagea
L'engagement atricain de François Mitterrand
donc à consolider ce bloc en lui réservant ses
cst ancien. Il remonte à la IV' République où il occupa
déplacements au sud du Sahara.ll poursuivit néanmoins
d'importantes fonctions, notamment celle de ministre
l'élargissement du « pré carré », initié par Georges
dcs colonies dans les années 50. Et pour lui, « l'audience
Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing, en associant
de la France en Afrique, c'est ce qu'elle a de meilleur
un nombre croissant d'Etats africains aux conférences
dans sa continuité ». Il ajoute: « la France joue un rôle
franco-africaines. Cette politique consistait à recouvrer
conforme à sa grandeur historique ... c'est ce qu' elle a
une influence perdue au lendemain de l'indépendance
de meilleur dans sa continuité »'1. A Cotonou, il
ou à se substituer aux autres anciennes puissances
affirmait: « les relations franco-africaines n'ont pas
coloniales en profitant de leurs faiblesses. M. Mittcrrand
besoin d'évoluer, elles sont bonnes »11>. L'attachement
ra menéeen Gambie en soutenant la confédération avec
du président de la République à des rapports franco-
le Sénégal, y compris militairement, en Guinée
africains classiques était déterminant, compte tenu de
équatoriale en appuyant son intégration à l'Union des
la primauté présidentielle que consacre la pratique
Etat de l'Afrique centrale (UDEAC) et à la zone franc,
constitutionnelle. C'est ainsi que le chef dc l'Etat
au Mali en assurant son retour dans l'Union monétaire
français déclarait à Libreville: « c'est moi qui détennine
ouest africaine (UMOA), au Burundi et au Rwanda en
la politique étrangère de la France. pas mes ministres.
augmentant leur part d'aide au développement et en
IIn 'est pas interdit aux ministres de penser ou d'avoir
Guinée en parachevant la réconciliation avec Sékou
une opinion. Il n'est pas concevable qu'une politique
louré.
soit mise en œuvre sans mon accord. plus exactement
Dans le même temps, Paris a accordé une attention
sans mon impulsion »17. Il est généralement admis que
soutcnue aux pays socialistes non fmncophones afin
François Mitterrand prenait seul ses décisions après
de les arracher à leur tête-à-tête avec l'Union
consultation dece!,tains de ses proches comme Guy
soviétique. Ce fut le cas avec l'Ethiopie, l'Angola, le
Penne, son fils Jcan-Christophe, Roland Dumas,
Mozambique, le Zimbabwe, le Cap-Vert et la
Jacques Attali, Hubert V édrine, entre autres.
Guinée-Bissau. Outre l'endiguement de l'URSS, M.
Simultanément à cette concentration du pouvoir. un
Mitterrand mit tout en œuvre pour écarter les USA
processus d'émiettement dans l'exécution des décisions
.parce que « l'Afrique ne devait pas dcvenir le champ
est survenu. Plusieurs centres étaient chargés de la mise
clos des rivalités et des contradictions extérieures ».
en œuvre de la politique africaine. On peut citer, entrc
Il fallait à la France maintenir et élargir son influencc
autres. la cell ulc afi'icaine de la présidence. le ministère
en Afrique.
de la Coopération, la direction des affaires ali'ieaincs
Sur leplan économique, la gauche n'a rien changé
du Quai d'Orsay, les postcs diplomatiques au sud ùu
dans les relations entre l' AfTique et l'ex-métropole.
Sahara et les réseaux des amitiés personnclles. En outre,
Les industriels français ont continué à considérer le
celle politique semble se décider au jour Ic jour, sans
continent comme une chasse gardée, privilégiant
être intégrécdans une perspective globale et d~1lamique.
l'exportation en ~xploitanllesatouts particuliers que
En plus de la prééminence de l' Elyséc, les
sont la zone franc et lcs taux de retour de l'aide au
partisans de la transformation des relations franco-
développement. La dérive mercantiliste de la
africaines durent affronter les tenants du statu quo. Dès
coopération que la gauche, dans l'opposition, avait
l'élection de François Mitterrand, une canlpagne s' est
brocardée, fut maintenue.
engagée en faveur d'une politique confémnt la priorité
La continuité est aussi manifeste sur le plan militaire.
au « noyau dur », c'est-à-dire la défunte Conununauté,
Les bases et l'assistance militaires restèrent en l'étal.
élargi à des paI1enaires jugésde qualité, COlllme le Zaïre.
Même les interventions armées, fortement
Cette vision stratégique était impulsée par les Etats
condan1l1ées par la gauche dans l'opposition. n'ont
africains concernés et certains milieux français.
306
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"'' Semeslre)

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Sciences sociales et humaines
notamment la droite. Ils lancèrent une offensive de
accordait la priorité aux petites et moyennes entreprises
grande envergure envers l' Elysée, ne relâchant en auclU1
(PME), en raison, selon lui, « de ses efforts
moment leur pression. Pour se faire, ils semèrent le
multiplicateurs et formateurs au plan humain comme au
doute sur la capacité des dirigeants social istes,
plan économique »21. La gauche a fini par redécouvrir
dissocièrent le président de la République de ceux qui
l'économie de marché. Elle a baissé les bras et a ainsi
militaient pour un renouvellement des relations franco-
perdu le combat contre les tenants des relations franco·
africaines. Ils ridiculisaient le moindre faux pas et
africaines spécifiques. La situation perdura jusqu'à la
montaient en épingle la plus petite difficulté de la
chute du mur de Berlin, considérée comme la fin de la
diplomatie poursuivie, discréditaient le projet de
guerre froide.
redéploiement de la coopération et les ambitions tiers-
La France se retrouva alors, comme au
mondialistes qu'il attestaitl&. Très tôt, ils perçurent les
lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, dans lU1e
divergences au sein de la nouvelle équipe et firent tout
pos'ture de contradiction. La victoire du camp
pour les aggraver. Dans leur lutte. ils bénéficièrent du
occidental en 1989 provoqua des poussées
soutien de la presse écrite, comme le Monde, le
émancipatrices en Afrique. L' Hexagone fut obligé de
Ouotidien de Paris, le Figaro 19
tenir compte du nouveau contexte international. Aussi,
-
Les socialistes n'ont pas su faire face à ce
François Mitterrand dut, à la Baule en juin 1990,
combat. La première erreur du parti socialiste consista
s'enquérir publiquement de la démocratie et des libertés
ù une faible compréhension de l'Etat postcolonial en
publiques sur le continent noir et imposa en même temps
Afrique. Il exagéra la nature exogène de l'Etat. Cela a
une conditionnalité à l'aide de la France.
nourri leurs convictions de la nature fantoche des
Le discours de la Baule déclencha sur le continent
régimes en place qui ne tiendraient que grâce au soutien
une série de conférences dites nationales et
que leurappOltait la France. Les socialises se berçaient
souveraines. Elles ont été une réponse, sous
alors d'illusions et surestimaient les moyens que leur
l'impulsion des forces démocratiques internes, à une
conférait leur arri vée au pouvoir. Or. dans les faits, ce
crise de légitimité et de blocage tant institutiormel
sont les prétendues marionnettes africaines qui tiraient
qu'économique et social. Elles ont abouti à la
les fils2". De ce fait, la gauche ne sut pas contrer
rédaction de nouvelles constitutions et à [' instauration
l'activisme diplomatique de régimes qu'ils présumaient
du multipartisme. Ces conférences nationales sont
anémiques et qui surent mobiliser des ressources
diversement appréciées dans l'opinion publique
importantes dans leur confrontation avec elle.
africaine.
En outre. les socialistes ont fait une analyse
Selon certains acteurs, elles n'ont été qu'une
simpliste des sociétés africaines. les réduisant à un
manœuvre de la France pour désamorcer la grogne
affrontement entre les classes dirigeantes et les masses
des peuples africains22 • Ils s'appuient, pour se faire,
exploitées et dominées par des dirigeants peu soucieux
sur les conclusions de la conférence de la
du SOIt de celles-ci. Or, la situation cnAfrique est plus
francophonie de Chaillot (1991) qui revint en quelque
complexe.
sorte sur la Baule, en préconisant des transitions
La deuxième erreur du parti socialiste fut
douces, les conférences étant vues par les autorités
d'ignorer les entreprises. Le secteur privé lui causa alors
françaises comme des « déballages »2) entraînant des
de nombreux inconvénients sur le temlÏn et il ne comprit
désordres et l'anarchie. Ils invoquent également le fait
pas que la vraie bataille se livrait dans ce domaine. En
que la situation politique des pays n'a pas changé
eftet, ce sont elles qui défirlÏssent dans une large mesure
après les conférences nationales. Les mêmes
la clefdcs relations franco·africaines. Aussi, lorsque le
hommes politiques sont restés ou sont revenus au
parti socialiste prévoyait i( d'amener le secteur privé à
pouvoir. De nombreux exemples étayent leurs points
jouer le jeu d'une coopération équilibrée » grâce à
de vue (Togo. Niger, Zaïre et même le Bénin initiateur
l'intervention du crédit et à l'application d'un « code
des conférences nationales).
de conduite» des intérêts privés, négocié « avee nos
Pour d'autres, elles ont permis d'instaurer une
partenaires ou qui aura été élaboré sur le plan
transition vers un Etat de droit, ce qui est une
international », on se rend compte de sa
avancée par rapport à la situation précédente en
méconnaissance du monde de l'économie. Mais il dut
Afrique. Pour eux, il s'est agi d'un cadre original de
vite revoir sa théorie, critiquant la dégradation des
rencontre. de concertation. de fora où les
positions économiques françaises en Afrique.
représentants des principales forces et composantes
Cependant. méfiant à l'encontre des grands groupes, il
de la Nation (partis politiques, société civile,
Revue du CAM ES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2i"~ Semestre)
307

Sciences sociales elll11l11aÎnes
-------------------------
Organisations non gouvernementales, syndicats,
Georges Pompidou, la « rue Monsieur» constitua un
hommes de religion, de culte, etc.). ont tenté de
secrétariat d'Etat rattaché au ministère des affaires
nouer des le dialogue afin d'examiner les graves
étrangères. En 1974,juste avant la mort du président
problèmes politiques, économiques ct sociaux du
Pompidou, Pierre Mesmer, Premier ministre, supprima
pays et d'y trouver, ensemble, et de tàçon
le ministère. La coopération fut gérée directement par
consensuelle, des solutions appropriées dans le cadre
le Quai d'Orsay. Jacques Foccart dut expliquer aux
d'une démocratie retrouvée.
présidents africains du « pré carré» paniqués, qu'il
Au regard des résultats des conférences
s'agissait d'une erreur'5.
nationales et des relations entre lil France et ses ex-
Le ministère fut ressuscité par Valéry Giscard
colonies, peut-on dire qu'elles ont véritablement
d'Estaing qui succéda en mai 1974 à Georges Pompidou
constitué une césure dans les rdations franco-
décédé. Il conserva son autonomie administrative et
alricaines ?
linaneière, comme à l'origine.
En 1993, la France procéda ù une dévaluation
Le président François Mitterrand conserva la
du franc CfA de 50% et soumit son aide bilatémle
coopération qui fut néanmoins assurée par un ministère
aux Etats d'Afrique subsaharienne à la signature
délégué rattaché à celui des affaires étrangères, devenu
d'accord avec le Fonds monétaire intemational (FMI)
ministère des rclations extérieures. Le département de
dans la confom1ité aux règles de l'ajustement stmcture1.
la coopération s'adjoignit le développement traduisant
l,' intervention financière fi:<mçaise se fondait donc dans
ainsi une extension géographique de ses attributions et
le multilatéralisme.
la vision tiers-mondiste des relations Nord-Sud des
Mais, dans le fond, la nature des rclations
socialistes. Nous avons vu plus haut le coup d'arrêt
franco-africaines demeure. Cela ressort clairement à
a.~sénépar le président de la République à cette politique
travers les structures de gestion de la politique africaine
avec le départ de M. Cot et la nomination de M. Nucci
de la France.
pour celle de la continuité dans les relations franco-
afi'icaines.
Ill. LES STRUCTURES DE GESTION
Pendant la première cohabitation (1986-1988),
DE LA POLITIQUE AFRICAINE
le Premier ministre Jacques Chirac redonna au ministère
DE LA FRANCE
sa plénitude. Cela demeurajusqu'en 1992, malgré la
victoire de M. Mitterrand aux élections de 1988. Le
Après 1960, trois types de structures
département fut parla suite relégué au rang de ministère
s'occupent des relations entre la France et l'Afrique
délégué pour redevenir autonome sous la deuxième
noire: le ministère de la Coopération, la « cellule
cohabitation (1993-1995). Parallèlement au ministère
africaine » de l'Elysée, la cellule diplomatique de
de la coopération, la politique africaine de la France
l'Elysée et des directions du ministère des affaires
est gérée à l'Elysée et au ministère dcs Affaires
étrangères. A celles-ci s'adjoignent la Francophonie et
étrangères.
les sommets France-Afrique.
L'Elysée intervient dans la politique africaine
Le ministère de la Coopération a été créé en
par le biais de la « cellule africaine ». La plus célèbre
196014 en remplacement du ministère de la France
de cctte structure a été le secrétariat général à la
d'Outre-mer qui gérait les dossiers des colonies
Présidence de la Communauté créé en 1959 et confié
d'Afrique noire. Il répondait à l'idée de partenariat
à Raymond JanoUacques Foccart, qui le remplaça en
développée par le général de Gaulle à l'indépendance
1961, donna à la fonction et à la structure, qui prit le
des possessions françaises. La présence de ce ministère
nom de Secrétariat général aux affaires africaines et
rassurait les dirigeants africains qui y trouvaient un écho
malgaches, ses lettres de noblesse. Sous sa direction,
à leurs préoccupations. A l' origine. le ministère était
le secrétariat général joua un rôle de premi<:r plan dans
autonon1e sur le plan administratif el financier. Il avait
la mise en œuvre de la politique africaine de la France,
en charge ['aide de l'Afrique noire 1i"ancophone, e'est-
surtout sous les mandats du général de Gaulle et de M.
à-dire « la contribution à l' œuvre de développement »,
Pompidou. Il coordonnait l'action de tous les services
nouvelle philosophie des rapports entre l'ex-métropole
(ministère de la défense, direction du trésor au ministère
et ses ex-colonies. Mais. ce département ministériel
des finances. caisse centrale de coopération, services
connut des fortunes diverses en fonction des
secrets) qui intervenaient en Afrique26 . Il mit en place
préoccupations géopolitiques des présidents français.
un système complexe de connexions fmancières et
Entre 1966 et 1974, c'<:sl-à-dire entrc les
politiques que certains ont appelé les « réseaux
dernières années du général de Gaulle et celles de
Foccart », ce que réfute l'intéresse? L'omnipotence
3ns
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"'' Semestre)

- - - _ - - -
Sciences sociales el ilumaines
de la structure, devenue incontournable dans le
CONCLUSION
règlement des affaires africaines, suscita l'inquiétude au
sein de la classe politique française. C'est pourquoi,
La politique africaine de la France, sous les
après la démission du général de Gaulle en 1969, Alain
socialistes et les deux mandats (1981-1995) du
Poher, président du Sénat qui assurait l' intérim, supprima
Président François Mitterrand, a été une continuité de
la structure et remercia le responsable2R• Il ne retrouva
celle des régimes précédents de la v· République
et la structure et sa fonction qu'en juin 1969 avec
française. Les affaires africaines demeurent donc, toutes
l'élection de Georges Pompidou. Toutefois, certaines
tendances politiques confondues, l'objet d'un
de ses attributions furent transférées au Quai d'Orsay29.
consensus où réalités et considération amicales,
Le secrétariat général fut à nouveau supprimé
historiques, politiques, stratégiques, culturelles,
par Valéry Giscard d'Estaing. Il mit en place une
linguistiques et personnelles sont inextricablement
structure légère, coordonnée par un conseiller
mêlées. Le pragmatisme l'emporte sur les idéologies
teclmique. Le premier fut René Journiac, ancien adjoint
car, l'Afrique noire francophone semble toujours
de Jacques Foccart au secrétariat général, ce qui
importante pour le rang de la France dans le monde.
Ceci explique la spécificité des relations franco-
maintenait une certaine continuité. A sa mort
accidentelle, il fut remplacé par Martin Kish choisi par
africaines. Toutefois, la France, comme toutes les autres
M. Foccart, à la demande du Président de la
nations, tient compte de l'environnement international
République,n.
pour redéfinir sa politique.
François Mitterrand, élu en mai 1981, rétablit
Cette adaptation l'a conduite à ouvrir
la « cellule africaine », bien que modeste!l. Elle fut
progressivement son champ de coopération en Afrique,
successivement dirigée par Guy Penne, Jean Audibert,
pour finir par diluer son « pré carré» dans une
et Rnmo Delaye. Le fils du Président. Jean-Christophe,
gigantesque «Zone de solidarité prioritaire» (ZEP) qui
en était membre!2. Le président socialiste, maintenait
jusque dans les structures la continuité dans les relations
• Interview de M. COl. Jeune Afrique. 4 aoûl 1982.
• APF. Bulle/in d·Afrlque. \\8 aoùt 1981.
franco-africaines.
,. En 1985. les ONG ont consacré 1 milliard de francs français aux
Les affaires de l'Afrique étaient également
pays en développement.
7 D.C. Ilach : « La polilique française en Afi"ique après le 10 mai
suivies par lacellule diplomatique de la Présidence et
1981 », L 'Année africaine. Paris. 1983. pp.240-241.
le ministère des Affaires étrangères. Dans ce
• Inlerview de M. Cot. Libéra/ion. 19 mai 1982.
'1
Guy Penne cité par F. Soudan: « L'autre Mitterrand ». Jeune
département ministériel, le continent relevait de trois
Afrique. 27 avril 1983.
directions: Afrique du Nord, Afrique-Levant et affaires
'" F. Mitterrand
Polillque
1938-1981. Paris. Marabout. 1984, p.
12" id. pp. 1/-12.
africaines et malgaches. Dans cette direction, un service
" Marchés Iropicaux. 18 novembre 1988. p. 3205.
s'occupait des pays n'ayant pas de liens historiques
LI Interview de M. Nucci. Jeune Afrique. 28 décembre 1983.
H J.F. Ilayart: op. cil. p. 64
avec la France ou qui les avaient rompus (comme la
L'Allocution prononcée par François Mitterrand, Président de la
Guinée) et un autre était chargé du « pré carré ».
République française au diner offert par le président du Rwanda,
Kigali. 7 oclobre 1982. 1982. pp 4-7.
. La politique africaine est surtout 1'aHàire du Président
40. Conférence de presse de François Mitterrand, Président de la
de la République. C'est lui, et sous ses ordres, son
Republique française. Cotonou. 16 janvier 1983. p. 8
11 Le Monde. 20 janvier 1983.
« Monsieur Afrique» qui la déterminent. Sous de
'" LF. Ilaynrt: op cil .• p. 113.
Gaulle, Jacques Foccart nous apprend que le général
l'Ibid. pp. 43-144.
:11 J. B<lulin : La po/iliqlle africaine d'Houphollët Boigny, Paris.
se tenait régulièrement informé de la situation en
Eurafor Press. 1980 en donne de nombreux exemples. eomme dans
Afrique noire francophone. Il en fut de même avec
le cas du Biafra où c'est la pression du président ivoirien qui entraîna
l'engagement de la France.
Valéry Giscard d'Estaing qui veillait lui-même à tout
21
Le Parti socialiste el "Afrique sud-saharienne, l, (Paris), s.d.
ce qui concemait l'Afrique. Ainsi, la nom1alisation
(1981. mulligr. pp. 28-33.
~: Témoignage. Ru/Je/În de liaison du Comité cl1/11Irel sur la
des relations avec la Guinée de Sékou Touré!! est
démocratie ail Bénin. non, janvÎer 1992.
due à son engagement personnel et à sa volonté de
21
. Libération du 25 septembre 1991.
2~ J. Foccart: op. cit .. t. r. p. 231.
tourner une page mal engagée en 1958 et mal gérée
'" ibid. t II., p. 221.
depuis lors. Quant à François Mitterrand, la politique
~!, Le livre de Jacques Foccart. Foccart parle. entretiens avec
Philippe Gaillard. tome 1 et lOme 11 est eloquenl en la matière.
menée en Afrique a tOl!iourS été la sienne comme
" 1. Foceart: op. cr/. 1.1. p. 455.
nous l'avons vu plus haut.
'" J. Foccarl: op. cil. t.l. p. 452.
,., Ibid. cil p. 15.
(FootRoles)
'" Ibid. 1.11 p. J 5.
, L ·Express. 14 août 1981
-'1 .I-F Oayart : op. cil .• p. 100.
~ Le Malin, 17 juin 1981.
l~ Alarchés tropicaux, 18 novembre 1988, p.320b.
1
n
LlI Croix, 24-25 mai J 981
J. Foccarl: Dp. cil., p. 287.
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2''''' Semestre)
309

_ _ _ _~
Sciellce,ç sociales et hUn/ailles
recouvre presque tout le continent al'ricain, l'ancienne
4.
, b, 1997. Tous les soirs
Indochine, de nombreux petits Etats des Antilles et des
m'el.' de Gaulle; Journal de l'Elysée. 1. 1965-
Caraïbes, dont Cuba 1.
1967, Paris, Fayard! Jeune AtJ-ique, 811 p.
De même, la coopération militaire tait l'objet
d 'tme révision avec la mise sur pied de la doetrine de
Renforcement des capacités africaines de maintien de
la paix (RECAMp)2. L'objectil' est d'impliquer
5.
GLASER, A .. STEPHEN, S., 2005. Comment
directement les armées africaines dans la gestion des
[a France u perdu l 'Afi'ique, Paris Calman-Levy,
crises que traverse le continent. La France se borne à
278 p.
une fonction de fomlation et de soutien logistique. Un
trait est tiré sur le rôle de « gendarme de r Afrique»
6.
MITTERRAND, F, a, 1977. Politique. Paris,
qu'elle jouait auparavant.
Fayard. 640 p.
Elle reconsidère également son dispositif
b, 1984. Politique (1938-
institutionnel en charge de la coopération. Celle-ci est
198JJ, Paris, Marabout. 444
intégrée au Quai d'Orsay par le biais d'une direction
p.
de la coopération et du développent international.
Néanmoins, un ministère délégué à la coopération
7.
PEAN. P.. 1983.
Aflàircs aji'icaine.l. Paris,
subsiste toujours.
Fayard, 340 p.
Ce qui s'apparente à une nouvelle diplomatie
africaine de la France n'est pas exempt d·ambiguïtés.
Il. ARTICLES
Comment peut-on, par exemple. prôner la démocratie
en Afrique et appuyer certains régimes autoritaires du
7.
BACH, O., 1983. « La politique Française en
continent? Comment aussi vouloir mettre fin à la
Afrique après le 10 mai 1981 ».
« Françafrique », tout en disposant de plusicurs réseaux
L'Année ofi'icaine 1981. Paris. Pedone, pp 236-253.
que l'on active quand le besoin s'en fait sentir? Enfin,
comment concilier la politique de non-intervention
8.
COl', J.- P., 1981. « La France en Afrique ».
inhérente au concept de RECAMP ct ne pas procéder
Politique aji"icaine, pp.3-ll O.
à une révision des accords de défense et de sécurité
signés avec les Etats africains au lendemain des
9.
GONTRAN ,J.-c., 1983. «La force dc maintien
indépendances? Que signifie l'intervention de l'année
de la paix au Tchad: éloge ou
requiem? »,
française au Tchad, aux côtés d'Idriss Deby Itno, en
LA nnée af;'icaine 1981, Paris, Pedone, pp 167-
2006, dans le conflit interne que vit ce pays? La France
189.
oscille entre deux politiques peu conciliables, ce qui
donne une impression d'incohérence et d'absence de
10. LORY Georges, 1982 : « La France et l'Afrique»,
politique africaine.
Marchés tropicaux et médilerranéens, pp. 3357-
3462.
REFERENCES nmLlOGRAPHIQUES
II. MAATI, G, 1983. « La France et son Afrique ».
I.OUVRAGESGENERAUX
L'Expansion, pp. 173-163.
1.
BAULlN, J., 1980. La politique afi'icaine
12. PALM, D. J.-M., 2003. « La communauté
d '1Jouphouêt-Boigny, Paris
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
Eurafor Press, 2 I 7 p.
(CEDEAO) et le règlement des eont1its dans la
sous-région ». Revue du CAlIIES, Sciences
2.
BAYART. J .-F., 1984.' La politique (ifi-icaine de
Sociales et Humaines, série B, vol. 005, na 1-2. pp
Fwnç'ois A1illerrand, Paris. Karthala, 149 p.
237-249.
3.
FOCCART, J., a, 1995,1997. Foccart parle,
III. REVUE ET JOURNAUX
entretiens avec Philippe Gail/ard.
U et LIl, Paris, Fayard! Jeune Afrique, 501 Jl
13. « La crise africaine: quelles politiques de
et 527 p.
coopération pour la France », Marchés tropical/X,
20mai 1981,pp 1308-1309.
310
Revue du CAM ES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"'' Semestre)

-
Sciences sociales et humaines
14. « Laconlinuiléell'avcnir. 1:~\\nllllion dc la ro1i1iquc
africainc de la francc ». Mal'l'hés Il'Ol'iCtlIlX. 18
17. Jeune Ali'iqlle, 20 mai 1981.
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RCVIIC <III CAM ES - Nouvelle Série Il, Vol. 007 N° 2-2006 (2""" Semestre)
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