Sciences sociales et humaines
---------------'-----------
MODELE DE COALE ET HOOVER ET PLANIFICATION
DEMO-ECONOMIQUE : CAS DU TOGO
Kossivi V. AYASSOU
Ulliversité de Lomé
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG)
Lomé- Togo
RÉSUMÉ
Les effets négatifs de la croissance démographique sur la croissance économique ont préoccupé les
chercheurs depuis le XVlIIè siècle. De nos jours, le poids de la population, surtout celui des jeunes, est
devenu un véritable frein au développement des pays sous-développés. Les modèles dits démo-économiques
ont permis de fomlaliser les relations entre population et développement.
Le modèle de COALE et HOOVER a été l'un des plus célèbres, testé en Inde en 1956. Ce pays a
hénéficié d'énormes ressources fin,mcières consacrées au planning familial considéré comme une des solutions
pour réduire la croissance démographique des pays pauvres.
Nous avons voulu essayer ce modèle sur le Togo qui connaît une forte croissance démographique
comme l'Inde, il ya cinquante ans. Les résultats ont permis d'aboutir à l'existence d'une forte corrélation
entre la croissance démographique et le développement. Ceci nous a amené à recommander, pour le Togo et
les autres pays africains, une politique de développement intégrant les variables démographiques.
ABSTRACT
Thc negative effects of the demographical growth over the economic growth have been a focal area of
study for the researchers since XVlJJiI'century. Nowadays, the population weight especially that of the youth,
hecamc a l'ca] obstacle to the devclopmcnt ofunder devcloping countries. The models known as demo-economic
madc il possihle to give shape to population and devclopment relationships.
The model ofCOALE and 1rOOVER has hcen the one orthe most well-known modcls, experimel1ted in
India in 1956. This countly has bccn funded for dcvoting its attention to the planning fàmilial considered asone
orthe solutions to reduee the demographie growth in pOOl' countrics.
The purpose ofthis study is to try this model in Togo that experiments a great demographic growth as
India did, lifty years ago. The rcsults lcd to the existence ofa great correlation between the demographic growth
and the devclopmcnt. This brings us to reeommend, for Togo and other African countries, development policy
involving the demol:,'faphic variants.
r. r
dits démo-éeonomiques. Ces modèles se proposent
NTRODUCTION
de dégager les effets de révolution de la population
Au cours du XXe ~tècle à la recherche
sur l'épargne et l'investissement. facteurs indispensables
d'équilibre entre la populatien ct le développement ct
à tout développement.
pour micux cemer les relations existant entre ces deux
Cet article se propose donc de tester l'un de
phénomènes, les chercheurs ont abouti à des modèLes
ees modèles celui de COALE et HOOVER sur le
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'''' Semestre)
255

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et

humaines
"
Togo. Mais avant cette application nous ferons un
alimentaires suivent une croissance arithmétique et la
rappel sur quelques modèles dé mo-économiques de
population une croissance géométrique.
notre siècle.
Au XIXc et au XXc siècles les effets pervers de
la croissance démographique sur le développement ont
Les modèles démo-économiques, en
préoccupé les chercheurs ainsi que les dirigeants
politiques. Pour ce faire des modèles ont été
concrétisant les interactions entre variables
développés. Essayons d'analyser quelques uns:
démographiques et variables économiques et sociales
servent comme outils pour définir des politiques de
développement, y compris celles de population, et
A. MODELE HARROD DOMAR
pour améliorer la prise en compte de la variable
1 - L'élément essentiel dc l'économie selon
KEYNES est l'effet positifde l'investissement sur la
population dans les plans nationaux de développement.
demande globale. KEYNES s'intéressait surtout au
problème de plein-emploi, de la main d'œuvre et du
Nous ferons un aperçu général de ces différents
capital déjà disponible. Dans cette approche l'auteur a
modèles pour apprécier lequel nous semble convenir
ignoré les conséquences de l'investissement sur les
capacités de production; justement vinrent les
le mieux à l'économie togolaise.
théoriciens dits post-keynésiens SAMUELSON Paul
II. REVUE DE LITTERATURE
Anthony et HANSEN Alvin qui intègrent ces
conséquences au modèle keynésien.
Depuis toujours, il a existé des variations
Comme leur maître, les successeurs de
concomitantes entre les mouvements de la JXlpulation
ct ceux des phénomènes économiques: révolution
KEYNES parmi lesquels HARROD et DOMAR
de la population peut être un frein, un moteur au
développement économique.
s'intéressaient avant tout aux problèmes de croissance
Le problème des licns existant entre la population
des pays développés. Cependant le modèle simple qu'ils
et le développement qui intéressait les seuls chercheurs
ont construit a été appliqué aux économies des pays en
est devenu aujourd 'hui celui des hommes politiques
également. Tous se demandent quels sont les effets de
voie de développement, aussi bien pour prévoir le taux
l'accroissement démographique sur le développement
de développement que pour calculer le niveau
économique et social? La réponse à une telle question
a évolué d'un siècle à l'autre.
d'épargne nécessaire pour atteindre un objectif
Au XVIIe siècle, en Europe l'accroissement de
la population était considéré comme une situation
déterminé de croissance du revenu par tête.
heureuse car cela permettait 1'augmcntation d'une part
Pour parvenir au plein-emploi de la main-d' œuvre et
des effectifs militaires et d'autre part des ressources
au stock de capital, en évitant les risques d'inflation et
fiscales respectivement signes de la puissance, du
de déflation, il faut qu'à toute augmentation de la
prestige et de la richesse des nations. En effet,
capacité de production globale de l'économie
l'accroissemenr.de la main-d'œuvre favorisait la
corresponde un accroissement équivalent de la
production agricole et manufacturière.
demande globale. La condition pour une croissance
Au XVIIIe siècle, face à l'inégalité sociale entre
équilibrée
avec
plein
emploi
est
,les classes aisées et déshéritées, Malthus a développé
M
/
M
s
une thèse pessimiste opposée à celle du siècle
«-
= - soit -
= - .»/ étant l'augmentation de
s v /
v
précédent. Selon Malthus, l'accroissement de la
l'investissement Ils l'inverse de la propension
population entraîne des calamités d'ordre matériel et
marginale à épargner \\Iv l'inverse du coelTicient
moral étant dOlmé que les subsistances se développaient
marginal. Cette relation exprime le fait que dans une
moins vite que la population ce qui engendrait la baisse
économie l'investissement doit augmenter à un taux
des revenus et la misère des classes pauvres. Les biens
256
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"'' Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
s
constant (-) pour obtenir une croissance avec plein-
C. MODELE DE COALE ET HOOVER
v
emploi sans inflation ni déflation. Dans ces conditions,
1. Principe du modèle
~y
le revenu réel augmentera au même taux à savoir y
Le modèle de COALE et HOOVER vise
=
c'est l'équation d'HARROD-DOMAR.
v
l'établissement des effets d'une diminution de la
Partant de cette relation les auteurs ont abouti à
fécondité sur la croissance économique. II suppose que
un modèle que les critiques ont qualifié d'ambigu à
cause de sa complexité et du nombre important de
le taux de croissance du revenu est égal au taux
variables qu'il comporte.
d'épargne divisé par le taux de rentabilité du capital,
cherche à évaluer l'impact hypothétique de la fécondité
B. MODELE DE LEON TABAH
sur la croissance économique et fait une différence entre
A la recherche des effets de la croissance
les investissements productifs (consacrés à
démographique sur le développementL. TABAH s'est
intéressé aux modèles démo-économiques. En étudiant
l'équipement) et ceux contribuant au bien-être de la
le modèle de HARROD-DOMAR, TABAH a fait la
distinction entre les investissements démographiques et
population qui n'ont pas d'influence directe et
les investissements économiques pour montrer qu'avec
immédiate sur la production.
un coefficient de capital donné le taux d'investissement
Il distingue également les dépenses destinées à
(exprimé en pourcentage du revenu national) est
la population existante et celles exigées par la population
positivement lié à l' accroisœment démographique. Ce
additionnelle (les nouvelles naissances). Il évalue le
modèle révèle également comment évolue le rapport
montant total des investissements à caractère « social»
entre l'élévation du niveau de vie et l'accroissement de
ainsi que les effets des dépenses de « croissance ».
l'investissement (qui est constant si la population ne
s'accroît pas) lorsqu'on fait des investissements
2. Présentation du modèle
démographiques: ce rapport dépend alors du taux
d'accroissement de la population. Le coefficient
d'investissement
étant
supposé
constant,
Le modèle donne une priorité au capital considéré
l'accroissement de la population exercera une influence
comme déterminant principal de la croissance
défavorable sur la consommation et le niveau de vie.
Ces influences augmentent avec celle de la croissance
économique. Il est basé sur une simulation de l'évolution
de la population.
de l'économie indienne par périodes quinquennales de
Partant de ces considérations, Léon TABAH a
abouti au résultat suivant concernant l'investissement
1956-1986, en fonction des hypothèses alternatives de
démographique : c'est un investissement effectué pour
maintenir le niveau de vie de la population additionnelle
fécondité. L'équation de base du modèle est:
au même niveau que précédemment et dans les mêmes
G
conditions de travail qu'a la population existante.
Y +
t 2s =Y,+2,5 R (1) où
Ce modèle est intéressant parce qu'il attire notre
y représente le revenu national
attention sur le volume considérable du revenu national
à investir pour la population supplémentaire mais ne
t + 2,5 : le centre de la période quinquennale qui suit le
nous dit rien sur les conséquences d'une baisse de
point de départ t de la projection.
fécondité. C'est là une lacune que le modèle de COALE
et HOOVER semble combler.
G : « dépenses de croissance» ou l'investissement
global.
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'00' Semestre)
257

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
R : coefficient marginal de capital
permanent Wc et on peut écrire que :1,,; = 10 Wc x L'o.P
(4).
G
fi = L'o. Y: variation annuelle du revenu.
Le rapport de ces deux composantes de
l'investissement social est par conséquent:
On part des observations que le coefficient marginal
du capital augmente avec le temps de sorte que l'on ait
R= m + nt où m = valeur initiale (lïxée à 3,0) et n =
taux annuel d'accroissement (supposé égal à 2 %).
où l'est le taux d'accroissement de la population
La som me de ces composantes notée 1 = 1 . + 1
W ·
Wl
wc
En considérant G comme l'élément moteur de la
=IOrxJ
+1
w.:
wc
croissance, le modèle dans sa construction fait intervenir
= Iwo(l
la distinction entre les investissements en ressources
+ 101')
humaines qui se décomposent en investissements
correspondants aux besoins de la population initiale
Lê total des dépenses d'investissement Je + Iwdevient
(IwO> et les investissements nécessaires pour la
1 = 1 + 1 ou alors
c
w
population additionnelle (Iw) ; alors la valeur de G
1=lo+lw=I,+lw(I + 10r)=lo+hY(1 +101')
s'écrit:
1= le + Iwcar Iwe = hY( 1 + 10 l') parce que Iwc = hY
et lw = lwJl + 10 l').
G= 1c+ (e)wc+ e;I,,)L + (ecwc+ e;w)'.ls(l- L)'_ls
(2)
Comme au départ 1= E, on peut déduire que le
volume d'investissement dépend de l'épargne E en
Dans lequel:
réalité. La fonction d'épargne selon la théorie de Keynes
1
.
.
est linéaire et liée au revenu. L'Epargne par habitant
t en biens productifs
c
. investissemen
est donc égale à l'épargne (ou JO/PO l'investissement)
I"c' 1,,;
.investissements en ressources humaines
par habitant en début de période notée augmentée d'une
relatifs à la population initiale et à la population
fraction induite par la variation du revenu par tête notée
additionnelle.
y/p= YO/pO d'où la fonction d'épargne globale:
ec et e;
: représentent la productivité comparée de
ces investissements par rapport à celle des
E = p[IO/PO + a(Y/P-YO/PO)]
investissements matériels équivalents.( ecoDj cl e;o(l.o)
= aY+[(aYO-JO)/pO]p
= aY + bp
(5)
avec b = (aYO-JO) /PO
L= taux global d'activité.
(wce
Il apparaît clairement que l'investissement est
c+ w;e), IS = volume pondéré des investissements
sociaux 15 ans plus tôt multipli~ par la population
une fonction linéaire du revenu et de la population.
inactive, c'est-à-dire (1- L),IS ou en d'autres termes,
les investissements en ressources humaines sont
3. Les critiques du modèle de Coalc et
supposés influencer la production de l'économie 15 ans
Hoover
plus tard, la vic active commençant ù 15ans.
Elles sont d'ordre internes et externes:
Le problème posé est l'évaluation de [wc et l,VI'
Pour ["c' Coale et Hoover admettent que cette variable
(qui correspond aux besoins de la population existante)
3.1. Les critiques internes du modèle
représente une fonction constante, h du revenu national.
Si P est la population et 1 l'investissement humain par
wc
tète on a alors:
a) - Le modèle de Coalc et Hoover ne prend en
considération que les conséquences négatives
(charge des enbnts) des naissances additionnelles,
1 =hy Oll= W P (3).
"C
c
l'our [ . il est convenu que la satisfaction des
oubliant compll:tcment leurs élspects positi fs
'"
besoins initiaux d\\m nouveau membre de la société
(population élclive ct main d'œuvre). Sachant que
équivaut à dix Il1is le coùt unitaire d\\:ntrelÏen
258
. Revue du CAM ES - Nouvelle Série n, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"'' Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
les charges de support et de fonnation des gens et
considérée comme excédentaire. Sachant que plusietirS
leur production s'annulent vers 40 ; alors que le
facteurs interviennent dans le processus du
modèle s'est limité à 30 ans période de
développement économique alors il est aberrant de
consommation de l'individu qui après40 ans devient
fonder le modèle sur un seul facteur. Il faut noter que
rentable.
ce modèle a ignoré certains facteurs comme le progrès
technique, le savoir faire, les économies d'échelles,
l'élasticité du travail personnel, etc. qui ont des
b) L'investissement générateur de croissance est
influences à long tenne sur l'économie.
considéré dans son sens restrictifcar le modèle fait
une séparation entre investissement productif et
3.2. Critiques externes du modèle
investissement social. Or les investissements dans
les structures sanitaires et scolaires dégagent de la
Moins importantes que les précédentes, les
valcur ajoutée étant donné que les personnes
critiques externes sont de trois ordres:
/i.Jnnées ou soignées deviennent productives donc
rentables il moyen et long tenne.
3.2.1. La signification de la variable
c)
- Le choix des IJaramèlres e ct e. paraît arbitraire
,
,
principale du modèle
ainsi que celui du coefficient 1()
En 1960, il était très difiicile si non impossible
dl - L'hypothèse de producti\\il<' marginale du
d'évaluer les agrégats économiques de l'Inde en
travai lkur suppl0mentaire n' est p~LS adaptée à l'Inde
particulier l'épargne rurale et le revenu,
dont l'agriculture représcnte:;O % de la valeur
ajoutée. En end cette hypothèse suppose a priori
que l'augmentation de la population et par
3.2.2. Le traitement du temps
conséquent active n'apporterait aucune
La notion d'investissement est liée à celle de
amélioration il la production nationalc par le biais
durée car le capital investi s'amortit selon le type de
du nombre ct de la qualité du travail. En d'autres
branches d' activiks. Le modèle ne tient pas compte
termes celte hypoth~se signifie que la réduction de
de décalages entre la période d'investissement et celle
la croissance de la population activc aura un cffCt
de l"amortissement.
positifsur la productivité du travail. Ce l'aisant on
oublie la nécessité de renouvellement constant de
la main d'œuvre.
- Le modèle ne prend en considération que le capital
k. Le modèle est basé sur une analyse mono tàctoriclle,
le capital k sans tenir compte de la main d'œuvre L
Revue du CAM ES - Nouvelle Série Il, Vol, 007 N° 2-2006 (2'- Semestre)
259

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciellces sociales et humailles
3.2.3. Les relations entre l'évolution de
comme l'Inde où déjà à 10 ans les enfants
l'économie et celle de la population
participent aux activités productrices;
Le cadre économique du modèle n'est pas défiIÙ.
et l'affirmation selon laquelle les
On note une absence de la demande. La variable
investissements humains ont une rentabilité
démographique qui est un facteur déterminant du
non pas croissante mais relativement faible
modèle ne joue sur l'offre. ni sur la demande.
(50 % seulement des investissements dits
Le modèle ne respecte pas non plus les principes
productifs pour la population existante et
de la transition démographique qui établit des liens entre
nulle pour la population à naître.
la fécondité et la mortalité d'une part et d'autre part,
c) - Les équations (3) et (4) reposent sur le choix de
entre l'évolution de la fécondité et le développement
conventions discutables mais dont la nature semble
socio-économique.
déterminante; le coefficient 10 retenu dans
l'équation (4) semble exagéré.
3.3 Analyse des équations du modèle
d) - L'équation (5) suppose que l'épargne est une
fonction linéaire croissante du revenu, décroissante
a) - Dans l'équation (1), la croissance économique,
de la population. Ajoutons égalcment que la
dépend d'un seul facteur G appelé investissement
relation supposée entre la dimension de la famillc
global ou dépense de croissance. Cette approche
et le volume de l'épargne n'est pas si simple et
semble exagérée car elle ignore les autres facteurs
évidente comme envisagée dans le modèle.
qui contribuent à la production.
3.4. Application du modèle de Coale et
b) - L'équation (2) fait un clivage
entre
Hoover au Togo
investissements en biens d'équipement considérés
productifs et investissements en ressources
humaines supposés non productifs. Cette vision tend
Par rapport à la complexité apparente de
certains de ses récents successeurs, ce modèle a le
à' minimiser le caractère productif des
mérite de la simplicité, il a en outre, l'avantage de mettre
investissements socio-culturels (santé, éducation ...
l'accent sur la structure par âge, ce qui ne s'était guère
vujusque là, malgré les travaux de LOKTA (1929),
etc.), dont la rentabilité en terme de croissance
qui avait établi la relation entre l'évolution du nombre
des habitants et celle de la répartition par âge. Enfin ce
économique est indirecte et~' observe à long tenne.
modèle vise à offrir une illustration quantitative à une
proposition centrale de la croissance démographique
Cette équation renferme également deux
et économiquejusqu'alors non établie arithmétiquement
postulats implicites peu fondés:
selon laquelle une réduction de la fécondité accélère la
croissance du revenu total et plus encore la croissance
il s'agit de l'âge d'entrée dans la vie active
du revenu par habitant. Tenant compte du rôle moteur
accordé à l'accumulation de capital, la main d' œuvre
(15 ans) qui semble inadapté dans un pays
étant excédentaire, Coale et Hoover ont montré qu'une
260
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"" Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
baisse de la fécondité (de 50 %) en trente ans
Avec un taux d'accroissement de la population
entraînerait un écart considérable du revenu par
de 2,9 %, on observe une évolution à la baisse du
tête. Dans notre étude nous avons retenu ce modèJe car
revenu par tête de 129000 FCFA en 1990 à 32 506
il est beaucoup plus proche de la réalité togolaise. En
FCFAen2057 en passant par 99 781 FCFAen 2002 ;
effet, la population togolaise croît à un taux de 3 %
80028 FCFA en 2012; 64 637 FCFAen 2022; 52
depuis
deux
décennies.
Cette
croissance
594 fCFA en 2032 et 93 127 FCFA en 2042.
démographique est-elle un frein ou un facteur
Avec un accroissement démographique de 2, 1
accéJérateur de J'économie du pays? Le modèJe nous
% le revenu par tête a baissé de 129 000 FCFA en
permettra d'interpréter les résultats.
1990 à 52 326 FCFA en 2057 en atteignant 103819
Rappelons que le modèle repose sur la
FCFA en 2002; 90 143
FCFA en 2012; 78 819
détermination du revenu par tête selon le niveau de la
FCFA en 2022 ; 69 430 FCFA en 2032; et 6J 634
fécondité.
FCFA en 2042.
La troisième hypothèse (r = 1,8 %) permet de
III -LES HYPOTHESES
constater que le revenu par têtc évolue en baisse de
129000 FCFA en 1990 à 105357 FCFA en 2002 ;
Les hypothèses de travail sont:
94211 FCFA en 20J 2; 84 836 FCFA en 2022; 76
962 FCFA en 2032; 70360 FCFA en 2042 et à 62
430 FCFA en 2057.
On peut observer que le niveau du revenu par
le choix de la période de l'étude: 1990-
tête tille année donnée varie selon le niveau de fécondité:
2057 (soit 67 ans car les travailleurs sont
en 2012 par exemple le revenu varie de 80 028 FCFA
actif5jusqu'à cet âge),
(r = 2,9 %) à 94 211 FCFA (r = 1,8 %) en passant
par 90 143 fCFA (r = 2,1 %). Le revenu par tête
le taux d'accroissement de la popuJation
augmente quand Je taux d'accroissement ou]a fécondité
selon le niveau de la fécondité est: HI' r =
baisse.
2,9%;H ,r=2,1 %;H"r=1,8%
Si l'augmentation du revenu par tête entraîne
1
une évolution en hausse de la croissance économique,
la détermination de la population de 1990
on peut conclure qu'une baisse significative de la
à 2057 pour chacune des années
fécondité serait un facteur accélérateur de la croissance
concernées par l'équation du revenu
économique au Togo. Cette conclusion ne tient pas
national P = P 1 Cl + rf avec r = 3 %,
compte bien sûr de l'environnement et des autres
l
,-
le calcul du coefticient de capital R :
facteurs qui influencent la croissance économique.
R = 3 + 0,02t (t = l, ... avec to = 0 en 1990),
L'application du modèle de Coale et Hoover
Le calcul de la dépense de croissance U.
au Togo a montré que Je revenu par tête baisse quand
L'équation rédui te de G est:
le taux d'accroissement de la population augmente.
G = 1 Pa (1 + 10 r)
Pour confirmer ou infirmer ce résultat, nous avons jugé
r = taux de croissance
nécessaire de déterminer le coefficient de corrélation
Pa = population active
linéaire entre ces deux variabJes.
1 = Investissement en biens
,
IV. ETUDE ET CORRELATION
le calcul des revenus
G
Une variable statistique prise isolément ne suffit
y +" = y + 2,5 -
avec Y"o = 450.468 milliards
,_.-
,
R
pas pour décrire un phénomène donné comme le cas
FCFA.
de l'étude du taux d' accroissement de la population et
le revenu annuel par tête d'habitant sur la période de
Les résultats obtenus font l'objet des trois
1990 à 2082.
tableaux (No 1,2,3) correspondant aux trois hypothèses
L'un des instnunents d'analyse, pemlettant
HI' H , H . L'analyse de ces tableaux permettra de
2
J
d'identifier les types de relations qui peuvent exister
voir si le niveau de la fécondité a des etfets sur le revenu
cntre deux phénomènes quelconques est la .nléthodé
par tête au Togo.
de la corrélation et de rt:gression. L' étab1îssement de
la corrélation consiste à détenniner un certain nombre
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'''' Semestre)
261

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciellces sociales et humaines
de caractéristiques statistiques dont la principale est
Hypothèse N°2
le coefficient de corrélation linéaire r qui est un
r = - 0,979
nombre sans dimension compris
entre -1 et +1. Il
s'agit ici de la détermination du coeflicient de
corrélation entrc le taux d'accroissement de la
population R et le revenu par tête
r2 = 0,9584 ; soit 96 %
Hypothèse N°3
RRt - RRt
R'. Il se présente sous forme de rapport r = --~
r = - 0,975
cr R. Rt
r2 = 0,9505; soit 95 %
Selon cette formule il faut détenniner au
préalable:
4.2. Appréciation de résultats
4.1.1. Les moyennes arithmétiques de
Les résultats de notre étude donnent pour les trois
chaq ue série
hypothèses un coefficient de corrélation négatif:
Rt=;
=

- 0,978 pour l'hypothèse N° L

- 0,979 pour l'hypothèse N°2 et
Où,

- 0,975 pour l' hypothèse N°}.
Ces résultats continnent l'existence d'wle relation
fonctionnelle inverse entre le taux
d'accroissement de la population et le Revenu
annuel par tête d'habitant de 1990 à 2057. Ce
= le taux d'accroissement moyen
qui démontre que, plus le Taux d'accroissement
= le revenu moyen par tête d'habitant
n
de la population augmente, le Revenu par tête
= le nombre total de périodes
d'habitant baisse presque dans les mêmes
4.1.2. Les écart-types de chaque série
proportions pour les trois hypothèses sur la
durée observée. 96 et 95 % de baisse du revenu
R=
par tête respectivement pour les deux premières
hypothèses et la troisième si le même taux
d'accroissement de la population est maintenu
pour chacune des trois hypothèses au cours
Rt=
de cette période.
Où,
CONCLUSION
R = Ecart-type du taux d'accroissement de la
population
Cet article a permis d'aboutir à des résultats
Rt = Ecart-type du revenu annuel par tête
similaires à ceux de l'Inde en établissant Wle corrélation
d'habitant.
négative entre l'accroissement démographique et la
4.1 Résultats des calculs
croissance économique: la baisse de la fécondité au
Hypothèse N°l
Togo s'accompagnerait d'une évolution en hausse du
r = - 0,978
revenu par tête. En outre la politique de limitation de
[2
= 0,95648; soit::::; 96 %
naissance contribuerait à améliorer le revenu des
habitants des pays en développement, cela n'a pas été
262
Revue du CAMES - Nouvelle Série D, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"'' Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
le cas de l'Inde malgré trente ans de planification
familiale. Il faut noter que dans le cas du Togo
5.
HENRY, L., 1972, Démographie: analyse et
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développement économique et social.
Sa mise en œuvre pour les pays à croissance
7.
SAUVY,
A.,
1946,
De
la
prévision
lente comme le Togo peut constituer une approche de
démographique à la prévision économique,
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Revue du CAMES - Nouvelle Série H, Vol. 007 N° 2-2006 (2·... Semestre)
263

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Tableau N°l: Evolution du Revenu (R) par tête selon le taux d'accroissement (Rt)
Hypothèse N°l
Années
Valeur de R
Revenu (Rt)
R-R
1(R-R)2
Rt-Rt
(Rt-Rt)2
R*Rt
1990
3
129000
-0,644
0,414736
56980,57
3246819546
387000
1992
3,04
125137
-0,604
0,364816
53117,87
2821508113
380416,48
1997
3,14
111693
-0,504
0,254016
39673,87
1574015961
350716,02
2002
3,24
99781
-0,404
0,163216
27761,87
770721425,9
3232390,44
2007
3,24
89284
-0,304
0,092416
17264,87
298075736,1
298208,56
2012
3,44
80028
-0,204
0,041616
8008,87
64141998,7
275296,32
2017
3,54
71857
-0,104
0,010816
-162,13
26286,1
254373,78
2022
3,64
64637
-0,004
0,000016
-7382,13
54495843,3
235278,68
2027
3,47
58250
0,096
0,009216
-13769,13
189588941
217855
2032
3,84
52594
0,)96
0,038416
-19425,13
377335675,5
201960,96
2037
3,94
47579
0,296
0,087616
-24440,13
597319954,4
187461,26
2042
4,04
43127
0,396
0,0156816
-28892,13
834755175,9
174233,08
2047
4,14
39169
0,496
0,246016
-32850,13
1079131041
162159,66
2052
4,24
35646
0,596
0,35526
-36373,13
1323004586
151139,04
2057
4,34
32505
0,696
0,484416
-39514,13
1561366470
141071,7
TOTAL
54,66
1080287
2,71936
14792306750
37404661
Tableau N°2: Evolution du Revenu (R) par tête selon le taux
d'accroissement (Rt)
Hypothèse N°2
Valeur de
Années
R
Revenu (Rt)
R-R
(R-R) 2
Rt-Rt
(Rt-Rt) 2
R*Rt
1990
3
129000
-0,644
0,414736
39973, Il
2051951384
387000
1992
3,04
125137
-0,604
0,364816
36110,11
1716898174
380416,48
1997
3,14
111693
-0,504
0,254016
16330,11
783522292,8
350716,02
2002
3,24
103819
-0,404
0,163216
20117,47
404712599,2
336373,56
2007
3,24
96658
-0,304
0,092416
10517,11
167870114,9
322837,72
2012
3,44
90143
-0,204
0,041616
5184,11
41492535,76
310091,92
2017
3,54
84215
-0,104
0,010816
293,11
263651,4409
298121,1
2022
3,64
78819
-0,004
0,000016
-4190,89
23839099,2
286901,16
,2027
3,47
73905
0,096
0,009216
-8300,89
95972000,04
276404,7
2032
3,84
69430
0,196
0,038416
-1206,89
203676568,5
266611,2
2037
3,94
65351
0,296
0,087616
-15512,89
336741951,3
257482,94
2042
4,04
61634
0,396
0,0156816
-18666,89
486975880,3
249001,36
2047
4,14
58243
0,496
0,246016
-21551,89
648136749,8
241126,02
2052
4,24
55150
0,596
0,35526
-24188,89
815189865,3
233836
2057
4,34
52326
0,696
0,484416
-26596,89
984423882,8
227094,84
TOTAL
54,66
1255523
2,71936
8761666850
4424015,Q2
264
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'''W Semestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
Tableau ND3: Evolution du Revenu (R) par tête selon le taux
d'accroissement (Rt)
Hypothèse N°3
Années
Valeur de R
Revenu (Rt)
R-R
(R-R)2
Rt-Rt
(Rt-Rt)2
R*Rt
1990
3
129000
-0,644
0,414736
39973, II
1,5978E+IO
387000
1992
3,04
125137
-0,604
0,364816
36110,11
1303940044
380416,48
1997
3,14
111693
-0,504
0,254016
16330, Il
513752543
350716,02
2002
3,24
105357
-0,404
0,163216
20117,47
266672493
341356,68
2007
3,24
99544
-0,304
0,092416
10517,11
110609603
332476,96
2012
3,44
94211
-0,204
0,041616
5184, Il
26874996,5
324085,84
2017
3,54
89320
-0,104
0,010816
293,11
85913,4721
316192,8
2022
3,64
84836
-0,004
0,000016
-4190,89
17563559
308803,04
2027
3,47
80726
0,096
0,009216
-8300,89
68904774,8
301915,24
2032
3,84
76962
0,196
0,038416
-1206,89
145561571
295534,08
2037
3,94
73514
0,296
0,087616
-15512,89
240649756
289645,16
2042
4,04
70360
0,396
0,0156816
-18666,89
348452782
284254,4
2047
4,14
67475
0,496
0,246016
-21551,89
464483963
279346,5
2052
4,24
64838
0,596
0,35526
-24188,89
585102399
274913,12
2057
4,34
62430
0,696
0,484416
-26596,89
707394558
270946,2
TOTAL
54,66
1080287
2,71936
6396898478
4737602,52
Revue du CAMES- Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2in~ Semestre)
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