Sciellces sociales et humailles
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AUTORITE DES METHODES D'ANALYSE DE
TEXTES DE LA« NOUVELLE CRITIQUE» ET ETAT
ACTUEL DE LA CRITIQUE LITTERAIRE
Frallçois Brullo TRADRE
Ulliversité de Cocody - Abidjall / Côte d'Ivoire
Ulliversité Blaise Pascal- Clermollt-Ferralld II / Frallce
RÉSUMÉ
Peut-on aujourd 'hui poscr le problème de la critiquc littéraire sans risquer de susciter un débat sur sa
validité par rapport au texte qui en est l'objet et sur la valeur des méthodes de la critique traditionnelle
devant la prétendue autorité dc la nouvellc critique? La réponse à cette préoccupation réside dans la
possibilité que tout théoricien de la littérature s'offre de s'interroger ou non sur l'état actuel de la critique et
de l'autorité de son discours. Toute critique ne vaut que par sa pertinence à révéler le fonctionnement des
structures internes du texte et à cn interpréter judicieusement le sens, L'état actuel de la critique littéraire
aboutit à l'acceptation d'une position qui engage l'analyste: renoncer définitivement au cloisonnement pour
l'éclectisme, être un archilecteur, sorte de somme de tous les lecteurs qui se donne une culture maximale
pour interroger avec succès le texte,
Mols-clés: Crilique, approches lilléraires, nouvelle approche crilique.
A BSTRACT
Is it possible today to discuss literary issues without tackling thc validity ofthe text that is the object of
the study and the importance ofthe old critical trend in the relation to the new one that claims an authority?
The answerto this question depcnds on how fàr each literary theorist comments him/herselfto crilicism and
the authority ofhis/her dis-coursc at large. A good critic points out the functioning ofthe internai structures
and undc11akes a systematic interpretation ofa tex\\. The present state ofliterary criticism requires taking a
stand that engages the cri tic : avoid considering literary e1ements ofa text as ifthey were isolated entities, a
reader who knows about various theories, reader whose stand is shaped by the various theories.
Key l1'ords : Crilic, lilerwyapproaches, new crilicallrend.
d'un ordre nouveau qui veut rompre avec les vieux
INTRODUCTION
démons de la tradition et de la pensée unique. Dans les
années
Le XX" sièele est pensé comme un moment fort
50, un tel bouleversement' se produit, qui aboutit
à la contestation des formes classiques et à une
de la dissolution dc la littérature dans l'espace
dynamique de renouvellement théorique qu'un certain
idéologique des discours. Cette situation est l'expression
Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'UW Semestre)
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nombre de romanciers reconnaissent et traduisent dans
el pralique discursive, science humaine [. .. ]
un genre moderne: le « Nouveau Roman ».
inlerl'ient après le slruclura/isme comme une simple
Cette nouvelle manifestation de la remise en cause
« cosmélique lexicale », Zlne mode qui s'applique
du tout et de la totalité constituée en savoirs fait du
aux Ira vaux, aux communicalions sCÎenlijiques » s.
XXé siècle, l'époque qui revisite toutes les certitudes
Avant lui, 1. Kristeva avait visiblement choisi de garder
établies par les tenants du discours intellectuel et officiel
une distance critique par rapport au « pouvoir unificateur
bien-pensant des cercles littéraires. Au nombre des
de la sémiotique ». C'est dire qu'il y a toujours eu un
attitudes réactionnaires, la démarche de R. Barthes, qui
malaise dans l'univers de la critique comme il en eut
dès 1963 dans Sur Racine", aidé dans son initiative
dans les rapports de l'œuvre à la méthode d'analyse.
par les apports de la linguistique et du structuralisme,
Aujourd'hui, il nous paraît essentiel de (re)poser
« décode» les œuvres théâtrales comme jamais elles
le débat interne à la critique en fàisant l'état actuel des
ne le furent par la critique. La réaction de R. Picard]-
lieux. Simple conflit de génération'? Qu'est-ce que la
héraut et représentant des milieux universitaires
critique, au sens où l'on pourrait l'entendre
traditionnels - va inunédiatement consister en un rejet
aujourd'hui'? Que fut la « Nouvelle critique », que flt-
des « formules» de Barthes qu'il perçoit comme une
elle et qu'apporta-t-elle à la littérature'? Ses rapports
manipulation et une insignifiance. La Lilléralure et la
avec la littérature ont-ils toujours été au mieux de ce
Crilique entrent ainsi en conflit et les théoriciens de la
que l'on est en droit d'en attendre'? En somme, quel
littérature voient dans cet affrontement, une nouvelle
est l'état actuel de la critique littéraire '?
querelle des Anciens et des Modernes.
Ces
préoccupations
sont
autant
de
Sans vraiment l'imaginer, Barthes et Picard
questionnements essentiels qu'il nous semble important
venaient de planter en ces années 60-70, le décor du
d'aborder, car les chemins actuels de la critique ne·
débat autour et sur la critique, Racine, dont Picard4
mèneraient plus au sens ni à la signification du texte
proposa une autre lecture, ne constituant alors qu'un
pour lequel elle existe ; à moins qu'elle n'ait voulu exister
prétexte tout trouvé. Pourtant, jusqu'à cet affrontement,
que pour elle-même, à la façon d'un genre littéraire,etc.
la critique, quoique théorique, avait toujours réussi en
tant que méthode d'analyse des textes littéraires à
atteindre au sens des œuvres sur lesquelles elle portait
son regard, les rendant plu~ lisibles et plus significatives
comme jamais elles ne le furent.
D'où vient-il donc que ces méthodes dont la
fécondité était presque unanimement incontestable
soient remises en cause, à tout le moins, situées dans
un rapport de concurrence avec la Sémiotique qui
prétendit changer les lectures traditionnelles par une
approche des fonctions et des combinatoires de
l'espace tragique, én l'espèce pour ce qui concerne
l' œuvre de Racine prise comme support de l'étude de
Barthes? Simple réfutation, objection technique vaine,
intention polémique ou raison objective de faire évoluer
(Footnotes)
cc que l'on appelle aujourd'hui les Sciences du
1
N. Sarraute, L Tre du SOl/PÇOU, 1950.
2 Texte paru aux éditions du Seuil.
Langage, dont la Sémiotique, héritière de la Sémiologie,
, R. Picard, Nouvelle Critique Olt nouvelle imposture. Paris. Ed. J.-J.
est'I 'une des expressions les plus fonctionnelles?
Pauver\\. 1965.
~. R. picard. La Carrière de Jean Racine, 1956.
1963-2005 : voici 42 ans que les différentes
j
Il poursuit son obscrvalion dans le même ouvrage cn des termes plus
critiques se sont engagées dans une querelle de
explicites: « Tous les indices d'une institulionnalisalioll rapide [de lil
Sémiotique1 ct solide ont parcouru le paysage humaniste à la vÎtesse
chapelles. Comme Barthes, de nombreux critiques n'ont
d'un feu de brousse: apparition de groupes ct de cercles reconnus par
cessé de s'interroger sur la validité du discours de la
les Universités. puis de sociétés savantes, nationales et internationales,
reconnues par les organisations subventionnaires, émerg~llce de rcvues
critique, prenant cette fois les méthodes de la « Nouvelle
spécialisées, découverte de précurs~urs (Leibniz. saint Augustin,
critique» pour cible: avec nous, U. Eco, J. Kristeva,
Aristote. Platon [. "J). Finalement. la discipline se donne une histoire;
elle peul avoir été méconnue. mais elle a toujours existé l... 1 La
G Gengembre et W. Moser qui exprime à son niveau
sémiotique est aujourd'hui un ingrédient de carrière des plus sùrs 1 ·1
et en des termes personnels, la pensée d'un vaste
prétention, vanité'! Ultime. un nombre grandissant de problèmes sc
révèlent être. en dernière instance. des probl~mcs sémiotiqu~s. La
courant contemporain: « La Sémiolique. discipline
généralité du sémiotique devient dogme »,
Mode-Moderne-I'ostmoderne. Montréal. 1984. p. 38.
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Revue du CAM ES - Nouvelle Série D, VoL 007 N° 2-2006 (2'm. Semestre)

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1. Qu'est-ce que la critique littéraire? '
2. Identité historique et technique d'une
La critique est une attitude qui porte au jugement
critique dite nouvelle ou de la « Modernité
pour évaluer les possibilités de signi lication d'un objet
littéraire»
donné. En littérature, l' œuvre est perçue comme une
Plusieurs préoccupations naissent dès lors que l'intérêt
unité de signification organisée comme histoire - parce
est porté sur le contexte d'émergence de la nouvelle
qu'évoquant les événements qui se seraient passés et
critique et sur le conflit qui naît entre cette critique
dont l'auteur rend compte - et discours pour la manière
novatrice et la critique traditionnelle et universitaire.
dont l'auteur, par le moyen d'un personnage, nous fait
Mais la question qu'il est essentiel de résoudre se
connaître ces événements. La critiquc littéraire a donc
rapporte à ce que fut la critique avec et autour de
essentiellement pour objet l'interprétation des œuvres
Barthes.
littéraires. Elle se veut un jugement valable qui fait
autorité par la signification qu'il fait ressortir.
Après la vogue du Nouveau Roman et de toutes
L'initiation à la découverte et à rétude des
les formes de nouveautés qu'apporte le vent des années .
méthodes d'analyse de textes littéraires prend en compte
50, la décennie qui suit enregistre la naissance de la
une variété de points de vue constitutifs des fonnes de
« Nouvelle critique ». Pourtant, en 1966, Barthes laisse
la critique. Dans les années 60, R. Barthes suscite un
entendre à plusieurs reprises que « ce qu'on appelle
débat qui a l'intérêt d'avoir mis àjour deux positions
nouvelle critique ne date pas d'aujourd'hui ». Crise
situées aux antipodes l'une de l'autre: la critique
ou nouveauté, se demande-t-on alors?
traditionnellc -la rhétorique, l'hisloire littéraire, la
L'esprit ou le phénomène de la nouveauté ne peut
critique biographique, la critique philologique, la critique
être expliqué indépendamment du contexte dans lequel
sociologique marxiste, la critique thématique, la critique
il se constitue. En effet, la crise est plus étendue,
psychanalytique, etc. - et la nouvclle critique, qui
puisqu'elle affecte en cette seconde moitié du XX'
renouvelle l'investigation littéraire avec le fomlalisme,
siècle, la littérature et en particulier le roman qui jouit
Je structuralisme. la narratologie, la poétique et la
d'une liberté formelle et thématique depuis le XVllIè
stylistique, la sémiotique, la critique génétique ou la
siècle. Le Nouveau Roman met au goût dujour un débat
sociocritique.
qui appartient au siècle des Lumières et qui se prolonge
L'étude des textes littéraires a toujours eu pour
en ce siècle où tous les dieux sont morts et qu'il faut en
ambition l'expressivité du texte dans sa matérialité. Au
inventer de nouveaux.
XIX' siècle, le souci du sens de l'œuvre préoccupe
L'émergence de la « nouvelle critique» pose
Gustave Lanson, Madame de Staël, Sainte-Beuve, etc.
inéluctablement le problème du genre romanesque, des
et Taine perçoivent en même temps la réalité d'une
formes de sa production et de son appréciation. Cette
approche raisonnée qui transfonne les hypothèses de
crise autour du roman prend à la fois pour cible les
lecture et d'interprétation du texle en invariants.
notions d' auteur, d' œuvre et de personnage et n'hésite
Aujourd'hui, la critique se voit assigner deux principales
pas à bousculer les critères traditionnels de lecture et
missions qui en révèlent à l'occasion le sens: d'une
d'appréciation littéraire. De ce bouleversement,
part, rendre le sens du texte intelligible, en rationaliser
apparaît la volonté d'ériger en nécessité le principe selon
la construction et l'interprétation et, d'autre part, en
lequel le texte est indissociable de son questionnement,
tant que système de signes, intégrer la sollicitation des
de son « mode d'emploi ». Deux ans plus tard. soit en
sens, de la sensation et de la perception dans la
1968, dans le sillage de Raymond Jean, l'on commença
construction de la signification
à admettre l'hypothèse que « ce n'est plus la littérature
1.
La sémiologie critique des textes et de la religion
qui provoque la critique, mais la critique qui provoque
est héritière du « culte de la raison, [et de la] haine de
la littérature »2.
la religion» conforme aujugement de G. Lanson surle
siècle de Louis XlV. Dans la quête du sens, la critique
L'assurance des critiques de la Modernité
n'épargne aucun sujet. A l'époque des Lumières,
littéraire prenait appui sur la fécondité de trois modèles:
Diderot estimait que la religion ne pouvait que s'avilir à
les modèles structuraliste, sociologique, idéologique et
mesure que la philosophie s'accroissait, du simple fait
psychanalytique.
que la raison et la foi sont antinomiques. Peut-il en être
Inspirée par les recherches du linguiste Saussure
ainsi de l'œuvre littéraire et de la critique dont le but est
sur les structures de la langue et améliorée par Jakobson
d'élucider l'œuvre au lieu de l' « avilir »?
et Lévi-Strauss, cette approche critique permit aux
études critiques de poétique et de rhétorique de Barthes,
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de Genette et de Todorov de connaître des avancées
nouveau, la critique devait apporter à la littérature, un
significatives. Dans une œuvre littéraire, il fut possible
éclairage
nouveau.
Il
en
fut
ainsi.
de porter l'effort d'analyse sur les structures tornlelles
La critique traditionnelle révélait de plus en plus ses
qui orgarusent le récit'ou le poème et le rendent explicite
limites devant le texte. Cet enlisement reposait sur
au plan du sens.
l'antinomie discours littéraire 1discours critique
A partir du modèle sociologique et idéologique
devant laquelle le cercle des universitaires
fondé sur les ruines de la critique marxiste, ce type de
conservateurs se trouvait impuissant. Du XVIIIe
critique s'est préoccupé de restituer l'analyse de toute
siècle au Nouveau Roman résolUment vinbrtiémiste, en
œuvre dans son univers social dïnvention et de
passant par l'ère du soupçon, la littérature s'était
réception -l'histoire des mentalités ou la sociologie-
progressivement remise en cause pour échapper à la
pour éclairer le sens de tout texte. C'est une telle
pernlanencc des fOffiles traditionnelles qui étaient loin
approche qui fit la fortune de L. Goldmann, de G.
d'épouser les préoccupations des écrivains
Lukacs, de P. Barbéris et de C. Duchet qui fOffilalisa le
modernes]. Le texte s'était constitué une
concept de« Sociocritique ».
« grammaire» qui était inaccessible à la critique. Or,
Enfin, le modèle psychanalytique qui se
les méthodes d'analyse de la nouvelle critique visaient
rapprocha de la littérature à partir de Freud. Mais l'on
à systématiser et à fonder sur des bases rigoureuses
doit à 1. Lacan d'être allé plus loin en rapprochant
la lecture d'un texte pour en révéler [' organisation et
plutôt analyse et écriture dans des travaux qui, après
la manière dont i1signifie une question donnée. Cette
lui et avec C. Mauron, M. Robert, O. Mannoni,
approche4, ce point de vue révolutionnaire
explorèrent ces interfaces de l'imaginaire et du texte,
apparurent alors comme la meilleure des innovations
tout en travaillant - comme le fit J. Kristeva, inventeur
que la critique apporta et mit au service d'u1"!e
de la « Sémanalyse »- à associer à leur démarche les
littérature « mâle ».
apports des sciences du langage.
C'est de cet héritage que part Barthes, qui alors,
déclara que la nouvelle critique ne datait pas de son
époque, puisque le structuralisme et la linguistique qu'il
associe à la sémiotique fui venaient de Saussure. A son
époque et avec lui, la critique s'affina davantage. La
clitique traditionnelle révélait de pltL~ en plus ses limites
devant une apparente opacité des textes d'auteurs en
quête de nouveauté, qui rendaient complexe la
construction de leurs œuvres. A cette époque, le texte
se construisait un discours qui a rendu nécessaire
(Footnotes)
l'application de nouvelles approches.
1
Dans les travaux élargis à la Communication sociale ou
publicitaire, la Sémiotique est exploitée sous différents angles
prometteurs: Sémiotique des passions, sémiotique tensive
ou l'analyse des catégories telles le « phorique », le
« thymique», le « pathétique », un chantier dans lequel la
3. Que fit la nouvelle critique ou
sémiotique. outil dynamique des Sciences du langage
- à l'instar de la Narratologie -, cherche à se recentrer sur des
qu'apporta-t-elle à la littérature '!
contextes
de
manifestation
el
des
situations
de
communication répondant au projet de comprendre la vie
dessignes au sein de la vie sociale.
Avec la redécouverte des notions d'auteur,
2 L'idée que la critique sécréterait bientôt elle·même ses
d'œuvre, de personnage, de lecture et de jugement
propres œuvres couru sans choquer.
littéraire qui accompagnent cet élan novateur, la
J Caractérisés par un trait, la Liberté; une liberté qui englobe
littérature apparaît plus que jamais moderne. Cette
toutes les formes de libertés connues.
modernité littéraire impliquait inévitablement de
4 En d'autres termes, R. Barthes estime que « Le déehi1li'ement
du code de l'œuvre, le déploiement des significations conte
nouvelles méthodes d'analyse de texte, de sorte que
nues dans les structures qui constituent le texte, loin de se
contrairement au propos de Raymond Jean, les
perdre dans les jeux stériles d'une analyse purement formaliste
théoriciens de la littérature eurent le sentiment que celIe-
qui sécherait et tuerait le texte, lui insuffle plutôt une nouvelle
ci provoquait la critique et entendait en sécréter le
vie et le révèle grouillant de significations », « Introduction à
discours. En tant que discours de savoir sur un savoir
l'analyse structurale des récits », Communications, n08. 1981,
p.768.
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Sciences sociales et humaines
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4. Des rapports cntre la nouvelle critique et
n'en a »1.
la littérature
Nouvelle critique et littérature entretiennent
d'excellents rapports fondés sur le pari de rendre
Mises en présence les unes des autres, les
le texte opératoire, de dégager sa structure de
méthodes de la nouvelle critique ct la littérature se
signification et favoriser son interprétation. Qui
trouvèrent des traits communs. Panni eux, la volonté
plus est, il semble que la vision de Raymond Jean
de servir le sens de l' œuvre. Les rapports de la critique
se réalise, qui envisagea que (( la critique
avec la littérature à laquelle elle prétend apporter de
sécrétera elle-même des œuvres ... ». Après la
nouveaux questionnement~ et de nouvelles perspectives
révolution contre-culturelle et idéologique de mai
de valorisation ont-ils été aussi idylliques que ce que
68, la littérature sembla s'être façonnée à la
l'on était en droit d'en attendre ?
manière dont la critique entendait l'aborder: elle
Avanttout, l'acte critique se redéfinit une identité
rechercha en permanence le moyen de se
autre que celle qui en faisait jusqu'alors un jugement
détacher de ses conditions de production pour
établi sur un subjectivisme d'opinion ou de sentiments.
n'être qu'une totalité close portant en elle-même
L'acte critique voulait révé 1er le fonctionnement du texte.
son sens propre,
Signes, déchiffrement et interprétation allèrent à l'assaut
Le Nouveau Roman et toutes les œuvres qui se
de l'opacité du texte. Pour la nouvelle critique, dans le
prêtent au jeu de la nouvelle critique illustrent ce lien
domaine précis de l' œuvre littéraire, le but de l'activité
désormais insécable entre littérature et critique: la
critique était de découvrir dans le texte les chaînes
critique recherche dans l' œuvre une réalité exprimée
fonnelles qui l'organisent, de surprendre dans l'étendue
par un moyen nouveau, à l'exemple du descriptif; elle
du texte la constitution des structures, de dresser
engage le lecteur à être un acteur du jeu littéraire en
« l'inventaire» des signes et donc des signifiants.
l'invitant à l'interprétation; l' œuvre étant sap{opre [m,
Alors que la critique traditionnelle choisit de
la critique ne la considère plus comme un porte-parole
rechercher le sens de l' œuvre dans sa situation historique
d'idées. Les personnages sont pour elle des êtres mal
ou les mystères de sa conscience créatrice, et ne
identifiés plongés dans l'incohérence de la conscience
reconnaîtrait d'existence au texte que par rapport à autre
et des choses. L'intrigue traditionnelle et la chronologie
chose que l' intratextual ité, la nouvelle critique s'engagea
linéaire du temps sont écartées au profit de plusieurs
à privilégier le texte seul. Pour elle, l'œuvre seule doit
niveaux de consciences, d'un récit comportant des failleS
être le lieu de l'enquête: (( la crithJue d 'al/jourd 'hui
ou des impasses, de personnages engagés dans l'action
postule d'un commun accord le primat absoll/ de
sans but précis.
1'œuvre et réclame une compréhension autonome
Comme on peut le voir, la« scientificité» de la
de J'écrit {. ..} L'auteur meurt dès l'instant que sa
nouvelle critique impose indirectement à la littérature
création se referme sur elle-même et le quille. La
ses modèles de lecture et donc d'écriture. La Modernité
parution du livre, c'est la dLlparition de l'auteur »i,
est un tout qui associe écriture et critique, la littérature
trancha Doubrovsky. Ce faisant, il s'agissait, selon J.
n'étant en somme qu'un pur exercice critique. Mais à
Roger, de '(( saisir l 'œuvre dans .l'li réalité présente
quel type de littérature la nouvelle critique s'est-elle
et immédiate, dans la réalité tangihle du livre qu'on
adaptée?
tire du rayon de sa bibliothèque »'.
L'on en déduisit que la rupture qui s'opère entre
la critique traditionnelle universitaire et les méthodes
5. Critique et préférence littéraires
critiques de la modernité 1ittéraire tenait essentiellement
Lorsque Barthes publie les conclusions de ses
à la différence de statut que rune et l'autre accordent
travaux - Sur Racine, 1963 -, la querelle entre la
au texte. La littérature, le livre et l'œuvre en particulier
nouvelle critique et la critique traditionnelle semble
deviennent une donnée privilégiée, un objet autonome
n'avoir pour support que le genre théâtral. C'est
chargé de significations qu'il importe d'interpréter. Dans
d'ailleurs l'une des faiblesses que R. Picatd reconnaît
la perspective de Barthes, (( Un récit n 'est jamais/ait
à la méthode de Barthes, celle de ne pouvoir s'appliquer
que de jimclions .. tOl/t, à des degrés divers, y signifie
à d'autres œuvres. Très vite, les promoteurs de la
{. ..} dans l'ordre du discours, ce qui est noté est
nouvelle critique travaillent à en faire une« inquiétude
par déjinition notable. Quand bien même un détail
globale» applicable à tout texte. Nouveau Roman, mais
apparaîtrait insignifiant, rebelle li toute recherche,
également Nouveau théâtre, aventures de la poésie
il n'en aurait pas moins, pour finir, le sens de
tournée vers de nouveaux mécanismes et stratégies du
l'absurde ou de l'inutile: tout a un sens ou rien
Revue du CAM ES - Nouvelle Série H, Vol. 007 N° 2-2006 (2'- Semestre)
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_______________________________ Sciellces sociales et humaines
langage, esthétique du fragment du réel et
est fondamentale. car elle amène à W1e réflexion
« déconstruction »à la façon de DelTida, exploration
approfondie qui avait sa raison d'être et à laquelle B.
des « possibles» par l'écriture, naissance d'une
Kotchy apporte une réponse claire: « La lillérature
« paralittérature », etc. sont autant d'innovations qui
afj'icaine est avant toll1 IIne /illératllre sociale,
préoccupent la littérature. De nouvelles ouvertures et
l'écrivain n 'éwnt qlle le « fiorte-parole des
perspectives intègrent les littératures francophones
masses ». En conséquence, lasociocritique est
QuébéçOise, Maghrébine et Négritudienne. De ces trois
( l'approche la plus apte à alJIJréhender une
courants. la littérature Négro-africaine constituc une
œuvre lilléraire africoine »". Kotchy exprime ainsi
préoccupation particulière puisqu'elle est la première à
une position défendue par les conservateurs pour
avoir posé le problème de ses rapports avec la nouvelle
lesquels l'Afrique est essaimée par bribes conscientes
critique. Qu'en a-t-il été à l'époque '?
ou non, atomisée dans l' œuvre, de sorte que le texte
En 1985, l'occasion de la première Foire
ne saurait être coupé de ses conditions socio-
Internationale du Livre de Dakar réunit certes des
historiques et idéologiques de production, des enjeux
écrivains, m~lÎs également un parten-e d'universitaires
d'une écriture négro-africaine militante et
venus du continent et de divers pays d'Europe. Au cours
revendicative. cette esthétique négritudienne qui mit
d'un Colloque dont le thème était « Quelles méthodes
du temps à se définir. De fait, la sociocritique ct les
pour la Littérature africaine? », il s'est agi pour les
méthodes traditionnelles étaient les plus adaptées à la
participants. de s'interroger sur les « critères à partir
critique des œuvres littéraires africaines. Qucl destin
desquels évaluer les œuvres littéraires africaines» était
fut alors réservé à la nouvelle critique en Afrique et
possible_ sur les « méthodes Jdaptées à une
en Europe? En d'autres mots. où en sommes-nous
interprétation satisfaisante des œuvres littéraires
aujourd 'hui, partout où la critique a suscité le débat?
africaines ». Comme en France, cette « querelle des
anciens et des modernes» mit en présence deux
6. Etat actuel de la critique littéraire: quelle
camps: celui de la tradition avec J.-M. Abanda-
autorité?
Mdengué, L. Kesteloot et B. Kotchy et le parti de la
nouvelle critique symbolisée par la Sémiotique avec
Parler aujourd'hui des méthodes d'analyse de
Mme Borgomano et des universitaires sénégalais.
textes littéraires ne suscite aucun enthousiasme
Pour fJirc avancer le débat. 1" Kesteloot finit
particulicr. Le mythe de la critique est tombé, les dieux
par lancer une pien-e dans le jardin des sémioticiens:
morts, mais pas encore enterrés. Une chose semble
« Par princilJe.je suis pour toutes les méthodes, mais
certaine, la guerre des méthodes appartient au passé
je préfère une bonne analyse sémiotique ou une
avec ses pires engagements. Que reste-t-il alors?
bonne analyse sociocritique plutôt qu 'un cocktai!.
Aujourd'hui. tout universitaire est confronté à la
A ujourd 'hui, chaque discipline nécessite lin
question des méthodes; nul ne peut se soustraire à la
apprentissage approfimdi. O/;je vois des camarades
discussion sur l'œuvre littéraire et les nombreuses
qlli acquièrent très vite le langage de la nouvelle
possibilités de significations qu'elle offre lorsque de son
crit ique et qui en truffent leurs art ides .. ce n'est
analyse et de son interprétation dépendent sa survie,
pas sérieux »4. J. Rouch ct Abanda-Mdengué
son entrée au panthéon des classiques, sa fortune et
chargeront à leur tour les sémioticiens alors défavorisés
donc lajustiiication des raisons du choix de cette œuvre
par une certaine prétention et un réel verbiage dans la
au programme des enseignements. Quelle méthode
manipulation de concepts encore malmaitrisés.
choisir? Doit-on également penser qu'aux textes de la
Mais c'est ailleurs que se trouvait le vrai
littérature française et occidentale en général
problème. La Littérature africaine, et partant, négro-
conviennent les méthodes de la nouvelle critique-
africaine était-clle capable de s'adapter à la critique
en général et à la nouvclle critique en particulier?
(Footnolrs)
Pour ceux qui ont perçu cette problématique
s.
1
[)nuhrovsky, «(Critique et existence 1).
essentielle, il fallait partir d'un constat: pourquoi
Les ChemillS actuels dt: la crifiql/L', Paris, Le Seuil. 19ML p.ll)
.:
J. Roger. (( Lecture des tex les l't histoire des idees ».
particulariser l'espace littéraire africain et de facto, lui
Les Chemin~ actuels de III critique. Paris, Le ScuiL 196X, r 2XO
rechercher une méthode de lecture spéei fique : «( La
l
R. Barlhes, cité par J. lkrsani. «( Les prohlèmes de la ailiquc »).
l.a !.iIlJrallire ell f'rOl/ce depuis 1945. Paris, Le Seuil. 197U. p. 831
production lilléraire afi-icaine se double d'lin
1 L.
Keslelool. citée pm la Rn'ue
A[rh/11l! .Vol/l'elle. nO 1()lO. maÎ
discours prescrifitifqui énonce ce (lue doit être lin
19X6.p.17
'i
B. t,,1ouralis, Uttérat//re el développement. Paris. Silex. 19X4. p.l-.1
« bon» roman africain, un poème africain
i,
Cité par la Revue :f/riqllè A'o/lvelfL'. nO 1920. mai 19H6. p. 17
« authentique »5. Cette inquiétude de B. Mouralis
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kcvue du CAM ES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2'"'' Semestre)

Sciences sociales et humaines
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sémiotique, narratologie - et qu'à la littérature négro-
quelle autorité pour les méthodes critiques? Qu'est-il
africaine perpétuellement trempée dans le fond culturel
resté des grands débats de l'époque glorieuse de la
dont le texte est l'émanation, conviennent la
critique?
sociocritique et la psychocritique?
La question de la littérature francophone et
Cette vision ne peut en aucun cas être perçue
négro-africaine semble avoir été réglée. Ainsi, aussi
comme caricaturale; la réalité est parfois plus
longtemps que l'écrivain sera - consciemment ou
dramatique, surtout dès que l'on se retranche derrière
inconsciemment -le porte-parole de sa communauté,
des a priori de génération et d' « écoles », selon que
bénéficiant de sa caution morale et que son œuvre sera
certains ont préparé et soutenu leur Doctorat en Europe
considérée comme le lieu pri vilégié de l'expression des
alors que d'autres r ont obtenu dans une Université
codes sociaux et culturels participant à la fois à
africaine. Il ya une sorte de conditionnement intellectuel
l'éducation et à la préservation du patrimoine collectif
et à l'unité. l'œuvre ne poWTJêtre qu'une superstructure
En 1999 1• vingt ans après la publication du
dont la « déeonstruction » ne peut être possible qu'à la
'lh,ilé de .<.,'(:miologie générale, lJ. Eco sort de sa
lumière de la sociocritique et de la psychocritique.
réserve. Il s'agissait pour lui de faire l'état des lieux,
Sinon. que vaudrait au plan esthétique et de la
d'actlk1liser sa vision et ses théories en vue de synthétiser
signification un texte issu de cet univers et coupé de ses
sa pensée. II en est ressorti quc les problèmes
conditions de production, pour ne le voir que comme
sémiotiques restaient intimement liés aux sciences de la
un texte clos?
connaissance. Il reprit les questions dc la réJerence, de
lïconisme, de la vérité, de la perception qui. au « seuil
En revanche, pour la littérature française et
infcrieur»' de la sémiotique, rédime Je « sens commun »,
occidentale, il ya lieu de poursuivre la réflexion. Notre
un pcrsonnage souvent négligé. W. Moser reproche
thèse de Doctorat' et bien des travaux relatifs à la lecture
justement à la sémiotique de sc lïxer un destin majeur
analytique de textes de la littérature trançaise du XVIII'
en épousant les grandes causes, alors qu' elle n'est que
siècle - pour ce qui nous concerne - et indi fféremment
vanité! Sans être m.issi radicaL Eco lui reconnaît une
de textes d'auteurs du Moyen Age à notre
utilité certaine, non plus seulement dans la littérature,
contemporanéité a montré que la Sémiotique,
mais dans lu société, dont la littérature n'est que la
considérée comme la méthode par excellence de la
transposition ct la stylisation.
nouvelle critique et à laquelle R. Barthes est identifié,
est opératoire sur les questions de description de la
C est également la même démarche qu'adoptent
structure de l'œuvre. Le texte nous est apparu comme
les héritiers de la nouvelle critique: sémiotique tensive,
une société et la société de l'œuvre fonctionnait par
sémiotique du sensible, sémiotiquc du sacré, sémiotique
conjonction de l'action, des personnages qu'elle engage
ct des lieux et temps de la réalisation actantielle. Pour
ct postnlOdcll1isme, ctc. Où va la sémiotique? Sans
étudier la fonctionnalité de la notion d'univers religieux,
tombcr dans des discours simplistcs. il semble que le
seule la narratologie qui se préoccupe de lier des
temps est venu de quitter les amphithéâtres et les
séquences d'action dans une logique de la diégèse était
discours participant d'une mystique des méthodes de
à même de faire apparaître le « sens narratif» des textes.
Pour Je rapport de l'écriture à l'esthétique et du choix
la nouvelle critique pour descendre. sans précaution
qui en a résulté par les auteurs à la dimension
aucune. dans la rue. Il s'agit de se rendre utile à la société
idéologique, il a fàllu recourir à la critique thématique4•
qui cst certes dans les livres. mais qui leur préexiste et
Quête de lisibilité ou intrépidité? Notre attitude
leur postexiste. La société doit secréter sa critique, car
exprime tout le sens de l'urgente nécessité de rouvrir le
débat, ou à tout le moins. de situer définitivement
c 'est la critique qui guide la société par sa vision
l'analyste placé devant le texte sur la position critique à
approfondie des rapports entre lcs signes sociaux.
tenir. Plutôt désir de lisibilité que volonté inutilement
Toute crise doit être vécuc comme une période
intrépide; ct en lieu et place d'un choix qui se serait
de régulation: en 2005, nous n'appelons la survenue
révélé restrictifet partiellement opératoire sur des textes
d'aucune crise; cependant, cet état présent de la
rom,U1esques d'une période où ce genre cristail isait tous
clitique, lUt-elle traditionnclle ou nouvelle, nous contrJint
les désirs d'émancipation et d'expérimentation
de manière impérieuse à répondre sans détours à une
scripturale, nous avons opté pour la troisième voie, à
question qui nous paraît essentielle: quelle fécondité et
savoir l'éclectisme.
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Aucun texte ne saw-ait indéfiniment se fern1er aux
en genre. Veut-on qu'elle n'existât que pow- elle-même,
questionnements d'une méthode critique, nous semble-
à la façon d'un genre littéraire? Peut-être, mais au
t-il, si le temps pour le décrypter n'entre pas en ligne
service de quel objet?
de compte. De même, aucune méthode ne peut
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
durablement se réserver l'exclusivité du sens d'une
œuvre, car en fin de compte, tout n'est qu'interprétation
1. ANGENOT, M., 1996, Théorie lilléraire ,
et appréciation des chaînes fonnelles et thématiques
prohlèmes el per.lpeclives, Paris, PUF.
qui organisent le texte. Aujourd'hui. la seule attitude
qui vaille nous paraît être le décloisonnement des
2. I3ERGEZ, O., 1990, Inlroduclion allx mélhodes
méthodes, la destruction des barrières pour un
criliquespour l'analyse Iilléraire, Paris, Dunod.
élargissement du point de vue critique au seul bénéfice
3. DOUI3ROVSKY, S., 1996, Pourquoi la nouvelle
du texte et du sens. Il n'y a pas d'impasse ni de limites
crilique; crilique el ohjeclivilé, Paris, Mercure de
infranchissables; il n'yapasnon plus de crise d'autorité,
France.
car c'est au texte et au sens qu'a toujours appartenu
en réalité l'autorité.
4. FONTAINE, 0.,1995, La poélique, introduclion
à la Ihéorie générale des/ormes lilféraires,
Paris,
Nizet.
CONCLUSION
5. GENGEMI3RE, G., 1996, Les GrandI' couranls
L' « état présent» ou 1'« aujourd 'hui» de la
de la crilique lilléraire, Paris, Seuil.
recherche en littérature française en particulier intègre
le débat sur la critique et la validité de son discours.
6. HAMON, P., 1987, Nouvelles lendances en
analyse du discours, Paris, Hachette.
Quels en sont les enjeux et la légitimité? Cette réflexion,
quoique théorique, s'est fixée la mission de voir s'il reste
7. MEYER, M., 1992, Langage el Lifléralure, Paris,
à la critique une autorité. A ce stade du discours, il
PUF.
n'est aucun doute que la critique, en tant que méthode
d'analyse de texte littéraire, a une autorité réelle fondée
8. RAVOUX, R., 1993, Mélhodes de la crilique
lilléraire, Paris, A. Colin.
sur l'œuvre et le sens que révèle son interprétation. Les
raisons de la légitimation de ses pratiques et de son
9. VALETTE, B., 1993, Le roman, initiation aux
discours sont encore valables, loin de toute nouvelle
méthodes et techniques modernes d'analyse
inflation et surenchère du débat sur les méthodes
lilléraire, Paris, Nathan.
d'investigation de textes.
Aucune des méthodes qui se respectent ne peut
se prétendre être le légataire absolu du sens du texte.
D'où l'éclectisme rendu nécessaire, voire indispensable
par l'émergence d'une position d'analyse fondée sur la
variabilité de la structure interne des œuvres. En réalité,
(Foolnoles)
le nouveau critique doit être un archilecteur, sorte de
1
Dans l'ouvrage Kant el l'ornithorynque (trad. de lïtalien par J.
Gayard). Paris. Grasset, 1999.
somme de tous les lecteurs et qui se donne une culture
, Op. cil.. p. 99.
maximale pour repérer dans le texte les unités de
l
«( Récit romanesque cl univers religieux au temps des Lumières
signification. Ce point de vue contemporain est, nous
françaises entre 1760 cl 1789, d'après
l.a Religieuse
semble-t-il, la meilleure des positions à adopter. Les
de Diderot, La Nouvelle Ilé/oi~<;e de J.-J. Rousseau, Les Liaisons
dangereuses de Choderlos dc Laclos ct Paul el hrginie dc Bcrnardin
textes n'ont pas vraiment changé; c'est le point de vue
de Saint-Pierre)), Université Dlaise Pascal, Clcrmont-Fcrrand Il. France,
qui amène à les aborder qui est nouveau. Aussi, la
1999.
~ La critique thématique à la manière dont l Starobinski ct l-P. Richard
critiqueIConserve-t-elle l'entièreté de son autorité.
,
la conçoivent; pour le premier, une critiquc qui Illct «( en rapport les
diverses parties de l'œuvre entre elles, tout en restant dans l'intimité
du texte [... 1 expérience sensible et intelleetuelle qui se déploie à
Les débats sur la validité des fonnes de critique
travers l'œuvre )). Pour le second,une méthode d'analyse qui « étudie
de petites unités textuelles ou des motifs, rétrécissement (lui signilic
elles-mêmes, s'ils demeurent ou ressurgissent, ne seront
un approfondissement, unc rechcrche de la psyché. le «paysage
que l'expression de la volonté d'un camp, non pas de
»)
du lexte étant une sorte de fantasme renvoyant à un désir
inconscient» - l Starobinski. lJ 'lnvenlion de la liherlé. Ski ra. 19641
perpétuer le conflit, mais de pousser la réflexion sur la
J.-I'. Richard. Microleclures. 1979.
critique jusqu'aux confins de la position qu'on l'a
soupçonné de rechercher, à savoir, finir par se constituer
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