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Sciences sociales et humailles
DEVELOPPER L'ENSEIGNEMENT DE L'ETHIQUE, UNE
TACHE EDUCATIVE ESSENTIELLE POUR LES UNIVERSI-
TES EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA
Christophe Kwami DIKENOU
Département de Philosophie.
Université de Lomé
RÉSUMÉ
Le monde contemporain connaît des mutations sociales remarquables. Ces dernières comportent des
questions et dilemmes éthiques qui requièrent de tous les citoyens en général et en particulier des décideurs. des
compétences éthiques. Le but de cet m1icle est d'argumenter la nécessité de l'enseignement de l'éthique dans
nos universités, d'une part, de clarifier la philosophie d'un tel enseignement d'autre part. Aujourd'hui. plus
qu 'hier, cet enseignement est tOl1ement interpellé. II est interpellé sur sa contribution à la tormation de citoyens et
de décideurs capables d'aider nos pays à résoudre les problèmes éthiques auxquels ils font face.
Mols-dés: Ethique, Ethiquc tondmnentale, Ethique appliquée, Afrique subsaharienne
ABSTRACT
The actual World faces imp0l1ant social changes. TIlese include ethical questions and challenges which
require from ail citizens in general and particularly the decision makers ethical ski Ils. This aI1icle aims at
showing the nccessity ofthe teaching ofEthics in our universitics on the one hand and clarifying the philosophy
ofsuch a teaching on the other hand. Undeniably this tcaching is highly calicd upon today. lt is called upon for
its contribution to the training ofcitizcns and decision makers who will be able to help our countries to solve
ethical problems they are facing.
Kev \\l'(JI'(/S: Ethics, Fundumental Ethics, Applied Ethics. Sub SaharanAfrica.
bonne moilié des 2../,6 mi/lions de personnes
INTRODUCTION
déplacées que l'on recense dans /e monde
sonl
viclimes
de
conflils. el
de
Dans son rapport adressé aux dirigeants
bou/eversemenls en Afrique. (. .. ) La forle
politiques du monde en2üüS, lc Secrétaire général de
prél'(ilencc du Vi H!"ida dans nOl17hre de
l'Organisation des Nations Unies présente le tableau
pays d'A.fi-ique constitue à /0 fois /lne
suivant dc l' All-ique :
tragédie humaine et lin obslacle mojellr ail
Une honne parI il' de l'AFique
en
dél'e/ojJjJemenl. Sur 1 mi/lion de personnes,
particulier au sud du ",oohora -. continue de
ou plus. qui meurent du paludisme chaque
sl/hir les conséquences Imgiql/es de con/lils,
année dons /e monde, L'lll'iron C)()% se
de /0 misère el des ma/odies qui perdurenl.
Iroul'enl en AFique su!Jsahorienne, /0
Que/que l,t) millions
de /'(;/ilgiés el /Ille
I~c\\'uc du CAM ES - Nou"cllc Séric B. Vol. 007 N° 2-2006 (2ill'" Semcstre)
81

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et ""maitles
plupart d'entre elles éta17l des ef?/i.t17lS de
respect de la dignité de la personne humaine, d\\me
moins de jans. Une grande partie de
paix et d'un développement durables.
1Afi"ique suhsaharienne continue de se
heurter il une multitude de prohlèmes
: colÎt
I.
DEFIS
ETHIQUES
LIES
AUX
élevé des transports et exiguïté des marchés.
PRINCIPALES MUTATIONS SOCIALES
.fltihle productivité agricule. maladies
GLOBALES
démstatrices et lenteur dans la ditlitsiun des
techniques importées de l'étrange1: En raison

La mondialisation s'exprime par un certain
de
totltes
ces
difficultés.
elle
est
nombre de mutations sociales globales, qui impl iquent
particulièrement exposée ou risque d'une
des défis et dilemmes éthiqucs. Ces mutations
Iwuvreté chronique. (Annan 2005 : 32).
aLLxquelles n'échappe donc pas r Afii.que subsaharienne,
Déconcertées par l'ampleur de tous ces
sont principalement les avancées et les utilisations de la
problèmes, cel1aines personnes se demandent à quoi
techno-science dans différents domaines comme la
servirait l'enseignement de la philosophie et de sa
biomédecine, l'environnement. les communications,
composante éthique en Afrique subsaharienne.
l'extension des échanges entre les cultures, Ics rapports
Ccnseignement de l'éthique, un des domaines les plus
de domination, ct enfin, le développement du
pratiques des études philosophiques universitaires, est
professionnalisme. Nous al10ns aborder tour à tour
plus qu'indispensable en Afrique subsaharienne. En
chacune de ces mutations sociales. Nous insisterons
efTet. la plupaI1 des dit1icultés de l'Afrique énumérées
plus sur les domaines de la biomédecine et de
ci-dessus sont liées à des mutations sociales globales.
renvironnement où les réflexions sont plus développées
Ces dernières suscitent des interrogations et des
et stabilisées.
dilemmes éthiques. Comment la prise de conscience
de ccs qucstions et les recherches y afférentes
1.1 Ethique et techno-science
progresseraient-el1es si l'on n'enseignait pas l'éthique
convenablement?
Les progrès de la science et de la technologie.
Le but de cet article est donc d'avancer des arguments
depuis la révolution industriel1e du XVIIIe siècle, sont
objectifs en faveur de l'enseignement de cette discipline,
sources d'innombrables bienfàits pour l'hW11anité, dans
dans 1"intérêt de nos pays et de nos concitoyens. Pour
beaucoup de domaines. Ils rendent possibles de
ce faire, nous allons premièrement relater les défis
meil1eures conditions de vie, de production et de
élJ1iques qu'impliquent les principales mutations sociales,
consommation. Mais dans le même temps, une prise
pour en déduire ensuite la nécessité de l'enseignement
de conscience des questions éthiques qu'ils soulèvent
de l'éthique dans les universités d'Afrique au sud du
et le besoin de s'en occuper, dans un débat
Sahara où sont fOI1nés et éduqués la plupart des cadres
démocratique, dans tous les pays, constituent un intérêt
et décideurs de nos pays. Ceci nous conduira, in./ine
grandissant non seulement pour les philosophes, mais
à préciser la philosophie d'un tel enseignement.
encore pour les gouvernements, les parlements et les
Si nos Etats, les décideurs de nos universités et les
organisations internationales.
enseignants comprenaient un peu mieux le rôle de
La production et l'utilisation de la techno-science
l'enseignement de cette discipline dans l'éducation du
devraient respecter les valeurs véhiculées par les droits
citoyen et le renforçaient dans les curricula non
de l'homme, ainsi que la dignité de la personne hlU11aine,
seulement des étudiants en philosophie, mais également
mais ce n'est toujours pas le cas.
de tous les autres, on peut espérer que la compétence
C'est dans ce cadre que s'inscrivent les critiques de
éthique de tous les apprenants les aide à parvenir à
grands philosophes contemporains comme Marcuse
l'autonomie éthique nécessaire à l'accès à des
(1970), Heidegger (1990), Habermas (1990),
standards moraux élevés, à la responsabilité, face aux
Fukuyama (2002), qui, minutieusement, conceptualisent
défis éthiques du présent et du futur. Mais si on néglige
un nouveau cadre de conciliation du triptyque science,
cette tâche éducative, la conséquence est prévisible:
technologie et moralité.
nos universités continueront de tonner et d'éduquer des
Pour les utilitaristes, l'objectif principal de
citoyens peu responsabilisés et incapables de
l'activité scientifique et technologique est de produire
reconnaître les problèmes éthiques que génère
des connaissances et des teclmologies utiles, de manière
l'existence dans le monde moderne et de prendre des
à améliorer le bien-être de l'homme et celui de toute la
décisions éthiques al1ant dans le sens d'un plus grand
biosphère. A ce propos, Blackburn (1996 :160) écrit:
« En éthique. est utile ce qui fait augmenter le
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Revue du CAM ES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2·...• Semestre)

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Sciences sociales et ''''lIIaines
honheur 011 diminller le lI1alhell/: allgme11ler le
Science et la Culture (UNESCO), dont la mission
IJlaisir ou diminuer la .\\'lm/fiLmce (... ) 1/ s'agil de
consiste. entre autres, à être la conscience morale du
l'IIIi1e en l'l/(' dll hien-êlre. ». En (l'autres termes. ce
système des Nations Unies. En effet, le souci de la
sont les principes de bienveillancc et de bienlàisance
recherche d'Lm cadre institutionnel international de
qui doi\\'Cnt guider l'activité scientifique ct tL'Chnologique,
conci liation entre science. technologie et moral ité a
selon les utilitaristes contemporains. Par conséquent,
motivél"initiative prise par l'UNESCO en 1999, de
au nom du principe de mallàisanee. ils condamnent les
concert avec le Conseil International des Syndicats
applications négatives ct destructrices de la techno-
Scientifiques (/SCU), d'organiser une Conférence
sciencc·contemporaim:. /1 convient de relever. tout de
Mondiale pour la Science et l'Usage des Connaissances
suitc, une cm:ur récurrente chez cel1ains scientifiques:
Scientifiques. Dans la Déclaration issue de cette
ils pcnscnt qu ïls peuvent, seuls, fixer valablement à la
Confërence Mondiale. on peut lire à la section 41 :
science ses intentions éthiqucs. Comment les
TOlls les scie11l(fiqlles de''I"aienl s'engager
scientifiques pOlllTOnt-i Is le tàirc seuls S<U1S impartialité?
à respecler des ,\\'Iandard\\' élhiqlles élevés el
Comment pourront-ils le faire cOJl\\cnablement sans
lin code d'élhiqlle, fiJndé sllr les normes
f(mnation complémentaire en éthiquc ?
appropriées col11enlles dans les inslrllmenls
Pour Ics ontologistes ct les eudémonistes, afin
il11ernaliOlUllIX sllr les droils de l'homme
dcrendreractivitétechnoscientitiqueplusél.hique,il
( ... ).
La responsahililé sociale des
f~1Ut banni r son rejet quasi viscéral dc la connaissancc
scienlifiqlles reqllierl qll 'ils mail11iennenl des
métaphysique de ("essence des choscs ct des hommes.
.\\·Iandard'i élevés d'il11égrilé scienIifiqlle el
Rejet qui a mal heureusement cond ui t l' acti vité
de conlrôle de la qllalilé, qu'ils parlage11l
technoscienti liquc à 1ïnstrumentalisation aliénante des
lellr connaiss{lI1ce, commllniquenl avec le
choses ct de l'hommc. L'homme illstrumentalisé est
pllh/ic el édllqllenllajellne généralio/l. Les
réduit à l'état de « hêle de lahellr (... ) ahandonnée
{llIlorilés poliliq Iles de"/Ylienl respecler celle
(/li ,'erlige de ses.fàhricaliol1S, afin 11" 'elle se dÙ'hire
acl i"i/(; des scienI (fiq Iles. Les cllrslls en
elle-I11(~me, qll'el/e se délmise el lomhe dailS la
science devraiel11 ine/llre l'é1hiqlle des
mi/lilé dll Néal11. » (Heidegger 1990 : 83), Selon
sciel1l.:es. ainsi qll 'IInefiJrmal ion en hisloire,
Ilabermas (1990: 11-12) : « La science, en verlll de
philosophie el impacl des sciences.
sa propre mélhode el de ses Iwo/Jres colln'pls a
(UNESCO 1(99).
proie/(; lin univers ail sein dllqUellll dominalion sur
Le point 71 du Plan d'action de cette même
la IUllllre esl /'('slée liée li la dominalioll sllr
conlërcncc : « un agenda pour la science: llll cadre
I·homme. ». A lïnstrumentalisation avilissante de
d'action », stipule quc
l'homme par la techno-science, la solution dcmeure la
l'él!tiqlle el la responsahililé de la science
suivantc: « La slrllclllre pro/N'e au progrès
d('\\'1'{lienl êlre parlies inlégrallles de
scienlifiqlle el lec/mique serail ( ... ) mainlenlle.
l'édllcalion el de lafimnalion de IOlls les
seilles les \\'{/Icurs direclrices c/wllgeraiel11. ('e qui
sciel11ifiques. 1/ eSl imporlanl d'inslil/er il
sera;lnom'eml, ce sel'llilla direcl;on de ce progrès
IO/ls les él/ldianls IIne ail il Ilde l'os il Îl'e
11I;-lI1ême, mais la raliollalilé comll/e crilère reslerail
envers la réflexion, la vigilance ('/ la prise·
qllall/ li elle illc//{/l/gée.)1 (1labcllnas 1990 : 16). Tous
de COI/science des dilemmes é1hiq/les qll 'ils
ces proposcxpliquent que la science ct la tcchnologie
pell\\'I'/11
rel/conlrer
dans
le1lr· vie
appellent une <l\\:iologie ct uneéthiquc de la responS<lbilik
'JI'ole.uionnelle. Les Je /II/es scie nIifiques
Cl de respcct de la dignité humaine. La perspeeti"c
dn'l'lIienl en cO/1séqllence êlre encollragés
ontologistc ct eudémonistc suscite UIlC réserve, il savoir
li respecler el sui"re Il's principes ,;'hiques
quïl n"cst pas donné à tout le monde de déployer
de hase ('/ les responsahililés de la science.
spontanémcntle sens moral qui permet de saisir
(ldcm).
intuitivement le bicn ontologique ct de Ic réaliscr.
Il s'ensuit logiquement que cette exhortation
L'éducation ct la l(mnation phi losophiques dcmeurcnt
s'adresse à tous les scicnti tiques d'Afrique ct d' ai lieurs
incontllull1ables pourfacquisition du scns moral.
ct que !cs univcrsités, en général. et les Départcments
('om:r~tcment. ccs réf1cxions phi losophiqucs
dc Philosophie. cn particulier. devr.lient s'cngagerùccttc
trouvcnt leurs réalisations pratiqucs dans des actions
tüche d'enscignement de I"éthiquc aux scicntiliques.
normatives rationncllement fondées des Etats ct des
Mais ce n'cst malhcurcusement pas encore Ic cas pour
Organisations Internationales, en I"occùrrence
la plupart cn Afriquc subsaharienne. Il est
l'Organisation des Nations Unics pour l'Education, la
pm1icul ièrcment important que des recherches pour des
Rcnlc du CAM ES - Nouvellc Séric Il, Vol. 007 N° 2-2006(2....... Scmcstre)
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_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciellces sociales elllllllll';lleS
doctorats en éthique soient de plus en plus consacrées
guider l'agir et le jugement éthique sur \\cs avancées ct
aux prohlèmes éthiques dans les diverses scicnces,
les applications des techno-sciences hiomédicales.
d'une part. et d'autre part. que les scientifiques, en
Cette tendance, on le sait. plonge ses racines dans la
élaborant leur thèse de doctorat. considèrent les
tradition rationaliste ct les philosophies de la liherté,
questions éthiques soulevées par leur recherche. Il en
pm1iculièrclllent celles de Descartes, Rousseau, Kant
résulterait que les organes consultatifs scientifiques
ct llegel. Ainsi, un comportement en hiomédecine est
nationau.;~ disrx)seraient de ['expertise étllique nécessaire
éthique si et seulement s'il est voululihrement ct ne
pour éclairer les décideurs sur les valeurs ct principes
porte pas atteinte à la lihel1é d'autrui. Sans approti.mdil'
moraux guides des politiques de développement
ici la qucstion de la liherté, rappelons qu'clle est
technoscientilique de nos pays; on disposerait de
rationnellement liée ft la responsabilité. A quclle
l'expertise nécessaire pour développer et renforcer les
cond ition peut-on, par exem pIe, avoi l' le consentement
compétences éthiques actuellemcnt ahsentes chez
éclairé d~ms toutes les sociétés'? Quels principes doivent
plusieurs professionnels, ce dont les gouvernants sc
guider les comportements vis-ù-vis des êtres non
plaignent.
humains '?
Répondant à cette dernière question, Singer ( 1(88),
1.2 Ethique ct hioméllecinl'
en s'inscri \\',mt à 1i.)(1d dans l'util itarisme de son maître
liaiT, postule que c'est la capacité de ressentir le plaisir
Les avancées ct les appl ications des techno-
ct la dou\\cur qui fi.)(1de la personnal ité éthico-,iuridique
sciences hiomédicales ont élargi les possihilités
des êtres sensibles doués d'un système nerveux central.
hlU11aines. Ainsi, il est actuellement possible d'intervenir
en ]'occulTencc les animaux supérieurs. Par conséquent.
sur la procréation humaine par le don de gamètes,
ces derniers ont le droit moral d'être épargnés de
d'emhryons, par le recours à des mères porteuses, voire
soullI-anccs et de douleurs inutiles. En raison du principe
à la gestation de l'emhryon humain par des espèces
uti 1itariste de l'égale considération des intérêts, Singer
non humaines, ou d'intervenir sur le \\iei Il il' ct le \\11ourir
soutient que les intérêts des êtrcs sensibles (animaux ct
par l'acharnement thérapeutique, les soins pail iati l's,
êtres humains), ne doivent soullrir d'aucune
l'euthanasie et le contrôle de la sénescence, ou encore
discrimination. Cette extension de la communauté
de ülÏre des prélèvements ct des grel'fcs d'organes et
morale aux animaux supérieurs est tCnnement critiquée
de tissus, de manipuler la personnalité en intervenant
par des philosophes comme Williams (1980: 149-161),
sllr le cerveau humain ct. enlin, de procéder à des
pour qui les êtres humains ont des intérêts ct sont
expérimentations sur J'être humain à des visées
capahles de les conccptual iser, alors que les animaux
thérapeutiques ou de recherche. Ces différentes
ont des intérêts dont ils ne sont pas conscients. Clark
interventions sur ["être humain ne sont pas sans susciter
( 1(75) n'est pas de cet avis. Pour lui, l'exigence morale
des questions éthiques du genre de celles-ci: quelles
de la réciprocité est sumsante pour fonder le statut
expérimentations sont justes ou injustes, bien ou mal.
moral des animaux sur leur sensihilité. En elkt. comptc
respectueuses de la dignité de la personne humaine,
tenu
de
la similitude
de
la constitution
des lihel1és /ündamentales ct des droits de l'individu '?
neurophysiologique des êtres humains ct des animaux
Pour les philosophes, la question essentielle est
supérieurs, il est possihle que les premiers se
de combler le /()ssé entre [" avancée ct r application des
représentent la douleur et le plaisir de ces derniers. Pour
tedmo-sciences biomédicales et les \\aleurs humanistcs.
d'autrcs penseurs, lc respect des droits des animaux
C'était le point de vue de ["oncologistc Potter. qui, le
est délèndable en raison de leurs intérêts ct leurs valeurs
premier, util isa le terme de hioéthiquc. Il s'agit pour les
intrinsèqucs ( Regan 1983 ; feinberg 1(76). Il Üll1t
techno-sc icnces hi oméd ica 1cs de deven il' des acti \\' ités
remarquer que le hut des délcnseurs des droits naturels
plus cri tiques, plus ouvertes et permettant par lù
et moraux des ani maux est de voir ces droits un jour
l'accomplissement des capacités éthiques des
codiJiésdans les législations internationalesd nationales.
personnes. C'est-à-dire que la 1echno-sciencc
Somme toute. les pal1isans de la libération animale ont
biomédicale ne doit pas rabaisser l'homme du seul être
le mérite d'élargir la portée de l'éthique de
de la création capahle de discernement du hien et du
l'environncment. S'il est LUliversellcment admis que dans
mal. Ainsi, tout en rejetant le scient isme, la réJ1cxion
la hiérarchie des vivants, l'homme occupe \\c sommet
éUlique prenant en compte [es questions de hiomédecine
et que les animaux n'ont pas de droits absolus, il est
évolue dans diverses perspectives ct autour de principes
tout aussi vrai que la reconnaissance des \\'aleurs
différents. En ce sens, la tendance lihérale considère la
intrinsèques et ,des intérêts des animaux indique des
liherté comme la valeur et le principe ultime qui doit
lU
Revue du CAM ES - Nouvelle Série n, Vol. 007 N° 2-2(l()6 (2 i'''''' Semestre)

Sciellce,,, ,\\'oc:;t,/es et /""nt,illes
--~-----------------------
limitations ù l'agir humain et marquc un progrès moral
L'Afriquc doit prcndre au séricux la rétlcxion et
de l'humanité,
l'action de réglementation des tcchno-scienccs
En alxmlant les questions d'cx périmcntatil)ll sur
biomédicales.
les 0tres humains. les déontologisl\\.'S considàent le
:Vulaulre conlinel71 n'a aulal71 lJue
principe de rautonomie comme principe ultime qui doit
l'IUi-ilJue cOllnu les /iwfI1es les plus
guider les comportements. Ils mettcnt ainsi en œuvre
rares de mépris el de dépral'al ion Je
1"impératifde Kant (19n : 139), selon lequel « nillois
111Omme.
L'esclavage,
la
Iroiler la personne humaine, en loi-lI1ê//le el en
colonisaI ion, l'aparlheid el les
Oll1rui, loujours en //IL>lIIe lemps L'OIl1/1/(' IlI1e .lin,
didalllll's, de Irisle mémoire, en sonl
.ialllais seUle//le/11 L'Oll1l11e UI1I11OJ'eu, »1 1~'homme est
le lémoignage élerne!. 1/ s )' ajollle
cc scul rtre de toute la création qui l'st capable <.11: juger
le
déplacemenl
Je
cerlailles
lui-m0me du bien ct <.k décidcr pour lui-m0mc.
recherches
hioll1édiL'ales
el
Pour les principistes ([kauchamp cl Chi Idress 1989
hiopharlllacellliques
"ers
les
ct Engelhard! .Ir. 19(6), cc sont les principes de
l'ollln'es afi-icaines du fail d 'line
rautonomie, de la hienfaisance cl de la justice qui
réglemelllal ion élhilJlIe el Juridique
doi\\cnt réguler les comportements. Lc principisme
illexislal71e ou halhulianle. 1(Jilà 1111
suscite la question de sm'oir si Cl'S deux théories
lIIoli/ imporlanl de l'inlù{'1 que
éthiques (utilitarisme et déontologisllle) dont sont tirés
l ',Urique porle el doil porler à la
œs principes sont compati hies. Quel les sontlcs limites
hioélhiqlle, (1"4111 Sidibe 2004 : 65).
et les conditions d'application de principes provenant
Médecins. juristes et philosophes éthiciens
de deux théories éthiques di lkrcntcs '?
africains devrai\\.'nt collahorer pour résoudre Ics
Si ces trois principes ont retcllu l'attention des
prohlèmes éthiqucs que posent les recherches ct
principistes occidentaux, il nous parait nécessaire d\\
pratiqucs hiomédicalcs. Des Comités d'éthique
devraient 0tre créés. renforcés afin d'éviter que nos
ajoutcr celui de prévention qui dcmande que l'on
Etats ne dc\\'ienncnt des paradis pour les essais c1iniqucs
pré\\'ienne les atteintes il renvironncment. de sorte que
et d'expérimentations de nouveaux médicaments. Mais
chaq lie pers<'l1l11e vi vc dans un Cl1\\ ironnemcn t sai n,
Cl: n'est pas encorc la règle générale dans tous les Etats
équilihré ct bvorahle ù la santé (Dikénou2006 : 77-
dc "Afriquc au sud du Sahara, ParailJcurs,un grand
XX). l':n elkt. en ;\\ li'ique subsaharienne où persistent
nomhre de scienti tiques et d'intellectuels sont encore
une crise de l' hygiène ct lIne sé\\'ère pollution du cadrc
loin dc s'ouvrir ùcettc collahoration multidisciplinairc.
de vic, causant plusicurs maladics cl décès. on ne
Enfin. tout cc qui précède proll\\C suflisamment la
saurait limiter la réllexion sur les questions de
nécessité de l'enseignement de l'éthique, afin de micux
hiomédecine aux seuls principcs (.l'autonomie, de
équiper les générations préscntes ct futures.
bil'nl~tisance ct de justicc; Notrc point dC vuc est
largement partagé par '"Organisation Mondiale de la
1.3 Ethique et prohlèmes envirunnemenhlUx
Santé dont la sous-directrice-généralc du sectcur du
développement durahle ct santé écrit: « ,\\'illce lIIediCllI
I.a dégradation rapide de l'environnement.
coslare ( .. ,) 0111 o(reach fhr 1he IIll1jorilJ' o(people
consécuti\\'c ù la surcxploitation dcs ressources
ill del-doping L'oulllries. Ihere lIIay he ail
naturclk's ct il la pollution dc l'air, des eaux ct dcs sols,
oJ}pOrlllllily loI' gOl'erlll//('I1IS, pl/h/iL' al1J primle
a entraîné une prise dc conscicncc grandissante de
heallh cure serrice pml'itkrs, Llnd il/dit'iduals 10 look
l'écart cntrc le progrès économique et Ics valeurs
li)/' soll/lio/1s Ihal lrill wh/ress risks ralha Iholl
sociales ct environnementales.
Ir(,oling Ihe CllII.H'ql{(,IlCL'S . »( Leitner 2005: 9).
La réllcxion a hlit apparaître dans les annécs 80,
le temle de « dé\\'Cloppemcnt durahle », censé concilier
le progrès économique avec les valeurs sociales et
cnvironncmcntalcs inhérentes il la durahilité. Le
développement durable, ouvrant ainsi sur la
responsahilité individuelle ct collectivc des actes à
accomplir. comporte le développement des
compétences éthiques. Ces dernières permettent à
(Folltnotcs)
chacun ct il chacune, dans l'intimité de sa conscience,
1 Emmanuel Kant.
de délibérer sur les valeurs ct les comportements
F(J/IlIl'IIIl'I1I,\\' dl' 10 1II(;/apl(l'Siq/lc' lIc',\\' 1II1l'ltrS. trad, Victor
possihles à une existence responsahle tisséc d'cft(xts
Dclbos. Paris. ~d. Delagrave. 1973. p.139,
Revue du CAM ES - Nouvelle Série Il, Vol. 007 N° 2-20n6 (2'''11' Semestre)
85

de promotion dujuste et du hien, dans un écosystème
se veut un cadre éthique pour " Agenda 2\\. Elle énonce
planétairc qui, certes, connaît des limites. ct dont
des valeurs ct principes devant guider les attitudes et
l'équilihre fragile peut être rompu. Dans cette
comportements des êtres humains en vue d \\111 avenir
perspective, Lesh (2001 : 339) délinit l'éthique
durahle. Il s'agit des principes de n:spect et de
environnementale, encore désignée par le h:rme
protection de la communauté de la vic. de 1"intégrité
d' « écoéthique », comme cette discipl ine nouvelle qui
écologique, de lajustice sociale ct économique, de la
« s'occupe des norme.\\· el des "alellrs (Jui conce/ï]{'/II
démocratie. de la non-violence ct de la paix. Tous ces
les relalions enlre l 'homme elles olllres (;Ires ,'i1'(l/Ils
principes sont considérés comme interdépendants ct
dans
le
cadre
des
,;cosyslè/l/es.»
indivisihles. Leur respect constitue r avenue nOll11ative
Ajoutons qu'au sein de celte discipline. on
pour résoudre les prohlèmes environncmentaux.
distingue
deux
tendances
dominantes.
(Conseil de [a Terre 20(2). Enlin, dans ('oringjiJrlhe
La première tendance s'intéresse. avant tout. aux
Eorlli : A .\\'lralegy./iJr SlIslail10hle U"il1g, ligurent
prohlèmes concrets ù gérer. ct épouse [a !iJrme d 'une
des valeurs et principes d'une éthique de la durabilité.
casuistique par laquelle il s'agit de prendre conscience
On peut y lire ceci: « !:"'e/~v IileflJ/'l/} ll'arranls
d'tll1 prohlème éthique, d'identilier les causes ct les
respect independenl(" o(ils mW11i 10 people. ! !III1UI/1
forces en question, de clarifier [es enjeux et cnlin de
de,'elopmell1 should 1701 Ihrealel7 Ihe inlegrily ol
proposer des normes comme gu ides de l' act ion
nalllre 01' Ihe slln'intl ololher species. People
individuelle et collective en vue de résoudre les
sliollld Ireol 01/ creaI lires decell1~r, (//ul prolecllhem
problèmes. C est celle qu'adoptent les institutions
fi"(}/J/ cl1lell.J~ al'Oi{/ah/e sll/Tering. and IInneces.\\'lI/)'
internationales gouvernementales, voire non
killing. » (TUCN, UNEP, WWF J 99 J : 14).
gouvernementales. En effet. lors du Sommel du
En somme. la visée Je l'ana[yse éthique dcs
Millénaire des Nalions Unies, en septemhre 2000,
questions d"environnemcnt qui s"intéresse avant tout
les dirigeants du monde entier se sont engagés, au noIII
aux situations concrètes avec 1"intention Jc proposer
de leur pays respectif, pour « cerlaines mleur.\\·
dcs valeurs et principes comme guides de l'action
fondamenlales [qui] doivenl sous-Iendre les
environnementale est une forme de casuistique qui a
relalions inlernalionales au XXlè siècle ». Parmi ces
pour amhition d'aider à prendre une décision
valeurs figurent le respecl de la nolllre. En appliquant
environnemen~llebicn docwnentéeet réHéchie dans une
le respect de la nature, ... Ia prudence do il prémloir
situation
précise.
dans la Restion de IOllles les espèces "Ïl'anles el de
La deuxième tendance « élorgil l 'onalyse
toules les ressources nalurelles, confàrmémenl allx
élhique des qlleslions environnemenloles il des
principes du développemenl dllroh/e. (' 'esl il celle
dimensions pllls réflexil'e.\\· ». (Parizeau 200 J : 587).
condilion que les richesses im.'ol1lmens/ll'ahles que
On peut y distinguer deux courants: l'un
la nalure nous of/i'e pourronl êlre préservées el
anthropocentriste ct rautre non-anthrpocentriste. Les
léguées il nos descendanls. Les modes de produclion
tenants du courant anthropoccntriste sc fixèrent le
el de consommalion actuels conlraires à Ioule
programme suivant: étendre en les ajustant.
durahililé, doivenl êlre modifiés, dans l'inlérêl de
les Ihéories élhiqlles moderne.I·. pOl' exemple les
noIre hien-êlre./illur el celui des Rénéralions cl l'en;':
Ihéories déoll1ologiqlles 011 IIlililorisle.\\, (IIIX
(ONU 2000 : 2).
prohlèmes élhiques inédils .\\ïlscilL;s par les
L'UNESCO, institution qui. comme nous le
lechnologies de ce miliell de XXÜ~ siècle. 1Pour
disions plus haut. a été, dès sa création, revêtue de la
cc 1~lirel il leur ./ii/loil monlrer 'I"e la Ihéorie
mission éthique des Nations Unies. eontrihue. de son
moroJe moderne. sous s%rme classique, éloil
côté, au développement de standards éthiques pour
il7('(Jpohle de foumir ul7e réponse élhicllle if la
guider les comportements vis-à-vis de l'environnement.
mesure
de
10
crise
enl'ironnemenlole.
D'ores et déjà, en son sein, une défini tion consensuelle,
(Callicott 200 1 :539).
pragmatique du principe de précaution a été élaborée
et les possibles usages qu'on peut en l~lÎre sont clarifiés
Les défcnseurs les plus représentati fs de
par la Commission Mondiale d'Ethique des
l'anthropocentrisme sont Passmore (J 974).
connaissances Scientifiques et des Technologies.
Shrader-Frechte (\\981) et Norton (199\\).
(UNESCO /COMEST 2005).
L'anthropocentrisme a pour viséc de promouvoir la
Dans le cadre des organisations internationales non-
conservation des ressources naturelles en raison des
gouvernementales, on peut signaler :Ia Chorle de la
intérêts que les êtres humains y trouvent. Le courant
Terre qui. selon ses auteurs, incarne les espoirs et les
non-anthropocentriste étend la communauté morale
aspirations de la société civi le mondiale émergente, et
aux êtres non humains comme les animaux, la
86
Revue du CAM ES - Nouvelle Série Il, Vol. 007 N° 2-2006 (2""'" Sl'Illestre)

hiodiversité, les écosystèmes voire la hiosphère.
Dans ce courant on distingue le pal.hoccntrisme, le
biocentrisme et J"holisme. L'éthique de
l'environnement centrée sur la vic ou hiocentrée est
défendue par des auteurs tels que Schweitzer
( 1%0), Taylor ( 1986), Goodpastcr (1979), Rolston
III (1988). Johnson ( 1991 ). (Iunn (1980). Soucieux
de la survie des espèces. voir des écosystèmes, les
renseurs biocentnstes comme Johnson et (iunn, en
l'm:currence, défendent un bioccntrismc non-
individualiste mais holiste en ce sens que pour
Johnson (1992: 145-157), 1I:s esrèces et les
écosystèmes sont assimilables ù des organismes
vivants qui maintiennent leur viabilité autour de leur
« centre d'homéostasie ». Ce delllier constitue leur
valeur intrinsèque ct leur intérêt principal. La
possession d'intérêts n'est ras un critère suffisant
d'attribution de valeur ct de statut moral à une espèce
ou à un écosystème, scion Rolston III (1987,226-
276) qui souligne que c'est la possession d'une lin
en soi (telos) par chaque être vivant. à même de se
reproduire, qui lui confère une vaiL'ur intrinsèque, et
partant, un statut moral. Il admet, comme
Goodpaster. un biocentrisme modéré en
reconnaissant la hiérarchie des formes de vie. A cc
SlÜet il écrit: « lesfiJrmes de l'ie illferiel/res peuvenl
êlre sacrifiées pour celles qui Illi confèrent une
valeur inlrinsèque el parlanl lin slalul

supérieur ». (Rolston 1981 : 1n). Rolston rejoint
sur cc roint les thèses aristotél icicnnes relatives à la
hiérarchie des êtres. Comme le dit Leopold (1981 :
2(4). l<'mdatcur de l' holisme écoccntré. « l'élhù/lle
de la lerre amXil simplel11enllnj;"()ntières de la
COllll11l11wlllé [moraleJ de 111lmière cl y ine/ure le
sol, I·eau. les planles el les allimal/x ou
collectil'emenl, la lerre ». Pour Leopold (1981),
les êtres humains ne sont que cks citoyens d'une
communauté hiotique interdépendante. Ils doivent.
par conséquent. respecter leurs « concitoyens» de
la zoocénose. de la phytocénose et du biotope
(hydrosphère et 1ithosphère). et la communauté en
tant que telle. A partir des idées leopoldiennes,
Cali icott ( 1(88) développe un hol iSl11e écocentré
qu'on quali1ie de « fort ». En el1\\.:t. pour lui, ce qui
est important dans la communauté biotique, c'est
l'unité organiciste du tout dans lequel un seuil
minimal de diversité des espècL's est requis pour
Si telle est donc la situation, comment r Ali-ique
l'équilibre et la viahilité de la communauté hiotique
subsahariennc peut-clic s'approprier ces valeurs et
tout cntièn:.11 t~lut rem..u'querque l'holismc écoœntré
principes, voire proposer à la communauté
n'insiste pas sur la place de 1"llOmme dans la
intemationale les siens, s'il n'y a p..lS crenseignement
hiérarchie de la communauté hiotique. Ccst ce que
et de recherche en éthique de l'environnement '?
l'hol isme humaniste tente de corriger: « Les
Comment les individus pourront-ils développer des
o!Jligalions enl'ers le .\\yslèl11e de la nalure i1e
Revue du CAM ES - Nouvelle Série H, Vol. 007 N° 2-200lJ(2PII" Semestre)
87

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Scieucessociu~sethun,uh,es
1.5 Ethique et extension des eontacts ct des
compétences éthiques vis-il-vis dc l'environnement
échanJ?;es entre les cultures et les peuples
s'il n'y a pas (renseignemcnt de l'éthique
environnementale?
L'extension des contacts ct des échanges entre
Ics CLl 1turcs et les peuples sÏntensifie grâce aux progrès
des sciences ct des technologies, à leurs applications
1.... Ethique, information et communication
dans le domaine des médias. des transports, par
l' intemational isation des entreprises commerciales ainsi
L'apport des progrès de la (echno-science il
que par la constitution de grands ensembles dÏntégration
1" inltmnation est aujourdï1Ui spectaculaire, grâce aux
économique et politique,
technologies 1iées ù r inltmllatique, a la bureautique, à
Cc lait de société. rcl1ct de la mondialisation des
la télématique et ù la robotique, ",n cfkt. la techno-
cultures et des soc iétés. ne se déroule pas sans susciter
science lt)urnit 1Ïnli'astructure nécessaire il une société
une question éthique impo/1ante, à savoir que bi re pour
de 1Ïnltmllation, dans laquelle 1ÏnJ( lrlnatioll a el1\\'~lhi
que ces échanges soient justes et uti les pour tous '.1 ('al'.
tous les sectcurs de l'activité sociale: pensons, par
la réalité est que les pays en voie de développement sont
exemple, au courrier électronique, aux banques de
exploités de bien des façons di fl"érentes :
données et aux satellites de communication.
lIccords CO III Illen:i li IIX i niIIst es : mll III 'li is
1." appl ication des progrès de la techno-science
trllitements des trlll'lIillelirs : lIJ7prolwilition
dans le domaine de 1ï nÜmllation pcrmet. cerlès. aux
dl' J'l'ssources nlltllrelles (Ill terre, l'ellll, l'le.) :
individus d'avoir accès il plus de connaissanœs cl 'une
hrel'ets de IJ/(//(;rie/I gém;tilllles 011 dl'
part ct d'accroître les échanges entre les cultures ct les
1!L;cOUl'l'rtes !()J/(!L;l'S sllr des ,1(II'oirs
peuples d'autre part. Elle soulèw néanmoins des
trllditionnels : introdllctioll dl' pllllltes 011 de
questions majeures il color~ltion éthiquc:
méthodes de cliltimtioll ll"i 1!L;truisellt les
r '1l7temet, lu tâl;l'isioll pilr sute/lite et les
cult lires et modes de l'il' trllditiollllelS:
(/lItres Jl1édios lllli t/'(/I'('/'.\\'('l7t les./j"()J7tiL~res
exp(>rimellllltiolls de 1l0Ul'C'UIIX ml;diclIllIellts
lIutiol7oles IJosellt des II"CltioIlS éthilllles
dllJls des ('ollditiolls lllli SOllt illégliln dlillS
sPI;ci/ill"es, ('e lllli est illtcrdit dOlls /111 po."s,
III plulllIrt des pli.\\'I dàl'lofJpl;s, ()Il pellt
Ihl/' e.\\'olllJle de lu Inthlici/(: lIoII.\\'o/licif(;e 011
mllltiplia les eXi'llIlJles, mois ils IlJOlltrellt
dll I1wrkctillg direcl lIl1.\\' CII/ÙIIIS, I)elll 1~/re
que les IJ1~I'S l'II l'Oie de dél'eloPlh'J1lellt SOJ1/
légol doliS 1111 olltre. el Ile PCIIII)(ls./ùcilelllL'lIt
Cl'IIX (Illi olltle pllls ({ gllgller ({ se dota dl'
1~/re l,,-n~té (/II.Y./r(}llli(~re.\\ I.e" Slhl/lI » l!st
CIJI/IIJl;/('I1Cl'S 1;lhil/ues, de J7niàel1ce ell
1111 l'.\\l'Jl1ple de COlllel/1I qui I/C IW/I/Tli Jlre
cO/l/hillllisoll 1I1'l!C des cOJ/lIJt;tellces dllns
(/IT(~/(; 10111 lllle cl'r/uil1s IJOl's cO/1.l'id(;rcrol1l
d'lIulres don/(/il1es. (UNESCO 200:> : 1]),
lu pos.\\'ihili/(; d'em'u.l'cr t01l1 ce llll'OI1I'elll il
l.'Afrique, qui connaît les pires l'ormes
11/Jl1pOrle qlli COlilme 1117 droil./illlduJl1el1lul.
d\\~xploitation de lïlOmllle par l'homme, a intérêt ù
(
UNESCO/CUMESI
]O()3:
9).
renltwccr ses capa~ités de réflexion ct (j" action éthiques.
Par ailleurs, des problèmcs d'inégal ité. tant dans
Par ai lieurs. k's contacts ct les échan!!cs entre
l'accès il l'information quc dan.; sa production
les cultures ct les peuples contribuent il
persistent. Qu'est-ce qui est juste ou injuste dans le
relati~iser nos
.
.
nOl1nes et valeurs, Voilà qui met l'n évidencc la nécessité
contrôle de )' infèmllatioll et dans le développement des
de la rd1exion sur le management des chemins de
techniques d'information? En lllltre, il y a des
sagesse entre les valeurs liées ù l'identité ct il '·ouYCI1ure.
problèmes de cybersécurité ct de cyherdhiquc, l:nJin,
Au conlluent de ces valeurs, se dessine une éthique
les impacts sociaux des nouvelles technologies de
nouvelle de r interculturalité, selonlaqudle les identités,
l'information ct de la communication, parce qu'ils
tout en s'aflinllant. reconnaissent leur caractère relati f
impliquent des questions éthiques. constituent des
ct dynamique et s'allient à une éthique universelle.
preuves que l' A /i-ique ne saurait rester il l'écaI1 de ces
Encore une lois, la nécessité du développement de la
questionnements éthiques qui l'investissent aussi hien
compétence éthique de chacun ct de chacune sÏmpose.
de
l'intérieur
que
de
l'extérieur.
En cnet. sans cette compétenl:(', il est impossible de
Jaire un lien raisonnable entre son appartenance il son
groupe et à l'humanité, voire à l'écosystème planétaire,
Ne serait-il pas indigne des humains que nous SOlllmes,
de passer toute une vie sans se poser, un seul instant.
ces questions éthiques individuellement ou
88
Rcvuc du CAM ES - Nou\\'clle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2<·" Scmestre)

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et l'IImaines
collectivement?
pratiques des entreprises, JI faut remarquer que dans la
vision américaine du Business Ethics, il ne s'agit pas
~.6 Ethique et rapports de domination.
de proposer simplement des idéaux; l'éthique est un
moyen d'atteindre llne fin, à savoir une meilleure image
L"intensification des échanges socio-
et une plus grande rentabilité dans les affaires. C'est là
économiques, politiques ct culturels entre les pays riches
une version uti 1itariste et pragmatiste de l'éthique
et les pays pauvres provoque des clfets pervers qui
professionnelle. Cette dernière se stabilise aussi en
témoignent de la nécessité de combler le f()ssé entre
Europe avec un accent plus prononcé pour la réflexion
les manièn:s dont ces échanges s'eflècluent et les valeurs
sur les vertus et valeurs. Elle« se présente comme un
humaines idéales.
champ d'interrogations éthiques très large dans la
L'inégal ité entre pays développés et pays en voie
mesure oit tous les sec/l'urs proj'essionnels de nos
de développement. entre individus, classes ou groupes
sociétés industrielles sont a priori concernés:
sociaux, accentue la nécessité de la prise de conscience
I·architecture. le génie. les a/titires. l'administration.
des questions éthiques allërentes il ces inégalités. Est-
les communications. le journalisme. le droit. etc. »
iljuste que la population du Nord, 20"1J de la population
(Parizeau2001 : 586). Par conséquent, chaque pratique
mondiale, consomme 80(X) des ressources de la
disciplinaire nécessite une éthique professionnelle
planète'? Qui est responsable des cllèts pervers des
spécifique en plus de l'éthique professionnelle
échanges entre le Nord et le Sud'? Est-il juste de
fondamentale axée sur des valeurs comme le respect
soutenir une croissance économique qui acccntue les
de la dignité des personnes auxquelles sont offerts les
inégalités entre pays, groupes, ct Individus'? Le désir
services. Toutes les disciplines professionnelles
légitime de vivre dans ul1monde de pùix implique que
appellent une éthique et une déontologie spéci liques et
toute vie qui se ll'aie une voie de sagesse se pose Ul1
il est de plm; en plus universellement admis que l'étllique
instant la question: que l~\\ire pour bien 1~lÎre '? Autour
professionnelle doit dérn'iser les enjelLx éthiques intcmes
de quelles valeurs et principes organiser et diriger les
ù une profession pour embrasser plus largement la
contacts et échanges entre les peupks et les cultures '?
responsabilité sociale et environnementale de la
Ccst 1;\\ la préoccupation essentielle d'ul1nouvel ordre
profession. En ce sens, elle se trouve fortement
intl'rnational. Si les questions éthiques relatives ù la
caractérisée par le dialoh'1.le pluridiscipl inaire, car la prise
mondialisation des sociétés et des cultures et des
d'une décision bonne exige de l'homme sage et avisé,
rapports de domination sont abordées par l'éthique
au sens grec du terme phronimos. d'être bien
pol itique et l'éthiquc des relations intcmationales, cl ks
documenté tant au plan technique que dans d'autres
nl' sont pas encore aussi stabilisées que la bioéthique,
domaines relati ls au problème concret à résoudre. Or,
l'éthique environncmentale et l'éthique prolessionnelle.
encore lit, l'A frique su bsaharienne accuse un grand
(\\: n'est pas nOI\\ plus dans cc doma ine que rA ll'ique
retard. Par conséquent. au fur et à mesure que
s Impose.
l'exigence mondiale du prolèssionnal isme gagnera nos
pays et que ces derniers auront à cœur leur
1.7
Ethi(IUC
et
professionnalisme
développement socio-économique dans un
environnement économique sain, ils ne pourront pas
L'éthique
rait
partie
intégrante
du
échapper au renl(m:ement des compétences éthiques
pnlkssionnalisme. 1lien que préscnte dans le capital iSl11e
de leurs prolèssionnels. Ils devront prendre les mesures
dès son origine (Weber 1920 : Boltanski et Chipello
nécessaires pour vaincre des réticences diverses au sein
1\\)\\)9), elle connaît un regain d'intér0t actuellement à
de certaines profèssions. Les universités devront offrir
causc dc la redécouverte de son rôle dans la cultun.:
à diverses professions des programmes de formation
d'cntreprisc et la baisse de la moralité prolèssionnelle
ct de recyclage appropriés. Pour éviter les dictatures
qui sc rcnd actuellement visible surtout par le
prolèssionl1\\:lIes et déontologiques quise développent
phénomènc de la corruption dans ks administrations
par-ci et par-là, et dans 1"intérêt du développement
publiques et privées. Aux Etats-l inis d'Amérique,
sociaL économique et culturel de l'Afrique, il est utile
renseignement de r éthique est renlllrcé dans les écoles
qu'une rél1exion et un débat s' instaurent sur les valeurs
de gestion, principalement les «;'Juster (!/Business
fondamentales des principales professions
,·Idministratioll (/v/RI) » dès les années 70. Les
indispensables à ce développement. Certaines
grandes entreprises américai nes ont amél ioré leur
prolèssions ne servent-elles pas trop bien leurs valeurs
traitement des problèmes éthiques grâce au Federal
fondamentales '?
Guic!elines For ."l'entenông (),ganisutio/1s (199/J. qui
Somme toute, si les principales mutations sociales
permet au gouvernement américain de contrôler les
globales dont nous venons de parler impliquent des
Revue du CAM ES - Nouvelle Série Il, Yul. 007 N° 2-2006 (2<H" Semestre)
89

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et IlIIl11aines
queslions éthiques, alors, nous avons là des preuves
d'une situation précise. Par conséquent. il est importlmt
de 1a nécessi té de l'enseignement de l'éthique: C" est
(rapprendre à lire avec lucidité la logique de cette
bien le cas. En conséquence, l'Afi'ique subsaharienne
situation en saisissant les divers paramètres d en y
a intérêl à renforcer l'enseignemenl de l'élhique. Car
disccmallt les valeurs. Le li'uit de cette lecture intelligente
seul ce dernier permet le dén~loppemenl de
est de se situer dans une logique des valeurs. c 'est-à-
compétence nécessaire pour résoudre les problèmes
dire de ce qui est suffisamment désirable pour inlluer
éthiques. En effet, chaque tois qu'un individu et un
sur une décision et un engagement. Or, la conscience
groupe humain font face à un problème moral. c'est-à-
éthique créatrice ne s'acquiert pas en apprenant. de
dire qu'ils prennent conscience d'un écart entre le
manière livresque, des théories éthiques. Son
devoir-être et l'être, la voie de s0l1ie est le déploiement
développement chez les apprenants suppose l' etlè)l1 de
de la phronesis au sens aristotélicien, la pmdentia des
les amener d'une part à analyser une situation dans
Latins, c 'esl-ù-dire la capacilé à discerner et à choisir
toutes ses composantes. en mettant, s'il le faut. à nue
la droite règle, rortho.\\·logos. Cc déploiement ne vienl
celles qui demeurent cachées. et d'autre pal1 à util iser
pas de manière magique: il ÜlUt y être éduqué. Voilà
des informations d'autres disciplines afin de bien
qui introduit à notre deuxième questionnement. à savoir
comprendre les phénomènes significatifs. Selon
s'il est nécessaire de renforcer l'enseignement de
DTlondt (1984). l'éthique ne se déploie pas in l'iOn en
l' éthique dans les universilés d' Alrique subsaharicnne
laboratoire. Ricœur (200 1 : 583) écrit, à ce propos que
queJle doit être la philosophie d'un tel enseignement?
« le seul moyen de donner l'isihilité etlisihilité all
Ihnd IJrimordiol de l'élhiqlle est de le /Jroieter ail
Il. Philosophie de l'enseignement de
plan poslmoral des éthiques o/Jpliquées. » Il trouve
l'éthique dans les universités d'Afrique
d'ailleurs chez Kant et Aristote des idées de la
subsaharienne
nécessaire conjonction de la théorie éthique avec des
domaines de leur application. Ainsi, selon lui.]'obligation
Si les mutations socia1cs actuelles auxquelles
morale kantienne s'oriente en direction de trois sphères
l'A Crique subsaharienne ü1Ït face sont des situations
d'application, à savoir le soi, l'autrui et la cité. Chez
concrètes à coloration éÙ1ique, alors l' enseignement des
Aristote, les vertus donnent visibilité et lisibilité àl'idée
théories éthiques seules ne suffit plus. ' 11 faut conjuguer
abstraite de vertu, grâce à la prudence ou phronesis.
cet enseignement avec celui de l'élhique appliquée. Par
Le lien entre la phronesis et les situations pat1iculières
conséquent. s ï 1est universellement admis que le but
est étroit. Le mouvement de relecture et de
central de renseignement de J'éthique demeure Je
réinterprétation de la sagesse pratique dans l'éthique
développement de « la cajJaCÎh; de l'étudiant cl
appliquée n'est pas seulement identi1iable chel les néo-
analyser des problèmes éthiques, d('fù~'on cl ce qu'il
aristotéliciens anglo-saxons comme Madntyre qui
soil capaNe de se forger ses propres décisions
insistc sur la re1ormulation d'anciennes règles abstraites
éthiques» (UNESCO 2005 ), alors. on ne peut ignorer
et uni versel1es face au cas concret et singul icr, ou chez
le but pal1iel qu' il implique, à savoir développer chez
les néo-kantiens tels que Jonas et Engelhardt (2000),
les apprenants la capacité de mainlenir un équilibre
ou chez les utilitaristes et pragmatistes tels que Singer
rétléchi 2: Nous employons ces termes au sens rawlsien
( 1988) ou Norton (1991 ). Globalemenl, il s'agil d'un
de rei1cxive equilibrilU11 où selon Parizeau (2001 : 588).
mouvement de renouvellement réflexif au sein de la
«un mouvement d'ajustement réciproque se produit
phi losophie morale par l'immersion des théories morales
enlre la rét1exion philosophique liée à lme théOlie momIe
dans les problèmes pratiques. De tout ce qui précède.
el des descriptions et évalualions de cas concrets.»
nous déduisons la nécessité de conjuguer
l'enseil:,'11ement de l'éthique lèmdamcntale ct de l'éthique
enlre la théorie et la pratique, l'éthique fondamentale
appliquée. Pour Ricœur. les deux (éÙ1ique fèmdamcntale
et l'éthique appliquée. En effel. la connaissance
et éthique appliquée), sonl inséparables ct désignent
approfondie des différentes théories éthiques doit se
respectivement « l 'all/onl el/ 'a\\'(tI du royaume des
faire en interaction avec la pratique morale, les
normes ». (Ricœur (2001 : 580). Il s'agit donc de la
discussions et méthodes significatives en éthique
totalité du royaume des normes. En amont de cc
appliquée. L'argumentation nom1alive ne doit pas être
royaume, le philosophe situe l'éthique antérieure ou
séparée des cadresjuridiques. politiques, scientifiques
éthique fondamentale et en aval. l'éthique postérieure
concrets. En d'autres tennes, l'argumentation nonnative
ou élhique appliquée.
.' eslcomplèle quand elle s'associe la créativité éthique
Cette conception qui est égalemcnt la nôtre esl paI1agée
qui exige la compréhension du cas concret. En effet,le
par
Parizcau (2001 : 585) pour qui ('éthique
jugement éthique est toujours p011é dans le contexte
fondamentale embrasse l'ensemble des théories
90
Revue du CA MES - Nouvelle Série B, Vol. 007 N° 2-2006 (2·.... Semestre)

- - - - - - - - - - - - - - - -
Sciences socia/ès et /llIl1laines
morales traditionnelles de tYI1L' téléologique,
des années 70 que certains de ces champs se sont
déontologique, etc. L'éthique 1lllldamentaie est
stabilisés et polarisés en bioéthique, en éthique
essentiellement une préoccupation phi losophique et une
environnemenw.le et étllique en professionnelle, ils « ont
investigation systématique d'un fl.l11<.kment (que ce soit
acquis progressivement leurs lellres de nohlesse et
la raison, le sentiment. le plaisir, 011 J'intérêt, etc.), et
sont I1wintenanl')enseignés et pratiqués dans les
d'tll1ejustilication aux actions humaines. A ce titre, on
universités. les; entreprises. les hôpitaux. les
peut 1ïdentifier aux réllexions philosophiques liée;àdes
instances gOUl'el;ne;l1entales et internationales.»
théories morales telles " Ethique il ,Vicof1wljue
(Parlzeuu 2001 : 585).
d'Aristote, l'Ethique de Spinoza, la Critique de la
Dans nos universités, un effort reste à faire pour
raison pratique de Kant, l'Utilitarisme de Mill. la
que la pratique des sciences de la nature et de la vie
Théorie des sentiments mOr([llX de Smith,
ouvre sur une éthique de la science, de la recherche
l'Introduction il la morale de Durkheim. L'éthique
scientifique, de l'expérimentation ou du respect de
fondamentale est également l'investigation systématique
l'environnement. Il en est de même de la pratique
de soi-même sur sa vocation et S;I destinée; ce qui
médicale. Dans cette pratique, la demande de soins
suppose une double connaissance: celle du moi ct du
londée sur la sollicitude de pOl1er secours à personne
monde, théâtre de l'agir de cc moi èl celle de la valeur
en danger ct ou vulnérable exige le respect du secret
ou de l'idéal qu' i1entend introdui rc dans cc monde. Tel
médical, du droit du malade à l'information et le
est le cas des réflexions de la Géné([logie de la morale
consentement éclairé, autant de règles éthiques
de Nietzsche, de l'Unique et sa propriété de St i111er,
conférées au contrat de soins que les médecins ne
du 7hlité des ,'aleurs de Lavelle, du Formalisme en
sauraient ignorermÜourd'hui. L'étllique professionnelle
(;thique etl 'éthùlue matérielle des \\'(fleurs de Scheler.
doit pouvoir trouver aussi ses lettres de noblesse dans
Enlin, on ne saurait passer sous silence, il ce propos,
toutes les pratiques disciplinaires. Nos universités
des phi losophes de la vertu et i11~llIdrait encore ici se
devront amorcer des démarches décisives en ce sens.
référer aux rétlexions d'Aristote dans l'Ethique il
Nicol1wque, à Saint Thomas d'Aquin dans Somme
CONCLUSION
théologique et à Kant dans Doctrine de la "ertll.
Métaphysique des moeurs. L'éthique fondamentale
Il/fine. l'objectifprincipal de notre article est
présente des caractéristiques d'un modèle déductiviste
d'arglullenter la nécessité de l'enseignement de l'éthique
dans lequel le contexte, voire les cas pratiques ne sont
dans nos universités, ceci dans l'intérêt de nos pays et
pas centraux. Ce caractère et ccux précédemment
de nos concitoyens. Pour ce faire, nous avons démontré
énumérés prouvent suflisamment que l'éthique
que les principales mutations sociales globales que vivent
fl.lIldamcntale est. en tant que réflexion philosophique
nos pa~'s comportent des dé1is éthiques. Cest de là
théorique, le lieu par excellence de compréhension des
que nous avons déduit la nécessité de renseignement
notions éthiques de base telles que les notions de
de l'éthique dans les universités d'AtJ-ique au sud du
normes, de valeurs, de préférences. d ï ntentions, de
Sahara où sont formés et éduqués la plupart des cadres
conséquences, de risques, d'autonomie, de
et décideurs. Ceci nous a conduit à préciser la
responsabilité, de justice, etc. Enl'lkL ces notions
philosophie d'un tel enseignement.
éthiques de base ne sont mieux comprises que quand
Il nous paraît donc clair qu \\II1C manière de rendre
elles sont saisies dans le contexte des théories éthiques
service utile aujourd' hui à l'A ri-ique suhsahariennc, face
ou philosophies morales. Par contre, l'cxpn:ssion
à la mondialisation des grandes mutations sociales
«éthique appliquée ».
en !llisant
contemporaines qui impliquent des questions éthiques,
r~lérence il une analyse éthique des
est de renforcer les capacités de nos universités en
situations précises. met l'ucœlll sur la
matièrc d'enseignement de l'éthiquc, de sorte que les
résolution pratillue. L'importance est
apprcnants utilisent intelligemment les compétences
donnée ici {[U COl1texte. li l'analyse des
acquises pour résoudre les problèmes éthiques
L'Ol1séquences. il la prise de décisio/l. ('elle
auxquels nos pays et le monde contemporain f(mt face.
visée. prescriptive plUIIÎt que r~flexive.
Or, cct enseignement accuse encore un grand retard,
s'exerce surtout dans les secteurs des
par manque de personnel quali1ïé, de moyens
pratiques soci{[les et pJ'(~fèssi(}nnelles. (
économiques ct de ressources éducatives. Cest là un
Parizeau 2001 : 585).
défi pour nos Etats, les responsables de nos institutions
En conclusion, il va sans dire que les mutations
universitaires ct les philosophes de s'attclerà cette tâche
sociales majeures décrites plus haut constituent des
éducative avec l'aide bilatérale et multilatérale. Dans
champs d'investigation éthique. Si c'est dans le courant
un aI1icle ultérieur, nous analyserons les questions de
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_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciellces sociales et "umailles
contenus et de méthodes de l'enseignement de cette
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(Footnotes)
1 La plupart des enseignants-chercheurs qui se consacrent à l'enseignement de l'éthique dans nos universités sont
spécialistes des théories éthiques. Très peu sont formés en éthique <Jppliquée. En effet, il nous a été très difficile de trouver
dans notre Salis-région un directeur de thèse en éthique de l'environnement en 1995.
92
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