_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
«L'acquisition des savoirs à travers la
langue seconde: formulation et conte-
nus d'enseignement en sciences d'ob-
servatlon».
Ufualè AFOLA-AMEY,
Département des Sciences du Langage,
Faculté des Lettres et Sciences Humaines,
l~
Université de Lomé - Togo.
r
Résumé
Cette communication aborde le problème de l'acquisition des connaissances scolaires via le fran-
çais, langue seconde (L2) dans l'école de base (primaire) au Togo. Dans le système scolaire togo-
lais, l'appropriation de la L2 s'effectue en situation diglossique et les élèves ne découvrent cette
langue, le plus souvent, qu'à l'école. Dans ces conditions, « acquérir la langue pour acquérir des
connaissances dans une langue à découvrir, place l'élève devant une tâche cognitive extrêmement
complexe» (Noyau, 2001).
Notre travail étudie la nature des connaissances transmises aux élèves via la L2 et l'ensei-
gnement des sciences d'observation ou EduSciViP (Education Scientifique et Initiation à la
Vie Pratique) pour l'acquisition de la L2. Nos analyses s'appuient sur les données issues des
enquêtes sur la scolarisation en français au Togo, notamment des séquences de classes et des
entretiens avec les enseignants du primaire des niveaux CE et CM. Les données sont re-
cueillies dans le cadre du projet AUFI CORUS 1 COGNITIQUE « Appropriation du fran-
çais, langue de scolarisation en situation diglossique ».
Dans les séquences de classes, nous examinons les phénomènes interactionnels entre les appre-
nants et les enseignants en caractérisant le déroulement des cours des sciences d'observation et en
analysant la nature des procès (verbes) acquis par les élèves.
L'acquisition des connaissances (procès) et leur verbalisation constituent des activités complexes
de construction d'objets mentaux à partir des connaissances de base (Klein, 1989) organisées à
travers des invariants cognitifs (état, événement, activité, action, selon Denhière & Baudet, 1992,
Legros & Cosquéric, 1995).
Nous nous servons de ces invariants pour voir ce que l'enseignement de cette matière transmet
comme savoirs aux élèves. Nous analysons précisément la nature des procès (François & Denhière,
1990) acquis par les élèves au plan linguistique, textuel (Bronckart, 1996) et morphologique (temps
et mode).
Nous comparons les procès des apprenants à celles des enseignants en tenant compte des pratiques
d'enseignement des sciences de la vie et des pratiques pédagogiques et didactiques en place (Quarshie
& Noyau, 2002).
Mots-clé: acquisition, savoir; connaissance, linguistique, enseignement.
Revue du C.AME:S-~Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
245

_ _ _--'-
Sciences sociales et humaines
l. LISTE DES ABREVIATIONS
LI:
Exemple
gengbe-rnina, Langues
maternelles
=
première
(s)
parlée(s)
par
l'enfant,
ikposso
-(Klein, 1989) ..
L2 : Langue seconde
Statut du
français
parlé et
enseigné au Togo en situation
- diglossique.
EduSciViP
Education Scientifique et Initiation à la Vie Pratique.
CEl, CE2
Cours élémentaire première, deuxième année.
CMI, CM2
Cours moyen première, deuxième année.
AUF
Association des Universités d'expression française.
CORUS
- Coopération pour les Recherches Scientifiques et Universitaires
-CORUS 1 AUFI Cognitique
Dénomination du projet multilatéral soutenu, du côté français, par
le programme Corus et par le programme Cognitique et au plan
international par l'AUF. Il porte sur «
L'appropriation du
français langue de scolarisation en situation diglossique>>. Il est
initié par l'Université de Paris X-Nanterre (France) et l'Université
de Lomé (Togo).
CAP
:
Certificat d'Aptitude Professionnelle.
AFOLA 18AscienceCE 1
Nom de l'enquêteur: AFOLA ; Cassette numéro 18 ; Face A ;
Matière enregistrée = EduSciVip; Classe CEl.
AFO LA25 ABentretien 5inst ituteurs
Nom de l'enquêteur: AFOLA ; Cassette numéro 25 ; Face A-B
Matière enregistrée = Entretien avec 5 instituteurs. _
Procès métaling ; Procès métaproc.
Procès métalinguistiques; Procès métaprocéduraux.
SN
Syntagme nominal.
-Asp. Mod
Aspect et modalité.
M; E; EE;
Maître; Elève ; Plusieurs élèves.
Tl, T2,T3 etc ... '
Tableau numéro l, 2,3 etc..;
2. CONVENTIONS DE TRANSCRiPTION
+, ++, +++
Pause courte, moyenne, longue.
0+,
Courbe intonative suspensive et conclusive.
<>
-Suppression ou réduction de tours de parole
, Notre travail- étudie la nature des connaissances
INTRODUCTION
-transmises aux élèves via l'enseignement des scien-
ces d'observation ou EduSciViP (Education Scien-
Dans le système scolaire togolais, l'appropriation
tifique et Initiation à la Vie Pratique) pour l'acqui-
de la L2 s'effectue en situation diglossique et les
sition de la L2. L'acquisition des connaissances et
élèves ne découvrent le français, le plus souvent,
leur verbalisation .constituent des activités comple-
qu'à l'école. Dans ces conditions,« acquérir la lan-
xes de construction d'objets mentaux à partir des
gue pour acquérir des connaissances dans une lan-
\\
connaissances de base (Klein, 1989) ou antérieures
gue à découvrir, place l'élève devant une tâche co-
organisées à partir des invariants cognitifs (état,
gnitive extrêmement complexe» (Noyau 2001).
événement, action, Denhière & Baudet, 1992, Le-
246
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

_ _ _ _ _ _ _---'-'
Sciences sociales et humaines
gros & Cosquéric,1995).
- au plan conceptuel, nous étudions
la nature des' procès (Denhière &
En nous servant de ces invariants, nous tentons de
Baudet,
voir ce que l'enseignement de cette matière permet
1992, Legros & Cosquéric, 1995) des maîtres et des
de transmettre comme' connaissances aux élèves.
élèves dans les interactions et des procès repris et
Dans cette optique, nous examinons au plan con-
acquis par les élèves.
ceptuel, le type de procès ou invariants et de non
-au plan 1inguistique, nousétudions
procès développés par les enseignants, repris et ac-
la nature des prédications des pro-
quis par les élèves. Au plan linguistique, le procès
cès
est représenté par un verbe ou l'équivalent fonc-
(François &' Denhière, 1990), des textes (résumés)
tionnel d'un verbe. Il constitue dans un environne-
(Bronckart,1996) et le traitement morphologique
ment actanciel minimal une' prédication élémentaire
(temps et mode) de ces procès. Le but de cette étude
(François & Denhière, 1990). L'étude morphologi-
est de montrer ce que l'enseignement des sciences
que (temps, mode) de la prédication permet d'enri-
d'observation apporte aux élèves et à la L2 dans le
.-
chir la langue et de caractériser la nature des con-
domaine de la représentation des procès (verbes)
naIssances. '
compte tenu de la didactique et de la pédagogie en
vigueur Nous terminons ce papier avec des sug-
Nous analysons et comparons les procès des appre-
gestions brèves susceptibles d'être explicitées dans
nants à ceux des enseigriants en tenant compte des
un autre article.
pratiques de l'enseignement des' sciences de la vie
et des pratiques pédagogiques 'et didactiques
l--CADRE THÉORIQUE
(Quarshieée Noyau, 2002).
1.1 Linguistique de l'acquisition
Nous présentons des suggestions compte tenu des
résultats des analyses et comparaisons.
Pour rendre compte des activités de représentation;
de compréhension, d'acquisition de connaissances
Les analyses s'appuient sur les données issues des
et de production -des textes, il importe de tenir
enquêtes sur la scolarisation en français au Togo,
compte des connaissances de l'individu. Pour être
notamment des séquences de classes des' sciences
compris, les textes impliquent de la part de l'indi-
d'observation au primaire des niveaux .CE et CM,
vidu la mise en jeu des processus complexes dans
recueillies dans le cadre du projet AUFI Corusl
l'activité de planification de l'action (Legros et
Cognitique «Appropriation du français, langue de
Cosquéric 1995). Or, l'acquisition des connaissan-
scolarisation en situation diglossique» -,
ces et leur verbalisation constituentdes activités de
construction d'objets mentaux à partir des connais-
Ces données sont également constituées des entre-
sances antérieures (François et Denhière, 1990) or-
tiens des maîtres sur la pratique pédagogique, du
ganisées selon les invariants cognitifs d'état, de pro-
programme national des sciences d' observation. -
cès ou d'événement (causation, processus), d' acti-
vité et d'action (Denhière et Baudet, 1992).
Après la présentation du cadre-théorique (acquisi-
tion et didactique) et méthodologique, les réponses
L'état est constitué des invariants attribuables à une
aux questions suivantes constituent le plan du tra-
entité. Il peut être fonctionnel (à quoi sert l'objet
vail :
7) et 1 ou structural (comment est l'objet ?). Il se
- comment se déroule l'enseigne-
distingue de la propriété par la composante tempo-
ment de cette discipline 7
relle.
- quelle est la particularité des inte-
ractions entre le maître et les élèves 7 -
Percevoir une propriété, c'est percevoir la constance
, - 'quelle est là nature des connaissan-
immuable dans le temps. Exemples tirés de la trans-
ces transmises par le maître 7
cription des séquences de classes sur la leçon « le
-quelle est la nature des connaissan-
tilapia (CE2), les plantes médicinales (CEl), les
ces reprises et acquises par les élèves 7 .
trois états de la matière (CM]), les vases commu-
nicants

Notre analyse couvre deux plans:
Revue du CAMES --; Série B, vol. 006 N° 1-:2, 2004
247

- - - - - - - - - - - - - - - - . , - - - - - - - - , - - - - - - - Sciences sociales et humaines
(CM2)>>. Exemples:
- d'état (procès conçu avec ou sans la tran-
- Le tilapia est unpoisson d'eau douce (pré-
sition dans le temps)
dication d'espèce)
- d'état expérientiel ou agentif (un animé
- Le, corps du poisson est recouvert
ressent une sensation, une croyance)
d'écailles (propriété}
.
, - d'activité ( prédication dynamique et de
Ce sont des propriétés immuables du poisson.
non changement)
- de processus (événement dynamique avec
Percevoir un état, c'est percevoir les attributs tran-
changement et sans agentivité).
sitoires. Exemples :
- de causation (événement dynamique avec
- Le quinquéliba est une plante médicinale
changement sans agentivité) .
(mais elle peut ne pas 1' être)
- d'action, d'action causatrice (action avec
- L'eau est glacée (elle.peut devenir chaude).
changement, +/- cause et agentivité).
Par contre dans l'exemple:
Pour dégager les prédications de procès acquis, nous
- Le tilapia a une formeallongée, son corps
éliminons des tours de parole les prédications
est couvert d'écailles,
métalinguistiques et métaprocédurales et celles de
Nous avons deux propriétés constantes de ce type
non procès.
de poisson.
,
L'événement (processus et causation)· est conçu
Les
prédications
métalinguistiques
et
comme quelque chose qui se produit, un change-
métaprocédurales sont celles qui renferment les pro-
ment ou une modification d'un état du monde sans
cès liés à la vie de la classeou à l'activité de ges-
la participation d'un agent et sans intentionnalité
tion pédagogique, c'est-à-dire des prédications dont
(Baudet, 1990). Exemples :
les procès ne reflètent pas le contenu de la matière
- Les plantes médicinales guérissent les
enseignée. Exemples: citer, dire, répéter, voir, pren-
maladies (processus).
dre un exemple, faire (dans 'la séance) écrire, co-
-Le aloma, le papa-tahé sont desfeuilles qui
pier, a/ler, écrire au tableau ou sur ardoise ou sur
guérissent le paludisme (causation).
son cahier, dessiner etc. (Noyau, 2001).
L'activité requiert la dynarnicité sans changement.
Exemples:
.
Pour notre cas, nous excluons du groupe des pro-
- On utilise lesfeuilles de papayer; Le pois-
cès métalinguistiques ou métaprocéduraux les pro-
son se reproduit par des œufs (activité)
cès exclus de la leçon du jour mais qui sont pris
L'action implique des modifications provoquées par
comme exemples durant le .cours. C'est le cas de
la volonté d'un agent. Elle recourt à la participa-
certains procèsdumaître et des élèves du CM2 sur
tion d'un agent et à son intentionnalité. Exemples:
la lune alors que la leçon portait sur les vases com-
municants et les trois états de la matière. Exemples
-: Le malade boit la tisane. L 'herboriste a
M: Des fois, vous pouvez voir la lune où ? (moda-
cueilli les plantes médicinales.
lité), E : On la voit dans le ciel. (action)
L'état expérientiel implique les sensations et les
sentiments.
Selon J. François (1990), sont considérées comme
Exemple:
des prédications de non procès les prédications de
- Moi, je connais ça.
propriété (d'une entité ou d'un procès), de réaction
(entre entités, entre procès ou entre entités et pro-
Au plan linguistique, la notion de prédicationde
cès), d'espèce, de modalité et d'aspect.
Denhière et Baudet (1992) nous sert de base d'ana-
lyse des textes. Selon ces derniers, le verbe (ou son
Dans nos précomptes, nous excluons les prédica- "
équivalent) constitue, dans un environnement
tions de propriété et d'espèce renfermant les ver-
actanciel minimal, une prédication élémentaire qui
bes être et avoir. Ces deux types de procès sont con-
équivaut à un procès. Ce procès est caractérisé par
sidérés comme des verbes de base (être, avoir, aI-
les invariants cognitiques qui sont des prédications
ler; dire, a/ler mettre, prendre.faire, etc ... ) (Viberg,
1993), donc exclus des verbes à acquérir par Les
- de propriété (procès qui ne se déroule pas
élèves.
dans le temps)
248
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
Sont également exclus de nos précomptes, les syn-
cule des connaissances et la seule langue scolaire.
tagmes nominaux (SN) des interactions des maî-
Dans ce type d'enseignement l'utilisation du livre
tres et des élèves. Exemples: fruits à pépins, le
est rare; lapratique de la L2 est plus axée sur l'oral
raisin, la couleur de lafeuille, les plantes médici-
que sur l'écrit avec une importance accordée à la
nales, la tête, le thorax, le cocktail .de.fruits, l'état
bonne prononciation èt à l'orthographe plutôt qu'à
gazeux, les vases communicants etc... sont des SN,
la recherche des phrases complètes pour communi-
considérés donc comme des prédications de non
. quer.
procès.
Le témoignage des enseignants interrogés au cours
Toutes les questions des maîtres sont considérées
de-notre entretien confirme notre propos :
comme des modes ou modalités et sont précomp-
UFU18
Est-ce, que les enfants achè-
tées comme des prédications de non procès.
tent des livres? Est-ce qu'ils ont en classe un ma-
nuel intitulé sciences d'observation? A chaque ni-
Nous utilisons la notion de prédication associée aux
veau est-ce qu'ils en disposent?
objets et aux entités pour la définition et non pour
M4
oui ici "monsieur CMl'ï chez
la description. L'interprétation linguistique des pré-
. nous ici 0 on ne nous oblige pas à acheter les livres
dications déployées dans les résumés des leçons des
pour les sciences d'observation 0 mais 0 certains
.apprenants permet de distinguer la nature des con-
parents à la maison achètent parfois des livres à
naissances potentiellement acquises et cel1es qui
leurs enfants +++ mais chez nous ici c'est interdit
sont produites. A une prédication de propriété cor-
++ de les acheter +++
respond une situation statique alors que les prédi-
M3
monsieurCM2 ++ je vou-
cations d'action permettent de percevoir le degré
drais ajouter ceci o.eh ++ nous pouvons dire que
actif de la situation. Ceci nous permet de qualifier
l'enfant doit avoir le livre. pour pouvoir évoluer
le type d'enseignement donné en sciences d'obser-
normalement et certains parents en achètent parce
vation.
qu'ils ont les moyens +++ mais la plupart des élè-
ves n'ont pas ces possibilités là <> pour pallier à
Du point de vue textuel, nous prenons comme unité
ce problème, nous répétons beaucoup avec les élè-
"
d'observation et d'analyse le texte ou l'ensemble
ves, et nous les corrigeons aussi tout le temps. fis
d'énoncés répondant à une visée communicative
doivent bien parler et écrire correctement merci
(Bronckart, 1997). Son étude permet de compren-
+++ (Afola24entretiens5 instituteurs).
dre le rôle des marques linguistiques dans le but
d'atteindre une visée communicative globale. Nous
L'oral occupe urie place importante dans l'ensei-
y associons une autre donnée relevant des entre-
gnement au Togo; ce qui explique l'importance que
tiens entre cinq instituteurs. Ceci nous aidera à com-
lui accordent les programmes pédagogiques et di-
parer et à consolider certains témoignages portant
dactiques. Il est demandé aux enseignants d'accor-
sur l'environnement langagier français au sein de
der une attention particulière à la prononciation, à
l'école.
la correction phonétique, à l'orthographe et au vo-
cabulaire. L'élève doit parler le bon français et écrire
Notre travail vise, entre autre, à identifier les méca-
sans fautes (Quarshie & Noyau 2002).
nismes d'articulation entre la L2 et les sciences
d'observation. Pour y parvenir, il est indispensable
Pour respecter ce principe, les maîtres sont obligés
d'examiner le statut de la L2 et le système didacti-
de suivre à la lettre les méthodes imposées par les
que en place.
inspections pédagogiques. L'accent est mis sur l'or-
thographe, l'épellation des mots dans tous les cours
1.2 Didactique ct pédagogie
plutôt que sur la visée communicative qui devrait
être recherchée.
En 1975, la politique de revalorisation des langues
Pour examiner les liens entre l'école, l'apprentis-
nationales togolaises a introduit dans l' enseigne-
sage et l'acquisition des connaissances, Quarshie
ment secondaire deux langues: l'éwé (kwa) et le
& Noyau (2002) adoptent un point de vue qui nous
kabyè (gur) choisies parmi les 48 langues du pays
permet de répondre à la question qui traite du rôle
(Afola, 1995). Malgré cette réforme beaucoup plus
des échanges questions-réponses entre' maîtres et
tonnelle que pratique, le français reste le seul véhi-
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
249

élèves dans la transmission d'informations.
Pour Quarshie et Noyau, il y a acquisition dansles
interactions normales d'apprentissage quand
l'échange entre l'élève et le maître se fait sans con-
2. 2 Inscription du thème dans le projet
trainte. Mais dans le cas de situation asymétrique
Ce travail s'insère dans.le cadre du projet multila-
(natifs alloglottes, enseignants-élèves dans notre
téral (AUF/ Corus/ Cognitique, 2000-2003) entre
cas), les fonctions des questions-réponses varient.
l'Université Paris X-Nanterre et l'Université de
A ce niveau, on distingue:
Lomé. Il analyse la genèse du sujet bilingue franco-
-les questions-réponses qui donnent
phone en situation diglossique à travers la scolari-
des réponses : oui/ non (interroga-
sation du français et l'expérience de ces pratiques
tion
langagières dans l'environnement en langues pre-
totale ou partielle).
mières. Outre les multiples objectifs du projet, ce-
- les réponses directes ou indirectes
lui qui cadre avec notre thème est l'examen des dif-
etc ... Celles-ci nous intéressent pour
férents domaines de connaissances construites et
examiner les interactions des séquences de classes
acquises par les élèves dans la situation scolaire en
en sciences d'observation.
français.
2.3 Participants
Du point de vue pédagogique; les questions fermées
ayant comme réponses le refus ou l'acceptation ne
Nous avons travaillé avec les maîtres et les élèves
demandent pas d'effort cognitif par rapport aux
d'une école primaire privée de Lomé des classes de
questions ouvertes qui nécessitent des confirmations
CEI-CE2, CMI-CM2. L'âge des élèves varie entre
et des infirmations, ce qui leur confère un caractère
sept et douze ans. Les enseignants, tous diplômés
cognitique (Koivukari, 198,7)..
.
.
d'Etat, sont nantis du Certificat d'Aptitude Profes-
sionnelle (CAP) et jouissent de plusieurs années
Du point de vue psycholinguistique, on distingue
d'expérience. lis parlent soit lemina.I'éwé (groupe
deux types de questions qui ne nécessitent qu'un
de langue kwa du Togo) ou l'ikposso (groupe des
traitement formel ou sémantique pour conceptuali-
langues résiduelles du Togo)
ser une réponse. Les questions du premier type re-
posent sur la mémorisation et ne font pas intervenir
2.4 Matériels
la sémantique alors que les questions du second type
demandent de la réflexion. Elles favorisent en effet
Nous sommes partis des échantillons d'enregistre-
l'élaboration d'une réponse qui mobilise les con-
ment des séquences de sciences d'observation des
naissances antérieures de l'individu. ,
niveaux CE et CM. Les séquences sont enregistrées
sur des bandes sonores portant le nom de l'enquê-
ll- CADRE MÉTHODOLOGIQUE
teuret numérotées suivant un ordre chronologique.
Ainsi, nous avons:
2.1. Visage sociolinguistique
AFOLA18Ascience CEl
: les plantes
médicinales
Trois grandes familles de langues: «gur» au nord,
AFOLA18Bscience CE2
: le tilapia
«kwa» au sud et «résiduelles» au sud-ouest (Afola,
AFOLA19Ascience CMI
les
trois
1995) se partagent le visage sociolinguistique du
états de la matière
Togo.
AFOLA20AscienceCM2
les vases
En général, l'enfant de 4 à6 ans qui commence
communicants
l'école ne parle que sa ou ses langues maternelles.
AFO LA24ABentretien5 insti tuteurs,
Il est donc doté de certaines représentations et con-
AFOLA25ABentretien5instituteurs : entretien avec
naissances de base ou antérieures de son milieu
5 instituteurs dont les séquences de classes ont été
(Klein, 1989) avant de commencer à .apprendre le
.enregistrées.
français (L2) pour accéder aux diverses connais-
sances établies par les programmes. C'est à travers
Nous avons également examiné le programme na-
les diverses pratiques langagières de la classe et les
tional des cours d'EduSciViP établi par le Minis-
250
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
<>
tère de l'Education Nationale (1989). Ce qui va fa-
M
bien _ aujourd'hui nous allons voir _ + le
voriser l'analyse des formes de représentations co-
tilapia
gnitives contenues dans le programme. Le but pour-
suivi est d'étudier la nature des relations
A2 (CE2)
interactionnelles entre ces représentations et celles
M
nous avons vu la vipère 0 en science dans
des sciences d'observation. Les entretiens avec les
la dernière leçon _
enseignants sur leurs pratiques pédagogiques' vont
EE
oui
consolider nos propos.
M
bien_ nous avons vu que la vipère + est un
animal utile +++ c'est vrai 0ou c'est faux
Le texte des tours de parole entre les maîtres et les
o
élèves suivi des résumés des leçons constitue les
EE
c'est faux +++
textes étudiés, au sens Bronckart (1997).
M
la vipère est quel animal? oui 0
E
la vipère est un animal nuisible +++
r
III. ANALYSE ET COMMENTAIRE
<>
Nous nous intéressons aux procès et aux prédica-
A3 (CMl)
tions de procès'comme connaissances acquises par
M
qui va me rappeler ce qu'il faut faire pour
les élèves pour la L2 en vue de faire des nos sug-
arrêter le saignement du sang?
gestions.
<>
3.1 Caractéristiques du déroulement des cours.
E
il faut"
d'EduSciViP
E
il faut faire la compression de la narine
+++
Exemple de déroulement du cours:
M
bon_ aujourd'hui_ on va voir les états de
A.
la matière +++
Al (CEl)
M
< > bien + aujourd'hui + nous allons faire
A4 (CM2)
le cours de science + science + en leçon
M
alors 0 qui peut me rappeler ce qu'on
précédente + _la fois passée 0 + qu'est-ce
avait vu la dernière fois en science 0 oui 0
qu'on a fait en science ?
Willi
M
Wil1i + toi +
E
les vases communicants
E
science + la fois passée en science + on a
M .
les vases communicants 0 qu'est-ce que ça
étudié les fruits
veut
à noyau
dire? + oui 0
M
les fruits à noyau ++ très bien + accla-
E
ce sont des pots ++
mez-le +++
M
qui dit mieux? +
M
les fruits à noyau +++' alors 0+ qui va me
E
des pots qui se communiquent"
citer les fruits à noyau 0 un fruit à noyau 0
E
des jets ++
hein + oui + toi
<>
M
oui 0
E
la mangue ++
M
très bien ++ oui +
E
ce sont des vases ++
M
oui 0
E
des puits +
1 Les entretiens enregistrés menés avec cinq enseignants de I"EPP-X
le 11/
M
oui a
00021par U. AFOLA-AMEY ont porté sur:
-les aspects pédagogiques et linguistiques de l'enseignement des sciences
L'examen des passages (A 1,A2 A3, A4) il1ustre une
d'observation
-l'utilité de "enseignement de l'EduSciViP dans les classes primaires
partie du déroulement des cours des sciences d' ob-
-la place de l'enseignement du français (L2) dans l'enseignement des scien-
servation qui commencent par la révision du cours
ces
-lappon des sciences d'observation dans l'acquisition et l'amélioration du
précédent à travers des questions-réponses fermées
hn~~
.
(Koivukari, 1987) avant l'introduction du nouveau
-le rapport entre l'oral et l'écrit dans cet enseignement
-lapport des programmes et des manuels dans l'acquisition de la L2 et des
cours.
sciences d'observation
.
B,
<> = réduction de tours de parole: M = maître: E = élève ; EE = élèves: +
= pause très courte: ++ = courte; +++ = longue.
BI (CEl)
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
251

-_~_-----
---:-_,....-
Sciences sociales et humaines
M
donc nous avons les plantes mé-di-ci-nales
réponses simples 82 (CE2) suivies de mises au point
+++ donc regardez les plantes. mé-di-ci-
orthographiques du titre 81 (CE 1: mé-di-ci-na-les),
nales +++ plantes mé-di-ci-nales +++ vous
.soit par un croquis au tableau illustrant les diffé-
voyez les plantes mé-di-ci-nales +++
rentes parties d'un élément du cours 83 (CE2) res-
EE
plantes mé-di-ci-nales+++
.tituant un savoir déjà connu des élèves (82 CE 1: la
M
alors les plantes mé-di-ci-nales sont des
citronnelle).
plantes qui guérissent les maladies +++
EE
les maladies ++
84 (CE2)
M.
est-ce que c'est clair? + donc en leçon de
M
le poisson _ où vit-il?
science aujourd'hui + nous allons étudier
E
le poisson vit dans l'eau +++
les plantes mé-di-ci-nales + que j'écris au
M
le poisson vit dans l'eau _ donc plus tard on
tableau ici +++ bien +alors vous allez écrire
va vous. l'apprendre que. le poisson est. un
les plantes mé-di-ci-nales au.tableau
animal aquatique parce qu'il vit dans l'eau
M
+ sur vos ardoises + je l'ai déjà écrit ici ++
_ nous allons nous intéresser à ces genres
vous alle~ écrire ici mé-di-ci-~ales + mé-
de poissons _ il y a beaucoup de poissons
di-ci-nales ++ on écrit vite mé-di-ci-nales
M
observez regardez 0
+++ mé-di-ci-nales ça prend quoià la fin°
<>
<>
M
trois parties 0 .
82 (CEl)
E
qui sont 0 la' tête + -le thorax
M
donc ici nous avons O·
M
c'est 0 c'est 0 Gomado 0 c'est 0
EE
tigbé+ tigbé
E
la tête + le thorax et l' abdomen +++
M
bien 0 vous êtes contents ?
M
c'estla tête' +
EE
oui + oui
M
c'est la 0
M
vo~s la pren~z ?
EE
queue 0+
EE
OUi
<>
M
bien 0 comment on l'appelle? comment on
M
donc ici on a plus d'abdomen 0 on n'a plus
l'appelle?
d'abdomen
mais on a 0 la tête le tronc et
l
,

la,o
E
tigbé
E
la citronnelle
EE
queue?
M
la citronnelle ++ acclamez-Ie+++
La poursuite du nouveau cours se fait également à
83 (CE2)
travers des questions- réponses
_ aujourd'hui nous· allons voir -'- +
simples 84 (CE2) et l'observation attentive par les
EE
le tilapia +++
élèves des éléments du cours. Ici, I~ maître tente de
M
un 0
montrer les différentes parties d;un poisson, de la
EE
un tilapia +++
tête jusqu'à la queue,. en invitant les élèves à les
M
un autre animal 0 le tilapia _le tilapia 0 est
citer.
un animal nuisible?
EE
non
(B5 CE2)
M
le tilapia c'est un 0
<>
M
on peut élever les poissons +++ on élève
EE
pOisson_
M
le tilapia 0 c'est un poisson +++
les poissons à la maison _l'élevage des pois-
M
alors que voyez-vous au tableau 0 qu'est-ce
sons s'appelle la +
que vous voyez au tableau 0+
E
la pêche.
EE
c'est un poisson +
<>
M
qu'est-ce que le maître a dessiné ?qu'est-
M
la pi-sei ++ cul ++ ture ++'
. ce que le maître a dessiné?
E
la pisciculture
M
toi 0
EE
un poisson +++
E
la pisciculture
M
oui 0 la pisciculture c'est 0'c'est 0
Après les questions-réponses de rappel (A), com-
mence le cours proprement dit. Le maître fait dé-
<>
couvrir et explique le sujet, soit par des questions-
252
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

_--'-_ _~
'-'-,....---.,.-
:--
--.,.-
--" Sciences sociales et humaines
La gestion et la conduite.du cours se passent par
M
, très bien, + applaudissez -Je encore +
des 'répétitions qui ont.pour but
EE
applaudissements '
d'introduire de nouveaux 'vocabulaires (B5CE2)
dont le maître tente d'en donner.le sens Exemple:
Chaque cours se termine par la copie au tableau du
« pis-ci-cul-ture».
'J
résumé après des répétitions visant à-amener les
élèves à trouver la forme jugée correcte par le maî-
(B6 CMI)
tre (B7 CM2).
M
citez un corps solide
Exemples de résumés
E
la bouteille c'estun corps solide +++
CE l ,les plantes médicinales +++
M ' à part la bouteille? on a quoi? '
Les plantes qui guérissent les maladies s'ap-
E
la règle est un corps solide +++ '
pellent les plantes médicinalesH-r Quelques plan-
<> ,
tes -médicinales ++, le neem + le quinquéliba + la
M
maintenant 0 l'eau qui coule_ c'est quel
citronnelle + papa tahé + le papayer, + le manguier
corps?
+++ Il faut bien connaître les ,plantes, pour pouvoir
E
liquide ++
bien les -utiliser ++: ceci sous le .contrôle d'un her-
M
liquide +++ qui peut citer un corps liquide"
boriste +++
.. ',' ,',
Améganshie".
,
CE2
Le- tilapia +++ '
M
un corps liquide_ Tigoué °
Le tilapia est un poisson +++ .ilvitdans l'eau +++
E
l'eau
.
+++
il a la forme allongée +++ il se déplace dans l'eau à
'
<>
l'aide
. ",
,
,
M
je donne un exemple + l'air est un corps
de ses nageoires +++ il respire par ses branchies+++
gazeux +++ donnez des exemples_
son corps est recouvert d'écailles +++ il se nourrit
E
la poussière
de
<>
vers et de déchets +++ il'se reproduit'par des œufs
M
le gaz _ si je dis les gaz comment vous
+++ la chair du poisson est nourrissante +++
l'écrivez? ,
son élevageest
..
E
G-A-Z (le mot est épelé).
facile et rentable +++ c'est la pisciculture +++
M -
toi °
E
G-A-Z-S·
CMI
Les états de la matière +++
M
les gaz ° oui °
La matière peut se présenter sous trois états
E
G-A-Z
différents +++ l'état solide ++ le caillou +
M
tous les mots terminés par " z" ne prennent
le bois+ le fer
pas "s " au pluriel +++ quel mot encore °
++' les corps solides ont ùne forme ~t un volume
E
le riz ++
propres +++ l'étatliquide ++ l'eau+ le miel + le
lait +++ les corps liquides n'ont pas de forme pro-
Au CM l, le maître essaie de faire comprendre la
pre mais ont un volume propre +++ l' état gazeux
notion des trois états dela matière
++ l'air+ l'azote + la fumée +++ les corps gazeux
par des 'exemples illustrant les différents corps: Il
n'ont pas de forme ni de volume +-+:+ Ils occupent
met l'accent sur les corrections grammaticales par
le volume qu'on leur offre +++
'
la rectification du nombres du nom (B6 CM 1 : G-
A-Z, ne prend pas «S» );
CM2
Les vases communicants +++ "
,La surface Iibre d'un liquide au repos est plane et
(B7 CM2)
horizontale +++ des vases sont cominunicants lors-
que l'eau peut couler librement.de I'unà l'autre+++
M
c'est froid +
Le' niveau reste le même +++ les principes ou les
E
répète +
applications des vases communicants sont ++ '
E
c'est froide +
;- l'alimentation des sources et des puits par
M
répète +
' .
les riappes:souterraines
E
- ,
c'est froid +
- le fonctionnement des jets d'eau, des si-
<>
phons
' J'
M
'c'est °
,.
"" ;'- la' distribution .de l'eau dans' les villes par
E
c'est frais +
le service d'eau
,.".
Revue du CAMES - Série B; vol. 006 NP1-2, 200,4
253

-------...:....-----"------'------'-------'----~---:...::.- Sciences sociales et humaines
A travers le déroulement des cours de scien-
du doigt un objet; une partie du croquis au tableau;
ces, nous percevons comment 'se
Exemples: M : C'est ° C'est .0 E: La tête + .le
distribuent les tours de parole entre les maîtres et
thorax 'et l/abdomen.bà : Qu'est-ce que le maître a
les élèves. Nous poùvons aussi analyser les diffé-
dessiné? Qu'est-ce que le maître a dessiné? EE:
rents éléments conceptuels et linguistiques qui y
Un poisson, ou restituent un savoir déjà connu (B2
sont déployés.
: CEl: la citronnelle).
Les résumés ci-dessus se présentent 'sous forme de
Tous les cours se terminent par des résumés consti-
« dialogues restituant les savoirs déclaratifs »
tués « de petits textes cohérents «
(Noyau, 2001). Ceux-ci, soit spécifient un élément
considérés par Noyau, (2001) comme des activités
de la flore (les plantes médicinales) connu des élè-
métalinguistiques et de production de phrases cor-
ves, de la faune (le tilapia) également familier aux
rectes élaborées par les maîtres avec ou sans le con-
élèves et son utilité" soit donnent les' premières no-
cours des élèves à travers des questions-réponses,
tions scientifiques. sur certains phénomènes de la
Les résumés sont mémorisés pour gagner des points.
vie pratique (élèves des CM l '-CM2) à 'travers des
questions réponses simples, des répétitions en in-
sistant beaucoup plus sur la correction de l' ortho-
3.2 Particularités des interactions. '
graphe «mé-di-ci-na-lesscue sur le fond de la le-
çon . Les élèves répondent aux questions simples
Nous nous intéressons aux pourcentages de la dis-
«Je cite unfruit à noyau: la mangue « ou, montrent
tribution de la parole dans les échanges en classe.
Tableau I. Distribution de la parole entre les maîtres et les élèves : CE 1- CM 2
1. '
Niveau
Sujets
Total
:
tours
de Pourcentages
parole
CEl
Maître
367
85,94 %
.. .Elèves
60
14,050/0
CE2
Maître
280
69,30/0
Elèves ,.
, 124
30690/0
,
CMI
Maître
138
67,64% '
Elèves
66
32,35 %
CM2
Maître,
376
75,04 %
"
'Elèves
125
24,95%
.
J . .
L'examen du tableau 1 montre une disproportion
moins il permet aux élèves de parler, et moins il
dans la distribution de la parole entre les maîtres et
parle, plus les élèves s'efforcent de parler: Cela se
les élèves depuis la.classe de CEl jusqu'au CM 2,
vérifie dans les pourcentages du tableau 2 (T2). Ce-
A ce sujet.on constate quedans les séquences Eloc4
.pendant, les pourcentages révèlent aussi que l'élève,
(élocution) .et ,EduSciViP6; les élèves sont des ac-
parfois plurilingue qui ne parle pas le français avant
tants «captifssd'un format' d'interactions et de ri-
.de commencer l'école, presque muet au CEl, peut
tuels de communication entièrement- gérés par.le
vite apprendre à communiquer si on le lui permet.
maître (Noyau, 2001). En effet, l' écart entre les
En effet, le pourcentage de prise de parole depuis
échanges est grand au CEl et au:CM2, classes où
la classe de CEl jusqu'au CM2 n'a pas cessé de
les maîtres donnent peu la parole aux élèves: 85,94
croître: de 14,05 % (CEl) à 24,95 % (CM2) et de
% et 75,04.% contre. 14,05 %.et 24,95 % au CEl et
30,69 % (CE2) à 32,35 % (CM1) où le taux est le
au CM2. Il diminue au CE2 et au CMI : 69,3 % et
plus élevé. Quelle est alors la nature des interac-
67,64 %"contre 30,69 %et'32,35. %.CeCÏ s'expli-
tions entre les maîtres et les élèves depuis le CE
que par le fait que, plus le maître garde la parole,
jusqu'au CM2 ?
254
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2, 2004

_ _ _ _ _ _ _--'-
--'-
----:....
Sciences sociales et humaines
3.3 Nature des interactions entre les maîtres et les élèves
Tableau II. Nature des interactions
,
Niveau
Sujets
Nature des procès
Prédications de non
Prédications
Procès ': métalingl
procès,
de procès
mêtapro
SN
Asp. Mod ,
CEl
Maître
367
69
64
98
, 136
18,8 %
17,13 %
26,7 %
37,05 %
Elèves
60
l
'
45
1
13
,1,66 %
,75 %
1,6 %
,21,66 %
1
CE2
Maître
280,
35
20
97
128
12,51 %
7,14 %
31,64 %
45,71 %
Elèves
124
3
87
1
33
2,41 %
70,16 %
1,8 %
26,6 %
CM!
Maître
138
8
47
33
50
5,79 %
34,05 %
23,91'%
36,23 %
Elèves
66
2
48
5
Il
3,03 %
72,72 %
7,57 %
16,66 %,
CM2
Maître
376
46
50
117
163
12,23 %
13,29 %
31,11%
43,35 %
Elèves
125
0
37
1
87
. '
0%
29,6 %
0,8 %
69,6 %
"
- les procès ou prédications de pro-
Légende
cès
métalinguistiques
~u
Dans la colonne (1) il yale niveau de classe.
,métaprocéduraux
' ,
Colonne (2) : les sujets (maîtres et élèves)
-Ies prédications de non procès (syn-
Colonne (3) : nature des procès (procès
tagmes nominaux (SN), aspect et
métaling 1métapro)
modalité).
Procès métaling / métapro = procès
- les prédications de procès (pro-
métalinguistiques ou métaprocéduraux.
priété, espèce, état, activité, action,
Colonne (4) : nature des prédications de non
causalité
procès (SN Asp. Mod) et leurs pourcentages.
et de processus).
SN = syntagme nominal (Exemples: cf3.1
A1 CE 1: Les fruits à noyau+ la mangue+ les
Les' pourcentages des procès métalinguistiques ou
vases communicants+ des jets + des puits +++
métaprocéduraux varient suivant Ies..
,
(cf3.1 A4 CM2) etc ).
maîtr~s et les élèves: [(18,8 % (CEl) ; 12,51 %
Asp. Mod = aspect et mode ( Exemples: cf
3.1 A3 CM 1 : M : Qui va me rappeler ce qu'il
(CE2); 5,79 % (C~I); 12,23 % (CM2)]. Ces pro-
faut faire 0+
cès relèvent soit des activités cognitives (s'as;eoir,
lire, parler, écrire au tableau, sur Ùs ardoises etc.)
E: il faut faire la compression de la na-
rine).
soitdes actions communicatives (citer; dire.remar-
quer, acclamer; applaudir, 'donner des exemples

Colonne (5) : prédications de procès et leurs
pourcentages.
etc ... ).Ils 'permettent aux maîtres d' organiser la vie
de leurs' classes en félicitant, en réprimandant, en
Le tableau 2 permet d'analyser là nature des échan-
ordonriant, er,t 'questionnant ( Exemples : Applau-
dissez, taisez-vousï et aux élèves
ges entre les maîtres et les élèves
d'obéir, d'exécu-
pour dégager les prédications de procès introduits
ter les ordres etde suivre (Exemples On a étudié,je
par les maîtres, repris et introduits par les élèves.
m'assieds, assis, chantons (CE2, CE2). Les pour-
De ce fait, on décèle dans le langage des maîtres et
centages très faibles de ces procès chez les élèves
des élèves ce qui suit:
illustrent la quasi absence de communication entre
Revue du CAMES
Série B, vol. 006 N°'1-2~ 2004
255

----:-_--:-----;-_ _---,-_ _----.:.----,_ _----;-----:_ _----,
Sciences sociales. et humaines
eux et les enseignants: [1,66 % (CEl) ;
°
2,41 % (CE2) ; 3,03 % (CMl) ;
% (CM2)] et
Les procès ou les prédications de procès sont cons-
surtout l'appauvrissement de leur langage. Ces pro-
titués de propositions renfermant au moins un verbe
cès ne touchent pas directement la matière ensei-.
ou l'équivalent fonctionnel d'un verbe (François,
gnée ; leurs 'pourcentages témoignent donc du de-
1990). Les pourcentages des procès ou des prédi-
gré d'attention des maîtres sur le sujet du jour. Ex-
cations de procès varient entre les maîtres et les
clus des procès introduits par les maîtres et repris
élèves; 'entre les maîtres eux-mêmes ensuite entre
par les élèves, ils pennettentd"avoir une idée exacte
les .élèves eux-mêmes d'une classe à une autre (cf.
des procès introduits par les maîtres et acquis par
Tab 2, colonne 5). Exemple: 37,05 % vs 21',66 %
les élèves.
(CEl) et 43;35 % vs 69,6 % (CM2). En général, les
pourcentages dés procès des maîtres sont plus éle-
Dan~ les 'p~édicationsde non procès, le. pourcen-
, vés que ceux des élèves dans chaque classe. Ce-
tage de l'utilisatiori des syntagmes nominaux (SN)
.pendant, on note 'une légère progression des procès
,
(
,
,
et celui des aspects et des modalités varient suivant
'des élèves entre la classe de CE 1 (21,66 % ) et celle
le maître et les 'élèves d'une cl~sse à une autre. De
de CM2 (69,6%) où ils s'avèrent être les plus éle-
la chi~se de CI;: 1 jusqu'au CE2, lepou~centage des "
. vés. Ce constat permet de dire que malgré la dis-
SN utilisés par les élèves est supérieur à celui 'des
tribution inégale de la parole entre les instituteurs
maîtres. "Ceconstat permet de caractériser· les ~é- ...
et les élèves, ceux-ci presque muets au CEl, parti-
pon~~~.,3;u,x questi~ns des élèves dépourvues de pro-
cipent de plus en plus à la vie de la' classe au fur et
cès verbaux.et l'enrichissement de la' Li par les
. à mesure qu'ils progressent et quand les maîtres le
sciences.d'observation de lexique nominal. Ce le~i­
leur permettent. Nous consolidons notre propos par
que reflète' les réalités qui touchent àla vie quoti- ,
les pourcentages des tours de parole de plus en plus
dienne ~e~ élèves (la flore, la faune) ou qui' don-
élevés entre les élèves de la classe de CE 1 (14,05
nent les premières notions scientifiques sur certains
%) et celle deCM2 24,95 %), en passant par ceux
phénomènes de la vie.
de la classe de CE2 ( 30,69 %) et du CMI (32,35
Exemples ;"
,\\,
%) (cf.Tabl). Mais quels types de procès renfer-
M: Un fruit à rlOya~(CEl)
ment les dialogues entre les maîtres' et les 'élèves?
E : La mangue, la noix de coco. l~ datte et le raisin
etc ....
M : De quoi se nourrit ie poisson?
E : Les crevettes (CE2) etc.
M : Un corps solide oui
E .i; sac, le caillou, le banc (CMl)
Pour ce qui concerne l'utilisation des aspects ou
des modalités, leur pourcentage est plus élevé chez
le maître quechez iés élèves au nive'au de .chaque
classe: [26,7 % vs 1,6 %(CEl); 3~, Il % ~s 0,8 %
(CM2) cf. T 2]. Ceci permet de .caractériser la lat:l-
gue utilisée par les maîtres dans leurs échanges avec
les élèves de langue ent~chée de « perméabilité à
d~s normes endogènes «(Noyau, 2(01). Ce sont
de's structureslinguistiques clàris lesquelles on ob-
serve une juxtaposition des verbes dont certains
ayant perduÎe statut de verbe premier jouent un rôle
d'auxiliaire ou de modalité soit des constructions
sérielles de, certaines .langues africaines' (Manessy
, '1
1985, Noyau à paraître, Afola 20(2).
'
Exemples : (CEl)'
: "
Ivl : Qui va me citer les fruits à noyau ?
hi :Je vais vous m~ntrer les!ruÙs à pépins
~iV! : Vous allez'essayer de malaxer.
~,56
Revue du CAMES - Série B, vot 006 N° 1:2,2004

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _--.:...-
::....:..~ Sciences sociales et humaines
.
. . ,
.
;
3.4 Nature des procès introduits par les maîtres et repris par les élèves CEl-CM'2·
Tableau III. Nature des procès
Oasse
Intéressés
Total
Propriété
Etat
Actiyité Action Causation
Processus
CEl
11aJ.rre
136
4
67
16
39
5
v;
5
2,940/0 49,26
11,760/0 28,67
3,670/0
3,67%
..
%
0/0
..
Elèves
13
1
8
3 '
0 ' ,
0
1
..
7,69% 61,53 '
23,070/0
00/0
00/0
7,69%
%
;
CE2
Maître
J28-
26
25
43
29
0
5
.
,
20,31 %
19,53 .
33,59
22,65
0%
3,9%
%
%
'%
Elèves
33
10
5
15
' 1
0
2
, .
30,30/0 15,15
45,45
·303
,
0%
6,06%
1
-s
,
..
'
,' ..
'
%
%
0/0
, '
CM1
rvfaître- .
50
10
17
3'
17,
,0"
3.
6%
,
,
20%
340/0
,6 % ,
34%
0% ' ,
;
Elèves
11
8
;
2
0',
0
0
1
72,720/0
18,18
"
,0%'
..
0%
0%'
9,09,%
%
"
CM2
Maitre
1{>3
8
58
15
57
16
9
"
..
,.4,90/0
35,5%
9,2%
~4,96 0/0
9,81 ~
5,52%
Elèves
87
0
67 '. . 2,.
12:, ,
2
4
00/0
77,01
2,29%
13,:19
2,290/0
4,58~
0/0
0/0
..

Les chiffres qui sont dans les colonnes = total destypes de procès avec leurs pourcentages,
Dans le tableau 3, les procès introduits par les maî-
,processu~. Ceux d'activité prédominent par rap-
tres et repris par les élèves sont des procès de pro-
, port aux autres précités. Les procès de causation
priété (propriété et espèce), d'état expérientiel, d' ac- ,
qui sont de a% au CEl et au CMI, de causation au
tivité, d'action, de causationpar endroits (CM2) et
CE2 appuient notre constat (cf. Tab 3). Les procès'
de processus.
. . '
de processus introduits rarement par les maîtres sont
En général, du CEl au CM2,les procès d'état et de
inégalement repris par les élèves mais avec des pour-
propriété sont plus développés par les élèves que'
centages faibles
par les maîtres. Exemple : les procès d'état d'élè-
La prédominance des procès d'état et de propriété
ves sont de 61,53 % au CEl et 77,01 % au CM2 vs
introduits par les maîtres et repris par les élèves té-
'ceux des maîtres qui sont de 49,26% au CEl et
moigne de la mise en pratique de la pédagogie et de
35,5 % au CM2. Les procès de propriété sont de
.la didactique en vigueur. Celles-ci consistent à nom-
'20,31 %au CE2 et de 20 % au CMI chez les maî-
mer, à caractériser les objets de la nature les ani-
.
,
'
tres par rapport à leurs procèsd'activité et d'action
. maux et les. phénomènes atmosphériques que les
:qui sont plus élevés par endroits: (les procès d'ac-
, maîtres citent, nommentet demandent aux élèves
•tivité sont de 33~59 % au ÇE2 ; ceux d'action 28,67 '. - de reprendre machinalement sans contextualisation
% auCfî l.et 34, 96 % au CM2).
,
et sans expérimentation. L'absence ou le taux très
.Chez les .élèves, les procès d'action .sont quasi
faible des procès d'action, 7t d'activité chez les élè-
, i,nexistànts ct.~ .même que ceux de_ causatio? et de . • , ves appuie notre constat. Voici quelques échantillons
deprocès...pour clarifier le tableau-S." ..
Revue du CAMES....:. SêrieB, vol. 006 N° 1-2,2004
257

----..,..---------;-----
-'--
Sciences sociales et humaines
Tableau IV. Echantillons d'exemples de procès des maîtres repris par les élèves.
Niveau
Nature
Prédications'
Etat'
Activité
Action
Caùsation
' Processus
CEJ
Maître
Les fleurs ont la
c'est la
on l'appelle papa
nous avons vu les
les feuilles
ça guérit la
couleur blanche
couleur
tahé
différentes parties
qui
démangeaisŒl,
rouge
d'une plante
guérissent
Elèves
le feuille a la'
c'est.la
' on utilise les
les plantes
. ,
- .
.,
coul~ur verte ' couleur 'café, ' médicaments
-
-
' médicinales
,
,-
. ,
, guérissent
,
.
,
CE2
Maître
la vipère est un
'J'IOUS avons
le poisson
on enlève les
les plantes
le poisson meurt
_.
animal nuisible
-,des' insectes
s'avance à J'aide
écailles,
qui
.
nuisibles
de ses nageoires
on voit les arêtes
guérissent
"
Elèves
la vipère est un .
l'abeille est
le:poisson
.rnoi j'ai déjà vu ça
-
-
,
animal nuisible
un insecte
s'avance à l'aide
,., .
nuisible
de ses nageoires
,.
CMJ
. Maître
J'air est un corps
nous avons 3 ,
' on laisse le
non tu as trouvé '
,
l'eau bout
, gazeux
corps.:
glaçon à l'air libre
. un corps solide
-
. "solide,
, liquide et
gaZeux
;
Elèves
c'est ün corps
l'eau est un
quand on
gazeux
"
corps liquide
-
-
-
"bouillit" l'eau.
CM2
Maître
la terre et la lune
elle a la
qui se
quand on fait
le glaçon
les objets qui se
sont en perpétuel
forme petite
communique
sortir la glace du
,disparaît.
commu- niquent
mouvement
,
congélateur
-
Elèves
Ja lune a la forme
ce sont des
on l'appelle la
quand on fait
là glace se
Jes Pots se
ronde
vases
fusion
sortir laglace du
dégl~ce
communiquent
,
congélateur

.Les exemples du T4 explicitent ce qui est dit dans le T3
3.5 Procès acquis par les élèves et exemples
Les procès acquis sont des procès qui ne figurent pas dans la question du maître mais quisont utilisés par les
élèves dans les réponses aux 'questions. Ce sont des procès autonomes acquis soit dans les leçons précéden-
tes des sciences d'observation, soit d~s d'autres matières. Le tableau 5 illustre ces procès.
Tableau V. Procès acquis par les élèves. .
Niveau
P r o c è s r e p ris
Procès
M a l tr e s (Elem pies),
E lèves (E lem pies)
a c q li is
CEl
13
4
r .
qu'est-ce que vous faites
5.
on
utilise
des
100 %
30,76 %
pour calm er les m aux de tète?
feu illes (activité)
. ,6.
on achète para
(action)
.,
..2.
comment
on
appelle
le s
feuilles
qu i
7.
je connais
ça / je
"guérissent?
"
n e. co'n n a i s pas
..
3.
on vous prépare la tisane?
(état e x p r i e n t i e l )
é
.
8,
l es
plantes
4.
'que fon,t les pla?tes médicinales?
médicinales
,
guérissent
1c a u s a t i o n )
C E2
33
4
9.
que fait le poisson avec ses nageoires?
12.
le .
p o i ss o n
100 %
:,12,12 %
e ,
s'avance
à
l'aide
10.
quand
m am an
va
acheter \\e
poisson
de ses nageoires
comment on l ejn ange .?
(activité)
Il . . comment VOliS con som m ez le poisson
,\\ 3.
on
en lè ve
1e s
?
' écailles
(action)
14.
il meurt
(processus)
15.
on
le
fa il
frire
..
avec de J'huile
(action)
CMI
II
1
16.
quand on laisse le glaçon à l'air libre il
17,
quand on"bouillit"
100 %
9.09
fond.
l'eau (processus)
%
{J'é Iè v e a parlé ainsi)
.
,
. ,
"
CM2
87
4
18.
des vases corn m unieants qu'est-ce que
21,
Des
poIs
qu i
se
100 %
4,590/.
ça veut dire?
.'
corn m uniquent
(processus)
19,
est-ce que "a lune marche?
22: ete s t la terre qu i
tou r n e autour de la
lune (processus)
, zo.. quand on fa it sort ir la g la ce du
23.
le glaçon disparaît
.
congélateur,
qu'est-ce
que
vous
(causaiion)
remarquez?
24.
elle se déglace
(c a u s at io n )
' .
..
..
-,
Revue du CAMES - Série B, vol. O~6 N° 1-2,2004
258

A partir dés procès i~troduits par l~s m'aîtres (1'S)
et repris par les élèves; on constate que' depuis la'
classe de CEl jusqu'au CM2, l'appropriation des
procès par les élèvessé fait lentement. En effet, les
élèves ont acquis très peu de procès par rapport à
ceux introduits par les maîtres CT3).,Si nous ex-
cluons dugroupe les procès de base (Viberg, 1993)
constitués des verbes d'état et de propriété (verbes, '
être et avoir).
A travers lespourcentages 'du (TS) : 30,76 % au
CEl; 12,12 % au CE2 ; 9,09 % CM,l et 4,S9 % au,
CM2, on observe Unebaisse sensible.decette forme
d'acquisition qui devrait plutôt croître si l'on con-
vient que les élèves de la.classe de CM2 sont ex-
posés àla L2 depuis quelques années.
"
Les types de procès varient du CE 1 au CM2 entre
ceux d'activité, de processus, decausation et très
peu de procès d'action parendroits et ceux d'état
expérientiel (ct TS' cs 1). Les 'exemples dans le TS
renseignent sur la nature des procès acquis.Ils con-
firment la remarque faite suite à.l' étude du T2 au
sujet de la prédominance des syntagmes nominaux
sur le lexique verbal de désignation des procès.
Les sciences d"observation' enrichlssent beau-
Au plan didactique (TS), les questions sont femiées,'
coup plus la 'L2 d~; i~x'iquenominal sous formes
et donnent des réponses par oui Inon; ce qui ne né- ,
de'syntagmes n~min~~x'(SN,cf. T2) que delexi-
cessite pas heaucoup dé réflexions de 'la part des
que verbal. De ce fait, ell~s ne permettent orun
élèves mais les amènent à mémoriser en vue de réus-
grand développement ni une acquisition rapide
sir aux examens.
et une maîtrisedu lexique verbal'de procès.
"
Dans ces conditions comment les élèves togolais
3. 6 Structu'~e linguistique des procès " "
, 'acquièrent-ils la L2 qui leur permet de faire le reste
.des études? Nous débattrons de ces problèmes dans
Au plan linguistique, les 'prédications de procès in-
nos recherches ultérieures.
'
troduits par les maîtres, repris et acquis 'p~ les élè-
ves sont constituées' e~ majorité de procès de repré-
sentations d'état et de propriété aussi bien chez les
maîtres que chez les élèves '(cf T3 pour les pour-
centages). Celles-ci décrivent la constance immua-
ble des entités et des objets et celle d'état et d'état
j '
,
expérientiel qui' consistent à citer les objets fami- '
;
1
liers ~Ux 'élèves ou à leurpermettre d'exprimer leur
sentimeni. Cependant on trouvé de rares cas de pré-
dications d'action, d'activité, de processus et de
causation aussi bien chez les maîtres que"chez les
élèves.
.'
>
Au niveaumorphologique, les procès 'repris ou
acquis.par les 'élève~ s~rit exprimés a~ présent (cf.
TS : on achète, j"e:connais, le poisson s 'avance, on
,.:' .
Revue du, CAMES .: Série B; vol. 006 N° 1~2;2004
259
"

.:..-.;.;....:..:....-..:....-_...:.:-_.:.:....:....---:.....:..------:..._ _.:......::.:.:....:....----.:._---:_....:...-......:....---:....:.:..._----:_......:...._ Sciences sociales et humaines
.!abl:ea~VI. Ré~um'é'de},.enseig":e~~nt des sci~n~es. d;o~s~ryation au Togo..>!' ., •
.. ,
. 'Niveau
.,
Intéressés
Total
de Procès
des. Procès repris
Procès .acquis
...
.' , .' .
..
,
tours
de maîtres
"
"
,
parole
..
'.
r .'
" i
"
CEl'
.'Maître
367'
136
"
..
'.
····85,940/0
' 37,050/0
.Elèves
60
13
4
.'
"1405
, .... %
. .
,.
21,66 %
30,76 %
CE2
Maître
280
128
..
.'
r
" .. ,
;69,30/0
45;71 %
' "
'.
"
. ,
'.
Elèves "i,
.·124 ..
l '
"'33
1
4
..
' '
. ,.
1
.. 30,690/0
\\'
"
26,5%
",
'12,'12'%
, ,.
CMl,
Maître
138
'50
'
<.
,. .
..
.'
',67,64%
.36,23,%
'.
'.
'
.Elèves
66
. , .'
:11
.1
"
"
..
,'.
..
..
..
.32,35:%
'16,66.%
9,090/0'
"CM2.,
..
·'Maître
376
...
'. ','
163
"
"
;
, .
:
' .',.
..
r ,
..
"
1
.,-15,04%
43350/0'
,
,
1
.r.
"
.
" .
,1

,
Elèves
1
125
.
. .
'
87
4
.'
:
,
"
24,'95%
.
4,59 0
,
69,,6 %
, ;'
/ 0
'.
CONCLUSION
· nombre trè~ faibleIcf T5 : colonne des élèves)
. ' .
· par rapport au nombre total des procès repris (très
. L'enseignement des ~dences: d'bbservatio~ ~e c~­
faibleégalement par rapport '~ux SN) à partir de
ractérise parune distribution inégale des tours (ie
ceux introduits par les.maîtres. '"
.
" .
1
. ' . :

' ! ' .
. . . .
~
,
.. 1
v
1 \\

.parole fi trav~rs' des questions-réponses simples
n'exigeant pas beaucoup de réflexio~s des élè~es.
.Ii èonvie~t alors' de sot.iÜgne~ que la conception
Les maîtres introduisent le nouveau cours après un
de la leçon d'EduSciViP est une conception de
bref-rappel du cours précédent. Celui-ci se termine
description et non dobservation et d'action
par de petits textes composés d' énoncés déclaratifs
comme le programme leprévoit à partir 'des clas-
que les élèves mémorisent pour lesexamens, Con-
, ses deCM «expérimentons-:observons-concluons».
formément à la pédagogie et à la didactique en vi-
.. Les leçons visentà décrire le~ corps, les objets et
.,rion
gueur qui demandent que la L2, seule langue offi-
les procédures-. Les élèvesnesont pas ame-
cielle et d'enseignement au Togo, soit bien pronon-
. nés à construire des phrases entières contenant les
cée, bien parlée et bien écrite, les maîtres accordent
divers procès.illustrant le.dire dé faire ou d'agir.
une attention particulière à l'orthographe, au voca-
· pans leurs réponses, toutparaît plus statique que
. bulaire, à la prononciation du lexique nominal au
dynamiqu'é'étant do~é qu'ils sont plus conviés à

1
. '
j '
,
.
, .
-
,
t
'J
, t
-
détriment de la visée communicative qui permet de
· répéter, à. écrire, àciter, à énumérer, à corriger' qu'à
faire des phrases complètes sur des sujets concrets.
'faireet àexécuter, Lapédagogie paraîtplus re-
Les résultats du T6 (dernière colonne) montrent que
· p~odll(;tricequ' agissante ; elle tend plus à appren-
le lexique verbal des procès très peu acquis par rap-
dre' à'parler des choses plutôt qu'à àgi{sur elles
o~ à'
port aux syntagmes nominaux (cf. T2 pourcentage
se servir' d' elles pour agir..". " r
' ,
l '
..
1


,
l
, .
,
Ir
des SN) se développe lentement chez les élèves.
En effet, outre les verbes de base (être et avoir) de
Ces constats nous portent vers la problématique
Viberg (1993), les procès ou les prédications de pro-
de questionnement, d'évaluation et de leur appli-
cès d'action ne sont presque pas acquis par tous les
-:' cation par' les enseignants, S~it UIl ensemble de
élèves. Ceux qui sont acquis par les élèves sont en
: ,·méth~des pédàgogiques etdidactiques qui pèsent
• .
' .
1. l
-
' .
, .
. " " .
260
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2, '2004

_.:....-
Sciences sociales et humaines
sur l'enseignement au niveau de l'organisation des
- la révision des méthodes, des pro-
programmes vastes à contenus précaires, des exa-
grammes, et des contenus d'enseignement.
mens et des modalités d'évaluation qu'il faudrait
- la révision de la problématique de
revoir. A cet effet, voici nos suggestions.
questionnement et d'évaluation.
IV. SUGGESTIONS
Cette évaluation doit viser les compétences tradui-
tes en un savoir faire, un savoir agir et réagir. Par
L'éducation au Togo dans son ensemble ,a besoin
ailleurs, l'EduSciViP devrait permettre à l'enfant
de réforme dans laquelle le contenu de chaque rna-
d'observer, de découvrir, de comprendre son mi-
tière, en générale, et des sciences d'observation en
lieu pour traduire très tôt en actions les savoirs re-
particulier serait revu dans le but d'optimiser les
çus et améliorer ainsi ses connaissances antérieu-
résultats traduisibles en action. Pour y arriver il fau-
res.
drait déterminer :
- les critères généraux et spécifiques propres à cha-
Concrètement, les leçons d'EdûSciViP- devraient
que matières.
_
aider les élèves à développer leurs capacités après
- les objectifs précis selon les critèresfixés.
l'école de base et leur offrir des opportunités qui
- les moyens et mesures simples à prendre pour at-
les prépareraient à se prendre en charge.. L'élève
teindre ces objectifs.
pourrait, par exemple, faire de l'élevage ou de la
pisciculture parce que cela lui a été déjà enseigné à
Dans ces objectifs, il faudrait surtout viser à attein-
l'école. II pourrait aussi cultiver un jardin de légu-
dre des compétences qui se traduiront par l'acqui-
mes ou de fleurs dont les produits seraient reven-
sition des connaissances concrètes procurant. aux
dus.
élèves:
- un savoir faire et un savoir. procéder à.
L'enseignement des sciences d'observation devrait
- un savoir dire et un savoir réagir.
allier la théorie à la pratique. Pour cela des inves-
- un savoir être et un savoir s'adapter et adap-
tissements sont nécessaires pour mettre à la dispo-
ter à etc.
sition des écoles:
A cet effet, conformément aux résultats de ce tra-
- les laboratoires et les matériels in-
vail nous proposons:
dispensables pour les expériences
'- la gestion plus équitable des inte-
(expliquer concrètement, par exemple, le phéno-
ractions entre les maîtres et les élè-
mène des vases communicants).'
ves par une
- un bassin de pisciculture afin de
répartition plus 'équitable de prise de parole entre
montrer concrètement aux élèves
eux.
comment
- l'autonomisation del'élève à par-
se pratique l'élevage des poissons (les carpes par
tir des contenus de cours plus concrets qui lui per-
exemple).
mettront de regarder, d'expérimenter de conclure
- une basse-cour où les élèves fe-
et d'agir surtout.
raient l'élevage de la volaille.
- la recherche de l'autogestion des
- un lopin de terre pour la culture de légumes, d'ar-
classes par les élèves qui conduirait à une évalua-
bres fruitiers, de plantes médicinales etc ...
tion plus objective des travaux qu'il,s auraient ef-
fectués.
NB. : Une monographie sur ce même sujet explici-
- la décentralisation du rôle de l'en-
tant les suggestions est écrite mais encore inédite.
seignant en classe, par la gestion des
interactions
CONCLUSION GENERALE
des apprenants en petits groupes.
- le recyclage de tout le personnel
L'analyse des séquences de classes consacrées à
.enseignant et administratif de l' édu-
l'enseignement des sciences d'observation ou
cation.
EduSciVip a révélé que cette matière enrichit len-
- l'instauration d'une politique du
tement ou très peu le français, langue seconde (L2)
livre par la vulgarisation des biblio-
de verbes dénotant les procès (action, activité,
thèques..
causation, etc.) répondant aux objectifs fixés.
Revue du CAMES - SérieB, vol. 006 N° 1-2,2004
261

- - - - - - - - - - - - - - - - -
Sciences sociales et humaines
6. M, GILY (2001). « Interagir entre pairs et cons-
Le but de cette discipline étant de donner une no-
tructions cognitives: modèles ~xplicatifs» dans
tion scientifique élémentaire aux élèves et de les
Perret-Clermont, A.N Nicolet, M. Interagir et con-
initier à la vie pratique, il serait souhaitable que les
naître. Enjeux et régulations sociales dans le déve-
programmes soient revus et réadaptés aux besoins
loppement cognitif. L 'Harmattan, Paris.
des élèves, c'est-à-dire leur permettre d'observer,
de parler plus et de tirer des conclusions pratiques
7. R., GHIGLIONE. & F, RICHARD. (1994). Cours
et utiles à partir des cours dans le but de pouvoir
de psychologie. CHAMPS & THEORIES, Dunod.
agir, s'adapter et adapter les savoirs au vécu. Pour
cela, tous les intervenants dans le processus de
8. W, KLEIN. (1989). L'acquisition de langue étran-
l'éducation des enfants devraient bénéficier de re-
gère. Paris. Armand Colin.
cyclage et de formation pédagogiques et didacti-
ques périodiques. C'est quand cette matière allie-
9. A. M, KOIVUKARI. (1987). "Question level and
rait la pratique à la théorie pour permettre aux élè-
cognitive processing : psycholinguistic dimensions
ves de communiquer et d'agir à partir des acquis de
of
questions
and
answers
Applied
la classe et des connaissances antérieures, qu'elle
psycholinguistics 8, pp. 101-1 20.
commencerait à enrichir la L2 des élèves de procès
variés. C'est également à ce moment-là que la L2
10. MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE
servirait d'apport aux élèves pour mieux décrire les
(1975/ Programme de l'enseignement du premier
expériences vécues.
degré. Lomé, Togo.
lI. D., LEGROS & S, COSQUERIC (1995). "Le
BIBLIOGRAPHIE
rôle des représentations sur la compréhension et
la production des textes de procédure
''. Actes du
1. U, AFOLA-AMEY (2002). La temporalité et les
Colloque International de Paris X-Nanterre,
structures événementielles en ikposso à partir de
organisé avec le soutien du Conseil Régional d'Ile-
récits oraux. Thèse de Doctorat Nouveau Régime.
de-France, de l'Institut Universitaire de Formation
Université de Paris X-Nanterre! Université de
des Maîtres de Versailles et du Rectorat de Versailles
Lomé, janvier 2002, inédit:
19, 20, 21 décembre 1994. LINX numéro spécial.
2. J-P, BRONCKART (1996). Activité langagière,
12. C, NOYAU (2001). «Le français de référence
textes et discours. Pour un interactionisme socio-
dans l'enseignement dufrançais et enfrançais au
discursif. Lausanne: Delacheux et Niestlé.
Togo« in: M Francart, G. Geron & R: Wilmet
(dir.) 2000-200/. Le français de référence. Cons-
3. G., DENHIERE., & s.. BAUDET (1992).
tructions et appropriations d'un concept. Actes du
Lecture, compréhension de texte et science
Ccolloque de Louvain-la Neuve (3-5 novembre
cognitive. Paris, PUF
1999) Vol II : Cahiers de l'Institut de Linguistique
de Louvain,
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4. J, FRANCOIS, & C, DENHIERE. (1990). «
Classification des représentations conceptuelles et
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linguistiques de procès: un domaine de collabora-
l'écrit dans la construction de connaissances via
tion privilégié entre psychologues et linguistes «
le français langue seconde à l'école «, Symposium
Langages 100, Cognition et Langage.
International. Textes en contexte: langue et écrit
face à l'oralité africaine, Zurich, Octobre 2001.

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des médiations langagières en situation dyadique

14. C, NOYAU, & M., QUARSH1E.(2003). «
de résumé de récit. «dans Gilly, M Roux, J. P & A.
L'école et la classe comme environnement écologi-
Trognon (éds)Apprendre dans l'interaction. Presses
que d'acquisition dufrançais en Afrique de l'Ouest
Universitaires de Nancy. Publication de l'Université
«. Colloque international « Français langue ma-
de Provence.
ternelle / étrangère / première / seconde / vers un
nouveau partage? «, Université de Liège.
262
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et-humaines
15. Ake, V/BERG. (1993).
«Cross-linguistic
perspectives on lexical organization and lexical
progression». ln K. Hyltenstam & A. Viberg (Eds.)
Progression and regression in language.
Sociocultura1, neuropsychological and linguistic
perspectives. Cambridge University Press.
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
263