_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _-'--
Sciences sociales et humaines
Du Monde 'entier ou les grands Elans
créateurs du' lyrismecendrarsien
,
,
Djah Célestin DADIE
Université de Bouaké - Côte d'Ivoire
Résumé
Ecrivain de la modernité, Blaise Cendrars, a légué à la postérité une œuvre poétique à plus d'un titre
savoureuse aussi bien par son contenu que par le mode d'exposition des vers dont il est souvent seul à
savoir le secret.
Dans le recueil inaugural Du monde entier, Blaise Cendrars jette les bases de son esthétique, une écriture
toute dominée par l'omniprésence de l'auteur sous la forme de personnage principal de son propre récit. Le
discours à la première personne prend alors les traits d'un lyrisme poignant témoignage de l'émotion de
l'homme devant le spectacle du monde moderne.
1
A travers les trois poèmes constitutifs du recueil que sont « Les Pâques à New York », « La Prose du
Transsibérien et de la petite Jeanne de France» et « Le Panama ou les aventures de mes sept oncles », le
poète semble définitivement disqualifier le vers comme seul véhiculaire de la substance poétique en repla-
çant la prose au cœur du débat poétique.
INTRODUCTION
vers. Il est ensuite une célébration de la modernité
,sous touts ses angles et dans ce qu'elle a de plus
Ecrivain, essayiste, peintre, cinéaste et voyageur,
agressif et de plus révolutionnaire. Ainsi, dans « Les
voilà autant de facettes multiples qui se dégagent
Pâques à New York» l'homme est-il confronté à la
d'un premier contact avec Cendrars à travers sa bio-
plus grave contradiction avec, d'une part, l'attrait
graphie et son autobiographie. Une fréquentation
et la répulsion de l'espace urbain, d'autre part, cette
assidue de son univers littéraire ne manque pas en-
contradiction entre les signes extérieures de l' opu-
suite de faire surgir, avec beaucoup plus de clarté,
lence suggérée par la ville, symbole de la réussite
l'image du poète, une dimension de l'artiste qui
du capitalisme occidental et la misère qui court les
transcende tous les autres aspects de la vie de
rues.
l'homme. Il n'est donc guère surprenant de voir le
lyrisme traverser, de part en part et avec une identi-
Dans « La Prose du Transsibérien et de la petite
que ardeur, toute son écriture dans une sorte d'os-
Jeanne de France» tout comme d'ailleurs dans « Le
mose entre la poésie et la prose.
Panama ou les aventures de mes sept oncles », si
cette même séduction semble se perpétuer, l'un des
Michèle Touret' ne croyait pas si bien dire en sou-
centres d'intérêt capital demeure la glorification du
tenant qu'aucune œuvre de Cendrars ne peut être
moteur à explosion avec ses conséquences en ter-
étudiée isolement sans courir le risque de laisser
mes de progrès et de victoire de l'homme sur la
s'échapper une part importante de la substance de
résistance du temps et de l'espace' mais également
son contenu. C'est à une pareille aventure de dé-
la modernité sous son angle agressif qui s'est par-
gustation de joyaux sonores que nous convions le
fois et aussi malheureusement traduit par la multi-
lecteur des présentes lignes.
plication des armes et les conflits armés.
Œuvre majeure dans l'activité artistique de Cen-
Dans cette aventure du verbe, de l'espace typogra-
drars, Du monde entier"' se veut d'abord une fasci-
phique et de l'espace géographique, l'écrivain, à
nation de l'homme par le spectacle féerique de l'uni-
travers un discours à la première personne du sin-
Revue du CAMES - Sêrie B, vol. OQ6N° 1-2,2004 '
199
. ,";:j "";

_ _ _ _-'--
Sciences sociales et humaines
gulier, exerce le poids de sa présence sur· les fonc-
semblent à la fois surgir du subconscient ou du
tions du langage et les figures de style qui y foison- .
« Moi» du créateur pour ainsi traduire son émer-
nent. On notera d'ailleurs quemême si la plupart .
veillement ou ses interrogationsface à ce vaste uni-
des fonctions de la communication s'y enchevêtrent,
vers au panorama enchanteur, .
seules les occurrences les plus pertinentes sur ce
plan du discours retiendront notre attention. Il s'agit
Mille fois exploités, ces' trois poèmes inauguraux
notamment des fonction de la communication rat-
n'ont jamais fini de livrer leurs mystères dans leur
tachées aux pronoms de la première et de la
entièreté. C'est donc à une source intarissable que
deuxième personne. Mais, à ce niveau encore, il
nous convions l'amateur d'aventures cendrarsiennes
faudra se. rendre à l'évidence que pour des textes
au double plan intellectuel et matériel. Mais avant
dominés par cette volonté farouche de faire le récit
toute chose, il convient d'indiquer les différentes
de ses propres aventures, on pourrait restreindre le
étapes de la présente analyse .
. champ d'investigation àla seule fonction expres-
sive sans nuire à l'intérêt de la présente étude.
Dans une première phase, il s'agira de présenter la
corpus au triple plan des sources d'inspiration, de
Pour ce qui est de la densité en connotations du
la structure matérielle et de la période de composi-
discours, il nous paraît utile d'affirmer d'abord que
tion. Nousfocaliserons ensuite notre attention sur
cela répond au choix du genre littéraire. En effet ce
le' procédé grammatical par lequel le poète ravit le
genre accorde toujours une prééminence aux figu-
rôle principal ft son personnage pour s'imposer
res de style pour se rendre à la fois dense en
comme image obsédante et lyrique.
signifiance mais plus encore pour se distinguer du
discours ordinaire. Michael Riffaterre ne croyait pas
.J. BREVE INCURSION BIOGRAPHIQUE2
si bien dire en affirmant que:
« La poésie est langage mais elle est productrice
Comme n~>us l'avons souligné dans le paragraphe
d'effet qu'en principe le langage de tous les jours
précédent, il n'est pas question de revenir sur la bio-
ne produit pas; on peut poser raisonnablement que
graphie de Cendrars, mais plutôt d'en rappeler quel-
l'analyse linguistique d'un poème devrait révéler
ques étapes essentielles à la compréhension de la
des traits spécifiques.et qu'il y a un lien de cause à
présente étude.
effet entre la présence de ces traits dans le texte et
notre sentiment empirique de nous trouver devant
Sausser Frédéric Louis, celui qui adoptera plus tard
un poème. »1
le pseudonyme Blaise Cendrars; naît donc à La
Chaux-de-Fonds, en Suisse, le 1er septembre, 1887
Cette analyse du discours poétique de Cendrars vise
d'un père et d'une mère d'origine helvétique.
à interroger les structures linguistiques et les figu-
res de style comme autant de combinaisons d'où
. Le métier de négociant de son père conduisant sou-
doivent être tirer les conséquences sémantiques.
vent ia famille à des déplacements, bien qu'encore
Nous pensons d'ailleurs que ces trois poèmes au
inconscient, l'enfant est très' tôt soumis auxvoya-
centre du débat sont stirdétenninésen ce sens qu'ils
ges. De cet héritage, il entretiendra le goût de l' aven-
ture dont toute son œuvre est si délicieusement tra-
versée.
, Très active dans le domaine des recherches sur Cendrars et son œuvre,
Madame Michèle Touret a soutenu une Thèse de Doctorat d'Etat portant sur
De l'âge de sept arts à l'âge de neuf ans, ses parents
le sujet: « Les romans de Blaise Cendrars et leurs rapports à l'histoire
'dans les années 1920-1930 », travail soutenu en 1985, à Paris Ill, Univer-
l'amènent donc à Naples, à Paris, à Marseille et en
sité de la Sorbonne Nouvelle.
.
Egypte. Quant à la scolarité, elle se déroule respec-
2 Blaise Cendr~, Du monde entier au cœur du monde, Paris, éd. Denoël,
1987
tivement en Allemagne et à Bâle en Suisse. On peut
3 La théorie du « Simultanéisme» développée par Robert et Sonia Delau-
alors affirmer qu'à vingt ans, le jeune Sauser Fré-
nay dans les années 1910 et dont la phase pratique se traduit par un aboutis-
sement heureux donnant le jour au tableau-poème « La Prose du Transsibé-
déric' Louis peut déjà se flatter de posséder uri car-
rien et de la petite Jeanne de France », fruit d'une collaboration entre Sonia
net de voyages riche et bien rempli. Au nombre des
Delaunavet Blaise Cendrars. Cherchant à célébrer la victoire de l'homme
sur la résistance du temps et de l'espace, le poète veut le traduire, de ma-
régions visitées jusqu'à cette première période fi-
nière esthétique, par la convergence entre le picturale et le typographique
gurent l'Egypte, la Russie, la Sibérie, la Chine et
dans un seul plan. L'image qui en découle est alors celle d'être ici et ailleurs
au même moment, métaphore de la superposition des temps du récit dé l'aven-
l'Allemagne.
ture.
200
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

_ _ _ _ _ _- '
Sciences sociales et humaines
Lorsque l'adolescent part pour Varsovie, Libau et
naître les premiers écrits. La France reconnaissante
traverse l'Océan Atlantique pour gagner New York
le citera à l'Ordre de l'armée et lui accordera la
en 1912, il est un être endurci par les pérégrina-
nationalité.
tions. Son passé est déjà chargé d'histoires de voya-
« Le 27 novembre, le caporal Sauser Frédéric Louis
ges. Il reviendra New York illuminé par l'inspira-
est cité à l'Ordre de l'armée.
tion poétique dont le premier fruit savoureux est
(... ) le 18 décembre, il reçoit ses décorations (... )
«Les Pâques à New York ».
Enfin quelques mois plus tard, par décret publié au
De retour de New York, le jeune homme s'installe
Journal officiel du 16 février 1916, Frédéric Louis
à Paris et commence bientôt à fréquenter les salons
Sauser dit Blaise Cendrars acquiert la nationalité
littéraires et à collaborer avec les peintres. C'est
française. »2
durant cette époque qu'à la déclaration de la pre-
mière guerre mondiale (1914-1918), Cendrars choi-
Plus pour l'acquisition de la nationalité française à
sit l'option de défendre la France en se faisant en-
laquelle accède le combattant en guise de juste ré-
rôler comme volontaire dans la Légion Etrangère.
compense pour la blessure, c'est le courage même
Miriam Cendrars dans la biographie consacrée à son
de l'écrivain pour surmonter son handicap qui fas-
père restitue l'épisode en ces termes:
cine et qui nous interpelle à plus d'un titre.
« Le 2,août, l'Allemagne déclare la guerre à la
France.
En effet, Cendrars a bien pu vaincre son handicap
Le 3 août, Blaise Cendrars et Ricciotto Canudo sont
en puiser en lui les forces de cette réhabilitation
dans la longue file des étrangers venus signer leur
dont sont seuls capables les êtres exceptionnels.
engagement de principe au bureau de fortune ins-
Avec une suite d' œuvres plus abondantes que cel-
tallé à la pointe de la rue Laffitte et du boulevard
les qui précèdent l'amputation, on ne peut que re-
Haussmann avec une table de bistrot et une chaise.
connaître du génie en cet homme, auteur des trois
Le 3 septembre, ils signeront leur engagement dé-
textes réunis dans le recueil Du monde entier, tex-
,finitif.
tes dont la présentation va suivre.
88000 étrangers se sont portés volontaires, durant
II. L'EXPRESSION DU LYRISME DANS DU
la guerre de 14, pour défendre la France. »1
MONDE ENTIER
Ces propos sont de Miriam Cendrars, une des
meilleurs biographes de l'écrivain. On peut sim-
Chez Blaise Cendrars et surtout au niveau de ses
plement les compléter en ajoutant qu'avant son dé-
trois textes soumis à la présente analyse, il ne se
part pour le front, Blaise Cendrars a déjà savouré
fait aucun doute sur la volonté de l'écrivain de té-
les délices de l'écriture et fréquenté des grands ar-
moigner par le vers son aventure personnelle. Pour
tistes de l'époque, entre autres Remy de Gourmont,
le faire, il se sert d'une technique propre à la proso-
Robert et Sonia Delaunay, Guillaume Apollinaire,
die et qui est souvent le signe de la présence du
pour ne citer que ceux-là. Par ailleurs, la composi-
sentiment personne), ce qui confère au texte une
tion des trois poèmes constitutifs du recueil soumis
tonalité lyrique. Ces indices abondent dans les tex-
à cette analyse est déjà achevée.
tes sous une forme régulière de verbes d'action ou
de verbes d'opinion, d'adjectifs qualificatifs, de si-
Mais cette main heureuse, la main avec laquelle le
gnes de ponctuation, de pronoms personnels de la
poète inaugura triomphalement le chemin de l'écri-
première et de la deuxième personne, de figures de
ture, lui sera violemment etde façon triste arrachée
style, etc.
par un obus le 28 septembre 1915 lors de l'attaque
de la ferme Navarin. Cendrars ne se résignera ce-
Pour en venir au lyrisme, disons que ce concept a
pendant pas à la fatalité. C'est ce qui explique qu'il
traità l'instrument appelé « lyre ». Le mot lui-même
ait pu poursuivre avec la seule main gauche valide
dérive du latin « lyra » emprunté au grec « lura » et
son œuvre avec autant d'ardeur que celle qui vit
renvoyant à un 'instrument de musique à cordes pin-
cées en usage dans l'antiquité. Le substantifdécoule
1 Michael Riffaterre, Essais de STylistique structurale, Paris, éd, Flamma-
ainsi de l'émotion suscitéè par cet instrument.
rion, 1971, p. 307
2 La biographie étant assez connue, il nous est apparu nécessaire d'en faire
un survol rapide ne serait-ce que pour en rappeler juste quelques aspects.
Dans la mythologie grecque en .effèt, l'histoire de
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
201

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _----.,.
Sciences sociales et humaines
cet instrument se rattache à celle du poète-musi-
cien Orphée dont la légende raconte qu'il était ca-
2.] La charge lyrique du IPIl"OBnom de la première
pable, par l'harmonie de sa poésie et de ses chants,
personne
de charmer les bêtes et les divinités du royaume
d'Hadès;
Installé au cœur du monde et de la modernité, Cen-
drars a donné le jour à un discours à nul autre pa-
Tout en conservant sa valeur originelle et malgré
reil. C'est un auteur qui appréciè la parole en tant
son évolution diachronique, le lyrisme s'est cepen-
qu'acte de communication. Il insiste d'ailleurs sur
dant adapté à l'air du temps. Ondira ainsi qu'il ya
sa propre inclination au langage à l'état brut en ces
lyrisme lorsque le cœur d'un individu s'épanche,
termes:
lorsque la sensibilité profonde s'exprime à travers
l'écriture comme c'est le cas dans cette trilogie de
« Le langage est une chose qui m'a
textes. En tout état de cause, le lyrisme dont il sera
séduit. Le langage est une chose qui
ici questionest donc ce langage par lequellepoète
m'a perverti. Le langage est une
exprime le bouleversement de la sensibilité et pro-
chose qui m 'aformé. Le langage est
voque de l'émotion à partager avec le lecteur po-
une chose qui m'a déformé. Voilà
tentiel de son texte. Dans son ouvrageAujourd' hui,
pourquoi je suis poète, probablement
Blaise Cendrars définit le lyrisme en ces termes:
parce que je suis très 'Sensible au
langage - correct ou incorrect, je
« Ce qui caractérise l'ensemble de
m'en bat l 'œil. »'
la jeune poésie française est le ly-
risme.
" .'
Pour Cendrars, le langage a eu une incidence cer-
Le lyrisme est 'une façon d'être et de
taine autant sur sa vie d'homme que sur sa destinée
sentir.
littéraire. Aussi explique-t-il sa conversion à la poé-
,Nous savons bien que le langage est
sie par amour pour le langage. Ce qui est cependant
le reflet de la conscience humaine,
incontestable, c'est que ce langage a profondément
la poésie fait connaître l'image de
été influencé par les objets de la modernité. Il en a
1'esprit qui la conçoit.
littéralem~nt été séduit. Les trois poèmes constitu-
tifs du recueil Du monde entier se présentent ainsi
Le lyrisme plonge par ses racines
comme une célébration de la modernité sous les
dans les profondeurs de la cons-
traits du moteur à explosion, invention ayant gé-
cience individuelle, c'est de là que
néré le train, l'automobile, le bateau, l'aéroplane,
la poésie tire sa force pour s'épa-
etc.
nouir sur les lèvres des hommes. »3
Le monde moderne se donne donc dans ces trois
Pour ce qui nous concerne et dans le cadre de la
chefs-d'œuvre comme la principale source d'inspi-
présente analyse, nous focaliserons notre attention
ration. Ainsi, des «Pâques à New York» au « Pa-
sur les indices linguistiques et grammaticaux du
nama ou les aventures de mes sept oncles» en pas-
lyrisme que sont le pronom de la première personne
sant par « La Prose du Transsibérien» n'est-on pas
avec ses occurrences, à l'utilisation de certaines fi-
surpris de le croiser, au détour de chaque vers et à
. gures de style et à l'emploi de certains signes de
travers les composantes grammaticales des référen-
ponctuation qui; comme le point d'interrogation, le
ces ces objets sous des formes diverses.
point d'exclamation, les points de suspension, etc.,
nous semble-t-il, expriment le mieux le lyrisme.
Comme on peut le voir, ce choix délibérément ar-
bitraire ne prend pas en compte le pronom de la
deuxième personne pour rendre plus opérationnel
le schéma de la communication tel qu'il est envi-
sagé par Roman Jakobson. Il est également à noter
1 Miriam Cendrars, Blaise Cendrars, Paris, éd. Balland, 1984, p. 407
le silence que nous observons sur le choix et l' em-
z Miriam Cendrars, op. cit., p. 424
J Blaise Cendrars, Aujourd'hui, Paris, éd. Denoël, 1987, p. 91
ploi de certains verbes et certains adjectifs.
4 Idem" p. 547
202
Revue du CAMES
Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

- - - - , -
Sciences sociales et humaines
2.1.1 Le pronom « Je », sa pertinence gramma-
ticale et son mode de distribution
En effet, dans son schéma de la communication où
le linguiste Roman Jakobson identifie les six fonc-
La présente partie de notre analyse se bornera à
tions suivantes.: la fonction expressive, la fonction
l'examen des différents modes d'emploi du pronom
conative, la fonction référentielle; la fonction poé-
personnel de la première personne du singulier et
tique, la fonction phatique et la fonction
du pluriel. Il est entendu qu'il faudra prendre en
métalinguistique, il ne se fait aucun doute que le
compte cet aveu d'ignorance des règles de la gram-
privilège est accordé au pôle d'ébranlement ou de
maire française manifesté par l'écrivain:
déclenchement du processus de la conversation. Ce
pôle n'est rien d'autre que celui du pronom de la
« J'ignore et méprise la grammaire
première personne. Et c'est justement à cet niveau
qui est au point mort, mais je suis
que Jakobson situe la fonction expressive ou fonc-
un grand lecteur de dictionnaires et
tion émotive. Pourrait-il d'ailleurs en être autrement
si mon orthographe n'est pas sûre,
quand on sait combien le poète s'est évertué à trans-
c'est queje suis trop attentifà lapro-
former cette œuvre gigantesque en témoignage de
nonciation, cette idiosyncrasie de la
sa propre vie vécue ou imaginée?
langue vivante. A l'origine n'estpas
le mot, mais la phrase, une modula-
Pour mesurer la pertinence de notre choix, nous
tion.
Ecoutez
le
chant
des
avons procédé, au plan théorique, à une analyse sta-
oiseaux! »'
tistique. Après cet inventaire 'systématique des pro-
noms de la première personne avec leurs occurren-
Aveu de faiblesse devant la maîtrise de toutes les
ces, nous nous sommes aperçu que pour l'ensem-
règles de la grammaire, Cendrars ne reste pas moins
ble des vers que compte le recueil, ce sont plus de
un « rat» de bibliothèques et un lecteur accompli.
quatre cent quarante-cinq (445) indices qui se dé-
Il ne fait alors aucun doute qu'il ait beaucoup ap-
ploient dans les trois textes.
pris en contact avec les autres écrivains. Le mépris
et l'ignorance dont il peut être question nous sem-
Certes, par rapport à l'ensemble des signes linguis-
ble traduire un sentiment d'humilité mais également
tiques dont se compose le recueil ce nombre reste
la révélation d'une des réalités de l'œuvre poéti-
insignifiant et cela comparativement à l'enseinble
que. Au-delà de la signification de l'écriture, l'œuvre
des mots. Mais toujours est-il que par sa position
poétique doit avant tout tendre vers une instance
stratégique, ce pronom est le plus en vue. C'est ce
supra-grammaticale, là où le signe linguistique ac-
qui explique cette première étape de l'analyse au
quiert toute sa sémanticité en marge de la norme
cours de laquelle nous opérons un inventaire de-
grammaticale.
vant nous conduire à une classification du pronoms
et son mode de répartition dans les trois poèmes.
Le recours aux pronoms personnels de la première
et de la deuxième personne avec leur place de choix
En effet, sur les deux cent cinq (205) vers que
dans l'expression du lyrisme dans les trois chefs-
compte le poème « Les Pâques à New York» nous
d'œuvre est à ce titre une éloquente réponse à cette
dénombrons 80 occurrences relativement au pro-
préoccupati on.
nom de la première personne du singulier ainsi re-
parties:
S'agissant plus précisément de l'emploi de ces deux
55 «Je» (v 22 : «Je n 'aijamais prié quandj'étais
pronoms personnels, nous constatons que l'un do-
un petit enfant») ;
mine de loin l'autre en affichant la détermination
7 « Me »(v 59 : « Peut-être que lafoi!!lf. manque »);
de l'auteur de peser de toute sa personnalité sur le
5 « Mes» (v 28 : Mais Vous marchez, Seigneur, ce
discours. Au plan de la narration, il entend se subs-
soir à mes côtés »)
tituer à son personnage principal en interférant à
4« M'» (v 64: « Y laisse tomber le masque d'an-
tout bout de champ dans le texte. Ainsi, paraît-il
goisse qui m'étreint »)
plus judicieux de ne nous en tenir qu'au pronom
2 « Ma» (v 196 : « Ma chambre est nue est comme
personnel de la première personne qui est de loin le
un tombeau .,. »)
plus dominant et donc a priori le plus pertinent au
5 « Mon» (v 25 : « Mon âme est une veuve est une
plan de l'analyse.
veuve en deuil au pied de votre croix»)
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
203

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _--,.-
--"'. Sciences sociales et humaines
2« Moi» (v 86 :« Moi, j'ai, ce soir, marchandé un
jour-là »)
microscope »)
6 « Ma » (v 9 : «Ma mère me racontait les aventu-
res de ses sept frères
»)
Ce premier répertoire met essentiellement enjeu le
23 « Mon» (v 37 : «Mon père perdit les trois-quarts
pronom personnel de la première personne du sin-
de sa fortune»)
gulier. Dans son expression, ce pronom prend la
3 « Mes » (v 10 : « De mes sept oncles»
forme d'insistance sous l'aspect de «rnoi », d'un
6 « M' » (v 454 : « Vous m'avez offert des liqueurs
complément d'objet direct ou indirect. Il est égale-
. fortes pour me prémunir contre les fièvres du ca-
ment l'expression du drame solitaire de la misère.
nal »)
7 « Moi» (v 95 : «Moi aussi j'aime les animaux »)
Dans les quatre cent quatre-vingt-dix (490) vers que
4 «Nous» (v 68 : « Car !l..!!..H! n'aimons pas dor-
compte « La Prose du Transsibérien et de la petite
mir »).
Jeanne de France », les pronoms personnels de la
3 «Notre» (v 48 : «Nous n'étions plus dans notre
première personne du singulier et du pluriel se dé-
villa de la côte »)
ploient de façon identique comme dans le texte qui
précède.
Avec les pronoms possessifs « ma »et« mon» de-
106« Je» (v 158 :« Je suis en route avec la petite
vant le couple originel « mère» et «père », se re-
Jeanne de France»)
constitue la cellule familiale de l'auteur et le bon-
13 « Me » (v 134 : « Que les larmes me viennent si
heur de vivre de l'enfance. Ce bonheur est cepen-
je pense à mon cœur »)
dant compromis par un drame: la banqueroute de
13« Ma» (v 354:« Aux sursauts de m!!mémoire. »)
la « Compagnie du Canal de Panama », drame dont
7 «M'» (v 340 : « Car j'ai négligé de m'assurer
les conséquences désastreuses occasionnent la ruine
contre les accidents de chemin de fer»)
du chef de famille et contraint la maisonnée au dé-
26 « Mon» (v 347 : «Pardonnez-moi mon igno-
ménagement, à la restriction tant au plan spatial
rance »)
qu'au plan financier, bref à un changement radical
7 « Mes» (v 308 «Et!!l!! souvenirs »)
du rythme de la vie comme le témoigne ici l'auteur:
9 « Moi» (v 50 : «Moi, le mauvais poète qui ne
voulait aller ... je pouvais aller partout »)
« Mon père perdit les trois-quarts de
30 «Nous» (v 68 : «Nous avions deux coupées
sa fortune
dans l'express et 34 coffres de joailleries ... »)
Comme nombre d 'honnêtes gens qui
3 «Nos » (v 231 .: «Nous roulons sur !!.Q! quatre
perdirent leur argent dans ce crach,
plaies »)
3 «Notre» (v 276 : « Le feu primitif réchauffera
,Ma mère pleurait.
notre pauvre amour»)
Et ce soir-là on m'envoya coucher
avec la bonne anglaise

Alors que le poème est dominé de bout en bout par
l'omniprésence du pronom personilel de la première
Puis au bout d'un nombre de jours
personne du singulier, la tentative de se soustraire
bien long .... '
de la solitude fait de temps à autre surgir le pronom
Nous avions dû déménager
personnel de la première personne du pluriel dans
Et les quelques chambres de notre
lequel se confond d'ailleurs de double du person-
petit appartement étaient bourrées
nage principal. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une
de meubles
volonté de reformer un couple pour jouir de la joie
Nous n'étions plus dans notre villa
du partage des soucis du voyage.
de la côte »2
Pour ce qui est du poème « Le Panama ou les. aven-
Le recueil Du monde entier est donc un ensemble
tures de mes sept oncles », un texte de cinq cent
de mille deux cents quatorze vers (1214) avec un
dix-neuf vers, la répartition des 148 occurrences se
encart publicitaire au centre du texte « Le panama
donne comme suit:
ou les aventures dè mes sept oncles », le tout sou-
85 « Je » (v 3 : «Je ne sais pas ce que disent les
tenu par le pronom personnel de la première per-
catalogues des bibliothèques »)
sonne..I1 est alors légitime de s'interroger sur, son
ll «Me» (v 14 : «Elle ne !!l!. racontais rien ce
effet de sens .
.204
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
15 mai 1871, in Poésies, Une saison en enfe~, Illu-
2.1.2 L'effet de sens du pronom personnel « Je»
minations, Paris, Gallimard, 1984
C'est par la présence quasi permanente du pronom
On ne saurait cependant réduire ou établir un quel-
personnel de la première personne au cœur du dis-
conque parallélisme entre le «Je » même dédoublé
cours que Blaise Cendrars dote ses trois poèmes
et le « tu »adjuvant. Ils'agit tout simplement d'une
d'une fonction expressive indéniable. Des trois tex-
stratégie d'écriture ou tout au moins une technique
tes cependant, seul le dernier de la trilogie met en .
de narration ou à la rigueur un style visant, comme
exergue et de façon explicite, dès le titre du texte,
l'estime Philippe Renaud, à brouiller la communi-
les marques de la fonction expressive et partant du
cation. Ce dernier ne manque d'ailleurs pas d'argu-
lyrisme.
ment lorsqu'il constatè justement à partir du poème
On y décèle en effet le pronom possessif pluriel
« Les Pâques à New York» que
« mes» qui indique clairement le lien de parenté
entre le narrateur et les personnages de son récit.
« Cendrars crée une situation de
Comme pour confirmer cet aveu, il indique à l'in-
communication des plus étranges.
térieur du texte et plus précisément aux lignes 9 et .
D'une bout à l'autre du poème, quel-
lOque ces aventuriers dont il sera question dans le
qu'un - que j'appelle le Héros -
récit sont ses « oncles », c'est-à-dire les sept frères
s'adresse uniquement au Christ, tou-
de sa mère:
, jours 'nommé «Seigneur». Seul allo-
cutaire, celui-cl ne devient jamais,
. «Ma mère me racontait les aventu-
linguistiquement, une «troisième
res de ses sept frères
personne», sauf (de manière ambi-
De mes sept oncles »3
. guë) dans les vers 18 à 20 »1
Par le recours à ce pronom, l'on surprend le poète
De toute évidence le « Je » cendrarsien prend ici
dans sa tentative de rendre le récit vraisemblable
une allure hégémonique où le vocatifse dissout dans
tout en l'imprégnant d'une subjectivité déconcer-
le sujet parlant. En fait d'interlocuteur sous les traits
tante. Car par nature, le « Je» est toujours suspecté
de «Seigneur» et sous la forme de prosopopée, il
de subjectivité.
. .
n'y que Cendrars lui-même. Et cela est d'autant plus
désobligeant que la contradiction se profile jusqu'au
Malgré cette prépondérance de la fonction expres-
bout du poème et surtout
travers les trois derniers
sive qui fait de Cendrars le héros de son propre ré-
à
vers du texte : '
. .
cit, il y a toujours chez cet auteur une tendance à
réprouver la solitude. C'est sans doute ce qui l'auto-
« Je pense, Seigneur, à mes heures
rise à se dédoubler dans un autre « moi» pour trans-
malheureuse ...
muer le discours en dialogue. Il fait ainsi sienne la
Je pense, Seigneur, à mes'heures en
fameuse formule de Rimbaud « Je est un autre'».
allées ...
Et il faut justement que cet autre existe pour que le
Je ne pense plus à Vous. Je ne p~ns~
« Moi» ou le « Je» narrateur et personnageprinci-
plus âVous >/.
pal du poème accorde un crédit à son récit. Il faut
également que s'opère ce dédoublement pour ren-
Philippe Renaud croit y déceler un acte' de parole
dre le voyage moins monotone et plus supportable,
contradictoire et illogique,
.
~
car les distances à parcourir pour aller jusqu'au bout
du monde, « de l'autre côté du monde» ou en Ex-
,
«Le type même du couteau de Lich-
trême-Orient sont bien longues. La compagnie est
tenberg, couteau sans lame auquel
donc recoIiunandée. . '.
manque le manche. {Et il ajoute], on
pourrait m'objecter que le discours
1 Blaise Cendrars, Aujourd'hui, Paris, éd. Denoël,
1987, p. 118
.
mystique est souvent «illogique».
Mais il n y a guère de mysticisme
2 Blaise Cendrars, op. cit., « Le Panama ou les aven-
dans Pâques. lls:czgit d'une ques-
tures de mes sept oncles' », p. 58
'
tion simple et radicale : je ne.puis
3 Blaise Cendrars, op. cit., p: 57
~
adresser la parole il. un être auquel
Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, datée du
il ne pense, et moins encore si l'acte
j{'e~\\le du CAMES Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
205

de parole consiste à dire «je ne pense
pas à toi» »3.,
Il Ya effectivement une flagrante contradiction dans
ces vers, contradiction qui enlève tout sens logique
au discours. Car comment peut-on adresser la pa-
role à un interlocuteur à qui l'on ne pense pas. On
pourrait après tout estimer que le dernier vers est le
lieu où se brouille plus profondément la communi-
cation cornrrie si le narrateur s'engageait dans un
délire de monologue.
Tiraillé par la faim, le héros semble avoir perdu la
raison et cette adresse au Christ ne paraît plus lu-
L'insouciance étant effectivement une caractéristi-
cide. Il s'agit -d'un cri de détresse et un appel au
que de l'enfance, et suivant les indications tempo-
secours qui se fait pressant. Le héros souhaite l'ac-
relles contenues dans les textes, nous ne saurions
complissement immédiat de son désir. Et sans la
douter que les aventures narrées se situent bien à
réponse attendue, il sedétourne du « Seigneur» qui
cet âge de l'enfance ou tout au plus de .l'adoles-
ne semble pas répondre immédiatement à son at-
cence. Ces contradictions se répercutent sur les sen-
tente. Il commet alors le délit religieux en ayant
timents qui habitent le héros: heureux et insouciant
recours à la providence comme 'pour replonger dans
/ triste ; courageux / habité par la peur ; volonté de
le péché originel. Mais' dans tous les cas, le mes-
rester / désir d'aller partout, etc., ne font que con-
sage est déjà brouillé. I~ ne survit plus alors que le
solider cette conviction.
lyrisme, seul échappatoire pour émouvoir, un temps
Héros principal de ses propres aventures, Cendrars
soit peu, encore le lecteur.
nous fait partager son expérience de voyageur dans
ces deux textes et fini par nous émouvoir et parfois
Si nous éprouvons également autant de plaisir à
par nous attendrir. Les autres personnages du récit
suivre l'enfant et l'adolescent dans ses pérégrina-
ne viennent que pour meubler le décor dans la me-
tions aussi bien dans l'espace physique que dans la
sure ou le héros principal ne leur en donne jamais
fiction, c'est parce qu'il a bien pu déployer l'art de
l'occasion, sinon que celle d'adjuvant prosodique.
la dynamique littéraire au niveau des deux textes:
« La Petite Jeanne de France» et les « sept oncles»
« La Ptose du Transsibérien» et « Le Panama »,
ne jouent dès lors que la fonction de faux relais de
un art qui permet d'extraire l'esprit de son immo-
parole car, en réalité, il n'y a point possibilité, ni
bilité. Ceci n'est rendu possible que par le jeu du
même volonté de dialogue au sens littéraire du
pronom personnel « Je'» qui; en même temps qu'il
terme. Jusqu'au bout du récit, c'est le même per-
entraîne le lecteur dans cet univers romantique et
sonnage qui se dédouble pour entretenir le souffle
féerique de la « Sibérie» et des «Amériques », n'hé-
prosodique.
sitera pas à l'abandonner en chemin.
Il est aussi intéressant de constater que c'est tou-
Justement parce que « Je » est encore à l'âge des
jours à travers le « miroir» du héros que se lit Je
caprices et de l'insouciance comme tous les enfants
récit des aventures. Cela se constate dès les onze
et tous les adolescents du monde; car à peine nous
premiers vers de « La Prose du Transsibérien»
a-t-il invité à le rejoindre sur son aire de jeu qu'il
Cendrars annonce les principes de son autobiogra-
prend la fuite et s'éloigne à notre approche. Et pour-
phie avec une présence marqué du pronom de la
tant nous ne saurions nous lasser de suivre ce bour-
première personne. « Je » fait le récit de son en-
lingueur jusqu'au bout du monde et découvrir avec
fance. A priori, il n'y a donc pas lieu de penser à
lui la fameuse cachette du « trésor de la Golconde»
toute intrusion d'un personnage étranger sauf pour
«J'étais très heureux insouciant
faire diversion ou pour tenir en haleine le lecteur.
Je croyais jouer aux brigands
Nous avions volé le trésor de la Gol-
Finalement, après la lecture de ces trois textes de
. conde
Cendrars, nous nous rendons compte que le lecteur
Et nous allions, grâce au transsibé-
est mené par le bout' du nez dans un discours où il
rien, le cacher de l'autre côté du
ne maîtrise guère les règles de jeu; justement parce
206
Revue du CAMES ~ Série D, vol. 006 N° 1-2,2004

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
que Cendrars ne cède la moindre parcelle d'initia-
des vers voilà la véritable ponctua-
tive à un autre héros que lui-même.
tion et il n'en est point besoin d'une
Dans ce discours à la croisée de la fiction et de la
autre. Mes vers ont presque tous été
réalité tangible, par le jeu de la fonction expres-
publiés sur du brouillon même. Je
sive, Cendrars réussit le tour de force de' faire pré-
compose généralement en marchant
valoir la dimension vraisemblable du discours.
et en chantant sur deux ou trois airs
qui me sont venus naturellement et .
2.2 La valeur lyrique du signe de ponctuation
qu'un de mes amis à notés. La ponc-
tuation courante ne s'appliquerait

Avant toute chose, considérons la ponctuation
point à de telles chansons »4
comme l'ensemble des signes n'ayant aucune per-
tinence articulatoire 1 mais qui permet la respira-
Comme on le remarque bien, articulée sur l'oral et
tion, l'articulation des parties du discours ainsi que
la chanson, la ponctuation se saurait que dénaturer
leur expressivité. En d'autres termes, ce sont des
la valeur esthétique du poème. On comprend dès
signes qui permettent de
cet instant le sens de cette querelle qui opposa les
écrivains aux imprimeurs et éditeurs durant le XIXè
« ... transcrire les limites entre les
siècle, querelle au cours de laquelle George Sand
phrases, pour noter les intonations
adressa sa célèbre lettre à Charles Edmond en ces .
. interrogatives,' expressives, impéra-
terme:
tives, etpour délimiter les proposi-
tions dont est faite une phrase com-

;( La ponctuation a sa philosophie
plexe >/ .
comme le style. [. ..] La ponctuation
est encore plus l 'homme que le

2.2.1 Quelques réflexions sur la ponctuation
style »5 '.
On admet en général que la parole est d'une richesse
Voilà qui nous éclaire et nous situe surla valeur
,
'.,
plus étendue que l'écriture et que par conséquent,
sentimentale de la' ponctuation des poètes de la
c'est pour palier cette insuffisance, pour combler
modernité. Or c'est justement dans cette valeur que
les différentes inflexions, les silences et le non tra-
réside le lyrisme au niveau de la poésie de Cen-
duisible de l'oral que l'écriture fait appel à la ponc-
drars comme nous allons pouvoir l'examiner main-
tuation. Pouf ce qui est de son origine, on pense
tenant.
que son apparition remonterait au Xvll' siècle, une
origine qui la rattacherait aux caprices des impri-
meurs' ;
Longtemps ignoré par la grammaire, la ponctuation
y fera tardivement son entrée avec bien évidemment
sa codification, une codification diversement ap~
pliquée par les écrivains et parfois volontairement
ignorée par certains poètes de la modernité comme
un acte de révolution. S:expl iquant sur la suppres-
sion de la ponctuation dans. Alcools, Apollinaire
adresse cette correspondance à Martineau :
1 Dans la mesure où ils ont été exclus du champ linguistique en raison de la
non pertinence articulatoire, les signes de ponctuation 'ne connaîtront leur
(( Pour ce qui concerne la ponctua-
véritable essorqu'avec l'avènement des travaux de Roman Jakobson et donc
de la linguistique moderne au début de XX' siècle.
tion je ne J'ai, supprimée que parce
2 Jean Dubois et René Lagane, La nouvelle 'grammaire du français, Paris,
qu'elle m'a paru inutile.et elle l'est
éd. Librairie Larousse, 1973, p. 233
3 Il importe de savoir que jusqu'au XIX' siècle, les imprimeurs et les hom-
. en effet, le rythme même et la coupe
mes de l'édition s'étaient crus en droit d'agir sur la ponctuation des écri-
vains. La querelle qui opposa les premiers aux seconds atteste bien de cet
état de fait. Victor Hugo se plaindra à ce titre de la ponctuation belge qu'il
1 Philippe Renaud, « »Les Pâques» ou l'art du déplacement », in Revue
accuse d'entraver toute ampleur et toute élévation à son poème La légende
littéraire rVwal n° 6-7, La Chaux-de-Fonds, 1985, p. 97
des siècles:
.
, Guillaume ApoIlinaire ap. Jacques Drillon, in Traité de la ponctuation
2 Blaise Cendrars, op. cit., « Les Pâques à New York », p. 34 '
, Philippe Renaud, op. cit., p. 98
française, Paris s ,éd. Gallimard, 1991, p. 48
, Blaise Cendrars, op. cit., « La Prose du Transsibérien », p. 40
, George Sandap: Jacques DiIlon, idem, p. 6:4 .
Revue du CAMES - Série B, 'vol. 006 N° 1-2, 2004
207

---~...,....--~------------------:-:--:-:--:-_
Sciences sociales et humaines
2.2.2 La ponctuation de Cendrars
qu'à la composition elle-même. .
Cendrars, ami' d'Apollinaire, on le sait mieux
Comme nous I~ remarquions antérieurement, la
aujourd'hui, pratiquait farouchement la modernité.
composition de ce texte est influencée par la lec-
Or les poètes de la modernité, comme le disait tan-
ture et l'intériorisation des principes classiques
tôt Apollinaire, ont toujours mis un point d 'hon-
mises eri œuvre .dans Le Latin mystique de Remy
neur à considérer la suppression de la ponctuation
de Gourmont. La ponctuation y est donc bien pré-
comme l'une des révolutionsprincipales de leur
seme avec toutes les caractéristiques de la tradition.
esthétique. Ce qui se traduitpar une suppression de
A l'exception d'un nombre réduit, la plupart des
la ponctuation dans de nombreux textes.
vers sont terminés à droite par un signe de ponctua-
tion avec une préférence pourle point. Il en découle
Critiquant la langue française, Henri Meschonnic
un ensemble, de vers des plus réguliers avec une
observe que:
'
conformité à la structure classique de l'alexandrin.
« La ponctuation française va du
Ainsi, si nous suivons les premiers pas de l' appren-
logique au rythmique, les deux pou-
tissage à l'écriture dans « Les Pâques à New York »,
vant coïncider; ou ~ 'opposer.Dans
période au cours de laquelle l'écrivain semble en-
la ponctuationfrançaise moderne, le
core redouter la critique de l'observateur extérieur,
logique domine le rythmique.' Pour
ce qui justifie d'ailleurs l'allure grammaticale de la
une autonomie et une prédominance
ponctuation avec parfois une expressivité éloquente
du rythmique, la poésie a supprimé
comme dans les six vers, suivants, l'on se rend
la ponctuation. D'où l'ironie simpli-
compte qu'en la matière, l'écrivain se trouve à la
ficatrice d'une appréciation sur Le
phase le l'initiation:
fou d'Elsa. que mentionne Francis
« Die nobis, Maria, quid vidisti in via? » '
Crémieux, disant que «ce qui est
- La lumière frissonner, humble dans le
poésie c'est ce qui n'a pas de ponc-
,
,
matin.
tuation et que tout ce qui a de la
ponctuation est de la prose» »1
« Die nobis, Maria, quid.vidisti in via? »
, - Des blancheurs éperdues palpiter comme
Si l'on se place donc dans le contexte de la moder-
des mains.
nité, la suppression de la ponctuation, en plus de
répondre à des soucis rythmiques, est par consé-
« Die nobis, Maria, quid vidisti in via? »
quent un phénomène de conformité à une certaine
- L'augure du printemps tressaillir dans
norme, norme dont les contours sont 'mal définis
mon sang',
par la grammaire elle-même. A bien des égards, son
application prend l'allure d'un mode où chacun fait
Trois de ces vers sont gracieusement enveloppés
prévaloir sa logique.
dans des guillemets. Ce qui témoignant de 1'hon-
C'est sans doute dans un pareil contexte qu'il con-
nêteté intellectuelle de l'auteur manifestant ainsi
vient d'inscrire la ponctuation de Cendrars, un sys-
l'aveu de 'les avoirempruntés au Latin mystique.
tème qui prend la double apparence d'une ponctua-
Cette première catégorie est également terminée par
tion grammaticale et d'une ponctuation poétique
.
"
'
des points d'interrogation qui les inscrivent dans la
continuité du faux dialogue entame dès les premiers
Dans le recueil en effet, et:t partant du premier texte
vers.
au troisième, l'on est en fait plutôt confronté à une
volonté d'imprimer une,identité propre à sa ponc-
Les trois autres vers de cette partie du poème, vers
tuation, marquant ainsi ses distances avec ce que
qui, chacun à son niveau, est le second du couplet
nous qualifions de phénomène de mode.
formé avec chacun des vers' en latin, sont ouverts
par des tirets. Il ne s'agit ni plus ni moins que du
De façon générale, cette première étape de .la re-
témoignage d'une réponse à chacune des trois ques-
, cherche de l'équilibre est couronnée par la compo-
tionsposées dans un discours à l'infinitif.
sition' du poème ,fJeS Pâques à New York dont la
spécificité tient plus au ton et àl'émotiondupoète
"
,
208
,
"
'Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

Les cinq couplets de vers qui précèdent le tout der-
nier vers sont caractérisés par l'usage des points de
suspension comme pour traduire l'insatisfaction du
héros qui a appelé en vain le « Seigneur» sans ja-
mais obtenir la réponse escomptée.
A partir de « La Prose du Transsibérien» cepen-
dant, l'auteur semble prendre l'initiative de la pa-
role pour assumer son écriture. Il opte pour un usage
modéré des signes de ponctuation. C'est le moment
2.3.1 La métaphore
qu'il choisi pour faire appel aux signes émotion-
nels par excellence comme le point d'exclamation
Il est évident que l'exploration de toutes les méta-
et le point d'interrogation, même si cela était déjà
phores du recueil pourrait paraître fastidieux. C'est
visible dans le premier texte.
doncpourquoi nous optons pour un choix plus li-
En tout état de cause, dans cette première étape de
mité de quelques figures:
la composition de l' œuvre poétique de Cendrars, la
ponctuation semble, non seulement évoluer suivant
2.3.1.1 « Les Pâques à New York»
les sentiments des personnages, mais plus encore
vers une libération du vers de l'emprise de ce que
« Et votre angoisse et vos efforts et
les poètes modernes considèrent, Victor Hugo en
vos bonnes paroles
tête, comme un obstacle à l'amplitude et à la lar-
Qui pleurent dans le livre, douce-
geur de l'expression poétique.
ment monotones. »
« Mon âme est une veuve en noir,
Le poète, reconnaissons-le, n'a pas abusé de son
... »
utilisation mais en a plutôt fait un indice de témoi-
« Faites, Seigneur, que mon visage
gnage de sa sensibilité comme le firent d'ailleurs
appuyé dans les mains
nombre de poètes de la modernité. En la matière, il
y laisse tomber le masque d'an-
n'innove donc pas mais garde toute la latitude d'as-
goisse qui m'étreint. »
sumer sa ponctuation et partant son œuvre.
« Faites, Seigneur, que mes deux
Finalement, en lisant son œuvre et en raison de sa
mains appuyées sur ma bouche
conception du rythme, il apparaît évident que Cen-
N'y lèchent pas l'écume d'un déses-
drars n'ait pas éprouvé le besoin de faire appel aux
poir farouche. »
constantes traditionnelles du rythme puisque le vers
lui-même intègre ce rythme dans son écoulement.
C'est ainsi que dans «Les Pâques », les signes de
Au-delà de l'interprétation des différentes métapho-
ponctuation participent au rythme, alors que dans
res, c'est une fois de plus l'omniprésence du « Je »
« Le Transsibérien », ce rythme est intiment lié au
qui retiendra l'attention. Ce qui donne un caractère
sens et au mouvement du train. Dans « Le Panama»
original à la figure.
au contraire, ce rythme se fait identique à celui de
Ici, le poète met l'accent sur sa propre détresse qu'il
« La Prose» en ce sens qu'il participe du sens et du
transforme en pleures; sa solitude qu'il assimile à
mouvement.
celle d'une veuve. Il appelle alors le « Seigneur»
au secours pour non seulement le soulager d'une
23 De quelques figures de style comme un in-
angoisse oppressante, mais plus encore du grand
dice de lyrisme
désespoir dont il est victime.
Le propre de toute poésie, c'est l'usage abondant.
2.3.1.2 « La Prose du Transsibérien»
des figures de style. Or, les figures de style ont ceci
de particulier qu'elles fonctionnent comme un pro-
« Car mon adolescence était alors
cédé de dissimulation de certaines idées dans le dis-
si ardente et si folle
cours. On peut donc légitimement soupçonner cel-
Que mon cœur, tour à tour, brû-
' .
.
.
les-ci ae porter en elles toutes la charge émotion-
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
209

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - _ Sciences sociales et humaines
lait comme le Temple d'Ephèse
répétition et dont la principale fonction est rythmi-
ou comme la place Rouge de
que:.
.
Moscou»
« Blaise,dis, sommes-nous bien loin de Montmar-
tre ? »
« J'ai passé mon enfance dans les
Voilà quelques indices de repérage des anaphores
jardins suspendus de Babylone»
dans le recueil:
« Maintenant,j 'ai/ait courir tous les
..
trains derrière moi»
2.3.2. « Les Pâques à New York »
«Le monde s'étire s'allonge et se
retire comme un accordéon
..« Mon âme est une veuve en ... »
qu'une main sadique tour-
mente»

« Seigneur faites-leur l'aumône ... »
Dans ces différents vers choisis, le poète parle de
« J'ai peur... »
sa jeunesse mouvementée et éprise de voyages. Ces
« On vous aurait... »
voyages apparaissent à travers l'image de trains mais
également de l'illusion de faire défiler du monde.
« Où sont les ... »
Cette envie de toujours partir lui semble être une
« Die nobis, Maria, quid vidisti in
flamme dévorant .son cœur.
via? »
2.3.1.3 Le Panama »
« Déjà ... »
« Seigneur, je ... »
« C'est le crach du Panama qui fit
« Je pense, Seigneur, à mes heures ... »
de moi un poète»
« Je tourne dans la cage des méri-
diens comme un écureuil dans la

2.3.2.1 « La Prose du Transsibérien »
sienne»
« J'étais à ... »
Une fois de plus Cendrars revient sur son enfance,
« Et toutes les ... »
mais cette fois-ci sur, dit-il un événement lié à cette
« Et... »
période de sa vie et qui aurait littéralement boule-
« En ce temps-là en mon adolescence ... »
versé sa vie: 1'histoire de la percée du canal tran-
« J'avais à peine seize ans et je ne me sou-
satlantique de Panama en Ainérique central.
venais déjà plus de ... »
Al' examen des trois textes, l'on se rend compte
« Un autre, des ... »
qu'à raison de la simplicité du code langagier
« Queje ... »
adopté, les métaphores sont quelque peu rares dans
« Le train retombe ... »
cette somme poétique. Toutefois, elles y sont bel et
« Et les ... »
bien présentes pour produire l'effet d'image es-
compté.
« Pardonnez-moi... »
« J'ai vu ... »
2.3.2 L'anaphore
2.3.2.2 « Le Panama »
Si l'anaphore souligne en général le caractère ob-
sessionnel de certains états de la sensibilité, chez
« On ne joue plus avec des ... »
Cendrars elle prend une allure incantatoire. A cer-
tains moments des textes, sa reprise en début de
«J'ai vu ... »
vers en rajoute à l'harmonie et au rythme du vers.
« Tafemme ... »
Dans « La Prose du Transsibérien », avec une am-
plitude plus vaste et par sa répétition, l'anaphore
1 Henri Meschonnic, op. cit. p. 300
prend les couleurs d'un refrain sous les traits d'une
2 Blaise Cendrars, op. cit., « Les Pâques à New York », p. 33
210
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004

_ _ _ _ _ _ _ _......:..:.
..:.....
Sciences sociales et humaines "
« De nom de Dieu ... »
ment contenue dans le titre « Le ventre de ma mère», ',','
«
lieu sacré pris ici comme la matrice de l'écriture 1 ••,
Ton entendement»
Cette même métaphore se prolongeant dans les ti- :
tres des recueils Du monde entier et Au cœur du '., '
3.3 L'antithèse
monde/ , on peut considérer avec Cendrars lui
même que,
Comme nous l'avions déjà indiqué au niveau du
texte « Les Pâques à New York», c'est essentielle-
«- Toute écriture est «une vue de
ment dans les marqués de contradiction que se ma-
l'esprit», une recréation de la réa-
nifeste l'antithèse. Exemple lorsque l'auteur parle
lité qui en tant que telle estfictive.
au « Seigneur» alors qu'il affirme ne pas penser à
- La fiction est vraie au sens où elle
lui cela traduit la présence de l'antithèse.
'
"
,
donne tout le possible, d'où son
effectivité, c 'est-à-dire sa capacité à
Il Y a également la manifestation d'une antithèse
être réalisée dans le réel. »3
'
dans ce vers extrait de « La Prose du Transsibé-
rien» : « Moi, le mauvais poète qui ne voulais aller
Comme on peut le voir à travers les lignes qui pré-
nulle part, je pouvais aller partout»
,
, 'cèdent
Cendrars confère à son écriture un intérêt
intime et un certain nombre d'indices à même de
CONCLUSION
dissiper quelques ombres épaisses de son écriture:
Des abysses de cette œuvre de trois textes deux,
Malgré le niveau auquel l'analyse 'a donc été con-
équations essentielles surgissent alors:
duite ,
,
un sentiment d'insatisfaction,
,
un arrière goût
Nous constatons le problème du langage comme
amer semble nous envahir encore comme pour nous
une donnée majeure de l'intimité de la vie de
inviter à poursuivre nos investigations dans le même
l'auteur, Il en fait d'ailleurs un acte de foi dans l'un,
gisement poétique qui s'est si généreusement of-
de ces romans intitulé Aujourd 'hui où il estime que
fert à nous. Mais n'est-ce pas là le propre de la quête
non seulement le langage naît de la vie mais
scientifique qui, d'insatisfaction en insatisfaction,
qu'après avoir été généré par la vie, celui-ci reste
ouvre des pistes nouvelles à l'éclairage de l'œuvre
ensuite sa principale source nourricière.
'
des grands auteurs ?
Le lyrisme est la seconde composante de la philo- "
Il nous paraît dès lors plus adéquat d'associer l'éti-
sophie de Cendrars. Chez lui, non seulement le ly-
quette de conclusion partielle aux dernières lignes
risme apparaît comme une révélation de l'homme
du présent travail dans la mesure où celles-ci ne
au jour mais plus encore comme un mode de sensa-
sont en fait qu'un nouveau départ, c'est-à-dire une
tion.
étape nouvelle de l'analyse ouvrant sur d'autres
perspectives.
En définitive, Cendrars affirme ne pas établir une
frontière étanche entre la vie et l'écriture.
On peut cependant se réjouir qu'à cette étape des'
investigations nous ayons pu découvrir que Du
monde entier, avec ces.trois textes majeurs que sont
« Les Pâques à New York», « La Prose du Transsi-
bérien
» et « Le Panama », nous conduit au cœur
du lyrisme de Cendrars. Dans ces textes en effet,
l'auteur nous enseigne sa propre histoire dans une
sorte d'autobiographie, ce qui lui permet bien évi-
1 Dans une étude justement intitulée « »Leventre de ma mère» ou la ma-
demment de recourir prioritairement au pronom
trice de l'écriture» Pascaline Mourier-Casile a pu habilement se fonder sur
personnel de la première personne.
, plusieurs autres textes allant de la prose à la poésie pour soutenir' sa thèse
d'une permanence du triptyque naissance vie mort, vérité immuable incar-
née ou traduite-par l'écriture de Cendrars telle urie image obsessionnelle, ln
Comment ne pas déceler dans cette pratique langa-
Le texte cendrarsien, Actes du Colloque international, CCL, éditions, Gre-
noble, 1988, pp, 69 à 78.
,
gière l'expression d'un mythe personnel, celui de
2 Maurice Mourier, « »Du monde entier» comme creux» in Actes du Collo-
la métaphore de la vie maintes fois revendiquée par
que international. CCL, éd. Grenoble, 1988, pp. 47 à 56
'
J Vincent Colonna, « Fiction et vérité chez Blaise Cendrars », in Actes du
Cendrars et dont l'aboutissement est symbolique-
Colloque international, CCL, éd. Grenoble, 1988, pp. Il3-114
Revue du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
211

J
, - - -_ _~
..,...__:;____:_::_:_..,...--..,..._--..,..._----.,_____:___:_.."._- Sciences sociales ethumaines
1973
BIBLIOGRAPHIE
9. Claude, LEROY. « L'autre Cendrars» in Le pre-
mier siècle de Cendrars, 1887-1987, Université Paris
1. Philippe, BRUNAU-VARjLLA. Panama .la créa-
X éd. Cahiers de Sémiotique Textuelle, n'' 11, 1987
tion la destruction la résurrection, Paris, éd. 'Plon,
"
..
10. Grammont, MA URiCE. Petit traité de versifica-
1913,
tion française, Paris, éd. Armand Colin, 1993
,
.
.
.
.
.
2. Blaise,CENDRARS. Aujourd'hui, Paris, éd.
Il. Jean, MAZALEYRAT. Eléments de métrique jran-
Denoël, 1987
,
'çaise, Paris, éd. ArmandColin, 1997
.3. Blaise,CENDRARS. Du monde entier au cœur du
12: Maurice, MaURiER « »Du monde entier» comme
monde, Paris, éd. Denoël, 1987
creux» in Actes du Colloque 'international, éd. CCL,
4. Miriam, CENDRARS. Blaise Cendrars, Paris, éd.
Grenoble, 1988
,
,
'
.
Balland, 1984
13. Louis, PARROT. Blaise Cendrars, Paris; éd. Se-
ghers, 1971
/4. Philippe, REN~UD.,«,»Les Pâques» ou l'art du
déplacement », in Revue littéraire [VwaJ n" 6-7, La
Chaux-de-Fonds, 1985
" ' , ,.
.
15. Michael, RiFFATERRE. Essais de stylistique
. structurale" Paris, éd. Flammarion, 1971
16. Arthur; RiMBAUD. 'Poésies, Unesaison en enfer,
.,"
Illuminations, Paris, Gallimard, 1?84
• \\i
" .
. . ~' .' '.
,2'12
Revue du 'C~ES
Série D,vol. 006 N° 1-2,2004.