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Le monde syntagmatique: une scientifi-
cité trop étriquée
Dr K. Magloire KOUASSI
Université Bouaké
Bouaké - Côte d'Ivoire
Résumé
S'il est une grammaire dont la démarche se montre très scientifique, c'est bien la grammaire générative.
Par ses méthodes structurale, distributionnelle et transformationnelle, elle a réussi à conquérir la sphère
de la scientificité en se fondant essentiellement sur la description.
Mais cette scientificité, par bien des points, se trouve contrariée et ce travail s'efforce de le démontre à
partir des limites constatées ça et là dans l'analyse syntagmatique. De fait, si le modèle syntagmatique
favorise l'examen syntaxique de la phrase avec des données «scientifiques», il s'ouvre, néanmoins, et
sur bien des points, à des hypothèses au point de ne guère régler de manière tranchée l'épineux problème
de la polysémie. Au bout du compte, le modèle syntagmatique a tendance à recourir au contexte, lui-
même, sujet à l'arbitraire.
INTRODUCTION
tout naturellement, n'est que la conséquence logi-
que de ce fait syntaxique et donc de l'analyse syn-
Dès qu'on se propose d'étudier la langue sur la base
tagmatique. Nous comprenons dès lors le projet de
de la méthode et / ou des théories génératives, on
BENVENISTE qui considère que la linguistique
s'initie aux notions comme l'analyse structurale, la
« est science du langage et science de la langue »(3).
-grammaire distributionnelle ou autres opérations
En d'autres propos, la linguistique, comme les ma-
transformationnelles et que sait-on du gouverne-
thématiques ou la physique, opère sur des données
ment et te liage. De fait, la tendance des linguistes,
exactes.
aujourd'hui, se veut si descriptive et donc scienti-
Pourtant, si une séquence phrastique comme:
fique que ne pas réduire l'acte de la communica-
tion à un système, serait se mettre en marge des
(1) : L'imbécile de Pierre
disciples de Noarn Chomsky qui, à l'image de Mau-
est arrivé.
rice GROSS, affirment que « l'absence d'une forme
dans un corpus ne prouve nullement qu'elle n'existe
est, d'un point de vue syntagmatique, uniforme
pas et qu'elle n'est pas acceptable. Inversement,
comme en témoigne son analyse structurale ci-des-
l'observation et l'analyse des formes qui ne sont
sous:
pas acceptables peuvent ne pas être très fécondes
pour rendre compte avec précision d'un fait de syn-
SN+SV
taxe. »(1 ). En refusant alors le corpus, on rencontre
ici l'adhésion de Chomsky lui-même qui estime que
« l'objet premier de la théorie linguistique est un
locuteur-auditeur idéal »(2). Finalement, la langue,
1 Cité par DELABRE (Michel) dans Etude syntaxique des systèmes de com-
paraison avec comme, ainsi que, de même que en français contemporain,
du moins aux dires des générativistes, est d'abord
thèse de Doctorat 3 vol, P3.
et avant tout un fait de syntaxe et une syntaxe qui
'CHOMSKY (Noarn), Aspect de la théorie syntaxique, traduction de Jean
Claude Milner, Paris, Ed seuil, 1965, PP 1-130.
s'analyse "mathématiquement". La sémantique,
} BENVENISTE (Emile), in introduction à la linguistique française, Tome
Il syntaxe, communication poétique, Paris 2001, Pp 79-83.
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6
T+P
Occultant les types, « P » présente l'architecture
suivante:
P
SN + SV + (SP) *
Cette réécriture, relevant du reste de la tradition lin-
C'est à ce sujet que j'entends réfléchir et mon arti-
guistique, est confirmée par les séquences de phra-
cle se veut ici systématique pour autant qu'il se pro-
ses ci-dessous:
pose de mettre en relief les contradictions souvent
péremptoires entre la syntaxe et la sémantique à
(4) Les ivoiriens gagneront
partir de l'analyse syntagmatique. En conséquence;
"'
.
.
.
. .
le pari.
J organiserai mon mvestrgation autour de trois axes:
(5) La sagesse aurait triom-
phé.
1°) - J'analyserai d'abord quelques règles
(6) L'enfant appelle sa mère
de la méthode structurale en insistant sur la syntaxe
du balcon.
de la phrase en tant qu'artefact syntagmatique;
(7) Les rossignols ont chanté.
(8) Le matelot travaille sur
2°) - Ensuite, j'examinerai, sur la base des
le paquebot.
faits syntagmatiques, des séquences de phrases dont
la structure contraste avec la sémantique;
Ces séquences phrastiques obéissent toutes à une
homogénéité structurale qui pourrait être classée en
3°) - Enfin, je jaugerai le degré de scientifi-
deux grandes catégories selon que la phrase admet
cité de cette méthode générative au regard des faits
un « SN 2» ou non.
observés concrètement dans le langue française.
I. LE FONCTIONNEMENT SYNTAGMATI-
1.1 Les séquences de phrases sans SN2
QUE DANS LA LANGUE FRANÇAISE
Elles ont une structure contrainte et sont générale-
L'expression de la phrase en unité syntagmatique
ment considérées comme des phrases minimales
fait dorénavant l'unanimité chez les linguistes. De
absolues. Absolument minimales, elles n'admettent
Nicolas Ruwet à Françoise Dubois Charlier, le prin-
jamais la suppression d'un ou de l'autre de leurs
cipe demeure le même: une unité phrastique de
constituants. Le faisant, c'est qu'on rendrait la
phrase concernée non acceptable. Ainsi seront-el-
quelle que nature qu'elle soit ne peut présenter que
l'une ou l'autre des structures ci-dessous:
les considérées agrammaticales, si le « SN » ou le
« SV» était tronqué, les séquences (5) et (7). En
conséquence, (5) et (7) s'opposent à (4), (6) et (8)
SN+SV
qui, elles, admettent un SN
ou
SN+SV+SP
2 plus ou moins auto-
nome.
De Pa à Pb' on retiendra une constance: « SN » et
1.2 Les séquences phrastiques avec un SN2
« SV » sont toujours présents' dans la réécriture de
la phrase et les séquences (2) et (3) l~ démontrent
Si l'opposition entre les séquences de phrase « 5 »,
«
éloquemment:
7 » et « 4 », « 6 », « 8 » est prouvée par le seul fait
(2) Le monde tourne.
de la présence ou de la non présence d'un SN? plus
(3) La terre tourne autour du
ou moins autonome vis-à-vis du constituant S·V de
soleil.
la phrase qui l'intègre, il faut aussi reconnaître que
L'élément inconstant et donc facultatif étant le
celles-ci, les séquences dotées d'un SN?, diversent
« SP
d'une phrase à une autre. Cette diversité peut s'ob-
», linguistes et grammairiens se sont accordés
po~r réécrire la phrase - en y intégrant les types -
server suivant deux grandes catégories selon que le
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SN assure une propriété syntaxique contrainte ou
- Tantôt non exprimée:
2
non avec le SV le plus rapproché.
(l0) Il a pleuré toute la nuit.
1.2.1 Les séquences phrastiques avec un SN con-
2
traint
Dans un cas comme dans l'autre, le SN , dans ce
2
cas, exprime une certaine autonomie vis-à-vis du
Elles obéissent au principe de la phrase minimale
verbe et est par conséquent déplaçable. Les para-
relative et sont considérées comme telles pour autant
phrases (8a), (9a) et (lOa) des séquences (8), (9) et
qu'elles présentent toujours la structure de type P
(l0) obéissent à la norme grammaticale.
SN + SV avec un SV composé d'un Aux + GV, au
sein duquel GV on réalise la conjugaison d'un verbe
(8a) Sur le paquebot, le ma-
et d'un SN
telot travaille.
z. C'est donc dire que le SN z' dans ce cas
n'est pas autonome vis-à-vis du verbe et pour se
(9a) Dans le palais, le roi
faire ne peut être déplacé. En conséquence, il est
menace.
tout à fait non acceptable d'obtenir de (4) et de (6),
(lOa) Toute la nuit, il a
des paraphrases comme (4a) et (6a) en:
pleuré.
*(4a) Le pari, les ivoiriens
Les syntagmes ainsi déplacés sont dits facultatifs
gagneront.
et leur suppression n'entraîne aucun effet
*(6a) Sa mère du balcon,
d'agrammaticalité ou de non acceptabilité sur les
l'enfant appelle.
phrases concernées, bien au contraire. Par l' opéra-
tion de la troncation des SP, on obtient là des unités
En revanche (4b) et (6b), à partir de (4) et de (6),
phrastiques plus concises à l'effet que les éléments
sont tout à fait acceptables et donc réalisables en :
de circonstance ont été émondés. Ainsi de (8), de
(9) et de (10), on obtiendra (8b), (9b) et (lOb) en :
(4b) Le pari, les ivoiriens le
gagneront.
(8b) Le matelot travaille.
(6b) Sa mère du balcon, l'en-
(9b) Le roi menace.
fant l'appelle.
(lOb) Il a pleuré.
En définitive, (4) ou (6) se réécrira par :
Cette opération de troncation des constituants dits
P -
SN+SVavecSV
facultatifs vient confirmer la justesse de l'analyse
Aux+ GV
syntagmatique, du moins à un certain niveau, qui
et
GV
V + SN]
réduit la phrase essentiellement aux trois consti-
tuants qui sont: « SN », « SV » et « SP ». En tout
Cette contiguïté du SN au verbe n'est pas, à tous
état de cause, pour les tenants du modèle syntag-
2
égards, observable avec la séquence (8).
matique, il n'y a de phrase grammaticale ou accep-
table que si l'acte de mise en sens présente l'une ou
1.2.2 Les séquences de phrases avec un SN non
l'autre des représentations arborescentes ci-des-
2
contraint
sous:
Dans ces types de phrase, le SN est généralement
2
rattaché au verbe (V) par une préposition. Cette pré-
position peut être:
- Tantôt exprimée, ainsi qu'il est prouvé en
(9) :
(9) Le roi menace dans le
palais.
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Toutefois, il convient de se demander si l'acceptabilité dont ils parlent prend en compte la dimension séman-
tique. N'y a-t-il pas de phrase, à l'image de (11), qui, tout en respectant les contraintes arborescentes ci-
dessus représentées, ne soit pas sémantiquement acceptable?
*(11) Le lait boit le chat.
Jean Dubois et René LAGANE, dans la nouvelle grammaire du français définissaient déjà la phrase
, comme étant: « un ensemble de mots organisés d'une certaine manière pour produire un certain sens »(4).
De fait, la phrase répond à au moins deux critères que sont la syntaxe et la sémantique. Si en l'espèce (11)
agrée à la représentation arborescente telle qu'elle se présente ici, peut-on affirmer que les conditions sé-
mantiques sont à tous égards remplies?
? (11)
S
V
N~GN
AU~GV
Dé~
T~S
No
~er7Si
V
A
-t
Dét
N
",--~",/r---/
mg
le
lait
.boit
1
le
Mieux, comment la règle syntagmatique justifie-t-elle les diverses variations qui redynamisent chaque cons-
tituant de la phrase?
II. JUSQU'OÙ LE MODÈLE SYNTAGMATIQUE RÈGLE LA QUESTION DE L'ACCEPTABI-
LITÉ PHRASTIQUE?
L'analyse syntagmatique ne saurait limiter son champ de réflexion au strict minimum de réécriture de la
phrase en constituants immédiats. Elle ne saurait non plus limiter le comportement phrastique au seul fait
des affixes o~ de la segmentation des éléments qui composent la phrase même si Françoise Dubois Charlier,
par souci de privilégier la syntaxe, affirme que « le syntagme n'est qu'une suite de mots constituant une
unité »(5). Mieux, elle transcende le cadre formel des accords pour restituer toute la dynamique des traits
pertinents des constituants qui atomisent le sens.
2.1 L'analyse syntagmatique rend compte des accords grammaticaux
A ce niveau, la grammaire générative tient toutes les promesses. Au travers des analyses syntagmatiques,
elle prévient toutes les variations aussi bien nominales que verbales en statuant sur toutes les suites termina-
les et cela va de soi. On sait dorénavant, et par le biais de la réécriture des syntagmes, qu'un SN
No +
4 DUBOIS (Jean), LAGANE (René), La nouvelle grammaire du français, France, 1973,
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- - - - -
Sciences sociales et humaines
GN ; qu'un GN
Dét + N + (Modif)*. Evidem-
*(12) La jeune dame ef-
ment la variation du « N » est non seulement fonc-
fraie l'ananas.
tion de sa nature grammaticale, pronom ou nom,
mais aussi et surtout des impératifs qu'impose le
On le sait dorénavant, les phrases (11) et (12)
No qui est soit singulier, soit pluriel.
présentent chacune la structure P
SN + SV
et obéissent, par voie de conséquence, aux exi-
g }
Sin
gences syntagmatiques. Mais alors d'où vient
la raison de leur agrammaticalité ?
No
Plur
Pour les générativistes, à l'image de Nicola
Ruwet, l'analyse syntagmatique doit être com-
A partir de cette même méthode de réécriture syn-
tagmatique des constituants immédiats en suite
plétée par d'autres opérations structurales tel-
terminale, on peut observer et comprendre pour-
les que la R14C) qui statue sur les traits perti-
quoi telle ou telle variation du Sv. En effet, selon
nents du constituant. A partir de R14, la phrase
cette règle SV_ Aux + Gv. Et Aux- Tps+ (Part)
passera au crible des examens pour reconnaître
+ (mod) + (Part). Finalement, rien n'est hasardeux
par exemple qu'en (11), le SN « le lait» est
dans l'ordonnancement des constituants. Par
concret, non humain, non animé, et que le SV
exemple le temps (Tps), en tant que sous-catégo-
« boit» est transitif, actif, verbe d'action.
rie syntagmatique peut être constitué en : Tps
(fut + Pass + Prés) + Pe + No. Les deux éléments
Or, un verbe d'action ne peut être engendré que
obligatoires: personne (Pe) et nombre (No) parti-
·par un sujet actif, donc animé. En l'espèce, « le
cipent de la morphologie du GV et singulièrement
lait» sujet et non animé contraste fort bien avec
du verbe (V) et ce, en fonction des éléments dits
le verbe « boire» qui dans la logique de la mise
facultatifs (future, passé, présent).
en sens est un verbe d'action. A partir de la Règle
On pourrait, à cet effet, retenir que la grammaire
R14, la question de l'incongruité est levée et
syntagmatique justifie scientifiquement la ques-
donne à croire en la scientificité du modèle syn-
tion d'accord dans la phrase et pour cela favorise
tagmatique. Mais cette scientificité est bien li-
la lisibilité de la phrase.
mitative dans la mesure où il est des phrases,
dans la langue française, dont l'analyse syntaxi-
2.2 La grammaire syntagmatique rend
que et / ou sémantique par le modèle syntagma-
compte de certaines logiques sémantiques
tique, ne peut se réaliser que sur la base et la
seule base de l'hypothèse.
Une grammaire, de phrase ou de texte, ne peut
III. LA GRAMMAIRE SYNTAGMATIQUE
être crédible et représentative que si elle consa-
N'ÉCHAPPE GUÈRE AUX ÉTREINTES HY-
cre la syntaxe pour réactiver le sens. Cet idéal
POTHÉTIQUES
est celui du modèle syntagmatique. Lorsque
Nicola Ruwet fait remarquer que la grammaire,
Bien des fois, la scientificité des règles syntagmati-
dans son objet, doit pouvoir rendre compte « des
ques se trouve estompée et ce, à partir de deux faits
relations de sélection entre éléments »(6 ), rien
concrètement observables dans l'acte de mise en
de plus n'est recherché que la sémantique qui
sens:
signe l'aboutissement de toutes règles de gram-
maire. Pour Iui.Ia règle syntagmatique doit pou-
1°) L'ambiguïté de la struc-
voir permettre d'éviter les phrases du genre:
ture des phrases ; .
2°) L'ambiguïté de sens.
*(11) Le lait boit le chat.
3.1 L'analyse syntagmatique ne propose pas de
6 RUWET (Nicolas), introduction à la grammaire générative, Paris, Plon,
5 Françoise Dubois-Charlier, comment s'initier à la linguistique? Paris,
1974,2' Vol, l' la.
.
1970, 2' Ed, PP 105-130.
7 RUWET (Nicolas), Op-cit, P 116.
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matériau tranché devant certaines séquences
tion de la structure phrastique. On pourrait parler
phrastiques
de la limite dans la scientificité de ce modèle sur-
tout que cette limite influe aussi sur le rendement
On a jusque-là prouvé que l'objet du modèle syn-
au niveau sémantique.
tagmatique était « de construire des procédures uni-
formes et purement formelles qui permettent, pour
chaque langue prise en particulier, de décomposer
3.2 Le modèle syntagmatique ne règle pas de
chaque phrase dans les éléments qui la constituent
manière tranchée la question de sens
immédiatement, de décomposer ensuite ceux-ci en
leurs propres constituants et ainsi de suite ». Un tel
En évoquant la difficulté qu'éprouvait le grammai-
objet suggère que l'analyse syntagmatique doit,
rien, adepte du modèle syntagmatique, à trouver une
devant n'importe quelle phrase, être capable de pré-
structure tranchée de certaines phrases, il est ap-
senter une réécriture à la mesure des mathémati-
paru le problème du sens du verbe et d'autres mor-
ques parce que fiable. Malheureusement, l' expé-
phèmes comme la préposition « de ». Les séquen-
rience déboute bien un tel vœux et les séquences de
ces (13) et (14) en sont la preuve. Pendant qu' en
phrases ci-dessous en constituent un témoignage
( 13), « suis» peut autant signifier « être» que « sui-
péremptoire :
vre », la préposition « du » désigne tantôt l'origine
(13) la petite ferme la voile.
tantôt l'appartenance. Si dans bien des cas, l'ambi-
(14) Je suis l 'homme du bal-
guïté sémantique peut être levée au prorata du con-
con.
texte, il n'est pas toujours possible avec des phra-
ses du genre:
D'un point de vue syntagmatique, chaque phrase
ici s'enferme dans diverses structures. La seule al-
(8) Le matelot travaille sur
ternative pour combler la limite est de procéder par
le paquebot.
hypothèse. J'appellerai (I3a) et (l3b) les hypothè-
ses relatives à (13) et (l4a) et (l4b) les hypothèses
Le SV « travaille », en l'espèce, peut aussi bien si-
énoncées à partir de (14). Ainsi aura-t-on:
gnifier « réparer» qu' « exercer». Et d'un sens à
un autre, la structure syntagmatique varie au point
(l3a)
SN+SV avec
qu'il n'est pas maladroit de dire que le modèle syn-
« la petite» comine SN et
tagmatique ne constitue pas un gage à la scientifi-
« ferme la voile» comme Sv.
cité de la langue.
En revanche,
CONCLUSION
(l3b)
SN+SV avec
« la petite ferme» comme SN et « la
La scientificité de la linguistique, à l'image de son
voile» comme Sv. Cette limite n'est
modèle syntagmatique, souffre de quelques imper-
pas seulement superficielle.
fections. Tout en se distinguant de la grammaire tra-
ditionnelle source des opérations purement taxo-
Elle touche triplement la structure de la phrase, la
nomiques, le modèle syntagmatique n'a pu se dé-
nature des mots et le sens.
faire du fardeau que lui impose la fonction
En 13a, « petite» devient un nom, « ferme» le verbe
métalinguistique. Or, tout modèle, aussi scientifi-
et « la » de « la voile », un déterminant. En revan-
que qu'il serait apparu, tombe dans les contraintes
che en (13b), « petite» devient un adjectif,
de l'approximation dès l'instant où ses moyens d'in-
« ferme», un nom, « la» un pronom et « voile»
vestigation ne se distinguent pas de sa nature. Le
toute à l'heure nom, devient un verbe. Il en est de
modèle syntagmatique en est victime parce qu'il
même de la séquence (14). Au-delà du problème
utilise la langue pour démontrer l'essence et l' exis-
que pose le SP « du balcon» qui, pour des raisons
tence de cette même langue. Du coup, le modèle
diverses, peut être tantôt autonome vis-à-vis du SN
syntagmatique a fini par lâcher la scientificité ab-
« l'homme », tantôt rattaché à ce SN, le SV « suis»
solue pour l'interprétation hypothétique. C'est en
peut provenir aussi bien du verbe « suivre» que de
cela que nous devons reconnaître les limites de la
la copule « être ». c'est dire que l'analyse syntag-
grammaire dite syntagmatique.
matique ne règle pas de manière tranchée la ques-
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Sciences sociales et humaines
BIBLIOGRAPHIE
1. Françoise Dubois, CHARLIER. Comment s "initier à la linguistique? Paris, 1974, Z" vol.
2. Jean Louis, CHISS. & allili, introduction à la linguistique française Tome II: syntaxe, communication, poétique,
Paris, 2001.
3. Noam, CHOMSKY. Aspect de la théorie syntaxique, traduction de Jean Claude Milner, Paris, Ed seuil, 1965.

4. Michel,. DELABRE in Etude syntaxique des systèmes de comparaison avec comme, ainsi que, de même que en
français contemporain, thèse de Doctorat, 3 vols.
5. Jean) DUBOIS et (René), LAGANE La nouvelle grammaire dufrançais, France, 1973.
Revue, du CAMES - Série B, vol. 006 N° 1-2,2004
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