_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
D.C.
LA SANTE EN AFRIQlJE NOIRE: HE 1887 - 19611
Richards,
1.e. 147') "Social Factors,
Interlanguage and Language Learning:' ln J.B.
Benjamin Kokou ALONOIJ

Pride (ed,) op. cil.
Uépartement d'histoire et d'archéologie
Smith. L.E. (cd.) 1981. English For Cross- Cul-
lJ niversité de Lomé
tural communication. St. Martin's l'l'css: New
TOGO
York.
(cd.) 1983 Readings in En-
glish as an International Lan-
« Si la population ne croit pas, tout le programme qui a été
guage. Perga mon Press. Ox-
élahoré ne peut sc réaliser 'lll \\1\\ cc l:"e eÀtrême lenteur «.
ford: New York.
Ainsi s'cÀprimait en 1423,\\/hclt Sarraut. ministre des
1983. "Some Distinctive Fea-
c('lonies, recllllnaissant la néccssité ahsolue pour la France
turcs of EFL VS
ESOL in
dc pratiquer cn Afrique une politiuue \\olontariste de santé
English Language hluca-
afin d'LccroÎtre la population africaine. Cctte \\olonté sc
tion:'ln Smith. L.E. (cd.) op.
traduira dans l'assistance médicale Ljue la France mit en

cil.
place dans ses colonies pour leur mise en valeur. En eftèt.
------~--
1483 "Eng.li'ih a'i an lnterna-
le d':\\ eloppement économique passant nécc'sairement par
tional /\\uÀiliary language:' in
"augmentation de I<l population. gage d'une main-d'œu\\Te

L.E. Smith (cd.) op. cit.
ahondante, la France sc devait d'instituer une plliitique de
"pencer. .I. 1971 - The English Language in West
sant': atin de lutter « contre les principales causes de dé-
Africa.Longman, London.
peuplemenl ct de déchèll1ce des races indigènes « (Hauchc
Strevens,
P.
\\969
"Lnglish
in
African
1991 : 238).
Education :What Kind
Quelles sont les principales phases de cctte assistancc
ofEnglish '? in R. .Iolly (cd.) 1969. Engli.,hin Af-
médicale'? Sur quels types d'endènies reconnues gra\\es
rican Education: Research and Action. East Af-
s'est-clic portée'? Qucls sont les résultats ohtenus '1
rican Puhl. HOllse. Nairohi.
l'elles sont les questions auxquelles nous essayerons de
- - - - - - 1981 Teaching Language as an ln-
répondre à travers notre tcxte qui sc hasera sur la prophy-
ternati<lna 1 Language. I-rom
laÀie dc la maladie du sommeil comme exemple.
rraetice to Princip le. Perga mon
Press, (lxll)rd, New York. (csp.
1- l,cs origines de l'assistance médicale
Chap. 7 "When Is a Localized
L'assistance médicale a été créée en Afrique d'ahord pour
Form of Engli,h a Suitahle
s'occuper de la santé des troupes militaires ct ensuite pour
Model for Tcaching Purposes'!"
prés':rver celle des autochtones ct des civiles européens.
Todd. L
1482. "the Eng/ish Language in West
En effet, au déhut de la pénétration européenne. dès qu'un
Africa" in R.W.
poste militairc est installé, le médecin militaire de la garni-
Bailey & Gorlach - English As a World Language.
S(ln \\eillait sur la santé des Européens et des Africains.
The lJniversity of Michigan Pres,: Ann Arhor.
L'hôpital européen fut en tàit l'une des pièces maîtresse
'[ ottie, (;. 1477" Variation, Acccptability and the
des troupes coloniales. Il avait dès le déhut pour mission
Advanced
principale la protection de la sanlé des memhres du corps
Foreign Lcarner: Tlmards a '\\ociolinguistics \\Vith-
eÀpéditionnaire pour qu'ils puissent mener à hien leur tra-
out il Sl)cial Contex"- in S. (ireenhaum (cd.) Ac~
vail. L'objectif principal dc 1 hôpital fut de pn1moll\\oir la
fCJili!.hiJi1yiD.L<!!lguage. Mouton Puhli,her,.[ hc
r':ussite de la conquête col(lniale en présen<lnt la sant':
llaguc: Pnis.
des troupes qui sillonnèrent l'Ali'ique. MaiS progrcS'>i\\ e-
Trcgidgo. P. 1487. "Speakers of Wc,t ;\\ frican
ment, l'hôpitalmilitairc étendra sa mission pour s'occuper
Languages".
de plus en plus des Africains ct des civiles européens
ln M. Swan & B.Smith (cd.) Learner LnglisQ.
(J'aiglahou 1486 : 345).
Camhridge University Prcss, Camhridge: New
York.
En effet, l'assistance médicale eut pour rôle de comhattre
Wong, F. 1982 -- "Native-Spcakcr English for the
d'unc part la mortalité infantile en diffusant les connais-
Third World Today T in .1.13. Pride (cd.), 1982 op.
sances élémentaires indispensahles touchant les conditions
cil.
d'accouchement et les soins à donner aux nou\\eau-nés, ct
18
Rev. CAMES - St'rie B, Vol 004, 2002
1

----------......;....;..;..-------~----Sciences sociales et humaines
de l'autre la mortalité frappant indistinctement enfants,
de santé, se trouvait un médecin-inspecteur ou principal
adultcs ct vicillards du fait dcs épidémics ct maladics
des troupcs coloniales, résidant à Brazzaville, qui avait

endémiques (Sarraut 1923 : 395-96).
sous son autorité l'ensemble des services de santé mili-
taires ct d'assistance médicale indigène.
1- L'organisation des services médicaux
Les services d'assistance médicale indigène furent
Lïmplantation médicale f"lIIçaise sc fit plus lentement
créés dès la mise en place des administrations géné-
et avec plus de peine, du fait des communications diffi-
raies: en Afriquc occidentale française en 1905, en
ciles avec l'intérieur, à travers la grande forêt tropicale.
Afrique équatoriale française en 1908 (Bauche 1991 :
Des postes médicaux fùrent créés à Brazzaville, et li-
242).
breville, en 1889. Ces postes furent créés aux carre-
fours des pistes, au bord des fleuves où les conditions
En effet, l'arrêté du 05 Janvier 1905 crée les services
géographiqucs ct démographiques, permirent à une po-
municipaux d'hygiène en Afrique occidentale française,
pulation relativement nombreuse de vivre à l'ombre du
et institue les mesures nécessaires pour assurer la sa-
drapeau français (Dr Lapeyssonnie 1972 : 23).
lubrité des maisons etdes villes. Cette salubrité se tra-
duira dans l'enlèvement des ordures ménagères, la
En 1923,dix secteurs de prophylaxie furent organisés :
propreté des rues, la construction et l'entretien des
trois au Gabon, trois au Congo, trois dans l'Oubangui-
caniveaux ct des égouts.
chari, un au Tchad. L'organisation et le fonctionnement
de ces secteurs correspondait aux notions acquises sur
Dans chaque colonie de l'A.O.F., un comité d'hygiène
l'étiologie et la transmission de la trypanosomiase (Sar-
ct de salubrité étudiait les mesures d'ordre général in-
raut '923 : 284).
téressant l'ensemble de la colonie. Un comité supé-
rieur assistait le gouverneur général pour la prépara-
Au Togo, l'arrêté du Il Août 1921 réglementait le fone-
tion des réglementatio~ de principes exigés pour la
tionnèment des services médicaux. la police sanitaire,
protection de la santé publique. Le fonctionnement des
l'hygiène ct la salubrité publique, "assistance médicale,
services sanitaires et médicaux de la colonie était con-
les mesures de prophylaxie contre les maladies conta-
fié aux médecin-inspecteur, directeur du service de
gieuses. endémiques et épidémiques.
santé des troupes, qui résidait à Dakar. Dans les cir-
conscriptions administratives sccOlidaires, des commis-
Au Camcroun, la direction des services sanitaires ct mé-
sions d'hygiène étaient instituées par le gouverneur
dicaux était confiée à un médecin principal des troupes
général.
coloniales. Un hôpital du scrvice général existait à
Douala, 3\\ cc un dispensaire pour les indigènes à Akwa,
Les premiers postes d'assistance médicale furent créés
un labora1<)Îrc de rechcrches bactériologiques intéres-
en 1887 dans l'île de Gorée, au large de Dakar, ct à
sant la pathologie du pays ct un institut vaccinogène. Un
Ségou- Sikoro dans la boucle du Niger. Dans les gran-
centre de recherches ct de traitement pour la trypano-
des villes, les formations hospitalières s'équipèrent
somiase était établi à Akonolinga. D'autres fonctions
progressivement. L'hôpital- hospice de Dakar, fondé
sanitaires étaient installées dans les ports principaux ou
en 1872 par les chirurgiens formés à l'Ecole de Chi-
secondaires (Sarraut 1923: 284).
rurgie navale de Rochefort, a été remplacé par un grand
hôpital colonial.
Le système de santé mis en place était calqué sur les
structures sanitaires qui existaient en France ct dans les-
quelles l'hôpital représentait l'instrument nécessaire
d'une politique de santé basée sur la consultation ex-
Pour la seule circonscription de Dakar, trente-deux
terne suivie ou non d'hospitalisation. Plus on était pro-
formations sanitaires étaient en fonctionnement Cil
che du chet:licu plus l'image de cet hôpital colonial était
1939. la même progression s'observait dans les ch~h
voisine de celle de son homologue métropolitain avec
lieux des six autres colonies dont l'ensemble fédéré
ses divers servic<.'S de médecine, de chirurgie, d'obsté-
'..Onstituait l'A.O.F. ct dans ceux des quatre colonies
trique, etc.
d'A.E.F. Les territoires sous mandat du Cameroun ct
du Togo suivaient une évolution analogue 1.
Malheureusement, ce schéma ne pouvait convenir à la
réalité de cene époque, pas plus d'ailleurs qu'à celle de
En Afrique équatoriale française, à la tête du service
l'Afrique d'aujourd'hui. Cene politique sanitaire, basée
1 Rev. CAlIrIES . Série H, Vol 004, 2002
19

_ _ _ _,
Sciences sociales et humaines
sur des formations fixes plus ou moins élaborées, se
de la JXlpulation (en 1'J38). Les soins en campagne étaient
heurtait en effet à des contraintes de natures diver-
mieux assurés par les ~lquipes mobiles qui soignent d' abord
ses2. C'est pourquoi, parallèlement à l'organisation
les trypanosomés, puis les varioleux. les lépreux el palu-
progressive d'une assistanee médicale basée sur les
déens et ensuite les syphilistiques.
formations fixes, allait naître une forme d'action sani-
taire appelée « médecine de l'avant «, ou « médecine
11- L'action sanitaire: la prophylaxie de la maladie du som-
dynamique «, en vue de porter le combat au cœur
meil
même du foyer endémique. C'est dans cette optique
que Ali Ben Issa écrivait: «j'ai pensé quc les cam-
La trypanosomiase humainc africaine était connue et re-
pagnes doivent avoir, elles aussi, des malades man-
doutée de longue date. Entre l'JO 1 et l'J Ill, on découvre à
quant de médecins pour les soigner. Il faut donc leur
la fois ses agents pathogènes: Trypanosoma gambiense et
envoyer une ample provision de médicanients, qu'ils
Trypanosoma rhodesiense. ses vecteurs: les glossines cou-
séjournent dans chaque localité le temps nécessaire
ramment appelées mouches tsé-tsé et un médicament très
et qu'ils se transportent partout « (Dr Lapeyssonnie
actif dans les premiers stades de la maladie, l'atoxyl4. Tout
1972 : 1). Le besoin en personnel s'imposait donc une
était done prêt pour la lutte. Mais il manquait la doctrinc à
extension de l'assistance médicale.
adopter.
2- Le personnel de santé
La comparaison des deux textes suivants montre la néces-
sité de la mise en œuvre d'une doctrine nouvelle de lutte

La présence de médecins militaires du service de santé
contre les maladies sociales dc l'Afrique, En 1'J13 le Or
des troupes coloniaiL-s employés à des tâches d'assis-
Jamot écrivait : « Au chef-lieu. les indigènes contaminés
tance médicale civile s'explique par trois raisons: la
sont soumis à une surveillance con~tante : ceux qui jouis-
continuité insensible qui avait fait des médecins des
sent d'unc santé robuste pour as~urer par cux-m':mcs leur
colonies de la conquête des médecins des postes mi-
existence viennent se faire examiner toutes les semaines à
litaires, puis ceux des cercles ct le fait qu'en dehors
l'Institut Pasteur Ide Brazzaville) qui. pendant les années
des médecins militaires, le recrutement de praticiens
1912 et 1913, a pratiqué 13 320 injections d'atox~ 1. Les
dans le civil s'avèrc difficile devant les conditions de
sommeilleux plus atteints sont hospitalisés «,
vieet d'emploi qui, sur le plan matériel tout au moins,
n'étaient pas celles d'aujourd'hui.
En II) 15, Jamot. évoquant les limitcs de la médecine statis-
tique écrit: « Nous avons pu. en moins de deux ans, visiter
En 1'JI3, le Gomerneur général avait créé à Dakar
tous les villages à des exceptions près d'un territoire ayant
un hôpital central indigène devenu en l'J 18 l' hôpital
une superficie de plus de IIJO 000 km2 IOubangui-chari).
d'instruction pour l'Ecole de Médecine. Cette Eco/<:
Nous y avons examiné ct manipulé un par un 81) 743 habi-
allait satisfaire aux besoins en personnel auxiliaire pour
tants. parmi lesquels 5 347 ont été reconnns trypanosomés.
le fonctionnement des services médicaux3.
Tous les loycrs épidémiques rencontrés, ct nous en avons
rencontré d'cxtrêmement violents, ont été maîtrisés «.
En 1923, le personnel chargé d'assurer les services
d'hygiène et de prophylaxie en Afrique Occidentale
(\\.." résultats montrentquïl est possible de spéculer sur la
comprenait 38 médecins européens de l'assistance
collaboration de l'élément indigène pour organiser avec un
médicale indigène, 61 médecins-majors de troupes Cl}-
personnel médical européen restreint une lutte méthodi4ue
loniales, 66 aides-médecins, 57 infirmiers vaccinateurs,
contre fa maladie du sommeil. Cette doctrine a été propo-
15 sages-femmcs, 250 gardes ou surveillants d'hy-
sée ct mise cn œuvre par Jamol.
giène(Sarraut 1'J23: 280). En 1938,cent quatre vingt
(180) médecins en A.O.F, une soixantaine (60) en
1- La doctrine Jamot
A.E.F exerçaient dans les services médicaux. Quant
au pcrsoni1e1 africain spécialisé, il était encore rare.
La méthode dc Jamot consistait « à aller au devant du
En 1940, 186 médecins auxiliaires formés à Dakar
malade « et ne plus attendre qu'il vienne lui-même se pré-
étaient employés dans l'assistance médicale indigène'
senter au m.:decin. Jamot fit appel à une vcrtu militaire
(Coquery-vidrovitch 19K4: 186-187).
essentielle. l'offensive: on ne doit pas attendre passive-
ment les coups que la maladie intlige à la population, mais
Ce personnel, bien qu'encorc insuffisant, examina près
au contraire porter le combat au eœur même du fllyer épi-
de quatre millions d'individus, soit environ le cinquième
démique.
20
Rev. CAMES· Série B, Vol 004. 2002
1

- - - - - - - - - -
-SSciences sociales et humaines
Pour réaliser cette directive générak d'action sanitaire,
En 193:5.67 :549 trypanosomés tùrent dépistés en AO.F.
Jamot élabora de grands principes qui avaient soutenu
et au Togo. La maladie du sommeil perdait chaque année
les efforts des équipes de lutte contre la maladie du som-
dlltl.'rrain : 27 000 cas èn 1940, 10000 en 1950, 3 SOOen
meil.
1960. Devant le succès de la méthpde Jamot en A.E.F.
au Cameroun et en A.O.F. on ouvre dès 1945 d'autres
Les équipes mobiles doivent atteindre les villagcs les plus
domaines aux service~'de médecine mobile: les vaccina-
reculés de la brousse ou de la forêt, réalisant la couver-
tiom, antivarioliques, les campagnes de llIasse contre le
ture géographique totale de la région. L'action médicale,
pa ludisme et les tréponématoses j pian, syphiJ.Iis).
pour atteindre cet objectif, doit se ramifier comme les
branches d'un arbre.. Les équipes. utilisant tous les
En etTet les équipes furent entrainées à pratiquer le dé-
moyens de transport, y compris la progression à pied.,
pistage et le traitement des malades et des porteurs de
pénètrent de plus en plus profondément dans l'hinter-
genne au cours du même rassemblement des populations.
land rural. Elles assument les tonctions essentielles de
Le service. général autonome de la maladie du sommeil.
dépistage, de traitement, de vaccination et de
puis le service général d'hygiène mobile et de prophy-
chimioprophylaxie. En effet. l'ensemble de la population
laxie, furent créés pour remédier à une insiÎffisance des
soumise au risque était périodiquement examiné.
moyens dan:' le domain.e d.. l'action rurale de l'assistance
médicale indigène. Les équipes dudit service furent aussi
Les malades porteurs dc gcrmes étaient dépistés et trai-
chargées de vaccinatioils en zone rurale.
tés5. Devant la dispersion géographique des tâches. le
médecin ne peut assumer à lui seul tous les gestes dia-
L'originalité du $ervice I!énéral d'hygiène mobile et de.
prophylaxie, son
-
dynamisme, tùrent '-
gnostiques, thérapeutiques et prophylactiques nécessai-
concrétisés par l'unité
res. Il doit donc en déléguer une partie à des auxiliaires
de direction et par l'autonomie financière et administra-
qui vont en quelque sorte multiplier, diversitier et éten-
tive qui, seules pennirent des réalisations· rapides et pro-
dre son action.
gressives, car elles autorisent: l'unité d'action technique
à l'échclon fédéral. une plus grande latituQe dans l'utilisa-
Ainsi écrivait en 1926 Jamot : « les indigènes du Congo,
tion des crédits inscrits 'au budget de ce service.qui avait
comme ceux de toutes nos colonies où sévit rendémo-
l'avantage d'être fédéral et une grande rapidité des for-
épidémique (de la trypanosomiase) sont en eftct, capa-
malités d'engagement d~ dépènses, la libre disposition
bles, même s'ils sont illettrés, d'acquérir très rapidement
d'un secteur à l'autre et dans la totalité de la fédération
une certaine habileté pour toutes les manipulations que
du matériel en charge.
nécessitent le diagnostic microscopique et le traitement
de la trypanosomiase humaine « (Dr Lapeyssonnie 197'2
En 1957, l'application de la loi cadre morcelait ces servi-
: 39).
ces fédéraux d.. rA.O.F. et de rAE.F. en autant de frag-
« Toutetois, leur manque d' instr~ction générale nous in-
ments quïl y avait de colonies. Au moment des indépen-
terdit momentanément de compter sur leur csprit dïni-
dances, chaque Etat disposait ainsi d'un service général
tiative et nous oblige à surveiller tous leurs actes de très
d'hygiène mobile et de prophylaxie9 existant sur son ter-
prés, mais sous celle réserve. ce sont des collab\\)rateurs
ritoire.
très précieux16 « (Dr Lapeyssonnie 1972 : 40).
Le médecin général Richet a saisi le danger de celle bal-
La IUlle contre les grandes endémies a fricain..
kanisation sanitaire et a convaincu les ministres des jeu-
'S fut donc
organisée sur ces bases. En 1926, la Mission Penna-
nes Etats que la maladie risquait de ne reconnaitre les
nente de la lutte contre la maladie du sommeil au Came-
nouvelles front ières, le plus souvent de caractère plus
roun est née; en 1927, rAE.F. crée un service spécial
politique que naturel et parfaitemcnt perméables aux mou-
de la trypanosomiase. En A.O.F, devant les résultats
vements de population.
médiocres des Grou(X.'S de Prophylaxie de la maladie du
sommeil, pauvres en personnel et en mo) ens et surtout
A la suite de ce:-. e1'torts.un organisme multinational était
inféodés à l'assistance médicale7 on tinit par adopter
créé, qui unissait les anciennes colonies de rA.o.r. et le
les recommandations que Jamot avait faites en 193:538 :
Togo pour une défense sanitaire commune: en 1960, l'Or-
le service général autonome de la maladie du sommeil
ganisation de Coordination ct de C\\xlpération de la Julle
en A.O.F et au Togo est créé le '20 janvier 1939. Il com-
contre les Grandes Endémies (O.c.c.G.El voyait le jour.
prenait vingt-sept secteurs spéciaux, sa direction est éta-
Son siège était établi il. Bobo-Dioulasso: les centres de
blie à Bobo-Diou I::sso.
recherche et de tormation du personnel préexistam ou
1Rev. CAMES - Série B, VuÎ 00";, "'VVL
li

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales et humaines
le service de prophylaxie de la maladie du sommeil en
nou\\ellement créés. qu'il aurait été dillicile à chaque
A.O.F. et le rattacha à l'assistance médicale indigène.
Etat d'entretenir à lui seul et pour lui seul, y étaient
Quant au Gouverneur Reste. il éerit : « pour soi-disant
rattachés 10.
combattre la maladie du sommeil, les médecins ont fait
en A.E.F et au Cameroun un Etat dans Etat. Il ne re-
Au tota 1. « au moment où les Etats accèdent à l'indé-
commenceront pas ici (A.O.FI. La maladie du sommeil
pendance et prenncnt en charge leur santé publique. la
n'est pas un danger. D'ailleurs ce n'est pas la tsé-tsé
France laissait sur les territoires où elle avait exercé
qui la transmet. On ne fait pas tant d'histoires en France
son intluence plus de 4 000 tormations sanitaires, dont
pour la tuberculo~e« (Dr Lapeyssonnie 1987: 152).
~ 500 dispensaires, ~ 16 hôpitaux, 360 maternités
<
«
(Rauche 1991 : 241 ).
Au point de vue financier, l'autonomie de la doctrine Jamot
se justifiait par l'incompréhension et la veulerie de cer-
La trypanos<,miase humaine. à l'exception de quelques
tains médecins qui n'avaient pas su voir le problème pro-
fi.lyers résiduels. était pal10ut en régression : de 12 %
phylactique dans sa tragique réalité. C'est ainsi qu'en
en 1940, la contamination est tombée à 0.13 % de la
1933, sur 950000 francs 1J inscrits dans le budget local
population en 1970 (Dr Lapeyssonnie 1972 : 41). Mal-
de la cilte d'Jvoire pour la prophylaxie de la trypanoso-
gré l'insuftisance de personnel. de crédit, et l' ineffica-
miase. Resle avait réussi à en éeonomiser 600 000 francs.
cité des premiers médicaments utilisés, l'œuvre accom-
Mais le Gouverneur Reste n'avait pas signé la nomina-
plie a été remarquable.
tion des infirmiers et dépensé 10 000 francs par mois.
Ainsi près d'un million de matériel et de médicaments

Puissent les Etats africains se ra lIier à l'opinion du mé-
restèrent inutilisés. Aucune tounlée ne fut entreprise faute
decin général Sanner qui écrivait en 11)58 : « Aussi.
d'essence. Pendant ce temps stérile, la population mour-
n't'St-ce pas le moindre mérite des services sanitaires
rait en brousse (Dr Lapeyssonnie 1987 : 153). Cette
français que d'avoir résisté à l'attrait de l'ostentation
apposition à l'action de Jamot était ramorce d'une des
pour s'attaquer, si vaste que pût apparaître la tâche. au
situations administratives confuses propices aux pala-
fond du problème. De cette opinion délibérée pour un
bres personnelles et aux contlits d'autorité. Jamot en fit
chemin diflicile procède un mode d'action sanitaire qui
la triste expérience 12.
a trouvé son expression dans les services d'hvoiène
.C"
mobile ct de pmphylaxie « (Dr Lapeyssonnie 11)72 :
Conclusion
44).
Les médecins coloniaux firent des expériences sur les
Mais il faut reconnaître que la mise en œuvre de la
malades africains avec des médicaments qui empoison-
doctrine Jamot et son fonctionnement n'avaient pas du
naient le corps. Mais la prophyla)\\.ie des maladies tropi-
tout été tàciles. Ils connurent une résistance adminis·
c.ales entraîna ~ne révolution scientitique. A la descrip-
trative et financière.
tion des maladies exotiques aussi confuse, succéda une
attitude raisonnée, gràce au génie de Louis Pasteur: à
En et1èt. la plupal1 des médecins qui. en raison de leur
t~lIe maladie correspondait tel microbe. Pour beaucoup
grade lùrent appelés à dtri;?er les services de santé des
d entre elles. 0Il poU\\"ait préparer vaccins et sérums. Pour
colonies, ne tùrent pas préparé'> au rôle qu'on leur de-
cel1aines on commençait à découvrir des médicaments
mandait de jouer dans la lutte contre la maladie du som-
chimiques pour détruire le germe malfaisant à l'intérieur
meil. Les directions locales de la santé publil\\ue qui di-
de l'organisme des hommes et aussi des animaux.
rigeaient des organismes médicaux à responsabilité li-
mitée, compromettaient le fonctionnement dcs servi-
ces qui avaient une responsabilil'; médicale lëdérale
SOURCES n'ARCHIVES ET BIBLIOGRAPHIE:
(exemple des équipes mobiles de prophylaxie de la
maladie du sommeil). « On estime que la trypanoso-
1- Documents d'archives
miase humaine est une maladie comme les autres et
qu'elle peut et doit ètre combattue comme les autres,
1-
France
(AIX-EN-PROVENCE
ET
AIX-
par les médecins de l'assistance médicale indil!ène sous
MARS ELLE : A.N.S.O.M., A.N.PHARO)
l'autorité des chets locaux du service de sa~té ;< 1Dr
Lapeyssonnie 1987 : 146).
Rapport de M. Viala, Directeur de service de santé au
Togo sur la trypanosomiase, 1929
Pour ces raisons. le Gouverneur Boyé supprima en 1932
22
Rev. CAMES - Série B, Vol 004, 20021

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - S c i e n c e s sociales et humaines
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maladie du sommeil
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