Sciences sociales el humaines
_
URBANISATION ET LES AMENAGEMENTS URBAINS
El QUESnOIi
DZIWONOU y AO
Facult édes Leures el Sciences Humaine s
D épartement de Géographie
Univ ers it é de Lomé - TOGO
RE
1E
L 'extranrdinuire 1 rbunlsution que cmumît
The extraordlnary urba nisation that /;"011' und r
l' Ifriqul! sub: ahurienne est présentée
traver. 1
défi
lalmru african countries ls set (III ( thrau f, (fi
Cli n
on
id éruble cliatteug
tltut tOU'lI S crea te for th
·/dérahll!.~ qu« le ' vil! \\ po ent aux pl/p"IIlI/OII. et IIIL'C
uutorit é . En tlépi
des progrè
r lali 'é dan
-ertuin e
popututions and the authorlties; 'lI llw ugh IJœ pro rr s
villes, le m éthodes de plnniflcntlon el d'um énugement
IIlIII/e ill mati)' towns, IIII! p taniflcatton 1IIt'I/wd.\\ ntul
urbain Ile sont pas il la mesure dt! III croissance urbain .
urban management are'nt me a lire up 10 the urban
l.cs irr égularités foncières el l'illé tolité Ile l'hubitnt
growth, 'l'Ile IUlUi lrregularity and untawful built seemetl
paraissent toujour. 1I0U maitri: ées.
always uncotttrallabte:
Mots-clés
Key words
Urbanisation - Aménagement urbain -Irr égularit és
Urbanization - Urban management - Irregular land - Unlaw
foncières - Habitat illégal
built.
INTRODUCTION
1993). Selon les perspectives,
ville à l'autre, mais à l'intérieur de
l'Afrique de l'O uest comptera à
chacune d'entre elles. Les quar-
Les villes africaines du Sud
ell e seule 6 000 vil1es en 2020
tiers en manifestent l'inscription
du Sahara accueillent 2,5 mil-
dont 300 de plus de 100 000
dans l'espace, selon la logique
lions de nouveaux cit adins par
hab itants (SNREC H, 1994).
des identités, des classes sociales,
an , soit près de di x fo is l'accrois-
Cette urbanisation essenti el1e-
des degrés d'assimilation des ma-
sement annuel de la populat ion
ment caract ér isée par l'effet de
nières urbaines .
de la France. La population ur-
mas se est un défi par so n rythme,
Les villes africaines sont plu-
baine a ainsi dépassé 200 m il-
par son intensité, par sa dimen-
rielles est-il dit. Ce pluralisme est
lions d'habitants , soit 40% de la
sion. Il faut remanier l'accession
positif par certains de ses as-
population du sous-continent. El-
à la propriété et répartir les ter-
pects. Les villes sont le lieu de
Ie devrait atteindre 350 millions
rains selon les besoin s et les fina-
cr éativité sociale et culturelle,
en J'an 2010. Ce qui montre réel-
lités , produire des log ements en
elles contraignent à l'apprentissa-
lement que, la croi ssance démo-
nombre suffisant; il faut installer
ge de la coexistence dans la diffé-
graphique, sans pareil dans l'his-
de s conduites d'eau, canaliser les
rence, elles contribuent à la circu-
toire, que connaît l'Afrique s ub-
constructions populaires, gérer
lation des éléments culturels etc.
saharienne s'est traduite depuis
les services urbains, as surer les
Mais, le pluralisme comporte
60 ans , et continuera de se tra-
tran sports, nourrir la ville etc . On
au ssi des aspects négatifs, lors-
duire d'ici 2030 , par des flux
ne saura it se limit er à cette se ule
q u'il oppose des mémoires col-
migratoires intenses dont la ma-
interprétation. L'urbanisation en
lectives et des trad itio ns long-
nifestation la plus visible est
Afrique sub saharienne est égaIe-
temps affrontées ou, à l'inverse,
l'explosion de J'urbanisation dans
ment diverse. La diversité ne se
lorsqu'il finit par engendrer l'in-
cette partie du monde (VENARD,
donne pas seulement à voir d'une
certitude identitaire. Le pluralis-
164
Rev. CAM ES - Série B, vo l. 03 - W 002. 2001

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _
Sciences soc iales e l humaines
me à bien des égards , devient
gement urbain qu'il faille mener
ser sous si lence les facteurs endo-
antagoniste lorsqu'il se traduit en
et sur les man ières de vivre la
gè nes qu i expli quen t les mouve-
irrégularit és cro issantes, en illé-
ville au quotidien. La conjonction
ments de popul ation, on ne peut
galité perm anente, lorsque les
de ces deu x élém ent s incit e à
le faire lorsqu'il s'ag it des indica-
"be au x quarti ers" protégés se
s'interroger sur leurs interactions
teur s dém ogr aphiqu es. C'es t la
maintiennent à bonne distance de
et notamm ent sur l'influen ce que
raison pour laquelle, sans tomber
grand s rassemblement s de cita-
peut avoir l'urbanis ation sur les
dans les rets de la "chiffrologie"
dins soumis à la préca rité (DU.
schémas d'aménagement urbain.
ou de la "quantoph rénie" , l'appro-
RAND-L ASS ER VE, 1986 RO CHE -
Co mme nt so nt-ils conduits
che de la croissance démographi-
FORT, 1988).
j usq u'alors ? Qu'e st-il possible
que peut se référe r à des statisti-
C'es t ici qu' apparaît la pro-
d'in itier, sur un lieu donné, à un
ques non rigoureuses ni pointil -
blématiqu e des irrégularités fon-
moment donné, avec les ac teurs
listes mais forcément nécessaires
cières et de l'ill égalité de l'habi-
et les for ces soci ales en pré-
pour app réhender le phénomène
tat issues des initiative s massive-
sence?
de l'urbanisation en Afrique.
ment informelles de producti on
On note à travers les indica-
des quartier s. Elles cond itionnent
1. U NE URB A NISATIO N LA
teurs de populati on qu'ils so ient
fortement les modes de vivre et
PLUS RAPIDE A U l\\-l ONDE ?
de distribu tion spatiale ou de hié-
d'habiter en ville. C'est ce que
rarchie spatiale, que le co ntinent
(LE B RIS, 1993) appell e « les
Réfléch ir s ur les paradi gmes
africain qui ne re pré-sentait en
trajectoires d'urb anisation».
de la croi ssance des vi Iles en
1950 que 7% de la popul ati on
Si on admet aisément que la
Afriqu e sub saharienn e en cont i-
mondial e, "pèsera" 17% de cette
démographie entre pour une bon-
nuelle mégapolisation et e n proie
populati on en 203 0. Ce dyna-
ne part dans l'intelligence du pro-
à des difficult és d'am énagem ent
misme démographiqu e se traduit
cessu s d'urbanis ation en Afrique,
urbain, c'est ava nt tout faire une
par une progressi on de j'urbani-
il n'est pas moins vrai que le
anal yse in fine de leu r peuple-
sa tion à des rythm es sans précé-
débat actuel port e moins sur la
ment qui doit être pensé à la fois
dent avoi sinant les 10% par an
taille des vill es mais beaucoup
en fonction du passé et de l'ave-
dans les grandes viIl es au co urs
plus sur les politiques d'amén a-
nir. Si on peut s'appliquer à pas-
des dernières décennies.
La parit é e ntre populati on
Tableau 1 : Evolution de la population urbaine
rurale et popul ation urbain e es t
déjà atteinte à la fin du siècl e
1930
1950
1960
1970 1980
1990 2000
derni er et ce co ntinent qui ne
Popul ation des
130
164
203
265
360
500
650
compta it aucune ville milli on-
pay s d'A frique
aire en 1950 en comptera sans
Subsahar ienne (en milli on)
doute 70 en 2010 ( L E
BRI S,
Popul ation rural e
122
149
179
207
257
350
410
-
1993).
Popul ati on
8
15
27
52
103
150
240
Ur bain e
Dès 198 5, on flair ait cett e
(+ 5 000 habitants)
croissance. Il est soul igné qu'en-
Tau x d'urbani sati on (%)
6
12
16
22
30
30
37
tre 1950 et l'an 2000, l'Afrique au
Agg lo méra tio n
0
1
10
Sud du Sahara se ra passée d'une
1000
10
28
160
popul ation à gra nde dominance
100.000
L.....
rurale à une population fortement
urb aine (C OU R,
1985) (voi r
Source: Cour M., Elude d'une image à long terme de l'Afr ique su bsaharienne,
tableau 1)
Sedes, Pari s, 198 5, 227 p.
On considè re donc que l'ur-
connaît l'expansion la plus accé-
pe rsonne s so nt venu es gro ssir
banisation est l'un des traits fon-
lérée même si son niveau demeu-
l'effectif urbain ; il Y en aura se-
dament aux de l'évolution actuelle
re relativement limité comparé à
lon les prévision s, 130 milli ons
de l'Afrique subsaharienne. C'es t
celu i de l'Amérique Lat ine. De
de plus avan t 2005 (BA LANDJER,
la plus rapide du monde. Elle
1950 à 1990, 70 millions de
1993, p. 4). La popul ation urbai-
Rev. C AM ES - Série B. vol. 03 - W 002. 2111 11
165

Sciences sociales el humaines
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ne de 47 pays d'Afrique du Sud
rienne avait un taux d'urbani-
sance urbaine le plus élevé en
du Sahara représentait en 1992,
sation moyen supérieur à 35% en
Afrique. Dans son analyse, il re-
150 millions d'habitants pour une
1992 et 40% de sa popul ation
marque que le taux de crois-
population totale de l'ordre de
sera
urbanisée en
l'an
2010
sance urbaine pour l'ensemble de
520 millions d'habitants.
(HUGON, 1993, p. 233).
l'Afrique s'établit à 5 % par an
Urbanisée à moins de 10 % il
Par ailleurs, (SCHUMANN. 1990,
pour la période 1958-1990 .
y a 30 ans, l'Afrique subsaha-
p. 45) souligne un taux de crois-
Il est même monté à 7 % par
Tableau 2; Evolution de la population et du taux d'urbanisation (1990 -2025)
an en Afrique Orientale de 1975-
1980. En 1990, 6% de la popu-
Taux d'urbanisation
Population urbaine
lation urbaine du monde se situait
(en %)
(en millions)
1990
2000
2025
1990
2000
2025
en Afrique subsaharienne . En
Ensemble du monde
45
51
65
2390
3198
5493
2025, la part correspondante sera,
Pays en développement
37
45
61
1515
2251
4376
selon les prospections des Na-
dont Afr. subsaharienne
31
38
55
155
261
730
tions Unies, de 13 %. Pour illus-
Pays développés
73
75
83
875
946
1117
trer cette croissance urbai ne, il
Population urbaine (en millions)
faut se rendre compte que durant
1990
2000
2025
la période 1990-2025, les villes
Ensemble du monde
5292
6261
8504
pourraient être amenées à absor-
dont Afr. subsaharienne
502
688
1322
ber environ 575 millions de
nouveaux citadins, soit plus que
Source: Nations Unies, Department of International Economie and Social
la population totale actuelle de la
Affairs. World Urbanization Prospects 1990. Estimates and Projections ofUrban
région (voir tableau 2).
and Rural Populations and of Urban Agglomerations, New York, 1991 ,223 p.
On remarque également qu'il
108 entre 4 000 et 50 000 habi-
se peuple à partir de son stock
y a un processus de regroupe-
tants. Au Kenya, le nombre des
autochtone de populations rurales
ment des populations dans les
villes (plus de 2 000 habitants
contrairement à l'Amérique du
centres urbains secondaires. En
agglomérés) atteint 17 en 1948,
Nord. La région entre dans un
1970, 32 millions de personnes
34 en
1962 et 90 en
1979
processus d'urbanisation extrê-
vivaient dans des centres de plus
(WESCOrr,
1982). Au Sénégal,
mement rapide, caractérisée par
de 20 000 habitants : 32,5 % dans
les villes de plus de 5 000 habi-
un processus de restructuration et
des villes de 20 000 à 99 999,
tants se hissent de 18 en 1958 à
de concentration du peuplement
42,3
% dans
des
villes
de
52 en 1986 , (MAINET, 1991),
au bénéfice des villes-capitales.
100 000 à 499.999, et 25,2 %
tandis qu'au Niger, entre les re-
Le taux de concentration des
dans
des
villes
de
plus
de
censements de 1977 et 1988, le
citadins dans les villes -capitales
500 000 habitants . Le nombre de
nombre des villes passe de 29 à
est estimé à 33 % pour l'Afri-
cités de plus de 500 000 habitants
60.
que subsaharienne (CALD-WELL,
est passé de 3 en 1960 à 28 en
L'urbanisation constitue donc
1995). Selon la même source,
1980. D'une étude réal isée dans
pour les pays d'Afrique subsaha-
Lomé concentre 51 % des cita-
huit pays d'Afrique de l'Ouest
rienne l'élément clé de son pro-
dins de son pays, Cotonou 16 %,
(Burkina Faso, Côte d'Ivoire,
cessus de peuplement. Commen-
Accra 22 %, Abidjan 45 %,
Ghana, Libéria, Mali, Mauritanie ,
cé plus tardivement que dans les
Lagos 23 %. (KA LASA, 1993) ca-
Niger, To-go), il ressort que le
autres régions du monde, le peu-
ractérise la vitesse du processus
nombre de petites villes de 5 000
plement s'est accéléré rapide-
d'urbanisation comme tout à fait
à 20 000 habitants est passé de
ment, donnant lieu à une mobilité
exceptionnelle, sans égal dans
150 à plus de 400 entre 1960 et
vers les villes depuis la fin de la
aucune région du monde ni à
1980 (GIRAUT et EBR AD, 1991).
2e guerre mondiale et surtout
aucune époque .
Au recensement de 1988 en Côte
après les indépendances (DUBRES-
Ces chiffres suggèrent à eux
d'Ivoire , on dénombre 121 villes
SON , 1996). Plus particulièrement
seuls l'ampleur des problèmes
de plus de 4.000 habitants, dont
en Afrique de l'Ouest, la région
que les villes et leurs pays res-
166
Rev. CAM ES - Sé rie B, vol. 03 - W 002, 2001

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pectifs auront à surmonter. Les
comment financer l'équipe-
immobilier (mesurée par exemple
défis que pose la ville aux popu-
ment des zones résidentielles
par la proportion d'habitat pré-
lations et aux gouvernements
en réseaux viaires, en voirie et
caire) ne semble pas diminuer
sont donc considérables et leurs
réseaux divers, en infrastruc-
significativement, il n'en est pas
analyses sont souvent à l'origine
tures collectives etc. ?
de même pour les infrastructures
des commentaires pessimistes.
-
comment conduire les opé-
publiques et pour les services
Parmi les préoccupations les plus
rations de restructuration des
d'entretien des espaces publics :
immédiates figurent les problè-
quartiers "mucèques", de ré-
l'environnement se dégrade parce
mes de l'aménagement urbain.
novation des vieux quartiers,
que les ressources allouées à son
On s'accorde à reconnaître que
de réhabilitation des squatters
maintien et les plans de leur amé-
dans la plupart des villes ils sont
ou de curetage des parcelles?
nagem ent ne sont pas toujours à
tellement inextricables au point
la mesure de la croissance ur-
qu'une nouvelle définition des
En voulant lier les réponses à
baine. On soulève particulière-
règles de la planification des
ces quatre préoccu pations, 1es
ment la question des quartiers ir-
espaces urbains est nécessaire et
méthodes de planification et d'a-
réguliers, dison s des occupations
indispensable.
ménagement des terrains utilisées
irrégulières et illégales dont nul
dans la plupart des villes jusqu'à
ne peut nier l'existence dans la
2. LES AMENAGEMENTS
présent, qu'il S'agisse de grandes
plupart des villes.
URBAI NS : ECHEC OU IL-
opérations d'aménagement, de
En s'appuyant sur ce qui se
LUSION?
projets de parcelles assainies, de
passe dans les villes-capitales :
lotissements a posteriori (comme
Cotonou, Lagos, Abidjan etc. et
L'extension spatiale des villes
à Ouagadougou, Cotonou... ) ou
en cristall isant notre observation
résulte à la fois de l'accrois-
de plan d'urbanisme (Bamako,
sur l'ensemble des systèmes de
sement de leur population et des
Douala ... ), n'ont généralement
product ion des espaces urbains ,
pratiques sociales favorisant l'af-
pas réussi à leur apporter une so-
on ne peut refuser d'accepter que
fectation et la réal location des
lution satisfaisante. En dehors de
l'urbani sation a produit au cours
terrains situés dans les marges ur-
quelques projets d'aménagement
de plusieurs années des irrégu-
baines . L'aménagement de ces
urbain bien aboutis financés par
larités foncières auxquelles il faut
zones d'extension urbaine est im-
la Banque mondiale de type de
ajouter sa conséquence première:
périeux et résulte de la combi-
Nylon (Douala), Magnanbougou
l'illégalité de l'habitat. Elles parti-
naison, dans les proportions va-
(Bamako), Abobo (Abidjan), ou
cipent de façon concomitante ou
riables selon les villes, de pro-
financés par la Caisse Française
successive d'un processus d'urba-
cédures officielles d'aménage-
de
Développement
: Balbala
nisation qu'il convient de caracté-
ment foncier par opérations équi-
(Djibouti), Likouala (Libreville)
riser tant quantitativement que
pées ou par simple lotissement,
et Fass Mbao (Dakar), ou encore
qualitativement pour en apprécier
de lotissements clandestins ou
de projets d'habitat localement
l'ampleur.
illégaux par les ayants-droit cou-
initiés , les opérations publiques
tumiers. Les opérations d'amé-
d'amén agement urbain ne parais-
3. IRREG ULARITES FON-
nagement doivent pouvoir ré-
sent pas en mesure de répondre
CIERES ET ILL ECALlTE DE
pondre à quatre préoccupations
aux exigences de la croissance
L'HABITAT
majeures:
démographique.
Certes, les quartiers issus de
L'habitat est à la fois en amont
-
comment faire pour éviter une
procédures officielles d'aménage-
de la question foncière et au
extension désordonnée, sus-
ment ou ayant fait l'objet d'opé-
centre des préoccupations portant
cepti ble d'occuper des zones
rations planifiées couvrent 60 à
sur l'aménagement des centres
estimées inconstructibles ou
70 % de la surface urbanisée et
urbains.
de rendre l'équipement ulté-
ont contribué au développement
rieur très onéreux?
ordonné des agglomérations mais
a) Les désordres d'habitat
-
comment officialiser les mu-
ils n'offrent à vrai dire qu'un
tations des droits sur le sol en-
niveau de services urbains insuf-
L'indisponibilité du sol à tous
tre les anciens terroirs ruraux
fisants dans la plupart des villes.
les usagers fait regrouper des
et les nouveaux occupants
Par ailleurs, si l'on admet que
populations d'origines diverses
urbains ?
la qualité moyenne du
parc
ayant en commun la modicité de
Rev. CAM ES - Série B, vol. 03 - W 002 , 200 1
167

Sciences sociales el humaines - - - -- - -- - - - - - - - - - -- - -- - - - - - - - -- - - -
revenus sur des sites "abîmés",
(YAf'I-DLAOU, 1999). L'exemple
personnes etc.
Si
l'ordre qui
condamnés par leur statut foncier
de Luanda est encore plus indica-
prévaut dans les townships à
ou par leur configuration sinueu-
tif quand on sait que plus d'un
Harare ou dans les villes du
se s'apparentant à celle du village
million d'âmes vivent irréguliè-
Nigeria,
et
qui
produit
une
(FR,1.NQUEVILLE,
1987). Les in-
rement et précairement dans les
typologie spatiale variée entre
frastructures sociales de base
périphéries ou dans les bâtiments
Lagos et Kano peut permettre
(eau potable, électricité, centres
délaissés par les anciens "maî-
d'organiser une gestion urbaine
de santé et d'instruction) y sont
tres" du pays. A Salisbury ou
appropriée, malgré une inaccessi-
rares. On les repère dans les in-
Harare, à défaut d'entretien, les
bilité aux
véhicules dans une
terstices des centres-villes (bas-
townships dont les Africains sont
bonne partie de la ville, il n'en est
fonds, co Il ines à fortes pentes),
devenus les nouveaux locataires,
pas
de
même dans
plusieurs
ou à la limite des quartiers plani-
se
"ghettoïsent" après la fin
autres villes.
Le désordre de
fiés et aussi à l'orée lointaine de
de l'apartheid urbain (RA KODI,
Douala, de Luanda, occasionné
la ville (IGUE, 1989). L'occupa-
1990).
Si
on
appliquait
les
par l'imbrication des abris précai-
tion illégale de ces espaces ur-
critères de régularité retenus par
res et l'étalage des quartiers spon-
bains par la population évol ue
(NACIRI,
1980) (accessibilité,
tanés, constitue un frein majeur à
dans le temps. (Yi/GLlN,
19 ( 3)
desserte, statut foncier, payement
l'organisation de la ville. L'or-
donne, à travers la citadination
de taxes ... ), non notera que 1a
donnancement (l'alignement), qui
des périphéries de Ouagadou go u
proportion d'exclus relevant des
n'est
qu'une
forme
de
cette
une illustration de cette évol u-
quartiers spontanés ou le nombre
organisation, n'est d'ailleurs pas
tion. Il montre comment de lâ-
des marginaux urbains occupant
un gage d'ordre urbain quand les
ches semis de maisonnettes en
les bâtiments délabrés, abandon-
trames tracées abordent les ac-
banco ont envahi les périphéries
nés par les colons, sont encore
cidents topographiques sans in-
de Ouagadougou dans les années
très élevés en ce début du troisiè-
fléchissement (à Brazzaville, sur
d'avant la révolution. Le bidon-
me millénaire.
les co Ilines érodab les de «tout
vi Ile qui est la forme de réponse
Loin d'aborder l'épineux et
pour le peuple») (CREPIN et al.,
aux problèmes de logement est
complexe débat sur les habitats
1992).
un phénomène marginal avant
sous-intégrés, on reconnaît que
L'intrusion des activités urbai-
les indépendances (GRANOT/ER.
dans ces secteurs urbains sans
nes dans la ville rend plus com-
1980). Il a eu tendance, dans les
voies automobi le de desserte et
plexe leur structure. Elle est par-
quarante dernières années, à de-
aux sentiers tortueux, justes lar-
fois vécue comme un mal néces-
venir un modèle dominant du
ges
pour les
deux
roues,
la
saire et l'on retrouve un port fai-
développement des villes. On est
promiscuité est effrayante. La
sant face à la zone résidentielle
ainsi
passé d'une
occup at ion
densité est tellement si élevée
(Cotonou), un aéroport coupant
transitoire dans des zones interca-
qu'elle peut atteindre parfois 10
la ville en deux (Brazzaville), un
laires à un envahissement massif
personnes par pièce quand bien
chemin de fer qui se mêle au
de squatters dans les zon es péri-
même celle-ci est construite avec
trafic routier (Dakar), une zone
phériques, puis au dévelop pe-
des matériaux de récupération.
d'activité qui a du mal à S'orga-
ment général isé d 'un
ha bitat
(ELA, 1983) rapporte qu'au Gha-
niser (Douala, Pointe Noire), ou
sous-intégré
(CREPIN el al,
na, des sondages ont révélé une
encore un marché paralysant le
1993).
moyenne 18,4 personnes par lo-
centre-ville urbain (Lomé). L'ac-
Dans la majorité des villes, les
gement à Accra, 21,3 à Kumassi
tivité économique n'est que rare-
cc c lpat ions irrégulières de ter-
la 2e ville du pays. A Nairobi,
ment intégrée et les exemples d'é-
rain couvrent en moyenne ie
52 % des ménages vi vent à plus
quilibre comme celui de Maputo
quart de [a sur.erficie urban isée.
de 5 personnes par pièce. A Da-
sont rares. On peut arriver à une
Même dans la ville d'Abidjan,
kar, on trouve parfois des foyers
situation d'extrême impraticabi-
qui
a bénéficié d'importantes
recouvrant plusieurs ménages de
lité comme celle de Lagos où
aides financières multilatérales
plus de 5 personnes, sans comp-
finalement des travaux impor-
dans le domaine de l'aménage-
ter les enfants. A Lagos ou à
tants de voirie ont dû être entre-
ment urbain, l'habitat précaire re-
Ibadan, 10 personnes en moyen-
pris pour redonner à la ville un
présente encore 10 % de la total i-
ne vivent dans la même pièce. A
fonctionnement économ ique ac-
té en 1999 en dehors du quartier
Lomé, un cé 1ibatori um de 10m2
ceptable entre le port et l'aéro-
"Washington" récemment détruit
peut abriter presqu'en moyenne 6
port. Dépassées par l'insalubrité
168
Rey. CAM E~ - ~CIIC !J. \\·UI. uJ - j\\i VV2, 2UU 1

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales el humaines
grandissante des quartiers sans
foncier coutumier et disposent
propriété privee des "nations
véritables réseaux viaires, les au-
parfois d'un document prouvant
civilistes".
torités opèrent carrément un
qu'ils se sont acquittés, au mo-
changement de site pour une
ment de leur
installation, de
C'était ignorer le caractère
nouvelle ville-capitale: Abudja.
toutes les obligations requises par
irréductible de l'opposition entre
Il en est de même pour les
les ayants-droit antérieurs.
ces deux modes de penser et d'or-
réseaux et les infrastructures quj
Dans plusieurs villes comme
ganiser l'espace, largement étran-
permettent le fonctionnement des
Salisbury,
Harare, Ouganda ...
gers l'un à l'autre mais placés par
activités urbaines, pour lesquelles
(LAMBONY, 1993),
Kinshasa,
la colonisation en position de
règne dans de nombreuses villes
Brazzavi Ile, Centrafrique (PIERA-
concurrence inégale. Peut-être le
un grand désordre (câble à haute
LAY, ] 993), le passé pèse de tout
législateur colonial ne s'est pas
tension et câble téléphonique
son poids sur les forces d'évo-
mis en position de comprendre le
s'entrecroisant pêl e-rnê le, des
lution foncières. Plus dans les
statut coutumier du sol avant de
égouts à ciel ouvert sillonnant le
zones d'habitat précaire ou dans
décréter le sien.
centre-vi Ile, trafic de poids lourds
les zones d'extension urbaine de
L'étude approfondie de cette
dans des embouteillages indes-
la ville qu'ailleurs, la dynamique
question par (TRIBILLON, 1986)
criptibles aux heures de pointe,
et la prégnance du droit cou-
est révélatrice. Un tel affron-
etc., l'implantation des établisse-
tumier produisent des occupa-
tement est-i 1en train de perdre de
ments industriels dans des zones
tions irrégulières massivement
sa virulence ou a-t-il tendance à
non adaptées provoquant des
informelles de l'espace.
se radicaliser dans ce contexte de
conflits d'usage graves, difficiles
Le rapport foncier peut donc
démocratisation marqué par une
et coûteux à résoudre etc.). Face
être assimilé à "un phénomène
double rupture?
à la récurrence des politiques
social" en ce sens qu'un conflit
d'aménagement,
le géographe
déclenché autour de la terre ou du
la fin tièdement proclamée
aménagiste saura-t-il s'appesantir
sol
peut mettre en branle la
des états de monopole foncier,
beaucoup plus sur l'aspect portant
total ité de 1a soc iété
et ses
la résurgence des politiques
sur le désordre urbain et son
institutions. L'urbanisation pro-
foncières moins intervention-
étalage que sur l'image de bidon-
duit à cet effet des "espaces à
nistes.
vi1isation associant les construc-
conflit" comme en témoigne une
tions précaires à un environne-
étude sur les litiges fonciers dans
Fascinés par le mythe de la
ment insalubre?
la ville de Lomé. Cette étude
propriété, les
Etats africains,
En amont à ces habitats se
révèle que les litiges apparents
après les indépendances se sont
superposent les irrégularités fon-
(c'est-à-dire ceux portés à la
lancés dans des réformes agro-
cières qui caractérisent l'ensem-
connaissance des tribu-naux et
foncières par la mise en place des
ble des occupations des quartiers
pour lesquels on a cherché à
réformes juridiques comme si
populaires. Autant que la ques-
avoir une solution et ceux réglés
l'on devrait tout attendre du droit
tion foncière se présente comme
en dehors des juridictions) repré-
et de son changement.
inextricable pour l'aménagement,
sentent environ 5 % de l'ensem-
Du Burkina-Faso en 1983 au
autant elle constitue le support
ble des saisines en 1998 dont
Congo Démocratique en ]973, en
privilégié de stratégies populaires
74 % portant sur les affaires fon-
passant par le Bénin en 1977, le
d'urbanisation.
cières dérivant des franges urbai-
Sénégal en ] 964, la Centrafrique
nes
à dominance coutumière
en ] 964, le Mali en 1966, le
b) Les irrégularités foncières
(DZ/WONOU, 2000).
Cameroun en 1963, le Togo en
On a cru résoudre définitive-
1974 etc. (MASSIAH et TRIBILLON,
En Afrique subsaharienne, les
ment le problème de deux ma-
]988), on a assisté à des réformes
occupants des abris précaires ne
nières:
agro-foncières qui n'ont semblé
sont pas toujours des squatters.
en définitive qu'à une parodie de
Ils peuvent être des ayants-droit
-
d'une
part, en
mettant au
nationalisation des terres mais
coutumiers qui ne se sentent pas
rancart les pratiques coutu-
elles avaient l'intérêt de recon-
menacés
ni
par
l'extension
mières par la loi du 6 juillet
naître que la terre est un bien, un
urbaine ni par J'insécurité de leur
]906 ;
bien de-fonds en ville.
droit d'occupation. Ils S'inscri-
-
d'autre part, en portant sur les
Dans la pratique, en dépit
vent dans la pratique du droit
fonds baptismaux la notion de
des variations terminologiques,
Rev, CAM!::S - Série [3. vol. U3 - N- UU2. 2U(J 1
169

Sciences sociales el humaines
ces réformes en considérant la
4. LES PRATIQUES FON-
publique
qu'exige
l'illégalité
terre comme un bien, s'appuient
ClERES HORS NORIVIES '!
urbaine retombe sur des adminis-
en
réal ité
sur
une
double
trations souvent modelées pour la
régulation:
Le problème d'usage du sol
fonction classique de maintien de
urbain se rencontre un peu par-
la "loi et de l'ordre". Elles sont
l'une publique et bureaucra-
tout dans les villes africaines. Les
donc plus adaptées pour exercer
tique fait de l'Etat propriétaire
villes africaines ne sont pas maî-
les fonctions autoritaires de l'Etat
privé de la totalité de l'espace
trisées parce que la plupart des
que pour diriger le processus
national. En ville, elle s'assi-
citadins occupent le sol de façon
d'urbanisation . Ainsi les opéra-
mile à la politique d'acqui-
irrégulière (LE
BRIS,
1993,
tions d'expulsion par exemple
sition globale des terrains,
p. 223). Ce n'est pas seulement
sont-elles menées par des hom-
c'est le cas du Gabon, du
que la population a elle-même
mes de mains chargés de répri-
Soudan, de l'Ouganda, du
augmenté, c'est aussi parce que
mer la population. Le plus sou-
Sénégal... ;
les habitudes ont changé de
vent les responsables eux-mêmes
l'autre informelle et indivi-
même que les réseaux de trans-
sont imbus de leur supériorité, et
dualisante entend
favoriser
port et de communication. C'est
leur tendance à l'action arbitraire
l'extension de la propriété pri-
aussi la façon dont les gens occu-
les rend redoutables. Le parti est
vée, en particulier par le biais
pent les espaces pour les loisirs et
une chose qu'j1 faut craindre, une
de la cession domaniale . Elle
les besoins en équipement. Il y a
chose qui veut inspirer la crainte,
se traduit en ville par les
peut-être au cœur du problème, le
car c'est la base de son pouvoir
politiques d'expropriation ou
changement des valeurs culturel-
(ZIMMET, 1995, p. 51).
de déguerpissement, le cas de
les, mais il y a aussi d'autres obs-
Voient-ils trop vite dans les
la Côte d'Ivoire, ou de réser-
tacles plus concrets qui, lorsqu'ils
pratiques collectives hors normes
ves administratives, le cas du
ne sont pas suffisamment résolus,
une forme de turbulence politique
Togo. Ces deux régulations
empêchent de rédu ire les inéga-
ou interprètent- ils le refus de dé-
contradictoires en apparence,
lités spatiales: l'application de la
guerpir un lieu comme une mani-
ont, dans la réalité, fonctionné
législation foncière urbaine.
festation politique qu'il faut mâ-
de manière complémentaire.
Sur une scène foncière très
ter? Les revendications foncières
Utile est de rappeler que dans
fragmentée l'Etat et le droit ne
récentes au Zimbabwe au nom de
les droits coutumiers, la terre,
sont pas paradoxalement synony-
la loi ou des coutumes ancestra-
avant d'être un bien d'un parti-
mes. De nombreux acteurs enga-
les sont révélatrices.
culier, est un bien de la com-
gés dans les pratiques hors nor-
La tluidité de la maîtrise
munauté. Elle est sacrée et
mes évoluent avec une claire
foncière étatique tient non seule-
inaliénable. Ce concept consi-
conscience de l'illégalité de leur
ment aux responsables politiques
déré comme "archaïque" vient
occupation comme en témoignent
ou para-pol itiques mais aussi à
d'être rattrapé par les réformes
les appellations des quartiers
un phénomène que l'on peut qua-
agro-foncières assorties de ces
spontanés à Bamako: «On ne du-
lifier de "tribalisme étroit", qui
deux modes de régulation qui
re pas», ou «assis provisoires»
installe dans les rouages de l'Etat
en sont les interprétations tan-
(DEYEKO, 1991). Cela va du
les coteries ethnico-linguistiques
gibles en ville. On perçoit que
non respect des servitudes de
avec leur cortège de népotisme,
l'Etat, par un simple élargis-
passage du domaine public aux
d'allégeance et de favoritisme .
sement des pouvoirs fonciers
violations des normes administra-
L'appartenance à une ethnie do-
rnodemise de facto le concept
tives qui réglementent la cons-
minante politiquement suffit à se
traditionnel de la terre qu'il
tructibilité des espaces urbains.
faire attribuer des privilèges en
redécouvre e:1 fin de parcours.
Des détenteurs animent à ce sujet
matière de distribution des ter-
Au-delà de toutes les anal y-
un système local composite de
rains administratifs ou de loge-
ses, on peut s'interroger fina-
gestion coutumière du sol et ré-
ment au détriment des bénéficiai-
lement sur une et une seule
sistent à travers la pérennisation
res légaux.
question: le droit coutumier
d'une structure patriarcale forte
Aussi l'approche des inter-
de la terre et le droit moderne
sur laquelle les directives offi-
ventions publiques a-t-elle de
du sol font-ils bon ménage en
cielles ont peu de prises.
multiple s facettes lorsqu'il s'agit
ville?
Dans la gestion du dévelop-
de l'illégalité résultant du mélan-
pement
urbain
l'intervention
170
Rev, C A M ~s - Seri e Ll, \\ o l. U3 - ;-.< - UU2, zou1

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales el huma ines
ge de coutumes d'origine rurale et
deux aspects de la procédure ad-
majorité des villes francophones.
des pratiques foncières urbaines.
ministrative : l'une est de rendre
A Brazzavi Ile, Cotonou, Bangui
On remarquera que l'illégalité
l'action administrative plus effi-
etc., ils sont méconnus par la
urbaine
concerne
beaucoup
cace et de s'assurer que les mesu-
population.
moins la population des quartiers
res prises répondent à des finali-
Ailleurs, ils n'inspirent pas
planifiés à la règle d'arpenteur (la
tés concrètes d'utilité sociale;
confiance.
Car
le traitement
ville légale) que les citadins en
l'autre est d'accroître le niveau de
social de la question foncière est
mal d'insertion . Ces dern iers
participation de la population en
relégué au second rang par les
créent de nouvelles structurations
institutionnalisant des formes de
tribunaux à telle enseigne que
sociales qui se greffent sur des
procédures plus adaptées et ou-
cela favorise
un attachement
formes de sociabilité anciennes
vertes qui garantissent que tous
plutôt favorable à la justice cou-
ou villageoises (ANTOINE, 1992).
les intéressés puissent être enten-
tumière qui procède par voie de
A l'intérieur de cette commu-
dus. L'équilibre général de la mé-
conciliation à régler les diffé-
nauté, la notion de respect de la
thode est ensuite garanti par une
rends fonciers.
loi et de l'autorité ou bien la
série de règles administratives.
A
ce
sujet
l'ethnologue
notion de rectitude dans les rap-
Elle va de la prévision d'avis
(PITCHARD, 1985, p. 17) remar-
ports avec les pouvoirs publics
obligatoires et contraignants émis
que:
ou encore celle de préoccupa-
par des commissions représentant
tion de l'intérêt général ne sont
des
intérêts
précis
(cas
du
«Les juristes occidentaux semblent
avoir rarement sinon jamai s compris que
pas encore fermement ancrées
Burkina Faso) aux possibilités de
l'Africain a un concept différent de la loi,
dans les consciences (HaVI, 1978,
veto de la part des autorités supé-
in-séparable de la justice. Il considère
p.63).
rieures (Togo), à la nécessité
que la fonction de la cour n'est pas de
En face des situations fon-
d'apposition de "visas d'exécu-
condamner et de punir, mais d'essayer de
trouver des solutions au problème qui lui
cières pourtant régulières devant
tion" (Cameroun), en passant par
est soumis».
la loi, ils manifestent une indiffé-
d'autres formes de contrôle admi-
rence totale que les traumatismes
nistratif (HESSE LING. 1992).
Citant un cas de condamna-
des politiques urbaines ne suffi-
Toutefois, les garanties in-
tion à mort, manifestement injus-
ront pas à infléchir mais que
ternes et externes à la procéd ure
te selon la conception tradition-
seules les brimades policières
administrative n'empêchent pas
nelle, survenu après l'affronte-
sauront difficilement à fléchir.
que le contraste entre autorités
ment entre population et aména-
Ignorent-ils en réalité les procé-
administratives et
liberté du
geurs à Zongo, un quartier popu-
dures de justice administrative ou
citoyen débouche sur des situa-
laire à Accra, PITCHARD ren-
d'autres voies de recours en cas
tions irrémédiables qui condui-
chérit:
de violation flagrante de leur
sent des individus à déplorer une
droit de propriété et d'habiter en
violation de leur droit d'habiter
«Beaucoup, aujourd'hui, à la suite
ville?
en ville.
d'exp ériences de même genre, ne re-
courent jamais à la ju sti ce moderne ,
La conscience d'une contra-
même quand ils ont subi les torts les plus
5.
LES
PROBLEMES DE
diction insurmontable entre auto-
manifestes»,
JUSTICE ADMINISTRATlVE
rité et liberté a amené les systè-
mes juridiques à doter la mesure
1 1 apparaît donc
que
les
Les tâches de l'Etat sont tou-
administrative, outre les garanties
pratiques foncières à l'ombre du
jours nom breuses. Ses interven-
précitées intrinsèques à la procé-
droit demeureront encore pour
tions de direction et de contrôle
dure, d'autres garanties ultérieu-
longtemps des obstacles majeurs
de l'urbanisation sont diverses et
res se traduisant par des remèdes
aux politiques de restructuration
nécessitent l'adoption de procé-
auxq uels le particu 1ier peut avoir
des quartiers irréguliers dans les
dures complexes se déroulant au
recours pour obtenir des modifi-
villes africaines.
sein
de
l'administration elle-
cations aux mesures concrètes
De la prise en considération
même, en vue de permettre aux
prises à son endroit. Mais le
de la dimension sociale de la
actions à entreprendre d'avoir
constat est sévère quand on sait
question foncière dépendra la
plus d'autorité et d'audience au-
que les tribunaux administratifs
viabilité réelle d'une action d'a-
près des citoyens.
auprès desquels les justiciables
mélioration des conditions de
La tendance des administra-
peuvent introduire une plainte,
l'habitat.
tions modernes est de privilégier
n'existent que de nom dans la
I{~\\. C\\MLS - Série Il, vol. UJ
~ vU2. 2uUI
171

Sciences sociales el humaines
_
6. EXISTE-T-IL DES AL-
inconstructibles doit en effet être
trise exclusive ou absolue dans
TERNATIVES ?
concrétisé par une protection
d'autres cas. De la capacité de la
réelle (plantation d'arbres par
loi à concilier le droit coutumier
L'approche de la question
exemple). Il serait vain d'élaborer
et le droit moderne de l'appro-
d'irrégularités urbaines renvoie à
une programmation détaillée des
priation du sol, selon les diffé-
des déterminants saisis à l'échelle
activités comme si elles rele-
rents cas (on parle de l'unification
mondiale et qui remettent en
vaient d'institutions stables met-
des droits), dépendra l'aptitude
cause les modèles classiques de
tant en œuvre
une
politique
des administrations à surmonter
reproduction sociale de l'espace
clairement définie, disposant des
les contradictions l'égalité-l'illé-
en Afrique subsaharienne (POUR-
ressources régulières et s'ap-
galité émanant des irrégularités
ns« 1979, p. 120).
puyant sur une expérience de
foncières et de l'habitat qui sont
N'y-a-t-il pas lieu d'adopter
gestion assez longue. Il est par
régulièrement produites dans les
d'autres stratégies d'aménage-
contre indispensable d'animer la
villes africaines. Les administra-
ment plus réalistes et non plus
concertation des responsables lo-
tions africaines ont-elles encore
d'envisager des solutions idéales,
caux de façon à identifier les ac-
cette latitude?
forcément inaccessibles?
tions majeures à mener pour maî-
Pour l'heure, les villes afri-
Les enjeux d'une intervention
triser le développement urbain.
caines ne sont pas encore sorties
dans les quartiers irréguliers sont
du cercle vicieux foncier auquel
multiples: accès au logement dé-
CONCLUSION
elles sont assujetties par l'urba-
cent, régularisation de la proprié-
nisation.
té foncière, équipement en infras-
L'approche opérationnelle ou
tructures techniques et sociales
de traitement de l'égalité-l'illé-
BIBLIOGRAPHIES
de base etc. A cet effet, ne pour-
galité foncière doit s'adapter aux
rait-on pas combiner allègrement
réalités locales. Elle doit se gar-
ANTOINE Ph., BOCQUIER Ph.
les techniques d'aménagement de
der de toute prétention à l'uni-
et al. (1992).
l'urbanisme de composition, de
versalité. A cet égard, l'adminis-
Etude de l'inser-tion urbaine
l'urbanisme stratégique et de l'ur-
tration foncière in stricto sensu
des migrants à Dakar, l'Har-
banisme
de
participation
?
doit laisser la place à une gestion
mattan, Paris,pp . 247-257.
(LACAZE, 1979, p. 87). Une telle
foncière prenant en compte les
BALAN DIER G. (1993).
conception de l'aménagement im-
dimensions juridique, politique,
Avant-Propos à Villes d'Afri-
plique nécessairement une réo-
économique et sociologique des
que. La documentation fran-
rientation des pratiques profes-
conflits locaux et s'inscrire dans
çaise , Paris, p. 4.
sionnelles
et
administratives.
un débat plus large intéressant
BOYI A. (1978).
Aussi, les instruments d'aména-
tous les acteurs locaux qui par-
La gestion du sol dans les
gement et de planification des
ticipent au processus de transfor-
quartiers à habitat précaire,
espaces urbains méritent-ils d'être
mation des modes de vivre, d'ha-
La découverte, Paris, 115 p.
considérablement simplifiés et li-
biter, de produire, d'échanger.
CALDWELL 1. (1995).
mités aux exigences . Ils doivent
L'urbanisation étant un phé-
Croissance démographique et
en outre rester économiques et
nomène
de
complexification
évolution socio-économique
souples, rapides à concevoir et à
des activités, de densification
en Afrique de l'Ouest. Popu-
réviser, et largement compréhen-
des hommes d'origines diverses,
lation Council, National Aca-
sibles. Les documents directeurs
suppose une pluralité d'éclaira-
demie Press, Washington, 240
d'urbanisme devraient s'en tenir à
ges.
p.
la définition d'une grande trame
Aussi le géographe sans pour
COUR M. (1985).
de voirie primaire, au schéma
autant s'écarter de ce qui fait
Etude d'une image à long
d'évacuation des eaux pluviales
l'originalité de
sa
discipline
terme de l'Afrique subsaha-
et usées et aux réserves de ter-
saura-t-il désigner les lieux de
rienne, Sedes. Paris, 227 p.
rains pour usages publics. Pour
confrontation entre tous les ac-
CREPIN
X.,
QUERRIEN
A.
prévenir l'occupation illégale des
teurs fonciers, saura-t-il distin-
( 1992).
sols, un minimum de matéria-
guer plusieurs degrés de maîtrise
«Diversités des villes et les
lisation de ces documents doit
du sol : maîtrise permanente ici,
politiques urbaines et inser-
être assuré sur le terrain. Pour
maîtrise temporaire là, maîtrise
tion des jeunes» Actes du Col-
être effectif, le contrôle des zones
prioritaire dans certains cas, maî-
loque «Jeunes, ville, emploi»,
172
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