PHENOMENOLOGIE HUSSERLIENNE ET LOGIQUE DE
L'.ERIENCE OHIQUE (ABIDJAN 2000)
AKA-BWASSI DOMINIQUE.A SSALE
Université d'Abidjan / Cococdy
Résumé
Dan . 111 perspective péritlutlque d 'une logioue
de l'expérience, toute expérience induit
Mots clés :
1111 savoir,
emit-ce à titre de simple agesse: /. 'expérience éthique
ne fait pas exception. Elle aussi peuL être
éthi q ue, ph én om én o logi e , pe n u at ique, in te nt ion nal ité ,
UII savoir
êttüque, même si . du point de l'/le no émutique ortlre
log iq ue de
l' e xp éri ence , cogi to /cogi ta t u m , va le u r,
éthlqt:« èt ordre épistémologique s 'opposent. Or tout
engage me nt, ca use , réducti on éth ique .
savoir obéit ci /III critère de vérité. La vérit é éthique se
détermine donc comme t'aüéquntlun parfaite entre le
mouvement de 111011 engagement et la cause à laquelle
ce llél'tJuement existelltiel tle ma part se tralll'e ardo/tné,

I NTROD UCTIO N
qu'e lle..se dé velopp e co mme
rélativit é répét able dans l'ana-
une théorie eidétique du réel.
lytique des phénomènes inten-
La définiti on de la phéno-
Par exemple, du point de vue
tionnels.
méno logie de l'éc o le husser-
eidétique, Husserl fait bien la
Or néc essairement, un tel
lienne comm e logique de l'ex-
distinction dans Ideen 1 entre
lan gage ob éit au x ax io mes
périence nous donne l'occasion
le vide de l'eidos formel? et le
d'une sy ntaxe . Ainsi de l'axio-
d 'un e
appli cation
é thiq ue.
plein de l'eidos matériel qui
me brentani en toute conscien-
Quelles sont les exigences ana-
définit le champ d'expérience
ce est conscien ce de quelque
lytique s d 'un e telle applic a-
de la logique épistémologique
chose, l'on peut faire découler
tion ? Une logiqu e, selon la
des sci ences de la nature. Et
deux ax iomes subsidiaires de
définition sommaire de Daniel
pour
ce tt e
rai son
Hus s erl
l'exp éri ence tels que ceux de la
Kayser, est un systèm e forme l
cons idérera toujours l'eidétique
réduct ion : p as d 'exp éri ence
«défini par un langage, une
ma té rie lle
comme se ule à
sans réduct ion,(Osk ar Becker)
syntaxe et une sé ma ntique» 1.
mériter le titre d 'un e eidétique
et de la constitut ion :pas de
La phénom én ol ogie husser-
authentique] a lors que parler
réduction sa ns co ns ti t ut ion
lienne en tant que pensée de
d' une eidétique formelle est à
(Hus serl ) du ch amp d'expé-
l'exp éri ence-m ême de la chose
la lim ite d'un usage analogi-
rience. Enfin, si la sémantique
(zur den Sachen selbst), rem-
que du terme. En même temps,
est ce qui confère aux axiomes
plit a priori ces conditions
la phénoménologie se déploi e
une interprétation sur laquelle
logique s dont l'expérien ce est
dans la structure d 'un langage
l'on peut calculer leur valeur
la matière.
qu i quoiqu e non formal isé
de vérité, ce que Ricœur a ap-
D' abord elle se présent e
maintient la rigueur d ' une cor-
pelé la phénoménologie inter-
comme un sys tème form el de
prét ée de Huss erl déve loppe
l' exp ér ien c e
pour
aut an t
une sé mantique de l'expérien-
2.
Cene so rte d ' en velopp e form ell e de
ce qui n' est autre que la théo-
la form e e lle-mêm e d evenu e co ntenu
1.
d' exp érience, mais qu i intentionnel-
rie de la vérité par la corr éla-
Daniel KAYSER, prof ondeur var iable
lem ent ressort it a u c ha mp d 'e xpé-
et science cognitive, in 1ntrod uct ion
tion adéquate entre suj et et
rience de la logiqu e d e j ug eme nt de
a ux sc ie nc es
co -g ni tive s , so us
la
pur sens .
objet. Parler donc d'expérienc e
dire ct ion de Dan iel A nd le r, Ga llima rd
1992,
éth ique suppose une réduction
p. 1999.
r . deen .l, §IO.

Sciences Socia les el Humaines
_
éthiq ue qui nou s déco uvre le
est aussi des lieu x peu fr équen-
du repos et de la peine. de l a
champ de l'expérience éth iq ue.
tabl es, des espaces mal famés
culture ct d u culte, etc.
C'es t dans ce c ham p qu e se
ou réput és comm e tels qui n'en
dé plo ie l ' intenti onn alité éth i-
sont pas moin s éthiq ues; une
1.3. Réd uction
éthiq ue
e t
qu e qui va faire l'obj et de no tre
pri son par exempl e, m ' in spire
ex p é r ie n c e du c o n t r a i-
descri pti on.
un sen t im ent ét hi q ue m êm e
gnant
s'il s'ag it d'un sentime nt néga-
1.
L a réducti on éthi q ue nou s
E XP E IU F NC F: ET P ER-
tif. C'es t qu ' au sens l ar ge,
perm et de l'ai l'e l'exp érienc e d u
CEPTI OI ETlII Q UES
l' éthiqu e indiq ue un e logiqu e
de valeurs où les valeurs posi -
cont raign ant.
Mai s en qu oi
No us fa iso ns l'ex pér ience
ti ve s supposen t des con t re-
con siste- t-e lle?
éthi q ue dans lé mo nde de l a
valeur s négatives.
culture. Le mond e de la culture
1.3.1. Tent at ive d e la réduc-
est
le
mo nde co ncret
des
1.2. T emps éthique
lion éth iq ue par la d é -
sig nes et des sy m bo les qu e
fin ition
Popper appell e le troi si ème
M ai s s'il
est
perm i s de
mo nde, après le monde phy si-
par ler d ' espace ét hiq ue, no us
L a forme la plu s co ura nte
que et cel ui de nos représen-
est-i l possi ble parle r de temp s
de l a réducti on qu i so i t à l a
tations
me n tales.
C'e st
un
éthiqu e
? qu ' est-ce
qu'un
foi s phénom énologique et ei-
monde qui se dépl oi e dans un
temp s éthi q ue? D'ab or d les
d éti que
nou s
se mb le
être
espace c ult ure l et un temps
li eu x ét hi q ues indiqu ent un
d ' abord la définiti on. Ce qu e
culturel.
temp s éthique où ces li eux sont
vi se la définition sem ble- t- i l,
fréque nt és. N 'empêch e : il est
c ' est l'e ssence des ch oses, L a
1.1. Espa ce ét h iq ue
des temp s éthiques objec tifs où
déf i n iti on
de
l' éth iqu e,
par
l'homm e s'affirme comm e une
ex emple, est celle qui en fai t
Dan s l'espace culturel nou s
per so nn e priv ée ou pu bli que.
par essence « la sc ience ayan t
po uvons f réquent er des 1ie ux
L e tem ps de travail comme le
pou r obje t le j uge m ent d ' ap-
ét hiq ues: par exe m p le, nous
tem ps de repos pour le tr avail-
pr éci ation en tant qu'il s' ap-
po uv o ns v is iter l e palai s de
leu r, le temp s de la vie de
pli qu e à la di stincti o n du bi en
ju st ice d ' Abidj an o u y avo i r
famill e pour l'h omm e publi c
et
d u
m al »4.
Et
L al and e
af fai re. U n hôpit al est ava n t
comm e le temp s donn é au x
souli gne le sens rest rei nt du
tout un lieu éthiqu e. Un hô pit al
autres, dans l'am itié la com pas-
mot à l'ori gi ne. On tr ouve par
célè bre en Itali e po r te le nom
sio n, l'éducation etc. Ce temp s
exe m p le
c hez
Arist o te,
au
Ca sa so l/ie vo dela Soffrenza.
peut être générali sé en temp s
début du Liv. Il et 'du Liv . V
la mai son d'apai sement de la
critiqu e et kairétique : c ' est-à-
d e
l' Ethiqu e de
Ni com aque
souf f rance. Sur le même pl an,
d ir e, le mom ent oppo rtu n pour
l'opp ositi on entre vert u éthiq ue
une expre ssion franç aise tel le
agi r en vu e du succès d 'un e
au
sens r estreint
de v ertu
que le gîte et le co uvert peut
action , D'où la respon sabilité
mo rale et v ertu intell ectuell e.
r ai re d 'un e si m p le m ai son
d 'une o m ission co upable dans
D e
m ême
d an s
Eth ica,
d 'habitat i on fam il iale, un l i eu
un e
ac ti o n
d 'urgen ce.
L e
Ch ri stian W olff définit la phi-
où, obj et d'un accueil désin-
temps ét hiq ue dit: «p l us ja-
lo sophie m or ale com me syn o-
téressé, l'h omm e peut
fai re
mai s cel a», o u enco re «j usq u' à
ny m e de l'Ethique : «Phi loso-
l'exp éri ence de la bonté d ' autre
ce q ue ça c hang e, nou s en
phi a morali s si ve eth ica, est
homme, En mêm e temps, nous
avon s encore pour lon gt emps»
sci entia prati ca doc ens rnodurn
rencontron s des li eux, de culte
o u
enco r e
il
« fau t
savo i r
qu o hom o libere actiones suas
rel i gieu x ou même si m pleme nt
atte ndre son tou r». o u «enco re
ad leg em natura e co m ponere
de culture, tels que les égl ises,
à chaqu e jour su f fi t sa peine»
pot est»>. L e concept éthiq ue au
les sy nagog ues, les mo squées,
ou encor e «chaq ue chose a son
sens
large i n terv i en t après
les boi s sacrés, m ais aussi les
temp s». Ce tem ps kaï r éti que
mu sées, les Univ ersités et au-
impliqu e une m esure kaïréti-
4.
Lalande. Flhique .
tr es lieu x de cultur e unive rs-
que , un e kaïr orn étrie éthico-
5.
La philosophi e éthique ou mo rale. c 'est
sel le qui i nspi rent une respect
temp orell e. Ce l le-ci dét ermin e
la sc ience pra tiq ue qu i enseigne la
mani ère dont l 'homm e peut di sposer
ét hiq ue. M ais négativem ent il
le temps civil e d'une éthique
l ibrement ses propre s actions selon la
lo i de la nature.
52
R ey. CA M ES - Série Il . vo l. lJ,; - \\ - lJ()2 . 200 1

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
Sciences Sociales el Humaines
Kant chez les philosophes spé-
médiat le jugement d 'ap-
que dépasse le cadre stricte-
culatifs allemands, tel Schel-
préciation sur les actes qua-
ment moral, on peut s'aperce-
ling chez qui l'éthique a un
lifiés bons ou mauvais. Par
voir que
l'élargissement du
sens plus large que la morale.
exemple tous les jugements
cadre éthique lui-même, confi-
«L a morale en général pose un
d'appréciation relatifs à la
ne au champ axiologique dans
commandement qui ne s'adres-
liberté humaine dans la phi-
toute la latitude de son échelle.
se qu'à un individu et n'exige
losophie existentialiste relè-
Elle offre l'avantage de nous
que l'absolue personnalité de
vent de l'éthique.
situer sur une échelle axiologi-
l'individu; l'Ethique pose un
que où le contraignant apparaît
commandement qui suppose
Cependant il apparaît que
dans la série des valeurs telles
une société d'êtres moraux et
ces déterminations distinctives
que le convaincant, le trans-
qui assure la personnalité de
constituent une restriction con-
cendant, le contemplatif,
le
tous
les
individus
par
ce
ceptuelle sans être pour autant
respectable. Car chaque valeur
qu'elle
exige
de
chacun
une réduction suffisante de
pour autant qu'elle se déter-
d 'eux»'. Selon cette définition,
l'expérience. Dans Je Lach ès
mine comme valeur, obéit à un
si l'on doit maintenir la distinc-
de
Platon,
par
exemple,
impératif enrobé
dans
un
tion nette entre éthique et mo-
Socrate lui-même échoue à dé-
noyau contraignant. Ainsi, la
rale, il faudrait co isid érer trois
finir le courage là OlJ l'objectif
valeur, parce que contraignan-
concepts distincts :
est de faire apparaître une
te, est éthique ou n'est pas.
essence d'expérience, le cou-
Nous devons donc renoncer à
La morale concerne l'en-
rage en soi. On peut aussi
la
réduction éthique par la
semble des prescriptions
prendre l'exemple de l'expé-
défi ni ti on et peut-être porter
relatives à une époque et à
rience de la responsabilité,
notre effort sur l'engagement.
une
société
donnée.
Par
telle qu'exposée chez Ingar-
Car c'est dans l'engagement
exemple,
les
totems
et
den. Dès le commencement de
que la mise en entre paren-
tabous relevant des sociétés
son essai sur la Responsabilité
thèses de l'éclectisme culturel,
restreintes sont de l'ordre
intitulé la Responsabilité (ses
du dandysme intellectuel, du
moral. On parle aussi de la
fondements antiques), Roman
papillonnage axiologique nous
morale sexuelle à l'époque
Ingarden sent la nécessité de
met en contact direct avec
victorienne en Grande Bre-
sortir du cadre éthique oLI se
l'éthique du courage d'être.
tagne
pose traditionnellement le pro-
L'éthologie
concerne
la
blème de la responsabilité en
1.3.2. Réduction
éthique
et
science de la conduite des
termes de moralité en distin-
path ét ique de l'engage-
hommes, voire, selon Spen-
guant quatre situations:
ment chez Peter Kemp.
cer, des êtres vivants en gé-
nérai, abstraction faite des
Etre porté responsable de
La valeur réductrice de j'en-
j ug em ents d'appréciation
quelque chose ou en être
gagement à l'expérience éthi-
que portent les hommes sur
responsable;
que prend tout son sens phéno-
cette conduite . Par exemple
Assumer la responsabilité
ménologique dans la mesure
la loi de l'inceste, quoique
de quelque chose ;
où la réduction d'engagement
relevant des interdits immé-
Etre rendu responsable de
présente l'action engagée com-
diats des sociétés restreintes
quelque chose.
me une action ambiguë. Com-
tend vers un principe étho-
Agir en responsable.
me tout acte réducteur, l'enga-
logique en raison de l'uni-
gement comporte un côté né-
versalité du comportement
Ces quatre situations sup-
gatif d'exclu sion et un côté
de J'homme en tant qu'es-
posent des modes d'engage-
positif de constitution. C'est
pèce
mascul ine
humaine
ment à des degrés divers et
cette ambiguïté de la réduction
vis-à-vi s de la femelle qui
prescrivent
des
situations
d'engagement qui justifie le
est sa propre mère ou sa
d'une éthique phénoménologi-
côté paradoxal de toute action
propre sœur.
que qu 'on retrouve chez Peter
engagée . Par exemple, pour
Enfin l'éthique concerne la
Kemp
sous
le
concept
Simone de Beauvoir, «aucune
science qui a pour objet im-
phi losophie pathétique . Sous
act io n ne peut se faire pour
réserve que le problème éthi-
l'homme sans se faire aussitôt
6 . Schelling, œuvres, 1,252.
Rev, CAMES - Série B, vol. 03 - NO 002. 2001
S3

Sciences Sociales el Humaines
_
contre des homrnesx". Se faire
a) L'intentionnalité juridique
de l'engagement se fait ainsi au
pour l'homme, s'engager dans
profit du sens éthique: «dési-
une action pour l'homme c'est
L'intentionnalité du mouve-
gnant une liaison de soi par
promouvoir
la
valeur
de
ment vers autrui lui confère
n'importe quoi, l'engagement
l'homme. Mais cette promotion
dans un premier temps un sens
contracté
ne
signifie
plus
constitutive en elle-même n'est
juridique. Car le gage, à sa-
nécessairement que l'engagé
rend ue possib1e que parce que
voir: le substantif vas, autre-
donne une garantie matérielle,
quelque part, l'action engagée
ment dit, ce que m'avançant
il
suffit
de
sa
parolextz.
s'est
faite
contre
d'autres
vers quelqu'un, je dépose entre
Cependant Peter Kemp distin-
hommes, c'est-à-dire, en met-
ses mains, n'est autre que la
gue dans l'engagement un sens
tant leur cas entre parenthèses.
garantie de ma dette. D'où le
éthique fort et un sens éthique
Un jeune homme en âge de
mot vasimodium, terme juridi-
faible. Commençons par pré-
prendre femme ne peut faire
que
désignant d'abord
«le
senter le sens éthique faible
un choix entre plusieurs parties
geste
garantissant
d'abord
afin de mieux relever le sens
également intéressantes sans
qu'un prévenu se présentera au
fort qui introduit à l'expérience
un renoncement quelquefois
tribunal»'), ensuite,
«simple-
éthique.
coûteux.
ment
procès
j uridi que x".
C'est donc par cette exclu-
L'évolution diachronique du
c) Le sens faible de l'enga-
sion que l'engagement nous
concept juridique s'étend du
gement éthique
introduit sur le terrain éthique.
XI au Xllè siècle. Au Xlè
Dans l'analyse que fait Peter
siècle, à la faveur de la culture
Dans
la
pathétique
de
Kemp du concept d'engage-
française
naissante,
le mot
l'engagement Peter Kemp pré-
ment, qui est proprement l'acte
gage se substitue au mot wadi.
sente le sens éthique affaibli
de «mettre en gage», de «don-
Au
Xllè
siècle
le
mot
comme opposé au sens éthique
ner en gage», nous suivons
engagement apparaît pour la
fort. Ce sens affaibli est celui
avec l'auteur, ce processus
première fois dans la Charte
que nous rencontrons dans des
d'entrée dans le vécu éthique.
d'Abbeville. Mais il désigne
expressions comme engager un
C'est un mouvement de prove-
toujours dans le sens juridique
domestique, une femme de
nance spatiale extérieure qui
les arrhes qu'un débiteur verse
ménage. On peut aussi engager
aboutit à l'espace intérieur où
à un créancier comme garantie
une action contre quelqu'un
l'engagement contracté par la
de sa dette. Ainsi engager à
dans le sens d'intenter un
parole donnée par exemple,
cette époque-là, c'était avant
procès contre lui. Puis il y a
devient une 1iaison contrai-
tout hypothéquert i
quelque
même les cas où l'engagement
gnante'.
chose.
perd com piètement tout sens
éthique pour avoir un sens
1.3.3. L'intentionnalité cynéti-
b) Intentionnalité éthique
purement technique comme
que
dans l'expression «engager un
L'intention éthique naît de
bateau dans le sable», etc.
A l'origine le fait de s'en-
l'intériorisation du sens juridi-
gager désigne un mouvement
que. Hypothéquer, faire une
d) Le sens fort ..e l'engage-
extérieur. Le mot gage que
hypothèque,
c'est
d'abord
ment éthique
traduit le verbe germain w adi
poser un acte par lequel l'hom-
provient du latin vas (va dis),
me se
lie lui-même. Cette
Mais à ce sens faible s'op-
du verbe vado (vadis, vadere) :
auto-liaison intérieure dans
P ()S ~ le sens fort de l'enga-
je m'avance vers quelqu'un
l'hypothèque prendra bien vite
gement où, par exemple, la
comme dans l'expression: vado
le pas sur la garantie juridique
parole de l'homme engagé en-
ad aliquem.
purement matérielle. La perte
gage aussi bien son honneur
du sens strictement juridique
que sa foi. Autrement dit, si
l'engagé vient à manquer à sa
7.
S. de Beauvoir, pour une mo-
9.
parole, il perd l'honneur, et
Peter Kemp, Théorie de l'engage-
rale de l'ambiguïté, Idees/Gal-
ment , t.I. Pathétique de l'engage-
perdant
j'honneur
il
pe rd
limard, p.143.
ment. Seuil, p.16
l'estime des autres. Le verbe
8.
cf le deuxième devoir chez Kant
10. Id Ibid.
dans les Fondements de la méta-
physique des mœurs.

Il.Id.ib ll/
12. Id.ibid,
54
Rev, CAMES - Série B, vol. 03 - NO 002, 2001

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ .
Sciences Sociales el Humaines
intransitif et réfléchi, s'en-
ramené toutes les formes d'ex-
loi: la science sera le prix de la
gager qui traduit ce sens fort
périence à un petit nombre
douleurnl-.
signifie s'obliger: le fait que
d'axiomes
qui
permettent
La connaissance d'expé-
dans mon engagement «je me
d'établir par déduction inten-
rience oriente donc l'analyse
lie moi-même pour l'avenirnl '.
tionnelle, les titres de connais-
de l'expérience éthique vers la
Le sens éthique fort de
sance dûs à l'expérience en tant
corrélati on intenti onnelle né-
l'engagement
revient
donc
qu'expérience. En réalité l'adé-
ces sai r e
cogito-cogitatum.
pour le sujet moral à se mettre
quation entre mouvement et
Toute analyse phénoménologi-
en en jeu soi-même. Et c'est à
vécu d'expérience induit un
que rigoureuse de l'expérience
ce sens que se rattachent l'ex-
certain degré de connaissance
éthique porte la marque de
pression gager qui signifie :
qui a au moins la consistance
cette gageure : comment faire
faire un pari, et le mot gageure
d'une sagesse. En sorte que
place à un cogito éthique qui
qui signifie un pari aventureux,
toute
expérience
humaine,
appelle en relation intention-
ou une entreprise téméraire. Le
qu'elle soit éthique, esthétique,
nelle un cogitatum éthique?
contraire du sens éthique fort
épistémologique ou religieuse,
En d'autres termes comment
de l'engagement, c'est le déga-
induit une
forme
de
con-
ramener l'expérience éthique à
gement qui indique le retrait
naissance. Selon Peter Kemp,
son intentionnalité descriptive
du gage. Mais de :oute éviden-
les grecs ont été les premiers à
la plus simple mais aussi la
ce c'est ce ser-s fort en lui-
ériger cette idée de connais-
plus rigoureuse? La réduction
même, c'est cet acte d'auto-
sance d'expérience en principe
éthique d'engagement nous
liaison, l'acte de la mise en jeu
éthique
dans
la
formule:
permet de répondre à ce ques-
de soi-même qui débouche di-
«connais-toi toi-rnême!». Ils
tionnement méthodelogique.
rectement sur le champ de
ont surtout découvert que le
Elle nous permet de distinguer
l'expérience éthique.
mode de connaissance de soi
les actes de la constitution
A présent posons-nous la
est le paqoV (pathos). Ainsi
éthique de l'ego éthique, ceux
question intentionnelle décisi-
depuis Homère, l'association :
de son engagement constitutif
ve : pouvons-nous distinguer
maqhma (mathèma: connais-
des valeurs dans l'attachement
dans cette expérience éthique
sance) et paqhma(pathèma:
à une cause, et enfin le monde
les actes d'un cogito éthique
douleur) se rencontre-t-elle
transcendant des valeurs elles-
qui seraient corrélatifs d'un
fréquemment dans les drames
mêmes dont l'adéquation avec
cogitatum éthique? Ici doit être
des
grands classiques.
Par
l'engagement éthique de la
précisé le sens de la relation
exemple,
dans
les
drames
personne décrit l'ordre de la
cogito-cogitatum qui ap-
d'Eschyle
le
maqoVpatqei
vérité éthique.
partient a priori à l'espace du
(mathos pathei: la connais-
savoir objectivant. Parler de
sance par la souffrance) se
2. ACTES DE LA CONSTI-
cogito-cogitatum éthique, cela
repère faci lement comme le
TUTION GENETIQUE DE
ramène effectivement au sché-
thème principal. On trouvera
L'EGO ETHIQUE COMME
ma de la représentation de
dans ce sens cette sentence du
PROCESSUS DE PERSON-
l'être par connaissance. Or du
chœur d'Agamemnon au sujet
NALISATION
savoir à l'éthique, n'y a-t-i 1 pas
de Zeus: «C'est lui qui a
un saut modal, une mutation
ouvert la voie de la sagesse
L'émergence du sujet éthi-
catégoriale dans les modes de
aux mortels en établ issant cette
que peut être' considérée com-
rapports du moi au monde? Le
me le produit d'un certain
savoir et l'éthique n'appartien-
nombre d'actes constitutifs du
notre travail de thèse sur l'idée d'une
nent-ils pas à deux univers
logique de l'expérience chez Husserl
moi.
axiologiques différents? Cette
pour le Doctorat d'Etat à l'Université
question, semble-t-il, subsiste
de Poitiers 1999, désigne l'intention-
nal ité téléologique de l'expérience qui,
aussi longtemps qu'une con-
du
latin peritia,
pose
le sens de
vessunv péritiatique'" n'a pas
l'expérience humaine comme passage
au travers. Par suite, la péritiatique en
tant que discipline analytique, désigne
13. Id. p.17.
l'analytique intentionnelle de l'expé-
14. Dans ce texte el ailleurs, le concept de
rience en général. C'est donc à ce titre
péritiatique que nous avons introduit
que dans notre vocabulaire descriptif
15. Peter Kemp. Théorie de l'enga-gement.
pour
la
première
fois
dans
le
elle devient synonyme de logique
t. l, Pathétique de l'enga-gement, Ed.
vocabulaire phénoménologique et dans
d'expérience.
du Seuil, Paris 1973, p. 12.
Rev. CAMES - Série 13. vol. 03 - W 002. 2UU 1
55

Sciences Sociales el Humaines - -- - - -- - - -- - - - - - -- - - - - - - - -- -
2.1. l'acte aperceptif du moi
tion éthique, se compose de
existentiellement
déterminé
monadique
trois niveaux stratifiés: tout à
par quatre facteurs personni-
fait au sous-sol se trouve le
fiants :
La subjectivation dit Peter
monde pur; c'est le monde du
Kemp
est
le début de
la
hic et nunc de la perception et
N'avoir qu'une connaissan-
réflexion dont le premier pas
de la sensation. Ensuite vient
ce limitée des choses.
est l'aperception. L'aperception
la couche supérieure du monde
S'apercevoir qu'on ne peut
monadique, c'est le fait que
de l'On, c'est le monde de la
tout faire à la fois et même
«je
me
suis,
dans
une
production
et
du
langage.
qu'on ne peut toujours faire
expérience évidente constant-
Enfin, tout à fait au-dessus, le
quelque chose.
ment
donné
comme
moi-
monde de la volonté particu-
Etre une existence délimi-
mêmes". C'est donc un acte
lière du je, qui se pose en s'op-
tée dans le temps.
d'évidence
dans
lequel
la
posant aux autres. Pourtant
Etre une existence délimi-
conscience de soi du sujet et
note-t-il en faveur d'une super-
tée dans la durée.
du monde déjà là se constitue
structure encore plus ultime:
comme un noyau de personni-
«une volonté particulière n'est
2.2. L'acte
de
promotion
fication. C'est en tant que
pas encore un sujet. Pour que
libératrice du moi à la
personnification que «l'ego
la subjectivation ait lieu, il faut
dignité d'une existence
monadique contient l'ensemble
que la volonté particulière se
autonome
de la vie consciente, réelle et
distingue fondamentalement,
potentielle»". Mais comment
qu'elle s'affirme en dehors de
Comprendre
l'existence
surgit l'ego monadique ? Par
la volonté générale de l'On»19.
éthique de la personne comme
quel acte inchoatif vient-il au
C'est un acte de réduction
une libération, c'est la com-
jour ?
écologique
qui
consiste
à
prendre comme une élévation
Pour Husserl, l'ego mona-
mettre hors circuit tout ce qui
de l'existence à la dignité de la
dique advient dans un monde
ce
qui
n'est
pas
lui,
un
liberté. La liberté de la per-
déjà là. Mais s'apercevoir en
mouvement de négation en
sonne éthique n'est pas une
tant que moi subsistant en soi
bloc de toute altérité. C'est à
sphère d'accès distante d'un
comme une monade consciente
ce prix que le moi se conquiert
état d'aliénation préalable. Par
qui s'auto-constitue soi-même,
comme partie sur le monde
exemple au stade du monde
c'est aussi percevoir le monde
d'où il surgit et se pose comme
concret, la personne n'est pas
déjà là comme un monde pour
monade.
immergée dans l'anonymat de
moi. Ce monde devient mon
Ainsi
Pour Kemp,
dans
l'on d'où elle se libère progrès-
monde; un monde auquel l'in-
l'aperce ption monadique, le
sivement. «La liberté c'est le
sertion monadique de mon moi
sujet éthique se reconnaît com-
recul par rapport aux autres».
donne constamment sens. Il y
me perspe ct ive.
Et être en
Ou encore, un homme libre
a donc un échange permanent
perspe ct ive, cela signifie: se
n'est pas un être exceptionnel.
entre le pôle mondain de mon
poser CO Il1 I11 ~ partie d'un tout;
Les romantiques ont pensé
expérience existentielle et le
se tenir dans le milieu entre ce
l'homme libre comme un génie
pôle monadique du moi qui
tout et le n éant sans être ni le
exceptionnel.
l' c ' 'r
Peter
s'enrichit constamment des ha-
tout, ni le néa nt. Descartes
Kemp,
l'homme libre c'est
bitus contractés
dans
mon
exprimait ce la en disant que
«l'homme en tant qu'il est
commerce
avec
ce
monde
l'homme était le medium inter
devenu un soi qui veut quelque
mients.
Deum et nihil si vc sumum ens
chose
indépendamment
de
Pour Peter Kemp, le sur-
et non ens (le milieu entre
l'approbation des autres». En
gissement de la monade per-
Dieu et le néant, autrement dit,
cela, l'homme libre, c'est la
sonnelle est le résultat d'un
à la fois l'être suprême et le
persona,
le masque derrière
processus génétique. Le sol ou
non-être). L'aperception mona-
lequel, se cache une instance
le soubassement du sujet dans
dique du moi éth ique s'accom-
supérieure, le soi indépendant
l'émergence de la subjectiva-
pagne de la conscience de ma
auquel se rapporte le compor-
finitude. Etre fin i c ' est être
tement, le travail et la parole
16. Husserl M.C. § 33.
du sujet éthique.
17. Husserl, ibid..
19. Peter Kemp. Pathé tiq ue de
18. Husserl, MC, § 32.
l'engagem ent §2 1.
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Rev . CA M ES - Série B, vol. 03 - W 002.2001

Sciences Sociales el Humaines
2.3. Du cogitatum éthique ou
la santé, la force physique,
De la même manière, à
de la valeur
l'aptitude à une compétition, la
l'égard de l'espace, la valeur
puissance, mais aussi la fer-
est le sens par lequel l'homme
Si dans la relation cogito-
meté morale, etc..
investit
un
territoire,
le
cogitatum, la subjectivité éthi-
délimite ; en fait une capitale
que représente le pôle des
2.3.2. Valeur et prédonation
politique ou un patrimoine
cogitatones, la valeur repré-
universel de l'humanité, pour
sente le pôle du cogitatum.
Comme ces qualités natu-
la faune et la flore. La valeur
«Les valeurs sont l'autorité qui
relles, la valeur jouit du carac-
est donnée et reçue comme
dépasse l'existence singulière
tère de la prédonation. Mais
telle. Mais c'est en tant qu'elle
et pourtant ne s'impose pas
toute prédonation est ambiguë.
conditionne toute donnée et
comme exigence sans
être
Elle est à la fois condition a
toute donation. Les choses
reconnues
par
cette
ex is-
priori de la donation mais
données ont de la valeur ou
tencexzo. Cette particularité de
aussi
investissement de la
n'en ont pas. C'est à ce prix
la relation entre l'existence
donation dans une sphère d'ap-
qu'elles peuvent être identi-
consciente et la transcendance
partenance
subjective
et
fiées comme intéressantes ou
constituée par cette existence,
pressontitutive .
Ce
que
inintéressantes .
est le propre de la relation
Jacques Ellul dit par exemple
Peter
Kemp
distingue
intentionnelle. C'est la relation
du droit positifu, on peut le
quatre valeurs fondamentales :
intentionnelle que nous avons
dire de la valeur en général: à
le bien-être, le bien moral, le
déjà affranchie de l'aporie
l'égard du temps elle est une
vrai, le beau. C'est une déter-
catégoriale de
la modalité
stabilisation.
Elle
coupe
mination relativement psycho-
disciplinaire de la raison pure
transversalement la relativité
logique qui ne part pas d'une
et pratique.
du
temps
à
laquelle
elle
conscience noématique des
Dans la péritiatique de l'é-
substitue la permanence de la
disciplines de la mise en valeur
thique comme celle de l'es-
durée.
L'écoulement de
la
elles-mêmes. Par exemple, rien
thétique ou du religieux, le
durée ce change rien à l'ordre
ne permet de distinguer dans
champ du cogito s'étend au-
des valeurs. Certes, les conte-
l'ordre du vrai, vérité éthique
delà de la simple représen-
nus concrets de la valeur peu-
et vérité scientifique. De même
tation cognitive. 11 déborde
vent changer: la monnaie peut
si l'esthétique est par définition
partout où l'expérience nous
se dévaluer; le cours des pro-
la
discipline
du
sensible,
sert de guide transcendantal.
duits
peut s'effondrer.
La
comment distinguer le bien-
En sorte que cogito et logique
beauté
physique
peut
se
être esthétique du bien être
de l'expérience sont synony-
défraichir. Même la théorie
moral ? A l'inverse, la dis-
mes. Ainsi dans l'expérience
physique peut être dépassée .
tinction noématique, en partant
éthique si la promotion libéra-
Mais l'ordre convaincant du
des disciplines de l'expérience
trice du sujet éthique, moral
scientifique
sera
toujours
culturelle, permet d'établir
détient le pôle du cogito éthi-
recherché pour sa vérité adé-
l'évident scientifique comme le
que, nécessairement la valeur
quate. De même l'ordre de la
convaincant ; le bien moral
détient celui du cogitatum.
beauté reste une référence
comme le contraignant;
le
permanente en tant qu'elle
beau comme le contemplatif;
2.3.1. Sens
objectif de
la
constitue
le
propre
de
la
le bien-être comme le dé-
valeur
jeunesse; tout comme l'ordre
sirable ; le religieux comme le
d'échange de la marchandise
trans cendant.
L'identité
de
De la racine valeo, (valui,
qui détermine le cours du
chacune de ces valeurs à soi
val i tum , e r e i,
avoir de la
marché
reste
le
critère
définit l'ordre du vrai. En SOl1e
valeur, c'est être établi dans ce
économique
invariant,
la
que la vérité n'est pas une
qui est fort, puissant et s'y
catallaxie
d'Ayeck
et
ce,
valeur en soi, mais le critère de
maintenir de façon permanente
quelle que soit les saisons
plénitude de chaque valeur par
comme dans un règne incon-
d'abondance ou de pénurie.
rapport à l'option dont elle est
ditionnel. L'exemple de ce qui
l'objet. Ne pourrions-nous pas
est fort, puissant (valor), c'est
parler de vérité esthétique au
21. Jacqu es Ellul, Irréductibilité
du
droit , in Révélation et
même
titre
que
de
vérité
20. Peler Kemp , op.cit.p. 173.
histoire, Aubier , p. 56 sq.
Rev, CAMES - Série B, vol. 03 - N° 002, 2001
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scientifique, morale, religieu-
pensées ou les modifications
personne
a
l'intention
de
se, éthique? Qu'est-ce qu'être
variablescza.
réaliser : «ce que une personne
dans le vrai par rapport à soi, à
Mais à ce sentiment de cau-
a
l'intention
de
réaliser
autrui? N'est-ce pas une vérité
salité égologique on pourrait
s'appelle sa causes " Ensuite if
éthique qui se justifie en deçà
déjà opposer la psychologie de
y a la cause fondamentale qui
de la vérité scientifique?
l'identité du moi par la mé-
n'est autre que la manière dont
moire que développe Bergson.
la personne veut elle-même
2.4. L'acte d'engagement de
Pour Bergson, en effet la
être
réal isée
pour
être
soi et d'attachement à
conscience signifie avant tout
stabi 1isée
comme
identité.
une cause
mémoire: «percevoir finit par
Ainsi me dévouant pour une
n'être plus que l'occasion de
cause particulière je
reste
Le monde des valeurs étant
se souvenir»>, Mais comme le
toujours
fidèle
à
mon
identifié, ce que nous pouvons
souligne Peter Kemp, la seule
attachement
à
ma
cause
appeler la connaissance éthi-
mémoire individuelle ne cons-
fondamentale,
à
ce
que
que par l'adéquation entre un
titue pas J'affirmation d'une
j'appelle mon idéal de Soi.
cogito et un cogitatum éthi-
identit é", Seule l'acte de fidé-
Dans
cet
acte
il convient
ques
nous apparaît comme
lité à soi est susceptible selon
cependant de distinguer trois
l'acte d'attachement à une
l'analyse qu 'en fait Gabriel
niveaux d'identité à soi. Chez
cause. Seule une véritable phé-
Marcel
dans être et avoir"
Josiah Royce, le dévouement à
noménologie de. cet attache-
d'assurer cette identité éthique.
une cause , c'est le loyalisme.
ment permet de l'identifier
Dans la connaissance
éthi-
Etre loyal, c'est avant tout, être
comme un acte à la fois
que en effet, nous ne pouvons
loyal au Soi qu'il s'agit de
créateur et identitaire . Cette
atteindre à l'adéquation éthique
réaliser. Or le Soi se présent de
phénoménologie suppose le
que dans
la fidélité à soi
deux manières : j peux être
rejet de deux attitudes cau-
même. Mais à condition, préci-
loyal à une cause privée, c'est-
sales : la première est
la
se Peter Kemp, que fidélité
à-dire,
n'ayant
l'intention
causalité biranienne du moi
signifie action fidèle. Et l'ac-
d 'agir que
pour garder le
par laquelle l'homme maintient
tion fidèle, selon lui n'est autre
respect de moi-même. Mais je
son identité devant le monde
que «une action orientée vers
puis également être loyal à une
par l'effort. Dans cette causa-
un moi de l'avenir qui serait le
cause uniquement pour le Bien
lité égologique, le sentiment
même que le moi autonome du
des autres. Dans les deux cas,
intime
que
l'âme
de
soi
passé s" . Dans
l'analyse du
la cause est ma raison d'agir.
s'épuise dans la causalité de
s e lf-re a l i z a t i o n
de
F.H.
Elle se définit par un soi. ldéal
l'effort vis-à-vis des choses.
Bradeley se découvre les prin-
que je veux rendre réeJ pour
«L'effort, dit Maine de Biran,
cipes de cette connaissance de
m'affirmer :«Attaché à cette
est un rapport fixe, invariable,
soi par l'engagement fidèle.
cause, dit Peter Kemp, je dois
toujours
identique
à
lui-
L'idée selon laquelle je suis
renoncer à tout, sauf à sa
mêmexzz.
La
logique
de
fidèle à moi-même en réalisant
réalisation»29
l'effort voudrait donc que toute
dans le futur, ce soi que je suis
connaissance éthique se rédui-
déjà repose sur un certain
CONCLUSION
DE
LA
se à ce sentiment de l'énergie
nombre de concepts éthiques
CONNAISSANCE
ETHI-
ou du pouvoir qui fait ce que
que précise Peter Kemp
à
QUE ADEQUATE
Maine de Biran appelle «le
travers Bradeley. D'abord, il y
durable
qui
constitue
sa
a dans la réalisation de soi la
Celle-ci suppose un acte
personnalité, son unité, son
cause: celle-ci est ce qu'une
ascétique nécessaire . La réduc-
identité absolue dans toutes les
tion éthique par l'engagement
signifie finalement que nul ne
23. Maine de BIRAN, Notes sur la philo-
sophie de
Kant, Œuvres choisies ,
se dévoue à quoi que ce soit
p.225 .
sans une certaine ascèse né-
24. Raymond BALMES , Leçons de philo-
cessitée
par
le choix
des
sophie T .I, Edit. de l'Ecole, p.331.
moyens et des procédés pour
22. Maine de
BIRAN,
Essais sur les
25. Peler KEMP, op.cit, p168 .
fondements de la psychologie (1812)
26. p.S8 sq.
28. Id.ibid.
dans Œuvres choisies, Aubier Paris
1942, p.88.
27. Peler KEMP, op.cit. P169.
29. Id.ibid.
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Rev. CAMES - Série B, vol. 03 - N ° 002. 2001

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Sciences Sociales el Humain es
mettre en œuvre l'entreprise
ducti on aux sciences cogni-
Maine de BIRAN,
concrète. «Vouloir tout faire,
tives, sous la dir ecti on de
Essais sur les fondem ents
c'est se condamner à ne rien
Daniel
ANDLER , Galli-
d e la psych ol ogi e (181 2)
faire»30. Voici donc la logique
mard, Paris, 1992.
dans
Œuvres
chois ies ,
de l'expérience éthique. Elle se
Henri BERGSON,
Aubier, Paris 1942.
réalise par l'engagement en
Matière et Mém oire, Paris
Maine de BIRAN,
général. C'est l'analytique de
PUF 1939, 280 pp.
Not es sur la philosophie de
l'engagement qui permet de
HUSSERL,
Kant, Œuvres choisies .
mettre en évidence la vérité
Méditations cart ésiennes,
Peter KEMP,
éthique, celle qui découle de
trad . G. PEIFFER et E.
Théorie de l'engagem ent , t.
l'affirmation originaire
par
LEVI NAS,
VRIN,
Par is
l, Pathétique de l'eng age -
l'attachement créateur à une
1980, 136 pp.
ment, Ed. du Seuil, Paris
cause.
Et comme constate
Jacques ELLUL,
1973.
Blondel, cette vérité n'est
Irr éductibilit é du droit, in
Raymond BAMES,
contraignante que parce l'hom-
Révélation
et
histoire ,
Leçon s
d e
philos ophie,
me est acculé à chaque instant
Aubier.
Edition s de l'Ecole, Paris
à j'engagement: «il faut s ' en-
KANT,
1965, 761 pp.
gager dit-il, sous »eine de tout
Les
F ondem ent s
de
la
S. de BEAUVOIR,
perdre»"
m étaphysiqu e d es m œurs,
Pour une morale de l'ambi-
trad.Victor DEELBOS, Ed.
guïté, Idées/Gallimard , Pa-
BlBLIOGRAPHIE
Delagrave Paris 1977,210
ris 1944,370 pp.
pp.
SCHELLING,
Daniel KAYSER,
LALANDE,
œuvres, 1,252.
Profondeur
variable
et
Vocabulaire techniqu e et
science cognitive, in Intro -
critique de la philosophie,
Ethique.
30 Peler Kemp . Op.cil. 169.
3 1. Maurice
Blond el,
J'Action ,
p.IX .
Rev. CAMES - Sé rie B, vo l. 03 - W 00 2, 2001
59