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liTTÉRATURE ET DIAlECTIQUE:
APPliCATION DE la DIAlECTIQUE MATÉRIAliSTE
Àl'ÉTUDE DE la PROSE liTTÉRAIRE
ZADI ZAOUROU BERNARD
urnmary
Mots clés
prose
littéraire,
dialectique
matérialiste,
Til
hereb.
~say is thoroughly [ocused UII /li rary pro e. lndeed
idéalisme, matérialisme, critique formaliste,
.tlu: au/Il or ha' chosen /0 analyse, el ewhere and
eparately ,tlle
critique matérialiste, lois de la dialectique
reùuianship betwe n mat riallst dlalectics and poetry.
matérialiste
After a . impie 0 erlook 011 the lIistor)' of dialectics, the author
Key words
ca" .iders III
problem of the everlasting conflict oppasing idealism and
materlalism, and upon wlüch is based the existence of[ormalist critics and
literary prose, matcrialist dialectiques. idealism,
materialist critics. Ile then endeavours 10 enutnerate, step by st p, the main
materialism, fonnalist eritics, material ist critics,
la .\\ of materiali: t dialectics while demunstrutin ' their influence in literary
laws of materia!ist dialectics
creativity a. weil as in critical gra. p of writing. He then closes his analysi
b.r a ward 01/ historie materialism and ils ideological implication in the field
of literature,
INTRODUCTION
resse à elle pour se forger une
tion de la pensée dialectique ma-
méthode d' investigation dans
térialiste. Sa collaboration avec
La dialectique a une longue
l'approche des œuvres de l'esprit.
son fidèle ami ENGELS fut parti-
histoire et il est bon de le sou-
Il s'est développé au XVIW
culièrement féconde. Ses disci-
ligner, même si l'orientation de
siècle européen, ce qu'il a été
ples sont nombreux et célèbres :
notre propos ne nous fait pas
convenu d'appeler la «dialectique
LÉNINE,
STALINE, MA 0
Tsé-
obligation de nous y arrêter tout
mécaniste» . Cette dernière pré-
Toung, Ho CHI MINH".. pour ne
spécialement.
sente peu d 'intérêt pour notre
citer que les plus fameux .
La pensée dialectique, en ef-
propos.
AI' instar du maître, les hége-
fet, remonte à la plus haute anti-
C'est le philosophe allemand
liens de droite considéraient que
quité bien que ce concept ne soit
HEGEL qui découvrit et systé-
dans les ra pports entre la matière
pas aussi vieux que son contenu
matisa les lois de la dialectique
et l' Espri t, il fallait accorder la
sémantique.
telles que nous les connaissons
prima uté à l' Es prit., leq ue l s'aliè-
La dialectique, pour les an-
et les pratiquons aujourd'hui.
ne dans les êtres, les phénomènes
ciens, était déjà ce qu'elle de-
HEGEL fit école. Ses épigones se
et les choses et engendre par ce
meure encore aujourd'hui: une
répartirent en hégelien de droite
processus le mouvement dialec-
méthode de recherche de la vérité
d'une part, en hégelien de gauche
tique.
scientifique, un puissant moyen
d'autre part.
Pre na nt le contre-p ied de la
de rationalisation de la pensée.
KARL MARX, disciple de
pensée du maître, les hége lie ns
On ne peut dès lors s'étonner
HEGEL s'affirma tôt comme le
de gauche considèrent, quant à
de ce que la critique littéraire qui
chef de file des hégéliens de gau-
eux, que dans les rapports entre
a pour objectif de découvrir le
che. C'est à lui que nous devons,
la matière et l'Esprit, c'est au
rationnel dans J'irrationnel du
non, pas la connaissance mais le
contraire
la
matière
qui
est
créé artistique et littéraire, s'inté-
développement et la systématisa-
première.

Sciences sociales el huma ines
_
- -- - - -
- - - -
Pour
M A R X qu i p r i t à so n
tante q ue l ' on ne peu t con tou r-
Par ce qu e la co ntra dicti o n est
co mp te tout es les lo is de la d ia-
ner , c' est la lo i de la con tr adic -
i n héren te à to ut ce q u i vi l. l ' on
lecti q ue décou vert es par son maÎ-
tion.
d i t q u 'e l le est u n i ve rssc ll e. l ' on
tre, c ' est la mat ière qu i enge ndre
Po ur les di al ect ici ens, la con-
d it aussi qu ' el le est abso lue alors
"I dée, l' Espr i t et no n 1"inve rse.
tr adi cti o n est au cœ ur de to ut
qu e la lutt e des co ntra ires q u'i l la
Av ec H eGEL. d it -i l, « la d ial ec-
être, de tou te chose, de tou t phé-
fonde est, ell e, passagèr e, transi-
tique marc hait sur la t ête», i l fal-
no mè ne. C' est el le qu i gén ère le
to ir e, rel ati ve.
lai t la remettre à l ' endro it.
m ou ve m ent q u i se m anifeste à
Sur ces bases, le cr iti qu e di a-
A i nsi évo l ua la d ial ec - tique
l 'int ér ieur de tout être, de tou te
lect ic ien do i t sav o i r que tou t es-
matéria li ste. A quelle s lo is obé i t-
cho se, de tout phénom ène.
pace, le temps lui -m êm e, les per-
c lic '? l.esquel les de ces loi s et
La li ttéra tu re qu i ex p loi te le s
so n nages et fi plu s fo rte raison
prin cip es fo nda teu rs pour raient
phéno mè nes naturel s et so c iaux
l'intri gu e, qu and i l s' ag i t d ' une
b ien ve ni r au seco urs de la cr i-
ct qui observe, à des fin s de cré a-
œu v re dram atique o u rom anes-
tiqu e l itt éraire et lui fonde r une
ti on, la v ie des êtres des ph éno-
que, sont le siè g e ci e co ntrad ic-
méthode cré di b le d ' anal y se des
m ène s et d es cho ses, traite tout
l io ns multipl es qu ' il ne peut se
text es suscepti b le non seu lem ent
naturell em ent des co ntrad ic t io ns
di spenser dt' rep érer et d ' analy ser
dc lucider les qu est io ns de l 'e s-
et de leur co m portement. La seu-
s' i l veut déco uv r i r véri tablement
pace et du tem ps d 'un e part, des
le d ifférence ave c le rée l vécu,
la ca use d u m o uvement auq uel
rapp- »ts soc iaux qui dé ter m ine nt
c'es t q ue nou s so m m es dan s le
so nt so urn is l'e space, le tern ps,
l ' é\\\\ lu tio n dra ma tiq ue i nt ern e
dom ain e de la fi cti on et q ue les
les per son na ges et tout nat ure l-
d es , t'U \\ res d 'au tre part et sur-
êtr es, les phénom ènes et le s cho -
lem ent lint r igu e , t o ut es c ho ses
to ut. de proc éder à une rneiIl eu-
ses tel s qu 'i ls s'o bser vent dans
q ui fon t que l ' œuvre évo l ue ve rs
re s:
-c des formes ex pre ssives
l ' œu-v re littéraire et mêm e d ans
un dénou emen t ( th éâtre, ro ma n,
S:J1lS
inna ly se desq uelles to ut e
l e ca s de la litt ér ature hyp er-
nou v el le, épo pée e tc.) o u fo nt
c r itiqu e dem eu rerai t fi nalement
r éali ste , ne so nt en d éfin iti ve
émerger cles i mages ou des arché-
aux "Ies de l ' œuvre ? ' .
qu ' une pr oj ecti on du réel vécu.
ty pes dont la fon cti on est de nou s
I\\,jll
-, al lo ns éno nc er le s pri n-
Par exempl e, dans Les sol eils
fa i re
voi r "un i vers au trem ent
c ipalc. luis de la di alecti qu e et
d es indé penda nc es , FAMA n 'a
(c as exclusi rd e la poésie) .
v éri fï ~ r 1" '1 r appli qua bil it é dan s
auc un e exi ste nce civ i le réelle ,
" ét L:oie li u mo u ve m ent
int ern e
pas plu s qu e MÉ KA ou TO U N DI
1.1. Qu'est ce donc qu e la con-
des œuv res, da ns lart r éc iauo n
dan s l es ro m an s d e Ferdin and
tradiction ?
du l'l lll':'Oï temc nt des personna-
OY ONO. C epend ant , ces per son-
l:C S d
dans le tr ait cru er.t du temp s
nages portent en eux et au plu s
L a c ontradi ct ion
qu e 1\\1-\\0
el th 1't'sp,w P
L es trois premi è-
profo nd d ' eu x- m êm es, des co n-
Ts é-Toung appelle aussi ident ité,
re, pa il ies
ero nt co nstr u ites à
tr adicti on s qui les ag i tent et que
est l'on dée en
thé ori e par l 'un i té
il é!! l ' r de tro is loi s el lMquatri èm e,
nou s r ec o nnai sso ns
fac i lem ent
ou li ai son de deux pôl es opp os és
s ur Lill bre f a per çu d u ma té-
parce qu'ell es nous renvoi ent en
ou pô les contrad ictoi res.
ria lismc histo: ique et de ses irn-
tant q ue pon ci fs, à des con tra -
C' est parce qu'il en est ain si
pliqu.uions en mati ère de critique
d i c t i o ns
do n t
n o us
sa v o ns
que la fo rmule générale de l' unité
l i ttéra i re.
qu ' ell es o nt été o u so nt co ncrè-
di alec ti q ue ( l iaison néc essai re et
tem ent vécues dan s la v ie réell e,
rap por ts co nfl ic tue ls ent re de ux
1.
L \\ C O, Tl{AI le r ro v
so i t par no us- mêmes, soi t par des
pô le s co ntradic toire s) se résum e
L O I F U ;DA;\\ E Nl AI.E
D E
proc hes, so i t par d ' autres êt res
en cette équa tio n : 1 = 2
I.A J) L\\ L EC Tl I) l ' E
humain s qu i en ont tém oi gn é. I l
En br ef. ce tt e éq uatio n sign i-
est évide nt q ue le d écodage de
fi e qu ' i l n ' est rien clans l' univers
Dan s to ute étud e d e la di alec -
telle s con tradi ctio ns et leur port ée
q ui
ne port e en so i -m êm e sa
tique ma tériali ste, i l est une COll S-
soc ia le dev ien nent enco r e p l us
propre négat ion; o u enc ore, tout
év idents lorsqu ' i l s'agi t d 'œ uvres
ce qu i v i t ne v i t qu e parce qu 'il y
l ittérai res i nspirées de l' hi sto i re .
a en so n sei n un e lutte perrna-
1.
C e lle étud e sc co u- ne re ~\\ ~ I l " i ·\\ Cille nt il
la pru-,c Jili ,' ralre . N" ." a vons publi é
C'es t le cas des rom ans tel s qu e
nent e entre la vie q u i tend à la
ai l leurv une etude I/\\Ii la ll ' llile :\\ celle -c i
Do-Gui cimi de Paul HA l O l; \\'1 E
co nserv er et la mo rt qu i tend à le
Cl qu e " " IIS a\\ '1" i nti tu lee « A p pl icauc .:
de 1:1
o u 1. es bout s de bo is de Di eu de
ni er en tant qu ' exi stant.
d l,I1CCIICJ"l' m.ucr iahxt c fi 1' 0111 dc de
la p'I ~ S l e »
Sn1!3 eNE Ou sm ane.
2
Rev, C AM ES - Serie U, \\'01. 03 - ,,, 0002, 2001

Sciences sociales el humain es
- - - - - - - - -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Par exemple, parce que le mot
Ainsi, dans Une vie de boy de
trad ictions qui les mettent en
n'e st rien moins que la projection
Ferdinand OY ON O, il se déve-
mouvement. Il s' agit là, pour le
matérielle du sig ne linguistique
loppe toute une série de contra-
critique dialecticien, d'un terrain
qui ne doit lui-même son exis-
dictions entre l'espace des colons
de prédilect ion pour l'appl ication
tence qu ' à une contradi ction es-
(quartier blanc) d 'un e part et
de la dialect ique matéri aliste à
sentielle (rapport entre signifiant
l' espace des indigèn es (quartier
l'étude de la prose 1itt éraire.
et signifié), parce que la création
noir) d' autre part. Et le fait que
Il faut toutefo is noter que mê-
du beau par le traitement du mot
TOUNDI se situe, parle ou ag isse
me le perso nnage pris isolément
est l' objecti f de toute poésie,
dans l'un ou l' autre de ces pôles
en tant qu ' agent socia l n' est pas
nous sommes fondé à dire que la
contradictoires que sont ces deux
libre de toute contradiction, bien
poésie elle-même ne tire en théo-
espaces, n' est nullement indiffé-
au contraire. Entre ses tendances
rie son existence que par le rap-
rent et ne peut être négligé par
et désirs d'un e part et les multi-
port dialectique qui s'é tablit, à
l'analyste.
ples écueils qu i se dressent sur
l' expérience, entre la tendance du
En effet, le premier espace lui
les voies de leur accomplisse-
mot à préserver son contenu en se
est host ile et même totalement
ment d' autr e part, s'établit une
rivant au réel au vécu et sensible
étranger dans sa structure, son ar-
contradiction qui fonde en théorie
(sens dénoté ou sens de base du
chit ectu re tout co mme dans la
son co mportement, ses réactions,
mot) et sa tendance à se libérer
nature de son peup lement. En
son discours dans le récit.
du réel véc u et se nsib'e pour
revanche, le second espace lui est
Il convient de souligner aussi
s'intégrer à d'a utres isotopies ou
familier et totalement favorable .
que l'ê tre social des agents so-
champs lexico-sémantiqu es pour
Si le licenciement, l'humili ation,
cia ux, se lon MA RX, détermine
acquérir, non plus des sens nou-
la prison et même la mort le
pour l' essentie l leur conscience et
veaux, mais des vale urs suscep-
guette nt da ns l'espace du pôle
expl ique en partie leur idéologie.
tibles de le faire rayonner et de
dominant qu'es t le quartier blanc,
La nouve lle et l' épopée sur-
lui faire acquéri r une résonance
c 'es t du quartier indigène, pôle
tout, de même que l'œuvre dra-
dont la poésie se ule possède le
dominé qu'il peut attendre con-
matique, mettent en mouvement,
secret.
seiIs, conso lation et réconfort. Ici
de mu ltiples perso nnages dont
C'es t éga lement le lieu de
et là, ses marges libertaires ne
l' itinéraire es t presque toujours
s' interroger sur la création roma-
sont point les même s et il es t
commandé par la nature des con-
nesque. Le roman, com-me on le
sommé d' en tenir compte à cha-
tradi cti ons auxque lles ils so nt
sa it, exploite avec son langage
que instant, pour ne pas mettre en
confrontés. Et ces con-tradictions
propre et ses techniqu es spécifi-
péril sa propre sécurité.
peuvent être politiques, religieu-
ques, l'e s-pace, le temps, les per-
Dans le roman, fourmillent
ses , affecti ves etc . Pour l'an a-
sonnages et tout naturellement
des personnages par légions, chez
lyste, tout dépendr a du contexte
une intrigue donnée - excep-tion
les romanciers russes en particu-
qu' il lui faudra étudier par une
faite du nouveau roman - to utes
lier (TOIS-TO I, DOSTOïEVSKY).
observat ion attentive.
choses dont il tire sa vitalité, sa
Un roman comme S ilence on dé -
coule ur sty listique en tant que
veloppe de Jean-Marie ADIAFFI,
1.2. Traits di stinctifs de la con-
genre littérai re particuli er, so n
et les bout s de bois de Dieu de
tradiction
évolution et donc le mouvement
SEM BE NE Ousmane, cons tituent
qui régule sa progrèssion drama-
aussi, de ce point de vue, d 'excel -
Ramenée à ses dimensions les
tique.
lents exemples.
plus simples, la contradiction dont
Les espaces , par exemple , ne
Ces personnages se laissent
nous avons dit qu 'elle es t le ré-
sont j amais neutr es, non se ule-
classer en couches soc iales, en
sultat d' une liaison nécessaire en-
ment parce qu' ils sont habités par
lignages parfois (Masse nt
de
tre deux pôles contradictoires, se
des age nts socia ux que traver-
Tidia ne DEM), en familles nu-
caractér ise par les traits suivants :
sent de multiples contradictions,
mais auss i et s urtout parce que
c léa ires aussi CLa for tune des
A. L'EXI STENCE DE DEUX
l' impact des situations créées et
Rougon- Macq uart d' Emile ZOLA
PÔL ES INÉGAUX
vécues par ces personnages est
ou Le p ère Goriot d 'H onoré de
tel que ces espaces eux-mêmes
BALZAC). Ce qui caractérise tous
Toute co ntradiction comporte
finissent pa-r être de vérit abl es
ces univers sociaux, c'es t la mul-
deux pôles inégaux dont l'un est
réalités symboliques.
tiplicité et la complexité des con-
domin ant (+) et l' autr e domin é
Rev. CAM ES - Série B. vol. 03 - N" 002 , 20 0 1
3

Sciences soc iales el humaines
(-). L'on parle alors de pôle prin-
B. U NTVERSALITE
DE
LA
la table de négociation et exami-
cipal de la contradiction et de
LUTTE DES CONTRAIRES
ner les revend ications sociales
pôle sec onda ire de la contradic-
ET INFLUENCE MUTUELLE
qui sont les motifs de sa grève.
tion. L'on dit aussi, aspect prin-
DESDEUXPÔLESCONTR~
En littérature, la lutte des con-
c ipal de la contrad iction et as-
DlCTOIRES
traire s est manifeste, ainsi que
pect secondaire de la contradic-
L'unit é dialectique a éga Ie-
l' influence que les deu x pôle s
tion. .par exemple, toujours dans
ment pour nom unité des con-
contr adict oi res exercent l'un sur
Une vie de boy de Ferdinand
traires. Les deux pôles de cett e
l'autre.
OVONO,
il appar aît de toute
unité et liaison nécessaire qui
Bien souvent, c'est à l'hi stoire
évidence que les rapports entre
constituent l'e ssence même de la
réelle de la société que la littéra-
TOUNDI
et
le co mma ndant,
contradiction ne sont jamai s au
ture em prunt e ce rtaines contr a-
T OUN DI et la femme du com-
repos. Des sc iences comme la
dictions pour mettre en scè ne la
mandant ou TOUND1 et Gosier
physique, les mathématiques etc.
lutte des contrai res, l'influence
d 'oi seau sont des rapports iné-
et la chimie surtout, le démon-
mutuelle et l'interdépendan ce des
gaux, tout à fait à l'image de
trent chaque jour dans la dialec-
pôles contradictoires.
ceux qui se développent entre les
tiqu e de la natur e. La science
C'est tout à fait le cas des
indigènes et les co lons blancs et,
politique l'ob serve et le démontre
deux poème s aux longs cours
qui so nt eux aussi des rapports
au quotidi en dans la dialectique
d'A imé CÉSAI RE et d'A UBI GNÉ
inégaux.
de la société à laquelle nous nous
que nous avons déjà cités. Dans
L'on dira alors que TOUNDI
en tiendrons , à cause de la nature
le premi er cas , la contradi ction
est l'aspect second aire de cha-
de notre sujet.
entre esclav es et maîtres d' escla-
cune des contradiction s qui l'op-
En effet, les pôles contradic-
ves et celle entre Blancs et Noirs
posent au commandant, à la fem-
toires d'une contradiction sont
qu'évoque Le cahier d'un retour
me du comm andant , à Gosi er
toujours en lutte. Tant que survit
au pay s natal, es t une réal ité
d'oi seau et à tous les Blancs du
la contradi ct ion, cette lutt e se
histor ique. Il en va de même dans
quartier blanc. L' on dira de mê-
manifeste sous une forme ou sous
le second cas pour la contr adic-
me que les indigène s du quar-
une autre et c'est pourquoi l'on
tion qui oppose les deux contrai -
tier afr icain
constituent l'as-
dit que la lutte des contraires est
res que sont catholicisme et pro-
pect seco ndaire de la contr adic-
absolue. Et c'est de cette lutte
testantisme que nous découvron s
tion qui les oppose aux co lons
que naît le mouvement.
dans Les Tragiqu es.
blancs.
Dans la société, les manifes-
Bien évidemment, ces exem-
Parce qu'il en es t ainsi, le
tations phénoménologiques de la
ples ne sont que des cas particu-
commandant, la femme du com-
lutte des contraires ne se comp-
liers. En règle généra le, l'œu vre
mandant, Gosier d'oiseau et les
tent pas. Par exemple, les grèves,
littéraire crée de s personnages
blancs en généra l constituent,
les marches de protestation, les
fictifs, des situ at ions fictives et
eux, l' aspect principal des contra-
ag ressions milit aires, le bandi-
des contradi ctions également de
dictions qui les opposent, chacun
tisme, les assassinat s etc ., sont
pure fiction, même s i cette der-
pour son compte, à TOUNDI. De
aut ant de signes visibles de la
nière, comme nous le disions plus
même, les colons blanc s, dans
lutte des contraires.
haut, s'inspire du réel et n' en est
leur ensemble, constitu ent l'as-
Dans le processus d'affron-
que le reflet.
pect principal des cont radictions
tement, les pôles contr adictoires
Toutes les ave ntures d'Akin-
qui les opposent aux indigènes.
de la contradiction s' inf uencent
dèba l'araign ée et de Leuk le liè-
Les exempl es abondent en la
mutuellement et par toutes sortes
vre dans les contes d'Afrique de
matière, chaque nouvelle, chaque
de moyens . D' aill eurs, les ma-
l'Ouest publ iés par Bern ard B.
roman ou chaque épopée pou-
nifestations phénom énologiqu es
Dadié et Léopold S. Sen ghor,
vant en fournir à profusion.
dont nous venons de faire état
tout comm e ce lles de Bouk i
Même dans certains poèmes à
constituent en elles-mêmes cer-
l'hyène ou d'I sangrin le loup ,
base soc iale étendue comme Le
tains de ces moyens.
sont une parfaite illustration des
cahier d 'un retour au pays natal
Ainsi, la grève, sous sa forme
co ntrad ictions et des lutte s de
d 'A imé CÉSAIRE ou Les tra-
non révoluti onnaire, n'est rien
co ntra ires qu ' ell es impliquen t
g iques d'Agrippa d'A UBIGNÉ,
d'autre qu'un moyen de pression
dans le vaste processus d' anthro-
l'iné galité des aspects de la con-
dont le travaill eur se sert pour
pomorphi sat ion de la bête dans
tradiction se vérifie aisément.
contraindre le patron à s'asseoir à
les conte s du monde entier. Il en
Rev. CAM ES - Série B. vol. 03 - W 002, 200 1

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_ _ _ _ Sciences soci ales el huma ines
va de même dans certains mythes
Le geste de Soundj ata tell e
Au plan conceptuel, le sa ut
d'Afrique ou d'ailleurs, comme
que la relatent l'Aigl e et l'ép er-
qualitatif porte aussi l' appellation
par exemple Prom éth ée, La g uer-
vier de Massa Makan DIA BATE et
de bond qualitatif.
re de Mai é, Sisyph e et Kaydara.
Soundj ata ou l 'épopée Mandin-
Cet exemple pris à la dialec-
Oui, la lutte des contraires est
g ue de Djibril Tamsir NIANE of-
tique de la nature s'observe aussi
universelle et toutes les littératu-
frent un bel exemple de conver-
dans la dialectique de la socié -
res du monde l'attestent.
sion des cont raires à travers les
té. En Europe, En Asie plus
deux héros de cette épopée :
particulièrement , l' on a vu par
C. LA CONVERSION DES CON-
SOUN DJATA et SO UJ'vIANGOU ROU .
exem ple la féodalité exerce r un
TRAIRES
règne san s parta ge et donner
2. LA LOI DE LA TRANS-
l'impression d'un mode de pro-
Dans leur lutte, les deux con-
FORMATIO
duction immortel. La c lasse nobi-
1
DE LA QUAN-
traires de l'unité dialectique ten-
TITE EN QUALITE
liaire, classe dom inante de la féo-
dent à se convertir l'un en l'au-
dalité, imposait à cette frange de
tre. L'on dit encore que chacun
Lorsqu'on observe un phéno-
la population qui prit en France le
des pôles contrad ictoires de l'uni-
mène auss i simple que l'ébu l-
nom de tiers-état (bo urgeo isie,
té dialectique tend à se convertir
lition de l'eau sous l' effet de la
paysanneri e pauvre ou serfs) tou-
en son propre contraire. Cela si-
chaleur ou, inversement, la tran-
tes so rtes d'impôts, d'humili a-
gnifie que le pôle domin ent tend
sirmation en glace de ce même
tions au point qu'elle accumula
à devenir un pôle domin é, de
liquide placé dans un congél a-
pendant des siècl es des monta-
même que le pôle dominé tend à
teur , on est déjà au cœ ur des
gnes de haine - la haine de clas-
devenir un pôle dominant. La
manifestations concrètes de la
se. C' est bien cette accumulation
lutte des contraires a justement
transformation de la quantité en
quantitative qui explique, avec
pour objectif d'empêcher la con-
qualité.
.
bien d'autres facteurs historiques,
version des contraires dans le cas
L' accumulation quantitativ e,
l'éclatement et la violen ce des
du pôle dominant et d'ac célérer
c'est la lente et progressive ab-
révolution s bourgeoises d'Angle-
cette même conversion des con-
sorption de la chaleur ou du froid
terre, de France et de Chine.
traires dans le cas du pôle domi-
par l'e au, processus qui conduit à
La révolution est, dans la dia-
né.
un point nodal qu ' on nomme
lectique de la soc iété, le proto-
La si fameuse «dialectique du
encore point névralgique ou seuil
type même de la transformation
maître et de l'esclave » de HEGEL
de rupture et à partir duquel l'eau
de la quantit é en qualité, un saut
illustre bien cette loi de la con-
se met en ébullition ou se trans-
qualitatif exemplaire.
version des contraires.
forme en glace, cesse d'être un
Nous
reviendrons sur
ces
Dans
certa ines conditions,
liquide - changement de nature
concepts important s lorsque nous
les rapport s de force entr e les
donc - et se transform e en va-
examineron s l'antagonisme , for-
deux pôles contr adictoires peu-
peur d'eau, c ' est-à-dire en gaz,
me particulière que prend la con-
vent s'équilibrer; mais la dia-
ou en glace, c' est-à-dire en so-
tradiction dans les conditions par-
lectique enseigne qu 'un tel équi-
lide.
ticul ières. En attend ant, voyons
libre n'e st que précaire, transi-
On parle alors de transforma-
dans quelle mesure cette loi de la
toire, passager... relatif. Il s'agit
tion de la quantité en qualité:
transform ation de la quantité en
là aussi d'une loi.
c'est- à-dire de changement de
qualité peut trouver dans la litté-
La conversion des contraires
nature du fait d'une accumulation
rature un terrain d' ap-plication.
s'observe de manière spectacu- .
quantitative.
laire dans la guerr e mais aussi
Ce type de rupture porte en
2.1. Un exemple d'accumula-
dans certaines contradictions arti-
dialectique le nom de sa ut qua-
tion quantitative
ficiellement créées pour exploiter
litatif, ce qui signifie en clair,
la passion de la compétition et de
chan gement brusque de natu-
C' est l'a ccumul ation de colère
l'affrontement qui habite chaque
re.
et de haine chez un personnage
être humain. C' est tout à fa it le
Cette notion de «saut» infère
comme GANELON , dans La chan-
cas du football el de tous les jeux
l'id ée d'accélération, de soudai-
so n de
Roland, q ui explique
où un individu ou une équ ipe
neté, de changement brusque de
pourquoi il finit par trahi r la
entre en concurrence avec un au-
nature ou de passage d'un état à
ca use de so n pays et de son
tre individu ou une autre équipe.
"
un autre.
Prince et pourquoi il était investi
Rev. CAM ES - Séri e B, vol. 03 - W 002, 2001
5

Sciences sociales e l humaines
_
par le seul souci de se venger de
tent les personn ages des œuvres.
mil i tant co m m unis te H Olèl)[ ·:RŒ.
R OLAND qui av ai t commis la
L e bon di alectici en devrait procé-
I ci l ' enj eu c'es t OLGA, arden te
grave erreur de le désigner pour
der à la manière du bon commen-
milit ant e comm u-niste et petite
une pér illeu se mission auprès du
tateur d 'u n co mbat de boxe.
am ie de H UGO.
Roi MA RSILE.
L'un des boxeurs prend un
D an s 1'œ uv re -
Les mains
co up au f oi e mais comme le com-
sa les - on voit le soupçon s'em-
2.2. Une exemple de saut quali-
bat ne fai t q ue co m mencer, ce
parer de H UGO qu i finit donc,
ta tif
box eur qui est enco re plein de
pet it à pet it , par se co nv aincre du
ressources et d ' énergi e fa it j uste
f ait que O LGA est l 'a m ante du
Ce même exem ple peut servir
une gri mace et réag it v igo ureu -
vieil H oederer, et cela, d' accu-
pu isque GANELON qui était un fi -
seme nt à l ' of fensi ve de son ad-
m u latio n de signes réels ou il lu-
dèle cheva 1ier tout ent ier dévoué
versai re. A un autre round i l en-
soi res. Il n ' y a pas de meilleu re
à l'E mpe re ur
CHARLEMAGNI:.
caisse enco re un co up au f oi e et
preu ve de tr an sf ormat ion de la
son maître , chan ge de nature sui -
r iposte tout aussi v igo ureuse-
qu ant it é en qualit é qu e ce bond
te à cett e accumu lat ion quanti-
men t, juste le tem ps d ' une autr e
qua litatif qu i tr ansform e un to ut
tative et devient le traître dont la
gr i mace . Le
public nov ice et
j eune homme co mme HUGO, sain
fél onie coûtera la vie aux douze
même naï f - ses adm irateurs sur-
ju squ ' à la pu- reté, en un cr im in el
pai rs de France. Soulignons en
tout - se l aissent abuser par ces
m arqu é j usqu' à la f i n de ses
pas-sant q ue nous retrouvons là
sursauts illu soires. Pour le com-
j our s.
aussi un cas pertinent de con-
mentateu r à l' œil exercé, pas de
versio n des contraires.
doute, l 'h om me est atteint et s'il
3 . DE L·( lNITE COMPLEX E
D e façon plus général e, la loi
n' y pren d garde, il sera bientôt
de la tr ansf orm ation de la q uan-
envoyé au tapi s.
No us n'avons j usq u ' à présent
tit é- en qual it é permet d 'an aly ser
On ne peut par exem ple com-
exa m iné qu e l e cas de l ' uni té
de façon tr ès ef fic ace les di spo-
pren d re
pourqu oi
un
person-
cont radic toi re simple et ne co m-
si tio ns psy chol ogiques qu e pr é-
nage com me M EURSAU LT dan s
portant
qu ' un
pô le
domin ant
.sen tent les perso nnages qu i ani-
L'Etrang er de Cam us, donn e la
(as pec t prin cip al de l a con tra-
ment les œuv res litt éraires et sur-
mort apparemment sans raison et
di cti on ) et qu' un pôl e dom in é
tout de percer l'é nigme de leur
donc de façon absurde si l'o n ne
(aspect seco nda i re de la co ntra-
évoluti on i nd i vi duel le ou collec-
pr end pas en com pte tou t l' amas
di cti on ) , l es de ux pô les en tre-
tiv e.
de pr éj ugés dont il a hér ité, qui
tenan t un e liaison
nécessaire,
E n eff et un personnage peut
lui encom brent le subco nscient et
s'influ ençant m utu ell ement - in -
éprouver de m anière presque im-
qui le tr av aillent à son insu au
tera ction - et ayan t l ' une l ' autre
percept i bl e et au début d'un ro-
point d ' en faire un cri m inel.
tendance à se transfor mer en eur
1
m an par exe mp le, du ressenti-
Ce sont en tait to us les dra-
contraire. L 'unité do nt no us par-
ment, une co lère vite évacuée, de
mes, to utes les blessures morales
Ion s m ainten ant a une tout e autre
l 'hum il i at i on etc. sans que le
et phy siqu es de la guerre d 'A lgé-
composante. C'es t par exemp le le
lecteur ma is sur to ut le cr i ti que
rie , lesquels ont imposé de l ' A ra-
cas d 'un e 11 <1 [;,' 11
' ; el le est à la
qu i nou s i ntéresse i ci , ne s'i ma-
be - du moi ns chez les Français -
f ois une et mul tip le. Fn son sei n
gi ne un seu l i nstant que ce rien
l 'im age d'un tueur lâche qui opè-
se déco uvre un norn br
i nfi ni
de blessure mo rale fi ni ra, à tel ou
rent sur M EURSAU LT et l 'am è-
de co ntradic tions : co ntradic uc li';
tel moment de l'œ uvre, par peser
nent à co m mett re ce cri me appa-
entre c lasses, ent re co uc hes so-
d' un poids parti cul ièrement lourd
remment gratuit.
ciales, ent re 1ign ages, entre fa-
dans la réacti on de ce dernier; et
D ans un cas comme celu i- là,
mill es, en tre clans .. . co nt radic -
cela, tout sim p lem ent parce que
seul le co ntex te socio - historiq ue
tio ns entre in divi dus ( co uples
d' autres agressi ons psychologi-
peut ven ir au seco urs du critique
d ' ami s, de conjo i nts et autr es
ques seront venues s'ajouter à ce
di alecti cien dans son souci de
all iés en affaire).
qui n' était au départ qu'une sim-
perce r l 'én igm e de ce crime ap-
D e cette multitu de de contra-
ple éraflure de l ' âme. C'est dire
paremm ent crapuleux.
dicti on s, il en est to uj ours une qui
l 'o bligation qu ' a le critique dia-
M oi ns psycha naly tique cepen-
dom in e tout es les autres, qui les
lect icien de ne j amais considérer
dan t, le cas tout à f ait pertinent
f ond e m êm e et de la résolution
co m-me des réalités i sol ées les
du crime q ue co mme t l e jeune
de laquell e dépende ce l le de tou-
chocs psy ch ol ogiqu es qui af fec-
H UGO sur la personne du grand
tes ces autres co ntradictio ns. O n
Rev. CAM ES - Série B. vol. 03 - W 002,200 1

_ _ _ __ _ _ __ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ __ _ _ Sciences sociales el humaines
l'appelle la contradiction princi-
d'un retour au pays natal d'A imé
3.2. Des aspects de la contra-
pale, les autres n'étant que des
CÉSAIRE.
diction principale
contradictions secondaires.
Dans le Cahier .. ., la contra-
diction principale est celle qui
Comme dans toute contradic-
3.1. Importance de la contra-
oppose les esclaves aux maîtres
tion, les aspects (ou termes con-
diction principale et carac-
d'esclaves. C'est elle la plus
tradictoires) de la contradiction
téristiques spéci-fiques
active ; c'est elle le moteur du
principale se développent et évo-
système social que constituent
luent de façon inégale . Sur le
La contradiction principale est
les Antilles et la contradiction
plan théorique, on appelle aspect
le moteur du macro ou du micro
Noirs / Blanc s n'en est que le
principal de la contradiction prin-
système qu'est l'unité dialectique
résultat idéologique . Autour de
cipale le terme de la contradic-
complexe . C'est d'elle que dé-
cette contrad iction, naissent et
tion principale qui est le plus do-
pend fondamentalement l'évolu-
se développent une mult itude
minant. Inversement on appelle
tion interne du système.
d'autres contradictions, en inter-
aspect secondaire de la contra-
11 est vrai que des facteurs ex-
action avec elle et toutes ces
diction principale le terme de la
térieurs peuvent jouer un rôle
contradictions étant secondaires.
contradi ction principale qui est
important dans l'évolution de ce
C'est par exemple le cas de
dominé, c'est-à-dire le moins
système considéré. Toutefois, la
la contradiction qui s 'établit en-
influent. Toujours sur ce même
dialectique enseigne que les fac-
tre les nègr es-marrons et ceux
plan, il est reconnu que c'est à
teurs externes ne peuvent en au-
que CÉSAIR E nomme les lar-
l'a spect principal que revient le
cune façon infléchir le mouve-
bins.
plus souvent possible l'initiative
ment interne du système, si les
Larbins et Nègres-marrons en
de l'offensive, tandis que j'as-
contradictions inhérentes au sys-
tant que termes d'une contradic-
pect secondaire ne réagit que par
tème lui-même ne sont pas arri-
tion secondaire, n'ont en théorie
à coup et ce, jusqu'à ce qu'il
vées à maturité au point de favo-
une existence que par rapport à
accumule suffisamment de forces
riser la mutation interne de ce
l'existence de la contradiction qui
pour multiplier à son tour à
système. L'on dit encore, de ce
oppose esclaves et maîtres d' es-
l'offensive. MAO Tsé-Toung a
point de vue, que c'est par j'in-
clave s. Que cette contradiction
savamment condensé ce rapport
termédiaire des facteurs internes
principale vienne à disparaître
dialectique par une formule deve-
que les facteurs externes peuvent
que disparaîtraient du coup
les
nue célèbre et relative à la guerre
acquérir quelque influence et agir
terme s de la contradiction Jar-
de guérilla : «l' ennemi avance,
négativement ou positivement sur
bins/nègres-marrons et donc cette
nous reculons. L'ennemi s'arrête,
['évolution de tout système. Le
contradiction secondaire
elle-
nous le harcelons. L'ennemi re-
proverbe africain du mur lézardé
même
cule, nous le pourchassons ».
dans lequel s'infiltre l'araignée
Cela signifie en clair - et nous
La littérature offre une infinie
est une parfaite illustration de la
le disions déjà - que c'est la con-
quantité d'exemples d'inégalités
loi que nous venons d'indiquer;
tradiction principale qui engendre
des termes de la contradiction en
la lézarde étant le signe d'une
les contradictions secondaires et
général et de la contradiction
rupture interne et l'araignée le
détermine en dernière analyse les
principale en particulier. Le cas
facteur extérieur qui n'o-père que
conditions de leur survie. C'est
de MÉKA du vi eux nègre et la
parce que
la rupture interne
en
la contradiction principale
médaille est pertinent de ce point
e~ iste.
(rôle moteur) qu'il est possible au
de vue.
Toutes les contradictions se-
critique dialecticien de l'iden-
Pendant
la
cérémonie
de
condaires évoluent pour l'essen-
tifier parmi la foule de contra-
décoration, les colons ayant tardé
tiel au rythme r:e la contradiction
dictions du réseau inhérent à
à se rendre sur les lieux où
principale et la résolution de cette
l'unité dialectique complexe.
les attendaient les récipiendaires,
dernière conditionne l'évolution
La contradiction qui oppose le
MÉKA est subitement pris d'une
et même la vie de ces contradic-
«bon nègre à son maître » aux
terrible envie d'uriner. 11 lui eut
tions secondaires.
intellectuels révolutionnaires de
été facile d'en informer j'un des
En illustration de ces données
la société antillaise répond exac-
gardes pour que celui-ci le con-
essentielles à la conduite d'une
tement aux mêmes analyses que
duisît jusqu'aux toilettes du bu-
analyse dialectique, exploitons
nous venons de faire de l'exem-
reau de l'administration ou à
quelques exemples du Cahi er
ple précédent.
quelque autre endroit. Mais non!
Rev. CAMES - Série B, vol. 03 - W 002 , 2001
7

Sciences sociales el humai nes - - - -
MÉKA se fige là, décidé à subir sa
tout, à la dyna mique qu'e lle im-
ennemis tandis que la contra dic-
souffrance jusqu 'à ce que les
plique quant aux comportements
tion non antagoniste est une con-
Blancs viennent l'e n délivrer par
des personnages ou groupes de
tradic tion entre agen ts socia ux
le rit uel auquel il s ' éta it si
personnages - agents socia ux ou
qui ne dé ve loppent pas encore
longtemps préparé. Mais quelle
actants - dont l'é volution surdé-
une haine irréductible.
force invisi ble pét rifiait ainsi le
ter mine en fin de co mpte la
Encore une fois, toute contra-
vieux nègre ? C'est l' idéologie et
forme, l'im pact et les retombées
diction entre ennemis est généra-
rien d'aut re : une idéologie de la
du mouvement interne du texte
trice d'affrontemen t et se résoud
servitude - je veux dire de la sou-
étudié.
par la violence, avec désir affir-
mission absolue - parce que c'es t
L'e xe mple du
Dr Richard
mé d' en finir totalement et radi-
le Blanc qui commande et il est
K IMBLE baptisé le Fugitif dans le
calement avec l' autre. La contra-
écrit que ja mais le nègre ne doit
fi lm du même nom, cons-titue de
dicti on simp le, au cont raire, se
lui désobéir et puisque le Blanc a
ce point de vue un cas pratique.
résoud e lle aussi par l' affron-
dit qu 'il faut demeurer là et
Le Docteur KIMBLE n'e st pas
tement certes, mais un affron-
l' attendre, eh bien, on demeurera
res ponsa ble du crime dont on
tement sans dés ir aucun de don-
là et on l'a ttendra, même si l'o n
l' accuse mais la pression à la-
ner la mort. Dans les rapports fa-
devrait en mourir.
quelle il est soumis, aussi bien de
miliaux, politiq ues, amicaux ou
11 n'y a pas meilleure preuve
la part de ses accusateurs que de
autres, c'est par exe mple la cri-
du pouvoir que l' aspect principal
celle de l' appareil j udiciaire, est
tique ou la diplomatie qui appa-
de la contradiction principale. Ici
telle qu' il est contraint à la
raît comme l'a rme privilégiée
le co lon exe rce sur l' aspect se-
clandestini té et condamné à une
contre tels affrontements.
condaire de la contradiction prin-
fuite perpétuelle tant que le vrai
Dans un texte littéraire, tout
cipale . Tout se passe finalement
coupable du meurtre n'est pas
comme du reste dans la vie réel-
comme si un véritable cerbère
démasqué.
le, toute guerre, tout assassinat ou
était tapis dans le cervea u de
toute tentati ve de meurtre etc.
M ÉKA et lui interdisai t tou t
3.3. A propos de l' antagonisme
constitue sans nul doute le signe
mouvement , tout acte libertaire.
de la manifestati o n phénomé-
Ce cerbère-là dans le cas qu i
L'a ntago nisme est un mode
nol ogiqu e d 'un e con tradiction
nous occupe, est d'esse nce idéo-
particulier d' existence de la con-
antago nique qu' il reviendra bien
logique et l' influence qu'il exerce
tradiction.
sûr a u cr itiq ue d 'i denti fier, de
est de la même nature que celle
En effet, tout antagonisme est
formul er et d'a nalyse r co rrec-
qu ' exercent sur nous notre père,
contradiction alors que toute con-
tement.
le Roi, l' Empereu r ou le Pré-
tradiction n' est pas antagonisme.
C'est ainsi que toute épopée
sident de notre pays, la différence
Il y a antagonism e lorsqu e
est manifestation d ' antagonisme
entre ces pouvoirs n'étant que de
dans des conditions déterminées,
parce qu ' aucune épopée ne se
degré.
une contrad iction évo lue et at-
conço it sans affrontement armé,
D' un point de vue théorique,
teint un degré tel que ses deux
sans héroïsme guerrier.
il co nvient de noter que le pou-
termes ne peuvent plus cohab iter
Dans les œ uvres litté ra ires
voir d' infériorisation que l' aspect
à l' intérieur de cette unité dialec-
co mme da ns l' histo ire, il peut
principal de toute contradiction
tique. Lorsque les choses en arri-
arriver, bien sûr, que les rapports
ou de la contradiction principale
vent là, le conflit qui oppose les
entre individu s, classes ou cou-
exerce sur l'as pect secondai re de
deux ter mes con tradicto ires ne
ches socia les atteignent le seuil
toute contradiction ou de la con-
peut plus être résolu autrement
de l' antagonisme sans qu'a ucune
tradiction principale peut être
que par l' élimination, la destruc-
manifestation phénoménologique
d' ordre matériel, financie r, phy-
tion pure et simple de l' un des
ne vienne en témo igner co ncrè-
sique etc. ou d' ordre idéologique
deux termes. En dialectique de la
tement. C'est au vrai dialecticien
et donc psychologique et moral.
Société, ce la s' appelle résoudre
de savo ir co mp rend re que ce
II est extrêmement important,
le problème par la guerre, la voie
n'e st pas pour cela qu' il n'y a pas
pour le critique dialecticien de
politique et diplomatique n'é tant
antagonisme.
prêter une attent ion particul ière
appropriée qu ' à la résolution des
Par exemple, dans la réalité, il
non seule ment au ' prin cipe de
seules contradictions non antago-
peut se trouver qu ' un des pote
l'inégalit é des terme s de toute
nistes. La contr adiction antago-
condamne à mort et exécute un
contradiction, mais aussi et sur-
niste est une contradiction entre
j eun e homm e pour une faut e
8
Rev. C AMES - Série B, vol. 03 - W 002, 200 1

Science s sociales el humaines
- - -- -- - - - - -- - - -- - -- - - - - - - - - - - - - - - - -
qu'il n' a pas commise . Le père se
acides sur des bases, le tonnerre
mort ou recourent à des tiers pour
dit: «mort au chef !». Et cela, il
etc. C'est à ce sujet que l'on parle
les aider à organiser la violence
se le répète à chaque instant.
souvent de «conditions normales
qui les habite e t les agite, nous
Pourtant, il ne mobilise aucun
de température et de pression ».
pouvons être sûr s que la contra-
moyen pour le tuer. Il s'en remet
diction qui les met en mouve-
au contraire à Dieu ou à quelque
b. En dialectique de la sociét é, il
ment et dont ils constituent l'un
autre force transcendante , pas
faut savoir qu'aux conditions
des pôle s est une contradi ction
tant parce qu ' i1 est croyant mais
objectives s 'ajoutent les condi-
antagonique.
parce qu'il se sait et se sent
tions subjectives pour que se
Seule la connaissance de telles
impuissant contre la toute puis-
manifeste spectacul airement l' an-
constantes peut développer chez
sance de ce despote. Dans un tel
tagonisme. Lorsque, en revanche,
le critique dialecticien les bons
cas, ce père ne mani festera rien
les conditions subjectives ne sont
réflexes dont il a besoin dans son
de spectaculaire qui laisserait
pas remplies , l'antagonisme de-
approche des textes littéraires.
percevoi r son profond désir de
meure un simple objet de constat
Le personnage de JEA N VAL-
voir périr le tyran. Et pourtant,
intellectuel. C'est tout à fait le
J EAN dans les misérables de
l'antagonisme est là, qui demeure
cas de l'oncle Tom dans le célè-
Victor HUGO constitue un cas
objectivement. Dans
le même
bre roman de Harriet BEECHER
intéressant du traitement de l'an-
ordre d 'idées, il est bien évident
Stowe La case de l'oncle Tom.
tagonism e.
que le malheureux MÉK A aurait
Pour que l'oncle Tom se méta-
Il est bon de se rappeler que
bien voulu mettre fin aux jours
morphose en Spartacus, en Tous-
ce roman paraît dans une France
du colon et du garde qui l'ont
sai nt Louverture, en Dessa 1ines,
vivant au rythme du capitalisme
pré-cip ité dans l'enfer de la
il aurait fallu que se produise une
ascend ant ou capitalisme de libre
prison coloniale sans qu'il ne
rupture dans son cerveau et qu 'il ' .
échange , c 'est- à-dire au stade où
sache ce qui lui était reproché.
se dise : «Ou je crève ou je me
se développe irrésistiblement ce
Mais,
nous
le savions déjà ,
libère».
qu 'on app elle e n économie le
MÉK A
est
un
homme
Le critique dialecticien doit
capitalisme industriel. Une épo-
idéologiquement vaincu et qui ne
accorder une grande importance à
que qui voit s 'établir et se cristal-
pouvait que se répandre en vaines
toutes ces données sans la per-
liser les rapports de production
récriminations, qui ne pouvait
ception desquelles le texte lui
capitaliste qui se caractérisent par
que
s'user en
gesticu-lations
demeurerait fer-mée quant aux
la prééminence d 'une contradic-
inutiles
comme
tous
les
causes des mouvements qui l'agi-
tion princip ale, celle qui oppose
désespérés de la terre. En revan-
tent, quant aux raisons des muta-
le capital au travail : K * W,
che, «la Négraille» que Césaire
tions psychologiques que subis-
l'aspect principal de cette con-
nous décrit sous l'image du ténia
sent les personnages d'une situa-
tradiction étant Je capital et l'as-
se loge dans le ventre du négrier ,
tion à l'autre.
pect secondaire, le travail.
se met en mouvement et résoud
En règle générale, lorsque
Sur le plan sociopolitique tout
l'antagonisme qui l'oppose au
dans une œuvre littéraire, ciné-
comme sur le plan idéologique,
monstre par l' affrontement armé,
matographique ou autre, nous ob-
cette contradiction se retrouve
exprimant ainsi
l'antagonisme
se rvons des
personnages qui
enti èrement d ans
les contra-
qui l'oppose aux Négriers par des
s'efforcent de trouver un terrain
di ct i on s
prolétariat/bourgeoisie,
actes conc rets : offensive prémé-
d 'e ntente dans le ca dre d'u ne
idéol og ie prolétarienne/idéolog ie
ditée, violence légitime et orga-
situat ion conflictuelle, recourir à
bourgeoise.
nisée, victoire arrachée au prix de
des tiers , soit pour se confier à
Cette contrad iction pr incipale
sacrifices délibérément consent is.
eu x par souc i de décrispation ,
est de type antagonique et donc
Sur le plan théorique , il est
soit pour que ces derniers inter-
porteuse de violence de classes.
important de savoir que:
cèdent pour régler le conflit etc .,
Le manifest e du parti commu-
nous pouvons être sûrs qu 'ils
niste de MAR X et ENGELS
a. En dialectique de la nature , il
gèrent une contradiction qui n'a
( 1848), analyse en détai 1 la nature
suffit que les conditions objec-
pas encore atteint le seuil de l' an-
et la forme et la portée de cet-
tives soient remplies pour que se
tagonisme .
te contradiction Capital/Travail
manifeste spectaculairement la
En revanche, lorsque des per-
dont le propre, eu égard aux rap-
rupture (phénomène de l'eau qui
sonnages ne connaissent plus la
ports de production dominants ,
bout, réaction spectaculaire des
moindre inhibition et sèment la
est d'organiser la bipolarisation
Rev, CAM ES - Série B, vo l. 03 - W 002 , 200 J
9

Sciences sociales e l humain es - - - -- - - - - -- - -- - -- -- - - - - - - - - -- -
systématique de la société en
moral et donc idéologique qu'il
lité, su ggère l'idée d'un chan-
dégageant, d'une part, un pôle
porte en lui. Et c'est ce qui
gement de nature.
où s'accumulent les richesses et
explique son refus, au prix d'un
Le saut ou
le bond qualitatif
d'autre part, un pôle où s' accen-
véritable don de soi, de laisser la
intervient lorsque une contradic-
tue irrémédiablement la pauvreté,
justice bourgeoise condamner en
tion de caractère anta gonique
ces deux pôle s étant diamètre-
lieu et place, un honnête citoyen
réunit les conditions objectives et
lement opposés et en lutte bien
qu'elle a baptisé JEAN VA L..IEAN.
subjectives et se manifeste phé-
que nécessairement liés et inter-
En se livrant lui-même à la
noménologiquement
par
une
dépendants.
justice, ce personnage de HUGO
crise qui consacre la rupture de
JEAN VALJEAN, paysan pau-
démontre qu'en dialectique de la
l'unité dialectique - c'est-à-dire
vre, appartient au pôle du travail-
société, il ne suffit pas que les
la destruction de l'un des pôles
leur paupérisé et dominé par le
conditions objectives soient rem-
contradictoires de la contradic-
Capital. Riche des mille vertus du
plies pour que l'antagonisme pro-
tion antagoniste - et laisse place
peuple (bonté, justice, humilité
voque un saut qualitatif. Il dé-
à une réalité nouvelle marquée au
etc.), il ne vivait pas cet antago-
montre également que l'antago-
sceau de la contradiction et qui
nisme comme il eût pu objec-
nisme
n'est jamais
vécu
de
commence de manière totale-
tivement le vivre, c'est-à- dire, en
manière identique par tous les
ment indépendante sa propre his-
accumulant les hai-nes et en or-
agents sociaux issus des classes
toire.
ganisant ou en semant la vio-
antagonistes. Il prouve enfin que
L'élim ination du Portugal en
lence. Au contraire, il trimait
le souci principal de l'auteur des
tant que puissance coloniale dans
pour assurer la pitance aux or-
Mis érables était d'ordre idéolo-
la guerre de libération de l'An-
phelins que sa sœur lui avait
gique et visait à exalter les vertus
gola et l'émer-gence concomi-
laissés en mourant. Et c'est peur
de courage, de bonté, de justice,
tante de l'a contradiction antago-
les nourrir qu'il vola ce pain fatal
de générosité, d'altruisme ... dont
niste qui se développa et se déve-
qui le conduisit au bagne.
recèlent les masses populaires et
loppe encore entre le M.P.L.A et
Démesure, s'il en fût, que cet-
les simples gens qui les compo-
l'U .N.I.T .A constituent de ce
te réaction de l'Etat bourgeoi s !
sent et ce, par différence d'avec
point de vue un exemple des plus
Le bagne, c'est l'une des multi-
les pratiques hautaines et inhu-
éloquent s . Cette guerre qui a
ples manifestations phénoméno-
maines de la bourgeoisie ré-
brisé ce pays africain et qui dure
logiques de cette contradiction
gnante.
encore maintenant n'a plus grand
Capital/Travail, l'une des formes
JEA N VALJEAN est un arché-
chose en commun avec la guerre
de la violence capitaliste que dé-
type de la classe pauvre du capi-
colo-niale qui opposa naguère
chaîne périodiquement la bour-
talisme triomphant et HUGO, un
l'U.N.I.T.A,
le
M.P.L.A,
le
geoisie sur les classes opprimées.
poète progressiste tout entier dé-
F.L.N.A d'une part et le corps
Objectivement, cette expé-
voué à la cause des pauvres, des
expéditionnaire colonial du Por-
rience terrible eût dû faire bas-
faibles et de la justice dont il
tugal colonial iste d'autre part.
culer JEAN VALJEAN dans
la
rêve, comme l'illustre d'ailleurs
Voilà un cas de saut qualitatif
haine et la vengeance. Or, au mo-
l'ensemble de son œuvre.
puisque la guerre entre le Por-
ment où il s' évade, ce personnage
tugal et ses colonies n'était rien
vit une contradiction entre cet
3.4. Du saut qualitatif
moins qu'une guerre entre colons
appel de la violence qui tâche de
et colonisés, c'est-à-dire , une
s 'imposer à lui d'une part et
Au sens le plus ordinaire, le
guerre entre oppresseurs et oppri-
l'appel de la vertu qui lui vient de
saut qualitatif signifie change-
més alors que la guerre actuelle
ses origines populaires d'autre
ment de nature . L'on dit égaIe-
entre le M.P.L.A et l'U.N.I.T.A
part.
ment «bond qualitatif». Du point
est une guerre civile, c'est-à-dire
Lorsqu'il devient, sous un
de vue sémantique, les notions de
entre frères et dont l'Afrique et
faux nom, le maire MADELEINE,
saut et de bond impliquent l'idée
l'OUA , avec raison, se préoccu-
si bon, si juste et même débon-
selon laquelle quelque chose se
pent par dessus tout du règlement
naire, la preuve est faite pour
produit brusquement, à une vi-
rapide, juste et équitable.
nous, analyste, que c'est l'aspect
tesse considérée
comme
au-
Dans l'espace laissé par Naré
vertu qui est demeuré chez. lui
dessus de la normale et, eu égard
FAMAGHAN, naît et grandit une
l'aspect principal de la contra-
au sens particulier que nous
contradiction de type antago-
diction d'ordre psychologique ,
avons accordé au concept de qua-
nique entre le clan Sogolon
10
Rev. CAMES - Sér ie B, vol. 03 - W 002. 2001

___ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Sciences sociales el humaines
KÉDJOU d'une part et le clan
ciale en ses moments culminants,
dialectique de la nature, de la
Sassouma BI~RÉTÉ d'autre part.
l'éclatement d'une guerre etc,
révolution en dialectique de la
Cette contrad iction se résoud par
Ce qui caractérise ce seuil
société. Toutefois, comme nous
l'exil de Soundjata et de sa mère.
névralgique à la faveur duquel se
le disions, tous les signes du saut
Cela signi fie concrètement
produit le saut qualitatif, c'est le
qualitatif peuvent se présenter
qu'il y a eu saut qualitatif, l'un
mouvement surabondant et dé-
sans qu'il ne se produise de
des pôles s'étant enfui et laissant
bordant par dessus tout. C'est
rupture , C'est le cas du ciel ora-
le terrain entièrement libre à
aussi la vitesse, l'extrême variété
geux sans tonnerre et de la situa-
l'autre, du moins, en apparence
et la rapidité des mutations qui
tion révolutionnaire sans révolu-
puisqu'à moyen terme, le pôle
s 'opèrent, le ballet des lois dia-
tion (Mai 1968 en France et Mai
Soundjata opérera
une specta-
lectiques - mûrissement de con-
1990 en Côte d' 1voire) .
culaire conversion des contraires
tradictions, inversion de contrai-
et lancera une contre-offensive
res, déplacement de contradic-
4. I\\'IATERIALISME
victorieuse.
tions, accélération des accumula-
HlSTOR1QU F: ET
C'est au cours de cette aven-
tions quantitatives etc,
LITTERATURE
ture singulière que se précisera la
Ces choses dont témoigne la
contradiction entre Soumangou-
vie quotidienne se retrouvent in-
Comme pour le matérialiste
rou KANTF., le roi du Sosso et
tégralement dans la littérature et
dialectique, la question du maté-
Soundjata KÉITA qui rêve de bâ-
c'est au critique dialecticien qu'il
rialisme historique relève de la
ti r l' ernpire Mand ing. Lorsque
revient d'être suffisamment pers-
philosophie et des deux concep-
nous parlons de nouvelle réalité
picace pour comprendre, non
tions qui l'ont caractérisée depuis
qui commence sa propre histoire,
seulement le fondement, la forme
toujours.
c 'est par exemple le cas d'un
et la portée sociale, politique,
En effet, l'on distingue - hor-
Soundjata dont les ambitions en-
idéologique et
psychologique
mis les multiples conceptions in-
trent en contradiction avec celles
d'un tel mouvement, mais aussi
termédiaires et très souvent indi-
d 'un Soumangourou KANTÉ, au
la nature du changement qui
viduelles - deux manières d'envi-
point que les contradictions qui
s 'annonce, qui s'opère ou qui
sager l'histoire.
se tissent entre les deux person-
vient de s'accomplir, cela pour
Pour les idéal istes, l' histoire
nalités constituent non seulement
avoir lIne claire intelligence des
est
lin
perpétuel
recommen-
le signe de la rupture de l'ancien-
situations dans lesquelles sont
cement; de plus, aucune direc-
ne unité des contraires , clan Sas-
impliqués les personnages de
tion n'est imposée à l'histoire; ce
souma
BÉRÉTË/clan Sogolan
l'œuvre et pour saisir la logique
que l'on exprime par la formule
KÉDJOU, mais aussi et surtout,
de l'évolution de ces derniers.
suivantte : rien de nouveau sous
l'émergence et la prééminence
Sans cette dynamique, l'analyste
le soleil. Par ailleurs, ces mêmes
d'une unité dialect ique nouvelle
ne comprendrait finalement pas
théoriciens considèrent que ce
commençant
et
assumant
sa
grand-chose à l'évolution drama-
n'est pas l'homme qui est maître
propre histoire : la contradiction
tique interne de l'œuvre qui a
de sa propre histoire, mais des
entre Soundjata et ses alliées
elle-même une portée esthétique.
forces transcendantes: Dieu, les
d'une part et Soumangourou et
Pour des raisons multiples,
génies, les ancêtres et autres an-
ses alliées d'autre part.
alors que les conditions objec-
ges et démons.
Le temps du saut ou bond
tives semblent remplies, le saut
Pour les matérialistes, l'his-
qualitatif est toujours un moment
qualitatif peut ne pas se produire
toire a un sens qui lui est imposé.
d'extrême agitation. Cela est vrai
bien que tous les signes de la
Pour les tenants de cette vision
aussi bien en dialectique de la
rupture dont nous
venons de
du monde, l ' huma nité évolue
nature qu'en di.rlect ique de la
parler soient présents et se mani-
irrétléchiblement de la barbarie
société . " en Vil ainsi parce que
festent activement. Dans un tel
vers la civilisation, de l'igno-
tout bond qual itat if est signe de
cas, l'antagonisme demeure cer-
rance vers le savoir, de la misè-
crise, en amont. dans l'instant
tes, mais le bond qualitatif n'est
re sociale vers l'abondance et
et en aval . TOII; bond qualitatif
pas au rendez-vous . Tout chan-
l'équilibre de la société humaine .
comme toute cr ise développe une
gement qualitatif se caractérise
Par ailleurs, l'histoire, disent-ils,
agitation fébrile -
le cas de l'eau
par son aspect spectaculaire. Il en
n'est ni un chaos ni un amon-
qui bout , d,.' l'orage qui éclate
est ainsi du phénomène de l'ac-
cellement de faits isolés mais au
en tonnerre , de la révolution so-
couchement et de l'orage en
contraire, un processus qui s'or-
Rev. CAMES - J Cr lc' i l . '<II. (1 3
i'< ()(J2 , 2001
Il

Sciences sociales el humaines
_
ganise avec rigueur et se déploie,
Si l'homme est donc ainsi
dant les énumérer toutes, par sim-
vers un objectif bien précis : le
responsable et absolument de sa
ple souci d'économie.
bonheur de l'homme. L'histoire
propre histoire, il acquiert du
enfin n'a pas d'autre moteur que
coup et par cela même, tout
4.2. Le matérialisme historique,
l'homme lui-même. C'est l'hom-
pouvoir possible et imaginable
fondement de l'économie
me qui crée sa propre histoire,
sur le destin de la société; ce qui
politique Marxiste et de la
l'in-hibe ou l'accélère on encore ,
signifie, en d'autres termes, que
conscience révolutionnaire
la contraint à la stagnation . Elle
lui seul peut contrôler sa propre
dans la littérature
n'est guère, en tout état de cause,
histoire, l'infléchir dans tel ou tel
un mouvement sur place comme
sens, soit qu'il lui intime l'ordre
Il est un certai n nom bre de
le soutiennent les tenants de la
d'assurer son bonheur, soit qu'il
principes et de lois qui caracté-
conception circulaire de 1'his-
subisse son diktat parce qu'il se
risent l' économ ie pol itique mar-
toire, mais au contraire, une réa-
sera complu dans la tendance
xiste qui diffère qualitativement
lité qui évolue en spirales et qui,
qu'elle aurait manifestée de lui
de l'économie politique bour-
pour cela, donne l'impression de
assurer une misère certaine. Le
geoise et capitaliste, encore que
toujours se répéter alors qu'en
premier cas
illustre .l' essence
l'on devrai être plus nuancé au-
réalité, son contenu se modifie
révolutionnaire de la conception
jourd'hui ... En tout premier lieu,
notoirement, d'une spire à l'au-
matérialiste de l'histoire tan-dis
Marx estime que c'est l'être so-
tre, même si chaque spire se situe
que le second témoigne du dé-
cial qui détermine la conscience
exactement sur le même axe que
faitisme en tant qu'attitude face à
et non l'inverse. Cette assertion
celle qui la précède. Telles sont
la dynamique de l'histoire. C'est
signifie que ce n'est ni une di-
les deux conceptions de l'his-
là une seconde implication.
vinité , ni un génie , ni quelque
toire. Elles participent, comme
Si ['histoire est un mouve-
autre force transcendante qui en-
cela se voit, de la contradiction
ment spiralé , il est théoriquement
gendre tel ou tel type de pensée
qui oppose matière et esprit. La
faux
de penser par exemple
chez l'homme mais au contraire,
littérature est pleine de person-
qu'un échec est un échec et que
la situation sociale dans laquelle
nages sacrifiant à l'une ou l'autre
l'on doit avoir une seule et même
celui ci se trouve engagé. Comme
de ces deux conceptions.
attitude face à tout échec : la dé-
on le voit, c'est toute la question
solation, ['abattement, [a rési-
de l'idéologie syndicale et poli-
4.1. Implications idéologiques
gnation ou le laisser-aller, bref,
tique qui se trouve posée là.
de la conception matéria-
toutes choses de nature à engen-
Si donc l'idéologie des indivi-
liste de l'histoire
drer d 'autres échecs et donc la
dus et des groupes sociaux trouve
mort psychologique du sujet qui
ses fondements dans la position
II est bien évident que ceux
échoue.
objective et subjective qu'occu-
qui sont convaincus que seul
II est plus juste au con-traire
pent ces individus et groupes so-
l'homme est le moteur de sa
de penser qu'un échec n'en vaut
ciaux par rapport à la production
propre histoire parce que lui seul
pas un autre et qu 'il est des
- car c'est cela que signifie la
l'engendre, l'oriente, la d éter-:
échecs qui portent déjà en eux
formule de Marx -, il ne servirait
mine et la surdétermine, ne peu-
tous les signes manifestes d'une
à rien de gloser sur cette idéo-
vent
croire
en
aucun
Dieu.
victoire non encore accomplie
logie, ni de s'enfermer dans l'il-
L'athéisme, au plan philosophi-
certes, mais dont les conditions
lusion attentiste de la voir se
que, est donc solidaire de toute
d'avènement sont déjà toutes ins-
modifier notoirement et de façon
conception matérialiste de l'his-'
crites dans ce qui semble la nier
spontanée ou à plus forte raison,
toire. C'est une première impli-
dans son principe même, L'échec
de la voir tout aussi spontané-
cation dont l'influence sur les
qui vient d'être constaté. Là est la
ment se transformer en son pro-
créateurs et leurs œuvres est
troisième implication et ses con-
pre contraire, tant que rien n'aura
incontestable. Des personnages
séquences pratiques sont nom-
été entrepris pour que se modifie
comme Etienne LANTIER, dans
breuses et importantes.
relativement ou radicalement les
Germinal, ou comme ces leaders
Elles sont multiples et" toutes
rapports économiques, base de
prolétariens dans La mère de
utiles, les autres implications qui
L'idéologie, c 'est-à-dire la condi-
GORKI sont occupés de tout autre
se déduisent logiquement de la
tion sociale objective et l'envi-
chose que de Dieu et de la foi en
conception matérial iste de l' his-
ronnement, subjectif des sujets
un royaume céleste.
toire. Nous ne pouvions cepen-
considérés.
12
Rev. CAMES - Série B, vol. 03 - N° 002, 2001

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- - - - -
Science s sociales el humaines
C'est parce qu'il en est ain si
fortement cr i tiqu ée, d' aucun s al-
co nd am nées
à
ter m e
à
être
que l'organi sation syn-dicale, par
lant même jusqu'à souteni r que le
vaincu es, pour peu que ceux qu i
exemple se donne comme obje c-
schém a marxi ste port e curie use-
en son t les v icti mes se départi s-
tif la réforme des conditi ons de
ment en lui même, le principe
sent
de
toute
r ési gnation , se
travail, avec tout ce qu'elles sup-
prométhéen de l'ém ancipation de
mobili sent et se dre ssent contre
posent de pou voir inhibant d'une
l 'individu et donc de la perpé-
cett e barbar i e, co ntre cette mi-
part et que le parti social démo-
tuati on de l'inégalité entre le s
sère . En la matière, so ut iennent -
cr ate (appellation originelle des
hommes. Mai s il n'est pas ques-
il s, il n ' y a rien à att end re d 'une
partis luttant pour l'avènement
tion de nou s engager ici dans les
pui ssance transcendante quelcon-
du socialisme) vi se à la transfor-
arcanes de ces thèses nouvelles.
qu e, l 'homme étant le moteur de
mation radic ale des bases même s
Cette d imen sion de la dialec-
sa propre histoire et ayant la ca-
de l'idéologie d'autre part.
tique que constitue le matéria-
pacité, pour peu qu 'il ait con-
Qu el rapport établir dès lors
l isme hi storique peut-cl le être de
fi ance en son pr opre destin , d 'en
ent re ces consid érations th éo-
quelque utilit é pour la cr i t iq ue
i nfl échi r le cours .
riques et le mat ériali sme histori-
littéraire ? Nou s pensons que oui.
Ce sont ces co nv ic ti ons- là qui .
que ?
En ef f et, les œuvres litt éraires
au plan id éolo g ique , se cr ista l-
Pour MARX, la contradiction
sont pleines de situations et de
lisent dan s la co nsc i enc e des
qui oppose le tr avail au capit al
per sonn ages con st amment sou-
indi vidu s et groupes soc iaux et
conduit
à terme et inélucta-
mis aux pressions de l'histoire,
rendent inébranl able leur foi en la
blement au blocage de la société
aux trag édies qu'impliquent les
vi ctoire lorsque , face au x v ici s-
gl obale , à une cr ise généra l isée.
rappo rts de pr oductions in égau x,
situdes et autres aléas de l'h is-
Il en va ain si, soutient-il, par ce
aux mutat ions idé ologiques su-
toi re, il s sont sommé s d'accepter
que par la lo gique même du mode
bites d 'individu s ou gr oupe s so-
les pi res sacri fi ces pou r co rnbat-
de pro duction capitali ste, les for-
c iaux, sau ts qu alitatifs dus à des
tre les forc es d 'oppre ssion et la
ces productives ne peuvent pas
facteurs de tous o rdre s et plu s
misère soc i al e qu 'e lles o rgan i -
ne pas entrer en co ntrad ictio n an-
spéc i fiquement à l 'en richi sse-
sent.
tagonique avec les rapp orts de
ment soudain.
Cette même foi en la victoi re,
pr odu ction. En effet , cette con-
II est bien évident que le cri-
nou s l a ret rouv ons chez les cro-
tradicti on suppose en chacun de
tique dial ecti cien ne peut dé-
yants mai s, pour d'autres raisons
ses termes et en leur interaction
brouiller l'enchevêtrement des
qu i ont, elles, pour f ondement la
confli ctuelle , le caractère co ll ec-
mill e ficelles qui ti ssent l ' éche-
cro-yan ce en la toute pui ssance
tif de la produc tion et contradi c-
veau de ces si tuat io ns et de ces
d'un
Dieu
suprême
et
mi sé-
toi rement, l'appropri ation pri vée
per sonn ages s' i 1 n'a aucun e idée
ricord ieu x, en l 'in v inci bilit é de
des bi ens pr oduits. C' est ce désé-
des fondements théoriqu es du
cette divinité et en la promesse
quilibre là que la révolution so-
maté rialisme historiqu e ou des
d 'une v ie éternelle et bien heu-
ci ale entend rédui re par la lulle
contrad ictions socia les qu'engen-
reuse après la vie sur terre .
révolutionna ire so us toutes ses
drent cette di alectique particu-
Toutes les œu v res l ittéraires
forme s.
l ière. Qu elques exemples su f fi -
f oi sonnent de si t ua t i o ns et de
Il s'ag i t donc pour les mat é-
rai ent à nous édifier. D 'ab ord au
personnages illustrant ces deu x
ri alistes, non pas de d iscourir sur
plan général, l'on se souv iendra
cas de figure et il import e à l ' ana-
les in égalités et les injustice s de
par exemple que l 'un des prin-
ly se dialectici en d ' y pr êter une
la soc ié té m ais de tran sformer
cipes fondamentaux du matéria-
attenti on toute particuli ère, s' i l
radicalement les bases même s de
lisme hi storique so u l i g ne que
ve ut com prendre l'idéo-Iogie des
la soc iét é pour résorber les i né-
l'histoire à un sens et év olue
personna ges et des œuvres et
gal ités et toute f orme d'injustice .
néce ssairem ent
de la barbarie
expliquer ai sém ent leu rs muta-
Cette thèse ém i nemm ent ma-
vers le savoir, de l'incon science
tion s psych ologiques.
téri ali ste, constitue le fondem ent
naïv e ver s la conscience cl aire et
Au plan pratique mainten ant.
même
du
mat ér ial i sme
hi sto-
luc ide etc .
trois
rep ères
pou rr aient
nou s
riqu e car il s'ag it, pour l'homme,
Fort s de cette vérité, les maté-
g ui de r. L e pr emier a tr ait à la
d 'u ser de so n propre pouv oir
r i a l is tes so n t convaincu s que
farou che résist ance des pay sans
pour con -traindre l'hi stoire à évo-
tout e fo rce barb are qui les op -
bretons à la Républ ique naissante
lu er dans le sens du pro grès au-
prime dans l'instant . toute misère
en France.
quel il aspi re. Ell e est auj our d' hui
qui les accable dans l'in stant sont
Rev. C\\ !\\II::S
Sl;ri~ L3. vo l. 03 - N° 002. 2001
13

Sciences sociales el humaines - -- - - - - - -- - - - - - -- -- - - - -- - -
Dans Les chouans d 'Honoré
un vaste champ d'investigation
pose de démonstration ostenta-
de BALZAC en effet, la foi qui
dans son approche de texte lit-
toire de richesses et de pouvoirs
mobilise les rebelles et les mène
téraire.
ou que sur les
barricades de
au combat, c'est la foi en Dieu.
Et en la matière, écrivains cro-
Paris, le petit Gavroche de HUGO
Ils avaient à défendre la royauté
yants ou athées, chacun y trouve
nous étonne et nous émeuve par
de droit divin, à réagir et contre
largement son compte. Redisons-
cet héroïsme au berceau dont-il
la misère et contre la vague
le, romans, contes , épopées et
fait montre, la dialectique saura
d'athéisme que la RépubJ ique
nouvelles constituent le champ de
toujours nous informer des pistes
tenait du siècle des lumières. Un
florai son de ces lois dialectiques
et repères théoriques grâce à quoi
personnage comme l'abbé GUDIN
et de complexes réseaux de con-
plus rien, en littérature, ne nous
illustre parfaitement notre deu-
tradictions.
apparaîtra comme un amoncel-
xième cas de figure.
lement de faits hasardeux mais au
Dans Le déluge du matin de
CONCLUSION
contraire, comme une série de
HANSUYIN, célèbre romancière
situations et de parcours ration-
chinoise, l'auteur nous raconte
Selon LÉNINE «la dialectique
nellement lisible, bien que la
mais sous une forme stylisée,
est une vision achevée du mon-
création littéraire n'obéisse point
l'extraordinaire épopée de l'ar-
de». cela veut dire qu'il n'est rien
à la raison scientifique analysa-
mée populaire chinoise conduite
de ce qui existe et se manifeste
ble, bien que la littérature ne soit
par son chef légendaire MA 0
dans l'univers qui ne soit suscep-
pas une science mais un rêve , une
Tsé-Toung. Mais quelle est donc
tible, au plan théorique, d 'être
fiction . Et cela aussi est une unité
cette foi qui permet à des légions
explicable par cette science, les
des contraires, donc une relation
déguenillées, mal armées et mal
seules bornes étant les limites et
dialectique.
équipées, de
parcourir douze
l'état des connaissances à l'épo-
La critique littéraire est à la
mille (12 000) kilomètres à pied,
que considérée. C'est fort de cet-
littérature ce qu'est la vérité
de tenir en échec, en deux cents
te vérité philosophique que nous
scientifique à la vérité de l'art.
(200)
batailles,
l'armée
du
avons posée comme postulat que
Cette unité des contraires ne peut
KUOMINTANG qui
les pour-
tout personnage, toute situation,
fonctionner que si l' outi 1 crit ique
chasse, de traverser marais et
tout fait littéraire peut être net -
s 'avère lui-même crédible
au
rivières gelées, de supporter les
tement délimité, caractérisé, ana-
plan scientifique et l'œu-vre à
pires épreuves physique et psy-
lysé et compris grâce à la théorie
analyser, a ut re
chose qu'une
chologique sans jamais cesser
du matérialisme dialectique et du
piètre reproduction du réel vécu.
de croire au caractère inéluctable
matérialisme historique élevée au
La sociocritique a déjà exploré
de leur victoire? Les héros du
rang de méthodes d'analyse criti-
cette voie . En
recourant à la
Dé/ug e du matin, roman his-
que, avec s o n propre outillage
doctrine de base elle même, nous
torique, sont des matérialistes
conceptuel et la tournure d'esprit
n'avons jam ais cherché qu'à lui
convaincus et leur crédo, c 'est
que requiert ce mode de pensée.
ouvrir d'autres
pistes de
re -
que le peuple, lorsqu 'il prend
Le matérialisme dialectique
cherche pour la libérer des blo-
conscience de son pouvoir et se
ne flotte jamais dans les nuages.
cages que lui reprochent les for-
met en marche, est une marée, un
Les faits les plus ordinaires de la
malistes et qui sont bien souvent
cyclone, un typhon qu'aucune
vie quotidienne l'illustrent tout
fondées, non pas tant dans son
force au monde ne peut arrêter.
com-me l'illustrent les transfor-
approche du discours prosaïque
Les ouvriers que l'on décou -
mations les plus complexes de la
mais dans sa
manière si peu
vre en pleine lutte dans La mère
matière ou de la société. La lit-
convaincante d'analyser la poé-
de GORKI sont également d'ex-
térature étant le produit de l'ima-
sie .
cellents exemples susceptibles
gination et de la fiction opérant
d'illustrer notre premier cas de
sur le réel mais un réel qu'elles
BIBLIOGRAPHIE
figure.
stylisent, ne peut échapper à la
On le voit, il n'est aucun prin-
perspicacité de la dialectique.
ADJAFFI (Jean-Marie) :
cipe ni loi du matérialisme histo-
Que l'instituteur TOPAZE nous
D'Eclairs et de Foudres
rique et de l'idéalisme philoso-
offre, sous la plume de MARCEL
Abidjan, CEDA, 1977.
phique qui ne vienne inspirer les
PAGNOL, le séduisant tableau
GREIMAS (Algirdas Julien) :
.
écrivains et ne fournisse par con-
d'une brusque conversion des
Du sens .. Essais de sémio-
séquent au critique dialecticien
contraires avec ce que cela sup-
tique; Paris, Seuil, 1980.
14
Rev. CAMES - Série B, vol. 03 - W 002, 2001

_ _ _ _ __ __ __ _ _ _ __
_ _ _ __ _ __ _ _ __ _ _ _ _ __ _ _ Sciences sociales el humaines
MAO (Tsé-Toung) :
el de litt ératures romanes ;
ZAD I (Zaourou Bernard) :
Qu at re
Essais
p hilosophi-
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