Sciences sociales et humaines
Étude des phénomènes migratoires
en République du Bénin : les origines
de la ville de Savalou

!
R. MIHAMI-BYLL-CA TARIA
Université nationale du Bénin (République du Bénin).
Introduction
humaines sont multiples et varient suivant lès
« D
époques. Cependant elles correspondent bien sou-,
ans les temps anciens l'homme ne cherchait que
vent à la recherche de meilleures conditions de vie.
la satisfaction de ses besoins purement maté-
1
riels. L'histoire n'est, en effet, qu'un tissu de luttes
La création de la ville de Savalou, aux environs du
d'hommes entre eux à la recherche d'un climat plus doux,
XVII"siècle, illustre bien ce phénomène.
d'un sol plus fertile, d'une campagne plus giboyeuse, d'eaux
plus poissonneuses. Il ne restait, au peuple vaincu, que
Ainsi, bien que l'état actuel des recherches ne per-
la ressource ou bien de se réfugier dans les lieux où il espé-
mette pas de retracer avec précision l'histoire de cette
rait pouvoir conserver son indépendance ou bien, asservi,
localité, il nous semble impérieux de faire le point-des
de fusionner avec le peuple vainqueur et disparaître plus
connaissances acquises, de mettre en exergue les
ou moins lentement» '.
points encore obscurs, afin de susciter de nouvelles
Ces lignes, tirées de l'étude sur le pays mahi de A.R.
recherches susceptibles de favoriser la reconstitution
Sergé, montrent que les causes des migrations
progressive de notre patrimoine historique.
Origine du fondateur de Savalou
Un jour, il surprend l'un d'eux sur un des arbres de sa
propriété et l'abat d'une flèche. A la suite de cette mésa-
Jusqu'en 1966, tous ceux qui se sont intéressés à l'his-
venture, il quitte son village natal et part à l'aventure.
toire de Savalou' (cf. carte A) ont adopté la thèse de
Jessie Mulira situe cet évènement à la fin du XV, siècle: .
l'administrateur Bergé sur l'origine du fondateur de
« According to Mahi oral tradition, internai strife within the
Savalou. Selon ces sources, le fondateur de cette ville,
Dovi ruling family surfaced in the latter part of the
Dessou Atolou, est un chasseur, originaire du village de
sixteenth century following the death of chief Aledjou, the
Mitogbodji, sur les bords du lac Ahémé. Ses longues
earliest recorded Davi chief of Mitogbadji ».'
absences, pour les besoins de la chasse, ont fait qu'il n'a
Cette version des faits était acceptée de tous, jusqu'en
pas pu participer au partage de l'héritage de ses parents.
1966. A partir de cette date, la découverte, par Charles
Après protestations, il réussit à obtenir un champ
Attolou', d'autres collectivités Atolou à Kétou remet
de nettés que ses frères exploitent encore à son insu.
tout en cause.
1 BERGÉ A. R., 1928.
Étude sur le pays mahi (\\926-1928) cercle de Savalou-Colonie du Dahomey-AOF, Bulletin du Comité d'études historiques de
l'A.O.F, tome XI, Paris, Larose.
'CYRILLE G., 1955. Savalou, Outre-Mer, (avril-septembre), vol. 5, n° 2-3, Paris 1933, p. 226-235.
- AGUESSY C. et AKINDÉLÉ A. Fon-Dovinou de Savalou, Bulletin de l'IFAN, Dakar, p. 551-560.
- KOUTINHOUIN E., 1978. La vie rurale en pays malii du Moyen-Bénin (Structures sociales et structures agraires traditionnel/es. Changements et pro-
blèmes au sein d'un paysanat ouest-africain), thèse de doctorat de 3' cycle de géographie, Paris, p. 69.
.
- MULIRA J. G., 1984. A history of the Mahi peoples from 1774 to 1920, University of California, Las Angeles, p. 37-40, 335 p.
- GBAGUlDI Ch. Aperçu général sur l'histoire de Savalou, B.P. 21, Savalou.
- CAPO-CHICHI B., 1991. Dans les montagnes grises, éditions Minute, Cotonou (voir carte A).
'MULIRA J. G., 1984, p. 37.
"Atolou a subi au fil des ans une déformation et s'écrit actuellement avec deux t.
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Carte A. Situation de l'Île de Mitogbodji et
de Savalou.
Source: MULIRA (J.G.), 1984.
Illustration 1.
Nos informateurs à Kétou.
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Sciences sociales et humaines
Charles Attolou et d'autres informateurs de la même
Nos enquêtes à Kétou et à Mitogbodji ainsi que les
tendances reconnaissent que Dessou Atolou est l'ancêtre
« imprécisions, voir les confusions, qui marquent
de la famille Gbaguidi de Savalou, mais affirment qu'il
l'étude »8. de l'administrateur Bergé, nous amènent donc
n'est pas originaire de Mitogbodji. Selon ces derniers,
à affirmer que le fondateur de Savalou est un Nago,
il n'est pas houéda, mais nago, puisqu'il est parti de
originaire de Kétou. Il ne peut pas être le fils du chef
la ville de Kétou dans l'Ouémé et Atolou est un nom
de Mitogbodji, nommé Aledjou, puisque Aledjou n'est
nago signifiant « nous sommes si puissants que nous
pas un nom houéda, mais un nom nago et il est peu pro-
pouvons dominer une ville ».6
bable qu'un Houéda porteun nom nago. Pour résoudre
cette contradiction, Christophe Gbaguidi rapporte les
Nos recherches à Kétou, en septembre 1999, confirment
faits suivants, sans préciser s'il s'agit d'une légende
cette dernière hypothèse. En effet, nous avons retrouvé
ou de faits réels: le père de Atolou, Aledjou, est un enfant
dans cette ville une famille Atolou dont les membres les
sauvé des eaux par des pêcheurs sur le lac Ahémé. Ses
plus anciens' (cf. illustration 1) reconnaissent que les
parents, nago d'origine, l'ont mis dans « une gourde
fondateurs de Savalou sont partis de Kétou. Selon eux,
ou un fauteuil en bambou »9 avant de le jeter à l'eau,
ils sont deux frères dont l'un est revenu au pays après
comme le prescrit la coutume pour les bébés nés avec
un certain temps. Leur mère, disent-ils, est issue de la
une malformation. Cet enfant, ramené à la surface par
famille Atolou, ce qui pose un problème. En effet,
le filet d'un pêcheur, fut d'abord prénommé Dovi, pour
dans la tradition nago, les enfants ne portent pas le nom
signifier qu'il a été pêchédans un filet et plus tard, il
de leur mère, mais plutôt celui de leur père. On ne
reçoit
peut donc pas retrouver ces deux frères sous le nom
" Le nom Aledjou, mot nago qui veut dire cc yeux durs",
d'Atolou. Quoiqu'il en soit les extraordinaires pouvoirs
expression de surprise des Nagots, qui l'avaient jeté à
magiques de cette famille lui confèrent le rôle de pro-
l'eau et qui ne pensaient pas qu'il pouvait survivre. C'était
tecteur du roi de Kétou. Selon ces mêmes informateurs,
pour eux un enfant terrible ».'0
Atolou veut dire littéralement en nago Ato =guide, pro-
Ce récit paraît peu vraisemblable, car Mitogbodji n'est
tecteur et DIu =roi. Ainsi, Atolou serait le guide ou
pas habitée en permanence. Cette île, couverte d'une
le protecteur du roi. En effet, ce sont les membres de
épaisse végétation, a servi de refuge aux sujets du roi
cette famille qui confectionnent la couronne royale et
Houfon de Savi, fuyant les troupes d'Agadja, venues
qui garantissent, jusqu'à nos jours, la puissance du sou-
saccager leur royaume en février 1727.D'après nos infor-
verain. Ils tiennent ce pouvoir magique de leur redou-
mateurs de Kpago" et de Guézin", l'île était déserte
table divinité, appelée Osanyi en nago (cf. illustration 2).
avant cette date.
Les ancêtres des Atolou de Kétou sont partisd'Ifè,
D'autres populations, vivant dans les villages situés tout
à la suite d'une guerre et se sont d'abord installés au
autour du lac, ont rejoint les Houéda et ont résidé sur
quartier Egbeda à Kétou avant d'occuper, par la suite,
l'île jusqu'à la destruction du royaume du Danhomè par
le quartier Odjalèkè.
le colonel Dodds, en 1892-1893.
, Telle Gbaguidi Marie-Ange, chargée de recherche à la Faculté des sciences agronomiques de l'université nationale du Bénin.
- Guidibi Emmanuel, directeur général de la Loterie nationale du Bénin.
.
- Gbaguidi Marie-Angèle. épouse Guidibi, commerçante, une des sœurs de Gbaguidi Bahinnou, 13' roi de Savalou, devenu chef de canton sous le régime
colonial (1928-1937). Interview réalisée à Cotonou au mois d'octobre 1999 ..
. Attolou Albert, professeur de sociologie à l'université nationale du Bénin. C.
6 Traduction de Gbaguidi Marie-Ange.
'En particulier, un frère et deux soeurs (Iko-Kpata Julien, Cathërine et Léontine) et leur cousine, Fadikpè Bakary Fatima, auxquels s'est joint un fils de
l'actuel roi de Kétou, nommé Adéoti.
Iko-Kpata Julien, cultivateur, membre de la famine Atolou de Kétou. Interview réalisée à Kétou en décembre 1999.
lko-Kpata Catherine, commerçante, membre de la famine Atolou de Kétou. Interview réalisée à Kétou en décembre 1999.
Fadikpè Bakary Fatima, cultivatrice, membre de la famine Atolou de Kétou. Interview réalisée à Kétou en décembre 1999.
Adéoti Patrice, cultivateur. Interview réalisée à Kétou en décembre 1999. Voir illustration DOL
e ANIGNIKIN S., 1998. « Histoire des populations mahi : problématique et essai de synthèse ", Paris, p. 9.
'GBAGUIDI Ch. Aperçu général sur l'histoire de Savalou - p. 1. L'auteur n'a pas mentionné la date de parution..
•0 Ibid.
" Kpago, vinage situé sur la rive occidentale du lac Ahémé.
Il Hadonou Thomas. fonctionnaire des Services financiers, originaire de Kpago. Interview réalisée au mois d'avril 2000 à Cotonou.
- Sossou Zounon, 75 ans environ, pêcheur à Guézin. Interview réalisée à Guézin le 9 avril 2000.
- Gohoun Kpanou, 60 ans environ, pêcheur à Guézin. Interview réalisée à Guézin le 9 avril 2000.
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Sciences sociaLes et humaines
Illustration 2. Osanyi, divinité vénérée par les Atolou de Kétou.
Après la disparition du danger fon, les habitants de
Itinéraire suivi par les fondateurs
l'île ont progressivement regagné leurs villages d'ori-
de Savalou
gine ou les villages environnants.
L'origine nago de Dessou Atolou et son départ de Kétou
Aujourd'hui, Mitogbodji est une île sacrée, inhabitée,
modifient du coup l'itinéraire suivi par ce dernier et
où se rendent les prêtres des divinités traditionnelles,
sa suite au cours de leur migration vers le Nord. Selon
établis sur son territoire, pour célébrer leur culte. L'île
l'administrateur Bergé et ceux qui l'ont repris, le chef
sert également de lieu de réunion a,ux représentants
de migration, parti de Mitogbodji, traverse la rivière SÔ,
des riverains du lac Ahémé, lorsqu'ils doivent régler des
l'Ouémé et fait une première escale à Damè sur la rive
problèmes d'intérêt commun.
gauche de l'Ouérné" (cf. carte B), où il est accueilli
. De plus, si les parents de Aledjou sont nago et par consé-
par le chef Ligbo, à qui il se présente sous le nom de
quent venus de l'Est, avec l'intention de jeter leur bébé
«Gbeto », c'est-à-dire chasseur. Il offre à Ligbo le coba
à l'eau, pourquoi ont-ils traversé deux cours d'eau
. qu'il vient de tuer et ce dernier l'autorise à s'installer
(l'Ouémé et la rivière SÔ) avant de déposer leur colis
auprès de lui comme chasseur. L'amitié entre les deux
flottant sur le lac Ahémé? Par ailleurs, il est impossible
hommes devient si profonde que Ligbo lui donne ses
que les pêcheurs de Mitogbodji, qui sont houéda,
filles pour compagnes. Mais un jour, Ligbo, offusqué
donnent au bébé un nom nago et pas un nom houéda.
par le fait que Dessou Atolou refuse de lui révéler
De toute façon, Atolou n'est pas houéda, puisque ses
son vrai nom et aussi par les prénoms railleurs que ce
descendants, (qu'ils soient Attolou ou Gbaguidi), ne
dernier donnait à ses enfants, fait ligoter et exposer
portent pas sur leurs visages les scarificationsdites « deux
au soleil Dessou Atolou et sa famille. En effet, un des
fois cinq» qui distinguent les Houéda des autres
enfants s'appelle « Gba-Hako » prénom fon qui signifie,
ethnies.
selon Edouard Koutinhouin :
l ' Voir carte B.
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Sciences sociales et humaines
cc Gba =collier de cuir qui permet de tenir à l'attache
contre lequel il aimait s'adosser et qu'il prend pour
un chien, Hako=qui serre la gorgesignifie, selon Sergé:
un « Za » (Daniellia Oliveri). Ce Za grandit et devient
venusansrien, il a cependant plus qu'ilne peuten passer
par son gosier
un superbe lroko (Chlorophora excelsa), de la famille
» .'4
des « Moraceae »,
Les chefs de collectivité Djangonnou, Ahantoun et
Kadjanou amènent Ligbo à libérer Atolou et les siens.
À une date que ne précise pas Bergé, mais qui doit
La bonne entente règne de nouveau entre les deux
être antérieure à 168019, un des fils du roi d'Allada, Aho,
hommes qui, par suite des fréquentes incursions
arrive à Houawé. Ahossou Soha l'amène à Ouo, le
des populations yoruba voisines", migrent vers l'Est,
chef de terré, qui l'autorise à s'installer à Gbénou (actuel
le long du Zou et s'installent à Yayé" (cf. carte B).
Bohicon). L'entente entre les trois hommes dure peu
Peu après, DessouAtolou et Ligbo meurent. Gba-Hako
de temps. Les visées expansionnistes de Aho l'amènent
succède à son grand-père maternel sous le nom de
à tuer Ouo. Soha préfère alors quitter Houawé pour
Ahossou Soha, ce qui signifie « le roi qui dompte le
ne pas entrer en conflit avec Aho et va s'installer à
buffle »17. Ce nom que porte désormais Gba-Hako est
quelque 18 kilomètres plus loin, au nord-ouest de
quelque peu surprenant. En effet, aucun des ascen-
Gbaguidi Zavou Roccoli, à un endroit qu'il dénomme
dants de ce dernier ne portait le titre de roi. Son père,
Hon (devenu plus tard Honvi ou Onvi), c'est-à-dire la
Dessou Atolou, n'a jamais été une tête couronnée et son
porte ou la petite porte. Quelques-uns de ses enfants émi-
grand-père Ligbo n'était qu'un chef de village, comme
grent vers l'Est.
son prédécesseur que la tradition désigne bien sous le
L'écho des méfaits de Aho, qui vient de tuer son bien-
nom de Gan Sèkignon. Gan en fon signifie chef. La tra-
faiteur Dan, le pousse à émigrer de nouveau. Il se dirige
dition ne donne aucune précision sur les conditions dans
lesquelles Gba-Hako est devenu roi, elle indique seu-
cette fois vers le Nord et fonde à quelque 58 kilomètres
lement que ce titre lui a été donné après qu'il eut réussi,
de Onvi" (cf. carte B) le village de Honh-Houngoqui
contrairement aux autres prétendants, à monter le buffle.
signifie, selon la traduction de Christophe Gbaguidi,
On peut donc penser que ce titre traduit l'importance de
« Contre le gosier de Hon »21. Il y séjourne plusieurs
l'exploit réalisé. Il faut dire aussi que dans la langue fon
années et passe le plus clair de son temps à faire la guerre
on constate souvent une confusion entre les deux termes
aux Nago des villages environnants. Il finit par s'empa-
gan et ahossou qui sont utilisés indistinctement pour
rer par la ruse de l'un de ces villages, Tchébélou, qu'il
exprimer la même réalité. De nos jours encore, dans
détruit complètement. Mais, au lieu de reconstruire ce
le sud et le centre de la République du Bénin, on désigne
village, il installe aux pieds des collines, avec l'aide
généralement les chefs traditionnels par ahossou quelle
de Aho, un nouveau village dénommé Savalou.
que soit l'importance du territoire sur lequel s'étend leur
Le fait que ce récit ne fait aucune mention des deux cours
autorité et on appelle leur résidence ahossou houé, c'est-
d'eau (SÔet Ouémé) qui séparent Mitogbodji de Damè,
à-dire chez le roi. Par la suite, ahossou Soha, par ses
nous conforte dans l'idée qu'il n'est pas parti des bords
conquêtes et l'organisation administrative de son terri-
du lac Ahémé mais, plutôt de Kétou, à l'Est, qu'aucun
toire a mérité le titre de roi.
fleuve ne sépare de Damè. Les traditions orales men-
Toujours en quête d'un meilleur site, Soha quitte Yayé
tionnent généralement ce genre d'obstacle dont le fran-
avec les siens et part en direction du Sud. Il rencontre
chissement relève souvent de l'exploit à cause du manque
près de Cana un autre ressortissant de Damè, Ouo-Aïnon,
de moyens adéquats. Bergé indique seulement que:
qui l'autorise à s'installer dans le voisinage à un endroit
cc Dessou Atolou, cc obligé de s'enfuir, erra à l'aventure,
appelé par la suite « Gbaguidi Zavou Roccoli »18, parce
vivant du produit de sa chasse. Il arrivaainsidansla vallée
que Ahossou Soha a trouvé sur les lieux un petit arbre
giboyeusede l'Ouémé...» 22
"KOUTINHOU[N E., [978, p. 69.
"MULIRA J., 1984, p. 38.
16 Voir carte B.
"Pour régler les problèmes de succesion, [a mère de Gba-Hako propose qu'on nomme chef celui qui réussirait à monter un buffle. Le buffle utilisé pour la
compétition étant un cadeau offert par Dessou à Hako depuis son enfance, il n'a donc aucune peine à le monier.
"BERGÉ A.R., [928, p. 740. Nous reviendrons plus loin sur I~ signification de Gbaguidi.
"Date présumée de la 'mort de Aho ou Houégbadja.
20 BERGÉ A. R., 1928, p. 742 - Voir carte B.
'IGBAGUIDI Ch., p. 3,
22 BERGÉ A. R., 1928, p. 733.
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Carte B. Migration de Dessou Atolou et de Ligbo selon Bergé.
~(.) Principales étapes
- Principaux itinéraires
Source: Edouard Koutinhouin, 1978, p. 68.
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Sciences sociales et humaines
Aucun des auteurs que nous avons précédemment cités
Ce bruit fait sortir les habitants qu'il capture sans diffi-
ne donne de précision à ce sujet.
culté. Jessie Mulira écrit à ce sujet:
En fait, le nouvel itinéraire diffère de l'ancien, seule-
« It was this military tactic which earned him the surname
of Gbaguidi .....meaning to smash with disturbance ,,25
ment au niveau de la première étape de la migration c'est-
à-dire de Kétou à Damè" (cf. carte C). Une erreur s'est
Si tel1e est réellement la tactique utilisée par Ahossou
glissée dans la tradition orale, certainement après l' ins-
Soha pour essayer de soumettre les villages voisins, nous
tal1ation de l'ancêtre de la collectivité Capo-Chichi à
devons faire remarquer que peu de vil1ages en auraient
Savalou. En effet, les membres de cette famille sont des
été victimes. En effet, après ses premiers succès, les habi-
Houéda, originaires de la fameuse île de Mitogbodji.
tants des autres localités se seraient bien gardés de tomber
Après leur départ de cette localité, ils se sont installés
dans le piège. En tout cas, selon Bergé, ce surnom
à Cana, dans le royaume du Danhomé.
Gbaguidi devient plus tard le nom de tous les rois de
Savalou et change de signification, sous le règne de Baglo
L'ancêtre fondateur de la famil1e à Savalou est arrivé
Gbaguidi III, que Christophe Gbaguidi situe entre 1769
dans la vil1e en tant qu'émissaire du roi du Danhomè".
et 179426, sur une base peu claire. Baglo est, dans un pre-
Il a si bien accompli sa mission que les habitants de
mier temps, l'envoyé de son frère et prédécesseur Tchaou,
Savalou l'ont surnommé« Honton Todohoun », c'est-à-
auprès du souverain du Danhomè. Par la suite, Tchaou,
dire « l'ami qui est comme un père », pour exprimer
devenu borgne, ne peut plus se rendre aux fêtes des
sa grande sollicitude à leur égard, sollicitude qui les a
grandes coutumes à Abomey et se fait remplacer par son
souvent soustraits aux razzias des troupes du Danhomè.
frère Baglo que le roi Kpengla (1774-1789) fmit par ins-
Le vrai nom de cet ancêtre est Capo; le suffixe « Chichi»
taller par la force sur le trône de Savalou. De cet évé-
y a été ajouté par les habitants de Savalou pour qualifier
nement, Bergé tire la conclusion suivante:
la finesse de ses traits; tout en lui est petit: petite
taille, petits yeux, petits pieds, petites mains, etc.
« De Gba, c'est-à-dire, de simple envoyé ayant à subir
les humiliations, Baglo était devenu Guidi, c'est-à-dire
L'appartenance des Capo-Chichi au groupe socio-
important" 27
culturel houéda est matérialisée par les scarifications
Mais, il n'indique malheureusement pas dans quelle
(deux/ois cinq) que portent leurs membres sur le visage,
langue l'expression est employée. Ces deux hypothèses'
ce qui n'est pas le cas chez les Gbaguidi, les Attolou
prêtent à confusion, car on ne perçoit pas très bien qui
et leurs descendants. Il y a certainement une confu-
a donné ce sobriquet à Ahossou Soha. Si ce sont ses
sion entre l'origine de Dessou Atolou et celle de Capo-
sujets, alors le surnom est fon et la traduction de
Chichi, surtout qu'au fil des ans, ces deux familles se
Christophe Gbaguidi (Gba = casser, Guidi-Guidi =
sont pratiquement confondues par suite des alliances de
onomatopée du bruit produit.i.)"
correspond à la
toutes sortes. Quant à la troisième grande collectivité,
réalité. Si ce sont les 'habitants des villages nago, victi-
celle des Gbaguidi, l'origine de son no~est sujet à
mes de ces pillages, l'expression doit être nago et n'a
controverse.
plus du tout le même sens. EUe peut dans ce cas avoir
le sens que lui a donné l'une de nos informatrices" qui
Origine du nom Gbaguidi
pense qu'elle est l'abréviation de la phrase suivante:
« Oba Guidi » qui veut dire « vrai roi, roi puissant ou
L'administrateur français, A. R. Bergé, fait d'abord de
encore grand roi ».
Gbaguidi un surnom servant à qualifier la manière dont
Ahossou Soha, une fois installé à Savalou, investit les
Ce qualificatif peut aussi provenir de l' ancêtre Dessau
villages environnants. Après avoir endormi les habitants
Atolou, si ses origines nago sont confirmées. En effet,
à l'aide de son bâton magique, il entre dans le village ciblé
les membres de l'importante familIe Gbaguidi que nous
en faisant du bruit avec des calebasses: «Gbaguidiguidi ».
avons trouvée à Kétou attribuent le nom de leur
"Voir carte C.
"Nos informateurs n'ont pas pu préciser la date d'arrivée de l'ancêtre ni le nom du roi d'Abomey dont il a été l'émissaire, ce qui rend impossible toute
périodisation de l'événement.
"MULIRA J. G., 1984, p. 39.
"GBAGUIDI Ch., p. 5. Ces dates sont donc contestées.
" BERGÉ A. R., 1928, p. 745.
" GBAGUIDI Ch., p. 3.
"GBAGUIDI Marie-Ange - Interview réalisée à Cotonou en novembre 1999.
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Carte C. Migration de Dessou Atelou.
- Nouvel itinéraire de Kétou à Savalou.
- Co) Principales étapes.
Source: Fond de carte emprunté à Mulira Jessie, 1984, p. 3.
collectivité aux événements qui ont marqué l'installation
Ces deux familles ont été réunies par le mariage d'une
de leur ancêtre dans cette ville. Selon eux, le fondateur
fille Atolou à un Gbaguidi. Cette fille, du nom de
de cette famille a reçu, à son arrivée dans la localité,
Achouboubola, a un fils, nommé Guiwa, à qui on doit
un domaine insalubre, couvert d'ordures. Ne sachant
le développement de la famille Gbaguidi dans cette ville.
que faire, il consulte l'oracle qui lui conseille d'accepter
Aucun de nos informateurs n'a pu cependant nous dire
la parcelle et d'offrir en sacrifices des « Aguidi », variété
si les deux frères Atolou dont l'aventure de l'un aboutit
« d'akassa », pâte de farine de maïs cuite à la vapeur.
à la naissance de Savalou sont les enfants de
De là serait venu le nom de la famille qui résume l'évé-
Achouboubola. Cette information aurait permis de
nement : « 0 gba Aguidi ».
confirmer l'hypothèse selon laquelle Dessou Atolou por-
tait déjà le nom Gbaguidi au moment où il est parti à
La découverte des Gbaguidi de Kétou nous a amenée
l'aventure. Et comme la tradition rapporte qu'il a mis
à nous demander si ce nom ne provient pas de l' ancê-
du temps à révéler son nom au chef Ligbo de Damè, l'on
tre Dessou Atolou qui aurait porté les deux noms, Atolou
pourrait supposer que, obligé de dévoiler sa véritable
et Gbaguidi, au moment où il est parti à l'aventure. L'un
identité, il s'est présenté sous le nom de sa mère, c'est-
serait le nom de sa mère et l'autre celui de son père.
à-dire Atolou, pour brouiller les « pistes ». Mais, tout
Ce n'est là qu'une hypothèse puisqu'à Kétou, Atolou et
ceci n'est qu'une hypothèse qu'aucun indice ne permet
Gbaguidi constituent deux familles bien distinctes. Parties
encore de confirmer, de même qu'il est difficile, dans
toutes les deux d' Ilé Ifè, les Atolou arrivent directement
l'état actuel des recherches, d'indiquer qui sont les
à Kétou tandis que les Gbaguidi transitent d'abord par
premiers occupants du site sur lequel Ahossou Soha finit
Savè avant d'immigrer à Kétou.
par implanter la ville de Savalou.
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Sciences sociales et humaines
les premiers occupants du site
En attendant, l'exploitation des sources disponibles
suscite d'autres interrogations. L'étude de l' adminis-
de savatou
trateur Bergé présente des lacunes et des erreurs que les
A cette question, les archives et diverses sources orales
travaux postérieurs susmentionnés ne permettent pas de
donnent une multitude de réponses que nous allons tenter
combler.
d'analyser. Aucun des auteurs" qui se sont penchés
En effet, l'administrateur Bergé, dans son document,
sur l'étude du pays mahi ne s'est préoccupé des premiers
rapporte une légende sur l'origine de Ligbo, le chef
occupants du site de Savalou. SeuIl' administrateur Bergé
du village de Damè qui a recueilli Atolou, présumé
a abordé rapidement la question en affirmant que :
ancêtre des fondateurs de Savalou, au cours de son aven-
« Les premiers occupants du sol qu'homologue l'histoire
ture. Selon cette légende, le village de Damè est fondé
étaient ceux que l'on est convenu de désigner du terme
par Gan Sèkignon, sous le règne duquel un violent orage
général de Nago.Une étroite parenté aurait même, à une
s'abat sur le village. Après ce phénomène, les habi-
certaine époque, lié lesrois de Savè, de Kétou et d'Oyo ».31
tants découvrent sur leur territoire un inconnu de sexe
Cette assertion ne correspond pas aux informations four-
masculin, inanimé et couché près d'un arbre de l'espèce
nies par les membres des collectivités Gbaguidi et Capo-
agnan (Dracaena arborea). Ils lui donnent le nom fon
Chichi", Selon eux, en effet, le site était occupé, avant
de « Djètovi Simènou », c'est-à-dire « tombé du ciel avec
l'arrivée des Nago par des groupes sociaux représentés
la pluie ». Il reste sept jours sans connaissance et à
aujourd'hui par cinq lignages qui portent les noms sui-
son réveil, il déclare s'appeler Li et laisse s'accréditer
vants:
la légende d'après laquelle il est tombé des nuages avec
l'arbre trouvé à ses côtés. Il en résulte alors le surnom
- Djèto ou Agnanmènou
de Djèto-Agnanmè que conservent encore ses descen-
- Ahouannon Kadjanou
dants. Cette légende, on peut sen douter, témoigne
.- Housanou ou Djangonnou
de la volonté de ses auteurs de faire de Li un « dieu»
- Dakpanou ou Ahantoun
et de légitimer son pouvoir. De plus, le thème de la
- Dewin ou Damènou.
« descente du ciel» se retrouve dans de nombreuses tra-
Ces cinq lignages, considérées comme les premiers occu-
ditions africaines et révèle le désir des populations concer-
pants et liées par un pacte", seraient originaires de la
nées de réclamer leur autochtonie pour se faire passer
région du Nil, à en juger par la finesse de leurs traits
pour les premiers occupants et les propriétaires du site
et la clarté du teint de certains de leurs membres qui rap-
habité. Gan Sèkignon l'intègre à sa famille en lui don-
pellent ceux des Peuls. Sont-ils les descendants des
nant des femmes avec qui il fonde une famille. Mais,
Nègres qui, selon Cheikh Anta Diop", ont occupé dans
sa trop grande ambition le pousse à briguer la place
l'Antiquité la vallée du Nil et qui, selon Théophile
du chef. Devant la réticence des habitants, il menace
. übenga auraient ensuite émigré au cours des siècles
d'user de ses pouvoirs magiques pour empêcher la pluie
dans diverses régions de l' Afrique noire" ? Seules des
de tomber. Il s'ensuit alors une grande sécheresse qui
recherches multi-disciplinaires sur les traditions, les
dure une année. Pris de panique, les ressortissants de
us et coutumes, la langue, les croyances religieuses de
Damè et leur chef se résignent à l'admettre comme chef.
ces cinq collectivités à l'époque précoloniale, pour-
Dès cet instant, la pluie se met à tomber et Li prend alors
ront permettre de donner une réponse objective à cette
le nom de Li-gbo qui signifie, selon les sources orales
question.
« Li-le grand »36. Le conflit entre Gan Sèkignon et Li
" AGUESSY C; AKINDELE A.. KOUTINHOUIN E. et MULIRA J. étudient surtout les circonstances dans lesquelles ces peuples, appelés plus tard Mahi,
s'installent au Moyen-Dahomey et leurs démêlées avec les rois du Danhomè, Quant à Sylvain Anignikin, il note simplement l'absence d'information sur
l'importance du monde mahi avant les campagnes des armées du Danhomè.
JI BERGÉ A. R., 1928. p. 712.
"GBAGUIDI M.-A. et le docteur CAPO-CHICHI S., directeur du centre de santé Saint-Luc de Cotonou. Interview réalisée au mois de novembre 1999.
" Ce pacte engage les membres de ces collectivités à vivre en parfaite harmonie.
,. DrOp C. A., 1973. Nations nègres et cultures. De l'Antiquité négro-égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui, Paris,
Présence africaine.
!l OBENGA Th., 1973. L'Afrique dailS l'Antiquité. Égypte pharaonique-Afrique noire. Présence africaine, Paris. 462 p.
"Gbaguidi Marie-Angèle. épouse Guidibi.
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est également classique. Il oppose généralement les
fondation de cette localité au début du XVIII' siècle",
premiers occupants du sol aux nouveaux venus qui cher-
mais ne précise malheureusement pas à quel groupe
chent à les phagocyter. Il tourne généralement à l'avan-
socio-culturel appartiennent les Ahouantoun et les Djèto.
tage des envahisseurs qui deviennent les maîtres, comme
Ici se pose le problème de l'origine des habitants de
au Danhomè et dans le royaume du Kongo, par exemple.
Damè. Selon l'auteur, il s'agit d'
En tout cas, en rapprochant cette légende des infor-
" un village fon d'une assez grosse importance, à l'époque.
mations recueillies auprès des Savalois d'aujourd'hui,
(II existe d'ailleurs encore), ses quelques habitants détien-
nous constatons que l'une des cinq plus anciennes collec-
nent toujours le vieux fétiche Derhouen (Dewin) dont
on retrouve la réplique à Ouèssè près de Savalou .,43.
tivités de cette localité qui auraient occupé le site avant
l'arrivée des Nago, de Ahossou Soha et de sa suite, porte
S'agit-il du village de Damè qui se trouve aujourd'hui
le nom de Djèto Agnamènou, qui est le surnom donné
sur la route internationale qui part de Cotonou et passe
à Ligbo par les habitants de Damè, La question qui se
par Bohicon ? La question reste posée. En tout cas, à
pose alors est de savoir si des membres de la famille
ce nom Damè reste liée l'origine de l'une des plus
de Ligbo avaient déjà quitté Damè pour aller s' ins-
anciennes collectivités: les Dewin ou Damènou qui,
taller sur le site actuel de Savalou, avant l'arrivée des
en langue fon signifie « originaires de Damè »,
Nago et de Ahossou Soha, ou s'ils n'ont quitté Damè
Bergé cite aussi les Housanou ou Djangonou qu'il
qu'à la suite de l'avènement de Ahossou Soha à Yayé.
transcrit « Djandjangon ». Certains membres de cette
Cette dernière hypothèse trouve son fondement dans les
collectivité se sont installés à Savalou, les autres émi-
troubles qui ont sui vi l'accession de Ahossou Soha au
grent vers Atakpamè, Modji et Aclampa.
trône et que rapporte l'instituteur Blaise Capo-Chichi
dans ses écrits", Ces troubles ont coûté la vie à la mère
Si les sources de l'administrateur sont fiables, les cinq
du nouveau roi (qui est Djètovi et descendante de Ligbo)
collectivités, présumées les plus anciennes, viennent de
et poussé ce dernier à quitter le village de Yayé".
Damè où elles se trouvaient avant l'arrivée de Atolou
dans ce village. II est par conséquent normal que le
Nous trouvons deux autres de ces plus anciennes col-
fils de ce dernier et ses descendants les considèrent
lectivités dans le récit de l' administrateur Bergé. II s'agit
comme plus anciennes et les respectent.
des Ahantoun Dakpanou que l'on rencontre à Logbo
(quartier nord de Savalou) et des Ahouanon Kadjanou",
Ce ne serait donc pas à Savalou qu'elles sont plus
Ces trois lignages, selon l'auteur, font partie des sujets
anciennes mais à Damè, et il n'est pas sûr qu'elles
de Ligbo et résidaient à Damè lors de l'am vée de Atolou.
aient précédé Ahossou Soha sur le site de Savalou. Elles
Leurs chefs figurent parmi ceux qui ont intercédé auprès
ont peut-être suivi leur chef Ligbo, lorsque ce dernier,
de Ligbo pour qu'il libère Atolou et sa famille qu'il châ-
en accord avec Atolou, part de Damè à la recherche
tiait", Blaise Capo-Chichi confirme ces faits, dans ses
de cieux plus cléments en s'éloignant aussi du danger
manuscrits où il écrit:
représenté par le royaume de Houégbadja (1650-1680)44.
" Averti des malheurs de Dessou Atolou par la rumeur
Certains de leurs membres ont peut-être accompagné
publique, Gan Sêkignon, le dernier des descendants
Ahossou Soha dans ses pérégrinations à partir de Yayé
du fondateur de Damè dont Ligbo, par ruse, avait pris
et se sont installés en même temps que lui à Savalou.
la place, Djanhan-Kadja, Ahouanon, tous les notables du
Après l'arrivée de tous ces groupes à Savalou, les
village, insistèrent pour que Dessou fut gracié .,41.
descendants de Ahossou Soha leur ont conservé le
De plus, Bergé indique que les Kadja [Kadjanou] sont
respect et la considération dont elles jouissaient à
des Nago venus de Badagry, donc certainement après la
Damè, en tant que premiers occupants du village et se
" CAPO-CHICHI B., 1991. p. 25 et suivantes.
"Selon la version de Blaise Capo-Chichi. En effet, Jessie Mulira donne une version différente, Ahossou Soha aurait quitté Yayé pour échapper aux incur-
sions des Nago installés dans les régions voisines.
" BERGÉ A. R., 1928, p. 737.
"cfp
"CAPO-CHICHI B., 1991. p. 21.
"VIDÉGLA M., 1999. Un État ouest-africain: le royaume goun de Hogbonou (Porto-Nove), des origines à 1908. Thèse de doctorat d'État, université de
Paris 1, p. 101·104. 909 p.
-
" BERGÉ A. R., 1928, p. 735 .
.. ANIGNIKIN S.. 1998, p. 9.
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réfèrent à eux avant de prendre toute décision impor-
BERGÉ A. R., 1928. Étude sur le pays mahi (1926-1928), cercle
tante. Peut-on affirmer, comme l'administrateur Bergé,
de Savalou-colonie du Dahomey-AOF, Bulletin du Comité
d'études historiques de l'AOF, tome XI, Paris, Larose.
que les premiers occupants de Savalou sont des Nago ?
Certainement pas. La seule certitude dans l'état actuel des
CAPO-CHICHI B., 19961. Dans les montagnes grises, Éditions
Minutes, Cotonou (voir carte A).
recherches, c'est que Ahossou Soha et sa suite ont trouvé
des Nago sur le site de Tchébélou à leur arrivée.
CYRILLE G, 1933. Savalou, Outre-Mer (avril-septembre) vol. 5,
n° 2-3, Paris, p. 226-235.
DIOP C. A., 1973. Nations nègres et cultures. De l'Antiquité
Conclusion
négro-égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'au-
jourd'hui. Paris, Présence africaine.
Au terme de cette analyse, nous pouvons dire que Savalou
est contemporain du Danhomè, puisque sa création est
GBAGUIDI Ch. Aperçu général sur l'histoire de Savalou . B.P.
2 l, Savalou.
une des conséquences lointaines des conquêtes de
Houégbadja, fondateur du Danhomè. Ceux qui, comme
KOUTINHOUIN E., 1978. La vie rurale en pays mahi du Moyen-
Bénin (structures sociales et structures agraires traditionnelles.
Christophe Gbaguidi, situent son apparition entre la
Changements et problèmes au sein d'un paysanat ouest-africain,
fin du XVI' siècle et le début du XVII' siècle (Ahossou
thèse de doctorat de 3'cycle de géographie, Paris, p. 69.
Soha 1557-1618) ne sont pas loin de la vérité.
MULIRA J. G., 1984. A history of the Mahi peoples from 1774 to
De plus, Ahossou Soha et sa suite se sont installés
1920, University ofCalifomia, Los Angeles, p. 37-40,335 p.
dans une région occupée avant eux par des Nago, venus
OBENGA Th., 1973. L'Afrique dans l'Antiquité. Egypte pharao-
de l'Est, comme l'indique le nom que les Fon leur ont
nique-Afrique noire, Présence africaine, Paris, 462 p.
donné,« Tchanou », c'est-à-dire originaire de l'Est, l'Est
VIDÉGLA M., 1999. Un État ouest-africain: le royaume goun de
étant désigné par« Tcha» en fon. Mais, il est impossible
Hogbonou (Porto-Novo) des origines à 1908, thèse de doctorat
d'État, université de Paris l, p. 101-104,909 p.
de préciser actuellement quel peuple les Nago, eux,
ont trouvé à leur arrivée sur le site.
Interview de :
-Adéoti Patrice, cultivateur ;
En fait, les Nago de Tchébélou ont cédé le site à d'autres
- Attolou Albert, professeur de sociologie à l'université nationale
Nago croisés à Damè avec des Fon. La population de
du Bénin;
Savalou, si toutes ces hypothèses sont justifiées, est donc
- Chapo-Chichi Servais, docteur, directeur du centre de santé Saint
le fruit de la jonction de deux grands courants migra-
Luc de Cotonou;
toires connus en Afrique précoloniale : celui des peuples
- Fadikpè Bakary Fatima, cultivatrice, membre de la famille
issu d' Adja-Tado et celui des Nago venus d'Ifè. La ville
Atolou de Kétou ;
de Savalou serait à l'image du reste du « pays mahi »,
- Gbaguidi Marie-Ange, chargée de recherche à la Faculté des
« ensemble des régions accidentées situées au Nord
sciences agronomiques de l'université nationale du Bénin;
du confluent du Zou et de l'Agbado »45, «le produit
- Gbaguidi Marie-Angèle, épouse Guidibi, commerçante, une des
de la fusion lente de divers dérivés des Adjas, venus
sœurs de Gbaguidi Bahinnou, 13' roi de Savalou, devenu chef de
du Sud et de Nagots, tant premiers occupants du sol que
canton sous le régime colonial (1928-1937) ;
survenus par la suite
- Gohoun Kpanou, 60 ans environ, pêcheur à Guézin ;
»46.
Souhaitons que de nouvelles
recherches apportent des éléments qui permettent de pré-
_ Hadonou Thomas, fonctionnaire des Services financiers, origi-
ciser et de confirmer ces hypothèses. 0
naire de Kpago ;
- Guidibi Emmanuel, directeur général de la Loterie nationale du
Bénin;
Références bibliographiques
- Iko-Kpata Julien, cultivateur, membre de la famille Atolou de
AGUESSY C. et AKINDÉLÉ A., 1955. « Fon-Dovinou de
Kétou;
Savalou », Bulletin de l'IFAN, Dakar, p. 551-560.
-lko-Kpata Cathérine, commerçante, membre de la famille Atolou
ANIGNIKIN S., 1988. Histoire des populations mahi : probléma-
de Kétou ;
tique et essai de synthèse, Paris, p. 9.
- Sossou Zounon, 75 ans environ, pêcheur à Guézin.
" BERGÉ A.R., 1928, p. 708.
"Ibid p. 712.
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Sciences sociales et humaines
'Cl>
Les migrations humaines correspondent souvent
Ü Human migrations often corresponds to the
E à la recherche de meilleures conditions de vie
ca search for better living conditions as revealed by
::::s
comme le révèle la création de la ville de Savalou
1-
en
+'"
the creation of the city of Savalou in the 17th
en
'Cl>
au XVII" siècle. L'état actuel des recherches ne
.c century. The current state of our research does
a: permet pas de retracer avec précision l'histoire
<C not make it possible to outline with precision the
de cette localité. Cependant, il est possible, grâce
history of this locality. However, thanks to the
aux dernières découvertes, de rectifier, dans une
latest discovery, it is possible to rectify, to some
certaine mesure, les erreurs qui figuraient dans
extent, the mistakes that were part of the story
le récit de l'administrateur Sergé et des auteurs qui
told by the administrator Sergé and authors who
se sont intéressés à l'histoire de Savalou, jusqu'en
were interested in the history of Savalou until
1966. Selon ces sources, Savalou a été fondée
1966. According to these sources, Savalou was
entre la fin du XV· siècle et le début du XVII"siècle
founded between the late 15th century and the
par Ahossou Soha, petit-fils de Dessou Atolou,
early 171h century by Ahossou Soha, the great son
un chasseur, originaire du village de Mitogbodji,
of Dessou Atolou, a hunter who hailed fram the
sur les bords du lac Ahémé. Mais la découverte par
village of Mitogbodji on the banks of lake Ahémé.
Charles Atolou d'autres lignages Atolou et Gbaguidi
Sut the discovery by Charles Atolou of other
à Kétou, dans l'Ouémé, remet tout en cause.
Atolou and Gbaguidi lineages at Kétou in the
Dessou Atolou, l'ancêtre de la famille Gbaguidi
Ouémé district put everything into question.
de Savalou n'est pas un Houéda originaire de
Dessou Atolou, the ancestor of the Gbaguidi
Mitogbodji, mais un Nago, parti de Kétou, puisque
family from Savalou is not a Houéda from
les lignages Atolou etGbaguidi de Kétou sont venus
Mitogbodji but rather a Nago who left Kétou since
d' lié Ifè. Cette hypothèse parait d'autant plus vrai-
the Atolou and Gbaguidi lineages of Kétou came
semblable que l'île de Mitogbodji n'est pas habitée
originally from lIè Ifé. This hypothesis sounds ail
en permanence. Cette île a servi de refuge aux
the more acceptable as the island of Mitogbodji is
sujets du roi Houfon de Savi, fuyant les troupes
not inhabited on a permanent basis. This island
d'Agadja en 1727 et elle semble être déserte avant
served as a refuge to the subjects of king Houfon
cette date.
of Savi fleeing away from the troops of Agadja in .
1722 and it seems to be empty before this date.
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