Sciences sociales et humaines'
Qui sont ces Sara qui sifflent sur nos têtes?
D. I. DJARANGAR
Université de N'Djaména (Tchad).
Introduction
Son diminutif « sar » désigne une ethnie et une
langue, localisées principalement dans les villages de
Le village de Kokaga était dirigé par re chef Koumogo, Djoli, Bédaya, Kournra".
Moundjo lorsque les premiers explorateurs fran-
Aujourd'hui, le terme Sara désigne, pour les linguistes,
çais arrivèrent « pacifiquement» dans la localité.
une trentaine de langues parlées essentiellement au
Avec la présence des Français et de par sa position
Tchad et à ses frontières avec la Centrafrique, le
riveraine, le village de Kokaga (qui deviendra Fort-
Soudan et le Cameroun. Les langues sara appartien-
Archambault, puis Sarh), est devenu un centre impor-
nent à la branche sara-bongo (Djarangar) de la famil-
tant de troc pour les villages avoisinants. Les popula-
le Nilo-Saharienne (Greenberg).
tions voisines de Kokaga, les Dém du village de
Moussafoyo, désignèrent du terme de « sara» [sar6r
Retenons:
ce « centre de troc, marché » et par extension le
- Sara : groupes de langues parlées au Tchad, en
centre commercial, l'agglomération, le village où se
RCA, au Cameroun et au Soudan (ngambay, mango,
tient ce grand marché. Sara veut donc dire « agglo-
gor, bédjonde, laka, kaba, mouroum, bémar, berme,
mération, gros village ayant un centre commercial ".
sar, kenga, sinye», etc.) ;
Les marchés se multipliant le long du fleuve Chari, ces
- Sar : langue parlée dans le Moyen-Chari, dans les
centres commerciaux donneront leur nom aux popula-
tions qui y habitent. Ainsi,
localités de Koumogo, Djoli, Bédaya et Koumra ;
« sara kaba » qui veut dire
« le marché côtier» (marché vers le fleuve) désignera
- Sara kaba : groupes de langues parlées le long du
des populations riveraines du fleuve Chari et non plus
fleuve Chari dans les localités de Moussafoyo, Kyabé ;
les marchés qui se tiennent sur les rives de ce fleuve.
- Sara Madjingaye ou Sar Madjingaye : sobriquet rete-
Les populations voisines (non riveraines) qui venaient
nu par les colonisateurs pour désigner les Ser. Par
dans ces marchés s'approvisionner en produits de
extension, il désigne aussi aujourd'hui des Goulay,
toute sorte appréciaient bien ce système de troc et
des Nar, etc. A tort, on appelle globalement « Sara»
disaient « sara madjingaye », le marché est très bon.
toute population du Moyen-Chari.
Il deviendra leur sobriquet. Aujourd'hui, le terme « sara
madjingaye
» désigne un groupe de populations loca-
La présente étude se propose de donner un aperçu
lisées
dans
le Moyen-Chari (nar,
goulay, sarl·
sociolinguistique de ces quelques langues sara.
La lang ue babalia
Danouna. À Danouna, habiterait une autre locutrice
du babalia, une certaine Amina, d'une soixantaine
Le babalia est parlé principalement à Bitalfil dans le
d'années aussi. Tous les autres Babalia d'origine parlent,
canton de Mani, sous-préfecture rurale de N'Djaména
soit l'arabe dialectal tchadien, soit le baguirmien ou
dans le Chari-Baguirmi. L'unique informatrice que nous
barma. Les langues voisines sont le kotoko et l'arabe dia-
avons trouvée est une femme d'une soixantaine d'années
lectal tchadien.
(Hadjé Falmata, domiciliée à Ambasatna, N'Djaména).
Elle relève quatre variétés de babalia dont elle se sou-
Selon un vieil informateur (60 ans environ), les Babalia
vient encore: bolo djarma, mondogossou, manawadji
seraient venus du Yémen. Ils poursuivraient les Sao afin
et yiryo. Les autres villages babalia sont Kronoya et
de les islamiser. Le long de leur pérégrination, ils auraient
, Les symboles phonétiques utilisés dans le document sont ceux de l'Alphabet phonétique international (API).
2 L'origine du mol sara nous a été aimablement contée par M. Ganda Djémé du ministère de l'Éducation nationale, lui-même Sara Kaba. Cette interprétation
nous amène à nous demander comment les habitants de Bitkine et Banarna dans le Guéra en sont arrivés à s'appeler « Sara Kenga ».
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laissé des marques sur les montagnes. Entrés au Tchad
Selon la légende, le fondateur de Bédiondo avait six
par le nord, un groupe s'est fixé à Faya dans le Tibesti
enfants: Djomon, Ngandah, Domsa, Boukate, Ngandoïn
où ils se sont fondus dans les Toubous. A Moussoro,
et Dobouy. Devenus grands, ils se sont installés sur leurs
ce sont les actuels Yirya, assimilés aux Goranes. A la
lopins de terres, créant chacun un village qui porte son
suite d'une inondation provoquée par le débordement du
nom. Djomon créa Bédjomon (le village de Djomon),
Barh el Ghazal, une branche des Babalia de Moussoro
Domsa créa Bédomsa (plus connu sous le nom de
a dû quitter la région pour s'installer à Dahl dans le canton
Béndotimba), Ngadoïn créa Béngadonyon, Dobouy créa
de Karal actuel. Ce groupe s'est fondu dans la popula-
Bédobouyou. Suite à des querrelles entre frères, le fils
tion Arabe Choa. Une autre branche s'est installée entre
de Ngandah, Mbaoudigam, s'exilera sur la route de
Massaguet et Massakory, dans la localité de Kilélé :
Kokabri. Il construisit sa case au pied d'un savonnier
ce sont les Babalia Brago, assimilés aux Kanentbou.
(<< djomndi » dans la langue). En grandissant, le hameau
La branche de Ngora est appelée Bourkinia. Ils sont assi-
devint un village et portera le nom de « bédjomditi »
milés aux Kouka. Le babalia en tant que langue a qua-
(dans le village où se trouve le savonnier) « au savon-
siment disparu; même ce vieil informateur ne le parle pas.
nier ». L'évolution phonétique fera de « bédjomditi »
simplement « bédjondo » (chute du locatif ti, assimi-
La langue barma
lation progressive de la voyelle 0 et tranfert du ton du
locatif).
Les intéressés s'appellent Mbarma et non Banna ou
Baguirmien. La langue mbarma est parlée dans la Préfecture
du Chari-Baguirmi. Les grands centres mbarma sont
La langue bébote
Massenya, Bousso, Dourbali, Mogroum, Moïto, Linya.
Le bébote est parlé à Béboto et dans les environs, dans
Le mbarma, langue du puissant sultan de l'empire du
le Logone oriental. Les langues voisines sont le gor
Baguirmi et donc langue de prestige, est parlé par une
de Bodo, le mongo de Doba, le kaba de Goré.
grande part de populations soumises, de langues mater-
nelles autres que le mbarma. C'est ainsi qu'on peut trouver
des Gabri, des Mouroum, des Boua, des Niellim, des
La langue bémar
Dik, etc. qui parlent couramment le mbarma.
Le bémar 16ëmar] est parlé dans le grand centre Madana,
On relève quatre variétés de mbarma :
sur l'axe Doba-Laï à 46 km de celui-ci et à 62 km de
- le gol à Massénya ;
celui-là.
- le kibar à l'est de Massénya ;
Le centre serait fondé vers les années 1 800 par des émi-
- le bangri à l'ouest de Massénya et le long du fleuve
grés goulay, sur les bords de la Pendé. Toutefois, les
Chari entre Guélendeng et N'Djaména ;
Bémar sont linguistiquement plus proches des ngambay
- le dam parlé le long du fleuve Chari, depuis Bousso
et des Mango mais culturellement, ils continuent à pra-
jusqu'à Guélendeng. Bangri et Dam, riverains du fleuve
tiquer le « yondo », rites initiatiques goulaye.
Chari, sont appelés Ba (« fleuve» en mbarma) par les
Les Bémar ont comme voisins les Ngambay, les Mango
Mbanna de Massénya.
et les Mouroum.
Les langues voisines sont le toumak, le boa et le niellim
dans le Moyen-Chari; le kouang et le gabri dans la
La langue bilala ou boulala
Tandjilé; le bomou de Ngama et le bilala de Moïto, dans
le Chari-Baguirmi ; le massa dans le Mayo-Kebbi.
Le bilala ou boulala est parlé aux abords du lac Fitri,
dans le Batha. Il n'y a pas de variétés de boulala. Les
La langue bédjonde
Boulala sont voisins aux Kouka et Modogo. Les autres
langues voisines, de familles différentes, sont le djaya
Le bédjond [6ëjQndi] est parlé à Bédiondo et ses envi-
dans le Guéra, le gorane au nord du Fitri, l'arabe de Djéda
rons,
dans
le Moyen-Chari
: Bédoua, Bédan,
à l'est, le kanembou (Babalia ayant changé de langue ?)
Béngadonyori, Nderguigui, Bédogo III. Les populations
à l'ouest, le mbanna au sud-ouest.
voisines sont les Pène de Péni au nord, les Nar de
Békamba, les Day de Bangoul, les Yom de Yomi, les
La langue gam
Bébo de Bébopen à l'est, les Gor de Bodo au sud et
les Mango de Doba à l'ouest. Bédjonde et Bébo ne font
La langue gam est parlée par environ 2 000 locuteurs
en réalité qu'une seule et même langue.
dans la région de Guidari dans la Tandjilé. Les popu-
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lations gam seraient venues de Banga, au nord-ouest
tures du Moyen-Chari et de la Tandjilé. Dans la Tandjilé,
de Guidari. Ils fuiraient la sécheresse et les épidémies
le canton Dono-Manga avec 41 000 habitants (recen-
mais ils seraient aussi à la recherche de terres fertiles
sement de 1968) et 38 villages constitue le plus grand
. pour l'agriculture et de pâturages pour le bétail. Les pre-
centre goulaye. Ceux-ci se répartissent en Milakoula
miers se seraient installés sous de grands kapokiers
à l'est et Kaga à l'ouest, à la limite des peuples Gabri
(fromagers) appelés «guidar » d'où le nom « Guidari »
et Mouroum.
(au fromager).
. Dans la sous-préfecture de Koumra dans le Moyen-Chari,
Guidari, avant d'être érigé en canton en août 1988,
on dénombre six cantons goulaye : Dobo, Ngangara,
était administrativement rattaché au canton de Goulay.
Derguigui, Mahim- Toki, Mouroumgoulaye et Péni
La langue des premiers habitants de Guidari serait le
(même si ces derniers se reconnaissent une entité et non
« gabri ». Le contact géographique et culturel avec
un sous groupe goulay).
les populations goulayes voisines provoquera des chan-
gements importants. Les habitants de Guidari s'adon-
Il faut noter que les Goulaye de Péni n'aiment pas telle-
. nèrent à l'initiation sara (<< yondo
ment se faire appeler goulaye. Ils se disent Pène et se
» chez les garçons
et « bagnan » chez les filles).
reconnaissent comme tels. Les Goulaye du canton
Derguigui, du fait de leur contact permanent avec les
À leur sortie de l'initiation, les initiés refusaient de parler
Bédjonde de Bédiondo et les Mango de Doba se déta-
«gabri », vu comme la langue des non-initiés (« koy »).
chent aussi des autres Goulaye et préfèrent se faire appeler
Ils parlaient plutôt le goulay, langue de l'élite, des ini-
Noguerh ou Maguer. Le canton Maïbo-Goulaye dont
tiés. À cela, s'ajoutera un deuxième phénomène: l'ins-
le chef-lieu est Kara, récemment rattaché au Logone
tallation en 1928 à Guidari d'une usine d'égrenage de
oriental est de peuplement à majorité goulaye.
coton par la société Cotonfranc. La main-d'œuvre vint
Agriculteurs à la recherche de terres fertiles, les Goulaye
du pays sara: Mbay de Moïssala, Mbay de Doba,
émigrent facilement. C'est ainsi qu'on les retrouve à
Ngambay, Sar, Barma jou Baguirmiens), Goulaye. Les
Matékaga, Bédaya, Bessada, Balimba, Kokaga, Djoli en
nouveaux venus envahirent linguistiquement le gabri.
pays sar ; Danamadji en pays ngam ; autour de Bousso
Les habitants de Guidari abandonnèrent le gabri pour
et Ba Illi et sur l'axe Guélendeng-N'Djaména.
parler un mélange de gabri et.des langues des enva-
hisseurs. Ils appelleront ce créole le gam. Les vieillards
parlent encore un vestige de gabri mais beaucoup plus
La langue kèrè
comme une langue secrète et non vraiment comme une
Les locuteurs du parler kèrè [kêrë], les Kèrè [kêrë] sont
langue de communication courante.
répartis dans trois préfectures du sud tchadien: la
Les Garn ont comme voisins les Gabri à Darbé au nord,
Tandjilé, le Logone occidental et le Chari Baguirmi.
les Mouroum au sud à Gamongo et Mouroum-Touloum,
Dans la Tandjilé, le kèrè est parlé à Gabri Ngolo,
les Goulay de Donomanga à l'est et les Gabri de Dormon
Dombala, THo, Amkara, Mani, Idjingue, Tokouroum,
à l'ouest.
Mbague Mbale, Kormada, Ngawara, Mbabourou, Béri,
Bouyo Meni. Le kèrè de la Tandjilé a comme voisins
La langue gor
le kaba de Laï et le nangtchéré, deux langues tchadiques
Le gor est la langue des Gor. 11 est parlé dans le Logone
orientales, et le bémar, langue sara.
oriental, dans les localités de Bodo, Bényama, Kaba,
Dans le Logone occidental, c'est à l'est de Bénoye en
Mogo, Bédouada, Békonda, Gouri, Bébara, Béongo
pays ngambay, dans les deux groupements villageois de
et Békorbo.
Sawa et Bourou, qu'on retrouve des locuteurs du kèrè,
A la lisière des différents villages gor, se développent
notamment dans les villages Douatouma, Koudou,
des variétés, osmoses du gor et des langues voisines que
Mbayarn, Douamoro, Gelkeb, Nangda et Kara.
sont le bébote de Béboto, bébo de Bébopen, bédjonde
Dans la préfecture du Chari-Baguirmi, les Kèrè se retrou-
de Bédiondo, béti de Béti.
vent à Kormada, Kabe et Ngama, sur la rive droite du
fleuve Logone, au nord-ouest de Mandélia dans le canton
La langue goulaye
Madiago. Ce kèrè a comme voisin le kotoko, langue tcha-
dique centrale.
Le goulaye (ou goulay) est une langue sara parlée par
les populations du même nom, qui habitent les préfec-
On estime à environ 3 000 le nombre des locuteurs kèrè.
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La langue kaba
La langue mbay
Les Kaba sont localisés dans le nord-ouest de la
Les Mbay sont une population localisée dans la sous-
République centrafricaine, dans les régions de Paoua
préfecture de Moïssala, aux confins sud du Tchad, dans
et Markounda. Au Tchad, ils sont localisés dans la sous-
la préfecture du Moyen-Chari. La sous-préfecture de
préfecture de Goré, dans le Logone oriental.
Moïssala compte 16 cantons dont 11 parlent la là~gue
mbay. Les Mbay sont aussi appelés «Mbay Moïssala »
En Centrafrique, les villages kaba sont: Bébangué,
par opposition aux « Mbay Doba» qui parlent le
Béboy 1, Béboy 2, Béda, Bédaya 1, Bédaya 2,
« mango », dans la préfecture du Logone oriental à Doba
Bédjanguela, Bédobaké, Béga, Bégangro, Békoro,
et ses environs.
Békouna, Bémal, Bémaïdé, Bémouli, Bénarnkor, Béni,
Bénodji, Bétegn, Bétoko, Bétokomian, Karnian.
On distingue six variétés de mbay mais toutes sont inter-
compréhensibles:
Pratiquement, tous les locuteurs kaba parlent sango,
- Mbay Béjou [6ejü] : Moïssala, Dilingala, Dakou,
langue véhiculaire de Centrafrique. Les Kaba de
Bessara, Sangoulou ;
Centrafrique ont comme voisins immédiats les Talé et
les Karé. Dans la ville de Paoua, on parle kaba, talé
- Mbay Kan [kâ] : canton Koldaga ;
et karé. Les Karé et les Talé se comprennent. Les Kaba
- Mbay Ngoka [nqôkaà] ou Mbang [rnbàrj] : Bépili,
ne les comprennent pas. Les Kaba du Tchad ont comme
Bendi (Beyndi) ;
voisins les Ngambay, Gor, Mango, Laka, Yambod.
- Mbay Bédégué (sol) [6edegt] : canton Bédégué
jusqu'à la frontière centrafricaine;
La langue laka
- Mbay Mougo [müqô] : villages compris entre les
Les populations laka se trouvent aux confins du
Kan et les Ngoka, chez les Nguénaye ;
Cameroun, de la République centrafricaine et au Tchad,
- Mbay BBate [6aH] : (proche des Béjou) Doubadéné,
à la limite des préfectures du Logone oriental et du
Békourou.
Logone occidental, dans les sous-préfectures de Goré et
Mbaïbokoum.
Les langues voisines sont le nat; day, ngam, gor, kaba
Markounda.
Les intéressés distinguent cinq variétés de laka : le mang,
le bémour, le maïngao, le goula et le paï.
La langue modogo
-le mang est parlé dans le canton Ngadjibian au nord
de Bessao, et dans une partie des cantons Békan et
Les populations Modogo (qu'on appelle à tort Médogo)
Timbéri dans la sous-préfecture de Goré : Manang,
habitent la préfecture du Batha (chef-lieu Ati), dans
Bénganguebeur, Ngadjibian, Bénassa, Nian ;
le canton Birni. Notre locuteur est du village de
Kolodjiné. L'intercompréhension est totale entre Modogo,
- le bémour est parlé dans les cantons Bessao et
Kouka (canton Koundjourou) et Bilala (canton Fitri,
Pandzangué, sur l'axe Moundou-Mbaïbokoum,
chef-lieu Yao). Si l'on retrouve encore beaucoup de locu-
Bengar I, Bembar, Bébo, Karnkoutou ;
teurs Bilala, la plupart des Modogo et Kouka ont perdu
- le maïngao est parlé sur les deux axes Ngamadja-
leur langue au profit de l'arabe dialectal tchadien. Les
Dodang II et Bessao-Oudoumian : Laokouémassi,
Modogo ont comme voisins les Dadjo du Guéra et les
Dodang I et II, Bédok, Dolloa ;
Kouka au nord-est, les Sokoro et les Yalnas dans la région
de Melfi à l'est (Guéra) et à l'ouest les Boulala.
-le goula (aussi appelé Bao) est parlé dans le canton
Andoum, à Pan et ses environs, dans le canton
La langue mouroum
Pandzangué:Pandzangué,Pan,Makada,Bembaïgané;
Les Mouroum étaient initialement installésdans la Tandjilé,
-le paï est parlé uniquement à Oudoumian, Bémoul i,
spécifiquement à Mouroumtouloum. Markinjaï était le
Bédougourou, Békila.
chef de Kabalaye et était allié aux Français pendant la colo-
Les langues voisines sont le mboum, le kô, le karan,
nisation. Avec l'imposition de la culture du coton à toute
le tari et le panan au Tchad; le mbaka et le sango en
la population, y compris les Mouroum, ceux-ci ont préféré
Centrafrique; le foulbé (joulfouldé) au Cameroun.
quitter les terres pour aller s'installer à Bousso.
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Sciences sociales et humaines
Il n'y a pas de variétés de Mouroum en tant que tel, il
. 5. Le ngam gir bor [ngàrü gîr Bor] parlé à Kabo en
y a juste des cantons différents: Mouroumtouloum,
Centrafrique.
Ngamongo, Dogbara, Kayradi, Diridi, Guelbémé, Koro,
Les langues voisines sont le mbay; le sara kaba démé,
Médjanglati, Malaldi, Nangda, Ba IIIi, Nankigodo, etc.,
le rito à la frontière tchado-centrafricaine et le souma en
bref tout le long du fleuve Chari depuis Bousso jus-
qu'à N'Djaména.
République centrafricaine (RCA).
Les .mariages inter-ethniques entre Mouroum et
La langue ngambay
Baguirrnien ou Barma font que les Mouroum et les Barma
sont généralement bilingues mouroum-barma. Cette
La langue ngambay est parlée par des populations du
situation est plus tangible à Bousso.
même nom. Toute la préfecture du Logone occidental
avec capitale Moundou parle le ngambay. Mais le
La langue nar
ngambay s'étend aussi dans les préfectures voisines: les
Kilang de Gagal dans le Mayo-Kebbi, les Mbéri ou
- Canton Kournra : Doro, Kangbara, Waraï, Kangoro,
Mouroum dans la Tandjilé, les habitants de Bébédjia
Bohi, Kol, Narmbanga ;
dans le Logone occidental se considèrent aussi comme
- Canton Béboro : Béboro, Moskilim, Bourou, Ndila,
des sous-groupes du ngambay. Le mbéri, le kaba, le
Kaba VII, Kaba VIII, Bada, Kadekouti, Kamassé ;
mango, le laka sont les langues parlées autour du
- Canton Békamba : Békamba, Gondi I, Gondi II,
ngambay.
Banhanlé, Nara 1, Nara II, Kahala.
On distingue plusieurs variétés des parlers ngambay :
Variétés:
- le mang parlé à Bénoye et Bébalem ; le mang est
1.Doro, Kangbara, Waraï,Béboro, Moskilim, Bourou,
aussi parlé à Donia, Mbaikoro, Boro et Makéné.
Ndila;
On les appelle « dogo » ;
2. Canton Békamba plus Kadekouti et Kamassé (à
- le kilang parlé à Tapol, Beinamar et à Gagal dans
cheval sur les cantons Békamba et Béboro, dans la
le Mayo Kebbi ;
vallée du Mandoul sud) ;
- le makula parlé à Bao, Dadjilé et Krim Krim ;
3. Kaba VII, Kaba VIII (nar plus rapide, fort en
- le mbaw parlé par les pêcheurs installés le long
humour).
du fleuveLogone à Békiri, Gorai, Sawa. Les habi-
tants de Moundou et Béladja sont aussi des Mbaw,
La langue ngama
parce que riverains;
On relève 5 variétés de ngama :
--: le beur parlé à Timbéri.
1. Le ngam tel [ngàrü tél] dans le canton Maro et à
Ces appellations semblent ne pas véritablement désigner
Moussafoyo ;
des variantes dialectales mais plutôt indiquer des repères
2 ..Le ngam tira [ngàrn fira] à Maro, Moyo et
géographiques ou professionnels: les termes « beur»
Danamadji;
et « dogo » désignent respectivement l'Est et l'Ouest.
3. Le kon ngam [kQn ng~riï] dans le canton Djéké
« Mang » désigne une zone où il n'y a pas d'eau, une
à Modélé, proche cies mbay ;
zone exondée tandis que « mbaw » désigne celui qui
4. Le klé [kllé] à Hori, Nara dans le canton Djéké,
habite près d'un cours d'eau, un pêcheur. On cite sou-
entre Danamadji et Koumogo, très influencé par le
vent, pour faire la différence, quelques exemples fré-
sar de Koumogo ;
quents de variations phonétiques:
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mang
kilang
makula
mbaw
beur
mang
ngambay
bébidjia
Bénoye
dogo
Moundou
Bière de mil
kOdd5
k5t5
kïd5
k5d5
k5t6
k5tt5
kïd6
sïd6
kïd6
kïd5
kïd5
kïd5
Poule, coq
kOnjâ
kOsâ
kOsâ
künja
k93â
kOsâ
kOsâ
Kinjâ
kOnjâ
künja
kOnjà
kOnjâ
Boule,
mùrO
rnùrû
mùrO
mù!û
mùur
mùrO
mùrO
mùrü
polenta
tûdû
Un (1)
kâra
kâa
kâa
kâla
kâra
kâa
karâ
kâra
kalâ
Bois de
tàk-rr
tàkï
tàKir
tàkït
tàkïr
tàkï:
tàsl
sï:
chauffe
kïr
kïr
La vitalité du ngambay tend à en faire une langue véhi-
le [no] parlé à Koumra et le [naw] parlé par les pêcheurs
culaire qui dépasse les frontières du Logone occidental
des rives du Barh Sara à Bédaya. Les Sar de Koumogo
et oriental pour se répandre dans tout le sud du Tchad
et Bémouli qui habitent l'autre côté du Barh Sara et
et à la capitale N'Djaména. A Garoua au Cameroun, à
du Barh Kô sont appelés [sàr gicft rnàü], les « Sara de der-
Bangui, Bossangoa et Paoua en RCA, à Maiduguri et
rière le fleuve ». Sarh, ville cosmopolite, développe une
Kano où vit une forte colonie d'émigrés ngambay, cette
variété de sar qui se rapproche de celui tout aussi hété-
langue est utilisée par différents ressortissants du sud du
rogène de Koumra, ville carrefour. La partie nord du
Tchad dans les activités commerciales, religieuses ou
pays sar madjingay étant marécageuse, ceux-ci n'ont de
sociales diverses.
voisins qu'à l'ouest (Goulaye, Toumak), au sud (Nar,
Mbay) et à l'est (Ngam).
La langue pène
la langue sara kaba
Les Pène, dont la légende raconte que c'est une colonie
de chasseurs qui auraient quitté Mouroumgoulaye à la
Selon la légende, les Sara Kaba, en provenance du
suite de conflits avec leur chef, habitent le canton Péni,
Levant, auraient fait une halte pendant leur mouve-
à 30 km de Koumra sur l'axe Koumra-Doba. Dans le
ment migratoire vers le couchant, dans la zone actuel-
canton Péni, vivent 23 500 habitants sur 8 000 km 2
lement frontalière entre le Guéra, le Salamat et le Moyen-
que se répartissent 26 villages. Quand bien même on
Chari. Cette zone est limitée au nord par le Barh Salamat,
au sud par le Barh Aoûk, à l'est par le lac Iro et à l'ouest
relève quelques variantes dialectales d'un village à un
par le grand fleuve Chari. On comprend alors bien pour-
autre, l'intercompréhension est totale entre tous les locu-
quoi ils s'appellent les « sara ka ba », les Sara de l'autre
teurs Pène. Les principales localités sont: Hobbo,
côté du fleuve ([ka] « vers », [bal fleuve). Là, vivraient
Békessy, Péni village, Doko, Ndounambo, Nanran,
des peuples autochtones: les Goula du lac Iro et les
Ngouroumti, Kaman, Béko, Gouri, Kolmon, Rôh,
Fanian qui vivent actuellement à la frontière du Guéra
Déguéré et Toura. Les Pène ont comme voisins, les
et du Moyen-Chari. Des populations arabes les y auraient
Bédjonde de Bédiondo, les Goulaye de Mouroumgoulaye,
rejoints.
les Nar de Békamba et les Sar de Koumra.
Aujourd'hui, c'est autour de leur capitale Kyabé que
La langue sar
se retrouvent la plus grande majorité des Sara Kaba :
-les Sara Kaba Na et Dinjé, agriculteurs, habitent Kyabé
Les populations « sar madjingay » habitent la sous-
et sa région. Le Na est essentiellement parlé dans les vil-
préfecture de Koumra (Koumra, Matékaga, Bessada,
lages de Djowé, Kouli, Mahko, Bara, Guimassa,
Bédaya) et la sous-préfecture rurale de Sarh (Sarh,
Guinguini, Gouko et Oulouboye ;
Balimba, Koumogo, Djoli, Sanglé). Le pays sar mad-
-les Sara Kaba Démé, pêcheurs, se sont installés le long
jingay se subdivise en trois variétés linguistiques: le sar
du fleuve Chari: Bobé, Hélibongo, Banda, Moussafoyo,
proprement dit ou [sàr 6ëdàj] (sar de Bédaya), parlé à
Kemata. A Banda et Moussafoyo, les Démé partagent
Balimba, Koumogo, Bédaya (Ngodéré), Sanglé, Djoli ;
respectivement, le mode de.vie des Sar Madjingay et
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Rev. CAMES - Série B, vol. 02, 2000

Sciences sociales et humaines
des Ngam. Ce contact de cultures produit des effets
le [pènï] ou [fë :00 :] de Bébopen, le gor [gor] de Bodo,
sur cette variété de Kaba dont les résultats sont nets:
le bédjonde [5ejgndt] de Bédiondo, les day [dàj] de
« quand un Sara Kaba de Banda me parle, je comprends.
Bangoul et le nar [nàr] de Békamba.
Mais quand un Sara Kaba de Kyabé parle, je ne le
comprends pas », avoue un locuteur Sar Madjingay ;
Conclusion
- les Mbanga, chasseurs et agriculteurs, occupent les
Les sources écrites sont des introductions aux travaux
terres entre Kyabé et le nord de la République centra-
de recherche, des cartes, des archives, etc. Les sources
fricaine (RCA), jusqu'à N'Délé.
orales sont les notables et autres sages des localités
Aux abords du Guéra et du Salamat, vivent des groupes
concernées. La question linguistique se traitant souvent
minoritaires: les Kouroumi et les Koulfé (ou So) dans
avec beaucoup de passion et d'état d'âme, nous ne serons
le canton d'Alako, les Malé dans le canton de Moufa
par surpris qu'un lecteur ne soit pas d'accord avec telle
et les Tié dans le canton de Singako, pratiquement au
ou telle version de l'origine ou de l'explication du nom
Salamat où vit une forte colonie arabe. De ce voisinage,
de sa langue ou de sa communauté linguistique. 0
naît le fait que les Tié sont fortement islamisés.
Les Kaba Na reconnaissent les Koulfé, Malé et Kouroumi
Références bibliographiques
en ceci « qu'ils ne savent pas prononcer les mots « feu»
BELEDJI B., 1989. « Questionnaires linguistiques de Greenberg
et « porte» par exemple. Au lieu de dire, respective-
et Tervuren ; traduction en goulaye », Mémoire de licence,
ment, [hàrù] et [bltl], ils réalisent [tàrù] et [viti] ; ce qui
Département de lettres modernes et études linguistiques, universi-
fait à chaque fois sourire ».
té de N'Djaména.
BERYO N.,
NINGAM N., MBALNOUDJI K., 1990. « Les
La langue yambod
chants ngambay et mbay », Mémoire de licence, Département de
Lettres modernes et études linguistiques, université de N'Djaména.
Le yambod [j1~6èd] est parlé à Yambodo. Yambodo est
BOLNDOUM D., 1989. « Questionnaire linguistique yambod »,
l'un des neuf cantons qui composent la sous-
Mémoire de licence, Département de Lettres modernes et études
préfecture de Goré. Il est situé entre le 7° et 8° degré
linguistiques, université de N'Djaména.
nord et le 16° et 18° degré Est; à la frontière de la
DEDJINGAR A., NADJINGAR N., 1990. « Édition d'un conte
.République centrafricaine.
en bémar », Mémoire de licence, Département de lettres modernes
Il a pour capitale Kessy et compte plusieurs villages:
et études linguistiques, université de N'Djaména.
. Kessy, Behoro, Siagon, Bemadja, Bakaba, Betolbo,
DJEDINGAM D., 1989. « Questionnaire linguistique de
Komba, Goubeti, Roy, Bilbo, Matiti, Békandja. Tous ces
Greenbereg et Tervuren en « kèrè », Mémoire de licence,
villages sont situés au nord de la Nana Baria qui prend
Département de Lettres modernes et études linguistiques, univer-
sité de N'Djaména.
sa source en RCA et se jette dans le Chari au Tchad.
Le nomyambodo se traduirait [j1~] « laisse, quitte, aban-
GALl M., 1992. « Esquisse phonologique du sara kaba na
donne» et [êôdô], nom d'un village voisin.
(Kyabé) », Mémoire de licence, Département de lettres modernes
et études linguistiques, université de N'Djaména.
L'histoire raconte en effet que les Yambod seraient venus
LAOHOMBÉ Y., YOMAISSEM L., GOLNOUDJI M., 1989.
de Bodo. Mais linguistiquement, les Yambod se sen-
« Lexiques de l'élevage et de l'agriculture en laka », Mémoire de
tent plus proches des Mbay que des Gor.
licence, Département de lettres modernes et études linguistiques,
université de N'Djaména.
Les Yambod ont comme voisins immédiats les Gor de-
Bodo, les Bébot de Béboto, les Kaba de Goré, les Ngoka,
MOROMNGAR N., 1989. « Questionnaire linguistique pen »,
Mémoire de licence, Département de lettres modernes et études
notamment les Mbang et les Mbay KM, et enfin les Bergue,
linguistiques, université de N'Djaména.
Wogue et Kabade Centrafrique. On distingue trois variantes
dialectales du yambod : ss jag.6e
NABIA G., '1989. « Questionnaire linguistique en sara kaba na »,
rnba], jir.
Mémoire de licence, Département de lettres modernes et études
linguistiques, université de N'Djaména.
La langue yom
NADJIMBA YE B., 1989. « Lexique ngambay », Mémoire de
licence, Département de lettres modernes et études linguistiques,
Le yom [j1:rri\\] est parlé dans la localité de Yomi, chef-
université de N'Djarnéna.
lieu de canton et dans la bourgade de Yomi 2, dans le
NAIRIM M., NOUBATAN., YORANGAR N., 1990. « Recueil
poste administratif de Békamba, sous-préfecture de
de contes pen », Mémoire de licence, Département de lettres
Kournra. Les langues voisines sont le pène [p~n] de Péni,
modernes et études linguistiques, université de N'Djaména.
. Rev. CAMES - Série B, vol. 02. 2000
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Sciences sociales et humaines
NAODJIDÉ E., 1989. « Questionnaire linguistique de Greenberg
NGABOU B. D., 1988. Morphosyntaxe du nom et des personnels
et Tervuren en bédjonde », Mémoire de licence, Département de
en mbay », mémoire de DES, université Marien Nguouabi,
lettres modernes et études linguistiques, université de N'Djaména.
Brazzaville.
N'DOH-NGAR D., YONDENAN B., MAKIANANG K.-N.,
NGARADOUM N. C., 1992. « La langue guley, Soudan central:
BOULLINGUEALTA, 1988. « Les tons dans le syntagme prédi-
phonologie, alphabet et orthographe' », Mémoire de licence,
catif à prédicat verbal et à prédicat nominal en ngambay-
Département de lettres modernes et études linguistiques, université
Moundou », TER - exposé, Licence, Département de lettres
.: de N'Djaména.
modernes et études linguistiques, université de N'Djaména.
NDOUBA S. « Questionnaires linguistiques sara », Mémoire de .
TEDADOUMNGAR N., 1989. Questionnaire linguistique en gam
licence, Département de lettres modernes et études linguistiques,
de Guidari, Mémoire de licence, Département de lettres modernes
université de N'Djaména, sd.
et études linguistiques, université de N'Djaména.
'Go)
Le terme Sara qui signifie aujourd'hui un groupe
Ü The term Sara which today refers to a set of
E de langues parlées au Tchad, en République
ca languages spoken in Chad, the Central African
...
~ centrafricaine, au Camerounet au Soudan, a connu
-
Republic, Cameroon and Sudan, has gone
tn
'Go)
une longue évolution. À partir des informations
.Q
through a long evolution. Using as his starting
a: de sourcesoraleset écrites, l'auteurtente un aperçu
<:(
point information from both oral and written
sociolinguistique de quelques langues Sara. Alors
sources,
the
author
tries
to
imitates
a
que certaines d'entre elles ne sont presque plus
sociolinguistic overview of some Sara languages.
parlées, d'autres ont connu des mutations qui ont
While some of these languages are almost not
permis la naissance de plusieurs variétés de par-
spoken any more, others have gone through
lers.
changes which made it possible for several
varieties of speech to come into being. The
L'évolution de ces langues, liée avant tout à l'his-
evolution of these languages linked first of ail to
toire des populations qui les parlent, a favorisé une
the history of the populations which speak them
extension de l'aire culturelle Sara.
has contributed to the expansion of the Sara
cultural area.
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