Sciences sociales et humaines
Les enjeux d'un programme universitaire d'éducation des
adultes (formation des formateurs) pour le Burkina Faso
F. SANOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso),
Objectif et démarche
versité avec l'éducation des adultes, rapports que
nous qualifions de négligence; .
Leprésent article est une réflexion critique sur - l'éducationdesadultesfaceauxdifférentsdéfisdela
l'importance de l'éducation ou formation des
mondialisation.
adultes, plus précisément de la formation des
formateurs et la nécessité pour les universités africaines
Dans le développement qui suit, les termes « éduca-
en général, et burkinabè en particulier, d'élaborer, des
tion "et« formation" seront utilisés pour désigner la
même
réalité pédagogique de transmission de
programmes en ce sens.
connaissances et de compétences. Leur utilisation
La réflexion s'appuie sur les documents existants,
alternative ou indistincte ne s'explique pas par un
relatifs aux projets et expériences de formation des
embarras quelconque à se positionner par rapport au
adultes, les résultats obtenus par ces projets et ces
débat entre ceux qui pensent que l'on ne peut éduquer
expériences. Elle s'appuie également sur divers écrits
qu'un enfant, pas un adulte si tant est qu'éduquer soit,
relatifs aux changements sociaux survenus, en cours
non seulement, transmettre des connaissances et des
ou en perspective dans le monde et particulièrement
compétences mais aussi, et surtout, transmettre,
au Burkina. Ce sont les problèmes posés par ces
imposer des normes de comportement ou socialiser.
changements qui sont désignés ici par le terme
L'adulte ayant déjà ses normes de comportement, on
« enjeux" ou « défis ". De leur bonne ou mauvaise
ne peut que le former en s'en tenant au premier volet
résolution dépend, selon nous, le succès ou l'échec
de l'éducation : la transmission de connaissances et
des pays africains en général, et du Burkina en parti-
de compétences. Pour les autres et pour l'auteur du
culier, à atteindre leur développement social, écono-
présent article, l'éducation est pris au sens large et
mique, culturel et politique. " est devenu courant de
courant du terme, au sens de transmission de
désigner le processus général de changement en
connaissances et de compétences diverses, y compris
celles relatives à l'intégration sociale'. Par ailleurs,
cours depuis les trois dernières décennies, de
pour des raisons pratiques, on parle de formation des
« mondialisation " ou processus d'intégration des
formateurs plutôt que d'éducation des formateurs, de
différentes nations en une même et seule entité glo-
sorte que le terme formation sera plus utilisé en rela-
bale, un seul « village planétaire »,
tion avec ce second degré d'éducation ou formation
La réflexion s'articule autour de deux points essentiels:
s'adressant à ceux qui sont chargés de former ou édu-
- le point des rapports entretenus jusqu'ici par l'uni-
quer directement les adultes à la base.
L'université et l'éducation des
exclusif de celles des jeunes élites, et cela, malgré des
appels répétés de certaines institutions universitaires
adultes: une longue négligence
et culturelles comme l'AUA (1973), l'ACCT (1983),
Le silence aux appels répétés en faveur
l'UNESCO (1990),
de l'éducation des adultes
A la décharge de nos universités, on peut invoquer le
Les universités africaines en général, francophones en
fait que, pendant longtemps aussi, les paradigmes
particulier et notamment burkinabè, ont relégué à l' anière-
développementalistes, élaborés par d'autres institutions
plan l'éducation ou formation des adultes au profit quasi
internationales, notamment la Banque mondiale, ont mis
1 Pour ce débat. voir Philippe MEIRIEU (1996: 60-76) qui conclut en disant « qu'il peut y avoir, à la fois, apprentissage et socialisation: on peut apprendre
en même temps des choses, des « vraies choses », des" vraies» mathématiques, du « vrai» français, des « vrais» savoirs tout en apprenant à respecter
l'autre, tout en apprenant à collaborer avec l'autre, à écouter l'autre, à parler avec lui même sans l'approuver, etc. » (p. 73).
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Sciences sociales et humaines
l'accent, d'abord sur la formation de ces jeunes élites
- le manque d'équipement technique des sortants
considérées comme moteur sûr du développement, puis
des centres de formation des jeunes agriculteurs qui
sur la formation des plus jeunes encore, au niveau de
ne leur permettait pas de mettre en application les
l'enseignement de base.
connaissances et savoir-faire acquis;
L'éducation des adultes a été laissée à des institutions
- le désir des élèves d'apprendre autre chose que le seul
publiques, considérées de seconde zone et/ou à des ini-
métier d'agriculteur socialement peu valorisé.
tiatives privées et/ou bénévoles, particulièrement les ONG
Le résultat a été une totale désaffection des centres de
de formation ou de développement, qui, dans le contexte
formation des jeunes agriculteurs. Le nombre de ces
burkinabè, sont relativement nombreuses (160).
centres est tombé de 700 en 1970 à 477 en 1991 et
Bref état des lieux en matière
les effectifs des élèves sont tombés de 26 364 en 1970
de formation des adultes au Burkina
à 10610 en 1991 (UNICEF, 1991, tableau C 5.17).
Ainsi, la formation des enseignants du primaire, des
Les ONG de formation du monde rural, comme le
conseillers et inspecteurs de l'enseignement primaire,
CESAO et INADES-Formation, semblent avoir mieux
des infirmiers, des agents de développement rural, etc.
réussi dans leur approche, selon certains observateurs
était (est) assurée au Burkina, comme dans pratiquement
comme Helmut ASCHE (1994). Mais, à présent, les
tous les pays francophones de l'Afrique de l'Ouest,
changements intervenus dans le milieu rural interpellent
par des écoles de formation professionnelle (Écoles nor-
ces ONG à élargir et à adapter leurs horizons et leurs
males de l'enseignement primaire, École des cadres
approches pour répondre aux nouveaux besoins des orga-
de l'action pédagogique, École nationale de santé
nisations paysannes désormais mieux structurées et, pour
publique...) sans attache avec l'université, partant, sans
certaines, capables d'offrir la formation de base jadis
possibilité de perfectionnement des formateurs.
offerte par ces ONG.
L'alphabétisation des adultes s'est faite et se fait tou-
En même temps que les formateurs de ces ONG cher-
jours avec le concours d'animateurs formés sur le tas
chent à améliorer leurs compétences, ils cherchent un
par des ONG ou par la structure étatique qu'est l'Institut
système de motivation stimulant et sanctionnant les
national d'alphabétisation (INA). Les différentes éva-
compétences acquises.
luations externes de l'INA, commanditées par le Bureau
Ainsi, par exemple, INADES-Formation, qui a fait en
de coordination de la coopération Suisse (1996a, b, c)
1995 l'option d'accompagner les dynamiques organi-
déplorent l'insuffisance qualitative de la formation de
sationnelles paysannes à travers la « Recherche-Action-
ces animateurs et superviseurs.
Formation », cherche une formule pour motiver ses
Les services techniques de l'agriculture et de l'éle-
employés formateurs à se perfectionner en brisant
vage avaient cherché à organiser le monde rural en grou-
l'horizontalité des carrières et titres plafonnant à ceux
pements villageois pour la vulgarisation des techniques
de « formateurs ».
modernes et l'utilisation des intrants pour améliorer
les rendements. Mais, ces groupements se sont limités
Les employés de INADES-Formation ont souhaité sortir
à l'achat des intrants et à l'obtention de crédit, le nombre
des « stages maison » et avoir plus de contacts avec
d'adhérents restant stagnant et peu de formation étant
d'autres structures de réflexion et de recherche (INADES-
réellement dispensée.
Formation, 1996). La formation des adultes à un niveau
universitaire répondrait, sans nul doute, à cette attente.
La tentative de formation de jeunes agriculteurs, ini-
tiée en 1961, s'est par ailleurs soldée par un échec
L'engagement de l'université dans
pour diverses raisons, parmi lesquelles, selon LALLEZ
la formation des adultes pour une quête
(1976), on peut citer:
permanente de qualité. Le constat de
-le jeune âge des élèves (théoriquement 12-15 ans, mais,
l'ACCT (1983)
en fait, beaucoup en avaient 9, surtout au départ, lorsque
Le faible engagement des universités africaines
le système avait été conçu comme un simple palliatif du
francophones dans la formation des adultes s'expliquait
système classique) ;
(s'explique toujours) par le préjugé que l'éducation
-la structure gérontocratique des villages ne permettant
des adultes avait (a) un faible contenu académique et
pas à des jeunes de s'imposer comme modèles et force
que des institutions et des personnels non universitaires
d'innovation;
suffisaient à l'assumer.
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Sciences sociales et humaines
Ce qui était faux hier et qui le sera plus encore demain
L'université a été considérée comme la cheville ouvrière
dans le contexte de la mondialisation'.
de l'instauration d'une éducation fondamentale perti-
Ce contexte a été la toile de fond sur laquelle s' esquis-
nente et efficace. Selon la Déclaration, « Les sociétés
sent les raisons, les enjeux d'un programme universi-
devraient aussi offrir à l'éducation fondamentale le béné-
taire de formation des formateurs des adultes.
fice d'un solide environnement intellectuel et scienti-
L'argumentation ici ne consiste pas à montrer les besoins
fique. Cela implique une amélioration de l'enseigne-
en formation des adultes qui paraissent assez établis par
ment supérieur et le développement de la recherche
les différentes tentatives mentionnées plus haut.
scientifique. D'étroits contacts avec le savoir techno-
L'argument consiste à montrer la nécessité de l' enga-
logique et scientifique contemporain devraient pou-
gement de l'université dans cette formation pour en
voir exister à tous les niveaux d'éducation ». (Déclaration,
assurer la qualité au regard des exigences du monde
article 8. WCEFA, Document de référence, p. 172).
en mutation, caractérisé par la compétitivité économique
L'université trouve ainsi un élargissement et un reca-
à travers:
drage de ses missions en même temps qu'elle trouve une
-l'utilisation massive de la science, de la technique
nouvelle légitimité, après deux décennies de remise
et des médias ;
en cause pour non-pertinence, gaspillage (Banque
mondiale, 1988; TEDGA, 1988).
- les changements dans les rôles traditionnels des géné-
rations par rapport à l'activité professionnelle;
L'engagement de l'université de
Ouagadougou à adapter ses programmes

- la minimisation des communautés nationales et des
de formation et à s'ouvrir aux adultes
solidarités traditionnelles.
Au niveau national, lors du séminaire sur le thème
L'éducation des adultes face
« L'université de Ouagadougou au 21e siècle: à la
recherche de l'efficacité et de la performance»
tenu
aux défis de la mondialisation
à Ouagadougou du 8 au 10 septembre 1998, l'université
Les réflexions au niveau de la communauté interna-
de Ouagadougou s'est engagée à s'ouvrir davantage
tionale avaient déjà abouti à un changement de stratégie
au monde extérieur pour offrir ses services. Pour ce faire,
éducative pour dépasser les tranches d'âge habituelles
elle devra élaborer des programmes plus flexibles et plus
d'enfants et de jeunes et englober toutes les couches
adaptés aux nouveaux publics et aux nouveaux besoins
démographiques de la population. C'est le sens de la
sociaux, culturels, économiques et politiques nés de
Déclaration de Jomtien, en 1989, sur l'éducation pour tous.
la mondialisation. Les adultes constituent un de ces nou-
veaux publics.
L'éducation pour tous pour un nouveau
millénaire. La Déclaration de Jomtien (1989)

Les enjeux économiques: « La bataille
de la compétence»
Selon cette Déclaration, la participation de tous au monde
à venir exige que tous possèdent un minimum éducatif
La mondialisation est avant tout la disparition progressive
et qu'ils s'efforcent de l'accroître. Dans cette perspec-
des particularismes nationaux et l'instauration d'un
tive, généraliser l'éducation fondamentale n'est plus un
marché mondial avec pour principe la compétition pour
les marchés. Seuls les pays (et les individus) ayant des
luxe pour pays nantis ou un simple vœu pour pays
produits (agricoles ou manufacturés) et/ou des systèmes
pauvres désireux de combler un retard économique,
de production performants pourront se maintenir sur
comme ce fut le cas pour les pays africains lors de la
cette scène internationale.
Conférence d'Addis-Abeba en 1961, mais un impé-
ratif vital précisément et essentiellement pour ces pays
La compétitivité des différents pays dépend fortement
pauvres.
de leur niveau technologique et scientifique et de la qua-
'À ce sujet, Guy BELLONCLE disait que «tous ceux qui ont pratiqué J'éducation non formelle savent au contraire que, précisément parce qu'il s'agit de
formules nouvelles, se voulant de surcroît innovatrices au niveau des méthodes pédagogiques, il est absolument indispensable de pouvoir disposer de cadres
eU~-~êmes innovateurs et créatifs, capables de concevoir de nouveaux programmes, de les gérer à grande échelle et enfin de les évaluer avec la plus grande objec-
uvue » (cité par ACCT, 1983. p. 133).
.
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Sciences sociales et humaines
lité des ressources humaines disponibles. Et ce niveau
chances d'accéder à l'enseignement secondaire et vingt
ainsi que cette qualité se modifient beaucoup plus rapi-
fois plus de chances d'accéder à l'enseignement supé-
dement que par le passé.'
rieur (voir SANOU, 1986: 191-282; 1999: 199-268).
C'est dire que les institutions chargées de donner.et/ou
de maintenir et développer les compétences profes-
Les enjeux culturels: accroître et utiliser
sionnelles ne doivent plus se contenter de transmettre
le potentiel d'innovation ou d'invention
ces compétences une fois pour toutes et/ou seulement
contenu dans l'expérience des adultes
à une tranche d'âge de la population, mais à des tranches
L'innovation ou l'invention est le fait de pouvoir lier des
d'âge de plus en plus nombreuses et de plus en plus larges
choses ou des idées qui étaient au départ éparses et
et de plus en plus souvent.
disjointes. Elle n'est possible que chez des gens qui
Les enjeux sociaux: anticiper sur
ont acquis une certaine autonomie de pensée, une capa-
les mutations sociodémographiques et
cité de réflexion sur leur propre activité et qui ont, effec-
tivement, une certaine expérience pratique de la vie
réduire les inégalités sociales
(SERRES, 1991).
Anticiper sur les mutations sociodémographiques
Du coup, les disqualifications (ou minimisations),
Si en Afrique d'une façon générale, et au Burkina d'une
jusqu'ici faites de l'expérience professionnelle des adultes
façon particulière, les changements dans l'économie
apprenants, apparaissent arbitraires voire dangereuses.
et la société, consistant en un vieillissement de la popu-
Elles frustrent ces apprenants et privent l'université d'une
lation' et une restructuration des générations et des acti-
source de rénovation et d'un terrain expérimental sur
vités qui jadis leur correspondaient (e.g. adolescence :
lequel elle pourrait - elle devrait - vérifier la pertinence,
études, école; adultes: travail; vieux: retraite), ne
l'efficacité dite externe des savoirs théoriques et savoir-
se font pas encore sentir comme en Europe (GAOLLIER,
faire pratiques dispensés (Banque mondiale, 1988 ;
1995 : 9-31), il est cependant raisonnable de penser qu'ils
TEDGA, 1988).
viendront plus tôt que tard et qu'il faut les anticiper
Pour les travailleurs adultes comme pour leurs forma-
en s'inspirant des expériences des pays occidentaux plus
teurs, il est nécessaire d'élargir en permanence les hori-
développés. Le poids de la société ne sera plus supporté
zons intellectuels pour suivre l'évolution rapide des
par les travailleurs jeunes mais par des travailleurs
connaissances, des idées et leur circulation grâce aux
plus âgés qui doivent se former conséquemment
Nouvelles technologies de l'information et de la commu-
Réduire les inégalités sociales
nication qui font dire que la mondialisation estaussi une
« médialisation » (MIEGE, 1995).
La priorisation absolue de l'éducation des jeunes confi-
nant à l'exclusion totale des adultes ne pourrait aboutir,
Les enjeux politiques de l'éducation des
dans le contexte actuel du Burkina, qu'à renforcer les
adultes: participation aux décisions et
inégalités sociales au détriment des enfants issus de
redéfinition des finalités de l'éducation
milieux défavorisés. En effet, les jeunes qui profitent du
service d'éducation et des autres services sociaux, comme
Permettre une plus grande participation consciente
la santé, sont ceux-là dont les parents (particulière-
aux processus de prise de décisions aux niveaux
national et international

ment les mères) ont déjà bénéficié de ces services et
obtenu, grâce à eux, des emplois, des positions sociales
L'accès autonome à l'information et la capacité de
et des revenus leur permettant d'assurer l'éducation
l'utiliser, en même temps qu'ils permettent aux adultes
de leurs enfants. Par exemple, les enfants de couches
de participer à la nouvelle culture en gestation, leur
sociales favorisées (en l'occurrence les fonctionnaires)
permettent également d'influencer les. décisions,
ont en moyenne trois fois plus de chances que ceux
directement, au niveau national et, indirectement, au
de couches sociales défavorisées (en l'occurrence les
niveau international. Il ne peut y avoir de participation
paysans) d'aller à l'école primaire, douze fois plus de
démocratique sans un minimum d'alphabétisation,
3 Voir Robert REICH (1993) ; Yves CANAC et La CEGOS (1985). Selon ces deux derniers, « Que la compétence de l'entreprise soit essentiellement mou-
vante et évolutive, il n'est guère besoin de le souligner. Mieux, elle Il 'est que mouvement. Ni la technologie, ni le marketing, ni la structure financière, ni
l'organisation, ni les hommes ne doivent rester un instant au repos: le professionnalisme d'une entreprise ne se maintient qu'en se modifiant sans cesse.
Parfois dans ses traits les plus fondamentaux » (p. 40).
4 Cet allongement de l'espérance de vie et du vieillissement de la population a fait passer, dans les régions développées, la proportion des 65 ans et plus de
9 % en 1985 à 13,5 % en 1995 avec une prévision de 20,1% en 2025. Dans les pays les moins développés, les proportions, pour les mêmes périodes, étaient
respectivement de 3,1 %,3 % et 3,9 % (Robert BUTLER: La révolution de la longévité, in Courrier de l'UNESCO, janvier 1999: 18-20).
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Sciences sociales et humaines
celle-ci ne devant pas se limiter au simple déchiffrement
Conclusion
des lettres de l'alphabet mais au déchiffrement des nou-
veaux codes socioculturels, autrement plus complexes.
L'éducation des adultes représente donc une nécessité
parce que:
Par exemple, les règles du marché économique, de
- le monde change, les entreprises, les systèmes et
l'organisation et de la vie sociales constituent un nouvel
rythmes de production industrielle et agricole chan-
« alphabet» à maîtriser par tous les adultes, y compris ceux
gent rapidement. Pour être et demeurer compétitifs,
qui ont déjà un niveau d'instruction formelle élevé dans
ces systèmes doivent s'appuyer sur un personnel com-
des domaines autres que l'économie et/ou le droit.
pétent et capable de s'adapter rapidement. En même
Par exemple aussi, au Burkina comme dans de nombreux
temps que l'on prépare les futurs travailleurs que sont
pays voisins (Togo, Niger, Mali, Bénin), il y a un pro-
les jeunes, il faut former les travailleurs actuels que sont
cessus de décentralisation en cours depuis cinq à six ans.
les adultes;
De même que depuis la Révolution démocratique et
- les adultes représentent une proportion importante
populaire en 1983, il y a toujours des débats autour de
de la population. Cette population a tendance à vivre
la Réforme agraire et foncière. Le monde paysan, même
plus longtemps dans les pays développés, donc à pro-
organisé en Organisations paysannes, ne contribue pas
longer leur temps d'activité. Cette activité n'est plus
significativement à ces débats, faute d'avoir les moyens
unique mais multiple (« pluriactivité»), du fait de la pré-
intellectuels et culturels modernes de déchiffrement des
carité des emplois disponibles. Il faut anticiper sur ces
projets de textes et d'organisation autonome pour la
changements sociodémographiques en Afrique, plus pré-
défense de leurs intérêts.
cisément au Burkina, même s'ils ne sont pas encore aussi
visibles que dans les pays développés. Il faut assurer une
Dans le contexte de la mondialisation, la non-maîtrise
formation permanente aux adultes pour faciliter cette
des nouveaux outils culturels et techniques expose les
pluriactivité et leur insertion sociale, dans l'éventua-
acteurs sociaux, politiques et économiques à une margina-
lité d'un déclin du système traditionnel de solidarité
lisation croissante et durable, aussi bien au sein de leur
sociale et familiale;
propre organisation socioprofessionnelle, au sein de leur
- par ailleurs, l'accès des jeunes aux services sociaux
propre société que, surtout, au niveau international.
comme l'éducation, la santé et l'emploi, dans le contexte
Redéfinir les finalités de l'éducation scolaire
du Burkina, est déterminé par le niveau d'instruction
Les nouvelles conditions de participation à la vie sociale,
et la position sociale et économique de leurs parents.
économique, culturelle et politique exigent une relec-
Pour briser le cercle des inégalités sociales, il faut
ture des finalités de l'éducation scolaire et son orga-
aussi donner aux adultes, aux parents, les moyens d'amé-
nisation quasi exclusive autour des tranches d'âge infan-
liorer leur niveau économique et social;
tiles et juvéniles. Le rôle et la fonction de l'université
- Lié au progrès économique et technologique, le niveau
dans la société en général, et dans la formation/édu-
culturel exige un maintien et un développement par la
cation des populations en particulier, doivent être redé-
participation des adultes dont les expériences doivent
finis. Si jusqu'ici, ce rôle et cette fonction ont consisté
servir de terreau à cet effet, en même temps qu'elles pro-
à sélectionner une élite sociale (et politique) capable
curent à l'université une source de rénovation et un
d'atteindre rapidement les objectifs de développement
terrain expérimental sur lequel elle pourrait - devrait -
économique fixés, l'expérience des trois dernières décen-
vérifier la pertinence, l'efficacité dite externe des savoirs
nies a montré que ces objectifs eux-mêmes étaient biaisés
théoriques et savoir-faire pratiques dispensés;
par un manque de volonté d'ouverture démocratique.
-la formation des adultes fournira à ceux-ci les moyens
Le nouveau paradigme développementaliste est que
culturels pour participer efficacement à la vie politique,
le développement est étroitement lié à la démocratie,
nationale comme internationale, et pour influencer les
conçue comme facteur déterminant et antécédent. Loin
processus de prise de décisions.
d'atteindre les objectifs de développement, l'orientation
Si pendant les trois décennies écoulées l'université a
élitiste de l'université nous en a plutôt éloignés.
quelque peu négligé l'éducation des adultes au profit de
Pour rattraper ce retard, l'université devrait s'ouvrir
celle des jeunes, en vue de permettre au pays de rattraper
davantage à de nouveaux besoins et à de nouvelles clien-
son retard économique et social sur les pays européens
tèles dont, particulièrement, celles des adultes dans leur
développés, aujourd'hui, cet objectif doit être poursuivi
diversité.
à travers la mobilisation de toutes les ressources
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Sciences sociales et humaines
humaines, notamment celles des adultes parce que le
Bureau de coordination de la coopération Suisse, 1996c. Éva-
développement est étroitement lié à la démocratie... et
luation des programmes d'alphabétisation de la province du
que la démocratie en elle-même est un idéal à poursuivre
Kouritenga» par Messieurs Samuel Sanwidi et Robert Ouédraogo,
décembre 1996.
sans cesse.
BUTLER R. 1999. La révolution de la longévité, in Courrier de
Il ne s'agira pas d'une formation directe dispensée à tous
l'UNESCO, janvier 1999: 18-20.
les travailleurs adultes. Cela n'est pas possible pour des
CANAC Y. et La CEGOS, 1985. La bataille de la compétence.
raisons de manque de moyens financiers, matériels et
L'éducation professionnelle permanente au cœur des stratégies de
humains, mais, surtout, pour des raisons stratégiques
l'entreprise. Éditions Hommes et Techniques.
d'efficacité. Il y a une telle diversité des domaines et des
GAULLIER X., 1995. Pluriactivité à tout âge, in Esprit
niveaux de formation qu'il n'est pas possible d'envi-
na 217, décembre 1995 « Vers une société de pluriactivité 'l » : 9-31.
sager la mise en place d'un programme cohérent pour
satisfaire ces exigences diverses. Il s'agira plutôt d'une
LALLEZ R., 1976. L'innovation en Haute-Volta: éducation rura-
formation indirecte s'adressant exclusivement aux for-
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mateurs des adultes.
MEIRIEU P., 1996. Vers une école de la citoyenneté, in
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L'université de Ouagadougou a pris, lors de son sémi-
cité, par le Groupe français d'éducation nouvelle (GFEN).
naire de septembre 1998, l'engagement de s'ouvrir à
Chronique sociale. Lyon: 60-76.
l'ensemble de la société et du monde en mutation en
MIEGE B., 1995. La société conquise par la cornmunication.l ,
modifiant ses programmes et son organisation adminis-
Logiques sociales, Presses universitaires de Grenoble.
trative pour répondre aux différentsdéfis posés par cette
REICH R., 1993. L'économie mondialisée. Dunod / Nouveaux
mutation. La formation des adultes est l'un de ces défis
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qu'il faudra relever. 0
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l'heure de la mondialisation ».
les pratiques des partenaires et du programme alpha de la
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UNICEF, 1991. Actualisation de la situation des femmes et
tenu à Ouagadougou, les 12, 13 et 14 septembre 1996 -
des enfants pour le Plan quinquennal 1993-1997, partie relative à
Ouagadougou, 2 octobre 1996.
l'éducation-formation.
92
Rev. CAMES - Série B, vol. 02, 2000

Sciences sociales et humaines
Jusqu'ici, les universités africaines (francophones)
Ü 80 far, Francophone African universities in
en général, et burkinabè en particulier, ont négligé
CO general and the one in Burkina Faso in particular
l'éducation des adultes, notamment la formation
'-
ü) have neglected adult education and especially
des formateurs laissée à des institutions et des
.c the training of trainers left to institutions and staffs
personnels de niveau inférieur. Désormais, elles
« of lower grade. As of now, they need to be more
doivent s'y intéresser davantage afin de relever les
interested in this education in order to take up the
différents défis ou enjeux de la mondialisation :
different challenges of globalisation:
a) enjeux économiques concernant la compétitivité
a)
economic
challenges
concerning
the
des travailleurs adultes;
competitiveness of adult worker;
b) enjeux sociaux consistant à anticiper les chan-
b) social challenges consisting in anticipatinq the
gements socio-démographiques marqués par le
socio-demographical changes emphasized by a
vieillissement de la population, l'allongement et
population
growing
older
and
older,
the
la diversification consécutifs des activités;
tengthening and the consecutive diversification of
activities;
c) enjeux culturels consistant à accroître le poten-
tiel d'innovation et d'invention contenu dans l'ex-
c) cultural challenges consisting in increasing the
périence des adultes ;
innovating and inventing potentialities contained
in the experience of the adult;
d) enjeux politiques consistant à faire participer
davantage les adultes aux prises de décisions à
d) political challenges consisting in a greater
tous les niveaux et à redéfinir les finalités de l'édu-
participation of adults in the decision making
cation pour satisfaire ce besoin de participation de
procedures at ail levels and in redefining the
tous au développement.
finalities of education in order to meet the need of
~
everybody to participate in development.
Mots-clés : éducation. formation, adultes, enjeux, mondia-
lisation, compétitivité. développement.
Keywords:
education,
training,
adult,
challenges,
globalisation, competitiveness. development.
Rev. CAMES - Série B. vol. 02. 2000
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