Sciences sociales et humaines
Une parole de femme· le sànga dén Jula
Marc Aimé Nébié
Université de Ouagadougou, Burkina Faso
Introduction
À chaque étape ou plus précisément à chaque rite
spécifique,
correspond
un
épithalame
oeuvre
essentiellement de la gent féminine - portant un nom
Les chansons, dônkili, constituent, à n'en pas douter, une
spécifique. Ainsi peut-on citer notamment le k:5nYJ
part considérable de la création littéraire jula l ; on
sùsuli dônkili ou « chant de pilage des noces» entonné
pourrait même dire qu'elles représentent le genre le plus
par les femmes qui se réunissent pour piler le mil devant
productif.. Certaines occasions sont plus propices que
d'autres pour voir
éclore des
textes
oraux.
C'est
servir à la cuisine des mets des invités, le k:5nYJ kùndan
particulièrement le cas lors de la fête du kurubi2 et lors de
dônkili (mot à mot noces-tresser la tête - chant) exécuté
la célébration des mariages.
lors du rite pendant lequel on tresse les cheveux de la
mariée. Une fois la mariée conduite chez son mari, une
vieille femme lui apprend, de façon rituelle, à faire: la
En effet, la célébration des noces, k:5ny :J3 ,chez les Jula
donne naissance à un florilège de chants. À la différence
cuisine: c'est à ce moment que fuse le k:5nYJ
bolo
du mariage ou Juru4 , les noces sont ponctuées tout au
ylran dônkili ou « chant pour (apprendre) à la main de la
long
de
leur
déroulement
par
les
k:5nYJ
dbnkili,
nouvelle mariée
à frire ». Parmi toutes
ces sous-
littéralement chants de noces. Il y a une trentaine
catégories de k:5nYJ dimkili, nous nous intéresserons plus
d'années, le k:5nYJ s'étendait sur une semaine. Mais
spécialement à celle des k:5nYJ kànbo dônkili ou chants
présentement à cause des contraintes économiques, les
de lamentations. Ces chants ont été enregistrés sur le vif
noces s'étalent généralement sur quatre jours.
lors d'un mariage à Bobo-Dioulasso-.
Une note discordante!
Littéralement, chant (d!JJzkili) de pleurs tkànbo) de 1"
mariée (k:5I1YJ), le k:5nYJ kànbo dônkili est, par ailleurs,
Le k:5nYJ kànbo dônkilt constitue un cas de figure si l'on
appelé sànga dén
(funérailles-enfant),
« enfant
de
s'en tient uniquement à sa dénomination.
funérailles )) ou « petites funérailles ».
1 II s'agit de l'ethnie jula disséminée dans tout l'ouest du Burkina Faso depuis le Ige siècle avec l'expansion du royaume jula de Kong. Kong est actuellement une
petite ville située au nord-est de la Côte d'Ivoire, non loin de la frontière burkinabe. Le parler des Jula, appelé d'ailleurs à Bobo-Dioulasso kpinkan jùla
(littéralement jula des originaires de Kong), ne s'identifie pas exactement au jula véhiculaire, véritable lingua franca, parlé dans une bonne partie du Burkina Faso.
Pour la transcription nous utilisons l'orthographe de la sous-commission nationale du jula. Nous notons le ton (haut' ou bas') sur la première syllabe.
2 La danse du kûrubi se situe pendant le mois lunaire du Ramadan. Elle a lieu le quinzième jour pour le kun/bi fitini encore appelé kûrubi dénin ou « petit
surubi » et le vingt-septième jour pour le kûrubiba ou « grand kurubi ». Présentement à Bobo-Dioulasso, certaines femmes ont décidé de ne danser le kurubi qu'à
partir du jour même de la tète de fin du Ramadan, soutenant que l'Islam ne saurait s'accommoder de danses pendant ce mois sacré.
3 k:fIlY:J ,tout en désignant les noces. signifie aussi nouveau marié: on spécifiera à l'occasion k,j,yxcou
k:fnY:JlIlliso selon qu'il s'agit d'un homme ou d'une
femme. Le k,j,Y:J (ou k,j,y~a) jula et le kûrubi constituent autant de manifestations spécifiques qui permettent au Jula de préserver son identité dans un
environnement où il est minoritaire. Le mariage jula se démarque nettement de cette espèce dc mariage « cosmopolite» qu'on rencontre à Bobo-Dioulasso et
qu'on appelle tèlebin fûru, « mariage du couchant» et qu'aucune ethnie ne revendique.
4 LefunI, institution «juridique", se réduit aufi'ru siri, littéralement « attachement du mariage », célébré par les « mâles» dans une très grande simplicité. C'est
le contrepoint du ktny ».
5 La mariée, Minata Ouattara, a été suivie lors de ses différentes performances. Même si les noces sont l'apanage des femmes, il n'est pas interdit à un homme d'y
assister! Située à l'Ouest du Burkina Faso, à quelque 365 kilomètres de Ouagadougou, la capitale, Bobo-Dioulasso est ln seconde ville du pays.
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999
Jal

Sciences sociales et humaines
Dans ces deux appellations - qui sont, toutes deux, des
la conduire chez son mari.
Les noces débutent de
syntagmes - ce qui frappe, c'est le sème de tristesse, de
préférence un lundi, jour considéré comme faste par les
douleur qui transparaît. Cela est, de prime abord, assez
Jula au même titre que le vendredi connoté positivement
. paradoxal, tant l'antinomie paraît grande entre les noces
par l'Islam. Ce jour-là, les amies de la future mariée sont
et les funérailles. Les noces constituent en principe un
supposées la « kidnapper» pour aller la cacher dans une
temps où la joie doit être de mise car moment de
maison de retraite d'où elles ne la laisseront sortir qu'en
bonheur pour les familles. Il est à noter que chez les
contrepartie de cadeaux émanant du côté du futur époux.
Jula, peuple fortement islamisév, les funérailles ne
Avant ce rapt rituel, la future mariée chante. Elle chante
sauraient être des manifestations festives donnant lieu à
aussi, le mercredi soir, juste avant le kûrun. Quand les Jula
des chansons ou encore à des danses.:
disent kurun b:5ra, « le kurun est sorti », ils désignent par
Pourquoi alors de tels items pour désigner ces types de
là, la danse au cours de laquelle la jeune fille est portée en
chansons
dans
une
circonstance

est
censée
triomphe à califourchon sur les épaules des amis 8 de son
prédominer la gaieté?
futur mari qui dansent ainsi avec elle sur une place
Selon la tradition, ces chansons évoquent des absents,
publique: d'un « cavalier» à l'autre, ses pieds ne doivent
ceux qui manquent à la fête parce que « fauchés» par la
pas toucher le sol. Le lendemain jeudi, a lieu le dernier
mort. Les pleurs et les sanglots qui accompagnent le
tour des sànga dén où la jeune fille va devoir « pleurer»
rituel des sànga dén s'expliqueraient alors. Tantôt c'est
une ultime fois pour prévenir les unes et les autres de son
la soeur aînée qu'on appelle :
départ imminent; c'est ce même jour, vers seize heures,
ni BrJ sà 16n na
Le jour où mourait ma sœur
après la prière de l' Asr, que le mariage est consacré à la
aînée
mosquée. La jeune fille est maintenant officiellement
. ni kà o kà mûnni fj i yé (chant 1)
que t'avait dit
mariée et le parcours nuptial tend à sa fin. Aussi, tard dans
ma soeur aînée?
la nuit9, les femmes vont-elles se rencontrer et procéder à
Tantôt c'est la grand'mère qui est évoquée:
la conduite de la jeune épousée chez son mari.
ni màma sa 16n na
Le
jour

mourait
ma
grand 'mère,
De la nature des k:fnY:J kànbo d3nkili
ni màma kà mùnnif j àri yé (chant 4)
que
vous
avait dit ma grand'mère ?
Les sànga dén sont en fait bâtis sur une même structure,
Une autre particularité des sànga dén est le statut de
un seul texte de base que chaque jeune fille reprend et
l'agent qui assume la performance. Ces textes sont
adapte à son propre vécu personnel. La « performatrice »
délivrés essentiellement par la future
mariée à la
se met en scène pour interpeller les différentes personnes à
différence des autres kôny» dbnkili qui sont l'oeuvre des
qui elle rend visite de cour en cour (/ù). Àinsi s'expliquent
femmes ou des jeunes filles. À la phase des sànga dén,
les différentes variantes d'une même chanson. En arrivant
ce n'est plus la mariée qui est célébrée ! En tant
dans une cour donnée, accompagnée par deux amies qui
qu'agent « performant» maintenant, elle fait la ronde
l'encadrent, la future
mariée s'accroupit, les deux mains
de sa parentèle pour honorer, célébrer d'autres femmes
jointes sur la tête1 0 - en signe d'affliction, de deuil - et
à son tour. Les k:5nYJ konbo dbnkili, se singularisent par
lance son « lamento» en direction d'une personne bien
leur réitération. Ce sont les seules chansons qu'il est
ciblée dont le norrr va généralement apparaître dans le
donné d'entendre à trois reprises, à des jours différents.
chant
: c'est Doussa
(chant
1),
Sanda
(chant
2),
En effet, la future mariée est tenue de faire trois fois le
Boulama (chant 3) .On comprend alors que le sànga déJi
tour de ses parents pour entonner les sànga dén: au
soit une chanson à la première personne, la parole littéraire
début des noces, le jour du kurun 7 et le jour où l'on doit
6 Jula est synonyme de musulman dans beaucoup de régions.

7 Le kûrun constitue en fait la présentation officielle de la future mariée à l'ensemble de la communaut~.
. '
'"
8 C'est pendant le kurun que femmes et hommes se retrouvent pendant les noces: les tambourinaires et les hommes qUI vont faire danser la manee sont a
l'intérieur du grand cercle formé par les femmes et suivent celui qui porte la mariée.
.
. ">
. '
. .
9 La jeune mariée va ainsi bénéficier de la grâce du vendredi car chez les Jula, dès la tombee de la nuit, on passe au JOur suivant. Selon un Hadith, le Prophete
aurait dit: « le jour le plus distingué de la semaine est celui du vendredi, il est le plus grand au regard de DIeu ».
10 On réprimande vertement un enfant qui s'amuse à faire un tel geste en temps ordinaire. Il arrive que certaines jeunes filles attachent un bandeau blanc autour de
la tête, le blanc étant synonyme de deuil; c'était le cas de celle que nous avons suivie.
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Sciences sociales et humaines
engageant grandement celle qui la dit.
varient selon l'agent perfonnateur. Cela s'explique
De composition simple comme la plupart des chansons
puisque le destinataire à qui s'adresse la chanson -
féminines julall - cf. J. Derive, 1978 -, le konya kànbo
remarquons qu'elle est toujours en situation - change
dbnkili est repris plusieurs fois jusqu'à ce que la
suivant le déplacement de la future mariée d'une cour à
personne apostrophée invite la « pleureuse» - d'où
une autre. Et chaque chanteuse évoque ses tàabagarit>,
l'appellation de ce type de chansons - à se relever et à
c'est-à-dire celles qui sont parties. Chez une même
sécher ses larmes.
.
interprète, lors de ses performances successives, le
Le
contenu de la chanson sera tributaire de la défunte
sànga dén est avant tout une parole de femme, mùso
kûma, dite par une femme à une femme: l'émetteur et
interpellée et du message qu'on entend délivrer à un
le récepteur appartiennent tous deux au monde féminin.
récepteur précis.
Le rituel consiste à faire essentiellement le tour de la
Quelles que soient les variations des unes et des autres,
parentèle
féminine,
notamment
les
mères
une pennanence demeure dans toutes les versions: c'est
l'évocation de la mort et donc de celles qu'elle a
classificatoires
d'ego,
les
baY:Jg:Jri12,
les
soeurs
emportées pour exprimer le préjudice qu'elle fait subir à
classificatoires.
la mariée pour ses noces :
Mais pourquoi une « sortie » chez les parents de sexe
kôba dtgoman ti
féminin uniquement 13 ? La configuration de la société
Ce n'est pas un petit
julà donne déjà une première réponse. De l'enfance à la
événement
nubilité,
la fille 14 vit dans le monde des femmes -
sàya kà ni koba dogoya (chant 2) La mort a amoindri
giron de sa mère, son entourage, ses relations - qui
mon grand événement
assure l'essentiel de son éducation. Rien de surprenant
Le mariage - à travers les noces - est effectivement un
événement majeur, kôba, vu tout ce qu'il implique et
donc que la jeune mariée, la kdnyo mùso, avant de s'en
mobilise. Déjà une raison suffisante des sanglots de la
aller « ailleurs », visite surtout celles qu'elle a toujours
jeune fille. Et si la « grande affaire» a perdu de son
côtoyées, qu'elle connaît mieux et qu'elle a appris à
éclat, c'est parce que celle qui était censée contribuer à
aimer; ce sont ces dernières qui l'ont vue grandir, qui
cet éclat n'est plus. Fauchée par la mort, elle ne peut plus
savent mieux que quiconque les affres qu'elle a eu à
respecter le sennent, kim kélen, qu'elle avait fait, comme
traverser et qui ont sûrement eu à la consoler, à couvrir
le disent toutes les chansons. C'est l'aînée (ou la
ses frasques, à la conseiller. Le contenu des sànga dén
grand'mère, chant 4) qui n'est plus là pour acclamer,
le démontre.
woowo, sa cadette dans toute sa splendeur :
ni k?JrJt/ kà àfj
Ma grande soeur avait dit
-Être
sans
paraître
ou
comment _
kà àle nà woowo f j ni yé qu'elle allait me crier woowo
chanter les mortes pour louer les
ni woowo la lè yè bi yè 0 C'est le jour de mon woowo' 1
vivantes
aujourd'hui
Les « chants de pleurs de la manee» se ramènent
kàro kà jè ni na (chant 3)grande soeur s'est tue à moi.
en fin de compte à une chanson unique. La mélodie
restant la
même, les invocations et les allusions
Il Cela est censé faciliter la mémorisation et l'exécution et, partant, les variations.
12F
'd b'+
. b'(
' ) '
l '
< .
'
onne e a y:Jg:JrI.
a ou na, c est a mere ou toute lemme de la génération de la mère - y:Jg:Jri est un partitif qu'on ne rencontre jamais isolé: il désigne
un groupe par rapport à un autre, ici « les mères »,
1~ Nous ,n'~von~ pas eu à relever ~urant nos enquêtes sur le mariage jula une visite chez une personne de sexe opposé même si une informatrice nous a soutenu,
recemment que Jadis les hommes aussi étaient visités, Nous avons encore moins vu, comme l'affirme J, Derive pour Kong, la mariée aller « pleurer rituellement
devant la case de son amoureux (ny6nm:Jg:xyE>1 (1978 : p. 94).
~4 Da~s le milieu traditionnel, le garçon, dès l'âge de raison, était soustrait à sa mère et envoyé chez un maître coranique, son kàramogo qui se chargeait de son
education.
15 Formé de tàga, « partir», de - baga, suffixe d'agent, de - ri, marque de pluralité.
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Sciences sociales et humaines
Ce regret de la future mariée renvoie à la cérémonie du
En effet, les noces attirent beaucoup de gens et donnent
kûrun où, parée de tous ses atours, elle est portée en
lieu à de grandes agapes. D'olt la nécessité de sortir la
triomphe et acclamée par la foule. La voix de l'aînée
grande batterie 17 pour faire une cuisine qui incombe
décédée manque à ces clameurs. Elle n'est pas là pour
essentiellement à la famille de la femme. On mesure
lever les deux mains au-dessus de la tête, la paume
alors
l'apport
d'une
soeur aînée,
en
de
pareilles
tournée
vers
sa
cadette
et
faire
retentir
ce
cri
circonstances olt le prestige est engagé, pour diriger les
d'acclamation et d'admiration chez les Jula « woowà ».
« opérations» 18 car on ne tarde pas à être éclaboussé
Même le figuier, tàro 16, qui a poussé sur sa tombe n'a
par les personnes qui ont mal ou pas assez mangé. C'est
pas daigné se manifester à sa place (chant l , verset 25).
l'importance de cette cuisine qui explique que les
Malheur extrême car le figuier est censé être symbole
femmes se réunissent pour piler les céréales - et c'est là
de vie, D. Zahan (1963 : 97) fait remarquer que, chez
que fusent les k5nYJ sùsuli dônkili dont il a déjà été
les Bambara, cet arbre joue un rôle important dans le
question. Mais voilà que la principale intéressée ne
rituel funéraire car « le cadavre est toujours enterré avec
répond pas à l'appel, laissant sa tâche inaccomplie :
une branche de taro
qui
symbolise la vic et la
résurrection ». Une croyance populaire ne soutient-elle
ni kôro dàni tora téngu ra (chant 1 V. 27) Le fardeau de
pas que voir éclore les fleurs
du figuier - elles
ma soeur aînée est restee sur l'arbre fourchu.
n'écloreraient que de nuit! - c'est être sûr de connaître
une très grande félicité.
Or une charge ne saurait rester sur un « tengu » ;
lorsqu'au cours de ses pérégrin: :ions 19, le colporteur
Ce n'est apparemment pas le cas chez la mariée car si la
jula déposait, épuisé, son ballot sur un arbre fourchu
voix de sa soeur aînée lui manque, comme on l'a vu, ses
pour se reposer, c'était pour pouvoir le recharger sur la
bras aussi lui manquent. Elle se refuse à l'aider:
tête, sans avoir besoin d'aide, et continuer S0n chemin.
Pourquoi l'aînée est-elle donc restée sur le trajet? On
à mà la ni làngaduru yé
Elle
ne
s'est
pas
saisit alors ce besoin pour la cadette de l'interpeller
couchée avec une maladie
pendant ses noces car, comme le fait si bien remarquer
Zumthor (1983 : p.11), « La voix est vouloir-dire et
ni k?Jr J bànna ni bâara la (chant 1) (Et pourtant) ma
volonté d'existence. Lieu d'une absence qui, en elle, se
soeur aînée a refusé mon
travail.
mue en présence, elle module les influx cosmiques qui
nous traversent, et en capte les signaux : résonance
Et quel est ce travail auquel on se dérobe? L'aînée
infinie, qui fait chanter toute matière... »,
avait promis de « faire bouillir une grosse marmite»
C'est ainsi une manière de témoigner qu'on n'oublie pas,
pour sa cadette, le jour de ses noces:
en ces moments de fêtes, les défunts dont on peut se
concilier, selon la croyance, les bonnes grâces en les
ni kôr» Tata t'/kà àJ5
Ma grande soeur Tata avait
évoquant, surtout lorsqu'il s'agit de la mère génitrice.
dit
Mais cette « volonté d'existence» est si manifeste qu'on
peut se demander si les sànga dén, tout en « rappelant »
àle nà dàgà lè gbàn ni yé (chant 2, V, 22 et 25) qu'elle,
les morts, ne visent pas plutôt à rappeler aux vivants leur
en personne, allait mettre à chauffer une marmite pour
devoir de souvenance et, peut-être, tout simplement leur
moi.
devoir. Si la défunte a failli à sa tâche, le défi doit être
relevé par les vivantes. Dans le chant 1 par exemple, on
voit que la future mariée rappelle aux originaires de
Péni, son village natal, que le fardeau de sa soeur - donc
de leur soeur également ou de leur fille - est resté sur le
« tengu ».
16 Ficus gnaphalocarpa,
17 On prend alors de grosses mannites qui, de nos jours, portent un numéro: plus ce numéro est élevé (n° JO par exemple) et plus la contenance de la mannite est
grande.
18 11 n'est pas rare d'entendre en de telles occasions des réflexions du genre: « si une telle était là... », ce qui est de nature à déclencher des drames par ces rappels
inopportuns.
19 Ces voyages se faisaient à pied. Le transport par automobile n'est apparu que bien longtemps après la colonisa':, .,.
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Sciences socialeset humaines
La mISSIOn qui
ll1combe, aux
vivantes semble si
nubilité, avant de s'en aller définitivement vers son
explicite que l'une des femmes interpellées va répliquer
nouveau
domicile,
la
résidence
conjugale
étant
à la performatrice en ces termes : i ta woowà yé. Tata
essentiellement virilocale?
tûgu ta woowà yé. i woowà camon. « Voici ton
woowo ! voici en plus le woowo de Tata! Beaucoup de
Nous rejoignons ici le niveau symbolique de cette
woowo.pour toi! », La première acclamation est de la
évocation
des
défuntes,
ce
qui
pourrait
expliquer
part de la femme elle-même, la deuxième sera faite au
davantage cette « intrusion ou plutôt cette incursion des'
nom de Tata, la disparue, l'Absente qui avait promis de
défuntes» à un moment pareil. Le départ de la jeune fille
le faire. Ce qui mérite d'être particulièrement souligné,
représente une perte pour sa famille, la mort pour son
c'est que cette femme commence par dire : wûli Ji
lignage d'origine qui perd ainsi un de ses membres22.
d5g:Jl1in 20 nyùman « relève-toi, ma petite soeur bien
Ce thème du mariage, synonyme de mort effective, est
récurrent
dans
la
littérature
orale
jula,
et
plus
aimée ».
particulièrement dans les contes, les tàlen. C'est, par
Ce message sous-jacent est fondamental : on met
exemple, le conte de la jeune fille qui finit par se faire
d'abord l'interpellée - le chant est toujours ciblé - en
avaler par le mari-serpent qu'elle a choisi malgré les
demeure de répondre au salut « sàlamu kànda »21,
mises en garde de ses parents. Le nouveau lignage
première forme de communication pour être assuré que
n'avale-t-il
pas
socialement
la
nouvelle
mariée,
ce qu'on va délivrer sera reçu; ne pas répondre à une
affaiblissant du coup la vitalité de son lignage premier?
salutation, c'est refuser le dialogue, cesser de tisser des
Paulme fait remarquer à propos: « A son-in-law is an
relations sociales. Or la dmension sociale du mariage
ogre, who se part it is to « eat the daughters
n'est plus à démontrer. Ici, plus qu'ailleurs, il demeure
». His in-
laws will have him remember this at the woman's
une affaire essentiellement collective. Si même les
funeral by invading his house and overthrowing the beer
morts sont mis à «contribution », les vivants ne
and
food
which,
as pityfull countergifts far from
sauraient se dérober. Chacune est tenue d'épauler la
pacifying them make them act as balked creditors »
future mariée et de contribuer au succès des noces.
(1967 : 51). Ce rapprochement entre mort et mariage
Après s'être suppléée à la soeur défunte polir acclamer
n' e it certes pas propre au monde jula : on le retrouve
la « reine du jour », la femme interpellée va s'engager
ailleurs dans la littérature universelle (cf Aarne, 1973,
aussi à « faire la grande cuisine» que la défunte n'a pas
notamment pour les contes, Aarne-Thompson 400-459).
su assurer comme elle en avait fait la promesse. La
Dans l'espace imaginaire qu'est le conte, lorsque la
société doit donc chercher à « restituer à la victime
nouvelle épousée est en danger, c'est sa famille 23 -
l'équivalent du dommage subi» (Bremond, 1966 : 75).
frère, soeur. .. - qui va opérer la médiation pour la sauver.
Ainsi la mort devient-elle raison et prétexte, évocation
et invocation. Invoquer les mortes, c'est permettre aux
Rien d'étonnant donc que dans la réalité, la jeune fille
relations sociales d'être plus vivantes, plus dynamiques
fasse ses adieux en effectuant le tour de ses parents ; si
en ~ssurant)a relève des tâabagari (celles qui sont
elle ne prévient pas de son départ, qui lui portera
parties) et en prolongeant leur existence à travers la
assistance le jour où elle sera confrontée à des pro-
réaffirmation et la réalisation concrète - et posthume -
blèmes ? En effet toutes celles à qui la future mariée
de
leurs
engagements
de
vivantes.
Relations
de
rend visite sont des femmes mariées qui connaissent les
convivialité par excellence que ce tour de la parenté
difficultés et les aléas de la vie conjugale. Aussi l'un des
pour mieux la raviver
voeux formulés à l'intention de celle qui vient « se
t:t mieux la consolider.
confier» à plus expérimentée dit-il notamment: « Que
Mais une future mariée a-t-elle besoin de passer par les
Dieu t'accorde un foyer paisible !»24.
mortes pour livrer un message de vie et surtout
La future mariée se concilie d'autant mieux les bon-
remercier toutes celles qui l'ont soutenue jusqu'à sa
nes grâces de ces femmes expérimentées qu'elle rend
20 nin est un diminutifafTectif, d:fg:J signifie déjà cadet, petit.
21 Toutes les chansons débutent ainsi (cf. textes).
22 Il est ~ntéressant de rappeler que la jeune mariée chante en particulier le jour où l'on doit la cacher et le jour où elle doit s'en aller: en fait, deux jours où elle
« disparaît » !
23 Beaucou~ de chansons ont pour, thème le désan:oi de la mariée de n'avoir personne - aucun parent - pour lui venir en aide, un jour, en cas de besoin. Cf. les
chants du kunm que nous donnons a titre d'Illustration.
24 Littéral-.ment« lue Dieu facilite pour toi J'endroit où tu va t'asseoir» àla ma i sigi dûga n?~p J'am i yé.
.
/
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Sciences sociales et humaines
hommage à leur expérience, à leur patience qui leur a
Et comme le fait remarquer Goldmann (1965 : 38)
permis de supporter les incartades de l'effrontée qu'elle
« Toute forme littéraire (et toute grande forme artistique)
a été (le terme nyânagbsle revient systématiquement
est née du besoin d'exprimer un contenu essentiel »,
dans
toutes
les chansons dès
le verset 5). Ainsi
reconnaît-elle dans le chant 3 qu' « il est plus ardu
Des
pleurs
à
la
littérarité
ou
d'éduquer un enfant que de le mettre au monde» : dén
« talents» de femme
lâmo lè yo gbèi« dén warD yé (V. 33).
Dans le chant 5, la jeune fille salue mère Djénéba qui ne
s'est jamais laissée rebuter par les langes sales et qui
Nous essaierons de relever, juste pour l'essentiel, les
s'est même forgé un caractère pour supporter la crasse:
caractéristiques des sangà dén qui, s'ils se veulent
messages, sont aussi expression esthétique.Les sànga
ni nâ jsneba ni nôgo sbn mina a
Merci à ma
mère
dén sont avant tout une poésie lamentative où la voix
Djénéba pour avoir supporté la saleté
devient son propre instrument. On remarque lors des
autres chants de noces la présence d'instruments de
musique (tambours, djembé, castagnettes ...). Lors du
ka à kà nôgo sim mina kÉ
Elle a vraiment
k:5nYJ sùsuli dônkili par exemple, ce sont les coups de
supporté la saleté
pilons dans le mortier et autres battements de mains qui
rythment les paroles. Dans le sànga dén, les modulations
ka à ni dénbaya
Merci à elle pour avoir su être
plaintives égrenées sur une voix plutôt basse suffisent ;
mère.
la voix ne s'élève que vers la fin du chant lorsqu'il s'agit
d'adresser des remerciements, de rendre hommage-v.
Dans une société où femme rime avec maternité, cet
hommage à la mère, par celle qui est appelée à devenir
Les différents textes des sànga dén présentent dans
bientôt mère elle aussi, est une prise de conscience de la
l'ensemble la même composition. Le chant 5 permet de
future mariée et un adieu - donc mort - à une vie jusque
là faite d'Insouciance.
~
l'illustrer:
En définitive, nous pouvons dire que les sanga dén en
- au début invariablement la même formule de salutation
combinant les deux pôles de l'existence - vie et mort -
empruntée à l'Islam ou plutôt à l'arabe (verset 1 à 4 du
entendent surtout rappeler la continuité, la permanence
chant 5) ;
du groupe, la nécessité de la solidarité. Rappeler les
mortes pendant les noces, n'est-ce pas aussi un moyen
- l'objet de la visite ou de la quête: remercier (V. 5 à 8)
de montrer qué le mariage est un moyen de transcender
et s'informer ; mais en fait l'information est déjà sue,
la mort par son processus de régénération au centre
d'où cette question purement rhétorique-? « que vous
duquel se trouve la femme ? Si ailleurs on souhaite
avait dit ma soeur aînée? » (Verset 5 à 19) ;
« heureux ménage» aux nouveaux mariés, les Jula
préfèrent dire : àla ma bolo ni sén b:5ra à ra. « Que
- l'évocation de la mort et de son impact négatif (verset
Dieu
en 25
fasse
sortir des
bras
et
des
pieds ».
20 à 23) ;
Manifestement le mariage est porteur de vie. Les k:5nY:J
kànbo
dtnkili
relèvent
aussi
d'une
certaine
- le chant se clôt par l'expression de la gratitude de la
thérapeutique cathartique.
future mariée, ce qui se traduit par une rupture dans le
rythme. Ainsi va-t-on passer d'un rythme lent à un
rythme plus vif à la fin, ce qui peut amener d'autres
personnes à reprendre en choeur la finale.
25 C'est-à-dire de l'union.
26 Cela traduit la rupture entre l'évocation de la morte et l'hommage à la vivante.
27 Cette fausse question sourdait déjà de J'expression utilisée kan kélen (cou, voix-un) qui signifie promesse, serment.
]06
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999

Sciences sociales et humaines
Il ne s'agit pas, bien sûr, d'un ordre immuable mais des
(cf notamment V.8 à 19). Il ne faut pas oublier que le
éléments entrant dans la composition d'un sanga dén.
rituel
du
sanga
dén
est
lui-même
réitération: il
Dans le chant 3, l'effet négatif de la mort apparaît dès
revient trois fois
au cours des
noces. On
pourrait
les versets 9 à 10 (« ce n'est pas un petit événement, la
d'ailleurs se demander pourquoi trois fois et pas quatre
mort a amoindri mon grand événement »), donc avant
qui est le chiffre de la femme.
.
même l'interrogation,. On pourrait se demander aussi
Cette réitération systématique traduit la simplicité de la
pourquoi
le
chant
4
par
exemple
présente
une
composition et entraîne, de toute évidence, le retour des
« structure
incomplète »,
passant
sous
silence
les
mêmes sonorités, l'allitération et l'assonance devenant
manifestations de gratitude annoncées pourtant dès le
de ce fait un élément rythmique. L'examen du texte du
début: ni bcra ni nà à fd i ni wàle, « je suis sortie pour
chant 1 permet de s'en rendre compte: chaque unité de
venir te dire merci », Merci pourquoi ? C'est ici que
souffle est répétée. Parfois d'une unité à une autre, la
l'on voit le rôle de l'auditeur sur la performance en
différence
s'opère juste
au
niveau
d'une
particule
situation d'oralité. Il arrive souvent que, pour ne pas
phrastique ou rythmique (0, wé). Chaque sànga dé» en
prolonger la pénible séance des pleurs, la destinataire du
lui-même est une réitération car il est repris daris son
chant relève la mariée en l'invitant à sécher ses lannes,
intégralité jusqu'à ce qu'on invite la future mariée à se
pour ne pas éclater elle-même en sanglots - comme
relever.
c'est souvent le cas. Et puisqu'on se trouve dans une
relation d'aînée à cadette, l'invite est acceptée sans trop
Les
kony» konbo dbnkili que nous présentons ici
de peine. Une autre explication se trouve dans la
n'abondent pas particulièrement en figures de style - à
flexibilité du texte oral. Comme nous l'avons déjà vu,
l'instar
de
celles
qu'on
rencontre
dans
d'autres
d'une cour à une autre, le chant subit des fluctuations
épithalames ou dans les chants du kurubj28 - cf. J.
dues à la situation particulière de l'agent au moment de
Derive, 1978. Les propos s'apparentent davantage à ce
la performance. Il s'agit plus alors de « discours plutôt
que les Jula nomment kûma gbé, parole claire dont le
que des textes, des messages - en - situation et non des
signifié se situe au niveau de la dénotation. On peut
énoncés finis» (Zumthor, 1983 : 126).
cependant noter la personnification du figuier, taro, les
périphrases
pour
désigner
la
soeur,
kiro (terme
Exécuté totalement ou partiellement, le chant garde tout
abondamment utilisé par ailleurs) :
wàronyogon
de même sa finalité première: la visite que l'on rend
(littéralement « né comme moi », chant 2 V. 17), sàbaga
. n'est-elle
déjà
pas,
elle-même,
un
début
de
joona, « la défunte prématurée» (chant l, V. 23) ; ces
reconnaissance, un
hommage rendu
à celle qu'on
périphrases permettent de rompre avec la répétition. La
interpelle en entonnant le chant? Voilà pourquoi le
métaphore la plus évidente est celle de « la charge restée
sànga
dén
connaît
une
abondance
d'apostrophes
sur l'arbre fourchu », don i tora téngu ra (chant 1) pour
invocatoires : on constate dans le chant 1 un emploi
évoquer la soeur aînée partie « sans avoir vidé son
anaphorique de « Peni nàbagari » et surtout de màma
carquois ». Cette image s'intègre dans l'univers culturel
qui subit une amplification. Dans le chant 4, kiro est
jula, tant elle s'appuie sur une activité fondamentale de
soumis au même traitement que màma.
cette société, le commerce, safarlya 29 , conduisant en de
fréquents déplacements de village en village, un ballot
Les différentes constructions anaphoriques sont autant
de marchandises sur la tête (cf. Person, 1968).
de répétitions qui, ajoutées aux
nombreuses autres
Ce souci d'éviter des fioritures va se retrouver au niveau
reprises dans les chants, contribuent à faire des sànga
de
la
syntaxe
: suppression des
mots de
liaison,
dén de
véritables
litanies.
Pratiquement
tous
les
juxtaposition, procédé de la parataxe. Ainsi trouve-t-on
; éléments sont réitérés au moins une fois : k!Jr:;
est
ni bdra ni nà à fd « je suis sortie, je vais dire» au lieu
repris douze fois dans le chant 3, dix fois dans le chant
de ni bom ka ni nà à fd
« je suis sortie pour venir
: 1 ; (dans ce même chant l, on peut remarquer que
(ch~que
dire ». Au lieu de ni bi nyôgonna Ion kà sé, la chanteuse
1
verset
débute
pratiquement
par
ni
r
préfère supprimer ni « si » qui établit lacouditionnalité
28 La fonction poétique est nettement plus marquée dans les chants de chasseurs (cf. M.J. Derive, 1978).
29 jùlaya, Fn ju!a véhiculaire.
.
\\
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999
107

Sciences sociales et humaines
(chant l, V. 20). La rupture entre koba d:5g:Jf71Gn ti et
pour mieux marquer
l'opposition
entre les deux
sàya kà ni kàba d:5g:;ya (chant 2, V. 9-10) est marquée
éléments; il en est de même au chant 2 entre les versets
par
la
simple
juxtaposition alors que dans le lan-
29 et 30. On opte, pour ainsi dire, pour une syntaxe plus
gage ordinaire, on aurait nécessairement ngà « mais»
« fluide».
Conclusion
Références bibliographiques
En définitive, on peut dire que le k:5nY:J kànbo donkili
Aarne, A. 1973: The types of the folktales. A classification and
bibliography, translated and e/arged by
S. Thompson, Helsinki,
ou le sànga dén participe surtout d'un rituel qui se veut,
F.F.C. n° 184.
avant tout, un hommage d'une femme - aux portes du
Bremond, CI. 1966:
« La logique
des possibles narratifs »,
mariage - aux défuntes et aux vivantes. Au moment où
Communications, 8, Paris, Seuil, pp. 00-76.
Derive, J. 1978: « Le chant dù Kurubi à Kong », Annales série J
la nouvelle mariée, k:5nY:J mùso, s'en va, « meurt» pour
(traditions orales), t. II, Abidjan, Université, pp. 85-114.
sa communauté, c'est l'occasion idéale de rappeler
Derive, M-J. 1978 : « Chants de chasseurs dioulas », Annales série J
qu'on ne' saurait oublier celles qui sont parties. La
(traditions orales), l. Il, Abidjan, Université, pp. 143-171.
meilleure façon de se souvenir d'elles, c'est d'appeler
Goldmann, L. 1965 : Po?!;' une sociologie du roman,
Paris,
Gallimard.
les vivantes au devoir de solidarité en les amenant à
Gërëg-Karady, V. 1997 : L'univers familial dans les contes
réaliser la promesse que les défuntes avaient faite. Et
africains. Liens de sang, liens d'alliance, Paris, L'Harmattan,
comment les y amener sans comptabiliser, tout en leur
Paulme, D. 1967 : « Iwo themes on the origin of death in West
sachant gré, ce que les différentes femmes visitées ont
Africa », Man, 2 (1). pp, 48-61 ,
1984 : Qui mangera l'autre? Le thème du « conjoint animal) dans
pu faire jusqu'à présent pour celle qui se marie? En le
les contes d'Afrique noire, Cahier d'Études africaines, 24 (2), pp.
disant simplement, mais en le martelant plusieurs fois,
205-233.
avec, à l'appui, l'argument des sanglots, sûrement
Person, Y. 1968 : Samori,
une révolution dyula,
Dafar IFAN
serait-on mieux entendu, car ne pas être entendu, c'est
(Mémoires, 68), l.l
Revel, N. et Rey-Hulman D. 1993 : Pour une anthropologie des
l'anéantissement, synonyme de mort totale. On pourrait
voix, Paris, L'Harmattan, Ina1co.
peut-être voir un symbole dans ces « petites funé-
Zahan, D. 1963 : La dialectique du verbe chez les Bambara, Paris,
railles» - sànga dén - célébrées par la mariée dans son
La Haye, Mouton.
lignage d'origine avant de s'en aller « ailleurs» : les
Zumthor, P. 1983 : Introduction à la poésie orale, Paris, Seuil.
« grandes» funérailles - les véritables ! - seront
essentiellement l'affaire du nouveau lignage qui va
« l'absorber ».0
R Une parole de femme:
A
Wedding ceremonies in the Jula ethnie group in
é
le sànga dén Jula
b
western Burkina Faso give rise to an anthology of
songs mostly of female production, The « sanga
. S
La célébration des noces chez les Jula, ethnie
S
den» are wailing sonqs carried out by the bride in a
u
de l'Ouest du Burkina Faso, donne naissance à
t
m
particular ritual in view of crying over deceased
un florilège de chants, œuvre essentiellement
r
parents. In celebrating the departed, the bride calls
é
des femmes. Les sànga dén sont des chants de
a
out to girls who are still alive to give them thanks and
lamentation exécutés par la future épousée à
c
urge them to care for the too early departed ones.
travers un rituel particulier pour pleurer ses
t
parentes disparues. En célébrant les absentes,
Key words: wedding ceremonies, bride, wailing songs,
la jeune fille interpelle les vivantes pour les
woman
remercier et les inciter à reprendre la charge de
celles qui sont, trop tôt, parties.
Mots-clés: noces, mariée, chants de lamentàtions,
femme.
108
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999

Sciences sociales et humaines
TEXTES30
14. ni kôro kà mùnni [:5 i yé Que t'avait dit ma
CHANT 1
grande sœur?
1.
sàlamaleku'Que le salut soit sur vous!
15 ni kôro sà Ion na wé
Oui,
le
jour

2. ni màma'isàlamu kânda
Ma grand'mère,
mourait ma grande sœur
réponds à mon salut.
16. ni kàro kà mùnni [:5 i yé Que t'avait dit ma
3. sàlamaleku 0
Que le salut soit
grande sœur?
bien" sur vous!
17. ni kôro ni kôro ti kà à [:5 Ma grande sœur,
4. ni màma sàlamu kânda
Ma grand'mère,
ma grande sœur avait dit
réponds à mon salut.
18. ni kàro Tata ti kà à [:5
Ma
grande
sœur
5. nyânagbsle minabaga màma
Tata avait dit:
Grand'mère qui a porté l'effrontée,
19. ni Minata i lâje
Ma Minata, ne t'en fais
6. ni bora ni nà à [:5 i ni wàle"
Je suis
pas,"
sortie pour venir te dire merci.
20. bi nyôgonna Ion kà sé
(si) un jour
7. nyânagbsle minabaga màma
semblable à aujourd'hui survenait
Grand'mère qui a porté l'effrontée,
21. àle nà woowa lè [:5 ni yé (qu ')elle allait me
8. ni bora ni nà à [:5 i ni wàle
Je suis
crier
37
WOOW0
sortie pour venir te dire merci.
22. a la lè yé bi yé
(or) voici ce jour
9. ni màma dusa wé
Ô ma grand'mère
aujourd'hui.
Doussa,
23. sàbaga jôona kàjè ni na La défunte
la. ni ké ni
yé i nyininga kan kélen" na
prématurée s'est tue à moi.
Je voudrais t'interroger sur une promesse.
24. sàbagajôona jèra ni na
La défunte
Il. ni màma
dusa wé 0
Ô ma grand 'mère
prématurée s'est vraiment tue à moi.
Doussa,
25. kàburu taro kà la a kàn
Le figuier de la
12. ni ké ni yé i nyininga kan kélen na
tombe s'est joint à elle.
Je voudrais t'interroger sur une promesse.
26. ée taro wé hale kàburu la taro wé
Ô figuier,
.13. ni kôro sà Ion na Le jour où mourait
même (toi) le figuier de la tombe!
ma grande sœur,
30 La traduction s'est voulue délibérément très proche du texte jula (au point d'être parfois maladroite). Lorsqu'un ajout
s'est avéré indispensable, il a été mis entre parenthèses.
31 li s'agit d'une expression empruntée à l'arabe et qui sert de formule de politesse lorsqu'on pénètre dans un domicile.
Chaque ligne correspond à une unité de souffle.
32 Màma signifie grand'mère, mais c'est aussi l'appellation usuelle, affective d'une personne qui porte le même prénom que
sa grand'mère. Dans le chant 3, la chanteuse utilise màma et na (mère) pour s'adresser à la même personne.
33 C'est la particule phrastique 6 que nous rendons ainsi.
34 i ni wàle signifie littéralement « toi et le travail ». C'est une formule idiomatique jula qui sert à saluer, à remercier (ainsi
dira-t-on à un cultivateur revenant de son champ i ni kôngo, « toi et la brousse ») : on met l'interpellé en rapport avec ce-
qu'il fait ou ce sur quoi on veut porter l'attention. Nous préférons traduire ici par merci.
35 kan kélen désigne celui qui n'a qu'une parole, qui respecte ses engagements.
36 À partir d'ici, la chanteuse va mêler style direct et style indirect, ce qui a la traduction (à l'écrit) apparaît bien maladroit
(mais cf. note 30).
37 Woowo est un cri de joie, d'admiration qu'on pousse pour acclamer,
féliciter quelqu'un. Nous avons préféré garder
l'onomatopée.
Rev. CAMES- Série B, vol. 01,1999
109

Sciences sociales et humaines
27. Peni nàbagari ni kàro dèni tara téngu ra
Originaires de Péni", le fardeau de ma
10. sàya kà ni koba
dogoya
La mort a
grande sœur est resté sur l'arbre fourchu.
amoindri mon grand événement.
28. Peni nàbagari a ni kôro deni tara téngu ra
11. koba dogoman té Ce n'est vraiment pas un
Ô Originaires de Péni, le fardeau de ma
petit événement,
grande sœur est resté sur l'arbre fourchu.
12. sàya kà ni kéba
dogoya
La mort a
29. à ma la ni làngaduru yé
Elle ne s'est pas
amoindri mon grand événement.
couchée avec une maladie,
13. ni màma Sanda wé
Ô ma grand'mère
30.ni kôro bànna ni bâara la (Et pourtant) ma
Sanda,
grande sœur a refusé mon travail"
14. ni ka ni yé i nyininga kan kélen na
31. à ma la ni làngaduru yé
Elle ne s'est pas
Je voudrais t'interroger sur une promesse.
couchée avec une maladie,
15. ni màma Sanda
wé 0
Ô ma grand'mère
32. ni kàro bànna ni bâara la (Et pourtant) ma
Sanda,
grande sœur à refusé mon travail.
16. ni kô ni yé i nyininga kan kélen na
Je voudrais t'interroger sur une promesse.
CHANT 2
17. ni wôronyogon sà Ion na Le
jour

1. sàlamaleku Que le salut soit sur vous!
mourait ma soeur utérine,
2. ni màma sàlamu kànda
Ma grand'mère,
18. ni wôronyogon kà mùnni f:5 i yé Que t'avait
réponds à mon salut.
dit ma soeur utérine?
3. sàlamaleku a
Que le salut soit bien sur
19. ni wôronyogon sà Ion na
Le
jour

vous!
mourait ma soeur utérine,
4. ni màma sàlamu kànda
Ma grand'mère,
20. ni wôronyogon kà mùnni f:5 i yé Que t'avait
réponds à mon salut.
dit ma soeur utérine?
5. nyanagbsle minabaga màma
21. ni kôro ni kôro ti kà à f:5 Ma grande soeur,
Grand'mère qui a porté l'effrontée,
ma grande soeur avait dit,
6. ni bora ni nà à f:5 i ni wàle Je suis sortie pour
22. ni kôro ni kôro ti kà à f:S
Ma
grande
venir te dire merci.
sœur Tata avait dit:
7. nyànagbsle minabaga màma
23. ni Minata lâje
Ma Minata, ne t'en fais
Grand'mère qui a porté l'effrontée,
pas,
8. ni bora ni nà à f:5 i ni wàle
Je suis
24. bi nyôgonna Ion kà sé
(Si) un jour
sortie pour venir te dire merci.
semblable à aujourd'hui survenait,
9. kôba" dogoman té
Ce n'est pas un
petit événement,
38 Péni est un village jula situé à une quarantaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso sur l'axe Bobo-Dioulasso - frontière de
la Côte d'Ivoire.
~
- ,
39 Le travail qu'elle devait faire pour moi.
40 kôba peut être connoté positivement ou négativement: c'est un grand événement heureux ou un gros malheur (comme la
mort) ; mais en fait ici, la mort est le grand événement par excellence puisqu'elle est capable d'éclipser tous les autres.
\\
110
Rev. CAMES - Série B, vol. 01. 1999

Sciences sociales et humaines
i
25.àle nà dàga lè gbàn ni yé
(Qu')elle allait
12. sàya kà ni k6ba
dcgoya
La mort a
mettre à chauffer une marmite pour moi?
amoindri mon grand événement.
26. 0 la lè yé bi yé ée"
(Or) voici ce jour
13. ni màma Bulama wé
Ô ma grand'mère
aujourd'hui.
Boulama,
27. sàbaga jôona kàjè ni na La défunte
14.
ni k6 ni yé i nyininga kan kélen na
prématurée s'est tue à moi.
Je voudrais t'interroger sur une promesse.
"A
28. sàbaga joona jèra ni na
La défunte
15. ni màma Bulama wé 6
0 ma grand'mère
prématurée s'est vraiment tue à moi.
Boularna,
1
29. kàburu toro kà
la 0 kàn
Le figuier
16.
ni k6 ni yé i nyininga kan kélen na
de la tombe s'est joint à elle.
Je voudrais t'interroger sur une promesse.
30.
ée toro wé, hale kàburu la toro wé
17. ni kôro sà 16n na Le jour où mourait ma
Ô figuier, même (toi) le figuier de la tombe!
grande soeur,
18. ni kèro kà mùnni f:S i yé Que t'avait dit
CHANT 3
ma grande soeur?
1. sàlamaleku
Que le salut soit sur vous!
19. ni kôro sà 16n na 6
Oui,
le
jour

2. ni màma sàlamu kànda
Ma grand'mère,
mourait ma grande soeur,
réponds à mon salut.
20. ni kèro kà mùnni f:S i yé Que t'avait dit
3. sàlamaleku 6
Que le salut soit
ma grande soeur?
bien sur vous!
4. ni màma sàlamu kânda
Ma grand'mère,
21. ni kôro ti kà à f:5 Ma grande soeur avait
réponds à mon salut.
dit
5. nyanagbsls minabaga màma
22. k6 àle nà wôowô f:S ni yé Qu'elle allait me
Grand'mère qui a porté l'effrontée,
crier woowo.
6. ni bora ni nà à f:S i ni wàle
Je suis
23. ni wéowô la lè yé bi yé 6 C'est aujourd'hui
sortie pour venir te dire merci.
le jour de mon woowo.
7. nyànagbsls minabaga màma
24. kôro kà jè ni na
Ma grande soeur s'est
Grand'mère qui a porté l'effrontée,
tue à moi,
8. ni bora ni nà à f:S i ni wàle
Je suis sortie
25. kèro jèra ni na
Ma grande soeur s'est
pour venir te dire merci.
vraiment tue à moi.
9. k6ba dégoman tÉ Ce n'est pas un petit
26. kàburu toro kà la 0 kàn
Le
figuier
de
la
événement,
tombe s'est joint à elle.
27. ée toro wé hale
kàburu toro wé
10. sàya kà ni k6ba
dogoya
La mort a
Ô figuier, même (toi) le figuier de la tombe!
amoindri mon grand événement.
28. à ma là-ni làngaduru yé
Elle ne s'est
Il. k6ba dégoman té 6
Ce n'est vraiment
pas couchée avec une maladie,
pas un petit événement,
-,
41 La chanteuse module sur la dernière syllabe de
Rev. CAMES - Série B, vol. 01,1999
III

Sciences sociales et humaines
8. ni kàro ni k6 àri ni wàle
Ma grande sœur
29. ni kôro bànna ni
bàara la
(Et pourtant)
je vous dis merci.
ma grande soeur a refusé mon travail.
9. ni kèro Makura

Ô ma grande
30. à ma la ni lângaduru yé
Elle
ne
soeur Makoura,
s'est pas couchée avec une maladie,
10.
ni k6 ni yé i nyininga kan kélen na
31. ni kôro bànna ni bàara la (Et pourtant) ma
Je
voudrais
t'interroger
sur
une
grande soeur a refusé mon travail.
promesse.
32.
sii byé yé à lon
Tout le monde sait
Il. ni kôro Makura
wé 6
Ô ma grande soeur
Makoura,
33. dén làmo lè

gbÈlE42
dén
w6ro

12. k6 ni yé i nyininga kan kélen mi
. (Qu')éduquer un enfant est plus difficile
Je voudrais t'interroger sur une promesse.
que mettre un enfant au monde.
13. ni màma sà l6n Va
Le jour où mourait
34. ni nàna [:5 na Bulama i ni wâle
Je suis
ma graud'rnère,
venue dire à mère Boulama merci.
14.
ni màma kà mùnni [:5 àri yé
Que
vous
35.
sii byé yé à lon
Tout le monde sait
avait dit ma grand'mère ?
36. dén làmo lè yâ gbàls dén w6ro yé.
15. ni màma sà 16n na 6
Oui, le jour
(Qu') éduquer un enfant est plus difficile
où mourait ma grand'mère,
que mettre un enfant au monde.
16. ni màma kà mùnni [:5 àri yé
Que
vous
avait dit ma grand'mère ?
CHANT 4
17. ni màma ti kà à [:5
Ma grand'mère
1. sàlamaleku Que le salut soit sur vous!
avait dit
2. ni kôro sà1amu kânda
Ma grande soeur,
18. k6 àle nà wéowô f:5 ni yé
Qu'elle allait
réponds à mon salut.
me crier woowo.
3. sàlamaleku 6
Que le salut soit
19. wéowô la lè yé
bi yé 6
Voici bien
bien sur vous!
aujourd'hui le jour du woowo.
4. ni kôro sàlamu kànda
Ma grande soeur,
20.
ni màma kàjè ni na
Ma
grand'mère
réponds à mon salut.
s'est tue à moi.
5. nyànagbsle minabaga kôro
21. màmajèra ni na
Grand'mère s'est
Grande soeur qui a porté l'effrontée,
vraiment tue à moi.
'b. ni kôro ni k6 àri" ni wâle Ma grande
22. kàburu tore kà la 0 kàn
Le
figuier
soeur, je vous dis merci.
de la tombe s'est joint à elle.
7. nyànagbsle minabaga kàro
Grande soeur qui a porté l'effrontée,
42 Nous avons ici une particularité du jula de Kong qui le distingue du parler véhiculaire qui n'a pas d'occlusives labio-
vélaires.
43 La chanteuse utilise la 2e personne du pluriel (collectif) alors qu'au verset 10 elle revient au singulier i, ce qui laisse
supposer que l'adresse oscille ici entre un groupe (de femmes présentes à ce moment-là) et un individu.
\\
Rev. CAMES - Série 8, vol. 01, 1999 '
\\

Sciences sociales et humaines
23. ée toro wé, hale kàburu la toro wé.
16. ni kôro kà mùnni f:5 an yé
Que
vous
Ô figuier, même (toi) le figuier de la tombe!
avait dit ma grande soeur?
17. ni kàro ti kà à f:5
Ma grande sœur
avait dit
CHANTS
IS. kô àle nà wôowô [:5 ni yé
Qu'elle allait
1, sàlamaleku Que le salut soit sur vous!
me crier woowo.
2. ni nà sàlamu kànda Ma mère, réponds à mon
19. ni wôowè la lè yé bi yé 0
C'est
salut.
aujourd'hui le jour de mon woowo,
3. sàlamaleku Que le salut soit sur vous!
20.
kôro kà jè ni na
Grande soeur s'est tue
4. ni nà sàlamu kànda
Ma mère, réponds à
à moi,
mon salut.
21. kèro j èra44 ni na
Grande soeur s'est
5. nyânagbsle minabaga nà Mère qui a
vraiment tue à moi.
porté l'effrontée,
22. kâburu tèro kà la 0 kàn
Le
figuier
6. ni bora ni nà à f:5 i ni wâle
Je suis sortie
de la tombe s'est joint à elle,
pour venir te dire merci.
23. ée toro wé hale
kàburu la toro wé
7. nyànagbsle minabaga nà 0
Ô mère qui
Ô figuier, même (toi) le figuier de la tombe!
a porté l'effrontée,
24.
kô à ni négo sàn mina 0
Merci à elle
S. ni bora ni nà à [:5 i ni wàle
Je suis sortie
pour avoir supporté la saleté,
pour venir te dire merci.
25. ké à ni nogo son mina"
Merci à elle
9. ni nàJensba wé
Ô ma mère
pour avoir supporté là'saleté.
Djénéba,
26. ni na Jsnsba ni négo sèn mina 0 Merci à ma
10. ké ni yé i nyininga kan kélen na
Que je
mère Djénéba pour avoir supporté la saleté.
t'interroge sur une promesse.
27. ko à kà négo sàn mina ké
Elle a
Il. ni na Jsneba wé 0
Ô ma mère Djénéba,
vraiment supporté la saleté.
12. kô ni yé
i nyininga kan kélen na
Que je
2S. kô à ni dénbaya 0
Merci à elle pour
t'interroge sur une promesse.
avoir su être mère.
13. ni kôro sà Ion na Le jour où mourait
29. kô à ni dénbaya
Merci à elle pour
ma grande soeur,
avoir su être mère.
14. ni kôro kà mùnni f:5 an yé
Que vous
30. ni na Jensba ni dénbaya 0
Merci à ma
avait dit ma grande soeur?
mère Djénéba pour avoir su être mère.
15. ni kôro sà Ion na wé
Le
jour

31.
kô à kà dénbaya ké
Elle a vraiment su
mourait ma grande soeur,
être mère.
44 kà jè et jèra traduisent tous deux
des accomplis ; mais -ra envisage le procès comme définitivement réalisé (non
, dynamique à la différence de kà). On aurait pu traduirejèra par « s'est définitivement tue »,
45 Nous retrouvons la même construction qu'à la note 34 : ncgo sôn mina signifie littéralement « retenir son caractère (pour
ne pas se révolter devant) la saleté ».
Rev. CAMES - Série B, vol. 01; 1999
113

\\Sciences sociales et humaines
Chant dekûrun II
ANNEXES
1. na yé à [:5 ànori

Mère nous a
Chant de kûrun 1
dit
1. i mana fén 'i na nyùman na
Si tu viens
2. ka nyùman ti môgo ta
Que le bienfait
à ne pas retrouver ta bonne mère
ne sauve personne.
2. dùgukolo lè nyininga
C'est la terre que
3.
bàa yé à [:5 ànori yé
tu dois interroger.
Père nous a dit
3. i mana [::ln i fà nyùman
mi
Si tu viens
4. ka nyùman ti môgo ta
Que le
à ne pas trouver ton bon père,
bienfait ne
4. dùgukolo lè nyininga
C'est la terre que
sauve personne.
tu dois interroger.
S. ànori kango cé ra kà la
Nous (voici)
S. dùgukolo kà kan min f:5 i yé
Le discours
étendues en pleine brousse.
6. minbaga ti ânori râ.47
Et personne pour
que te tiendra la terre:
6. sàya lè kà kôba la i kàn
C'est la mort
nous boire.
qui t'a imposé un gros malheur.
7. ànori kéngo cé ra sôso
Nous (voici)
haricots en pleine brousse,
7. dùgukolo kà kan min f:5 i yé
Le discours
8. cèbaga ti ànori ra
Et personne pour
que te tiendra la terre:
8.
sàya kà i ta kéba kà i ta
La mort t'a
nous ramasser.
abandonné, le gros malheur t'a abandonné
(à toi-même").
46 Cet ajout s'avère nécessaire car la traduction littérale aboutirait à un contresens en français.
47 Les versets 5 et 6 sont en alternance avec les versets 7 et 8 d'une reprise à une autre.
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Rev. CAMES - Série 8, vol. 01,1999