Sciences sociales et humaines
,
Etude de la géomatique cadastrale appliquée
à un quartier à habitat sous-intégré
.
de la ville de Lomé
Yao Dziwonou
Université du Bénin -
Lomé (Togo)
m III
III
Introduction
les problèmes urbains auxquels sont confrontés les pou-
voirs publics sont énormes et complexes et leur analyse
L'accroissementaccéléré de la population urbaine
meuble tous les commentaires pessimistes.
des pays africains ainsi que l'évolution de ses modes
de vie ne sont plus à démontrer. Urbanisée à moins
Le constat est encore plus préoccupant lorsqu'au clivage
de 10 % il Y a 30 ans, l'Afrique subsaharienne avait
des difficultés de gestion foncière se superposent ceux
un taux d'urbanisation moyen supérieur à 35 % en 1992
liés à l'absence d'un plan parcellaire cadastral portant
pour une population de 150 millions d'habitants et 40 %
sur les vieux quartiers à restructurer ou à rénover comme
de sa population sera urbanisée d'ici l'an 2000
ceux de Bè. On se demande comment il sera possible de
(Gubry, 1993).
réaliser de vastes projets d'opérations urbaines en faveur
Aussi bien à Lomé que dans les autres grandes villes
de l'habitat sans disposer au préalable d'un document
et capitales, cette augmentation de la population a pour
renseignant sur les immeubles urbains existants, sur leurs
rançon l'extension de l'espace habité. C'est dire que
propriétaires et sur la voirie et sa nomenclature.
Problématique de la croissance
Tableau I. Croissance de la population de Lomé.
urbaine et de l'lnadaptabllité
Année
Habitants
Taux d'accrois-
Croissance en
sement (T %)
valeur absolue
du plan parcellaire
1897
2 000
E n se référant à la période 1950-1959, la superficie
1900
3 000
J 000
de Lomé est passée de 470 ha à 1 000 ha en l'es-
1904
6 000
17 %
3 000
pace de 10 ans, soit une augmentation de plus de
1912
7 000
2 000
J00 % et entre 1970 et 1981, elle a progressé de l 900
1914
8 000
15 %
1000
à 6 100 ha soit un croît de 221 % (Marguerat, 1986).
1940
18 000
11000
De 1980 à 1994, au moment où la population doublait,
1950
33 000
8,5 %
14725
corrélativement la superficie quant à elle a presque triplé.
1960
85 000
7,5 %
52275
On estime à plus de 20 000 ha la contenance de l'espace
1970
185 000
100 000
urbain à J'an 2000 (voir tableaux I, II, III et figures 1,
1974
241 163
56 163
2,3).
1981
375499
190 499
1988
568650
6,1 %
192 851
1995
860 250
6,1 %
291 200
Source: Marguerat. Y.. Croissance de Lomé. üRSTüM, 1986.
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999
25

Sciences sociales et humaines
Tableau III. Évolution de la population de Lomé par arron-
1000000 , . . . . - - - - - - - - - - - - - - ,
dissement.
900000
800000
Quartier/
1981
1988
1995
2001
2006
700000
/Année
.S
600000
1" arron-
30255
45794
69313
98879
132948
Cil
500000
g,
dissement
400000
o
2' arron-
56743
85885
129995
185447
249343
0..
300000
200000
dissement
100000
3' arron-
131971
199750
302339
431 307
579913
o 4--J--I-+---+--fIII"
dissement
1897
1912
1950
1974
1995
4' arron-
49770
75331
11402
162658
218702
dissement
5' arron-
106760
161590
244582
348912
469 130
dissement
Figure 1. Croissance de la population de Lomé.
Total
375499
568 350
860025
1 227 203
1 650036
Source: Marguerat Y., Dynamique spatiale de Lomé, ORSTOM, 1986.
Tableau II. Croissance spatiale de Lomé.
Année
Superficie
Densité/ha
11'OOlXl
1914
200
35
16:XXXXJ
1940
400
45
14OOX1O
1950
550
60
l2OCO)J
1960
1 000
85
llXXXOO
1970
2000
93
1980
6000
58
ll:XXX)J
~ '1'" arrondissement
1990
8000
81
popul'll'ffifl"'i e
.......... : 2' arrondissement
--+-: 3' arrondissement
1998
12000
72
--+-,4' anondisscrncnt
4OOXIO
2000
20000
78
. . . . . ·TOIOlI
2OCO)J
Source: Marguerat Y., Croissance spatiale, ORSTOM, 1986.
0
1001
1008
1995
2001
25000 ~------------,
,20000
Figure 3. Évolution de la population de Lomé par
~
15000
arrondissement.
.c
' < ,
<l.l

10000
t;:
.....
A ce stade de la croissance urbaine où tous les cita-
0)
0..
;:l
5000
dins ne peuvent être raccordés à tous les réseaux, la dis-
ir:
' - '
ponibilité en espace demeure le premier critère de la
0+---11-'"'1........•
situation de l'habitat et de son environnement.
1914 1950 1970 1990 2000
Tributaires en majorité d'une vie indigente urbaine,
renforcée par les turbulences qui ont agité la vie socio-
politique du pays au début des années 90, les citadins
sont soumis à la férule d'une production anomique de
Figure 2. Croissance spaciale de Lomé.
l'espace.
26
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999

Sciences sociales et humaines
En amont à ces difficultés, l'urbanisation demeure
cières de la plupart des habitants de ces quartiers de
chevillée à un rythme saccadé de régularisation foncière
Bè. L'investisseur doit donc normalement prévoir un
et en aval arrimée aux cohortes de pratiques foncières
intérêt largement inférieur à 5 %.
en particulier coutumières dans les vieux quartiers
Par effet de l'accroissement de la rente urbaine et du coût
de Bè. Ceci se traduit par un caractère anisotrope de
de construction croissant déterminé à son tour par le
l'espace urbain sans plan parcellaire fiable et cohérent,
caractère arriéré de la structure productive et par le coût
document indispensable à la mise en œuvre d'une poli-
toujours plus élevé de l'argent, on peut dire que le coût
tique foncière durable.
d'usage des logements dans ces quartiers, du point de
L'analyse de l'habitat dans ces quartiers et les systèmes
vue de l'investissement, peut encore être considéré
de son étalement anarchique suggèrent un diagnostic de
comme bas.
l'actuel mécanisme de production de logement.
Nous pouvons donc résumer en disant que l'actuel méca-
L'habitat dans ces quartiers de Bè présente deux autres
nisme de production de l'habitat a progressivement amené
caractéristiques significatives qui concernent directe-
aussi bien à des conditions d'investissement non rému-
ment les pouvoirs publics:
nératives que, pour une grande partie des habitants de
- manque de zones destinées à l'implantation des ser-
ces quartiers à :
vices publics;
- un coût d'usage élevé;
- insuffisance d'ouvrages de réseaux et de voiries divers.
- une condition de l'habitat insatisfaisante.
Après l'analyse des systèmes de logement dans ces quar-
Dans ces conditions, si les mesures et les procédures
tiers, on constate que la situation actuelle est caracté-
d'accès aux terrains à bâtir pour ces habitants ne sont pas
risée par le fait que la majorité des habitants de ces quar-
modifiées, il est facile de prévoir à court terme l'explosion
tiers n'est pas en mesure d'acquérir, au prix du marché,
des quartiers à forte concentration humaine et le phé-
même pas une parcelle d'une zone illégalement lotie, .
nomène de bidonville pourrait s'étendre qu'on le veuille
a fortiori une parcelle approuvée pour y construire, parce
ou non. C'est là, en effet, la seule solution spontanée pos-
que trop chère, ce qui les amène par conséquent à louer
sible à la demande de logement de la population à bas
un logement. Le prix de location étant très élevé, l'usager
revenus. L'habitat de bidonville permet en effet un
doit accepter de disposer d'un espace couvert assez réduit.
coût d'usage bas parce que:
Le taux élevé de densité d'occupation est donc déter-
-le terrain est moins cher (terrains illégaux), malsain et
miné par un coût d'usage élevé et n'est que partiellement
marécageux ;
compensé par une importante disponibilité d'espace à
- l'autoconstruction peut comporter un coût monétaire
ciel ouvert. On peut, en moyenne, adopter l'hypothèse
très bas à la limite nul pour les cases en feuilles de
de 2,5 ménages par parcelle de 600 rn' soit 240 rn-par
cocotier.
ménage. On a 41 ménages par hectare, soit 184 hab/ha.
La conséquence de cet état de fait est la tendance des
La densité nette est donc basse.
citoyens à se rassembler sur différents sites urbains en
Le coût d'usage est à son tour déterminé par l'exigence
fonction de leurs revenus. Aussi l'adoption par les pou-
de l'investisseur de tirer un certain bénéfice de l'opé-
voirs publics de l'Habitat Administré comme mode de
ration; pour ce faire l'opérateur doit donc tenir compte
production pour résoudre les problèmes d'hétérogénéité
en plus des divers frais financiers d'un facteur prin-
spatiale et de disparité de l'habitat, est perçu à cet égard
cipal ayant une incidence sur l'investissement: le coût
comme un modèle plus ou moins abouti.
de construction.
Ce qui fait qu'à Lomé la ségrégation spatiale caracté-
Par exemple, sur un espace de 240 m', il est possible
ristique des villes sud-africaines ou des villes comme
de construire un logement de deux pièces de 3 m x 4 m ;
Harare, Salisbury, Lambony (1990) n'est pas observée.
si on considère un coût de 1 000 F le m' pour le
A Lomé, les quartiers se mélangent. Les interstices
terrain et de 200 000 F pour la construction d'une pièce,
des belles villas sont occupés par des habitations pré-
l'investissement nécessaire pour un logement est de
caires (habitat sous-intégré). Si l'habitat administré voile,
240000 F pour le terrain et de 400 000 F pour la construc-
de facto, la ségrégation spatiale, on ne doute pas que
tion, soit 640 000 F pour l'ensemble du terrain et du loge-
cette absence de regroupement des citadins en fonc-
ment.
tion de leurs revenus ne renforce dans une certaine mesure
Avec 5 % d'intérêt, cela équivaut à 32 000 F par an
la spéculation foncière en particulier dans les autres zones
soit un montant global supérieur aux possibilités finan-
où l'accès à des terrains "murs" n'est réservé qu'à une
Rev. CAMES - $érie B, vol. 01, 1999
27

....
Sciences sociales et humaines
minorité, naturellement disposant des moyens finan-
ciers. Dans cet imbroglio l'Etat est pratiquement absent,
que ce soit dans la production de l'espace urbain, que ce
soit dans sa gestion. Il n'est cantonné que dans un rôle
de contrôle des règlements de sa production quitte à l'ex-
clure définitivement.
L'atonie spatiale ci-dessus observée peut s'expliquer
en partie par l'absence d'un plan parcellaire cadastral.
En effet, si l'on examine les documents d'urbanisme
il se révèle que l'équipement du Togo en cet outil impor-
tant est plutôt rudimentaire. En effet, aucun plan par-
cellaire du territoire urbain n'est fiable (erreur sur les
angles et les distances). Pour cette raison ils ont perdu
l'intérêt de leur utilité. Plus encore, nulle part ne sont
élaborés des plans d'utilisation du sol définissant d'une
part les droits des propriétaires, de ceux qui ont la jouis-
sance, fixant d'autre part les conditions d'utilisation
en précisant les affectations des différents types de
Figure 5. Interprétation parcellaire et caractéristiques.
terrains. Il s'est avéré que, si l'administration doit s'en
- Dimensions îlots: 25 ha.
- Dimensions parcelles: 150 à 950 m'
tenir à ces plans, elle se serait heurtée sans doute à
- Limites des parcelles: imprécises, sentiers, cocotiers.
des difficultés inextricables qui auraient entraîné une
expédition paradoxale des travaux, des charges insup-
portables et un rendement incompatible à l'urgence
Or nul n'ignore qu'en matière de planification d'une ville
des problèmes.
moderne et de gestion urbaine la cartographie foncière
constitue une base de données indispensables à la mise
Si dans les années 90, des couvertures aériennes sont
en œuvre d'une fiscalité foncière.
réalisées en vue de doter la ville d'une carte parcel-
laire, elles n'offrent à vrai dire qu'une vue d'ensemble,
Pourtant il est significatif de constater que partout les
péchant par le manque de travaux de complètement ter-
hommes intéressés à l'urbanisme et chargés de conduire
restres en ce qui concerne les zones de lotissements clan-
les travaux réclament désormais comme outil de pre-
destins et des vieux quartiers de constructions villa-
mière nécessité préalable aux autres actions, une repré-
geoises avec des voies tortueuses aux îlots de propriétés
sentation physique exhaustive et cohérente du sol
multiformes, aux limites douteuses sans voies auto-
urbain dans tout son morcellement. Dans un pays où
mobile de desserte (figures 4 et 5).
la fraude et l'évasion fiscale sont co-substantielles
(Oziwonou, ] 995), le plan parcellaire s'avère sans
conteste indispensable. Il faut ajouter que le sol urbain
faisant l'objet chaque jour d'une utilisation de plus en
plus intensive, des droits nouveaux naissent, il se pose
par conséquent un problème d'identification et de repé-
rage géographique des biens fonciers. Le tissu urbain
étant composite et cisaillé en désordre, les parcelles
excessivement morcelées ne sont désenclavées que
par des servitudes de passage.
Pour "redresser" le développement anarchique de la
ville et ,pour répartir équitablement l'impôt foncier, il
faut inévitablement connaître le revenu, d'où la néces-
sité d'un état descriptif et évaluatif des propriétés fon-
cières et le recueil des trois sortes d'information:
Figure 4. Photographie aérienne de BE et sa forêt sacrée.
- celles ayant trait à l'identification des biens;
- celles relatives à la consistance physique des biens,
Echelle: 1/2000
28
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999

C' _: --~ces sociales et humaines
leur valeur locati ve ou vénale;
En aménagement, la géomatique aide à la confection des
- celles visant à identifier le propriétaire réel ou appa-
plans d'aménagement et d'urbanisme. Contribuer vrai-
rent et le redevable des taxes foncières.
ment à la création d'une géomatique cadastrale, c'est
avant tout rechercher les moyens techniques qui doivent
Ces informations sont fournies essentiellement par le
permettre de produire le plan parcellaire, document indis-
plan cadastral. La suite de ce travail s'attachera à en mon-
pensable à la matérialisation des biens et des droits
trer une nouvelle forme de confection.
qui s'y rattachent. Nous montrerons comment à partir
Les problèmes posés par la représentation du sol urbain
des images satellitaires l'on peut parvenir à une carto-
dans tout son morcellement nous conduisent à réflé-
graphie urbaine à 3 dimensions exploitable par plusieurs
chir sur les nouveaux outils disponibles aux pays en
services et montrer en appui une simulation de ges-
émergence comme le Togo. On parle de géomatique
tion des lotissements. De nos jours le binôme Imagerie
cadastrale ou de géomanagement parcellaire. Qu'en est-
Satellitaire - Informatique fait preuve de la plus grande
il exactement?
alacrité dans la production du plan cadastral. Ainsi tech-
niquement, on est passé de la cartographie du terrain
Génomatique cadastrale
à la cartographie de l'écran.
Les agrégations spatiales ou la dynamique du système
La géomatique concerne l'ensemble des techniques infor-
foncier de la ville de Lomé dont nous venons de décou-
matiques relatives aux données géographiques, per-
vrir les différents aspects nous orientent vers les tech-
mettant de numériser, stocker, représenter, consulter,
nologies nouvelles de la télédétection ou système d'in-
traiter, analyser, produire de l'information (Totte, 1998).
formation géographique lesquelles de nos jours appor-
Elle couvre les domaines des systèmes d'information
tent des solutions sans précédent aux problèmes de ges-
géographiques (SIG), la télédétection, le système de posi-
tion foncière.
tionnement au sol (Global Positioning Systems), la topo-
graphie etc. Ces techniques permettant de gérer les don-
Sans vouloir cerner toutes les possibilités qu'offre ce
nées géographiques ont commencé à se développer il
nouvel outil, nous savons que la production des images
y a une vingtaine d'années autour d'outils mettant en
de la terre par les satellites a fourni pendant des années
priorité le recueil d'informations graphiques (cadastre,
un grand nombre d'informations utiles aux topographes,
topographie, réseaux souterrains, etc.).
et aux aménagistes urbains. Actuellement tous les tra-
vaux des Sciences de la Terre ont tendance à se baser
Progressivement ces techniques se sont élargies à l'uti-
sur ces informations satellitaires stockées sous forme de
lisation des données thématiques, et l'adjonction des don-
base de données. L'application de ces bases de don-
nées textuelles aux données uniquement graphiques a
nées à la gestion de l'espace est à l'origine du Système
permis de produire de véritables systèmes d'informa-
d'information géographique, dont la définition de la
tions géographiques. La télédétection est bien souvent
Société française de photogrammétrie et de télédétec-
centrale en géomatique. On peut la définir comme l'en-
tion (SFP) est:
semble des connaissances et techniques utilisées pour
déterminer des caractéristiques physiques ou biologiques
« Système Informatique permettant, à partir de diverses
d'objets et/ou pour étudier des phénomènes terrestres
sources, de rassembler et d'organiser, de gérer, d'ana-
par des mesures effectuées à distance, sans contact maté-
lyser et de combiner, d'élaborer et de présenter des infor-
riel avec ceux-ci.
mations géographiques, contribuant à la gestion de l'es-
pace» (Amey, 1993 p. 3).
Les domaines d'application de la géomatique sont nom-
breux : urbanisme, environnement, transport, archéo-
Partant, la géomatique joue donc un grand rôle en matière
logie, tourisme, géotechnique, géomarketing, carto-
de gestion rationnelle de l'espace urbain.
graphie marine, etc.
Par la cartographie numérique thématique de l'occu-
En milieu urbain, cet outil permet de gérer un ensemble
pation du sol qu'il permet de confectionner à bref délai,
de données intéressant les intervenants, tels que la répar-
le SIG devient un modèle, un outil d'aide à la gestion
tition géographique des données sociales (population,
et à la décision. Il devient par la même voie un instru-
emploi, logement), la répartition des données écono-
ment approprié de géomanagement le mieux indiqué
miques (production, services, etc.), la nature de l'oc-
pour la gestion des lotissements, leur harmonisation
cupation du sol et tous les aspects de la gestion muni-
et leur optimisation, la gestion de l'environnement urbain,
cipale (voirie, gestion des réseaux, des bâtiments, état-
la gestion de l'organisation foncière, en un mot, la ges-
civil, gestion foncière ...).
tion du cadastre, d'où Géomatique cadastrale.
Rev. CAMES - Série B vol. 01, 1999
29
t

Sciences sociales et humaines
De cette approche multicritère, voyons comment la
et des photographies.
géoréférenciation des parcelles peut s'effectuer à partir
Couvrant beaucoup de domaines, l'imagerie SPOT peut
de l'imagerie satellitaire et aider à analyser le rôle de
faciliter en particulier la réalisation des travaux tels
la géomatique dans la gestion foncière urbaine ainsi que
que:
son apport en matière d'inventaires et de gestion ration-
- la mise à jour des cartes de l'aménagement du terri-
nelle de l'espace urbain.
toire urbain selon des échelles variant à 1/1OOOOe
Jusqu'à une date récente, les images fournies par des
et 1150000" ;
satellites d'observation civile n'étaient pas assez détaillées
-l'établissement des contours des zones de construction
pour servir à des projets urbains.
urbaine, et les plans de l'état des lieux;
Aujourd'hui, grâce au satellite SPOT 1, lancé en février
-l'identification des voies urbaines de communication;
1986, on dispose d'images qui sont huit fois plus pré-
- la confection des plans de voirie, de remembrement
cises que celles fournies précédemment par des satel-
urbain, d'extension urbaine, etc. ;
lites d'observation civile LANDSAT. L'imagerie SPOT
-la mesure et le contrôle suivi des modifications du tissu
représente un outil nouveau très important pour réaliser
urbain;
de nombreux travaux d'urbanisme (Cartographie -
- l'identification des modes d'extension des quartiers
Topographie). Dans les pays en voie de développement,
résidentiels;
divers organismes ont commencé à étudier les possi-
- l'identification des zones d'habitat et les zones non
bilités de son application à l'établissement du cadastre.
bâties;
Selon les études de MUNCLE (1987), le satellite SPOT 1
- les points de pollution; etc.
pèse 1 800 kg et est équipé de détecteurs électroniques.
Chacune de ses révolutions circumterrestres a une durée
L'image SPOT peut aider à faire des levés topographiques
de 101 minutes, selon une orbite quasi polaire. La terre
des terrains urbains, à établir les cartes parcellaires
tourne sur elle-même à l'intérieur de cette orbite, et le
qui serviront de base à l'impôt foncier.
point sous-satellite décrit des traces sur la terre à inter-
On dispose donc des données suffisantes pour élaborer
valles réguliers. Au bout d'un certain temps, soit 26 jours,
des documents relatifs au cadastre, notamment le plan
le satellite couvre la totalité du globe. Les télédétecteurs
parcellaire.
de SPOT produisent des images de tous les points de
la surface terrestre. Des miroirs orientables permet-
Elle permet en outre la confection de divers plans topo-
tent au satellite de prendre des photographies sous divers
graphiques à des échelles variées nécessaires à la réa-
angles d'un même secteur et d'en obtenir des images tous
lisation d'importants travaux d'ingénierie urbaine.
les quatre jours. L'avantage de SPOT par rapport aux
En cela, elle affecte profondément tous les aspects de
satellites LANDSAT qui l'ont précédé, c'est la précision
la gestion urbaine (aménagement, environnement,
ou résolution de ses photographies. SPOT produit des
circulation, sécurité foncière, gestion urbaine, etc.).
images en couleurs (multispectrales) d'une résolution de
Aux satellites LANDSAT, SPOT, s'est ajouté nouvel-
20 m au sol et des images en noir et blanc (panchro-
lement le satellite NOAA qui donne des images
matiques) d'une résolution de 10 m. Cela veut dire que
d'une résolution beaucoup plus grande. A la photo-
des objets au sol mesurant 10 m sur 10 sont visibles.
interprétation, on obtient des détails topographiques
supplémentaires qui faisaient défaut auparavant mais
Les images sont commercialisées par SATIMAGE.
nécessaires à l'étude du zonage urbain.
Le produit le plus sophistiqué est une bande numé-
rique pour ordinateur. Mais SPOT vend également des
En somme, à travers les images satelIitaires la gestion
photographies et des diapositives. Chaque cliché couvre
foncière urbaine trouve son efficacité certaine. Elle a
une superficie d'environ 60 km'. Les échelles courantes
donné lieu à la production des logiciels d'exploitation
varient de 1/400000e à 1II00000e• Les photographies
tels que: ATLAS GIS, URBA STAR, STAR CARTO,
peuvent être agrandies jusqu'à une échelle de 1I25000e
etc. (Walraevens, 1994).
pour servir à l'établissement de cartes thématiques.
Si l'imagerie satellitaire constitue une source d'infor-
Plusieurs pays en développement construisent actuel-
mation géographique indéniable, il est montré que
lement des stations terriennes de réception et de trai-
ses applications ne peuvent se révéler efficaces que si
tement des images du satellite, dans le cadre d'un contrat
on l'accompagne avec une structure technologique impli-
passé avec SPOT. D'autres utilisateurs peuvent acheter
quant des
machines,
elles-mêmes en
perpétuel
à SATIMAGE ou à SPOT Image des bandes numériques
recommencement, et des hommes. Or, il est souvent
30
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999

Sciences sociales et humaines
connu que le transfert de technologie, qu'elle soit haute
-la couche NNEAU : l'ensemble des courbes de niveau;
ou de pointe, ne s'accompagne pas avec le know how.
- la couche HABITAT: l'ensemble des habitations;
-la couche PARCELLE: l'ensemble des parcelles loties.
Comme la technologie des systèmes d'information
géographique est sans cesse en évolution suivant de près
On peut effectuer d'autres combinaisons de couches pour
les améliorations de l'informatique logicielle et maté-
ressortir les différentes possibilités de plan en fonc-
rielle, des télécommunications, il semble clair que,
tion des besoins à l'aide des fichiers "MAPFILE".
pour qu'elle constitue un levier de commande stratégique
Ces travaux concourent à la mise à jour des plans anciens
pour le développement urbain, il faut que la mise en
exécutés sur la zone, à cibler les modifications à apporter
place de ses infrastructures implique non seulement
au tissu urbain ... , les zones d'habitat à rénover ou à
des machines, des logiciels, des données, mais aussi
restructurer, les parcelles à assainir.
des hommes bien formés et une méthode d'organisation
assez rigoureuse à laquelle il faut sans cesse s'adapter.
Après l'analyse des données et du système de parcel-
lisation ou de lotissement en vigueur, nous avons obtenu
En dehors des aspects méthodologiques, organisation-
plusieurs couches qui permettent d'avoir différentes pos-
nels et humains évoqués dont les détails méritent d'ailleurs
sibilités de plans.
d'être repris ou mieux radiographiés, la géomatisation
est bien plus qu'une technologie. Elle exige des mesures
A l'issue des travaux de lotissement, chaque parcelle
d'accompagnement financières non contraignantes et un
reçoit un numéro (n° cadastral) et fait l'objet de calcul
cadre institutionnel assez souple. Ce n'est qu'à ce prix
de surface, de périmètre, de coordonnées (X, Y, Z) à
qu'on pourrait en tirer un réel avantage.
l'aide des fichiers attributs internes et externes (figures 6
Nous avons examiné succinctement l'intérêt que repré-
et 7).
sentent les imageries satellitaires pour l'établissement
du plan parcellaire. En application et en fonction
des textes qui régissent les lotissements, nous proposons
une simulation de gestion foncière du lotissement à partir
du logiciel ATLAS GIS.
Gestion foncière du lotissement
du quartier Bè
Il s'agira de produire le plan parcellaire cadastral
de la zone de Bè, ancien quartier de la ville de Lomé.
Le but de cette étude est de réaliser une application
pour le lotissement de la zone de Bè à partir de cet
Figure 6. Plan de situation, interprétation parcellaire.
outil SIG. Le logiciel de traitement est ATLAS GIS.
Pour ce faire une digitalisation d'une carte de la zone en
ArclINFO a permis d'acquérir des données nécessaires
à l'étude.
'--
IL
RUE
J l
MANpÙ.
s
, l
Une interprétation de la photographie aérienne de la zone
1
13
l~
~! J r--
6m
par scannage a fourni des informations nécessaires
4
15
~ 12
J3 ft./ll
au feuilletage du tissu urbain, la localisation des zones
~
Il
21
35
8
d'habitat insalubre, les zones naturellement inondables,
" t u ]1
"l
1 10
....
11
les zones à restructurer, à curer ou à rénover, ainsi que
30
;-
0
li
c
...
Tl
n
Jl
VI
toutes les zones à récupérer. Les fichiers obtenus sont
'1
14
15
importés dans ATLAS GIS à l'aide du programme
... ';4
ATLAS ImportlExport, et regroupés dans un seul fichier
[fffi.
43
u..J
,.
l
:P
16
21
...
Q:;
36
4~
KA'TC ",T
-
LOTIS composé des couches suivantes:
I r l ' Il ri 1 1 ï_ 5 rue, AKOTO Dziwonou Yao
- la couche CADRE: couche qui délimite la carte;
Echelle: 1/10000
-la couche BATIMENT : couche qui forme l'ensemble
des bâtiments à préserver;
Figure 7. Plan de masse et adressage des immeubles.
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999
31

Sciences sociales et humaines
Nous avons calculé ensuite la valeur locative et vénale
- Choisir les couches que vous désirez afficher en fai-
des propriétés bâties, le prix au m' et par parcel le en fonc-
sant apparaître ON dans STATUS. Les différentes
tion des différents paramètres au regard de la construc-
couches sont:
tibilité des terrains.
* HABITA_TRADIT
* PARCELLE_LOTIE
A noter que les fichiers propriétaires, et ceux relatifs aux
* BATIMENTS
redevables des impôts fonciers et bénéficiaires de diverses
prestations sont établies en vue de délivrer à tout acqué-
Créer une vue parcelle
reur un permis de jouissance ou un permis de construire
selon le cas. Le plan parcellaire établi sur la zone tient
- Suivez le chemin: VUE 1 MAP 1 IN ;
compte de la voirie et de son aménagement. Aussi les
- Choisir la zone à agrandir.
propriétaires une fois identifiés sont-ils positionnés géo-
Consulter les attributs d'un éléments
graphiquement sur leur bien, ensemble supporté par
le plan parcellaire dont les voies sont dénommées et
d'une couche
numérotées. ex. : DZIWONOU Yao, 5, rue ATOKO,
C'est la consultation des caractéristiques d'un élément
LOME - BE.
de la carte.
Il faut ajouter que ce plan parcellaire produit à diffé-
-Suivez le chemin : DISPLAY 1ATTRIBUTE/POPUP;
rentes échelles peut répondre à des besoins adminis-
- Choisir les couches dont vous désirez voir les carac-
tratifs ou techniques différents notamment dans les opé-
téristiques.
rations de remembrement urbain et d'extension urbaine,
les tracés nouveaux de la voirie. Il est encore sollicité
Les différentes couches sont:
*
dans les études des techniciens sanitaires et peut servir
HABITA_TRADIT
*
de support aux projets de transport et de distribution
PARCELLE_LOTIE
*
du courant électrique, de l'eau potable et du téléphone,
BATIMENTS
etc.
- Cliquer sur l'élément pour voir ses caractéristiques.
La partie qui suit résume le mode d'application du
plan parcellaire.
Conclusion
En s'appuyant sur le Système d'information géographique,
Mode d'utilisation de
nouvel outil de confection du plan parcellaire, nous vou-
l'application
drions essayer d'appréhender les typologies du tissu par-
cellaire, saisir les formes de son extension et de son occu-
Du fait que l'écran n'a pas été personnalisé, le mode
pation en vue de mieux traiter toutes les alternatives liées
d'accès aux différentes couches de fichiers est celui
à l'utilisation et à la production des parcelles. Le SIG par
d'Atlas GIS.
la confection du plan parcellaire cadastral qu'il permet
Lancement
de réaliser à bref délai, concourt à la mise en place d'une
politique de gestion foncière adéquate, notamment le
- Aller dans le répertoire qui contient le logiciel ATLAS
repérage géographique des biens fonciers et l'identifi-
GIS.
cation de leurs propriétaires, à l'aménagement de la voirie
- Taper AGIS et valider
et partant à asseoir une fiscalité foncière sur des bases
équitables qui fassent prévaloir l'intérêt général. Il per-
Afficher une carte
mettra en outre d'entreprendre des travaux d'opéra-
- Suivez le chemin: FILE 1MAPFILE 1 LOAD ;
tions urbaines en faveur de l'habitat et de son environ-
- Choisir la carte que vous voulez:
nement et de planifier les actions urbanistiques en pers-
* ENSEMBLE
pective.
* BATIMENT
L'exemple du lotissement de cet ancien quartier de la
* ETA_LIEU
ville de Lomé, tire parti de la fonctionnalité simple et
* LOTISSEM
analogique du Système d'Informations Géographiques.
* VUE_PAR
Cependant, cette nouvelle technologie paraît être peu
utilisée en regard des potentialités qu'elle offre. Ce constat
Créer d'autres cartes
peut s'expliquer par le coût et la complexité des systèmes
- Suivez le chemin: DIS PLAY 1LAYER 1SETTINGS;
de traitement qu'elle exige, seuls critères en l'état actuel
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Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999

C' - " --- - - - <ociales et humaines
des choses susceptibles de freiner voire bloquer encore
LAMBONY G., 1990-91. Pour une analyse comparative de l'ur-
pour de longues années son adoption comme outil d'aide,
banité en Afrique noire. Le cas de Lomé et de Harare à travers
de gestion et de décision des espaces urbains dans les
leurs quartiers, in l'Année en Afrique, p. 393-430.
pays en développement comme le Togo. 0
MARGUERAT Y., 1986. Les étapes de la croissance de Lomé:
dynamique spatiale d'une capitale africaine, Lomé. ORSTOM,
Références bibliographiques
37 p.
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d'Ingénieurs d'Equipement Rural, Ouagadougou, 52 p.
Horizon 2000, vol Il, nOS, juin.
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TOTTE M., 1998. La géomatique : intérêts et conditions d'appro-
contribution à l'évaluation foncière des im~eubles urbains, in
priation pour les projets de développement, in revue Sécheresse
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Tome 1 vol.l , p. 85-96.
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WALRAEVENS P., 1994. Notice simplifiée d'utilisation du logi-
in Afrique contemporaine, n° 166, décembre, p.125-138.
ciel ATLAS GIS. Projet PNUD/MH!DADSG/SEN/~7/0.
'Go)
L'accroissement accéléré de la population urbaine
Ü Lomé, a capital city in which the problems related
E sans équivalence dans l'histoire que connaissent
ca to area expansion are made more acute by the
~ les villes africaines n'épargne pas Lomé, ville capi-
'-
-
absence of a cadastral parcelling plan, is also
'Go)
tale où les problèmes de croissance spatiale sont
~
a:
affected by the unusual population growth which
renforcés de plus par l'absence d'un plan parcel-
« prevails in Africa towns.
laire cadastral.
ln order to satisfy needs many land management
En vue de répondre aux besoins de divers services
services, this study aims at showing the usefulness
de gestion foncière, cette étude s'applique à mon-
of a new tool designed to help in decision-making
trer l'intérêt d'un nouvel outil d'aide à la décision
and in the management of urban parcelling : the
et à la gestion du lotissement urbain: le Système
Geographie information system.
d'information géographique.
Key-words : Town of Lomé, Parcelling Plan, GIS.
Mots-clés: Ville de Lomé, Plan parcellaire, SIG.
Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999
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