Sciences sociales et humaines
Collecte des données et élaboration théorique :
Il'exemple du linguiste africaniste*

Hounkpati B.C. CAPO
Professeur titulaire de linguistique,
B.P.13 K6me (Mono), Bénin
Médard D. BADA
Professeur Assistant de Linguistique, UNB
Introduction
constats dont le plus amer est l'absence d'efforts de théorisation
de la part du linguiste africain alors même que les données déjà
Chaque science a une histoire qui s'inscrit dans le cadre général
recueillies sur les langues africaines sont d'une richesse excep-
de l'histoire des sciences ou de la Science, objet de l'épisté-
tionnel1e. Aussi avons-nous choisi de réfléchir sur les liens qui
mologie. C'est pourquoi, de temps en temps, il est opportun de
existent entre la col1ecte des données et l'élaboration théorique.
faire le point des acquis dans sa spécialité pour déterminer dans
Cette étude s'articule autour de trois axes principaux: la dia-
quelle direction s'engager. C'est en nous adonnant à cet exer-
lectique / données - théories (section 1) ; les apports des
cice (dans le cadre de la préparation d'un col1oque sur l'ac-
données des langues africaines à l'élaboration de théories
cumulation du savoir), en tant que linguistes africanistes
linguistiques déjà admises (section 2) ; et la "gbexologie" comme
africains travail1ant en Afrique que nous avons fait certains
construction théorique en Afrique (section 3).
Dialectique données - théories
mulés de façon la plus explicite possible, et permettant tout
à la fois d'expliquer les faits anciens et d'en prévoir de nou-
De la méthode scientifique
veaux.
Depuis les écrits de Claude Bernard (sciences biologiques)
Des données: collecte et interprétation
jusqu'à ceux de Karl Marx (sciences sociales) , on peut dire
que la méthodologie de la recherche scientifique s'appuie sur
En parlant des données, on distingue souvent deux étapes: cel1e
le schéma dit OHERIC (0= observation, H = hypothèse,
de la collecte prétendue a-théorique parce que consistant sim-
E =expérience, R =résultats, 1 = interprétation, C =conclu-
plement en un recensement et enregistrement de ces "faits",
sion). Si ce schéma a une valeur heuristique indéniable, il
et l'étape de l'interprétation, reconnue subordonnée à une théorie.
faut tout de suite préciser que ses six étapes recoupent deux
En réalité, même la première étape, appelons-la col1ecte des
domaines: celui des faits (par exemple Observation et
données et observation des faits, est toujours informée par
Expérience), et celui de la théorie (par exemple Hypothèse,
des présupposés théoriques implicites (une idéologie). Par
Interprétation et Conclusion). On voit ainsi, même en accor-
exemple, au moment même de l'observation des faits d'une
dant une valeur figée au schéma, que les deux composantes de
langue, le linguiste réfléchit dejà en termes de "parties du
la recherche scientifique entretiennent un rapport dialectique
discours". C'est ainsi qu'on a enregistré des "adjectifs" et des
: on va des données (Observation) à la théorie (Hypothèse),
"articles" dans des langues africaines qui n'en possèdent pas.
puis de la théorie aux données (Expérience), ainsi de suite. C'est
Ceux qui n'ont pas conscience que la col1ecte des données
ce va-et-vient entre les faits (données) et la théorie qui est à
est sous-tendue par une théorie diffuse poussent la naïveté jus-
la base des avancées scientifiques. En effet, l'objectif de toute
qu'à dire qlle même l'étape d'interprétation peut faire l'économie
science, au delà de la classification des faits ou taxinomie,
de la théorie. Aussi parlent-ils d'une "linguistique descriptive"
est de construire des hypothèses et des modèles théoriques, for-
où les données seraient interprétées (ils préfèrent dire "décrites")
• Texte d'une communication au Colloque international sur «L'accumulation du savoir: gestion des'connaissances et développement aujourd'hui>; organisé
par le Comité Béninois Afrique synthèse au Centre international de conférences, Cotonou, du 26 au 29 mai 1997.
li
Rev. CAMES - Série B, vol. 00, 1998
1
23

Sciences soci~les et humaines
sans référence à une théorie (explicite). Cela est bien entendu
ou à sa reformulation. La nouvelle théorie doit donc permettre
une aberration car on utilise les concepts avec des connotations
à la fois d'expliquer les faits anciens et "récemment découverts"
précises dans un cadre théorique qu'on n'aurait pas pris la peine
et d'en prévoir de nouveaux (non encore documentés). Selon
de comprendre... Dans tous les cas ce genre de description passe
Popper (1968), on jugera de la valeur d'une théorie selon:
à côté des faits qui ne rentrent pas dans le moule. Il faut
1) sa valeur explicative, sa fécondité;
plutôt en prendre conscience. Cette prise de concience permet
2) sa cohérence interne;
justement ,de dépasser le cadre théorique diffus pour "décou-
3) sa compatibilité avec les hypothèses admises;
vrir" des faits nouveaux. En effet, si les données peuvent exister
4) sa simplicité et son élégance; le critère déterminant
de façon indépendante, la perception de ces données se fait tou-
restant sa valeur explicative et sa fécondité.
jours à travers un prisme idéologique du type d'un carcan
qu'il faut briser à l'étape de la collecte des données. La raison
Résumé partiel
d'être d'une théorie est d'offrir de meilleures explications à cer-
tains phénomènes. Mais il va de soi que les phénomènes en
Comme on a essayé de montrer, chaque science se doit de passer
question doivent d'abord être connus, ou du moins leurs mani-
par le stade de la classification des données; cela lui permet
festations documentées. Cela ne peut se faire qu'à travers
de délimiter son objet et d'opérer une première mise en ordre
une collecte laborieuse, méticuleuse et patiente des détails,
du réel, sans laquelIe il serait impossible de proposer la moindre
c'est-à-dire l'exhaustivité des données recueillies. En réalité,
généralisation valable. Cette généralisation constitue le fon-
les hommes de science qui ne sont pas enclins à l'élabora-
dement de l'élaboration d'une théorie nouvelIe, laquelle permet
tion théorique prétendent que la science est essentiellement
de prévoir des faits nouveaux; certains de ces faits nouveaux
classificatoire c'est-à-dire qu'elle s'occupe de la taxinomie. Elle
échappent à l'explication de la théorie qui a permis leur "décou-
viserait à observer objectivement le plus grand nombre de faits,
verte", et du coup il y a besoin de formulation d'une nou-
à les grouper et à les classer afin d'en dégager un ordre.
velle théorie, ainsi de suite. Ainsi se manifeste le rapport
dialectique qui existe entre collecte des données et élaboration
De l'élaboration théorique
théorique.
Lorsqu'on aborde les questions de l'élaboration théorique,
on feint souvent d'ignorer les liens de dépendance (peut être
Données des langues africaines
inconscients) qui existent entre la recherche scientifique et
le milieu socio-politique où elle s'exerce. Or, cette dépendance
comme bases d'élaboration et
est une donnée objective, comme l'exprime Robert G. Armstrong
de développement de certaines
(1964/67: 3) à propos de l'étude des langues africaines.
théories linguistiques
L'étude [scientifique] des langues ouest-africaines était, dans
ces années [fin du 1ge et début du 20e siècles] dominée et
Nous allons maintenant nous pencher sur quelques contribu-
presque submergée par une réaction raciste. La grande majo-
tions des langues africaines à la théorie linguistique, essen-
rité des Européens qui étaient venus en Afrique acceptaient
tiellement aux Etats-Unis, en nous basant sur une recherche de
comme un axiome que les peuples noirs étaient incapables
Clements (1989) que nous avons essayé de mettre à jour.
de produire et d'inventer quoi que ce soit d'intéressant, de subtil
ou de complexe. C'est pourquoi, souvent, lorsqu'on trouvait
Conditions d'émergence de théories
chez eux quelque chose d'intéressant, de subtil ou de complexe
Au cours des trois dernières décennies, les nouvelles tendances
(... ), le problème de la science était de découvrir d'où, en dehors
de développement de la linguistique africaniste ont joué un rôle
de l'Afrique noire, il était venu et quel peuple blanc l'y a amené
déterminant dans l'orientation de la théorie linguistique. Les
(trad. HBC in Linguistique constructive en Afrique noire, pAl.)
africanistes américains ont été plus producteurs que consom-
A vec cette information on appréciera mieux pourquoi les
mateurs de théories linguistiques. En effet, quand on rencontre
hommes de sciences africains (y compris les linguistes) ne
de nouveaux phénomènes, il est normal de les interpréter avec
se donnaient pas comme préoccupation l'élaboration théorique.
des concepts qui existent déjà, de les modifier et de leur donner
Comme largement expliqué dans Capo (1989), citoyens de pays
une nouvelle direction. Mais quand on constate que ces concepts
dépendants du capital étranger (en tant que colonies d'abord,
sont dépassés, on développe de nouveaux concepts. Au cours
puis comme néo-colonies ensuite), victimes du lavage de
des trente dernières années, les africanistes ont eu affaire à
cerveau et d'une certaine division du travail, et largement non-
de nouveaux phénomènes qui leur étaient peu familiers comme
conscients des manifestations de la lutte des classes, l'idéologie
la faille tonale ou downstep, les systèmes de classes nominales,
dominante dans leurs milieux socio-politiques leur enlève toute
les séries verbales, l'expression morpho-syntaxique du focus,
initiative théorique réelle. Or, rien de durable et d'efficace
les pronoms logophoriques et d'autres phénomènes propres aux
ne peut faire l'économie de la théorie. Et toute formulation d'une
langues africaines qui ne faisaient pas partie de la théorie gram-
théorie représente toujours plus ou moins un pari dans la
maticale moderne. Plusieurs travaux de ces dernières années
recherche de solution(s) à un/des problème(s) bien défini(s).
partent de l'hypothèse que l'étude continuelle des langues afri-
Comme déjà exprimé, c'est l'incapacité de la théorie la plus
caines changerait progressivement les modèles de la grammaire
récente à expliquer des faits nouveaux qui conduit à son abandon
uni verselle en faisant intégrer les structures des langues
24 1
Rev. CAMES - Série B, vol. 00, 1998

Sciences sociales et humaines
africaines dans les théories générales du langage, hypothèse
à appliquer des modèles "non standard" de la grammaire aux
largement confirmée par les résultats obtenus, notamment
langues africaines. La revue Studies in African Linguistics
en phonologie et en syntaxe.
fondée sur l'initiative de Talmy Giv6n, était devenue l'or-
gane de diffusion de ces nouvelles idées. Dans ses études
Contributions à la théorie phonologique
sur la grammaire du chichemba et du bantu, Giv6n (1972)
Les trente dernières années ont marqué un tournant décisif dans
fut le premier à appliquer les modèles de la sémantique géné-
la restructuration radicale de la théorie phonologique, à partir
rative à la morphologie bantu. Il proposa un nouveau programme
des données des langues africaines. Les travaux de Goldsmith
de recherche dans le but de mieux comprendre et d'analyser les
(1976); Williams (1976), Leben (1973) montraient les limites
problèmes courants de la morphologie et de la morphotactique
d'une vue phonémique linéaire de la représentation phonolo-
d'une langue afin de poser des hypothèses concernant la syn-
gique héritée des travaux de leurs prédécesseurs (Chomsky
taxe de cette langue dans une perspective diachronique
et Halle 1968) ; cette nouvelle approche de la représentation
(Giv6n, 1971). Cette nouvelle idée a suscité un intérêt pour
phonologique a fondé de riches théories. C' est le véritable point
la syntaxe historique et les processus de morphologisation illus-
de départ de la phonologie autosegmentale développée par John
trés d'une part dans les travaux de Greenberg sur la notion
Goldsmith (1976, 1989 et 1990) et qui pose comme principe
de
genre
et
les
marqueurs
des
classes
nominales
une architecture en plusieurs paliers de la représentation pho-
(Greenberg, 1972 et 1978), et d'autre part dans les études faites
nologique.
par Heine et ses alliés à l'Université de Cologne (Heine et
On peut considérer comme fondamental dans l'évolution de
Reh 1984 et Heine et Hünnemeyer 1988). Les idées de Giv6n
la théorie phonologique le travail de Ladefoged (1964) sur
dans leur développement se sont fondues dans la théorie de
les phonèmes des langues ouest africaines. A partir de ce tra-
la syntaxe fonctionnelle qui continue de tirer avantage des don-
vail en effet, les linguistes ont commencé à appliquer une
nées des langues africaines et de stimuler beaucoup d'autres
"méthode afrocentrique" aux mécanismes du système articu-
travaux. En particulier Larry Hyman et ses nombreux étudiants
latoire. C'est ainsi que la base articulatoire (physiologique)
et collaborateurs (Hyman et Duranti 1982) ont développé la
de ['harmonie vocalique fondée sur l'aperture croisée a sus-
notion de la hiérarchie thématique. Ils ont ainsi mis en lumière
cit~ des études remarquables sur les traits "ATR" et "Expanded"
l'importance morphologique du focus dans les langues ban tu.
(Stewart 1967, Lindau 1975).
Une autre innovation toujours à partir des données des langues
Par ailleurs, le travail sur les langues tchadiques concernant
africaines est la théorie de la grammaire relationnelle initia-
la distinction entre syllabes fortes et syllabes faibles a conduit
lement développée par Perlmutter (1983) et son équipe.
à l'élaboration et approfondissement d'au moins deux théo-
Inspirés par les études sur la syntaxe bantu et ses corréla-
ries de la syllabe, notamment la phonologie CV de Clements
tions avec la phonologie, la morphologie et la structure du dis-
et Keyser (198-3) et la théorie du poids phonologique de Hyman
(1985). Les théories de la faille tonale ou downstep, déve-
cours, Bresnan et ses collaborateurs (Bresnan, 1982 ; Bresnan
loppées à partir des langues africaines (Stewart 1964, 1983,
et Mchombo, 1987) ont commencé à développer une version
Hyman 1979), constituent la base des modèles intonatoires
de la grammaire fonctionnellle lexicale et de la grammaire rela-
dans les langues européennes (Goldsmith 1981). De même,
tionnelle, en les faisant intégrer dans un modèle formel dans
la théorie du ton flottant s'est imposée dans plusieurs descriptions
le but d'obtenir une nouvelle forme de relations entre la syn-
et s'est étendue à la notion de "phénomène flottant", tout comme
taxe, la phonologie, la morphologie et le lexique (Bresnan et
la théorie de la sous-spécification proposée par Pulleyblank
Mchombo 1994).
(1986) à partir des données de langues africaines et appli-
Il reste bien d'autres théories syntaxiques fécondes conçues
quée par Akinlabi (1992) au yoruba. On ne saurait passer
à partir des données des langues africaines qui ne sont pas men-
sous silence la théorie du charme et du gouvernement déve-
tionnées ici.
loppée par J. Kaye et ses associées (par ex Kaye 1988, Kaye,
Lowenstann et Vergnaud 1989 et 1990), car ses dettes envers
En résumé, nous avons mis en exergue quelques unes des nom-
les données de langues africaines sont évidentes.
breuses contributions à la théorie phonologique et à la théorie
syntaxique s'appuyant sur les données des langues africaines.
Contributions à la théorie syntaxique
La présentation n'a pas été exhaustive - tant s'en faut-. D'ailleurs
Les langues africaines ont également joué un grand rôle dans
nous n'avons pas pu faire ressortir les contributions de la lin-
l'évolution de la théorie syntaxique. En appliquant à la lettre
guistique africaniste à la théorie sociolinguistique: on pourra
les modèles de la grammaire transformationnelle, les linguistes
se référer valablement au traité de Bokamba (1990). Nous ferons
africanistes américains ont créé des systèmes de règles qui
seulement remarquer qu'en étudiant de façon approfondie
ne se trouvaient pas en parfaite adéquation avec les caracté-
les données et les situations des langues africaines, les linguistes
ristiques des langues étudiées. L'impulsion à l'innovation est
africanistes <:J.méricains ont beaucoup enrichi la théorie géné-
venue de la côte ouest où certains linguistes ont commencé
rale du langage.
Rev. CAMES - Série B, vol. 00, 1998
1 25

Sciences sociales et humaines
De la "gbexologiè"
b) approche théorique d'étude scientifique de toute langue ins-
pirée des travaux de Capo, spécialiste du gbe.
L'état de la recherche linguistique
Au moment où Bada (1994) proposait le terme pour signi-
en Afrique
fier que la théorie en élaboration partait des études déjà faites
sur le(s) gbe, des linguistes de plus grosse carrure comme
Alors que les linguistes africanistes américains se battaient pour
Bamgbose (1988), Awobuluyi (1989), Clements (1991), et plus
être au centre de l'élaboration théorique dans leur discipline,
tard Miehe (1994) et Stewart (1994) reprenaient de Capo lui-
les linguistes Africains (d'origine et quelques uns d'adop-
même des expressions comme "approche pandialectale en lin-
tion) - notamment ceux en activité en Afrique - eux, se trou-
guistique descriptive", "l'approche par la néolangue de l'or-
vaient comme à la traîne, se contentant de faire de la
thographique", le "pandialectalisme", etc. Toutefois, c'est le
-"linguistique descriptive". En effet des faits significatifs
terme de "gbexologie" que consacre le Cercle Linguistique
"nouveaux" ont pu être découverts; d'importantes contribu-
de Garome (CLG) dont les principaux animateurs sont le
tions à la recherche linguistique ont même pu être faites à partir
Laboratoire International Gbe (Labo Gbe, Int.) dirigé par le
de l'Afrique, comme le développe si bien Bamgbose (1995) ;
professeur Hounkpati B.e. Capo de l'Université Nationale
mais la réflexion théorique a généralement manqué. On cite
du Bénin, et le Laboratoire de Recherches Linguistiques du
des noms comme Ansre, Bamgbose, Boadi, William som,
Togo (Laborel-Togo) dirigé par le professeur Lebene Ph.
Coulibaly, Nikiéma, Dakubu, Capo, Awobuluyi, Chumbow,
Bolouvi de l'Université du Bénin, Lomé.
Essien, Dolphyne, Elugbe, Bolouvi, Awoyale, etc. Mais c'est
généralement par rapport à leurs principale(s) langue(s) de
A quoi répond la "gbexologie"?
concentration comme l'ewe (pour Ansre), le yoruba (pour
Nous avons déjà reconnu plus haut qu'il existe - même si on
Bamgbose, Awoyale et Awobuluyi), l'ijoide (pour Williamson),
s'en défend - un lien de dépendance entre l'environnement socio-
l'edoide (pour Elugbe), le(s) gbe (pour Capo), l'akan (pour
politique et la recherche scientifique qui s'y exerce. De ce point
Boadi et Dolphyne), le ga-dangme (pour Dakubu), le jula (pour
de vue, la "gbexologie" se veut une réponse théorique aux ques-
Coulibaly et Nikiéma), les afro-brasilérismes (pour Bolouvi),
tions concrètes que pose la situation linguistique en Afrique.
etc., ou la façon dont ils ont documenté un phénomène précis
De plusieurs études antérieures, Capo (1988) fait le point et
comme la faille tonale, la cascade tonale, l'assimilation du
dégage certaines priorités dont: l'urgence dans la produc-
ton bas, les classes nominales, l'harmonie vocalique, les pro-
tion de cartes et d'atlas linguistiques, l'identification des fron-
noms logophoriques, etc., précisément tout ce qui a servi d'input
tières de langues, une définition acceptable de la notion de
aux élaborations théoriques ailleurs (voir un échantillon des
langue individuelle compatible avec l'existence de dialectes,
publications sous "Bibliographie et références") . Récemment
un programme de description des langues africaines, l'amé-
toutefois avec Capo, on voit apparaître une préoccupation théo-
nagement linguistique tant de statut que de corpus, la recherche
rique explicite (1) ,qui reste liée à l'ancrage dans l'histoire, c'est-
orthographique, la pédagogie des langues européennes, les
à-dire tenant compte des besoins des populations africaines.
études contrastives entre langues africaines, les recherches sur
Cette théorie linguistique en construction au Cercle Linguistique
le bilinguisme et la diglossie, la comparaison entre langues
de Garome se fait désigner comme la "gbexologie".
et familles de langues, les études sur l'acquisition et le déve-
loppement du langage. En prenant en compte ces besoins
Le terme et ses antécédents
spécifiques tout en restant applicable aux autres contextes,
la gbexologie définit toute langue comme un ensemble de dia-
Le terme de "gbexologie", proposé pour la première fois par
lectes : c'est l'approche pandialectale, expression abondam-
Bada (1994) et mieux explicité dans Bada (1997) est com-
ment utilisée dans les premières années de la formulation théo-
posé comme suit:
rique (Capo, 1986; Oyebade, 1986; Celements, 1991). Elle
- gbe = terme d'origine gbe, une chaîne dialectale de l'Afrique
a pour but d'établir le degré exact de parenté entre les par-
occidentale, signifiant "langue, parler";
lers. Sa conclusion logique est la démarcation opérationnelle
- xo = forme contractée du terme grec "doxos", "doctrine,
de frontières entre les langues apparentées et leurs dialectes,
théorie" ;
c'est-à-dire une classification plus justifiable. Sa con tribu-
- logie, du terme grec "logos", 'étude, science'.
. tion majeure est de fournir des informations suffisantes sur
lesquelles on peut se fonder pour améliorer la situation confuse
Ainsi, au lieu de "gbedoxologie" qui aurait été la désigna-
actuelle en matière d'identification des langues. Son utilité pra-
tion logique, le promoteur a retenu "gbexologie" n avec deux
tique est de fournir une base objective pour le développe-
acceptions:
ment d'un système orthographique cohérent pour les dia-
a) méthodologie générale de recherche et d'études scientifiques
lectes de la même langue et l'évolution graduelle d'une supra-
des parlers du continuum gbe ;
variété pour chaque continuum dialectal.
C) On retouve la même préoccupation théorique. mais de façon plus restreinte, chez Maduka avec la phonosémantique.
(') Certains ont préconisé «gbedologie» ou «gbelogie». parce que ne comprenant pas le phénomène de l'apocope qui transforme «gbedoxologie» en gbexo-
logie» ; là n'est certainement pas ['essentiel de la discussion, le terme retenu gardant les caractéristiques francophones et <<internationales».
26 1
Rev. CAMES - Série B, vol. 00, 1998

Sciences sociales et humaines
Quelques principes de la gbexolog;e
Au niveau de quelques distinctions
Au niveau de la description linguistique
a) Langue et dialecte: face à deux parlers nettement apparentés,
au lieu de se demander lequel est langue et lequel est dia-
a) en s'attachant à décrire un parler, il faut viser à présenter une
lecte, la gbexologie préconise d'identifier les deux parlers en
anaJ-yse sensible à l'histoire ou à la dialectologie;
question comme dialectes d'une même langue. Et si chaque
b) on utilisera une approche comparative (la langue étant
langue doit pouvoir être dotée d'une forme (écrite) standard,
un ensemble de dialectes) quand bien même l'interprétation se
ce n'est pas l'existence de cette forme standard qui définit
., veut synchronique ;
une langue. Sur le plan purement technique, on peut définir un
c) aussi n'a-t-on pas recours à la méthode comparative a priori,
dialecte par rapport à une langue sur la base des innovations
mais par nécessité, pour choisir entre plusieurs hypothèses
particulières au parler qu'on désigne comme dialecte; la langue,
concurrentes celle qui a la plus grande valeur explicative. Voir
elle, étant définie par les points communs des dialectes, c'est-
Capo (1995) pour d'autres principes spécifiques à la phono-
à-dire par la possibilité de dériver les formes dialectales d'une
logie, le domaine actuellement le plus approfondi de l'appli-
forme commune.
cation de la théorie gbexologique.
b) Entités administratives et entités linguistiques: partant du
constat que presque partout dans le monde les frontières de
Au niveau de la classification linguistique
langues ou même de dialectes ne sont pas isomorphiques
a) il faut toujours penser à la pertinence linguistique d'une clas-
avec les frontières administratives, la gbexologie retient qu'il
sification qui se veut linguistique en indiquant les innova-
faut mettre en veilleuse les frontières administratives lorsqu'on
tions qui la sous-tendent;
étudie les faits culturels, et plus singulièrement les langues.
b) c'est à partir d'une étude des parlers d'une aire géographique
c) Communautés socio-culturelles et communautés linguis-
qu'on devrait identifier un continuum dialectal ou une langue
tique: même si ces deux types de commnautés se font dési-
en mettant entre parenthèses les frontières administratives;
gner parfois par les mêmes noms, on constate que très souvent
c) lorsqu'on a déjà isolé un continuum dialectal précis, la
il n'y a pas isomorphie entre les deux. C'est pourquoi dans
première démarche devrait être d'inventorier tous les par-
le cadre de la gbexologie il est soigneusement recommandé de
lers de-ce continuum; la seconde étape consisterait à décrire
garder les deux communautés distinctes en faisant recours aux
chaque parler; et alors seulement, comme troisième étape,
termes utilisés par les populations elles-mêmes (par exemple
regrouperait-on ces parlers en sections sur la base de leurs
phlanu et phlagbe, ®m® TsaA.bë et ede tsaA.bë).
degrés d'affinités, c'est-à-dire leurs histoires communes défi-
nies en termes d'innovations propres.
Conclusion partielle
Au niveau de l'orthographique
Au delà du terme de "gbexologie", c'est sur l'effort délibéré
a) la gbexologie retient que l'orthographique est une branche
de théorisation que nous voulons attirer l'attention. En effet,
distincte des sciences linguistiques, branche dans laquelle se
les idées maîtresses qui constituent la toile de fond de la gbexo-
rencontrent entre autres la phonologie, la morphologie, la syn-
logie ont été avancées, mais de façon éparse, dans plusieurs
taxe et la lexicologie;
publications antérieures, car certains faits y conduisaient iné-
b) elle n'est donc pas simplement une technique, mais elle
luctablement. Par exemple Bamgbose (1986: 28) indiquait déjà
se veut une science, avec tout ce que cela exige de sous-bas-
très clairement que certaines "obscurités" du yoruba stan-
sement théorique, de rigueur méthodologique et de dialectique;
dard perdraient de leur mystère si on se tournai t vers des
c) l'orthographique a plusieurs dimensions dont la réflexion
données dialectalesC). De même le besoin de trouver une base
sur les fonctions de l'orthographe d'une langue dans une situa-
théorique aux pratiques orthographiques a po(nté de temps à
tion concrète, l'identification-des "unités à pourvoir de gra-
autre, par exemple chez Stewart (1966) et Williamson (1975).
phèmes", le choix des graphèmes, l'établissement des règles
Ce sont ces idées qui sont en train d'être mises en cohérence
orthographiques permettant de cerner les mots, les règles de
à travers la gbexologie, qui reste une théorie à enrichir.
lecture, etc. ;
d) en gbexologie les unités à pourvoir de graphèmes rentrent
Conclusion
dans le cadre du diasystème (Crabb, 1965) et sont catégorisées
en staphonèmes, équiphonèmes, adphonèmes et néophonèmes ;
Après avoir discuté de la dialectique données - théories et
e) le fruit de l'orthographique est la construction de la néo-
montré comment les faits et situations de langues africaines
langue qui, après quelques réajustements peut devenir la forme
ont enrichi des théories linguistiques, ou même parfois contribué
supra-dialectale, standardisée et modernisée de la langue.
à leur naissance ailleurs, nous avons indiqué que des
(3) Il dit exactement ceci: «To discover (the influence of the past on the present) we need to look closely atthe dialects of Yoruba. and perhaps even some
languages closely related to Yoruba»
(4) Nous disons bien «droit à la production théorique», ce qui est différent d'une simple insertion dans un courant théorique, situation bien dénoncée par Bamgbose
(1995) qui stimatise que mettre l'accent sur la théorie est souvent interprétée comme ne pas accorder d'importance aux données.
Rev. CAMES - Série B, vol. 00, 1998
1 27

Sciences sociales et humaines
théories linguistiques peuvent naître sur le continent afri-
-1966b "The assimilated low tone in Yoruba", Lingua 16,1: 1 - 13.
-1982 "Issues in the analysis of seriai verbal construction", Journal
cain, en rendant compte du courant gbexologique. En tirant
of West African Languages 12,2: 3 - 21.
leçon de l'expérience des africanistes américains, les linguistes
-1986 Yoruba: a language in transition (= J.F. Odunjo Memorial Lectures
Africains doivent se convaincre qu'ils doivent exercer leurs
Series Nol), ed. with introd. by 0.0. Olarunji,lbadan: J.F. Odunjo
Memorial Lectures Organizing Committee.
droits à la production théorique(4) . D'ailleurs Clements
-1988 "Préface", in Capo (1988), pp: ix - xi.
(1989, 22) nous rassure:
-1995 "Three decades of African linguistics research", in A. Akinlabi
(ed.), Theoretical approaches to African linguistics (= Trends in
African
One thing we have learned is that an Afrocentric approach
Linguistics 1), Trenton: Africa World Press.
to theory construction can prove fruitful, and may continue
BENDOR·SAMUEL, JOHN (ed,) 1989 The Niger-Congo languages,
Lanham: University Press of America.
to lead to new and valid insights as our knowledge ofthe diver-
BERNARD, CLAUDE 1865 Introduction à l'étude de la médecine expéri-
sity of linguistic forms becomes broader and deeper.
mentale. , Paris.
BOADI, LAWRENCE 1968 "Sorne aspects of Akan deep syntax",
L'une des leçons qui se dégage de notre expérience est qu'une
Journal of West African Languages 5,2: 83 - 90.
approche "afrocentrique" de l'élaboration théorique peut s'avérer
BOKAMBA, E.1990 "African languages and sociolinguistic theories",
fructueuse et continuer de nous conduire vers des éclairages
Studies in the Linguistic Sciences (= Special No on the Contribution
nouveaux et significatifs, puisque notre connaissance de la
of African Linguistics to Linguistic Theories, vol.2) 20,1: 3 - 34.
BOLOUVI, L. PHILIPPE 1994 Nouveau dictionnaire étymologique afro-
diversité des formes linguistiques va s'élargissant et s'appro-
brésilien, Lomé: Presses de l'Université du Bénin.
fondissant (trad. HBC) .
BRESNAN, J. ED. 1982 The mental representation of grammatical rela-
tions, Cambridge (MA): MIT Press.
C'est cela l'accumulation du savoir pour une meilleure ges-
- et S.A. MCHOMBO 1987 Topic, pronoun, and agreement in Chichewa,
tion des connaissances au service du développement. C'est vrai
Language 63: 741 - 782.
aussi que cela passe par la constitution de banques de don-
-1994 "The lexical integrity principle: evidence from Bantu", Natural
language and linguistic theory XX
nées fiables, comme s'y attèle le Laboratoire International Gbe
CAPO, H.B.e. 1983 "1 ct U en hwe et leur place dans la reconstruction du
en ce qui concerne les parlers gbe de l'Afrique occidentale
proto-gbe", Journal of West African Languages 13,1: 3 - J8.
- 1984 "Neo-language: orthography-oriented comparative linguistics
et les créoles qui y sont afférents. C'est parce que la gbexologie
in Africa", Journal of the Linguistic Association of Nigeria 2: 83 - 88.
renferme en elle-même l'expression explicite de la dialec-
- 1986 "Vowel roundness in Gbe: a pandialectal approach", Journal of
tique collecte des données - élaboration théorique, car loin
West African Languages 16: 15 - 36; version française comme "La
labialité vocalique en gbe: une approche pandialectale", Cahiers
d'Etudes
d'être un dogme, c'est une disposition d'esprit qui embrasse une
Linguistiques (UNB) 2 (1987): 15 - 44.
vision politique de la démarche scientifique (Capo, 1984:87).0
- 1988 Renaissance du gbe, Hambourg: Buske.
- 1989 Linguistique constructive en Afrique noire, Hambourg: Buske.
- 1991 A comparative phonology of Gbe, Berlin: Foris Publications, et
Garome (Bénin): Labo Gbe (Inl.).
Remerciements
- 1995 "Terrain et théorie en linguistique: notre expérience des parlers gbe,
Afrikanistische Arbeitspapicre 41: 119 - 132.
Nous remercions tous les participants qui, par leurs ques-
CAPO, H.B.C. et M.D. BADA 1997 "Fondements théoriques et méthodo-
tions et leurs contributions ont aidé à l'amélioration du texte
logiques du Cercle Linguistique de Garome", ms. Labo Gbe (Inl.)
initial.
CHOMSKY, N. et M. HALLE 1968 The sound pattern of English, New
York: Harper et Row.
CHUMBOW, BEBAN SAMMY 1987 "Towards a language planning
Références bibliographiques
mode! for Africa", Journal of West African Languages 17,1: 5 - 22.
Clements, G.N. 1989 "African linguistics and its contributions to linguis-
AKINLABI, AKINBIYI 1992 "A two-tone analysis of Yoruba",
tic theory", Studies in the Linguistic Sciences
19,2: 3 - 39.
Research in Yoruba Language and Literature 2: 59 - 76.
-1991 "Foreward", in Capo (1991): xv - xviii.
- (ed.) 1995 Theoretical approaches to African linguistics, (= Trends in
- 1983 CV Phonology: a generative theory of the syllable, Cambridge
African Linguistics No 1), Trenton: Africa World Press.
(MA): MIT Press.
ANSRE, GILBERT 1966 "The verbid - a caveat to seriaI verbs", Journal
COULIBALY, BAKARY 1984. Lejula véhiculaire de Haute-Volta: pho-
of West African Languages 3,2: 29- 32.
nologie, morphologie, syntaxe et règles de transcription orthographique,
ARMSTRONG, ROBERT G. 1964 The study of West African
thèse de doctorat d'état (en 3 volumes), Université René-Descartes, Paris 5.
Languages, Ibadan: Ibadan University Press (2nde éd., 1967).
CRABB, D.W. 1965 Ekoid bantu languages of Ogoja, l, = West African
-1985 "The tenth vowe! in Proto-Kwa", Journal of West African
Language Monograph 4, Cambridge: West African Languages Survey, et
I.,anguages 15,1: 104 - 1la.
Ibadan: Institute of African Studies.
AWOBULUYI, OLADELE 1967 Studies in the syntax of the standard
DOLPHYNE, FLORENCE 1987 "On negating the consecutive verb in
Yoruba verb, Columbia University Ph.D. dissertation.
Akan", Journal of African Languages 17,2: 70 - 90.
- 1989 "Préface", in Capo (1989), pp. 7 -
- 1988. The Akan (Twi-Fante) language, Accra: Ghana University Press.
8.
AWOYALE, YIWOLA 1988 Complex predicates and verb serialization,
ELUGBE, BEN 1980 "Reconstructing the lenis feature in Proto-Edoid",
Lexicon Project: Working Papers 28, Cambridge, M.A.: MIT Center for
Journal of African Languages and Linguistics 2: 39 - 67.
Cognitive Science.
-1989 Comparative Edoid: Phonology and Lexicon, Port Harcourt:
BACHELARD, G. 1938 La formation de l'esprit scientifique, Paris: Vrin.
University of Port Harcourt Press.
BADA, D.M, 1994 A propos de la Renaissance du gbe du professeur
GIVÔN, T.1971. "On the verbal origin of the Bantu verb suffixes",
H.B.C. Capo, communication au Cercle d'Etudes, de Recherches et
Studies in African Linguistics 2: 145 - 164.
d'Actions Linguistiques (CERAL) du Bénin, Abomey-Calavi, mai 1994
- 1972. Studies in Chibemba and Bantu grammar (= Studies in African
(inédit).
Linguistics, supplement 3), Los Angeles, (lepartment of Linguistics,
- 1997 "De l'étude des gbe à la linguistique générale: quelques
contri-
UCLA.
butions du professeur H.B.e. Capo", Gbegb6/ Etudes Gbe / Gbe Studies
GOLDSMITH, JOHN 1976 Autosegmental phonology, M.l.T. Ph.D. dis-
0: 26 - 36.
sertation, publié par Garland Publishing, Inc., New York.
BAMGBOSE, AYO 1966a A grammar of Yoruba, Cambridge:
- 1990 "Phonological theory and African language phonology", Studies in
Cambridge University Press.
the Linguistic Sciences 20,1: 49 - 62.
28 1
Rev. CAMES - Série B, vol. 00, 1998

Sciences sociales et humaines
- 1981 English as a tone language, in Linguistics in the 1980's, ed. by
MADUKA OMEN 1988 Size and shape ideophones in Nembe: a phonose-
DL Goyvaerts, Ghent: Story-Scientia.
mantic analysis, Studies in African Linguistics 19,1: 93 - 113.
- 1989 Autosegmental and metrical phonology, Cambridge: Basil
Blackwell.
- 1989 Phonosemantic theory, University of Port Harcourt Ph.D.
thesis.
GREENBERG, J.H. 1972 "Linguistic evidence regarding Bantu origins",
MIEHE, GUDRUN 1994 "Buchbesprechug: Capo, Hounkpati B.e.,
Journal of African History 13,2: 189 - 216.
A Comparative Phonology of Gbe" , Afrika und Übersee 77,1: 139 - 143.
- 1978 How does a language acquire gender markers ?, in Universals of
NIKIÉMA, NORBERT 1992 "Théorie autosegmentale et tonologie du
Human Language, voI.3 ed. par J.H. Greenberg, 47 - 82, Stanford
jula véhiculaire du Burkina", Annales de l'Université de Ouagadougou
University Press.
(série A: Sciences humaines et sociales) 4: 125 - 169.
GRMEK, MIRKO D. 1973 Raisonnement expérimental et recherches
toxicologiques chez C. Bernard, Genève: Droz.
OYEBADE, FRANCIS O. 1986 "A pandialectal study of the Yoruba
HEINE, BERND 1968 Afrikanische Verkehrssprachen, Kain.
agentival
morpheme 'oni"', Alore 1 & 2: 1 - 18.
- et MECHTHILD REH 1984 Grammaticalization and Reanalysis in
OYELARAN, OLASOPE 1973 "Yoruba vowel harmony cooccurrence
African languages, Hamburg: Buske.
restrictions", Studies in African Linguistics 4: 155 - 182.
- et FRIEDERIKE HÜNNEMEYER 1988 "On the fate of Ewe vi
'child': the development of a diminuitive marker", Afrikanistische
PERLMUTTER, D. (ed.) 1983 Studies in relational grammar l, Chicago:
Arbeitspapiere 16: 97 - 121.
University of Chicago Press.
HOUIS, M. 1967, Aperçu sur les structures grammaticales des langues
POPPER, R. KARL 1968 The logic of scientific discovery, deuxième édi-
négro-africaines, Lyon.
tion révisée, New York: Harper et Row.
HYMAN, LARRY 1979 A reanalysis of tonal downstep, Journal of
PULLEYBLANK, D. 1986 Tone in lexical phonology, Dordrecht: Reidel.
African Languages and Linguistics 1,1: 9 - 29.
- 1985 A theory of phonological weight, Dordrecht: Foris Publications.
STEWART, JOHN 1964 The typology of the Twi tone system (with com-
"On the object relation in Bantu", Studies in Transitivity (Syntax and
ments by Paul Achachter and Wm. E. Welmers), Legon, Ghana: Institute
Semantics 15), ed. par P. Hopper et S. Thompson, 217 - 239. New York:
of African Studies.
Academic Press.
- 1966 Notes on the theory of orthographic unification, communication à
JONES, R. 1958. Africa Bibliography Series, West Africa: London.
une réunion des Experts de l'UNESCO, Bamako (Mali).
KAYE, J.D. 1988 "Government in phonology: the case of Moroccan
- 1967 "Tongue mot position' in Akan vowel harmony", Phonetica 16:
Arabic", ms. UQAM - SOAS.
185 - 204.
- J. LOWENSTAMM et J.-R. VERGNAUD 1985 "The internai structu-
- 1983 "Downstep and floating low tones in Adioukrou", Journal of
re of phonological elements: a theory of charm and government",
African Languages and Linguistics 5: 57 - 78.
Phonological Yearbook 2: 305 - 328.
-1990 "Constituent structure and government in phonology",
- 1994 "Review article: The comparative phonology of Gbe and its signifi-
Phonology 7,2: 193 - 231.
cance for that of Kwa and Volta-Congo", Journal of African Languages and
KROPP.DAKUBU, MARY·ESTHER (ed.) 1977 West African
Linguistics 16,2: 175 - 193.
Language Data Sheets, vol. 1, Legon: West African Linguistic Society.
WILLIAMS, E. 1976 "Underlying tone in Margi and Igbo", Linguistic
- 1980, West Africa~ Language Data Sheets, vol. 2, Leiden: West African
Inquiry 7: 463 - 484.
Linguistic Society and African Studies Centre.
WILLIAMSON, KAY (ed.) 1973 Benue-Congo Comparative Word List,
LADEFOGED, PETER 1964 A phonetic study of West African lan-
vol. 2, Ibadan: West African Linguistic Society.
guages, Cambridge: Cambridge University Press.
LEBEN, W. 1973 Suprasegmental phonology, M.LT. Ph.D. dissertation,
- 1975 Principles of a good orthography, ms. University of Ibadan.
Cambridge, M.A., publié par Garland Publishing, New York.
- 1984 Practical orthography in Nigeria, Ibadan: Heinemann.
LINDAU, MONA 1975 Features for vowels (= Working Papers in
- and KIYOSHI SHIMIZU (eds.) 1968 Benue-Congo Comparative Word
Phonetics 30), Los Angeles: UCLA.
List, vol. J. Ibadan: West African Linguistic Society.
Collecte des données et élaboration
Ü
While data may exist independently of any theory, the
théorique: l'exemple du linguiste
f! perception of these data is always influenced by an ideo-
ûi logy, a reflection of theoretical presuppositions. Thus one
africaniste
.a may naturally wonder the type of relationship that exists
Si les données peuvent exister de façon indépendante,
<t between data collection and theory construction. The pre-
la perception de ces données se fait toujours à travers un
sent study stems from the experience of African linguists
prisme idéologique qui n'est que le reflet de présupposés
working on African languages and shows that the rela-
théoriques. Alors se pose la question de savoir quel
tionship is dialectical by nature. More specifically it i/lus-
type de relations existe entre les données et les théories.
. trates how African language data have served as basis
La présente étude part de l'expérience de linguistes afri-
for the elaboration and/or development of already accepted
cains travaillant sur les langues africaines et montre
linguistic theories. It also indicates how "gbexology", being
que le rapport entre collecte des données et élabora-
constructed at the Linguistic Circle of Garome, manifests
tion théorique est de type dialectique. Ainsi, on illustre
itself as a theoretical response to challenges coming from
comment les données des langues africaines ont servi de
African language data and situation, with a broader scope
bases d'élaboration et/ou de développement de théo-
of application.
ries linguistiques déjà admises. On indique également
Keywords: gbexology, linguistic theory, dialectics, data
que la "gbexologie", en pleine élaboration au Cercle
collection, theory construction
Linguistique de Garome (CLG), se veut une réponse théo-
rique aux défis des données émanant de langues afri-
caines, mais avec un champ d'application plus vaste.
Mots·clés : gbexologie, théorie linguistique, dialectique,
collecte des données, élaboration théorique.
Rev. CAMES - Série 8, vol. 00, 1998
1 29