Sciences etMédecine
Les intoxications aiguës chez l'enfant à Brazzaville
EKOUYA BOWASSA G., OKO A, OKOKO A.R., MOYEN G.M.
99
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RÉSUMÉ
Les intoxications aiguës représentent un des principauxmodes d'accidents domestiques de l'enfant. Une étude épidémiologique et
clinique ayantpour but de déterminer la place des intoxicationsaiguës dans la pathologie infantile a été menée dans le service de
soinsintensifspédiatriquesdu Centre Hospitalier et Universitaire de Brazzaville.

.
Il s'est agi d'une étude rétrospective, réalisée pendant 24 mois de janvier 2005 à décembre 2006.Elle a inclus 94 enfants âgés de 0 à
76 ans.
La fréquence hospitalière est de 2,4%. L'âge moyen est de 2,2 ans (extrêmes de 3 semaines et 76 ans), les enfants de moins de 5 ans
représentaient la tranched'âge la plus concernée(85,7 %);et l'on notait une prédominance masculine (57,4%). Le pétroleest le toxique
le plus impliquédans
70 cas (74,4%). L'ingestion est le plus souvent accidentelledans 87 cas (92,5%).
Le tableau clinique est dominé par la détresse respiratoire dans 44 cas (46,8%) et le coma dans 25 cas (26,6%).
Le traitement, réalisé dans tous les cas en milieu hospitalier, a consistéen l'administration d'un antibiotique dans
75 cas (79,8%), d'un
corticoïde dans 24 cos (25,5%). Chez 70 enfants (70,6%), un diurétiquea été prescrit.
L'évolution était favorable dans 67% des cas (n =63), nous avons observé 6,4% de cas de décès (n =6).
L'importance des intoxicationsaiguës et la gravitéde celles-ci imposent des mesures de préventions primaires qui passent par le ran-
gement correct des produits toxiques.
.
Lacréation d'un centre antipoison devrait permettre d'assurer une priseen charge adéquate des cas d'ingestion de toxique.
Mots-clés: Intoxications aiguës, enfants, accident, pétrole.
ABSTRACT
The acute poisoningsconstitute one of the main domesticinjuries in children at home.An epidemiologicaland clinical study aimed at
determiningthe placeof acute poisonings in children diseasesWaS conducted in the intensive pediatriecareofthe University Hospital
at Brazzaville.
Thiswasaretrospectivestudy,carriedoutduring24monthsfromJanuary2005 toDecember2006.ltincluded94childrenagedOto 76years.
Thefrequencyofacutepoisonings is2.4%. Meanageis2.2years(range3weeksto 76years),childrenunder5yearsofageaccountedforthe

agegroupmostaffected(85. 7%),andtherewasapredominanceofmen (57.4%). Petrolwas themain toxicresponsible îoracutepoisoninqs
(74.4%). Ingestion was mostly occidental(92.5%). Theclinical picturewasdominated by respiratory distress (46.8%) and coma (26.6%).
Antibiotics were frequently used (79.8%) and corticosteroids (25.5%) os a therapeutic measure. The evolution was favo-
rable in 67% of cases; we observed 6.4% of deaths. The importance of acute poisonings and their gravity require seve-
raI primary prevention measure including toxic care. The creation of a poison control center should provide adequate core.
Keywords:acute poisoninq,chikiren, incident, petrol.
&
INTRODUCTION
hospitalisés pour une intoxication alimentaire ont été
Dans
les pays africains, les intoxications
aiguës
exclus.
représentent l'une des principales causes d'accidents chez
Les variables étudiées étaient: l'âge, le sexe, la nature
l'enfant [1,2]. Sien Europe et dans d'autres pays africains on
du toxique, les circonstances de l'intoxication, le tableau
dispose de données récentes [3,4,5], au Congo aucune autre
clinique à l'arrivée, le traitement institué et l'évolution.
étude n'a été faite après celle de 1981 [6].
Le logiciel Epi-lnfo 6.04 a permis la saisie et l'analyse des
Aussi, il nous a paru nécessaire de réaliser ce travail afin
données; le test chi-carré avec correction de Yates a été
d'évaluer la place actuelle des intoxications aiguës dans la
utilisé pour les comparaisons avec un seuil à 5%.
pathologie de l'enfant au Centre Hospitalier et Universitaire
(CHU) de Brazzaville.
Il. RESULTATS
2.1 ~pidémiologie
1. METHODOLOGIE
Au cours de la période d'étude, 94 enfants ont été
" s'est agi d'une étude descriptive à recueil rétrospectif
hospitalisés dans le service pour une ingestion de toxique
réalisée de janvier 2005 à décembre 2006. Elle a inclus les
sur un total de 3946 admissions soit une fréquence de 2,4%.
enfants de 0 à 16 ans hospitalisés dans le service de soins
Les intoxications ont intéressé 54 garçons (57,4%) et
intensifs pédiatriques du centre hospitalier et universitaire
40 filles (42,6%), l'âge moyen était de 2,2 ans (extrêmes
de Brazzaville pour une ingestion de toxique.
de 3 semaines et 16 ans). Les enfants de moins de 5 ans
Les enfants ayant ingéré un toxique mais admis dans
Auteur correspondant: Professeur Georges Marius MOYEN
un autre service de pédiatrie du même CHU et les enfants
Service de SoinsIntensifs Pédiatriques, CentreHospitalier et Universitaire
BP
32 BrazzavilleCongo,Email: moyengeorges@yahoo,(r
Rev. CAMES - Série A, Vol. 06,2008
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Sciences et Médecine
représentaientl~'tranche'd'âçe la plus touchée avec 85,1%
2.3 Evolution
des cas.
L'évolution était favorable dans 63 cas (67,0%) ; une
complication a été notée dans 23 cas (24,5%). Il s'est agi
d'une pneumopathie chez 17 enfants hospitalisés pour
/60
ingestion de pétrole ;deux (2) cas de sténose de l'œsophage
1 50
et 4 cas d'œsophagite caustique chez des enfants ayant
!
ingéré un produit caustique. Nous avons noté six (6) décès
140
(6,4%). Dans tous les cas,le décès était en rapport avec une
i
i 30
ingestion massive de pétrole.
1
1 20
,---------------
i
III. DISCUSSION
La fréquence hospitalière évaluée à 2,2% dans ce travail
est proche de celle rapportée par SYLLA [7]: 1,8%.L'ingestion
d'un produit toxique intéresse volontiers le jeune garçon de
0·2,",s
3431\\s
5-9"".
10-16ans
Ncnpréci";
moins de 5 ans. L'acquisition d'une certaine autonomie de
déplacement ainsi que l'exploration orale de ce qui l'entoure
Figure 1 : Distribution selon l'âge
au cours de cette tranche d'âge en serait l'explication la plus
probable.
Le pétrole était impliqué dans 70 cas (74,4%). Chez 1a
enfants (l0,6%), il s'agissait d'ingestion de caustique. Les
En Afrique sub-saharienne, le pétrole est Je toxique le
intoxications médicamenteuses représentaient 6,4% des cas
plus impliqué [3,4]. Sa vente libre et non conditionnée dans
(n = 6).(Tableau 1)
les stations services, sa conservation dans les bouteilles
Tableau 1: Distribution selon le toxique ingéré
d'eau minérale pouvant prêter à confusion et son usage
domestique tant en cuisine que pour l'éclairage expliquent
cette prédominance.
Toxique ingéré
n
%
Pétrole
70
74,4
La place de l'intoxication médicamenteuse est faible en
Caustiques
10
10,6
comparaison avec les études antérieures réalisées dans le
Médicaments
6
6,4
même hôpital [1,6].
Alcool
5
5,3
Les intoxications sont souvent accidentelles [3, 8], nous
Gasoil
1
1,1
avons noté 92,7% dans ce travail. Elles intéressent volontiers
Huilede frein
1
1,1
les enfants de moins de 5 ans [4,9].
Insecticide
1
1,1
La sévérité du tableau clinique est objectivée par
Total
94
100
l'importance des troubles respiratoires et neurologiques.
Ces symptômes sont les mêmes que ceux rapportés par les
Le mode d'ingestion était accidentel chez 87 enfants
auteurs africains consultés [4,7,9].
(92,5%), volontaire chez 4 adolescents dont 2 cas de
Les antibiotiques ont été largement utilisés dans notre
tentative d'autolyse. Les intoxications accidentelles étaient
série. L'utilisation systématique d'antibiotique au cours de
plus fréquentes chez les enfants âgés de moins de 5 ans (p
l'ingestion de pétrole est un fait habituel en Afrique [8].
< 0,05).(Tableau Il)
Au Mali [7J comme à Brazzaville, à défaut d'antidotes, on a
Tableau Il : Distribution selon le mode d'ingestion
recours à la diurèse forcée.
Mode d'ingestion
n
%
Accidentel
87
92,5
L'évolution est généralement favorable tel qu'observée
dans ce travail: 67,0%. Mais, la gravité des intoxications est
Volontaire
4
4,3
expliquée par l'importance des décès observés. Ce taux
Erreur médicale
2
2,1
est supérieur à celui de CHEVRET en France (l,3%) [5] et
Agression
1
1,1
inférieur aux résultats de CHITSIKE (21%) dans une unité de
Total
94
100
soins intensifs au Zimbabwe [la].
Le pétrole est à Abidjan [4] comme à Brazzaville le seul
2.2 Clinique
toxique responsable des décès. En France [5] et au Mali
A l'admission, 44 enfants présentaient une détresse
[7] par contre, les intoxications médicamenteuses sont les
respiratoire soit 46,8%, 25 enfants (26;6%) étaient dans le
premières causes de décès.
coma. La fièvre était notée dans 17 cas (18,1%).
CONCLUSION
2.3 Traitement
Les intoxications aiguës chez l'enfant sont beaucoup
Le traitement a consisté
en milieu hospitalier en
plus la conséquence d'un acte accidentel que volontaire,
l'administration d'une antibiothérapie dans 75 cas (79,8%),
Les enfants de moins de cinq ans sont les plus touchés. Le
d'un corticoïde dans 24 cas (25,5%).Chez la enfants (10,6%),
pétrole, souvent conservé dans un récipient pouvant prêter
un diurétique a été prescrit.
à confusion, en est le toxique le plus souvent incriminé.
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Sciences et Médecine
Dans la majorité des cas, l'évolution est favorable. Mais
aiguës en pédiatrie au CHU de Yopougon, Côte d'Ivoire.
des complications graves et des cas de décès peuvent être
Bull Soc Pathol Exot 1999; 92: 114 - 17.
observés.
Ainsi,
des
mesures
préventives
primaires
axées
5. CHEVRET L. Intoxications ,graves: prise en charge en
particulièrement sur les modes de conditionnement et de
réanimation pédiatrique. Arch Pediat 2004; 11 : 680 - 82.
conservation des toxiques devraient permettre de réduire la
fréquence des intoxications.
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