Sciences et Médecine
Comportement des minéraux lourds dans les faciès
arénitico-silteux du Crétacé terminal du Horst de Ndiass
mise en évidence du vannage morphométrique du disthène
El H. SOW' et R. MALOU'
1. Département de géologie, Faculté des sciences et techniques, université, CAD de Dakar.
Introduction
1980), ainsi que les échinides (LAPPARTIENT et
MONTEILLET, 1980 ; ROMAN et SORNAY, 1983)
Le bassin sédimentaire sénégalo-mauritanien se militent plus en faveur du Campanin que du
présente sous la forme d'un vaste monoclinal
Maastrichtien ;
ouvert sur l'océan Atlantique. Cette structure est
perturbée au niveau de la partie occidentale du bassin
- au Cap de Naze, les travaux de KHATIB et et.,
par des structures en horsts et grabens (horsts de
(1990) et SOW (1992) ont montré que la base de la
Ndiass et de Dakar séparés par le graben de
falaise est campanienne alors que le reste est maas-
Rufisque).
.
trichtien. Au Cap rouge et à Toubab Dialaw, l'âge
maastrichtien antérieurement attribué a été maintenu
Au niveau du'horst de Ndiass, les failles en distension
faute de marqueurs biostratigraphiques.
ont mis à l'affleurement des terrains d'âge crétacé ter-
minai, les plus anciens connus à l'affleurernent dans la
La synthèse de ces travaux permet d'attribuer à
partie occidentale du bassin. Ces.affleurements sont
l'ensemble des affleurements du Crétacé terminal du
constitués de falaises côtières allant de Yène au Cap
horst de Ndiass un âge campano-maastrichtien.
de Naze et des carrières d'exploitation de grès de
À cette époque, la partie occidentale du bassin séné-
Packy (figure 1).
galo-mauritanien correspondait· à une plate-forme
détritique à sédimentation contrôlée par l'eustatisme
Les premiers travaux sur ces affleurements datent de
(KHATIB etaI., 1990; SOW, 1992).
TESSIER qui leur attribuait un âge maastrichtien
(TESSIER, 1946, 1952, 1954; SORNAY et TESSIER,
L'analyse du cortège minéralogique lourd de len-
1949). Les attributions stratigraphiques ont été
semble des affleurements côtiers (Cap rouge, Toubab
reprises et précisées sur certains affleurements:
Dialaw et Cap de Naze) a permis de noter un compor-
tement particulier du disthène qui ne saurait s'expli-
-
à Packy, les lamellibranches et gastéropodes
quer simplement par la densité de ce minéral mais par
(TESSIER, 1954 ; LAPPARTIENT et MONTEILLET,
sa morphologie.
Méthodologie
Les faciès granulométriques sont déduits des indices
QIMdQ3 de DOEGLASS (1968). Cet auteur a utilisé
Les échantillons traités sont constitués de roches meubles,
les indices Q 1 (centile 25 %), Md (la médiane) et Q3 (le
parfois riches en oxyde de fer, ce qui a nécessité une
centile 75 %) exprimés en unités 8 pour classer les sables.
attaque à l'acide oxalique à chaud.
Les faciès de l'ensemble des dépôts se répartissent entre
Après cette opération, la fraction inférieure à 40 IJ.m a
sables moyens et argiles siIteuses.
été éliminée par tamisage sous l'eau tandis la fraction
La séparation des minéraux lourds a été faite par
supérieure à 40 IJ.m, après séchage à l'étuve à 50° C,
densimétrie en utilisant deux liqueurs denses : le
a été utilisé pour le tamisage. La granulométrie de la
bromoforme (d = 2,89) et l'iodure de méthylène
fraction inférieure à 40 IJ.m a été faite selon la méthode
(d =3,3) ; elle a porté sur trois fractions granulomé-
densimétrique de MÉRIAUX (1954).
triques: 315-160 IJ.m, 160-80 IJ.m et 80-50 IJ.m. La déter-
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99

Sciences et Médecine
mination a été faite à la loupe binoculaire et au micro-
Sur le plan qualitatif le cortège minéralogique est
scope polarisant sur des minéraux non montés au
constitué essentiellement de minéraux ubiquistes :
baume du Canada. Seules les fractions ayant subi
tourmaline sillimanite, sphène, grenat, disthène, rutile,
une double séparation (bromoforme et iodure de méthy-
zircon, ilménite, leucoxène. Certaines espèces sont
lène) ont été utilisées. Le comptage a été effectué sous
très rares. C'est le cas de la staurotide rencontrée seu-
la loupe binoculaire. Le nombre de grains comptés
lement dans quelques prélèvements du Cap rouge
a toujours atteint 200. Il a porté à la fois sur les miné-
(en pourcentage très faible) et de la topaze rencontrée
raux transparents et les minéraux opaques mais, en
dans un seul échantillon du Cap de Naze. L'hématite
tenant compte de leurs proportions relatives, on peut
et la magnétite, rencontrées dans tous les échantillons,
estimer que la précision obtenue est supérieure à celle
sont des minéraux diagénétiques formés très proba-
donnée par le comptage de 100 grains transparents car
blement lors de la latérisation fini-crétacé ou post-
les minéraux opaques ne dépassent jamais 50 % du
éocène et seront exclus de l'évaluation des pourcen-
stock.
tages des minéraux lourds présents.
En considérant que la fraction 315-160 um est quasi-
inexistante dans un bon nombre d'échantillons, que la
Les variations de 'fréquence
fraction 80-50 um renferme des grains dont la taille
des minéraux lourds
ne permet pas de les déterminer correctement sous
la loupe, nous avons retenu seulement les résultats
Le pourcentage de minéraux lourds dans la fraction
fournis par la fraction 160-80 urn qui, selon
examinée (160-80 um) est variable dans chaque faciès
PARFENOFF et al., (1970), est la plus représentative.
granulométrique. Cependant, les pourcentages maxima
Ces valeurs correspondent aux pourcentages pondé-
sont obtenus dans les faciès les plus fins (figure 2)
raux. Ils ont été calculés à partir des pourcentages
avec des valeurs plus élevées dans ces derniers.
numériques selon la méthode de RITTENHOUSE
Les variations de teneur en espèces minérales
(1943). Cet auteur a pu définir, pour chaque minéral,
reflètent les variations du pourcentage global des miné-
un coefficient hydraulique correspondant au nombre
raux lourds (figure 3). En effet, les minéraux les plus
de classes granulométriques de Wentworth entre la
lourds (ilménite, leucoxène, rutile et zircon: den-
taille du minéral et celle du quartz déposé dans les
sité comprise entre 4,25 et 4,8) présentent leurs teneurs
mêmes conditions.
les plus élevées dans les faciès les plus grossiers
La teneur en minéraux lourds et la teneur relati ve de
(figures 3a, b, c) ; les faciès fins, à pourcentage plus
chaque espèce minérale dans la fraction examinée ont
faible, présentent néanmoins un deuxième mode par-
été étudiés en fonction des faciès granulométriques.
fois assez net. Le grenat et la tourmaline (moins
denses), nettement moins fréquents que les miné-
Résultats
raux précédents, présentent la même répartition de
teneur avec, néanmoins, une bimodalité plus distincte
Minéralogie
(figures 3d et e). Le disthène (densité comprise entre
3,6 et 3,7) devient, par contre, de plus en plus fréquent
Les minéraux légers
à mesure que les faciès deviennent fins, son taux atteint
Le quartz représente 98 à 100 % des grains arénitico-
presque 90 % du cortège lourd dans les faciès silto-
silteux. Il est principalement monocristallin, le pourcen-
argileux (figure 3f). Cette évolution inverse est cer-
tage de quartz polycristallin observé dans certains échan-
tainement à l'origine de la double répartition des miné-
tillons n'atteint pas 5 %. Les feldspaths sont quasi-absents.
raux lourds constatée sur la figure 2.
Les minéraux argileux
Discussions
Ils sont représentés par la kaolinite (17 à 65 %), l'illite
(1 à 15 %) et les smectites +interstratifiés illite-smec-
Les dépôts arénitico-silteux du Campano-maastrich-
tite (33 à 89 %). Ils sont détritiques et hérités au même
tien du horst de Ndiass possèdent une très bonne matu-
titre que les minéraux non argileux associés (SOW, 1992).
rité minéralogique: 98 à 100 % de quartz monocris-
. tallin, absence de feldspaths et minéraux lourds
Les minéraux lourds
ubiquistes. Cette maturité ne permet pas de rattacher
Le pourcentage global de minéraux lourds dans les trois'
les minéraux à une provenance donnée. Ceux-ci ont
fractions examinées est très faible (0,004 à 0,50 %).
pu être maintes fois remaniés et déposés.
100
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Sciences et Médecine
La répartition des minéraux lourds dans la fraction
Références bibliographiques
examinée ne peut avoir de valeur pour préciser la nature
DOEGLASS A. J., 1968. Grain-size indices, classification and
et l' âge du matériel penrental.
environment. Sedimentology 10, p. 83-100.
Les teneurs variables des minéraux dans le même faciès
KHA TIB R., LY A., SOW E. et SARR R., 1990. Rythmes sédi-
granulométrique peuvent s'expliquer par leur dispo-
mentaires liés aux variations eustatiques globales au Campanien et au
nibilité dans le sédiment. Le premier mode observé
Maastrichtien du Sénégal. Révision stratigraphique de la série du
sur la figure 2 paraît être directement lié à l 'hydro-
Crétacé terminal du Cap de Naze. Comptes rendus Académie des
sciences. Paris, t. 311, série II, p. 1089-1095.
dynamisme du milieu de sédimentation. En effet, les
minéraux lourds présents ont une densité moyenne de
LAPPARTIENT J. R. et MONTELLET J., 1980. Le gisement
fossilifère sénonien supérieur des carrières de Paki (Sénégal).
presque 3,8. Leur équivalent hydraulique en minéraux
Bulletin Institut fondamental d'Afrique noire, Dakar, 42, série A,
légers (quartz), dans la fraction 160-80 um, est supé-
n° 3, p. 431-439.
rieure à 140 um (intervalle des sables fins et plus gros-
MERIAUX S., 1954. Contribution à l'étude de la granulométrie.
siers), ce qui correspond aux faciès granulométriques
Thèse d'État, Paris, 118 p.
les plus grossiers de nos dépôts.
PARFENOFF A., POMEROL C. et TOURENQ J., 1970. Les
Il est donc tout à fait normal que la fréquence des miné-
minéraux en grain. Méthodes d'étude et de détermination. Masson
et Cie, éditeurs; Paris (6<).
raux décroisse avec la diminution de la moyenne
granulométrique, donc dans les faciès sablo-silteux et
RITTENHOUSE G., 1943. Transportation and deposition of
heavy mineraIs. Geologîcal Society of America Bulletin, n° 12, 54,
silto-argileux. Comme nous l'avons vu plus haut, le
p. 1725-1780.
deuxième mode de la figure 2 est dû principalement
ROMAN R. et SORNAY J., 1983. Ammontes, Inocérames et
au comportement du disthène, très fréquent dans les
Echinides du Crétacé supérieur de Paki (Sénégal). Bulletin
faciès silteux et silto-argileux, en particulier au Cap
Muséum national d'histoire naturelle. Paris, série 4, 5, section C,
de Naze. Cette concentration du disthène, de densité
n° l , p. 3-23.
plus faible que celle des minéraux titanfères (ilménite,
SORNAY J. et TESSIER F., 1949. Ammonites nouvelles du
leucoxène, rutile), et du zircon, très fréquents dans les
Maastrichtien du Sénégal. Bulletin Société géologique de France,
faciès les plus grossiers, pourrait être expliquée par
XIX, p. 245-249.
son vannage par les courants en même temps que les
SOW E., 1992. Étude sédimentologique et révision chronostrati-
particules fines. Ce vannage ne saurait être densimé-
graphique du Crétacé terminal du horst de Ndiass (Sénégal occi-
dental). Thèse 3< cycle, Dakar, 145 p.
trique tel qu'il a été constaté dans l'Eocène du bassin
TESSIER F., 1946. Sur l'existence d'un niveau maastrichtien au
de Paris (in PARFENOFF et al., 1970) mais, surtout, mor-
Sénégal. Comptes rendus Académie des sciences. Paris, t. 222,
phométrique car nous constatons que la tourmaline de
p.505-506.
densité inférieure ne présente pas de telles concentrations
TESSIER F., 1952. Contribution à la stratigraphie et à la paléon-
anormales dans les mêmes faciès (figure 3e). Le disthène,
tologie de la partie ouest du Sénégal (Crétacé et Tertiaire), Thèse,
contrairement aux autres minéraux, se présente en
Marseille.
baguettes aplaties et se comporte comme les micas qui se
TESSIER F., 1954. Comptes rendus sommaires de la Société géo-
trouvent associés aux faciès fins.
logique de France, p. 25.
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Sciences et Médecine
'(1)
Les dépôts arénitico-silteux du Campano-maas-
Ü The Campano-maastrichtian arenitico-silty deposits
E trichtien du horst de Ndiass présentent une bonne
Ctl
of the 'horst de Ndiass' have a good mineralogic
~ maturité minéralogique. L'étude de la variation
'"'
ü) maturity. The study of the total content in heavy
'(1)
de la teneur globale des minéraux lourds et des
.c minerais and distinctive mineralogical species
a: différentes espèces minérales dans la fraction
oc(
variations in fraction 160-80 mm according ta gra-
160-80 urn en fonction des faciès granulométriques
nulometric facies allow ta draw following conclu-
permet de tirer les conclusions suivantes:
sions:
- les variations de teneurs dans le même faciès
- the content variation in the same granulometric
granulométrique sont liées à la disponibilité des
facies due ta the minerai disponibility in the depo-
minéraux dans le milieu de sédimentation;
sitional environment ;
-la bimodalité de répartition des minéraux dans la
- the bimodal repartition of heavy minerais in the
fraction examinée s'explique par un vannage du
investigated fraction is explained away by a win-
disthène qui se concentre dans les faciès fins,
nowing of the kyanite which concentratres in the
silto-argileux. Ce vannage est essentiellement mor-
finer facies. The winnowing is essentially morpho-
phométrique car la tournaline, de densité inférieure,
metric because the tournaline, less heavy, doesn't
ne présente pas une telle distribution.
present such distribution.
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Sciences et Médecine
Sable de plage
Beach sand
Volcanisme tertiaire el Quaternaire;
Tertiart ana quaternarv "Oicanism ;
Eocèoe moyen li Miocène
Middle Eocene 10 Miocene
Eocène inférieur Il Moyen
Lower to Middle Eocene
Eocène inférieur
Lower Eocene
~ PaléoCènesi
Paleocene s. i.
M}~;~'::}~~ Campano-Maastnchûen
c
campano-Maaslrichtian
L
~ Falle
Fautt
Figure 1 : Localisation des affleurements étudiés sur la cane géologique du Sénégal occidental.
Localisation of studied areas on the geological map of western Senegal.
0.1
0.01
Faciès graaulométriqces (indices QI-Md-Q3)
Figure 2 : Variation du pourcentage des minéraux lourds dans la fraction 160-80 um en fonction des faciès granulométriques.
Heavy minerais variations in fraction 160-80 um according to granulometrie facies.
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Figure 3 : Variation du pourcentage des principales espèces minéralogiques dans la fraction 160-80 uni en fonction
des faciès granulométriques.
Main mineralogical species variations in fraction 160-80 J.U1I acording to granulometrie facies.
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