Sciences et Médecine
Évolution des formations volcaniques birimiennes
de la partie nord de la boutonnière de
Kédougou (Sénégal oriental)
E. DIORI, J. M. BERTRAND" P. DEBAT" A. DIA', P. M. NGOM', G. ROCCP
1. Laboratoire de géologie, IFAN. Ch. A. Diop B.P. 206 Dakar/Sénégal.
2. CRPG., B.P. 20, 54501, Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex.
3. Laboratoire de pétrologie, université de Toulouse, 38, rue des Trente-Six Ponts, 31400 Toulouse.
4. Département de géologie, UCAD, Dakar/Sénégal.
5. Laboratoire de pétrologie, université de Nancy-l, BP 239, 54506 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex.
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Introduction
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o un ensemble septentrional, ou formation de Fouldé,
recouvert en discordance par la « série" de la Falémé,
LaboutonnièredeKédougou(environ15000Km2), d'âgeprotérozoïquesupérieur(BASSOT,1966);ilren-
.
située à l'extrémité occidentale du craton Ouest-
ferme
des
formations
volcaniques
porphyriques
africain, est divisée en trois ensembles Iithostrati-
basiques à acides.
graphiques (BASSOT, 1987) : le supergroupe de Mako
à l'Ouest et les supergroupes du Dialé et de Daléma à
Dans les différentes formations où les textures
l'Est (figure 1a). Les formations métavolcaniques y sont
magmatiques sont généralement bien conservées,
fortement représentées, notamment dans le supergrou-
la structure majeure correspond à une foliation
pe de Mako où des travaux récents (N'GOM, 1985 ;
orientée N 20 à fort pendage W au Nord, N 170 à fort
DIOH, 1986 ; DIA, 1988) montrent qu'elles ont un carac-
pendage E au Sud. Cette foliation est synchrone
tère essentiellement tholéiitique. Toutefois, dans la
d'un métamorphisme de faciès schiste vert, passant
partie NW de la boutonnière, dans une région délimitée
à un métamorphisme de degré plus élevé au voisi-
par les villages de Tamé, Sonfara, Laminia (figure 1b), le
nage des massifs de granitoïdes, où elle est souvent
volcanisme du supergroupe de Mako apparaît sous
orientée parallèlement aux limites des plutons.
deux formes contrastées :
L'absence de contact entre les deux complexes rend
• un ensemble méridional, ou formation de Konkoto,
les essais de chronologie impossibles. Cependant,
constitué de roches volcaniques et plutoniques
le fait qu'ils sont tous deux recoupés par les grani-
basiques à intermédiaires faiblement porphyriques, où
toïdes birimiens, datés à 2158 Ma (DIA et al., 1997),
quelques structures en pillow-Iavas ont été observées,
montre que leur mise en place est antérieure à cette
ainsi que des intercalations pyroclastiques ;
époque.
Matériels et méthodes
Résultats
Seuls les échantillons homogènes, c'est-à-dire dépourvus
d'enclaves énallogènes', ont été analysés. De même,
Pétrographie et géochimie
nous avons, autant que faire se peut, analysé les roches
de la formation de Konkoto
les plus « fraîches », en nous basant sur un critère très
simple: plus une roche du secteur d'étude est verte, plus
La formation volcanoplutonique de Konkoto, affectée
elle est altérée. Les analyses d'éléments majeurs et
par une foliation N-S à fort pendage E, est constituée,
mineurs ont été effectués par émission lCP et les élé-
pour l'essentiel, par des métabasaltes recoupés
ments en traces par lCP-MS au CRPG (Centre de
par des dykes métagabbroïques, parfois à textures
recherches pétrographiques et géochimiques) de Nancy.
doléritique.
I. Enclaves incluses dans les roches magmatiques et d'origine étrangère au magma.
Rev. CAMES.., Série A, vol. 01, 1999
43
Sciences et Médecine
Les métabasaltes
Les basaltes
On distingue les matabasaltes à texture de trempe et les
Ils présentent une texture microlitique porphyrique avec
métabasaltes dont la texture n'est plus reconnaissable.
des phénocristaux de clinopyroxène (augite) et, dans des
Les roches saines contiennent, comme principales phases
proportions plus réduites, de plagioclase complète-
minérales, des aiguilles très allongées de plagioclase
ment recristallisé en épidote, séricite, quartz. La méso-
et des amphiboles, souvent associées en rosette.
stase renferme des microlites de clinopyroxène et de pla-
gioclase, sans orientation préférentielle.
Les métagabbros
Les andésites
Ils comportent des roches à grains grossiers ou fins et
renferment des plagioclases totalement altérés, de
Elles forment des coulées de quelques centaines de mètres,
l'amphibole (hornblende ou actinote), des reliques de
de puissance associées à des faciès pyroclastiques.
pyroxènes tabulaires et des minéraux opaques.
• Les andésites en coulées, homogènes, avec peu ou pas
Les métadolérites
de clastes, ont une texture microlitique porphyrique par-
fois gloméroporphyrique. Le plagioclase (An30-50)
Elles forment des filons subparallèles à la schisto-
en lattes millimétriques, le pyroxène (augite) partiel-
sité de la roche et leur texture est ophitique. Les pla-
lement ou complètement transformé en amphibole, l' il-
gioclases, sous forme de baguettes (1 mm), avec des
ménite et le quartz forment la trame primitive de la roche.
bordures dentelées, l'amphibole (hornblende ou
L'épidote, la calcite et la chlorite sont des phases tar-
actinote) et les minéraux opaques constituent la trame
dives liées au métamorphisme et à l'altération.
primitive de la roche.
• Les andésites pyroclastiques contiennent des clastes,
Ces différents faciès, décrits par DIOH (1986) et
pouvant atteindre des dimensions décimétriques. Ces
DIA (1988), ont une composition minéralogique très
éléments, presque arrondis, se reconnaissent à leur cou-
semblable, avec des paragenèses primaires à amphibole
leur grise qui contraste avec la matrice volcanique ver-
(hornblende magnésienne) très abondante, à reliques de
dâtre. Ils comprennent des fragments de roches et de
clinopyroxène (augite) et plagioclase (An30-80)
minéraux. Les échardes, de formes diverses, sont entiè-
et des paragenèses secondaires à albite, actinote,
rement recristallisées et cernées de minéraux opaques.
chlorite, épidote et opaques.
Les plagioclasites
Le comportement de la silice et du fer dans les
Ce sont des roches de couleur brune qui apparaissent en
diagrammes de MIYASHIRO (1974) est significa-
nodules dans les andésites. Leur diamètre est variable
ti ve d'une tendance tholéiitique (figure 2). Cette
et, en général, ne dépasse pas la vingtaine de centimètres.
tendance est confirmée par l'évolution du titane et
La roche a une texture trachytique avec de rares phé-
du vanadium (figure 3). Elle se lit aussi, sur le dia-
nocristaux de plagioclase. Hormis quelques cristaux
gramme multiéléments (PEARCE, 1982) et sur les
de quartz et des grains de minéraux opaques, la roche
spectres des Terres rares, normalisés par rapport aux
est entièrement constituée de plagioclase.
chondrites où le rapport (La/Yb) N, qui varie de 0,81
à 1,32, évoque celui des TMORB. L'ensemble des don-
Les rhyolites
nées chimiques est disponible dans les travaux de DIA
Elles ont une texture microlitique porphyrique avec des
(1988) et DIOH (1995).
phénocristaux de quartz, de plagioclase (albite), de felds-
path potassique et de hornblende chloritisée. L'amphibole
Pétrographie et géochimie
est entourée d'une couronne réactionnelle, formée par
de la formation de Fouldé
l'association symplectique de quartz, calcite, chlorite et
La formation de Fouldé représente la partie septen-
opaques.
trionale de la boutonnière, en territoire sénégalais. Elle
La variation des teneurs en Si02 (50-75 %) (figure 2)
comporte plusieurs faciès, allant des basaltes aux rhyo-
de cette formation est plus grande que celle de Konkoto.
lites avec cependant une nette prédominance des
Le comportement des éléments chimiques, notamment
basaltes andésitiques. Mises à part les rhyodacites, les
l'absence d'enrichissement en FeOt au cours de la dif-
différents faciès présentent le même aspect macro-
férenciation, est compatible avec une évolution de type
scopique, caractérisé par leur couleur verte et l' exis-
calco-alcalin. Elle s'accompagne d'une diminution de
tence de phénocristaux de ferromagnésiens et de pla-
FeO (11-0,06), Ti02 (0,81-0,23) et de V (235-0). Le
gioclase.
pourcentage, relativement élevé, des phénocristaux de
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Rev. CAMES - Série A, vol. 01,1999
Sciences et Médecine
clinopyroxène dans les andésites explique les teneurs
secondaires. Enfin, ces deux complexes affleurent dans
faibles en Al203 (13 % en moyenne) et élevées en
des zones géographiquement très proches.
MgO (7 % en moyenne). L'enrichissement en Terres
À l'échelle de la boutonnière, le magmatisme calco-
rares légères par rapport aux Terres rares lourdes
alcalin se manifeste de manière contemporaine dans deux
(La/Yb) N 4-8, (La/Sm) N 1,8 - 3,3), rappelle celui
régions (Fouldé et Daléma), éloignées de plus de
des andésites orogéniques (figures 4-5). La formation
100 Km et situées de part et d'autre de la série tho-
de Fouldé présente beaucoup d'analogies avec cer-
léiitique de Mako.
taines formations volcaniques du supergroupe de la
Cette organisation spatiale pose le problème du modèle
Daléma décrites par BASSOT (1987) et BOHER
géodynamique permettant la formation simultanée des
(1987). On notera la similitude des faciès pétrogra-
différentes séries et notamment le problème de l'exis-
phiques andésitiques à dacitiques, l'existence de phé-
tence d'une zone de subduction, généralement évoquée
nocristaux (plagioclase, ferromagnésiens et plus rare-
pour expliquer la formation des séries calco-alcalines,
ment quartz), l'absence d'enrichissement en Ti02'
Dans le Birimien de l'Afrique occidentale, si les aires
V, et FeOt au cours de la différenciation, l'enrichis-
tholéiitiques basaltiques à andésitiques sont les plus
sement en Terres rares légères avec un rapport (LaIYb)
fréquentes (MILÉSI et al., 1989), elles s'accompagnent
N variant entre 7,4 et 15,6 et (La/Sm) N entre 2,5 et
souvent de formations calco-alcalines andésitiques à
3,7. Elle en diffère par la faible quantité des basaltes-
rhyolitiques précoces (complexes de la Daléma et de
andésités.
Fouldé au Sénégal oriental, de la Haute-Comoé, Yaouré
et Fétékro en Côte d'Ivoire (ALRIC et VIDAL, 1991 ;
Synthèse et discussions
FABREetMATHÉIS, 1987 ;LEMOINE, 1988), au Sud
du Mali (LIÉGEOIS et al., 1991) au Ghana (LEUBE
Dans la partie occidentale de la boutonnière de Kédougou
et al., 1990). Au Sénégal oriental, la disposition de ces
affleurent deux ensembles volcanoplutoniques, pré-
formations est difficilement explicable dans le cas d'une
sentant des caractères pétrographiques et géochimiques
subduction unique. Il faudrait évoquer non pas une, mais
distincts, tous deux antérieurs à la mise en place des gra-
deux zones de subduction, ce qui est peu probable si l'on
nitoïdes : la formation de Konkoto, essentiellement
tient compte de l'absence, sur le terrain, de stigmates
basique, avec des faciès assez homogènes et la forma-
d'une ancienne zone de subduction (métamorphisme
tion de Fouldé, riche en phénocristaux de ferro magné-
faible dans le faciès schiste vert et tectonique peu intense).
siens et dont la composition varie des termes basiques
Le modèle géodynamique, proposé par VIDAL et al.
(basaltes) aux termes acides (rhyolites). Leur étude géo-
(1996) en Haute Comoé, pourrait aussi s'appliquer à
chimique comparative (figures 2, 3, 4) met en évi-
la boutonnière de Kédougou avec, dans un premier temps,
dence les points suivants:
un empilement de basaltes tholéütiques en domaine aqua-
1. les teneurs en Si02 sont plus élevées, pour une même
tique et une ascension des granitoïdes provenant de la
valeur du rapport FeOt/MgO, dans le complexe de
fusion d'une croûte juvénile, le volcanisme calco-alcalin
Fouldé;
se mettant en place dans les fractures bordant les bassins,
à la suite d'un réajustement isostatique.
2. les concentrations en alcalins et en éléments litho-
philes sont plus élevées dans le complexe de Fouldé,
même si on assiste à une augmentation globale de leur
Références bibliographiques
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miques conduit à caractériser deux ensembles
lin de la rivière Daléma (est Sénégal) : discussion de sa significa-
distincts: la formation de Konkoto d'affinité tho-
tion géodynamique dans le cadre de l'orogénie Eburnéenne
léiitique et la formation de Fouldé de type calco-alcalin.
(Protérozoïque inférieur), Journal of African Earth Sciences,
L'allure des spectres des Terres rares normalisées, par
Vol. 6, n° I, p. 109-115.
rapport aux chondrites (figure 5), montre que les dif-
BORER M., 1987. Pétrographie et géochimie des formations de la
férences observées sont d'origine magmatique et non
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Le volcanisme de la partie nord de la boutonnière
de Kédougou est formé par deux formations: la
formation de Konkoto, au Sud, constituée de faciès
relativement homogènes et de composition basique
à intermédiaire; la formation de Fouldé, au Nord,
constituée de faciès porphyriques et de compo-
sition basique à acide. La position médiane du vol-
canisme tholéiitique de Konkoto, par rapport au vol-
canisme calco-alcalin de Fouldé, de Mako Sud
et de la Daléma, ne peut pas s'expliquer par une
subduction unique.
Mots-clés: volcanisme, calco-alcalin, tholéiite, birimien,
boutonnière de Kédougou.
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Figure la : Esquisse géologique de la boutonnière de Kédougou (d'après BASSOT, 1987 modifiée). 1 : volcano-plutonisrne ultrabasique et
basique. 2 : volcano-plutonisme andésitique. 3 : volcano-sédimentaire et sédimentaire. 4 : granitoïdes.
5 : formations du Protérozoïque supérieur,
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Figure 2: Variation de la silice et du fer en fonction de FeOt/MgO (MIYASHIRO, 1974). Formations volcaniques de Konkoto (points) ;
formations volcaniques de Fouldé (ronds vides).
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formations volcaniques de Fouldé (ronds vides).
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Figure 4 : Spectres multiéléments d'après PEARCE (1982) des formations tholéiitiques de Konkoto (points)
et calco-alcalines de Fouldé (ronds).
Roches volcaniques
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Figure 5 : Spectres des Terres rares normalisées par rapport aux chondrites.
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